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In Innover Informer Investir Avril 2014

La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Page 1: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

In

Innover

Informer

Investir

Avril 2014

Page 2: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

2

KAMITIS est une société spécialisée en expertise scientifique, en veille stratégique et technologique et en financement de l’innovation. Elle opère principalement auprès des entreprises innovantes mais également auprès des structures institutionnelles. KAMITIS réalise pour ses clients des états de l’art technologique, des études de marchés et des analyses technico-économiques. Elle les aide également à identifier et à obtenir les meilleurs financements pour leurs projets.

Lyon 6 Place Bellecour 69002 Pour plus d'informations : [email protected] - www.kamitis.com

Page 3: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Éditorial Une vie quantifiée

Expertise scientifique

Une guerre du virtuel bien réelle De l’énergie sans fil

Financement Le crowdfunding

Intelligence économique L’Internet of Everything Le Royaume Uni se lance dans le développement de standards pour les smart cities Focus

CityLab@Inria: An Inria Lab on Smart Cities fostering Environmental and Social Sustainability – par VALERIE ISSARNY

Le positionnement du CEA-LETI sur l’internet des objets – par JEAN-MICHEL GOIRAN

I3

Ingénierie du virtuel : de la conception à l’application – par SIMON RICHIR

L’information comme nouveau matériau pour le design de produits – par PIERRICK THEBAULT

Objectif : Villes intelligentes – par VALERIE ISSARNY

Technologies de la communication : nouvelle donne anthropologique – par FRANCIS JAUREGUIBERRY

4

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24

Sommaire

Page 4: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

4

Une vie quantifiée

Ce numéro aborde le monde des objets et des lieux augmentés. Autrement dit, le secteur des objets connectés et des villes

intelligentes dont le développement se fait grâce au croisement et au traitement des données récoltées partout sur le

terrain. Des "smart cities" ou "senseable cities", capables de percevoir et de penser, seront conçues pour rendre la vie plus

aisée, plus saine et plus productive. Leur déploiement prochain n’est plus un élément de l’horizon imaginaire mais bien de

celui des possibles. La question n’est donc plus de savoir dans quelle mesure ces concepts fondés sur les innovations

technologiques sont réalisables mais plutôt d’anticiper leur mise en œuvre dans nos villes.

Nos experts nous invitent aujourd’hui à un voyage au cœur d’une réalité améliorée et augmentée. Un monde connecté où

tout peut être quantifié et qualifié.

JEAN-MICHEL GOIRAN, LETI/DIR Corporate Business Development IoT, nous explique le positionnement du CEA sur

l’internet des objets ;

PIERRICK THEBAULT, chercheur au MIT (Massachusetts Institute of Technology) et spécialiste de l’informatique ubiquitaire

et de l’internet des objets, nous présente ses recherches concernant les objets et les villes du futur ;

VALERIE ISSARNY, directrice de recherche à l’Inria Paris-Roquencourt, nous décrit les efforts entrepris pour la conception et

le développement de la ville intelligente ;

SIMON RICHIR, Professeur aux Arts et Métiers ParisTech d'Angers-Laval et directeur scientifique de Laval Virtual, nous parle

de la réalité augmentée et des perspective d’un futur en relief ;

Enfin, FRANCIS JAUREGUIBERRY, Directeur du laboratoire SET (Société Environnement Territoire), nous propose une

lecture fine et nuancée des nouveaux usages que nous faisons des technologies de la communication et de la connexion. Il

nous invite à réfléchir sur les interactions à distances et la réciprocité dans la communication à travers des objets, outils ou

dispositifs techniques innovants.

Bonne lecture,

Une vie quantifiée, est-ce encore de la science-fiction ?

Pas vraiment. Nous sommes aujourd’hui entourés d’objets permettant de suivre très

précisément nos mouvements, nos interactions ainsi que nos paramètres vitaux. Ces

objets peuvent délivrer un diagnostic complet concernant notre forme, notre état de

santé, mais ils sont aussi capables de communiquer sur l’état de l’environnement

dans lequel nous évoluons. Une vie « augmentée » grâce à des capteurs et des

dispositifs intelligents disséminés un peu partout sur nous, dans nos maisons et au

cœur de nos cités. Toutes les données qui sont recueillies, analysées et partagées

sont une aubaine pour l’économie numérique et leur exploitation constitue une

nouvelle ressource pour de nouveaux modèles d’affaires.

Par Khaled Baaziz

Dirigeant de Kamitis

Éditorial

Page 5: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Une guerre du virtuel bien réelle

Voilà une actualité bien mouvementée dans l’industrie de la réalité virtuelle. L’annonce de Facebook qui vient d’acquérir l’Oculus Rift pendant que Sony se positionne comme acteur majeur avec le projet Morpheus a fait sensation.

Oculus Rift est un casque qui permet, grâce à des

capteurs combinés à deux écrans haute définition pour

chaque œil, une immersion dans un monde 100%

virtuel. Pour Mark Zuckerberg, l'Oculus Rift va "changer

la manière dont nous travaillons, jouons et

communiquons".

De son coté, Sony a dévoilé sa dernière innovation à

l’occasion de la dernière Game Developer Conference.

Fruit d’un travail de trois ans, le Project Morpheus est un

casque virtuel, peu encombrant, développé pour

Playstation 4. Morpheus, qui n’est encore qu’un

prototype se porte comme une paire de lunettes. Equipé

de plusieurs capteurs, il détecte et reproduit les

mouvements de la tête et de la position de l’utilisateur.

Avec une résolution d’écran de 1080p, un angle de vision

de 90 ° et un système audio qui augmente le réalisme

de l'expérience, Morpheus promet une belle expérience

d’immersion dans la réalité virtuelle. "La réalité virtuelle

est la prochaine innovation de PlayStation qui pourrait

révolutionner l'avenir des consoles" a déclaré Yoshida le

grand patron de Sony Computer Entertainment.

Considérée auparavant comme une niche pour les

passionnés de jeux vidéo, la réalité virtuelle pourrait

bien finir par s'imposer à travers ces produits innovants

qui lui donnent de la crédibilité.

De l’énergie sans fil

WiTricity pour Wireless Electricity est une entreprise américaine qui a mis au point un système de transmission de l’électrique sans fil.

Le concept repose sur le postulat suivant : un champ

électrique oscillant produit un champ magnétique et un

champ magnétique oscillant produit un champ

électrique. Ainsi, en faisant passer un courant électrique

dans une bobine de cuivre, un champ magnétique est

généré autour de la bobine qui l’envoie dans toutes les

directions. En disposant une autre bobine réceptrice a

proximité de la première (émettrice) et sous l’action du

champ magnétique « reçu », suivant le second principe :

un champ électrique est alors produit. Ce principe

datant de 200 ans, a été optimisé par les chercheurs de

WiTricity pour atteindre une portée de plusieurs mètres.

La prochaine étape est l’intégration de cette

technologie aux appareils électriques du quotidien afin

de les rendre sans fil. Dans la même optique, des

chercheurs de l’Université Duke mènent des recherches

sur la récupération d’énergie à partir des radiations qui

nous entourent. Une énergie sans fil et gratuite. À voir !

Expertise scientifique

http://www.witricity.com/pages/application.html

http://abcnews.go.com/Technology/sony-reveals-virtual-reality-headset-project-

morpheus/story?id=22970107

Page 6: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Financement

Le crowdfunding

Un enjeu pour les entreprises

Dans le contexte de crise économique actuelle et face à l’insuffisance de financement bancaire et d’investisseurs privés,

notamment lors des phases d’amorçage des projets, les entrepreneurs et les dirigeants de TPE et PME se tournent de plus

en plus vers le crowdfunding.

Le crowdfunding constitue donc plus particulièrement une alternative possible aux capitaux familiaux, aux incubateurs et

aux fonds d’amorçage. C’est un accès à des fonds facilité par la faiblesse des montants demandés aux investisseurs,

contributeurs ou prêteurs.

Par ailleurs, ces derniers peuvent représenter un échantillon potentiel des futurs clients ou consommateurs du rendu final.

Ainsi, ils permettent de vérifier la portée des projets et leur acceptabilité et peuvent donc prévenir les possibles « flops »

technologiques.

Par ALISSA KACEM

Chargée de veille stratégique et d’intelligence économique - Kamitis

Le crowdfunding, aussi appelé finance participative, est un mode de financement

désintermédié, né aux Etats-Unis dans les années 2000. A ses balbutiements en

France, il est considéré comme une alternative efficace quand les investisseurs

dits « classiques » (banques et capital investissement) ne veulent pas s’engager

dans un projet.

