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RAPPORT DE

DE

I.lA PROP A.GATION

ID~ lb~ rr®a~

POUR LE DISTRICT DE MONTREAL.

POUR LES ANNEES 1853-54.

AVEC L'APPROBA'fION DES SUPEIUEURS.

Dc", Presses lUilcaniques de Louis Perrault,

RUE SAIN'r-VINCENT.

1855.

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RAPPORT DE L'ASSOCIATION DE

u rn~p iUTION DE Ll FOI POUR LiE

DISTRICT DE MONTREAL~

POUR LES ANNEEs 1853·54.

AVEC L'APPROBATWN DES SUPERIEUR&.

.1llIlontcea(:: nES Plt~-SSli:S MECANIQUES DE LOUIS PERRAUL1'~

RUE SAINT-VINCENT.

1'855.

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CONSEll CENTRAL DE l'ASSOCIATIONm

PREMIERPRtSIDENT: •• MGR. L'EVtQUE DE MONTREAL,. Pnl:SlDENT: •••••••••• M. A. LAFRAMBOISE.

~ M. P. LACOMBE.

VICE-PRESIDENTS: •• HU ON M. E. D . TnEsoRIER: •••••••••• M. L. BEAUDRY. ASSIISTANT-TRESORIER: M. A. LAROCQUE. SECRETA IRE : .......... M. T. DUF AUX. DlRECTEUR :.... • • .. • •• M. DANIEL, PTRE. DU SEMINAlRE.

MEMBRES DU CONSEIL.

MM. C. S. CHERRIER, W. C. H. COFFIN,

J. U. BEAUDRY, P. JODOIN, FERD. PERRIN, N. B. DESMARTEAU,

MM. O. LEBLANC, A. PINSONEAULT, P. T. BEAUDRY, H. PAll.E, R. TRUDEAU, N. VALOIS.

& Les comptes de Ia Propagation de Ia Foi S(lnt fermlls, tOllS les ans, au ler Deccmbre. En consequence, tout l'argent pour l'annee courante doit i3tre remis au Tresorier avant Ie ler Decembre.

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, J)EORET

DE SA. SAINTETE PIE IX.

Xous comptons nne favenr de plus, ajoutee a toutes les graces que Sa Saintete Pie IX a daigne deja prodiguer a notre CEuvre. Cette Indulgence nouvelle, dont nOllS publions Ie tcxt~ avec une vive reconnaissan.ce, a He sollicitee par Ie Conseil de Rome, et 8'npplique nux Ecclesiastiques qui sont chefs de divisions. 11 etait just€! que la bicnveillance speciale dll Saint-Pere s'etendit, par une distinction privilegiee, a ceux ue nos Associes qui, ueja Gourbes SOliS Ie poid>;; dll saiut ministere, ont encore la, generosite de remplir dans nos rangs les fonctions Ies plus laborieuses. C'est tout a la fois une preciense recompense de leur zele et un appel a de nouveaux devouments.

EX A UDIENTIA SANCTISSIMI, DIE 31 DECEMBRIS 1853.

SSmu. benigne annuit ut sacerdotes chiliarchm Pii Operis Pro­pagationis fidei privilegio fmantuf altaris privilegiati personalis qllinquies in qllalibet hebdomada. dllruturO usquedum iidem sa­cerdotes prrefato muneri addicti fuerint: contrariis quibuscumque non oustautibus.

c. Card. Vicari us.

TRADUCTIO~ DU DECRET.

AUDfENCE DU SAINT-Pf:RJ:, 31 DtCEMBRE 1853.

Sa Saintete approuve avec bienveillance que l\~s pretres kiliar­.qnes (chefs de divisilms) de l'CEuvre pie de la Prc.pagation de la

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IV

Foi jcuissent dela ravellr de l'antel privilegie personnel, cinq rois eha'1ue semaine, tant que ces memes ·pretres remplirout la dite {onction: nOIl,obstant toutes dispositions contraires.

Le Cardinal Vicaire.

(Extrait des Annales, No. de Septembre 1854.)

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Differentes circonstances imprevues ont emp~che de pub1ier ie Rapport pour l'annce 1853: et nous ont force de Ie reunir 8. ce,lui de l'annee qui vient d'ex pirer. Les membres de Ja belle Association de la Propagation de 1a Foi voudront bien pardonner ce retard inevitable; Rn reste, E'il Jeur a faUu attendre Ie Rapport de 1853, en revanch~, nous leur donnons bien avant Ie temps or­dinaire celui de 1854; nous esperons que cette compensation sera nne satisfaction sl1ffi~ante a leur legitime impatience.

N ous invitons Ie~ membres de l' Association a repandre antant que possible nos petites Annales, de m~me de celles de France, afin que cette tecture si interessante et si pieuse, puisse servir de contre-poison aux detestablcs feuilletons, et autres articles que pn­blient certai nes feuilIes, qui sem blent avoir pris a tache de repandre partout 1'irreiigion et l'immoralite. C'est aux peres et aux meres surtonta ';eiller avec la plus grande sollicitllde sur leurs enfants, et a leur interdire ces danger~useR lectures, car Dieu leur demandera un compte severe de leur negligence sur un point si important.

II est evident 'que i'heresie et l'impiete se sont donne Ill. main 110ur travailler avec une energie vraiment diabolique, a arracher a notre populationcatholique ce qui fait encore son ca­ractere dis.~inctif et sa plus helle gl<?ire, la pnrete des mmurs, et l'att~chement a 1'antique Foi de ses Peres. Les Associes de la Propagation de Ii Foi doivent donc redollbler de prieres et de vi­gilance pour paralyser, les efforts de ces SllPPOtS de l'Enfer. S'il e.~t beau etmeritoire de travailler a propager notre Sainte Foi dans les pays etrangers, it ne Pest pas moins assurement de s'oc­,?uper serieusement de la 00llserver intacte dans notre propre pays. Si tous le·s associes de Ia Propagation· de la Foi savent faire leur devoir, et s'etltendre entr'eux dans leurs localites respective~, iis parviendront facilementa bannir du milieu d'eux ces ecrits fu­ne~·tes, qui so us Ie specieux pretextede Ii tterature, travaillent activement a empoisonner l'esprit et Ie cmnr de leurs imprudents lecteurs.

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Quoique ce soit un devoir rigonreux· pour tous It's cntholiques en general, de s'opposer de tontes leurs furces a cet envahi.sse­ment de l'impiete, neanmoins nons penso11s qlle Ies associes de 1a Propagat.ion de la Foi ont un motif tout specinl cl'y travailler plus activement, et c'est dans cette Vlle qne nOllS faisons nn appel a leur zele et a leur foi, afin que par tOllS les moyens en lellr pou­voir, ils s'efforcent de propager les bons livres et les·bons joumaux, de [ppousser eux-memes avcc horreur tOilS les manvnis, sons qllel­que forme qn'ils se presentent, et d'exhorter les autres a en Taire autant; car s'il y a un aveuglement deplorable, c'est assurement celui de ces catholiques illdifferents, q1li non contents de se per­dre eux-memes par ces mauvaises lectllres, eontribuent encore a Ia perte des aut res, en soudoyant la presse impie et immorale dont l'audaee et la malice angmentent tOllS Ies jours. A vans done, pieux associilS de Ia Propagation de la Foi; a VOllS anssi l11embres de Ill. Societe de st. Vincent-de-Panl, et de la Temperance; a vans tous Catho\iqlles qui tenez a conserver intact Ie precieux depOt de la Foi et des mDellfS que VOllS avez Jec;;u de vos Peres, Ii prendre les moyens d'orFoser urie diglH> ace debonlement de l'imp;ete et de l'immornlite qui ne peut manqner d'attire~ Sl1l'

nous la col ere de Dieu. Les memes canses prodllisant p8 rtout les memes effets, n'oubl iez pas que si par votre indifference, et votre apathie, et ce qui est plus conpabJe encore, par vas laches et perfides souscriptions, VOllS encouragez ceUe presse i·mpie et immorale, vous repondrez devant Diell des malheurs qu'elle atti­rera indllbitablement sur 'nons; cnr une societe qui .conni ve de pres on de loin avec cette grande plaie de notre siecle, et qui souffre que ce po;son s'infiltre dans SOll seil1 lentement nl[lis SU1-"e­ment, cette societe est jngee; tot au tard l:l main de Dieu s'ap­pesantira sur elle. Or il est inutile de ehercher a Ie dissillluler; Ia: presse franco-canadienne travaille activement, sur differents points du pays, a propager parmi nons l'im piete et l'immortllite.; c'est,la un fait deplorable qn'on He saurait nier. Mais ce qui est plus deplorable et egalement vrai, c'est que cette pres~e hostile ne se soutient, an mains en grande partie, ql1'ii l'aide de l'argent des Catholiqucs Canauiens. NOlls Ie dirons, c'est la un aven­glement ans"i incomprehensible ql1'il est f<ital. Les unsse Iais­sent entrainer par Ia contagion de l'exemple, les autres par respect

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'hurnuin, ceux-ci par ignorance, au pure indifference ;,ccux-la par nne vaine curiosite; d'autres enfin, et -c'est ie plus petit nombre, nous Ie crayons encore, par une secrette hostilite envers Ie frein de l'autorite reli·gieuse. Pour ceux qui Ie font par malice, et ou­vertement, DOUS Be les regardons plus comme catholiqucs, 'mais plustOt cemme des transfuges passes dans Ie camp ennemi. De que~qlle maniere qu'on puisse. l'expliquer, Ie rait est Ii, c'est que

"si nons avons au milieu de nous une presse fran<;aise hostile a Xa Foi e1. aux mamrs, la fante en revient toute entiere aces diffb-rentes categories de catholiques, qui pour URe raison au pour une 'autre, la soutienne et l'alimente de leur argent, tandis que rien qu'cn s'abstenant de la soudoyer, elle languiruit et s'6tcindrait aussit6t. Nous avons done raison de 1es rendre responsabld!, de~ vant Dien etdevant les hommes, de tout Ie mal qu'eHe caused notre petite societe canadienne qU'eHe mine sourdement.

Rien ne saurait les excuser aux yeux de Dieu, ni meme aux yeux des homnies bien pensants; qil'il se rappele cette parole de J.esus-Christ, " Celui qui n'est pas avec moi, est contl'e moi." Or assnrement, ce n'est pas etre avec Ie Sauveur que de [ournir a ses ennemis les moyens d'attaquer la relig:on et 1a morale.

Quelque pretexte qu'ils puissent allegner pour. continuer a agiIr de la sorte, ils :ne sauraient en trouver qui puisse les disculper de cette criminelle connivence avec c.et enllemi acharne de la reli­gion et de la morale.

L'Episcopat Catholique, a la sLlite des deux Conciles qui so flont tenus dans Rotre Metropole, a signale Ie danger pour la Foi -et les mceurs de ces publications; cela doit suffi.r a tout vrai catho,. lique, l1()nseulement pour 1e decider a ne pas les soutenir de son argent, mais de plus ales repousser avec honei.n. En cette ma~ tiere, tonte hesitation est conpable; tonte opposition est criminelle, tonte resistance est llne revolte contre cette autorite qui a rec;u. de Dien Ie pouvoir llivin de sauve-garder In. Foi et les mcenrs, et partant cl'avertir, de rep~cndr~, d'instrnire et de carriger II'S tideles. Critiquer et rai~onner a l'encontre des avertissements 'et til' 1'en­seignement de cette antorite divine, et refuser de sonmettre f'on

. jugementet sa conduite, c'est cesser d'etre fideles, c'est n'eh'c catholiques que de nom, et protestants en rkalile.

Un vr.ai catholique, toujonrs consequent avec les principes de

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· Ja Foi, ne saurait admettre de ees tern p~raments dangerr.ux; ii' sait que son saInt est compromis des l'instant qne sa soumission a. ·sa mere la Sainte Eglise cesse d'etre sincere et ab&olue.

Son obeissance a l'Eglise et a ses rilOindres avertissement.~ ,n'.est pas ebmo lee par les injures de l'heresle, et les sarcasmes de :l'impiete: il sait qu'il ne Pt'ut y avoir de moyen terme, qn'il fant de toute necessite etre avec l' Eglise de Jesus-Christ, on contreelle, et par c\lnseqllent qu'ilne samait y avoir allcnn motif legitim.e

.d'encourage'r d'nne malliere queleonque ceux qui ont pris a tache de l'attaquer dans sa Foi ou dans sa morale.

Donc, encore nne fois; ceux de nos compatriotes catholiques qui continuent de souscrire aces immOlales productions litteraues,.et Ii soudoyer cette presse hostile a la :religion, sont grandement cou­

rpab1es, et lie sanraient alleglle:r un0 excnse.quelcOl'ique qui puisse· pallier tant so it 1)eu leur criminelle connivence.

,Pnissent les prieres, l'es bonnes eeuvres, et les efforts intelligents des pieux associes de la Propagation de la Foi avoir l'effet de re­veiller de leur cOllpable indifference cem, de nos compatriotes qui cQllnivent par leurs sOllscriptions, au mal incalculable que cause au milieu de nous, la ptesse impie et.immorll Ie, et en les rappe­,Jant au sentim ent de leur C\evoir envers la religion et la societe. les determiner a ne pIns conconrir ainsi au deperissement de la Foi et des meeurs dans notte chere palrie! Puisseni les travaux Apostoliques et les 8nems de nos Missionnaires, ainsi que Ie de­VOllemellt heroi'que et les sacrifices de nos Seems de Charite, merittr a leurs compatriotes de conserver parmi eux, tOlljoUrs. brillantet pur, ce divin flambeall de la Foi et de la morale qu'its contribnent a filire porter jusql1'allX extremites de Itt terre l

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MISSIONS.

Mission des Sreurs de la Providence au

CHILI .

. Le 18 Octobre, 18;;2, cinq Smuts ele ia Providence, sons la coll­duite dll Rev. Mr. Hnberdeal1lt, cedant aux pressantes sollicita­tions de Mgr. N. Blanchet, Eveqne de Nesqualy, en Oregon, s'arrachercnt des bras de 1enrs cheres compagnes, et apres avoir re~ll la bell Miction de S. G. Mgr. de Montreal, et dit nn dernier adieu a leur pays, se mirellt en route pOtu l'Oregon. A leur arrivee a Oregon-City, eIles reconnurent avec doulenr qu'il1eur se:ait in possible d'y faire 1'etahlisemeut qui leur avait ete de­maude. En quelques mois tOllt Ie pays avait change de face: d'nn cOte, les malheur8 causes par llne inondation desastreuse, et de l'autl"e Ia soif de I'or, avaient Me cause qu'nne grande partie de la population veuait d'emigrer, de 80rte qu'il fallnt renancer a l.'idee de la fondation projetee. Ce furent Trobablement les memes motifs qni determillerent aussi d'autres cODlnlllnaules re­ligteuses de.ia etablies en Oregon, a quitter ce pays pour aller s'Ma hlir ell Californie. On vena par les tettres suivantes que les SmlHs de Ia Providence, dans lellr voyage de retoiu, ne pment resister aux vives solicitations qui leur furent faites a·u Chili, par S. G. Mgr. l' Archeveql1e de Santiago, et par Ie Gouvernement,

. et qu'elles crment devoir sefixer dans ce pays ou la Divine Pro­vidence les avait cOlldnites d'nne maniere 8i inattendue, en y for­mant un etablissement de Charite dont on avait Ie plus gralld besoin dans la Capitale au Chili.-S. G. Mgr. Bonrget, Eveql1e de Montreal, en reponse ;i une admirable lettre de 1'Archev~que de Santiago, voulutbien donner son c(lIlsentement a cet etablisse­ment, de rn~me ·qlle la maison-mere ·de . Montreal, qui se rejouit dans, Ie Seigneur de ce qn'il a daigne jeter les yeux sur dIe, et l'appeler a exercer les renvres de la pIns sublime chai'ite jus­qu'aux extremitesde l' Ameriqul;' Meridionale.

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Nou,s allons mainienant laisser parler ces humbles Seems, et leur digne Chapelain; leurs herol'lues sacrifices, leur devou~­ment, et leur zele, sont c~rtainelllent dignes de ioute notre adnll­ratio"n.

La jellne Eglise dll Canada, doit Mre saintement fiere de po~­voir fumnir de tels apMres a l'etranger (1).

AM. le Grand Vicaire 'J'ruteau, Doyen du Clwpitre de Monlr~al.

EN RADE DE SAN-JUAN DEI.;-NoRTE,29 Oct. 1852.

MONSIEuR.-Je vais tacher de lll'acquitter a Ia bate, et vaille que vaille, de Ia promesse que je vans ai £.lite en qUlttant New­York. A l'heure 'qn'il est, nons nons preparons a laisser Ie StelJmer pom prendre les Flatboats (lni doivent remonter la ri-

. viere San-Juan, et traverser Ie Lac Nicaragua. La confusion a borel est a son comble, et celu n'est pas etonnant, quantI on songe· que pIns de qnatre cents passagers s'agitent en tUllS sens, ehacnn s'occllpant de son bagnge, criant et jnrant dans tonles les lan­gues; et an milieu detollsces gens,mespauvres'Seellrsde Charite qlle je dois conduire et protegeI' !

Priez, et illites prier, je VOIlS en conjure; car nos llliseres ne font qne commencer. Je m'efforce de derober mon inquietude, mais elle n'est pas mediocre, je vous assure.

Depnis notre ,[epart de New-York, nons n'avons pas en mi ~eul jcur de calme; gws te.lll's, grosse mer, et de temps en temps nne bonne tempilte, et en sns Ie mal de mer a renelre ['arne, sans par­ler de nos frayeurs de jour et de nnit., te1le a ete notre traversee. J'ai ete i110ins mal1ruite que les pauvres Seems, et cependuut il y a ell tel moment ou ie n'eusse pas fait grande resistance, je pense, s'il se rut agi de me lancer·3o la mer pour alleger itl llavire. Seem Marie-du-Sacre-CeelU fait vraiment pitie, eUe a ete la plus visitee. .

.Je m'arr~te,-Ma tt'lte et mon ceeur se revoltent a qlli mieux mleux. AJoutez aux nausees du mal de mer. nne chaleur de 90 degres, et jugez de ce que nOllS devons souffrir avec 110S habits ell! Canal1" .

.(1) Void les noms de famille et de religion de ces ~urs: Sreur LaRocque, SUJlerie~re, Sreur Dorion, dite &eur Amable Srenr' Berard, dite Sceur Marie.d:l-Sacre-Cce{lr .&eur l\(forin, dite &enr Bernard, ' .&eur Worsworth, dite Smur Denis-Benjamin.

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yons s·erezhien. habil~, si vous parvenE'z a delJTouiller <;e­gnffonnage; tel qll'JI est, II me coule des effurts herolquE's. C'est tout ce .que vons aurez d'ici a San-Franci!ico.

Rommages respectueux· et saInts a qui de droit, et surtout trouvez-nouiS de bo:qs priants, comme dit notre bl:ave Jean (I) ..

Votre (out devoue en N. S. G. RUBERDEAULT, Ptre.

Ala· Reverende Mere Caron, Superz'eul'e de la ProvUenee~' a Montreal,

SAN~FRANCISCO~ 18 Nov. 1852.

MA BIEN CHERE MERE.-Grace aDieu, j'ai Ia joie dA pouvoir vow;; annoncerque nous voila eufin rendnes it San-Fmnlisco, et retirees chez les bonnes Seems de la Charite, -qni nous ont acelleil­lies de la maniere la plus cordiale, et nous donllf'nt l'hospitalite

. de si grand cceur qu'illlOUS semble eIre dans noire Commllnaute de Montreal. En ':)omme, notre voyage it ete passablement heu­renx, qnoiqlle souvent tres p(mihle. Mr. Huberdealllt a be!Jucoup souffert,- surtout les qnatre del'l1iers joms dans Ie voyage a travers l'Isthme. Nons avons bien eu aussi notre petite part de souffran­ces; car, rna honne Mere, nous ne vons eacherons point qu'il

-'lions a- fallu endllrer Ie _ froid, et la chalem, la faim et la ~oif, Ia privation dn sommeil, Ia peur, ct des miseres 'de tous geures; mais enfin tout cela n'est phlS maintenant que de l'hi~loire an­ciennt', et nous benissons Ie bon Dieu qui nous a preservees de tons Ies dungers de l'ame et dn corps.

Nous sommes arrivees ici mard·j a 11 .heures du soir, mais nous n'avolis quitte Ie batiment que Ie lenclemain matin. Les 8ceurs de Charite· qui ont bien vOll!n nons uohner l'hospitalite, nOllS pressent de rester qnelqnc temps chez eIles pour nons remettre tlD

pen de la fatigue d'Ull si long et si penible voyage; il est vrai­semhIable que nons nous decideJ'ons a profiter de' cetle offre bienveillante, d'antant qu'il nOllS fimt attendre deux de nos malles qui sont reslees en arriere avec Ie 'gros du hagage de plullieurs alltres voyageurs.

Notre Capitaine ne voulut pas aftendre que tout le halSage porte par les mules a travffS l'IstLme fut anive, .disant qu'il avait deja perdu t'ois jams a nous altendre et qne c'etait nssez; m'1is it a bien promis de nOllS les expedier le .. plus pron'ptement po<;;sible. J e suis furcee de remettre a In. prochaine maHe a vons

( l). DotlJp.stique accompagnant les Sreurs par purdevouemeut. SOl) 1101ll d,~ fallille est Campagnat. -

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donner les details du vovao-c. car Ie Steamer est sur L: lluint lie partir. Mr. Sicard, Ganl1di:n' qui retourne a MUlIlrlml vent bien ",to charger dlO vous remettre lui-m~me cette lettre. ' .

Ce matm nons avons ell Ie bonheur d'entclIdre la 13amte Messe pour la premiere fois depuis notre depart de New-york, 0'est-a-dire jnste lin mois. Que de choses jll vou~rais VO~lS ~l~e SJ

Ie ternps ne me pressait PflS tant; et cependant JC D,e sals 81 JC Ie pourrais, car m,l pauvre li3te tOllrne comme une gHollelt~., Je fermc done ma leltre en VOllS embrassant avec toute l'atfectlOn de mOI~ ceell r, ainsi q lie tOlll~S hDfl cluhes Seems de la Com~ mnnautb; inlltile de vans dire que mes bien-aime~'s compnglles se jOigncnt a moi, pt que tontes ensemble' nons reclamolls Ie se­COllrs de vas ferventes prieres,avec la benediction de S. G. iVlgr. de Montreal.

Votre humble et devouee fille en N. S.

SCEUR AMABLE •

.A S. G. Mgr. Bourget, Eveque de Montreal.:

l'3AN-J1'RANcrsco, 22 Nov. ]852;

MONSElGNEUR,-J e m'empresse de fuire connaitre a V. G. Cllffi­

IIlImt nOlls avons fait Ie voynge de New-York a Sail-Francisco. Nuns avons en ce (!u'on appelle en Californie une COllfte traver­ee. et cepelldant nous avons ete trente jams a la fuire, ce qui nOl1:O; a pam all ni::>ins allssi long ql1'ul1e anl1ee en Canada.

A LlOtre depart de N ew-York, Ie bon Dieu a vOlllu nUllS eprouver en nom; envnyant deux joms de gros temps; bient6t Ie mal de mer nOllS redllisit a UI1 etat vraiment digne de pitie. Je 11'en­trerai pas dans le detail des' !nille et nne miseres que nous elunes a endurer pendant eette longlle traversee ;fju'il me S Iffise de VOllS dire que pendant t011t ce temps, Ie mal de mer ne cessa point de QOllS tourmel1ter tOlis plus au moins, et qll'a peine eumes­nous un instant de repos; cppenda,nt, tout cela etait insignitiant, en coolparaison de ee qui nOllS atteudait a l'Isthme.

Sur mer, nOllS avol.S beaucollp souffert, a la verile ; mais du mains nous n'avions flucun dangrr serieux et evident a apprehen­der; tandis 9l~'en traver"ant l'Isthrne, plu~ d'une fois j'ai pense que nOllS finmons par pflrtager'le sort dt's nombrenst's victimes dont le,s os sont semes ~a et Ill. dans toute la longue11r de cet hori­~le traJe~. Ceo qui ?'~ pura~t eert'1.in, Monseigneur, e'est que si Ion avalt nne J~lste l~ef' des sOllffrances et des dangers qll'il- Caut affronter pour tranchlr cette ronte, bien pell d'hommes ()s('fuient l'entreprenclre.· Eh bien! ces fatigues iiloliles, ces dangers reels,

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ces(Il1t de faihles filles de charite qni viennen(de les sl11'montet, forle!> de leur devollemellt, et rle leur confiance en leur toute~puis" Bante Palronlle, N. D. des sept-,doulellrs.

A l'emhollch me de la rivier,e Slln-J uan~del-Norte. nOllS laissa-, tnrs Ie 8teflmer. ponr remonler ceUe riviere sur des, Flutboois qu'il nOlls falluit qtdter souvellt dans les endtoits OU les rapiders etuient trop dailgerenx. PIns d'nne fm8, ces freles em bnrcations 8l1fchar~

, gees de voyageill's et d'effets, fillllirerit se blisPI' dans les rnpides, Oll cOlder a fund, de sorle qu'outre Ie aanger de'la 'noyade, nous avions encore la perspective de devenir la proje des Crucodiles qui fonrmilluient au tour de nons; car la riviere Son-Juan est rempLie de ces monstre:i hideux dont la vue glace Ie sang dans les veines.

Ajout!'z a cda Ia ,g,en~ extreme de nous voir entasses les un~ sur les all;res, au point de ne ponvoir trouvel'le plus pelit espace pour prendre un pen de rep'os. Notre senle ressonrce quand iL falJait snccolilber au sommeil, c'Hait l'epanle plus 011 maills comd

plllisante dc~ voisins, heureux encore de ponvoir ainsi fermer l'reil a la helle etoile pendant qudques minute8. Un pareil etat de ge.1e d'3vait naturellement Mre aCCOmpllgne d'unc grande malp:oprl'te, aussi ne DOUS a-t-eile pas fait dMdnt. De la bien des malauL's, mais point de morts, ('e qui m'etunne encore. Je dois confes:ser, Monseigneur, qne je me slIis Vll plllsieurs fois oblige de faire la charile a l'Americaine; ce qui ('onsislait a pla­cet mon petit bataillon Ie miellx, on I'luSlOt Ie moins mal possible. J.\ nssi ql:alid nOllS etions ainsi etublis dans un bon coin, ce J1 'etait pas chose facile que de nOlls en deloger. Sans celle precaution, nons etions exposes a. 'etre fOlllilS atlx- pieds dans ('ette ('ohue dff cherchellrs d'ur, qui n'etaient pall tous des merinos cumme dirait Je bon Mr. Crevier.

La rnoindre de nos misthes, c'est la petite vie q ll'il nous faUut faire j car il est bon de vous dire que la Cornpflgnie ne nonrrit pas 'les passagers qui trayersent l'Isthme ; chacun s'en tire ('ornme il p~ut.

Pour nOllS, nous avons vecn sm nn panier de hiscuits que nons avions emporte de Montreal, sans prevoir assurement de queUe immense ressourc'e ce'panier nOllS devait etre pendant Ie vOyllge,

Mais .i'arrive au tl~agi-cOni.ique. Le trajet a. ,travers l'Isthme I§e fait en partie snr In ri viere et Ie lac, et en partie sur le~ mules j nOlls avions quitte les' emharcations et echappe au nallfrage et aux crocodile,s, et nOlllJ allions avoir affaire aux t.\lules. lei je re­nonce a VOllS peindre cette r.t;mvelle scene; jumais je ne pourrais approcher ,de la' rea,l~te. Figurez-volls une immense troupe de pres d'uil millier de mldes efflanqtlees et epuisees de fatique et de mauvais tr.litement, dont a mis en reserve les plus, vigot1l'e.lsce pour transJlorter les uagages. A peine Jes passagers ont ils mis pied a terre; que chacuns'elance pour choisir sa monture. De Ie.

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un desordre complct, et nne confusion inextricable. Avec toute's les pc-ines till moude, je parviens a en tirer huit apart pour mon petit bJ.taillon, et m~ voila, palefre~lie.1' improvise, a ~xer I,es senes et a v ini'taller les Seems. Ce n'etmt pas line petIte tache, et j'avoue qu'il me fallut pour y rtmssir epuiser toute mon eloque~lce et tout. Ie vocablliaire des lllots d'encollragement et de persuaslOn. J'entenrls encore les cris:-" Mon Dietl, je vais. tomber; oh! je vais 10mber !-je vais me tuer, etc., etc." Entin .nous sOll)mes crampunnes tant hien que mal Sllr ces carcass~s v!va~tes, et au signal donne, la caravanne s'ebl'anle. J e formals 1 arr'lere-garde pour smveiller ma petite troupe, et administrer 'aux mon!nres les coups indispensables, et dont je n'etais pas chiche. Ce . fut une vraie providence pour moi d'avoir eu l'idee d'acheter, en p~rtant de Montreal, une·canne de baleine qui me v;:tlut en cctte Clrcon­stance son pesant d'ol' ; car sans cette canne l,reciellse, les mules nousanraient certainel1lent laisses dans les bourbiers qui forment tout Ie r.hemin que nous' eumes a parcourir. Inutile de VOllS dire que les Seeurs sont tomhees pltlsieurs fois, heureusem ent sans se blesser. Alors il me faHait sauter dans la boue a rnoitie jam bes, pour les aider a s'arrachel' du bombier, et it. se remettre en selle. Nous Dlisions peur a voir. J e ne m'etonne plus maintemmt que ce fameux passage de l'Isthme ait Me Ie tombeau l!'un si grand nombrc de nos pauvres compatriotes. Entin nOll<; atteignons la mer Pacifique, et nOllS voila instaUes sur Ie steamer, et de nouveau lances sur la mer. Pendant les six premiers joms nous faiUimes Sllccom ber a l'exces dela chaleur; un atmosphere etonffant de 98 degresnous devorait .••••••••••••••••••••••••••....•..•••

Dieu soit blmi ! nOllS voila a San-Francisco ou nous passerons quelque temps ~our nous remettre un peu. S. G. Mgr. AlemallY nons a aecneillis avec une bonte toute apostolique; il m'a clefen­du d'aller a l'HMel et m'a retenu chez lui, et a place l('s seems chez les seeurs de la Chari!e. NOllS resterollS ici a attendre Ie depart au v~isse.au pour 1'0regon, qui n'aura lien que dans quinze jLlms. Aussi bIen, II nous faut attendre nne partIe de notre bagag<" qlli est rcs­tee en route, de m~me que plus d'un bel'S des effets d-.;s autres passagers. II' parait que plusienrs des mules quiportai.ent Ie bagage ont succombe a. la fatigue,' et sont mortes en route. On dit q.~I'il ~ollrt g~,a~d :isqlle d'Hre p!lle. pans la prevision d'un parell aCCIdent, J a1 rrIS mes preeantJons, et suis en mesure, si nos m~llt's sont perdues, de m'en faire payer la valeur par la compa­gme. Je n'en vOl1drais pas dire du mal, mais si nons ne somm,es p~s tQUS morts en .route, ce u'est pas sa faute. Que ceux: qui al~ent les ~eceptlOn~, les avan~ures tragi-comiqnes, lafaim, la so~f et les mlseres de toutes sortl's, cach~es derri~re Ie puffdes bnllantes annonces de la !igne de San-Juan, fassentcomme nons,

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et rien de tout .cela ne leur mauquera, ils en anront comme on dit en Anglais, to their heart's content . . . " .. " .. " " . ,,~ .. " ..... " ............................................ " .......... ,,' ........ ..

Veuillez, lVloilseigneur, agreet ce recit trace a la hate; tout im­p:.ufait et incomplet qu'il suit, it vous donnem une idee de notre penible voyage.· .

Les Srellrs se joignent a moi pour vOllspriel' de nOllS. Mnir, et reclamer Ie sec ours des prier~s de Votre Grandeur, et detoutesles personnes qui s'interessent a nons. .

J'ai l'honneur d'~tre; etc.

G. HUBERDEAULT, Ptre. Miss.

A la Reverende Mere Caron t Superieure du Couvent de l~ Providence, a Montreal.

SAN-FRANGISCO. 14 Mars, 1853.

. II ya deux mois nous VOllS ecrivions d'Oregon-City, pour vons donner les raisons qui llOllS ont fait prendre, quoiqu'a regret, la resuilltioll de renoncer a fonder un etablissement de charite, a Nesqllaly. Cette mission manquee nous nons trouvions comple-1ement a Ia grace de Dien, dans un pays ou now; ne devions plus seJourner, llt sans les moyens uecessaires pour retourncr au Canada. C'est surtout dans cett~ positton critique que nous avons pn apprecier Ie devouerr.ent de Mr. Huberdeault qui, comme un bon per.e, se sacrifie pour nous, afin dE'! pouvoir dire comme S0»

divin Maitre. "Je n'ai perdu aucune de celles que vous m'ame:: conji&es." . .

Les excellentes Smurs de Notre-Dame ne pouvaient plus nous garder chez elles, car ell<ls-m~mes se disposaient a quitter aussi l'Oregon pour aller s'etablir en Califo.rnie. Done, arres deux mois desejonr Ghez e11es, il fa!lut nOllS separer les larmes aux yeux, et Ie creur plein de la plus vive reconnaissance pour leur tendre charite, et leurs donees attentions qui ne trouverol1t de recolIl.pense convenable que dans Ia Charite dn Celeste Epoux. Nons nons embarquames Ie . premier jour de Fevrier pour la Cali­fornie, dans la compagnie de trois Sreurs de Notre-Dame.

La ,Navigation flit des plus heureuses et. ne dum que ci.nq joms. Le·6 nons etions II. San-Francisco, installees de nouveau chez les bonnes Srems de. la Charite, qui ne fUlient pas surprises de nons revoir. , A:iorons les dt>~eins du bon Dien, qui saura bien touteonduire II. bonne fin.·· NOlls avions d~abord pense anous en revenlrpar la rOllte de Nicaragua, Dlais voila que par la perte de

. deu.x Steamers, coules a fond dernierement, les prix sont tellement.

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~ugment~s qne nons avOlls dO. forc.ement y renonoqer ; quant a 1~ route de Panama, il n'y fallt pas songer, a cause des fievres qUI

'Y c:lnsent des ravages terribles a:ctLlellement. ,. .' Ces denx voies nOlls etant fermecs. nous nOllS deCldol1s a fane

'e grand tour par Ie Cap Horn; a bordd,'un navire Chilien, pret & faire voile pour Valparaiso. Ce sera unvoyage de pas maillS de 'Cinqnante jom·s. Un bon Mi~siorinaire, Ie Revei'end Mr. Roch, qui connait bien ces plyS, nOllS accompagno; CEl seta un compa­gnon pour Mr. Hllbeflkanit qui est enchante d'~voir un confrere Q bard. Nons laissons Ie bon Jean a San-FranCIsco, chez les ·Re­verends Peres J esuiles. Nous venons de recevoir nos deux mal-les restees en ~rriere 1I1i passage de I'Isthme .................. .

Veuillez dire Ii nos cheres ::lCBlUS de Montreal que nOllS n'en oublions pas une sen Ie, et lJue nons esperons qu'ellesvont redo~lbler leurs ferventes prieres pllm que nOllS soyons dignes de remphr les "nes de la Divine PruviJence, en profitant des epreuvres aux~· queUes elle nous soumet ........................ .

V otre fiUe en N. S. S(EUR·LAROCQUE.

A Sa Grandeur Mgr.Bourget, Eveque de Montreal,Canadu.

MISSION DE SAN~JOSE, CALIFORNIE, 12 Mai 1853.

MONSEIGNEuR.-Votfe Grandeur ne dedaignera pas, je sais, un mot, nn signe de vie de son humble et fidele servitellr, vu surtout que me voila reste dans ce pays lointain. Hillas! nos cheres SCBurs sont parties de Son-Francisco, avec Mr. Huberdeault, sur un vaisseall (\ voile, pour Valparaiso, Ie 24 Mars, je cruis.

