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Le fou et le sage Le bord du gouffre Son pied se balançait dans le vide. Voilà tout ce qui séparait le toit de cet immeuble de la route qui paraissait toute petite vu d'en haut ; du vide. Il en allait de même pour le regard de Tim ; il était vide. Lui qui était pourtant si joli garçon, avec des yeux bleus magnifiques. Son regard s'était éteint. Peut-être au moment où il avait appuyé sur la télécommande du poste de télévision. Juste avant de monter les marches qui mènent à la porte donnant accès au toit. Un toit plat, comme on en trouve beaucoup sur les nouveaux bâtiments du centre-ville de Lausanne. Une faible circulation défilait le long de la rue menant au pont Bessières. Il aurait pu sauter depuis ce pont célèbre pour ses tragédies, mais une barrière de sécurité avait été aménagée. Ce serait depuis cet immeuble terne et dans cette nuit profonde que disparaitrait le méconnu Timothée Bonvin, né à Lausanne et s'apprêtant à mourir dans cette même capitale vaudoise. Comment en était-il arrivé là ? Le scénario classique : jeune Suisse de vingt-cinq ans, il avait terminé ses études d'économie trois ans auparavant, démarrant une carrière de comptable au sein d'une entreprise très connue dont il est préférable de taire le nom. Après avoir servi des cafés et photocopié la moitié des archives de la boîte, il avait finalement obtenu une promotion digne de ce nom et un salaire lui permettant de quitter ses parents et de demander sa copine en mariage. Il n'était pas vraiment du genre conservateur, mais il s'était toujours imaginé se marier aux environs de vingt-cinq ans, puis fonder une famille vers trente ans. Sauf que l'entreprise pour laquelle il travaillait a soudainement était impliquée dans une affaire de corruption, la mettant en faillite et lui faisant perdre son emploi. Son avenir tout tracé était compromis. Il lui était possible de retrouver du travail, mais les choses commencèrent à se compliquer pour lui. D'abord il se mit au chômage. Puis il commença à s'endetter. Il ne trouvait pas de travail, à cause de ses récentes dettes. Son stress alla en s’aggravant et son médecin lui pronostiqua une dépression. À vingt- cinq ans, il déprimait. Son mal-être intérieur se reflétait sur son aspect externe, et sa fiancée devint plus distante envers lui. Elle finit par rompre leurs fiançailles et Tim découvrit rapidement sur Facebook qu'elle était de nouveau en couple avec un bellâtre. Il la soupçonna alors de l'avoir trompé et s'en voulu d'avoir tout gâché de la sorte. D'abord en soirée, puis la journée, et bientôt dès le réveil, il se mit à boire. Son alcoolisme n'arrangea rien à sa situation désespérée et il perdit ses amis les uns après les autres, jusqu'à rompre le contact avec sa famille. Il était seul au monde. Ce soir-là, le propriétaire de l'immeuble frappa énergiquement à sa porte, lui réclamant les loyers de retard. Il allait le faire expulser. Il venait de toucher le fond. En un rien de temps il était passé d'une carrière prometteuse à un chômeur, devenant un paria de la société. Lui qui était né Suisse, qui avait fait des études et des plans d'avenirs. Il n'était pas comme ces personnes qu'il avait toujours jugées, ces ressortissants étrangers qui n'apportent que de la délinquance et bafouent les valeurs de la Suisse, s'était-il toujours dit. Pourtant, il était l'exacte définition de ce qu'est une personne à charge de l'aide sociale et un fardeau pour l'économie du pays. Il se détestait. Alors, après avoir vidé sa troisième bouteille de la journée, il tituba jusque sur le toit, déterminé à mettre fin à ses jours. Il était là, un pied dans le vide, prêt à en finir avec la vie et à trouver enfin la paix. Du moins c'est ce qu'il espérait. Est-ce qu'il Le fou et le sage 1

Le fou et le sage

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Le fou et le sage

Le bord du gouffre

Son pied se balançait dans le vide. Voilà tout ce qui séparait le toitde cet immeuble de la route qui paraissait toute petite vu d'en haut ; duvide. Il en allait de même pour le regard de Tim ; il était vide. Lui qui étaitpourtant si joli garçon, avec des yeux bleus magnifiques. Son regard s'étaitéteint. Peut-être au moment où il avait appuyé sur la télécommande duposte de télévision. Juste avant de monter les marches qui mènent à la portedonnant accès au toit. Un toit plat, comme on en trouve beaucoup sur lesnouveaux bâtiments du centre-ville de Lausanne.

Une faible circulation défilait le long de la rue menant au pontBessières. Il aurait pu sauter depuis ce pont célèbre pour ses tragédies, maisune barrière de sécurité avait été aménagée. Ce serait depuis cet immeubleterne et dans cette nuit profonde que disparaitrait le méconnu TimothéeBonvin, né à Lausanne et s'apprêtant à mourir dans cette même capitalevaudoise.

Comment en était-il arrivé là ? Le scénario classique : jeune Suissede vingt-cinq ans, il avait terminé ses études d'économie trois ansauparavant, démarrant une carrière de comptable au sein d'une entreprisetrès connue dont il est préférable de taire le nom. Après avoir servi descafés et photocopié la moitié des archives de la boîte, il avait finalementobtenu une promotion digne de ce nom et un salaire lui permettant dequitter ses parents et de demander sa copine en mariage. Il n'était pasvraiment du genre conservateur, mais il s'était toujours imaginé se marieraux environs de vingt-cinq ans, puis fonder une famille vers trente ans.

Sauf que l'entreprise pour laquelle il travaillait a soudainement étaitimpliquée dans une affaire de corruption, la mettant en faillite et lui faisantperdre son emploi. Son avenir tout tracé était compromis. Il lui était

possible de retrouver du travail, mais les choses commencèrent à secompliquer pour lui.

D'abord il se mit au chômage. Puis il commença à s'endetter. Ilne trouvait pas de travail, à cause de ses récentes dettes. Son stress allaen s’aggravant et son médecin lui pronostiqua une dépression. À vingt-cinq ans, il déprimait. Son mal-être intérieur se reflétait sur son aspectexterne, et sa fiancée devint plus distante envers lui.

Elle finit par rompre leurs fiançailles et Tim découvritrapidement sur Facebook qu'elle était de nouveau en couple avec unbellâtre. Il la soupçonna alors de l'avoir trompé et s'en voulu d'avoirtout gâché de la sorte.

D'abord en soirée, puis la journée, et bientôt dès le réveil, il semit à boire. Son alcoolisme n'arrangea rien à sa situation désespérée etil perdit ses amis les uns après les autres, jusqu'à rompre le contact avecsa famille. Il était seul au monde.

Ce soir-là, le propriétaire de l'immeuble frappa énergiquement àsa porte, lui réclamant les loyers de retard. Il allait le faire expulser. Ilvenait de toucher le fond.

En un rien de temps il était passé d'une carrière prometteuse àun chômeur, devenant un paria de la société. Lui qui était né Suisse, quiavait fait des études et des plans d'avenirs. Il n'était pas comme cespersonnes qu'il avait toujours jugées, ces ressortissants étrangers quin'apportent que de la délinquance et bafouent les valeurs de la Suisse,s'était-il toujours dit. Pourtant, il était l'exacte définition de ce qu'estune personne à charge de l'aide sociale et un fardeau pour l'économiedu pays. Il se détestait.

Alors, après avoir vidé sa troisième bouteille de la journée, iltituba jusque sur le toit, déterminé à mettre fin à ses jours.

Il était là, un pied dans le vide, prêt à en finir avec la vie et àtrouver enfin la paix. Du moins c'est ce qu'il espérait. Est-ce qu'il

Le fou et le sage 1

trouverait vraiment la paix ? Il avait entendu dire que le suicide mène àl'enfer. De toute manière, il ne croyait pas à ses bondieuseries. Un mondeoù il y a autant de souffrance et d'injustice ne peut que vouloir dire qu'il n'ya pas de Dieu. S'il y en avait un, Tim ne voudrait même pas le connaître,tant il lui en aurait voulu de ne rien faire pour lui.

Il était hésitant, un pied toujours en équilibre, réalisantsoudainement ce qu'il s'apprêtait à faire. Il inspira un grand coup maisn'arrivait pas à se décider. Qu'est-ce qui l'en empêchait ? Il n'avait plus deraison de vivre. S'il continuait de la sorte il finirait au fond d'un caniveau,mort d'une cirrhose.

Alors qu'il allait vraiment sauter, il eut une pensée très forte pourune personne. Il en fut tellement surpris qu'il reposa son pied qui était dansle vide sur le bord du muret du toit. Il n'avait plus repensé à cette personnedepuis des années. D'ailleurs il n'avait jamais vraiment pensé à lui. Thomas,un ami du lycée. Enfin, plutôt une connaissance. Un gars bien, qui avait étéle souffre douleur d'un grand nombre de personnes pendant ses études.Thomas était un évangélique, ou un évangéliste, Tim ne savait plus trop.C'était un de ces allumés chrétiens qui passait pour un sectaire à l'époque.Tout le monde se payait sa tête parce qu'il ne faisait jamais la fête, parlaitde Jésus et était encore vierge par choix. Un ringard fini pour les jeunes deson âge.

Pourquoi Tim pensait-il à lui dans un moment pareil ? Ce devaitêtre l'alcool. Il chassait Thomas de son esprit et regarda la route à unevingtaine de mètres plus bas. Il eut soudainement peur. Pourtant il étaitivre, il n'aurait pas dû ressentir quoi que ce soit. Il s'éloigna un peu du bord,par précaution. Que lui arrivait-il ? Il ne se sentait plus du tout saoul et sadétermination lui était passée. Il envisagea de rentrer pour ouvrir unenouvelle bouteille, une dernière, mais il pensa à nouveau à Thomas.

C'était même étrange qu'il se souvienne de son prénom. Ils n'avaientjamais été en bons termes. Tim faisait partie des personnes cool du lycée,

contrairement à Thomas, qui était rejeté de presque tous. Il sortit sonportable de sa poche et consulta son répertoire. Il y avait bien unThomas dans ses contacts, mais ce n'était pas le même. Il chercha surGoogle un Thomas du gymnase de la Cité. Bien entendu il y avait desmillions de résultats. Il essaya la recherche d'images. Tout en bas de lapage, il reconnut un adolescent à l'aspect angélique, un blondboutonneux avec une frange de côté. C'était bien Thomas. Sa photoétait dans les archives du club d'échecs. Thomas Pittet.

Tim rechercha sur local.ch les coordonnées de Thomas. Il yavait un monsieur et une madame Thomas et Caroline Pittet, deLausanne. L'adolescent boutonneux vierge se serait-il marié ? Lemonde professionnel n'ayant plus rien à voir avec la vie estudiantine, ilse pourrait bien que Thomas soit devenu un homme.

Sans trop savoir pourquoi, il appela le numéro fixe qu'il venaitde trouver. Il était deux heures vingt-six du matin, il n'y avait aucunechance pour que quelqu'un réponde, mais il avait envie de voir s'ils'agissait bien du même Thomas. Plusieurs sonneries retentirent, et Timallait raccrocher, quand une voix masculine très faible lui répondit.

– Allô ? Pittet à l'appareil.– Thomas Pittet ?– Oui. Qui le demande ?– Je suis Timothée Bonvin. Vous étiez bien au gymnase de la

Cité ?Il y eut un instant de silence. Thomas devait rassembler ses

forces pour se concentrer.– Oui, j'ai était diplômé en 2008. Timothée Bonvin ? On était

dans la même classe ?– Classe parallèle je crois. Mais j'ai aussi était diplômé en 2008.– Je vois. Sympa de m'appeler. Mais pourquoi au milieu de la

nuit ?

Le fou et le sage 2

– Je suis désolé Thomas, je ne sais pas ce qui m'a pris.Un nouveau silence. Tim était sincère, il ne savait pas ce qui lui

prenait.– Ce n'est rien, reprit Thomas. Est-ce que tout va bien ? Qu'est-ce

que tu fais ?Tim avait le choix : il pouvait soit lui dire la vérité, soit inventer une

histoire pour mettre fin à la conversation. Il choisit une autre alternative,comme si son appel avait soudainement un but.

