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Attention, création ! Et l’on n’oublie pas la petite édition et la jeune illustration, qui font salon du 7 au 9 novembre au Château de Saint-Priest (69), à l’initiative de la médiathèque de la ville. Cette année, l’Italie est à l’honneur de ce rendez-vous, qui rassemble, depuis 2000, des petits éditeurs indépendants et novateurs. Un salon du livre qui mise sur l’originalité, la convivialité et les échanges entre professionnels, mais aussi avec le public. www.ville-saint-priest.fr librairie/p.5 Le Baz’Art d’Hauterives Dans ce village de la Drôme, la librairie Le Baz’Art des mots vient de fêter son premier anniversaire. Portrait d’un lieu du livre qui ne se paye pas de mots. polar/p.8-9 Novembre noir Noir,historique ou fantastique, le polar fait son retour en novembre, avec des romans et le festival Sang d’encre à Vienne. (lire aussi p.4) Cairn La fenêtre était ouverte et j’ai senti le frais des fins de nuit ; ouvert l’œil, deviné l’échine des montagnes à l’avant du ciel. Dans une fulgurance énigmatique, je me suis retrouvé au milieu de mes per- sonnages, à leur plus près. Le menton sur leur épaule, à l’unisson de leurs démarches, familier de leurs lumières ou de leurs pénombres. J’ai épousé avec aisance la flèche de leur regard. J’ai eu la tentation de ma table de travail, de mes cahiers. Éprouvé le désir d’un corps à corps immédiatement recommencé. Urgence de vérifier que la nuit ne nous a rien fait perdre de nos élans communs. La fenêtre était ouverte et cette fois, la mon- tagne l’a emporté. J’en ai choisi une avec la préoccupation des paysages et je suis parti marcher,avec gourmandise.J’ai laissé la chair de mes personnages de papier pour le giron d’un versant pentu. Par bribes,dans la bonne ivresse de l’ascension, je me suis demandé pourquoi. Pourquoi cette menue trahison. Le temps de quelques pas, j’ai mesuré cette immobilité que je nous infligeais, mes personnages et moi. Et puis plus tard, au détour du chemin, dans le franchissement d’une crête, dans l’explosion soudaine des horizons, je me suis souvenu. L’appétit du regard pour les portances loin- taines. Le désir, le besoin de voir d’en haut, d’ailleurs, de voir autrement. De distinguer la vallée des hommes, l’univoque de leurs flux, le futile, peut-être, de leurs gesticulations. À commencer par celles qui agitent la plume de l’écrivain. Depuis ce cairn sommital, m’apparaît ainsi l’enveloppe farceuse de ce cyclone, dans l’œil duquel il me semble parfois que j’ai installé mon lieu de travail.L’espace blanc et mira- culeux d’une mâchoire grande ouverte dont les éclats de rire seraient réservés à ceux du dehors. Et dont je voudrais ne pas être dupe. Le souffle s’apaise, l’œil vagabonde un moment. Le temps de se poser la question une fois encore : est-ce en le regardant de loin ou en le serrant au creux de la paume que l’on se tient au plus vrai du monde ? Antoine Choplin n°236 - novembre 2008 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++ Emmanuel Venet est à Montréal… Trois mois de résidence dans le studio de l’Union nationale des écrivaines et écri- vains québécois (UNEQ) pour l’auteur du Précis de médecine imaginaire. Dans le cadre de cette résidence d’écriture organisée par l’ARALD avec le soutien de la Région Rhône- Alpes et le Conseil général des arts et lettres du Québec, nous recevrons en janvier la romancière Maya Ombasic, qui est née à Mostar et vit aujourd’hui à Montréal. L’auteur des Chroniques du lézard (Éditions Marchand de feuilles) sera à Lyon pour trois mois elle aussi. Un chassé-croisé Lyon-Montréal à suivre dans Livre & Lire. > www.arald.org Anatomie d’un succès Les Déferlantes… Malgré ce titre, Claudie Gallay n’avait certainement pas prémédité l’engouement suscité par son dernier roman, qui dépasse maintenant les 100 000 exemplaires. Alors comment ça vient ? Par où ça passe ? Qu’est-ce que ça change ? Ce sont quelques-unes des questions que nous nous sommes posées à propos de ce best-seller, qui traduit la rencontre soudaine d’un écrivain avec un très large public, met en lumière le rôle singulier d’une éditrice – Sylvie Gracia, des Éditions du Rouergue – et celui non moins important des libraires. Anatomie d’un succès en pages 2 et 3. L.B. les écrivains à leur place La Grande Guerre dans le patrimoine Poursuivant la série des Mardis du patrimoine écrit et gra- phique, la DRAC Rhône-Alpes, Médiat, l’ARALD et les Archives départementales de l’Ain pro- posent une journée consacrée aux « Souvenirs de la Grande Guerre », le 18 novembre à Bourg-en-Bresse. Parmi les interventions de la mati- née, Florence Beaume évoquera la politique de collecte des documents et des témoignages relatifs à la Première Guerre mondiale menée par les Archives départementales de l’Ain, puis présentera l’exposition « Des poilus photographient la guerre ». L’après-midi,rendez-vous au Musée de la Bresse pour une autre exposi- tion intitulée « Entendez-vous dans nos campagnes ? Le monde rural et la Grande Guerre ». Les Mardis du patrimoine écrit et graphiques sont gratuits sur inscription. Bulletin d’inscription : www.arald.org rendez-vous Soudards et belles garces, de Sergio Toppi,avec des textes de Jean-Louis Roux, paraît aux éditions Mosquito. Un ouvrage enthousiasmant et l’occasion de revenir sur l’aventure singulière d’un éditeur. (lire p.10) rétro/p.12 Des cafés serrés à Montélimar Des lecteurs pour remplacer les fumeurs ? Retour sur la 13 e édition des cafés littéraires de Montélimar. © Arthésée © Éditions Mosquito

Cairn Anatomie d’un succès...de mes cahiers. Éprouvé le désir d’un corps à corps immédiatement recommencé. Urgence de vérifier que la nuit ne nous a rien fait perdre de

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Page 1: Cairn Anatomie d’un succès...de mes cahiers. Éprouvé le désir d’un corps à corps immédiatement recommencé. Urgence de vérifier que la nuit ne nous a rien fait perdre de

Attention,création !Et l’on n’oublie pas lapetite édition et lajeune illustration,quifont salon du 7 au 9novembre au Château

de Saint-Priest (69), à l’initiative de lamédiathèque de la ville.Cette année,l’Italieest à l’honneur de ce rendez-vous, quirassemble, depuis 2000, des petits éditeursindépendants et novateurs.Un salon du livrequi mise sur l’originalité, la convivialité et leséchanges entre professionnels, mais aussiavec le public.www.ville-saint-priest.fr

librairie/p.5Le Baz’Art d’HauterivesDans ce village de la Drôme, lalibrairie Le Baz’Art des mots vientde fêter son premier anniversaire.Portrait d’un lieu du livre qui ne se paye pas de mots.

polar/p.8-9Novembre noirNoir, historique ou fantastique,le polar fait son retour ennovembre, avec des romans et le festival Sang d’encre à Vienne. (lire aussi p.4)

CairnLa fenêtre était ouverte et j’ai senti le fraisdes fins de nuit ; ouvert l’œil, devinél’échine des montagnes à l’avant du ciel.Dans une fulgurance énigmatique, jeme suis retrouvé au milieu de mes per-sonnages, à leur plus près. Le mentonsur leur épaule, à l’unisson de leursdémarches, familier de leurs lumières oude leurs pénombres. J’ai épousé avecaisance la flèche de leur regard.J’ai eu la tentation de ma table de travail,de mes cahiers. Éprouvé le désir d’un

corps à corps immédiatement recommencé.Urgence de vérifier que la nuit ne nous a rienfait perdre de nos élans communs.La fenêtre était ouverte et cette fois, la mon-tagne l’a emporté. J’en ai choisi une avec lapréoccupation des paysages et je suis partimarcher,avec gourmandise. J’ai laissé la chairde mes personnages de papier pour le girond’un versant pentu.Par bribes,dans la bonne ivresse de l’ascension,je me suis demandé pourquoi.Pourquoi cettemenue trahison. Le temps de quelques pas,j’ai mesuré cette immobilité que je nousinfligeais, mes personnages et moi.Et puis plus tard, au détour du chemin, dansle franchissement d’une crête,dans l’explosionsoudaine des horizons, je me suis souvenu.L’appétit du regard pour les portances loin-taines. Le désir, le besoin de voir d’en haut,d’ailleurs,de voir autrement.De distinguer lavallée des hommes, l’univoque de leurs flux,le futile, peut-être, de leurs gesticulations.À commencer par celles qui agitent laplume de l’écrivain.Depuis ce cairn sommital, m’apparaît ainsil’enveloppe farceuse de ce cyclone,dans l’œilduquel il me semble parfois que j’ai installémon lieu de travail. L’espace blanc et mira-culeux d’une mâchoire grande ouvertedont les éclats de rire seraient réservés àceux du dehors. Et dont je voudrais ne pasêtre dupe.Le souffle s’apaise, l’œil vagabonde unmoment.Le temps de se poser la question une foisencore : est-ce en le regardant de loin ou enle serrant au creux de la paume que l’on setient au plus vrai du monde ?

Antoine Choplin

n°236 - novembre 2008le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en +++++Emmanuel Venet est à Montréal… Troismois de résidence dans le studio del’Union nationale des écrivaines et écri-vains québécois (UNEQ) pour l’auteur duPrécis de médecine imaginaire.Dans le cadrede cette résidence d’écriture organisée parl’ARALD avec le soutien de la Région Rhône-Alpes et le Conseil général des arts et lettresdu Québec, nous recevrons en janvier laromancière Maya Ombasic, qui est néeà Mostar et vit aujourd’hui à Montréal.L’auteur des Chroniques du lézard (ÉditionsMarchand de feuilles) sera à Lyon pourtrois mois elle aussi. Un chassé-croiséLyon-Montréal à suivre dans Livre & Lire.

> www.arald.org

Anatomied’un succèsLes Déferlantes… Malgré ce titre,Claudie Gallay n’avait certainementpas prémédité l’engouement suscitépar son dernier roman,qui dépassemaintenant les 100 000 exemplaires.Alors comment ça vient ? Par où çapasse ? Qu’est-ce que ça change ?Ce sont quelques-unes des questionsque nous nous sommes posées àpropos de ce best-seller, qui traduitla rencontre soudaine d’un écrivainavec un très large public, met enlumière le rôle singulier d’une éditrice – Sylvie Gracia,des Éditionsdu Rouergue – et celui non moinsimportant des libraires. Anatomied’un succès en pages 2 et 3. L.B.

