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UNIVERSITE DE NANTES Master 1 Politiques et Société en Europe FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE Année 2014 – 2015 OPHELIE POPILLE « L’Open Data en Pays de Loire : genèse et développement » Promesses et impacts de l’ouverture des données sur le territoire nantais Sous la direction de Renaud EPSTEIN Maître de Conférences en Science Politique JURY Renaud EPSTEIN, Maître de Conférences en Science Politique Goulven BOUDIC, Maître de Conférences en Science Politique

Ophélie Popille: Les promesses et impacts de l'ouverture des données sur le territoire nantais

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UNIVERSITE  DE  NANTES                                                                                                                                                            Master  1  Politiques  et  Société  en  Europe  FACULTE  DE  DROIT  ET  DE  SCIENCE  POLITIQUE                                                                                                                                              Année  2014  –  2015    

   

OPHELIE  POPILLE  

«   L’Open   Data   en   Pays   de   Loire   :   genèse   et  développement  »  Promesses   et   impacts   de   l’ouverture   des   données   sur   le  territoire  nantais  

Sous  la  direction  de  Renaud  EPSTEIN  Maître  de  Conférences  en  Science  Politique  

JURY  

Renaud  EPSTEIN,  Maître  de  Conférences  en  Science  Politique    Goulven  BOUDIC,  Maître  de  Conférences  en  Science  Politique  

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REMERCIEMENTS

Je souhaiterais remercier tout d’abord M. Renaud Epstein, qui en tant que directeur de

mémoire a pu me guider et me conseiller pour la rédaction de ce mémoire.

Mes remerciements s’adressent ensuite à Claire Gallon, Bastien Kerspern, Mounir

Belhamiti et Hervé Jaigu, que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors d’entretiens et qui m’ont

communiqué de précieuses informations pour l’élaboration de ce mémoire ainsi que des

documents qui m’ont été d’une grande aide.

Enfin, je voudrais adresser mes remerciements à l’équipe enseignante de l’université de

Nantes et en particulier à Marion Pineau pour ses cours de méthodologie particulièrement utiles.

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SOMMAIRE

Introduction

Première partie : Une politique d’Open Data « à la nantaise » porteuse

d’espoirs

Chapitre 1 : La genèse du projet, définition des objectifs et mise à l’agenda

Chapitre 2 : Le déroulement de l’ouverture des données à Nantes

Chapitre 3 : Et ailleurs ? L’Open Data dans d’autres villes de France

Deuxième partie : Après le lancement, mesurer les impacts

Chapitre 1 : Quatre ans après, un écosystème développé autour des données

Chapitre 2 : Un bilan à nuancer

Conclusion

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DEFINIT IONS

Cantine numérique

Les lieux appelés Cantines Numériques font partie d’un réseau plus large, le réseau des cantines

et des lieux associés. Ces endroits, aujourd’hui au nombre de 16 sur le territoire français, sont

des espaces dédiés aux acteurs de l’innovation et de l’économie numérique qui sont invités à s’y

rencontrer, à la fois dans les espaces de coworking mais aussi lors d’évènements organisés. Ces

lieux sont rapidement devenus acteurs dans les démarches d’ouverture des données puisqu’ils

abritent des viviers de professionnels et amateurs du numérique.

Cluster Aussi appelés pôles de compétitivité, les clusters sont des regroupements de plusieurs acteurs –

entreprises, chercheurs, associations, médias – qui sont réunis autour d’un domaine de travail

particulier. Concentrés sur une zone géographique particulière, ces regroupements d’acteurs

permettent le partage de connaissances et de compétences que l’on ne trouve pas en dehors de ce

type de structures.

Coworking

Le coworking est un concept venu des Etats-Unis et qui a pris place notamment dans les

Cantines Numériques en France. Ce système permet à des professionnels – le plus souvent dans

le domaine du numérique – de venir s’installer dans un espace partagé par d’autres

professionnels afin d’échanger et de faire des rencontres tout en offrant un nouvel espace de

travail qui n’est ni le domicile, ni le bureau. L’argument « choc » presque systématiquement

utilisé pour attirer les individus reste l’approvisionnement en cafés gratuits.

Datalab

Un Datalab est construit sur le modèle de l’Infolab, tout en étant plus spécifié encore dans les

données ouvertes. Constitué d’un réseau d’individus (chercheurs, citoyens, entrepreneurs,

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associations, collectivités, ...) il organise des évènements centrés sur l’Open Data, met en œuvre

des projets ainsi que des formations.

Datajournalisme Le datajournalisme, ou journalisme de données, est l’une des nouvelles pratiques ayant émergé

avec l’ouverture des données. En se basant sur les données publiées et notamment celles mises

en ligne par les services publics lors des démarches d’Open Data, le journalisme de données

construit des visualisations qui rendent les données beaucoup plus lisibles et compréhensibles

pour le lecteur. Ce processus, appelé « dataviz » permet ainsi de produire de nouveaux types de

visualisations basées sur l’esthétique et le graphisme, comme par exemple des infographies.

Hackathon Un Hackathon dure le plus souvent le temps d’un weekend et réunit des développeurs, des

graphistes et d’autres professionnels du numérique qui réutilisent les données ouvertes afin de

produire un contenu informatique (souvent des applications ou des prototypes) dans le temps

imparti.

Hyblab

Il s’agit d’un atelier collaboratif, organisé par le cluster Ouest Médialab, qui rassemble des

professionnels ou étudiants de l’informatique, du journalisme et de la communication autour

d’un thème afin de créer des projets innovants autour du datajournalisme.

Infolab

L’Infolab est une organisation collaborative qui réunit des acteurs du numérique. Son objectif est

de jouer le rôle de médiateur avec les citoyens et de les aider à comprendre les données, les

manipuler et les explorer. Pour mener ces objectifs, les Infolabs animent des évènements autour

du numérique destinés à tous les publics.

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Jeu de données

Les données publiées sont regroupées en jeu de données, souvent par thèmes (environnement,

culture, mobilité, ...). Elles sont ainsi structurées et plus facilement lisibles par le public, ce qui

entraîne par ailleurs une meilleure aisance pour la réutilisation.

Start-up / startupers

Une start-up désigne une jeune entreprise dont l’activité est le plus souvent tournée vers des

secteurs du numérique, ou de l’innovation. Construites récemment, elles commencent tout juste à

se développer économiquement. Par conséquent, le terme de startupers désigne les fondateurs de

ces entreprises. Par ailleurs, ces derniers sont souvent de jeunes individus au sortir des études

supérieures.

Web sémantique

Il s’agit d’un mouvement collectif autour du domaine du web qui consiste à utiliser des données

déjà présentes sur le web (comme les données ouvertes) et à les mettre en relation afin de faire

émerger de nouvelles connaissances et de nouveaux usages sur Internet.

Workshop

Un workshop est une réunion de différents acteurs d’un même domaine qui se rencontrent autour

d’un sujet afin d’échanger des savoir-faire et des connaissances liés à cette thématique. Cela

permet ainsi d’enrichir les points de vue et les pratiques de chacun tout en créant potentiellement

de nouveaux usages.

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INTRODUCTION

Protection de l’environnement, concurrence économique, règlement de problèmes

sociaux, autant de promesses qu’apporte avec lui le processus d’ouverture des données qui a

court depuis quelques années à l’échelle internationale. Si ces objectifs apparaissent encore

abstraits et lointains, l’Open Data, lui, est désormais bien ancré dans la politique, à l’échelle

mondiale, nationale ou même locale. En effet, les villes et collectivités se sont emparées du sujet

pour en faire une politique phare de développement et les démarches commencent à émerger sur

les territoires. La France notamment compte plusieurs villes très dynamiques en matière de

données ouvertes et le phénomène ne semble pas s’arrêter de prospérer. Loin des objectifs

quelque peu utopiques cités plus haut, le niveau local s’est approprié l’Open Data en y fondant

ses propres aspirations. C’est le cas, parmi d’autres, de la ville de Nantes qui s’est lancée dans le

projet. Si cette étude lui est dédiée, il faut auparavant effectuer un tour d’horizon sur le

phénomène de l’ouverture des données.

Qu’est-ce que l’Open Data ?

L’ouverture des données consiste en la publication de données numériques ouvertes à

tous et libérées de toutes restrictions. La réutilisation de ces données doit également être

totalement possible. Lorsqu’elle touche au champ de la politique, la donnée ouverte est une

donnée produite par une administration dans le cadre de son travail (il peut donc être question de

textes, de statistiques, de cartes, ...) et qui est ensuite publiée sur internet via un portail dédié à la

ville ou à la région détentrice de cette donnée. Afin d’être considérée comme ouverte, une

donnée doit préalablement remplir plusieurs critères, établis lors de la rencontre en 2007 à

Sébastopol (Californie) de plusieurs personnalités éminentes du domaine du web, sur laquelle

nous nous arrêterons plus en détails par la suite. Ces critères ont donc été publiés sous la forme

d’une déclaration sur le site internet opengovdata.org1 et sont au nombre de huit.

1 Opengovdata, « The annotated 8 principles of Open Government Data » in Opengovdata, En ligne < http://opengovdata.org >, consulté le

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• D’abord, la donnée doit être complète ; l’ouverture doit donc concerner toutes les données, à

l’exception de celles pouvant menacer la sécurité de l’Etat ou la vie privée d’individus dans le

cadre de données non anonymes.

• Ensuite, une donnée ouverte doit également être « brute », c’est-à-dire qu’elle ne doit pas

avoir été transformée avant d’être mise en ligne. Les données peuvent être mise en forme de

manière plus esthétique lorsqu’elles sont publiées, mais elles doivent alors toujours être

présentes en même temps sous leur forme non travaillée.

• La vitesse de publication fait aussi partie des critères : une donnée doit donc être mise en ligne

le plus rapidement possible après sa production, afin de ne pas en altérer la valeur. Un critère

d’autant plus important que le domaine du numérique, terrain dédié à l’Open Data, est un

champ où la rapidité est primordiale.

• Une donnée accessible, c’est le quatrième critère définissant la donnée ouverte : l’accès pour

tous et ce pour n’importe quel usage, qui implique une certaine vigilance quant à la forme et

aux canaux utilisés pour diffuser ces données. Il faut donc prendre en compte certains

obstacles qui pourraient empêcher des catégories d’utilisateurs d’accéder aux données et

essayer au maximum de contourner ces obstacles.

• Les données doivent être structurées afin de faciliter le plus possible leur utilisation.

• L’accès pour tous, sans aucune « discrimination » est également un critère important. Il est

mentionné que les données doivent être accessibles sans inscription préalable et que cet accès

peut se faire à partir de canaux anonymes.

• L’exigence d’un format ouvert, en opposition à un format propriétaire. Cela signifie que le

format sous lequel est publiée la donnée se doit d’être totalement libre, sans qu’aucune

disposition légale – telles que les brevets, le copyright ou les droits d’auteurs – ne puisse

empêcher ou compliquer sa consultation et sa réutilisation.

• Enfin, le dernier critère lui aussi primordial rejoint le précédent sur la question de la licence

libre. Il est là aussi question de copyright et de droits d’auteurs, car ce critère veut que la

donnée ouverte n’y soit pas soumise. Cependant, c’est aussi un critère sujet à quelques

exceptions, certaines données étant difficiles à classer de par leur caractère gouvernemental.

Ces critères fondent donc un cadre rigoureux pour définir la donnée ouverte. Sur ce modèle se

sont ensuite construits les portails des différentes villes et régions ayant décidé d’ouvrir leurs

données. Il s’agit ici d’une définition plutôt technique du sujet mais qui paraît nécessaire avant

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de débuter le propos. Par ailleurs, un retour sur l’histoire des données ouvertes peu paraître

intéressante afin de mieux en comprendre les implications aujourd’hui, dans le cadre de cette

étude.

L’histoire de l’ouverture des données

Si l’idée d’une ouverture des données publiques en lien avec l’outil numérique est assez

récente, la notion de transparence et de partage des données administratives l’est moins. Ce sont

des concepts qui ont toujours été plus ou moins au cœur des préoccupations politiques. S’il faut

remonter le cours de l’histoire afin d’en trouver les premières émergences, il est possible de citer

la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui déjà en 1789 énonçait à l’article 15 que

« la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »2. Un

article qui pourrait donc faire office de « pionnier » de l’ouverture des données malgré son

caractère anachronique. Pourtant, le mouvement Open Data d’aujourd’hui trouve bel et bien des

ramifications dans les notions de l’époque. Pour se rapprocher un peu plus de notre époque, c’est

après la Seconde Guerre Mondiale qu’apparaît la notion d’Open Government et en 1966, le

Freedom of Information Act3 (FOIA), loi promulguée sous la présidence de Lyndon B. Johnson

aux Etats-Unis. Elle énonce que n’importe quel citoyen, peu importe sa nationalité, a le droit de

réclamer aux agences fédérales la transmission de documents produits par elles, à l’exception de

documents protégés par certaines conditions. Une dynamique d’après-guerre très anglo-saxonne

donc, mais la France n’est pour autant pas en reste, puisqu’on y trouve la loi n°78-753 du 17

Juillet 1978 dont l’objet est notamment « l’amélioration des relations entre l’administration et le

public »4. Il s’agit là d’une loi clé pour l’ouverture des données en France et elle fait naître avec

2 Gouvernement français, « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 » in Legifrance, En ligne < http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789 >, consulté le 12 Avril 2015 3 United States Department of Justice, « What is FOIA ? » in FOIA, En ligne < http://www.foia.gov >, consulté le

12 Avril 2015 4 Gouvernement français, « Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal » in Legifrance, En ligne < http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000339241 >, consulté le 12 Avril 2015

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elle la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA)5. Cette commission, en

parallèle avec la loi, est considérée comme l’équivalent français du Freedom of Information Act

américain. La CADA est donc chargée de surveiller le bon respect de la loi du 17 Juillet 1978 :

un citoyen auquel on refuse l’accès à certains documents peut ainsi saisir la commission qui rend

sa décision selon que le document peut effectivement être communiqué ou non. Il s’agit donc

d’un levier d’accès à l’information pour les citoyens, mais les administrations elles-mêmes

peuvent également se tourner vers la commission pour obtenir des renseignements quant à la

diffusion de leurs documents. Les différents cadres législatifs de nombreux pays ont donc pensé

depuis longtemps l’ouverture des données et l’accès pour tous aux documents administratifs. À

cette époque, il n’est bien sur pas question d’Open Data mais les germes sont déjà présents.

L’intérêt pour cette ouverture des données refait surface quelques décennies plus tard, soulevant

de nouvelles logiques avec lui. En effet, l’attrait de cette ouverture ne réside plus seulement dans

le souci de transparence qui anime les responsables politiques et les citoyens. Désormais, on voit

dans ce processus un enjeu économique qui s’insinue lentement.

Le phénomène reprend ainsi de l’ampleur aux Etats-Unis dans les années 2000 et tout se

joue autour des élections présidentielles de 2009. En 2008, à Sébastopol en Californie se

réunissent différents acteurs et militants de l’open government. Cette réunion, initiée par Tim

O’Reilly6, convoque donc un groupe dont l’objectif est de définir l’open data et de le faire entrer

dans les programmes politiques des candidats à la présidentielle. Une liste de critères est

également établie, qui permet de mieux définir les contours de ce que sont les données ouvertes.

C’est donc à ce moment charnière que se joue l’entrée de l’Open Data dans le domaine de la

politique. L’arrivée au pouvoir de Barack Obama va permettre à la démarche de s’accélérer,

puisqu’il fait du gouvernement ouvert l’une de ses priorités. Dès son premier jour, il signe en

effet le Memorandum on Transparency and Open Government7, qui promeut une transparence

accrue de la part des administrations fédérales et une meilleure accessibilité des données pour les

5 Gouvernement français, « Cada : Commission d’Accès aux Documents Administratifs » in CADA, En ligne < http://www.cada.fr/le-role-de-la-cada,6077.html >, consulté le 12 Avril 2015 6 Irlandais émigré aux Etats-Unis, Tim O’Reilly est considéré comme l’un des acteurs majeurs du web et est l’auteur de plusieurs ouvrages clés dans ce domaine 7 The White House, « Memorandum for the heads of Executive Departments and Agencies » in Transparency and Open Government, En ligne < https://www.whitehouse.gov/the_press_office/TransparencyandOpenGovernment/ >, consulté le 13 Avril 2015

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citoyens. En Décembre 2009 est ensuite publiée une directive à propos du gouvernement ouvert,

qui exige envers les agences fédérales de plus en plus de données mises en ligne et de meilleure

qualité. Le dernier grand pas a été franchit en 2011, lors de l’élaboration de l’Open Government

Partnership. La création de cette organisation représente une étape décisive dans le processus

d’ouverture des données au niveau mondial. L’OGP est une organisation créée à l’initiative des

Etats-Unis, dont la participation s’est étendue à 65 pays à travers le monde. D’abord au nombre

de huit, les Etats fondateurs se sont réunis afin d’en déterminer les objectifs, les critères et les

actions à mener. La direction de l’organisation est prise en charge de façon collective, par un

comité réélu chaque année et composé de 22 membres ; 11 représentants gouvernementaux et 11

représentants des citoyens. La présidence, renouvelée elle aussi tous les ans, est assurée par un

pays élu par le comité. Actuellement, le Mexique se trouve à la tête de l’organisation jusqu’aux

prochaines élections d’Octobre 2015. Les gouvernements désireux d’intégrer l’organisation

doivent au préalable remplir certains critères : une transparence fiscale, un accès public garantit

aux documents, une transparence au sujet des revenus des élus et des dirigeants ainsi qu’un

engagement de la part des citoyens. Chaque critère rempli permet aux pays d’obtenir un certain

nombre de points et ceux-ci deviennent éligibles dès l’instant ou 75% des critères sont atteints.

Chaque pays participant se doit ensuite d’établir un plan d’action en collaboration avec la société

civile et sur une durée de deux ans, en y faisant apparaître des axes de travail menés dans

l’optique du gouvernement ouvert.

Si l’initiative a été lancée en Septembre 2011, ce n’est que quelques années plus tard, en

Avril 2014, que la France a rejoint ce projet et son premier plan d’action est actuellement en

marche. Bien sûr, le processus d’ouverture des données sur le territoire français a débuté bien

avant, mais l’adhésion à l’OGP a apporté avec elle l’espoir de voir un engagement accru en

direction du gouvernement ouvert. Par ailleurs, la création de la mission Etalab a contribué à

l’institutionnalisation de l’ouverture des données. Rattachée au Secrétariat général pour la

modernisation de l’action publique et placée sous l’autorité du Premier Ministre lui-même, elle

se charge de la mise en place de l’Open Data à l’échelle nationale. Ses missions diverses ont

toutes pour objectif d’accompagner la démarche d’ouverture auprès de tous les milieux : qu’il

s’agisse de l’aspect économique ou de publics tels que les chercheurs ou les réutilisateurs, Etalab

représente donc l’interface incontournable de l’Open Data français. À une échelle plus locale,

c’est la ville de Rennes qui a ouvert la voie à l’Open Data en lançant son portail dès 2010.

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Pionnière sur le territoire, la ville a rapidement inspiré d’autres collectivités à faire de même,

c’est d’ailleurs la ville de Nantes qui sera la prochaine à ouvrir ses données.

Actualité du sujet

Le processus de l’ouverture des données s’est engagé il y a maintenant quelques années

sur le territoire français et la période actuelle peut être considérée comme une période de

stabilisation. Après le temps des innovations vient en effet celui de l’observation des résultats.

Un certain nombre de chercheurs se penche sur la question des résultats que l’ouverture des

données a pu apporter. Particulièrement à Nantes, 2015 est l’année de lancement du second

programme d’ouverture des données, le premier ayant été lancé en Février 2011. Il est temps de

faire le bilan sur les mois écoulés et d’en tirer les leçons afin de définir les axes à adopter par la

suite. Nantes n’échappe donc pas au processus d’évaluation de la démarche. La collectivité a en

effet commandé en 2014 une évaluation auprès d’un cabinet, afin de faire le point sur son

processus d’ouverture des données et pour mieux cibler les prochaines actions à mener dans le

cadre du prochain programme d’action. Par ailleurs, l’actualité autour de l’ouverture des données

et du numérique en général est d’autant plus dynamique que la ville de Nantes s’apprête à

recevoir durant la première semaine de Juin le festival Web2Day. Ce festival presque

incontournable pour les acteurs du numérique soulève des questions liées à l’Open Data et fait

intervenir de nombreux protagonistes. De plus, la ville est aussi sur le point d’accueillir le

Climate Change Challenge, un concours auquel participent aussi les villes de Paris, Lyon et

Toulouse et son objectif est de faire réfléchir à des outils utilisant les données ouvertes afin de

trouver des solutions au réchauffement climatique. Une actualité dense pour la ville de Nantes,

donc, qui crée ainsi une véritable dynamique autour de l’ouverture des données.

Limites du sujet

Le sujet de l’ouverture des données comprend des limites, induites à la fois par sa vaste

définition mais aussi par d’autres facteurs. Tout d’abord, comme nous l’avons vu avec la

définition du sujet, l’Open Data concerne plusieurs domaines de compétences assez vastes : qu’il

s’agisse de la sphère juridique, technique ou politique, ce sont trois champs très larges qui

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seraient trop longs à développer en intégralité au sein d’une étude telle que celle qui suit. Il faut

donc se concentrer sur un aspect unique du sujet afin de pouvoir rentrer plus en détails dans son

étude. C’est pourquoi ici, le sujet sera observé au travers du prisme politique : il s’agira en effet

d’étudier l’émergence de l’Open Data en tant que politique publique, avec les discours qui lui

ont été attachés et les résultats obtenus après quelques mois d’application. Outre la dimension du

sujet, il faut aussi le limiter à un certain espace géographique. Car si l’ouverture des données et,

plus généralement, la gouvernance ouverte est une problématique présente dans de nombreux

pays dans le monde, il n’est évidemment pas possible de faire un tour d’horizon international.

Même en France, le mouvement Open Data n’est plus circonscrit à une poignée de villes et

prend de plus en plus d’ampleur. Si l’Ouest de la France possède une certaine culture de

l’ouverture des données, c’est vers la ville de Nantes et ses collectivités que se tournera l’étude.

En effet, Nantes se trouve à un moment charnière en ce qui concerne l’Open Data : sa politique a

été mise en place il y quelques années et peut aujourd’hui se prêter à un bilan, d’autant plus que

la dynamique autour des données ouvertes persiste. Même si Nantes n’est pas pionnière en

matière d’ouverture des données, puisque Rennes l’a précédée dans sa démarche, elle n’en est

pas moins un territoire emblématique du phénomène en France. En ce qui concerne la

délimitation temporelle du sujet, elle s’est faite naturellement. En effet, nous commencerons par

étudier l’origine du projet pour finir par un état des lieux de la situation actuelle. Nous pourrons

donc nous pencher sur l’ensemble du projet, sans limite de temps.

État de la question au plan théorique

Les recherches sur l’Open Data composent une littérature assez dense dans le monde

anglo-saxon notamment. Berceau du phénomène, les Etats-Unis comptent de nombreux

chercheurs à ce sujet. En France, la littérature est peut-être moins fournie, même s’il s’agit d’un

sujet qui intéresse de plus en plus. Parmi les ouvrages marquants dans le paysage français de

l’Open Data, il faut compter sur ceux de Simon Chignard8, qui a en effet publié deux livres, dont

8 Diplômé de Télécom École de Management, Simon Chignard est aussi l’auteur d’ouvrages importants à propos de l’Open Data, le Data Editor de la plateforme data.gouv.fr pour la mission Etalab et le vice-président de la Cantine Numérique de Rennes. Considéré comme spécialiste, il intervient souvent au sujet des données ouvertes.

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le premier, Open Data : Comprendre l’ouverture des données publiques9, propose une explication

complète de l’ouverture des données avec les enjeux, les impacts et les limites que le processus

comporte. Premier ouvrage français sur le sujet, il représente donc un texte clé. Son second

ouvrage10, en collaboration avec Louis-David Benyayer11, observe les impacts de l’ouverture des

données à travers le prisme économique. Le nombre d’ouvrages comme celui-ci en France est

très réduit, mais la documentation est plus fructueuse lorsqu’il est question d’articles. Plusieurs

revues spécialisées alimentent régulièrement la documentation sur le sujet, telles que les revues

Les cahiers du numérique, Les enjeux de l’Information et de la Communication ou encore

Documentaliste – Sciences de l’information. La revue Place Publique, plus centrée sur la région

de Nantes, a également traité de ce sujet au détour de quelques numéros.