J'ai eu beaucollp de chagrin de les voir partir, et moi separe d'elles. Elies etaient toutes en bonne sante, et bien toujours les memes pour Ie courage Bt la resignation dans toutelS les peines du voyage, comme jc leur en ai vu souffrir surtout dans l'Isthme de Panama.

Dietl, queUe bOlle qui ernbourbait les pauvres mules! . et des passages effi'ay-ants, et puis des gens barbares .tOUjOllCS pr~ts a. so" darder a coup deconteaux! Ah! queUes Pf'LUS j'ai eues pour mes cheres SCBurS! ......................... Mais il parait qn'elles n'ont pas m~me Me assez heureuses de pouvoir s'en retoUJner par cette route bIen plus courte, fante de moyens .

• • M.~i· j~ ~:lis' ;;s't~' i'ci • ~~. ~;t~~ld~~;' ~~1~' j;' p~li;s~' z'n',;~ ';e;;:~i; anssI; rna sante est. ponne, gr~ce a Dietl. Toujours qne III diffe­rence du moude qUI nous enVlroune ici, avec les bonnes gens dn

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Canadn, est bien capabl~ de me faire ennuyer, si je m'er:outals. Mais que Ie bon Dien soit beni! ................ ~ .......... .

J e me recommande aux charitables prieres de taus les saints p~etrt'S de l'Ever.he, qui s'interessaient it moi, en les priant de re­cevoir meshumbles respects, 8i cela pent lellr ~tre agreable, en vue de man devoir propre.

Me prosternant pour recevoir votre sainte benediction, Je !mis et serai tOlljours,

Monseigneur, Votre tres-fidele servitenr,

JEAN (1).

A la Reverende Mere Om'on, Superieure du Oouvent de la Providence.

VELPARAISO, (CHILI), 2!1 Juin 1853.

MA Rf:VERENDE MERE.-Grace Ii la protection evidente de N. D. des sept douleurs, notre puissante et aimable Patrone, nons voici enfin arrives an Chili, apres 78jours de mer. Vas bonnes et courageuses filles qui vous ecrivent en m~me temps que moi, VallS donneront, sans doute, les details de notre traversee; et comme a l'heure qu'il est, vous avez du -recevoir nos lettres de l'Oregon et de San-Francisco; vous connaissez les motifs qui nous ont TI1.it renoncer a la mission de 1'0regon. J'arrive done de suite a ce qui doit €ltre Ie sujet de vas serieuses reflexions. On vent a tout prix retenir les Sreurs au Chili, et les charger de l'Hopital qui est entre des mains lalques, et assez mal administre ace qu'il parait.

S. G. Mgr. l'Archev~que de Santiago, insiste fortement pour leur faire accepter cet emploi. Nous avons repondu qUt:l nous ne pouvio~s rien conclure, sans l'agrement de la Maison-Mere, car notre desir a toujours ete de n~us conformer a votre volante .• .. • • • • ,. ' •••••••••••• " ••• ., ............................... ' ........... e· .... ..

• . • •. • . •. . • •• • • •• • • •. . • ••• Ell attendant votre reponse, je vais me mettre en rapport avec les alltorites, et prendre tous.les ren­seignements qui pourraient nOLLS €lire utiles. Veuillez bien donner de mes nouvelles it mes bans parents que je n'oUblie pas devant Dieu, et agreez, etc~., etc,

,. G. HUBERDEAULT, Ptre.

(1) Nous n'avons pas eru devoir omettre eette lettre de ce brave et fidele ser­viteur des Sreurs. Saufl'ortographe, nous n'y avons rien change, afin de ne rien lui dter de sa naive simplicite. Lc devouement a toute 'epreuve, et la grande foi de ee digne jeune homme, lui meritaient cette mention honorable.

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.A la meme.

VALPARAISO, 29 J nill, 1853.

'l'REs HONOREE ET lH&N CHERE MERE.-Notre derniere lettre-• .ecrite de San-Francisco, vous annon~ait notre retour au. Canada,. par Ie Cap Horn. Alljourd'hni j'ai it vous donner les details de· notre voyage au Chili, qui comme tout voyage sur mer it Me pe­nible. Ce fut Ie 27 Mars dernier, jour de Paques, que nous nOllS. embarqua!1les, apres avail eu Ie bonhem de commullier ala. messe que nous entendimes de grand matin; mais a cause des vents contraires, nous ne sortimes du port que Ie 30. Nalls avons toutes Me bien malades du mal de mer, et particulierement notre chere Srnur Marie du Sacre-Crnur qui ressentit de si gran des dou­leurs de cotes, et une teUe oppression que nous clumes les pou­mons attaques. La maladie augrnenta tellement qu'eHe re~ut Ie Saint Viatique, pensant bien que sa fin n'etait pas eloignee. '::-ugez ma honne mere, de notre j,nquietude et de notre douleur, surtout ne pouvant donner a notre chere malade les soins que reclamait son Mat, car il n'y avait pas de medecin a bard, de sorte qu'il nous a faUn la soignPf nous-memes avec les remedes que nous avians apportes de Montreal. Mais notre confiance etait avant tout dans notre Patrone, N. D. des sept douleurs, a laquelle nous nons adressames avec ferveuT, en lui prornettant de faire bruler sept cierges en son honnem, de communier et passer deux heures devant son autcl, Ie premier vendredi apres notre arrivee a Valparaiso.

Notce bonne Mete eut pitie de notre juste douleur, et exau~a nos vreux, car bientOt Srnur Marie fut assez forte pour se lever et merne passer une partie des journees avec nous sur Ie pont du navire. ActueUement Ie medecin qui la traite, dit que ses pou­mons ne sont pas atta-lues, et que sa maladie n'etait pas autre chose quel'epuisernent cause par la trap grande fatigue du voyage.

Nous snmmes arrivee..<; ici Ie 17 uu couran~, et nous avons lite accueillies par les Dames dn f:acre-Crnllr qui nous traitent avec nne charite incomparable. Leurs douces attentions, et leurs suins bienveillunts ne tarderont pas a n(lUS remettre de nos fati­gnes. Veui~le~ bien, chche Mere, faire continuer les prieres afin que nons pmsslons reprenure notre voyage, si telle est la volonte dn bon Dieu. .

C'est ici, pour la premiere fois depuis notre depart du Canada, qne nOllS avons en Ie bonheur de nous revetir de notre saint habit de religion. Oh! qu'il. nous tardait de Ie reprendre: depuis si 10ngternp~T que ~o.us portlOns des veternents seculiers, a notre grand regret. Notre )Ole en Ie reprenant etait Dlissi grande que 1e jour

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bienheureux au on nous Ie donna pour la premiere fois. Notre Pere, Mr. Huberdeault doit vous ecrire au sujet des propositiolL'J qui nom!· oont faites par S. G. Mgr. l' Archeveque de Santiago, et par Ie Gouvernement. On. v.eut absoillment nous garder ici pour les renvres de charite qui sont tres grandes, tandis qu'il n'y a aUCUlle Sreur de Charite pour s'en charger.

L' ArcneveqNe a fait prier notre PeTe de se rendre a Santiago, qui est a trente lieues de Valparaiso, pour lui communiquer ses plans et ceux du gOLlvemement. Pour no us, nous sommes aban­donnees a Ia sainte volante de Dieu, et piMes a servir l'Eglise at ses pauvres partout o.d il plaira a la Divine Providence de nollS piacer ..•••••••••••••••••••••••••••••••.•••..•••••••••••••

Veuillez bienoffrir nos hommages as. G' Mgr. de Montreal, ct a Mil". Ie Grand Vicaire, et nos souvenirs les plus tendres a nos Cheres Srems, de la Ville et d.es MissioNs.

V.g.tre fille en N. S. SCEUR LAROQUE.

A La m~me.

VALPARAISO, 30 Aout, 1853.

MA RtVtRENDE M'ERE.-J'arrive de Santiago au S. G. Mgr. l' Areheveque, et Ie Gouverneur m'avaient invite a me r-endre. ·Malheurensement j.e trouve a man arrivee ici que lamalle est sur Ie point de se fermer, et je n'ai que Ie temps neeessaire pour ValiS ecrife un mot tres a la hate. Vous saurez done, ma Reverende Mere, qu'il nous a ete impossible de refu:;er les offres si bien veil­lantes et si pressantes de S. G. Mgr. Valdivieseo qui neponvai,t entt"ndre parler de notre depart du Chlli ou la Divine Providence venait de nous jeter d'une maniere 8i inattendne. En me voyant, ses premieres paroles .ont ete, " c'est Ie bon Dieu quia envoye vos Smurs iei; oui, ce sont vraiment les Sreurs de la Provi­dence", J e ne souffrirai PIls qU'elles nous abandonne~t,etc .. eetc

lire!; il nous faUnt consentir a accepter Ie soin des orphelins, qui sont horriblement lllbandonnes dans ce pays. S'il s(': fUt agi d~un, H6pital, comme.il en avait He d'abord question, nO~IS all­rions perseveil'e d'ans notre refns pour attendre vos ordres, par ce que d'abord il nOllS eut fallu qnatre au cinq Sreurs de plus imme­diatement, et ensuite que cela se fut ecar.te du but de notre mission a l'etranger. Mais pour la fondation d'un Orphelinat, nous avons crn rencontrer vos desirs en cedant aux press:J.ntes sollieitations de Mgr. l' Archeveql1e et dn .Gouverneur, d'autant que DOllS ne Bortions pas de notre lignej et que puis que nou&

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avions quitte notre patrie pour eel a, peu importe que ee soit ici o,n ailleurs, maintenant que l'Mablissement de l'C?regon est ~elllls indMiniment. QueUe Providence! qui se seralt atte?du a,cela quand nous quiWl.mes Ie Canada l'annee derniere 1, 9m anralt pu croire qu'apres avoir fait Ie tour du monde, nOLls fimnons par p[an~ ter notre tente dans la Capital du Chili 1-Je vous assure que nous en blmissons Ie Seigneur de tout notre ~amr. , , ,,' ,

L'affaire a Me murement negociee ave0 I autonte EceleslastI~ que et Civile, et dans quelques jours nous allons ,nons tran~porter a Santiago pour nous mettre a 1'rnuvre. Prochalllement, Je vans donnerai taus les details que Ie temps ne me permet pas de vans donner fmjourd'hui.

Nous n'avons pas encore rec;n un seul mot du Canada. Je crois que Pan a beaucoup prie pour nous, car il me paralt evident que Ie bon Dieu s'en est mele.

Adieu, etc., etc ................. . HUBERDEAULT, Ptre.

A la m~me.

VALPARAISO, 30 Aotit 1853.

TREs HONOR~E ET CHtRE MERE. -Ma Jemiere lettre du 27 Juin vous annon<;ait notre arrivee a Valparaiso, et l'offre qui nous etait faite de nonS fi.: .. er au Chili. Aujourd'hui, j'ai a vous dire que nous avons ern ne point trap presumer de vas intentions, en oonsentant enfin aux instantes sollicitations qui nous Maient faites

9 non pour un Hopital, mais pour un Asile d'orphelins et d'orphe­lines a Santiago.

Nons avons les OrdonnancesEclesiastiClues et Civile,s, ainsi que les conditions de la fondation en bOllne forme, que nous VallS fe­rons parvenir plus tard. No.us nous disposons a nous rondre dans la Capitale pour nous mettre de suite a l'rnuvre, et alors nous pour~ rons vous donner de pIns longs details sur cet etablissement fait d'~ne f~<;on si inopinee. Le vel1e~able Archevequede Santiago 9,1ll avalt cette rnuvre tant it crnur, dlt hautement que notre arrivee Inatt~nd~e au Chili est un evl'meme~lt tout providentiel, se plai­sant a dHe souvent, " elles sont vra~ment les Filles de la Provi­dence" .

n parait qu'on a un tres gnmd besoin des Srnurs de Charite a Santiago, au les vieux, les vieilles, les, infirmes, les orpht-dins, les pauvres sont en grande souffl'ance, et tres nombreux •. ' Tout notre regret, et celni de ~gr. l' Archevllque, c'est de voir notre petit nombre pour remedler un peu a. tant de maux pressants.

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. Des notte arrivee, l' Archevllqlle ayant dit qu'il ne nons laisse­rai~ jamais partir, no us avoJ?s crn devoir nons appliquer a l'Mude de la langue Espagnole, pour nous preparer a tout evel1emC!ut, et ne pas perdre Ie temps dans l'oisiwte.

Les Da~nes du Sacre-Crnur qui nons donnent Ia plus graciense hospitalite, se l'ejouissent beancoup de ce que nous allons partager

lensemble Ia belle tache de soigncr Ia jeunesse, elles en instrnisant les demoiselles, et nons en prenant le soin des pauvres .petitcs orphelines qui jnsqu'a present ont Me dans Ie plus grand aban­don. Croyez cependant, bonne et tendre Mere, que ce n'6st pas pour nous un petit sacrifice que de renoncer pour Ia seconde fois a jamais vons revoir en ce monde, ainsi que nos bien-aimees .Srnllrs du Canada. Mais nous avon::; cm que telle etait la volonte du bon Dien, et nous avons re1)once a ce bonheur passager,. pour meriter celni de vous revoir toutes dans ce beau lieu d'eternel repos·ou il n'y aura pLns de separation. En attendant cette bien­heurense union de la vision beatifiqne, nous nous unissons tontes a vons dans Ie Crnur Immacule de N. D, des sept donleurs, en reclamant les prieres de notre ch,ere Communaute de Montreal, etc., etc ....... ; ••••••..••••••••.••••••••.••••••••••.• , •••

V otre fiUe en N. S. SCEUR LAROQUE.

A S. G. Mgr. Bourget, Eveque de Montreal.

VALPARAISO, 30 Aout, 185~.

MONSEIGNEUR,-A mon arrivee de Santiago, je tronve la malle .plilte a se fermer, et a partir pour Panama, et je m'empresse d'en profiter pour vons dire, quoique bien a la hate, ou nous en som­mes, moi et rna petite colonie.

Depuis notre arrivee au Chili, j'ai presque toujours ete a la Capitale, ou Mgr. l' Archevllqne et Ie President de la Repnbliqne, m'avaient fait appeler. C'etuit, com me j'ai eu l'honnem de vous Ie dire dans ma derniere lettre, pour avis.er aux moyens de garder les SeeUfs dE> Charite au Chili ou Ia Providence venait de les conCinire d'une l11aniere si inopinee. J e ne saurais vous dire toutes les instances qui me fl1l'ent faites par S. G. Mgr. l' Arche­vllque, et S. E. Ie President; force me fut de preter l'oreille aux offres bienveillantes qui nous fnrent faites par ces deux illustres personnages, et de uegocier seriel1sel11ent l'etablissel11ent des San~rs de IaPl'ovidencp. a Santiago. .

Bref,.le resnltat de ces confer~nces fht que Ie Chili est mainte­nant pour nons ce .que devait litre l'Oregon,~notre seconde pa­t~ie. L'autorite civile possede a San~iag() un fond sconsic1erablc,

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h3gUe ponr la fondation d'un Asile d'orphelins, ou C?IDme nous sommes con'venus ue l'appeler, d'un .!lzile de la Provzdence. On ne, savait commellt s'y prendre, ni a qui s'adresser l?our cette fondation quand nons sommel! arrives.' Apeme Is bnllt de not~e arrivee fnt-il parvenu a Santiago, que I'Axcheveque et Ie PreSl"" dent s'ecrierent que la Providence venait d.e les, t.irer d'~mbarra". On me fait appeler, et apprenant que notre mtentlOn etalt de nous embarquer prochainement pour retourner au Canada," non, non, me dit Ie bon Archeveque, vous ne partirez pas, nons avons trop besoin de vos Smurs au Chili; Ah! ellns sont vraiment les fiUes de la Providence! "-Quelle douce violence nous faire ! .

Nous avions quitte notre cher Canada pour tacher de travalller au salut des ames, en travaillant aux {Euvres de Charite ;~qu!3 ce soit dans un lieu au dans un autre, peu importe ;-d'ailleurs, nous voyons que pour un enfant a qui les -Smurs amaient pu etre de quelque utilite en Oregon, il y en a des. milliers dans cette ville, qui sont completement ab:'tndonnes. Nous avons donc cru ne pas trop presnmer de votre volonte en acceptant cette fonda­tion qui eonsiste a tenir un Azile pour les orphelins et les orphe­lines. J'ai fait re.:onnaltre la eommunaule oflieiellernent, avec les privileges accorcles aux autres eommunautes du pays, et j'ai pris tontes les mesnres necessaires pour mettre les SmUTS chez elles, et je les condnirai sous peu, de joms dam; leur nouvel eta~ blissement. J'ecris pour faire venir notre bon Jean de la Ca lifor­nie, ce sera une grande joie pOllr ee brave jenne hU111111e de se retrollver avec nons. Votre grandeur vondra. bien excuser la precipitation avec laquelle je SUlS force de lui ecrire aujollnl'hui ; je me ferai un devoir de completer ces details tres prochainement. Nous sommes tousassez bien aetuellement; il no nOllS manque pIns que de recevo;r des nouvelles du Canada. NOllS !Sommes tous a etndier l'Espagnol avec ardeur; deja les Smllrs s'en tiren,t passablement, at nos professeurs nous disent que dans peu de temps e1les parleront facilement eette belle langue.

Agreez, Monseignenr,ete., etc ........ . G. HUBERDEAULT, rtre.

Au meme.

SANTIAGO, 19 Novembre, 1853.

MONSEIGNEuR.-En!in je sllis hEmreux d'avoir a annoncer que nos courses SUf. terre et sur mer sont termine's, et que nos h'nnes SmUl:s ~ont maJ.ntenant chez eUes, et. deja a leurs belles (Envres de C~afJte .. Ce fnt~e 30 Octobre demier, (Dimanche) que s'est falte leur lllstallatIon solt-nueHe, a Santiago. S. G. Mgr. l' Ar-

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ebev~que a daigne les eonduire lui-meme dans leur nouvelle ,de~eure, et les mettre en possession d'e leur etablissement. Le jour fixe, un grand Ilombre de personnes'des premieres familIe'!! de Ia Capita Ie se rellnirent pour les escorter. .

A 10 hemes, A. M. l'AlChevequ'e, accompagne de ses princi­pallX officiers, dans une voiture cOHverte, .()uvrait la marche; puis venait la v'oitnre des Seeurs, puis une longue suite de carasses, et eriiin une funle immense. Car la nouvelle de l'installation des Seems de Charite s'etait repandne dans la ville, et y avait cause une grande sensa!ion. Voir des See.urs de l'Amerique du Nord, paraissait chose si extraordinaire que chacun se faisait une obliga­tion de les voir de ses yeux. Aussi outre la foule de voitures, de cavaliers et de pie tons qui nous suivaient, toutes les rues par ou nous defilions etaient encorobrees d'nne foule avide de nous con­templer. ,Le dmpeau de la repnblique flottaita toutes les fenetres garnies de dames qm agitaient leurs m<;mchoirs en signe de n3-jouissance, et tous par les decorations qu'ils avaient faites devant leurs maisons, cherchaienta temoigner leur joie.-Votre Grandeur pelltjuger de notre etonnement en voyant tant dedemollstrations en l'honneui: de quelques pauvres Seeurs de Charite, a Ia verite doublement fiUes de let Providence par sa divine protection sur elles. A mesme que nous apprachions du notlVel" Azile de la Providence," nOllS rnarchions de surprise en surprise, mais elle fUt a son comble lorsque nous appen;nmes la troupe de ligne at­tendant sous les armes, l'arrivee des Smurs J1mericaines, comme onles appelle ici. An moment au les voitures entraient entre las deux lignes de soldats, la mllsique commenc;a' a jouel", et accom-

, pagna les Seeurs jusqu'a l'entree de la n;taisori. La solennite de cette fete, cet enthollsiasme du peuple, toute

cette,ovation en notre honneur, faisaient Llaitre en nous des pen­sees bien diverses. Un debut si eclatant Gans notre carriere an Chili, hOLlS conduisait a penser qu'il n'en serait pas tunjours uinsi, et que plus tard toutes ces roses pourraient bien se changer en autant d'e?ines. Le fardeau que nons prenions SLlr nos fail?les epaules nons paraissait bien pesant, surtout dans un pays etranger et inconnu, et si loin de la maison-mere. D'un autre cOte, Ie bon Dieuavait jusque Ii seme. notre route de tant d'epines et d'epreu­ves diverses" qu'il semblait nous convier en ce moment a prendre part a cette rejouissance qui avait lieu, apres tont, non pas a cause de nons precisement, mais bien en l'honneur de la divine .charite qui fait toute notr~ force et notre bonheur. Aussi tachiGns-l1ous de faire une large place a la reconnaissance, dans notre ceeur, bien .convaincus qile nous ne pourrions jamais .assez reconnaitre tout ce que Ie ciel avait faitpom nons .••..•...•.•.•••••.••...•.• ~ ....................... ~ ................................... .

'NOllS entrames dans la chapelle, ou S. G.Nlgr. l' Archeveque

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8e pn3paw a celebrer la Sainte Messe. Av~nt de c~ml1len~el', il fit une touchante allocution dans laqelle 11 fit VOlr Ie blt'n

. que les "Smllrs de la Providence" etaient appelees a faire dans Ie Chili et la reconnaissance que devait avoir la Capita­Ie pour la fa~eur insigne que venait de lui faire la divine mi­sericorde, en conduisant ail Chili les Smllrs du Canada, d'une mauiere si merveilleuse; puis adressant la parole aux Bmms, " ol].i, mes cheres Smurs, dit-il, VOllS etes vraiment les Swurs de " lct Providence; car c'est certainement la divine Providence qui " vous a conduites ici, ou l'on soupirait apres vous, sans VQUS "connaitre. Depnis. longtemps, nous desirions vivement llne " Institution de Charite pour prendre soin des pauvres et des " orphelins de cette grande ville, et voila que tout-a-coup, au mo­" ment ou nous nous y attendlOns Ie moins, nos vmux sont exauces " d 'une maniere vraiment miraculeuse, et que les deux extremi­" tes du nouveau-monde vont se trouver rapprocheeset ullies par " les doux et forts liens de la Charite, et eela sans que personne " s'en fut doute, et par un pur eifet de la divine bonte. Votre " devonement intrepide VOllS a fait quitter tout ce qui vans et~it " Ie plus cher, pour .aller a travers mille dangers, exercer vos " mllvres admirables de charite, et Dien par Ull effet de sa bonte " misericordieuse, a permis que votre noble courage eut pour " theatre la Republique du Chili; oh! qu'il en soit a jamais btmi ! ..••••••...• ••.••••..••••••••.••••••••••••...••••.•. ; •••••••••••••••••••••••••• (I ••••••••••••••••••••••••••••

All! Monseigneur, quand je compare l'avant veille de la Tous­saint de l'annee. derniere, avec celle de cette annee, que je trouve de difference! A pareille epogue l'anlTee del'l1iere, nons etions a traverser I'Isthme de Panama, souffrant toutes SOltes de privations, et aux prises avec la mort; car plus d'une fois, nous avons eLe sur Ie point d'y laisser nos deponilles mortelles comme taut d'autres ant fait avant et apres nons; et aujourd'hui, a la dis­tance d'une annee jour paUl' jour, quel changement !

CependaIit, nous ne nons faisons pas illusion sur les difficultes qui ne mnnqueront pas, sans doute, de surgir avant longtemps.·

II serait bien etonnant que l'ennemi de tout bien, ne cherchat bientOt a mettre en jen ses ressorts accoutumes eontre les ceuvres de Dieu. Ccpendant, nons esperons que celui qui a conduit ses enf_ll1ts dans ce pays, saura aussi soutellir son ceuvre .•••...••••

~ . N~l~>;' ~~ili· d,~l~~ :a·l; ~;i·li~·l~. d;l~~~ ·;;lie· d~' ~:nt ~il;~t ~il;~ ·l~iil; ames, et chargeR cl en recmlhr les mnombrables orphehlls. Elle pos~ede un fonds de deux cents mille piastres, forme par les do­natIOns de personlles charitables, et destine exclusivement au soutien des orph.elins. L~ ?ouve~nement avait charge de ce soin des personnes lalques, malS il paralt que les orphelins n'en etaient

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pasmieux qn'auparavant, quoiqne dell sommes c()nsiderables fus­sent censees etre employees en leur fLlveur .. C'est ce fonds que Ie Gotlvernement confie nUlintenant a l'admini~tratioll des" Seems de la Providence," apres leur avoil' loue nne maison, en attendant que celle qu'll va faiJ,"e construire ad hoc soit prete a le8 recevoir, avec les orphelins des denx sexes. On ne saurait se faire une idee de l'etat deplorable de ces pauvres enfants, dont un grand nombre perissent de misere, et les autres finissent par devenir Ie fie2l.11 de la s00iete. ..

Airrsi les Seeurs sont appelees a faire sons ce rapport un bien in­calculable, en sauvant des milliers d'en fants' qui se perdent cha­que.annee.

J e reserve a nne prochaine lettre a vous parler plus au long du Chili, me contentant de vous dire aujourd'hui, avec tous les etrangers qui y vivent, que Ie Chili est un des plus beaux pays du monde, par son magnifique climat, sa grande salubrite, et la fe­condite incomparable de son sol, sans parler de l'inepuisable abondance de ses mines d'or et d'argent.

Les epidemies y sont, et y ant toujours ete inconnues. On y fait 11. moisson d'un bout de l'annee a l'autre. La chaleur y. est to'njours temperee, et quoique nous ne soyons pas encore a l'epo­que de son intensite, (ce quin'arrive que'lorsque Ie Canada est dans la saison la plus froide,) cependant nons avons eu quelques jours qui ant ete rcgardes comme les plus chauds qu'on a cou­tnme d'y eprouver, et je puis dire que je n'ai pas souffert de la chaleur alltant qu'en Canada, taut s'.en faut. Ceci est du a un certain petit vent qui y regne toujours, et qui.se rafraichit·en pas­sant par les Cordillieres"dont Ie sammet est couvert de neiges eter­nelles. Or, comme VOllS les avez, Santiago se trouve aux pieds des 'Cordillieres, a nne distance d'environ trente lieues de Valparaiso.

PerSOl1ne de notre petite coloni') n'e ete malade c1epuis notre arrivee dans ce pays, et c'est du jour au nOllS y sommes ehtres que date notre entIer et parfait retablissement, sauf Seeu! Marie du Sacre-CeeUf, qui ayant beaucoup pIns souffert, est aussi plus ~ongtemps· a reprenclre ses forces. Anssi bien, nons aVOl1S b~soin qne toutes les santes se cOl1servent, car l'eeuvre quenolls avons entreprise demnnderait trente seems, et ell@s ne sont en tout que six, en y comf'renant la bonne ElOIse qu:e nous avons emmenee du Ca~atla. (1) " .

Nons espe~ons que Ia Maison-Mere n,e nous abandonnera pas,· et qu'avant longtemps elle hOllS enverra un renfort qui nons est si necessaire .. Le vif eJl'esir des Seems de se rendre utiles Ie plustOt possible, a ete cause <j.u'ells ont fait des progres merveilleux dans

(1) EloIse Trudeau, jeune fille Canadienne accompagnant les Sreurs par de-vouement. .' ,

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i'etm\e dtl la langne EspagnoJe, qu'elles parlent deja suffisarh­ment pour se tirer d'affilire dans leurs rapports avec les per.sonnes du dehofE'. Quar.it a moi, Ie latin m'est d'un grand secours dans l'eiude de cette belle langue Espagnole . •.•.••..• ~ ...•...•..•

p • ••••• , •••• A';r~'e~: M~~~~ti~~l~;, '~t~: " ;t'c~: ~;;, ••••••.•.•••• b G.HUBERDEAULT,PUa

A la Reverende l'JUre Caron, Superieure des Sceurs de ta Pro- .

vidence, a Montreal ..

AZILE DE LA PRO\iIDENCE, SANTIAGO, 30 Mai 1853.

MA REVERENDE MERE,-La lettre espagnole ci-inell1se est de Don Miguel d' Avila, bienfaiteur de notre etablissement. Ce di­gne gentilhomme, bien connu dans tout Santiago pour son zeJe . et sa charite envers les pauvres, a Me nomme par Ie gouverne­ment pour fournir tout ce qui est necessaire a l'etablissement des seeurs. J e dois dire qn'il s'acquitte de sa charge d'une maniere diglle d'eloge. Comme je presume que vons pourriez etre embar­rassee pour faire traduire sa lettre, je vais vons en donner Ie sens:

" J'ai eu Ie plaisir de eonnaltre de pres vos filles, les " Seeurs " de la Providence," et Ie Gouvernement m'ayant fait l'honneur " de m'occuper dans la formation de l'etablissement qU'elles diri­" gent, j'ai pH me convaincre des resnltats avantageux qu'il y a " pour notre pays, dans l'acquisition de l'Institution bienfaisante .. dont vous ete'l la Snperieure. Veumez recevoir pour cette fa­" veur inestimable, mes sinceres remerciments, ainsi que cenx de " mes concitoyeI).8. Les Seeurs ont depasse nos esperances dans' " l'accomplissement dn ministere de leur Institutionevangeli-" que, ••••••. etc., etc." .

Don Miguel termine Sa lettre en vous priant de vouloir bien lui communiquer ce que vons croiriez utile et avantagenx pour l'etablissemeut, et la favenr de quelques lignes accusant la recep­tian de sa lettre. Comme il sait un pen l'anglais, quelques mots de reponse dans cette langue lui feront beauconp de plaisir. ·G'.est nn hO?l~e tres bien .dispose, excellent ch~'Mien, et qui fait tout ce qUI depend de lUi en faveur de·l'Habhssement des Seems de Charite. Nous disons quelquefols entre nons, qne c'est Ie second volume de votre bOll M. Lacroix, a qui Ie convent de la Provi­den.ce, de Montreal, doit tant.. J e vous prie, en passant, de lui oifnr nos respectuenses salutatIOns, et notre affectueux souvenir ;

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nous esperons que Ie bon Dieu VallS Ie conservera encore long~ temps, et qu'il revivra un jour dans son fils, dont nOllS connaissoIls l'excellent ceeur. Toutes vas filles sont bien portantes et bien occupees; vous ne tarderez pas a recevoir leurs lettres .•...••••

J'ai l'honneur d'8tre, etc., etc., etc. G. HUBERDEALT, Ptre.

Ala meme.

AZlLE DE LA PROVIDENCE, SANTIAGtl,5 Juin; 1854.

TREs CHERE MERE.-Avec quel bonhem nous avons lu et reIn vas lettres.! Ah! croyez Ie, l'eIoignement n'a point emousse les sen­timents 'qui nous attachent a notre bien-aim'ee communaute de Montreal, a notre chere patrie, a nos bienfaitems et amis ; c'est tout Ie contraire qui est arrive. Nous allons nous efforcer, Dieu aidant, de retracer a la pointe Merid~onale de l' Amerique, Ie zele et la charite de nos honnes Seeurs du Canada. Vous connaissez deja, par nos lettres precedentes, quelque chose de 1'extr€lme mi­sere et abandon de la classe orpheline dn Chili; nous recevons ici les enfants des deux sexes, mais commele local tern poraire que nous occupons est tropetroit, il nous a et" impo~sible de les recevoir tous. Nous n'avons pu en admettre plus de qllatre-vingt ..................... " ••.•..•..•••..•......•....••.•

On visite notre maison avec beaucoup d'interet, car c'est un spectacle tout nouveau dans'ce pays. Nalls avons ainsi la consO­lation de travailler a amenp-r Ie riche a ne point dedaigner la mi­sere dLl pauvre, malheureux et deIaisse, surtout de ces pauvres

.petites victimes dn malheur, qui nous appelent leur mamita, (jolie petite maman.) "

Nous avons dix filles pour nons aider; ce sont des jeunes per-' sannes, qui vallIant se retirer di.l monde, se c10nnent a nOllS Four leur entretien. 'Elles sont loin d'av.oir la force de nos fiIles du Canada. ' lci les constitutions sont faibles par suite c1u climat, et peut-8tre aussi de l'humidite des maisons, dont. la pluspart sont faites de terre et de paille ::;echees au solei!. Ces maisons sont tres basses, pour mieux resister atix frequents tremblements de terre, de ce pays., '

Notre Pere, Mr. H~berdeault s'occupe en ce moment, avec Ie gouvernement, de l'achat d'un terre in pour y fixer notre futuf etablissement. NallS somIl).es en neuvaine a 8t. Joseph, Ie. sup­pliant de prendre cette affaire sous sa puissante protection.

Nous avons actuellement une petite chapelle dont l'ornement lJrincipal est un beau tableau de l'lmmacu'lee Conception, et une

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image de Notre-Dame des sept donleurs, notre dOLlce Patronne. Nons n'y avons ni chaises, ni banes, pour suivre la mode .au pays. lci les p~us grandes dames s'asseyent a la fa90n des onentaux j c'est-a.-dire qn'elle font porter un tapis sur lequel elles se llaceDt pour s'asseoir sur leurs talons. Mais neltre lieu favori, apres notre chere petite chapelle, c'est notre salle de communaute j car c'est la surtout, ou nous trollvant rennies, Ie sonven:ir Ie pIns tendre nons repoILe vers notre salle de ComnlUnaute de Montreal, pour y ecouter vos avis, et les pl1issantes. et ferventes instructions.du .ve­nerable et saint Ev8que de Montreal. Ah! que nous enVIOns votre bonheur !

Comme Ie temps est presque toujours invariablement bean, nOllS faisons Ie lavage dans notre com, a.lla suite de laquelle se trouve une vigne qui nOllS a rap porte une prodigieuse quantite de raisins. Notre enclos renferme encore une quuntite d'arbres fruiti&-s tels que des orangers, citronniers, pommiers, poiriers, etc. etc. etc. L'olivier et Ie palmier s'y trouvent allssi, et servent a. nons rappe­ler que nous sommes les filles dn Culvaire.

Nons tenons un compte exaCt des depenses que nous faisons ponr Ie soutien de l'etablissement, et nous en eilVoyons une copie au gouvernemellt. Jnsqn"a present, nous' n'avons encore rien aehete pour nOlls, depnis notre depart de Montreal. N ous n 'a­vons pas encore de postlllantes, qlloique quelques unes se soient presentees j mais nons croyons utile de les eprouver un peu plus longtemps. . .

Les communautes religieuses indigenes sont tres nombreuses dans ce rays, mais toutes sont consacrees a la vie contemplative, et font les VCBUX solennels de la cloture.

Les SCBlUS de Picpus, de Paris, qui sont ici depuis nenf ans, et les Dames du Sacre· CCBHr qui ne font que d'artiver, 8011t les seu­les qui se livrent a l'enseignement. Les SCBUfS de. Charite de France,.arrivees allssi tout recemment, sont chara-ses du so in des hopitaux, et enfin nous, les dernieres de tonte fa<;o~, que notre Sei­gneur daigne employer au service de ses membres souffrants sur cette terre hospitaliere.

Les commUllautes d'hommes ne sont pas moins nOmbrt'llSeS que celles 'cles femmes. N OLlS 11e connais8011s les unes et les autres que par ce qu'on nOlls en dit, salif les Franciscains, les Domini­cains, et les J esuites qui sont venns nOllS rendre visite. Ces der­niers chasses autrefois du Chili, s'y retrouvent aujourd'hui, a. peu pres comme nous-m8mes, d'nne maniere inopinee ..• ..........