– Est-ce qu'on pourrait se voir ?Il voulait parler avec Thomas, lui demander ce que la vie lui avait

apporté et essayer de comprendre ce que lui-même avait fait de faux.En posant cette question, il avait pris une décision : si Thomas lui

répondait non, il sauterait. S'il lui accordait de son temps, il garderait unpetit peu d'espoir.

– Oui, on peut se voir. Quand ça ?– Maintenant.

Le fou et le sage 3

Une lueur dans l'obscurité

Lausanne de nuit offre une expérience intéressante. Il y a moins decirculation mais tout autant de monde dans la rue, pour la plupart ivre àdeux heures et demies du matin. Des dealers vous accostent à la rue deBourg et des prostituées vous attendent à la rue de Genève. Non pas queTim ait déjà eu recours à ce genre de service.

Ce qui l'émerveillait le plus, c'était la quasi-omniprésence de lapolice. Et pourtant, rien ne changeait. Le trafic de drogue était toujours là,la débauche sexuelle aussi, et presque tous les jours on pouvait lire dans lesjournaux qu'une bagarre ou un incident grave avait eu lieu.

Le flot de lumière projeté par les réverbères faisait oublier qu'il n'yavait pas de soleil et les pas de Tim résonnaient sur les pavés. Il arriva àSaint-François, où un petit bistrot se trouvait à côté de l'église. Il étaitfermé, à cette heure. Tim avait déjà bu des verres sur la terrasse ets'étonnait de n'avoir jamais reconnu Thomas, qui gérait apparemment lecommerce. Il se retrouva à côté des chaises retournées sur les tables etdevant un écriteau marqué « fermé ». Une lumière s'alluma dans l'arrièreboutique et Tim vit quelqu'un avancer dans le noir pour venir lui ouvrir.

Thomas n'avait plus rien à voir avec l'adolescent boutonneux qu'ilavait été au lycée. Il avait un visage délicat et des cheveux courts qui luidonnaient un air autoritaire. Mais son regard était tendre et ses yeuxrespiraient le bonheur. C'en était contagieux. Il lui sourit à pleines dents etlui serra joyeusement la main.

– Timothée ! Ça faisait si longtemps.– Oui, tu peux le dire. Appelle-moi Tim.Thomas le fit rentrer sans hésiter et ils s'installèrent au bar.

Apparemment Thomas avait oublié ou ne lui tenait plus rigueur desmoqueries du passé. Il servit à boire. Tim avait une mauvaise hygiène et ilempestait l'alcool. Thomas semblait s'en être rendu compte et lui offrit un

Rivella. Ils trinquèrent au « bon vieux temps » et Tim fut presquesurpris de ne pas sentir de brûlure dans son œsophage en buvant unegorgée.

– Alors Tim, comment ça va ? J'imagine que si tu m'as appelé aumilieu de la nuit après tout ce temps, surtout que nous n'étions pas trèsproches, c'est parce que tu dois avoir besoin de quelque chose.

– Simplement de discuter.– Ok. J'aime discuter au milieu de la nuit. Non, vraiment, il y a

quelque chose d’apaisant et de sain.– Dans l'obscurité ? Tu n'étais pas du genre à voir le mal partout,

ou un truc comme ça ? Tu as changé de philosophie ?– Moi, voir le mal partout ? Pas du tout. La nuit fait partie d'une

journée, elle est faite pour se reposer. Aujourd'hui beaucoup profitent dela nuit pour vivre différemment de la semaine de travail, pour échapperau quotidien.

– Et toi, tu n'as pas besoin d'échapper au quotidien ?– Tu sais Tim, j'aime ma vie. Et je suis reconnaissant de tout ce

que j'ai. Si les choses devaient être différentes, je serais aussireconnaissant.

– Je vois. Désolé de venir gâcher ta nuit parfaite.– Tu ne gâches rien. Tu as l'air mal en point. Dis-moi ce que je

peux faire pour t'aider.Tim regarda son verre pensivement. Il ne savait pas vraiment ce

qu'il attendait de Thomas.– Je ne sais pas. Dis-moi comment faire pour être heureux, ça

serait un bon début.– Alors c'est ça qui t'inquiète, tu n'es pas heureux ? Parle-moi de

ta vie.– Il n'y a rien à dire. Je vis seul, je n'ai pas d'amis, pas de travail,

je vais bientôt me retrouver à la rue et je n'arrive pas à arrêter de boire.

Le fou et le sage 4

Oh et ce soir j'allais sauter du toit de mon immeuble quand je t'ai appelé.Thomas essayait de rester impassible mais il avait du mal. Il

cherchait ses mots.– Je suis vraiment désolé d'entendre ça. Je sais que ce n'est pas

vraiment important, mais pourquoi as-tu pensé à m'appeler ?– Je n'en sais rien, en fait. J'allais sauter et j'ai pensé à toi. C'est

bizarre.– Oui. Ou peut-être que ça devait se passer ainsi.– Quoi, tu veux dire que c'est le destin, ou un truc comme ça ?– Un truc comme ça.– Je ne crois pas à tout ça. Ce sont des histoires pour bonnes

femmes et les enfants. Et pour les faibles d'esprit.– Les faibles d'esprit ? Tu veux dire que toutes les personnes qui

croient en quelque chose d'autre que le hasard et la science sont des faiblesd'esprit ?

– Ouais. La science explique tout. Et le reste c'est le fruit du hasard.– Donc si tu es ici en vie devant moi, c'est un hasard ?– Exactement. Je sais que les gars comme toi sont des types bien,

avec une philosophie altruiste et qui réconforte ceux qui ont en besoin,mais d'un point de vue strictement pragmatique, c'est irrationnel de croireen une sorte de monde surnaturel.

– Attend, il ne s'agit pas d'un monde surnaturel, mais de ce monde.Oui les actes altruistes sont une bonne manière de rendre témoignage etd'aider son prochain. Mais ce n'est pas l'essentiel.

– Alors c'est quoi l'essentiel ?– Laisse-moi te raconter une comptine. C'est l'histoire d'un fou, qui

rencontre un sage. Le fou lui demande le sens de la vie, mais le sage refusede lui répondre. Le fou s'en va s'en y prêter attention. Quelques années plustard, le fou commence à se lasser de sa folie et se met à chercher le sens dela vie. Il cherche des années durant, sans jamais trouver. Un jour, il

découvre le sens de la vie. Il est alors fou de joie, il ne tient pas enplace. Il décide de parler de sa découverte à tout le monde. Mais lesgens le traitent de fou et ne l'écoutent pas. Il repart déçu. Il se souvientalors de la réaction du sage qui avait refusé de lui répondre.

Thomas arrêta là son histoire et Tim le regarda perplexe. Envoyant son regard, Thomas lui sourit.

– Tu n'as pas compris où je voulais en venir ? C'est simple. Pourque quelqu'un soit prêt à entendre le sens de la vie, il faut qu'il soit enrecherche. S'il ne s'intéresse pas à connaître la réponse, c'est peineperdue que de la lui donner. Alors, le jour où tu seras prêt à l'entendre,je te dirai ce qu'est l'essentiel.

– Alors je suis un fou ? C'est une façon de voir les choses. Cequi ne me prouve absolument pas que tu sois un sage.

– Tu as raison. Socrate disait : tout ce que je sais, c'est que je nesais rien. En un sens, il reconnait son ignorance et je ne prétends pasêtre celui qui sait tout et toi un ignorant. Mais je peux te parler de monexpérience personnelle, de ma vie, des choses que j'ai vécues et de lamanière dont j'ai réalisé quelle est la vérité. Personne ne peutt'influencer, tu dois en faire l'expérience toi-même.

Tim réfléchit longuement à ce point de vue objectif.– D'accord, dit-il.– D'accord à quoi ?– Je veux expérimenter ce que tu as à offrir.– Bravo, tu ne le regretteras pas. Mais ça risque de prendre du

temps.– Je ne suis pas pressé, en un sens.– Je te promets qu'on va se revoir et je te ferai voir par toi-même

ce dont il s'agit. Promets-moi en retour que tu ne vas pas essayer de tesuicider.

Tim inspira une grande bouffée d'air. Il était trois heures du

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matin, il avait encore de l'alcool dans le sang et commençait à se demandercomment cette nuit folle allait se terminer. Il n'avait aucune envie d'écouterun fanatique religieux lui parler du bon Dieu ou il ne savait pas trop quoi,mais il devait bien l'admettre : Thomas avait quelque chose de différent. Ilavait vraiment l'air heureux. Il n'était pourtant pas riche ou célèbre, nimême populaire. C'était un simple gars de son âge qui avait souffertprobablement toute sa vie de discrimination pour ses convictions. Etpourtant il était si rayonnant. Tim devait savoir. Ça ne lui coûterait rien, dumoins il l’espérait car il n'avait plus un sou en poche.

– Ok. Je te promets de ne pas attenter à mes jours si tu peux m'aiderà retrouver la joie de vivre.

– Je vais t'aider à connaître la seule vraie joie de vivre, celle que tun'as encore jamais connue. Mais ce n'est pas moi qui te rendrai heureux :c'est la même chose que ce qui me rend heureux. C'est au travers d'elle quetu connaîtras le bonheur. Et non pas au travers d'un homme.

Les deux jeunes hommes terminèrent la nuit en partageant leurparcours de vie. Celui de Thomas avait une conclusion bien plus édulcoréeque celui de Tim. Après le lycée, il avait étudié la restauration dans le butde reprendre l'affaire familiale. Son père ayant refusé d'en hériter, c'estThomas qui reçu comme legs le bistrot, au décès de son grand-père. Ilfréquenta deux ans une fille de sa paroisse et ils se marièrent en grandespompes. Thomas avait alors vingt-deux ans. Depuis, il était l'homme le plusheureux du monde, comblé par une épouse géniale.

Il aimait également son métier, qui lui permettait de rencontrerbeaucoup de monde et de partager des moments de débats sur le sens del'existence. Il suivait d'ailleurs des cours occasionnels de théologie. Iln'avait pas d'objectif précis, mais ces cours semblaient le passionner.

Les premiers rayons du soleil pointant le bout de leur nez, ilsdécidèrent de se quitter, en promettant de se revoir très vite. Thomas insistapour que Tim rencontre sa femme, qui venait de se lever, et il fit l'heureuse

connaissance d'une blonde aussi rayonnante que son mari. Ils formaientun beau couple. Plutôt que de déprimer, Tim fut encouragé en voyantces deux tourtereaux, se disant que le bonheur devait ressembler à ça.

Il rentra chez lui, éreinté mais satisfait, curieux et un peu moinslas de son existence. Mais surtout, il était encore en vie.

Le fou et le sage 6

Questions existentielles

Tim frottait énergiquement un verre dans l'évier. Il regarda ensoupirant la pile de vaisselle restante. C'était à lui que revenait le privilègede faire la plonge aujourd'hui. Cela faisait un mois qu'il travaillait au bistrotde Thomas et il ne servait que très rarement les clients. Même si Thomas nele lui avait pas dit ouvertement, il se doutait que c'était son alcoolisme quien était la cause. Malgré l'aspect peu aguicheur de la tâche qui lui étaitconfiée, il était reconnaissant à Thomas de l'avoir engagé et surtout depouvoir payer ses factures. Il espérait que ce travail ne serait quetemporaire et qu'il trouverait quelque chose dans la comptabilité.

Il n'avait plus bu une goutte d'alcool depuis la nuit où il avait faillimettre fin à ses jours. Ce fut la seule condition que Thomas exigeât pourl'engager : qu'il arrête de boire. Il assistait à des réunions des alcooliquesanonymes, et même s'il n'était pas tout à fait convaincu d'être à sa place, ildevait bien avouer qu'il allait mieux. Et ce en partie grâce à Thomas.

Thomas s'était montré un véritable ami au cours du mois écoulé.Maintenant que Tim ne pouvait plus fréquenter ses potes de bar, il passaitbeaucoup de temps avec Thomas. C'était quelqu'un de formidable. Nonseulement il lui avait offert ce travail, mais en plus il s'intéressait à ce qu'ildevenait. Il était prêt à lui prêter de l'argent si besoin et à l'héberger chezlui. Tim avait encore sa fierté et préférait se serrer la ceinture, mais il futtouché par le geste.