Ainsi, le crowdfunding permet de mettre en relation sur une plateforme en ligne

des entrepreneurs ou des start-ups et des investisseurs particuliers, les

internautes.

Auparavant centré sur le financement de projets artistiques et caritatifs, de plus en

plus de plateformes dédiées au numérique, à l’environnement ou aux

biotechnologies et à la santé apparaissent.

Différents modèles de financement participatifs existent : le financement par le

don (avec ou sans contrepartie), le financement par le prêt et le financement par

l’investissement.

Le McMillan gap

Les difficultés en matière de financement et de fonds

propres s’expliquent par le « gap » financier entre les

entreprises et les investisseurs ou banquiers. En effet,

l’asymétrie d’informations peut engendrer des coûts de

transactions importants. Ainsi, les dirigeants masquent

(sciemment ou non) certaines informations sur

l’entreprise et les banquiers ne connaissent pas

totalement le potentiel et la situation réelle de

l’entreprise (stratégie, structure, équipe…). Les

investisseurs et banquiers pour plus de garanties se

tournent donc plus facilement vers les grandes

entreprises ou les sociétés cotées : ce qui marginalise les

start-ups et les PME innovantes.

La théorie de la hiérarchie des

investissements de Myers

Dans un premier temps, afin de se financer, les

entreprises ont généralement recours à

l’autofinancement : on parle alors de gestion en

« bon père de famille ». Ensuite, elles

développeront des dettes à moyen et long

terme et ce n’est qu’en dernier ressort qu’elles

ouvriront leur capital et émettront des actions

en bourse.

Ainsi, face à la baisse de la capacité d’emprunt,

trouver des fonds, tout en gardant son

indépendance devient problématique.

Page 7: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Que va changer le nouveau cadre réglementaire ?

Du fait de l’expansion récente de la finance participative,

ses activités sont encore soumises aux réglementations

qui régissent les opérations bancaires et les services

d’investissement classiques. Or, ces réglementations

sont jugées trop rigides pour assurer une bonne

fluidification des échanges.

La simplification des démarches de financement

participatif, entreprise en 2013 par le gouvernement,

devrait entrer en vigueur en Juillet 2014 et s’articule

autour de deux grandes mesures.

La première, en lien avec le prêt participatif, instaure la

création du statut d’« Intermédiaire en Financement

Participatif », permettant de contourner le monopole

bancaire en matière de crédit, en autorisant les prêts

participatifs aux entreprises. Le prêt, pouvant aller

jusqu’à un million d’euros, se constituera de blocs de

1000 euros maximum. Par ailleurs, certaines obligations,

notamment publicitaires, seront allégées et la demande

d’agrément simplifiée.

La seconde mesure concerne le financement par

investissement et consiste en l’acquisition du statut de

« Conseiller en Financement participatif » pour les

plateformes. Ces dernières donneront également aux

internautes la possibilité d’investir dans une SAS et

seule une information simplifiée sera donnée pour les

projets financés pour un montant inférieur à 1 million

d’euros.

La loi prévoit d’assurer, dans tous les cas de figure, une

transparence sur les frais, les risques encourus et les

taux de défaillance des projets. De plus les plateformes

n’auront pas l’obligation de détenir un montant en fonds

propres minimum.

Le crowdfunding français en quelques chiffres

13%

61%

26%

Fonds propres

Prêts

Dons

78,3 millions : c’est la somme

récoltée en France par le

crowdfunding en 2013 (3 fois plus

qu’en 2012). La part du financement

participatif dans le capital-

investissement est aujourd’hui de 1%

environ. Le prêt participatif, qui est le

plus avancé dans son développement,

est l’activité qui collecte la majorité

(61%) des sommes (voir figure 1).

Figure 1 : la répartition des fonds collectés selon la nature de la plate-forme

330966 : c’est le nombre de

contributeurs en 2013,

sachant que depuis les

débuts du crowdfunding en

2006, ce nombre s’élève à

651000. 95% des

contributeurs utilisent les

plateformes de dons, qui sont

les plus anciennes et les plus

populaires.

Le crowdfunding en fonds

propres est la forme de

financement participatif qui

croît le plus vite. Mais, il est

aussi considéré comme étant

le plus élitiste : en 2013, le

ticket moyen d’entrée était de

3769 euros, contre 3471 euros

pour le prêt et 64 euros pour

un don.

Page 8: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Les fonds collectés par les acteurs du Crowdfunding en 2012 (en M$)

Source : Massolution © (2013). Tous droits réservés. Reproduction interdite.

La finance participative et les objets connectés

Voilà ci-dessous quelques exemples d’objets connectés financés par des plateformes de crowdfunding

La Pebble Watch : la première montre connectée. Plateforme : Kickstarter (dons) Fonds collectés : 7,5 millions euros (financé à 10267%) Et ensuite ? : sortie de la Pebble Steel en 2014.

L’Occulus Rift : masque d’immersion dans un jeu vidéo. Plateforme : Kickstarter Fonds collectés : 2,4 millions d’euros Et ensuite ? : Disponibilité de la version pour les consommateurs en 2014/2015.

Ti’be : porte-clé bluetooth basse consommation. Plateforme : Kisskissbankbank (dons) Objectif en cours: 25000 euros (financé à 124%)

Myfeelback : solutions d'acquisition et de traitement de données de clients contextualisées. Plateforme : Wiseed (plateforme d’investissement)

Page 9: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Intelligence économique

L’Internet of Everything

A la croisée des chemins de la mobilité, du cloud et de la virtualisation, il est des sujets stratégiques pour lesquels quand on a la force de frappe nécessaire, il vaut mieux être suivi que suivant ! C’est ainsi que depuis quelque temps on voit des acteurs se positionner et des alliances se sceller autour de "l’Internet of Everything".

D’après le géant américain Cisco, "l’Internet of

Everything" représentera, dans la prochaine décennie,

un enjeu économique de 19 trillions de dollars pour les

différents secteurs d'activité en termes de technologie

et de services. Cette nouvelle évolution, dont les

moteurs de croissance sont les nouvelles technologies

de l’information (cloud computing, l’informatique

ubiquitaire, big data, …), permet aujourd’hui d’envisager

le déploiement à grande échelle de "l’Internet of

Everything".

En effet, le 24 Mars 2014, Cisco Systems a annoncé la

création du “the world’s largest global Intercloud” [1] :

un investissement d’un milliard de dollars et une

collaboration avec un certain nombre de partenaires qui

vise à réfléchir sur les problématiques liées aux nouvelles

économies des données. Pour ce nouveau projet, Cisco

qui propose des architectures et des solutions

concernant notamment les thématiques de la mobilité,

de « l’Internet of Everything », du Cloud et de la

virtualisation s’associe entre autre avec le fournisseur de

services australien Telstra, le canadien Allstream,

fournisseur de solutions de communications, ou encore

Canopy spécialisé dans le cloud-computing. Ce

positionnement inédit traduit également le besoin de

Cisco de contrer la stratégie de certains fournisseurs de

cloud qui offrent des services d'entreprise tel

qu’Amazon.

Le 27 Mars 2014, on apprenait également [2] la

formation du Consortium de l'Internet industriel (IIC).

Constitué de Cisco, AT & T, GE, IBM, ce consortium a

pour objectif de faciliter l'accès aux données

volumineuses par une meilleure intégration du monde

physique et du monde numérique. Les applications sont

nombreuses et touchent des domaines stratégiques tels

que la santé, la sécurité des données, les villes

intelligentes, le transport et les réseaux électriques.

Tous les spécialistes s’accordent à dire qu'il est

nécessaire d'établir des cadres communs et des normes

pour l'Internet du futur, et beaucoup d’acteurs

(américains) comptent aujourd’hui sur le CII pour le

faire. Le marché immense de l’internet du futur sera-t-il

dicté par une poignée d’entreprises américaines au

détriment des européens inévitablement à la traine ?

Le Royaume Uni se lance dans le développement de standards pour les smart cities

Depuis le 05 mars dernier, le Royaume-Uni est le premier pays à avoir développé des standards pour accompagner les villes dans leur transition vers les smart-cities.