-.• N;i;s' ~~~·p·r~~1~~~·~~i~t~1;~~t· ~t· ~~;io;;s· ~~~~~bie~;;l;t ·1;E~~: g~ol. Mr. H~lberdeault a fait de rapides progres, au point de falt~ son prel111e; :ermory. en Espagnol, moins de trois mois apres avolI commence a Hudler cette langue. Nos santees se' soutien-

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nent; mais l'hiver nons est plus favorable que l'ete, si nOlls pou~ vons appeler hiver la neige qui couvre Ie sommet des Cordillieres ; sa vue lointaine sert du moins a nons rappeler cene du Canada, et les cm'ioles que nous ne reverrons probablement plus. Vous aurez sans doute I e~u la lettresdu pon Don Miguel; il est tOlljours plein de bonte et d'attentions pour nous, et sera un bicnfaiteur

. signale de "1' Azile de la Providence" de Santiago. Bonne mere, l'{mornie distance qui nous sepal'e de corps, ne

nous a pas empeche de nous reunir a nos cheres SUlnrs de Mont­real, Ie jour de votre fete, pour vous dire tout ce que nos CUlurS eprouvent pour vous, et donner ensuite a. nos SUlurS bien-aimees les temoignages les plus tendres de l1otreattachement"et de notre tendresse inalterable.

Vellillez bien aussi nous rappeler au souvenir de notre bonne maitresse, et de nos compagnes d~l Noviciat, sans oublier nos SUlurs des Missions; un bon jour alfectueux allX dames pension~ naires, aux vieilles, aux orphelines, et a' tous ,nos bons amisdu Canada, en nous recommandant a. leurs ferventes prieres.

Agreez etc, etc., etc. Votre filleen N. S.

SCEUR LAROQUE.

A la meme.

AZILK Dl~ LA PROVIDENCE. SANTIAGO, 28 J uillet, 1854.

BIEN CHtRE MtRE,-Combien vos lettres nous ont apporte de joie" de bonhenr et de force !-et que nous VOllS sommes r,e?on­naissantes, de votre sollicitude pour vos pauvres filles du Chlh !-••.•••••••••••••••••••••• ? •••••••••••••••••••••••••••••••

Nous sommes toujours dans la m{)me maison, mais Ie nombre de nos orphelins est Ie m{)me, car Ie local ne nous permet p,as d'en

, recevoir davantage. Les principaux citoye'ns de la vil~e S'?CCU­pent It. nous trouver un terrain convenable a. notre etabhssement.

J e regrette d'avoir a vous dire que la sante de nos cheres Swurs Marie dn SaCre-CUlUr, et Denis-Benjamin, est tres faible; il par raitqu'ellell seront 10ngtl'jJIlpsa s'acclimater. Heureusement que quelques unes,de nos orphelines commenceq.t a nOllS aider un peu, de maniere que nOllS pouvons suffira tout pour Ie moment. On continue a. nous porter Ie m{)me inter{)t; mais rien n'egale les attentions et les soins bienveillants de Don Miguel d' A vila, qui attend votre reponse avec imllatience. '

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Les See\lrS de" Charite, de France, viennent de perdr~ ime de leurs Seems; nous aVons assiste a son enterrement, ce qm a paru leur etre tres agreable. lei les convois funebres ne sortent que la nnit. " .

NallS avons fete la St. Vincent, et c'est la dame de Don Ml-guelqui a donne It' diner, et qui a vOl~lu ser;ir el~~-~~me noil enfants; ce qui est un ex~mple de chante et d humlhte LreS con­siderable et rare dans ce pays .•.•••••••••••• ~. •• •• •• . •••••• VallS vouchez bien excuser cette petite lettre, qui est tr~s cou:te pour pouvoir etre inseree" dans une autre. Ve:lillez blen falre parvcnir a leur destination celles que nons ecnvons a nos pa­rents; et recevclZ, bonne Mere, l'expression de nos sentiments de tendre reconnaissancf.'), et de filialle affection.

Votre fille en N. S. S(EUR LAROQUE.

A S. G. Mgr. Bourget, Ev€que de Montreal.

SANTIAGO, 29 Octobre, 1854.

MONSEIGNEuR.-La lettre que V. G. a bie~ voulu ecrire a notre ami et protectenr, Don Miguel d' Avila, lui a ete extremement agreable. Sa reponse, ci-incluse, etant en Espagnol, je pense

"que V. G. ne tronvera pas mauvais que j'en fasse une traduction, pour lui en faciliter 1'intelligence. " Le Gouvernement vient d'acheter une magnifiqu6. propriete pour y Mablir les Seeurs de la Providence. On pourrait comparer la situatiun de cette propriete par rapport a Santiago, a celle du Coteau-Baron par rapport a Montreal. Nous aimons a croire pieusement qne notre pere nOllrricier St. Joseph a amene cet heu­reux denouement, car certainement les circonstances qui oI.1t pre­cede et accompagne cet achat, ne sont pas ordinaires; ce qui DOUS donne lieu d'esperer que notre puissant et bienheureux pro­tecteur daignera proteger toujours et affermir ce nouvel etablisse­ment. S. G. Mgr. l' Archeveque travaille activement a Ie rendre solide" et durable. Par la prochaine malle, je pourrai donner a V. G. les uetails qU'eHe me demande dans hi. Jettre qui nous pro­met du seconrs, afin queUe soit. bien au courant" de tout. Dieu sait combien nous desirons Ie renfort que VOllS avez bien voulu nous faire Esperer ! ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

Tontes les SeeUIs sont assez bien. et se recommandent aux prieres de V. G,

Ainsi que celui qui a l'honneur d'Mre etc, etc., etc. G. HUBERDEAULT Ptre.

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Au mt1me.

(Traduit de l'Espagnol.)

SANTIAGO, 29 Oct. 1854.

MONsEIGNEuR.-Les sentiments de biellveillance que V. G. me temoigne dans son affectueuse lettre du 3 Aout dernier, me cau­sent un plaisir extri3me, en mi3me temps qu'ils me fonrnissent l'occasion d'apprecier Iii. noblesse et l'el{~vatioll «:levotre esprit. Mes plus vifs desirs ont toujours He. de voir s'etablir solidement dans notre pays, la charitable institution des Seeurs de la Provi­dence;' et en m'adressant a V. G. j'ai voulu, pour mieux m'ac­quitter de mon devoir, profiter de vos sages instructions, et de vos excellents conseils, !;omme j'ai deja eu l'honneur de Ie dire a V. G. dans rna derniere lettre.

Je vois avec une douce satisfaction, que la maniere dont V. G. a daigne accueillir rna lettre, a surpasse mes esperances. La promt'sse d'un prompt. envoi de nouvelles Seeurs au secours de leurs compagnes, nous a beaucoup rejuui; et nous sammes heureux de· pouvoir al1lloncer a V. G. qu'aujourd'hui mi3me se signe Ie con­trat d'achat d'un terrein dont Ie Gouvernement vient de faire l'acqu'isition au prix de soixante-douze mille piastres, ($72,000) pour ks Seeurs de 1<1 Providence que nous aurons lajoie d'installer prochainement daris ce nouvel etaL!issement.

Ce terrain a une etendue d'environ 90 acres ; il Y a de bons Mifiees, une belle vigne se composant de vingt-six mille plantes, .ot quantite d'arbres fruitiers de differelltes especes.

J'ai fait connaitre a S. E.le. President, l'expression, de vos sen­sentiments, et Son Excellence me prie d'ofi'rir a V. G. ses plus sinceres remerciments.

Esperant que VOllS voudrez bien m'honorerencore de la faveur de vos lett res, selon que vos occupations vous Ie permetteront,

J'ai l'honneur d'~tre etc., etc., etc. . D'AVILA •

. A' la R€verende Mere Caron, Superieure de la Providence, ii . Montreal.

SANTIAGO, 290<;t. 1854.

MA REVERENDlI: MERE.-Je n'ai Ie temps.que de VOllS glisser un petit mota Ia bate, apres vous'avoir donne la traduction de la ci-incluse de Don Miguel 'lui a 13th bien content de votre lettre.

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Au moment ou je vons ecris, on signe nn contrat d'achat J'nn terrain pour l'etahlissement de vos filles. C'est une superbe pro­priMe de pas moins de 90 acres, avec de grands edifices, nne vigne immense, et force arbres frnitiers de toutes les especes. Vons voyez que notre bon Archeveqne avait bie,! raison de dire que ,,:"08

filles sont vraiment les filies de la Provulence. Ceia veut dire aussi que Ie seconrs que vons nons avez prumis va devenir d'une necessite urgente. Pent-etre les desseins de la Divine Providence sont-ils qne Ie Canada soit appele a. travaiUer a. la grande et im·. mense amvre qu'offre l' Amerique Espagnole. Quand les SCIlurS seront dans leur nouvel etablis~ement d'une maniere stable, eUes se proposent de prendre chez elles un vieux St. Joseph (1) pour temoigner lent reconnaissance a. leur puissant protecteur. Nous sommes taus bien, et Ieclamons vos prieres et celles de ]a commu-naute ..••••• ; •••••.••.••.•••.• , •••. " ••••••••• , .", •••.••••

Votre, etc, etc., etc ................ . G. HUBERDEAULT, Ptre.

A lam~me.

(Traduit de l'Espagnol.)

SANTIAGO, 29 Oct. 1854,

REVERENDE MERE.-J'ai re~u votre lettre du 7 Aout,dernier, et je pnis vons dire qu'elle m'a cause nne joie que je ne saurais decrire. "

La reconna~ssance que vons me temoignez pour l'accomplisse­~ent de mes, devoirs vis-a.-vis les SCIlurS, ~e fait beau coup trop d ?onnenr. Tout ce que nous avons pu faIre, n'est qu'un faible tnbut de reconn.aissance envers une institution qui quoique nou­vellement etabhe, a deja. produit des fruits tres abondants.

V ~uillez bien,. Reverende Mere, recevoir l'hommage de notre gratItude, et Cl'Olfe que mon devoir, comme chretien, dans Ie poste que Ie Gonver.nement de mon pays m'a confie, est de ('ontribuer par tout. ce qm sera en mon pouvoir au bien de cette institution.

Je fals des VCllUX pour que Dien vous. conserve Ia sante ainsi qu'aux SCIlurS <ie votre communaute, et ageez les sentime~ts de respect, etc, etc., etc. • •.••••.••••••••••••••••.•.••.•••••••.

D'AVILA.

(1) Vieillard a. qui 1'on donne sa pension et tout ce dont il a besoin en l'honneut ~~~~ . .

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NorrEs SUR LA REPUBLIQUE nu CHILI.

Cette Republique comprend outre, IES Archipels de Chiloe et de Chonos, une contree longue E't etroite sur la cote occidentale d.e l' Ameriql;:e Meridionale. Elle est situee entre1es 21 0 30' et 41 0 42' de lat. S., et les 71 0 40' et 76 0 5' de long. 0; et est bor­nee au Nord par la Bolivil;t; a PEst, pat la Cordillilhe des Andes qui la separe des Etats du Rio-de-la-Plata ct de la Patagonie; au Sud, par Ie )IonveflLl-Chili ~t lapresqn'ile de Tres-Montes; et a l'Ouest, par Ie Grand-Ocean .

. Le Chili a environ 450 lieux de longueur du Nord au'Sud, sur une largeur variant d0 14 a 66 lieux. On evalue sa population a environ deux millions, sans y compren.dre les tribus indigenes.' La sellie religion du pays est la religion Catholique. Le climat est d'l1ne extr~me salubrite. Dans la partie continentale, 'Ie Printemps commence en Septembre, l'Ete en Decembre, l' Au­tomne en Mars, et l'Hiver ou la saison pluvieuse en Juin. Le Chili est divise. en 13 Provinces dont les principales sont Santiago, . Coquinbo, Copiapo, et Aconcagua, qui abondent en mines d'or, d'argent, de clIivre et, de plomb. Ce pays, Province Espagnole depuis l'annee 154.1 que Valdivia y parut pom la premiere fois, conquit dMinitivement son independance en 1818., II est gou­verne par un president dont les fonctions ne durent qne 4 ans, un senat, et une chambre nationale, elus le<;. uns et les autres par les assemblees electorales. II y'a en outre un COl1seil d'Etat, dont les membres 'Sont inamovibles, €it auquel Ie President doit sou­mettre toutes les affaires d'im interet majeur.

Santiago, Capitale du Chili, est sitnee sur la· rive gauche du :fl.euve Napocho, dans 1111e vaste plaine bornee a l'Est par les Cor-. dillieres, immense chaine de montagnes les plus etendues dn monde entier, puisque d'apres Ie savant M. de Humboldt, eUes

. s' etendent dans tontc la longueur de la partie oc~idel1 tale de l' Amerique, depuis la Mer Glaciale jl1squ'an Cap Forward, dans 1e detroit de Magellan, c'est-a-direl'espaee de 120Q de latitude.

Santiago est divisee en placesquarrees, et s'elevant en tout au nombre ,de 150, y compris les faubourgs. Les maisons y sont generalement tre~ basses, et les rues extri'Jmement largesa cause· des tremblements de" terre qui sont frequents dans ce pays. Sa popUlation aytueUe est de 125~OOO ames. .

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MISSION DE LA RIVIERE .ROUGE.

Lettre de Mr. Lafleche, a Mgt'. Bourget, Eveque de Montreal.

SAINT BONIFACE, DE LA RIV-ROUGE, LE 15 Juin, 1853.

MONSEIGNEUR,-La triste nouvelle de notre deuil vous est sans doute deja parvenue; deja votre cceur'a senti l'affliction dans la­queUe nous avons Me si cruellem~nt plonges. Oni',Mgr. ~e clerge et Ie peuple de la P,iv-Rouge ont ete frappes dans 1 endrOlt Ie ~l~s sensible de leur cceur, la mort inattendue de leur pasteur venere, et de leur pere ch~ri y a fait une plaie .qui seignera longtemps.

Votre Grandeur, voudra bien permettr€' a un fils respectlleux: et affectionne de soulager sa donlenr, en lui laissant raconler ici les derniers moments de celui qn'il regardait avec tant de raison c,omme son tendre pere.

Depuis un an surtout je remarquais que la sante de Mgr. de St. Boniface declinait sensiblement, il etait souvent indispose et se plaignait d'une faiblesse extrilme qui allait toujours en aug­mentant. II paraissait frappe de l'idee que sa fin etait proche; il me parlait sonvent de sa mort, et avait milme designe d'avance Ies habits et les ornements avec Iesqnels on l'ensevelirait. II craignait qu'on ne lui en mis de trop beau. Le dix-neuf, midi, an nioment ou il se levait, n'etant encore qu'a moitiehabille, il fnt frappe soudainement d'un coup d'epilepsie qui Ie renversa sans connaissance sur Ie plancher, ce ne fut qu'nne demi heme. apres qu'il put appeler au sec ours, et Ie Rev. Pere Bernard qui arriva Ie premier Ie trouva faisant d'inutiles efforts pour se rele­ver. J'arrivai aussitOt a son secoms, et apres l'avoir assis, je lui demandai s'il sentait du mal quelque part, et comment il se twu-' vait. Les quelques phrases qu'il commenga sans pouvoir les achever. nOll~ fire.nt bientOt cOI?prendre Ie danger de sa maladie ; Ie docteur qm arnva quelques mstants arres n'en pamt pas moins effraye que nOllS. Le mieux qu'il eprouva Ie soir et Ie Iendemain dissipa uri peu nos alarmes, sa connaissance lui etait parfaite~ ment revenue, et it se trouvait assez bien pour s'occuper de ses affaires.. Co.mme je me ~rouvais heure~x ce jour-la., apres' la ~r~ell: mqUlet~de de Ia ve~lle! POl1r<;luOl.faut-il done que cette JOle alt.ate de. SI courte duree! La nmt Slllvante qu'il passa sans Bommeille laJssa dans une grande faiblesse. Nonobstant cela il vonlut assister a la basse messe, parce .que c'etait Ie dimanche 'et Be mit ensuite a ~ire s~m brev~aire'~':Ir la representation que je 'lui' fis, que Ita pouvalt lUI Mre bIen nUlSlble dans Petat ou il se trou-

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'Viit, 11 oonsentinl me remettre son breviaire que Je cac'hai aussi~ 1t<Jt. 11 s'en plaignait en suite, disant~ " Ils m'otent la derniere 'Consolation qui me reste, -celle de dire mcm office." Revenu. aU:Fres de Jai pendant la grand'messe, je [e retrot1vai, son brevi­,nire 3. la main. Jleus beau parler, 'Pour fe 'Coup tout fut inutile, voulant en quelque [uc;on lui faite violence, i e saisis son breviaill'e ;en disant: MOl'lseignenT, permettez que 3e vous l'obte -Non, Je les ai ecoutes hier et l' en ai eu au. regret." Quelq nes heures apres . :son mal RHgmenta a un tel p0int qu'il1il.'etait plus ;llui ; ses idees etant entierement confm.8es. n passa :une grande pattie de la semaine dans .cet etat de delire. Dans les intervalles OU la con­naissance lui revenait, <il disait qu'll 'lle sentait auctm mal, sinon 'lIne gcande faiblesse, et paraissait ne pas conJ?aitre tout Ie danger de son etat. Le 24, nons jugeames prudent de lui administrer Ie Sacrement de l'Ext!l'~me-Onction.. Il avait 3-tors si pell de con­naissance, qlil'il 'lle s'en souvenait p1us Ie ]endemain, {)u il etait iParfaitement revenu a lui.. NOllS en profitames pour lui 'donner Ie St. V:iatiq1Jl.e q·n'il r~ut avec les ser.timenis de la plus tendre ~iet-e, nous recommandaat d'observersoigneusement tout ce que ,Ie Rituel prescrit dans cette circonstance. "Ces pauvres ·ev~que8. ,.;, disait-il, il ne faut pas 1es laisser maurir remns ~retiennement .. , que les antres." Apres avoir re~ll Ie corps ·de SGn Sauveur, i'lleva ses yeux dMailtants vers Ie ciel, et sa main aiffaiblie sur son peuple pO'ar lui donner unedernioo-e benedictioR. Il Mnit aussi od'une marriere toute speciale ceux ue ses MissionnaH"es qui etaient :a,·bsents. Les Sc,eurs de la Charite vinTent aussi se jeter a ses pieds lui demand& lme derRie.re benediction, et recevoir ses ,derniers :adieux. Oh.! 1e t.ouchant spectacle que celui-la; non jarnais il nes'e4faoera ae man souvenir. T<'Jl1~ ceux qui y ·eta~ei'it presents fondaient en larmes en reoevant les derniers adieux ·d'un si bon pere. Vers 1e 25), il commenc;a a. se plaindre d'un point qui 10 faisait cruellement souffri'l' dans Ie ollte gau.che aupres dn creur, .at depuis ce tem.ps, :il a presque toujours eu nne parfaiteconnaPl­-sance jusqa'a sond.ernier mGment. II avait 'l'egl-e d'avanoe toutea 'ses atfaires., at nous a fait penc1ant sa maladie tout'ElS les recom­mendatiooset doone tous les avis qui nous -etaient necessairea :pour nous et pour son peuple. Le 7 juin 'll onze hemres du soil', apres quel<!J:ues minutes d'a'gGn,ie, il a remis traRquiHement son arne .a Dieu. C'est ainsl, Monseigneur, que Ie sort des orphelins est de­venn notre partage. C,Gtte mort a repandu ledeuil d.ans tOllte lit. cGlonie, et m~me -ceux ',d'une croyance diiferellte de la nMra :avaieDt POW" lui une gll"ande estime, ayant Me:a 'Portet'! d'appre­-cier ses excellentes qualitils, at tons Ie' regrettent sinceremi:mt. I.e 9 ju.in i! a ete porte solennellement ~n procession a .la ohapell"

.(1111 COHvent des Srel.l.rs de la Charite, '>11 lUI set:vice solennel a ate

.olaaute.j et Ie 10, il a ete .ramene de Ia .m~me mafii.e.re 8. I~ Ca.-

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thedrct.le ou un second service· a ete celt3bre" aussi soJennelIement que possible. .Le Major Caldwell, Gouverneur de' lao colonie, les Bourgeois de L:t Compagnie qui se tt"Ouvaient a la R1V-Roug~ et 1m bon nombre de protestants s'etaient joints ala populatlOl1 catholique en masse pour rendre les demiers devoirs a celm que nous Yegl'cttons si amerement. A van t de sortir de l'Eglise Ie Gouverneur s'est avanee dans Ie chceur au bord de la fosse pour me faire son compliment de condoleance, et me prier d'a~surer mes; ccnfreres missionnain!s, et]a population catholique qu'il raFtageait bien yivement notre affliction. J e cOlUlais assez cet homme, Mgr. pour assurer que cette demarche etait l'expression sincere du sen­timent de son cceur.

Monseigneur Provencher, etait' un de ces hommes raresqui . gagnent a etre bien connns; c'Mait surtout dans les I'elations· jOUInalieres que l'on etait plus a portee d'apl'ecier les eminentes :quahtes de son cceur. Com bien de fbis n'ai-je pas admire en lui cette tendre piete, et cette confiance admirable en la Providence qui font la consolation et Ie bonheur'du veritable Chretien. Com­bien de fois la bontede son cceur ne lui a-t-eUe pas fait pmotager les miseres et les piivations que ses missiounaires enduraient parmi les Sauvages. Oni, Mgr. je l'ai entendn bien des f01S leg. plaindre, et a rl~es leur avoir envoye tout ce qu'ils avaient demantle et an dela, se plaindre enco]'e de ce qu'il ne pouvait pas faire plus ponr eux, Depnis neuf ans qne j'ni Ie bonheUJ.' d'exercer Ie St. Ministere SallS sa direction, je pnis> aujourd'hui lui rendre en t.oute sincerite et jnstice Ie temoignage qn'il s'est tOlljOurS Inontre pour moi et mes confreres mi:;;sionnaires un relie genereux, tendre et compatiss8.nt. Pardonnez, Mgr. a cet epanchemeut 'd'nll' CffiUIi presse par les sentiment:;, de l'affection et de Ia reconnaissance.

Sans aUCl1l1 egard pour mon incapacite, ce bon Ev~que m'a charge d'administrer eette partie de son diocese en l'absence de Mgr. Tache qni se trouve a 300 lieues d'ici. Oh! que j'ai hate de lui remettre .un fardeau qui me pese tanto n rna demande' allssi .de Elire connaitre sa mort en Canada Ie plntOt possible, afin de 1m procurer les suffrages de ses parents et ami>, et Ie seCOllrs lies messes auxquelles il a droit comme membre de la caisse' ecclesiastiqne de St. Michel, de la societe de 3 Inesses et de la con­gregation du Seminaire de Quebc.c . . yotre GrandeNr, voudra bien me permettre,j'espere, de lui fairEl' leI l~les exc~lses sur Ie tort 9.ue j'ai en de ne l?as lui ecrire depuis. que ~e tr~\:"Ull.le dans ~es Ml.SSlOllS ~ c'estque J'ai une repugnance e~treme a ec.nre, 1~.fClJsant 81 gauchement, et q~le je laissais a Mgrv defunt, Ie S0111 de 1 mformer de ce qu'll pouvalt y avoil d'interes­~nnt sur Ie compte de 110S pauvrcs sauvages. ,. La ml~eFe a .ete ~iel1 grande ici l'hiver demier par suite de~

1 mondatlOll, ql11 a fait manque); la reeoite, Cependant? Mgr. ayant

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fait a'ppel ala chari-te, eta 1a gene'l'osite de ia ela-sse 1a pIlls 'al'aise .de notre petit pays, Itt eoHecte a mis a sa disposition, une somme Ide cent 'et q l1elques louis, ,ce qui a Buill pour empecher de mourir de faim les plus miserables: La compagnie; s'est tres-hien montre ;Bll cette cireo.nstance: et de pillS elle a prtlte genereusement 1000 minots de ble ponor les semences. Aussi n'ai-je pas manque d'en {aire les pillS gra(;ieux remerciments au Gonve,rneur Sir George Simpson, au nom de tout notre peuple. Quoiqne 1a pluie et les vers aient 1<1.it beau('ollpde dommage en plmiieurs end·wit::;, la re­<>colte a eependant Nne fort belle appaitence, et nous espewns que Je bon Dieu va nO\1S faire charite pour l'hiver prochain en nous accmdant au moins Ie necessflire.

Monseigneur defuni m'a parle de votre Grandeur pendant sa maladie; ilni'a mppele les grands services que v,ons lui avez ren­,dus, il. rna prie,de VOllS fCli~'e connaitre com bien il en etait recon­naissant, etde vous en ff.'ire ses sinceres remerciment,s. 11 esperait aussi que V; G. voudrait Lien continuer hs mElmes bOllS offices ~. l'egard da son successell,.

J e recoIDmande d 'nne maniere toute particuliere aux prie'res et Saints Sacrifices de V. G. notre penple et nos missions sauvages.

J'ose esperer que "ous voudrez bien aussi accorder un petit son .. venic en 1a presence du Seigneur a.celuiqui 'a l'honneur ,dece souscrire avec 1e pIllS profondrespcct,

He votre Grandenr, Le tr,6S llumble et Gbeisss.nt servitem,

LOUIS LAFLECHE, P. M.

Lettre de Mgr. Tache, a Mgr, Bourget, Ev€qtte de M01itreal.

ST. PAUL MINISOTA, 31 Mai, 1852.

MONSETGNEuR.-Il y a aujourd'hlii trois semaincs, Votre Gran­deur anit Ia condescendance d'acompagner au Steamboat trois :pauvresmifJsiol1llaires'se mettant en'route pour la Ri,,·iew RO~lge. CeltH attention ne m'etonl1ait pas de voke part, elle n'etait que ;lil 8[lit,(> de tOlltes les bontes que vous m'avez temoignees. La precipitation '011 j'ai ete pendant man sejonr an Canada? ne m'2c :pas permis d'avoir avec votre Grandeur les rapports assldllsque mOll crnUl" aU!l'ait desires. J'allrais bien souhaite et aurais bien ell he~oill de demeurer al1}ilres ·de VallS pour m'inspi'rer de cet epprit -3i necessaire a un Eveque, et que malheureusemen.tje possecle St peu. J e suis absoll1meni depourvu des conl1aiS~allCE'Set des vertns indispensables all caractere sacl1e dont on m'a l'evetu avant Ie temps. QWll1cl jerefiechisa ce que jc snis et a ce que je devrais £Jtre je I!mis .tente de me decoumger, j'espere pourtal'1t, Monse;i

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g;nenr, que Ie sec ours de vos pl'ieres contribuera pnissam.ment a mi'l' soutenir. Votl'e Grandenr"connait pl0bablement l.a premu!lre epreu­ve que la Providence nons a, menagee, apres notre derart ; nous llvons ete trop tard au Sault. Le Beul inc~mvl)llient qui en resultt; c'est une depe.ase bien grande. Cette depense ·me pese sn~ Ie camr: peut-etre que j'ai He c~.lUpable en prolongeant. mon Se.l0m· en. Canada jusqu'an 10 Mai II est vrai que j'avais l'espoil' ~'a~­:river a temps, mais peut-etreque lajouissance ~u pays grandlssaAlt ames yenx ce{ espoil', et que plus de generOSlte de ma palt eut menage ·anx missions un al"gent qui lui est si necessaire ..

Nous n'avons d'ailleu:rs qu'a n01.1S feli·citer de notre voyage, la. vertu de mes cneJ.'s compagnons fait eqllilibre aux fautes nont je mIlS coupable. Nons somme:,; en be les mains de la Providenee qui veille sur l,OUS : ·ainBi 1a nuit avant notre nrrivee ici, il fesait Wl vent impetueux, Ie feu prit au Steamboat; mais heureusemen:t que l'on parvint ~ l'eteindre et nons eehapames a Ian danger emi­nent. Des incidents de ce geme sont ·sans doute bien propres a ranimer notre confiance en Dieu et a. exciter notre reconnaissance envers eelui qu.i nous protege d'une maniere si visible.-Je vous suis de plus en plus reconnaissant pour la faveur que VOlIS nOllS avez faite en cedant MJ.". Lacombe. Cet excelleni mrSf'ionnaire­est decide a entrer dans notre congregation. Le venerable Ev~­que de St. Boniface, va eprouver une joie bien vive en recevant ce nouveau snjet, qui possede deja son estime et S3. confiance. Mr. Cretil1n'est pHS ici,j'aurais &te bien aise de faire sa connais­sanee; Ie di.gne Mr. Ravoux qui Ie remplac-e nous a accLleillis avec beaueonp de bonte.

J'ai oubTie, Monseignenr, de parler a V. G. d\m projet que je crois devoir tourner a 1'hol1ne111 de la Religion. L'education est excessivement negligee chez nos Catholiques de la Riv-Rouge, lao chose est d'autant plus penible que nos Freres SepaleS n(}llS font la Ie~on. Mgr. Provencher a fait des efforts considerables pour obvier a ce mal, mais il n'u pas renssi, l'apathie de son peuple a paralJse tons scs desirs. Les Met:is n'aimant point Ie gouverne­ment des femmes, ce qui pent contribuer it ce que les gar~ons ne v~nt P'lS al'ecol~,jeerois ql~e des F:reres de St. Viateul'", pourraient falfe un g~nd 1:nen a la 1.{lv-Rougc. Le logement est tout pret et Ia nOllrnture aUSSJ, les gran des depenses que 11011S avans a fain~ cette annee m'ont empeehe de faire de suite application a cet effet~ Je pense que l'annee prochaine la mission pourra subvenir au~ fr.ais necessaires. J'ose done me flatter, Mgr. que V. G. vondra bl~n s'adresser aux. Superieurs de ces bans Freres, afin qu'ils nous pre~[):ent deux sUJets pour Ie commencement de JuiHet 1853. Mals II faudrait que cps deux sujets fussent en etat de bien 0nsei-. gner Ie Fran~ais et l' Anglais, afin que nons puis~ions etablir une ecole snr 1m boIl. pied. C'est vraiment plmible de ne pas. aVQ.ilt

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une bonne ecole Gatholique pour les gar9011s. Plusienrs enfants Calholiques ont deja perdu la foi pm' suite de ce manquement. II y a la plus qu'il n'en fant, Monseigneur, pour exciter votre charite, et je crois pouvoir regarder comme. une chose certaine que V. G. fera en sorte qne nous ayons deux bons Frel'es, assez instruits pour qu'OI1 ne nons fasse plus Ie reproche (merite jl1sqn'a presel'tt) qu'a Ia Riv-Rouge, il n'y a pas une seule bonne ecole catholique pour les gar90ns. De grace, Monseigneur ne nons nifnsez pas eette fa­venr.

Nons sommes iei au moment Ie moins favorable sous Ie rapport pecnniaire; tout est extremement cher, comme les travaux de lao campagne ne sont pas termines, les gens nous demandent des prix exageres; nous gommes obliges de payer environ £75 ponr nous faire conduirEl ala Riv-Rouge ; si nous joignons a cela £25 que nous a conte notre voyage du Sault ici, et £20 de Mon real au Sault,nons aurol1s la somme de £120, c'est une bagatelle pour un Lord, mais c'est bien grog pour un missionnaire ; nous partirons demain soir et nons esperons etre a St. Boniface flvant vingt jonrs. Vousvondrez bien, j'espere, Monseigneur, nons recomman­der specialement a Notre-Dame de Bonsecours et aux bonnes ames de l' Archiconfrerie. .

. PUIS si Ie Conseil de Ia Propagation de la Foi dans votre ville episcopale trouvait nos missions assez pauvrcs pour meriter ses favenrs,je suis bien convaincu que 1e bon Dieu ne lui en voudrait pas. Mr. Lacombe et Ie P. Grallier vous presentent leurs hom­mages respectueux. Et moi, Monseigneur,j'ose vous offhr l'ex­pression d'un respe0t et d'lln attachemeut bien vifs. La Providence m'a pour ainsi dire· sOllstrait a votre j llridiction, rna is mon cceur n'en est pas moins reste attache a mOll Eveque Diocesain. De grace, Monseigneur, priez pour Ie dernier et le plus indign\~ des Eveques et croyez Ie avec com:ideration de votre Grandem,

Le tres h·umble et obeissant servitellr, t ALEXANDRE, EVEQUE D' ARATH.

Du mi!me, it sa Mere.

PIMBINA, 25 Juin 1852.

MA BIEN CHERE MERE.-Me voiei ellcore une fois dans une ha­bitation, apres dix-huit jours de sauvagerie. Ma derniere lettre vous aura informee de notre heuren'se arrivee a erow Wing (lIe au corbeau). NOllS partimes de cette place. Ie dix au matin et depnis

. nOllS -lvons voyage dans l'eau,dans Ia houe et sur la terre. Le chemin qL1e nous avons parcouru est affreux a cette saisoa, je n'a­vais pas meme l'idee que Pan p~t voyager par de parei!!! chemins.

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La Providence a ponrtant en soin de nous, Ie tout s'est .reduit, it. nous mouiller et it. nOus saliT. C'Mait une chose assez sll1guhere de voir un pauvre Eveque et deux Pretres plonges duns la bone jusqu'a la ceinture et faisant l'humble l1letie.r de ~ete c1<3 somme pour arracher de In. boue et les chev;;ux et les VOltmes, et cela nOll pas une fOls mais une centaine de fois; nous en etions pour un peu nons laver, en nons rejouissant d'avoir echappe a lin ma­rais et en nous preparant a en traverser un autre. NO~lS ~l'a;olls eu ancun accident grave et nous a vons tout I e temps Joms d nne excellente sante. M. H ... me conseillait, l'annee derniere, de 11e pas abaisser ma grandeur jusqu'a la jevalerie, cette fois je l'ai abaissee plus bas, parce que nons avon'l fait ce que les chevaux ne pO(lvaient pas faire; bien des fois apres les avoir deteles nous nous sommes constitues leurs rempla<;ants gaiement et vigoureu­sement; je ne vons ecris ces petits details qne dans"la crainte que des rapports 'clu genre de celui de mon serpent noir de l'annee der­niere, ne viennent vous alarmer. Encore une fois la boue a ete Ia plus grande misere et c'est unc misere d'ulle nature trap molle pour tuer.

J'apprends ici qu'il y a ell it. la Riviere Rouge un second de­lug", l'eau a emporte plusieur~ maisons et fait Ull dommage incal­culable. J e me reserve a vous donner des details quand je serai SLlr les lienx. MM. les missiollnaires et les bonnes seeurs &taient tous bien la semaine derniere, je crais bien que notre alTivee va tirer nne bonne epille ail pied de ]Honseigneur, ilnous attend dit­on avec im patielice. Cette impatience a elll se mtJler d'inquie­tude quand il a Vll flrriv?r les canots sans nous. La vieillesse de ce digne prebt a dli eprouver un rude echec; a Ia vue de la de­solation que Ie nouveau £leau fait pesel" sur SOll peuple. J'ignore quels peuvent etre les desseins de la Pro\'idence sur laPLiviere-Rou­ge,mais voila deja plusiems epreuves des plus fortes que Ie bonDieu fait peser sur e11e. Heureux les habitants s'ds savent ell profiter. J e vous ecrirailonguement sur ce sujet quana je 'Semi a st. Boni­fac~, ~t j'esper~ y Mre apres demain. En la compagnie de M. Sin­claIr, Je me sms separe de mes eompagnons hier au 111atin, aihi de

. venir preparcr les H1ies,pom liou::; rendre a St. Boniface; nons a vons trouve une berge qui partait et qui consent a nous attenclre, en sorte que j'ell ai fini avec les chevanx et tout leur attirail. M. Lacombe et Ie P. Grollier seront ici ce soir on aemain matin et nous partirans de sn ite.J e n'ai point de nouvelle de l'Ile a 10. Cr~sse j'.en am;a~ a St. '3onifac.8. J e.m).appert;ois chaqne jour d'une protec~ ~lOn .speclale- c~u bon Dlel1, amSl soy:ezsans inquietude a mon snjet, contmuez-lllol Ie secoms de vos pneres et cette divine Providence me gardera de tout ·:tanger, adressez-vous avec con fiance a notre 111el;e cO~11mtll1e, e~ cette .divine etoile gnidera vone fils a travers les ecuells de la VIe et nous reullira au port du saInt.. ......... •...

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Adien honne et tendre mere, priez bien. et faites prier pour votre Alexandre, qui ,':ous aime tant ....

Votre fils tout devoue, t AL EXANDP~E, EVEQUE D'ARATH, O. M/1.