Thomas était plus érudit que ne l'aurait imaginé Tim. Il avait uneculture générale très développée et un regard critique sur la société. Biensûr sa spécialité était de philosopher sur la vie et Tim avait souvent droit àdes théories qu'il n'approuvait guère. Alors, pour voir si Thomas étaitvraiment incollable sur son sujet, il lui posait toutes les questions qui luivenaient à l'esprit. Et s'il n'arrivait pas toujours à le convaincre, il avaittoujours une réponse pertinente.

Comme la fois où Tim l'avait volontairement provoqué en luilançant ce défi :

– Prouve-moi que Dieu existe.Thomas avait soutenu son regard et lui avait souri.– Prouve-moi que Dieu n'existe pas. Si tu attends de moi une

démonstration surnaturelle qui te prouverait que Dieu existe, tu tetrompes. Pourtant, des miracles ont eu lieu à travers le monde, mais lesgens ne sont pas concernés par ce qui ne leur arrive pas directement. Etmême là ils peuvent douter. D'autant plus qu'il y a plusieurs formes depuissances surnaturelles, pour ainsi dire. Par exemple dans l'histoire deMoïse, où celui-ci va voir le pharaon et transforme son bâton enserpent. Il le fait au nom de Dieu. Mais les magiciens du pharaon fontde même en transformant leurs bâtons en serpents. C'est un bonexemple des différentes puissances dont je te parle. Mais à la fin del'histoire, le serpent de Moïse dévore les serpents des magiciens,affirmant la supériorité de Dieu sur ces autres puissances.

« Mais je m'égare. Tu veux que je te prouve que Dieu existe ?Débattons philosophiquement la question. Qu'est-ce que c'est que ça ?

Il pointait du doigt la table contre laquelle ils étaient accoudés.– Ben, une table, répondit simplement Tim.– Oui, et en quoi est faite cette table ?– En acier ou une matière similaire.– Et en quoi cette matière est-elle constituée ?– Heu… Les trucs de physique, là, les atomes ou je ne sais pas

quoi.– Oui, ces trucs-là. Et d'où viennent-ils ces trucs-là ?– D'autres particules plus petites encore, et ce jusqu'à l'infini.– Jusqu'à l'infini ? Et d'où viennent à l'origine toutes ces

infinités de particules ?– Du Big Bang ?

Le fou et le sage 7

– C'est ce que nous apprend la science. Mais qu'y avait-il avant leBig Bang ?

– Comment le saurais-je ?– Tu vois Tim, ce que j'essaie de te démontrer, c'est que tu peux

prendre n'importe quoi, en remontant à la source de toute chose, tu arrives àla limite de la science. La science explique beaucoup de choses, mais ellen'a pas toutes les réponses. Beaucoup s'accordent alors à dire qu'il y a unarchitecte derrière tout ça, un dieu horloger. Ce sont les théistes et lesdéistes. Pour expliquer simplement les choses, ce sont les opposés auxathées.

– Et si tout cela n'était que le fruit du hasard ? Si le Big Bang n'étaitdû qu'à une erreur de l'univers et qu'avant ça il n'y avait rien ? Tonarchitecte n'y serait pour rien et ça voudrait dire qu'il n'y a pas forcémentun dieu ou quelque chose à l'origine de tout.

– Je ne crois pas au hasard, même au plus petit. Mais admettons quele Big Bang soit le fruit du hasard. Ce serait juste un petit hasard. Maisensuite il n'y aurait que des hasards, trop parfaits pour en être vraiment : laterre à la parfaite distance du soleil, de l'eau permettant la vie sur terre, lecorps humain fait de manière à ce qu'il soit tel qu'il est. Imagine si tu avaisles oreilles sous les pieds ! Non mon ami, il n'y a pas de hasard, pas avec lavie.

– S'il n'y a pas de hasard, qu'y avait-il avant Dieu, vu que tu semblesaffirmer son existence ?

– Il n'y a jamais eu d'avant Dieu. Dieu est le zéro de l'échellemathématique. Qu'y a-t-il avant zéro ? Les nombres négatifs, mais ce sontles mêmes que les nombres positifs. Dieu a toujours existé, c'est un mystèrequi nous dépasse, je te l'accorde.

– Ok, admettons qu'il y ait un début à toutes choses et que le débutde la vie c'est Dieu. Comment expliques-tu que nous ne voyons pas Dieu etqu'il y ait autant de souffrance en ce monde ?

– Déjà, nous ne voyons pas Dieu parce qu'il est Esprit. Et il estmarqué dans la Bible que celui qui verra la face de Dieu mourra. Il estdes mystères qui nous dépassent mais il est possible de sentir laprésence de Dieu et de le voir à l'œuvre dans notre vie. Demander oùest Dieu, c'est comme un poisson qui demanderait : où est l'eau ? Dieuc'est comme l'oxygène, on ne peut pas le voir, mais il est omniprésent,c'est-à-dire qu'il est partout. La question de la souffrance revientrégulièrement quand je parle de ma foi avec les autres. La souffrance nevient pas de Dieu. Il y a eu un péché originel, c'est-à-dire une faute vis-à-vis de Dieu qui a cassé la relation parfaite qu'avait l'homme avec Dieulors de sa création. Tu as déjà dû entendre parler d'Adam et Eve ?

– Oui, ceux qui ont mangé la pomme.– Ce n'était pas une pomme mais un fruit défendu. C'est un

symbole. Garde en tête que ces récits ne sont pas toujours à prendre aupied de la lettre. Ils sont des images qui racontent l'histoire del'humanité, qui s'est transmise de manière orale. Alors il ne s'agit pasforcément de manger un fruit pour qu'il y ait une rupture avec Dieu,mais plutôt de la désobéissance au seul commandement que leur avaitdonné Dieu. En voulant devenir comme Dieu, chose pour laquellel'homme n'est pas fait, en voulant prendre ses propres décisions, endécidant de ce qui est bien et de ce qui est mal à la place de Dieu, toutcela a entraîné la rupture avec le Créateur. C'est ainsi qu'est entré le malsur la terre.

– Mais attend, il n'y a pas un serpent dans l'histoire ? Ça seraitpas plutôt sa faute à lui ?

– Je vois que tu as déjà entendu cette histoire. Oui, là aussi ilfaut être prudent. Le serpent symbolise le diable. C'est lui qui est venutenter Adam et Eve. Mais ce sont eux qui ont désobéi.

– Attend, attend. Donc il y avait déjà le mal avant qu'Adam etEve ne mange le fruit, c'est ça que tu dis ?

Le fou et le sage 8

– Les théologiens ne sont pas tous d'accord, mais il semblerait quele diable ait été un ange, qui a voulu s'élever au même rang que Dieu, et ilaurait été déchu pour ça. Ecoute, ce n'est pas le plus important de savoird'où vient le diable. C'est comme Dieu, il est des mystères que l'on ne peutpas saisir avec notre simple intelligence. Ce qui est bien certain, c'est quenous sommes là, toi et moi, et que ce n'est pas un hasard.

– Alors c'est parce que deux personnes ont mangé d'un fruit endésobéissant à Dieu qu'il y a autant de souffrance en ce monde ?

– C'est comme ça que le mal est entré dans le monde, mais s'il y ade la souffrance encore aujourd'hui ce n'est plus à cause d'Adam et Eve,mais à cause de nous. Imagine que Dieu soit un dentiste. Pourquoi y aurait-il encore des caries aujourd'hui si les dentistes existent ? Tout simplementparce que toutes les personnes ne vont pas chez le dentiste. C'est la mêmechose avec Dieu. Tout le monde ne s'adresse pas à Lui.

– Donc, si tout le monde s'adressait à Dieu, il n'y aurait pas de mal ?– Si le monde entier reconnaissait Dieu comme le Seigneur du

monde, oui, ce serait la fin de tous les malheurs, parce que le mal cesseraitd'exister. Mais cela n'arrivera jamais. Il est écrit que certains seront sauvéset d'autres pas.

– Mais c'est injuste. Tout le monde mériterait d'être sauvé !– Même Adolf Hitler ? C'est à Dieu de juger chaque personne, mais

ce que tu dois comprendre, c'est que tout le monde peut être sauvé, sauf quepeu de gens choisissent de l'être. Hitler a choisi de faire le mal, personne nel'a forcé. C'est toute la complexité du libre arbitre.

C'était le genre de conversations qu'avaient Tim et Thomas. Timn'était pas convaincu par les propos de Thomas, mais il aimait bien débattresur le sujet. Parfois il lui venait une subtilité avec laquelle il essayaitd'attaquer Thomas. Mais celui-ci ne se laissait pas défaire.

– Thomas, par rapport à la création, lui demanda-t-il un jour,comment se fait-il que la terre ait pu être créée en six jours si les

scientifiques ont retrouvés des fossiles de plusieurs millions d'années ?Thomas soupira et Tim crut qu'il avait trouvé une faille en lui.– La question du créationisme, répondit-il en s'asseyant, comme

si ce qu'il avait à dire allait prendre du temps. Même au sein deschrétiens il y a des débats acharnés sur la question. Il y a trois écoles :ceux qui affirment que la terre a été créée en six jours de vingt-quatreheures ; ceux qui croient que la science est compatible avec la créationet que la terre a été créée en plusieurs millions d'années et que ces sixjours symbolisent les jours de la semaine et leur découpage, mettant enavant l'importance d'un jour de repos ; et enfin ceux qui pensent qu'il apu y avoir une évolution dans laquelle Dieu est impliqué.

– Et toi, à quelle école appartiens-tu ?– Je crois que rien n'est impossible à Dieu et qu'il a très bien pu

créer tout l'univers en six jours. Mais je ne suis pas contre la science etil est bien possible que ce soient des jours symboliques. Après tout, lepremier jour, ce fut le premier de tous, il n'avait donc pas decommencement. C'est un détail. L'important est de croire que le mondea été créé et qu'il n'est pas le fruit du hasard.

« Dieu à très bien pu créer la terre avec de l'âge : après tout il abien créé l'homme adulte. Et puis il y a le déluge. Il y a quelquesannées, suite à une catastrophe naturelle, une inondation a eu lieu auxÉtats-Unis. En quelques heures seulement, la roche est devenue fossileet les scientifiques ont estimé l'âge de cette roche à plusieursmillénaires. C'est dingue non ?

Tim s'était assis et le regardait perplexe.– Je ne t'ai pas convaincu, hein ? Lui demanda Thomas.– C'est intéressant de discuter avec toi Thomas, vraiment, mais

je trouve que c'est un peu un dialogue d'un muet avec un sourd. Tu astes opinions et moi les miennes. Et tu me respectes, j'apprécie.Seulement tu m'avais parlé d'expérimenter par moi-même ta foi et là je

Le fou et le sage 9

dois dire que je suis un peu sur ma soif.– Vraiment ? Peut-être es-tu prêt alors pour faire un pas vers la

vérité.Thomas se leva et alla dans l'arrière boutique. Il revint quelques

minutes plus tard avec un livre épais à la main. Tim n'eu pas de mal àdeviner de quel livre il s'agissait.

– La Bible ? Demanda-t-il quand-même.– Oui, la Bible. Je te fais cadeau de cette version en français

fondamental. Tu ne devrais pas avoir de peine à la comprendre.– Je te remercie, mais je ne sais pas si je vais la lire, honnêtement.– C'est à toi de décider. En tout cas si tu commences à la lire et que

tu as des questions, n'hésite pas à venir me voir.Lorsque Thomas s'en fut allé, Tim regarda l'ouvrage bleu avec un

arbre sur la couverture. Il y avait la terre et des nuages au-dessus, et« Bible » était écrit en blanc. C'était plus classe que ce qu'il ne se l'étaitimaginé. Mais c'était tellement volumineux… Jamais il n'avait lu un livreaussi long. Il le feuilleta et découvrit que ce livre était en fait un ensemblede livres. Peut-être pourrait-il lire un seul de ceux-ci et voir si cela luiplaisait ? Mais par lequel commencer ? C'était trop compliqué, il décida delaisser tomber pour le moment.

Quelques jours plus tard, alors qu'il était chez lui et zappaitbêtement de chaîne en chaîne, son regard tomba sur la Bible offerte par sonseul ami du moment, qu'il avait laissé traîner sur une table basse. C'étaitune dure journée pour lui. Il venait de découvrir sur Facebook que son ex-fiancée s'était fiancée avec son copain, et il venait de recevoir un rappelpour le loyer. Pour couronner le tout, il n'avait pas de nouvelles desemployeurs auxquels il avait envoyé sa candidature.