Méthodologie

Afin de conduire cette recherche et amener une réponse à la problématique, nous avons

établi une bibliographie composée d’ouvrages et d’articles scientifiques sur le sujet de

l’ouverture des données publiques. Ce corpus a permis de relever des concepts et notions

attachés à l’Open Data et qui représentent ainsi une base de travail pour l’étude de ce processus.

Si tous les ouvrages présents dans la bibliographie ne sont pas cités dans le corps du mémoire, ils

n’en ont pas été moins essentiels à la construction de la réflexion qui suit. À ces lectures se sont

ajoutés des entretiens conduits auprès d’acteurs locaux. Ces rencontres ont étayé les éléments

recueillis dans la littérature et ont confronté les notions au domaine empirique. Cependant, il faut

souligner une difficulté certaine à accéder au terrain de recherche lorsqu’il touche aux acteurs

politiques. Sur un nombre important de sollicitations, très peu ont reçu une réponse. Le choix a

été donc fait de réduire ce nombre d’entretiens, d’autant plus que les informations récoltées lors

de ces rencontres étaient très denses et avaient beaucoup tendance à se recouper entre elles. Par

ailleurs, les différents acteurs interrogés représentent tout de même les différentes dimensions de

l’Open Data, à la fois sous son appréhension politique, sous la dimension du monde associatif et

9 Simon Chignard, Open Data : Comprendre l’ouverture des données publiques, Limoges, Éditions FYP, collection « Entreprendre », 2012, 192 pages. 10 Simon Chignard, Louis-David Benyayer, Datanomics : Les nouveaux business models des données, Limoges, Éditions FYP, collection « Entreprendre – Développement professionnel », 2015, 160 pages. 11 Louis-David Benyayer, diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Paris est aussi docteur en sciences de gestion. Chercheur à l’ICD Business School, il fait également partie de la mission Etalab en tant qu’expert.

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du mouvement citoyen et également du point de vue plus technique d’un individus ayant une

pratique de manipulation des données ouvertes. Ce panel a donc permis, en complément des

éléments bibliographiques, d’étayer l’argument qui va suivre.

Problématique

Après avoir effectué des recherches et rencontrés des acteurs locaux du domaine du

numérique et de l’ouverture des données, il apparaît clair que le sujet de l’Open Data pose

aujourd’hui beaucoup de questions. Il existe maintenant depuis quelques années et peut donc se

prêter à une première évaluation, même s’il reste un sujet relativement récent. L’ambition de

cette étude n’est pas de juger de l’utilité ou de l’efficacité d’une telle politique. Le propos sera

plutôt d’étudier les apports de l’Open Data sur un territoire bien particulier, celui de la ville de

Nantes. La genèse et le développement du projet d’ouverture des données étaient des processus

porteurs d’espoirs, de promesses. Après avoir connu un certain essor, la situation aujourd’hui

stabilisée doit pouvoir démontrer si, oui ou non, ces promesses ont été tenues. Quels ont été les

impacts de l’ouverture des données sur la ville de Nantes ? Quels écarts peut-on trouver entre les

promesses faites lors du déploiement de la politique et la situation actuelle ? C’est à cette

question que nous tenterons de répondre dans l’étude qui suit.

Plan

Afin de confronter les hypothèses et d’en tirer les conclusions appropriées, l’argument se

déroulera en deux grands chapitres. Au sein du premier chapitre, nous étudierons le processus

d’ouverture des données tel qu’il s’est déroulé sur le territoire nantais. En se penchant sur la

genèse du projet, d’abord, avec une étude approfondie des objectifs attachés au projet et des

acteurs qui y ont participé. Cela permettra d’observer les différents récits qui ont accompagné le

développement du projet. Ensuite, en reprenant la chronologie de l’ouverture des données, à la

fois pour la ville de Nantes mais aussi pour Nantes Métropole. En effet, bien qu’étroitement liés,

les deux projets ont connu des débuts différenciés. Avant de passer au second chapitre, il sera

intéressant de faire un état des lieux de la démarche Open Data à travers quelques autres villes

de France. Le second chapitre, lui, se concentrera sur les impacts que l’ouverture des données a

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pu avoir sur le territoire. Un tel processus porte en lui de nombreuses promesses, mais qu’en est-

il plusieurs mois après sa mise en place ? Qu’est-ce qu’a apporté l’Open Data, en terme

d’économie et de citoyenneté ? Ce sont les deux axes sélectionnés pour étudier cet impact, car

une étude des effets en interne des collectivités n’a pas été réalisable, en raison d’un terrain

difficile d’accès.

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PREMIERE PARTIE : UNE POLIT IQUE D’OPEN DATA « A LA

NANTAISE » PORTEUSE D’ESPOIRS

Chapitre 1 : La genèse du projet, définition des objectifs et mise à l’agenda

C’est en Février 2011 que la ville de Nantes et Nantes Métropole ont décidé d’ouvrir leur

portail commun dédié à la publication des données ; le site data.nantes.fr est donc actif depuis

maintenant plus de quatre ans. La mise en place de l’ouverture des données dans la ville de

Rennes a agit comme un accélérateur du processus nantais. En effet, si Nantes reste l’une des

villes pionnières en matière d’Open Data, elle n’en est pas pour autant la première. Le 1er Juin

2010, la capitale administrative de la Bretagne devient la première collectivité à ouvrir ses

données et est aujourd’hui l’une des mieux placées sur la carte des données ouvertes : avec 209

jeux de données ouvertes, elle est seulement devancée par La Rochelle. Si Nantes est encore loin

derrière en terme de quantités, avec 43 jeux de données, sa politique d’ouverture des données est

elle très développée et l’activité autour de ce domaine depuis 2011 est de plus en plus intense.

Afin de mieux saisir la politique d’Open Data telle qu’elle a été menée à Nantes, il est

intéressant d’en étudier la genèse ainsi que les différents acteurs qui ont contribué à son

développement, avant de se pencher plus en détail sur le déroulement de ce processus. Car même

s’il s’agit d’une démarche basée sur le numérique, domaine de la rapidité par excellence,

l’ouverture ne s’est pas faite en un jour et il a fallu plusieurs années pour que les différentes

composantes du projet soient mises en place. Par ailleurs, il peut être intéressant de se prêter à

l’exercice d’un tour d’horizon de quelques autres villes de France qui pratiquent l’Open Data,

tant ces démarches sont liées en conservant des également des particularismes géographiques.

18

I . Pourquoi ouvr i r les données nanta ises ? Des ob ject i fs e t des

promesses var iés

La volonté d’entamer à Nantes une démarche d’ouverture des données répond à plusieurs

enjeux, qui sont traditionnellement ceux de l’Open Data en général. Il est possible de catégoriser

ces enjeux en trois dimensions : un enjeu social, un enjeu démocratique et un enjeu économique.

Même si ces axes servent en général de base à tous les projets d’ouverture des données,

puisqu’ils sont fortement ancrés dans la culture de la gouvernance ouverte, il existe une forte

communication autour de l’Open Data « à la nantaise ». La ville a donc su se réapproprier ces

objectifs afin de les adapter à son territoire, ses attentes et les besoins exprimés par ses habitants.

§1 – Une démarche axée sur la t ransparence, la démocrat ie et les c i toyens

Il est évident que la démarche nantaise s’inscrit dans une volonté de transparence de

l’administration envers ses citoyens, mais aussi dans une volonté d’apporter de nouveaux

services aux habitants. C’est en tout cas ce qui est annoncé dans un communiqué de presse en

date du 4 Février 2011, au lendemain de la déclaration de Jean-Marc Ayrault sur le lancement de

l’ouverture des données : « A travers cette innovation, le service public poursuit sa mission

d’être au plus près des citoyens et de leur faciliter la vie »12. Il s’agit donc là d’une politique

tournée d’une part vers la dimension sociale de la vie nantaise, ce qui rejoint l’un des axes

principaux de la démarche d’ouverture des données à une échelle nationale, voire mondiale, qui

est de promouvoir la transparence des administrations envers les citoyens et d’encourager ces

derniers à faire confiances aux responsables politiques. En effet, le discours qui revient le plus

souvent est celui d’un nouveau souffle donné à la démocratie, à la participation citoyenne et à

une amélioration de la relation entre gouvernants et gouvernés. Il s’agit donc ici de développer la

transparence et l’é-démocratie, à la fois en libérant le plus grand nombre de données possibles,

en effectuant une promotion de l’Open Data de sorte à améliorer la connaissance à ce sujet mais

aussi en en faisant une démarche construite en collaboration avec de multiples acteurs.

12 Voir annexe n°1, page 67

19

§2 – Déve lopper de nouvel les connaissances autour des données ouvertes

Il ne s’agit pas seulement, en effet, d’ouvrir les données en laissant les individus seuls

face à ces fichiers. L’objectif du projet de libération des données nantais est aussi de donner du

sens à ces nouvelles ressources. La mutualisation des données provenant des différentes

collectivités en est un moyen : au lieu de cloisonner les informations sur différents sites web, la

création d’un portail commun permet de faciliter la navigation entre les ressources. Car publier

les données sur des portails différenciés ne ferait qu’augmenter la complexité du système : ici,

avec un portail commun, il est possible de faire des liens entre certaines données produites par

exemple par la ville de Nantes et par Nantes Métropole. Un unique portail pour un unique

territoire, c’est là un moyen de rendre les données plus lisibles en les inscrivant dans un

ensemble et non pas en les fragmentant. Cela permet également de mettre plus en valeur

l’information, en l’insérant dans un plan d’ensemble et de montrer à quel point elle peut être

utile. Par ailleurs, la compréhension des données est aussi un axe très important de cette

émergence de nouvelles connaissances : il faut donner aux individus la possibilité de comprendre

les données sans avoir à faire de démarche plus compliquées que nécessaires. Par cette

démarche, la ville de Nantes et ses collaborateurs souhaite avant tout fournir aux individus un

nouveau terrain d’expérimentations, afin qu’ils en tirent de nouveaux usages et des

connaissances.

§3 – Encourager l ' innovat ion et la modern isat ion des serv ices

Le troisième axe de développement exprimé par Nantes concerne l’innovation, d’abord

en général, à savoir encourager les individus à créer de nouveaux services ou des applications

autour des données ouvertes, mais aussi plus particulièrement au sein des administrations des

collectivités. Car le but des données ouvertes est aussi de faciliter leur fonctionnement. La

libération des données participe ainsi de la modernisation de l’action et des services publics. En

interne, publier les données sur un portail commun permet un accès plus rapide à ces ressources :

cela fait disparaître les difficultés de communication entre différents services voire collectivités

puisque les informations sont ici à disposition des agents qui en ont besoin. Cela permet aussi de

stimuler la production de données de meilleure qualité qui seront ainsi plus facile à réutiliser à

20

l’avenir. La démarche de modernisation des services publics avait d’ailleurs été entamée à

Nantes avant le lancement de l’Open Data : comme le rappelle l’un des communiqués de presse

édités par les collectivités, une plateforme d’é-démarches a été ouverte peu de temps avant le la

lancement du processus de libération des données. Cette plateforme permet de « simplifier le

parcours de l'usager au sein des services municipaux13 » par la proposition de services en ligne

tels que des inscriptions à certaines activités ou des demandes envers la mairie. La ville de

Nantes avait donc comme ambition de moderniser ses services afin d’offrir aux citoyens une

meilleure qualité de vie et l’ouverture des données est pour elle un moyen d’agir en ce sens. Bien

sûr, la volonté d’encourager l’innovation porte aussi sur les autres domaines d’activités et

notamment l’économie : l’objectif est de stimuler la réutilisation des données par tous les

individus pour voir émerger des initiatives innovantes. L’objectif d’innovation et de

modernisation représente donc un enjeu économique pour la ville : un service public plus

performant et de meilleure qualité apporte des économies et une création dynamique signifie un

intérêt de la part des investisseurs. Par ailleurs, dans un dossier de presse remis par la ville lors

du lancement de la plateforme de données ouvertes14, il est indiqué que l’ouverture des données

est une démarche bénéfique pour l’attractivité du territoire nantais. L’idée de cercle vertueux est

bien visible : des données ouvertes mènent à stimuler l’innovation, qui elle-même fait apparaître

de nouveaux acteurs qui participeront du développement économique de la ville. Par ailleurs,

puisque les données sur lesquels ils s’appuieront seront celles libérées par Nantes et ses

collectivités, les services innovants ainsi crées pourront être utiles aux habitants et induire une

meilleure qualité de vie, ce qui renforcera l’attrait de la ville aux yeux de nouveaux arrivants.

Ainsi, chaque domaine réutilisateur des données pourra influer positivement sur un autre et

même apporter d’autres résultats que les responsables n’auront pas pu prévoir au

commencement, à la manière d’un effet de spillover.

Il se trouve dans les discours politiciens autour de l’Open Data une volonté de marquer

un tournant dans l’organisation de l’administration publique : si celle-ci est considérée comme

opaque, comme une grande machine bureaucratique complexe – propos notamment démontré par

Sarah Labelle et Jean-Baptiste Le Corf dans les pages de la revue Les enjeux de l’information et 13 Voir annexe n°1, page 67 14 Voir annexe n°2, page 68

21

de la communication15 – le désir est alors de démontrer le contraire au citoyen, de prouver que

les services publics sont bel et bien capables de cultiver la transparence et de joindre les citoyens

au débat public dans de nouvelles formes de démocratie participative. Les collectivités nantaises

elles-mêmes ont donc exprimés plusieurs objectifs attachés au mouvement de libération des

données publiques. Si ces objectifs sont semblables à ceux que l’on peut retrouver, à la fois à une

échelle internationale, mais aussi au niveau national dans d’autres villes françaises, les approches

restent variées et les différents territoires ont su, comme Nantes, s’approprier le sujet et en faire

une application qui correspond aux besoins à leurs intérêts propres. Le propos se penchera par la

suite sur les détails de la mise à l’agenda de la politique d’Open Data : il sera ainsi intéressant

d’en étudier les différents acteurs ainsi que le déroulement pour comprendre la genèse de ce

mouvement et les conséquences qu’il a pu engendrer.

I I . Quels acteurs y ont par t ic ipé ?

On trouve au sein de la démarche Open Data nantaise une multiplicité d’acteurs, qu’ils

soient issus des sphères politiques, économiques ou encore associatives. Cette pluralité est

revendiquée par les décideurs lors de l’ouverture des données : associer un maximum d’acteurs

permet de prendre en compte les attentes de chacun. Une mutualisation des ressources est aussi

la bienvenue quand, seules, les collectivités et autres acteurs n’auraient pas eu suffisamment de

matériaux sur le sujet. C’est en tout cas le message que souhaite faire passer Nantes Métropole

dans un communiqué de presse en date du 21 Novembre 201116. Ce dernier est en effet publié à

l’occasion du lancement du portail commun à la ville et à la métropole. Pour cette raison, la

démarche Open Data de Nantes est accompagnée de nombreux acteurs qui apportent chacun leur

expertise et leurs ressources pour aider à la construction d’un nouvel écosystème lié aux données

libérées.

15 Sarah Labelle, Jean-Baptiste Le Corf, « Modalités de diffusion et processus documentaires, conditions du « détachement » des informations publiques : analyse des discours législatifs et des portails Open Data territoriaux » in Les enjeux de l’information et de la communication, n°13/2 (2012), pp. 209-59 16 ibid.

22

§1 – Les co l lect iv i tés

Au premier rang des acteurs de l’ouverture des données se trouvent bien évidemment les

collectivités. La démarche nantaise en matière d’Open Data est particulière, effectivement il a

été mis en place un portail commun à toutes les collectivités : la ville de Nantes, Nantes

Métropole, le Département et la Région Pays de Loire bénéficient chacune d’une plateforme

respective tout en mutualisant le portail, ce qui permet une meilleure circulation entre les

données de l’une ou l’autre des institutions. L’ouverture des données concernant plusieurs

collectivités, cela engendre par conséquent une multiplicité d’acteurs dans la sphère politique et

administrative. La ville de Nantes est bien sûr au premier plan de ces acteurs, dans une démarche

conjointe avec Nantes Métropole. Le maire de l’époque, Jean-Marc Ayrault s’est d’ailleurs

montré en faveur de l’ouverture des données par la suite en sa qualité de Premier Ministre, fort

de son expérience au sein du territoire nantais. Par ailleurs, Nantes et ses collectivités

représentent une démarche inédite jusqu’alors en France : une plateforme mutualisée pour la

ville de Nantes et Nantes Métropole mais aussi le Département de Loire-Atlantique et la région

des Pays de la Loire. Le portail data.nantes.fr est en effet le premier à mutualiser les données de

quatre collectivités. La raison de cette mutualisation est triple : d’abord, il s’agit de proposer un

catalogue de jeux de données particulièrement riche et complet, ce qui en facilite la réutilisation

par les individus. Ensuite, cela permet aux collectivités de donner plus de sens à leur démarche

en les mettant en relation entre elles, de les rendre plus lisibles en les inscrivant dans une

démarche d’ensemble. Enfin, le dernier argument est économique, il s’agit de la rationalisation

des dépenses amenées par cette mutualisation et par l’ouverture en général : en effet, la

publication des données amène la nécessité de fournir des ressources de bonne qualité afin de

répondre aux critères d’une donnée ouverte. Il y a donc une plus grande attention à porter au

travail fournit en interne, mais cela permet également de repérer des domaines d’actions moins

performants que d’autres afin de les remodeler. L’ouverture doit donc entraîner une véritable

« révolution » en interne des collectivités afin de rendre ces dernières plus performantes et de

réaliser des économies en rationalisant leur action. Ce sont ces trois objectifs, exprimés sur le

portail de données ouvertes de la ville de Nantes et de Nantes Métropole, qui ont poussé à la

libération des données. Mais ce mouvement n’est pas né seul : si les élus et responsables

23

politiques locaux se sont montrés enthousiastes à propos de l’ouverture, il a fallu aussi compter

sur le tissu associatif pour les encourager à se lancer dans cette politique.

§2 – T issu assoc iat i f e t mouvements c i toyens

A) L’association LiberTIC

L’initiative de l’ouverture des données à Nantes s’est trouvée grandement impulsée par

l’action de l’association LiberTIC. Créée en 2009 et considérée comme un acteur majeur dans le

monde de l’ouverture des données, l’association a en effet fortement œuvré afin de promouvoir

l’Open Data. Les premiers axes de développement étaient tout d’abord l’insertion numérique des

associations ainsi l’e-démocratie, une action tournée par conséquent plutôt vers les outils

participatifs en ligne Après sa participation à la première conférence à propos de l’Open Data en

France, Claire Gallon, cofondatrice et bénévole de l’association LiberTIC a décidé d’inclure le

sujet des données ouvertes dans les axes de travail de l’association. Ce sujet est par la suite

devenu le point central de l’activité de LiberTIC, en parallèle avec la notion de gouvernance

ouverte. C’est aujourd’hui autour de ces deux concepts que l’association développe

majoritairement son action. Les activités exercées par l’association peuvent se résumer en trois

points : la communication, la formation, et les évènements. En effet, la communication est un

axe important : il s’agit de sensibiliser les individus aux données ouvertes, une activité difficile

car la méconnaissance du sujet reste grande et sa technicité peut engendre une certaine méfiance.

C’est ce problème qui est traité grâce au second axe, la formation. Celle-ci se fait beaucoup en

interne des collectivités, directement touchées par l’ouverture des données. Il faut ainsi former

les acteurs de ces collectivités, parfois réticents à une telle ouverture. Enfin, les évènements sont

également un point important de l’activité de LiberTIC. Car l’association est à l’origine d’un

nombre importants d’évènements qui permettent de réunir les deux premiers axes de travail :

sensibiliser les individus grâce à des activités ludiques et les former à la réutilisation des

données, particulièrement au travers des hackathons. Il est ainsi possible de faire à la fois une

communication importante sur les données ouvertes et leur réutilisation mais aussi de montrer

aux individus ce qu’il est possible de faire avec ces données. La sensibilisation est un axe très

important pour l’association, qui étend cette activité à l’ensemble du territoire français. En

24

revanche, les animations se font quant à elle à Nantes : en effet, comme le dit Claire Gallon ;

« cela demande de connaître l’écosystème, les acteurs »17. L’ouverture des données à Nantes et

dans son agglomération a fait naître un écosystème composé d’acteurs qui sont effectivement

propres à ce territoire donné. Afin de mieux cibler les animations à mettre en place, il est donc

essentiel de connaître ces acteurs, ainsi que le public, afin de mettre en place des activités qui

répondront au mieux aux attentes exprimés par ces individus en particulier. Les enjeux attachés à

l’ouverture des données peuvent varier en fonction des zones géographiques et des acteurs du

domaine, c’est pourquoi des animations à l’échelle nationale sont plus compliquées à organiser.

Par ailleurs, ce type d’évènements correspondrait plutôt à la mission de l’organisation Etalab, qui

a pour rôle d’animer l’Open Data sur tout le territoire français.

Mais si l’association LiberTIC est aujourd’hui un acteur incontournable de l’Open Data à

Nantes, elle a connu quelques difficultés à mettre en place ce processus. Suivant les traces de

Rennes, première ville française à ouvrir ses données en 2010, l’association a donc souhaité

impulser un mouvement de même nature à Nantes. Cependant, l’enthousiasme n’était dans un

premier temps pas au rendez-vous auprès des collectivités puisque leur demande à Jean-Marc

Ayrault, alors maire de Nantes, n’avait pas reçu de réponse. Une pétition a donc été lancée afin

d’obtenir plus de poids face à ces collectivités. Si elle n’a récolté que 200 signatures, la pétition a

tout de même gagné en influence puisque ces signatures provenaient de nombreux acteurs et

notamment des têtes de réseaux. Ainsi, la pétition s’est finalement propagée dans les médias. Au

moment de son passage dans la presse papier, l’association a été recontactée par la mairie afin

d’organiser une rencontre au sujet de l’ouverture des données à Nantes ; le processus était ainsi

enclenché. La mairie de Nantes, en se lançant dans le projet, a exprimé le besoin d’être aidée

notamment par l’association car malgré une certaine volonté, il lui était encore difficile de savoir

comment s’y prendre. C’est ainsi que LiberTIC est devenu le relais entre les collectivités et les

acteurs du territoire. En mettant ainsi en commun les connaissances et les carnets d’adresses de

chacun, il est devenu possible de mettre en place une action cohérente et de réunir les acteurs. La

ville de Nantes souhaitait également que l’association devienne l’interlocuteur unique de l’Open

Data à Nantes, afin de faciliter les échanges entre collectivités et citoyens. Cependant, ce rôle est

devenu compliqué à jouer car, en tant qu’intermédiaire, l’association s’est vue recevoir les

plaintes ou remarques des acteurs, qui souhaitaient les faire remonter auprès de la mairie. 17 Voir annexe n°5 pages 76-83

25

Comme le dit Claire Gallon, l’association s’est ainsi rendue compte que cette situation ne

fonctionnait pas et a pris la décision de ne plus travailler de cette manière. En effet, si l’objectif

de départ était d’utiliser l’association comme lien entre les collectivités et les citoyens afin de les

réunir autour du sujet des données ouvertes, le résultat obtenu n’y correspondait pas forcément.

En jouant uniquement le rôle de « guichet unique », le risque était plutôt de décourager les

citoyens face aux réponses parfois vagues des collectivités à leurs demandes. Aujourd’hui,

LiberTIC est devenu un acteur majeur de l’Open Data à Nantes et est à l’initiative d’un grand

nombre de projets menés autour des données ouvertes. Il s’agit aussi d’un partenaire essentiel, à

la fois pour les collectivités, les acteurs économiques et les citoyens.

