Structure du désir et corps à l’épreuve

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L’évolution psychiatrique 73 (2008) 239–253

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

L’épreuve du corps

Structure du désir et corps à l’épreuve�

Desire structure and body in test

Sliman Bouferda ∗Psychologue clinicien, docteur en psychopathologie fondamentale

et psychanalyse, institut médico-éducatif Le-Moulin-Vert,2, rue Bernard-Potier, 02300 Blérancourt, France

Recu le 24 juin 2007 ; accepté le 20 fevrier 2008Disponible sur Internet le 15 avril 2008

Résumé

Cet article tente d’analyser les conditions dans lesquelles l’émergence d’un discours structuré autourde l’esthétique du corps aboutit à l’annulation de « l’idéal du moi » au profit d’un « modèle canonique »,dont le sujet adopte les critères de perfection, afin de positionner son désir par rapport au regard del’autre. Ce discours d’ambiance qui fait partie du système de signification instauré par la postmoder-nité concourt à faire de l’aliénation une doublure psychologique de la norme imaginaire. On reprendraici les répercussions psychopathologiques qui se manifestent à travers l’aliénation intégrée par le sujetcomme issue possible pour affronter les blessures narcissiques qui peuvent survenir dans les rapports aucorps.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

This paper tries to analyze occurrences from where can grow speeches, structured by body aesthetic. Sucha speech leads both to cancelling “the ego ideal” and adopting a “canonical model”, erecting its criteria intoa perfection pattern in order to expose one’s desire to another’s foresight. Such an ambiance speech, partof the signification system, established by postmodernity, contribute to turn alienation into a psychologicallining of imaginary standard. We will talk further about the psychopathological repercussions observed

� Toute référence à cet article doit porter mention : Bouferda S. Structure du désir et corps à l’épreuve. Evol psychiatr2008; 73.

∗ Auteur correspondant. 57, rue de Francières, 60190 Rémy, France.Adresse e-mail : bouferda@neuf.fr.

0014-3855/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.evopsy.2008.02.007

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through alienation, integrated by a subject, as a possible outlet to face narcissistic injuries that may occur inintercourse with body.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Désir ; Discours ; Corps ; Norme imaginaire ; Clinique

Keywords: Desire; Speech; Body; Imaginary standard; Clinic

« En tant que j’ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d’autrui et ne pluscompter pour lui comme personne, ou bien, au contraire, je peux devenir son maître et leregarder à mon tour, mais cette maîtrise est une impasse, puisque, au moment où ma valeurest reconnue par le désir d’autrui, autrui n’est plus la personne par qui je souhaitais d’êtrereconnu, c’est un être fasciné, sans liberté, et qui à ce titre ne compte plus pour moi. »

Maurice Merleau-Ponty [1]

1. Monocentrisme, sujet en situation : les effets d’un discours

La postmodernité, à y entendre une discontinuité historique qui nous propulse vers le savoir desvérités, ouvre maintenant sur l’émergence d’un discours amené à loger toute tentative d’injecterdes normes présupposées pour réajuster les relations entre sujet et monde extérieur. Ce discours,on peut l’appeler discours monocentrique et on peut le définir, avant de revenir sur ce qui l’articuleaux modes d’aliénation qu’il impose à la subjectivité, comme territoire d’explications, de gui-dances et d’incitations rendant possible que les métaphores esthétiques du Canon, comme celamême représenté par la statue de Polyclète, soient prises à la lettre dans une gestion spécifique despulsions. Assez spécifique pour que l’idéal du Moi s’y retrouve substitué par un modèle canoniqueintégré comme incontournable dans l’établissement des rapports à l’objet. Ainsi, peut-elle appa-raître en adéquation avec une dynamique psychique où le sujet s’invente des critères d’admissionafin de satisfaire ses constructions imaginaires.

Le discours monocentrique aboutit à la création d’un seul et unique axe de vérité qui s’instituecomme référence exclusive et comme stylistique de contrôle s’exercant à stimuler des contradic-tions. Cet axe, nourri de prétentions que les individus peuvent s’accaparer, finit par opposer uncentre à une périphérie ; celle-ci devant se dissoudre dans et à travers celui-là. Paradoxalement, ildéclenche chez le sujet dont il fabrique lui-même la typicité, une logique de décentration qui faitressurgir le sexuel comme figure de communication à l’usage du corps. Dans cette communica-tion et pour en avoir plus, le sujet se manifeste au nom de la liberté alors même qu’il entreprendune ritualisation de l’aveu [2]. Justement, c’est parce que ce discours annule la demande par lafabrication de réponses préconcues et anticipées, qu’il est porté à restreindre la liberté. Là où ilest supposé « porter secours », il vient initier, par effraction, la négation du choix et assombrir, parintrusion, le travail psychique qui témoigne de telle ou telle souffrance, de tel ou tel déséquilibre.On pourrait le considérer comme une doublure morale et moralisante de la normalité convoquéeen savoir, c’est-à-dire susceptible de se réaliser par le biais de techniques aussi diverses que sontdivers les champs d’humanisation sur lesquels celles-ci s’exercent et s’accomplissent. D’où l’unede ses caractéristiques les plus fondamentales : il saisit son efficacité, non pas parce qu’il est enparfaite concordance avec tous ces champs d’humanisation, mais parce qu’il arrive à atteindre lenoyau à partir duquel les uns se raccordent aux autres. Ce noyau n’est autre que le corps qui se

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manifeste dans tous ses états et qui tente de se représenter sous l’emprise d’un double souci, celuidu rapport à la sexualité d’une part et celui du rapport à la mort d’autre part.