Alors qu'il songeait à aller au commerce du coin s'acheter à boire, ildécida, sans savoir vraiment pourquoi, d'ouvrir pour la première fois saBible. Il ouvrit au hasard, n'y connaissant rien. C'était un passage dans le

livre des Proverbes. Il tomba sur le chapitre vingt et commença salecture, sans se soucier de ne pas être au début du livre.

« Le vin rend l'homme moqueur, l'alcool le rend bruyant. Celuiqui en boit trop ne sera jamais un sage. »

Il arrêta aussitôt sa lecture. Ce verset le fit réfléchir, puis ilchassa l'idée qu'il puisse y avoir un rapport quelconque avec lui. C'étaitsimplement un hasard, rien de plus, essaya-t-il de se rassurer. Il reposala Bible et reporta son attention vers la télé. Il ne croyait pas à toutesces bondieuseries et encore moins qu'un fichu livre puisse lui apporterdes réponses. Car cela voudrait dire qu'il aurait dû reconnaître qu'il y aquelqu'un derrière tout ça. Et il n'était pas prêt. Il n'avait jamais cru etn'était pas près de changer sa mentalité.

Malgré tout ce qu'il se dit pour se rassurer, il ne pouvait chasserde son esprit ce simple verset. Il ne toucha plus sa Bible ce soir-là, maisil ne toucha pas non plus une goutte d'alcool.

Le fou et le sage 10

Quand le fou cherche la sagesse

Fallait-il donc ne pas boire de vin pour être sage ? Cette questiontrotta dans la tête de Tim, à tel point qu'il eut envie d'en savoir plus.Thomas lui assura qu'il n'était pas interdit de boire dans la Bible,simplement de s'enivrer, afin de montrer le bon exemple aux autres et parrespect pour son propre corps, création de Dieu.

Pour Tim, qui reconnaissait à présent sa dépendance à l'alcool, cettemanière d'aborder le problème avait du sens. Il se sentait un peu comme lefou de la comptine de Thomas : en recherche.

Au cours des mois qui suivirent, il ouvrit à nouveau sa Bible. Ils'intéressa à la sagesse enseignée par Salomon dans les Proverbes et ytrouva une philosophie surprenante. Après avoir lu ce livre, il décidad'essayer de lire la Bible en entier. Il commença donc par la Genèse, lepremier livre, qui raconte l'histoire de la création et celle des patriarchesd'Israël. Ce lien étroit avec le peuple juif intriguait Tim.

– Dans les religions monothéistes, lui expliqua Thomas, c'est-à-direqui n'ont qu'un seul Dieu, il y a un lien ; le sémitisme. Le nom vient dudernier fils de Noé, Sem. Il désigne tous les peuples qui parlent une languedite sémite. Nous y retrouvons ainsi le peuple arabe et les juifs, qui sont lesancêtres du christianisme.

– Donc il existe un lien entre l'islam, le judaïsme et lechristianisme ?

– Oui, Abraham. Son fils aîné, Ismaël, lui vint de sa servante. C'estlui qui est l'ancêtre du peuple arabe. Et le premier fils qu'il eut avec safemme Sarah, Isaac, est l'ancêtre du peuple juif. Le fils d'Isaac, Jacob, severra renommé Israël, ce qui veut dire « celui qui lutte avec Dieu ». Eneffet, il a combattu Dieu au cours d'une nuit.

Ces récits n'étaient pas inconnus de Tim. Il venait de les parcourir,mais réalisait à présent quel lien historique il existait entre les histoires de

la Bible et le reste de l'humanité. C'était fascinant de voir que touteschoses semblaient être liées à ces histoires. Par exemple pourquoi il y aautant de langues à travers le monde : l'histoire de la tour de Babel enétait la cause.

Tim n'avait pas l'impression d'avoir trouvé ce qu'il cherchaitdans ce livre : le sens de la vie. Si la Bible raconte ce qui s'est passé dela création à environ deux mille ans en arrière, elle n'apporte pas deréponse sur la raison de la création ou le but de l'existence. Pourquoisommes-nous sur cette terre ? Si Dieu est omnipotent, c'est-à-dire qu'ilpeut tout, comment expliquer qu'il reste impassible face à l'injustice ?

– Imagine que tu apprennes la mort de quelqu'un. Ça ne teréjouirait pas, n'est-ce pas ? Lui demanda Thomas.

– Bien sûr que non. Où veux-tu en venir ?– Maintenant imagine que ce quelqu'un est Adolf Hitler. Que

ressentirais-tu ?– Selon le contexte, du soulagement, je suppose.– Alors qu'une personne meure te dérange, mais pas si c'est un

tyran responsable de la mort de millions de personnes ?– Ça me semble assez logique, oui.– Pourtant, selon toute logique, nous sommes tous égaux. Et la

mort de quiconque devrait nous attrister. Cependant, si quelqu'un avaittué Hitler avant qu'il vienne au pouvoir, cela aurait sauvé des millionsde personnes. Parfois nous considérons une situation comme injuste,alors que c'était le meilleur moyen d'éviter une catastrophe.

– Mais pourquoi n'y aurait-il pas tout simplement aucunecatastrophe ? En gros, pourquoi nous permettre de vivre de la sortealors que tout pourrait être différent ?

– Tu verras en poursuivant ta lecture que par la suite Dieu ademandé à son peuple de lui offrir des sacrifices. C'était le moyen d'êtrepardonné pour nos mauvais actes. Il nous a donné le libre arbitre, il

Le fou et le sage 11

nous a créé à son image.– Je croyais que Dieu est Esprit ?– Oui. Et comme lui nous avons un corps, une âme et un esprit. De

même les trois personnes de la trinité ne forment qu'une seule.– Je n'y comprends rien à cette trinité.– C'est assez complexe. Essaie seulement de comprendre qu'il n'y a

aucun mal en Dieu. Le mal qui existe vient de nos propres décisions et nouspouvons en venir à bout en demandant l'aide de Dieu.

– Comment est-ce qu'on fait ça, demander l'aide de Dieu ?– En priant.Tim n'était pas prêt à essayer la prière. Pour l'instant il voulait

comprendre en quoi le christianisme pouvait être une meilleure alternativequ'un autre religion.

– Donc, les religions sémites sont assez proches ?– Oui. Nous retrouvons des similitudes entre le Tanakh, le livre

saint des juifs, le Coran, le livre sacré des musulmans et la Bible.– Et pourquoi ce serait le christianisme qui serait la vraie religion

monothéiste ? Si tu étais né dans un pays arabe, ne serais-tu pasmusulman ?

– C'est probable. Cela dit, nombre de musulmans deviennentchrétiens. Dans la culture arabe, la religion est omniprésente. En Occident,nous sommes laïques. Donc nous avons la liberté de choisir. En plus decela, le christianisme est la seule religion qui ne te demande rien. Certainsdiront peut-être que c'est par les œuvres que tu obtiens le salut, mais il n'enest rien. Il est marqué clairement que c'est par la foi que nous sommessauvés. Islam veut dire soumission. C'est une religion très exigeante et quidemande une dévotion totale. Le judaïsme exige que tu sois né au moins demère juive. C'est un héritage sanguin. Le bouddhisme et l'hindouisme sontdes religions polythéistes, c'est-à-dire qui ont plusieurs dieux, et, même sicertains sont plus importants que d'autres, il n'y a pas un Dieu unique et

Créateur, qui te promet une vie après la mort. La vie est un cycle et laréincarnation en est l'aboutissement. Dans le bouddhisme il est questionde rechercher un état spirituel qui te permettrait d'échapper à ce cycle. Iln'y a que dans le christianisme où l'homme n'a rien à faire, simplementd'accepter le salut.

– Si c'était si simple, tout le monde devrait être chrétien !– Certains se disent croyants, mais la vérité c'est que Dieu

regarde au cœur. Il sait si tu es sincère dans tes engagements et si tul'aimes vraiment.

Tous ces débats donnaient la migraine à Tim.– Et si simplement il n'y avait pas de religion qui détienne la

vérité ? Si la vie n'avait pas de but précis et qu'il suffisait de profiter decelle-ci en cherchant à bien agir ?

– Dans ce cas, dans quel but chercher à bien agir ? Pourquoifaire le bien s'il n'y a pas de conséquences ? Nous revenons au librearbitre et aux conséquences que cela implique de ne pas avoir la mêmeéthique. Je vais te donner un exemple. Les Grecs de la Grèce antiquepratiquaient la pédérastie. Des hommes d'un certain âge avaient desrapports sexuels avec des jeunes hommes, voire des enfants. C'étaitchose courante. Avec le temps, la pédophilie et l'homosexualité ont étéréprouvées. Aujourd'hui, dans la plupart des sociétés occidentales,l'homosexualité est une chose tout à fait acceptée, mais pas lapédophilie. Alors qu'est-ce que ça veut dire ? Que la pédophilie devraitêtre acceptée parce que c'est comme l'homosexualité, une chose qui aété acceptée, ou que l'homosexualité devrait être désapprouvée ? C'estune vaste question. Tout dépend de quelle éthique tu appliques. Leslibéraux argumenteront pour une approche progressiste, tandis que lesconservateurs soutiendront haut et fort que les deux pratiques sontmauvaises. La Bible, elle, a toujours été claire à ce sujet. Sauf que lasociété a évolué et que les valeurs chrétiennes se sont perdues.

Le fou et le sage 12

– En même temps tu ne vas pas me dire que l'esclavage, parexemple, serait une bonne chose à rétablir !

– Non. Il faut vivre avec son temps. Mais certaines choses sontclairement définies comme bien ou mal, et la liberté religieuse commence àse perdre. C'est une chose attendue, car annoncée dans l'Apocalypse. Lemal deviendra bien et le bien deviendra mal.

Toutes ces discussions ne réussissaient pas à convaincre Tim qu'unereligion valait mieux qu'une autre. C'était en effet vers le christianisme qu'ilcommençait à se tourner, mais il avait le sentiment que dans un autrecontexte il aurait très bien pu se tourner vers un autre mouvement. Il luifallait expérimenter par lui-même cette chose dont parlait Thomas.

– Ta religion est peut-être importante pour toi, mais je ne voistoujours pas ce qu'elle a à m'apporter.

– D'abord il ne s'agit pas d'une religion. C'est un terme inventé parles hommes, qui a trop souvent été utilisé pour faire des chosesregrettables. Ce que je te propose ce n'est pas une religion. C'est unerelation. Dieu t'aime comme un père et un ami, et il souhaite entrer encontact avec toi.

– Si j'entre en contact avec Dieu, je veux bien devenir chrétien surle champ ! Plaisanta Tim.

– C'est très facile d'entrer en contact avec Dieu. Il te suffit de levouloir. Mais au fond de toi tu n'y crois pas. C'est pour ça que ça nemarchera pas.

– Tu veux dire qu'il faut que je m'imagine les choses, c'est ça ?– Non, je veux dire que pour vraiment entrer en contact avec Dieu

tu dois être sincère. Dieu ce n'est ni le karma ni un rite : Dieu est unepersonne divine qui est capable d'entrer en contact avec toi. Dieu te voitconstamment et sait même les choses que tu ignores sur toi-même.

– Comment pourrait-il tout savoir de moi et de toute personne enmême temps ? C'est impossible !

– Aux hommes, cela est impossible. À Dieu, rien n'estimpossible. Imagine que Dieu soit en dehors du temps. Il voit en mêmetemps le passé, le présent et le futur. Nous sommes juste un point surune ligne tracée à l'avance, dont le courbé dépend de nos choix. Dieuétant immortel et existant depuis toujours, il est omniscient, c'est-à-direqu'il sait tout. Cela fait partie des trois caractéristiques de Dieu : il estomniscient, omnipotent et omniprésent.

– Si Dieu sait tout mais que nos choix ont encore del'importance, qu'est-ce que ça veut dire ? S'il est en dehors du temps,cela voudrait-il dire qu'il sait à l'avance ce que nous allons décider ?