Du meme, a la meme.

RIVIERE AUX BROCHETS, 23 Juillet 1853.

MA .BIEN CHImE MERE.-Tous les jams COnU1:1e tOm! les instants sont sans doute favorables a l'expression des sentimens qni doivent animer un fils envers celle qui lui a donne lejour, mais il semble que l'anniversaire de la naissance est une de ces circonstances qui exigent une demonstration particuliere, aussi il m'est impos­sible de laisser passel: Ie 23 Juillet sans VOl!S exprimer Ie respect et l'amour qui m'animent a votre egard. n y a aujomd'hui viugt­neuf ans, en me .prodiguant les premieres expressions de votre tendresse, vons benissiez Ie ciel. de vous a voir donne un fils, dont vous ne prevoyez certainfment pas les c1estiJ1(':es, mais qui vous donnait les esperances dont nne mere se ilatte tonjonrs. Al.1jour­d'hui je benis Ie ciel de m'avoir donne une mere, que je ne con­naissais pas alors, mais qlle j~ai pu apprecier par la suite et que je sl.1is henreux de cherir aujotml'hui plus que jamais. A la Sainte Messe j'ai remercie Dieu de cette faveur, et l'ai priede benil' ma mere.

Je vons ai ecrit quelques mots de la Riv-Pcouge. Je n'y suis dememe que dix joms, apres lesquels il m'a falll1 iuire mes adieux ~ Monseigneur' et aux autres personnes de st. Boniface qui me sont cheres. Au: fort de Pierre, j'el.1s la. consolation de voir M. McKenzie (gu'on disait mort,mais qui est plein de vie ).11 est reJ1-dua la H,iviere-Rouge avec toute sa famille pour y del11eurer ....

Le 8 juillet, sixieme unnlversaire de 111011 premier depart de St. Boniface, nous nOllS embarquames, M.Lacol11be,.le P. Grallier ct moi fSUf un de cespetits bi1timents qui nous avaient conduits ici M. Lafleche et moi. NOLlS arrivames heurensement Ie 17 .. Nous attendons depuis ce tem ps, et nous attendrons encore quelques joms pour les berges de l'Ile de la Crosse qui sont allees a York et qui nous conduiwnt Ie P. Grollier et moi jl.lsqu'au terl11e de notre voya­ge ices bet-ges sont c0l1111¥tndees par M. Samuel McKenzie que je connais particulierement et qui nOllS sera 1m excellent compagnon de voyage. NOllS nous serarerollsde M. Lacombe qui doit allcr remplacer M. Thibeault au foit des Prairies (Edmonton). Il m'en coutera de me separer de ce charm ant compagnon et digne missionnaire. ..

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U ne nOl1velle que VOllS n'apprendrez pas sans plaisir et qui m'en, a cause un bien vif, c'est que M .. Desehambeanlt est n?mme cett~ annee bonrgeois de l'Ile-a-Ia-Crosse.J'eu ~uis bien aise et pour 1m et pour nOlls. Nous rourrous instruire sa famille, et il est toujours agreable de voir Ie commandemen~ du paste, au 1'on est, con fie a un compatriote, parent et Catholique. Cette derniere circonstance sera j'espere utile aux sauvage. C'est done une faveur nouvelle, dont ilfaut remercier Ie bon Dieu, et ee n'est pas Ia seule. J e ne sais pas, si je vous ai parle d'une autre re~ue a Pimbina. NOlls, laissames ee poste un samedi midi, et Ie lundi matin un homme fut tue et un autre bIesse par les Sioux, qui se trouvaient en em­huscade, et qui auraient bien pu nous en faire autant, si nous avions He quelquesjours en retard. Ceei doit vous rassnrer en vous pro~­vant que Dieu a soin de nous et qu'il ne nous arrivera que ee qu'll plaira a sa sainte volante .•.•

Priez taus ensemble pour moi, pour nos pauvres sauvages, pour la famille MeKensie et nos autres bienfaiteurs. Les Protestants font des efforts extraordinaires pour etendre leurs missioI),s. Priez beaucoup pour que la verite so it plus forte que l'erreur. C'est une opposition formidable qui uuit beau coup a l'agraudissement du regne de J. C. J e crains beaucoup que man indignite u'arrete les progres de l'Evangile. Que notre bonne mere, la terreur des heretiques, nous vienne en aide.

Adieu, nous avons surtout besoin de prieres. J e n'ai pas eu un seul instant de maIadie, non plus que mes compagnons. Il me tarde beaucollp d'arriver a l'Ile-a-Ia-Crosse. Il parait que Ie F. Dnbe a fait des merveilles avec son jardin, ........... .

Tout a vous, votre fils devoue. ALEXANDRE, EVEQUE D'ARATH, O~ M. 1.

Du meme, a la meme.

MISSION DE, ST. JEAN-BA.PTISTE DE L'lLE A LA CROSSE 5 Janvier 1853. '

!'-'lA, BONNE ~:ERE. -qonnaissant ledesir qui vous ani me, j'au­rals bIen sou~alte pouvOlr vous donner plutOt des nouvelles de man heure~lse arnvee ~ l'Ile a Ia Crosse. Le courier m'a f!lit dMaut. ~epUls quatre mOIS qne je suis iei, pas un etre humain n'a trouve a p~opo, de se mettre en route du cote de la civilisation en sorte qn'll m'a fall~ eompriI?er j'usql1'a aujourd'hui Ie besoi~ que j'e­pronve, de m ~n~rete,lll~ avec Ia meilleure des meres, eette bonne maman, que J a~ et~ S1 heureux de revoir et d9nt Ie bon Dien veut encore que Je SOlS se,!)are. J evans ai ecrit en route toutes les

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fois que cela m'a Me possible, rna derniere lettre etait de Norway­HOllse otl Riviere aux Brochets. Apres avoir attendu en cet en­droit pend aut quinze jours, nos berges sont ellfin arrivees. M. Samuel McKensie m'Ctait conducteur, c'est en sa compagnie que nous nons remirnes en route Ie 3 Aout. M. Lacombe etait parti deux jams avant, llOUS Ie rejoignirnes bien tot, pour nons 'en sepa­rer definitivement au fort Cumberland. De la nous continua.mes Ie P. Grollier et moi. Notre voyage fut on ne peut pIns heureux. Pas un instant de maladie, pas de maringoniils (en sorte que no us fUmes exempts de faire Ie petit houcane) des provisions en abondance et de bonne qualite, un temps superbe, sans chaleur excessive. Le vellt souventfavorable a epargne a nos hornmes une bonne partie de la besogne, en lin mot nous avons eu un des meilleurs passages 'lue1'on puisse desirer. Actions de graces a la bonne et divine Providence, qui ne cesse de nous combler de faveurs et qui ne veut pas meme nous laisser sOllffi·ir assez pour qn'on puisse se flatter d'avoir quelques chases a. lui offrir en sacrifice. C'est dans la nuit du 10 an llSeptembre que nons arrivames. C'etait pre­cisement Ie sixieme anniversaire de la premiere nuit passee a l'Ile a la Crosse. Le matin je me rendis a la mission. Il m'est impossible de vans dire ce qili se passa en moi en revoyant notre etablissement, en rentrant dans no~re pauvre chapelle. Le sou­venir de cin'q anl1ees passees sur cette pointe, de man voyage en Canada et en Europe, les previsions vagut's de ce qui m'attendait, tout cE'lavint faire sur mon camr une impression exeelisivement forte, des larmes conlerent de mes yeux, pendant que, prosterne au pied dn pauvre autel, que j'ai fait moi-merne et que je retrou­vais tel que je l'avais laisse, j'offrais de nouveau an Dien u'arnour les faibles efforts que je fais, pour faire connaltre et benir son saint nom. Puis tout-a.-coup votre souvenir vint se m81er aux grandes pensees qui m'occnpaient. Nos adieux a Longneuil, mon depart

. de Boncherville et les mille souvenirs de man court sejour, au milieu de parens et arnis qui sont si chers a mon CCBUf. Que nOllS sommes he~lfeux de pouvoir prier! Ia pripre, cette douce fine du ciel et de la charite, est toujours prete arepandre Ie baume de ses consolations, sur les plaies les plus cuisantes, et a. calmer les dou­leurs les plus vives. J'eus besoin de recourir a eUe, mais ce n6 fut pas en vain. Man CCBllr froisse, brise, pour ainsi dire partout ce qilt' suggere une position te1le que celie dans laqueUe je me trollvais, retronva bit'nt6t Ie calme qui lui est ordinaire. Soutenu par Ja grace, pendant quelques. instants de lutte, je ne a rdai pas a eprollver la verite de cet ()racle. " GL>utez et voyez com bien Ie Seigneur est doux." Que la terre et ses jonissunces sont bien peu de chose et qu'il est lltourdi Ie jeune insense, qui demande a un monde trompenr des consolations qll'il ne peut nicevoir que d'un Dien fidele! C'est cette fidelitl: de mon Dien 'lui me fait tron-

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vel' Ie bonheur dans nl1e position, qui, d'apres les vains .jugements des hommes, ilevait etre Ia source du malhenr, ponl" un Jeune bom­me de mon c::mlclel'e. Il a Lot.t q uitte, dim queIqu'un; c'est vrai. puisque j'ai quitte tout ,~c que mon CCImr aime, et ~'est precise~ ment ce qui fhit 11;1 on bonhell1'pui~qne J. C. a prormslecei1tupl~, meme ici bas, de tout ce que 1'on quitterait pom 1'?-1110ur d~ 1m. Sa position est si penible, dira-t-on encor~. Pel1lble l OH~ elle Ie serait,si nne voix puissallte n'avait pas clIt:" Venez a mOL VOllS tou::; qui etes dans la peine et Ie travail et je vons soulagerai." Per­sonne plus qucle missionnaire n'e.st. a meme de comprendretollte Ia grandeur et la verite de ces sublimes maximes. Jamais plus­qu'<l. mon arrivee ~. l'Ile-a-la-Crosse je ne les avais vnes :lppliques ama position. Apres ces premiers combats et la vidoite sur Ie.: repugnances de 1a nature,l1ne pensee me' preoccnpa for~ement. On m'avait clit sur le compte de nos sauvages, des choses bIen peu favorables, et qu'ils s'etaient attirees par leur conduite, penc1~nt mon absence. L'ennemi un saint, si attentif a profiter des molU­dres circonstanceE pour nuir, s'etait efforce de tirer de man absence et du voisinage d'un ministretont l'avantage possible. Quelques uns de nos panvres Indiens avaient ete les victimes de cette mHlice illfer·nale. Le tout avait ete tenement m.agere, gu'on me fesait entendre que 1a mission etait sans e,;poir et que nos neophytes ne voulaient pius de Dieu ni de sa loi sainte. Jugez vous-meme de ce que dlit me faire souffrir une pareille nouvelle. Serait-il possi­ble, me disais-je, que cespauvresames, qui eontentsi che, a1110n Sauvenr et a SOll il1digne ministre, consentent a se perdre de gai­t'3 de cCBnr? Faut-il que de si beaux commencements n'abolltis-

. sent qu'a une si triste fin? La pme et douce lurniere de l'Evnngile aurait-elle fatigue des yeux, trop longtemps habitues aux tene­br~s~ Mes superieurs, en m'eloignant pour un temps, de machere mISSIOn, afin de me mettre pIns en etat de travailler a son succes, se seraient-ils trompes au poi nt <.1e ruiner l'CBuvre que j'ai tant 2-CCBu~ : DieL1 irrite, de yoir parmi les prelats de son Eglise, un sLljet aUSSl ll1dlg'ne de l'Episcopat qne je Ie sUls, aurait-il chatie clans 89n p~uple, les fautes du pastenr, par la suspension des graces ne­cessaues au bonheur de l'un et de l'al1tre? Ces pensees me fati!!'ue­rel:! pe~l.dal1t plusiellrs joms, mais je 11e tardai pas a m'appercl'­vou q~l 11 Y avalt beaucoup d'exageration dans tout ce qn'on m'}t­~a:t dlt. i',~ on selllerilent la mission n'est PGlS sans espoir, mais J a1 l11eme la confiance qlle les traces du mal seront bientOt com­plettement . effa~ee8. - HeureUSE'lh.ent que j'ai pn me rt'nu re an temps qL~e favals fi::e, non pas que je sois plus en etat qn';m au­tre de fC:ll"~ pr~gress~r la mission, mais parce que Ie fait meme de mon arnve.e cletnllSlt les pretextcs ~l1ggeres par Ie demon. Ain::;i. dOllC, ma bonne 111 <1111 an , si VOllS etes tentee de croire que j'-li He trap pen de temps aupres de VOllS, consolez-vous par In pen~ee qne

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'man prompt retour a empeche du mal, et contribue it. rani mer Ia ferveu l'. Votre pie-te trouvera, dans cette senle pen see, plus qn'il J?'en faut pOllr consoler voire CCBur et lui faire trouver bon ce que la nature lui dit etre si penible. Les denx Peres, demenres a PIle a la Crosse, pendant man absence, avaient en a souffrir au moral de la crise des'sauvages, et au physique des trav.allx penibles auxquels ils s'etaient livres, pour faire progresser l'etablissement. En etret, j'y ai trollve bean coup d'ameliorations import.antes. A tel point q lle je commence dej a it. craindre l:resque que nous nnissions par etre tlop bien. N osjardins donnent dans le progres, de tonte la vignenr du terrain qn'ils occupent. Nous avons cueilli pres de 200 minots de pOlllmes de terre, ,en sorte que si nous ne devenons pas Irlandais, ce sera faute de foi et non pas manque' de patates. Trois minots d'orges nons ont donne l'espoir qu'en cultivant d'a­vantage nOllS recoitbrons suffisamment pour notre besoin. ,Pas encore de ble, nOLlS en semerons au printemps. Tous les vendredis presque, nous mangeons nne puree au pois ou une soupe aux fe­vres comme en pays civilise. Ce,sont les pois et les fevres de ma­man, qui ont rtms>1i onne peut desirer mieux. Quelques tresses de beaux gros oignons melent leur piquante savepr a nos noinbreux ragouts. Un regiment complet des plus gros chaux de Sian, qlie j'aie vns de ma vie, prouve que cette place de 1'11e a la Crosse n'est pas si sterile, que Ie pourrait fail'e eroire la paresse ~cle ses anciens habitants.-La vue t~ouve aussi a se reposer agreableniJnt dans notre jardill. Plusi~urs des. fleurs que VOllS cultivez avec tant d(~ complaisance ouvrent ici aussi leur calice embaume, des petales aux couleurs vives et douces disent assez que Ie voisin age du pole, n'enleve point au roi du juur sa puis~ante influence sur les objets de la nature. Tonte cette culture d0l1l1~ a notre etabli­sement un certain petit a~r de civilis21;tion, qlli ne manque pas d'a­g'remens. Plus que tout autre jedois y etre sensible, puisqlle ces plant~s viell.l1ent presque toutesde vons; Allssi j'ai regarde sou­vent ces flems avec un sen~itnent de complaisance, auquel vans aviez la plus grande p:;trt. Il en est une surtout que j'aime plnsque .lesantres, c'est la pensee; comment en effet un fils pourrait-il ne pas aimer Ia pensee de sa mere. Deja Ie froid d'Octobre avait ' desseche leg autres flems, deja lems tiges, sans seve, se repliaient vers la terre, d'on eUes etaient sorties; la pensee senle, la pensee de ma mere, conservait toute sa fraicheur et &on parfum; tOl~OllfS elevee Vel'S Ie ciel, ilne fallait pas mains que l'epais manteau de l'hiver (embleme naturel cit la J;Ilort) P(·ur Ia soustraire a ma vue, et moi je me disais: oni, a l'hivet de ma vie, a Ill. mort seulement, sleffacera Ia pel1'see de la meill"luredes meres. •

VOliS ne m'en voudrez pas de vous conduire un instant a notre etable, puisque c'est une des gloires de notre etablisement; et un des pIllS puissantssoulagernens de notre existance: partons donc.

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Quel noble edifice! .• Ce n'est plus cette miserable bicoque, dans iaquelle notre belle vaehe blanche, indignee de se voir si ill'll.log:e~, n'a vouln donner la naissance qu'a un etre de son sexe, malS bIen au contraire nne longue, large et belle etable, qui a coute bien des sueurs a tnes chers confreres; et qlli ne' me coutea moi que Ie plai­sir d'enjoulr. C'est iei que quinze Mtes ontla vie et Ie mOUVe[I~ent, cinq a Ia verite n'ont pas encore ouvert les yeux a ia lllmlere, mais nons hatons, par nos desirs, Ie moment .ou leurs meres puur­rant satisfaire leur tendrcsse maternelle, a. Ia vue de leurs nou­veaux-nes. Au priritemps nos deux blancstaureaux viendront tendre d'eux-memes leurs fronts au joug accoutume. Trois cents dix livres de beurre prouvent que nos deux vaches ne sont pas de Ia pire espece, et qu'il u'est pas 'besoin de se reporter II Page d'or, pOlW voir couler des n:isseaux de lait. Que sera-ce Pete prochain,. puisqu'a moins d'accident nous en anrons cinq.

. Je va us assure que la.parcimoniense avidite de notre Frere est presque satisfaite, ce qu'il y a de certain, c'est que Ie sncces de­passe mes espernnces. Nons avous aussi mange quelques bons fromages. Etait-il content ce cher Frere, qnand je lui ai remis de Ia presme; je regrette main tenant de ne pas avoir tout emporte •. Vons voyez done que notre position est de beaucoup amelioree, et c'est pour consoler vas inquietudes naturelles que je vous fais Ie detail de nos prosperites. Nous ne sommes plus au temps, OU du bouillon de poisson faisait nos delices. A l'absence pres dll pain, nous sommes beaucoup mieux que VOLlS ne pensez pent-etre, je trouve.meme quelque fois que nous sommes trap bien; puisse Ie bon Diell me pardonner ces petits exces. La 'Providence est 111 ere, dans quelque coin du monde que Pan se trouve, et voussavez que les meres, meme sans s'en donter, gatent les enfans; c'est une suite naturelle de leur tendresse:' aussi je puis bien dire que je suis l'enfant gate de la Providence, qui a toujours menage les circons­tances, pour eloigner de moi des peines et des mise res qui afiligent d'autres. Le bon Dieu connait rna faiblesse et en a pitie, aidez­moi a Ie remercier de ses bienfaits et priez pour que l'ingr<.ltitude ne prenne pas dans mon ernUl, la place d'une reconnaissance, due a t~nt de. titres. Plus que jamais je trollve Ia position du mi~sion- . naue faClle. Man voyage en Canada et en Europe, loin de me rendre plus penible la vie que je mene ici, me l'a au contraire fait cherir d'avantage; j'ai compris. plus que jamais, que man crnut n'est 'Pll;s fait pou~ la civilisation et que Dieu m'a fhit line fay-eur bl~n parbcuhere, en m'appelant au fond des bois. Il m'y lalsse d'ailleur Ia douce obligation de VOllS aimer, e1. cela suffit a mon bonheur.

J e vous .annon~ais dans maderniere lettre q1le Mr. G. Descham­beault etalt nomme bourgeois de l'Ile-a-la-Crosse. En effet ce Mr. est arrive d' Athabaskaw, au commencement d'Octobre avec

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toute sa "famille. Mr. Deschambeault est un bon homme comme on en voit peu .•••• ~ous parlons sou vent ensemble de BOltcherville et de ses habitans, en sorte que son voisinage m'offre beaucoup d'agrement. A mille lieues et plus de Boucherville, Ie chef spiri:" tuel, (Ayamikew-okima) et Ie chef temporel (Okima) 80nt tous deux de Boucherville; n'est-ce pas encore la nne circol1stance m(magee par la Providence, pour ma satisfaction personnelle. Ces petites pro~perites de notre etablissement, ces petites satisfactione me feraient enes oublier ceux que je do is cherir~ 0 non, non •••• Votre souvenir, eelui de mon bon onele, de mes freres et de tant d'antres, vient souvent et bien souvent faire assault a moncamr: je ne Ie' repousse pas, puisque notre religion, qu~ est une religion' d'amonr, n'a: jamais enseigne a com primer les sentimens qU'elle dicte elle-m~me. Aussi vous m'Mes toujours bien chers, vous tous qui m'aimez, et qui vOl,llez bien vous souvenir du petit Ev~que Sauvage. Comme je dois partir ·dans quelques jours, pour aller faire une petite mission au Lac-Vert,je suis trop occupepour ecrire un grand nombres de lettres. Soyez aupres de tous l'interpr~te de mes sentimens .••.•••••••••••••••.•••••••. ' •••••••• , .••••••

Mr. Pepinsait bien que quand on: aime les brebis, on cherit aussi Ie pasteur, surtout quand on a eu I'avantage de vivre sous lr protection de la m~me houlette; puis au presbytere il faut aimer tout Ie monde. Dam c'est leur faute, pourquoi sont-ils de si bra-yes -gens .•...... "" .•.• " .. " " . " •. " " . " . ". ! " " " " " ,," " " " " " " " " 00 " "

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Le P. Grollier est alle consoler Ie P. Faraud dans sa. solitude. Celui-ci etait bien en Septembre ; il a Me au grand Lac des Es­claves, Ie printemps dernier. Les Sauvages l'ont accueuilli avec t,outes les demonstrations de la joie et du contentement. Puissent ces 'beaux commencements avoir de. la suite. ' Puisse Ie regne de Dieu s'Hendre partout. ,A dieu, bonne mere, au commencemeut de cette nouvelle annee, mon crnur v6us souhaite la vie, la sante et Ie' bonheur,et puisque c'est a l'Ev~que de Mnir, je vons b.enis de tout mon crnur ainsi que toute la famille, b(missons-nolls mu­tnellement et prions les uns pour les antres.

VotIe fils devoue, t ALEXANDRE, EV:~QUE D' ARATH, O. M. 1.

Lettre de Mgr. TacM, a Mgr. Bout'get, Ev&que de Montreal.

MISSION DE ST. JEAN~llAPTISTE DE L'ILE A LA CROSSE,

28 Decenibre 1853. MONSEIGNEUR,-ll m'a He impossible avant aujourd'hui d~

pouv.oir vons ecrire. Des raisons penibles, des raisons agraables m'en fesaient une agale obligation. La premiere est sans doute

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la mort dn premier Eveqne de St .. Boniface, du preI:1ier mis~ion­naire de la Riviere Ronge.Celul que nOllS regarchons, a Juste titre, comme notre pere et notre modele dans la carrie~'e apos­tolique, qu'il nous a ·ollverte, n'est plus. TrSl,lte cmq a~s d'apostolat· avaient muri pour 1e ciel, nne vertu qlll a tant faIt de bien a cett.e terre barbare et Sauvage qn'il a arroseede ses sueurs, pour Ie bonheur de laquelle i1 a sacrifie tout.ce qu'il avait, tout ce ql1'il etait. De trop justes regrets ont accompagne .lIIgr. Provencher, a saderniere demeure.' Ce dign~ prehit etait trop cher a son peuple, pour n'etre ·pas. pleure ainerement. Les nombreux protestants du pays se sont joints it nous, dans l'acquit­tement de.. ce penible devoir. J e crois qu'il n'est pas une setile bonche qu'iln'ait lln eloge pour la memoire de celui, dont la ver­tu aimait tant l'ombre, la retraite et Ie silence, mais qui comman' dait Ie respect universcl.

A ce sentiment deja si penible, cause par cette perte, viennent se joindre pour moi, des inquietudes et des sou cis de tout genre. C'en est fait; je snis Eveque titulaire sans les vertus, la science, l'experience necesRaires a Ulle sage administration. De grace, Monseignelll', veuillez bien m'aider de vos ferventes prieres et de vos sages conseils. .1 e regrette beancoup de ne pouvoir pas me rendre au prochain Concile Provincial. 11 m'ent ete si utile et en tneme temps si consolant d'assister a cette sainte assemhlee. J'anrais trouve ou rtppuyer ma faiblesse, eclairer mes doutes et fortifier mes resolutions. Ii me semble que j'ai Ie desir de faire Ie bien, ce qui me rend plus sensible la peine de ne pouvoir pas l'aecol11 plir. .

J e n'ai pas enCOre ete prendre possession de mon siege; je ne pourrai pas y aller, avant un an, si m~me je"le puis alors. Je suis a 400 lieues de ma Cathedrale, et a plus de six cents de l'autre' extremite de mon Diocese. Je n'ai que onze pl'l'hes, pour evan.­geliS61' ces immenses regions. Les dispositions des Sauvages sont excellentes dans certains enc1roits,.avec plus de pr~tres nous verri­ons de belles missions, nutlS :ll'racherions a l'enfer un O'rand nombre de ses viCtimes.. Pauvres Sauvages! sans secours, ~ans espoir ..... Mals nOll .... Dleu se laissera toucher par vos prieres et les natres. Ii fera III ire sa lumiere, a travers ces epaisses tenebres, Ie feu con­solateur de la celeste charite echauffera les habitants de ses re­gions glacees. Quancl viendra Ie moment,ou tous ces idiomes se confoudront pour benir Ie saint nom c1u Dieu Sauveur ! .

Ce que vient de faire Montreal pour Ie Diocese de St. Bonifa­ce, ranine mon courage. O! Monseignenr, comment vous temoi­gncr rna reconnaissance? Montreal incendie qui remue ses cendres, pour y .troLlver de quoi. venir au sec ours dela Riviere Rouge! ~?ntreal qui me fournit les moyens de pOurVOil; aune des necessltes les plus pressantes de mon pauvre Diocese! Votre

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villeepiscopale .s'est c~urge de refuter Ie reproche que 1'on ne cesse de Hlire aux catholiques, dans ce pays, d'Btre les victime8 d'unsysleme de reUgion qu·i les iz"ent dans l'ignorance. Non, notre sainte religion n'est pas un systeme, et ce qui peut couduire les hommes au bonheur; loiu de lui c3tre etranger est essentielle­ment .son apanage.

J'ignore si V. G. a deja pu trouver des freres, avec les qual i­tes, que j'ai pris la liberte d'indiquer, mais je suis convaiBcu qu'elle dOBnera cours a sa charite, en nousenvoyant Ie plus t6t pos­sible, des instituteurs capables de tenir nne ecole anglaise et fran-9aise, qui puisse rivaliser avec les institutions protestantes du pays. Qui sait si cette pieufle institution ne fera pas naHre des germes de vocations, qu'il sera possible de developper ens1.1ite, a l'avantage de nos cheres missions. Ce qu'il y a de certain c'est que cette ecolefera un bien incalculable dans ce pays, et sera pour tous ceux qui y ont contribue \1118 source de merites. Les Ji.ens etroits qui unissent Monb··eal a St. Boniface viennent de se resserer. Le premier EVc3que de ce siege avait He fourni par Quebec,et etait digne de notre commune Metropole. Le second, malgreson indi­gnite vient de Montreal. J e suis trop heureux d'Hre votre dioce­sain pour en perdrl' Ie sonvenir. Puis nos deux ecoles de la Ri­viere~Rouge sont dues a Montreal. Ce concours de circonstances assurera a notre chele patrie, les benedictions celestes: Ie bien ql)'elle fait a l'exterieur neutralisera ses miseres interieures et Dieu lui prodiguera le~ biellfaits ,lont illa favorise deja.

Permettez~moi, Monseigneur, de me servir de cette lettre pour offrir a votre digne coadjnte1lr, l'expression d'nn attach.ementaussi vif qne respbctueux et d'une sincere rcconn~issance, pour tout Ie bien qu'.il m'a fait. Que u'a-t-on donne al'Eglise de St. Boniface un eponx du caractere de ceux, dbnt on favorise Montreal. Les Th-'~essieurs, qui ont l'avantage d'c3tre aupn3s de V. G. occupent une pl[lce trop honorable dans mes· souvenirs pour que je puisse les ou1:>lier. Encore une fois, Monseigneur, v.enillez bien prier pour mQi, pour mon petit clerge, pour mon trop vaste diocese, et 'croire R l'attachement respectuenx de votre tres humble diocesain.

tALEX. EVEQUE DE ST. BONIFACE, O. M. I.

Lettre de Mgr. Tache, Ii Mgr; Prince, Ev€que de. St. Hyacinthe.

II

LAC STE. ANNE, 10 Avril 1854 .

. MON BIEN AIME- SEIGNEUR,-VOUS m'en voulez peut-c3tre deja de tant tarder a vons ecrire, d'antant plus que je vous suis redeva­ble o'une bien aimable lettre. Pourobtenir Ie pardon de rna faute

4 .

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je veux la cUllfesser, j'ai en nne occasion depuis la rbc~rtioll de volre bOllt1e missive et je, n'en ai point profit,e. P~l~t-etre e:.t-ce l'effet de cette mauvaise paresse qne vallS m avez slJustement re­prochee anx jours de mes etollrderies, j'~se .pourtant m~ flatter que VallS m'auriez pardonne, si vous m'avlez vu au milieu de mes nombrellses occupations. Quoiqu'il en soit me voici a l'rnuvre, et 8 I"lle rnuvre bien douce, eelle de VallS dire que l'amour et Ie res­pect sont la au fond de mall ernur, pour rile dieter les sentiments qui doivel1t m'unimer envers V. G. Lors me me qu'on est ul1Jleu ou meme bien mauvais slljet, sept ans sons la conduite d'nn s[lga' direeteur sont plus qu'il n'en raut, pour graver dans Ie Cffiur une det­te de reconllaissll.nCIl, pour laquelle on n'hesite pas de se declarer insolvable, sans meme avoir fait banqueroute de sentimens. A ces liens si forts d'une paternite veritable sont venns, il faut en ajollter d'autres; qui ne sont pas Rans un puissant attrait. ,II ('st vra~ qll'on a bien mal fait de me faire Ev~qllc, mais enfin ceux qm m'ont impose les mains Oilt d'antant plus de droits ii mon affecti­on respectuellse, que la fonction qu'lls ont remplie Mait pIllS diffi.­cile, VOllS me faites ave' complais;lDce l'ennmeration des officiers de votre palais episcopal et de ceux qui ont l'honneur de partager­avec V, G, les ::loin::; adminislratifs de votre Dioc~sc. Cerles vous avez bien fr.iSOll d'etre fier du choix judicietlx qui a preside a cette organi!!atioll, et si )a jalousie etait nn de mes nombreux ue­fauts, j'aurai'S raison d'envier votre sort, au mains sous quelques. rapports. Je puis a mon tour VOllS faire une ellumlmltion analo­gue a la vOlre, Moi aussi j'ai l'avantage d'a\'oir trois Grands­Vicaires dign~s ii tOllS egards de man respect et de ma can fiance, qui ont vieini avant Ie tempR dans le~: travaux et les fatigllf'S de l'apostolatj selliement une distance de pres de cinq cents lieues me prive de recevoir leurs conseils allssi souvent "que je Ie desirerais j; , pour y Sll pplecr j'ai aupres de moi 31'1Ie ala Crusse (quanel j'y suis) , deux de lias Peres, 'lui me rendent tous les services et les secours qui sont en irllr pouvoir et la consolation d'habiter avec des' freres cheris. ,Moi a,ussi j'n.i un palai~ episcopal, anssi quulifie p?ur cet emplol ~lIe.le,le SlllSPOur Ie mien. Le clit palai~ a vingt pleds de long, vmgt pleds de large et sept de haut, il est enduit en ,terre, celte terr~ n'est P?int impermeable en sorte que la plme, Ie vent et les autres mlseres atmospheriqnes y ont nu'libre ac?es: Deux chassis de six venes chacun eclairent I'appartement prmclpal, deux morceaux de parnhemin funtles antres Crais du l!ys~eLlle lllminaire., Dans ce palais oulout pout valis i'llraitr~ Ilet.lt, tout au contralre est emprtmt d'un caraetere p81tic.ulier de gruw.leur. Ainsi mon secretail'e est Eveque, man valet de cham­bre l st Eve'"~I:', mun cUisilli,er Ini-meme est uHssi quelques fois Eveq~le j ces lllustres employes ont tousde nombreux defim,ts; ~Je­Il.l1mOIllS leur atlachemellt ponr rna persolllie me les rend chefs.

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et me les faitregarder avec·complaisance. Qnand ils paraissent fati­giles de lenrs emplois respectifs je les mets tOllS sur Ie chemin, et mo joignant a ellX, je m'efforce de faire diversion a leur ennui. II faut avoner que j'ai de vastes domaines a parconrir; de l'I1e a la Crosse pour !!entre, j'ai pOLlr rayon moyen la ri1inime distance de 4 cents lieues. Une autre consolation c'est que les epouvantables voies fer-

. rees et les dangereux bateaux a vapeur n'orit point encore fait ex­plosion dans nos parages ; si je meurs en route dans mon Diocese, je vous assure que votre interes~ant jOllrnal n'aura pas a inserer mon deces SOllS Ie titre d· Accident a la Vapei.u, ou dti moins co sera tout all plus a Ia vapeur d'eau froide. Nous avons en retour un fameux mode de transport, et voilli en peu de mots ce en quoi il consiste en hiver. Deux souliers de trois on quatre pieds de longueur chaussent sa Grandeur: vraies pantoufies episcopale:; par­faitement adaptee, a 1 a finesse dll tissu dn·blanc tapis sur lequel il fant marcher. Elles conduissent mOll individLlalite avec toute la vitesse que peut leur imprimer rna force muscnlaire.Sur Ie soir cette fvree egale it peupres zero, et alors la marche est sw'pendue. Une ht'ure de travail Bu.ffit pour improviser mon° habitation. La neige si helle, si ])lanche est reculee avec une munitieuse preeau­tion, quelqLles branches de sapin et d'autres arbres, forment l'ele­gant parquet de mon nouveau palais. Le dOltle c'est Ie mel, la lune et les etoiles en sont lesbrillants et riches flambeaux. Un horison sans bomes ou une epaisse foret en sont les lambris somptueux, mes quatres ehiens de charge les gardieus fideles, les loups et les oiseallx se chargent de la partie musicale. La fitim et la fatigue font tressaillir de joie a 1a vue de tant d'efforts. Les membres, en­gOllrdis par le froid, font bei1ir Ie foyer bienfaisant qu'alimenten~ les cadavres des geants de la foret.