Ce double souci, rendant le corps sensible aux regards qui se posent sur lui, aux démonstrationsqui consistent à l’investir et aux altérations du temps, permet que le discours monocentrique puisseopérer des transferts sémiologiques du culturel vers le libidinal. Et on voit apparaître toute uneingénierie de l’image qui va utiliser le corps comme point à partir duquel il est possible de brancherles individus en permanence au mythe de la perfection qui les renvoie à leurs insuffisances et,par un retournement publicitaire, aux possibilités inépuisables d’y remédier. Il s’agit, en effet,de créer un régime qui provoque les individus jusqu’à ce qu’ils se déclarent par leurs défauts,jusqu’à ce que leurs défauts les engagent dans une dynamique d’autodépréciation. Dans ce régime,la vérité est pointée à partir de ce qu’on établit comme critères de vérité ; la vérité de ce qui n’estpas bon à garder et donc de ce qui fait de son propre corps le prétexte à toutes les blessuresnarcissiques. Analogie avec le modèle canonique et circularité pernicieuse de ses propriétés,voilà comment on pousse à manifester les rapports au corps dans ce qu’il a de plus intime,mais aussi de plus monstrueux. Livré à une expertise qui le saisit dans sa différence pour luiproposer de l’homologuer, le corps s’avoue ses secrets, ses défaillances, ses médiocrités, sesimpuissances. Il s’abandonne à un processus de régulation où le désir est à jamais à revoir selondes paramètres dépourvus d’affect, mais chargés d’une forte intensité affective. C’est cela qui mesemble constituer l’un des couplages les plus opératoires que la postmodernité est venue introduireafin de produire son système de significations. Couplage du savoir et de la vérité qui implique quetout individu doit, pour être dans la communication avec l’autre, apprendre à le maîtriser jusqu’àlui prêter des yeux pour le regarder. Et c’est effectivement parce que l’individu est à la fois relaiset consommateur de ce système de significations – par le fait qu’il doit s’y inscrire d’une manièreou d’une autre – qu’il est manipulé dans ce qu’il possède de plus singulier, c’est-à-dire le travailpsychique lui permettant d’assumer sa subjectivité sans se sentir obligé de l’étalonner. Là où il estsujet de relations, il est soumis à des procédés par lesquels son humanité est calculée, évaluée et ducoup calquée sur les manuels qui prolifèrent comme pour dire « jusqu’à maintenant vous vous êtestrompés sur tout. Désormais, on va s’occuper de vous, suivez nos conseils, vous verrez commentvotre vie sera immédiatement changée ». On peut, par où c’est devenu banal, se frayer un cheminqui nous autorise à poser ces questions : Que sont-ils ces héros de la postmodernité qui savent toutsur tout et qui veulent, à tout prix, conclure sur la vérité ? À quel besoin répondent-ils ? Qu’est-cequ’ils cherchent à capturer quand ils se mettent à produire un savoir qui devient « référencé » duseul fait qu’il prétend « remplir un vide » ? Qu’est-ce qui se dit à travers cette « philanthropie »pour laquelle ils se donnent tant de peine ?

Et on peut esquisser une réponse. Ces héros, on ne peut les considérer que par analogie à lastructure du mythe puisque leur existence physique, après tout, n’est pas d’un grand intérêt parrapport à ce qui se produit à travers eux comme fiction. Encore faut-il chercher au discours unprécurseur qui se charge de dire d’où il vient. Car le discours ne qualifie que celui qui le recoit aumoment où il est constitué, dans son état de langage, de ce qui flotte au dessus de nos têtes pouratteindre nos systèmes de perception. Le discours est réfractaire à tout aspect unitaire puisqu’ilimpulse le renouveau de la culture en impliquant la pratique individuelle des objets dans despropositions transformées en des choix appropriés. C’est ce qu’on appelle communément « l’airdu temps ». Donc, structure du mythe qui implique que tout élément qui en est constitutif remplitune fonction bien particulière : se laisser interpréter selon la disponibilité de tout sujet en priseavec ses ignorances et ses déséquilibres. Il en résulte que la figure du grotesque vient transformerle savoir en un ensemble de rituels qui permettent d’exercer le pouvoir par l’exploitation dumalheur. Cette figure du grotesque serait, par les prétentions qui animent ses tenants, la vérité en

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soi et pour soi ; celle qui n’est ni vérifiable, ni démontrable, ni même discutable. Aussi, le savoirqui ne tient qu’à condition d’avoir une cible à atteindre, une demande à stimuler ou une plainteà traduire, explique comment sa mise en discours tente de prouver que la vérité doit coïncideravec l’existence d’un sujet qui ne peut être en harmonie avec le monde sans être le symptômede sa propre vie. En ce sens, être candidat et adresse du discours monocentrique, c’est laisser lemodèle canonique venir en butte à l’idéal du moi, à demeurer en contradiction avec le parcoursde symbolisation qui doit raccorder une pensée à une réalité.

Ainsi, la vérité correspondrait à quelque chose comme une performance qui ouvre les relationsintersubjectives sur la dispute du pouvoir. Il faut être performant, ou, à défaut, avoir le sentimentde l’être pour exercer le pouvoir sur l’autre par le fait même d’être regardé par lui. Tel est lemessage qui en émane. Du coup, le savoir advient et tire ses formes d’accomplissement en échoà ce qu’on peut désigner sous le terme de « norme imaginaire » qui renvoie l’aliénation à l’acted’ignorer l’objet de son désir tout en étant prédisposé à en définir les exigences par rapport à cellesqu’on impose à soi-même. Cette norme imaginaire ne se signifie pas et doit, pour signifier quelquechose, articuler trois aspects qui concourent à ce que la subjectivité soit appréhendée à partir deses avidités libidinales : le non-sens originaire, l’irrémédiabilité de la jouissance et la déformationde la réalité. Aussi, s’inscrit-elle dans un registre d’interprétation et de recomposition, dans lequelle sujet se situe comme pour se donner l’impression de maîtriser ses investissements pulsionnels,alors même qu’il est terriblement assujetti à leurs caprices. On voit par conséquent comment lediscours monocentrique, du moment où il n’a pas à dire d’où il vient, tend toujours à rattraper lesujet en pointant ses insatisfactions. Ainsi, dans ses stratégies d’expliquer comment on arrive àla satisfaction, il cible ce que cela pourrait entraîner comme dégâts pour les récupérer après coupdans une instrumentalisation implacable. Il provoque des interrogations d’ordre narcissique touten induisant les hypothèses qui peuvent les combler. Mais à considérer comment le sujet procèdepour qu’il en soit dépositaire, on s’apercoit qu’il est, non pas celui qui a le désir, mais celui quise produit comme effet d’une problématique de désir. Il est, d’où la norme imaginaire l’agressepour le domestiquer, celui à qui on ne doit rien puisque à l’origine, il ne s’agit pas d’une demandede sa part, mais d’une plainte repoussée comme telle pour n’avoir nullement été subjectivée. Ilreprésente donc le sujet en situation. Situation de faire siennes les vérités qu’il ne peut contestertant qu’elles correspondent à des référentiels de normation. On peut rapporter ce processus à ceque Freud nomme « espoir libidinal » qui, tout en désignant l’insatisfaction, montre commentla recherche de prototypes capables d’amorcer les conditions de la satisfaction demeure orientévers un investissement « par procuration », c’est-à-dire « conformément à l’un des clichés déjàprésents chez le sujet en question » [3] et, pouvons nous ajouter, à ce qui scinde l’attente de l’objetet la production du symptôme dans la réponse idéale.

