Magazine Surface - Le uber de la rénovation - Alain Fortier, Josianne Marsan

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Les entreprises dont nous discuterons dansla suite de cet article ont été choisies pourreprésenter deux modèles d’affaires de cesjeunes pousses ou start-ups. La croissancede ces entreprises peut être assez fulgu-rante, par exemple ManoMano est passéd’un chiffre d’affaires de 32 millions d’eurosen 2015 à 100 millions l’année dernière1.Dans d’autres cas, des partenariats fontmonter le ton des ouvriers du bâtiment enraison de pressions à la baisse sur les coûtsde la main-d’œuvre, par exemple l’allianceentre un grand distributeur spécialisé dansla construction et le bricolage en France etla jeune pousse Frizbiz2. Des compagniesd’assurance reconnues vont même garantirles travaux effectués, ce qui rend d’autantplus attrayante cette offre de serviceauprès des consommateurs.

ManoMano et SuperManoAprès une analyse d’opportunité, les deuxcofondateurs de l’entreprise ManoMano ontévalué que la rénovation était un marchéde 30 milliards d’euros pour la France etreprésentait le premier poste de dépensesdes foyers français en biens de consomma-tion. En 2013, l’offre numérique limitée surce marché représentait une occasion d’af-faires en or pour les deux entrepreneurs.Pour y répondre, ils ont mis sur pied uneplace de marché ou market place, ce qui

s’apparente à une partie de l’offre de serv-ice d’Amazon. ManoMano peut compter surun réseau de 350 marchands choisisreprésentant 1 000 marques pour vendredes produits.

ManoMano est en fait un intermédiaireentre les marchands et les consommateurs.Le marchand est responsable des stocks etde la logistique. Pour les consommateurs,ManoMano sélectionne les marchands fia-bles, trouve les meilleurs coûts proposés ets’assure de la conformité des services ren-dus par rapport à la promesse. Pour lesmarchands, la jeune pousse représente unsceau de confiance sur les services renduset une opportunité de rejoindre un réseaupotentiel de 200 000 clients, autant desbricoleurs que des rénovateurs profession-nels. À toutes heures du jour et de la nuit,des experts en rénovation contribuent àanimer une communauté en ligne pourmieux conseiller le consommateur. La mar-que ManoMano et les efforts en référence-ment Web contribuent à attirer desconsommateurs et des marchands sur cetteplace de marché.

Pour compléter son offre de service,ManoMano a créé SuperMano, qui offre auxconsommateurs l’opportunité de trouverdes bricoleurs amateurs ou professionnelspour faire effectuer leurs travaux. Lescritères de sélection des bricoleurs se

Le domaine de la rénovation ressentde plus en plus les impacts de l’é-conomie collaborative. Les entre-prises Uber et Airbnb représententdes leaders dans ce type d’économie.Ces entreprises tirent avantage despossibilités numériques pour pé-nétrer des marchés jusqu’à toutmaintenant quasi protégés. Les tech-nologies de l’information facilitent ladéfinition de l’offre de service di-rectement aux consommateurs. Dece fait, Uber a bouleversé le domainedu taxi pendant qu’Airbnb a ébranléles entreprises de l’industriehôtelière. La rénovation attire ausside nouveaux joueurs avec des mod-èles d’affaires novateurs qui modi-fient l’équilibre actuel des marchés.

Le Uber de la rénovation

Détenteur d’un MBA pour cadres de l’Université Concordia, Alain Fortier a également fait des étudesde deuxième cycle en affaires électroniques et marketing sur les nouveaux médias à l’UniversitéLaval. Depuis près de 20 ans, il travaille en stratégies d’entreprise et performance organisationnelle,entre autres dans le commerce de détail et le secteur public. Alain est actuellement conseiller prin-cipal en gestion et technologie. alain.fortier@cgi.comhttp://ca.linkedin.com/in/alainfortiermba

par Alain Fortier, en collaboration avec Josianne Marsan

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basent sur le coût, la fiabilitéet la proximité du service. Lesite permet au consomma-teur d’obtenir une soumis-sion pour exécuter le travail,de trouver les personnescompétentes et de payer letout lorsqu’il sera pleine-ment satisfait des travauxeffectués. Selon un des co-fondateurs de SuperMano,les coûts de main-d’œuvreseraient huit fois moinsélevés que les taux ha-bituels. La compagnie d’as-surance Allianz couvre les frais entre autrespour mauvaise pose ou pour des accidentssubis sur le chantier. Le succès deManoMano et de SuperMano a permis decollecter des fonds à la hauteur de 13 mil-lions d’euros pour mieux investir lesmarchés de la Belgique, de l’Espagne, de l’I-talie, du Royaume-Uni et de l’Allemagne.