B) Atlantic 2.0 et sa Cantine Numérique

Autre association phare de l’Open Data nantais, Atlantic 2.0 est présidée par Mickaël

Froger et compte 6 membres permanents. Cette start-up associative existe depuis sept ans, et si

son activité de départ est plutôt tournée vers l’économie numérique en générale plutôt que

spécialisée uniquement sur les données ouvertes, elle n’en reste pas moins un acteur majeur du

milieu à Nantes. Dans un premier temps parce que c’est à elle que revient l’initiative du festival

Web2Day, événement phare dans le domaine du numérique et qui prend place chaque année à

Nantes. Ce point sera d’ailleurs évoqué plus loin dans l’étude. Ensuite car c’est par cette

association qu’est gérée la Cantine Numérique, lieu incontournable de l’innovation et qui a

accompagné depuis le début la politique d’ouverture des données sur le territoire. En effet, c’est

même à cet endroit, lors de son inauguration, que Jean-Marc Ayrault a annoncé le 3 Février 2011

l’ouverture des données18. Prise en charge par Adrien Poggetti, également membre permanent de

l’association Atlantic 2.0, la Cantine Numérique s’est développée autour de trois fonctions,

toutes tournées vers le numérique et l’innovation. Dans un premier temps, il s’agit d’un espace

de coworking : ouvert à tous (étudiants, entrepreneurs, chercheurs), cet espace est un espace de

travail à mi-chemin entre le domicile et le bureau19. Ces travailleurs peuvent ainsi venir avec leur

matériel afin de s’installer, pour une journée ou une demi-journée. L’avantage est d’y être

entouré par d’autres professionnels, ce qui a pour vocation de faciliter les échanges et les 18 Voir annexe n°1, page 67 19 Atlantic 2.0, « Espace de coworking à Nantes » in La cantine par Atlantic 2.0, En ligne < http://cantine.atlantic2.org/coworking-nantes/ >, consulté le 20 Avril 2015

26

rencontres. La seconde activité de la Cantine Numérique est d’accueillir des événements autour

de l’économie numérique et, de plus en plus, autour de l’Open Data. Il s’agit là d’un acteur très

dynamique puisque l’association recense 150 évènements organisés par ans20. Des conférences

peuvent y être proposées mais aussi des évènements récurrents qui rythment la vie de la Cantine.

Cette dernière fait par ailleurs honneur à son appellation car elle organise régulièrement des

goûter, des apéritifs ou des repas, invitant ainsi le public à rencontrer des acteurs du numériques

tout en instaurant une ambiance conviviale. Le mot d’ordre est donc la proximité entre tous les

individus, intervenants comme membres du public, l’objectif étant de rendre le numérique et

particulière les données ouvertes plus accessibles aux citoyens « lambda ». Cela peut également

passer par des ateliers, manifestations elles aussi plutôt récurrentes dans le calendrier de la

Cantine. Ces ateliers sont un excellent vecteur pour rapprocher les utilisateurs des données

ouvertes, souvent en les faisant manipuler directement ces ressources à partir du portail nantais

de l’Open Data. Le troisième axe que développe la Cantine Numérique est un condensé des deux

premiers, puisqu’il s’agit d’en faire un espace de rencontres et d’échanges. Ces objectifs sont

ainsi réalisés à la fois grâce à l’espace de coworking mais aussi au travers des différents

évènements organisés et qui mettent ainsi en relation de nombreux individus, aboutissant à des

créations et des associations fructueuses. L’ambition de l’association Atlantic 2.0 se traduit donc

par une volonté de mettre en relation les différents acteurs du numérique sur le territoire nantais,

d’encourager la réflexion et la création autour de ce domaine et de mettre à disposition des

ressources et un carnet d’adresse à quiconque en aurait besoin. Ces objectifs sont remplis au

travers des différents évènements organisés ou des services proposées et qui parviennent à réunir

toujours plus d’adeptes : le festival Web2Day, par exemple, dénombrait en 2014 1850

participants. Dans un autre registre que l’association LiberTIC, qui se situe plutôt dans le

militantisme et la promotion des données ouvertes auprès des collectivités et des entreprises,

Atlantic 2.0 reste un acteur aujourd’hui majeur du numérique en général mais aussi de l’Open

Data, puisqu’il s’agit désormais d’une thématique incontournable pour les acteurs du domaine

numérique.

20 Atlantic 2.0, « Évènements » in La cantine par Atlantic 2.0, En ligne < http://cantine.atlantic2.org/evenements/les-formats/ >, consulté le 20 Avril 2015

27

Ces deux associations sont des acteurs majeurs de l’ouverture des données à Nantes et

possède une grande part de responsabilité dans l’animation du territoire autour de la thématique.

Le volet associatif est un élément majeur, d’autant plus lorsque l’on sait que c’est ce mouvement

qui a en grande partie incité les collectivités nantaises à libérer leurs données. Il s’agit d’acteurs

qui font également évoluer leur activité afin de la faire correspondre aux attentes et aux

demandes des différents usagers. Le mouvement Open Data, à Nantes mais aussi plus

généralement en France compte beaucoup sur ce soutient de la part des associations et

mouvements citoyens. Parmi eux, on peut notamment évoquer la Fondation Internet Nouvelle

Génération (FING) qui, bien que basée à Paris et Marseille, étend son activité à tout le territoire

français. Ce think tank, qui dirige son action vers une réflexion autour des usages liés à l’Open

Data et à l’accessibilité de ces données pour le grand public, travaille aussi en collaboration avec

le territoire nantais notamment dans le cadre de l’organisation des Carrefours des possibles, qui

donnent aux usagers l’opportunité de proposer des services innovants basés sur la réutilisation de

données publiques. Par ailleurs, la FING est aussi à l’initiative d’un projet visant à développer

des Infolabs sur le territoire français. Ces structures ouvertes à tous auraient pour objectif de

faciliter la compréhension des données aux novices du domaine, aux « citoyens lambda » qui ne

possèdent pas les connaissances nécessaires à une implication plus grande dans ce phénomène.

Autour d’ateliers et de temps de formation, différents acteurs du milieu pourraient ainsi partager

leurs savoirs et leurs expériences afin de rendre l’Open Data accessible au plus grand nombre.

Le monde associatif est donc un véritable pilier sur lequel peut s’appuyer le territoire nantais afin

de développer sa politique d’ouverture des données, tout en prêtant attention à inclure le

maximum de collaborateurs possibles dans cette démarche. Les associations ne sont par ailleurs

pas les seuls partenaires dont Nantes s’est entourée dans le développement de sa politique.

§3 – De nombreux partenar iats

Si l’ouverture des données est une politique lancée par les collectivités, ces dernières ne

sont pas les seules concernées par la mise à disposition de données publiques. En effet, les

entreprises possèdent elles aussi des quantités importantes de données et ces ressources ne

doivent pas rester confinées aux seules utilisations internes. Car les données produites par ces

entreprises peuvent se révéler extrêmement utiles au développement de services ou de projets

28

innovants. Pour cette raison, la ville de Nantes et ses collectivités se sont entourées de nombreux

partenaires qui les ont accompagnées dans la démarche d’ouverture des données. Parmi ceux-ci

se trouvent notamment deux entreprises majeures du territoire nantais : Air Pays de Loire et la

Semitan. Ces entreprises se sont en effet engagées à ouvrir elles aussi leurs données afin de

fournir des ressources encore plus larges aux réutilisateurs. Par ailleurs, la libération de données

permettrait également aux entreprises de développer des services adaptés à ses utilisateurs, ce qui

participerait de leur développement économique et ne pourrit que leur être bénéfique. La Semitan

est une société d’économie mixte, qui gère le domaine des transports publics dans

l’agglomération nantaise. La libération des données de cette société était très attendue, car la

mobilité est un domaine emblématique pour le développement de services innovants basés sur

l’Open Data. Il devient possible d’imaginer des applications telles que des calculateurs

d’itinéraires, qui prendraient en compte des critères temporels, géographiques, les zones de

travaux ainsi que des évènements afin d’établir des itinéraires en fonction de toutes ces variables.

Et si l’intérêt des développeurs pour le sujet est vif, la Semitan se situe elle aussi dans une

démarche d’accompagnement, puisque cette dernière a notamment construit son application

mobile sur les travaux d’un jeune développeur qui avait lui-même commencé à travailler sur les

données de l’entreprise. En effet, Victor Leblais, étudiant nantais, à crée en 2011 l’application

SimpleTAN en s’appuyant sur les données de transport publiées par la ville21. Sa démarche a

suscité l’intérêt de la Semitan qui lui a proposé un partenariat dans le but de développer leur

propre application et de proposer ainsi des services plus innovants et plus utiles aux citoyens. La

société s’est ainsi lancée dans une véritable démarche de restructuration de ses données, afin de

fournir aux développeurs et réutilisateurs les mêmes ressources que celles sur lesquelles elle se

base pour son propre travail. L’idée est donc d’accompagner la démarche produite par la ville à

l’attention des citoyens et non de dissocier les informations publiées de celles utilisées en

interne. Il était presque indispensable pour la Semitan de mettre ses données ainsi à disposition,

puisqu’elle constitue un acteur économique majeur du territoire nantais. Par ailleurs, les

informations au sujet de la mobilité représentent un domaine très convoité par les réutilisateurs

car il représente un terrain propice à l’innovation et à la création de nouveaux services.

21 Entreprenantes, « En attendant l’Open Data, la TAN a le bon réflexe » in Entreprenantes : le magazine des entreprises du web à Nantes, En ligne < http://www.entreprenantes.com/magazine/75-en-attendant-l-open-data-la-tan-a-le-bon-reflexe.html >, consulté le 27 Avril 2015

29

En ce qui concerne Air Pays de Loire, il s’agit d’un organisme agrée par le ministère de

l’Écologie et qui a pour rôle de contrôler la qualité de l’air dans la région des Pays de la Loire.

En publiant les résultats de ces contrôles sur son site internet, l’organisme met ainsi à disposition

ces informations aux potentiels réutilisateurs, qui peuvent s’appuyer sur celles-ci afin de

proposer des services autour de l’environnement nantais.

Mais les acteurs du secteur économique ne sont pas les seuls partenaires dont la ville s’est

accompagnée dans sa démarche. Parmi ceux-ci, le plus marquant est sans doute celui lancé avec

l’École de Design de Nantes Atlantique en Octobre 2011. En effet, avec la signature d’une

convention entre l’école et le Département de Loire-Atlantique a été lancé le projet « Territoires

Connectés », qui engage l’École à se pencher sur le sujet de l’ouverture des données à Nantes.

Son objectif est ainsi d’explorer les différentes possibilités qu’offrent les données ouvertes et

leur réutilisation : comment pourront-elles être utilisées ? Quels nouveaux services pourraient

être inventés sur cette base ? Autant de question qui sont confiées à l’École et ses étudiants, qui

ont planché sur la question durant un semestre avant de présenter leurs conclusions durant la

première moitié de l’année 2012. Ainsi, depuis 2011, une relation s’est installée entre les

collectivités et l’École : les étudiants participent régulièrement aux concours et autres hackathons

organisés par la ville, qui en retour s’appuie beaucoup sur ces travaux pour imaginer de

nouveaux usages et gagner en connaissances sur le sujet. Un partenariat utile et qui permet aux

collectivités d’obtenir un point de vue extérieur supplémentaire, à la fois sur la politique d’Open

Data en elle-même et sur l’efficacité des évènements mis en place autour de cette thématique.

La multiplicité des acteurs serait donc une caractéristique forte de la démarche nantaise :

les collectivités ne se lancent pas seules, elles font appel des acteurs extérieurs afin de favoriser

la coproduction et de rendre le projet plus cohérent en prélevant des ressources et des expertises

de tous les horizons afin de proposer un processus complet et enrichi. Cette pluralité des acteurs,

ce serait donc cette idée d’Open Data « à la nantaise » : c’est d’ailleurs ce que déclare Jean-Marc

Ayrault dans une vidéo22 réalisée par Nantes Métropole au moment du lancement de la politique.

22 Nantes ouverture des données, « L’Open Data à la nantaise » in Nantes ouverture des données : ouverture des données publiques, En ligne < http://data.nantes.fr/demarche/ >, consulté le 29 Avril 2015

30

Chapitre 2 : Le déroulement de l’ouverture des données à Nantes

Afin de mieux comprendre comment s’est déroulée l’ouverture des données à Nantes et

de visualiser les différentes étapes de cette démarche, nous procéderons ici à une chronologie des

évènements. De nombreux évènements ont ponctués les quatre premières années d’ouverture des

données nantaises et certains seront par ailleurs évoqués plus en détails ultérieurement. De plus,

le propos de cette partie s’appuie à la fois sur les informations renseignées par les portails

d’ouverture des données des collectivités, à savoir la ville de Nantes et Nantes métropole ainsi

que le Département de Loire-Atlantique et la région des Pays de la Loire, mais aussi sur un

rapport publié en Juin 2014 sur l’évaluation de la démarche d’ouverture des données commandée

par le Département de Loire-Atlantique et produit par le cabinet d’évaluation Deloitte23.

I . Durant l ’année 2011 : les ba lbut iements de la po l i t ique

La mise à l’agenda de la question de l’ouverture des données s’est faite par la

mobilisation d’acteurs de la société civile, en l’occurrence l’association LiberTIC, avant de

rencontrer le soutien de la sphère politique. L’Open Data s’est donc inscrit dans un premier

temps à l’agenda public avant d’effectuer un glissement vers l’agenda politique. C’est donc en

Février 2011 qu’est annoncée le lancement de l’ouverture des données publiques à Nantes. Plus

précisément, Jean-Marc Ayrault fait cette annonce le 3 Février, lors de l’inauguration de la

Cantine Numérique. Cette déclaration est la suite logique de plusieurs mois de travaux et de

réflexions autour du sujet, notamment en collaboration avec l’association LiberTIC qui a apporté

son expertise pour aider la démarche de la ville. L’idée est aussi de réunir un groupe de travail

afin de réfléchir à différentes actions qui pourront être menées dans le cadre de l’ouverture. Cette

volonté est exprimée dans le communiqué de presse diffusé le 4 Février 2011. Ce groupe de

travail vise à la concertation entre différents acteurs afin de savoir quelles axes de travail mettre

en place dans ce processus de libération des données. En parallèle, le Conseil Général de Loire

23 Cabinet Deloitte, Juin 2014, « Département de Loire-Atlantique : Open Data 44, évaluation de la démarche » En ligne, 63 p., < http://www.loire-atlantique.fr/upload/docs/application/pdf/2014-07/deloitte-opendata44-rapport-vfinal.pdf >, consulté le 13 Avril 2015

31

Atlantique a lui aussi décidé, en Mai 2011, de se lancer dans l’ouverture des données à l’échelle

départementale. Lors du festival Web2Day qui prend place en Juin 2011, le Conseil Général rend

public son projet de libération des données. Par la suite, en Octobre 2011, le programme est donc

voté par le Conseil Général, qui conclue dans le même temps une convention avec l’École de

Design de Nantes Atlantique. Le projet à l’échelle départementale prévoit l’ouverture de son

portail au printemps de 2012. Un mois plus tard, le 21 Novembre 2011 était ouvert le portail

mutualisé de la ville de Nantes et de Nantes Métropole. L’année 2011 n’est donc pas une année

forte sur le plan évènementiel autour de l’Open Data, mais il s’agit à l’époque de poser les jalons

de cette politique. Les travaux concernent alors beaucoup plus les collectivités en interne et n’est

pour le moment pas réellement tournée vers des acteurs externes (même si le partenariat avec

l’École de Design de Nantes Atlantique en est un premier exemple). Il faudra attendre 2012 pour

commencer à voir émerger des actions tournées vers le public, le temps donc pour les

administrations de s’approprier le projet avant d’en ouvrir les portes aux citoyens.

I I . Une année 2012 dua le , entre mouvements inst i tu t ionne ls et ouverture

à la par t ic ipat ion c i toyenne

Dans la continuité de l’année 2011, la démarche départementale d’Open Data est

marquée au début de l’année 2012 par une première « vague » d’ouverture de données. Les

premiers thèmes faisant partie de ces données libérés sont la mobilité, l’environnement, le social,

le territoire et la citoyenneté. Ces données sont donc les premières à être mises en ligne, lorsque

le portail LOAD (Loire-Atlantique Ouverture des Données publiques) est lui aussi ouvert en

Avril 2012. Cette démarche s’est fait en concertation avec la métropole puisque celle-ci avait

lancé son propre portail plus tôt en 2011. L’idée a donc été de mutualiser la plateforme sur

laquelle les données sont publiées, tout en gardant des portails séparés pour la métropole, le

Département et – nous le verrons plus tard – la Région des Pays de la Loire. L’action de

mutualisation de cette plateforme permet en effet de répartir certaines tâches liées aux domaines

techniques ou encore juridiques. Si chaque collectivité s’occupe chacune de son portail, la

plateforme est elle gérée de manière collective. De plus, toujours au début de l’année 2012, la

32

ville de Nantes et Nantes Métropole organisent entre Mars et Juin un appel à projets nommé

« Rendez-moi la ville + facile », initiative remarquée dans le paysage numérique nantais.

C’est suite à ces démarches que se déroule le premier événement autour de l’Open Data à

Nantes : la Semaine Européenne de l’Open Data, du 21 au 25 Mai 2012. Cette manifestation,

ouverte à tous les publics, propose à la fois des ateliers et des conférences pour permettre aux

différentes visiteurs de comprendre ce qu’est l’Open Data. C’est donc un premier pas effectué en

direction des citoyens, qui jusque là étaient restés légèrement en marge du projet, lequel se

concentrait plutôt sur des logiques institutionnelles internes. De plus, en Juin 2012, la région des

Pays de la Loire a donc décidé de rejoindre le projet. C’est cette pluralité de collectivités

travaillant en collaboration sur cette même plateforme qui fait du projet d’Open Data nantais un

projet unique en France. Le second semestre de 2012 a correspondu quant à lui à une seconde

vague d’ouverture avec des données par le Département sur le thème du tourisme. La fin de

l’année 2012 est relativement riche en initiatives puisque c’est notamment à ce moment qu’est

lancé l’appel à projets permanents du Département de Loire-Atlantique, intitulé Upload. Comme

son nom l’indique, cet appel à projets n’a pas de date limite et propose aux citoyens intéressés

par la réutilisation des données de proposer des idées qui pourront par la suite être accompagnées

financièrement ou au niveau de l’expertise par des services du Département et par des partenaires

extérieurs. Cet appel à projet est lancé en Décembre, en même temps que l’apparition sur le

territoire nantais d’évènements appelés « hackathons24 ». En effet, les 15 et 16 Décembre 2012,

Nantes abrite pour la première fois ce genre d’évènements. En outre, les quatre collectivités

reçoivent conjointement le label de « Territoire Innovant », qui récompense depuis sa création en

2008 certains projets innovants ayant trait au monde du numérique. La fin de l’année 2012

entrouvre donc la porte à la participation citoyenne : la politique s’ouvre et ne correspond plus

seulement à des logiques internes, elle entre en contact avec son public et commence à récolter

quelques fruits de son activité.

24 Voir définition page 5

33

I I I . En 2013, l ’ouver ture se poursu i t e t la po l i t ique se s tab i l i se

L’année 2013 débute par une troisième vague de mise en ligne par le Conseil Général

(cette fois sur les thématiques de la culture, du sport, de l’économie et de l’éducation). Les

différents catalogues de données sont de plus en plus riches en ressources. Par ailleurs, les

initiatives autour des données se poursuivent, voyant ainsi s’organiser du 24 Janvier au 18

Février 2013 le premier Hyblab consacré au datajournalisme et organisé par le cluster25 Ouest

Médialab. En Avril 2013, le premier Workshop nantais, qui appelle les citoyens à venir

découvrir les usages possibles des données est lui aussi organisé au Stéréolux. Le début de

l’année 2013 est donc riche en initiatives et cela ne s’arrête pas là, puisque le projet LodPaddle

développé par le Laboratoire d’Informatique de Nantes Atlantique (LINA) voit le jour à

l’automne 2013. Par ailleurs, en Octobre 2013 est créée l’association Open Data France (ODF)

grâce à une collaboration entre plusieurs collectivités dont font partie la ville de Nantes et Nantes

Métropole. En Novembre 2013, près d’un an après l’obtention du label « Territoire Innovant »,

Nantes est à nouveau récompensée lors des Prix Territoriaux organisés par la Gazette des

Communes26 en partenariat avec la GMF. Ce prix salue en effet les initiatives innovantes au sein

des collectivités territoriales. À la fin de l’année 2013, le Département a choisi de commander

une évaluation de sa politique d’Open Data, afin de mesurer les impacts que celle-ci a pu avoir

sur le territoire et de définir de nouveaux axes de travail pour rediriger au besoin certains

objectifs.

IV . Pér iode de ré f lex ion et de bouleversements po l i t iques, les années

2014 et 2015 sont ce l les du changement

L’année 2014 se lance en matière d’Open Data par l’organisation en Février de la

première édition de l’Open Data Day : mis en place par l’association LiberTIC, il s’agit là

encore d’un événement au format hackathon, ouvert à tous les individus souhaitant en apprendre

25 Voir définition page 4 26 La Gazette des communes, des départements et des régions est un journal dont le public cible sont les employés de la fonction publique territoriale

34

plus sur le monde des données ouvertes. Le début de l’année 2014 est d’ailleurs riche en

manifestations de ce genre puisque le mois de Février a connu un deuxième hackathon, tourné lui

vers la thématique des élections, en prévision des municipales à venir. En outre, durant le

processus d’évaluation de la démarche Open Data du Département débute elle aussi en Février,

pilotée par le cabinet Deloitte et arrive à son terme au mois de Mai : le rapport, lui, est publiée au

début du mois de Juin. Le ralentissement du mouvement Open Data peut être aisément expliqué

par la période électorale qui se déroule durant le mois de Mars et des conséquences que celle-ci

entraîne dans les mois suivants. Même si le numérique est un point important de la politique

territoriale, il faut laisser le temps à la nouvelle équipe élue de s’installer et prendre ses marques

dans ses nouvelles fonctions. La rentrée 2014 apporte tout de même une dynamique au monde

du numérique et des données ouvertes puisque Nantes accueille du 12 au 21 Septembre la Digital

Week. Si, comme le festival Web2Day, cet événement n’est pas centré uniquement sur l’Open

Data, ce domaine est tout de même fortement représenté au cours de cette semaine, notamment

sous la forme maintenant connue d’un hackathon ou de workshop, ainsi que par des conférences.

L’année 2015 se retrouve marquée de programmes qui ont connu un certain succès

précédemment. C’est ainsi qu’en Février 2015 s’est déroulée la deuxième édition de l’Open Data

Day. Par ailleurs, le festival Web2Day se trouve lui aussi reconduit au mois de Juin 2015, tout

comme la Digital Week en Septembre. Une initiative inédite en cette année 2015 est le concours

Climate Change Challenge auquel participe la ville de Nantes27. À partir de 2014, nous assistons

donc à un processus de stabilisation du phénomène Open Data qui se poursuit en 2015. C’est

aussi le moment pour les responsables politiques de s’adonner à une introspection sur les

objectifs engagés lors du lancement de l’ouverture et d’en tirer des bilans, afin de relancer une

nouvelle phase de la politique qui sera capable de répondre aux nouveaux enjeux qui ont émergé

et qui n’avaient pas forcément pu être prévus par la première vague d’ouverture.

27 Voir deuxième partie, page 43

35

Chapitre 3 : Et ailleurs ? L’Open Data dans d’autres villes de France

Nantes est au cœur d’une démarche de libération des données qui atteint aujourd’hui une

envergure nationale. Si la ville est particulièrement active et fructueuse sur ce plan, il existe

ailleurs en France d’autres initiatives qui s’avèrent tout aussi intéressantes. Mais avant de faire

un petit tour d’horizon de quelques villes qui comptent dans le monde des données ouvertes en

France, il est intéressant de voir que l’enthousiasme nantais se modère et que la politique a plutôt

tendance à se stabiliser aujourd’hui.

I . Un enthous iasme nanta is qu i se s tab i l i se

Si l’annonce de l’ouverture des données et le processus de libération qui s’est ensuivi a

crée une dynamique forte, on peut remarquer depuis quelques mois un ralentissement de la

politique sur le territoire nantais. Bien sûr, le domaine du numérique à Nantes continue d’être

rythmé par des évènements réguliers et le processus d’ouverture ne s’est pas stoppé pour autant.

Cependant, on assiste à quelques ralentissements qui peuvent s’expliquer de plusieurs manières.