2. La sémioclinique

Je tenterais de soumettre le discours monocentrique, du fait même qu’il atteste l’existence d’unsujet lui demeurant redevable dans ses manifestations, à une approche qui l’articule aux effets decommunication produits au moment où il trouve adresse. Ce serait le situer par rapport à la fictionqu’il destine à tous ceux qui peuvent en faire quelque chose et par rapport aux opérations psy-chiques adoptées pour y répondre. Cette approche, pour peu qu’elle double ma réflexion de plusde rigueur, est sémioclinique : elle vise à saisir comment la formation d’un discours ne concernepas uniquement l’envoi d’un message dont on peut s’approprier le contenu, mais aussi les pro-cessus qui expliquent ce que recevoir un message veut dire d’exceptionnel pour le sujet supposéen être le destinataire. Et c’est le concept de sujet lui-même qu’il faudrait revisiter à partir de

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cette « adéquation de surface » entre le désir comme signifiant d’une hypothèse de satisfaction etl’interférence du modèle canonique qui rend celle-ci incompatible avec la représentation actuelledu corps. Le sujet serait ici un enjeu aussi bien pour le discours qui le saisit comme cible que pourla clinique qui le saisit comme « victime ». Cette double configuration du sujet à l’intérieur d’unemême unité sémiologique finit par créer un domaine où la psychopathologie « adopte » la méta-psychologie comme désignation du normal amenée à « faire le procès » du pathologique. C’esten partant de ce que le discours monocentrique exprime comme métaphores d’aliénation, qu’onpourrait voir comment la dialectique du sens et du psychique qui se conclut par un remodelage dusignifiant, est en elle-même une condition à la signifiance. D’où la situation du sujet en tant qu’ilpeut à tout moment faire sienne une logique expressive retournée contre l’objet du désir afin deprivilégier l’objet de l’énonciation. Ce retournement concorde avec l’impasse devant laquelle onle met dès qu’on commence à le faire douter de ses capacités de désirer. Le désir serait suspenduà tout ce que le corps donne à penser de négatif. On peut en rendre compte par le récit de JeanCocteau au titre révélateur, « La difficulté d’être », où le narrateur fait une description détaillée deson physique qu’il juge ingrat. Cette ingratitude, artistiquement acceptée, le met toutefois dansune situation de « semblant ». Et « faire semblant » devient l’équivalent existentiel d’une spiritua-lité amenée à fausser le regard de l’autre pour ne pas y voir son reflet en miroir et à entamer, ducoup, le paradoxe de l’ambivalence : « Cette fausse morgue vient de mon désir de vaincre la gêneque j’éprouve à me montrer tel que je suis, et sa promptitude à fondre, de la crainte qu’on puissela prendre pour une morgue véritable » [4].

Il s’agit de capter, par rapport à cette négativité diffuse, les enjeux de la signifiance dans età travers les dynamiques psychiques qui font du sujet une zone d’affrontement entre des forcescontradictoires qui impliquent le travail sous-jacent du symptôme. Donc : qu’est-ce qui se joue surle plan des rapports entre le désir et le corps au moment où la référence au discours monocentriquevient attester un conflit psychique dont le sujet détourne l’expression ? Quelle place le sujet occupe-t-il quand ses pulsions sont sensibilisées à des canaux de satisfaction selon un modèle parfait etirrémédiablement idéalisé ?

Si l’on revient au discours monocentrique comme articulé à une norme imaginaire, on pourraconstater le fait que ni l’un, ni l’autre ne sont en mesure d’opérer indifféremment. Il leur fautl’existence d’une plainte supposée en tant qu’elle leur permet d’être « vrais », c’est-à-dire d’êtreen adéquation avec le prédicat initial qui anime et renforce leur finalité : assujettir par le principede la consommation en rendant possible que la consommation soit un principe de plaisir. Le sujetest posé d’emblée, de par le doute qui le traverse, comme point d’intersection où le discoursmonocentrique et la norme imaginaire font rencontre pour le toucher après coup. Et la véritédu désir, plus que son savoir, à se localiser dans des mécanismes qui révèlent le clinique commemanifestation singulière d’un non-dit selon un double positionnement, l’un par rapport au systèmesymbolique qui vient contraindre telle ou telle expression et l’autre par rapport à la volonté decommuniquer. Si la communication doit choisir à l’intérieur de l’univers signifiant certainessignifications et en exclure d’autres, si elle demeure l’exercice d’une liberté limitée [5], c’est quele langage ne permet pas aux objectifs du sujet d’être aussi conformes à ses intentions. Cela mesemble recouvrir, en la déterminant, une disqualification du fantasme au profit de la représentationen même temps qu’elle induit la communication comme expérience resserrée autour de substitutsidéalisés et donc inexistants. Quand il souhaite communiquer, le sujet se met en position de sesoutenir de la sexuation qu’il s’attribue tandis que sa pensée est submergée par des prétentionsnarcissiques transformées en critique de ce que le corps ne manifeste pas pour répondre au désir.Ici, la chose, du fait de son caractère indéfiniment mythologique, tend à écarter l’objet poursuspendre à l’infini le moment de conclure. Conclure veut dire ici cultiver son désir en sorte

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qu’il puisse autoriser à ne pas y céder. La pratique sémiotique supposerait alors une multitudede mutations dans l’usage de la communication recue, celle que le sujet estime s’orienter ensa direction pour le faire réagir. Le sujet, au lieu de réagir, « se conduit en interprète » d’unensemble dont il revendique « la propriété intellectuelle » une fois intégré comme vérité de cettechose dont il continue pourtant à rechercher l’impact. À travers une telle opération, on assisteà l’émergence d’un paradoxe où le corps critiqué aboutit plutôt au « sentiment de grandeur »qui vient rendre supportable le fait d’attendre. Car c’est en connaissance de cause et pour causeque l’autostigmatisation est en passe de devenir une volonté appelée non pas à rejeter le corpspropre, mais à l’ouvrir sur le meilleur sans prêter attention au pire. On assiste à une grandetransformation dans le rôle de l’aliénation ; celle-ci favoriserait que le sujet, en perte du librearbitre, trouve nécessaire de calquer son espoir libidinal sur l’abstraction du Moi et du coup dene plus y prêter attention. Ce qui veut dire : « je veux être le modèle et je ne peux y parvenirque là où on me dit que je le suis. » Ce « on me dit », qui représente l’aboutissement finalisé etconcentré du discours monocentrique, me paraît constituer, exécuté à la lettre, l’adéquation entrele sujet comme cible et le sujet comme victime. On passe alors de la clinique à l’expression duclinique avant que cela ne nous conduise à la psychopathologie du sujet mis en situation. En effet,si on se réfère à l’analyse de cette conversion par réciprocité sémantique de « être » à « suivre »quand ils sont pris dans l’appropriation du « je », qu’est-ce qu’on découvre ? On découvre que lelangage permet que la pensée puisse avoir ses détours, qu’elle est mobile dans le rapport que lesujet entretient avec les éléments qui la composent et la décomposent selon la portée qu’ordonne,malgré lui, l’inconscient. Le langage, du moins dans le cas qui nous concerne, parle la pensée, iln’est pas aussi arbitraire dans les glissements qu’il effectue que le signe en lui-même. Composé,articulé, poétisé, le langage nous ramène toujours, tant l’exemple est la chose même, aux secretsde l’imaginaire. Et on peut constater :