Frizbiz et Leroy MerlinEn 2013, Frizbiz a flairé la bonne affaire pourmettre en rapport des gens ayant besoind’un coup de main et des personnes ayantdu temps et des compétences pour y répon-dre. Ce constat a amené Frizbiz à mettresur pied un site d’échange de services entreparticuliers3. Rapidement, les propriétairesde Frizbiz ont su déceler que la rénovationreprésentait une large portion deséchanges de service sur le site. Leroy Mer-lin, joueur majeur dans la distribution spé-cialisée dans la construction, le bricolage

et le jardinage, s’est montrée intéresséeaux activités de Frizbiz. L’entreprise a testéles services de Frizbiz, entre autres l’instal-lation de revêtements et la peinture de sur-face, en les offrant aux clients dansquelques-uns de ses magasins. À la vue dusuccès remporté par ce projet pilote, le dis-tributeur a investi un montant non divulguédans l’entreprise Frizbiz en 2015.

Leroy Merlin représente un partenairede choix qui compte 407 magasins et faitpartie du groupe ADEO regroupant des ban-nières de moyennes surfaces comme Wel-dom, Bricocenter, Zodio, Aki et Bricoman. En2015, le groupe ADEO représentait un chiffred’affaires de 17,6 milliards d’euros. En 2016,la compagnie d’assurance Axa s’est ajoutéecomme partenaire dans l’aventure Frizbizpour garantir les risques liés aux servicesofferts par les bricoleurs. Avec un dé-ploiement du site d’échange dans plus de

120 magasins actuellement,le lien d’affaires entre lesFrizbiz et Leroy Merlin per-met de croire dans un ac-croissement des servicesrendus dans d’autres maga-sins et peut-être sousd’autres bannières. Déjà, lesouvriers du bâtiment s’in-quiètent des impacts surleurs propres activités4.

Pendant ce temps, au CanadaEn Alberta, l’application mo-

bile Trade Pros est un site d’enchère pourdes travaux de rénovation à effectuer5. Endébut d’année, le site présentait un volumede demande totalisant 2,5 millions de dol-lars pour la seule ville d’Edmonton. Pour lesgrandes villes canadiennes, le site Web Ask-forTask permet de trouver un éventail deservices dont l’installation de revêtementsde sol ou la peinture de surface. Les com-portements des consommateurs en ligneimposeront des changements dans le con-texte de la rénovation au Canada. Uneréponse adéquate aux défis attendus pour-rait passer par une valorisation de l’ensem-ble des professionnels de l’industrie auxplus hauts standards de qualité ainsi qu’unevalorisation des services connexes offertsaux consommateurs comme le conseil à lavente. La transformation numérique s’ins-crit comme un incontournable dans le con-texte économique actuel.

Liens utiles

1- Qui est ManoMano.fr, cette sorte de "Uber-Amazon" du brico-jardin ? https://goo.gl/9pMLi6

2- Leroy Merlin et Frizbiz : vers un Uber du bricolage ? Les artisans en colère https://goo.gl/ot8kQN

3- Avec la startup Frizbiz, Leroy Merlin mise sur le collaboratif et les « coups de main » entre particuliers https://goo.gl/5A9LpA

4- En offrant du boulot aux bricoleurs, Leroy Merlin irrite les artisans https://goo.gl/FGZrAu

5- The Uber-ization of the Canadian economy https://goo.gl/ooRG4u

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« Dans le nouveau monde, ce n’est pas le gros

poisson qui mange le petit, c’est le plus rapide

qui mange le plus lent. »

— Klaus Schwab, fondateur du Davos World Economic Forum

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