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Chapitre 07 : prévention ergonomique des troubles musculo- squelettiques (TMS) La prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) continue, année après année, d'être un enjeu central de la santé et de la sécurité du travail. Les maux de dos et les « maladies en ite », comme la tendinite et la bursite, touchent annuellement beaucoup de travailleurs. Le problème persiste parce que ses causes sont complexes et multiples. La prévention des TMS demande l'adaptation des méthodes, des outils, de l'aménagement et des conditions d'exécution du travail. Pour être efficace, il faut poser un diagnostic précis et avoir une compréhension juste des facteurs qui sont en cause. C'est là que l'ergonomie entre en jeu. I- Que sont les troubles musculo-squelettiques (TMS) ? L’Institut National de Veille Sanitaire définit les troubles musculo-squelettiques (TMS) comme « un ensemble d’affection péri-articulaires qui peuvent affecter diverses structures des membres supérieurs, inférieurs et du dos : tendons, muscles, articulations, nerfs et système vasculaire ». Ces troubles sont également appelés « pathologies d’hyper- sollicitation ». Selon l’INRS (2011, p.3), « les troubles musculosquelettiques ou TMS sont des troubles de l’appareil locomoteur – membres et rachis -, pour lesquels l’activité 1

Thème10

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Chapitre 07 : prévention ergonomique des troubles musculo-squelettiques (TMS)

La prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) continue, année après année,

d'être un enjeu central de la santé et de la sécurité du travail. Les maux de dos et les «

maladies en ite », comme la tendinite et la bursite, touchent annuellement beaucoup de

travailleurs.

Le problème persiste parce que ses causes sont complexes et multiples.

La prévention des TMS demande l'adaptation des méthodes, des outils, de

l'aménagement et des conditions d'exécution du travail.

Pour être efficace, il faut poser un diagnostic précis et avoir une compréhension juste

des facteurs qui sont en cause. C'est là que l'ergonomie entre en jeu.

I- Que sont les troubles musculo-squelettiques (TMS) ?

L’Institut National de Veille Sanitaire définit les troubles musculo-squelettiques

(TMS) comme « un ensemble d’affection péri-articulaires qui peuvent affecter diverses

structures des membres supérieurs, inférieurs et du dos : tendons, muscles, articulations, nerfs

et système vasculaire ». Ces troubles sont également appelés « pathologies d’hyper-

sollicitation ».

Selon l’INRS (2011, p.3), « les troubles musculosquelettiques ou TMS sont des

troubles de l’appareil locomoteur – membres et rachis -, pour lesquels l’activité

professionnelle peut jouer un rôle dans la genèse, le maintien ou l’aggravation. Tous ces

troubles peuvent induire gêne fonctionnelle et douleurs ».

Conne-Perréard, Glardon, Parrat et Usel 3838 définissent les troubles

musculosquelettiques comme « des atteintes inflammatoires ou dégénératives des structures

articulaires, des muscles, des nerfs et structures neuro-vasculaires, et des tendons ». Ils

touchent ainsi « tous les segments corporels permettant à l’homme de se mouvoir et de

travailler » 3939.

Parmi l’ensemble de problèmes de santé que peuvent générer les TMS, il est possible

de les catégoriser en fonction de la zone corporelle atteinte. On retrouve dès lors, les

3838 Conne-Perréard, E., Glardon, M.-J, Parrat, J., & Usel, M.:  «  Effets de conditions de travail défavorables sur la santé des travailleurs et leurs conséquences économiques. » ; Genève, Office Cantonal de l'inspection et des relations du travail. ; 2001 ; p.373939 Aptel, M., Cail, F., & Aublet-Cuvelier, A. : « Les troubles musculosquelettiques du membre supérieur » (TMS-MS). Guide pour les préventeurs. Ed : INRS.957. 2011 ; p.17

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lombalgies, les TMS des membres supérieurs (nuque, épaules, coudes et mains) et les TMS

des membres inférieurs (hanches, genoux et pieds).

La figure ci-dessous (figure 1), reprise de l’étude menée par Conne-Perréard et al

(2001), donne un aperçu concret des zones corporelles touchées par les TMS.