La BSI (British Standards Institution) s’est chargée de

proposer un cadre pour le déploiement des smart cities

en UK. A travers de nouvelles spécifications concernant

un langage commun pour les smart cities et visant à

stimuler la croissance dans ce secteur émergent, ces

mesures étaient vitales. En effet, au Royaume Unis, 8

personnes sur 10 vivent dans les villes. Les structures

citadines évoluant de manière de plus en plus

complexes, les mesures visent à les standardiser,

notamment en ce qui concerne l’utilisation et le partage

de données et de ressources est basé sur un vocabulaire

commun. Parler un même langage permet aux

développeurs, designers, fabricants et utilisateurs de

collaborer plus efficacement.

La standardisation mise en place doit aider les acteurs

du secteur à se développer et accompagner leur

stratégie «ville intelligente» pour se concentrer sur la

valeur de la technologie et des données associées à des

changements organisationnels.

Page 10: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Focus :

CityLab@Inria: An Inria Lab on Smart Cities fostering Environmental and Social

Sustainability

An ICT Lab on Smarter Cities Emphasizing Social Sustainability

From the more technical, ICT perspective, smart cities

are fascinating systems of systems whose component

systems and their integration greatly challenge current

ICT due to the key characteristics of connected cities

and especially their scale. Moreover, the vision of what

smart cities should be about is evolving at a fast pace in

close concert with the latest technology trends. It is

notably worth highlighting how mobile and social

Internet use have reignited citizen engagement, thereby

opening new perspectives for smart cities beyond data

analytics that have been initially one of the core foci for

smart cities technologies. Similarly, open data programs

foster the engagement of citizens in the process of

government and overall contribute to make our cities

more sustainable.

However, while environmental and economical

sustainability have been on the ICT research agenda for

some time, there is another, equally important, form of

sustainability that has so far been overlooked for smart

cities, that is, social sustainability. Indeed, cities are first

and foremost places for people, and thus building

cohesive, inclusive and flourishing communities should

be at the forefront of our research agenda. Without the

right social infrastructure in place, problems of isolation,

mental health, anti-social behaviors and crime are more

likely to arise, spiraling communities into decline.

In the above context, the Inria Project Lab

CityLab@Inria will study ICT solutions toward smart

cities that promote both social and environmental

sustainability. A strong emphasis of the Lab is on the

undertaking of a multi-disciplinary research program

through the integration of relevant scientific and

technology studies, from sensing up to analytics and

advanced applications, so as to actually enact the

foreseen smart city Systems of Systems. Obviously,

running experiments is a central concern of the Lab, so

that we are able to confront proposed approaches to

actual settings.

CityLab@Inria specifically brings together Inria project-

teams in the areas of networking (FUN and URBANET),

distributed software systems (ARLES-MiMove and

MYRIADS), data management (DICE, OAK and SMIS),

and data analytics (CLIME and WILLOW).

The world is in the midst of an immense population shift from rural to urban areas, which has led governments, businesses and community to rely on technologies, and in particular the Information and Communication Technology (ICT), to overcome the challenges posed by rapid urbanization. As a result, various academic, industrial but also city-led ICT initiatives have been launched in the recent years in order to build “smart urban infrastructures”, where detailed information about the functioning of the city becomes available to both city dwellers and businesses, thereby enabling better understanding and consequently management of the city’s infrastructure and resources.

Dr VALERIE ISSARNY

Directrice de recherche au centre de recherche Inria Paris-Rocquencourt.

Contact : [email protected]

Page 11: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Research Themes & Challenges

According to the above, the objective of CityLab@Inria is the study of ICT-based smart city systems from supporting

“sensing” systems up to advanced data analytics and new services for the citizens that promote social and environmental

sustainability. Toward that goal, the Lab investigates the following research questions:

How to effectively sustain urban-scale sensing

that needs to combine both physical and social

sensing while accounting for the requirements

associated with the target network that include:

scalability, energy-efficiency and privacy

preservation? The sensing of the city pulse also

challenges the supporting data management,

which must scale-up as well as integrate highly

heterogeneous data of various qualities. The

literature is rich with papers addressing these

concerns individually. However, these are seldom

tackled together, especially while simultaneously

considering the urban scale. Our approach to

overcome these challenges lies in the study of

scalable protocols from the networking up to the

middleware layers, together with advanced

techniques for privacy enhancement and

semantic-aware data management.

How to aggregate the data so as to understand

but also anticipate and even influence the

evolution of the city? Data analytics is at the core

of smart cities so that the “big data” that is made

available to us by way of sensing but also based on

the open data trend can indeed become useful

knowledge about the cities. Data analytics for

smart cities is a very active area of research.

However, numerous open problems remain

among which large-scale data analysis and

overcoming the uncertainty associated with

urban-scale, crowd-sourced data collection. Our

contribution in this area leverages advanced

research results on data assimilation and machine

learning.

While city-scale sensing and data analytics are two

complementary aspects of smart city systems,

they are also inter-related as one may adequately

inform the design of the other. It is then essential

to design crosscutting architectures for smart city

systems based on the comprehensive integration

of the custom data sensing and analytics that we

will investigate.

Last but not least, the smart city vision will come

true only if it comes along with concrete urban

services that do make our (future) cities

sustainable and agile. A number of application

areas have been put forth for a while, and include:

smart energy, smart health, smart transportation,

etc. However, we are still lacking disruptive

services that will indeed contribute to making our

cities better places to live while addressing the

central challenge of growth. One important

question is how to impact upon city governance

using city-scale sensing, and especially its social

dimension? Our research will be guided by the

study of new urban services, which will be

undertaken in close collaboration with external

partners and especially city representatives as well

as researchers from the social science field.

While the scientific focus of CityLab@Inria is broad, the Lab’s research leverages relevant effort within Inria project-teams

that is further revisited as well as integrated to meet the challenges of smart cities. In addition, CityLab@Inria research

builds upon collaborative effort at the International level, and especially collaboration in the context of the

Inria@SiliconValley program.

An International Lab

A key characteristic of the CityLab@Inria Lab is its

international dimension, which originated with the

Paris-San Francisco cooperation agreement toward

smarter cities1. This agreement, signed on March 20,

2013, is dedicated to developing smarter cities and

includes support for targeted research programs among

which is the Joint Inria-CITRIS CityLabs Program.

More specifically, researchers from Inria and CITRIS

(Center for Information Technology Research in the

Interest of Society, University of California) have had an

ongoing relationship for collaborative research projects

since 2010, in close relation with the Inria@SiliconValley

program. In 2013, Inria and CITRIS signed an agreement

regarding the CityLabs partnership in which they aim to

undertake cutting-edge research in the domain of

“smart cities” with a focus on gathering, analyzing, and

visualizing complex urban data.

Page 12: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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In particular, the CITRIS initiative on “Data and

Democracy”2 is directly related to the CityLab@Inria

goal of promoting social sustainability. This is for

instance illustrated by the connection established

between CityLab@Inria and the CITRIS Social Apps

Lab3, and especially ongoing collaboration toward the

development of the AppCivist platform for large-scale

public deliberation and civic action4. Similarly, strong

relations have been established with the newly created

Smart City Center at UC Berkeley, which is led by Prof.

Pozdnukhov5. Beyond the “Data and Democracy”

initiative, other CITRIS initiatives are of direct relevance

to the theme of “Environmental sustainability”,

especially through the development of advanced

sensors. In addition to the above, Californian cities are

strongly engaged in the open data and smart city

trends6, thereby opening up venues for experimenting

with the technologies emerging from CityLab@Inria’s

research at the city scale.

Last but not least, the strong focus of CITRIS and Inria

on Innovation together with the open innovation trend

are expected to favor the creation of innovation out of

the undertaken research in smart cities. This is further

supported by the accord that was signed in February

2014, between Inria, CITRIS and PRIME7.

References:

1 http://www.consulfrancesanfrancisco.org/spip.php?article2822 2 http://democracy.citris-uc.org/ 3 http://socialappslab.com/about/ 4 http://socialappslab.com/?s=appcivist 5 http://www.its.berkeley.edu/btl/2013/fall/alexey 6 http://www.youtube.com/watch?v=_SL5kdVpT4Q&feature=youtu.be 7 http://citris-uc.org/news/2014/02/18/citris_inria_and_prime_sign_accord_smart_cities_research_and_open_innovation

Page 13: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

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Le positionnement du CEA-LETI sur l’internet des objets

L’Internet des Objets : une nouvelle révolution industrielle qui nous attend ?

L’histoire ne se répète pas, mais elle bégaye souvent…

Il s'agit bien d'une nouvelle révolution industrielle qui

s’ouvre à nous, semblable à la révolution de l'internet

des années 1990.