– Eh bien, oui et non…Thomas semblait hésitant, comme tiraillé par la question de

Tim.– C'est ce que l'on appelle la prédestination. C'est-à-dire que

Dieu a choisi à l'avance ceux qu'il appelle à devenir chrétiens.– Cela ne me semble pas très juste…– Tu pourrais le voir un peu comme une porte où il est écrit

« choisis-moi » et de l'autre côté il est écrit « je t'ai choisi ». En disantque l'homme choisi lui-même s'il veut devenir chrétien ou pas ça enlèvele fait que Dieu fait tout le travail.

– Donc, les chrétiens ne choisissent pas vraiment d'êtrechrétiens, si je comprends bien…

Thomas marqua un temps de silence.– Je t'avoue que je ne sais pas. Mais ça me fait bien réfléchir en

tout cas. Merci pour cette réflexion. Être chrétien ne veut en tout caspas dire avoir tout compris à tout.

Ils ricanèrent.– Toute cette théologie me fait tourner la tête, se plaignit Tim.

Tu n'aurais pas quelque chose de plus concret.– Bien sûr que oui, rit Thomas. Pardonne mes élans de

Le fou et le sage 13

théologien. Au moins tu peux constater que la théologie n'est pas un truc depauvre d'esprit. L'étude de la Bible est très complexe et c'est un véritablechef-d'œuvre, écrit d'une manière tellement parfaite que c'en est impossibleque cela vienne des hommes. Je pourrais t'en parler pendant des heures, quedis-je, des jours entiers !

– Explique-moi plutôt comment Dieu a pu écrire un livre.– De sa propre main il n'a écrit que les dix commandements, donnés

à Moïse sur des tablettes de pierre. Pour le reste, il a inspiré des personnes,souvent des prophètes et autres grands personnages bibliques, pour mettrepar écrit la tradition orale. La manière dont la Bible est telle quelle estaujourd'hui, avec le nombre de livres qu'elle a et sa disposition, est unehistoire fascinante. C'est en découvrant ce genre de choses que l'on cesse decroire au hasard.

– Je veux bien te croire quand tu dis que c'est fascinant, maisj'aimerais vraiment du concret…

– Tu veux découvrir ce qu'est une communauté et comment entreren contact avec Dieu ?

– Oui. Et si possible avoir une preuve de son existence.– Très bien. Tu as frappé à la bonne porte.

Le fou et le sage 14

Première expérience

Tim ne savait pas trop à quoi il s'attendait en allant à l'Eglise ledimanche matin. En tout cas pas à ça. Dans sa conception de l'Eglise, ils'imaginait ce qu'il avait vu pour les mariages et les enterrements : un grandbâtiment en pierre froide, de la lumière filtrée par des vitraux et des bancsinconfortables, un vieux prêtre plongé dans une immense Bible usée et desparoissiens du troisième âge chantant des cantiques d'avant-guerre. Ce qu'ilavait devant lui ressemblait plus à un séminaire : de la moquette au sol, deschaises, une estrade avec du matériel sonore de pointe, des fenêtres tout cequ'il y a de plus normal, des gens habillés comme lui et même unprojecteur qui affichait un message de bienvenue.

Il avait suivi Thomas et Caroline, son épouse, qui semblaientconnaître chacune des cinquante personnes présentes. Des visages radieuxle saluèrent et lui posèrent plein de questions. Pour montrer qu'iln'appartenait pas à ce monde, il dit clairement que c'était la première foisqu'il mettait le pied dans une Eglise évangélique. D'ailleurs, que voulaitdire ce terme ?

– Évangélique signifie que nous nous identifions à l'Évangile, luiexpliqua Thomas. Dans le christianisme il y a l'Eglise universelle, qui estnormalement l'Eglise catholique, mais en disant cela on pense à l'Eglisecatholique romaine, qui est celle avec le pape. Les évangéliques sont l'undes mouvements du protestantisme et se distinguent des réformés en n'étantpas une Eglise d'État, du moins ici sur le canton de Vaud. Ça c'est dans lesgrandes lignes.

– Et c'est quoi alors les évangélistes ? Ça n'existe pas ?– Si, sauf qu'il ne s'agit pas d'un mouvement du christianisme mais

de l'action d'annoncer l'Évangile, c’est-à-dire de faire le l'évangélisation.Un évangéliste est une personne qui pratique l'évangélisation, ou alors lesauteurs des Évangiles, et un évangélique est une personne qui prend

l'Évangile comme référence.Tim ne savait pas vraiment ce qu'est l'Évangile, alors parler de

termes techniques lui paraissait hors d'atteinte. Il commençait à sedemander s'il avait bien fait de venir.

Quelqu'un venait de prendre un micro et invita l'assemblée às'asseoir. L'orateur souhaita la bienvenue à chacun et demanda s'il yavait des personnes présentes pour la première fois. Thomas poussaTim à se lever et celui-ci sourit faiblement, mal à l'aise. L'assembléel'applaudit et bientôt de la musique retentit. Ces chants n'avaient rien àvoir avec les cantiques de Noël que Tim connaissait. C'étaient deschants dynamiques, accompagnés de guitare, de piano et de batterie.C'était comme un concert. Des gens levaient même les mains et certainsfermaient les yeux. Tim se contentait de chanter en lisant les paroles surle projecteur. Il y avait des mots qu'il ne comprenait pas et des phrasesqui lui semblaient dénuées de sens.

Pendant ce moment animé, un temps de prière fut décrété. Timse rassit et observa autour de lui. Beaucoup de personnes avaient la têtebaissée et l'on pouvait voir leurs lèvres bouger. Il se demanda si toutesces personnes étaient en train de jouer une sorte de comédie ou si ellesvivaient réellement quelque chose. Des gens commencèrent à prier àvoix haute.

– J'ai sur le cœur de prier pour une personne ici présente. Sacheque tu vas bientôt trouver du travail. Ne t'inquiète pas, confie-toi enmoi, et je veillerai sur tes pas. N'aie pas peur.

Évidemment, Tim fut intrigué par cette prière, mais il se dit quen'importe qui pouvait être concerné. Et même que c'était une prière quelui-même aurait pu dire devant tout le monde, pour se faire bien voir. Ildevenait plus craintif à l'égard des évangéliques que ce qu'il ne l'auraitcru. Tout ça n'était qu'une supercherie. Mais dans quel but, au juste ?

– Que votre cœur ne se trouble point. Croyez en Dieu, et croyez

Le fou et le sage 15

aussi en moi.Tim vit que le monsieur qui venait de parler avait lu un texte. Sans

aucun doute de la Bible. Il se demanda s'il s'agissait encore d'unecoïncidence si ces paroles lui parlaient. Ce qu'il voulait, si Dieu existaitvraiment, c'était avoir une preuve concrète de son existence et la certitudeque c'était bien ce Dieu-ci qui était le vrai Dieu. Ce qu'il venait de vivre nel'avait pas convaincu.

Après un nouveau chant, il y eut un temps que Thomas lui expliquaêtre la Sainte Cène, que lui-même connaissait sous le nom d'eucharistie.Quelques personnes prirent du pain et le rompirent, puis du vin etremplirent des coupes. Elles passèrent ensuite dans les rangs pour donnerdu pain et du vin aux fidèles. Tim n'en prit pas et resta perplexe sur lamanière de prendre ce qu'il s'imaginait comme étant une hostie. Il sesouvenait vaguement que c'était un truc en rapport avec ce qu'avait fait leChrist, mais n'y attacha guère d'importance.

Un temps d'offrande suivit alors. Chacun était libre de donner à saguise ce qu'il souhaitait dans le petit panier qui circulait dans les rangs.C'était peut-être ça le but de la supercherie, se dit Tim, l'argent. Il donnaquelques francs qu'il avait dans sa poche, à contre cœur, car il était ruiné.

Le pasteur prit à son tour la parole et parla pendant une demi-heure.Il parla de la sagesse et du fait que ce n'était pas l'argent qui possédait lepouvoir. Cela fit ricaner Tim. Si ce n'était pas l'argent, qui était-ce ? D'aprèsle pasteur, c'était Dieu. Où était donc son Dieu si puissant ? Le pasteurraconta alors une histoire.

– Deux bébés parlent dans le ventre de leur mère. Le premierdemande à son frère :

« Tu crois en la vie après l'accouchement ?« Bien sûr, lui répond-il. Nous sommes ici uniquement pour devenir

fort et nous préparer à ce qui nous attend après.« Non, il n'y a rien après l'accouchement, argumente l'autre. Est-ce

que tu peux imaginer à quoi une telle vie ressemblerait ?« Je ne connais pas tous les détails, mais il y aura beaucoup de

lumière et de joie. Par exemple on pourra manger avec notre bouche.« C'est n'importe quoi ! C'est le cordon ombilical qui nous

nourrit, un point c'est tout ! Il n'y a jamais eu de revenant de cette vieaprès l'accouchement. La vie se termine à l'accouchement.

« Non. Je ne sais pas exactement à quoi rassemblera cette vie,mais nous verrons notre maman et elle prendra soin de nous.

« Maman ? Tu crois en maman ? Et ou se trouve-t-elle alors ?« Elle est partout ! Elle est autour de nous. C'est grâce à elle que

nous vivons. Sans elle nous ne sommes rien.« Ridicule ! Je n'ai jamais vu aucune maman, donc c'est évident

qu'elle n'existe pas.« Je ne suis pas d'accord. Parfois tout devient calme et on peut

l'entendre chanter, sentir quand elle caresse notre monde. Je suis certainque notre vie commence après l'accouchement.

Tim était forcé d'admettre que ce récit ne le laissait pas demarbre, mais il n'était pas encore convaincu de la pertinence des proposqu'il avait entendus. Après tout, tout aussi touchantes que soient ceshistoires, il n'avait pas expérimenté personnellement cette soi-disantpuissance de Dieu.

Trop perdu dans ses pensées et n'ayant pas la moindre envie derester discuter avec les membres de l'Eglise, il salua hâtivementThomas et rentra chez lui. Il y resta la journée et n'ouvrit pas sa Bible. Illui semblait qu'il n'avait pas trouvé ce qu'il cherchait et il était déçu.Bien sûr discuter était intéressant, mais vivre les choses comme leprétendait Thomas serait beaucoup mieux. Il n'était plus du tout sûr dece qu'il croyait et se demandait même si la vie avait un sens.

Malgré un sommeil agité, il fut efficace à son travail lelendemain. En rentrant chez lui, il avait, comme d'habitude, du courrier.

Le fou et le sage 16

En plus des rappels habituels, il y avait une lettre d'une entreprise auprès delaquelle il avait postulé. Se disant que l'on avait enfin la décence de luirefuser un poste ouvertement, il ouvrit l'enveloppe, peu enthousiaste. Cen'était pas un refus : c'était une invitation à un entretien d'embauche pour lelendemain.

Il s'empressa d'appeler l'entreprise pour confirmer le rendez-vous etprévint ensuite Thomas qu'il devrait s'absenter le lendemain. Thomas étaittrès content pour lui, et lui dit qu'il prierait pour que cet entretient se passebien. En dépit de toutes ses appréhensions sur la vie, Tim devait reconnaitreque de penser que quelqu'un veille sur lui le réconfortait.

Le fou et le sage 17

Et le fou devint sage

Tim était en avance pour son entretien. Il était assis dans la salled'attente, nerveux. Il savait que s'il arrivait à décrocher cet emploi, sacarrière pourrait reprendre. Cela faisait des mois qu'il n'avait plus exercéson métier et il avait peur que les dettes qui lui restaient l'empêchentd'obtenir le poste. Dans sa conception des choses, retrouver un emploi luipermettrait de repartir à zéro. Et il était tout de même confiant, car, sedisait-il, s'il avait été convoqué c'était que l'entreprise n'avait pas tenucompte de ses dettes.

Il ne pouvait toutefois pas s'empêcher de stresser. C'était, enquelque sorte, sa seule chance de s'en sortir. Alors qu'il essayait de respirercalmement et de se détendre, il ressentit le besoin d'avoir la paix. Et il luisemblait connaître un moyen de trouver cette paix, seulement il n'avaitjamais essayé. Il inspira un grand coup et tenta de parler en lui-même. Nesachant pas très bien comment s'y prendre, il adressa cette prière :

– Heu… Dieu, si tu existes et que tu m'entends, je t'en prie, accorde-moi ce travail. J'en ai besoin pour m'en sortir. Je sais que je ne suis pas unde tes fidèles, mais il paraît que tu peux agir dans nos vies. Si c'est le cas, jete le demande : donne-moi ta paix. Je te promets de retourner à l'Eglise sij'obtiens ce poste, mais s'il te plaît, aide-moi !