Figure: zones corporelles touchées par les TMS

Les TMS sont des affections variées aux causes diverses et souvent multiples. Ils

constituent l’une des questions les plus préoccupantes en santé au travail du fait de leur

constante augmentation, de leurs conséquences individuelles en termes de souffrance, de

réduction d’aptitude, de risque de rupture de la vie professionnelle (douleurs, gênes

fonctionnelles, fatigue, maladies, déficiences, inaptitude, arrêts de travail), mais aussi de leurs

conséquences sur le fonctionnement des services et de leur coût (absentéisme, turnover, perte

de journées de travail, baisse de productivité). Voir tableau suivant : tableau récapitulatif

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a- Les causes directes et les facteurs de troubles musculo-squelettiques :

La conséquence du développement de TMS chez un opérateur est le résultat d’un

ensemble de manifestations en interférence. La survenue d’un TMS ou de TMS s’explique

donc par l’implication de plusieurs facteurs de risque.

Figure : circonstances de survenue des TMS - Source Franchi et coll. 1997

L’apparition de TMS est signe d’une altération du geste professionnel. Ainsi, il

convient de bien distinguer les causes et les facteurs d’apparition du risque de TMS.

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Ces derniers peuvent être regroupés en deux grandes catégories : les facteurs

environnementaux d’une part et les facteurs individuels d’autre part. Parmi les facteurs

environnementaux, nous retrouvons les sollicitations biomécaniques et les facteurs

psychosociaux qui sont considérés comme des facteurs de risque majeurs. Toutefois,

l’organisation du travail, le stress et l’équation individuelle, pour reprendre les termes du

schéma de l’INRS, interviennent également dans l’apparition de TMS.4040

*****1**** Facteurs environnementaux :

//Sollicitations biomécaniques

Les sollicitations biomécaniques « se réfèrent à des expositions physiques » (Sanders

& Morse, 2005, p.286) recouvrant notamment, comme facteurs de risque, la répétitivité des

gestes, les efforts excessifs, le travail statique et les positions articulaires extrêmes

*** Postures contraignantesUne posture est considérée comme contraignante quand elle s’éloigne de la posture de

repos. A savoir, dans des situations où l’opérateur doit effectuer des efforts importants pour

maintenir sa position et donc mener à bien ses tâches dans une posture loin d’être naturelle.

Parmi les postures contraignantes, nous retrouvons dos penché ou en torsion, position

accroupie ou à genoux, position assise inconfortable au sol ou sur de petites chaises.

Se pencher vers l'avant ; Lever les bras au-dessus des épaules ;

Atteindre un objet qui se trouve derrière soi ; Effectuer un mouvement de rotation

des bras

4040 Aptel, M., Cail, F., & Aublet-Cuvelier, A. : « Les troubles musculosquelettiques du membre supérieur » (TMS-MS). Guide pour les préventeurs. Ed : INRS.957. 2011 ; p.25

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Le fait de travailler le torse penché vers l’avant, incliné vers l'arrière ou dans un

mouvement de torsion peut imposer un trop grand stress à la région lombaire. Lever les bras

au-dessus des épaules, atteindre un objet derrière soi, effectuer un mouvement de rotation des

bras et de flexion du poignet vers l'avant, vers l'arrière et de côté, et s'étirer ou tendre les bras

devant soi sont tous des gestes qui supposent un certain stress pour le corps.

Le fait de maintenir le cou et les épaules en position fixe est le second élément qui

contribue aux lésions troubles musculo-squelettiques liés au travail. Pour effectuer tout

mouvement contrôlé avec le bras, les muscles des épaules et du cou se contractent et

demeurent contractés aussi longtemps que la tâche le requiert.

Les muscles contractés compriment les vaisseaux sanguins, ce qui nuit à la circulation

du sang vers les muscles de la main qui sont en activité.

Toutefois, c'est à cet endroit précis que le sang est le plus nécessaire en raison de

l'effort musculaire intense qui est déployé. Il se produit alors deux choses : les muscles du cou

et des épaules se fatiguent, même s'il y a peu ou aucun mouvement dans cette région. En

même temps, l'apport sanguin réduit vers le reste du bras accélère l'épuisement des muscles

qui travaillent, ce qui les rend plus vulnérables aux blessures.