C’est la cristallisation à la fois de technologies clés

(processeurs PC, processeurs graphiques, modems), de

nouveaux standards (HTML, POP, …), et d’infrastructure

(téléphone et réseau) qui a permis cette décennie de

croissance, de nouveaux services, de gains de

productivité.

La même cristallisation est en train de se produire en ce

moment pour l’internet des objets, avec des

infrastructures (des passerelles internet dans chaque

maison, le cloud, une base installée de smartphones),

des standards (autour du M2M, le RFiD, des protocoles

radio short et long range), et des technologies.

Comme pour la précédente révolution, on s’attend à de

nouveaux gains de productivité, de nouveaux services,

et surtout de nouveaux business modèles qui s’ouvriront

aux entreprises qui l'adopteront.

Crédit photo : © iStockphoto & J. Gallon

Nous définissons généralement l'IoT comme l'ensemble des technologies permettant de connecter un ensemble d’appareils du plus simple au plus sophistiqué. Ces composants IoT ont la capacité de capturer un nombre croissant d'éléments de leur contexte environnemental : température, qualité de l'Air, mouvement, présence... et aussi du contexte des utilisateurs : préférences, intentions, statistiques... Au-delà des avantages attendus en termes de performance ou d'optimisation des processus, l'IoT démocratise la façon dont les utilisateurs interagissent avec l'information, en temps réel et de manière contextuelle. Cette intégration efficace de l'information dans les processus existants, des usages professionnels jusqu’aux tâches quotidiennes des citoyens, dispose d’un immense potentiel pour rendre notre quotidien plus intelligent.

JEAN-MICHEL GOIRAN

LETI/DIR Corporate Business Development IoT

Page 14: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

14

Quels marchés adopteront l’IoT le plus vite ?

Tous les segments de marché sont concernés, mais les

premiers bénéfices de l’IoT sont attendus dans le

marché de la ville intelligente (les réseaux intelligents, le

télé-relevé, les parkings intelligents…), de la sécurité

(sécurité environnementale, des biens et des

personnes), de la santé (notamment pour le traitement

au domicile de pathologies chroniques, mais aussi avec

tous les nouveaux produits de surveillance d’activité ou

de paramètres physiologiques), sans oublier l’usine du

futur, où les technologies issues de l’IoT pourraient

apporter de nouveaux gains de productivité.

Quels sont les défis technologiques que le CEA-Leti pourrait aider à relever.

En tant que fournisseur global de technologies pour la

microélectronique, les nanotechnologies et les

technologies de l’information, le CEA-Leti peut fournir

aux OEM, aux intégrateurs des avantages compétitifs

forts pour créer des produits ou des processus plus sûrs,

plus intelligents, plus efficaces et plus connectés.

Le CEA-Leti se concentre sur les innovations et les

ruptures technologiques dans les domaines suivants :

- Les technologies pour l’électronique et les

communications RF ultra-basse consommation qui

permettront d’envisager des objets autonomes,

puissants et communicants.

- Les technologies de récupération d’énergie (en lien

avec l’institut CEA-Liten) comme les systèmes

photovoltaïques, par vibration, par thermo-

électricité, ou par systèmes piézo-électriques qui

permettront d’assurer l’indépendance et

l’intégration des objets

- Une très large offre de capteurs qui étendront les

capacités de détection et les usages des objets

communicants:

o Offre MEMS et NEMS : faible consommation

et capacité d’intégration

o Gamme complète d’Imageurs : IR, Visible,

THz, X, Gamma

o Large gamme de capteurs chimiques

o Solutions microfluidiques

o Solutions de monitoring de structure.

- Les technologies d’intégration comme les

antennes miniatures, l’intégration 3D, l’électronique

sur substrats flexibles,

- Les technologies de connectivité qui permettront

d’étendre les usages et d’intégrer ces objets avec ce

nouveau «nuage » d’objets et de services : systèmes

d’intégration de réseaux hétérogènes, protocoles

sécurisés, fusion de données, algorithmes prédictifs,

intégration avec les solutions BigData ou OpenData.

Quel est le positionnement du LETI ?

Grâce à ces solutions techniques, à son écosystème

unique, et à son expérience dans des domaines

d’applications extrêmement variés allant du spatial à

l’électronique grand public, en passant par l’agriculture

ou la santé, le CEA-Leti a pour vocation d’accompagner

ses partenaires et clients pour l’intégration de ces

technologies de ruptures. Il apportera également une

vision globale des évolutions technologiques qui seront

nécessaires pour tirer le meilleur parti de cette

révolution de l’internet des objets.

Enfin, le CEA-LETI organise sa revue annuelle

technologique des 25 et 26 Juin prochains à travers le

prisme de l’internet des objets, des capteurs au zéro-

power. Cet événement est l’opportunité d’écouter des

spécialistes des technologies, des analystes, des

industriels qui viendront présenter leur vision de ce

nouveau marché et des ruptures technologiques

attendues.

Réservez votre visite sur http://www.letidays.com/2014/

Page 15: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

15

I3 ce sont trois interrogations pour échanger avec un expert sur l'environnement de

l'entreprise.

Nous nous intéressons dans ce numéro au monde des technologies relatives aux objets augmentés et aux "smart cities". Des technologies qui permettent aujourd’hui à chacun d’entre nous d’expérimenter des espaces sans distances et des temps sans délais.

Classé dans « les 100 du Numérique » par le magazine l’Usine Nouvelle en avril 2012, Simon Richir est Professeur aux Arts et Métiers ParisTech (Ensam) et chef de rubrique réalité virtuelle pour les Techniques de l'Ingénieur. Co-fondateur et directeur scientifique de Laval Virtual, il dirige l’équipe de recherche « Presence & innovation » et le Master « Ingénierie du Virtuel et de l’Innovation ». Ses domaines d'enseignement et de recherche sont l’innovation technologique, les processus de conception de produits, la conduite de projets innovants et les nouveaux usages des nouvelles technologies comme la Réalité Virtuelle, la Réalité Augmentée, la Fabrication Additive (3D Printing).

Kamitis : Pouvez-vous nous parler de vos travaux de recherche et les applications visées?

S. RICHIR : Mes travaux de recherches concernent

l’ingénierie du virtuel et les méthodes de conception des

systèmes de réalité virtuelle et augmentée. En 1999, j’ai

eu l’opportunité de participer à la création de LAVAL

VIRTUAL : un concept proposé à François d'Aubert

(Député-Maire, Ministre de la Recherche) par le

Professeur Bernard Taravel, co-fondateur du

Futuroscope, et moi-même. Laval Virtual a eu très vite

un gros succès médiatique et populaire. Dans ce

concept, nous avons impliqué le grand public et c’était

en fait les prémices de ce que nous voyons maintenant

avec l’open innovation et les Living Lab.

C'est-à-dire que pour créer l’innovation, il faut essayer

d’impliquer l’utilisateur final le plus tôt possible dans le

processus. A Laval Virtual, nous accueillons beaucoup de

chercheurs étrangers, notamment des scientifiques

japonais de l’Université de Tokyo ou d’ailleurs qui

viennent faire tester au grand public des concepts et des

prototypes de produits (robots interactifs, écran sur

lequel on souffle, etc).

Ingénierie du virtuel : de la conception à l’application

Pr Simon RICHIR Professeur aux Arts et Métiers ParisTech (Ensam) Co-fondateur et directeur scientifique de Laval Virtual

" L’utilité, tout comme l’utilisabilité, l’accessibilité ou encore l’acceptabilité sont des notions majeures dans la conception "

CONTACT: [email protected]

http://www.laval.ensam.eu/actualites-recherche.html

http://www.laval-virtual.org/ http://3dliveproject.eu/wp/?lang=fr

Une année nous avons vu une application où on soufflait sur un écran. L’interaction homme-machine se faisait par le souffle, quelques années après il y a eu la détection du souffle sur Nintendo DS.

L’étude des nouveaux usages se fait sur des prototypes. Ainsi nous avons accueilli par exemple au début des années 2000 un dispositif, formé d’un ensemble de caméras face aux gens, qui capturait les mouvements puis on regardait si le « langage » des mouvements était facile à comprendre par les utilisateurs. C’était bien avant que la Kinect ne soit lancée sur le marché.

I3

Page 16: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

16

Le lien entre open innovation et technologies

émergentes est très important. Avec mon équipe, on

s’intéresse à comprendre comment une innovation, une

idée va naître et comment on arrive à l’amener jusqu’au

marché.