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La Grande Guerredans le patrimoinePoursuivant la série des Mardisdu patrimoine écrit et gra-phique, la DRAC Rhône-Alpes,Médiat, l’ARALD et les Archivesdépartementales de l’Ain pro-

posent une journée consacrée aux« Souvenirs de la Grande Guerre »,le 18 novembre à Bourg-en-Bresse.Parmi les interventions de la mati-née, Florence Beaume évoquera lapolitique de collecte des documentset des témoignages relatifs à la

Première Guerre mondiale menéepar les Archives départementales del’Ain, puis présentera l’exposition« Des poilus photographient laguerre ».L’après-midi, rendez-vous au Muséede la Bresse pour une autre exposi-tion intitulée « Entendez-vous dansnos campagnes ? Le monde ruralet la Grande Guerre ». Les Mardisdu patrimoine écrit et graphiquessont gratuits sur inscription.Bulletin d’inscription :www.arald.org

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Soudards et belles garces,de Sergio Toppi, avec des textes de Jean-Louis Roux,paraît aux éditions Mosquito.Un ouvrage enthousiasmant et l’occasion de revenir sur l’aventure singulière d’un éditeur. (lire p.10)

rétro/p.12Des cafés serrés à MontélimarDes lecteurs pour remplacer les fumeurs ? Retour sur la 13e édition des cafés littéraires de Montélimar.

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premier plan

Les mots et la chose

Parmi les lecteurs qui lui écrivent,beaucoup sontoriginaires de La Hague,ou plus largement habitantsde la Manche, la région où se déroule l’intrigue duroman. Presque tous ont, comme les héros deClaudie Gallay,des difficultés à parler,à échanger,à sortir des non-dits qui les font souffrir. Lalecture des Déferlantes leur donne le sentimentde partager ces souffrances.Cette proximité avecles lecteurs, Sylvie Gracia, responsable de la col-lection La Brune, semble l’avoir décelée dès laparution d’un précédent livre de l’auteur : « Avecson troisième livre, Seule Venise, on avait sentiqu’elle accrochait les gens d’une façon particu-lière. On le sent lorsqu’un auteur suscite unecertaine fascination, un enthousiasme vraimenttrès fort… On avait vendu ce roman à 10 000exemplaires, tout en comprenant qu’il y avaitquelque chose qui marchait avec Claudie Gallay.Ellerendait les lecteurs littéralement « accros ». J’étaispersuadée qu’un jour cela marcherait très bienpour elle, qu’elle s’installerait comme un auteurayant un lectorat fidélisé. »Jusqu’à imaginer un tel succès avec la parution

…c’est une belle histoire. Celle de ClaudieGallay, une romancière dont le cinquièmelivre, Les Déferlantes, est un succès colossal etinattendu.Rencontre avec un écrivain heureuxet avec son éditrice, Sylvie Gracia (Éditionsdu Rouergue), pour tenter de comprendrele phénomène.

100 000 exemplaires. À l’heure qu’il est, LesDéferlantes ont sans doute dépassé ce chiffresymbolique. Comment ce roman, le cinquièmede la discrète Claudie Gallay, a-t-il pu atteindrede tels sommets, alors que son tirage initial étaitde 3 400 exemplaires ? Il y a d’abord le rôle dela presse qui, contrairement à L’Élégance duhérisson, le long-seller de Muriel Barbery, parexemple, recense le roman dès sa parution, enmars 2008. Ensuite, tout est une affaire debouche à oreille. Les meilleurs relais ne sontautres que les libraires, qui sont directement àl’origine de l’emballement des ventes, commele souligne Sylvie Gracia, l’éditrice de ClaudieGallay aux Éditions du Rouergue : « Sur les troispremiers mois, il y a eu beaucoup d’articles depresse : on a vendu à peu près 30 000 exem-plaires. Pendant l’été, ce sont les libraires qui ontaccéléré le mouvement de façon incroyable.Ceux qui aimaient le livre le mettaient en avant,recommandaient pour ne pas être en rupture…Au cours du seul mois de juillet, on en a venduà nouveau 30 000, c’est-à-dire autant que sur lestrois premiers mois. »Alors, les libraires plus prescripteurs que lapresse spécialisée ? « Aujourd’hui, un éditeur esttrès attentif aux libraires, en envoyant des servicesde presse, en les informant : ce sont eux qui fontles ventes ! », insiste Sylvie Gracia. Malgré letourbillon dans lequel elle est plongée, ClaudieGallay semble garder le calme et la discrétionqui la caractérisent. « Au mois de septembrequand j’ai senti que ça partait, j’étais un peueffrayée,mais maintenant, j’ai pris du recul et toutva bien. C’est une sorte de tourbillon, mais monagenda est rempli de belles choses,dont je n’auraispas rêvé avant : je suis invitée, par exemple, àBrive, Beyrouth… » Parmi ces belles choses, il ya aussi le courrier des lecteurs : « Les lettresme bouleversent : j’en reçois au moins une parjour, ce qui est énorme puisqu’avant je n’enrecevais jamais. Ce qui est infiniment beau ettouchant, c’est le soin avec lequel les gens choi-sissent le papier, le timbre, rédigent leur lettre…Et puis les mots à l’intérieur : il y a des chosestrès touchantes. Là, c’est du concret : vous tou-chez ces lettres et il y a quelqu’un au bout…C’est du vivant ! »

des Déferlantes ? Même si SylvieGracia avait un bon pressenti-ment, il semble qu’elle n’aitjamais imaginé un phénomèned’une telle ampleur. Parmi lesexplications avancées par l’édi-trice pour expliquer la récep-tion du livre, il y a bien sûr soncontenu : « Claudie Gallay avraiment déployé le meilleurd’elle-même. C’est un gros livredans lequel le lecteur peut seplonger corps et âme. Claudieplaît aux gens qui aiment le roma-nesque, les atmosphères, les per-sonnages. Dans ce livre, elle aatteint l’équilibre parfait. ».

Un conte de fées

Quant à Claudie Gallay, il lui estbien difficile d’expliquer lesuccès de ce roman, qui n’est

d’ailleurs pas celui dont elle se sent le plus proche.« Le livre dont je me sens le plus charnellement,viscéralement proche, c’est le premier,L’Office desvivants. » Un livre qu’elle a eu beaucoup de malà publier avant que Le Rouergue et Sylvie Graciane l’acceptent.Cette publication est le premier déclicde son parcours d’écrivain et la première pierred’une collaboration qui trouve une sorte d’apo-théose avec ce triomphe inespéré : « Nous sommestrès proches », explique Claudie Gallay en parlantde son éditrice. « Quand Sylvie Gracia a publiéL’Office des vivants, il fallait oser… C’était un textedur,qui n’était pas à mettre entre toutes les mains,mais elle a compris qu’il fallait qu’il soit publié pourque je puisse continuer. Elle a même compris celabien avant moi, sans doute parce qu’elle a le reculnécessaire. La publication de ce livre m’a sauvée etje lui dois beaucoup.Cela nous a rapprochées, c’estune aventure magnifique, un conte de fées. Partirde si peu et en arriver là ensemble… ».Et si ce conte de fées était justement l’une des rai-sons du succès grandissant du livre ? Il est frap-pant de constater à quel point la presse insiste surcette dimension. Sylvie Gracia a conscience duglissement qui s’est opéré autour du « cas »

1961 : Naissance àBourgoin-Jallieu (Isère)

2001 : Parution de sonpremier roman, L’Officedes vivants aux Éditions du Rouergue

2004 : Seule Venise, toujoursau Rouergue, révèle ClaudieGallay à un plus large public

2008 : Les Déferlantes, parul’année des dix ans de lacollection La Brune, connaîtun vif succès

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èresLes Déferlantes : anatomie d’un succès

C’est un beau roman…

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Gallay : « On a vu tout de suite que les journalistess’emparaient du personnage de Claudie. Les jour-nalistes parisiens sont tombés en admirationdevant la fille de Province, institutrice à mi-temps,obligée de travailler alors qu’elle est “bourrée detalent”. On la traite comme un personnage…Claudie Gallay traverse un moment où l’écrivaindevient quelqu’un de public, autour duquel onconstruit une légende. Elle, en plus, est unelégende sympathique ».

Le temps et rien d’autre

Le conte de fées est-il pour autant sans risques ?Pour Claudie Gallay, le plus gros danger est de lais-ser le succès des Déferlantes influencer sa manièred’écrire : « Dire que ça ne m’influence pas seraitfaux. Avec ce qui m’arrive, je sais que ce livre seraattendu : il doit donc quand même se passerquelque chose dans ma tête lorsque j’écris… Pourle moment, je suis au travail et je peux dire quecela n’interfère pas, que j’avance toujours de lamême façon : sans idée fixe, en laissant remon-ter les choses. Mais c’est vrai que c’est le danger :recevoir tant de marques d’affection pourrait m’in-citer à me dire : il faut que je refasse le même ! »En passant dans une autre sphère, au niveau dela notoriété et des revenus, Claudie Gallay courtévidemment le risque de trahir son idéal de tra-vail. Mais ni l’auteur ni l’éditrice ne croient vrai-ment à cela, tant l’envie d’écrire semble au cœurdes préoccupations de l’écrivain. Et pour écrire,le vrai luxe,c’est le temps.Un temps dont ClaudieGallay va pouvoir profiter grâce au succès desDéferlantes. Alors, riche, Claudie Gallay ? « Toutva être certainement plus confortable. Mais je nevais pas rouler en Rolls : je ne sais pas faire. Trèsconcrètement, je vais pouvoir changer les fenêtresde la bergerie que j’ai achetée l’an dernier. Le plusimportant, c’est que, l’année prochaine, je penseprendre une disponibilité de l’Éducation nationalepour pouvoir me consacrer entièrement à l’écri-ture. La seule chose qui manque réellement à unécrivain,c’est le temps,et je vais pouvoir m’en offrir.