• que le signifiant « être » conduit à l’éclosion d’un représentant sémiotique qui vient comme encalquage sur le signifiant « suivre » permettant une mutation dans la signification par transfertdu sens initial des deux signes « être » et « suivre » et revient à indiquer « ce que cela veut dire »pour qui a à l’entendre. Ce représentant sémiotique est le symptôme ;

• que par ce fait, « suivre » ne vient pas remplacer « être », mais opérer une surcharge sémantiquequi va les « in-séparer », les rendre dialectiquement enchevêtrés jusqu’à ce que la confusionentre avoir et désirer devienne leur seul mode d’expression et atteste ce qui fait justementsymptôme ;

• qu’il y a là matière à considérer que le sémiotique devient précurseur, quand il se réfère au « je »,d’un lieu où l’inconscient parle au nom de celui qui l’ignore. En ignorant, le sujet continue àreprésenter.

Sous l’égide de cette inclusion du « Je » dans l’appropriation de ce qui est supposé le sortir deses doutes par rapport à l’objet, le sujet adopte la position de ne pas « avoir besoin » de reconnaîtreson désir puisqu’il n’a de souveraineté sur lui que parce qu’il estime nécessaire que soit utile lajouissance. Le « être » devient un équivalent sémiologique de l’aliénation d’où se ressource uneidentité seconde par la mutation pulsionnelle que permet le « suivre ». Il dit comment la subjectivitéest prise d’assaut, comment elle demeure en quête d’idéal au moment où elle estime l’atteindre.Effectivement, le recours au modèle canonique, avec le mécanisme d’identification en moins etl’aliénation en plus, empêche l’émergence de l’autre. Ici, il n’y a pas de communication qui puissevenir instaurer l’échange par rapport aux glissements imaginaires. Il n’y a qu’un canal uniqueemprunté par le sujet, celui que le modèle canonique lui suggère en ce qu’il est « axe de vérité »

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et donc passible de contenir le réel qui lui échappe. De fait, il ne peut y exister de rencontreavec l’autre puisque ce qui intéresse le sujet, c’est justement que la rencontre n’advienne pas,qu’il continue, non pas à fantasmer, mais à mythifier tout objet qui en appelle à son corps pour lereprésenter. Tant qu’il ne succombe pas à la décompensation, il y aura toujours possibilité pour luide se construire une histoire de vie « en pointillés », c’est-à-dire engloutie dans la tentative réellede revenir vers son corps, désarmé de symptômes, mais « réanimé » par une autre esthétique. Dansce cas, l’autre pourrait-il n’être (naître) que chirurgien ?

Lacan soutient que « Je suis n’est pas seulement suivre » [6]. Justement, c’est « ne faire quesuivre » à quoi cela nous renvoie étant donné que le sujet ne se suffit pas de l’identification pouravoir à aiguiser les paramètres de son idéal de Moi. Il procède par élimination de ce derniercomme obstacle. D’où le phénomène « d’inversion », qui révèle que la norme imaginaire estappelée au secours du sujet pour qu’il n’ait pas à découvrir en symptômes ce dont il s’agit dansla représentation. Inversion du désir en besoin et inversion de la satisfaction en jouissance. Parces inversions, la norme imaginaire se place du côté des mécanismes psychiques après avoir étépropulsée vers le sujet comme entité extérieure. Qu’est-ce qui s’opère à travers ces inversions oùle « Je » domine le Moi de telle sorte qu’il empêche le sujet, en l’induisant dans le semblant, des’autoriser de lui-même ?

Il s’opère quelque chose comme un conflit psychique destiné à fixer la quête continuellede l’objet. Si le discours monocentrique est en mesure d’exercer son emprise, c’est qu’il vientfondamentalement en critique au désir, c’est que la relation d’accrochage qu’il établit entre le sujetet les objets fait du travail psychique raccordé à la pulsion une tentative d’accéder à la jouissancealors même que la norme imaginaire continue à l’en éloigner. À entendre ce qu’il en est decette norme imaginaire – le fait qu’elle ne s’accorde qu’à elle-même par pétition de principe –on peut constater qu’elle est en mesure de se diversifier autant que sont diverses les sensibilitésdes individus ; telle est sa puissance. Dans son recours à la norme imaginaire, le sujet cultive, eneffet, « une hypothèse hallucinatoire » lui permettant de dérober à « l’arbitraire de la nature » uncorps dont il souhaite dessiner lui-même les traits. Le corps comme propre et le corps commestigmate reviennent à la même catégorie de pensée. Ils sont réorganisés au sein d’une mysticitéqui révèle l’incarnation du désir par la tentative assidue de coller la jouissance sur la satisfaction.En accordant « une même réalité aux objets fantasmatiques et aux objets réels » [7], en rejetanttoute sublimation qui viendrait faire défaut à la recherche du plaisir, le sujet se maintient suspenduau corps « interprété » comme réponse à une demande que personne ne lui formule. Cette relationcontroversée entre demande et satisfaction, on peut l’expliquer par la dynamique pulsionnellede base qui ordonne la spécification du désir à travers sa genèse : l’objet du besoin se détachantde l’objet de la pulsion [8]. Ce clivage fait que le seul objet qui va compter est l’objet perdu,celui qui va être à la fois objet du désir et objet cause du désir. Sa spécificité est de manquerà jamais, d’inscrire une béance qui autorise n’importe quel objet à venir l’occuper en mêmetemps qu’elle confirme que l’objet perdu est irrémédiablement non retrouvé. Avec l’avènementde l’objet du désir, le sujet est pris dans le désir de l’Autre, celui-ci se constituant en tant que« référent symbolique » par lequel la « demande » et « la réponse » se jouent dans un échange.Ainsi, dans la réponse de l’Autre et à travers elle, on peut entrevoir un autre élément de cettecommunication : la jouissance qui « vient s’étayer sur la satisfaction du besoin proprement dit »[9]. Le désir est donc un enjeu pour les procédés de satisfaction tant il est aliéné dans la circularitérétroactive du réel et du symbolique. Circularité qui veut que le passage de l’un à l’autre n’estpas en mesure de nommer, chez le sujet, de quoi il s’agit quand il commence à isoler l’objetde désir en analogie avec la représentation qu’il construit en réponse à l’irrémédiabilité de lajouissance. Il s’établit par la structure du désir que le désir nie les prétentions à le savoir. Ce

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sont les glissements opérés par le sujet pour s’en défendre que la sémio-clinique nous permet desaisir :

• comment le désir du sujet trouve-t-il sa résolution quand il est situé dans une dynamique qui,tout en l’impulsant, s’organise pour ne pas en déterminer l’objet, concluant ainsi sur le travailsous-jacent du symptôme ?