Nous nous intéressons plus spécifiquement aux

nouveaux usages et aux facteurs qui impactent

l’expérience utilisateur dans un environnement

immersif, en temps réel. Nous participons à ce sujet au

projet 3DLive. Ce projet vise à développer et

expérimenter une plateforme immersive de réalité

mixte permettant d’étudier la capacité des nouvelles

technologies de communication (e.g. mobile 4G) à

supporter le rendu en temps réel d’expériences

immersives. L’objectif principal de 3DLive consiste à

explorer les technologies 3D collaboratives dans des

environnements virtuels et réels pour permettre aux

utilisateurs de se sentir présents et d’interagir en temps

réel dans le cadre de pratiques sportives (ski, golf,

jogging). Nous cherchons à améliorer le partage d’une

expérience utilisateur et à aller plus loin qu’avec un

simple téléphone ! Demain, vous êtes sur le marathon

de New York, vous souhaitez partager cet instant avec

les gens qui sont restés en France, vous vous connectez

et ils auront l’impression de faire la course avec vous.

Donc là, nous brisons les premiers verrous surtout de

débit, de latence. Nous investiguons également le coté

social et l’impact de l’environnement virtuel sur les

interactions des individus. Est-ce que les relations

sociales améliorent la présence dans les

environnements virtuels ? Est-ce que le fait de partager

une expérience avec une autre personne à travers le

virtuel fera bénéficier cette personne d’une expérience

attrayante ? Voilà des interrogations auxquelles nous

cherchons à apporter des réponses.

Kamitis : Vous avez beaucoup investigué des notions comme l’utilité ou l’utilisabilité, quel est l’intérêt de ces études ?

S. RICHIR : Depuis plusieurs années, nous avons

remarqué que certains développeurs ou industriels

conçoivent des produits (des logiciels par exemple) et

viennent en tester les possibilités technologiques et

lever des verrous techniques notamment à Laval Virtual.

Bien souvent, ces solutions restent sans applications

industrielles concrètes, essentiellement parce qu’elles

n’ont pas été conçues dans un objectif de transposition

vers les entreprises. C’est la notion d’utilité qui a été

négligée !

Or l’utilité, tout comme l’utilisabilité, l’accessibilité ou

encore l’acceptabilité sont des notions majeures dans la

conception. Nous étudions les représentations des

notions d’"utilité" et de "besoin" chez les acteurs et

disciplines associées au domaine de la conception :

l’ingénierie, le design et l’ergonomie [1].

Pour cela, on s’appuie sur une équipe

pluridisciplinaire (informaticiens, designers, ergonomes,

psychologues,…) pour proposer une lecture fine et

nuancée de l’usage de ces technologies et réseaux. Ces

usages sont considérés comme des révélateurs de

nouveaux enjeux sociaux, économiques et politiques de

la société hypermoderne et connectée dans laquelle

nous sommes désormais entrés.

Kamitis : De quelle façon ces nouvelles technologies bouleverseront nos vies ?

S. RICHIR : Je pense aux générations de joueurs qui ont

l’habitude de naviguer dans des mondes 3D, et au fait

que sur Internet on évolue encore en 2D. Donc, quand

on va basculer en Web3D, il y aura un premier gap de

franchi. Le grand obstacle actuel, c’est la navigation

dans le web 3D avec ma souris. Comment intégrer des

images 3D interactives dans le web (les sites, les blogs,

…) ? Quelles solutions techniques pour que les pages

web (en 3D) soient supportées par un large éventail de

navigateurs ? Plusieurs solutions existent aujourd’hui sur

le marché, mais aucune ne s'est imposée : les

technologies, le matériel et les standards sont en

perpétuelle évolution dans ce domaine, et les choix ne

sont pas encore évidents.

Je vous laisse imaginer le stockage de fichiers sur un

écran en 3D : en profondeur comme si on rentrait dans

une bibliothèque et qu’on se baladait dans des nuages

de données ! Incomparable avec notre actuel affichage

2D avec les arborescences sur les fenêtres Windows ou

Mac (classement dans des dossiers, sous-dossiers, …).

La réalité virtuelle et augmentée est une fenêtre ouverte

sur le futur. Elle offre des perspectives immenses dans

différents domaines. Au service de l’urbanisme, elle

permet de simuler l’aménagement d’espaces et de

villes (voir l’encadré). A la croisée de l'informatique, des

sciences numériques et de la médecine, se positionne

l'imagerie médicale computationnelle. Cette dernière

offre, par exemple, de nouvelles capacités de

visualisation qui peuvent rendre le patient virtuellement

transparent (réalité augmentée) pour le guidage de

gestes complexes. Elle peut aussi faciliter

l’entrainement du praticien à travers la simulation de

gestes médicaux ou chirurgicaux (réalité virtuelle).

[1] Emilie Loup-Escande, "Vers une conception centrée sur l’utilité : Une analyse de la co-construction participative et continue des besoins dans le contexte

des technologies émergentes", Arts et Métiers ParisTech Angers, 2010.

Page 17: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

17

Les 16e Rencontres Internationales des Technologies et Usages du Virtuel se tiennent du 9 au 13 avril

2014 à Laval (Mayenne). Le salon a accueilli des professionnels, des scientifiques et des étudiants venus

présenter, tester et concrétiser leurs projets.

L’édition de cette année est marquée par la présentation de deux applications innovantes, entièrement

conçues par les chercheurs et étudiants des Arts et Métiers ParisTech (Ensam) : eLIV et AccesSim. Cette

dernière a été récompensée par l’attribution du Laval Virtual Award dans la catégorie « Transport et

Mobilité » jeudi 10 avril.

- La plateforme mobile AccesSim, un simulateur dynamique créé pour simuler l’aménagement

d’espaces adaptés à la mobilité des personnes handicapées. Très utile pour tout décideur en

urbanisme désireux d’inclure la présence d’équipements ad hoc à sa construction

d’infrastructures. Cette application permet de se mettre dans la peau d’une personne en

fauteuil roulant pour s’adapter à sa perception.

- L’application eLIV se présente comme une salle de réalité virtuelle d’un peu plus de 3 mètres

sur 3. Chaque mur est un écran géant, et chacun des sièges est équipé de capteurs déterminant

avec précision la position du spectateur. Les visiteurs auront le loisir d’expérimenter ce

dispositif interactif grâce au jeu nippon Hole in the wall, une alternative au fameux Tetris.

Page 18: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

18

Considérés comme la «troisième révolution de l'Internet», les objets augmentés vont bientôt s'imposer dans tous les domaines de la vie quotidienne et de l'entreprise. Pierrick THEBAULT, chercheur au MIT (Massachusetts Institute of Technology) et spécialiste de l’informatique ubiquitaire et de l’internet des objets, nous présente ses recherches concernant les objets et les villes du futur.

Kamitis : Vous êtes spécialiste de l’informatique ubiquitaire et de l’internet des objets. Pouvez-vous nous présenter

vos travaux de recherche ?

P. THEBAULT : À l'intersection des sciences de la

conception, de l'informatique ubiquitaire et des

interactions homme-machine, mes travaux de

recherches, pendant ma thèse de doctorat [1], ont porté

sur l’étude de nouveaux types d'applications permettant

d'interopérer les services du World Wide Web avec les

produits du quotidien. Ces applications « orientées

produit », capables de représenter, contrôler ou de

compléter les fonctions d'artéfacts intégrant des

capacités de traitement de l'information, remettent en

cause les principes et conventions établies par les

métiers de la conception. Elles préfigurent en effet

l'émergence de produits, certes connectés à Internet,

mais dont l'offre fonctionnelle peut également être

améliorée et modifiée au cours du temps, après la

fabrication et la commercialisation des produits, de

manière à répondre aux besoins changeants des

utilisateurs. Avec les produits « augmentés », la fonction

devient alors une composante immatérielle et

dynamique du produit, un matériau pour le design, qui

va bouleverser le travail sur la forme et les interactions.

Ils constituent selon moi une nouvelle étape dans

l’histoire des produits, illustrée par la figure ci-dessous,

dans la mesure où ils promettent de renouveler la

manière dont nous accédons à l’information et dont

nous interagissons dans le monde physique.

Figure. Les transformations des produits au cours du temps.

L’information comme nouveau matériau pour le design de produits

Dr PIERRICK THEBAULT Chercheur– Designer au MIT SENSEable City Lab

" Les enjeux soulevés par les technologies de l’Internet des Objets sur l’activité de

conception et plus particulièrement sur le travail du designer sont immenses."

CONTACT: [email protected]

http://senseable.mit.edu/

Page 19: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

19

Kamitis : Vous venez de nous présenter les produits augmentés. Mais que sont donc les lieux augmentés ?