Sincèrement, je pense qu’elle aurait tort, car jeconnais très bien son travail, je suis une présenceréelle auprès d’elle : si elle a besoin de moi, je suislà, et c’était déjà vrai quand elle vendait 10 000exemplaires. Elle sait que ce n’est pas seulementintéressé de ma part. Et puis, d’un autre côté, il ya le groupe Actes Sud, dont Le Rouergue fait par-tie, qui s’est largement mobilisé autour desDéferlantes. Elle est donc à la fois dans une petitestructure où elle a un rapport direct et une bellequalité de travail, et, quand il le faut, elle bénéficiedu soutien d’une grande maison d’édition. »En attendant l’heure où la belle histoire se termi-nera peut-être, le temps est plutôt à la satisfac-tion et à la fête. Pour Sylvie Gracia et les Éditionsdu Rouergue, en particulier la collection LaBrune, qui ne pouvait rêver meilleur sort aumoment de fêter ses dix ans d’existence. PourClaudie Gallay, bien sûr, dont le succès apporteau monde des lettres une bouffée d’air fraisdont il a bien besoin. Sylvie Gracia est catégo-rique : « C’est un très beau moment, tout d’abordpour Claudie, que l’on suit depuis le début. Sonsuccès est mérité, vraiment mérité. Elle travailledepuis très longtemps, elle a mis du temps et aeu beaucoup de mal à être publiée. C’est pourelle une superbe reconnaissance. » Quand onvous dit que c’est une belle histoire… Yann Nicol

Succès de librairieDans le classement des ventes établi par Livres Hebdodébut octobre, Claudie Gallay était encore classéeen 17e position. Une place qu’elle doit en grandepartie aux libraires, qui ont épousé sa cause dèsses premiers romans. Michel Bazin, de la librairieLucioles, à Vienne, se souvient de la venue de l’écri-

vain en 2004 pour Seule Venise, et du soutien apportéà Dans l’or du temps, en 2006, un livre plus difficile.C’est le paradoxe de ces succès inattendus. Alors quele marketing éditorial prend de plus en plus de place,que la distribution et les grandes surfaces – spéciali-sées ou non – favorisent les grosses machines, de plusen plus de best-sellers sont nés du conseil des libraireset du bouche à oreille. L’Élégance du hérisson, LesMiscellanées, Millénium…, la liste ne cesse de s’allon-ger et ces livres de durer. Tout le contraire des succèsprogrammés : « Il y a quelques années, le dernier titrede Marc Lévy se vendait en librairie pendant six mois.

Maintenant il se vend pendant deux mois », expliqueMichel Bazin. Les libraires doivent donc dégainer auplus vite, sous peine de rater le feu d’artifice.Alors dans un monde où la rentrée littéraire compteprès de 700 romans, où les livres n’alimentent plusque des feux de paille, le lecteur, estime Michel Bazin« a besoin de repères précis », ce qui renforce le pou-voir prescripteur du libraire.Les éditeurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, eux qui,à force de réunions, d’invitations et de tournées en pro-vince, courtisent bien plus les libraires que les jour-nalistes. Il est vrai que « les libraires peuvent impulser

le succès d’un livre », confirme Françoise Folliot, de lalibrairie Le Square, à Grenoble. Et la presse prendretout simplement le relais… « Dans certaines maisons

d’édition, même de taille modeste, poursuit FrançoiseFolliot, on a d’ailleurs créé un poste chargé des relations

avec les libraires. » Des relations de plus en plus fruc-tueuses donc, malgré les temps difficiles. L.B.

L’ARALD m’avait aussi offert cela quand j’ai écritL’Office des vivants, en m’attribuant une boursed’aide à l’écriture, une somme importante quim’avait permis, à l’époque, de me mettre à mi-temps.C’est drôle comme il y a des jalons dans unparcours… »

Fin de l’histoire ?

Il est impossible de savoir où s’arrêtera le phéno-mène. Outre les ventes, les rencontres, les sollici-tations, le succès du roman va aussi permettreà Claudie Gallayd’être traduite,cequi n’a été le casd’aucun de seslivres. Les droitsdes Déferlantesont même étéachetés par TF1In te rna t iona lpour le cinéma.Lorsqu’on luidemande si celal ’ intéresseraitd’en faire l’adap-tation, ClaudieGallay répondqu’elle souhaiteavant tout écrire.Elle est déjà lan-cée dans la pré-paration d’un prochain roman. Lorsqu’il seraachevé, la question délicate se posera alors :Claudie Gallay restera-t-elle fidèle à son éditeurhistorique, à sa complice Sylvie Gracia, ou profi-tera-t-elle des nombreuses sollicitations éditorialesqui lui parviennent déjà ? Elle n’en sait rienencore, et préfère ne pas y penser. Son éditrice,elle,a déjà de très bons arguments pour la retenir :« Elle est très sollicitée. Que voulez-vous que jevous dise… Si elle veut partir, elle le peut. Elle estlibre d’aller où elle veut. On ne peut pas retenirun auteur qui a envie d’aller travailler ailleurs.

Les Éditions du Rouergue à Rodez.

Claudie Gallay Les DéferlantesÉditions du Rouergue528 p., 21,50 € ISBN 978-2-8415-6934-2

+ + + + + + + + +Claudie Gallay sera à Écrivains en Grésivaudan les14 et 15 novembre.www.ecrivains-en-gresivaudan.fr

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actualités /édition

Vienne, dansun fauteuil…C’est la quatorzième année queSang d’encre revient.Une belle lon-gévité pour ce festival des littéra-tures policières de Vienne, où5 000 à 6 000 passionnés se donnentrendez-vous pour rencontrer desécrivains, assister à des rencontreset acheter des livres… Car les visi-teurs du salon sont de véritablesamateurs et de gros lecteurs, tousles auteurs en conviennent. Cetteannée, les 15 et 16 novembre, unequarantaine d’entre eux représente-ront le genre noir : Nadine Monfils,Brigitte Aubert, Hervé Prudhon,Maud Tabachnik, Chantal Pelletier,Sylvie Granotier, Marcus Malte,

François Boulay, Pascal Garnier…Une tablée familiale,Éliane Renard,Guy Girard et François Joly, toujourslà pour présider.Avec la bibliothèqueet la maison des jeunes, le travail surla littérature noire s’effectue toutel’année dans la région, et notam-ment en milieu rural.Le Prix Gouttede Sang d’encre viendra d’ailleursconcrétiser ces efforts – soutenuspar le Conseil général de l’Isère,prin-cipal partenaire financier de lamanifestation avec la DRAC Rhône-Alpes, la Ville de Vienne et la Région.(budget : 70 000 €). Un prix des lec-teurs décerné par une cinquantainede petites bibliothèques de quatredépartements de la région.À terme,on espère conquérir les huit…Après une présélection faite parles organisateurs, cinq titres sont

Place aux livres,6e édition !Du 7 au 9 novembre, les livresprennent d’assaut la placeBellecour, à Lyon. C’est la sixième

édition de ce salon qui, au fil des ans,a évolué et amélioré les conditionsd’accueil des professionnels et dupublic.Aujourd’hui c’est plus de 30 000ouvrages qui seront présentés sous lechapiteau de 2 000 m2.« Place aux livres », c’est aussi un salonprofessionnel. Lieu de rencontres avec300 auteurs,une centaine d’éditeurs dequinze régions et sept libraires lyonnais(qui respectent les principes de laCharte des éditeurs et de la Charte deslibraires en Rhône-Alpes). Lieu deréflexion ensuite, avec la rencontredu 9 novembre organisée par l’ADER(Association des éditeurs de la régionLanguedoc-Roussillon). Cette matinée,qui réunira des éditeurs indépendantsvenus de toute la France autour duthème : « L’édition, un plaisir solitaire,une utopie collective », a pour but depermettre aux éditeurs d’échanger surleur métier. Enfin, pour les profession-nels comme pour le grand public, denombreuses conférences et animationsauront lieu autour du thème retenucette année : « Utopies, rêves d’hier,mondes de demain ». C.S.

www.salonlivrelyon.com

proposés à la lecture des volontaires.Dépouillement et conclave des biblio-thécaires – souvent bénévoles –prévus le 13 novembre à la biblio-thèque municipale de Vienne. L.B.

www.sangdencre.org

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Les Éditions littéraires et linguis-tiques de Grenoble ont fêté enoctobre 30 ans de publicationsuniversitaires.

Avec un catalogue de 150 titres, 8collections et 12 revues, les Ellugcouvrent aujourd’hui largement lesdomaines de compétences qui sontceux de l’université Stendhal : litté-ratures et cultures françaises etétrangères, sciences du langage,communication. Au fil des années,et avec le soutien renouvelé des dif-férentes équipes successives del’université Stendhal, le service despublications a peu à peu évolué jus-qu’à devenir une véritable structureéditoriale.Depuis toujours, le choixa été fait de publier une majorité detextes proposés par des auteursextérieurs à l’université. Cet étatd’esprit est encore présent puisqueles Ellug se tournent aujourd’huivers les sciences humaines, en col-laboration avec d’autres équipes derecherche grenobloises. Ainsi, en2009,de nouvelles collections ferontleur apparition dans le catalogue, enpartenariat avec la Maison dessciences de l’Homme-Alpes et del’université Pierre Mendès-France.C.S.

Les Ellug ont 30 ans

www.u-grenoble3.fr/ellug

« Entre-deux » :un trait d’unionmusical« Entre-deux » est le nom d’une col-lection fraîchement lancée, dédiéeà la pratique de la musique et desarts.Coéditée par Mômeludies et leCFMI (Centre de formation desmusiciens intervenant à l’école) del’université Lyon 2, « Entre-deux »rend compte des pratiques artis-tiques des professionnels commedes amateurs. En donnant la paroleà ceux qui font découvrir lamusique, la transmettent (interve-nants à l’école, musiciens ensei-gnants…) et à ceux qui l’analysent(critiques, philosophes…), cesouvrages instaurent un dialogueentre musiciens et professionnels dela musique, et créent un espace deliaison que chacun peut s’appro-prier. C.S.

www.momeludies.com

/manifestation

Une nouvellefleur en villeDeux auteurs judokas, un titre etune nouvelle maison d’édition.Pour remettre ces éléments dansle bon ordre, Bernard Jadot etMarie-Pierre Oddoux, respective-ment écrivain-journaliste et gra-phiste-illustratrice, viennent decréer Fleur de ville Éditions.Judokas convaincus tous les deux,ils ont cosigné le premier ouvragede la maison, Le P’tit Abc du judo,premier d’une série destinée auxpetits sportifs et à leurs parents.Par la suite, les deux éditeurs sou-haitent travailler avec des auteurs,jeunes ou confirmés, pour desouvrages consacrés à un publicadulte ou jeunesse. Une végétationurbaine à suivre, donc. C.S.

www.fleur-de-ville.net

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actualités / librairie

Il n’y a pas que le Palais idéal duFacteur Cheval à Hauterives…Depuis un an, ce village de laDrôme accueille aussi une librairie.Le Baz’Art des mots. Des livres, unbar à thés,un grand espace d’expo-sition. Et un public déjà fidèle.