• Qu’en est-il de la demande par rapport à la forte aspiration à la jouissance que le corps « vécu »vient barrer au profil d’un corps « à exister encore » ?

• L’imaginaire se confond-il, dans ces conditions, à la volonté d’en découdre avec toute blessurenarcissique par voie de « rattrapage » ?

Et à démontrer cela :

• les objets culturels visent la consommation en incitant la pulsion à demeurer le lieu par où il estpossible que le sujet confonde le manque avec une absence de l’objet et, du coup, la satisfactiondu besoin avec l’accomplissement du désir ; d’où le problème d’une fixation qui se balade entreautoérotisme et exhibitionnisme ;

• cette opération relève d’une construction imaginaire où ce qui manque est ordonné par lediscours monocentrique dans une possibilité de le retrouver plutôt que de le fantasmer. Defait, les objets ne sont pas soumis par le sujet à un travail de désir, mais à une condition desatisfaction ; d’où le problème d’une régression qui oscille entre attachement et angoisse deséparation ;

• « Le n’importe quel objet » ne suffit pas à venir au manque, c’est l’unicité de l’objet imagéselon le modèle canonique qui détermine la place du sujet par rapport à sa réalité. Cela a desconséquences cliniques : être dans l’utopie de la jouissance serait confondre le désir de l’objetavec le désir du corps, autant le sien que celui de l’autre. Une telle dynamique est pathogène,elle resitue la pensée du sujet dans un « stade prémiroir » comme en expulsion de l’image desoi tant qu’elle n’est pas elle-même canonique ;

• le manque qui place l’objet à condition de ne pas l’identifier produit, au lieu de demeurer unecausalité du désir, une chaîne d’arbitraires qui pousse le sujet à l’interpréter comme faisant sensspécialement pour lui, mais toujours en référence à des qualités requises. Le leurre paranoïaquefonctionne ici en annulation du fantasme ; d’où la satisfaction comme répétition de leurres ;

• être sujet de désir serait donc une satisfaction entreprise sous la tutelle d’un autre quelconque,pas encore identifié pour être ou ne pas être l’Autre. Et c’est le modèle canonique qui revientcomme figure d’un pouvoir exercé sur le corps lui assignant une « fonction de loyauté » àl’égard de ce qu’en pense le sujet. De fait, la béance que laisse naître le manque est occupéepar la demande que le manque ne permet pas de formuler autrement que par l’avènement dusymptôme, aussi insidieux soit-il.

3. Du psychopathologique

On peut dire alors que le discours monocentrique, en usant du caractère aléatoire de la dif-férence, vient révéler une subjectivité qui, pour être normée, doit en appeler à des mécanismespathologiques et ne faire preuve, au même moment, d’aucune de leurs significations supposéesalors que « la pulsion divise le sujet et le désir, lequel désir ne se soutient que du rapport qu’ilméconnaît de cette division à un objet qui la cause » [10]. Le corps comme matérialité est investidans un souci de changement ou de transformation avec une facilité presque mécanique : c’est

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le corps qui détient les secrets de la pensée et c’est à travers une intervention sur le corps qu’ilest possible de sortir au monde. Cependant, il y a par là même où les illusions se rassemblent, letravail d’une obsessionalité qui fait que le recours à la jouissance, telle que le désir ne pourraitla désigner, atteste une psychopathologie qui frappe la normativité en ce qu’elle est toujours et àjamais « à-venir ». Cette obsessionalité, à entendre en elle la répétition de ce qui n’a pas encoreété décidé par le Moi idéal, manifeste l’impossible concordance entre le besoin de satisfactionet le but de la pulsion dont le sujet ignore ou s’avoue solitairement qu’il est fondamentalementsexuel [11]. Et on revient à la question originelle : qu’est-ce que le sujet désire au moment où iladmet un corps propre tout en faisant glisser l’esthétique de la perfection dans le rapport sexuel ?Créer un « Maître » sans se sentir esclave. Créer le Maître pour pouvoir domestiquer les effetsdu symptôme, c’est bien cela qui est en adéquation avec le fait d’accoler au modèle canoniqueles prétentions qui devaient garantir que le désir soit constamment ajourné en écho à l’envie d’uncorps-autre. Face au modèle canonique, il n’y a pas possibilité de « faire la cour » puisque l’autreest prétexte survalorisé de ce qui n’est pas encore désir. Au fond, l’existence du maître annuletoute maîtrise de l’objet du désir alors que c’est cette maîtrise qui est recherchée. Celle-ci met sousvide toute association qui n’est pas ce dont il est question chez le sujet ; on peut la présenter ainsi :désirer en ayant comme « plus value de jouissance » [12] le fait même de ne faire que désirerêtre à la hauteur de la norme imaginaire. Ici, on est dans le registre du non savoir où l’ordre dumaître est inversé, inversé parce que le sujet, en refusant d’être esclave, le devient dans le lieu oùla pulsion lui prête sa figure sans lui donner la preuve de son existence.

La logique qui préside à cet aspect du rapport au corps par délégation est la suivante : sachantqu’il n’a qu’une seule vie, le sujet jouit en débordant la mort à être ce que la jouissance repoussele plus loin possible. Telle l’attitude qu’on pourrait lire dans le roman d’Oscar Wilde : « LePortrait de Dorian Gray » où la beauté et la jeunesse sont confondues au profit d’un sentimentd’immortalité qui donne à l’équation du désir le même sens que celui de jouir de la vie, d’en useret d’en abuser jusqu’à ce que le renoncement devienne pêché. Mais jouir de la vie, une fois lareprésentation qu’on en fait remise en cause, finit par faire aboutir le processus suicidaire contrelequel se défendait l’acte de « mettre sur toile » ce que la mort ne peut atteindre : des traits, rienque des traits qui font office de totalité en recevant du temps ce qu’il épargne à Dorian Gray.Ainsi, « mourir de jouissance » conduit au vœu de la pureté qui ne sera exhaussé qu’au prix dela disparition. Le portrait de Dorian Gray est devenu canonique pour Dorian Gray au momentoù il l’a fixé en posant pour un peintre qui a admiré en lui ce qu’il ne possédait pas. Il finit partuer son créateur, celui qui l’a fait passer de l’état de nature à un état de mythe, individuel soit-il,pour enfin conclure sur l’acte d’une résolution morbide où se donner la mort équivaut à s’avouerl’échec narcissique dans toute sa splendeur :

« Ah si je pouvais aimer !. . . Mais je crois que j’ai perdu toute passion, oublié tout désir.Je suis trop préoccupé de moi-même. Ma propre personne m’est devenue un fardeau tropécrasant » [13].