D’abord, le calendrier électoral y est pour beaucoup : avec l’arrivée d’un nouveau maire,

Johanna Rolland, en Mars 2014, les considérations sur le numérique et l’ouverture des données

ont été un temps mises de côté afin de laisser le temps aux nouveaux responsables politiques de

prendre leurs marques dans leurs postes. Pour autant, la nouvelle équipe occupant la mairie de

Nantes ne laisse pas en reste la politique d’Open Data. Le nouvel adjoint au numérique, Francky

Trichet, est en effet très actif sur le sujet et apporte une expertise non négligeable au sein de

l’équipe de Johanna Rolland. Il reste compréhensible qu’une période d’élections ne soit pas le

moment le plus propice aux questionnements autour du numérique, bien qu’il s’agisse

aujourd’hui d’un point très important des politiques locales. Par ailleurs, une évaluation de la

politique d’Open Data lancée en 2011 a débuté en Février 2014 pour se poursuivre jusqu’au

mois de Mai de la même année. Ceci peut expliquer également un certain « flottement » : dans

36

l’attente de réponses apportées par cette étude, réalisée par le cabinet Deloitte28, la politique

d’ouverture des données a connu une période de ralentissement. Il ne faut pas omettre également

que la politique lancée en 2011 arrivait alors à son terme et il fallait donc relancer un projet Open

Data en faisant un bilan des années précédentes, en prenant en compte les nouvelles attentes et

les nouveaux besoins des citoyens, entrepreneurs, chercheurs et associations afin de définir de

nouveaux axes de développement. Pour ces raisons, la période de 2014 jusqu’au commencement

de 2015 a représenté une phase rétrospective ou la politique d’Open Data a été étudiée afin d’en

définir ses forces et ses faiblesses et de mieux relancer une nouvelle phase comportant de

nouveaux objectifs.

Par ailleurs, la logique des politiques publiques répond à un cycle auquel le processus

d’ouverture des données n’échappe pas. Comme le rappelle Claire Gallon29, ce phénomène

cyclique peut s’observer de façon quasiment systématique : au lancement de l’ouverture des

données, le sujet a suscité un intérêt extrêmement important en raison de son caractère inédit sur

le territoire et même à une échelle plus nationale : même si Nantes n’est pas la première ville à

avoir ouvert ses données, elle reste l’une des chef de file du mouvement après Rennes, ce qui

induit une connaissance moindre du sujet lorsqu’elle s’est lancée dans le projet. Il existe donc un

« pic » d’intérêt pour le sujet lors de son apparition à l’agenda politique de la ville : cet intérêt

s’accompagne ainsi de l’émergence de nouveaux acteurs et de la découverte de nouveaux usages

rendus possible par l’ouverture des données. L’engouement est donc fort autour de ces

nouveautés qui font fantasmer les acteurs et leur donne l’espoir de créer des projets innovants et

révolutionnaires. Seulement après cette période d’enthousiasme, le cycle d’innovation s’apaise

pour laisser place à une phase de stabilisation : les différents acteurs, qu’ils appartiennent aux

collectivités, au monde du numérique ou à la masse des citoyens, se rendent compte que les

résultats que peut produire l’ouverture des données ne sont pas destinés à apparaître

immédiatement, à court terme : il faut plutôt compter sur un processus à long terme pour laisser

le temps à des initiatives de grande ampleur de voir le jour. Il devient possible de constater les

manques qui existent encore pour parvenir à mener des projets plus ambitieux basés sur les

données publiques ouvertes et cela amène donc à une structuration du système. Les données

28 Société anglaise à rayonnement international, Deloitte est spécialisée en audit, consulting et fiscalité auprès de clients du secteur public comme privé. Avec un cabinet basé à Saint-Herblain, elle a été engagée par le Conseil Général de Loire-Atlantique afin de mener l’évaluation de la politique d’ouverture des données à Nantes 29 Voir annexe n°5, page 76-83

37

doivent être de meilleure qualité et mieux structurée si elles veulent être employées au

développement de projets plus grands que le développement d’applications par exemple. C’est

donc également dans cette phase que se trouve actuellement l’Open Data nantais : après

l’engouement des premiers mois et l’apparition de nombreuses initiatives, les acteurs se posent

aujourd’hui les questions de « l’après ». Comment obtenir des données de meilleure qualité, afin

d’en tirer le meilleur potentiel pour des projets de grande envergure ? Il n’est donc aucunement

question d’un « abandon » progressif des données ouvertes à Nantes, mais plutôt d’une phase de

réflexion afin de savoir vers quels axes tourner la prochaine phase de la politique. Après avoir

beaucoup axé la phase précédente autour de la libération des données et de la mise à disposition

des individus un maximum de jeu de données, la politique entamée durant l’année 2015 se

tournerait plutôt vers les citoyens, après avoir beaucoup ciblé les développeurs dans un premier

temps. Il est aussi question d’interroger les usages internes des données ouvertes et de savoir

comment les agents administratifs perçoivent eux-mêmes cette politique. Un processus tourné

plutôt vers l’humain que vers l’innovation serait donc à l’œuvre à partir de 2015.

I I . États des l ieux dans que lques autres v i l les f rança ises

§1 – Rennes, la p ionnière

Il est difficile d’évoquer le sujet de l’Open Data français sans évoquer la ville de Rennes,

incontournable dans ce domaine. En effet, la capitale administrative de la Bretagne a été la

première ville de France à ouvrir ses données et reste aujourd’hui l’une des villes les plus

dynamiques à ce propos. C’est le 1er Juin 2010 que commencent à être libérées les données

publiques rennaises. Même si la ville de Brest a pris avant la décision de libérer ses données

géographiques, Rennes est tout de même considérée comme la pionnière. En effet, les données

ouvertes par Brest restent aujourd’hui assez limitée et ne sont donc pas suffisamment développée

pour que la ville soit bien ancrée dans le mouvement. Concernant Rennes, le mouvement s’est

fait en collaboration avec l’entreprise Keolis, qui souhaitait à l’époque ouvrir ses données de

transport. En accédant à la requête de la société, la métropole de Rennes s’est dans le même

temps lancée dans la création de son portail, qui recueille aujourd’hui un nombre de jeux de

38

données important : on en compte 149. Ces données sont publiées par plusieurs éditeurs. Parmi

les collectivités se trouvent la ville de Rennes et Rennes Métropole – Nantes et sa démarche

mutualisée entre quatre collectivités reste une exception sur le territoire français – ainsi que

l’INSEE, Keolis ou encore certaines associations de la région. Dans sa démarche, Rennes a

également organisé un concours d’applications, lancé en Octobre 2010 et qui a pris fin en Mars

2011. Ce concours est donc intervenu très peu de temps après la libération des données et a

comptabilisé 43 participants. C’est donc moins que le nombre de projets proposés lors de l’appel

à projets « Rendez-moi la ville + facile » de Nantes, mais il faut rappeler que le concours

organisé par Rennes s’est déroulé peu après l’ouverture. Non seulement il fallait du temps aux

individus pour s’approprier les données mais en outre, il s’agissait alors d’un phénomène inédit

en France, dont la connaissance n’était pas aussi développée que quelques mois plus tard.

L’objectif était de valoriser les données mises en ligne sur le portail et d’inciter les individus à

les réutiliser tout en imaginants de nouveaux services permettant d’améliorer le quotidien des

citoyens et la relation qu’ils entretiennent avec les services publics. Il est donc possible

d’observer que non seulement la politique d’ouverture des données de Rennes a inspiré les

futures politiques du même acabit dans d’autres villes françaises, mais certaines de ses idées

comme le concours d’applications ont été reprises : il s’agit d’un très bon moyen pour pousser

les individus à l’innovation et les récompenses à la clé ne font qu’augmenter la motivation,

puisque le concours disposait d’une dotation de 50 000 euros, répartis entre les différents prix

proposés (grand prix du jury, prix « Ouest-France » du public, prix « Région Bretagne »

accessibilité, prix « Keolis » éco-mobilité, prix « Caisse des dépôts » pour les entreprises et

enfin, prix « Secrétariat au développement de l’économie numérique » pour les particuliers). Par

ailleurs, la plateforme de données ouvertes de Rennes30 possède une rubrique dédiée aux

applications, ou chaque développeur peut, après avoir créé un compte, faire figurer son

application. Ce système se retrouve également sur le portail des données ouvertes de Nantes. Le

modèle sur lequel s’est construit la politique d’ouverture des données nantaise présente donc des

points communs avec la démarche rennaise : il est logique d’y voir une inspiration, Rennes étant

la seule référence en la matière à l’époque. De plus, l’association LiberTIC – qui a été le

déclencheur de l’ouverture des données à Nantes – a vu son souhait d’ouvrir les données naître

30 Rennes Métropole, « Vos applications » in Rennes Métropole en accès libre, En ligne < http://www.data.rennes-metropole.fr/vos-applications/ >, consulté le 28 Avril 2015

39

après l’observation des évènements qui se sont déroulés à Rennes. L’idée était de demander une

démarche similaire auprès des élus et responsables politiques nantais31. Si Nantes s’est beaucoup

inspiré de Rennes, elle ne s’en est pas moins démarquée sur d’autres points, notamment sur son

idée de portail mutualisé comptabilisant quatre collectivités, ce qui érige souvent la ville au rang

de « capitale des données ouvertes » en France.

§2 – Dans la rég ion des Pays de la Lo ire : l ’ in i t ia t ive angev ine

Le Grand Ouest représente donc un territoire fructueux en matière d’Open Data et en ce

qui concerne la région des Pays de la Loire, Nantes n’est pas la seule ville à s’être lancée.

Récemment, la ville d’Angers a également décidé d’ouvrir ses données. Le portail angevin a été

lancé en Février 201332. À la différence de Nantes, la mise à l’agenda ne s’est pas effectuée suite

à un mouvement citoyen mais par les acteurs politiques eux-mêmes. Cela peut être dû à la fois à

une volonté d’anticipation et à un désir de s’inscrire dans ce processus qui prend de plus en plus

d’ampleur sur le territoire français. D’autre part, en raison de l’appartenance à la région des Pays

de la Loire, la question peut aussi se poser de savoir s’il la démarche nantaise n’aurait pas eu un

effet d’entraînement sur la métropole angevine. Les objectifs affichés sont sensiblement les

mêmes qu’à Nantes : améliorer la transparence et la démocratie, favoriser la participation

citoyenne ou encore moderniser les services publics. Cependant la logique économique est peu

présente, même si le volet innovation est bien sûr inclus. La communication qu’avait effectuée la

ville de Nantes et Nantes Métropole autour de la création ou la dynamisation d’une économie

numérique se retrouve peu – voire pas du tout – dans le cas d’Angers. Il est possible que les

acteurs aient eu le recul suffisant pour observer que le volet économique de la politique nantaise

d’Open Data n’était pas celui qui avait suscité le plus de résultats depuis 2011. Cette inspiration

nantaise est d’autant plus remarquable que la ville d’Angers s’apprête à installer sa propre

Cantine Numérique. En effet, depuis le lancement de la politique d’ouverture des données, c’est

à la Maison des Projets que se tenaient les évènements liés à l’Open Data. Bien qu’il n’en ait pas

le nom, cet endroit s’apparente en tous points à la Cantine Numérique nantaise, avec son espace

de coworking, la tenue d’évènements liés au numérique et la volonté également présente de faire 31 Voir annexe n°5, page 76-83 32 Ville d’Angers, « Démarche » in Angers Loire Métropole : ouverture des données publiques », En ligne < http://data.angers.fr/demarche/ >, consulté le 28 Avril 2015

40

se rencontrer des acteurs de différents horizons autour de thématiques telles que les données

ouvertes. Cette Maison des Projets deviendra donc la Cantine Numérique angevine lors de son

déménagement prévu pour la rentrée de 2015. En ce qui concerne la dimension évènementielle

qui se déroule autour de l’Open Data, Angers est pour le moment en retrait dans les activités

qu’elle propose. Malgré cela, certaines manifestations ont lieux autour du sujet, encore de petite

ampleur ; il ne faut cependant pas oublier qu’il s’agit d’une ville plus petite et qui n’a de plus

ouvert ses données que récemment. La Maison des Projets offre tout de même des rendez-vous

réguliers autour des données, tels que les « Angers Data Lunch » ou des temps d’échanges

appelés les « 6 à 8 ». Il s’agit donc d’évènements plutôt axés sur le partage de savoirs que sur la

participation active des citoyens, même si pour ce volet il est possible de citer notamment

l’association Tela Botanica qui organise régulièrement des ateliers mêlant découverte de

l’écosystème de la ville et production ou utilisation de données ouvertes. La ville d’Angers a

collaboré par ailleurs avec l’ISTIA, l’une des écoles d’ingénieurs situées dans la métropole, pour

la première fois. Il a en effet été proposé aux étudiants de se servir des données publiées sur le

portail d’Open Data dans le cadre d’un de leurs enseignements durant le premier semestre de

l’année 2015. Si la relation entre la politique d’Open Data et le monde académique et de la

recherche n’est en aucun cas aussi développée qu’à Nantes, il n’est pas impossible qu’une telle

collaboration voit le jour plus tard, d’autant plus si Angers s’en inspire comme cela paraît être le

cas pour certains autres aspects. Même si la ville d’Angers est moins importante autant sur le

plan de la démographie que concernant la superficie, elle rejoint tout de même le projet à son

tour dans une dynamique qui n’est peut-être pas étrangère à l’influence de la démarche entreprise

par la région des Pays de la Loire. Les projets présents dans la région s’inscrivent dans un

processus cohérent qui cherche à inclure le plus d’acteurs possible. Mais si l’on observe des

similitudes avec la démarche nantaise, il existe également d’autres initiatives qui se détachent

clairement du modèle induit par le Grand Ouest.

41

§3 – Une autre approche de l ’ouverture : la v i l le de Lyon

La ville de Lyon s’est elle aussi lancée dans une démarche de libération des données

publiques au courant de l’année 2013 avec l’ouverture de son portail intitulé Smart Data33. Lui

aussi basé sur une volonté des acteurs politiques et non sur un mouvement citoyen, le processus

présente en effet des dissemblances avec les démarches du Grand Ouest. En ce qui concerne les

objectifs, ils sont encore semblables à ceux que l’on trouve dans d’autres villes ainsi qu’au

niveau national : l’encouragement de la participation citoyenne en fait bien évidemment partie,

tout comme la facilitation de l’action publique grâce à des données échangées plus facilement et

enfin, la stimulation de l’innovation en vue de développer l’économie autour du numérique.

Cependant, la démarche devient particulière lorsque l’on s’aperçoit qu’il existe trois niveaux

différents de mise à disposition. Dans un premier temps se trouve l’accès sans aucune condition

préalable, qui concerne tout de même la majorité des données. Ensuite existe un second niveau,

ou une authentification est requise pour accéder aux données : ceci est expliquer par une volonté

d’éviter que les réutilisations qui soient faites de ces données soient incompatibles avec la

politique menée par la ville. Enfin, le troisième niveau comporte, en plus d’une authentification

obligatoire, une redevance à payer afin d’éviter, dans des situations de grande consommation de

données, une situation de monopole d’un secteur privé sur les données publiques par exemple. Il

s’agit donc d’une approche particulière et qui ne correspond pas vraiment à ce qui peut être

observé ailleurs en France. Cette vision différente de l’ouverture des données peut aussi

s’expliquer par le fait que la ville de Lyon se place dans une véritable volonté de s’ériger en ville

intelligente, ou « smart city ». Cela expliquerais un certain opportunisme de la part de la ville,

qui conduit une démarche d’ouverture des données car il s’agit là d’un sujet d’actualité et de plus

en plus important mais qui tend tout de même à la contrôler afin d’en éviter les potentiels

mésusages ou les retombées négatives qui pourraient exister. Lyon montre donc à voir une

application pragmatique du mouvement de libération des données, comme si la politique avait

été pensée en amont en prenant en compte les intérêts de la ville et que la démarche avait ensuite

été ouverte dans le but de servir et accompagner ces intérêts. Néanmoins, il faut rappeler que la

majorité des données publiées restent accessibles sans conditions, ce qui laisse tout de même une

33 Métropole de Lyon, « Données métropolitaines du Grand Lyon » in Data Grand Lyon, En ligne, < http://data.grandlyon.com >, consulté le 28 Avril 2015

42

liberté conséquente aux réutilisations. Il reste tout de même dans la démarche quelques points

communs avec celle de Nantes ; d’abord, la ville de Lyon fait elle aussi preuve d’une volonté de

mutualisation puisqu’elle invite des partenaires à rejoindre ce mouvement, afin d’offrir l’accès à

un maximum de données. Par ailleurs, tout comme à Rennes, Nantes et Angers se trouve à Lyon

un espace dédié aux acteurs du web et du numérique, appelé la Cuisine du Web. Si cet espace

propose pour le moment des évènements plutôt axés sur le web ou les technologies de

l’information et de la communication, il n’est pas exclu de voir apparaître au fur et à mesure du

temps des manifestations tournées vers les données publiques. Parallèlement, Lyon se trouve être

l’un des participants au Climate Change Challenge aux côté de Nantes, Paris et Toulouse, une

opportunité intéressante pour une ville dont la libération des données est encore un phénomène

très récent.

Il est ici intéressant de noter que les différentes politiques d’Open Data, bien que

naturellement propres à chaque territoire, soient ponctuées de points communs entre elles. Il peut

exister différents modèles, qui se construisent soit en s’inspirant des précédents, soit en

cherchant une nouvelle approche par rapport à ce qui existe déjà. À Nantes, le déroulement du

projet s’est fait de manière cohérente grâce à des acteurs nombreux et mobilisés autour de la

problématique de l’ouverture des données. Désormais, la politique d’Open Data telle qu’elle a

été lancée il y a quatre ans de cela arrive à un moment clé de son évolution : il s’agit d’un

moment charnière puisque c’est maintenant que se joue l’avenir de la politique. Une

rétrospective sur les années passées permet de mettre en lumière les discours tenus et les

promesses faites, qui apparaissent ultérieurement sous un nouveau jour. Avec le recul nécessaire,

il est intéressant d’évaluer les impacts qu’a réellement eu la politique d’ouverture des données à

Nantes, ce qui constituera le propos de la seconde partie à suivre.

43

DEUXIEME PARTIE : APRES LE LANCEMENT, MESURER LES IMPACTS

Chapitre 1 : Quatre ans après, un écosystème développé autour des données

Dans un article pour la revue Place Publique, Hélène Maury indique qu’à Nantes, le

domaine de l’économie numérique représente 23 000 emplois, ce qui correspond à 8% des

emplois sur le territoire34. Si ce chiffre est encourageant, il faut tout de même s’y pencher pour

voir rapidement que l’ouverture des données ne fait pas partie des statistiques. Le terme

d’économie numérique recouvre ici de nombreux domaines : l’industrie, l’édition, la réparation,

le commerce, le Télécom et enfin l’informatique. Si ce dernier domaine représente la majorité

des pourcentages avec 61%, il est cependant difficile de savoir ce qui compose réellement ce

milieu vaste. Certainement, quelques entreprises inclues dans ce chiffre sont liées à l’Open Data,

mais elles n’en représentent pas la majorité. En effet, d’un point de vue purement économique,

les entreprises ou start-ups construites sur l’Open Data reste minoritaires. Comme le remarque

Claire Gallon, les données ouvertes ne représentent qu’un « tremplin » pour ces start-ups qui se

tournent ensuite vers des données payantes car de meilleure qualité et plus structurée35, ce qui est

préférable lorsque l’on veut construire une entreprise à partir de ces données. Les données mises

en lignes par la ville de Nantes et ses autres collectivités ne sont ainsi que des données d’appels,

qui peuvent faire germer des projets chez les entrepreneurs et les développeurs mais d’une

qualité encore insuffisante pour être une réelle base pour une start-up en expansion. Malgré cela,

les données ouvertes publiées sur le portail commun ont représenté un terreau pour le

développement de nombreuses initiatives qui participent de la dynamisation de la ville autour de

l’Open Data et qui encouragent les acteurs de tous horizons à innover autour de ces données.

Bien sûr, l’ouverture des données représente pour la ville de Nantes des retombées positives, à la

fois sur le plan économique, mais aussi dans le domaine de l’innovation ou encore de la

recherche. Comme le dit Jérémie Valentin dans un article pour la revue Documentaliste –

Sciences de l’information ; « Derrière le phénomène de mode qui consiste à se lancer dans l’open 34 Hélène Maury, « Le numérique : 8% des emplois de l’agglomération nantaise » in Place Publique, 45 (2014), pp 15-23 35 Voir annexe n°5, pages 76-83

44

data, cette démarche peut se révéler positive à la fois pour les réutilisateurs qui accèdent à de

l’information anciennement cloisonnée, mais aussi pour l’institution qui en est à l’origine par la

découverte d’un univers innovant en plusieurs points 36». C’est le cas de figure que connaît

Nantes grâce à l’ouverture de ses données : l’émergence d’un véritable écosystème autour des

données s’est faite et il est possible, au travers de l’étude de plusieurs initiatives, d’en mesurer

les retombées sur le territoire.

I . Encourager l ’ innovat ion et la créat ion

L’objectif de réutilisation des données était l’un des axes majeurs de l’ouverture des

données à Nantes. Quelques mois plus tard, on peut observer que la ville est parvenue à créer une

véritable dynamique autour de ces ressources, stimulant la création et accueillant des évènements

qui rythment le paysage de l’économie numérique. En effet, sous l’impulsion de la ville, les

réutilisateurs se sont mobilisés lors de plusieurs projets afin de faire partie de ce processus

d’innovation. L’apport des données ouvertes sur le territoire est donc fort sur le plan de la

création : les nombreuses applications créées sur la base des données en sont un bon exemple,

tout comme les nombreux évènements animés autour du sujet. Par ailleurs, l’Open Data est une

politique qui a été portée à un niveau national grâce à la mission Etalab. Ce faisant et afin

d’encourager de plus en plus de villes et de régions à libérer leurs données, de nombreux

concours ont été mis en place, ainsi que de nouveaux labels qui poussent ainsi les agglomérations

à se lancer dans l’ouverture des données et à stimuler l’innovation. Ce système de récompenses

sont autant de motivations, à la fois pour les collectivités et les citoyens, à travailler de concert

pour entretenir le dynamisme de la politique.

§1 – Des appl icat ions récompensées : « Rendez-moi la v i l le + fac i le »

À partir du 2 Mars 2012, un appel à projets a été lancé collectivement par la ville de

Nantes et Nantes Métropole. Intitulé « Rendez-moi la ville + facile », son objectif était d’inviter

36 Jérémie Valentin, « La donnée ouverte et libre, facteur d’innovation urbaine » in Documentaliste – Sciences de l’information, 49 (2012), pp. 30-31

45

tous les individus à élaborer un projet de service innovant basé sur les ressources de l’Open

Data. Qu’il s’agisse de développeurs, d’entrepreneurs, d’associations ou encore de simples

citoyens, l’appel à projets a été ouvert à tous afin de permettre un taux de participation maximal

et d’encourager l’innovation et la réutilisation des données au sein de toutes les catégories socio-

professionnelles. Afin de mener à bien ce programme, les collectivités nantaises se sont

entourées de partenaires issus de différents milieux et répartis dans le jury et dans le comité de

sélection. Le jury est composé d’entreprises : la Semitan, SFR, Clear Channel et Smile, quant au

comité, il réunit lui aussi des acteurs économiques (les entreprises Oseo et IBM) mais il inclut

également des acteurs d’autres horizons : les associations LiberTIC et Atlantic 2.0, l’École de

Design de Nantes Atlantique, Stereolux et enfin Atlanpole. La volonté de l’agglomération

nantaise n’est pas seulement d’encourager l’apparition d’initiatives liées aux données ouvertes :

il s’agit également de créer un mouvement pérenne, qui puisse faire émerger un écosystème

durable sur la base de la réutilisation des données. Pour cela, des dotations sont prévues pour les

projets lauréats, afin que les propositions ne restent pas à l’état de simple ébauche et puissent se

concrétiser.