Pour le premier anniversaire de lalibrairie, fêté en septembre sous lesigne du polar, il y avait trois cents per-sonnes pour une seule bougie.Pas dequoi surprendre Patricia Lèze, la res-ponsable, dont les animations litté-raires et artistiques – chaque premiersamedi du mois – attirent régulière-ment entre cinquante et cent per-sonnes. Un public attentif et fidèle,qui a très vite compris l’intérêt de celieu atypique créé dans l’ancienmusée d’art brut du village.À la fois librairie en milieu rural (30 ou40 km jusqu’aux commerces deVienne,Valence ou Romans) et espace

Meylan : une histoire de pôlesDu 4 au 29 novembre, les biblio-thèques de Meylan, en partenariatavec les acteurs culturels de la villeet le CCSTI de Grenoble, organisent« Destination Pôles : à la recherche

Le Baz’Art des mots : premier anniversaire d’une librairie dans la Drôme

À deux pas du Facteur Cheval…

/bibliothèque

Samedi 8 novembre, 18hsoirée de poésie amérindienne,dans le cadre de la Biennale de lapoésie en Rhône-Alpes. Avec le tra-ducteur Manuel van Thienen et l’ar-tiste Nora Herman, à l’occasion dela parution d’une anthologie publiée

par la Maison de la poésie Rhône-Alpes.

du climat perdu »,une manifestationde sensibilisation à l’évolution cli-matique de notre planète qui s’ins-crit dans l’année polaire interna-tionale et Science en fête. Desrencontres, des films, des ateliers etdes expositions auront lieu dansdifférents lieux de la ville.www.meylan-bibliotheque.fr

Le Baz’Art des mots19, grande rue 26390 Hauterivestél. /Fax 04 75 68 95 40http://bazartdesmots.over-blog.com

convivial, où « il n’est pas rare queles clients passent une après-midi »,le Baz’Art des mots bénéficie d’unezone de chalandise très étendue,dans une région – la Drôme descollines – en plein essor. La diver-sité de l’offre et l’originalité du lieufont le reste.

Atypique et inattendue…

Résultat, alors que Patricia Lèze,drômoise d’origine, venue à lalibrairie après une carrière dans lesocial et une formation à l’Institutnational de formation de la librai-rie en 2006, misait sur la proxi-mité du monument touristiquequ’est le palais du Facteur cheval(150 000 visiteurs annuels), 90 %des clients sont du coin. « J’aichoisi un village qui bouge, où il ya une volonté de changement etune nouvelle population néo-rurale.

à la papeterie de dépannage et à la« belle » carterie. F. H.

Lucioles etLe Squaresur la ToileToutes deux appartiennent au grou-pement Initiales, toutes deux vien-nent de faire leurs premiers pas surla Toile… Les librairies Le Square,à Grenoble, et Lucioles, à Vienne,possèdent désormais leur vitrinesur le Net. Mieux que des vitrinesd’ailleurs, les deux sites ont créé unespace convivial avec des coups decœur, des portraits d’écrivains sousla forme d’articles (Le Square) oud’entretiens (Lucioles),un aperçu duprogramme des animations, la possi-bilité de s’abonner à la newsletter…Mieux communiquer, susciterl’intérêt des lecteurs, donner enviede lire et de venir à la librairie, cesdeux nouvelles adresses mettent leséquipes à contribution. Il s’agit dedonner une image fidèle de la viede la librairie et d’être, sur la Toile,en adéquation avec le lieu. L.B.

www.librairielucioles.frwww.librairielesquare.fr

Librairie Mots et merveilles99, grande rue69610 Sainte-Foy l’Argentièretél. 04 72 54 69 51

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J’ai aussi bénéficié d’un importantsoutien de la mairie, qui m’a pro-posé un loyer très intéressant pources locaux municipaux ».Des locaux atypiques eux aussi.450 m2 sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée, la librairie (120 m2) etle bar à thés (30 m2), au premier etau deuxième étages, des sallesd’exposition.8 000 volumes, un bel espace jeu-nesse,un rayon art étoffé,un gros tra-vail sur les coups de cœur, beaucoupde conseil et la mise en avant de petitséditeurs : « une part de l’identité de lalibrairie », assure la responsable.Après une première année réussie –et un chiffre d’affaires de 170 K€ –,Patricia Lèze ne s’enflamme pas.Sonprogramme passe maintenant parl’informatisation de sa gestion.Et parde nouvelles découvertes littéraires etartistiques, à partager dans cettelibrairie inattendue. L.B.

L’amour aurendez-vousEsperluette et Savoie-Biblioorganisent une journée profes-sionnelle, le 20 novembre, dansle cadre du salon du livre deCluses (20-23 novembre).« L’amour : une littérature pas-sionnelle ? », c’est le thème decette journée, qui interrogerala place de l’amour dans la lit-térature jeunesse, l’image du

roman d’amour et de ses lecteursainsi que l’évolution de la théma-tique amoureuse en BD. Avec l’écri-vain Sophie Chérer, Marie-HélèneRoutisseau, spécialiste de la littéra-ture jeunesse, Annick Houel, univer-sitaire et spécialiste de la questiondu genre, et Jacques Tramson, prési-dent de l’Institut internationalCharles Perrault.

Médiathèque de Cluses20 novembretél. 04 50 98 97 63www.esperluette-cluses.fr

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Une pour douze,douze pour uneUne librairie a ouvert à Sainte-Foyl’Argentière, dans l’ouest lyonnais,au cœur d’une zone rurale de douzecommunes. « C’est un projetmodeste, mais avant l’ouverture deMots et merveilles, il fallait parcourirdes kilomètres pour trouver unelibrairie », précise Élise Chaverot, ex-coordinatrice du réseau de biblio-thèques du canton et désormaislibraire.Depuis le 11 octobre,à deuxpas du collège du village,40 m2 sontdédiés au livre. Le fonds de 1 400titres est réparti entre littératuregénérale (35 %), jeunesse (25 %),beaux-livres et livres pratiques (20 %),bande dessinée et mangas (15 %),essais et documents (5 %). Un petitespace de 5 m2 est en outre réservé

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Organiser un festival littéraire en milieu rural :retrouvez chaque mois un nouvel épisode

(3) Des écrivainsen Grésivaudan

Pour sa nouvelle édition, le festi-val de littérature Écrivains enGrésivaudan s’est donné pourthème un simple verbe, « partir »,mais tout un programme à la clé.À quelques jours de la manifes-tation (13-15 novembre), les lec-tures vont bon train tandis quede belles affiches fleurissent surles murs de la vallée.

Épineuse question que celle de laprogrammation,qui reste une histoired’équilibre.L’ambition de départ,pourÉcrivains en Grésivaudan, n’a paschangé : réveiller l’envie de livre dans

un territoire à la fois rural et rurbain.Dans un tel archipel de petites voirede très petites communes, seule laforce d’un projet collectif pouvaitsecouer les inerties, emporter l’ad-hésion en mutualisant les moyens.Pas question pour autant de braderla qualité.D’où le souci d’uneprogrammation atti-rante, mais ni raco-leuse ni élitiste. Lespremiers festivalsréunissaient unepoignée d’écrivainsretenus en fonctionde leur actualitélittéraire et de sonécho, mais aussides désirs du col-lectif. Pour la qua-trième fois, les orga-nisatrices ont choisiune entrée théma-tique, « partir »,

assez précise pour dynamiser laconstruction du programme etassez large pour ne pas enfermerdans un catalogue, pour inviter audialogue plusieurs types de« voyages » à partir d’une premièregrande liste de départ d’une tren-taine d’auteurs.

De fait, la diversité,autre pierre angu-laire de l’événement,est assurée, entre leromanesque intimistede Claudie Gallay, lestrès humanistes récitsde Jean-Yves Loudeou la spiritualitévoyageuse promisepar Olivier Germain-Thomas.Deux propo-sitions plus risquées,parce que FabienneJuhel et Sylvie Aymardjouent les outsiders,viennent corser une

affiche qui demande en tout étatde cause, encore une fois, à êtredéfendue et portée.Elle l’est de dix façons : rigueurd’organisation des professionnels,mobilisation des amateurs et desréseaux amis,diffusion des livres enamont dans 13 bibliothèques,deuxlycées, un centre hospitalier et unemaison de retraite. L’écrivain étantau cœur de la manifestation, sa pré-sence est anticipée par des lectures,assurées depuis le 10 octobre et dansdifférents lieux par les comédiensde l’association Les 7 familles.Porteuse, enfin, l’image du festival,produite par les graphistes duStudio Desperado, l’est chaqueannée. Image de bricolage poétiqueet d’invention qui convient bien àune petite manifestation dénuée decomplexes mais qui, avec lucidité,ne se pique pas d’imiter les grandes.Danielle Maurel

(à suivre…)

de

A à

Z…

livres & lectures/ littérature

Après un étonnant détourpar la science-fiction,dans Flowerbone,RobertAlexis revient à un cadrehistorique, la fin duXVIIIe siècle, pour sondernier roman,paru chezJosé Corti. Les Figuresproposent une plongéesombre et brutale aucœur de l’âme humaine,à travers l’étrange destind’un médecin aliénistequi cherche à explorer ceque la folie rend possible.

Robert Alexis est unorfèvre plein d’adresse et de malice.Il sculpte les phrases jusqu’à leurdonner la précision et le tranchantqui séduiront le lecteur et lui per-mettront de le suivre jusqu’au boutdes contes effrayants qu’il invente.Les Figures, dernier exercice de cetécrivain plus que discret, est sur cepoint une réussite.Car Robert Alexissait faire vivre et résonner unmonde, en travaillant une langueriche, soignée et élégante, qui

sont données par Donadieu, héritierspirituel et tout aussi pervers que lemaître, à l’intention de la nièce du« grand homme »,venue jusque dansles murs du sinistre hôpital chercherla vérité sur ce parent autour duquel,par précaution,la famille a préféré gar-der le silence. Oui, mais la jeunefemme, elle aussi, se sent « autre »,habitée par des pulsions et des désirscoupables.« Connaître la nature d’unméfait, n’était-ce pas s’en mieux gar-der ? Dans l’ignorance de notre partmaudite, ne serions-nous pas réduitsquelque jour à commettre l’irrépa-rable ? » C’est par ces mots que labelle révèle son ingénuité perverse…

Au cœur de la folie

Chaque lecture permettra de mieuxcomprendre la terrible entreprise dumédecin, prêt à toutes les perversi-tés pour saisir l’identité profonde etplurielle des êtres ; chaque lectureentraînera en même temps la jeunefemme dans un cercle d’initiationoù la cruauté le disputera peu à peuà l’obscène.Détruire son identité pour mieux larecouvrer. Au risque de la perdre. Telest l’objet de la quête menée par lespersonnages – homme ou femme –

de Robert Alexis. Trouver cette iden-tité parmi toutes les forces obscuresqui peuplent les âmes et les poussentà agir – éventuellement de manièretotalement immorale. Robert Alexisest à l’écoute de ces voix souterraines.Il sait en retracer les effets et lesmodulations.Avec talent, il place tousses personnages « face à leur plura-lité ». Pour leur permettre de com-prendre ce qu’ils sont. L’écrivain s’yconnaît en matière de double. L. B.