C'était un cri du cœur. Il n'avait jamais prié auparavant et n'étaittoujours pas convaincu que Dieu existe et s'il existe que ce soit bien celuide la Bible qui soit le vrai. Mais la paix qu'il ressentit après cette prière, ilne l'avait jamais ressentie auparavant. C'était comme si quoi qu'il arrive ilserait satisfait. Ce n'était pas si important, après tout, seulement un travail.

On appela monsieur Bonvin et il se dirigea d'un pas assuré vers lebureau du directeur. Son entretien fut bref, et il eut l'impression de subir uninterrogatoire. Il ne pouvait que dire oui à tout ce que lui demandait ledirecteur, n'étant pas en position de négocier. L'important, c'est qu'au final

il décrocha la place de travail.Un immense soulagement s'empara de lui. Il commencerait dès

le lundi suivant et se dépêcha d'annoncer la bonne nouvelle à Thomas.Il garda sous silence la prière adressée dans la salle d'attente, mais ilsavait que quelque chose en lui avait changé.

Il fut bien obligé de se souvenir de cette prière le samedi soir, enrepensant à la promesse qu'il avait faite. À qui l'avait-il faite au juste ?À Dieu ? C'était ridicule. Pourtant il avait envie d'honorer sa parole.Avant d'aller se coucher, il se replongea dans la lecture de sa Bible. Ilcomprenait mieux ces histoires de sacrifices dont lui avait parléThomas. Et c'était sacrément pénible à lire. Il finit par sauter despassages pour chercher un extrait intéressant, ce qui n'était pas évidentdans le livre du Lévitique. Il finit par remettre de côté sa Bible et alladormir.

Le lendemain, il était debout à neuf heures, prêt à se rendre pourla deuxième fois de sa vie à un culte. Thomas eut l'air assez surpris dele voir, mais lui serra simplement la main en lui souhaitant labienvenue. Il s'assit à côté du couple Pittet et n'eut pas besoin de selever cette fois-ci. Durant les chants, que l'assemblée semblait appelerla louange, il fut stupéfait par la beauté d'une jeune fille de son âge quiétait sur la scène avec les musiciens. Elle avait quelque chose despécial, sans qu'il ait pu dire quoi.

Le message du jour parlait de la reconnaissance. Bien qu'il ne sesentit pas particulièrement ciblé cette fois-ci, il savait qu'il avait aumoins une raison d'être reconnaissant. Et au fond de lui, il l'était.

À la fin du culte, de nombreuses personnes vinrent le saluer et ilne se déroba pas cette fois, trop désireux de rencontrer la fille de lalouange. La brune au regard perçant finit par venir dans sa direction etil alla se présenter. Elle s'appelait Julie et avait un sourire délicieux.Elle était animée par une vigueur étonnante. Il n'avait jamais connu une

Le fou et le sage 18

fille pareille. Il aurait bien aimé l'inviter pour faire plus ampleconnaissance, mais il se gêna et laissa passer sa chance. Il était bon pourrevenir le dimanche suivant.

Avec son nouveau travail qui commençait, il retrouva goût àbeaucoup de choses, dont le stress du monde de la finance. La semaine filaà une allure folle et bientôt ce fut dimanche et un nouveau culte. Il avaitavancé dans sa Bible et échangea ses impressions avec Thomas, quisemblait s'émerveiller de son changement de comportement. Le message dujour parla de la grâce de Dieu et pour une fois Tim commençait à ycomprendre quelque chose. Il se pouvait bien que Dieu soit bon. L'idéequ'il puisse y avoir quelqu'un qui contrôlait tout le rassurait. Il n'était pasencore converti au christianisme, même s'il commençait à vivre la vie d'unchrétien.

Il revit Julie et n'eut toujours pas le courage de l'inviter. Il luisemblait qu'elle appartenait à un monde différent du sien. Il avait progressédans sa recherche du sens de la vie, mais n'était pas encore satisfait etconvaincu qu'il avait trouvé la vérité. Il lui manquait un élément pour sacompréhension : quelle démarche devait-il faire pour que sa vie soitréellement différente ? Après tout il vivait la même vie qu'autrefois, auxseules différences près qu'il se rendait à l'Eglise et ne buvait plus d'alcool.

Il continuait la lecture de sa Bible, sans que cela ne lui apportaréellement des réponses, seulement de la connaissance biblique ethistorique. Il se rendait aux cultes et entendait des messages d'espoir et deréconfort. Il discuta longuement avec Thomas à propos de la personne deDieu et lui avoua qu'il avait prié dans la salle d'attente avant son entretien.Thomas l'encouragea à prier à nouveau, ne serait-ce que pour dire merci. Illui montra la prière du Notre Père et la manière dont il est conseillé de prierdans la Bible.

Il fallut du temps à Tim pour se décider à prier. Et lorsqu'ilcommença, il comprit assez vite que ce n'était pas très compliqué. Il lui

suffisait de dire merci pour ce qu'il avait dans sa vie, de demander àDieu de prendre soin des autres et de l'aider à devenir meilleur.L'attitude de cœur était ce qui comptait le plus, lui avait dit Thomas.Tim finit par reconnaitre que lorsqu'il priait il se sentait bien, quelorsqu'il lisait la Bible il pouvait comprendre certains passages d'unemanière plus personnelle. En fait, Tim finit par comprendre queThomas avait raison : il est facile d'avoir une relation avec Dieu, ilsuffit de décrocher le combiné de son côté, car Dieu est toujours àl'autre bout du fil.

Tim ne disait plus « Dieu » quand il priait, mais « Seigneur ». Ilarrivait à entretenir chaque jour un petit moment avec Lui pourprogresser dans sa foi. Son travail se passait très bien, même s'il étaitdébordé. Lorsqu'il n'en pouvait plus, il s'en remettait à Dieu, et aussitôtune paix intérieure s'emparait de lui.

Il vivait vraiment comme un chrétien, sauf que mis à part laBible, il n'avait rien qui le distinguait d'une autre religion monothéiste.Il savait à qui il adressait ses prières, pourtant il avait l'impression qu'illui manquait quelque chose. Par exemple s'il devait partager sa foi avecun non-croyant, il ne saurait pas comment s'y prendre. Ses croyancesn'étaient pas assez claires.

Alors même si sa vie était à présent agréable, il ressentait lebesoin de clarifier les choses et de découvrir une bonne fois pour toutesquelle est cette vérité qui lui était promise. Car il savait qu'il n'en étaitpas loin mais qu'il ne l'avait pas encore découverte.

Il s'adressa bien sûr à Thomas, en lui rappelant qu'il lui avaitpromis de tout lui révéler lorsqu'il le désirerait sincèrement. Voyant ladétermination de son ami, Thomas lui sourit et lui fit signe de s'asseoir.

– Voilà que le fou s'en lassé de sa folie et qu'il devient sage.

Le fou et le sage 19

La vérité

– Un capitaine de navire partit en mer et emporta sa mère avec lui.Après quelques semaines, le capitaine s'aperçut que des vivresdisparaissaient. Il convoqua alors son équipage et lui dit : « Ces volsdoivent cesser. Si nous n'avons plus de vivres, nous n'arriverons pas en vieau port. Si j'attrape le coupable, il sera attaché au mat et recevra trentecoups de fouets ». Pendant les jours qui suivirent, il n'y eut plus de vols.Puis ils recommencèrent. L'équipage vint trouver le capitaine, en luidisant : « Nous avons trouvé le coupable ». « Très bien, répondit lecapitaine, amenez-le-moi ». « Il s'agit de votre mère. »

« Et là Tim, tu es le capitaine du bateau. Que fais-tu ?Tim médita la question un instant, présentant un piège.– Je suis un homme de parole, mais comme il s'agit de ma mère, je

lui fais grâce.– Tu serais prêt à risquer une mutinerie ? Un capitaine n'a qu'une

seule parole !– Je ne peux tout de même pas faire fouetter ma propre mère !

L'équipage doit comprendre.– Il ne peut pas y avoir de traitement de faveur, Tim. Voilà ce qu'a

fait le capitaine : Il a dit : « Très bien, attachez ma mère au mât ». Etlorsque le fouet s'est levé pour infliger la sentence, le capitaine s'est jetécontre sa mère, l’encerclant de ses bras et recevant les trente coups defouets à sa place. Ça Tim, c'est ce que Jésus a fait pour toi.

Tim médita cette histoire. Il n'était pas très sûr d'avoir compris oùThomas voulait en venir.

– Jésus a pris ma punition ? Mais je n'ai rien fait de mal ! Pourquoidevrais-je être puni ?

– Tu n'es peut-être pas un criminel, un assassin, tu rentres peut-êtredans la catégorie que la loi humaine qualifie d'honnête citoyen, mais tu un

descendant d'Adam, membre de la lignée humaine, et donc pécheur.– Adam était un pêcheur ?– Non, c'est un terme biblique pour désigner une personne qui

commet un péché, c'est-à-dire une faute. C'est dans notre nature, nouscommettons tous des erreurs, à commencer par la plus grave de toutes :nous ne sommes pas en relation avec Dieu. C'est comme si nous étionsmorts, que nous n'étions que des corps sans vie.

– Mais on n'y peut rien si on est nés comme ça ! Ça me sembleplus injuste qu'autre chose !

– Au contraire, il y a la plus importante des justices qui soit surcette terre. Imagine que ta vie soit portée devant un tribunal. Pasn'importe quel tribunal, pas un tribunal avec des lois faites par leshommes, mais un tribunal où Dieu siège en juge. Le diable t'accused'être un menteur, un tricheur, d'avoir eu recours à la violence, d'avoireu de mauvaises pensées, de pas avoir respecté ton corps, de l'avoiradoré lui plutôt que Dieu…

– Je n'ai jamais adoré le diable !– Vraiment ? Toutes les fois où tu as préféré l'argent, le pouvoir

et l'adulation des autres, où tu as voué un véritable culte à ta télé, à tavoiture, à ton travail. Toutes ces fois tu idolâtrais le diable. Et celui-cine se fait pas prier : il te réclame auprès de lui, car c'est là qu'est toncœur.

– En quoi est-ce de la justice ? Avec des arguments pareils, jesuis sûr de finir en enfer, c'est ça que tu veux dire ?

– Ça c'est ce que tu mériterais, ce que nous méritons tous. Là oùil y a plus qu'une justice, là où la grâce de Dieu a surabondé, c'est qu'ilt'a donné un avocat : Jésus-Christ. Ce n'est pas Mahomet, ce n'est pasBouddha, ce n'est pas toutes ces divinités, non, c'est Jésus, qui est leseul homme sans péché à avoir été crucifié, pour toi, pour que tu soissauvé. Ton dossier peut redevenir vierge, Dieu ne pourrait plus t'accuser

Le fou et le sage 20

de rien, si tu acceptes Jésus-Christ comme Sauveur.– Pourquoi aurait-il donné sa vie pour moi ? Je n'existais même

pas !– Non mais il te connaissait déjà. Il a donné sa vie pour chacun

d'entre-nous. D'abord le salut était uniquement pour le peuple juif, quipouvait obtenir le pardon des péchés en offrant des sacrifices d'animaux,comme tu l'as vu dans ta Bible. Mais ensuite Dieu s'est fait homme et s'estoffert en sacrifice une bonne fois pour toutes. C'est la plus grande preuved'amour qui soit : le berger qui donne sa propre vie pour sauver ses brebis.Dès lors il n'est plus besoin de sacrifier des animaux pour avoir le pardondes péchés, ou une relation avec Dieu. Autrefois les juifs avaient un rideauqui séparait le lieu où était sacrifié l'agneau pascal dans le temple. QuandJésus a expiré, le rideau s'est déchiré, du haut vers le bas, pour signifierqu'il n'y a plus de séparation entre Dieu et les hommes. Jésus-Christ est leseul et l'unique intermédiaire. Aucun homme ni quoi que ce soit ne peut teséparer de Jésus. Et c'est par lui que tu dois passer pour accéder au salut.

– Je ne suis pas sûr de tout comprendre. Comment est-ce que jepeux passer par Jésus ? Et c'est quoi ce fameux salut ? Le paradis ?