Dès lors, est-ce le modèle canonique qui représente, auprès de l’Autre, le sujet jusqu’à ce quecelui-ci éprouve physiquement ce fameux « que ta volonté soit faite » dont parle Lacan ? Que cettevolonté soit faite, en sorte que ce que le désir provoque comme activité psychique ne soit qu’unemobilité du symptôme qui vient signaler, par déplacement, un processus de « névrotisation ». Enelle-même, la névrose des postmodernes, ou la névrose postmoderne, secoue la culture du plaisiren étant projection d’un « plus-de-jouir » [12] au moment où la possibilité d’accéder aux rapportssexuels ne connaît pas de limites. Et si toute névrose n’était au fond que la névrose de tous ? Ceserait le lieu où la question de désirer se montre adéquate, dans cette forme même, à une sorte

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de « convulsion collective » où la conformité représente ce qui n’est pas a priori du ressort dela liberté. D’où le paradoxe de la postmodernité : on n’a pas obligatoirement besoin d’être libretant que nous revendiquons la liberté qu’on veut. Se conformer au modèle canonique, peut-êtreest-ce là la meilleure facon de ne point « en souffrir ». Devenir tour à tour Autre et objet, c’estl’interchangeable qui se recoupe avec le corps pris à la lettre dans son essence érogène [14]. Sepose alors une autre question : est-ce définitif que d’impliquer le « Je » dans ce qui est idéalisécomme « à-venir » ?

On en arrive à considérer comme préalable qu’il y a un processus de dédoublement régulépar la vie psychique et dont le corps devient le lieu d’avènement : le corps s’inscrit dans unrapport d’étrangeté avec celui qui veut en porter les marques. C’est « le corps de plaisir » [15],d’où le plaisir autoérotique fantasmé est une condition au plaisir exhibitionniste. Inversion dansles options du plaisir : être objet du regard de l’autre, c’est se satisfaire sans que ce soit néces-saire l’acte qui l’objective, c’est le moment où la sublimation se maintient comme pureté del’être par la profanation du corps. Le réel est transcendé par le recours à l’imaginaire : ce quele sujet pense de son corps est cela même que le corps soit. Cette stratégie, que la division dusujet rend encore plus opératoire, est adoptée sans pour autant que le fantasme ne se déplacede la zone où il est « défense » à la zone où il est « résolution autoréférée » d’un conflit libi-dinal. Penser le corps de cette manière pour l’admettre après coup, c’est dénier l’identificationau profit d’un narcissisme archaïque qui va ordonner une toute puissance exercée sur soi-même.Cette admission, qui n’est que probable, induit le symptôme comme représentant sémiotiquede ce qui, dans le désir, est amendement d’une satisfaction corrélative à l’affrontement entresuivre le modèle et être le modèle. Dans cette affrontement, le Moi intègre le corps commeune étrangeté à civiliser, encore et encore. On peut y interroger ce qu’il en est de cette tran-sition vers le désir placé ailleurs pour qu’il serve quelque chose d’indéfini. Et on peut estimerque le sujet n’est pas en quête de beauté, il est en quête de perfection dont la beauté n’estque l’aspect artistique qui finit par lui convenir au moment où il est contrarié par le sentimentd’insatisfaction. En effet, il est question d’une rencontre esthétique suscitant un embrasementémotionnel qui nécessite une adresse intrapsychique [16], projetée sur une valeur supposéedémentir les constructions subjectives de base. Telle est la puissance argumentative du modèlecanonique qui se confond avec le sérieux de ses influences sans qu’il soit localisé lui-mêmecomme adresse.

Il s’agirait alors d’une problématique narcissique, non pas dans le sens où le sujet « s’aime tropou insuffisamment », mais dans le sens où, pour s’aimer, il doit opérer un « calquage normatif »plutôt qu’une identification. Ce qui, finalement, nous renvoie au fait que le sujet n’est pas à larecherche d’un objet de satisfaction, mais qu’il se situe dans le parcours « de devenir objet desatisfaction ». D’où un phénomène de « dénarcissisation primaire », qui implique que le sujet,tout en acceptant d’avoir un corps, aspire à la perfection de celui-ci afin d’annuler la différencepar une majoration de la distinction. Se distinguer en abandonnant son corps aux fantasmes del’autre, c’est cela même qui revient à maintenir « l’à-venir » comme destin de la pulsion. Cetattrait pour la perfection tente d’arracher « une métaphore de satisfaction » à ce qui est donnécomme substrat biologique du plaisir. À l’inverse, le sujet prend une direction différente : par la« normation » du Moi, il entend inscrire la norme dans ce qui lui permet de dédouaner son désiraprès avoir esquissé de le mettre à l’épreuve. Cette manœuvre poétique à l’égard du corps luiimposant une grammaire de singularité pour le lire et peut-être s’en émouvoir est liée au fait quel’amour narcissique ne traduit pas des retours vers le Moi, mais des transactions à le « naturaliser »au mérite fantasmé : « qu’il soit ce que je ne suis pas encore ». Telle est l’équation que le corps doitrésoudre en étant « le reste à faire ». C’est même un chantage infantile qui concerne la réponse

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par « le tout ou le rien » [17]. « Tout ou rien » que le manque d’objet reconduit sous la figure ducorps qui manque. Ce qui explique en quoi la dénarcissisation aboutit à une surestimation de lapensée par laquelle le sujet s’accorde un imaginaire assez dilué pour « rêver de perversion », sansvouloir en être le représentant dans le rapport sexuel. Et rêver de perversion serait justement ceque le rapport sexuel inscrit dans la constitution d’une histoire pour le corps, celle où le désiravec objet et le désir en attente de l’objet ne sont jamais disjoints. C’est la répétition de « ne fairequ’être en decà de la jouissance » par la multiplication des ratages. Revenir au corps, sur le corps,un acte qui ne se réalise que du moment où le désir n’est pas aboutissement de la jouissanceou à la jouissance. Il démontre que seul le regard de l’Autre, celui qui ne s’accommode jamaisde sa propre jouissance, est en mesure de se raccorder parfaitement à la plénitude du désir. CetAutre, l’amour narcissique ne le pense que comme alibi à l’éjection d’une faille méconnue, maisdont le travail sous-jacent indique que le symptôme n’est pas toujours celui désigné par le sujetà l’instar de ce qu’il sait ou de ce dont il souffre. Ici, on n’est pas à la limite de l’hystérie où lecorps est abandonné au symptôme comme écrit figuratif de la psyché quand elle est prise dansun conflit. On est plutôt dans une transcription de la norme imaginaire en ce qu’elle retire aucorps toute prétention de jouissance avant qu’il soit « homologué ». Ce qui voudrait dire : il n’ya de satisfaction que par ordination, c’est-à-dire que du moment où l’amour de soi empêche lecorps de se réclamer de la jouissance de tous. Dans la quête de l’objet, c’est l’objet qui s’effaceen étant celui que le sujet « ne prélève pas du corps de l’autre », mais celui qu’il tente de « forgerde toutes pièces », à partir de ce que le discours monocentrique lui permet d’y capter commereprésentations. Dans « Fort comme la Mort », Maupassant nous traduit cette fascination que lesujet s’exerce à maintenir du côté du possible pour abandonner l’amour à l’intention de l’autre,celui-ci même qu’il destine à être l’objet qu’il n’a jamais rencontré, mais qu’il a toujours cher-ché. On ne se laisse séduire que par l’exemplification, voire la transcription du modèle exposéau regard comme cela même qui aboutit à forger la représentation. Le peintre Olivier Bertinconduit la pulsion là où elle risque d’être inaccomplie, mais il le fait avec la hantise de retrou-ver l’objet. Il le trouve puisqu’il devient son créateur à la fois sur la toile et dans la vie. Enfixant le visage de la comtesse de Guilleroy, promue à le satisfaire comme jamais aucune autren’a pu le faire, il met son désir en suspens et du coup, il se rappelle, lui qui a connu tant dejouissances, qu’il n’a jamais désiré, qu’il a juste ignoré ce que cela veut dire au moment oùl’accès au rapport sexuel venait le lui confirmer : « ayant conquis tous les honneurs, il demeu-rait, vers la fin de sa vie, l’homme qui ne sait pas encore au juste vers quel idéal il a marché »[18].