Un dossier de presse37 a été diffusé par les collectivités afin de promouvoir l’événement

et de susciter l’intérêt des médias. Ce dossier de presse indique plusieurs points essentiels du

projet. La démarche affiche plusieurs objectifs, le premier étant de stimuler les acteurs locaux

autour de la réutilisation des données et de la création. Avec une participation étendue à tous, ce

ne sont plus seulement les professionnels qui peuvent proposer des projets et les dotations

accordées aux projets vainqueurs incitent de nouveaux acteurs à émerger. C’est notamment le cas

dans le milieu étudiant. Comme nous l’avons vu précédemment, l’École de Design Nantes

Atlantique et son laboratoire de recherche READi est un partenaire de la démarche d’ouverture

des données depuis plusieurs années. Au cours de l’appel à projets, trois projets portés par des

étudiants – anciens ou actuels – de l’école ont été récompensés. En tout, la ville et la métropole

se sont vues proposer 120 projets, dont 113 ont été retenus. La dynamique de créativité a donc

bien fonctionné, remplissant ainsi le premier objectif de la démarche. Son second but a été de

faire émerger de nouveaux services qui pourraient améliorer la qualité de vie des habitants. Cet

axe se trouve lié au type de données que les collectivités ont entrepris de publier au fil des mois. 37 Voir annexe n°4, pages 72 – 75

46

Celles-ci portent en effet beaucoup sur des données autour de la mobilité (les transports ou le

trafic), de l’environnement (statistiques concernant la pollution, informations à propos de

l’écosystème) ou encore de la culture. Utiliser ces données afin de les transformer en application

à disposition de tous est un moyen de faire prendre conscience aux habitants de l’environnement

qui les entoure et de leur donner les outils pour mieux comprendre la ville. Parmi les projets

lauréats du concours, deux applications sont par exemple consacrées à la mobilité. L’application

Statiophone permet de localiser en temps réel les places de parkings disponibles ou les parkings

les plus proches. OpenNantes, quant à elle, prend en compte les horaires de transports en

commun, les informations sur le trafic ou encore les différents travaux afin de fournir des

itinéraires et faciliter le déplacement au sein de l’agglomération nantaise. Une démarche de

simplification de la vie quotidienne donc, grâce à de nouveaux services sous forme de sites web

ou d’applications mobiles réutilisant les données. Le support numérique permet d’autant plus

d’accessibilité qu’il fait aujourd’hui partie du quotidien d’un très grand nombre d’individus et les

applications conçues offrent ainsi une utilisation intuitive et simple pour faciliter les activités.

Enfin, le dernier objectif qui a animé le lancement de ce concours concernait les relations entre

les différents acteurs locaux. Non seulement l’appel à projets souhaitait ouvrir à tous la

possibilité de créer autour des données ouvertes mais son but était aussi de réunir des individus

d’horizons différents qui de prime abord n’avaient pas ou peu de relations entre eux. Cela est

vrai notamment pour les relations entre les collectivités et les habitants. Car, il ne faut pas

l’oublier, l’un des objectifs de l’ouverture des données est en effet de pousser les citoyens à

regagner confiance en leurs gouvernements et d’encourager le dialogue entre société civile et

services publics. L’appel à projets innovants lancés par la ville de Nantes et Nantes Métropole

appelle ainsi les citoyens à s’exprimer de manière créative et cherche à montrer l’utilité des

données publiées. Il s’agit en effet d’un très bon moyen de faire connaître les données, d’inciter

les individus à en prendre connaissance et à les exploiter et donc de démontrer que les objectifs

de transparence et d’ouverture sont remplis par les collectivités. En outre, les projets proposés

révèlent aussi des besoins ou des attentes de la part des citoyens. Une forte création autour des

données environnementales par exemple pourra traduire un besoin des citoyens en matière de

connaissances sur le territoire ou une volonté des entreprises de développer un certain axe de

travail. L’occasion est aussi donnée lors de cette démarche de mettre en relation les différents

acteurs. Les collectivités ont en effet été accompagnées de plusieurs partenaires lors de cet appel

47

à projets : les participants ont ainsi la possibilité de rencontrer et d’échanger d’une part avec les

services publics et d’autre part avec des acteurs économiques de la ville de Nantes.

Trois ans après le déroulement de cet appel à projet, le bilan que l’on peut en faire reste

mitigé. Il a énormément mobilisé sur le plan de la participation : en tout, 120 projets ont été

déposés auprès du comité formé dans le cadre de l’événement. Il s’agit là d’un chiffre record

puisque d’autres villes de France ayant proposé le même type de concours n’ont pas autant

mobilisé. C’est notamment le cas à Rennes, qui s’est vue proposer 43 projets par exemple. Il

s’agit donc d’un point positif, qui démontre un certain intérêt pour la question. Cependant, il faut

constater que les projets ainsi proposés n’ont pour la plupart pas connu de développement plus

avant.

§2 – Le moteur des pr ix et labe ls

Si les phénomènes d’appels à projets sont un bon moyen d’encourager l’innovation

autour des données publiques, il en est de même pour Nantes en elle-même. En effet, l’Open

Data est aujourd’hui un phénomène d’importance cruciale, à la fois à l’échelle nationale et

internationale. Pour cette raison et afin d’inciter les villes à participer à ce mouvement, des

récompenses se sont créées ; qu’il s’agisse de prix ou de labels attribués à certaines villes pour

leurs initiatives d’ouverture, ces rétributions saluent les avancées faites par ces territoires et

constituent un bon moteur pour encourager l’innovation. Car l’obtention d’un label ou d’un prix

induit par la suite une certaine visibilité, un rayonnement non négligeable, qui lui-même apporte

des opportunités de développement économiques et une attractivité nouvelle au territoire

concerné. Nantes n’est pas en reste puisqu’elle a reçu depuis la fin de l’année 2012 deux

récompenses : le label « Territoire innovant » et une distinction lors des Prix Territoriaux de

2013, attribués par la Gazette des communes en partenariat avec la GMF. En ce qui concerne le

label « Territoire innovant » il est décerné par le Réseau des Territoires Innovants. Le but de ce

label est à la fois de récompenser les territoires ayant mis en place des usages innovants, afin de

valoriser ces actions et de les ériger en exemples pour les initiatives futures mais aussi dans

l’objectif de rapprocher les différentes villes dans une optique d’échange de « bonnes

pratiques ». En effet, un territoire labélisé gagnera ainsi une certaine expertise auprès de

48

collectivités qui souhaiteraient ouvrir leurs données et qui auraient ainsi besoin de retours

d’expériences pour construire leur propre démarche. Un tel label est donc synonyme de

rayonnement au niveau national pour des villes ayant travaillé à l’ouverture de leurs données et il

représente également une certaine gratification pour les travaux menés, ce qui peut encourager

les territoires à continuer dans cette voie. Le prix attribué en 2013 par la Gazette des communes

est quant à lui une récompense supplémentaire quant aux efforts fournis par les collectivités.

Comme il est indiqué sur le portail Open Data de la ville de Nantes et Nantes Métropole ; « Les

prix Territoriaux récompensent les réalisations innovantes et les bonnes pratiques ayant permis

d'améliorer la qualité du service public en impliquant plusieurs métiers et services »38. Cette

logique de récompense permet à la fois de montrer aux territoires que leurs démarches sont

valorisées, que leurs actions ne sont pas ignorées et dans le même temps de montrer un exemple

aux villes qui n’ont pas encore libéré leurs données, de pointer des modèles qui ont eu du succès

afin de s’en inspirer. Une ville comme Nantes, qui a donc été récompensée à plusieurs reprises,

peut améliorer la visibilité de son projet à une échelle plus importante de par son statut

d’exemple. Par ailleurs, Nantes a aussi été labellisée par le projet French Tech39 : afin d’organiser

cette démarche, un appel à candidatures à été réalisé auprès des villes françaises souhaitant

valoriser et promouvoir leur action autour du numérique et de porter leurs ambitions à un niveau

international. Outre un programme d’aide financière attribuée aux villes ayant obtenu le label, la

French Tech est aussi un gage de rayonnement qui ne se cantonne pas à l’échelle nationale.

Nantes a donc reçu le label en 2014 en valorisant son écosystème numérique développé,

notamment autour de lieux de l’innovation tels que le quartier de la création et en s’appuyant sur

le fort dynamisme de son mouvement créatif et innovant. Il est donc possible de voir que ces

labels et autres prix peuvent devenir de véritables moteurs pour les villes qui souhaitent faire

partie d’un mouvement innovant autour du numérique. Par ailleurs, les possibilités de

développement économique sont stimulées par une dotation non négligeable qui peut être vecteur

de croissance dans certains domaines.

38 Ville de Nantes et Nantes Métropole, « Remise des prix territoriaux le 26 Mai » in Nantes ouverture des données, En ligne, < http://data.nantes.fr/actualites/detail-dune-actualite/remise-des-prix-territoriaux-le-26-mai-1/ >, consulté le 27 Avril 2015 39 Nantes Tech, « Nantes labellisée métropole French Tech » in Nantes Tech, En ligne < http://www.nantestech.com >, consulté le 28 Avril 2015

49

§3 – De p lus en p lus d’évènements autour de l ’Open Data

Dans le paysage de l’Open Data français, Nantes est une ville très active sur le plan des

évènements autour des données ouvertes. Un tel dynamisme contribue à en faire une ville de

premier plan pour tous les acteurs du milieu et, surtout, pour entretenir l’engouement suscité par

l’ouverture. Parmi ces évènements se trouvent des manifestations de différentes natures et

certaines sont inspirées de ce qui commence à apparaître en France, notamment les

« Hackathons ». Par ailleurs, entre concours et festivals approchant le sujet des données ouvertes,

le monde du numérique se tourne souvent vers la ville de Nantes, désormais acteur majeur du

mouvement Open Data.

A) Le phénomène des « hackathons »

Nantes a organisé quatre hackathons depuis l’année 2012. Il s’agit là d’un phénomène qui

prend de plus en plus d’ampleur au fil du temps : ces évènements sont devenus très fréquents

dans le monde des données ouvertes. L’objectif de ces hackathons est de développer dans un laps

de temps limité des applications utilisant les données publiées, dans le but de créer des services

innovants destinés aux citoyens, qui pourront être exploités par la suite, mais encore avec

l’objectif de montrer à des individus peu connaisseurs du milieu ce qu’il est possible de faire en

réutilisant ces données. Ainsi, à chaque hackathons organisés, de nombreux acteurs se réunissent

afin de travailler ensemble : l’une des préconisations d’un tel événement est de venir sans équipe

prédéfinie et de former ces équipes sur place, afin d’encourager les échanges et les rencontres

entre différents acteurs. Les hackathons sont ouvert à tous : développeurs, professionnels du

milieu, étudiants ou simples citoyens, ce qui permet un échange de connaissances et de savoirs

pratiques. De tels évènements se veulent donc mobilisateurs mais leur objectif est aussi de faire

émerger des idées. Comme le dit Simon Chignard dans l’article « Un hackathon, sinon rien ? »

publié sur son blog40, l’événement en lui-même ne produira pas forcément de résultats concrets :

il verra naître des prototypes, émerger des idées mais la concrétisation de ces projets ne pourra se

faire que plus tard, avec les moyens nécessaires. Mais ce type d’événement constitue un terrain

40 Simon Chignard, « Un hackathon, sinon rien ? » in Données ouvertes, En ligne < http://donneesouvertes.info/2013/01/08/un-hackaton-sinon-rien/ >, consulté le 29 Avril 2015

50

d’expérimentation inédit, qui permet d’encourager la réutilisation des données : il est beaucoup

plus facile de se faire une idée de l’utilité d’un jeu de donnée issu d’un portail d’Open Data en

voyant un service concret qu’il peut proposer plutôt qu’en le consultant sur le site web. Il n’est

pas étonnant de voir ces démarches se multiplier à Nantes, comme dans les autres villes qui

ouvrent leurs données. Il s’agit en effet de manifestations simples à réaliser, généralement peu

couteuses puisque souvent organisées dans des lieux possédant déjà les ressources nécessaires

mais qui permettent pourtant de réunir un nombre importants d’individus autour d’une même

thématique. Les créations qui naissent de ces défis peuvent attirer des investissements si elles

sont jugées suffisamment prometteuses et dignes d’être concrétisées. Comme le rappelle encore

Simon Chignard41, le hackathon est aussi une expérience vécue par les acteurs de l’intérieur et

qui peuvent être porteurs d’un discours particulier sur ces évènements. Malgré cela, cette

expérience reste encore limitée aux participants puisqu’un citoyen amateur, peu connaisseur du

domaine, peut avoir du mal à s’identifier à ce discours. C’est pourquoi il est important de

communiquer autour de ces évènements et d’en faire suivre les étapes ainsi que les résultats en-

dehors du cadre de l’événement. Par ailleurs, même si ce genre de manifestation, bien que très

bénéfique au niveau de l’innovation et de la création, peut être difficile à appréhender pour

certains individus, il ne s’agit pas des seules occasions de promouvoir l’Open Data.

B) Des manifestations à portée nationale voire internationale

1 – L’exemple du Climate Change Challenge à l’échelle nationale

La ville de Nantes s’est vue participer pour la première fois en 2015 au Climate Change

Challenge42. Ce concours s’inscrit en amont du sommet sur le climat qui se déroulera en

Décembre à Paris. L’idée est de réunir le plus d’acteurs possibles afin de stimuler la réutilisation

des données ouvertes, notamment celles portant sur l’environnement ou la géographie et d’en

faire naître des projets innovants, dont le but serait de lutter contre le réchauffement climatique.

Ainsi, le 22 Mai à Nantes se déroule la première étape du concours, qui consiste en un rendez-

41 ibid. 42 Nantes ouverture des données, « Un challenge pour lutter contre le changement climatique » in Nantes ouverture des données : ouverture des données publiques, En ligne < http://data.nantes.fr/actualites/detail-dune-actualite/un-challenge-pour-lutter-contre-le-changement-climatique/ >, consulté le 29 Avril 2015

51

vous établit afin de recueillir les idées des participants. Lors de cette journée, c’est au Solilab43

que ce déroulera la rencontre. Les villes de Toulouse et Paris accueilleront la seconde étape du

concours, à savoir une rencontre destinée à préciser les défis portés par le challenge. Enfin, la

ville de Nantes sera à nouveau l’hôte d’un hackathon durant lequel les participants pourront

concrétiser leurs projets, dans un délai de 48 heures, du 6 au 9 Décembre 2015 : chaque ville

participante accueillera d’ailleurs sont propres hackathon. Ce concours représente un tremplin

pour la ville de Nantes et ses données ouvertes dans la mesure où, lors du sommet sur le climat

qui aura donc lieu en Décembre, trois projets par villes se verront récompensés en y étant

présentés. Il s’agit donc d’un très bon vecteur de promotion de l’Open Data nantais : les projets

lauréats seront en effet représentatifs de plusieurs aspects. D’abord, ils permettront de montrer la

qualité des données ouvertes mise à disposition par Nantes et ses collectivités. Ensuite, cela

permet également de stimuler l’innovation autour de ces données et ainsi de donner à voir un

dynamisme toujours présent pour le phénomène.

2 – D’autres évènements d’envergure internationale

Le festival Web2Day s’apprête à s’installer à Nantes au mois de Juin pour sa 7ème édition.

Devenu l’un des évènements incontournables dans le milieu du web, les données ouvertes en

sont l’un des concepts phares. Organisés par l’association Atlantic 2.0, les festivals se déroulent

tous les ans au Stereolux à Nantes, ce qui participe à en faire une ville de premier plan dans le

domaine du numérique et bien sûr de l’Open Data. Le festival réunit des acteurs de tous horizons

avec en commun leur intérêt pour les nouvelles technologies et les données ouvertes : qu’il

s’agisse d’entrepreneurs, de chercheurs, de développeurs, d’élus ou encore des médias, c’est une

occasion de rassembler le maximum d’individus autour d’un même sujet44. Par ailleurs, durant

les trois jours que compte le Web2Day, de nombreuses activités sont proposées à un public aussi

large que possible. Il compte bien évidemment beaucoup de conférences, animées par des

« speakers » venus de nombreux pays et qui ont joué un rôle dans le monde de l’innovation, du

web ou des données ouvertes. Parmi ces intervenants, beaucoup d’entrepreneurs et de startupeurs

ainsi que des professionnels du numérique et du web, mais aussi des acteurs du milieu associatif 43 Voir définition à la page 6 44 Web2Day Digital Festival, « Programme » in Web2Day En ligne < http://web2day.co/programme/ >, consulté le 29 Avril 2015

52

ou encore des chercheurs. La diversité des intervenants présents offre une multitude de point de

vue sur les questions que posent les nouvelles technologies d’information et de communication,

le numérique mais également l’ouverture des données. Si toutes les conférences ne portent pas

sur le thème de l’Open Data, il s’agit tout de même d’un point clé qui compose le programme du

festival. Car en plus de ces conférences sont proposées d’autres activités, parmi lesquelles des

workshop mais également des interventions nommées « Tech2Day » : plus techniques que les

conférences, il s’agit là de manipuler directement les matériaux et notamment les données

ouvertes afin de mieux comprendre comment les utiliser. Le festival est donc un très bon moyen

pour la ville de Nantes de rassembler sur son territoire de nombreux acteurs du numérique et de

promouvoir son programme d’ouverture des données au travers d’animations. Parallèlement, on

peut distinguer une limite de ce genre d’événement, qui est de s’adresser plutôt à un public averti

et moins à une cible amatrice. Les novices en matière de numérique ou de données ouvertes se

sentiront peut-être perdus lors des conférences ou des ateliers qui portent sur des sujets parfois

pointus, ce qui implique notamment l’emploi de tout un vocabulaire autour de cette thématique.

L’une des forces de cet événement est que sa portée est internationale : ce sont des acteurs du

monde entier qui y sont présents. Cet élément contribue fortement à renforcer la visibilité de

Nantes en matière de numérique et d’ouverture des données, à la fois sur un plan national mais

aussi à l’international. Il s’agit donc d’un enjeu très important car l’attractivité de la ville est

ainsi démontrée et si cette démonstration porte ses fruits, il peut s’agir d’une opportunité de

développement pour le territoire. C’est aussi le cas de la Digital Week, organisée depuis deux

ans à la période la rentrée. Il s’agit en effet là aussi d’une manifestation qui attire de nombreux

acteurs et qui dépasse les seules frontières françaises. Ces deux événement sont des exemples de

la mobilisation qui peut avoir lieu autour du sujet des données et du numérique. Le sujet et sa

grande envergure inhérente est susceptible d’intéresser des acteurs de tous horizons ; favoriser la

rencontre, l’échange et la créativité autour d’une thématique, il s’agit bien là d’objectifs attachés

au développement de l’Open Data.

L’ouverture des données a donc apporté avec elle de nombreuses initiatives sur le

territoire nantais. S’il ne s’agit pas forcément d’entreprises à proprement parler qui se bâtissent

sur les données ouvertes de Nantes, il est cependant important de souligner qu’un tel dynamisme

53

ne peut que profiter à l’économie nantaise, et ce autour du numérique. Les évènements animés

par les différentes organisations (associations, collectivités, ...) permettent ainsi de faire venir sur

le territoire des acteurs de tous milieux. Il s’agit aussi de remplir l’objectif de co-productivité de

la ville de Nantes et des collectivités, objectif énoncé dans un dossier de presse du 21 Novembre

2011, diffusé à l’occasion du lancement de la plateforme commune à la ville de Nantes et Nantes

Métropole. Déjà à l’époque le but était de réunir le plus d’acteurs possibles, venus de différents

milieux, afin de mettre en commun des connaissances, des moyens et des idées qui n’auraient pu

mûrir ni se concrétiser sans cette réunion. Nantes a donc réussi cet objectif de mobiliser un

nombre très important d’individus et elle est rapidement devenue une ville de premier plan et très

dynamique en ce qui concerne les données ouvertes. Mais l’innovation ne se trouve pas

seulement dans le monde des start-ups, des développeurs et des entrepreneurs ; d’autres

domaines ont également bénéficié de l’engouement pour développer de nouveaux axes de travail.

I I . Un nouveau domaine pour la recherche et les prat iques innovantes

Si l’économie numérique est un domaine clé pour l’ouverture des données, d’autres

pratiques de sont pas en reste lorsqu’il s’agit de la réutilisation. Car les applications ne sont pas

les seules utilités que l’on peut trouver aux données publiques. À Nantes se trouve notamment le

cluster Ouest Médialab qui réinvente une nouvelle manière de faire du journalisme. Le territoire

nantais peut aussi compter sur la recherche, qui s’est très rapidement intéressée au phénomène de

l’ouverture des données pour en faire un terrain d’investigations.

§1 – Ouest Média lab et le journa l isme de données : une manière de réut i l i ser les

ressources de l ’Open Data

Le datajournalisme45 ou journalisme de données, c’est ce que cherche à développer le

cluster Ouest Médialab en associant en son sein plusieurs acteurs du monde des médias. Dirigé

par Julien Kostrèche, journaliste et Philippe Roux, professionnel de l’Internet, le cluster compte

45 Voir définition page 5

54

aujourd’hui près de 30 médias adhérents. Dans une interview pour la revue Place Publique46, les

deux hommes expliquent la fonction de leur organisation : le cluster, unique en France est une

association créée en 2012. Il réunit donc différents médias – il peut s’agir de radio, presse papier

ou en ligne, de télévision ou d’autres formes de médias – qui sont associés dans un laboratoire

afin de mener des recherches sur les questions du numérique et du bouleversement qu’il apporte

pour le monde des médias. L’un de leurs axes de travail est justement dédié aux données

ouvertes : il s’agit de savoir comment il est possible d’utiliser ces données dans le journalisme,

de quelle manière faut-il adapter la pratique du journalisme pour qu’il fasse sens, alors que le

mouvement est à la libération et la gratuité des données ?

L’activité du cluster propose à ses adhérents quatre axes de travail. Dans un premier

temps, des formations professionnelles sont proposées afin de fournir aux individus les

connaissances nécessaire pour manipuler l’outil numérique et ses ressources. Des aides sont

également offertes pour le développement de projets innovants : rechercher des partenaires, des

financements, stimuler la créativité par le biais d’ateliers sont autant de moyens de fournir cette

aide aux adhérents. Par ailleurs, le cluster procède également à des missions de veille

professionnelle sur les projets menés par les membres, ce qui leur permet d’obtenir des retours

sur leurs actions et de développer les connaissances. Enfin, une autre activité proposée et

surement l’une des plus médiatisée est l’organisation de Hyblab47. Depuis l’année 2013, Ouest

Médialab a organisé six Hyblabs. Parmi eux, l’un concernait les « archives 2.0 » qui visait à faire

réutiliser par les participants les archives de plusieurs partenaires pour en tirer des projets de

visualisation. Un autre, le Hyblab Datasport a conclu sa deuxième édition le 19 Mai à Nantes.

Cette fois-ci et comme son nom l’indique, les données utilisées relevaient du domaine du sport.

Enfin, le plus intéressant de ces ateliers dans le cadre de cette étude est le Hyblab

Datajournalisme. Le dernier de cette catégorie a pris place du 21 Janvier au 6 Février 2015.

Différents acteurs du journalisme et de l’informatique se sont donc réunis pendant une quinzaine

de jours autour de la réutilisation de données publiques afin de réaliser à partir de ces dernière un

projet de « dataviz ». Cet événement rencontre un franc succès depuis son lancement en 2013 et

est d’ailleurs reconduit pour l’année 2016. Il est donc visible ici que les données ouvertes ne

profitent pas seulement au monde des développeurs et des professionnels du web. Les données 46 Place Publique, « Ouest Médialab : inventer ensemble les médias de demain ? » in Place Publique, 45 (2014), pp. 24-25 47 Voir définition page 5

55

publiques peuvent intéresser d’autres domaines et faire émerger de nouvelles pratiques. C’est

particulièrement vrai pour le monde du journalisme, qui doit sans cesse s’adapter aux nouvelles

technologies et aux nouvelles attentes des utilisateurs. Une organisation telle que Ouest Médialab

permet, grâce à son statut de cluster et sa forme de laboratoire, de dynamiser l’activité des

médias autour du numérique et des données ouvertes tout en poursuivant des activités de

recherche, afin d’accompagner au mieux les changements induits par une telle politique.

§2 – Les données : un terra in pour la recherche

Sur le plan de la recherche, l’ouverture des données à Nantes est en effet un terrain très

intéressant. En effet, le mouvement de libération des données publiques est relativement récent et

ses impacts restent encore à mesurer. Il n’est pas possible d’en connaître immédiatement toutes

les retombées, ni toutes les innovations qui pourraient naître grâce à lui. C’est notamment pour

cette raison que les chercheurs ont trouvé dans ce sujet un intérêt particulier : tout reste à

découvrir, dans un milieu appelé à évoluer sans cesse et faire évoluer avec lui les usages. Sur le

territoire nantais se trouvent deux laboratoires d’importance. L’un dépend de l’Université de

Nantes et l’autre de l’École de Design de Nantes Atlantique, qui nous l’avons vu a été l’un des

partenaires de l’ouverture des données. Mais son action ne s’est pas bornée à faire participer

quelques étudiants à des projets ponctuels afin de développer des applications.