P. THEBAULT : Si certaines applications s’articulent

autour de produits spécifiques, d’autres trouvent un

ancrage plus large sur l’environnement, dont elles vont

superviser ou orchestrer les interactions. On peut ainsi

envisager les lieux comme des entités virtuelles, des

« sphères » d’information, à la fois « conscients » des

produits qu’ils hébergent et « attentifs » aux actions des

utilisateurs. Avec des chercheurs des Bell Labs, où j’ai

réalisé ma thèse, nous avons créé une architecture

logicielle [2] permettent d’agréger et de sécuriser les

données produites au sein d’un espace donné, par des

produits, capteurs ou des utilisateurs. Elle permet

notamment de créer des représentations de l’évolution

des caractéristiques des lieux telles que leur

fréquentation, leur ambiance et les contenus dont ils

font l’objet. En analysant les interactions qu’ont les

utilisateurs avec des produits connectés ou des contenus

délivrés par une sphère d’information, il est également

possible d’identifier les actions les plus caractéristiques

d’un lieu. Une fois rendues publiques et mutualisés, ces

nouveaux « descripteurs » permettraient aux utilisateurs

de découvrir de nouveaux endroits ou de décider où aller

en fonction de leurs attentes ou de leurs besoins

immédiats. De nouvelles cartes de la ville pourraient

également être établies.

Kamitis : Actuellement vos travaux de recherche au sein du MIT SENSEable City Lab portent sur la ville « sensible »

pouvez-vous nous en dire plus ?

P. THEBAULT : Les très larges corpus de données

générées par les capteurs déployés à l’échelle de ville,

les réseaux de téléphonie ou encore les terminaux

bancaires permettent aujourd’hui, une fois agrégés,

traités et analysés, de mieux comprendre les

déplacements, les pratiques et les comportements des

gens. Les technologies de l’Internet des Objets nous

permettent aujourd’hui d’avoir un regard nouveau, en

en temps réel, sur l’espace urbain. Cette capacité à

« sonder » ou à « sentir » la ville à une échelle

macroscopique ou au contraire microscopique suscite

évidemment l’intérêt des urbanistes, mais aussi des

architectes et des designers, pour qui il est possible de

créer des systèmes adaptatifs, qui « répondent » ou

« réagissent » à la présence et aux actions des habitants.

Au delà des outils de visualisations que je conçois au sein

du laboratoire, je m’intéresse également aux formes

d’articulation entre le lieu et les applications, et à la

manière de représenter de manière tangible, in-situ, les

flux d’informations et les applications qui lui sont

propres.

Kamitis : La smart city ou la ville « sensible » sera-elle le standard pour les métropoles de demain ?

P. THEBAULT : Cette ville sensible est déjà réelle dans

beaucoup de pays. Des villes comme Rio de Janeiro,

Singapour, Songdo en Corée du Sud ou encore Masdar

dans les Emirats Arabes Unis en sont les exemples

emblématiques. Je pense qu’il ne faut pas enfermer le

concept de ville intelligente uniquement dans la

dimension technologique. Certes, la ville de demain

peut être conçue comme un gigantesque tableau de

bord permettant de contrôler et d'optimiser les flux et

processus logistiques urbains, mais elle doit surtout

concilier les piliers socioculturels et environnementaux à

travers une approche systémique, qui allie gouvernance

participative et gestion optimisée des ressources.

Kamitis : Quelles sont les barrières que vous voyez pour le déploiement des produits augmentés et de la ville

intelligente ?

P. THEBAULT : Les barrières qui freinaient jusqu’à présent

l’intégration des systèmes de captation ou de

traitement de l’information dans les villes ou les produits

ont pratiquement disparues. Il est possible de déployer

des capteurs ou des systèmes embarqués de manière

discrète sinon invisible, mais c’est l’ « intelligence » dont

nous les doterons qui transformera la ville. La question

n’est plus « comment ? », mais « pour quoi faire ? ». Il

appartient donc aux concepteurs, et en particulier aux

designers, de s’assurer de l’utilité des systèmes ou des

applications qui viennent augmenter le monde

physique.

Page 20: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

20

J’ai consacré une grande partie de mes travaux à l’étude

de la perception de l’Internet des Objets par les

utilisateurs. Les produits augmentés que j’ai prototypé

pendant ma thèse résultent par exemple d’une

démarche de co-création. Il me semble en effet

nécessaire de confronter les gens à ces objets

« intermédiaires » pour qu’ils prennent conscience des

possibilités et de l’expérience qu’ils délivrent. Les

utilisateurs seront d’ailleurs acteurs de la conception de

ces produits, puisqu’ils pourront intervenir sur leurs

fonctions à postériori. Il faut donc au maximum prendre

en considération leurs attentes, leurs besoins et leurs

réactions à chaque étape du processus de conception,

sans pour autant abandonner toute prise de risque.

Kamitis : Qu’en est-il de la problématique des données personnelles et du respect de la vie privée ?

P. THEBAULT : Produits et lieux augmentés sont en effet

une source inépuisable de données, qui pourront à la fois

être utilisées pour étudier la ville ou les pratiques mais

également être employées à des fins publicitaires. Il

serait dommageable de freiner l’innovation sous couvert

du respect de la vie privée. Je crois que le principal enjeu

reste de comprendre la valeur de ces nouvelles données

et la manière dont elles peuvent améliorer la société. Ce

seront aux citoyens de débattre et d’accepter ou de

refuser l’emploi de leurs données. Je pense qu’il faut

donner l’opportunité aux gens de comprendre cette

nouvelle économie de données, puis de laisser choisir

s’ils veulent ou non y contribuer. La question de la

contrepartie sera sans doute cruciale. Verra-t-on

émerger des « donneurs » de données, acteurs de la

collectivité, où des banques de données reversant une

partie des revenus générés aux individus ?

Kamitis : Quelles solutions pouvez vous imaginer pour la protection de ces données ?

P. THEBAULT : Des acteurs politiques comme le Parti

Pirate en Allemagne considèrent que l’architecture

d’Internet n’est pas adaptée à cette nouvelle économie

de données. Ils prônent l’utilisation de réseaux « peer to

peer », visant à distribuer l’information dans des milliers

d’ordinateurs plutôt que dans quelques serveurs

appartenant à des entreprises ou à des institutions. Sans

remettre en cause l’infrastructure existante, je crois

dans le développement de serveurs locaux, intégrés ou

connectés aux « box » des opérateurs télécom. Ces

« clouds » privés, dédiés à la collecte et à l’analyse des

données générées par tous les capteurs et produits

présents dans l’environnement, constitueraient une

alternative intéressante. Les données ne

s’échapperaient pas vers des serveurs dont on ne

connaît pas la localisation ni les administrateurs, mais

resteraient confinées aux frontières physiques du lieu, et

donc sous la gouvernance de son propriétaire.

A plus court terme, je pense qu’il sera nécessaire de

mettre en place, à l’échelle d’un service ou d’un état, des

plateformes collaboratives de gestion des données. Ces

dernières permettraient non seulement aux utilisateurs

de visualiser les données les concernant, d’identifier la

manière dont ils sont utilisés, et d’accepter ou refuser

leur utilisation par des acteurs tiers. A l’instar des

plateformes de « crowdfunding », il serait intéressant de

laisser l’opportunité aux gens de partager leurs données

personnelles avec des chercheurs, institutions ou

entreprises engagées dans un projet scientifique ou

social. Je suis confiant dans la capacité des citoyens à

s’adapter aux innovations technologiques et à trouver

l’équilibre entre vie privée et bénéfice collectif !

Références :

[1] Pierrick Thebault, "La conception à l’ère de l’Internet des Objets : modèles et principes pour le design de produits aux

fonctions augmentées par des applications", LAMPA - Laboratoire Arts et Métiers ParisTech d'Angers, 2013.

[2] Pierrick Thebault, Dominique Decotter, Mathieu Boussard, Monique Lu, « Embodying services into physical places:

Toward the design of a mobile environment browser », ACM Transactions on Interactive Intelligent Systems (TiiS), 2013.

Page 21: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

21

La "Smart city" incarne l’innovation et la technologie au service des citoyens. Qu’il s’agisse de transports, de connectivité, de sécurité, etc., ce concept recouvre les solutions pour les métropoles du futur. VALERIE ISSARNY, directrice de recherche à l’Inria Paris-Roquencourt, nous décrit les efforts entrepris pour la conception et le développement de la ville intelligente.