ApIeS avoir pris possession d'une si riche habitation, les proprie­'taires s'invitent a un festin commUl1. Les chiens sont II's premiers servis, vient ensuite Monseigneur.Celui-ci a pour table seR genoux, pour ustensiles de cuisine un couteau de puche, un pot, et un plat de ferblane, il com;erve uussi precieusement un vieil outil de famIlle, e'est nne fourchette a cinq fvurchonsqlli dans main[es circonstances lui a deja rendu' les serviees les plus signales.-Le Benedicite om­mia opera Domini Domino, ne tarde pas a retentir a l'oreille des voyag.enrs, la nature est trop belle, tropgrallde, malgre ses rigueurs pour qu'on puisse oubiier son auteur j allssi vives, fortf's et ton­chantes sont les pensees qui m'occupent dans ce can'pement. C'est un devoir de les communiquer ames compugnons de voyage et de les inviter a aimer Ie createur de taut de merveilles et l'auteur de tantdr bienfaits. Apres nos'devoirs rendns a notre Diell, chacun songea repaTer ses forces et a se preparer aux fatigues dll lende~ main. I.e valet de chflmbre de Monseigneur deponille alors Sa Grandeur du capot qU'elle portait pendant Ie jour, il l'lliend de

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son miellx et lui donne Ie non'!. de matelas, les mitaines et la cas~ quette a la faveur des ttmebres preanent les non:s d'oreillers. Deux couvertes rle lit doivent dMendre au vent, anfrOld et a tout Ie ·reste de trOl\bler Ie sommeil du prelut. Menacent~elles ·de ne point r{mssir que la Providence vient ~ leua: secours, en envoyant .une aimable petite couche de neige qui nivelle les conditions et Mend sur l'Evi3que et sa suite un manteau protecteur, sous lequel t~us dorment d'un sommeil;profond, sans m~me com prendre la surprIse qu'eprouverait nn des enfants gates de la civilisation, si reeulant c.ette neige, it trouvait clessous, Ev~que, Sauvages, chiens etc. etc. Avouez Mgr. que s'il me manque bien des choses que vous posse­dez j'en ai en retour bien d'autres dont vous etes prive. C'est apres dix-sept Mapes du genre de celles que je viens de d'ecrire. que je suis arrive ici au Lac Ste. Anne, re&idence de M. La­combe. Cette belle mission me fournirait une ample matiere,je ne puis pas m~me l'effienrer. Qu'il·me suffisse de VOllS dire que Ie missionnaire est plein de respect et d'amour pour Votre Grandeur, qu'illa prie de Ie benir, et serecommande a ses saintes prieres. Si vons avez un present a faire au Diocese de St. Boniface VOllS ne pourriez pas lui en faire un plus agrea,ble ni miellx venu, que de nous envoyer un slljet de la trempe de M. Lacombe, c'est un type d'excellent missiomiaire dans ces pays ci. Le ton· de badinage sur lequel j'ai commence et continue cette lettre m'a fait arriver au bout de mon papier iln ne.disant que des insignifiances.Pardon Mgr. mais vous aviez provoque ce genre. Uneantre fois je 13.­cherai d'etre plus sage. Habitue a l'honnellr de me faire servir par un Ev~qlle,je prendrai la liberte d'en prendre un pour mon commis­sionnajre.Je VOllS prie donc, Monseigneur, de presenter mes saluts affectuellx aux messieurs de votre maison. Quelques uns sout des amis du vieux temps et je ne saurais les oublier. Vons connais­sez mon respect et mon attachement pour le college, c'est vous qui aver. commence a me l'inspirer, allssi VQUS voudrez bien ~tre l'in­terprete (le mes sentiments allpr~s de ces messieurs. Puis comme il est possible que vous voyez votre Grand-JYlaUre d'orchestre et· votre iVotail'e apostolique, je vous prie de leur direque Ie petit Ev~qne sauvage a encore Ie D ... dans Ie camr. Si M. Desaulniers venait me raconter son immense voyage ! ......••

Adieu, mon cher seigneur et pere, priez. pour votre pauvre Alex­andre, ·c'est trap lui en avoir fait, ililli faut payer pour. T!llt lui m~~ql1e ,Pour \~ire un ~~v~que, lao seule chose qui Ie console, c'est qu II espere qn 11 ne 1m manque nen pour faire un ami et un fils

tendrement respectueux.

t ALEX EV. DE ST. BONIFACE; O. M. 1.

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Lettre de Mgr. Tache d Mgr. de Mazenod,Ev~q_ de Mar.;eilles.

MISSION DE ST. JEAN-BAPTISTE DE L'LLE A LA CROSSE,

, 7 Juillet 1854.

MONSEIGNEUR ET REVD. PERE,-Connaissan1 l'inter~t q lle vous portez Ii nos cheres missions en g{meral, et eli particulier a cenx de vo~ enfants qui travaillent dans la portion de la vigne du Seigneur confiee Ii mes soins, je me fais un devoir de VallS .informer de tout ce qui se passe d'illteressant au mIlieu de nons; c'est pourquoi je , veux aujourd'hui VOllS donner quelques details sur ledernier voy-age que j'ai fait. , '

, Les infirmites de Mg. Provencher ne lui permettaient pas de visiter son trop vaste diocese, c'est une des raisons qui Ie porta a demander un coadjuteur, immediatement apres son erection canoniql1e. Un des premiers desirs que me temoigna ce digne et revere prelat, Ii mon retour d'Europe, fut que j'irais Ie ,plus-tot possible visiter les missions du fort des Prairi~s. D'autres missions 'reclamant une plus prompte visite, il fut arr~te que je ne ferais celle-ci qHe dans l'hiver de 1854. ~u mois,de juiu185311n coup trop douloureux, une perte trop sensible enleva a cette immense Diocese son fondatenr. son premier pasteur, son- premieJ; apOtre. Le far­deau, qtlevous m'avez impose, pes a alors StU moi de toute sa res­ponsabilite. L'obligation de visiter toutes les missions m'etant devenne personnelle, confirma laresolution que j'avais prise de visiter Ie Lac Ste. Anne (autrefois lac du Diable) Ie Lac de la Biche et autres endroits relevant de ses missions. J'iriformai aos z{lles missionnaires de l'itineraire que je m'etais trace, afin ql1'ils pllSsent preparer les voies pour ma visite. Des l'a,lltomne je COll­viml avec deux de nos bans Montagnais de FIle a Ia Crosse qu'ils viendraient me trouver vers la fin de Fevrier pour me servir de guides, au moins nne partie du, trajet. Ces derniers furent fideles au rendez-vous. Entm je vis arriver Ie jour que j'avais fixe pour mon depart. Ce ne fut pas sans une certaine apprehension. Pardon de tant de lachete, je souffrais des douleurs assez vives dansl1n pied, et la grande quantite de neige, tom Me' pehdant l'hi­ver m'annon«;ait que nOllS aurions des chemins affi'eux et que 'mes jambes seraient: la sel11e ressource pendant all mains les dix pre­miers jours de mon voyage. Plu~ieurs persol1l1es essayerent de me dissuader de 1110n,.entreprise, alleguant precisement hi diffi­culte des chemins. Je ne crns pas devoir me rendre a leurs avis. Un de vos enfants pent savoir craindre, mais pour peu qu'il SQit fidele Ii vas ll?¥ons et avoS exemples, ilne reculera devant les diffi­cultes' que quand il se sera convaincn qU'elies sont absolument in­surmol1tables.

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Le 27 Fevrier je fis me'l adieux a tontes Ies rersonn~s, qui en­vironnent la mission et qui etaient venn entendre Ia salllte messe pour Ie succ~s de mo~ voyage: J'embrassai nos chers P. P, :'issot et Vegriville ainsi que Ie F. DuM, je re~us les bons souhalts d,e tous et me mis en route. N{)tre petite caravune se comjlosalt comme suit: les deux sauv!lges, dont j'ai parle plus haut, Ie fusila l'epaule, Ia hache a la main, atteH~s chacull a un petit traineau, sur lequel se trouvaient Iems provisions, montes sur leurs gral?des ra­quettes, ouvraient Ia marche et frayaient Ia route au besom ; \fe~­ri~re eux, votr@ pauvre enfimt, monte sur des raquettes pi us petI­tites, a cause de Ia faiblesse de se!oj jambes: puis qnatre des ~lus: jolis chiens du pays, atteles a nne tralne, sur laquelle &e tr.oll.valent rna bat.terie de cuisine, man lit, ma garde robe, rna ~acflshe, rna. chapelle, ma depense, celle de me~ o11iens, leurssouliers'ainsi qu.e les effets d'nn jeune metis, qui fermait la marche et auqnel etalt confie Ie soins des chiens et du tralneau. Cet ordre fut un pen derange Ie premier jour parce que l'excellent M. Deschamhe~ul: voulut bien m'envoyer conduirepar un de ses em ployes. CelLU-cl avait de tr~s bans chiens, en sorte que je m'etais propose de ne point marcher de tout Ie jour. Ce paresseux projet fut bientOt dejOlle. Dans l'apres midi leschiens trouv~rent trap lourd l'honorable furdeau qn'ils trainaien t, ensorte que force flit a Sa Grandeur de descen­dre de voiture; de chausser ses raquettes et de fouler Ia neige de­vant ses faibles coursiers. Cette besogne au restedevait Mre man partage pendant nellfantres jams. Le soir nons prolongeames no­tre marche bien avant dans la veillee, pour atteindre la loge de l'un de nos excellents chretiens, ou nous vouliol1s pnsser la nuit et on nons fUmes accneillis avec toute Ia courtoisie, que Pan peutat­tendre d'nn Montagnais qui n'a rien. Le lendemain nons pll111es conge de nos h6tes, pour nous enfoncer dans la foret. Cc semit bien jci Ie cas de vans de'crire ce que sont nos voyages d'hiver. Ordinai­rement on se leve longtemps avant l'aurore, apres avoir satisfait a ses devoirs de chretien, chacun a Ie soin de se l11unir d'nn co­pienx dejenner (du mains quand les provisions ne manquEmt pas), ~ette precaution est necessaire parce qu'il faudra l1rHcher tout Ie JOLW sans s'arreter, au tout au plus en ne prenant qu'un repas. D'a­pr~s ce que j'ai vn a Marseilles et a Pcome, on s'etonnerait j e snppo­se,de trollver a gLlatre heme du 111atin, un Eveque, assis a cote d'nne mal:mitc, travaillantdes mai~1s et des dents, a faire disparait.re la copleuse portion qui lui est echL10 en partage, sans meme se son­.venir qu'il n'a ni p~in ni entremots, sans s'effrayer de ce que pres ~e deux hvres de vlandes devront faire les fmis de son'precoce de­Jeuncr. J e n'aurais jamais pu com prendre la capacite d'1111 esto­mac voyageur, si l'habitnde n'etais venu me renore habituel ce que j'etais d'abord etonne de voir clans les antres. Quand on mar­che a la raquette tout Ie jour, qu'ensuite on couche sur Ia ncige a

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fa belle etoile dans un climat comme celui que nous habitons, il faut pom se sontenir une nourriture qui effrairaient ceux qui ne <lonn.ai,'sent pas un pareil genre de vie.' .

Apres ce dejenner, chacnn plie sescouvertmes, leslie a son tral­neau, ehausse ses raquettes, jette un coup d'ceil ue complaisance et de regret au foyer bienfai::;unt, aUiluel il a tant d'obligat:'on et dont ,il aurai: sou vent tant de hesoin, et se l'emet en route. On mard1e ainsi tontlejouf ~ans s'arreteri d'autrefois qnal1dles voyageurs sont ou moins courageux ou moins fo~t'S, ils s'arretent vers midi pour prendre un peu dt: nourritnre et se delasser. Le soir il faut prepa-

, rer son habitation pour la nuit, c'est ce qu'on appelle faire Ie carn.­pement. TOllS les endroitsne sont pas egalement avantageux, ce qui fait qu'on,ne s'atrete pas toujonrs a. la merne heme; c'est ordi­nairement vers Ie couchel" du soleil, afin depouvoir terminer sa. besogne avant Ia nnit. Quand un endroit rennit les conditions voulues pour un campement, on s'arrete. Les chitns re~oivel'~t leur liberteet en jouissent pour dormir immediatement sur la nel­ge. Lenrs'maitres plus delicats et plus difficiles, ne peuvent pas tout-a.-fait ,se con tenter a. si peu de {rais. Illeuf fant une bonne heure de travail, pour improviser leur demeure d'llne nuit. La neige reculee, les raquettes servant a cet effet de pelles, des bran':' ches de sapin reCOUVI'f'nt Ie sol glace. En meme temps la coignee vigourellse decime les rois dechus de la foret; lelll's cadavres gigantesques 'Sont amoneeles avec profusion. Le briquet fait jaillir l'el ince He bienfaisante et longtem ps desiree. Le beau tapis de ver­dure qui a remplac'e la neige, invite les voyageurs a prendre [loses­sion de lelll' nouvelle demeure. Chacul1 se !'ange a cote dn fen, pOllr satisDlire Ie plus imperieux des besoins, celni de reohallffer ses mell1 bres engourclis par Ie froid. On se froUe Ie menton, Ie!, joues, ie nez, pour retablir lacirculation, pHisquund lesievl'es on reprit leur ,souplesse natul'elle, on se fait. part des aventures et des impressions de la journee. Le:;; chiens qui n'o11't rien mange, depnis la veille, aWmdent avec impatience la ration" qu'on se hate de leur- distri­buer. Ce fidele compagnon de 1'homme nOllS rend ici les services les plu,s signales. Ii est difficile de .croire ce que de 11.ons chi ens peuvent enamel' de fatigll,es et de privation. II sont souvel1t plu­sienrs jonrssans manger, et apres a voir SU6 halete tout Ie jour, Ja neige est leur'seniEt, comnie Ie oiel est leur senle couvertnre. Leschlens soignes, les maitres doivent penser a eux memes. Les

. apprNs dn sonper termines, chacun s'empresse de lui faire honnem, Bans craindre les ind~gestiolls ni les antres miseres, de ce genre Le mil'sionnaire pendant tout ce temps a du faire part a ses COtTI­pagnol1s des grandes pensees que lui inspire Ie but de son voyage, et la contemplation des merveilles de la nature, toujoms si admi­rable, merne a\.l milieu des riguems de l'hiver. Deja" eommeUl1e lampe d'or dans l'azur suspend'ue" la lune est venue mele~ sa ten-

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dre et douce lurniere aux eclats brillants du foyer ernbrase. Cette double clarte se projetteentre l~s arbres de la foret 9u'el~e dessin~ sur la neige comme'des ombres monvantes. Les et~lles S1 belles, Sl

lumineuses dans nos regions glacees, sem?lent se disputer la ~o~lte des cieux, tant elles sont nombrenses et bnl1antes. Dans un0 reglOl1 inferieure; l'indefinissable phenomeme, des aurores boreales fixe l'attention pennant presque tontes Ie,s nuits. Des trainees de feu, des jcts de lumH~re sillonne11t l'atmosphere en tous sens et execu­tent leursdam:es joyeuses, au son d'une mi.1sique qui leur est pra­pre. (Les sauvages croi.ent que ces aurores bore ales sont l~s da~ses des ames des defi.mts, clont les vaix siffiantes causent Ie bruzt qm ac­pagne souveut ce phenomene). II est difficile, Mgr. d'imaginer Ie spectacle q u'offre la vue clu ciel, dans ces regions sept.entriona­les. surtout en hiver. Souffrez que je vons dise que votre beau ciel de Marseil.les n'est pas capable d'en donner la rnoindre idee. La plus brillante description tout en restant loin de la realite, sem­blerait un reve d'iinagination.-L'intensite du froid seule arrache l'ame a ses donces reveries. Puis en voyage,la fatigue du jour, celle anticipee du lendemain commandent Ie repos. Le'dernier comme Ie premier des actes de la jonrnee dll' chetien doit-etre un

, elan d'amour pour son Dietl. Aussi qu'il est beau et consolant Ie spectacle qu'offrent aujourd'hui les foret'S, qni avoisinent nos Mis­sions. Sillonne~s en tons sens par leurs habitants, nagneres sauva­ges barbareset aujourd'hlli pour la plupart chetiens f~rvents, elles les voient decou vrir leurs fronts rouges, que blanch is sent bientot les fril1lats, et affronter toutes les intemperies des saisons pour se plOsterner ,en tene, adorer, remercier, prier et aimer Ie Dietl qu'ils ont mecOJ;1I1u trop longtemps, Apres l'ac00mplissement du devoir, chacun prepare sa couche, elle est bien simple celle du mission­naire et plus simple encore celle du pauvre sauvage qu'il evange­lise. Le pale tot de Monseigneur lui sert de matelas, ses mitaines et son casque font les fonctions d'oreillers, deux couvertures en lai'­ne doivent dMendre au froid, anx vents de troubler Ie repas du pre­lat. Les remords, les songes sombres et inquiets ne tronbleut pas i'e sommeil de celui qui a la vonte etoilee pour ciel de lit, et les bor­nes de l'horizOli pour rideaux. Le froid est Ie senl inconvenient a redouter, et il fait sauvent sentir sa presense. Quelquefois, pen­dant la uuit, une epaisse couche de neige vient au secours de la couverture, et la seconde merveilleusement dans son action. C'est apres deux jours de marche de cette sorte qu~ j'arrivai au fort Pitt, sur la riviere Kisiskatchivan( mot Cl'is qui vent dire courant rapide.) J'y demeurai six joms queje consacrai a l'instruction dn petit nombre de Catholiques qui s'y trouvaient. J'administrai.le sacre­ment de C~mfirn~atior~ a quatre personnes, dont l'une est une jeu­ne,conyertle, qm avalt eu Ie bOllheur d'etre re<;l1C dans l'Eglise Cathohqne l'anneeprecMente. J e baptisai aussi sept enfants et

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commUllJaI SIX personnes. Lefort Pitt n'a ete visite qu'a de rares intervaUes par les missionnaires, qui n'ont fait qu'y,passera la ha.­

,te. C'est notre z(\le P. Remas, qui en I'st Ie plus rapproche et auquel j'en ai confie Ie soin. Malheusemcnt ce non Pere est seul, et une distance d'environ soixante lieues n'offre ras line ,grande

'facilite avep nosrnoyens de communication. J e 11e puis passer SOllS silence la peine que j'ai eprouvee au fort

Pit.t,. a la vue des nornbreux sauvages qui visitent ce poste 'et qui, sont encore plonges dans toutes les turpitudes de l'infidelite. Le vol, Ie meurtre, l'ivrognerie' et la plusprofonde degradation morale ~ont les habitudes previlegiees de ee pel'l.ple. 11ne prend pas pour lni la'defense du roi prophete. "Notitefieri sicut equus et tilU/US quibus non e.st intellectus" et certainement que la brute n'est ja­mais descendue si bas dans l'echelle dn mal. Oh! Monseigneur, faut~il donc que ces pauvres tribus errent dans les plaines qu'elles habitent, sans qu'tme main amie vienne arracher Ie fatal bandeau, qui leur cache la douce lumiere dePEvangile; sans qu'nne voix charitable leur fasse entendre Ie cri du remord et du repentid Vous m'avez etabli Ie pasteur de tant· de brebis errantes, faudra-t-il qu'eUes demeurent plus longtemps hors du bercail1 Dieu lui-meme a choisi notre Congregation, pour evangeIiser-ses nations infortll­nees. Cette eIectionv'olls constitue leur pere, serez-vous sourd aux demandes reiterees, quenous vous adressons en leur nom. Quelque perverse que soit cette natiQn des bois, il ya meml' en eUe des elements de bien, qui develloppes produiraient des fruits abon­dants de salut. Plusieurs soht venus me voir; plnsieurs m'ont presente leurs enfants, pour que je les baptisasse, d'autres ont sol­licite cette faveur pour eux-memes etm'ont faitl'aveu de leurs fau­~es. lis orie deja un peu entendu parler de religion, et je suis con­vaincu que la presence d'un pri3tre produirait parmi eux les plus heureux resultats. Quelques uns s'efforcent de sanctifier Ie :;;aint jour du Dimanche, et s'imposent des jeunes et des mortifications qui effrairaient bien des chetiens, meme fervents. Que ne puis-

, je faire entendre ma faible voix a taus les associes de la Propaga­tion de la foi, pour leur montIer d'un cote les plaies prof on des que leur charite seule, peut fermer, et de l'autre Ie bien qu'eUe seule aussi peut produire 1 Vons du moins, Monseigneur; qui m'entendez, 11eme refusez pas des ouvriers evange !ignes. J e connais 1 eur ze­Ie et celui de (·.eux que vou:; m'avez deja accorcles, sj les secours pl'ecnniaires nous manquent avec 1a grace de Dieu; nons samons nous imposer assez de~actifices, pour conduire a bon terme l'ceu-vre qu'il nous a confiee. ,

Le Monsieur en charge au fort Pitt me fit fremir bien des fois au rEJcit des horreurs ccimmises par ces infortunes. C'est surtout dans les guerres avec leurs ennemis les Pieds-Noirs,' qu'ils rnon­trent ce que peut Ia perversite du cceur humain, quanel Ie frein'saln-

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(aire de Ia RelilYion ne reprime pas ses desirs criminels. L'autom­il1e clemier enc;re, un gros parti de Cris surrrit quatorze Pieds­Noirs qu'il I11assacra. Rien n'egale la joie feroce et sany-age dt'\ ces malhenreux tOl1lbants slir le<: corps de 1'une de leurs vlctll11es. Elle est de suite mise en pieces, ils s'en arrachent les lambaux pal­pitants: Ie sang est employecomme urnrment, et la chevelu~e est un trophee, dont rien I1'egale la valeur. La terre ensanglantee est sonvent lechee avec une joie infernale. Les femmes elles-m&mes; Oll bliant la sensibilitl'l et Ia reserve, qni conviennent si bien a leur sexe, rivalisent d'inhumanite avec leurs epoux et leurs fils. Les levres de l'enfant ala mamelle doivent boire Ie sang ennemi, etc, .. Voila ce qui est une (ou mieux ce que sont plusieurs) des tribus de mon pauvfe diocese. J'ai vnces sauvagE's, j'ai dn toucher ces mains dont pas une pent.etre n'est innocente, ce qui est plus re­nible je les ai VllS, moi leur premier 'Pasteur, l110i charge de leurs ames, sans que je puisse prevoir Ie moment ou jd pourrai leur ve­nir en aide et cela, fante de pretres. J e connais, Momieigneur, votre zele et votre tendre sollicitude pour les fi<Jeles, con fies aVOS soins" aussi souffrez qne je vous Ie demande, s'il etait ulle partie de votre diocese qui mln"it&t Ie tableau que je viens d,e trae-er, que ne feriez-vous pas pour ameliorer son sort 1 MOil sejoUl' au fort Pitt fut bien penible pour moi, j'en conserve un amel' souvenir, qui ne me quittera q\le quand lei> choses auront change de face.

J e plll-tis Ie CCBUr gros d'emotion et profondement affiige de ce que j'avais vu. Livre uniquement aces retlexiol1s, je trouvai bien longs les six joms de marche, qui me conduisirent au fort Au­guste, chef-lien du district de la Riviere Kasiskatchivun et l'un des principalix etabli,sements de l'Hon: Com p : de la Baie c1 'Hncison. Ces six joms nous voyageames a travers les plaines imrnellses, qui s'etendent a plusielJrs cenl.aines ae lienes au sud de la riviel'p que je viens de nommeret aussi un peu au nord. Ces vastes prairies 80nt la patrie des Buffies, qui les traversent en tout sens p8.r ban­des illnombrables. Ces animaux ont Me si nombreux cette an­nee dans la partie que j'ai parcourue, que la neige efait par1olit. durcie S~llS leurs pas. NOllS en vimes tOllS lesjonrs en grand nom,;. bre, malS cette vue ne me fit gueres d'impressioll, car il est dans ces prairies d'autres ban des erra:ntes, dont la pensee captivait toute mon attention. J e veux dire ces ranvres nations Sauvages, abandonnees eUes aussi sans guides et sans pasteurs et qni errent a l'aventure dans tOllS les sentiers du vice, pour arri ver a l'abime ~ffr~ux ou s'englontit leur pellible existence. Outre les Cris, dont Je v~~ns d~ parler, les,Tanis, les gens du sang, les Pieds-NoirH, les lledsgans, Ies ASSll1lbomes, les Sauteux, sont aussi les habi­tal:ts d~ l?- plail~e (dans les H,mitesde mon dioeese) quine savent ~Oll1t bel1lrlesa.mt nom,d~ Dleu, qui ne 80nt point encore affiliees a la grande fanllIle Chrellenne. Quel vaste champ! Qnelle abon-

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dante' moiss'on! il est vrai qU'elle ~emble loin d'etre mure, malS la rosee des graces celestes est si feconde et si pni~sante, l<:s ray­ons du soleil de justice sont si vivifiants, qu'ils peuvt-nt Ia l1lurir avant l'epoque prevue par les calcuis de Ia sage sse . humaine. Jeunes Oblats, mes freres et mes'amis, tournez je VUllS prie vos regards·de C0 cote'; en vous consacrant a.Dietl, en renOllt;:mt a tOlltes .les volupt-t-s de la terre, vous avez pris pour devistl ses bel­les paroles" Evangelisare pauperibus misit me Deus "-puisse yO­tre zele venir s'exercer ici et me permettre de dire avec une sainte allegresse" pall peres evangelizantur." Pour recoinp;>Bser votre generosite, je n'ai pas a vous promettre les biens, les plaisirs ni les hOllneurs, je sais que votre cceur glmereux les mepl'ise: jtl ne puis pas meme vous assnrer que toujours vousgout~rez les jo~es sensibles, qui accollpagnentquelquefois l'exE'rcice du s~int millls­tere, celui qui nousest confie ici est en tout une ceuvre de devone­ment et de sacrifice. Dien seul. sera votre recompe.nse comme lui senl est Ie but de vos travanx, 'on 'est toujours a~sez hellr~ux de ne trouver que lui quand on ne cherche que ltu.

Le22 mars, au soir,j'arrivai au fort Auguste,atlssi situe snr la rive droite de Ia riviere Kisiskatchivan. n etait'temps, car des Ie len­demain, les chemins allaient devenir inpraticables, a cause de la fonte des neiges, qui est extremement Stl bite dans Irs plaines. J e n'etais attendu qu'nn jour plus tard ; i1 etait nnit, en s<Jrteque j'ecbappai au brillant ceremonial de reception qui m'avait Me prepare. En retour, et ce qui me fit beaucoup pillS plaisir, c'est

. que j'eus la consolation d'em brasser un de mes chers missiol1naires, ceini du Lac Ste. Anne, Ie bem M. Lacomhe, qui 11e sO' possedait pas de joic·. Le respectablc.M. Rowand, dans Ie fort dUljllel j'ar­rivais, ne negligea rien lOur m'accell'illir favorahlcl11~nt. Le len­demain des Ie point uu jour, Ie pavilIon d'allegresse £lottait dans les airset Ie bruit dn cunon, repHe par les echos des collines, voi­sines, tentait envain de troubl'erle rp,pos dontj'avais tant de b[>soin.

Le jour de l' Annonciation, je confirma dix-sept' per~ol1nes. Apres avoir joint, pendantsixjours, mes efforts a cenx de M. La­combe pour l'instmctiL1n des ge!ls du fort, nons primes la route du Lac Ste. Anne qui est a t1l1egrosse'jonrnee de marche. La pre­miere personne qui vint a notre rencontre fut notre cher Pere Re­mas, qui pleurait de joie et·dpllt 1a vue me causa un~ hien vive satisfaction. Cet excellent missionnaire avait, deja eu a sOllffrir pour notre divin maitre. Cette communau!e cl'effort et de souffran­ces ressell'e les li'ens d~jil si etroits ue notre profession religieuse j

notre rencont1'e ne pouvait pas manquer d'etre reCiprOCjlH~rnent bien donce.~J e demenrai an Lac Ste. Anne jusqu'au jOll r de Pa­qties' inclllsivement, tant a cause de la difficuHedes chemins, que parce que je n'aimais pas it me trou veren route pendant la semaine sainte. Au reste mon temps ne fut pas perdu. NOllS etions trois

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et la besogne ne nons manqua pas. J e prechai, confessai et ca­U:chisai'toLls les joms. .L'assiduite de ce bOil peuple aux exercJ­ces ne me laissa rien a desirer. Cependant plusieurs de ces fer- . vents ·chetiens 80nt de ees Cris, que je vous ai reprenscntes plus haut sous de si noires ccmlelus .. Preuve evidente que DiEm a aussi parmi eux ses elus. et. que tous ne seraien c pas si mau vais, si on pouva:it leur' donner des missionnaires. La Semaine-Sainte rllt bien belle pour nollS. Outre Ie souvenir des grands myster~s .que la Religion offre a notre foi et a notre amour, nos cceurs de mISSIOll­naires burent a longs traits a la coupe des saintes dehces, dOllt Dieu vent bien quelquefois recompenser nos faibles efforts. ~e confirmai quatre-vingt-dix-huit personnes. Le Samedi-Saint Je fis couler l'~an sainte du bapteme sur les fronts de vingt-deux adultes, dont quatre etaient des protestants que j'avais Ie bonheur de reconcilier avec l'Eglise.;· Ces quatres personnes au teste ne sout pas les seules, anxquelles Dieu ait accorde cette faveiu. U!1 ministre protestant avaitpris les devants au fort Auguste et faIt un certain nombre de partisants. Le zele M. Thibeault, l'un de mes grands vicaires, -alh en 184.JJ fonder la mission du Lac Ste. Anne, d'ou de temps en temps il visitait Ie fort Auguste. Dieu benit tellement ses pieux efforts qu'an moins la moitie de l'interessante reduction, qu'il a formee, sont des protestants con­vertis. Les autres ont He arraches a l'infidelite, I::t sont aupres de leur freres des apMres zeIes et persuasifs.-Vinconvenient que je viens de signaler, par rapport au fort Auguste se· reproduit a bien d'autres endroits. Les ministres font des efforts considel abIes pour. se saisir des postes non occupes (ils ne viennent pas ou nons sommes deja). La difficulte de nous etendre va croissante cha­qlle jour et deviendra bientOt insurmontable, si nous sommes long­temps sans voir nos rangs renforces par l'arrivee de nonveaux col~ laboratcnrs. Les bornes.d'une lettre me forcent d'omettre Ie recit de plusieurs circonstances, quine manquent pas d'interM, maia qu'il scrait trop long d'enumerer.

Le ;undi de Paques, apres avoil' celebre les saints mysteres dans cette chapelle dn Lac Ste. Anne, ou depuis trois semaines j'etais Ie temoill et l'instrllment de taut de graces, je pris conge du bon peuple, qui m'avait acceuilli et ecoute avec une tendresse respectu­euse, et pour lequel j'avais senti tout ce que la tendresse d'un pere peut inspirer. Rien ne manquaa l'expression du respect et de la reco~nalssance. J e pl'omis de reiterer ma visite Ie plustot qu'il me seralt possible; j'etais trap profondement emu, pour que cette pro~ m~sse ne fut pas l'expression sincere d'un vif desir. J e partis en­smte,·accomJ>agne du R. P. Remas, qui devait me snivr€ljnsqu'au Lac de ~a BlChe. M. Lacombe, que nons aHions laisser seul vint nou~ condmre pour abreger de quelques hemes les longs jours de son Isolement. Douze heurEs de course a cheval nous ramenerent

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au fort Auguste, OU ~10US demeurames tout Ie Iendemain, pour attendre nos bagages. Le llQir je reunis tous les employes Catho­liques du fort, pour les encourager a profiter des graces que Dieu: leur offre, dans les frequentes visites de leurs missionnaires et a perseverer dans les bonries dispositions, temoignees par Ie plus grand nom bre. .

Le mereredi je ·pris conge du bon Mr. Rowand, qui cette fois encore voulut bien faire jouer les batteries de ia place. Mr .. Lacombe nollS accompagna ep.core quelques heures, mais enfin il faUut se separer. Le zele et courageux missionnaire desire etre membre de notre famille, et quoique les circonstall,ces lie luiaient point encore permis de realiserce vam; il n'en est pas mains vrai que le1'. Remas et moi ne formollS avec lui qu'un calUr et qu'une arne. NallS l'embrassames avec ce sentiment pl'mible qll'eprou­vent en se laissant tOllS ceux qui s'aiment en Dieu et pour Dieul II reprit senIle chemin de sa chere mission, ne te~rettant CJ.u'une chose, c'est de n'avoir pas un compagnon, pOllr partager les peines et les saintesjoies de son apostolat. Le P.Remas plenrait, il avuit ete touche des procedes genereux de Mr. Lacombe a SOl1 egard; et comme tOllS aeux aiment Ie ·bon Dieu et travaillent a sa gloire sans arriere pensee, iIs s'etaient compris et lies d'une etroite et sainte amitie.

Quand a moi,Monseigneur, je n'ai pas besoin de vous dire ce qui se passait dans man cceur. Je n'ai que quatre pretres secllliers dans man trap vaste diocese, et q unique certes je doiveaimera van! tout mes .freres en religion, neanmoins ceux la aussi ant un· trap juste droit a man estime pour que je puisse ne pas les cherir et ne pas apprecier leur beau devouement. Nous cheminames aiDsi en silence, livres chacun a nos retlexions. Le soil', apres avail' traverse presque Ii la nage, une tres jolie riv.iere, celle precisement, qui decharge Ie Lac St. Anne, nous campames sur sa rive draite, sur ~111 magnifique plateau, qui commallde une tre" belle vue. Encore en proie aux emotions de Ia journee, nous etions tristes auprils de notre foyer, 10rsql1'une pluie abondante vint fair!). diver­sion a nos pensiles, sans trap les !j.doucir. Nous ll'avions 11i tente ni abri, en sorte que nous eumes a loisir de nons convaiDcre que la pluie duprintemps est encore plus desagreable -lue la neige d'hi­ver. Ni l'une ni l'autre pourtant n'effraie lemissionnaire voya­geur, quoiqu'il n'ait pour s'en garantir que sa couverture en laine. L'heure du tepos an:ivee, nous nous enveloppames de notre mieux dans les n6tres, en nous sOllhaitant Ie bon soir pat cette retlexioI)., qui nous est familiere: "ie ne sais pas ce que ·dirait Mgr. de Mar­seille, s'i! no~s voyaitic~. r, . C'est mon Revere:r:dissime Pere, qp.e votre souvelllr nous smt.partout, et que con/nalssant votre tendre sollicitude: pour vos~ enfans, nous savons que .vous valls inquietez plus de leur petites miseres, qu'ils ne s'en inquietent eux-memes.

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Celte rois nons voyagions a cheval, et notre bagage etait allssi porte sur Ie (los des chevaux. Le pays qll~ nous avons parcou,r~ est m;lglli!ique, ct je regrette de ne pOll vOIr pas vous dOnl~er lCl

quelqlles delails topographifJues. Les forets jmmen~es qm, cou­vraiellt <lutrefois ce sol, ont ete devastees par les ll1Cendles et ceUetlt h plal~e a de vastes praieries, separees par 1es l;estes des for{H~, qlli ont echappe aux ravages du feu destructellr. Il,fallt aussi traverser ces derniers, m3is, ce n'est pas sans leur payer tnbllt. Plusil'lIrs larnbeaux de nos vetemcnts rcsterent suspendll!S aux branches de::; arbre>;, pom attester notre' passage. II raut executer maint('s evolutions, et multiplier 1es inclinations profondes pour conserver SI'S yenx inlacts': p1usieurs egratignures au nez et ;lux joues fir,'nt couler un sang indigne un martj're. NOllS passames deux jUlITs avec des sauvages lJue nous reneontrames, et six en march", pendant: trois desqnels ainsi qlle pendant trois'nl1its nons elimes de,~ averses continnelles. Un matin, Ie bon P. Remas, qui avait etc rien moins qn'a sot] uise, paree que nOllS avions eu une , pluiil hatt"nle toute Ia, uuit, s'etonua beauconp qu'un de nos eom­pag-noll:; I,tit dire a son reveil:" je n'uijarnais etil miC'llx de rna, vie." Ce ehf'r Pere me fit bien rire en comparant notre brillant eqnipug" a celui des charbonniers-Bretons, eonduisants leur lon-gues tiles de mulets. '

Le 26 A Hil, nOllS urrivames au Lac de la Biche, dedie a notre bonne mere, !;OllS ~on glorieux titre de N. D. des Victoires. C'est la que je den. is laisser Ie P. Remlls; c'est]a qu'il s'elait r,'ndu l'alltomnc precedent, qu'il avait passe quutre mois et souffert beauc()l1p. pour Ie divin maitre, qu'il 8ert si fidelement. Arrive aN, D, des Victoil'es, Ie P. Remas l1'avait point de maison et Ia saison Mait trop avaneee pour songer a en construire nne. Un homme dll pays lui prMa volontiers lu sienne. Ce reduit a envi­ron dOllze pieds ql1arres et six de haut. C'est dans eet antre que v,otre punvl't' enfant fit l'epreuve de notre' genre de vie; e'est aus­s~ la Ie pala is Episcopal qu'ilent a m'offrir et que j'acceptai volon­tIers. ~Ol1 llni'jlle siege, un manva's tronc d'arbre, me servit de tr6ne et.le Ie tl'Ouvai parfaitement adapte a rna conditiond' Eve­qne ,Mts"iortnuire. La eor:1me aill:uX's,)e n'en8 'pus pour rartage ~es rJ('!1E'8SeS de la terre que Je n'envle,pOJnt, mui8Je trouvai le treSO! mepmsid,le dcs ~onsola~ions, dont la ~livine honl e est prc1diglle, envets ceux. qm truvalllcnt a sa gIOlre.-Le Lac de la Biehe est Ie plus "eall Lae que j'ai vu dans Ie pays, puisse ladivine patronne a laqllelle i1 est contie en faire Ie centre d'nnc mi'ssiort floris­san,te, ~e It. \' !lem~s est Ie premjer missiollllaire de ce peoste. ~v~nt lUI Ies nllSSlOn~lUJresdn Lac :::ote. Anne y avaient fait des vlsl,tes I'assa!!~res, qm e~utel1t beuueonp de fatigues et de peines, mUlS ne prodlllsent JilmalS un bien permanent. Outre un "rand nombre de UII ptemes, aJmiuistres pnr ces pieuxvisitcurs, Ie p~ Re-

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mas a clej a en la consolation de conferer cette grace a plus de tt'en­te enfant.. Quelques chMiens de cette place avaielit deja eu Ie bOllhenr de se nonrrir du pain des forts, j'accordai la m€me favellr a d'autres et administrai Ie sacrement de la confirmation a seize per~onnes. Parmi ces dernieres, se tronvait un viellx Canael-ien, age de quatre virJ,gt-dix-huit ans, que Ie bou~Dieu semblait avoir reserve pour cette grace. Ce bon viellardpleurait de joie, tant a eallse de son proprebonhem qu'a canse de celni de sa nombrellse posterite, qn'il voit sortir el-e l'infidelite. Parti de Montreal, com­me tant d'autres, an service des traiteurs, qui viennent ici ache­ter les pelleteries des' Sauvage'l, Cardinal (c'est son nom) avait fini pir epollser Ilne femme Sauvage, dont il n eu un gralld nombre d'enfants. Ces derniers voient croilre so us leurs yeux leurs arri­eres petits fils .. Ces cinq.generations, en se contemplant, pwuvent que noLre climat glace ne devore pas ses habitants. Ce vieux Cardinal a endure tontes les miseres et privations, qn'L1n homme pent supporter. Neanmoins, age de pr~s d'un siecle, il joult par­faitement de toutes ses facultes physiques et inteUectuelles. Sa memoire est prodigiellse, il est l'histoire vivante du pays. J'ai­me a vous citer ce fait, atirt que si 'quelque joms vous· apprenez que j'ai perdu la tete on la sante, vous ne puissiez pas accuser Ie climat. 'lei la longevite des Canadiens est aussi pr6verbiale que celie des Fran~ais Pest en Canada.