A) Le laboratoire Informatique de Nantes Atlantique (LINA)

Résultat de la fusion de l’Institut de Recherche en Informatique de l’Université de Nantes

et du département d’informatique de l’École des Mines, le LINA, aussi appelé UMR 6241, est un

acteur majeur en matière de recherche sur l’informatique au sein de la région des Pays de la

Loire. En collaboration avec d’autres laboratoires situés dans le grand Ouest – qu’il s’agisse de la

ville d’Angers ou même de la Bretagne – il comporte cinq thèmes de recherches axés sur le

numérique48. Celui qui est ici particulièrement pertinent et intéressant se porte vers la science des

données et deux équipes travaillent sur ce sujet : l’équipe DUKe (Data User Knowledge) et

48 Université de Nantes, « Organisation » in Laboratoire d’Informatique de Nantes Atlantique, En ligne < https://www.lina.univ-nantes.fr/?-Organisation-.html >, consulté le 30 Avril 2015

56

l’équipe GDD (Gestion de Données Distribuées). La recherche autour de ce thème consiste

notamment à comprendre l’exploitation des jeux de données mis en ligne sur les plateformes

d’Open Data et d’en étudier les possibilités de manipulation autant que les procédés de

visualisation de ces données. Le projet le plus marquant mené par les équipes du laboratoire est

le projet LodPaddle49 : en s’appuyant à la fois sur les données publiées par les collectivités et sur

une vision du web sémantique50, les chercheurs en collaboration avec quelques membres des

collectivités ont crée un site web qui, en croisant les données de toutes les plateformes Open

Data de la région, permet de montrer l’utilité et le fonctionnement de ces données sous forme

ludique. Présenté sous la forme d’une carte, le site internet utilise les données ouvertes fournies

par les villes pour offrir des informations à propos de ces dernières. Ces informations portent à la

fois sur la démographie, les services, les transports, la culture ou encore les loisirs. Par ailleurs,

le site propose également des jeux à nouveau basés sur les données publiques et ayant pour but

de développer la connaissance du territoire. Il s’est donc agit de créer une interface qui permet

aux citoyens de prendre connaissance des données sous une forme plus accessible que les

données brutes publiées sur les portails d’Open Data. Le projet a par ailleurs suscité un intérêt

qui a dépassé la seule région des Pays de la Loire puisqu’il a été sélectionné en 2014 par

l’organisation LOD251 dans le cadre de son appel à projets, Publink. Le LINA est donc

aujourd’hui un lieu important de la recherche autour du numérique et de l’Open Data à Nantes.

Son activité se concentre toutefois plutôt sur le prisme technique de l’ouverture des données.

B) À l’école de Design de Nantes Atlantique, le READi Design Lab

Le LINA n’est pas le seul laboratoire à Nantes à s’être intéressé à l’ouverture des

données. Le READi Design Lab, rattaché à l’École de Design de Nantes Atlantique, se penche

lui aussi sur la question, sous un angle assez différent de ce que fait le LINA. Dirigé par Grégoire

Cliquet, docteur en Sciences de l’ingénieur Arts et Métiers Paris Tech, le laboratoire se décrit

comme une « plateforme créative d’expérimentations [...] qui a pour objet d’articuler la

49 Université de Nantes, « LodPaddle » in LodPaddle, En ligne < http://lodpaddle.univ-nantes.fr/lodpaddle/ >, consulté le 30 Avril 2015 50 Voir définition page 6 51 L’organisation LOD2 est un projet initié notamment par la Commission Européenne dont le but est de promouvoir un meilleur usage du web et des données ouvertes pour faire émerger des pratiques innovantes et des acteurs créatifs.

57

pédagogie, le monde des entreprises et celui de la recherche autour du développement

d’innovations centrées sur les usages dans le domaine des technologies de l’information et de la

communication »52. Comme vu précédemment, l’École s’est révélé être un partenaire important

de la démarche d’ouverture des données à Nantes, puisqu’une convention a même été conclue

entre elle et le Conseil Général de Loire Atlantique en 2011. De ce fait, l’École a participé à de

nombreux projets autour des données ouvertes tels que des appels à projets ou des hackathons.

Mais parallèlement à cette démarche de participation, le laboratoire READi Design Lab ouvert

en Mars 2011 mène également des activités de recherche autour du domaine du numérique et de

l’Open Data. L’une des problématiques générales du laboratoire nommée « Information

Design » est en effet dédiée à cet axe de recherche. Les activités qui y sont développées

s’appuient sur les données ouvertes, soit pour créer des services innovants à partir d’elles, soit

pour en réaliser des représentations visuelles dans le but de faciliter la compréhension des

données. Dans le cadre de son activité, le laboratoire READi Design Lab s’est entouré de

nombreux partenaires, qu’ils soient institutionnels puisqu’il collabore beaucoup avec les

administrations sur le thème des données ouvertes, ou bien académiques comme économiques. Il

s’agit ici d’une approche moins technicienne que celle pratiquée par le LINA, les axes de

recherche étant ainsi plutôt teintés d’une volonté de faciliter la compréhension des données

auprès des usagers et d’accompagner les réutilisateurs dans leurs démarches innovantes. L’École

représente par ailleurs un vivier de candidats aux appels à projets et autres hackathons, puisque

de nombreux étudiants issus de cet établissement participent aux évènements organisés à Nantes.

De telles expériences peuvent être très bénéfiques, notamment pour le territoire qui ouvre ses

données puisqu’elles peuvent offrir des perspectives d’un point de vue neuf, différencié du point

de vue politique. Par ailleurs, elles permettent d’initier ces étudiants au monde des données

ouvertes pour éventuellement, par la suite, susciter des vocations dans le milieu.

Outre le développement économique, la libération des données publiques permet donc un

mouvement d’innovation dans des domaines voisins. Le monde de la recherche a réussit à

s’approprier le sujet afin de proposer à la fois une expertise nouvelle sur le sujet mais aussi en

52 École de Design Nantes Atlantique, « READi Design lab » in L’école de Design de Nantes Atlantique, En ligne < http://www.lecolededesign.com/recherche-et-design-labs/readi-design-lab/ >, consulté le 1er Mai 2015

58

offrant des prospectives sur ce que peut apporter l’Open Data pour le territoire. Car si les acteurs

ayant mis en place la politique ont certes prévu certaines conséquences, il y a encore beaucoup

d’usages et de pratiques nées de l’ouverture des données qui sont appelées à émerger et qui

nécessitent une expertise particulière qui peut être fournie par les chercheurs. Il s’agit ainsi

d’effectuer un certain travail en amont, afin de comprendre les ressources et de leur donner un

sens, travail qui sera ensuite relayé par les développeurs s’attelant à transformer ces données

sous des formes accessibles au grand public.

Chapitre 2 : Un bilan à nuancer

Si la communication autour de l’ouverture des données à Nantes tend à montrer une

dynamique en développement constant et des effets bénéfiques, il s’agit là d’un discours à

nuancer. En effet, même s’il est incontestable que la libération des données publiques a été pour

la ville et les collectivités un très bon moyen de stimuler l’innovation et de faire naître de

nouveaux mouvements, il n’en reste pas moins que certains points restent à améliorer, ce qui

paraît naturel pour une politique qui a émergé il y a quatre ans et qui, évidemment, ne peut tout

réussir dès sa première version. Il s’agit donc ici de relever quelques points problématiques de la

politique d’Open Data, de comprendre les raisons de ces difficultés et d’en tirer des leçons qui

puissent être applicables par la suite. Les écueils que peut rencontrer l’ouverture des données

sont présents à la fois en interne des administrations, autant qu’en externe, dans une approche

plus citoyenne.

I . Un t rava i l à long terme en in terne pour in t roduire la « cu l ture » Open

Data

Les collectivités ont travaillé de concert avec l’association LiberTIC à Nantes lors du

lancement de la démarche, mais il reste tout de même au sein de ces administrations quelques

difficultés qui peuvent constituer des obstacles au déroulement complet de l’Open Data. Selon

59

Claire Gallon53, l’approche des agents vis-à-vis de l’ouverture des données diverge selon les

individus et les services concernés. Il existe d’abord une méconnaissance du cadre légal français

à ce sujet : en effet, la loi du 17 Juillet 1978 lançant dans le même temps la création de la CADA,

avait déjà pour but de libérer l’accès aux documents administratifs ainsi que leur réutilisation.

Cette accessibilité n’est donc pas née avec le lancement des politiques d’Open Data, mais les

administrations ont encore des difficultés à intégrer cette dimension dans leur travail. Même si la

loi date de plusieurs décennies, la véritable question de l’ouverture des données ne s’est posée

que récemment et vient ainsi bouleverser les pratiques des agents. Il y a également une véritable

difficulté à voir le travail effectué en interne être relayé à l’extérieur et réutilisé, notamment à des

fins commerciales. Même s’il s’agit la encore d’un usage autorisé par la loi, il n’est pas facile

pour les administrations de voir le produit de leur travail quotidien être réutilisé à de telles fins et

engendrer le développement économique des entrepreneurs et réutilisateurs. Les services publics

ont une certaine réticence à accepter que leur travail puisse servir les intérêts d’entreprises

privées. Par ailleurs, l’impératif d’ouverture peut être mal vécu puisqu’il implique le caractère

public du travail fournit par les agents, il faut donc des données de qualités et l’impression d’une

surveillance de ce travail peut freiner certains services publics. En effet, il faut ouvrir les données

mais puisque celles-ci seront rendues publiques, il sera alors aisé de juger de la qualité des

ressources fournies et de pointer les informations qui ne répondent pas à ce critère. Rendre public

son travail, c’est prendre le risque de le voir commenté, voire critiqué et c’est là un phénomène

qui inquiète certains individus au sein des administrations. Il s’agit d’une conception plutôt

erronée puisque les citoyens ne jugent pas tant sur la qualité des données, ce qu’ils souhaitent

étant avant tout la libération de ces données : pour faire simple, mieux vaut des données de

moins bonne qualité que pas de données du tout. Malgré cela, la perception en interne reste

difficile à modifier. C’est un problème qui peut cependant être résolu et qui n’aurait peut-être pas

été rencontré si des formations par exemple avaient été organisées auprès des agents du service

public. Un simple atelier, quelques rencontres autour du sujet auraient ainsi été bénéfiques pour

faire mesurer l’importance et la valeur des données qui sont manipulées chaque jour en interne

des collectivités. Pour faire comprendre également que l’ouverture n’allait pas « voler » le travail

effectué mais pouvait au contraire l’enrichir en permettant une interaction entre services publics

et citoyens. Il s’agit d’ailleurs d’un paradoxe puisque la politique d’Open Data « à la nantaise », 53 Voir annexe n°5 pages 76-83

60

qui se veut co-productive et collaborative, a encore du mal à être appliquée par des agents qui ne

parviennent pas toujours à se détacher de « leurs » données, de leur travail. Parallèlement, le

constat n’est pas totalement sombre ; de nombreux acteurs sont favorables à cette ouverture et la

soutiennent, en voyant dans cette politique des opportunités de développement qui ne sont sans

doute pas visibles aujourd’hui mais qui pourront se développer à plus long terme. Il ne s’agit pas

de tout faire avancer d’un bond, la démarche d’ouverture ne provoquera pas de révolution

soudaine des administrations publiques car il est plutôt question d’un processus incrémental, qui

se fera grâce à des avancées dans chaque secteurs. Peut-on pour autant parler d’un nécessaire

changement de mentalité ? Cela paraît radical car la réticence des agents à ce propos relève

surtout d’une méconnaissance du sujet et des apports que peut comporter l’ouverture des

données. Avec une meilleure connaissance et une formation à ces thématiques, il sera plus

évident pour ces individus d’intégrer les données ouvertes dans leur mode de travail. En

parallèle, l’ouverture des données si elle est pratiquée correctement en interne peut être un

vecteur de modernisation et de praticité évident. Comme l’évoque Jérémie Valentin dans un

article pour la revue Documentalistes – Science de l’information54, l’ouverture des données crée,

en interne, des mouvements jusqu’alors insoupçonnés. Les services sont à même d’échanger

entre eux sur les données qui sont produites et cette libération des datas permet un gain de temps

et une rationalisation du travail certaine : au lieux de passer par de multiples canaux pour obtenir

une simple information, il est désormais possible d’obtenir lesdites informations par soi-même.

Ce sont donc de nouveaux usages qui naissent mais qui ne sont d’ailleurs par toujours bien

perçus : notamment sur la rationalisation du travail, il est difficile d’admettre qu’une politique

qui se veut génératrice d’emplois autour du numérique et stimulatrice de l’économie puisse dans

le même temps mener à une refonte de certains postes ou services en interne des administrations.

54 Jérémie Valentin, « La donnée ouverte et libre, facteur d’innovation urbaine », op. cit.

61

I I . Une approche qu i gagnera à se recentrer sur le c i toyen et à in t roduire

p lus de créat iv i té

§1 – Une c ib le t rop resserrée sur l ’économie et qu i ne la isse pas suf f isamment de

p lace à la créat iv i té

Si le bilan que l’on peut dresser de l’ouverture des données publiques à Nantes est mitigé,

c’est aussi parce que la politique telle qu’elle s’est développée n’a pas forcément ciblé dès le

début les bons axes de déploiement. Au lancement du processus, l’une des promesses était de

créer un écosystème dynamique et de développer une économie autour du numérique. Nous

l’avons vu, les initiatives lancées afin d’encourager l’innovation sont bien accueillies sur le

territoire. La mobilisation est forte, les acteurs sont intéressés et les résultats sont bons. Par

ailleurs, la mise en place des données ouvertes a en effet permis à un « monde » de se construire

autour de cette thématique : il suffit de reprendre les exemples des développeurs et de leurs

applications, du domaine de la recherche ou encore de l’invention de nouveaux usages innovants

tels que le datajournalisme pour le constater. Il existe aujourd’hui bel et bien une dynamique

autour des données ouvertes, même si ces derniers mois ont connu des moments de flottements

par ailleurs naturels dans un tel processus. Cependant, la dimension économique de l’ouverture

des données a été surestimée et il est aisé de constater aujourd’hui que la vision qu’avaient les

acteurs locaux de cette perspective s’est montrée erronée. Il est clairement visible que l’ouverture

des données n’a pas réellement permis le développement d’entreprises par exemple. Le fantasme

d’une utilisation massive des données par les entreprises afin d’en tirer un développement

économique fort reste assez utopique, à un moment où les données ne sont pas encore d’une

qualité suffisante ni assez bien structurées pour permettre un tel usage. Il faudrait par exemple

dans un premier temps que toutes les villes – ou du moins toutes les grandes villes – de France

aient ouvert leurs données avant de pouvoir imaginer le développement d’une économie de

grande envergure reposant sur ces données.

Par ailleurs, certains axes montrent un décalage entre le point de vue politique et ce que

peut offrir l’exploitation des données. L’un des exemple se situe du côté des applications

62

ludiques qui ont pu voir le jour lors d’appels à projets ou de hackathons. Bastien Kerspern55 en

témoigne lorsqu’il évoque certaines des applications qu’il a développées, telles que Arbor, un

service permettant de voter afin d’attribuer aux arbres de la ville des noms de bébés nantais.

C’est ce genre d’approche que développe le site internet qu’il a ouvert, nommé Créadata : rendre

la donnée « poétique » et s’échapper des œillères que s’imposent souvent les développeurs pour

entrer dans les critères d’utilité voulue par les responsables politiques. Malheureusement,

l’ouverture des données telle que la perçoivent les responsables politique reste encore trop

teintée d’une approche purement pragmatique : la donnée doit servir à développer l’économie et

à améliorer le quotidien des citoyens, ce qui ne laisse pas suffisamment de places aux créations

en marge qui, si elles ne changent pas le quotidien des individus, ont tout de même le mérite de

montrer des usages originaux des données. Il est sans doute dommage de ne pas se pencher plus

avant sur ces initiatives ludiques car elles pourraient justement attirer l’attention de citoyens

« lambda » peu familiarisés avec ces pratiques et les amener à se questionner sur ces nouveaux

usages, plus que les nombreuses applications sur la thématique des transports ou de l’occupation

des parkings qui sont les mêmes d’une collectivité à une autre. Même si ce genre de créations

reste une très bonne initiative, qui rencontre de plus un grand succès auprès des usagers, il

faudrait pouvoir s’intéresser à d’autres utilisations des données publiées qui, même moins utiles,

pourraient apporter une certaine visibilité à la data. Il est possible que de telles initiatives

puissent être mieux acceptées une fois que le mouvement d’ouverture des données aura apporté

des résultats solides et sur le long terme, les responsables politiques seraient ainsi rassurés de

voir que l’investissement de départ sur l’Open Data – car il s’agit effectivement d’une politique

couteuse et chronophage – porte ses fruits et seraient plus enclins à voir émerger des projets

originaux et ludiques, un peu éloignés de ce qu’ils avaient initialement prévu.

§2 – L’approche économique doi t la isser p lus de p lace à la d imension c i toyenne,

in i t ia lement ér igée comme l ’un des p i l iers de la po l i t ique

Il est vrai que lors du lancement de la libération des données en 2011, la préoccupation de

la démocratie et de la participation citoyenne était inclue dans les discours des responsables. Et il

ne faut pas nier que le développement de l’Open Data s’est aussi fait dans ce sens, puisque le 55 Voir annexe n°6, pages 84-88

63

désir d’améliorer le quotidien des citoyens était au cœur d’un bon nombre de démarches, telles

que les appels à projets. Mais l’impression qui émerge de ces actions est plutôt celle d’une

délégation à des organisations extérieures. Les collectivités se sont beaucoup tournés vers des

acteurs différenciés d’elles-mêmes afin d’en faire des intermédiaires entre les données et le

public, les citoyens. Il est possible de trouver des exemples de cette démarche dans plusieurs

actions qu’a mené la métropole. Notamment lors de l’ouverture, la volonté de placer

l’association LiberTIC comme interface entre la collectivité et les autres acteurs l’illustre, tout

comme le fonctionnement des appels à projets, qui consistent à créer des interfaces de

visualisation des données : les applications qui en ressortent sont un autre moyen d’amener la

donnée au citoyen, sans passer par exemple par une rencontre directe entre collectivités et

citoyens. Il est bien sûr difficile de mettre en place des rencontres de ce type qui puissent être à la

fois régulières et qui soient également capables de mobiliser les acteurs mais difficile ne signifie

pas impossible : les meilleurs exemples en sont les grands débats institués par le nouveau maire

de Nantes, Johanna Rolland et qui sont appelés à se renouveler au cours du mandat en traitant de

sujets différents mais toujours au cœur de l’actualité locale. Pourquoi ne pas, par exemple,

consacrer l’un de ces temps d’échanges à la question des données ouvertes ? L’un des problèmes

auxquels se confronte l’Open Data dans son approche citoyenne est aussi une méconnaissance

du sujet, qui n’a donc pas court qu’en interne des administrations. Le citoyen ordinaire n’a pas

immédiatement les clés pour comprendre à la fois l’utilité, la valeur et l’usage qui peut être fait

d’une donnée publique, mais il est possible de lui fournir ces outils par le biais d’évènements qui

puissent lui être accessible. Car si le territoire nantais est certes plutôt dynamique en matière

d’animations autour des données ouvertes, ces évènements restent encore trop axés vers les

développeurs et les professionnels du web et insuffisamment tournés vers les amateurs. Mais

l’effort est à fournir autant du côté des institutions que de celui des individus. Il s’agit du même

écueil que l’on rencontre au sein des administrations, à savoir la « culture Open Data » qui n’est

pas encore ancrée dans les mentalités françaises. Car si l’on peut ériger en modèles les initiatives

qui ont pris place dans le monde anglo-saxons, il faut rappeler que l’on traite ici de différences

culturelles importantes. Une même politique ne pourra donc pas être appliquée de la même

manière à Boston et à Nantes. Encore une fois, les changements nécessaires pour le

développement d’un tel mouvement se feront sur le long terme.

64

I I I . Abandonner un po int de vue c lo isonné pour adopter une v is ion

d ’ensemble

Le dernier écueil majeur que l’on pourrait attribuer à l’Open Data est le fait que celui soit

encore trop perçu de manière cloisonnée et non dans une vue d’ensemble qui paraît pourtant

nécessaire au regard d’autres perceptions. En effet, l’exemple des Etats-Unis est ici parlant :

l’Open Data n’est pas considéré là-bas comme une fin en soi mais comme un moyen, une étape

d’un projet plus grand qui est celui de la gouvernance ouverte. C’est pour atteindre cet objectif

qu’a notamment été développé l’Open Data mais il est considéré alors comme une étape pour y

parvenir. En France, les données ouvertes ont été importées comme un objectif à atteindre et non

comme un moyen pour atteindre un but plus grand. C’est cette vision d’ensemble qui manque à

la France dans son application de la politique d’Open Data et la ville de Nantes n’échappe pas à

cette logique. L’ouverture des données est plutôt perçue ici comme l’étape « ultime » qui mènera

à la transparence, à une confiance accrue des citoyens dans leurs administrations et au

développement d’une économie numérique innovante et solide. Or, il ne faudrait justement pas

percevoir l’Open Data comme cette étape finale ; l’ouverture des données favorise plutôt

l’émergence de nouvelles pratiques, qui restent à co-construire, afin d’atteindre le but d’une

gouvernance basée sur le dialogue citoyen et la collaborations entre tous les acteurs de la ville.

Cette démarche de coopération doit se faire dans un échange entre les différentes instances de la

vie publique et non plus dans une démarche de type top-down, qui ne correspond plus aux

nouveaux impératifs démocratiques induits par une politique de libération des données

publiques. Il faut aujourd’hui permettre aux citoyens de prendre la parole directement auprès des

différents acteurs si l’on veut pouvoir être à même de construire un véritable système de

gouvernance ouverte, car il s’agit la d’un objectif latent qui accompagne la démarche

d’ouverture. Par ailleurs, il faut également considérer les données ouvertes comme un objet

transversal : elles concernent tous les secteurs d’activités et il serait donc paradoxal de l’enfermer

dans un seul axe de développement et d’en faire une politique séparée des autres. Car plus

qu’une politique publique en elle-même, la démarche d’Open Data est à même de concerner

toutes les autres politiques et même d’y jouer le rôle d’évaluation. C’est là que cette vision

d’ensemble prend tout son sens : toutes les politiques sont concernées par l’ouverture des

données, ce processus ne doit pas être vu comme étant à part, distinct.

65

Si donc les quelques obstacles que peut rencontrer l’ouverture des données à Nantes sont

appelés à se résorber sur le long terme, cela n’est pas un objectif impossible à réaliser et après

avoir travaillé à la résolution de ces écueils, la politique d’Open Data « à la nantaise » sera une

politique de plus en plus solide et cohérente. Si ce n’est de ses « erreurs », c’est du moins de ses

expériences que le territoire nantais peut apprendre et améliorer sa vision de l’ouverture des

données.

66

POUR CONCLURE . . .

Si le bilan effectué de la politique d’ouverture des données peut paraître abrupt, il n’est

cependant pas question de nier l’utilité de l’ouverture des données à Nantes. Ce sujet ouvre au

contraire un formidable champ de recherches, d’innovations et de perspectives en tout genre pour

l’avenir de la ville. Mais il ne faut simplement pas attendre de résultats spectaculaires à court

terme. Une telle démarche est faite pour se développer plus lentement, car elle a besoin de

changements profonds pour pouvoir s’installer durablement. S’il est encore difficile aujourd’hui

d’imaginer de tels changements, c’est en partie parce que la politique d’ouverture des données

nantaise est encore relativement récente. Quatre années ne représentent pas une durée suffisante

pour effectuer de telles évolutions alors que les pratiques relevant de la culture française face au

numérique n’y sont pour le moment pas propices. Nonobstant, la démarche d’ouverture des

données a tout de même réussi le pari de faire naître autour d’elle un écosystème riche et

dynamique, qui parvient toujours à mobiliser certains publics autour des questionnements liés à

l’Open Data. Le prochain défi de la politique sera de muer vers une approche plus centrée sur la

citoyenneté, après avoir beaucoup privilégié le monde de la technique durant les premières

années. Ce n’est pas une mission impossible, car Johanna Rolland, maire de Nantes depuis Mars

2014, souhaite apparemment profiter de son mandat pour se préoccuper de la thématique de

l’ouverture des données et plus largement de la gouvernance ouverte et de la participation

citoyenne. Par ailleurs, le mouvement de libération des datas a lui aussi vocation à s’étendre et

ce bien sûr également en dehors du territoire nantais. Les initiatives, à la fois internationales,

européennes et nationales se poursuivent afin d’amener le plus de collectivités et de villes vers

une ouverture des données toujours plus poussée. Les nombreuses possibilités qu’offre une telle

configuration restent donc à envisager mais il y a fort à parier que les démarches vont continuer

d’apparaître un peu partout sur le territoire. Il sera alors intéressant, une fois cette ouverture à

grande échelle effectuée, de voir quels nouveaux enjeux, quelles nouvelles conséquences cela

pourra engendrer. Parallèlement, Nantes reste pour le moment une ville emblématique du

mouvement d’Open Data en France et cette place de choix sera, cela ne fait pas de doute, un

vecteur de développement et d’attractivité pour le territoire nantais.