***Travail musculaire statique :

L'effort statique est caractérisé par un état prolongé de contraction des muscles qui

s'applique habituellement au maintien d'une posture. Dans la vie quotidienne, nos muscles

effectuent constamment des efforts statiques. Ainsi, dans la position debout, toute une série de

groupe de muscles des jambes, des hanches, du dos et du cou restent contractés de longs

moments. C'est grâce à ces efforts statiques que nous pouvons maintenir certaines parties de

notre corps dans la posture voulue. Dans la posture assise, l'effort statique des jambes est

soulagé et la tension musculaire totale du corps est réduite, cependant cette position assise

augmente la pression discale de 40% par rapport à la position debout (diapositive 6-21).

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L'effort statique étant beaucoup plus pénible que l'effort dynamique, la composante statique

exige un effort musculaire plus important.

Nous nous devons d'éliminer, de nos jours, les positions statiques maintenues trop

longtemps. L'effort musculaire statique entraîne une sensation de fatigue pénible dans les

muscles sollicités. Si les positions statiques sont répétées quotidiennement sur une longue

période, une détérioration des articulations, des ligaments et des tendons peuvent se

manifester chez l'« homo sedens ». D'après de nombreuses observations ergonomiques, une

charge de travail statique accrue entraîne une recrudescence de :

a. l'inflammation des articulations,

b. l'inflammation des gaines des tendons,

c. l'inflammation des points d'attache des tendons,

d. des symptômes de dégénérescence chronique des articulations sous forme

d'arthrite,

e. des troubles au niveau du disque.

Le tableau suivant répertorie des troubles liés à certaines formes de travail statiques

pour la région lombaire.

Posture de travail Parties du corps affectées Cartes de la douleur

Buste penché en avant en position assise

Région lombaire: détérioration des disques intervertébraux

Musculaire, discale

Assis, le buste droit (90°), sans dossier ou avec dossier mais sans l'utiliser

Muscles extenseurs du dos Musculaire

Assis, les genoux plus bas que les hanches

Pressions discales lombaires dû à un dos en cyphose

Discale

Position debout, genoux droits, dos fléchi

Augmentation remarquable de la pressions sur les disques intervertébraux

Discale

Source : http://uriic.uqat.ca/cours/Module10/2.1.html

***Portages et soulèvements de charges :

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Plusieurs facteurs de risque peuvent influer sur la capacité d’effectuer des

manipulations et des soulèvements de charges.

Certains sont inhérents à l’individu, comme l’hérédité, la condition physique, le poids

corporel et l’expérience.

D’autres sont liés à l’objet manipulé : sa forme, son poids, son degré de stabilité et le

type de prise.

Bien que l’ergonomie puisse paraître plus complexe en ce qui concerne des

manipulations de charges et qu’un spécialiste puisse être nécessaire pour des problèmes

récurrents ou lorsqu’un de vos employés a un problème de santé spécifique, de simples

principes de bases, que l’on peut aussi appliquer à la maison, peuvent être envisagés.

• Glisser (déplacer la charge en la glissant sur le sol, sans la soulever);

• Rouler (utiliser un chariot pour déplacer la charge);

• Pivoter (déplacer la charge en la faisant pivoter sur elle-même);

• Transfert de poids (utiliser le corps pour transférer le poids de la charge);

• Contrepoids (utiliser un levier pour déplacer la charge).

En ce qui concerne les charges elles-mêmes, on doit aussi penser à diminuer le poids

de l’objet, réduire l’instabilité, améliorer la prise, utiliser les systèmes de levage et envisager

le travail à deux.

Quatre règles à respecter lors du soulèvement de charges

1. Position des pieds par rapport à l’objet.

2. Choisir la technique de soulèvement appropriée (par exemple : garder une position

droite et symétrique en tout temps, faire pivoter le corps et non le tronc).