Robert AlexisLes FiguresJosé Corti224 p., 16 €ISBN 978-2-7143-0979-2

« On avait cru me réduire àl’état le plus méprisable, jem’enrichissais au contraired’une connaissance singu-

lière. Je me trouvais au cœur dece que j’avais recherché, un lieusans repère, mais dense ô com-bien ! mille flèches me traversant,trempées d’un poison nourricier.Je m’élevais quand on avait voulume rabaisser, je m’instruisais enaugmentant mon être, je reven-diquais la bête que je sentais gros-sir en moi jour après jour. »

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prend le temps de la subtilité et dumystère. Deux qualités qui vontparfaitement à l’écrivain toutautant qu’à cette France de l’après-Révolution, pleine de fureur etd’esprits décadents.Les Figures, court roman initiatiqueempruntant les parcours souterrainsde la folie, se déroule à travers lemiroir de quatre lectures d’un récit demémoires laissé par le médecin alié-niste Étienne de Creyst. Ces lectures

Les trésors de la folie selon Robert Alexis

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livres & lectures/ littérature

sens du concret, de la présence àdes lieux et à une histoire au fil de« la lente méditation séculaire ».Georges Hilaire fut enseignant. Larage et la passion de transmettrenourrissent sa prose enfiévrée etmaîtrisée, au phrasé ample, ferme,dru. Venant de ces siècles d’art derésister (à la misère, aux pluies ouaux gels,aux guerres),qu’avons-nousà donner aujourd’hui comme outilsde vie, comme forces du verbe,comme certitudes pour penser etconnaître,à ceux qui nous suivent ?Pour autant,Georges Hilaire ne tombepas dans les pièges de l’écriturepamphlétaire, aux colères forcées.

Voici un livre superbe – d’exigence,de colère insoumise, de liberté sou-veraine. Un livre qui parle de haut– et pas simplement parce que saparole jaillit depuis les plateaux deHaute-Loire, les terres de Pradelles –,de loin (il ranime tant de choses quine sont plus : justesse des gestes etdes façons d’hier…) et de très près,tant son impatience vient bouscu-ler nos lignes d’abandon et d’anes-thésie molle.Ce livre est à la fois une évocationet une profération. D’admirablesGéorgiques, ressuscitant une civili-sation presque effacée où les metsavaient du goût, les paroles unpoids, le « charroi du temps » unsens.Géorgiques sur lesquelles souf-flerait une sorte de fureur sacrée – on pense aux grands pamphletsde Bernanos – s’en prenant auxmille et une impostures de cetemps. Les déchiquetant à partir dece qu’a de désolant cette perte du

Son livre reste un parcours person-nel, une errance piétonne, prochedes herbages,de la roche,des eaux,des jeunes et des vieux de Pradellescomme des voix de la poésie,Eliot ouAuden. Il allume ainsi une puissantelampe tempête pour éclairer cestemps qui s’enténèbrent. Claude

Burgelin

Georges HilaireLa LampeTempêteLa Rumeur libre224 p., 18 €ISBN 978-2-35577-003-6

Noces de sangC’est l’histoire d’un homme, Michel– né dans le mensonge, le mystère oula folie ? –, un homme d’art, d’argentet de sexe. Héros très fin de siècle, enquête d’une grâce qui transfigure lachair et la consacre à l’égal de l’esprit,il traverse une vie qui tout à la fois lecomble et l’épuise.« Jouir d’un mondeauquel il n’est pas parvenu à croire »,telle est la non-foi fébrile qui guide lespas du personnage, dans les à-coupsd’une réussite sociale, d’une fièvrecréatrice et d’une grande fatigue d’êtrequi s’exacerbent ou s’annulent. Fêtedes sens, festins de chairs,mais fin detrajectoire tragique,alors qu’il touchaitenfin – peut-être – à une formed’innocence charnelle.Mécanique flamboyante, le roman deSerge Rivron entremêle érotisme– pornographie, diront certains – etromanesque. Les récits qui entrecroi-sent l’histoire de Michel et de sa mère,Marie,à un texte en miettes – « pagesarrachées » au roman écrit par Michellui-même ? –, se rejoignent dans uneapothéose d’amour et de mort.Au prixd’un scénario qui (se) joue de ficellessi grosses que le lecteur se demandedans quel histoire tragico-cosmiqueon l’a plongé,pour finir par rendre lesarmes devant tant de superbe dérai-son. Il faut dire que la langue violenteet douce de Serge Rivron permetl’envol de cette histoire messianiqueet charrie des références magnifique-ment assumées. Écriture forte etsouveraine, quête d’un paradisimpossible dans une extase exté-nuante, La Chair est un romanmajeur : une épreuve et un troublequi font longtemps écho. D. M.

Serge RivronLa ChairJean-Pierre Huguet Éditeur Collection « Les sœurs océanes »300 p., 18 €ISBN 978-2-35575-024-3

Sagessede saison

À l’image des ricochets, l’aphorismeest un art difficile, certains mots-cailloux faisant plouf dans la mare auxbanalités. Rien de tel chez JeanAndersson, dont les galets dessinentjusqu’au bout de la phrase une trajec-toire d’évidence. Il y a de la leçon desagesse épurée dans ce recueil qui sedéguste comme un gâteau d’automne.Nostalgique et légère, drôle et tendre,la parole poétique se fait ici à la foisdésabusée et tendue vers demain ; ellefile droit au but et le lecteur avanceavec elle sur le fil de cette lumière.D.M.

Jean AnderssonRicochetsColor GangCollection « Chantiers »104 p., 13 €ISBN 978-2-915107-32-6

par

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on ceptibles de la conscience humaine

et des mystères qui l’entourent : letemps, la mémoire, le questionne-ment métaphysique et le caractèreéphémère de tout ce qui est vivant :« Il n’est rien en définitive qui puisserésister à cet embrasement univer-sel, à ce mouvement de destructionglobale, sous l’effet conjugué de lacombustion et de la dispersion dansle temps, à cette progression concer-tée vers le chaos. » Grave et mélan-colique, la prose poétique d’HubertVoignier nous mène une fois de plusau cœur d’un songe à la fois cruelet infiniment charmant. Commel’est la vie. Y.N.

Hubert VoignierLe MorateurCheyne ÉditeurCollection « Grands fonds »68 p., 14,50 €ISBN 978-2-84116-131-7

La lumière de Georges Hilaire

L’art et la force pourrésister

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Riv

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L’espace-tempsAprès un bref détour du côté desamours contrariées avec Le Débatsolitaire, l’excellent Hubert Voignierrevient à sa chère dame nature avecun livre troublant,décrivant la quêted’un homme étrangement fascinépar un lieu-dit appelé Le Morateur.C’est la vision d’un panneau designalisation routière qui déclenchechez le narrateur une fascinationirrépressible et énigmatique pourun lieu qu’il va tenter de s’accapa-rer. Au fil de son errance et de sesrecherches, ce dernier tentera ausside comprendre l’envoûtant attraitqui l’enchaîne à cet espace indéter-miné, comme s’il devait trouver làdes explications à sa fragile présenceau monde.Une quête aux frontièresdu rêve et de la réalité qu’HubertVoignier sublime grâce à une prosetoujours aussi élégante, fouillantsans relâche les mouvements imper-

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À l’ombredes normesPremier roman de la collection« À charge », aux éditions À plusd’un titre, Les Ruines de la futuremaison, de Hélène Dassavray, estaussi un récit sur les vies en marge.

« Je voudrais t’écrire quelques photos,que tu saches quelle femme je suis,de qui je suis accompagnée – peut-êtreessayer de m’y reconnaître moi aussi.[…] Tout le monde a son passé, c’estseulement que le mien avance avecmoi,qu’il vit encore dans mon présentet qu’il est sérieusement peuplé. »

Un policier au temps du fascisme

Forza Italia !Les éditions La Fosse aux ours, fidèles à leurtropisme italien, présentent Fàulas, deLuciano Marrocu, premier volet d’une sériepolicière qui se déroule au temps du fascisme.Le roman de genre à l’épreuve d’une histoirequi ne cesse de faire débat en Italie.

À un homme qu’elle vientde rencontrer, une femmese raconte. Comme onépluche un album de sou-venirs, elle s’effeuille pourse saisir par les bouts lesplus signifiants, reprenantpatiemment, dans le soucid’être bien comprise, lesétapes de son itinéraire :ses aventures, ses hommes,ses enfants, la descentedans le sud, le campement,toute cette famille de bric

et de broc lentement construite àl’ombre des normes. Une vie ruralequi, pour compliquée qu’ellepuisse paraître aux yeux de qui n’ajamais fait un pas hors des rails dela morale commune, n’en demeurepas moins simple et frugale, àl’écoute du cœur plutôt que desinfos et des publicités. Ainsi lerécit tendre et subtil de HélèneDassavray finit-il par éclairer uneexpérience de vie en marge desconventions sociales et par découvrirsa lumineuse narratrice. Marc Jéru

Hélène DassavrayLes Ruines de la future maisonÉditions À plus d’un titre136 p., 12,50 € ISBN 978-2-91748-600-9

« Vous voyez bien que le fascisme est un phéno-mène polyédrique et complexe.Même mes fichiersn’arrivent pas à le contenir.Le fascisme,c’est l’Italie.»Le supérieur de l’inspecteur Serra, le cavaliereCaruezzo,n’est pas un poète,mais il faut reconnaîtrequ’il a de temps à autre l’art de la formule,même si celle-ci ne doit pas sortir de sonbureau… Il est vrai que, dans l’Ovra, la policesecrète fasciste, on sait laver le linge sale enfamille. Et il y a de quoi faire dans ce premiervolet des enquêtes de l’inspecteur Serra.Rome, 1939. Un haut dignitaire du régime musso-linien est assassiné.Un autre est soupçonné d’avoircommandité le meurtre. L’enquête se déroule surfond de grosses affaires : la bonification des terresen Sardaigne rapporte gros à celui qui sait être dubon côté.Mais de quel côté est le bon côté ? Difficilede le dire, tant la corruption généralisée gangrènela vie du régime. Hommes politiques et citoyensdans le même panier.Personnage assez falot, petit soldat consciencieux,Luciano Serra aura bien du mal à aller au bout deses investigations.Mais celles-ci,au même titre quel’énigme,ne sont qu’un prétexte,permettant à l’au-teur de dresser de la société italienne un tableauqui pourrait être comique s’il n’était pas si sombre.C’est là l’intérêt de cette série.Découvrir les rouagespoliciers de la machine totalitaire italienne. Unemachine qui utilise les personnages et semble sou-vent inefficace. En ce sens, le fascisme de Fàulasn’est pas un décor,même s’il se présente parfois demanière presque bon enfant.On fait crédit à LucianoMarrocu, qui est historien, de ce regard inattendu.Et on se laisse porter, malgré quelques maladressesdans la narration, par ce premier roman. L.B.