Outre lesobstacles que suscitent partout Ia malice dn demonet la pel'versite humaine. la· Mission de N. D. des Vidoites presen­te it son 2leli~ pasteur la difficulte que j'ai mentionnee plus haut et que nous allons bieritot trouv,er partout. A dMant de ministres les societes protestantes ont envoye un Metis d~ leur secte pour attirer les Sauvages dans Ie chemin de l'erreur. Celui-ci tra­vaille avec un .zele et un courage digne d'une mei:lleme cause, et a Ie pitoyable succes d'emp~cher quelques infldMes d'embra~~er Ie Catholicisme. Esperons, prions pour que notre glorieuse Da­me rem porte la vJctoire sur ce /louvel ennemi. n y a 111 en retour de. belles ames capables de faire la consolation dtl bon P. Remas, qui Mnit la Providence de [tavoir appele ala culture de ce champ. Je fis tous·mes efforts pour seconder son zele: je prechai deux ou trois fois par jour Ie temps que je demeurai avec lui, et qu'il em­ploya it faire les catechismes avec line constance, que je ne saU­lais assez louer. J ecol1fessai a peupres tout Ie monde, a cause de la difficulte des langues.-Tout en admirant Ie courage avec lequel ce digne e.n fant de notre famiHe a supporte les eprellves de son de­but comme missionnaire,je m'effor9ai de lui applanir les difiicultes pourla snite. La premiere choseetait de songer a lui procurer un 10gelJlent. La ler Mai, apres une mess~ que je bhanta~, pour' at!irer la protection de la sainte Vierge, nous allames RV'ec une troupe d'hommes de bonne volollte, a l'endroit choisi pour In miSl--

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'Sian. Un de mes jolis eantiques sauvages, en,J'honneur de ,notte ,bonne mere, fut Ie prelude des travanx qne Je, com~elll;al, en abattant moi-m€ane Ie premier arbre. J'engageal e?smte d~; hO~11~ mes, pour eonstruire Ie plus-t6t possible une malson et J espe.re que.le Pere a deja pn y etablir ses pEmates .. J e pris t?utes I~s pre~ cautions qui dependaient de moi, pour 1m applamr les dlffieul~ tes. Ii en est nne (et c'estla pIllS grande) a la que11e je n'ai pas pn 'remedier, je veux dire l'isolement. A vons, Monseigneu~, ~'Y apportel' remede, et j'ai assure Ie P. Remas que vous nons almlez assez, pour ne pas nous refuser. L'epoque fixee pour man retour arrivait, il faHHt done songer a nie separer de' lui dont il rn'eut Me si doux de partager plus longternps lea peines et les consolfl;tions. J'aurais desire assumer toutes celles-Ia pour moi seul, ce deslf que je lui expri'mai toneha ee bon pere, rnais il comprel?-ait rna posi: tion et l'imposslbilite OU j'etais de prolonger mon seJour. Je 1m fis done mes adieux Ie 8 Mai au matin. Quels sentiments j'eprou~ vai; en Ie benissant et en l'embrassant! he las ! panvre mission­naire, seul au fond des bois, sur les bords de son beau lac, all mi~ lieu d'nn peuple, de lil langue dnquel il ne balbutie que quelques mots; 10in;bien loin desa belle France, de sa famillecherie, de V. G. qll'il aime comme son pere ; sans meme etre associe a un de ,ces freres nombreux, qu'il a adoptes par sa profession religieuse ! Quel beau devonement! queUe noble generosite ! Oh! sainte Religion, que ttl es puissante sur Ie CCBur de l'homme, puisque tu pel1x rom­pre ala fois tOllS les liens, formes par la nature et l'habitude. A tao voix l'homme religieux oublie tout, pour ne fie wnvenir que de son divin modele. Celui-ci pour sauver les hommes ,s'est pour aililsi dire soustrait aux delices du paradis, et arrache aux ineffa· bles embrassemelits de son pere celeste. Ii ne [aut rien moins que cette penseej paUl' porter les missionnaires a fouler aux pieds toutes les delices de la terre, et a arracher son CCBuraux affections qui ont sur lui Ie plus d'empire .

.. La neige, que j'avais trouvee incommode a mon depart, me ser.· VIt beau coup a mon retour. Sa fonte avait grossi les eaux de la riviere au Castors, qui prend unede ses sources a quelquf's pas de Ia residence du P. Remas et qui se de charge dans Ie Lac de l'Ile ~ la Cr~sse, en face de notre etablissement: c'est cette l'iviere que Je devals deseenclre clans t01lt son cams. Bnit jours d'une heureu~ s~ et Rron~pte n~viga~ion, en can.ot d'eco!ce me ramenait an point~ ~ ou J etals par1Is, SOlxante et dlX-nenf JOurs avant. Le 16 Mal il faUnt n01~s frayer un passage a travers les glaces, qui bordaient en~ore la Tlve. Les bOilS P. P. Tissot et Vegreville, Ie F. DuM et .Illle troupe de ~deIes me re<;l~rent sur Ie rivage, et unirent leurs VOlX et leurs sentIments aux mIens pendant 1a messe d'action de graces, qu~ je celebrai irnmediate~ent dans. notre chapelle de St. J ean~Baptlste .•••••••••••

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MISSION DU GOLFE ST. LAURENT,

Lettredu R. P. Durocher,Oblat de Marie Immaculee, au R. p, Santoni de la meme SocieU, Superieur, a Montreal.

E8COUJ\'lAINS, 15 Decembre 1853.

MONRtvEREND PtRE,-Je.profite avec bonhellr d'un moment de Ioisir que me laissent mes nombrellses et pressantes occupa­tions, ponr VOllS donner quelquesdMails sur nos courses de cette annee chez les Montagnais qui occupent la Rive Nord.du St. Lau­rent sur un littoral de quatre cent cinquante lieues environ.

J e (lescendis, Ie prilltemps dernier, accompagne de deux char­pentiers qui devaien1.. construire, a 1'entree du Labrador, U;De Chapelle pour la desserte de nos Montagnais de. Maskllaro et des pecheurs Mablis sur la Cote. Depnis quatre ans nos cheTs In­diens sollicitaient cette faveur ; mais jnsqu'a present ilnous avait ete impossible de nous ren<'\re a leurs desirs. Nons n'avions pas les fonds necessaires pour convrir les depenses qu'entralne l'etec­tion d'une Chapelle dans des lieux ou il n'ya point de bois de construction. On est oblige, en eifet, de faire venir,a frais im­menses, Ie bois de Quebec, c'est-a.-dire, de plus de deux cents lieues. Personne ne sait, malgre Ies grands sacrifices qne s'etaient imposes ces panvres gens, com bien d'annees encore il nOllS eut faUu atteridre, sans Ie secours alloue par la Propagatio1;1 de la foi.

Une fois les funds obtenus, la premiere chose a faire e1ait de choisir un emplacement convenable. Ce fut aussi par ou je com­men~ai. Apres avoir vogue tOllte une journee entre des i16ts de pierres couverts de mOllsse et de broussailles et sans un seul arbre forestier, je perdis l'espoir de trouver qnelque riant cOteau, reso­In de prendre terre a la premiere baie de facile abord; ou les peti­tes embarcations ponrraient etre en surete a I'embouchure de quel­que riviere poissonnel1se. Itomamion, Oll riviere branchue, me presentant fes avantages que je desirais, attira mon choix. Accom­pagne des habitants de l'endroit, je choisis pour l'emplacement de la chapelle un c6teau arrose par la riviere qui en tombe en cascade, et adossse a trois petits lacs. A part quelques arbustes au bord des lacs, on ne voit de. toutes parts qtle des rochers. Impos­sible meme de trouver dans les environs un terrain pour les inhu­mations. Aussi, avons-nOllS He obliges de placf-.r Ie cimetiere a pres d'lln demi mille de distauce derriere un petit monticule.

Rien de plus apre que Ie climat du Labrador. Durant Ia belle . saison les vents du sud-onest quf y 80nt tres frequens yamenent une bmmetres epaisse qui obscurcit les rayons du solei!; l'air y

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est extremement humide. 11 semble que dans des lieux si pen favorises de la nature on ne devrait rencontrer que de pUllvres Indiel1s vivant au milieu des betes fauves. Je fus cependant agreablemen t surpuis de trouver.la des compatriotes qui ~'accnei1-' lirent avec la plus generense hospitahte. J e .rencontral chez eux nne aimable simplicite, precieux heritage qu'lls ant re~u de leurs ancetres et qu'ils conservent avec soin. Qllelque soit l'etral:g~ qui aborde en ces lieux, il est re~u avec la p~us grande, co~dIah­te et traite comme un des membres de la fam1lle. On 1m presente des rafraichissements, et on s'etudie par toutes sortes de pre­venances, a lui faire oublier les fatigues du voyage. En voyant taus ces braves gens, on les prendrait ponr les enfants d'une seule et meme famille dont la mere aurait depose au fond du emur de chaclln d'eux Ie pn3cieu.'{ tresor de la religion et de la charite fraternelh~.

Mais comment, separes qu'ils sont par des bras de mer consi­derables, peuvent-ils entretenir cette union 1 Vete, il est vrai,la chose n'est pas facile, les bords du golfe sont herisses en ce pays de rochers escarpes, et l'interieur n'est qu'une serie de lacs et de marais interminables. Le seul moyen de communication est la voie d'eau qui est bien longue. Mais l'hiver, iorsque Ie froid a ren­dll solides les bras de mer entre les ilots et la terre ferme, ees braves gens peuvent facilement se tirer de cet isolement. Aussi pour profiter en leur temps des chemills qui lui sont alors presen­tes par la nature, chaque habitant, a dMant de cheval, eleve une meute de chiens qui Ie tral1sporteront lui et sa famille fort leste­ment et fort agreablement d'nn endroit a un autre, et lui charrie­ront au besoin et son bois de chauffage et taus les objets dont il a besoin des'approvisionner. Jl faut avouer que, et l'attelage et la voiture sont aUSSl un pen singuliers. On attele ces comsiers d'une nouvelle espece a ue longs traineaux dont les lisses sont pro­tegees par des as de baleines. Pour les excurtions de plaisir, on adopte de plus au trai!1eau un sommiermobi1e et facile a enlever. C'est a ce sommier qu'aboutissent dans ce cas toutes les lanieres en peau de carib'lu qui servent a l'attelage. Ce meme sommier est arme aux deu,x extremites de deux dents de fer que Pan en­fonce ~lans la V?l~ gla~ee quand on veut s'arreter. Voila pour la vOlture, VOlCl mallltenant pour les coursiers. Le chien Ie plus leger a I~ course est attele au milieu; son harnais est plus long que celm des autres de plusieurs pieds; c'est lui qui fraie la ronte. II est Ie coursier favori. Seul, entre taus les autres, il a ~'avant~ge de lager sousle m~me tOlt que son maitre qui Ie flatto a desse~n dev~nt ses. concure~ts; ce qui provoque souvent leur emulatl~n I?alS ~~lSSl l~ur hame, a tel point qu'il ne serait pas e:xtraord,lllalre qu lis se Je~tassl!nt sur lui et Ie missent en pieces; 51 Ie maltre ne Ie protegealt. Gare an favori s'il venait a. se lais~

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ser afteindre par ses rivaux ! Oulre cet expedient pour accillerer la marche, en voici encore un autre, mon Reverend Pere, dont vOlls n'avez certainement pas entendn parler, n'est-cepas 1 Lors~ qne 1'0n veut entreprendre un long voyage et Ie faire prompte­ment on.a &oin de bien nonrrir Ie cheval. Eh bien! quand ce sont des chiens qui V0I1S trainent, il faut prendre Ie contre-pied ; et si ventre affame n'a point d'oreilles, ici il a du mains bonnes jambes. Le voyageur a donc soin de faire observer a Se'S cour­siers un jeune parfait tOllS les jours du voyage; s'il oubliait cette precaution singuliere il n'aurait que des coursiers laches et pa~ fesseux qui l'exposeraient a perir en route .. Apres la marche ra~ pide dujour, on leur donne force chair de loup-marin ; les provi~ sions viennent-elles a manquer, ils n'en reprennent qu'avec plus d'ardeur et de celeritela route du lendemain; et s'il en est un dans la bande a. qui Ie systeme ne plaise pas, il suffit au conduc­teur de saisir sa hniere et de Ie mettre a la portee du fOllet, Ie recalcitrant a bientOt retrou\7e ses jambes et oublie sa mauvaise humeur. Voyager ainsi s'appellfl en termes du pays alIei' en com­metique. Donc, dans 8es contrees, Ie voyagel1l' monte en commeti­ijues ou il est protege par de 1Ionne8 peaux de bumes, ayant soin ·de bien observer les prescriptions susdites fait cl'aquer son fouet, voit voler ses chiens comme l'eclair, et en moins de douze heures franchit une espace de 20a 30 lieues.

Graces donc a cette facilite de communications, il regne entre les habitants de cette contree Sauvage nne grande intimite pen­dant la saison "d'hiver. On serait porte a croire que c'est alors pour eux un temps de desordres et d'extravagances; cependant je suis heureux de Ie dire a leur louange, Ie petit nom bre de familles qui sont etablies dans Ie Labrador-Ouest se font remarquer par leurs bonnes meeurs et par leur exactitude a remplir leurs devoirs re1igieux. Ma1heureusement i1 n'en est pas ainsi dans la partie Est. La les catholiques se trouvent meles avec 1es protestants; aussi a-t~n a. deplorer parmi eux nn grand relaehement dans les meeurs. Une autre cause de ce desordre est Petat de deseeuvre­ment dans lequel ils vivent nne bonne partic de l'aunee.

Le gibier qui est tres abondant sur toutes les iles qui bordent la cote, est pour toute's ces familles nne preciense ressource. Le printemps amene sur ces parages diverses especes d'oiseaux qui viennent y faire leur ponte. Quelquefois ces immigrations sont 8i considerables que Ie soleil en est souvent obscurci. La moyae fait son nid sous les broussailles. Elle Ie compose avec Ie dnvet queUe arrache Ii son protJre plumage; lorsqu'elle va chercher sa pature cUe a soin de couvrir les eeufs avec du duvet de meme es­pece, et de les mettre ainsi Ii Pabri des depredateurs, les goelands, ses ennemis mortels ; mais 8i par les tendres soins de la mere, leg <cufs echappent a la voracite des goelands, les jennesmoyacs nne

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fois 8clos n'en echappel1t pas moins bien vite a Ia tendresse ma~ ternelle pour aller courir les .111ers, et se proc~Her eux-memes leur nourriture. La mermette lUlprevoyante depose ~es ~ufs Sllr la roche nue dans les memes Iluts que les moyacs, mms tOUJours dans un endroit abrite cO'ntre Ie vent dll Sud-Onest. Comme les ceufs de ces oiseallX sont excellents, il s'en faitune grande exportation. Dans Ia saison de Ia ponte les denicheurs s'~tablissent alors sur les Bes voisines et vont tous les deux joms, Sl Ie temp est cal me, faire leur cueillette qui est tonjours tres abondante. Vons pourrez vons en faire nne idee, mOll P,vc1. Pere, qnand vons sanrez .que 1'011 chaFe tous les ans de ces ceufs nne vingtaine d'embarcatlOns de 8 a lObtonneaux. C'est uue vraie depredation. Anssile Got~­vernement Canadien a-t-il passe des lois pour l'empecher. Mms jusqu'a ce jour il n'y a pas en surla c6te une protecti?n goriv~r~le­mentale assez puissante pour empecher cette destructlOn du glbler. Tout ce ql1e 1'on m'avait dit sur cette multitude d'oiseaux de mer me paraissait incoyable avant que je 1'eusse vu de mes propr~s yeux. Un jour revenant de Ia vi site d'un malade, j'ens Ia cun­osite de visiter llll de ses IIots ou pond Ia mermette ; en moins de trois heures les trois hommes de notre equipage eurent rempli une barrique des ceufs de ce volatille. Mais je vois que je m'oublie ; venons-en done a vallS donner les nouvelles que vous attendez de moi.

Pendant mes excursions sur la c6te du Labrador, je rencontrai quelques familles de Montagnais qui ne pouvaient se rendre a Mingan, lieu destine poul'la visite episcopale, it cause de Ia ma­ladie dont ils etaient atteints. II y avait parmi eux une jeune fem­me qui portait sur Ie visage tous les pronostics d'une fin prochai­ne. Depuis un ,,lois qu'elle Mait n;.inee par la maladie, cette pauvre femme ne demandait it Dieu qu'une grace, celle de voir ses jours prolonges jusqll'a l'arrive du mis8ionnaire. Aus'Si quel contentement elle montra it mon urrivee ! Comme elle en temoi­gnait it Dieu sa vive reconnaissance; je lui donnai les derniers­Sacremens qU'elle re<;ut avec la meme joie et la meme allegresse que Ie saint viellard Simeon re<;ut dans ses bras l'enfant Jesus au tem ple. U 11e bonne chretienne de Maniatie, lieu ou je la trou~ vai alors, sentant bien que les voyages que Ia malade eut He obli­ges de faire encore pom suivre sa famille dans son retour, et son sejour dans une cabane d'ecorce pendant les pauses, ne ponvaient qU'ag.graver s~n mal, la re<;ut:(l,ans sa maIson, lui prodigua tous­les SOlUS, et 1m suggera les actes dereligioa conformes it son etat. De retour deJa visite de quelques malades j'appris que Marie­Anne (c'etalt Ie nom de notre Montagnaise), au milieu de ses sonffrances, .n'avait cesse de ~emoigner des sentiments de religi­on env~rs Dteu, et de reconnaISsance pour tous les services qu'elle recevmt de sa bienfaitrice, je venais it peine de la visiter de nou-

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yean pour 1a fortifier dans ce moment extreme, queUe rencJit sa belle arne a Dieu entre les mains de son hOtesso charitable, se lllnnissant pam une dernithe fois dn signe de 1a Croix avcc un I'>entiment indicible de confiance et d'ahandon. On lui ren(iit les honnenrs de 1a sepnltme a Itomamiou, et on mit un moneean de ,pierres sm sa tombe pom mettre ses restes it l'abrio; de la dent car­nassiere des chiens. C'est un.e precaution qu'on ne do'it jamais negliger dalls ce pays, SOlIS peine de voir bientot les cadavres de­terres et devenir 1a proie de ces animaux affames.

Le temps de me rendre a Mingan etait arri.ve, 'et je m'en trouvais a 75 lieHt's sans embarcation pour m'y tr<tnsporter. La divine Providence vint a mon aide et m'envoya Ie Doris, Steamer du GOllvernement, en croisiere sm la cote, qui me fouymt la plus belle occasion possible. Les capitaines Fortin et Colbot me re­~urent avec 1a plus grande politesse, me traiterent avec 1a plus franche cor~ia1ite, et me firent debarquer a Mingan. J'y etais vivement attendu par nos che!:s neophytes, et par un grand nom­bre d'Indiens venus de la Baie des Esquimaux. Permettez-moi, ici mon Reverend Pere, de vous entretenir un moment de ces der­niers pour VOllS les faire un peu connaitre, a 1a connlsion de bien des chetiens civiliees. Ii y avait pres de deux ans que ces pauvres Sauvage:;; avaierit laisse leur pays pour venir se faire instruire de notre Sainte Religion. La plupart u'entr'eux etaient encore in­fideles; mais allCUll, meme de ceux qui etaient clietiens, n'avait vu de Robes-noires. Arrives a l'un de nos postes, 1'annee prece­d cnte allres la cloture de 1a mission et Ie depart des missionnaires, ils 'ne perdirent pas courage etresolurent, pour ne pas eprouver Ie meme desappointement l'annee suivante, de passer l'hiver a. la chasse sllr' les terres des Montagnai>l. Dans l'illtervalle ils surent mettre a profit leurs moments de loisir ; ils apprirent des Monta­gnais nos prieres et les mysteres, de la foi. Ceux de leur nation

'qui deja etaient chretiens leur ayant fait connaitre, avantqn'ils quittassent la Baie des Esquimaux, quenolls exigions, avant d'admettre au Bapteme, Ie renoncement aux boissons enivrantes, iis avaient, des leur depart, embrasse la temperance totale, qnoi­qu'ils ellssent Me jusques-la tres adonnes 'a l'ivrognerie, hommes, femtl1es et enfantI'> . . It est bon, mon Reverend Pere, que je vous donne com1ais,~an­ce du premier moyen dont Ie bon Dieu a voulu se servir pour appeler a la foi cette nouvelle tribn, et pour lui donner l'iclee de venir a notre mission. I~ y a environ qltatre ans, un de nos clm3-tiens de lVIasknuro tOLlche de l'etat malhenreux de quelques UTIS

de ses proches qui vivaient dans l'infidelite dans ces con1n~es lointaines, se sentit pousse a faire Ie voyage ue la Baie des Esqui­manx, clans l'espoir de les rameller a nos rec\nctions. ' C'et~lit un voyage cl'environ 300 lienes. 11 s'onvrit a moi son dessein; je

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l'approuvai, lui u.onnai quelques objets ~e pie.te, l'asslirant q~Ie nOllS ne cesserions de nOllS souvenir de 1m au samt autel, afin qu 11 reussit dans sa pietlS8 entrep!ise. J e le c~1argeai de . dire a .no~ Sallv8ges de cette Baie qu'il etait imros~lble aux mlsslOnpaues d'etendre leurs courses jusqlle dans ces liellx recules; malS que ?ouvant venir a nos missions ils s'exposeraient a un malheur et~r­nel s'ils faisaient Ja sourde oreille a nos invitations, et que d'all­leurs nous les recevriol1s avec la plus grande bonte quelqu'eut He auparavant la grandeur de leurs desordres. . -

Muni de ces instructions, notre cher Ishita partit avec tonte sa famille animee du m&me zele que lui. Il se rendit en effet a la Saie des Esquimaux, et revint Ie printemps suivant avec <;luel­ques uns de ses proches qui n'hesiterent pas a faire ces 300 heues pOllr venir entendre la parole du sa\ut. Quelle le~on pour tant de chretiens qui craignent seulement de [aire 300 pas! Les com­mer~ants de pelleterie s'opposerent, il est vrai, autant qu'ils p.u­rent a l'emigration des aut res Indiens, les assurant que les lVlls­sionnaires se rendraient certainement a la Baie sm leur invitation. ::.vJ.ais, presses qn'ils etaient de repondre a la grace, ils 11e tinrent nul compte de cette opposition. Deja precedemment quelques uns des mpmbres de l'Honorable Compagnie de la Eaie d'Hnc1soll nous avaient fortement engages a entreprendre ce voyage, nons promettant que Ie gouvernemcnt de leur Compagnie nous accor­Jerait volontiers tOllS les ans passage 8ur Iem vaisseau qui part de Quehec an 111oi8 el' A out pour revenir en l'Iovembre. Conllne vons Ie savez, mon Reverend Pere, cette partie du Labrador ne fait point partie du Diocese de Quebec; Monseigneur l' A rchev€>­'Jue fllt cependant mis au courant de ses propositions, et ne pou­vant y donner snite alors, nons ne pumes, malgre notre desir, nons rendre a l'invit::Hion qui nons etait faite ; mais nollS conservames toujours l'esperance d'attirer ces Indiens a quelqu'une de nos re­ductions. VOllS Ie voyez, l'evenement est venu realiser nos esperances, et ilne reste pIns a III Baie qu'un petit nom bre d'in­fideles qui finiront par sllivre l'exemple du reste de la tribu.

IWaintenant que vous connaissez un peu cette nouvelle tribu, jngez, 1110n Reverend Pere, si j'etais henreuA a lu vne de nos courageux Indiens, venns de si loin pour apprendr" la honne nou­velle de l'Evangile. Que n'aurais-je pas a vous dire du zele et de.l':mpressel:lent qn'ils mettaient, pendant les exercil'es de cette mISSIon, a vemt" se ranger autour de moi pour entendre les paroles de l:J. vie eternelle; de l'attention et de la sainte avidite avec laquelle ils l'econtaient pOU): n'en pas laisser ecbapper une seule! Ils ne me ~aissaient jamais, et auraient vonlu que j'eusse passe tO~lt~ la JOl:rnee ales instruire; . cela n'etait pas possible. Le Reverend Pere Babel devant partIr pour faire la mission dn Lac St. Jean, et accompagller Sa Grandeur Mgr. de Tloa dans Iv.

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':i'3ite des differents postes jusqu'a Mingan, je me trouvai seu1 pour disposer les neophytes et les catechUl1lEll1eS ala visite epis­copale. Voici un trait, mon Reverend Pin'e, qui vons montrera l-es excellentesdispositions dont la divine Providence avait recompense les sacrifices de ces pauvres gens dont je viens de vous entretenir.

Un jour que j'etais senl a la chapelle, je me vis aborder par 1'11n d'entre eux dont les traits ll1elancoliques attestaient une lon­gue et douloureuse maladie. "Mon pere, me dit-il, je m'appelle Antoine et rna femme se nomme Henriette, quand est-ce que tu nous baptiseras?" Des que vous serez suffisamment instruits, lui dis­je,je vous accorderai cette faveur.-Je passe lesJours et une par­tie des nuits a apprendre a lire, ne me donneras-tn pas un livre que je lirai avec encore plus d'assiduite 1 "J'espere Ie compren­dre bien vite et m'instruire de plus en pbs de la priere" (religion). -J'accede a sa demande, et i! se retire plein de joie. Le lende­main, apres l'instruction des catechumenes, il s'approche de moi et me dit encore: " Mon Pere, je m'appellc Antoine et rna fem­me se n0111me Henriette; je pense savoir ton tes les reponses aux questions que tn as coutume de nous faire; ne m'accorderas-tu pas la grace du Bapterne 1" J e 1'interroge sur les principaux mysteres de la religion et sur lp, Sacrement du Bapteme, a toutes les questions que je pus lui poser il me repondit avec Ie plus grand apl0mb. J e n'avais plus de raisons de me refuser a ses pieux desirs. Le dimanche suivant, agenouille a cote d'Henriette qui, plus malade encore que lui, partageait neanmoir!s son zele et ses heureuses dispositions, il re~ut ainsi qn'elle l'ean \1e la rt~ge­neration. En ce moment une vive emotion s'em para de. lui, une joie toute celeste, malgre son etat de souifrance, illumina son visage, et des larmes brulantes de bonheur s'echapperent de ses yeux. . Cependant sa maladie devenai1t pIns grave, il me fit ap­peler: " Pere, me dit-il, je crois que si tn benissais notre mariage ., nous en serions mieux; Ie Grand-Esprit nous coriserverait en " faveur de nos enfants et leur accorderait notre guerison." Rieu de si facile que de benir votre mariage ; pOllvez-volls VOilS rendrc a la Maison de la Priere? " Je me ferai porter ainsi q ne Heil­" riette, et mes deux enf3nts." Lorsque tOllS nos Sauveges furent reunis pour la priMe c1n soit, on transporta sur une COllverte de laine la panvre Henriette, Antoine y vint a pieel, on Ie sontenait par Ie bras. Assis sur des branches de sapin, ils eurent Ie ·bonheur de rehabiliter leur maria~e, au milieu des cantiqnes en l'honneur de 1'Espnt-Saint gni d~venait Ie lien sacre de leur union. Sur ces entrefaites, pendant que je disposais nos chretiens a la recep­tion du Sacrement de la Confirmation, et que pIns de cent fa­milies etaient reunies au poste pom attendre l'arrivee de Mu·r. Baillargeon, l'injl·uen5a qui regnait sur la cote Villt faire son a"'p-

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parition parmi nous. Trois de nos chretiens eurent bientot snc­combe a la violence du fleau. Iln'en faHut pas davantage paUl' jeter la ten-cur parmi les autres. Taus voulure~t se cOl:fesser et se preparer a une mort qui leur paraissait prochamc; malS, ~rac.c~ a Dieu, Ie mal ne fit pa~ d'autres viclimes. Malgre l'eifro~ (jill s'etait empare de taus les CCBurS, j'eus 1'occasion d'ad.mirer 1a charite de nos bans neophytes· au pIns fort de la malache. Les jeunes gens qUi n'en etaient pas attcints partaient des Ie matin pour la chasse, et Ie soir, a leur retollY, distribuaient dans toutes· les cabanes Ie gibier qu'ils avaient pris, charriaient l'eau et Ie bois aux familles malades, et leur rendaient taus les bans offices dont ils pouvaient avoir besoin; de sorte que, si je ressentais, d'une part, bien de la peine a la vue des souifrances de mes ~n­fants spirituels; de l'autre, j'epronvais une bien douce consolatlOn en voyant l'union intime qui regnait parmi enx. J e me rappe­lais ces temps heureux OU tOllS les chretiens n'avaient qu'un seul. CCBur etqu'une seule arne. Oh! religion, que tu es aimable! Tn nons prepares des delices illeffables pour l'eternite; et tu·fais encore notre bonhem des ce monde! Mr. Ie capitaine Comeau, agent de l'Honorable Compagnie de la Baie d'Hudson, fit distri­buer dri poisson frals en abondance aux malade'i, et, graces a tOllS ces Boins, ceux qni etaient atteints de 1'6pidemie fl11"ent bientOt rCtablis. Nons reprimes alars les exercices publics qui avaient ete interrompus pendant que la maladie sevissait avec Ie plus d'intensite. Avec les chants religieux, la terreur punique dispa­rut ; Ia gaiete succeda a la tristcsse, et la guerisoll ne se fit pas attendre.

Le 20 jnillet, lV1. Comcau, de retour de hi; riviere ::::aint Jean, a 6.1ieucs de IVlingan, nOllS annot1<;a qu'il avait upper<;u a quelqne dlstance de l'emboul:hure de cette riviere un petit navire bien pavoise, et qn'il avait tont lieu de moire que "l\fgr. de Tloa etait a bordo Comme Ie· temps etait parfaitemcnt beau, on detacha, pam aller a lrt decollverte, une berge mantee par 6 Indiens. Vcrs les 5 henres de 1'arres midi, cles detonnations de mousquetterie nOL1S confirmerent l'henreuse nOLlvelle; grande fnt alan la joie dans tout Je camp. A Ja nuit tombante, on depecha deux berges pour aller a lei. 1'encontre de Sa Grandeur. Je m'cmbarquai sur l'une, et,l'autrc transporta les chanteurs et les chanteuses. Mgr. ayant a 8CS cotes M. Faue-her, cure de Lotbiniere, et l'abte Thlbaucleau son secretaire, nous re<;ut avec une bonte tOllte pa­temelle. Oh! qU'elle distance. a franchir pour se rendre dans v~s . n11831Ons, me dit ce bon preJat! que Ie voyage est long et pemble! Pen habitue a voyager sur les batimens a voile, et etant d'un~ sante bien delicate, C0111me vans Ie savez, Monsei­gneur ava~t en eifet beaucollp sonifet. Pendant Ie temps de cette premlere entrevl1e, nos jeunes gens s'etaient echelonnes

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jnsqu'a un demi mille Ie long du rivage dont ils faisaient retcntir , les' echos sons les decharges d'nn feu roulant que venait convrir

de temps en telTIpS la voix majestueuse de la batterie cln paste. Pondant que ces demonstrations de joie eclataient a terre, sur nos berges les saints cantiques, chantes avec enthollsiasme, envoyaient vers Ie trone de Dieu les accents dli) notre reconnaissance. Les chants religieux, sur une mer tranquille, ont un charme inelici­ble; mais la nuit vient y ajouter quelque chose de mysterieux qui vous ravit et vous transporte. Ce fut la pour nous un moment bien delicieux. Mais je m'apperc;ois que malheureusement je ne suis ni poete ni peintre, et que je dois guere avoir rlmssi a vous faire partager nos emotions. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas de sitot que ce beau moment s'effacera de no1' souvenirs, Monsei­gneur descendit chez M. Comeau qui Ie re~ut avec Ie 'pins grand bonheur, et s'appliqna par tontes sortes de sqins et de prevenan-ces, a remettre Sa Grandeur des fatigues du voyage. '

Le lendemain, Monseigneur fit son entree solenne11e. En avant du portail de l'Eglise, nous avions ele've une tente, car, yu son exigGite, il eut ete impossible d'y donner cntree ala foule nom­breuse accourue de tontes parts cette annee. Nos malades eux­memes ne voulurent pas perdre cette imposante ceremonie, et s'y firent transporter. Les Catechumenes de la Baie des Esquimanx qui n'avaient jamais vu ancune de nos grandes solemnites etaient tout emerveilles, et nos chretiens qui voyaient pour la premiere fois un Evegue mItre en Mte, la crosse ala niain et revetu d'une chape et d'nne etole "magnifique, Ie suivaient du coin de l'mil, voillant bien cependant a ne pas laisser paraitre leur etonnement; en agir autrement c'eut ete trahir Ie flegme national. Panvre orgnenil humain, OU vas-.tn te nicher? L'Indim, pas plus que l'hornme civilise, n'est en effet a l'abri de ses atteintes, et vous verrez des sauvagesses, poussees par ce penchant inne au cmur humain, ne pas hesiter a eJ;ltrepl'endre des voyages de 29 a 30 lieues, dans de fragiles canots d'ecorce, pour se procurer quelque soierie de son goUt, ou quelqu'autre bagatelle de ce genre avec lesql1els elIes pourront se montrer. Des doigts habiles a manier l'aiguille attireront a l'ouvriere une reputation connue de toute la tribu. Je me rappelle qn'unjoLll' j'avais a la main une pfJire de souliers de Caribou travailles avec art; nne Indienne qui les apperc;oit les fixe avec curiosite, et me dit aussitM: c'est Marie­Josette 'lui a :6lit ces souliers, je Ie reconnais a la leg~rete du tissu et a la beante de l'onvrage. Qu'en sais-tLl, lui dis-je 1 As-tn connu Marie-Josette? J e he l'ai pas vue, il est vrai, mais je la connais de reputation. Pardonnez-moi cette petite digression" mon Revd. Pere, et re-venons a la ceremonie religieuse. , Le discol1rs d'ouverture de Monseigneur plut singulierement a nos Indiens; Ie rapprochement gu'il fit de sa mission avec Ctllle

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des apMres St. Pierre et St. Jean dans la ville de Samarie, et~it bien de nature en effet ales impressionner. A pres la ceremonIe, mOll Antoine tout emerveille de ce gu'il avait cntendll de la grandeur des 'dons que l'Esprit-Saint con!ere al~x ames bien dis­posees drms Ie Sacrement de ConfirmatIOn, V1l1t me tron ver ; .. Pere, dit-il, est-ce que celui qui bimit ne marquera p~s mo~ [rOl:t de l'huile qui rend parfait priant (Chretien)? Qlle Je, desnerms ~tre aillsi favorise du Grand-Esprit! je comprends mall1tenant Ie livre que tu m'as donne; j'ai appris ce que tll nous a enseigne sur l.'onction qui rend pij.r[ait priant,"-et desuite il medonna la preuv:e non equivoque de son instruction. Pouvais-je priver de recev~lf les dons dll Saint-Esprit un CCBur sibien prepare. Le lendel?lam Ie bon neophyte, soutenu par les bras de ses freres, recevalt la Confirmation au comble de la joie et du bonheur.