– Pardonne mon vocabulaire auquel tu n'es pas habitué. Passer parJésus ça veut dire t'identifier à son sacrifice, reconnaître que tu ne méritaispas ce sacrifice mais que tu l'acceptes et que tu veux changer de manière devivre pour l'honorer. Le salut c'est l'assurance d'être sauvé, d'avoir la vieéternelle. Le paradis, si on veut, c'est un peu ça. Mais c'est beaucoup plus.La vie éternelle c'est être en communion avec Dieu, en Jésus-Christ, dèsaujourd'hui et à jamais.

– L'éternité… Dur à concevoir.– Je te comprends, Tim, moi aussi au début j'avais de la peine à

concevoir qu'il puisse y avoir quelque chose après le mort, surtout quelquechose qui ne finirait jamais… Ça dépasse notre intelligence. Ce que Dieunous demande ce n'est pas de tout comprendre mais de réaliser qu'il nous

tend la main, et ce depuis qu'il est ressuscité.– Ah oui, il y a encore ça…– Heureusement ! Si Jésus était seulement mort, son sacrifice

n'aurait rien signifié. Mais il est ressuscité, vainquant la mortdéfinitivement, et il est monté au ciel pour siéger à la droite de Dieu,pour intercéder pour notre cause.

Tim dut réfléchir longuement pour être au clair dans son esprit.– Au final, Jésus est venu et il est reparti vers Dieu. Ce qui fait

que nous sommes seuls sur cette terre, si je comprends bien ?– Non, il nous a envoyé son Saint-Esprit.– Tu es en train de me perdre là…– La trinité est complexe, mais elle peut être comprise

simplement. D'abord il y a Dieu, qui envoie son fils pour nous, puis sonconsolateur, ou défenseur, le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit, de même queJésus, est Dieu. Dès le début de la Bible nous nous en apercevons. Leterme hébreu qui désigne Dieu est un pluriel. L'Esprit de Dieu estmentionné dès le commencement de la Bible. Au début de l'évangile deJean, il est écrit que Jésus était avec Dieu et qu'il était Dieu. Si tuanalyses toute la Bible, tu verras que Dieu est bel et bien trinitaire.L'Ancien Testament nous annonce la venue de Christ, tandis que leNouveau nous rapporte sa venue et son ministère, et nous promet sonretour.

– Parce qu'en plus il doit revenir ?– Oui, Jésus doit revenir.– Et quand ça ?– Nul ne le sait. Avant de nous lancer dans des débats

eschatologiques, c'est-à-dire sur la fin des temps, revenons à Jésus-Christ, veux-tu ?

Tim hocha de la tête.– Il y a tant de choses à assimiler, dit-il. Je retire ce que je t'ai dit

Le fou et le sage 21

la première fois que nous nous sommes vus : tout cela n'est pas pour lesfaibles d'esprits ! Je croyais qu'il fallait être naïf pour croire en Dieu, maisje m'aperçois que la foi est quelque chose de très complexe et réfléchi.

– La théologie est quelque chose de complexe, parce que justementelle étudie toutes les subtilités que comporte la foi. Mais ce que tu doisretenir c'est le message de l'Evangile : Jésus a donné sa vie pour toi, et toutce que tu as à faire c'est d'accepter ce cadeau. Te sens-tu prêt à accepter cecadeau ?

– Qu'est-ce que ça va changer concrètement dans ma vie ?– Tout. Tu seras quelqu'un de différent, ta vie auras un sens et tu

sentiras la présence de Jésus qui vit en toi. Tu n'auras plus peur des chosesinsignifiantes qui nous entourent, car tu auras la conviction que ta vie faitpartie d'un dessein beaucoup plus grand.

Tim se sentait touché par les belles choses que lui promettaientThomas. Il était encore trop tiraillé pour se décider aussi vite.

– Laisse-moi y réfléchir, finit-il par dire.– Bien sûr. Je prierai pour toi et si tu veux entreprendre cette

démarche de conversion seul, sens-toi libre. Tu n'as qu'à prier le SeigneurJésus. Demande-lui pardon pour les erreurs que tu as commises dans ta vieet dis-lui que tu veux changer de comportement et que tu acceptes sonsacrifice pour toi. Peut-être que tu ne réalises pas encore vraimentl'importance de ce sacrifice. Alors je te conseille de lire l'un des évangiles,que tu retrouves au début du Nouveau Testament. Celui de Jean estparticulièrement intéressant. Mais tous sont pertinents.

L'assimilation de tout ce qui venait d'être dit provoquait desmigraines à Tim. Ce n'est pas le contenu qui le dérangeait, c'était lacomplexité et la profondeur du message de Thomas. Car au fond de lui ilavait ressenti quelque chose de fort lorsque son ami lui avait demandé s'ilvoulait accepter le cadeau de Jésus. Il n'était pas encore prêt, bien queconscient qu'il devait faire un choix. Il commençait à comprendre, et c'était

comme si on lui demandait de choisir la vie ou la mort, en un sens. Ilprenait conscience qu'il ne pouvait plus demeurer dans l'ignorance : ildevait faire son choix, qui serait conséquent, et en assumer lesconséquences.

Comme il se faisait tard, il prit congé de Thomas et rentra chezlui, encore perdu dans ses pensées. Sa vie avait tellement changé. Ilaurait pu se contenter de ce qu'il avait, sans avoir besoin de la religion,de Jésus ou de quoi que ce soit de spirituel, pourtant il savait que nonseulement il devait probablement à Dieu d'être encore en vie, et en plusque la question du sens de la vie n'épargne personne, quelle que soit sasituation. Il s'en rendait bien compte à présent : tous les excès de cemonde n'étaient en fait qu'une recherche désespérée de sens à la vie. Sepouvait-il que chacun trouve un sens personnel à la sienne ? Ou était-ceThomas qui avait raison en affirmant qu'il n'y a que Jésus-Christ quisoit la solution ?

Tim alla se coucher l'esprit peu clair, entremêlé dans sespensées, tiraillé entre ce qu'il avait vécu ces derniers temps et unepensée athée matérialiste occidentale avec laquelle il avait toujoursvécu. Il n'eut pas la force de chercher dans la Bible où se trouvaitl'évangile de Jean ou un autre et s'endormit immédiatement.

Sa semaine se poursuivit, et le travail en fit de même avec lui. Ilse retrouva ainsi le samedi soir, épuisé, à se demander s'il allait mettreson réveil pour aller à l'église le lendemain ou faire une grâce matinée.

Il se résolut finalement à y aller tout de même, un peu contrariéenvers lui-même. Ses sentiments étaient mitigés : d'un côté il avait unréel désir d'expérimenter la foi chrétienne et de lâcher prise, et d'unautre il n'arrivait pas à lâcher prise par rapport à sa vision rationalistedes choses. Le simple fait de penser à Jésus éveillait en lui toute unedualité. Il avait cette image toute reçue d'un Jésus bébé dans les bras desa mère, ou sur une croix, agonisant. Le nom de Jésus avait toujours été

Le fou et le sage 22

pour lui comme celui du Père Noël, une légende pour enfants et ringards.Mais le Jésus que lui avait décrit Thomas était un homme extraordinaire,capable d'aimer de manière incompréhensible et aussi invincible : c'estDieu lui-même !

Entre l'image d'un père et d'un ami, et celle d'une statue et d'unefable, il y avait de quoi se perdre. Comment cela était-il arrivé ? Si Jésusétait bel est bien un héros, pourquoi était-il tombé dans l'oubli ? Sûrementque l'Histoire aurait des réponses intéressantes à donner. Ce qui importait àTim pour l'instant c'était de savoir ce qu'il allait faire de la proposition deThomas. Allait-il accepter le cadeau de Jésus ? Y avait-il vraiment uncadeau ?

Il était tellement perdu dans ses pensées qu'il n'écoutait presque pasle message du pasteur. Lorsqu'il entendit ce dernier parler de Jésus, ilréalisa alors à quel point tout le culte était centré sur Jésus. Comment sefaisait-il qu'il ne l'ait pas remarqué auparavant ? Ce devait sûrement êtreson cerveau qui se concentrait sur les événements qu'il vivait et mettait enévidence ce qui lui trottait dans la tête. Cette pensée, bien rationnelle, lerassura. Ce n'était pas Jésus qui le poursuivait, c'était de la bonne vieillepsychologie.

Un étrange sentiment commençait à s'emparer de lui : plus il pensaità Jésus, plus il sentait une haine monter en lui. C'était comme si son espritne voulait pas qu'il soit dans ses pensées. Il le dérangeait. C'en étaittellement fort que Tim finit par traiter le mal par le mal, en prenant sa Bibleet cherchant l'évangile de Jean. Il le trouva plus facilement qu'il ne l'avaitpensé.

Mais c'était quoi au juste un évangile ? Il chercha sur Wikipédia ettrouva une définition intéressante. Cela voulait dire « bonne nouvelle » ettraitait des enseignements de Jésus. Quelle était cette bonne nouvelle ?Pour le découvrir, il commença sa lecture.

Ça racontait la vie de Jésus de Nazareth, présenté comme le fils de

Dieu. Il se rendit vite compte que le Jésus décrit par Jean était bien loinde ce qu'il aurait osé s'imaginer. C'est donc avec un intérêt grandissantqu'il poursuivit la biographie de Jésus, dit le Christ, le Messie.

Le fou et le sage 23

La décision

« Jésus a encore fait beaucoup d'autres choses. Si on les écrivaittoutes l'une après l'autre, à mon avis, le monde entier ne pourrait pascontenir les livres que l'on écrirait ». Tim reposa sa Bible. Il venait determiner l'évangile de Jean et il était très impressionné. Il s'était sentiintimement lié avec le Jésus qu'il avait rencontré et n'était pas ressortiindemne de cette expérience.

La complexité théologique du livre l'avait aussi surpris. Il s'attendaità quelque chose de plus sommaire. En fait il n'avait pas tout compris de cequ'il avait lu, mais il avait ressenti l'amour qui émanait de l'Évangile. Ilavait était fasciné par les miracles et les discours de Jésus. Il avait souffertlorsque le peuple avait réclamé inutilement sa mise à mort. Il avait étépassionné lorsqu'il avait compris la raison de ce sacrifice. C'était bien pourlui, ainsi que pour l'humanité toute entière, que Jésus avait donné sa vie.

La chapitre quatorze l'avait particulièrement marqué. Il aborde unegrande diversité de sujets, mais celui qu'il retenait était le verset six,lorsque Jésus dit qu'il est le chemin, la vérité et la vie. Il ajoute ensuite qu'ilest dans le Père et que le Père est en lui, ce qui aida Tim à concevoir un peumieux la trinité. Lui qui cherchait la vérité, où elle résidait, quelle religiondétenait la vérité, il comprit alors que personne ne détient la vérité : c'estJésus qui est la Vérité. La phrase que lui avait dite Thomas prenait du sens :la foi ce n'est pas une religion, c'est une relation. Lorsqu'il comprit qui étaitvraiment Jésus, il lui sembla qu'avoir une relation avec lui était tout à faitpossible.

Ce n'était plus une statue ou un homme mort il y a deux mille ans,mais c'était Dieu lui-même qui vivait encore aujourd'hui et avec lequel ilétait possible d'entretenir une relation personnelle. Tim n’avait plus du toutde haine à l'encontre de Jésus, pourtant il était encore hésitant à accepterson sacrifice. C'était comme si une partie de lui comprenait que sa vie

changerait à jamais, qu'il aurait à se montrer à la hauteur des exigencesfixées pas Jésus. Il savait aussi que ce qu'on lui demandait n'était pas unfardeau. Au contraire, c'était un cadeau !

Tous les petits enfants sont impatients d'ouvrir leurs cadeaux.Tim était un petit enfant de Dieu, mais aussi un adulte qui réfléchissaittrop et ne s'impatientait plus de découvrir une belle surprise. Lorsqu'ilcomprit cela, il fut un peu attristé, car il avait lu que le Royaume descieux appartient à ceux qui sont comme des petits enfants. Il avait envied'être comme un petit enfant, de pouvoir serrer Jésus dans ses bras.Quelque chose lui disait que c'était possible, que cela ne dépendait quede lui. Il n'était pas encore tout à fait décidé à faire ce pas.