Kamitis : Depuis plusieurs années, vous vous intéressez aux problématiques liées à l’internet du futur. Pouvez-vous

nous présenter vos travaux de recherches ?

V. ISSARNY : Les recherches des équipe-projets Inria

ARLES et MiMove qui lui succède sont centrées sur

l’étude d’architectures logicielles de systèmes distribués

exploitant les technologies de communication du futur

et particulièrement les communications mobiles.

L’objectif est de développer des méthodes et outils pour

faciliter le développement d’applications basées sur ces

technologies. Nous nous intéressons plus

spécifiquement aux applications dîtes ubiquitaires dont

la notion a été introduite dans les années 90 mais qui ne

se retrouvent dans notre quotidien que depuis

récemment. L’Internet du futur, incluant l’Internet des

objets, joue en effet un rôle essentiel dans le

développement de l’informatique ubiquitaire de par la

connectivité accrue des équipements et l’intégration des

mondes physiques et virtuels, qui sont rendues

possibles. Nos dernières recherches sont ainsi focalisées

sur l’interopérabilité des systèmes de l’Internet du futur

ou encore l’Internet des objets mobiles que nous voyons

comme une composante importante de l’Internet du

futur. Nous développons pour ce faire de nouveaux

algorithmes et protocoles pour faire face à la croissance

massive de l’hétérogénéité, de la dynamique mais

également de l’échelle des systèmes distribués

considérés. Par exemple, ne considérant que le sujet de

l’interopérabilité, nous étudions des solutions à la

traduction de protocoles à la volée.

Kamitis : Quelle est l’importance de ces recherches au niveau fondamental et au niveau applicatif ?

V. ISSARNY : Comme suggéré précédemment, les

sujets de recherche que nous étudions sont essentiels

pour un développement effectif de l’Internet du futur et

en particulier de l’Internet des objets mobiles qui est,

selon nous, appelé à devenir une composante

prépondérante de l’Internet du futur. En effet, la

diversité des systèmes constituant l’Internet du futur

requiert de repenser les solutions à l’interopérabilité car

l’approche classique basée sur les standards est trop

limitative.

Objectif : Villes intelligentes

Dr VALERIE ISSARNY

Directrice de recherche au centre de recherche Inria Paris-Rocquencourt,

Dr Valérie Issarny

Directrice de recherche au centre de recherche Inria Paris-Rocquencourt,

" Nous nous intéressons aux applications liées à la « ville intelligente »

et plus particulièrement aux applications qui impliquent le citoyen

dans la gouvernance de la cité"

CONTACT: [email protected]

https://www.rocq.inria.fr/arles/index.php/members/94-valerie-issarny

" Nous nous intéressons aux applications liées à la « ville intelligente »

et plus particulièrement aux applications qui impliquent le citoyen

dans la gouvernance de la cité"

Page 22: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

22

De même, les infrastructures logicielles pour les

systèmes de l’Internet des objets mobiles doivent

prendre en compte le facteur d’échelle qui va bien au

delà de l’Internet que nous connaissons aujourd’hui ; il

suffit pour s’en convaincre de considérer le nombre

croissant de dispositifs mobiles et des capteurs qu’ils

embarquent. Il est également nécessaire de prendre en

compte les ressources limitées de nombreux

équipements de l’Internet des objets. Enfin, nous

considérons que les capteurs mobiles doivent être non

seulement physiques mais également sociaux, c’est-à-

dire, pouvoir refléter la perception du monde physique

par les usagers pour obtenir une information tant

qualitative que quantitative sur l’environnement. Pour

répondre à ces défis, nous étudions notamment des

protocoles probabilistes mais également une

caractérisation sémantique des systèmes pour

permettre leur composition.

Les systèmes logiciels de l’Internet du futur ouvrent la

voie à de nombreuses applications innovantes. Pour

notre part, nous nous intéressons aux applications liées

à la « ville intelligente » et plus particulièrement aux

applications qui impliquent le citoyen dans la

gouvernance de la cité, ce qui est rendu possible par

l’Internet des objets mobiles couplant capteurs

physiques et sociaux. Ces applications vont des

applications encourageant l’utilisation des transports

publics à des applications de monitorage des nuisances

urbaines ou encore des applications spécifiques

d’associations citoyennes.

Nous sommes notamment fortement impliqués dans

l’initiative Inria sur les villes numériques, appelée

CityLab@Inria, qui vise l’étude et l’intégration des

nouvelles technologies du numérique pour la ville

intelligente, des technologies réseaux aux

infrastructures logicielles distribuées et solutions à la

gestion et analyse des données collectées. Notre

contribution est plus spécifiquement axée sur l’étude

des infrastructures logicielles distribuées pour les

systèmes urbains qui intègrent nos recherches évoquées

plus haut. Nos résultats récents sur ces sujets ont été

largement développés dans le cadre de partenariats

européens grâce aux programmes cadres de la

commission et notamment FP7. Nous avons donc

développé les bases d’une nouvelle approche à

l’interopérabilité dans le cadre du projet FET CONNECT

ainsi qu’une infrastructure logicielle distribuée pour

l’Internet du futur dans le cadre du projet CHOReOS.

Kamitis : D’après vous, quels sont les enjeux et les défis que l’internet du futur pourra relever demain ?

V.ISSARNY : Nous n’en sommes qu’à l’émergence de

solutions et les verrous scientifiques et technologiques

restent nombreux. Il ne faut pas non plus négliger

l’importance des expérimentations et notamment des

expérimentations à l’échelle réelle. Si l’on prend par

exemple le domaine des villes intelligentes, nous ne

pourrons évaluer les solutions proposées que si elles

sont effectivement déployées. Ceci est également

impératif pour comprendre les évolutions nécessaires

pour répondre au mieux aux besoins du citoyen. Il ne

faut pas non plus sous-estimer les risques possibles

associés au développement des villes intelligentes

comme les atteintes au respect de la vie privée qui

peuvent en découler. Enfin, il est impératif que les

recherches se fassent en partenariat étroit avec les

différents acteurs concernés.

Page 23: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

23

"Si nous ne voulons pas nous passer du progrès, il faut désormais savoir l’interroger". FRANCIS JAUREGUIBERRY,

Professeur de sociologie et directeur du laboratoire SET (Société Environnement Territoire), nous propose une

lecture fine et nuancée des nouvelles technologies et des usages qui les accompagnent. Il nous invite à une réflexion

autour des enjeux sociétaux et économiques de la société hypermoderne et connectée d’aujourd’hui.

Kamitis : Vos travaux de recherche concernent les usages des technologies de communication et mettent l'accent sur

la mesure des changements que ces usages ont induits notamment au niveau des règles sociales. Pouvez-vous nous

présenter vos travaux de recherches en quelques mots ?

F. JAURÉGUIBERRY : Depuis maintenant plus de vingt

ans, je travaille sur les usages de technologies de

communication ou, plus précisément, sur les gros

utilisateurs de ces technologies, ceux qui s’en servent de

façon intense. J’ai travaillé avec les premiers utilisateurs

des téléphones portables, puis des smartphones et des

tablettes ainsi qu’avec ceux qui passent beaucoup de

temps sur Internet. Ce sont des technologies dont les

applications vont plus vite que les réflexions

sociologiques, juridiques et même philosophique sur

leurs effets, sur la façon dont elles transforment notre

rapport à la vie quotidienne. C’est pour cela que j’ai

toujours employé des méthodologies très intervenantes

pour savoir ce qui était en train de changer sous nos

yeux afin d’essayer, avec les acteurs de ce changement,

d’anticiper les nouveaux enjeux qui se dégageaient.

Par exemple, il est très vite apparu que les portables

étaient des outils qui permettaient un nouveau rapport

au temps, plus rentable et efficace, dans lequel la

gestion au fil de l’eau prenait une autre dimension. Cette

entrée dans une société de l’immédiateté

télécommunicationnelle est vécue de façon très positive

au niveau économique car synonyme de

raccourcissement des délais, d’accélération des rythmes

et de généralisation de la simultanéité. Dans la guerre

économique que se livrent les acteurs de la chrono-

compétitivité, elles sont converties en de véritables

armes. Mais elles ont aussi produit des situations non

voulues, inattendues, qui se sont révélées être

négatives : accumulation incontrôlable d’informations

interdisant leur traitement efficace, dispersion au

travail, sentiment de manque de temps et que l’urgence

remplace la réflexion. Tension, stress et parfois même

anxiété apparaissent alors, conduisant certains vers des

formes de souffrance au travail, de pathologies

psychosomatiques et même de burn-out.