67

ANNEXES

1. Cartographie des données ouvertes en France

Source : http://www.opendata-map.org/map

68

2. Communiqué de presse de Nantes Métropole du 4 Février 2011 : lancement de l’ouverture des

données

Nantes, le 4 février 2011 Jean-Marc Ayrault libère les données publiques Hier, à l’occasion de l’inauguration de la Cantine numérique (3ème en France), Jean-Marc Ayrault a annoncé que la Ville de Nantes et Nantes Métropole allaient libérer leurs données publiques (open data) afin de permettre le développement de services aux habitants. Le Député-maire de Nantes et Président de Nantes Métropole a officiellement sollicité ces deux administrations afin « de créer les conditions les plus efficaces pour la libération des données ». « Il s’agit là, précise-t-il d’une véritable révolution que le service public doit mener pour répondre aux enjeux économiques, sociaux et citoyens actuels ». Cette annonce fait suite à une rencontre entre Jean-Marc Ayrault et LiberTIC, l’une des associations les plus actives en matière d’open data en France. Le Député-maire de Nantes et Président de Nantes Métropole souhaite que ce travail se fasse en étroite collaboration avec les acteurs associatifs, par la création d’un groupe de travail sur l’open data, afin que, d’ici fin 2011, les premières applications voient le jour. « L’ouverture des données publiques est une opportunité à la fois pour les services publics et pour les réseaux de l’économie numérique, poursuit-il. A travers cette innovation, le service public poursuit sa mission d’être au plus près des citoyens et de leur faciliter la vie ». Parmi les premières données libérées, celles concernant par exemple la mobilité (info trafic en temps réel, calcul de l’empreinte CO2…) et l’environnement (qualité de l’air…). Deux axes importants pour la Capitale Verte de l’Europe en 2013. Les données liées à tout le champ culturel (idées de sorties, parcours Voyage à Nantes 2012), pourraient également en faire partie. La liste n’est ni arrêtée ni exhaustive. La libération des données fait suite au lancement il y a quelques jours par la Ville de Nantes d’une plateforme d'e-démarches, qui doit simplifier, via internet, le parcours de l'usager au sein des services municipaux : gestion en ligne de son inscription sur les listes électorales, abonnement à la piscine, demande d'acte d'état civil ou de stationnement lors d'un déménagement...

69

3. Dossier de presse de Nantes Métropole du 21 Novembre 2011 : lancement du portail

Nantes, le 21 novembre 2011

Nantes ouvre ses données publiques

En février dernier, Jean-Marc Ayrault, Député-maire de Nantes annonçait que la

Ville de Nantes et Nantes Métropole allaient ouvrir leurs données publiques (open

data) afin d’améliorer les services aux habitants,

faciliter le développement d’applications innovantes

et constituer un véritable moteur pour la croissance économique.

Cette ouverture des données est aussi une manière d’assurer la transparence

publique et de créer une nouvelle forme de gouvernance

en rapprochant l’Etat et ses citoyens.

Depuis février, les services de Nantes Métropole et la ville de Nantes,

en étroite collaboration avec le mouvement citoyen LiberTIC,

ont créé un groupe de travail afin de mettre en place

les conditions les plus efficaces pour l’ouverture des données.

Ce lundi 21 novembre 2011 un portail commun à la Ville de Nantes et à Nantes Métropole est lancé.

70

2

L’ouverture des données publiques de la Ville de Nantes et de Nantes Métropole s’inscrit dans une volonté de transparence et de meilleure visibilité sur l’action des collectivités.

Il s'agit de mettre à disposition des citoyens, des entreprises, des chercheurs, des étudiants, des associations, des autres acteurs publics, les masses de données numériques que les collectivités produisent dans leur activité quotidienne. Ces données numériques pourront être réutilisées par exemple pour développer des applications web, mobile ou pour faciliter une création artistique ou encore pour appuyer une étude.

Elles permettront à des acteurs de proximité de mieux répondre aux besoins particuliers de tel quartier, de telle catégorie de population, de tel bassin d'emploi. L’ouverture des données publiques crée de l'activité tout en améliorant la qualité de vie. Le marché de la réutilisation des données publiques est estimé à 27 milliards par an en Europe. Les données publiques peuvent constituer "un véritable carburant" dans la nouvelle économie de la connaissance. L'exemple des villes françaises qui ont ouvert leurs données comme Rennes par exemple montre que cela génère chez certaines entreprises innovantes des nouvelles activités auprès des citoyens et auprès des entreprises. Dans le même esprit que le dialogue citoyen instauré depuis de longues années sur la Ville de Nantes et de la concertation sur le territoire métropolitain l’ouverture des données permet aux citoyens de participer et d’agir sur les services publics et les projets. Cette action permettra de gagner en pertinence et en efficacité, de faire jaillir des idées nouvelles, et d’orienter des services à la population au plus près de ses attentes et modes de vie.

Ouverture des données : un nouvel outil pour l'attractivité du territoire La mise à disposition d’un plus grand nombre de données économiques, touristiques, ou liées à la vie quotidienne, peut renforcer l’attractivité du territoire. Ainsi, les acteurs privés du tourisme peuvent par exemple, offrir des services plus complets, des informations plus riches. Encourager l’émulation sur le territoire tend à favoriser l’émergence de nouveaux acteurs et le développement de l’activité économique au profit d’une meilleure qualité de vie pour les habitants. Par ailleurs, des entreprises cherchant à s'implanter sur le territoire, des familles souhaitant s’y installer, peuvent disposer d'une connaissance plus fine du tissu économique, d'une meilleure vision des services accessibles ou de la vitalité de la vie locale. L’ouverture des données et son effet mobilisateur sont des moyens d’animer une dynamique positive rejaillissant sur l’image de la collectivité et de son territoire. Les démarches ludiques - concours, etc. - de stimulation de la réutilisation des données, ou d’enrichissement participatif de celles-ci constituent à elles seules de nouveaux modes de relations aux publics locaux comme extérieurs au territoire.

Ouverture des données à la nantaise : une démarche co-productive La démarche « open data » menée par la ville de Nantes et Nantes Métropole s’inscrit parfaitement dans un esprit d’innovation ouverte en associant le plus possible les acteurs du territoire pour répondre à leurs attentes et bénéficier également de leur avis et conseils. Ainsi un partenariat a été engagé dès le départ du projet avec l’association LiberTIC qui apporte son expertise et assure un lien permanent avec les différentes communautés (développeurs, créatifs, journalistes…) qui souhaitent réutiliser les données publiques libérées. D’autre part, un partenariat a été également mis en œuvre avec Air Pays de la Loire pour diffuser les données environnementales sur la qualité de l’air sur la plate-forme « Nantes Ouverture des Données ». Enfin, les 23 autres communes de la métropole nantaise seront associées dans cette dynamique d’innovation sociale et économique : les modalités pratiques sont en cours d’examen afin de publier sur une même plateforme Open Data les données publiques provenant des différentes communes.

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Une plate-forme : http://data.nantes.frCe portail propose dans un premier temps une quarantaine de jeux de données de gestion et géographiques, avec une priorité sur les thématiques de la mobilité, de l’environnement et de la culture. Il a été conçu pour constituer une plate-forme susceptible d’être plus largement partagée par d’autres collectivités locales ou partenaires publics. Il sera enrichi de nouveaux jeux de données dans les prochains mois et évoluera vers une seconde version plus complète (gestion d’un catalogue d’applications disponibles, possibilité de notation de ces applications par les internautes, etc.). Réglementation et licence La loi n°78-753 du 17 juillet 1978 crée un droit de réutilisation des informations publiques pour toute personne morale ou physique. Dans l’élaboration de sa politique d’ouverture des données publiques, la Ville de Nantes et Nantes Métropole se sont orientées vers le choix d’une licence dite « libre » : la licence Open Data Base License (ODbl) qui devra être acceptée par chaque réutilisateur avant tout téléchargement. La licence ODbl apporte donc un cadre juridique supplémentaire afin de permettre une réutilisation libre et gratuite ds données, permettant l'échange et la construction de services qu'une diffusion libre est en mesure d’offrir. De ce point de vue, la licence ODbl permet le libre accès, la libre reproduction, redistribution, et la libre réutilisation (y compris à des fins commerciales) des données, avec, comme seule éventuelle condition de devoir redistribuer sous une licence analogue les bases de données dérivées, dans leur totalité. Quelles données publiques ? La volonté des deux collectivités est de mettre à disposition de tous les informations récoltées dans le cadre de leurs missions respectives. Une donnée publique, comme son nom l’indique, ne relève pas de la vie privée. Elle n’est pas nominative et ne relève pas de la sécurité. Nantes Métropole, la Ville de Nantes et leurs partenaires veillent à protéger les données personnelles des usagers. Les informations proposées sur le site sont donc publiques, anonymes et ne relèvent en aucun cas de la vie privée ou de la sécurité des citoyens. Ci-après une liste non exhaustive des données libérées par Nantes Métropole et la Ville de Nantes. Mobilité : arrêts, horaires et circuits TAN, disponibilité et tarifs des parkings publics, info-trafic prévisionnel et en temps réel, stations et tarifs bicloo Citoyenneté/administration/santé/social : liste des équipements publics (horaires), données financières, liste des prénoms des enfants nés à Nantes… Culture/tourisme : liste des équipements (horaires, tarifs...), disponibilités des ouvrages dans les bibliothèques… Environnement : liste des jardins et parcs de Nantes, liste des arbres (essences), indicateurs de pollution de l’air… Urbanisme : adresses postales de Nantes Métropole par commune, occupation du sol, répertoire des lieux-dits, des voies Développement économique : liste des zones d’activités

Appel à projets innovants Nantes Métropole et la Ville de Nants vont lancer un appel à projets, visant à soutenir les acteurs émergents en leur permettant de développer de nouveaux services. Cet appel à projets sera ouvert à tous : citoyens, entreprises, étudiants, enseignants, chercheurs, associations et créatifs selon le calendrier prévisionnel suivant :

! Lancement : janvier 2012, ! Date limite de candidature : début mai 2012, ! Remise de prix : 2ème quinzaine de juin 2012.

Un partenariat avec des acteurs privés et publics permettra de remettre différents prix aux lauréats et proposer également plusieurs niveaux d’accompagnement des porteurs de projets.

La dynamique nantaise en faveur de l'économie numérique Nantes Métropole, dans le cadre de sa politique de développement économique, mène depuis plusieurs années de nombreuses actions en faveur de l’économie numérique :

! mise en place par la ville de Nantes des e-démarches pour les citoyens et les entreprises (dossier de candidature déposé aux trophées des territoires de l'innovation en Pays de la Loire),

! ouverture de la cantine numérique en février 2011 en lien avec le pôle de compétitivité "Images et Réseaux" ! extension du réseau fibre optique métropolitain dans le cadre d'une délégation de service public confiée au

groupe COVAGE en octobre 2011, ! participation de Nantes Métropole au projet européen I-SPEED concernant l'usage des technologies

numériques pour le tourisme, ! début 2012, lancement des travaux de construction de l'immeuble technologiques à la Chantrerie pour

accueillir les entreprises TIC innovantes

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4. Extraits du dossier de presse pour l’appel à projets « Rendez moi la ville + facile »

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5. Entretien avec Claire Gallon, co-créatrice et bénévole à l’association LiberTIC

Ophélie Popille : Pouvez-vous me parler de l’association ?

Claire Gallon : LiberTIC a été crée avec un collègue en Décembre 2009, parce qu’à l’époque on

travaillait sur l’insertion numérique des associations, notamment les outils libres et Nantes

métropole avait un programme d’aide aux associations pour organiser ce travail. Donc ils nous

ont suggéré de se structurer en association. Du coup on allait pour le faire et juste avant de

déposer les statuts, j’avais participé à une rencontre, c’était la première conférence sur l’Open

Data qui avait lieu à Paris et j’ai trouvé ce sujet formidable, et je me suis dit qu’il faudrait

l’inclure. L’objet exact c’est le développement de l’e-démocratie, la on est plus sur tout ce qui est

outils participatifs en ligne et cependant aujourd’hui l’essentiel de l’activité de LiberTIC est sur

l’Open Data et la gouvernance ouverte. À partir de là, on développait trois activités : la

communication, donc ça c’était un petit film pour expliquer ce qu’est l’Open Data, des supports

de communication et de sensibilisation. La deuxième chose qu’on fait c’est organiser des

formations, notamment en interne des collectivités pour aider à l’ouverture des données et le

troisième point qu’on fait c’est animer des évènements autour de la réutilisation des données, du

style hackathon, etc. ... C’est les trois trucs qu’on fait. J’ai été salariée pendant deux ans et là je

suis redevenue bénévole. Donc on est huit bénévoles et on a nos rencontres mensuelles ici, au

Flesselles une fois par mois, on parle Open Data ! On est basés à Nantes, les animations avec les

acteurs on ne les fait que sur Nantes parce que ça demande de connaître l’écosystème, les acteurs

mais après sur tout ce qui est sensibilisation, on le fait un peu partout en France et avec d’autres

collectivités. Entre autres projets il y avait le Datalab qui est le réseau régional autour des

données et de l’ouverture.

O.P : J’ai cru comprendre que vous aviez joué un rôle assez important dans le développement

de l’Open Data à Nantes ...

C.G : Donc en 2009 il n’y avait pas encore d’Open Data en France, et quelques mois plus tard,

en 2010, Rennes avec Keolis lançait son portail. La on s’est dit, vu qu’on commence à faire de la

sensibilisation et de la communication, autant le faire dans d’autres villes et aller leur demander

la même chose. Du coup on avait demandé un entretien auprès du cabinet du maire, à l’époque

Jean-Marc Ayrault et on n’avait pas eu de réponse. On a lancé une pétition en ligne et elle a

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commencé à tourner pas mal. Il n’y avait pas tant de signatures que ça, il n’y en avait que 200

mais c’était des acteurs qui étaient des têtes de réseaux. La pétition a commencé à tourner dans

les médias et quand c’est passé dans la presse papier la on a reçu un appel de la mairie nous

disant « est-ce qu’on peut se rencontrer ? ». Donc la on a expliqué qu’à notre avis il y avait des

opportunités et que ce serait bien d’y aller. Et c’est arrivé au moment ou il y avait un nouveau

directeur de cabinet qui venait de Paris et ils ont dit qu’ils voulaient bien y aller mais qu’ils ne

savaient pas comment faire et qu’ils avaient besoin d’aide. C’est là qu’on a commencé à

travailler avec eux.

O.P : Donc vous avez collaboré avec des acteurs à la mairie ...

C.G : On faisait le relais entre les collectivités et les acteurs du territoire. On nous a demandé

voilà, nous on a la liste de tous les acteurs, leurs mails, vous vous faites une rencontre avec eux,

ou vous faites pression et voilà ça nous pose problème parce qu’on a pas de ressources humaines

pour gérer tout ça donc on préférait avoir un acteur unique pour parler mais vous vous faites le

relais. Donc c’est ce qu’on a fait au départ mais on a arrêté parce qu’on s’est rendu compte que

ça ne marchait pas. Nous on se retrouvait à être le fusible entre Nantes et les acteurs et quand il y

avait un truc qui ne marchait pas les acteurs revenaient vers nous et Nantes nous disait « oui ça

va être réglé » en retour donc on a décidé d’arrêter cette approche là. Donc c’est ce qu’on a fait

pendant la première année.

O.P : J’ai lu aussi que dans l’administration on n’était pas forcément bien au courant de ce

que pouvais apporter l’Open Data, ils sont un peu sceptiques ?

C.G : Il y a différentes approches et ça dépend vraiment des services et des personnes que tu as

en face. La première chose qui peut étonner c’est de dire « mettez à disposition de tout le monde

votre travail » et c’est un peu un paradoxe parce que ce sont des services publics qui logiquement

font un travail public mais, on l’a encore vu la dernière fois en réclamant une liste de données, on

nous dit « on verra si on vous les donne ». Il y a un cadre légal en France qui indique que vous

devez mettre à disposition les données. Ils ont demandé pour quel usage, car si c’est un usage

commercial c’est non mais pour un autre oui. Le cadre légal explique qu’on peut réutiliser même

dans un cadre commercial. Donc il y a une méconnaissance déjà dans les services publics,

ensuite un étonnement du principe de réutilisation en externe, ils ne sont pas habitués, ensuite il y

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a la question de l’utilisation commerciale et certains vivent très mal que leur travail serve à des

entreprises privées. Il y a aussi le fait que certains se sentent surveillés par l’ouverture, les

données vont être publiées donc on va voir la qualité du travail, si c’est bien ou si ce n’est pas

bien. Après, il y a ceux qui sont très contents d’ouvrir et qui réalisent une fois que c’est ouvert

que personne ne les utilise et ils ne voient pas pourquoi ils devraient continuer. Ce sont différents

cas de figure qu’on peut trouver, avec une culture qui dépend vraiment selon les services et les

personnes.

O.P : Et chez les acteurs locaux, c’était pareil, est-ce que chez les citoyens il y avait un réel

enthousiasme ou plutôt une indifférence ?

C.G : Si on demande dans la rue personne ne sait ce qu’est l’Open Data mais si on demande s’ils

veulent savoir comment est dépensé l’argent de Nantes, ils vont dire oui. Ils sont intéressés et ils

veulent les informations mais la donnée brute en soi est trop technique. Ça veut dire deux

choses : soit on met en place des outils techniques qui permettent une utilisation par tout le

monde, il y a des plateformes par exemple ou il y a à la fois la donnée brute mais aussi une

cartographie, comme ça tout le monde peut comprendre la liste sans la télécharger. Ou alors on

met des intermédiaires comme les Infolabs, qui sont en train de se développer, dont ça va être le

rôle de faire l’intermédiaire entre la donnée et les citoyens. Dans tous les cas, pour le commun

des mortels, ce qui les intéresse dans la donnée c’est l’information, donc comment est-ce qu’on

transforme les données en informations.

O.P : Il faudrait effectivement que les données soient plus accessibles, un fichier Excel sur un

portail d’Open Data peut repousser …

C.G : Tout à fait et après tu as par exemple un calculateur d’itinéraire, pour aller de Nantes à

n’importe quel patelin dans le Sud de la France, ce calculateur prendrait en compte les tramways,

les bus, les métros, etc. ... Ça n’existe pas aujourd’hui, parce que chaque donnée est dans le silo

de chaque gestionnaire de transports. Les gens sont intéressés pour avoir ce type d’information,

c’est un exemple pour montrer qu’il y a des attentes, soit en termes d’information soit en termes

de services, qui ne sont pas formulées sous forme d’accès à la donnée brute mais dont la finalité

est celle ci.

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O.P : Les gens ne sont peut-être pas assez informés sur l’Open Data ?

C.G : La question que je me pose aujourd’hui de plus en plus c’est est-ce que c’est à destination

du grand public ? Pas forcément. Si on veut s’adresser au grand public, il faut le mettre en

capacité d’interpréter une donnée. Il faut savoir l’analyser, savoir la mettre en forme, savoir

reconnaître les astuces dans une visualisation et le fait qu’il y a un parti pris. On est sur la

question de la récupération.

O.P : Il y a justement tout un écosystème qui s’est formé sur la question des intermédiaires :

des entreprises qui se basent sur l’Open Data pour construire des applications, ... ce qui rend

la donnée plus accessibles aux particuliers ...

C.G : Sur le site de Nantes qui est mutualisé avec la région, la région publie des comptes rendus

des conseils sur la plateforme Open Data. Elle les publie en PDF La plateforme Open Data

donne des outils qui permettent d’aller chercher ce que l’on cherche, il y a un moteur de

recherche et un format PDF qui permet une plus grande accessibilité. La c’est un exemple ou

l’Open Data sert aussi à mettre en œuvre le droit d’accès à l’information, qui est plus accessible

en effet. Quand on est sur de l’Open Data, aujourd’hui les collectivités ouvrent essentiellement

des données brutes de type cartographies ou statistiques. La question est pourquoi, les comptes

rendus des conseils municipaux sont parfois très difficiles à trouver sur le site internet de la

mairie, alors que la ville a par ailleurs un projet Open Data. Parfois, il y a des photographies qui

pourraient être mises en libre de droits, qui ont été financées par la mairie. Pourquoi cet Open

Data n’est pensé que sur une base de données statistiques. Ça peut concerner des médias, des

vidéos, tout ce que produit la ville.

O.P : Les médias pourraient être justement plus attractifs !

C.G : C’est la ou il y a deux approches à partir de la même chose sur l’Open Data : il y a la partie

open et la ce serait développer la culture d’ouverture dans les collectivités à travers les projets

Open Data et ça veut dire passer le site sous licence libre, décider que le contenu, ce qui devrait

être le cas d’ailleurs, est sous licence libre. À part Brest, il n’y a pas beaucoup de collectivités

qui ont fait ça. Et tout ce qui est produit est mis sous licence libre et quand on passe des marchés

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publics, on demande aussi à pouvoir réutiliser les données. C’est la partie ouverture. Après, il y a

la partie data, qui la va concerner toute la question de la structuration des données, de sorte

qu’elles soient de qualité et pour les réutiliser pour faire du décisionnel, pour faire du prédictif en

interne des collectivités avec les données qu’ils ont déjà. Donc au lieu d’avoir un prestataire

externe ou de racheter des données qu’ils ont déjà. Donc c’est les deux volets.

O.P : Il y a une question aussi, celle de savoir ce que l’Open Data peut apporter concrètement

aux citoyens ?

C.G : Je vais dériver un peu avant de répondre sur la notion de gouvernance ouverte. Quand

Obama s’est fait élire en 2009, la première directive qu’il a ait passer était une directive de

gouvernance ouverte ou l’objectif était de moderniser les services à travers les outils numériques.

D’abord en faisant de la transparence, utiliser les outils numériques pour être transparent et

donner à voir, ensuite en faisant de la participation : se mettre sur les réseaux, écouter ce que

disent les gens parce qu’une conversation va forcément mieux marcher sur les réseaux sociaux et

enfin les inclure dans une participation en coproduction sur les services qui ont été crées

ensembles pour améliorer les services publics. C’est ce qu’on appelle la gouvernance ouverte et

à l’instar des Etats-Unis, enfin à l’initiative des Etats-Unis, avec le Royaume-Uni et d’autres

pays ils ont crée un comité international qui s’appelle l’OGP, donc Open Government

Partnership, qui réunit aujourd’hui 65 pays et la France vient de rejoindre il y a quelques mois

l’OGP. Rejoindre l’OGP ça veut dire que tout pays s’engage, le gouvernement s’engage à

développer une gouvernance ouverte, c’est à dire de la transparence avec les outils numériques et

donc l’Open Data. La ou je veux en venir, c’est qu’en fait, dans ces pays aussi bien aux Etats-

Unis qu’en Grande-Bretagne, ils n’abordent pas l’Open Data comme juste l’Open Data. Ils

abordent l’Open Data comme l’une des étapes d’un schéma global qui vise à moderniser

l’activité publique. Nous en France on a repris que l’Open Data, ce qui ne marche pas puisque si

on fait juste de l’Open Data sans avoir changé le système d’administration, ça ne marche pas. La

on espère justement que maintenant que la France a rejoint l’OGP, on pourra élargir le débat et

qu’on ne va plus parler d’Open Data mais de gouvernance ouverte. Et donc l’Open Data

deviendrait seulement une des étapes. L’objectif de l’action est la modernisation de l’action

publique et ce que fait l’Open Data aujourd’hui et ce à quoi ça peut servir est de commencer

cette progression d’intégration numérique dans les administrations publiques, pour rendre de

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meilleurs services aux usagers. Donc la question n’est plus qu’est-ce que l’Open Data peut faire

pour le citoyen, c’est qu’est-ce que l’outil numérique peut faire ? Comment on peut mieux

informer le citoyen, mieux montrer à voir comment est dépensé l’argent, mieux mettre en

relation les agents et les citoyens par l’outil numérique et tout ce qui s’ensuit.