Des hauts et des bas

Depuis que les drogues douces sonten vente libre en pharmacie, Denisest « vénère ». Il a perdu son biznessde dealer et vivote comme il peutdu RMI, avec sa copine malade, àLyon. Du Lidl à l’ANPE, en passantpar les prostituées du coursCharlemagne et les vilénies télé-réelles, il décrit crûment son quoti-dien de lutte pour la survie, et pourenfin parvenir à décrocher un boulot

dans un restaurant. L’espoir de s’ensortir avec un salaire sera de courtedurée. Toutes les allocations sautentet la réalité du couple devient unvrai Bad Trip. L’occasion pour JackySchwartzmann, dans son premierroman, de tirer à boulets rougessur les rouages du système socialfrançais. M.J.

Jacky SchwartzmannBad TripHugo et Compagnie142 p., 13,50 €ISBN 978-2-75560-222-7

livres & lectures/polar

Lyon, tout feutout flammeAlain Darne signe un roman histo-rique sur Lyon après la Révolution.

L’Été de feu, qui donne son titre auroman d’Alain Darne, est celui de1793. Une saison qui fut particu-lièrement brûlante à Lyon. Et passeulement à cause de la chaleur,mais aussi en raison des boulets quienflammèrent la ville. À cetteépoque, Lyon fut en effet le théâtred’un siège sanglant, d’une guerresans merci.Celle que se livrèrent lespartisans du régime de la Terreur etune bonne partie de la population,plaidant pour un régime plusmodéré, regroupée sous la bannièred’un aristocrate, le colonel Précy.

C’est dans ce contexte qu’AlainDarne fait évoluer son héros, unjeune comédien qui passe du campde la Terreur, celui de son père, àcelui des modérés – celui d’un jeunehomme à qui il a sauvé la vie etdont la sœur ne le laisse pas indif-férent. L’histoire individuelle,pleinede péripéties sentimentales et guer-rières, se mêle à la grande Histoirequi forge le destin des hommes.D’une écriture classique, s’inspirantsans avoir à en rougir des grandsromanciers du XIXe siècle, AlainDarne fait exister l’une et l’autre.Il signe là un roman historiquebien charpenté et solidementdocumenté, doté d’une grandeforce visuelle. Nicolas Blondeau

Alain DarneL’Été de feuBelfond384 p., 20 €ISBN 978-2-7144-4446-2

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Luciano MarrocuFàulasTraduit de l’italien par Marc PorcuLa Fosse aux ours208 p., 18 €ISBN 978-2-35707-000-4

+ + + + + + + + + + + + + + + + http://auteurs.arald.orgconsultez le site des écrivains, des auteurs et illustrateurs jeunesse de Rhône-Alpes

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DétournementThierry Di Rollo est un écrivain quicompte dans la SF française. On estdonc d’autant plus intrigué par LeSyndrome de l’éléphant, un romanplutôt noir, sorti chez Denoël.Peu depersonnages, une aventure menée àl’économie,mais une dimension fan-tastique qui porte loin. Launey etJocelin font équipe dans le domainelucratif du cambriolage.Jusqu’au jouroù le coup tourne mal et se terminedans le sang. Un cadavre embarras-sant va mettre fin à l’association.Car Jocelin possède un curieux don,qui lui rend toute chose et toute pen-sée transparentes. Difficile pour luid’être ainsi confronté aussi directe-ment au mensonge qui nourrit sigénéreusement l’âme humaine.Voir,deviner, comprendre, constitue unelourde charge qui peut conduire audésespoir. Un cauchemar dont lesformes se multiplient.Le jour autantque la nuit.Le Syndrome de l’éléphant est conduità la manière d’un polar. Il en utilise eten détourne les codes.Au profit d’uneétrange embardée romanesque quiguette au virage tous ses personnagesdécentrés,fragiles.Et cueille en mêmetemps le lecteur. L. B.

Thierry Di RolloLe Syndrome de l’éléphantDenoël192 p., 15 € - ISBN 978-2-207-25976-4

Un thriller ethnolinguistique…Dans Le Serval noir, Marc Vassartfait le pari d’une course-poursuiteà la recherche du langage humainoriginel.

L’histoire du Serval noir commence…en pleine Chiraquie,à la veille de l’ou-verture du Musée des arts premiers,quai Branly. Mais nous sommes sur-tout en plein démantèlement duMusée de l’homme. D’où l’angoissede Somerset Bienvenue (sic),qui y tra-vaille en qualité d’ethnolinguiste etcherche à réaliser un « coup » dansl’espoir de sauver son service.Destination : le Kenya (et sa capitalebombardée par les Américains !) poury récupérer une poterie rare.

livres & lectures/polar

ÉDITIONS DE L’ASTRONOME

Mémoires croisées 1940-1945de Josette BuzaréEn 1940, Raymond Steffann,Jean Gilbert et Walter Bassanont entre 14 et 15 ans.Raymond Steffann choisitl’obéissance à ses parents afinde leur épargner la déportation.Jean Gilbert choisit, quant à lui,de désobéir aux ordres de Vichy.Le plus jeune, Walter Bassan,opte pour la résistance auxarmées d’occupation italienneset allemandes. Trois visages,trois témoignages, troistrajectoires sur le chemin de la liberté, sans jugement sur les choix de ceux qui ontvécu ces périodes dramatiques.

175 p., 18 €ISBN 978-2-916147-33-8

ÉDITIONS STÉPHANEBACHÈS

Un siècle de danse à Lyon 1900-2000de Florence Poudru,préface de CarolynCarlsonDes derniers sursauts du music-hall, vers 1900,à l’émergence du hip-hop,dont la région a été le ferde lance dès 1985, la danseprésente tous ses visages à Lyon. Ce livre, richementillustré, raconte cetteaventure à l’échelle d’unemétropole, en rassemblantles lieux de représentation,les œuvres, les grandsstudios, les artistes et tousceux qui ont contribué à son développement et à son rayonnement.

Collection Mémoire144 p., 35 €ISBN 978-2-915266-91-7

BALIVERNES ÉDITIONS

Les Orangers de Tahititextes de Roxanne-MarieGalliez, illustrations de Marie DiazCet album met en couleursune légende venue des îlespolynésiennes. Sur l’île de

Tahiti, Anani est la plus belleet personne ne trouve grâce à ses yeux. Le sage Tahua va la transformer en arbre, et elledécouvrira que l’amour peutse nourrir de la patience, del’écoute et du respect, et ainsipermettre au cœur le plus secde s’ouvrir aux autres et deporter des fruits, qui seront lespremières oranges de Tahiti.

collection Fariboles45 p., 14,50 €ISBN 978-2-35067-030-0

CHAMP VALLON

Les Amateurs d’art àParis au XVIIIe sièclede Charlotte GuichardDans l’espace artistiquedes Lumières, encorelargement structuré parl’Académie royale depeinture, le développementd’une culture visuelle au sein des élites consacrela place centrale desamateurs. Promu commemodèle du public par lesystème monarchique desarts, l’amateur n’est pasune figure désintéressée dugoût. Il est tout au contraireun acteur qui joue un rôledécisif, au cœur destensions qui structurent les mondes de l’art, entre la naissance d’un espace

public de l’art, le renouveaudes valeurs académiques etl’essor des collections.

collection Époques448 p., 29 €ISBN 978-2-87673-492-0

COLOR GANG

Ailleurs, toute !de Jean-Yves PicqCette pièce, de l’écrivainJean-Yves Picq, a été créée le 11 juin 2008 à Nouméa, puis a tourné en Nouvelle-Calédonie et au Festival d’Avignon.

collection Urgences93 p., 13 €ISBN 978-2-915107-36-4

L’intrigue nous conduit sur despistes de latérite,balisées de scènesjoliment croquées : un regroupe-ment près d’un puits, où un grand-père remplit d’eau une poupée gon-flable, le déminage d’une route àl’aide de rats capricieux, l’avancéedes Américains détruisant tout surleur passage puis « se démenantcomme des diables pour réparer »…L’auteur a le sens de l’image, mêmes’il ne nous épargne pas certains pas-sages plus didactiques (sur la grandevallée du Rift par exemple). MarcVassart reste capable de métaphoresosées.À propos d’un jeune chercheur« qui ne parle que sept langues » ettrouve à travailler dans l’équipe de sesrêves : « Il était aussi joyeux qu’unpoisson mutant qui vient de trouversa niche écologique après avoir tra-versé l’Atlantique et remonté l’Orénoquejusqu’à sa source. Il voyait l’ombre deLévi-Strauss derrière chaque totem,la coiffure échevelée de Jean Malaurieà côté du moindre objet inuit ».En plein chaos kenyan, entre grandsreporters et mercenaires, les aventuresde Somerset Bienvenue ne font quecommencer.Le véritable objet de sonenquête s’avèrera être rien moins quela langue originelle de l’humanité !Frédérick Houdaer

Marc VassartLe Serval noirAu diable vauvert504 p., 20 € - ISBN 978 2 84626 173 9

Marc Vassart : un premier polaraux frontières du fantastique

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nouveautés des éditeurs

Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Caroline Schindler

Robocules,animaloïdes et Cie

Qui a dit que la science-fictionn’était qu’une littérature d’idées ?Il suffit de lire Corps-machines &rêves d’anges, d’Alain Bergeron, ilsuffit de découvrir une seule des

nouvelles de cette anthologie pour seconvaincre que l’émotion a toute saplace dans ce genre littéraire.Qu’il nous décrive « Le Bagne deVénus »,où les forçats voient leurs cer-veaux enfermés dans des machines,qu’il nous fasse comprendre uneréalité truquée au travers de jeux demiroirs (l’influence de Dickens est cer-taine), qu’il esquisse toutes sortesd’enfermements dans des espaces vir-tuels,qu’il croise les genres (science-fiction/fantastique),Bergeron n’oubliejamais de conférer une réelle cohé-rence aux mondes qu’il invente.Est-cele Mal qui les structure ?Le futur est sombre,mais riche chez cetécrivain.Riche de souffrances,d’injus-tices, mais aussi de poésie. F. H.