Monseigneur, apres avoir donne audience a tous les Sauvages chetiens, leur fit distribuer des chapelets, des images, et des ine­dailies. Les chefs rec;urent des livres relies avec elegance, con­tenant Ie catechisme, des cantiques et quelques morceaux de plein­chant en leur langue; car vous ne l'ignorez pas, nos Indiens sont dans l'usage dech:mter en langue vulgaire les offices de I'Eglise. Leurs v€:pres ne sont que l'explication des ceremonies de la messe qu'ils chantent sur les tons de nos Psaumes. On a mi<; en chant .tous les mysteres de la vie de N. S. et de sa tres Sainte Mere, toutes les verites de la Religion; ce qui nous donne beallcoup de facilite pour leur inculquer toutes les verites du Christianisme.

Monseigneur de Tloa voulut egalemellt donner une alldience particllliere a nos Indiens de la Baie des Esquimaux. 11 etait facile de les distingller dans la foule de nos neophytes a leur air embarrasse, et a je ne sais quoi de lourel et de repoussant qui se remal'q ue sur leur physionomie. Sa Grandeur leur adressa des pa­roles d'encouragement, et les felicita de leur generosite a quitter leur pays et leurs mauvaises habitudes pour embrasser 1es mCBurs austeres du Chistianisme. lis furent tellement satisfaits quc l'un d'ellx me dit a la sortie de cette audience: "Pere, je suis heu­"r~ux d'avoir abandonne mon pays; jamais je n'aigoute une joie " Sl grande; deux [ois les feuilles sont tombees de la cln,e des "arbres (c'est-a-dire il y a deux ans) depuis que j'ai laisse mon " pays pour l'encontl'er la Robe-noire. Le Grand-Esprit a ell pi­;; tie, de m?i; !n~ll ,bo!;henr est grand; je vois la P.ohe-noire, je

VOIS celm qlll bemUSes paroles ont penetre mon CCBur' elles n'en "sortiront jamais; oui je suis henreux. " '

Apres avoir montl'e tant de bienveillance a ceux qui etaient en bonne sante, Monseiglleur ne pouvait oublier les amis privilegies du dlVIl1 MaItre, les malades. Sa Grandeur voulut done sller les voir et les consoler sur leur lit de donlem. Da'ns cette visite,

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Monseignem se montra si affable etsi compatissant que, depnis, nos San vages 11e Ie designent pIn:;; que so us Ie nom de:Ka Tsyens;­tishitect, oui, ila Ie CCBur genereux. Une des malades n'avalt pn I':tre transportee a l' Eglise pour y recevoir Ie Sacrement de Confirmation, et m'exprimait en fondant en'larmes sa peine et son chagrin. je fis connaitre lacause des Iarmes de cette fer vente chretienne au v~nerable prelat qui vonlut aussit6t y mettre un ter­me, et me dit q u'il se ferait un plaisir de lui conferer ce sacrement dans sa cabane d'ecorce. Des que j'eus fait C0l1l1aitre lao condes­cendance de Sa Grandeur, les Iarmes fment bient6t sechees. On dispose des branches de sapin tout a l'entom de la cabane, on tapisse de verdure Ie pauvre reduit, et on lui donne un air de pro­prete ou 1'on remarquait meme line certaine symetrie. Au son de la cloche Ies Sauvages aCCOUl'ent en foule, et Monseigneur age­nouille, a cause de 1'exiguite du lien, fait descendre sm la pieuse maladeles dons de 1'Esprit-Saint. C'etait, M. R. P., un spec­tacle bien touchant que de voir Ie POlltife du Seigneur en ce mo­ment. Nos Montagnais fment a cette occasion encore plus im­pressionnes qu'a l'entree soIonelle. Ils recunnaissaient avec bon­heur Ie veritable et digne millistre de celui ql1i, pour nons reti­rer de la fange du peche, n'a pas dedliiglle en naissant de reposer dans une etable.

Ce fut au milieu de ces emotions diverses, toutes plus delicieuses les npes que les autres, que se passa pour nos Sauvages Ie temps heureux de la visite episcopale. Aussi y ent-ilun moment bien douloureux, quand Ie temps de la separation'fut venu. Cette sepa­ration penible se fit au bord de la mer dans un morne silence. Les larmes qui s'echappaient alors de tous les yenx montraient mieux que ne 1'auraient pu faire toutes les paroles quels etaient Ies sentiments du CCBur de nos Indiens. Quand on eut leve l'ancre et deploye les voiles, tOllS tomberent a genollx pour recevoir une derniere fois la benediction du venerable prelat, lui-m~me vive­ment emu.

J e dois vous dire, mon R. Pere, que pendant tout Ie mois qu'a dure la mission dont cette lettre est Ie compte-rendn, j'ai ete a m~me d'observer les effets merveilleux de la grace dans ces ames simples. La plupart de nos Sauvages 8e conservent dans l'amitie de Dieu d'une visite II l'autre, c'est-a··dire durant l'espace d'une annee entiere. Depuis qu'ils ont vaincu Ie demon de l'intempe­ranee par l'abstinence tot ale des boissons eni vrantes, ils ont avec la plus grande facilite surmonte tous les autres obstacles du salut . . Aussi Mgr. Baillargeon d!sait_iI: un Indien temperant est un chetien qLli va droit an ciel. Il faut Ie dire particulierement ala lonange de nos Montagnais de Mingan; depuis qne la Societe de Temperance est etablie parmi eux, il n'y a pas en une seule in­frac~ion grave au regles ansteres de cette societe, et cela, malgre

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les occasions frequentes qu'ils rencontrent sur la Cbte du Labrador. Sous ce rapport, nos bans Sauvages meri~e~l~ d'~tre proposes pour modeles a certains pel1ples fiers de leur CIVIlIsatIOn. 0

Priez mon Reverend Pere, pour que les el1nemlS de notre Sainte Religion ne viennent point semer l'ivraie dans ce beau champ du Pere de famille, et daignez, etc.

Votre tout devoue et obeissant fils en N. S. DUROCHER, O. M. J.

Autre lettre du R. P. Durocher, au meme pere.

ESCOUlVIAINS, 31 Decembre, 1853.

MON REVEREND PERE.-Les exercices de °la visite episcopale, al1X IIots de J eremie viennent d'etre termines; pres de cent fa­milles les ont suivis avec beauconp d'exactitude; les HT.. PP.. Arnaud et Babel en ont supportes les fatigues avec moi. ~os neophytes de J eremie n'ont pas degenere de leur premier fer­veur. Le chant, les ceremonies de l'Eglise, tout a He eXLclIte avec la pIns grande precision. C'est a cette reduction que se trouvent nos Indiel1S les plus spirituels et les mieux instnds de nos Saints Mysteres. Il8 ant Ulie' connaissance bien HendLb dn chant gregorieu qu'ils executent avec art. Ce sont eux qni 30nt l'ame de nos missions montagnaises. Cultives avec soin, iI., ont bien repondu a notre uttente. II fal!t vous dire que c'est avec enx que j'ai appris l'idi6me montagnais Ie plus en usage dans eette tribu; aussi comme ils ant ete mes maitres en ce point, j'ai con­serve pour eux un amour de predilection. TOllS mes confreres pratagent avec moi l'estime que meritent ces Indiens SOllS tant de rapports.-Valls savez, mon Reverend Pere, qU'entre tou1 '~S les autres reductions, celle des !lots avait Me favorisee de la "site episcopaJe il y a quatre ans. Toutes les instructions qui '_ill'S avaientMe adressees par sa Grace Mgr. l'Archevi3que actt:d de Quebec, sont restees gravees dans leur memoire. Les mer' " les apprennent a leurs enfants, une fois retirees chez elles a hi ~lite de l'exercice qui se fait Ie soir a la chapelle. Oh! mon Re\'l1d Pere, qu'il y a de delices pour Ie missionnaire ll'entendre, :ians ces contrees, a la cl6ture de l'exerci~e du soir Ie Parce doriline, l'invocation, Maria refugium peccatoTum et l'in manus tUGE Do­mine chantes avec enthousiasme par to us nos Indiens, hu ljllneS, femmes et enfants, qui tOllS se retirent ensuile avec recueillElll<"nt. C'est alors que, rendues chez eUes, les meres entourees de ::'llrS enfants leur enseignent les prieres chretiennes et les dMir,if,ms ~1Il Sacrement de l'Eucharistie et de Confirmation. Puis, c "pe­tits enfants seprosternant la face contre terre, la baiscnt ,c vee

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respect, et se relevant ensuite ils donnent un doux baiser a Iem mere. Mais revenons a l'exercice de la visite episcopale dont les Indiens de ce poste viennent encore d'Mre favorises.

Nus chers Indiens des IIots avaient prepne avec gout des arcs de triomphe sur Ie chemin, depuis Ie debarcadere jusqu'a l'Eglise. James Anderson, Esq., un des membres les plus distingues de la Compagnie d'Hudson, avais mis toute sa maison a la disposition de Mgr. de Tloa. On remarquait ala ceremonie d'entree quelques fhmilles de la tribu indienne des Nascapis; mais ilsse tenaient a l'ecart, observant cependant tout avec un vifintM8t. Ces pau­vres dens n'osaient se meIer ala fonle, vu que, sachant bien par 1es instructions qu'ils avaient re9ues de quelques-uns de nos meil­leurs chretiens, il fallait renoncer a certaines prutiques supersti­tieuscs et idoIatriques fort en usage dans leur tribu, comme Ie res­pect religieux qu'ils ant pam les ossemens de certaines Mtes .fauvY"s, etc. IIs n'y avaient point encore renonce. Imaginez que ces Nascapis croient se rendre hostiles les manes de cer­tains animaux s'ils donnent leurs ossements aux chiens; aussi en :"l~pendent-ils les t8tes aux arbres de leurs forets, enfouissant en terre ou jettant a la riviere les alltres ossemens; a certains fes­tins, ces infldMes immolent la chair de certains anjmaux tues a la chasse, et la reduisellt en cendres. Dans les temps de disette ils chantent et dansent au son du tambour jusqu'a tomber de las­situde, pour obtenir de voir dans leurs songes les lieu x Oll habi­tent 18s betes fauvres. Quand quelqu'un est malade, ils chan tent la llnit jusqu'a ce qu'ils soient accables par la force du sommeil, dans l'espoir egalementde voir en songe celu! qui a jete Ie male­flce ,sur leur malade, ou de connaltre les plantes propres a sa gue­rison.. Mais vous allez voir que cette tribu, une foi::; evangelisee, nons consolera cumme les aut res.

Comme je uonnais un jour a quelques-uns d'entr'eux une ins­truce Ion relative a ces divers genres de superstitions, et sur la con­duite qu'ils uevaient tenir dans ces diverses circonstances; l'un d'e'x:: me dit : " mon Pere, que faut-il que nous fassions pour aI­"ler au ciel·1 nous marchons dans une nuit obscure: a toi de dissi­" per nos tenebres par ta parole. Nous ne cOl1naissons que nos " arcs, nos fleches et les genres d'industrie pour faire la chasse " aux betes fauves; pour Ie re8te, nous sommes dans l'ignora~ee. " Dis-nons ce que nons devons faire, ce que nous devons eVlter. " Paries, tu seras ecoute." Heureux de rencontrer clans cet homme de s81l1blables dispositions, je jettai la semence evangelique sur ceUe terre qqi me paraissait si' bien preparee; j'ai tout lieu de croire quelle produira au centuple. Je n'hesitai meme point a conferer Ie Bapteme a ceux d'entr'eux qui etaient deja catbechumenes; et me separant d'eux je les conflai a notre cher Pere Arnaud, en 1enr disant que ce bon Pere allait les suivre jusql1e dans leurs fo-

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rets les plus reculees. 11 tn'est impossible de VOllS dire avec quels' transports de joie ces hommes re9urent l'annonce que lecoura,geux missionnaire allait monter avec eux, et pousser ses courses evan­geliques jusqu'au lieu de reuuion de. leur .Tribll. 11 ,raut en effet un courage bien grand, ulle vocatIOn bIen. eprouvee pour une mission aussi penible, aussi longue et auss~ dang~reuse.. Sll;ns cette determination et ce beau devouement, 11 y avalt tout a cram­dre pour l'avenir de cette mission, les ministres protestants etant ala veille d'y penetrer. Tous nos sauvages ont re9u cette nou­velle avec allegresse. "Les Nascopis aussi vont donc e~fin Mre instruits de la priere; Nous accompagnerons laB,obe-nOlre dans sa marche; Nons nous reunirons anpres de lui a la priere de la nuit, a Noel; nons l'accompagnerons aussi dans son retour:" Ces paroles sortaiellt a l'envi de la bouche de chaclln d'eux.

Mgr. Baillargeon, consulte sur cette mission dn pere Arnaud, en eut l'ame inondee de jOle; il se chargea de vous en faire c.0I!-­naitre de vive voix toutes les particularites.Au milieu de cette JOle commune, la visite episcopale des 110ts s'est faite avec un veritable enthousiasm e. Nos Indiens ont saisi cette occasion pour demander a Sa Grandeur Mgr.deTloa,l'autorisation de construire une eglise sur Ie terrain que Ie gouvernement leur reserve dans la Baie de Bet­semits. Depuis long-temps Ie besoin d'une eglise plus spaciense se faisait sentir ici; celIe de J eremie ne peut contenir au dela de Ia moitie de nos Indiens, tous reunis au temps de la mission. L'autorisation donnee, Ie pere Babel, accompagne des chefs, fit sur Ie champ au milieu de nos sauvages une collecte qui s'eIeva ~ 80 louis. Quelques-uns d'eux s'etaient mis, par leur offrande, tellement a l'etr01t que, des Ie lendemain, ils vinrent me deman­der quelqu'argent pour se procurer les choses necessaires a la vie. II s'est presente une foule d'occasions dans lesquelles j'ai eu des preuves bien grandes de leur generosite. Ils transporterit les missionnaires quelquefois a nne tres grande distance sans jamais demander de retribution; pourvu que Ie missionnaire leur procure les aliments, ils s'estiniellt heureux d'et.re a sa suite.

Un reil moins accoutume que Ie mien a voir nos missions indiennes y verrait beaucoup d'autres faits qui attireraient son attention, mais ils ne nous frappent plus autant· par cela qu'ils sont ordinaires. J'ai cependant lieu de croire. que ce que je viens de VOll''l en rapporter, est suffisant ponr VOllS faire connaHre l'etat de nos missions indiennes sur la rive nord du Saint-Laurent.

Daignez agreer, etc. . Votre devoue et respectueux fils en N. S.

J. DUROCHER, O. M. I.

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Lettre du R. P. Andrieux, Oblat de M. I., i1 un Pere de la meme Societe

MANIWAKI, Ie 30 ~epternbre 1853. MON REVEREND PE]l.E,-Quoiqu'il n'y ait que qnelquesjours

que je sois de retour de rna mission aupres de1> Sauvages; Ie repos que j'ai pris a mon arrivee m'a assez dMasse de mes fatigues pour me permettre de vons faire part dn resultat de mon voyage. Se­Ion que vous me l'aviez prescrit, je pris en partant de la Riviere du Desert, la voie la pIns directe, POlIT me rendre a Wamon­taching,. afin de ne pas exposer les Indiens qui freqllentent ce pos­te a des Jeunes trop rigoureux pour attendre l'arrivee du mission­naire, ou ce qui ponvait etre facheux, a ne plus les trollVer rennis. II y avait cepend~t de graves difficnltes a vaincre, et qui sem­blaient devoir s'opp ser a l'execution de ce projet. AlIcnn des sanvages qui devaie t m'accompagner me connaissait, pas plus que moi, cette voie e communication, de sorte qu'en m'y enga­geant je m'exposais a ne pouvoir, franchir des obstacles imprevus, ce qui m'aurllit arrete dans ma route, ou bien a m'egarer, ce qui etait pour Ie moins aussi facheux. Cependant comme il fallait tenter Ie passage qne vons m'avicz indiqne, me confiant it la Providence de Dien et it la protection de la Ste. Vierge, je partia

. avec trois Indiens montes sur nn canot d'ecorce, it qui plus tard je donnai Ie nom de Courte haleine par allusion a celni qui occu­pait la place de devant, et dont la nonchalance etait cause que Ie canot n'avan«;ait pas rapidement. A l'epoqne de mon depart, Ia ri­viere etant enfiee par la fonte des neiges, nous presentait de graves difficultes. A pres avoir remonte assez long temps la riviere du Lie­vre,je la qnittai a l'endroit eleve que le5 Algonquins designent sous Ie nom de Tapsini, mot qui signifie c'est fini, 011 parce que ces In­diens ne depassent pas ce lien, ou parce que lil: se termille la navi­gation de (;ette riviere. En eifet, c'est a Tapsini que se termine cette suite presque non interrornpue de rapides qui occupent nne etendue de 40 rnillef, et qui commence ala declivite du plateau ou la riviere prend sa source. En prenant une voie detournee pour eviter cet obstacle presque insurrnontable, nous entr30mes dans une region qui nOllS etait completement inconnue et 011 la naviga­tion est 10m d'etre facile. La riviere ayant son lit dans des gor­ges profondes, les chemins des portages y sont a peine praticn­bles pour un homrne a pied et qui n'est point embarrasse par Ie poids d'une charge. La region que nous travers ames est pauvre et la vegetation y est miserable; l'eeil n'y rencontre que des objets qui attristent. Arrives a la hauteur des terres, nous y de­couvrimes un immense plateau couvert d'un nombre considera­ble de lacs dont les eaux sont la source de plusieurs iivieresassez

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grandes. Ces lacs qui sont tres poi~sonnetlx off rent pend:xnt Pe­te aux sauvao-es une gmnde reSSOLUce pour leur subslstance. L'hiver 10l'sqube Ie froid en a durci la surface, de nornbreux cari­houx et des orignaux les pGrcourent en tout sens, et off rent souvent :lUX Indiens l'occasion d'une chasse abondante. Lorsque j'arrivai sur ces lacs, les sauvages les avaient quittes pour aller rn'attendre au roste qu'ils frequentent; je dus poursuivre rna ro~te, mais com­me je l1'avais jamais sui vi cette voie, et que mon g'mde .ne 18: co~-· naissait point, 110US nous egararnes. Avant luon depart, J'avals pns toutes les informations que ma position reclaniait ; mais toutes les indications qui m'avaient He donnees ne coneordaient nullement avec les liellx, dt' sorte que je me trouvais dans Ie plus Hrange embarras; mais ee qui me peinait Ie plus, c'etait la pensee qlle ce retard force obligerait mes pauvres Indiens a un jeunerigou­reux, qui apres avoir epuise leurs faibles provisions, seraient enco­re obliges de m'attendre peut etre assez longtemps; car vous sa­vez que les Sauvages n'ont pas l'habitude de faire de grand~s provisions, et que la sollicitude du lendemain est loin de les fatI­guer. Pendant quelques jours, nous fUmes occupes a traverser plusieurs lacs et a faire plus d'un portage; nous dirigeant tantM <ldroite, tant6t a gauche. Heureusernent pour moi que les hom­mes, qui muutaient mon canot etaient de ees Indiens, qui, pour trouver leur chemin dans ces :sortes de. labyrinthe, n'ont pas be­soin d'un fil. ,Comme iis trouvent des vestiges 130 ou nOllS n'ap-. percevons pas la moindre trace, ils finirent par retrouver Ie che­min et par entrer dans la voie qui devait me conduire a mon but. Quoique je n'ensse jamais en la crainte d'etre totalement egare, j'eprouvai cependant une vive satisfaction lorsque je pus me dire qU'apres peu de jours je poturais enfin me trouver au milieu de la pellplade chrHienne que j'allais evangelism<. Le bon Dieu voulut pendant que nollS cherchions notre route, nous menager Ulle distraction et en meme temps nons donner Ie moy,'n d'epar­gncr nos provisions, que Ie retard que nons eprouvions ne laissait pas que de diminuer. Un jour, un magnifique origna1 fut apper­'1t1t au bord d'un lac. Mes Indiens surent bient6t Ie saucer dans l'eau; ce fut alors pour eux un jeu que de l'obliger a se rendre a ~iscretion. Avant de quitter Ie lac, nous apper'1umes sm lIne po~nte ,un tombe~u; mais Ie signe de la redemption ne Ie domi­n~lt ,pOl~t; ce qUI l1?US fit conclure que celui qui yavait He pla­ce n Malt pas cathohque. Du reste, il est extrememcnt rare de trouver des tombeaux de catboliques Indiens dans les lieux eCal­tes de ces parages ; si 1'on en rencontre quelques fois, ceux qui y ont Me deposes y d~meurent peu de temps; car nos Indiens portent leurs .morts au Clmetiere de Wamoutaching .

. Ils ne crOl.cnt pas q~le leurs cendres puissent reposer en paix 10m de Ia malson de pnere; ce qui leurdoline la facilite de visiter'

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toultes les annees la tombe de leurs parents, devoir qu'ilsrernplj.s~ sent avec une sGrupuIeuse fidelite. I1s n'ont pas comme beau­coup de blancs horreur des t{)mbeaux.

En quittant l'immense plateau OU nous avions erre assez long~ temps, nous pi"imes Ie versant oppose a celui par Iequel nous y Mions parvends, et comme nous descend ions avec Ie cours de Ia riviere malgre plusietllS portages, nous avan~ions rapidement vers Wamoutaching. Bient6t je rencontrai des Indiens, qui m'an~ noncerent que les Sauvages de Wamoutaching et -de Kikel1dach et plusieurs familles qui habitent les bords du Lac a la Truite etaient deja rendus au poste de Wamontaching Jepuis 7 a 8 jours et m'attendaient avec impatience. A mon approche ils dechar­gerent quelques coups de fusil et a peine avais-je atteint Ie riva­ge que je fus entoure d'une foule de sauvages, 'lui tous s'empres­serent de me ~ouhaiter la bienvenutl et me faisaient assez connai­tre par la joie qui rayonnait sur leur visage com bien ils Maient heureux de me voir. Je puis dire ala louange de ces excellents Indiens que l'attacbement qn'ils ont pour leur missionnaire ne saurait aller plus loin. Les enfants qui attendent un pere absent de puis tres longtemps, ne montrent pas plus d'empressement lors~ qu'il arrive enfin au milieu d'eux que ces Indiens en temoigllent 8. l'arrivee de leur Robe-noire. J'etais a peine arrive a Warn on­taching que je commen~ai les e-xercices de la mission. Le t.emps etait trop precieux pour que je m'exposasse a Ie perdre. Le de­hUIt de la chair de carihou et de l'orignal avait empeche mes sau­vages d'apporter leur provision accoutnmee. Ii est vrai qu'ils avaient un grand nombre de rets et chaque jour 400 deces rets etaient jetesdans la riviere; mais soit que la quantite du poisson ne fut pas considerable, soit pour d'autres raisons Ia peche deve­nant tons les jours moinsconsiderable, je ne voulais point expo­ser mes pauvres sal-lVages a des jeunes trop rigoureux; car Ie des it ardent qu'ils ont de se faire instruire et profiter du ministere du pretre est si grand qu'ils ne craignent pas de s'astreindre a des jeu­nes de plusieufs jours, plutot que de s'en priver pour aller chercher une' nourriture facile a trouver. Mon camr saignait lorsque je voyais de ces pauvres Indiens reduits a des aliments qui poue

vaient tout au plus les empecher de monrir, et lorsque je leur ma~' llifestais rna peine, ils me repondaient que ce qu'ils souffraient n'etait rien en comparaison du bonheur qu'ils avaient d'etre ins­twits et departiciper aux sacrements; conduite qui condamne celIe de ces chretiens, qui au milieu des secours de la religion, ne veulent pas en profiter, et de ceux encore 'qui ne savent s'im ..

, poser aucun .sacrifice, lorsqu'i~ sagi~ d'accomplir u.n ~evoir que l'Eglise leur Impose Oll que D18U eXIge d'eux~ Hmt Jours apres que la mi8sion fut cornmencee, un homme vint me trollver, , c'etait Ie malin; il avait jete la veille au soir son ret dans la ri~

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viMe et il n'avait rien pris. Ses jeunes enfants poussaient des cris que Ia faj m leur arrachait,.et iI n'a vait rien pOlir leur donner it manger. Il venait me demander ce qu'il devait faire. Comme plu­siems families se trouvaient dans la m8me position, j'envoyai la moitie de rna peuplade am;: lacs voisins du paste, Le bon Dieu ~{mit leur 1'8cne,et la provision qu'ils apporterent me permit de cont!l1uer les exercices de la mission sans avoir l'afHiction de voir ces bans neophyte~ souffrir de la faim. ,La com~u~ion gen~rale d?t~lrll: la mission, et it la fin de ce dermer exerClce Je donnaIla blmechctlOn du Tres Saint Sacrement. C'est alors que je compris parCaite­ment Ia joie que procure une mission, it des camrs bien prepares. Cel e de ces chers Indiens etait d'alltant plus vive qu'elle est plus rorf, car ce n'est qu'it une seulE\ epoque de l'annee qu'ils peuvent 'Voir Ie prMre au milieu d'eux; aussi cette joie se manifestait de toutes part~ et lIe ,bien des maniel:e~ et iis ne craignaient pa~'dc dire il haute VOlX: mrlZntenant nous valla 'forts pcrur passer l'annee fit une annee sainte, Plaise it Dieu de leur co~uer leurs bonnes dispositi­ons, car comme tons les hommes ils ont leurs d'mgers, et Ie demon lui aussi leur tend des pieges, comme it leurs freres en Adam. Le :rlus dangereux pour eux est la jonglerie, graces it Dien j'ai pu cette annee, cOl1vertir deux jongleurs que je n'avais pn eli core atteindre. J'espere qu'tine persistance salntaire pl'Oduira en euX l'effet que j'en attend. L'nn d'eux surtout m'a donne une preu­ve assez eclatante de son retour daus Ia bonne voie. Quoiqu'il m'eut promis avant son depart d'une maniere s01enne11e, et devant toute la tribu, qn'il ne se livrerait plus desormais a Ia jonglerie ; apres avoir fait une demi-joumee de marche il craignit de ne s'Mr", pas expliqne assez [ermement ; il rebroussa chemin et vint m'exprimer son doute en me reiterant la promesse qu'il m'avait faite. Qnoique les exercices de la mission fURsent termines par la communion generale; il me restait encore une affaire asseil: im­portante, c'etait de bellir pIllsienrs mariages. Comme nos sanva­ges ne connaissent point ce qu'un est convenu d'appeler mariages d'inclil,ation, les jeunes gens laissent it leurs pi1rents Ie soin de leur choisir un€' epouse ; ceux-ci viennent prendre l'avis du mis­sionnaire, et a,pres cette unique forl11alite on procede a la cere­monie. Jusqu'a present ce mode n'a eu que d'heureux resultats tant pour l'union des familles que pour la conservation des bon: nes manus . . J e dus enfin quitter cette population si interessante par les sen­

timents religieux: mais ce ne fut pas sans un serrement de creur de ma par~, ~t sa,ns larn~es repandues de 1'antre cOte. En quittant Wamolltach',ng,Je passal a Klkendach ; comme j'avais deja vu les sauv,ages, qm dependent de ce poste, je ne m'y arr8tai' point, je contll1ua~ m~ route, et me ren~is it Waswanapy dans Ie territoire' de la Bale d Hudson, poste Sltue sur les bords du lac qui porte

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Ie. m~me nom, et dont les eanx s'econlent par Ia riviere Notaway dans la Baie James non loin de Bupert's House. Les sUllvages de Woswanapy etaient nombrt::ux autrefois, alljourd'hui leur nombre est diminue. Cependant comme sur les derniers jOUl1'8 de juiHet les sauvages des deux pastes voisins s'y renclent, alol1'8 on y tronve une population assez considerable. II n'y a qlle trois ans que ces panvres Indiens Maient ellcore infidele', alljomd'hui un grand nombre sont catholiques, Cette aimee, outre les cnfunts, j'y ai donne Ie bapteme a quatorze adllltes a la fill de la mi'sioll; leur bonne conduite depuis l'annee derniere, leur assiduite a tom les exercices religieux, et leur tnstrnction leur ont merite ceUe grace. Je n'ai qu'a me rejouir d~s dispositions de ceux qui avnient ete baptises les deux annees precedentes ; leur sou mission reIigieuse et les vertns qu'ils pratiquent, me font juger qu'ils n'ont point ete infideles aux graces qll'ils ont re«;ues dans Ie Sacrement dn Bapteme. Les boissons fortes, qui etaient pour ellX une pierre d'achoppement ne leur sont pIns distribues ; et par ce moyen, non seulement l'ivrognerie a cesse, mais encore les vices gu'elle entraine. TOllS les Indiens de Waswanapy ant montre heaucoup d'empres<;ement pour asister aux instructions et aux autrcs exer­cices religieux; mais comme je l'ai deja fait connaitl'c, un n0111-ure assez faible a He admis an bapteri1e, et cela pour plllSieul1'8 raisons. Les uns n'ont pll s'instrnire assez, par defaut de me­moire, des verites de In religion; d'alltres n'ont pn etre admia, quoique d'ailleurs paraissant bien disposes, parce que leur cunduite

. passee exigeait une eprenve. II y en a en fill qlli ne veulent pas rompre les deux obstacles qui s'opposent a leur admisioll dal1S la grande societe de l'Eglise, ce sont In polygamie et la jOllglerie. La polygamie est de temps immemorial en usage chez eux, ils ne prennent ordinairement que deux femmes. Le plus graml noim'­bre y a renonce depnis que ceUe tribu \~st evangelisee, mais il en. est encore qui y tiennent: trois de ces bigames ne se sont me111e point rencius a la mission, dans la crainte qu'iIs 11e fussent exposes II quitter l'une de lems femmes. La jonglerie est aussi un grave obstacle pour les vieillardo:; qui l'ont pratiquee, paree (1u'elle leuit' donne une grande influence au pres des leurs, et est un moyen facile de se procurer beau,!oup de ces objets, qui constituent chez eux la ri~hesse ; elle est aussi un ecneil pour les chetiens, Clll' 10nJ­qu'ils soUt a.~teints d'nne maladie grave et prolan gee qui resiste auX remedes simples, ils s'imagincnt facilement qU'Oll leur a jete un sort, et font appeler un jonglr.ur, qni bien attendu, les confirme dans leurs idees susperstihet{8e,. Ql1oiqn'il promette la sante et que Ie resnltat de ses jongleries ne reponde point a ses prom esses, les pauvres dupes ne laissent pas d'avoir con fiance en son uri. Us appellent aussi Ie jongleur pour lui demander OU se trouve le gi­bier, lorsque leur chasse a ete infrnctueuse. Aussi. Ja faiw et In.

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mfdadie Ies exposent-ils, quelques fois, a recourir a des moyens qu'lls savent eriminels et anxquels ils ajoutent reellement une foi, que tant de deceptions, a dMaut d 'instruction , anrait dil leur faire perdre.

Ayant termine les exercices de ]a mission a Waswanapy, je quit­tai ce poste au grand regret de mes neophytes, qui cette annee, cornme l'annee derniere paraissaient fort afHiges de mon depart, et ne cessaient de me demander, si je reviendrais les visiter l'ete prochain, ce que je leur promis d'autant plus facilement que c'e­tait la mon desir. J'aurais bien voulu visiter d'autres postes, repandus 15'3. et la dans ce vaste territoire ; mais les distances qui m'en separaient et les difficultes que preSyu.tent souvent les voies de communication m'en empechaient; d'aillel~rs Ia saison qui deja etait avance, m'annon~ait que je devais songer 3.. revE;nir sur mes pas. C'est 13. une de ces necessMs qui £'lit beau coup soufi'rir l'ame du missionnaire. On voit devant soi beaucoup d'infideles qui n'ont point eu encore Ie bonheur. d'entendre les instructions du pretre, et qui peut-etre seront longtemps prives de cette grace, et malgre Ie desir que 1'on a d'aller les instruire et leur enseigner les verites si consolantes de la religion, et leur donner Ie moyen de se sauver, on se trouve dans l'impuissance d'agir, enchaine que 1'0n est par les causes les plus vulgaires. Et encore si les fideles qui appartiennent a l'(Euvre de la Propagation de la Foi ne venaient par leurs aumi'mes a notre' ~ecours, que de pauvres Indiens qui, aujonrd'hui benissent Dieu et prient pour ces glme­reux chretiens, cronpiraient encore dans leurs erreurs !

En passant a Mikikau, j'y trouvai la majPure partie des Sauvages de ce poste qui attendaient mon retour de Waswanapy pour recevoir les 8ecoms de mOll ministere. Parmi les absents, les uns eta lent en voyage, les autres s'etaient trallsportes au Grand Lac Oll se trouvaient alors reunis Ja moitie des Indiens du Lac ala Truite et quelques uns du Gmnc1 Lac. Je restai quelques joms a Mikiskau pour y donner les exercices de la mission, je n'eus qu'a me rejouir des bonnes dispositions de ces Sauvages, la comme dans les antles postes que j'avais deja visites, je vis beau coup d'empressemeut pour profiter de la grace que Ie bon Dieu leur envoyait. En qnittant Mikiskau, je me dirigeai vers Le Grand lac OU je savais que se trollvaient les sauvages dont je viens de parler. IIs etaient occupes ala peche du poisson blanc. Comme c'etait Ia saison de Ia maturite des bluets, et que Jes bords de ce lac sont remplis de p~tits arbustes qni portent ce fruit,les fem.m~s et les ~nf~nts passalent une partie de leur temps a les cnell~ll. IIs n etalCnt pas seuls, les ours qui en sont tres friands venalent partager le~r !ecolte ; mais aux depens de leur vie, car les sanvages leur falSalent la chasse pour leur chair qui est tres

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bonne, et pour leur peau. Les sauvages que je rencontrai H. ont generalement une mauvaise reputation; ils sont regal'des comme des vagabonds et des ivrognes; com me leur reputation n'est pas tout a fait usurpee, je dus fuire tous mes efforts pour les amener a une vie plus chretienne. J e les engageai formellement a se rendre a leur postes respectifs, pour l'epoque des missions, afin q u'ils pussent meme profiter de la visite dn missionnaire. Une visite sur les bordsd'un lac que Pan traverse,ne peut produire d'heureux resultats sur ces Indiens ; on a ni Ie 1emps necessaire, ni les moyens de leur faire faire les exercices dont ils ant un si grand besoin. D'aill eurs, si Ie missionnaire se pretait tant soit peu a les visiter, partout OU il leur plait de se transporter, bient6t lIs ne s'astreindraient plus a se rendre aUK lieux des missions, et se disperseraient de telle maniere qu'on pourrait n'en voir qu'un tres petit nombre. J'ai oublie de vons dire qu'avant d'atteindre Ie Grand Lac, en partant de Nikiskau, nous eumes de grandes diffi­cultes a vaincre; Pete ayant ete peu pluvieux, les eaux avaient ex­tr€lmement baisse'dans·les rivieres ; et comme la plus part de ces rivieres en ont generalemel1t peu, sou vent elles n'etaient pas navigables pour notre canot; ce qni nons obligeait a faire de fre­quents et longs portages.