3. Regarder droit devant soi en soulevant.

4. Garder la charge près du corps. 4141

***Mouvements répétitifs :

Le travail répétitif est caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence

contrainte, imposé ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la

rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini ». Les gestes répétitifs à fréquence

4141 Document D e référence | L’ergonomie © 2013 Optima Santé globale. P.04.

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élevée constituent l’un des facteurs de risque bien identifié des troubles musculo-squelettiques

ou TMS.

L’activité professionnelle associe fréquemment des cofacteurs à ces gestes répétitifs :

 efforts musculaires ;

 postures contraignantes ;

 froid ;

 vibrations ;

 une organisation du travail inadaptée et des contraintes psychologiques et

organisationnelles. Ces cofacteurs peuvent aggraver les effets sur l’homme des gestes

répétitifs.

Les mouvements répétitifs à fréquence élevée peuvent s’accompagner de fatigue, de

sentiment de malaise et de troubles de l’appareil locomoteur, d’où des erreurs et des absences

plus fréquentes. De plus, une activité professionnelle qui se limite à des tâches comportant

majoritairement des gestes répétitifs peut rapidement devenir monotone et démotivante.

*****2******Facteurs psychosociaux :

les facteurs psycho-sociaux », réfèrent plus spécifiquement à des dimensions

organisationnelles et relationnelles qui, traditionnellement prises en charge par les sciences

sociales, se situent à la périphérie de l’ergonomie. Le collège d’expertise a retenu à titre

provisoire six dimensions à caractère psycho-social considérées comme pouvant présenter

des risques pour la santé : « les exigences du travail, ses exigences émotionnelles,

l’autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et relations de travail, conflits

de valeurs et l’insécurité socio-économique ». Ces dimensions jouent effectivement un rôle

suffisamment important dans l’activité des opérateurs pour être de plus en plus prises en

compte dans les analyses ergonomiques du travail. Elles ne doivent pas faire négliger la part

essentielle des aspects matériels et techniques des tâches et des conditions de travail qui

constituent le cœur du métier et avec lesquelles elles sont en interactions. 4242

****3*****Facteurs organisationnels :

4242 Annie Weill- Fassina & Pierre Rabardel : « Point de vue ergonomique sur les facteurs psychosociaux de risques pour la santé. » ; http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/site/Revue-Ergonomie.pdf. p.05.

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Les facteurs organisationnels seraient également un élément jouant un rôle dans

l’apparition des TMS (Aptel & al, 2011). Comme l’expliquent Aptel et al., (2011),

l’organisation du travail a une influence sur l’activité des opérateurs ce qui signifie qu’il faut

tenir compte de celle-ci notamment lors de la prévention de TMS. En réalité, selon les mêmes

auteurs, des facteurs organisationnels découleraient les processus de travail, ainsi que les

rythmes de travail, démontrant de ce fait leurs effets directs sur les facteurs psychosociaux

ainsi que sur le stress. Ces auteurs donnent pour exemple la répétitivité des gestes induite par

l’organisation du travail et par conséquent le déterminisme de celle-ci quant aux sollicitations

biomécaniques.4343

***4***Stress :

D'une façon générale, le stress peut être vu comme la résultante d'un déséquilibre

perçu par une personne ou un groupe de personnes entre les exigences de la situation de

travail et leurs capacités à les maîtriser : « déséquilibre entre la perception qu'une personne a

des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres

ressources pour y faire face ».

Certaines caractéristiques du travail peuvent accroître le risque de problèmes de santé

et même de détérioration de la santé. C’est ce que montrent, en 1990, Karasek et Theorell

avec leur modèle Demand-Control-Support. Ils ont constaté qu’un travail avec des exigences

élevées et peu de marge de décision générait souvent des effets négatifs pour la santé.

Bénéficier de soutien permet d’atténuer un trop grand stress au travail. Le manque de soutien

peut favoriser l’apparition de stress négatif. Les recherches de Karasek ont montré que le

stress négatif est plus présent chez les exécutants et les peu qualifiés et surtout chez ceux qui

ont peu de possibilités de réguler leur travail. Le stress n’est certainement pas la maladie du

manager comme on le pensait voici quelques décennies. Des recherches empiriques sur les

effets pour la santé montrent le contraire.