On peut dire alors que le désir est plutôt couplé avec « la jouissance orgasmique » qu’avecl’hypothèse d’un objet pouvant répondre à la recherche de satisfaction. Ce phénomène nous amèneà nous interroger sur la régulation faite au désir par le décret monocentrique, régulation qui posele cadre, cette fois-ci imposé au sujet par lui-même, comme déterminant presque mystique de « laprohibition » qui rappelle paradoxalement « l’activité qu’il a fort tendance à accomplir » [19]. Aulieu que l’aliénation soit fondamentalement morale, elle vient infiltrer toute l’activité psychiquedu sujet en le fixant selon ses incapacités à trouver « l’adresse qui lui convient au désir qu’il n’apas encore ». C’est donc d’un conflit insurmontable autrement que par des opérations d’évitement,de déni et de suridéalisation. Insurmontable veut dire que le symptôme est mis à la disposition dusujet pour ne pas avoir besoin d’en savoir plus qu’il ne sait.

L’évitement, le déni et la suridéalisation des mécanismes de défense qui, associés, nousrapportent le sens de l’inversion. Il s’agit d’effacer le symptôme par des « clinithèmes » quiattestent l’épreuve du corps par rapport à l’ambivalence : au lieu que le symptôme viennesignaler cette épreuve, c’est ce que pense le sujet en résonance au discours monocentrique

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qui empêche le clinique d’être directement transcrit. Les clinithèmes sont des substituts parlesquels le sujet transforme en métaphorique ce que la pulsion ordonne en biologique. Ils ren-voient au fait que le déséquilibre, tout en étant fort présent, ne laisse aucune possibilité ausujet de percevoir sa souffrance dans les déplacements qu’il effectue. Celle-ci étant juguléepar « le silence du symptôme », alors même que le symptôme ne joue plus son rôle de signa-ler quelque chose qui s’apparente au conflit psychique. Donc, c’est redistribuer les clinithèmesselon une logique de communication que de tenter des mécanismes de défense simultanémentarticulés :

• l’évitement vient rendre l’ajournement du désir adéquat à la jouissance orgasmique fantasméecomme plus value au moment où l’objet recherché doit avoir comme condition de réponsele critère de perfection venant de l’autre pour faire retour vers soi. En imposant à son corpsl’épreuve de l’homologuer, le sujet estime nécessaire de « commercer » selon une logique deplaisir ;

• le déni vient opérer un doute dans l’appropriation du corps en le mettant au centre d’une logiquequi empêche que soit possible d’en faire l’intermédiaire de tel ou tel appel à l’autre. Ce qui leconduit à vivre l’imaginaire comme mise en scène de la perfection après avoir entrepris d’enêtre l’acteur ;

• la suridéalisation vient appauvrir encore plus le désir comme travail endogène du Moi quantà la formulation de ce qui, de lui, est accepté. Elle vient placer « la chose venue du dehors »là où le sujet ne peut élaborer qu’à la condition de court-circuiter le savoir du symptôme. Cequi aboutit à une dialectique du renoncement et de la récompense à travers laquelle le recul del’immédiat est compensé par l’idée d’une rencontre imminente entre désir et objet de désir.

Ici, le sujet n’a pas cultivé définitivement une image de son corps, pour l’admettre ou pas,il est en attente continuelle de ce qui pourrait l’en décharger. Si la totalité du corps est admise,elle demeure soumise à l’ambiguïté d’une représentation établie selon des critères contraignants.Le recours à ces critères vient soutenir le sujet dans une quête qui n’est pas fondamentalementesthétique, mais qui le devient dès qu’il est saisi par le sentiment de n’être pas identifiable àce qu’on lui suggère comme absolu. En effet, le sujet ne se reconnaît pas dans telle ou telledisgrâce pour avoir à l’annuler, il est convaincu qu’avoir un corps autre est la seule facon dele lui épargner. Le sentiment esthétique est situé donc du côté de la mégalomanie avec un fondérotomaniaque où la rigueur exercée sur soi-même doit esquisser paradoxalement des reprocheségocentriques inexprimables en symptômes tout en les indiquant. On est alors dans le registre d’une« dysmorphophobie larvée », c’est-à-dire incompatible avec une structure de base qui l’auraitdéterminée, mais ouverte à « des émotions contradictoires » qui en rappellent la sémiologie. Cars’agissant du cas qui nous concerne, c’est le modèle canonique qui se charge de maintenir enéveil, la position normative du sujet en lui montrant comment il pourrait l’améliorer pour avoirà désirer. Le sujet « ne se juge pas », il passe directement à l’étape où il lui est possible de pariersur autre chose que ce qu’il est. Du coup, rien n’est objectivé dans une symptomatologie précise,mais tout est référé à un processus normalonévrotique qui pourrait éventuellement conduire à desmanifestations graves telle que la perte totale du principe identitaire qu’on retrouve répercuté,dans les psychoses, sous forme de délires de morcellement.

