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- 1 - INTERVENTION EN SÉANCE EXAMEN DES CREDITS DE MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPERIEUR » Programme Recherche Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Chers collègues, La France demeure une grande puissance scientifique mondiale, les crédits publics de la recherche ont été globalement préservés ces 3 dernières années. Il faut, en effet, saluer, dans un contexte budgétaire très contraint, l'effort réalisé par votre Gouvernement, Monsieur le ministre, pour soutenir la recherche dans notre pays. I. Il convient également de relativiser la sanctuarisation des crédits alloués à la recherche. Ce sera ma première observation.

Intervention de Michel Berson en séance sur le programme "Recherche" du PLF 2016

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INTERVENTION EN SÉANCE

EXAMEN DES CREDITS DE MISSION

« RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPERIEUR »

Programme Recherche

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Chers collègues,

La France demeure une grande puissance scientifique

mondiale, les crédits publics de la recherche ont été globalement

préservés ces 3 dernières années.

Il faut, en effet, saluer, dans un contexte budgétaire très

contraint, l'effort réalisé par votre Gouvernement, Monsieur le

ministre, pour soutenir la recherche dans notre pays.

I. Il convient également de relativiser la sanctuarisation

des crédits alloués à la recherche. Ce sera ma première observation.

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• En 2016, ces crédits devraient diminuer. Le total des

programmes « Recherche » du PLF 2016 s'élèverait à 10,6

milliards € en AE et à 10,9 milliards € en CP, soit une

diminution respective de 3,3 % et de 1,1 %, à périmètre

constant.

• Entre 2011 et 2014, on observe que la part des programmes

« Recherche » dans le PIB a connu une diminution de 6 %, que

les PIA ont corrigée.

• La dynamique des dépenses de fonctionnement et de personnel

contraint – à crédits constants – la capacité d'investissement de

certains organismes, d'autant plus que des diminutions

significatives de crédits interviennent en cours de gestion, à

travers les surgels.

• Enfin, je voudrais souligner que, comme l'an dernier,

l'Assemblée nationale a voté à l'initiative du Gouvernement,

comme l'an dernier en seconde délibération, une baisse de 119

millions € sur plusieurs programmes recherche dont 70 millions

€ sur le programme « Recherche spatiale ».

• La contribution française à l'Agence spatiale européenne va

donc être réduite, augmentant notre dette à l'égard de l'agence.

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• Alors que cette diminution de 119 millions € sur le budget de la

Recherche s'accompagne d'une augmentation de 100 millions €

sur le budget de l'enseignement supérieur, je veux redire ici qu'il

est regrettable que les crédits alloués à la recherche servent trop

souvent de variables d'ajustement.

• Ces « coups de rabot » remettent en cause l'engagement d'une

sanctuarisation des crédits de la recherche et mine la confiance

des chercheurs.

• C'est pourquoi, j'ai proposé à la Commission des finances de

rétablir les 119 millions € supprimés par l'Assemblée nationale.

* * *

II. Ma deuxième observation portera sur la recherche par

projet.

La baisse des crédits et des taux de succès des appels à

projet de l’ANR se poursuit. Il en résulte une érosion du taux de

projets financés, amplifiée par l’augmentation du nombre de projets

soumis. Le taux de succès, tombé à 10 %, est devenu peu incitatif pour

les équipes de recherche ; et le préciput, fixé à 11 %, est loin des 25

% des programmes européens qui sont la norme. Le taux de préciput

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de l’ANR devait en 2015 passer de 11 % à 15 %. Mais le règlement

financier de l’ANR ne prévoit aucune évolution sur ce point qui ne

semble pas à l’ordre du jour pour 2016.

• En outre, la règle demeure la facturation à coût marginal et

non à coût complet : elle ne recouvre que l’exact surcoût lié au

projet, sans prendre en compte les coûts liés au personnel

permanent. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de principe :

la faiblesse du préciput et l’absence de facturation à coût

complet remettent en cause l’idée même selon laquelle les

ressources propres peuvent permettre aux organismes de

recherche de trouver des marges de manœuvre budgétaires.

* * *

III. Ma troisième observation concernera l'emploi

scientifique dont la situation demeure préoccupante.

• Dans le secteur public, la baisse du nombre de départs en

retraite réduit mécaniquement le nombre d'embauches de

chercheurs, d'ingénieurs et techniciens, quand bien même ces

départs seraient tous remplacés – ce qui n’est pas toujours le

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cas, en raison des contraintes budgétaires très fortes qui pèsent

sur les opérateurs.

• Dans le secteur privé, la modulation de l’assiette du CIR en

faveur de l’embauche de jeunes docteurs ne semble pas

vaincre les difficultés rencontrées par ces derniers pour

s’insérer dans le secteur de la recherche privée. En effet, le

nombre de docteurs recrutés en entreprise reste faible, de l'ordre

de 12 % des chercheurs salariés.

• C’est pourquoi je propose de conditionner l’application du

taux de CIR de 5 % à l’embauche de docteurs ou à un

effectif significatif de docteurs au sein du personnel de

recherche salarié.

* * *

IV. Ma quatrième observation concernera une autre

composante du CIR qui me semble mériter amélioration .

• Depuis une instruction fiscale d’avril 2014, les entreprises

sous-traitantes ne peuvent plus déclarer au titre du CIR les

dépenses de recherche qu’elles effectuent pour le compte d’une

autre entreprise, même si l’entreprise donneuse d’ordre ne

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demande pas, elle, à bénéficier du crédit d’impôt recherche.

Cette règle a des conséquences néfastes pour les petites

entreprises de recherche/développement dont la survie repose

sur la passation de contrats avec de grands groupes.

• Je pense donc que la loi doit préciser que les sous-traitants

peuvent bénéficier du CIR, dès lors que la dépense de

recherche n’est pas déclarée par l’entreprise donneuse

d’ordre, du fait qu'elle a dépassé ses plafonds de sous

traitance ou qu'elle renonce au CIR.

• Ces deux propositions, concernant le CIR, seront examinées

dans le cadre des articles non rattachés du présent projet de loi

de finances.

* * *

V. Enfin, et ce sera ma dernière observation, le taux de

mise en réserve des crédits devient un enjeu crucial pour les

opérateurs.

• Le taux a été augmenté ces dernières années et la plus grande

partie des crédits gelés est annulée. Or le taux de mise en

réserve diffère selon le ministère de rattachement de

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l’organisme. Le ministère de rattachement est un critère formel

qui dépend de l’histoire de l’organisme de recherche. Il serait

préférable que le taux de mise en réserve soit modulé au

regard des contraintes effectives des opérateurs.

• Cette situation traduit les limites de la mise en œuvre de la

logique par mission prévue par la LOLF : les missions

budgétaires, correspondant chacune à une politique publique de

l’État, ne se sont pas complètement imposées et les arbitrages

budgétaires continuent d’être pris au niveau ministériel.

• Sans bien sûr rattacher l’ensemble des opérateurs au ministère

de la recherche, il me semble nécessaire de réfléchir aux

modalités selon lesquelles pourraient être organisés des

arbitrages globaux et équitables, conduisant à la constitution

d'un budget unifié de la recherche.

* * *

Sous le bénéfice de ces 5 observations, je suis favorable à

l’adoption des crédits de la mission tels que modifiés par

l’amendement que je présente au nom de la commission des finances

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et qui vise à rehausser le budget de la mission à hauteur de 119

millions d’euros.

Je vous remercie de votre patiente écoute.