Technologies de la communication : nouvelle donne

anthropologique

Pr FRANCIS JAURÉGUIBERRY

Directeur du laboratoire SET (Société Environnement Territoire – CNRS UMR 5603)

Dr Valérie Issarny

Directrice de recherche au centre de recherche Inria Paris-Rocquencourt,

CONTACT: [email protected]

http://set.univ-pau.fr/live/ http://web.univ-pau.fr/~jauregui/

" Les terrains d’intervention nourrissent la réflexion sociologique, et le

regard éloigné du sociologue révèle très souvent des disfonctionnements

que les acteurs de l’entreprise ou du service qui sont sur le pont ne peuvent

ou ne veulent pas voir. "

Page 24: La vie quantifiée - Publication Kamitis avril 2014

24

Je ne suis pas un sociologue de bureau et j’interviens

très souvent dans des entreprises : ce n’est qu’en allant

sur le terrain que ce thème de nouvelle temporalité est

apparue. Ce n’est par exemple qu’en interwievant des

cadres, en faisant le point avec eux sur leur emploi du

temps, les taches traitées, la porosité entre vie

professionnelle et vie privée, etc. que j’ai pu,

concrètement mesurer l’individualisation de problèmes

qui devraient en fait être traités collectivement. Ça a l’air

tout bête, mais le sociologue arrive, constate que

chacun se plaint séparément de la même chose, par

exemple du flux des e-mails ou des appels téléphoniques

incessants qui les empêchent de se concentrer sur une

tâche, mais que rien n’est fait, la situation semblant leur

échapper. Les terrains d’intervention nourrissent la

réflexion sociologique, mais en retour, le regard éloigné

du sociologue révèle très souvent des

disfonctionnements que les acteurs de l’entreprise ou du

service qui sont sur le pont ou le nez dans le guidon ne

peuvent ou ne veulent pas voir. Je crois beaucoup à cet

échange entre chercheurs et entreprise dans le domaine

des sciences humaines trop souvent négligées mais dont

l’objet est pourtant notre quotidien.

Kamitis : Aujourd’hui, l’individu est assimilé à un « être numérique » interconnecté qui évolue dans un monde virtuel.

Quels sont vos constats concernant l’évolution de cet être au cœur des nouvelles logiques d’échange et d’exposition ?

F. JAURÉGUIBERRY : Je parlais à l’instant de

l’accélération du temps : les choses vont « plus vite », les

délais sont « plus courts », les flux sont « tendus » et les

gens « pressés ». Les technologies de communication

sont les outils de cette accélération. Mais elles nous

introduisent aussi, sans que nous en prenions vraiment

la mesure, dans un nouveau monde. Un monde où la

réalité ne se contente pas d’être là, face à nous, mais un

monde où, désormais, cette même réalité nous parle et

nous informe sur son état. Capteurs et puces

électroniques distribués dans notre environnement

physique, RFID collés aux objets, systèmes de

géolocalisation nous informent en temps réel sur l’état

de ce qui nous entoure, de la circulation, de la pollution

de l’air, du nombre de taxis ou de vélos disponibles dans

telle ou telle station, des services alentours. De façon

désormais banale, il est possible de savoir exactement

où l’on se situe dans une ville, combien de mètres il faut

parcourir jusqu’à la prochaine bouche de métro, où se

trouve le restaurant végétarien le plus proche ou encore

de savoir quels sont les horaires des prochaines séances

des films devant être projetés dans la demi-heure qui

suit dans un rayon de 500 mètres. Plusieurs chercheurs

du laboratoire du CNRS que je dirige (le SET) travaillent

sur ce thème, sur la géolocalisation, sur la réalité

augmentée et, là aussi, essaient d’anticiper des enjeux

sociaux avant que des situations non voulues se

convertissent en irréversibilités sur lesquelles il serait

ensuite très difficile de revenir. Par exemple, la

possibilité de faire des choix individuels synonymes

d’optimisation et d’économie à partir de données

collectives elles-mêmes basées sur la collecte et

l’interprétation des traces laissées par chacun rend nos

villes plus intelligentes. Mais dans le même temps, la

transparence à laquelle peuvent conduire ces mêmes

technologies de géolocalisation et de localisation des

activités représente un indéniable danger. Dans la

société de risque dans laquelle nous sommes, ceux liés

au détournement des données, à leurs manipulations à

des fins politiques ou commerciales sont en effet

grands. Une nouvelle inquiétude est en train de

clairement apparaitre et, si nous ne voulons pas nous

passer du progrès, il faut désormais savoir l’interroger

dans ses potentiels effets négatifs. L’avenir appartient

sans doute à ceux qui, en la matière, sauront anticiper

ces craintes et attentes en terme de droit individuel au

silence, de droit à l’opacité et à l’anonymat, et sauront

les traduire en applications, systèmes et règles.

Kamitis : Quels sont les enjeux de ces changements que vous étudiez en termes économiques, politiques

et sociaux?

Enormes, les enjeux sont énormes. Economiquement,

c’est une évidence. Mais en terme de société aussi, et je

pense même que l’on peut parler de nouvelle donne

anthropologique. Car ces technologies semblent

répondre (en partie évidemment) à un désir vieux

comme l’humanité, celui d’ubiquité, et à un fantasme

vieux comme l’individu, celui du contact permanent

avec les êtres aimés. Ubiquité, immédiateté et

permanence par-delà le principe de réalité de ce monde

qui sépare, éloigne et isole. Quel énorme changement,

effectivement ! Toute la question est de savoir

désormais non pas seulement comment on utilise ces

technologies mais comment on les maîtrise. Je viens de

coordonner une vaste recherche réunissant une

vingtaine de chercheurs appartenant à cinq laboratoires

différents sur la déconnexion. Cela peut sembler

paradoxal pour quelqu’un qui s’intéresse avant tout aux

gros utilisateurs. Et bien, justement, c’est parmi ces

mêmes gros utilisateurs qu’apparaît le plus, comme en

creux, un désir de déconnexion.

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Le désir de déconnexion apparait dans des situations de

saturation, de trop-plein informationnel, de

débordement cognitif, de harcèlement ou de

surveillance dans lequel l’individu se sent dépassé ou

soumis. Dans les cas extrêmes de burn out, le rejet des

TIC fait partie intégrante d’une attitude de défense

ultime qui permet à l’individu de survivre quand il ne

peut plus lutter. Mais ces cas sont rares et relèvent

moins d’une déconnexion volontaire cherchant à

maîtriser des flux communicationnels que d’une

déconnexion mécanique visant à ne pas se laisser

emporter par un afflux ingérable. À l’image d’un

disjoncteur qui saute lorsque l’intensité électrique

devient trop importante, la déconnexion est ici

purement réactive. Les conduites de déconnexion

volontaires se situent toutes en deçà de telles réactions

extrêmes. Elles visent précisément à éviter de rentrer

dans la zone rouge du burn out et de subir des situations

de surcharge informationnelle insupportables. Face à un

nombre d’e-mails ou de SMS manifestement trop grand

pour être raisonnablement gérés, à un nombre d’appels

téléphoniques trop fréquents pour ne pas être

perturbateurs, à la dimension trop chronophage de

l’entretien des réseaux sociaux sur Internet, des

tactiques de réajustement visant à reprendre la main

dans la gestion de son temps et de ses occupations

apparaissent. Ces pratiques ne sont pas synonymes

d’une déconnexion totale ou d’un rejet global des TIC,

loin de là, mais d’une déconnexion ponctuelle, partielle

et située gage de leur maîtrise et de leur usage raisonné.

Mais la possibilité même d’adopter ces conduites est

nettement inégalitaire. Il y a des situations

(professionnelles mais aussi existentielles) où certains

n’ont justement pas la possibilité de se déconnecter ne

serait que pour quelques minutes, mais doivent au

contraire répondre immédiatement. Dit autrement :

certains ont le pouvoir de se débrancher et d’autres ont le

devoir de rester branchés. L’obligation de rester branché,

et donc de subir la tension d’une urgence potentielle,

conduit à poser l’hypothèse de l’apparition d’une

« nouvelle richesse » et d’une « nouvelle pauvreté »

parmi les branchés. Les nouveaux pauvres des

télécommunications sont ceux qui ne peuvent pas

échapper à l’obligation de répondre immédiatement, et

qui doivent donc vivre dans l’urgence et dans

l’interpellation continue, et les nouveaux riches sont

ceux qui ont la possibilité de filtrer et d’instaurer de la

distance vis-à-vis de cette interpellation.

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