O.P : On voit également que certaines entreprises se construisent sur ce système ...

C.G : C’est vrai, on peut voir les citoyens comme électeurs mais il y a aussi les citoyens salariés,

un acteur en entreprise qui lui, va pouvoir s’appuyer sur l’Open Data oui, mais ce qu’on constate

c’est que ce sont seulement des données d’appel en fait. Les structures utilisent des données

ouvertes pour commencer à faire le concept de leur produit, mais quand ils veulent vraiment

passer à l’échelle supérieure ils achètent les données structurées, parce qu’elles sont plus fiables

et plus qualifiées que les données publiées. Mais ça permet d’avoir un tremplin gratuit. Peut-être

que Nantes a eu plus de résultats positifs parce que c’est une métropole et les données de la

métropole sont plus intéressantes, par exemple avec toutes les données de transport, tandis que le

département et les données sociales intéressaient un peu moins. Mais les limites qui sont

identifiées sont à peu près les mêmes.

O.P : Est-ce qu’il n’y aurait pas un essoufflement dans le développement de la politique

d’Open Data à Nantes ?

C.G : C’est exact et si on regarde les courbes des cycles d’innovation, ça fait un boum dès qu’on

sort un nouveau produit par exemple, dès qu’il y a une nouveauté, une invention qui est faite, il y

a un engouement, ensuite ça redescend et après ça atteint un niveau stable de développement. Et

c’est le même cycle d’innovation qui s’est passé avec l’Open Data. C’est à dire qu’il y a une

invention, on se rue dessus pour savoir comment ça marche et cetera et après, les gens espéraient

des choses fantastiques, ce n’est pas arrivé tout de suite, ça redescend. Ensuite, la on est à ce

moment là, ça commence à se structurer. C’est à dire qu’on se rend compte que les bénéfices ne

vont pas arriver du jour au lendemain, que les structures qui vont pouvoir se développer sur les

données ouvertes, il faut déjà commencer par avoir des données qui sont de meilleure qualité, ce

qui n’est pas le cas partout, donc comment on fait en interne pour améliorer les objets et donc là

on commence à structurer.

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O.P : C’est un travail sur le long terme, il faut peut-être en interne des administrations que les

points de vue changent ?

C.G : La on est en train de dire qu’avoir des données de qualité ça fait partie du travail alors que

pour eux ce n’est pas ça leur travail. Ce n’était pas forcément une composante bien intégrée, eux

ils doivent par exemple organiser la circulation des poubelles dans la ville ou organiser les

panneaux d’affichage. Le maintien, la mise à jour des données structurées, tout le monde n’a pas

la compétence, il y en a qui ne savent pas faire un tableau structuré avec une colonne, un champ.

Ça ne fait pas forcément partie des activités et la collectivité en tant que telle est en train de

découvrir que oui, il faut qu’elle mette en place une infrastructure de données, comme elle met

en place une infrastructure de routes, pour que les gens circulent dessus et fassent du commerce,

pour créer du lien social, on crée des routes, eh bien la il faut mettre en place une infrastructure

de route de données pour que les gens puissent venir s’appuyer dessus. C’est compliqué dans un

contexte ou il y a de moins en moins d’argent, du coup il n’y a pas d’investissement de

ressources humaines et ou ils sont embarqués dans tout plein de projets qu’ils ont à faire. Le

problème c’est que l’Open Data était fait à la base pour faire des économies, c’est dire qu’il y a

des moyens d’optimiser la façon de travailler. Aujourd’hui on peut reprendre par exemple le

circuit d’enlèvement des ordures et peut-être qu’en analysant le trafic, la prédiction du trafic, on

pourrait changer le circuit et donc gagner du temps et du coup travailler cinq heures au lieu de

huit, à partir de l’analyse des données. Et toute l’idée c’est de dépenser moins et d’optimiser à

travers cette analyse. Sauf que ça n’a pas été fait en fait sur les projets Open Data. Ce qui c’est

fait, c’est on publie les données, éventuellement on lance la campagne de communication, mais

comment nous on les utilise en interne ou comment nous ça nous concerne en interne, il n’y a

pas eu ce questionnement là, ça a été fait dans un objectif externe. Donc la on est en train de

venir sur « et vous maintenant ? ».

O.P : Cela explique peut-être l’essoufflement de la part des responsables politiques ?

C.G : Et c’est aussi parce que c’est beaucoup moins vendeur. Si tu arrives en tant qu’élu et que tu

dis « je fais de la transparence au niveau des finances », tout le monde comprend le concept. Si

tu dis, je vais investir parce qu’on a des données en interne qui peuvent être valorisantes, c’est

moins compris, et en plus c’est pour faire non pas du développement économique, c’est pour

faire des économies. Politiquement, ça passe moins.

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O.P : Est-ce qu’il y aurait des moyens pour améliorer l’intérêt des gens ?

C.G : Le nouveau programme de la ville de Nantes en Open Data est axé justement sur les

citoyens. Ils ont estimé que c’était trop axé développeurs et ils veulent réorienter vers les

habitants. Je trouverais ça pertinent de déjà ne plus parler d’Open Data mais de gouvernance

ouverte et d’utiliser l’outil numérique pour moderniser l’action publique et placer l’accès à

l’information et donc ne plus parler Open Data mais parler accès aux informations et aux

données et de systématiser ça. Et surtout que ça soit rendu visible, parce qu’aujourd’hui, si tu vas

sur le site de la ville, il y a un encart Open Data et par exemple quand ils font des articles en

disant voilà le trafic sur Nantes, voilà les travaux qu’on est en train de faire, ils ne renvoient pas

vers le site internet pour dire les données sont ici. Quand ils font un graphique, une infographie

sur les données financières ils ne renvoient pas et donc c’est pas visibles pour les gens alors que

si systématiquement, dès qu’il y a une information, on renvoie à un lien en disant que les

données peuvent être téléchargées ici, déjà ça aide à faire passer un peu le message.

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6. Entretien avec Bastien Kerspern, designer d’interaction et de service, spécialisé dans l’innovation

sociale et démocratique

Ophélie Popille : Une petite présentation ?

Bastien Kerspern : J’ai fait l’école de Design à Nantes, en design interactivité, design numérique

et les deux dernières années je les ait fait en spécialité innovation responsable donc sur tout ce

qui est design à portée sociale et j’ai commencé à m’intéresser à tout ce qui était Open Data

parce que ça faisait partie d’un terrain d’étude qui était la gouvernance ouverte et les nouvelles

formes de démocratie, et l’open data était vu un peu comme un levier à ce niveau là. Du coup,

j’ai commencé à m’y intéresser et ça collait avec mon profil de designer numérique et par contre

l’open data ça a toujours été quelque chose que j’ai traité plutôt en sujet d’intérêt personnel qu’en

sujet d’intérêt professionnel. C’est-à-dire que je n’ai jamais été mobilisé sur des missions d’open

data ou autre parce que maintenant je suis designer, je fais pas mal de consulting, je travaille

aussi avec différentes entreprises et collectifs, on travaille sur des questions de démocratie et de

design numérique et l’open data est plutôt un sujet d’intérêt personnel, je le vois un peu comme

des designers qui travaillent le bois, des designers qui travaillent la céramique, eh bien d’une

certaine manière je travaille la donnée et en particulier cette donnée parce qu’elle est publique et

que j’ai un grand intérêt sur ce qui est chose publique. J’essaie de croiser mon intérêt pour les

sciences politiques, les sciences humaines avec le design numérique et l’open data est un peu un

sujet d’étude. J’ai fais quelques projets à partir de l’open data et souvent des projets

exploratoires, c’est-à-dire qu’il n’y a pas forcément de vocation économique derrière mais qui

sont là notamment pour faire de la pédagogie autour de la donnée, auprès de publics qui ne

connaissent pas forcément l’open data ou auprès de publics qui connaissent l’open data mais qui

sont un peu coincés, qui ne font pas grand chose avec.

O.P : J’ai justement vu que l’École de Design avait un laboratoire de recherche autour de ces

thématiques ...

B.K : Il y a le laboratoire READi et il y a un laboratoire dans READi qui s’appelle Information

Design et qui travaille justement sur le traitement de la donnée, comment on peut rendre des

services avec la donnée et comment on visualise la donnée. Ils ont un peu traité la question de

l’open data, je leur ait fait quelques workshops, qui sont des ateliers créatifs autour de l’open

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data pour voir comment les designers se saisissent de ces données pour en faire quelque chose.

Mais il y a encore peu de monde qui travaille sur l’open data.

O.P : L’impression est que les données ne sont pas forcément attrayantes ...

B.K : Elles sont attrayantes, mais il y a une différence entre la volonté politique et l’application

dans les services et c’est notamment vrai sur après comment ils poussent les projets open data.

Parce que souvent ça reste lettre morte et j’en sais quelque chose. C’est un peu mon parcours, je

ne suis pas un technicien, c’est à dire que je suis designer mais je suis plus sur la partie concept

et recherche que sur la partie développement pur et technique. Il y a des designers qui sont de

très bons développeurs, qui sont très bons techniquement et qui vont utiliser la data pour la

visualiser, moi la data elle m’intéresse plutôt comme objet culturel, qu’est-ce qu’elle raconte de

la société dans laquelle on vit, pourquoi on est dans une société qui veut libérer des données,

pourquoi est-ce qu’on est dans une société qui cherche la transparence et surtout qu’est-ce qu’on

peut faire avec ces données ? Peut-être, souvent ce que je propose n’est pas techniquement

faisable avec la donnée telle qu’elle est aujourd’hui mais je la prend comme un objet conceptuel

pour en développer un service ou une proposition. Quand ils ont ouvert les données j’étais en

stage en Allemagne et ils avaient fait un appel à projets sur les données ouvertes, pour essayer de

sortir des applications et j’avais essayé de faire une application à partir de la donnée qui serait la

moins utilisée qui était le catalogue de données de Nantes. Donc en gros, ils avaient une donnée

qui était le jeu de toutes les données. Et on avait crée un truc qui s’appelait Créadata et qui est un

générateur de mashups en fait et ça les a un peu secoué puisqu’ils se sont dit qu’il y avait un truc

qui était faisable, qui n’est pas du tout ce qu’ils attendaient et je voulais les taquiner un peu là-

dessus sur comment utiliser la donnée d’une façon qui ne soit absolument pas prévue ou

attendue. C’est ma première approche à propos de ça. Je prend les données qui sont mises à

disposition et j’essaie de les triturer pour en faire des choses qui ne seraient pas attendues et en

essayent de voir comment les données pourraient répondre à des usages. Sur tout ce qui est open

data, il y a pas mal d’applications ou de trucs qui sont sortis qui sont les mêmes d’une ville à

l’autre et ils répliquent des modèles qui marchent pour gagner des appels à projets. Donc quand

une ville fait un appel à projets, il y en a quatre ou cinq qui sont primés, tu en as toujours un sur

les parkings, un sur les transports, et cetera et c’est à qui fera la meilleure application sur les

transports, qui fera la meilleure application sur les parkings, mais du coup les développeurs

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s’enferment en termes de créativité, ils se mettent des œillères et moi une partie de mon travail

consiste à voir à quoi pourrait servir la donnée autrement que ce pour quoi elle a été pensée à la

base. Et ça donne des trucs un peu absurde, avec Créadata on avait une consigne à un moment

donné qui était de croiser les noms des bébés et les patrimoines arborés à Nantes, donc

l’emplacement et la nature des arbres avec le nom des bébés. J’ai développé l’application qui

s’appelle Arbor et qui permet aux nantais de voter pour donner des noms de bébés aux arbres

nantais. L’idée est que plutôt que d’avoir des arbres anonymes, auxquels on ne fasse pas gaffe,

qu’ils aient enfin un nom. Ça on l’a développé en 48 heures sur un hackathon, le projet marche,

après un an après ou deux ans après je l’ai présenté à la ville de Nantes et ça se fera jamais parce

qu’ils n’y voient pas l’intérêt immédiat et parce que ça ne correspond pas à leur façon de voir les

données, surtout en traitant avec des gens qui n’ont pas la culture de la donnée, autrement dit les

gens qui s’occupent des parcs et des arbres. D’où ma remarque sur le fait qu’il y a une distance

entre l’ambition politique qui est affichée ou tu as un territoire numérique connecté et la réalité

des choses. Mais ça fait partie des applications un peu absurdes, un peu inattendues plus

poétique qu’on peut essayer de trouver avec l’open data plutôt que d’avoir les arrêts des

transports en commun ce qui est bien, mais on peut faire mieux.

O.P : Les politiques s’attendent peut-être plus à des choses très économiques ?

B.K : Ils sont très curieux de voir ce que la data peut donner, par contre ils ont besoin d’être

rassurés aussi. Il y a deux ans il y avait un start-up weekend : ça se passe à la Cantine de Nantes

et sur 48 heures il y a des développeurs, des gens qui font du business, des designers, des gens

qui font de la communication qui se réunissent, qui font des équipes et qui essayent de monter

des start-ups en un weekend. Et moi j’avais poussé un projet qui s’appelait Pari Ouvert, qui était

un service de paris sur les données ouvertes. Autrement dit on se servait des données ouvertes

pour valider des paris. Par exemple, tu pouvais parier que ton tram aurait cinq minutes de retard

et parce qu’on avait les horaires et les déplacements des trams en temps réel, on pouvait savoir

s’il y avait bien cinq minutes de retard. Ce qui fait que si tu avais parié 30 crédits sur le retard, tu

rempochais ta mise ou pas. On avait fait ça sur la disponibilité des parkings, tu pouvais parier

que le 15 Mai à 17h52 il y aurait 400 places de disponibles dans tel parking et on validait ces

paris grâce aux données ouvertes. Et on n’a pas utilisé les données ouvertes pour ce pour quoi

elles étaient prévues, on n’affichait pas par exemple le nombre de places de parking qu’il restait,

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pour en faire un jeu. Et c’est ce genre d’approche qui les intéresse mais qui les fait aussi flipper

parce que déjà à quoi ça sert ? Et de deux, ça fait de savoir qu’il y a des retards sur la Tan ou

qu’il y a des parkings qui sont surchargés.

O.P : C’est dommage parce que ce sont de petites propositions ludiques comme celles-ci qui

peuvent faire connaître l’open data, puisque les gens ne savent pas trop de quoi il s’agit !

B.K : C’est exactement ça, il y a une grosse méconnaissance. Nous quand on a fait Pari Ouvert

on est resté au prototype, on voudrait le développer plus mais il faut du temps, des gens, ...

toujours ces questions là mais on l’a fait pour amener les gens à se demander d’où viennent les

données ? Ok, vous êtes capable de me dire que j’ai raté mon pari parce que je pensais que mon

bus serait en retard, mais comment est-ce que vous le savez ? Et de leur demander d’où viennent

ces données et de les amener à prendre connaissance de ces données ouvertes. C’était un pari un

peu osé parce qu’à mon avis ça ne marcherait pas trop ce genre de pédagogie. Et un an plus tard

j’ai fait un truc qui s’appel Datake-Away, qui est un jeu de carte sur l’open data. L’idée c’est de

se dire, on arrête de traiter les données d’un point de vue purement numérique où on se coupe

d’une partie du public, parce que c’est numérique, parce que ce n’est pas manipuler des données,

ce n’est pas la visualiser ou autre, donc on va le faire sous forme de jeu de cartes. On combine

les cartes pour imaginer des services à partir des open data. L’idée est que le citoyen, en jouant

un peu de sa créativité, puisse imaginer un service à partir des données ouvertes. C’est aussi de

rendre l’open data accessible en essayent de pousser la créativité, d’une certaine façon.

O.P : L’intérêt des individus est aussi relativement limité envers l’open data ?

B.K : C’est le nœud du problème, potentiellement les gens ne seront pas intéressés par l’open

data et ce n’est pas grave. C’st simplement qu’avant de pouvoir s’intéresser à l’open data, il faut

avoir une culture de la données, que les gens sachent ce qu’est une donnée, à quoi sert une

donnée, comment est construite une donnée et ça, tant qu’on ne l’apprendra pas à l’école, il n’y a

que les gens qui s’y intéressent qui seront intéressés.

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O.P : C’est dommage qu’il n’y ai pas un enthousiasme suffisamment développé, d’autant

qu’on observe à Nantes un essoufflement de la politique ...

B.K : Il n’y a pas encore de dispositif de médiation, la seule qui est faite est par LiberTIC qui a

encore une approche assez technique, mine de rien, il y a des évènements organisés comme des

hackathons mais ça reste en direction de gens qui s’y connaissent déjà un peu. Après, est-ce qu’il

faut que ça soit accessible au grand public, c’est une bonne question. La question n’est pas de se

demander est-ce que ça devrait être accessible mais plutôt pourquoi ça devrait être accessible et à

quelle fin.

O.P : Il est tout de même possible de créer un écosystème sur les données ?

B.K : Ce qui est intéressant avec l’open data c’est de regarder toutes les idéologies qu’il y a

derrière, il y a une idéologie de la transparence et une idéologie californienne, donc tout ce qui

est start-ups, Silicon Valley et on imagine que la société civile, donc à la fois les citoyens comme

les entreprises soit capable de se substituer à l’État. Et c’est un peu ce que fait l’open data : on a

ouvert les données publiques pour une raison de transparence et aussi parce qu’on espère que les

données pourront combler les lacunes de l’État-providence en créant des applications. C’est une

approche assez néo-libérale. Une donnée est forcément politique, il y a un mythe qu’une donnée

n’est pas influencée, qu’elle est neutre, mais elle est toujours construite socialement. Et il faut

faire attention, à se dire que les services publics ne seront plus assurés par le public mais par le

privé et il y a une bataille assez large qui se déroule à côté. À Nantes, on est beaucoup dans

l’idée que l’open data pourrait se substituer à certains services publics et résoudre certaines

problématiques par le numérique.

O.P : Et en interne des collectivités ?

B.K : Ils ont des gros problèmes pour ouvrir leurs données et il y a pas mal de freins en interne,

au niveau de l’agent. Pas tant au niveau du décideur qui lui est partant. La question est aussi de

savoir si l’open data est un effet d’annonce, une outil de communication politique ou un vrai

moyen de transparence. Il y a aussi des volontés variées de promotion de la démarche et

d’appropriation par les citoyens.

89

BIBLIOGRAPHIE

Livres

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Articles

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93

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS  ..................................................................................................................................  2  

SOMMAIRE  ...............................................................................................................................................  3  

DEFINITIONS  ...........................................................................................................................................  4  

INTRODUCTION  .....................................................................................................................................  7  

PREMIERE   PARTIE  :   UNE   POLITIQUE   D’OPEN   DATA   «  A   LA   NANTAISE  »   PORTEUSE  

D’ESPOIRS  .............................................................................................................................................  17  

CHAPITRE  1  :  LA  GENESE  DU  PROJET,  DEFINITION  DES  OBJECTIFS  ET  MISE  A  L’AGENDA  ..............................  17  I.   Pourquoi  ouvrir  les  données  nantaises  ?  Des  objectifs  et  des  promesses  variés  ..............  18  §1  –  Une  démarche  axée  sur  la  transparence,  la  démocratie  et  les  citoyens  ............................................................................  18  §2  –  Développer  de  nouvelles  connaissances  autour  des  données  ouvertes  ...........................................................................  19  §3  –  Encourager  l'innovation  et  la  modernisation  des  services  .....................................................................................................  19  

II.   Quels  acteurs  y  ont  participé  ?  ............................................................................................................  21  §1  –  Les  collectivités  ..........................................................................................................................................................................................  22  §2  –  Tissu  associatif  et  mouvements  citoyens  .......................................................................................................................................  23  A)   L’association  LiberTIC  .....................................................................................................................................................................  23  B)   Atlantic  2.0  et  sa  Cantine  Numérique  .......................................................................................................................................  25  

§3  –  De  nombreux  partenariats  ....................................................................................................................................................................  27  CHAPITRE  2  :  LE  DEROULEMENT  DE  L’OUVERTURE  DES  DONNEES  A  NANTES  ...............................................  30  I.   Durant  l’année  2011  :  les  balbutiements  de  la  politique  ...........................................................  30  II.   Une   année   2012   duale,   entre   mouvements   institutionnels   et   ouverture   à   la  participation  citoyenne  ...................................................................................................................................  31  III.   En  2013,  l’ouverture  se  poursuit  et  la  politique  se  stabilise  .................................................  33  IV.   Période  de  réflexion  et  de  bouleversements  politiques,  les  années  2014  et  2015  sont  celles  du  changement  .......................................................................................................................................  33  

CHAPITRE  3  :  ET  AILLEURS  ?  L’OPEN  DATA  DANS  D’AUTRES  VILLES  DE  FRANCE  .........................................  35  I.   Un  enthousiasme  nantais  qui  se  stabilise  .........................................................................................  35  II.   États  des  lieux  dans  quelques  autres  villes  françaises  ..............................................................  37  §1  –  Rennes,  la  pionnière  ................................................................................................................................................................................  37  §2  –  Dans  la  région  des  Pays  de  la  Loire  :  l’initiative  angevine  .......................................................................................................  39  §3  –  Une  autre  approche  de  l’ouverture  :  la  ville  de  Lyon  .................................................................................................................  41  

DEUXIEME  PARTIE  :  APRES  LE  LANCEMENT,  MESURER  LES  IMPACTS  ............................  43  

CHAPITRE  1  :  QUATRE  ANS  APRES,  UN  ECOSYSTEME  DEVELOPPE  AUTOUR  DES  DONNEES  ...........................  43  I.   Encourager  l’innovation  et  la  création  .............................................................................................  44  §1  –  Des  applications  récompensées  :  «  Rendez-­‐moi  la  ville  +  facile  »  ........................................................................................  44  

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§2  –  Le  moteur  des  prix  et  labels  .................................................................................................................................................................  47  §3  –  De  plus  en  plus  d’évènements  autour  de  l’Open  Data  ...............................................................................................................  49  A)   Le  phénomène  des  «  hackathons  »  ............................................................................................................................................  49  B)   Des  manifestations  à  portée  nationale  voire  internationale  ..........................................................................................  50  

II.   Un  nouveau  domaine  pour  la  recherche  et  les  pratiques  innovantes  ................................  53  §1  –  Ouest  Médialab  et  le  journalisme  de  données  :  une  manière  de  réutiliser  les  ressources  de  l’Open  Data  ........  53  §2  –  Les  données  :  un  terrain  pour  la  recherche  ...................................................................................................................................  55  A)   Le  laboratoire  Informatique  de  Nantes  Atlantique  (LINA)  .............................................................................................  55  B)   À  l’école  de  Design  de  Nantes  Atlantique,  le  READi  Design  Lab  ...................................................................................  56  

CHAPITRE  2  :  UN  BILAN  A  NUANCER  ....................................................................................................................  58  I.   Un  travail  à  long  terme  en  interne  pour  introduire  la  «  culture  »  Open  Data  .................  58  II.   Une   approche   qui   gagnera   à   se   recentrer   sur   le   citoyen   et   à   introduire   plus   de  créativité  ................................................................................................................................................................  61  §1  –  Une  cible  trop  resserrée  sur  l’économie  et  qui  ne  laisse  pas  suffisamment  de  place  à  la  créativité  ....................  61  §2  –  L’approche  économique  doit  laisser  plus  de  place  à  la  dimension  citoyenne,  initialement  érigée  comme  l’un  

des  piliers  de  la  politique  ................................................................................................................................................................................  62  III.   Abandonner  un  point  de  vue  cloisonné  pour  adopter  une  vision  d’ensemble  ...............  64  

POUR  CONCLURE  ...  ............................................................................................................................  66  

ANNEXES  ...............................................................................................................................................  67  

BIBLIOGRAPHIE  ..................................................................................................................................  89  

TABLE  DES  MATIERES  ......................................................................................................................  93