Alain BergeronCorps-machines & rêves d’angesLes Moutons électriques Éditeur

Collection « La bibliothèque voltaïque »

378 p., 26 € - ISBN 978-2-915793-44-4

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ÉDITIONS GUÉRIN

La Dame de picde Simone BadierDe Fontainebleau aux facesNord, en passant par leSaussois et les Dolomites,le parcours exemplaire d’unealpiniste extraordinaire :Simone Badier.

collection Petite collection250 p., 14 €ISBN 978-2-35221-027-6

par son inégalable beautéautant que par sa douceurd’âme, de ce même sérail.Pour déjouer la méfiance deseunuques et multiplier lesoccasions de rendre visite à sabien-aimée, Abdeker entreprendde lui transmettre tous lesmoyens pour une femme de conserver la beauté.

collection Mémoires du corps280 p., 20 €, ISBN 978-2-84137-238-6

LA PASSE DU VENT

Bleu de terred’Annie SalagerOn connaît Annie Salager pour ses écrits poétiques. Elle publie iciun recueil de nouvelles qui, toutes,possèdent un lien sous-jacent :l’exil, intérieur ou politique.

126 p., 10 €ISBN 978-2-84562-134-3

ELAH (ÉDITIONS LYONNAISES

D’ART ET D’HISTOIRE)

Guignol, les Mourguetde Paul FournelSpécialiste du Guignollyonnais, Paul Fournel livre,dans cet ouvrage (rééditiond’un livre paru au Seuil),l’histoire de cettemarionnette créée en 1808par Laurent Mourguet.Canut au chômage, il nesavait pas écrire, mais ilsavait improviser, sculpter,jouer, captiver un auditoire,et enseigner : il fit d’ailleursde ses enfants des discipleset, en deux générations deMourguet, Guignol devintune marionnettemondialement connue.190 p., 30 €ISBN 978-2-84147-193-5

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d’Aphrodite qui passe d’un forgeronboiteux, tout Héphaïstos qu’il est,au roi des ivrognes,en la personne deDionysos).Loin de toute imagerie douteuse,faus-sement héroïque, visant à glorifier laguerre, Toppi s’inscrit simplementdans la lignée d’un Goya.Rien moins.Pillards,barbares, lansquenets,BaronRouge et guerriers africains, tous sontconviés au bal sauvage contenu danscet ouvrage que l’on offrira à ceux quiont fait de La Chair et le sang,de PaulVerhoeven, un film culte. F. H.

Dessins de Sergio ToppiTextes de Jean-Louis RouxSoudards et belles garcesÉditions Mosquito, 176 p., 25 € ISBN 2-35283-018-4

Mieux qu’une monographie dugrand dessinateur Toppi,Soudardset belles garces, aux éditionsMosquito, est une exploration deson univers sensuel et cruel sousla plume de Jean-Louis Roux.

Soudards et belles garces. Tout estdans le titre.Et surtout, tout est dansle dessin de Toppi dont les éditionsMosquito suivent le travail avec unebelle fidélité.C’est peu dire que le conflit et labeauté innervent l’œuvre du maîtremilanais. Dans l’introduction, Jean-Louis Roux prétend que « les per-sonnages de Toppi portent déjà leurdestin dans le seul cerne de leursilhouette ». Façon d’annoncer lacouleur ? Même les images en noiret blanc semblent prêtes à saigner !De quoi s’agit-il, au fait ? D’unebalade cruelle dans l’histoire de l’hu-manité que Roux nous offre, au tra-vers des merveilles graphiques deToppi. Tout le spectre est balayé : dela préhistoire aux mercenaires d’au-jourd’hui (sans omettre les indispen-sables « temps mythiques »). Tout cevoyage pour atteindre à un dernierchapitre intitulé « La femme est l’ave-nir de l’homme,c’est ce qui se dit… »,où des forces spéciales encombréesde leurs technologies croisent desdéesses aux goûts bizarres (l’exemple

La Miss au paysdes merveillesSylvie Fontaine nous offre la mer-veilleuse épopée de Miss Va-nu-pieds,mélange pop et surréaliste, parcoursgraphique d’une jeune femme dansun monde ultracontemporain à tra-vers différentes scènes hautementsymboliques.Regard critique sur unesociété conformiste, individualiste,

violente et consumériste,ce huitièmelivre de Sylvie Fontaine – le deuxièmeaux belles éditions Tanibis – trace uneœuvre polymorphe et subversive.Dans cette autofiction pleine de vie,l’auteur fait l’économie des décou-pages classiques de la bande dessi-née, avec un dessin par page, un gra-phisme puissant, des noirs intenses.Les références à l’art sont nom-breuses,de la littérature (Lewis Carroll)à la bande dessinée (Mœbius, JimWoodring), en passant par l’artcontemporain. Une expérience gra-phique extraordinaire.Antoine Fauchié

Sylvie FontaineMiss Va-nu-piedsTanibis136 p., 14 € - ISBN 978-2-84841-011-1

Du 4 au 28 novembre (vernissage le 14) Exposition des éditions Tanibis« Image et bande dessinée -La Nouvelle Vague »

Bibliothèque du 1er arr. de Lyon

livres & lectures/bande dessinéeUn parcours littéraire dans l’œuvre de Toppi

La chair et le sangMosquito :bientôt 20 ans !

Michel Jans est intarissable.De la toutepetite structure associative, créée en1989 pour publier une bande d’amisfous de bande dessinée, à l’actuel cata-logue riche de près de cent cinquantetitres (12 à 15 par an, diffusés et dis-tribués par le géant DDL), le respon-sable des éditions Mosquito retracevolontiers l’histoire de cette passion.Celle-ci est avant tout dévorante… Lapetite maison grenobloise se positionnerésolument à la marge, privilégiant labande dessinée exigeante,basée sur laqualité graphique autant que narrative.Accrochée à ces fondamentaux ettravaillée par l’idée patrimoniale,Mosquito a exhumé de grands ancienscomme Micheluzzi et Toppi, maispublie également de jeunes auteursétrangers.« Depuis vingt ans,nous tironsnotre charrette avec dedans ce que nousvoulons faire et ne pas faire… »,explique Michel Jans, sceptique surl’inflation des titres et la folie des nou-veautés qui a saisi la BD comme lesautres secteurs du livre. Mosquito, lui,vole de ses propres ailes, indifférent auxeffets de mode et de manche. L.B.

www.editionsmosquito.com

ÉDITIONS JÉRÔMEMILLON

Abdeker ou l’art deconserver la beautéd’Antoine Le CamusCe texte de 1754 racontel’histoire d’un amourinterdit entre Abdeker, unjeune médecin attaché ausoin des femmes du séraildu sultan à Constantinople,et la splendide Fatmé, joyau,

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+ + + + + + + + +de nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpes sur www.arald.org

journalistique composentcet ouvrage sur lesrévoltes de Mai 68.Deux textes complètentcette édition trilingue(français, anglais,espagnol) : une analysedes causes des révoltes,avec leur incidence dansle contexte espagnol,de Juan Bosco Diaz-Urmeneta, et une élégie,écrite par BernardChambaz, à la mémoirede Gilles Tautin,étudiant mort durant la répression à Paris.

180 p., 29 €ISBN 978-2-95952-96-7

CRÉAPHIS

68de Bruno BarbeyPlus d’une centained’images de l’un desphotographes de l’âged’or du reportage

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qui se dispute le morceau : chacun de ne pas êtretout à fait d’accord avec l’autre. Et c’est tantmieux : l’autofiction n’aime pas la définition, nile définitif ! Milieu des années quatre-vingt : c’estmaintenant un couple, Robbe-Grillet/Federman,

De quand date l’apparition du mot« autofiction » ? Quel est le premierécrivain à l’avoir utilisé, revendiqué ?Le premier critique à s’en êtreemparé ? Ce sont toutes ces questions,et bien d’autres encore, qui font lamatière foisonnante du livre dePhilippe Gasparini, un essai en formed’histoire qui retrace l’aventure d’unmot-notion-valise aussi séduisant qu’ilpeut se révéler… glissant. Un néolo-gisme plus tout jeune qui (a) fait coulerbeaucoup d’encre, théoriquement etrhétoriquement parlant.

L’auteur procède habilement par stratessuccessives,portions d’époques qui visentà mieux cerner le sujet du délit.Au débutde l’enquête, comme de bien entendu, lepère du mot, Serge Doubrovsky, avec sonmonstre de roman, Fils, qui ouvre unebrèche dans le mur autobiographique que vienttout juste d’édifier Philippe Lejeune (noussommes dans les années soixante-dix).On prendalors presque les mêmes et ça recommence déjà,c’est le trio infernal Doubrovsky/Lejeune/Lecarme

qui (re)dessine d’autres territoires : la « nouvelleautobiographie » est en marche pour l’un, la « sur-fiction » n’est pas en reste pour l’autre. Et puis,plus proche de nous, c’est de nouveau un trio,Genette/Colonna/Nizon, lesquels discutent etrediscutent le mot, tranchent et ne tranchent pasdans le vif du concept. Plus l’autofiction va, plussa définition ne va pas… Aujourd’hui plus qu’hieret moins que demain ! Gasparini de repartir alorsde plus belle et de se faufiler avec adresse dansles méandres des appellations, toutes d’originescontrôlées, cela va sans dire,histoire de voir et desavoir comment ces sortes de textes fonctionnentet dysfonctionnent : roman du je, roman autobio-graphique, autonarration sont tour à tour pesés,soupesés, dépecés et, pour finir, comparés à labelle. Las. L’autofiction a ses déraisons que ladéraison ignore.Et à la fin, peut-être, cette singulière vérité quenous laisserait tout juste subodorer l’auteur del’ouvrage : que l’autofiction,mauvais genre s’il enest, serait d’essence théorique,avant même d’êtreun fait esthétique ou littéraire. Ce qu’il fallaitdémontrer… et l’a été, de la plus convaincantedes manières. Roger-Yves Roche

Philippe GaspariniAutofiction, une aventure du langageLe Seuil, collection « Poétique »340 p., 24 € ISBN 978-2-02097-397-7

livres & lectures/essais

PUG (PRESSES UNIVERSITAIRES

DE GRENOBLE)

Empathie etdéveloppement moral :les émotions morales et la justicede Martin L. HoffmanLes théories contemporaines sesont en général focalisées surla dimensioncomportementale, cognitive ouémotionnelle dudéveloppement moral. Danscet ouvrage, Martin L. Hoffmanregroupe ces trois dimensionspour fournir le premier exposécomplet du développementmoral de l’enfant. Cet ouvrageest l’aboutissement de troisdécennies d’étude et derecherche.