Il sortit se promener et finit inévitablement par se retrouverdevant un verre de Rivella, assit en face de Thomas.

– J'ai fini de lire l'évangile de Jean, dit-il simplement.– Vraiment ? s'étonna Thomas.Il avait l'air sincèrement surpris.– Et comment as-tu trouvé ta lecture ?Tim resta un long moment perdu dans ses pensées, faisant le tri

dans ses sentiments mitigés.– Que Jésus est un sacré personnage.– C'est le moins que l'on puisse dire. Comment le décrirais-tu ?– Si j'ai bien compris, il est à la fois le fils de Dieu et Dieu lui-

même, c'est bien ça ?Thomas hocha la tête.– Ça reste difficilement compréhensible pour un esprit cartésien

comme le mien. Le Jésus de cet évangile est un Jésus très humain, avecdes sentiments. Il est pourtant beaucoup plus : il accomplit desmiracles, il a un discours révolutionnaire plein d'amour et il ne connaitpas le mal, il résiste à la tentation. C'est un surhomme, donc un dieu.

– Un dieu humain ?

Le fou et le sage 24

– Je crois qu'il n'y a aucun autre mot pour décrire ce personnage queson propre nom : Jésus.

Thomas avait l'air impressionné et touché par les propos de Tim.– Tu as bien raison. Jésus veut dire « Dieu sauve ». En sachant que

Dieu s'est présenté à Moïse en lui disant « je suis celui qui est », et doncque dans le nom de Jésus il y a aussi celui de Dieu, et en se rappelant quedans la culture hébraïque le nom sert à désigner le profil de la personne, cenom résume en effet qui est Jésus-Christ. Le nom a une grande importanceet le nom de Jésus est celui qui a été donné aux hommes pour obtenir lesalut.

Après avoir marqué une pause, Thomas regarda Tim droit dans lesyeux :

– Es-tu prêt à obtenir ce salut ?Tim baissa le regard et semblait réfléchir à la proposition de son

ami.– Tu as compris ce que veux dire accepter le sacrifice de Jésus, lui

dit Thomas. Tu es prêt à prendre ta décision. C'est à toi de choisir, mais tusais que tu dois en prendre une et en assumer les conséquences.

– Je sais.– Alors pourquoi hésiter ? Tu n'as qu'à accepter le plus merveilleux

cadeau que l'on t'ait jamais fait !– Je… Je ne suis pas sûr d'être à la hauteur. Il y a tant de choses que

je dois régler dans ma vie…– C'est normal, nous avons tous notre ardoise. Et ce que Jésus te

propose c'est de l'effacer pour toi, d'échanger la sienne contre la tienne.– C'est juste que je n'arrive pas à comprendre comment quelqu'un

pourrait m'aimer au point de donner sa vie pour moi.– Dieu n'avait pas besoin de nous créer. Il nous a créé par amour.

Nous lui avons désobéi. Si nous ne l'avions pas fait, nous serions encoreauprès de lui, à bénéficier de son amour inconditionnel, comme un père

aime ses enfants. La bonne nouvelle c'est qu'un jour nous pourronsconnaître à nouveau cette relation parfaite avec Dieu. Et tu peux dèsaujourd'hui accéder à ce privilège. Dieu t'aime comme tu es et, si tu lelui demandes, il pardonnera toutes les erreurs que tu as commises dansta vie.

Tim était au clair dans sa tête. Il savait qu'il y avait deuxchemins qui s'offraient à lui. Son choix serait le plus important de savie. Et au final, quoi de plus normal que de réfléchir longuement pourprendre une décision de cette envergure.

– Je dois encore y réfléchir, annonça-t-il à Thomas.– Très bien. Me permettrais-tu de prier pour toi avant que tu t'en

ailles ?Tim acquiesça. Thomas posa une main sur son épaule et

demanda à Dieu sa sagesse et son discernement dans ce choixexistentiel. Il le remit dans la paix du Seigneur et pria encore pour quele Saint-Esprit se révèle à lui. Encore une étrangeté chrétienne, pensaTim.

Il repartit chez lui, bien qu'incapable de chasser Jésus de sespensées. Il s'endormit agité, après avoir parcouru distraitement sa Bible.Il venait de commencer un nouveau livre, les Psaumes. C'était une sortede recueil de poèmes, à la profondeur et à la pertinence spirituelledéconcertantes. Les mots apaisants ne suffirent pourtant pas à le bercercalmement et il se réveilla en sursaut, au milieu de la nuit, en sueur.

Il alla jusqu'à la cuisine pour boire de l'eau et tenta de se calmer.Assis contre le bar de la salle à manger, il constata qu'il tremblait.L'horloge du four indiquait deux heures du matin. Un étrange sentiments'empara de lui. Il ressentait à la fois de la crainte et du réconfort. Il sesentait seul et perdu, voué aux ténèbres et à la peur. D'un autre côté, ilpouvait apercevoir comme une lueur dans cette obscurité. Il ressentaitun amour immense, dénué de tout ressentiment, un amour tel qu'il en

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avait envie de se jeter aux pieds de la personne qui lui vouait un tel amour :Jésus-Christ.

Il tomba de sa chaise et se mit à genoux, posa sa tête contre sesmains, paumes vers le ciel, et commença à pleurer.

– Seigneur Jésus, pardonne-moi ! Pardonne-moi toutes les fois où jeme suis moqué de toi, où j'ai mal agi, où j'ai fait de mauvais choix.Pardonne mon comportement envers les autres, mon égoïsme, ma haine,ma rancœur, mes mensonges, et les innombrables autres fautes que j'aicommises. Pardonne-moi d'avoir pensé à m'ôter la vie que tu m'as donnée.Je t'aime Seigneur, j'ai besoin de ton amour ! Merci pour ton amour et tonsacrifice à la croix, merci parce que tu m'offres une deuxième chance. Jet'accepte dans ma vie, je veux vivre conformément à tes enseignements.Permets-moi de recevoir le cadeau que tu m'as fait et de ne jamais tetourner le dos.

Il continua longtemps à prier, à s'abandonner, au milieu de sa salle àmanger, en pleine nuit. Il ressentit une paix incommensurable s'emparer delui, encore plus forte que celle qu'il avait ressentie dans la salle d'attenteavant son entretien d'embauche, la première fois qu'il avait prié. Il pleura etse sentit comme lavé. Il abandonnait son passé et débutait une nouvelle vie.

Le fou et le sage 26

Une nouvelle vie

Lorsque Thomas reçut un coup de fil de Tim au milieu de la nuit, ilcraignait le pire. La première fois qu'il avait décroché, son ami était sur lepoint de se jeter dans le vide du haut du toit de son immeuble. Comme Timsanglotait dans le combiné, cela n'arrangea en rien les inquiétudes deThomas. Pourtant, ce qu'il avait à lui dire était radicalement différent deleur première conversation nocturne. Tim venait de donner sa vie à Jésus.

Sur le coup, Thomas se mit à pleurer de joie lui aussi, ce qui alertasa femme, Caroline, qui sortit du lit pour voir ce qui se passait. Thomas luiannonça avec émotion qu'il y avait un nouveau venu dans la famille céleste.

– Tim ? demanda-t-elle à la fois étonnée et ravie.Thomas ne réussit pas à parler, il se contenta de lui faire un signe

positif de la tête. Cette nuit était riche en émotions. Ce fut le cas égalementdu lendemain, lorsque Tim alla chez Thomas et qu'ils s'enlacèrentlonguement. Ils étaient comme des frères. Des frères en Christ, expliquaThomas.

Le dimanche suivant, Tim avait l'impression que sa nouvelle vien'avait jamais eu autant de sens qu'en ce moment précis : il louait Dieu detout son cœur, chantant des louanges et priant de toute son âme celui qui l'asauvé de la mort, Jésus-Christ. Il faisait tout cela avec aisance au milieu desautres chrétiens, qui avaient le même amour que lui pour Jésus. Il eutl'occasion de donner son témoignage et ne put s'empêcher d'être à nouveauému. Comment un pécheur tel que lui avait-il pu changer ainsi d'attitude demanière aussi radicale et aussi rapidement ? Lui-même n'en revenait pas.

Il était heureux en permanence. Quoi qu'il fasse, il avait envie de lefaire comme si c'était pour le Seigneur. Il savait que le plus important danssa vie était sa relation avec Dieu, et tout le reste coulait de source.

Bien sûr il n'était pas épargné par les difficultés de la vie. Sontravail devenait de plus en plus difficile, mais au lieu de s'apitoyer sur son

sort, il priait et adoptait une attitude exemplaire en toute circonstance.Un de ces collègues lui demanda même s'il se droguait. Il lui

répondit que sa drogue était Jésus et son collègue ricana. Il comprit quece n'était pas facile d'être chrétien en public. Il avait beaucoup àapprendre et cela commença par des visites pastorales, c'est-à-dire quele pasteur de, il pouvait le dire maintenant, son Eglise lui rendait visite,ou alors ils se voyaient à son bureau. Ils discutaient comme il l'avait faitavec Thomas, sauf que leurs conversations étaient plus portées sur lavie spirituelle, que Tim vivait désormais quotidiennement.

Il comprit l'importance du Saint-Esprit dans la vie d'unchrétien : c'était Dieu aussi, qui vit en chacun de ceux qui l'ont reçu.Thomas lui avait expliqué que le Saint-Esprit était tellement importantqu'il fallait que Jésus remonte au ciel afin que les hommes puissent lerecevoir. Son rôle était de guider les croyants dans la vie de tous lesjours, de les inspirer et de les conseiller. C'était plus qu'une présence,c'était véritablement une personne qui avait élu domicile en Tim.

Il décida d'être baptisé, pour montrer à tous son engagementavec Jésus. Il fut ainsi baptisé dans le Lac Léman, par une belle journéed'automne. Ce fut un jour qu'il n'oublierait jamais.

Il n'oublierait jamais non plus le jour où son patron l'avaitconvoqué dans son bureau. Craignant le pire, il s'était entièrement remisà Dieu pour cette épreuve et était prêt à accepter n'importe quelscénario. Et ce fut un scénario facile à accepter, car ce que son patronlui proposa, c'était un poste beaucoup plus important, qui le mettrait àl'abri du besoin, matériellement parlant. Il accepta bien sûr avec joie.

Il n'oublierait pas aussi le jour où il a finalement eu le couragede demander à Julie de sortir avec lui. Et lorsqu'elle accepta, ce fut pourlui comme un cadeau supplémentaire du Seigneur, que de pouvoirapprendre à la connaître et devenir, d'abord son ami, ensuite sonconfident, et finalement son fiancé. Ils s'engagèrent pour la vie, dans

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une jolie petite Eglise de Lausanne, par un printemps florissant, et leuraventure ne s'arrêta pas là. Ils eurent trois enfants, une vie spirituelle active,elle dans la louange, et lui dans différents domaines administratifs et dansle conseil de l'Eglise. Il eut même une relation rétablie avec sa famille, aveclaquelle il avait coupé les ponts.

Sa vie était belle. Ce n'était pas pour autant un comte de fée. Il yavait des épreuves difficiles, comme la mort d'un proche, la maladie, lestress et parfois même de la colère. Il souffrait des fois de discrimination etsubissait des épreuves dans sa foi. C'était un défi de tous les jours que desuivre le Christ. La Bible ne cachait pas la réalité : la souffrance existe. Cesont dans ce genre de moments que la foi est mise à l'épreuve. Elle peutpermettre de progresser dans la vie. Car être chrétien ne voulait pas dire nejamais être triste ou ne plus jamais commettre d'erreurs, car il y a un tempspour tout. Être chrétien c'est la promesse d'être consolé, d'être pardonné etde connaître le but de la vie, qui est de persévérer dans la communion avecDieu.

Il y avait aussi des moments particuliers, comme lorsque Timdemanda à Thomas d'être son témoin de mariage, ou à chaque fois qu'ilétait inondé de l'amour de Jésus. Il vivait une vie somme toute asseznormale, sauf qu'il avait l'essentiel. Cet essentiel c'est Jésus-Christ, sonSauveur et Seigneur, qui vit en lui et lui permet, quelles que soient lescirconstances, de toujours surmonter les épreuves. Et en toute honnêteté, ill'a toujours couvert des cadeaux les plus incroyables.

Le fou et le sage 28