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Innovation pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement : "business as usual" ou ruptures ?

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Philippe Lucas Directeur de recherche INRA (UMR BiO3P), introduits les Rencontres Q@LI-MEDiterranée par son intervention.

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Page 1: Innovation pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement : "business as usual" ou ruptures ?

Innovations pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement : ‘business as usual’ ou ruptures ?

Philippe LUCAS, INRA, UMR BiO3P, 35653 Le Rheu Cedex

L’augmentation importante de la production agricole française au cours des trois

dernières décennies du siècle précédent est le résultat d’un enchaînement d’innovations dont la dynamique remonte au lendemain de la seconde guerre mondiale. Si l’on analyse l’évolution du rendement d’une des plus importantes productions, le blé tendre, il aura fallu 100 ans de 1850 à 1950 pour passer de 11 à 18 quintaux par hectare. Un premier doublement du rendement est observé ensuite entre 1950 et 1970, principalement expliqué par l’amélioration variétale, une meilleure connaissance des besoins en azote du blé et le développement d’engrais de synthèse. Au cours des 30 années suivantes, ce rendement par hectare double à nouveau, passant de 37 quintaux en 1970 à 74 quintaux. Un élément marquant de cette évolution est la découverte des premiers fongicides de synthèse appliqués en végétation qui permettent de contrôler maladies des feuilles et des tiges, mais aussi la mise sur le marché de nouveaux herbicides qui permettent de lever efficacement la concurrence entre plante cultivée et plante adventice et donc de rendre très efficiente la fertilisation. Il faut ajouter à cela l’accélération du travail des sélectionneurs qui, forts de l’efficacité des pesticides pour lever les contraintes phytosanitaires, peuvent se concentrer sur les seuls objectifs de haut rendement et de bonne qualité d’utilisation des cultures. Ainsi se construisent progressivement des systèmes de culture très productifs mais très dépendants de l’utilisation d’intrants comme les fertilisants et les pesticides. Cette construction s’appuie sur des ‘pipe-lines’ très structurés et très performants assurant la continuité et la fluidité entre conception d’innovation, expérimentation, démonstration, développement, mise sur le marché, et qui sont également très interactifs au point de voir aujourd’hui les regroupements entre industrie de la sélection variétale et industrie phytosanitaire. A signaler également l’organisation de structures de distributions (coopératives) assurant à la fois la commercialisation de ces paquets de production (semences, engrais, pesticides) et la collecte et la commercialisation des produits récoltés avec, ainsi, un accompagnement local très efficace des agriculteurs.

Après que l’agriculture ait ainsi répondu aux objectifs d’augmentation de la production qui lui étaient assignés au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et suite aux constats d’impacts indésirables de ces modes de production, notamment sur l’environnement, il est aujourd’hui demandé d’inscrire les modes de production agricole dans une logique de durabilité, assurant notamment le respect des ressources environnementales tout en maintenant un niveau élevé de production, que ce soit au plan quantitatif ou au plan qualitatif. Cette posture renforcée par les engagements pris dans le cadre du Grenelle de l’Environnement doit ouvrir le champ à des innovations pour lesquelles les cadres dans lesquels ces innovations doivent être imaginées, produites, assemblées, expérimentées, diffusées restent, pour une grande part à construire, ou pour le moins à organiser.

En prenant exemple d’innovations proposées aujourd’hui comme des alternatives à l’utilisation des pesticides (stimulateurs de défense naturelle, agents de lutte biologique, allélopathie, nouvelles technologies d’application des pesticides, …), nous essaierons de montrer comment les approches proposées peuvent être complémentaires, parfois conflictuelles, ainsi que la nécessité d’organiser ces complémentarités tout au long de la chaine entre conception de l’innovation et mise en œuvre par les utilisateurs finaux.