Le stress au travail est en effet le résultat d’un équilibre entre le travailleur et

l’organisation au sein de laquelle il travaille. Si la balance penche du mauvais côté, il y a

risque de dysfonctionnement personnel; si elle penche du bon côté, il y a possibilité

d’épanouissement personnel. Les personnes hautement qualifiées sont parfois sous pression

mais elles ont plus de possibilités de s’épanouir au travail.

Les personnes moins qualifiées et celles dans une position subalterne ont moins de «

prise » sur leur travail et leurs conditions de travail. Elles retirent souvent moins de stimulants 4343 Aline Rossi : «Situations de travail et santé dans les métiers de la petite enfance au sein du réseau d’accueil de jour de Lausanne. » ;  Mémoire de Master Psychologie du Travail et des Organisations ; Responsable de mémoire : M. Daniel Ramaciotti ; Septembre 2012. P.23.

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positifs de leur travail tels que valorisation, prestige, avoir pu réaliser et atteindre quelque

chose. Les peu qualifiés seront probablement plus confrontés à des situations qui engendrent

la perte de contrôle et un sentiment d’abandon et ils auront sans doute plus de problèmes avec

des situations qui requièrent une plus grande vigilance. Dans la psychobiologie du stress, ces

situations sont mises en rapport avec le fonctionnement des hormones du stress qui ont

éventuellement un effet négatif sur le fonctionnement d’autres organes et systèmes de notre

corps tels que le système cardiovasculaire, le système digestif, le système immunitaire.4444

Dans les entreprises, on considère encore souvent le stress au travail comme un

problème purement individuel. Tout se passerait dans la « tête » des gens. Ou cela

concernerait exclusivement la vie privée et non le travail. Ou ce serait une question de

personnalité et donc pas un problème collectif.

Si une ou plusieurs personnes souffrent de stress, cela peut avoir différents effets sur le

bon fonctionnement de l’organisation. Moors a décrit ces conséquences comme suit (10).

On travaille moins ou moins vite avec pour effet:

• à court terme, une réduction de la production ou le non-respect des délais de

livraison;

• à plus long terme, le recours à davantage de personnes et de moyens pour arriver au

résultat souhaité (ce qui entraîne une augmentation des coûts).

On travaille moins bien ou avec moins de précision avec pour effet:

• à court terme, une diminution de la qualité du produit ou du service;

• à plus long terme, un accroissement du temps et de l’argent qui doit être consacré

aux réparations et au contrôle.

On travaille de façon moins sûre avec pour effet:

• à court terme, une augmentation de la probabilité d’accidents;

• à plus long terme, une augmentation de la prime d’assurance accidents du travail, le

ternissement de la réputation de l’entreprise voire la perte d’une certification (en sécurité, par

exemple, pour les entreprises en sous-traitance).

On est plus susceptible, on s’énerve plus vite, on est d’un contact moins agréable ou

on est moins serviable avec pour effet:

• à court terme, une augmentation des tensions et des conflits ouverts;

4444 B. FISCHLER, Psychobiologie de stress, dans S. Moors (Ed.), Stress et travail. Origines et approches, INRCT, Bruxelles, 1994.

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• à plus long terme, une détérioration de l’ambiance de travail et du climat social, une

augmentation de l’absence pour maladie, de la rotation du personnel…

Pour bien gérer une entreprise, il faut donc une bonne politique du stress ne tenant pas

seulement compte des facteurs liés aux personnes mais aussi et surtout de ceux liés au travail.

II- Prévention et intervention ergonomique :4545

L’intervention ergonomique a pour fonction d’opérer sur des situations de travail

réelles en vue de les transformer pour les améliorer (Lancry, 2009). Plus précisément, il s’agit

de transformer le travail afin que celui-ci n’affecte pas la santé physique et mentale des

opérateurs et qu’il n’altère pas non plus les buts économiques envisagés par l’organisation

concernée Elle peut être sollicitée par divers protagonistes d’une organisation tels que la

direction, les concepteurs, les opérateurs ou encore des spécialistes de l’hygiène et de la

sécurité au travail.