En effet, on pourrait admettre le fait qu’il s’agit d’un risque circulaire où « certains idéaux, telsla beauté ou la santé peuvent servir de thèmes à une souffrance, se situant à des niveau variablesde pathologie » [20] dont la perception du corps, soumise à tel ou tel modèle, est l’illustration debase. L’insatisfaction devient corollaire au manque et le désir à l’espoir libidinal. On se retrouve

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alors dans une autre dimension, celle où « rêver de perversion » devient un appui controversé quivient stimuler les dialectiques d’une névrose réduite à son « degré zéro d’affect ». Il serait, eneffet, la pensée du corps dépourvu de toute référence érogène au plaisir parce qu’il tend à revoircelui-ci à chaque fois que le rapport sexuel ne peut exister. Le sujet se met en situation de voir dansla jouissance une complaisance par rapport au manque, de répondre à l’utilité de la jouissancepar le fait de ne chercher qu’à jouir. Georges Bataille en fait une thématique, aussi bien littéraireque philosophique pour y déterminer ce qui destine l’homme à s’étonner de sa nature pour s’enémerveiller. Ainsi, est-il possible d’y percevoir une proposition clinique d’aborder le seuil à partirduquel le sujet est amené à refléter ce qui ne lui permet pas d’excéder son désir ou de le maintenir.Car l’aliénation devrait se placer là où le sujet tente de trouver à la jouissance une loi susceptiblede le dégager d’une autre :

« Pour aller au bout de l’extase où nous nous perdons dans la jouissance, nous devonstoujours en poser l’immédiate limite : c’est l’horreur. Non seulement la douleur des autresou la mienne propre, approchant du moment où l’horreur me soulèvera, peut me faireparvenir à l’état de joie glissant au délire, mais il n’est pas de forme de répugnance dont jene discerne l’affinité avec le désir. . . Le danger paralyse, mais moins fort, il peut exciter ledésir » [21].

Rêver de perversion serait, justement, de ne pas succomber au charme exclusif de « faire mal »ou de « se faire mal ». Il trouverait, en retour, dans « les extravagances de l’imaginaire érotique »un code de plaisir qui dédouane l’activité pulsionnelle face à ce qu’elle induit au niveau desrapports intersubjectifs et face à ce qu’elle traduit au niveau des fantasmes individuels. Mutationdans le champ de l’altérité et abolition de la nomination sous contrainte. Mais de qui et de quoi ?

Il me semble que cette contrainte n’a pas d’origine qu’on peut utiliser comme analyseur. Onpeut juste supposer qu’il y a quelque chose qui pousse le sujet à se retourner contre l’amournarcissique en ayant l’impression de lui donner une valeur plus grande que celle qu’il estimedéjà atteinte. Par l’ajournement de tout investissement qui pourrait le soumettre au jugement del’autre, le sujet effectue un passage subtil du point où il est sujet de la pulsion à un point où ildevient « générateur de pulsions ». À entendre cela comme une constante évaluation d’une limiteà franchir, il s’agit pour le sujet d’articuler le corps à « la passion de l’ignorance » [22] et decontinuer à en faire quelque chose d’irréversible que le désir ne peut supporter. D’où désirerest l’équivalent d’une sexuation inachevée et donc impossible à se traduire dans le choix del’objet. Et c’est cette question du choix qui va altérer le recours à l’intersubjectif pour n’en retenirque le prétexte qui permet que la réalité ne puisse répondre à ce qui est supposé être le savoirdu sujet quand il se met à produire de l’imaginaire. On est alors dans le registre d’une penséeintervenant à la lumière de ce que le refoulement du sexuel manifeste sous cette forme : en ayantson propre corps, le sujet se défend d’être à sa merci. Et le cheminement de la pulsion s’inversedans une véritable mutation de sens, le désir en serait autant la théorie que le corps en est leterrain d’expérimentation. De fait, il est question d’amalgame entre des ressentiments d’ordreémotionnel et le savoir de l’idéal sous une figure de vérités à laquelle le sujet prête une « attentioninconsciente » [23] qui, appliquée dans notre cas, évoque les glissements effectués par le sujetafin de capter chez l’Autre ce qu’il n’est pas capable de fournir de lui-même.

4. Conclusion

Le discours monocentrique vient transformer en modalité culturelle l’aliénation. Ses effetsaboutissent à compliquer pour le sujet, jusqu’à le rendre incapable de vivre sans symptômes,

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l’opération qui consiste à faire passer l’objet du réel au signifiant. C’est dans ce sens qu’il estreproduit comme discours vrai, discours dont les mécanismes de fonctionnement peuvent sedéplacer et loger d’autres discours, mais aussi venir coloniser les zones d’impuissance de telleou telle action, qui vise le changement en s’appuyant sur des mécaniques de réadaptation ou derééducation. Le discours monocentrique finit par lier la pensée du corps aux failles narcissiquesde facon tellement évidente qu’il est capable de rendre nécessaire que les individus usent desprocédés supposés leur venir en aide alors qu’ils pointent en eux les paradoxes de la vie psychique.Puisque là où il leur indique l’axe selon lequel ils doivent mener leur vie, il les introduit dans lemodèle canonique sans que ce modèle ne soit symbolisé, c’est-à-dire avant qu’il soit lui-mêmesoumis à l’évaluation du désir. C’est en cela qu’il est investi, sans nom propre, comme figure quithéâtralise la vérité en tant que contredit de la liberté tout en simulant des scènes où la libertépourrait se confondre avec le choix. L’aliénation devient à la fois causalité et parcours faisantainsi barrage à toutes possibilités d’interroger ce qu’il en est de la souffrance psychique donton souhaite dompter les effets en lui trouvant des raisons objectives et perceptibles telles que lecorps est capable de manifester. Recevoir le discours monocentrique, ce serait donc l’expressionde l’émotion dépossédée de ce qui fait d’elle une charge affective enracinée dans la réalité poury réagir. Dépossédée veut dire aussi se mettre à contribution dans une structure véhiculaire oùl’incitation à la jouissance orgasmique se transforme en un système de signification articuléà l’usage culturel des objets. De fait, l’idéal du Moi n’a plus rien à voir avec l’identificationproprement dite. Désormais, il est raccordé à cette dimension endogène de la répression quereprésente la mode « libidinisée », c’est-à-dire conférant au relationnel la portée significative dusexuel. Création d’une forme psychique de la consommation par laquelle la sexualité est « lesexe rompu à une capitalisation de la libido » portée elle-même par la rivalité. C’est que pours’entendre sur l’objet à désirer, il faut l’interférence du rival qui pousse le sujet à revoir ses acquisde nature pour les transformer en acquis de culture. Ainsi, la stylistique de contrôle pourrait-ellese manifester sous le pli de la liberté alors même que le corps doit obéir à une normation [24] quidénigre en lui la différence de fait pour le propulser vers la perfection d’usage. On passe alors des« machines désirantes » [25] aux pannes de désir. Cependant, dans cette situation, il ne s’agit nide nature, ni de culture, il s’agit d’une troisième voie : la psychopathologie.

Références

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