416 p., 30 €ISBN 978-2-7061-1476-2

SYMÉTRIE

Le Théâtre italien de Paris (1801-1831) :chronologie etdocumentsde Jean MongrédienLes huit volumes quicomposent cette sommeproposent un vasteensemble de documentsrelatifs aux trentepremières années del’histoire du Théâtre-Italiende Paris (1801-1831). Ce qui,en 1801, n’était encorequ’un petit théâtre d’operabuffa, est devenu, en 1830,l’un des hauts lieux de lavie sociale et artistiqueparisienne.

5384 p. (8 volumes), 640 €

ISBN 978-2-914373-30-2

Michel Guet publiedeux livres qui prolon-gent une réflexion enta-mée avec Esclaves dubonheur, tous esclavesdu bonheur et L’Artismeconsidéré comme undes beaux-arts, sinoncomme le tout (J.P.Faure

Éditeur). L’ouvrage principal est un essai, quianalyse les rapports entre espace public,pou-voir et artiste, de l’art pariétal à nos jours.L’espace public y est défini comme le lieu dela représentation du pouvoir, au sein duquell’artiste est appelé à s’exprimer. L’auteur pos-tule que cette intimité donne à l’artiste uneposture singulière : il rend le pouvoir osten-tatoire, et celui-ci, à son tour, lui permet lasubversion. Ce phénomène perdure jusqu’àla peinture sur chevalet et la perspective.Jusqu’à la naissance d’un nouvel espacepublic : le « virtuel papier ».L’imprimerie marque la naissance de cetespace, le livre devenant potentiellement uncontre-pouvoir. Malgré les résistances, lanotion d’auteur fait surface et une pensée sur

papier se développe, conduisant aux Lumières età la Révolution. La photo, le cinéma, la télé,Internet, lui succèdent,comme composantes d’unmême espace virtuel public : l’écran.Un dernier-né sur lequel nous alerte l’essai de Michel Guet.Car, par son biais, le pouvoir adoube tout simple-ment le franchissement des barrières symboliquesdu privé et du public. « Un siècle aura suffi, entrela photographie et le téléviseur, pour que s’installeun pouvoir unique et total, logomachique et publi-citaire,qui fait mariage de l’économie,de la scienceet de la technologie, monopolisant la parole, abo-lissant la diversité dans le différencialisme […],neutralisant envie de savoir et de savoir savoir. »Cet Infini Saturé, décrit par Michel Guet, procèdede la Société du spectacle, théorisée par Guy Debord.Il arraisonne littéralement la société, et plusspécifiquement l’espace public et privé, l’espritcritique et les moyens de la connaissance.Nonobstant une écriture ardue et des répétitionsparfois pesantes, l’ouvrage réclame d’être lu caril permet d’éclairer les mécanismes qui concou-rent à des formes sournoises de totalitarisme.Signalons également le pendant littéraire de cetessai : un récit d’anticipation intitulé Bétail…Notre vie en 2025 ? Jean-Marie Juvin

Philippe Gasparini : sur les traces de l’autofiction

Work in progress

L’espace public arraisonné

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Michel Guet

L’Infini saturé,espaces publics,pouvoirs, artistesAtelier de créationlibertaire166 p., 13 €ISBN 978-2-35104-021-8

BétailÉditions À plus d’un titre108 p., 10,80 €ISBN 2-9526760-4-6

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La librairie La Dérive, à Grenoble, fête ses 30 ans

Dériver sans se perdreAu cœur de Grenoble, la librairie La Dérive est unphare attirant, où viennent croiser toutes sortesd’amoureux du livre. L’espace exigu rend toutemanœuvre délicate, peu importe, le lecteur tienttête, puisque le libraire assure l’accueil et le conseil.Fêtant récemment ses trente ans de navigation,Yves Baruffaldi a soufflé sans les éteindre surla passion, la patience, le goût de l’aventure. Si sapetite entreprise n’ignore pas la crise, elle lacontourne vaillamment en prenant des courantsqui portent.

Géographiquement, il n’y a parfois pas loin des rivagesde l’enfance aux accomplissements adultes. YvesBaruffaldi n’a ainsi bougé que de quelques rues depuisla boulangerie familiale,dans un cœur de ville criblé depetits commerces et de boutiques d’artisans. Le jeunegarçon d’alors aimait bien l’odeur du pain,mais ce qu’ilcaressait des yeux c’était la devanture d’un bouquinisteet la promesse des pages derrière la vitre. Très tôt, unecertitude lui vient : c’est cela qu’il veut, c’est là-dedansqu’il entend vivre.Depuis, les sandwicheries, saladeries,bars et boutiques de mode ont pris le haut du pavé,recouvrant la mémoire des échoppes.Mais le rêve d’unfils de boulanger a jeté l’ancre, à quelques pas de là…Cap précoce sur le livre, et bien vite, un brevet profes-sionnel en poche, sauter sur la première marche acces-sible,apprendre le métier chez les autres.Yves Baruffaldise présente chez Arthaud,une des librairies historiquesde la ville. Non sans légèreté, il déclare lors de l’entre-tien que son but est de monter au plus vite sa propreaffaire. Il est pourtant embauché et fait ses armes, dixannées durant, dans la maison de la Grand Rue.Institution haute en couleurs, véritable école où l’en-thousiasme n’est pas douché, mais où le romantismedu livre se débrouille avec les à-côtés du métier : car-tons, expédition, gestion… « C’est là que j’ai compris laréalité de la chaîne,mais quand je manipulais un cartonje me disais toujours qu’au bout de ce paquet il y avaitun auteur. Ça restait magique. »

Un navire, trois voiles

Un jour, l’employé se met à rêver de l’autre côté dumiroir, ce pays où il déciderait lui-même de ses choix,pilote fébrile et seul maître à bord. Ou presque. Voilàqui tombe bien : un fourreur du quartier est en train dese retirer des affaires, et le magasin, avec locaux surarrière-cour, est à prendre.En 1978 naît ainsi la librairieLa Dérive, en même temps qu’Alexandre, fils de Hélèneet Yves Baruffaldi. Année mémorable, suivie de nom-breuses autres d’apprentissages,d’affinement du projetet de virages bien négociés. La question de fond initialeest vite réglée : pas question d’espérer se placer alorscomme libraire généraliste. Il faut innover,glisser sa cou-leur dans le paysage.La Dérive appareille en levant troisvoiles sous le vent de l’époque : un solide rayon « psy »,une partie urbanisme-architecture propre à attirer unpublic professionnel et étudiant très présent à Grenoble,enfin un rayon littérature. « Parce que, tout de même,dès le début c’était cela dont j’avais aussi envie. »

La cerise littéraire

Avec les premiers collaborateurs, Sylviane et Claude, lelibraire de la place Sainte-Claire n’a de cesse d’envoyerdes signaux très loin et partout. Dix ans après la création,la librairie s’invente une jeunesse et crée une secondeenseigne.Les bibliothèques de la ville et de la vallée, l’école

portrait

Montélimaret son publicIl y a des manifestations litté-

raires qui se distinguent par leurthématique ou leur rayonnementmédiatique.Et puis il y a les Cafés lit-téraires de Montélimar,qui retiennentl’attention par la nature et la qualitéde leur public.Début octobre, c’étaitla treizième édition. Treize ans queChristine Carraz et les bénévolesde l’association s’ingénient – contrevents et, parfois même, marées –

à faire de Montélimar, un week-enddurant,une ville où les écrivains sontchez eux.Où ça ? Dans les cafés.Unetrentaine de rendez-vous et des éta-blissements la plupart du temps bon-dés. Mais ce que l’on remarque ici,c’est que ces lecteurs ne sont pasexclusivement des lectrices et que,enmoyenne, ils sont plus jeunes que lepublic habituel des événements litté-raires. Est-ce parce que les cafés,même littéraires,continuent d’attirerla jeunesse ? Est-ce parce que l’offreculturelle dans une petite ville

comme Montélimar n’est pas plé-thorique et que l’on attend,chaqueautomne,le retour de l’événement ?Est-ce parce que l’association estactive et que chacun connaît quel-qu’un qui… ? Sans doute un peu detout ça. Cette année, il y avait unetrentaine d’écrivains.Et,par groupes,par grappes, attablés, heureux etattentifs, beaucoup de gens venusles écouter. L.B. (avec la collaboration

de Philippe Camand)

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Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction : Fabienne Hyvert

Ont participé à ce numéro : Nicolas Blondeau, ClaudeBurgelin, Antoine Choplin,Antoine Fauchié, FrédérickHoudaer, Marc Jéru, Jean-MarieJuvin, Danielle Maurel, YannNicol, Roger-Yves Roche et Caroline Schindler.Remerciements à Michel Janspour les illustrations.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecytél. 04 50 51 64 63 fax 04 50 51 82 05

Conception : PerluetteImpression : Imprimerie Ferréol (Imprim'Vert) Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

ISSN 1626-1331

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

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d’architecture et les cercles psychana-lytiques assurent cette clientèle defond qui assoit la réputation. Il n’estde vie que par les réseaux : YvesBaruffaldi a fait sienne cette devise.Pas un colloque de ses deux pre-mières spécialités où on ne voit, aufil des années, sa table garnie detitres et son sourire complice.Le filon littéraire attendait son heure.Le coup de pioche est venu un jourde juin 2001, avec la création d’uneassociation des amis de la librairie.« Rives & Dérives, déclarait Yves B-aruffaldi lors des 30 ans de sa petiteaffaire, c’est un peu la cerise sur lagâteau, l’aboutissement que j’espé-rais… ». Une quarantaine d’auteursinvités en sept ans,un journal quatrepages qui publiera ce mois son 32e

numéro et encore des idées pour lesmois et les années à venir.Aujourd’hui,Martine et Muriel,Gaëlleet Camille, les libraires, aident à tenirle cap. La double petite ruche duquartier des halles a tenu tête à biendes crises, et regarde l’horizon assezsereinement.Les cartons vivent,dansles locaux exigus, une vie intense…mais toujours un peu fragile. D. M.

Librairie La Dérive 10, place Sainte-Claire38000 Grenoblewww.laderive.lalibrairie.com

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