Les domaines d’action sont eux aussi variables et hétérogènes que les sujets

mentionnés. En effet, rappelons que l’ergonomie recherche l’adaptation de la situation du

travail à l’homme dans sa globalité. Ainsi, pour transformer une situation de travail, on peut

agir sur l’environnement, l’espace, les relations, les objectifs de productivité, la formation,

l’organisation, les outils et le matériel (Cours Ergonomie I, 2011-2012, par M. Ramaciotti).

Pour cette raison, lors d’une intervention ergonomique, il peut être question de

l’aménagement d’un poste, de la conception de l’ensemble d’une situation de travail ou d’un

dispositif technique pour ne citer que quelques exemples (de Montmollin, 1995). Nous

pouvons donc constater de ce fait que l’intervention ergonomique est propre à chaque

situation comprenant son contexte et ses acteurs. Bien qu’il n’existe pas une intervention mais

des interventions singulières (Guérin & al., 1994), elles ont en commun des étapes que je

propose d’illustrer à travers la présentation d’un modèle. Il s’agit du modèle de Quéinnec

(1992) qui est notamment utilisé dans le cadre de ce travail. Il offre une vision complète des

différentes étapes d’une intervention ergonomique.

1****Modèle pour l’intervention ergonomique de Quéinnec

4545 Aline Rossi : «Situations de travail et santé dans les métiers de la petite enfance au sein du réseau d’accueil de jour de Lausanne. » ;  Mémoire de Master Psychologie du Travail et des Organisations ; Responsable de mémoire : M. Daniel Ramaciotti ; Septembre 2012. P.25-27.

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Figure 3 : Démarche pour l’intervention ergonomique Quéinnec et al. (1992) dans

Repères pour négocier le travail posté

La phase initiale d’une intervention ergonomique débute par l’analyse de la

demande. Cette dernière, selon Drouin (1996, in Monod & al, 2003) peut être interne à

l’organisation (la direction, les responsables, le médecin du travail, les opérateurs notamment)

ou externe (ergonomes ou chercheurs). Elle peut être d’origine économique en vue

d’améliorer par exemple « …la productivité ou la qualité du travail… » (Monod & al. 2003,

p.23) ; technique lors notamment d’ « … insatisfaction de la clientèle vis-à-vis d’un produit…

» (Monod & al. 2003, p.23) ; de santé et confort comme cela peut être le cas lors de la « …

prévention d’accidents de travail ou de pathologies professionnelles… » (Monod & al. 2003,

p.23) ; et finalement sociale quand il peut s’agir d’un « apaisement d’un conflit social… »

(Monod & al. 2003, p.23).

Cette première étape aboutit à un état des lieux suite auquel prend place un bilan de

connaissances intégrant une bibliographie avec des recherches littéraires, des modes de

prévention de manutention de charges par exemple. En parallèle, a lieu l’analyse du travail

qui consiste en « l’analyse des exigences et des conditions réelles de la tâche, et l’analyse des

fonctions effectivement mises en jeu pour la réaliser » (Laville, 1976, p.24). Dans la suite du

travail, nous verrons plus en détail cette phase de l’intervention. Néanmoins, nous pouvons

déjà dire qu’à partir de celle-ci, un recueil d’informations pourra ensuite donner lieu à des

thèmes de réflexion et un examen des conséquences.

Puis, nous procédons à un bilan – restitution aux personnes concernées lors duquel

nous parlons de la restitution des résultats avec les personnes impliquées (la direction, les

responsables, le médecin de la ville, les opérateurs par exemple). A partir de ce qui sera dit, il

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faudra revenir à la théorie et à l’analyse du travail. Ainsi, nous pourrons construire

desscénarii et des repères et ce, de plusieurs manières possibles. Dans tous les cas, les

scénarii devront être négociés. C’est pourquoi on parle de négociation : il faut notamment se

mettre d’accord sur lequel on va mettre en oeuvre tout en sachant que le bon chemin n’existe

pas, qu’il n’y a pas qu’une bonne solution mais des solutions à divers niveaux.

Finalement, la dernière phase est celle de la conception et organisation autrement dit,

il est question de la création du scénario ou la mise en place d’une nouvelle organisation.

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