En parlant du Grand Lac pour me i"endre all'lac a la Trnite, je passai a Witiskawikong ou je tronvai Ie plus grand nombre des Sauvages du grand lac avec leur deux chefs, reunis aux Indiens du Lac a la Truile qui s'etaient separes de ceux qui m'avaient attendu a mon passage au Grand Lac. Com me tous connaissai('nt la route que je devais suivre, ils m'attendaient et avaient meme prepare une chapelle dont des pieces grossieres servaient de mu­raille, et l'ecorce de bonleau de toiture. Elle avait He elevee au meme lieu ou il y a douze ans un de mes predecesseurs en avait fait construire une, peut-etre plus belle, mais dont on ne retrou­vait plus que quelques faibles debris. Amon arrivee, je fus re~u avec beaucoup d'f\nthousiasme, et les deux chefs me firent les c'ompliments de bienvenue. L'un et l'autre m'exprimaient Itt joie de me revoir, et la volonte de profiter de rna visite, et Ie be­soin qu'ils en avaient surtout pour Ie Sacrement de Penitence. L'accent avec lequel ils me haranguerent, me fit conl1altre que l'ennemi de tout bien avait du faire parmi eux de tristes ravages. Durant tout Ie temps que je passai au milieu d'eux pour leur pro­diguer les soins que leur ~me reclamait,j'eus lieu de jllger que Ies sentiments qu'ils m'avaient exprimes elaient sinceres. Plusieurs d'entre eux. s'etaiel1t hiisses entrainer a la pratique de la jongle­rie, d'autres s'Haient adonhes a l'nsage des bois'lons fortes, qui chez eux, est presque toujours portee a l'exces; et com me a l'ordi­naire cesdeux fUtlestes passions avaient entraine des desordres. Ceux d'entre eux qui s'etaient Ie plus signales par leur mauvaise

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cond'lile, n'avaient pas ose m'attendre. Heurcllsement que Ie nomlJf(' de ceux-ci est petit, et encore De sont-ils pas baptises. Le nom ],1' .. , des sauvages du Grand La> diminue tres sensiblement, une d,·s causes de cctte diminution extl'aordinaire pent &lre mise sur It> cUl11pte des boit>sol1s fortes; si beaucoup tl'Il1diens cedent au pene'hant violent qn'ils ont pour les borssOlls enivrantes; plll­siems, iJ faut Ie dire a leur louange, ont Sll resister a tontes les sollicit ,I tions, avec un courage herolqne de leur part.

Panni les con versions que Dieu a bien VOUlll faird par mon ministere; je duis mcntionner c~lle d'ua celebre jonglcm, qui pend.llIt deux ans, avail ele La terrenr de sa tribn par sa mechan­cete, I'T. n'avait cesse tie les scandaliser en s'enivrant toutes les fois qu'il ell trouvait l'occasion. La grace a produit sur cet humme un de ses eifets merveilleux. Le souvenir de ses fantes I'a plunge dans nne profunde tfi~tesse, et il en a implore Ie pardon avec tous les siglles d'une vraie contrition. Les penitences les plus dmes ne lui [laraissaient point encore proportionnees a l'enormite de ses fimtes.

Je "'I'minai l<'t ma derniere mission, qLli n'avait pas ete sans heurenx resllltat. Puisse 18 ciel conserver dans Ie C03nr de ces Indilell~ les sentiments generenx que je me suis efforce de leur cumrnul1iquer! Mai~ helas! comme ils peuvent ftlcilemellt se procurer des boissons enivr:1ntes, cet appat leur fuit sOllvent ou­blier nos cOllseils et leur meilleurs resolutions, et lef: rejette dans les pi us ~rdllds desordres. J e me separai de ces r ndiens plein de ces tristes pensees, lorsque mes hommes m'apprirent que les chiens venaient de manger leur lard, unirlue provision qui nons restlit pom terminer notre voyage. COIl1me nOllS n'avions pIllS que (·jill] joms de route pour nOllS rendre a la Riviere dn .Desert. nou~ i '(Imes nous procurer qUf'lques fi.libks aliments qui ue nous' empe·!Jerent p .. int cependant de subir un jeul)e t1'<3S riO'ClUrt'UX, tont (-)\ l"Umant la journee entiere pour atteindre Mani;'al~i ou j'arr,v"i entin sans autre accident, heurellx de me retrouver apr!'!" :mis, mois d'absence, dans cette douce et aimable solitude et d':;,'"i .. sOLlEfert quelqne·chcse pOUl' la gloire de Dien et Ie saInt des all,,':) les pIns abandol111eS.

J'ai I'honneu1', etc:

ANDRIEUX, PTRE., O. M. I.

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MISSION DE LA BAlE D'HUDSON.

Leltre du Pere Garin, O. iW. I. a un pere deJa meme

compagnie.

LAC DES DEUX-MONTAGNES, 10 Decembre 1853.

MON RtVERE-ND PERE,-Voila bien tOt deux mois que je suis de retour de ma campagne de 1853 :-je suis de nouveau dans ma so­litnde du Lac des Deux-Montagnes, chez les messieurs lIe St. Sul­pice qui continnent a me fonrnir aveClme aimable hospitalite, les moyens d'avancer dans mes etudes sauvages. Je me rappelIe ,en lin les promesses que je vous ai faites de VOLlS envoyer quelques details snr nos missions. Vos jeunes novices sont si avides de s'initier d'uvance a la connais'Jance des tribns qLl'ils serOlit peut­etre nn jour appeles a evangeliser, que je ne pnis tarder plus long­temps de VOLlS faire parvenir cette lettre, qui pourra, pellt-Mre, je l'espere du moins, servir d'alimens a leur zele et a leur piete.

A n milieu de notre jolie ville de Montreal, sur Ia rive <Ill l:1ages­tueux fieuve St. Laurent, s'eleve un sanctllaire de Marie. Ce sanctuai re bati par la piete des premiers colons fral1(;ais qui ve­naient dMricher les furets du Canada, fllt nomme Notre Dame de Bon Secours. Dans un pays encore inconnu, environnes de hor­des barbares qui ne Iem Iaissaientallclln repos; exposes it des dan­gt;!rs de tout genre, dans len!'s explorations journallieres; voya­geant dans de freles emharcations d'ecorce sm les rivieres les plus rapides et les pillS impetueuses que 1'on puisse rencontrer, ces har­dis voyageurs pouvaient-ils avoir une plus louable et plus sainte pensee, q ne de dresser un ant.el sur cette terre de la Nouvelle France, a celie que leur antique foi et des bie-nruits de tout genre, leur fesaient .regarder comme Ie seCOHrS deschretiens.

Chaque printem ps, lorsque les glaces ont dispam de la surface de nos grandes rivieres, Ie mi,ssionl1aire avant de partir pour sou lointain vOY3_ge, n'ollhlie pa's d'al1er en pelerinage a ce piellx et venerable sanctuaire de Marie. 11 a tant besoin de secours et de protection et pOllr hai et pour ses sauvages qu'il va revoir apres une si longue absence! II part ensuite plein de confial1ce que ceHe telldre mere Ie protegera dans tons les dangers, et repandra. -sur ses travanx c1'ahondantes benedictions. Permcttez que des Ie commencement de cett~ lettre je vous cite un trait de celte -tenc1re protection de Marie. Un s3meeli so~r,et je vous ferai remar--quer que mt3me dans ce pnys sauvage, c'est un j.our plus speciale-ment COl1SaCre a honorer Marie, et pour que 110S Indiens ne viel1-nent point a J'oublier, Ie sarnedi est appele dans leur langue, Ie

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jour de Marie, Mani Kijigath :-Un samedi soil dO!1c, nO~ls etions pleins de joie parce qu'enfin apres un voyage de cmq mOlS et de­mi, nous allions revoir les premieres maisons habite~s pal' les Llanes, et que de la quelques joms seulement SlUfiralent pour nous rendre a Montreal, au -milleu de nos freres, dans notre chere communante. Comme les joms etaient courts (c'etait dans la premiere semaine d'Octobre) nous manifestames a notre guide et aux cinq aut res sauvages qui mOlltaient notre canot, Ie desir d'arriver ce soir la 111eme a un portage peu eloigne ou nOl~s saviOllS qu'habitait une famille Irlandaise catholiqlle. 11 etalt probable que nons rencontrerionsIa aussi quelques families san va­ges se rendant sur leurs terres de chasse, ainsi que quelques jennes gens Canadiens allant passer l'hiver dans les chantiers. Notre intention en vOLllant nous rendre en ce lieu etait de pouvoir offrir Ie lendemain Ie St. Sacrifice dans cette maison, et procurer aces pauvres gens Ie bonheur qu'ils ont si rarement de s'approcher de la table sainte. Nos sauvages desirant ardemment eux-mi3mes assister ala Ste. Messe Ie lendemain, faisaient jouer leurs avi­rons avec viguellr pour arriver au lieLl desire. La joumee n'avait pas ete bien belle: mais apres Ie coucher du soleil ce fut bien pis encore: de gros nuages noirs s'annoncent de toutes parts dans les airs. et Ie tonnerre qui commence a gronder dans Ie lointain nons annonce que nOllS allons avoir un violent orage. Nous venions de sauter-en canot plusieurs rapides pen considerables qui nons avaient cependant effrayes a cause de l'obscmite qui &tait surve­nLle tout a coup: il nous en restait un autre a sauter avant d'arri­vel' an portage en question. Ce rapide etait plus long et plus dan­gereux que'les autres, vu surtont l'obscurite de 11 nnit qui empil­chait d'apercevoir les eCl1eils. Mon compagnon me fit observer que ce semit tenter la Providence, et nous exposer a perir que de vouloir continuer notre route et sauter ces mpides malgre les te­nebres epaises. quinous enveloppaient. J e m'adressai immedia­tement a notre guide, et je lui dis que malgre que nous eussions manifeste Ie desir de nous rendre au portage ce soir la milme, s'il croyait qu'il y eut danger a sauter ce rapide, nous preferions met­tre a terre pour camper et n'arriver au portage que Ie lendemain au matin. "C'est trop tard maintenant, mon pere, me dit-il, il "u'y a plus a rec:11e1', il faut sauter Ie rapide, bon gre malgre," et effectivement nous entendions deja Ie bruit des eaux roulant avec impetuosite contr~ les rochers. Nous n~eumes que Ie temps, IDon compagnoll et ~101 ~e nOllS recueillir et d'invoquer Marie, chacun en notre partlCuher. Notre canot etait lance au milieu d~s, boui~~ons, passant, a quelques pieds d~s rochers avec la rapi­dlte de 1 e?lalr ; ~out a coup un craquement se fait entendre, un choc se faIt sentu sous nos pieds, notre canot d'ecorce venait de toucher contre un ];Ocher. Mais nous etions sauves, notre canot

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n'etaitpoint defonce; nous n'avions fait que glisser sur Ie caillou, peut-H\"e qu'Ul1 demi pied plus a·droite ou a gauche, ou que si notre canot avait tire un ponce d'eau de pIns, nOlls etions perdus sans ressource. Peut-etre ne verra-t-on la rien d'extraordinaire, ii se pent en effet qu'iln'y ait rien que de bien· naturel; mais ~ous ne pouvons nous empec2er, nOllS, dans cette circonstance et ~lhsieurs autres semblables; d'attribuer notre saInt a la protec­tIOn de Marie, II celIe que l'Eglise appelle l'Etoile de lamer, celle ql~e 1'on n'invoqne jamais en vain. Mais je m'ecarte de mon sUJet, car ce n'est point de llloi que je dois vous parler, mais de nos chers Indiens.

Que vous dire de notre mission de Temiskaming~ Helas! cettc ~ission a ete bien belle, bien fiorissante depuis son etablissement Jl1sqn'a ces demiers temps, maisce qui de tout temps a ete la perte des sauvages est encore aujourd'hui pour cette mission la cause de sa ruine; je veux dire Ie voisinage des blancs. Nos sau­vages une fOlS instruits et baptises sont les meilleurs chretiens que 1'0n puisse desiref, pourvu qu'ils Iestent dans leur condition, leur etat qui est la vie nomade ; ou que s'ils demeurent au village ils soient eloignes des blancs, car leurs rapports avec ces dernie~s surtout s'ils ne sont point ce qn'ils devraient-etre Jeur devient extraordinairement funeste. C'est ce qui a lieu dans ce moment pour nos sauvages de Tamiskaming. Vous savez que l'exploita­tion de bois de construction se fait SUI une grande echelle iei en Canada. L'Ottawa et ses affiuents en fournissent 11ne quantite immense aux marches d'Europe. Les marchands s'enfoncent 10ujours d'avantage dans l'interieur du pays pom etabliI des chan­tiers dans des lieux qui n'aient pas encore ete exploites ; et a force a'avancer, les voila rendus au Lac Temiskaming qui a vingt-cinq liNles de long, et qui va pendant bonnombre d'al1nees etre POlU eux une mine abondante. Les jeunes gens Canadiens ou Irlan­dais qui vont travailler dans ces chantiers, ne sont pas ordinaire­ment les plus edifiants de leur paroisse ; et nos sauvages qui sont continuellement employes a voyager avec eux, ne gag-nent dans ces rapports que des habit.udes mauvaisesdont probablement i~ n'avaient jamais ete les esclaves. Malgre cet etat de .choses qm nous afflige beaucoup, c'est un peuple qui a conserve une foi bien vive. Dans la premiere instruction que. je lem fis pour l'ouver­ture de la mission, je me plaigl1is a eux de ce qu'ils ne s'etaient point empresses de venir me sailler aveC' leur joie accoutume,; un des chefs vint m'en donner .. la raison immediatement ;:Jpres: " Nous avons honte de notre mauvaise conduite, me dit-n, voila pourquoi nous ue pouvons paraitre joyeux, 10l1sque notre cmUI est triste et voila pOllrquoi aussi nOllS fuyons ta presence." Due femme et sa fille qui pIns que les aubes avaient cause du sean­dale, vinrel1t d'elles-memes me demander une penitence publique

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pour repnrer Ie mal qt~'elles ~vaient. fait, I':t fire.nt av~c l~ rlus grande edification ('elle que ole leur 1111pOSaJ; qm conslstaJt ~ se mettre a genl)UX a laporte de In ehapelle pendant les.exer~lCes des deux premiers jOUfS de Ia mission. J'ai passe qlllnze Jours au miliell d'ellK et ils m'ont donne tant de marques d'une smce­'re penitence, qt;e .i'espere de la bonte '~e pieu :roi.r l"e~eurir dans cette mission la piete et la ferveur (IUl lont chstwguee pendant si longternp:::. .

Nos sauvages d'Abbiltibi n'ont pas les m~me occaSIons de pe­che fJlle ceux de Temiskaming. Ce poste se trouve de l'autre cote de la hauteur des terres sur Ie tenitoire de la Baie d'Hudson ou les bhmcs ne peuvent ;Oillt penetrer. sans llI!e ~ermis.8ion speciale de la compagnie marchande, aUSSl se sont-!1s bIen m~eux conserves dans leur ft'rveur premiere. Cependant, eux a~lssl o~t leur" eprellves~ Depuis plusienrs annees la famine se faIt sentlr d'une maniere terrible dans leur pl.1ys naturellement bien pauvre. Le lievre et la perdrix qui leur fUllrnissaicnt, il n'y a pas long­temps encore, ulle ressonfce, sinon abolldante, dn moins, assuree, ont pr~sque entierernent disparu de leurs terres de chasse, et chose curiellse, paraissent emigrer vers Ie nord. Les quelques infideles qui n'ont point vOHlu renollcer a lems plleriles superstitions et ont refllse de s'instrui re de notre religion sainte, n3 manquaient pas d'atiriblll'l" cet etat de ehose, a Ja colere du Manitou, dont Ie culte a ete abandonne par les sanvagrs afin de suivre la priere des Robes Noires. Nos puuvres sauvages, qui ne sont point encore assez it vances dans la connaissl1.llce des maximes de l'Evangile, pOllr comprendre '1ue bien souvellt dans ce monde Ie bon Dieu epollve cel1X qll'il aime, sout tentes de murmurer coutre 1:;, Pro­vidence adorable, et se lai,seraient aller au decouragement et a l'abundun des saintes pratiques de la religion, si nOlls n'etions la pom les encollfager et leur elire qlle la auree de la vie est chbse pen importullte, mais qlle c'est apres la mort que COll1l11encera la vie veritable, vie eternellement hllueuse pour les Ilons, Mernelle­ment 11lU'lheureuse pOllr les mechants. Notre presence, nos pa­roles les cOl1sdlent, puis ils sont fori ifies l'ar Ia reception des sa­crel.n~llts anxql1eis ils apportent tonjonrs de saintes dispositions. Mal:; !l faut avonel" que ces pauvrE's gens menent une bien dure exislance dans un pays allssi floid que celui qu'ils habitent, si mal v~ us pom Ia plurart, n'ayant pour maisol1s que quelques ~corces c~e bO'deau ou quelquEs peflux tendlles sur des perches; lIs 11e vlvEnt a peu pres qll'an poisson, ellcore s'ils en avaient a:bondumment, mais Ie poisson COlllmence aussi a diminller et POll! se Ie procmer il faut qu'ils percent Ia glace a pillsieurs en­drolts quel9.llefois a plusieurs pieds de profondeurs, et qu'ils ten­dent lelll's filets SOllS cctte glace avec des batons. Oh! je Ie leur

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ai dit bien des fois, que pour gagner Ie ciel ils n'ont qn'a souffrir pa­tiemment les peines et les privations que Ie bon Dieu leur envoie.

'.-Mais vans avez hate, j'en suis certain, que je vienne it vous parler de notre clH~re mission d' Albany sur les fiords de la Baie­d'Huclson, je sais q ne VOllS portez un inter~t tout particulier aux sauvages decette contree. Effectivemcnt, ehretiens depuis un pelit llombre d'annees, .leur ferveur rappdle celie des ehre­tiens des premiers ages de)'Eglise ; d'aillenrs entoures de S[luva­ges protestants, ou infideles, exposes aux st-ductions des millistres de l'heresie, leur position fait que ron s'illteresse a eux et que 1'011 est porte ales aimer plus qne les alIt res par cela meme qu'ils sont eXI oses a plus de dangers. L'annee derniere (ainsi que je crois vous l'avoil' dit dans une lettre precedente) on parlait conti­nuellement de l' Eveque anglican qui Mait attendu de jour en jour. Pen de jams apres notre depart, l'automne dernier pour revenir en C~nada, est enfin arrive de la Riviere Rouge eet Ev~­que anglican, ce Bishop dont on avait tant fait peur it nos sau­vages. II a visite, accompagne d'un min istre, notre mission d' Albany; il a vu un certain nombre de nos sauvages, et il va sans dire qu'il a mis tont en CBuvre pour leur faire abundonner leur sainte religien. Pauvres cnfants des bois, connaiss3nt a peine les premiers principes ue la religion catholique, sans pr~tres pour les sontellir dans ce moment difficiIe, qui est-ce qui lene a donne la force rour resister aux seductions d'un ministre et d'un eveque anglicLln ? (car it la Buie d'Hudson, comme aitleurs, l'al'gcnt joue llll grand rOle pOllr obtenir des conversions, et si 1'0n n'a pas in­troduit Ie systeme des sou pes, comme dans la catholique Jrhmde, on a toujOl1l'S agi d'apres Ie meme principe pour ucheter des COIlS-

,eiences). Des presents ont Me offerts a nos sauvages, des provi­sions de bouche, ,des habillemcnts, de l'argeut, et ils Olit refuse genereusement, pas un seuln'a voulu,y cOllsentir: L'un d'eux it qni j'en pariais, me disait: "Nous n'avolls pas VOUlll, man pere, " venrlre 110S ames pour des carats de couvertes, 0t nous avons "mienx !time souffrir un peu de la faim dans ce monde plutot " que de bruler eternellement dans 1'enfer." Mais qui les a sou­tenu, CE'S puuvres sauvages daus ces jams si critiques T Ah! j'aime a en attribuer la gloire it Marie, a qui je les avais confies avant man depart, et qui a veille sm eux avec une sollicitude toute ll1nternelle. 'J'aime anssi a l'attribuer aux prieres :,oi ferventes de tallt ele membres de la Propagation de la Foi, qlli dan.; toutes les part ies du monde se font tous les jours pour Ie secours des . . .. mISSions.

Permettez que je vous rapporte egalemcnt Ja conversion d'llne sauvnge~se infidele, que j'attribue aussi aux bonnes prieres qui se font ponr nOllS. Pendant les derniers jours que nOllS eti~n~ it Al­bany, quoique Ie nombre de 110S sauvages fut peu consIderable,

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(la pIn part etant deja repartis pour leurs terres de chasse) nOllS

faisions cependant tous nos exercices comm~ pendant Ie temps de la mission. Un SOil que nous etions reUnlS dans la chapclle, pour faire notre dernier l'xerci("e de la journee, je vois entrer nne femme qui apres avoirconsidere avec etonnement tout ce qn'elle voyait dans la chapelle, vint s'asseoir sur ses talons, a la maniere des sanvages, en arriere des antres femmes. Notre dernier cantique etant chanle, je donnai Ie signal du depart, mais nos sanvages, au lieu de sortir immediatement, comme a l'ordinaire, s'arretent tont autonr de cette femme et la consldere avec etonnement. J'etais surpris moi-m~me de voir nos sauvage::;, 'ordinairement si indifferents, temoigner tant de surprise it la vue de cette femme. Alors un de ces sauvages se tourne de mon cOte, et m'adresse la parole: " Mon pere, me dit-il, cette femme qui I'ient " d'entrer dans la maison de la priere est rna smur, elle est bien " miserable; eUe a commis des crimes qui ant du irriter beau coup " Ie Grand Esprit! eUe vient pour 1es confesser. Puis se tour­" nant vers elle; tu vois, lui dit-il, tu vois devant les yeux Ill, " Robe Noire, celui que Ie Grand Esprit nous l'nvoie pour efface~ "nos peches. Prends bien garde de lui declarer exactement " tous ceux dont tu es coupable, car si tu venais it en ca.:her un " seul, tu serais plus ma1heureuse qu'auparavant." Une fuisnos sauvages sortis, je m'approchai de cette pauvre femme; je lui tendis la main pour la saluer, selon l'usage du pays, et je sentis que sa main tremb1ait dans 1a mienne d'une maniere extraordi­naire. EUe me demanda a la conCesser, maio; je Ini dis qu'il etait trop tard ce soir la et que je la confesserais Ie lendemain; en at­tendant je lui donnai quelques avis sur les dispositions pour f~,ire une bonne confession. Mais la raison, pour laq neUe je la rc'll­voyais au lendemain pour Ia confesser,etait que je voulais prendre des informations sur son compte, car tout ce que je venais d,' voir et d'entendre me paraissait bien mysterieux. J e me rends it 1a maison du bourgeois, et la, j'apprends que cette malheureuse etait coupable de plllsieurs meurtres; j'apprends que cette main qui tremblait si violemment dans la mienne n'avait point tremble pour faire partir la detente d'un fusil pour tuer deux hommes voues it sa vengeance, que cette main n'avait point tremble davantage qLland eUe avait enf01lCe un couteau dans Ie cmur de tr~is femmes qu'elle halssait et dont elle avait jure la perte. Ces cnmes, il y avait sept ou huit ans qu'elle s'en etait rendue c.ou­pable., Depuis cette epoque jamais elle n'etait venue au poste de tralte de la Compagnie Marchande, craignant toujours d'etre massacree elle-m~me par les parents de ses victlmes. Son fi'ere ayant ete baptise, il y a quelques annees, voulut l'erigager a ve­lilr, ponr Hre layee, eUe allssi dans l'eau du Bart~me. Mais touJours elle avalt refuse avec obstination, jusqu'it l'hiver dernier

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on d\>lle-m8me elle a prie son frere de lui appl'endre les prieres necessaires pour pouvoir ~tre baptisee. Au printemps elle se hasarda avenir au paste de la Compagnie, mais avant de se ren­dre a l'etablissement, elle se cacha pendant plusieurs jours sous les herbes qui bordent la riviere, par crainte d'~tre massacree. Entin, aya~t vu partir en berge celui qU'elle redoutait Ie plus, elle se rendIt en tonte hate aupres de nous, pour demander la graee du bapt~me. Cette pauvre malheurense n'avalt encore ja­mai, Vl1 de prMres de sa vie, et cependant elle Mait 8uffisamment instrLlite des principaux mysteres de la religion, elle recitait par­faitement dans sa langue; l'OraIson Dominicale, la Salutation An­gelique, Ie Symbole des Ap6tres ainsi que les Commandemens de Dieu et de l'Eglise. Le lendemain de son arrivee, ainsi que je Ie lui avai~ promis, elle commenc;a la confession de toutes les fantes de ~a vie avec nne donleur exterieute dont je n'avais point em nos sauvages capables, plusieurs fois eClatant en sanglots et etant obligee de s'iilterrompre a eause de l'abundance de ses lar­mes, et deux jours apres cette femme dont les mains s'etaient rougies dans Ie sang de ses semblables ; cette femme etait rege­neree, purifieedans les eaux du bapt~me, sa piMe et son repantir ne me laissant pas Ie moindre doute a cet egard. lci encore, je pourrais demander: Qui a proauit ce miracle de grace 1 Cette

. femme coupable qui n'a jamais vu de pretre de sa vie, qui resiste obstinement Ii son frere qui veut Ia ramener au bien, et qui en­suite d'elle-m~me tont-li-coup, vint lui demander ces instructions qU'elle a meprisees sisouvent. Qui a :1ttil'e ces graces de salut vers cette pauvre malhenreuse 1 Ah! je n'en aijamais donte un selll instant, ee sont les prieres des membres de la Propagation de Ia Foi qui ont obtenu ce prodige de la grace. Cal' je ne me fais nnllement illusion, mon Reverend Fere, tous les jaurs je snis de plus en plus convaincu, que nous missionnaires, nous ne sommes que de faibles instruments dans la main lle Dieu, et que ce qui attire la grace divine sur nos instructiolls et sur nos tra­vauJ\, ce sont les prierps puis~antes par leur multitude et leur ferveur qui se font pour nous sur tous les points de l'univers.

VOilS apprendrez avec le plus grand plaisir que selon toute pro­babilite, nous allons imprimer prochainement un livre pour nos sauvages d' Albany; Ce livre renfermera les prieres du matin et du soil', en second lieu Ie catechisme, et troisiement un reenil de cantique. 11 va sans ·clire que Ie tout est compose en langue Mas· kegone, dialecie du Cris· qui est leur langue particuliere. Quoique je SOlS bien eIoigne .de connaitre parfaitement cette langue; je. pense 0ependant que cet ouvrage sera assez exact, etant Ie fruit, en grande partie, de plusieurs annees de travail du R. P. Laver· lochere, mon predecesseur ; y ayant travaille moi-m~me, l'annee derniere, et ayant eonsacre un mois entier, cette ete,a Ie revoir

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et Ie carriger avec le'meilleur interprete du pays. D'aillems nos sauvages a qnij'en ai Iu un bon nombre de passages, Ie ,eoml?ren­nent parfaitement bien. Mais, me demanderez-volls, ,a qUal bon ces livres pour nossauvages? II n'y a que quatre on Cll1q annees 'Iue VOllS les visitez, vous ne les voyez chaqne annee que pendant quelques jours. Comment peuvellt-ils sav0ir lire? Oui. mOll reve­rend perc, nos sauvages savent lire, et ce qui est plus, ils savent aussi ecrire, au moins Ie plus grand nombre. 11n'y a que quelques vieillards de I'un et l'autre sexe qui a cause de Ia faiblesse de leur vue, ou Ie tremblement de leurs mains, n'ont pas ose entrepren­dre cette tache. Mais il faut nous entendre; nos sauvages ne sa­vent point lire avec 110S lettres en caractere fi'ant;ais, mais ils peu­vent lire et ecrire courament en se servant de lettres au caracteres particuliers qui ont Me inventes tout expres pour eux, et qui ren­dent I'acquisition de ceUe c0I111aissance extraordinairement facile. Ces caracteres ont ete inventes, il n'y a que peu d'annees par u£ ministre Methodiste residant parmi cestribus sauvages dll Nord­Ouest. Ce ministre ayant tue, dit-on, par accident un sauvage avec lequel il vOy>1.geait, fut oblige de repasser en Angieterre. J'ai appris que l'annee derniere il s'etait suicide. Le Methodiste n'est plus, mais sa methode de lecture et d'ecriture est restee et nons nons en servons avec Ie plus grand a vantage. Voici en deux mots en quai dIe consiste. Cbaque lettre ou caract ere, an lieu de representer Hne lett1'e selliement comme dans l'alphabet frant;ais, represente une syllabe toute elltiere de deux, trois et meme quatre lettres, et ce qu'il y a de plus avantageux encore, c'l'st que Ie me me signe ou caractere represente quatre syUabes diiferentes snivent la position danslequel il est place. En yoici un exemple: Un V ordinaire represente la syllabe pe, mettez Ie signe sens des­sus dessous /\ il representera la syllabepi; mettez Ie signe ayant l'ouverture a gauche >, il vondra dire po; retonrnez Ie signe de maniere a avoir l'onverture a droite < il signifiera pa. Ii en est de meme de tontes les aut res syUabes.

Ce qu'il y a d'avantageux dans ce systeme de sio-nes c'est , '1' 11' " , qu I nest, nu ement necessalre d'apprendre a epeler, des que

1'0n connal~ ces lettres ou caracteres 1'on sait lire. Aussi j'ai ren-· contre un Jeune homme cet ete qui Ie matin n'avait jamais vu une de ces lettres, et qui Ie soir meme eta it capable de lire et de comprendre quelques phrases que je lui ecrivais. Comhien de dOllzaines d'AMcedaires ai-je use ou dechire avant de con­naitre mes lettres on de pouvoir lire conrament Ie Notre Pe­re !-Ce livre rendra .les. plus grands services a nos sauvages, et Y?US est meme ll1dlSpCnsable, pour les instruire de la RelIgIOn. Le missi<;>nnaire est dans l'impossibilite d'instruire les sauvages par 1m meme dans les postes Oll ils ne restent avec Ie pretre que l'espace de trois on quatre jours, et c'est' ce

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qui a lieu it Albany; nos sauvages ayant entl'e lel)rS mains un livre de prieres, un catechisme et un reclleil de cantirllle:;; dans Ie meme volume, pOllrront s'instrnire eux-memes et instruire leurs enfants des verites de la Foi qu'ils ai ment tant. lIs pourront sanctifier les saints jours de dimanche et de fetes par la priere en commun, par Ie chant des hymnes et des cantiqut8, et Ie juur duo Seigneur sera veritablemE'l1t pour eux un jour de repos et de re. collection spirituelle, au lieu d'e.tre un jour de c ~I!out et d'ennlli. Mais surtout ayant leur livre de prier.'01 a eu:, ils ne seront point tentes de recevoir les livres protestanl fl, qui. sans doute vont cir. culer de tontes parts a la Baie d'HlldsOll, mairftenant que les mi­nistres anglicans y resident et qu'un d'entre ellX Ii ma·connais­sance est deja muni d'une Fesse et de tout Ie materiel d'uue im-primerie., .

Plusieurs fois, vous avez temoigne Ie desir d'avoir quelques notions snr les langues sauvages que nons etlldions, je vais tacher de repondre a votre desir en VOllS envoyant quelquel\ remarques tres justes, selon moi, sur ces langues, faites par Mr. Cnoq, PnHre de St. Sllipice et actuellement missionnaire an Lac des Deux-Mon­tagnes.--Il me semble, dit-il ,que r AIgonq uin,l' Abenaquis et je Cris· sontautantde languesderivees d'nne memesource commune,a peu pres comme Ie Fran~ais, l'Italien et Espagnol sont des langues derivees d'une me me source, d'une premiere langue 1~ Latin. Un seul exemple peut suffire pour vous fil.ire connai:lre aussitot la parente qui existe entre ces trois langues, americail1es. Qlle 1'on. remarque les parolet! dn signe de la croix employes dans ces idie. mes:

]e. Signe de la Croix en langue Algonquine:

Ot ijinikasowining Wekwissite gaie Weosi1e gaie Mino Manito •.

2e. Signe de la Croix en langue Abenaquise :

Ot iliwesonzanek Wenamonit ta Wemitoksit ta Wijiolini Waskwit.

3e. Signe de la Croi::i en langue Crise:

Ot ijinikasowin Ottawil11an nesta Okossissimau, nesta Mito· Manito.

Le sens litteral est Ie meme dans les trois langnes, Ie voici: En son nom l'ayant Fils et l'ayant Pere et Ie bon Esprit. Cette traduction dn signe dela Croix en ces diverses langues a Me faite par,divers missionnaires, et a des epoques bien di~?rentes, et @n ne pent pas dire que Ie premier traducteur. a Me CopiC p~r les aut res ; l'identite de traduction vient uniquement du geme de ces Ian.· gues qui est absolument Ie meme, et qui ne pouvait admettre ~'au-

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lre maniere de parler. Quoiqu'il y ait Ulle graDdre analDgie entre la langue des Algonquins, celIe des Ablmaquis et celle des Cris, neanmoins la difference est te11e qu'lls ~e se comprennent pas entr'eux: ils se comprennent beaucoup mOlDS que n~ se com­prellnent entr'el1x un FralJ(;ais, un Espagnol' et un Itallen dont 1}hacun ne connaItrait que sa langue respective. L' Al~o~quin, Ie Cris, et l' Albenaquis sont done autant de langues dlstmctes. Chacune de ces langues a plusieurs dialectns. Dans la langm~ Algohqu'ine, ()n distingue quatre principaux dialectes: l' Algonquin proprement dit, Ie Mepissinque, 1'0ttawa et Ie Sauteux. La difference qu'il ya.entre les dialectes Algonquins peut se com-. parer avec celIe qui existe entre les dialectes grecs. .

C'est une chose v.raiment snrprenante qu'en general les lan­gnes sau,:ages rellferment bien moins d'anomalie que les langues tant anciennes que modernes des peuples les plus civilises ; et ce qui Monne encore d'avantage, c'est Ie mecanisme si inglmieux et si habilement complique de ces langues, c'est la richesse pro­digieuse des termes et des expressions dont un grand nombre n'ont pas d'eqllivalent dans nos langues d'Eufope, c'est la variete non moins prodigieuse de desinences qu'un meme mot est suscep­tible de recevoir et qui en modifient toujours la signification.

La facilite qu'ont Ie Grec et l' Allemand de former des mots ,composes, est pour ces deux langues une grande source de ri­ehesse. Sur ce point, la langue Algonquine leur est incompal'a­blement superieure. De ces compositions de mots, resulte sou­vent une precision vraiment etonnante. CitollS trois exemples entre mille:

Ces mots fran~ai'S : ecrase lui la tete avec ton pied, se rendraient en algonquin par ce seul mot: cagoctikwaneckau. Ces autres mots: donnez-vous la mainl'un l'autre, se rendront par celui-ci: sakinindjinitik. Ces autres: il s'est o0upe Ie pied en marehant (sur quelque chose d'aigu) pakwesitecin.

On admire, et avec raison, dans la langue hebrai'que, les sept formes que revetent :es verbes ;on doit bien plus admirer encore les verbes algonquins, lesquels posse dent ees sept formes e~ lin grand nombre d'autres. Mais a propos d'hebreu, il faut sIgnaler une analogie assez curieuse entre Ies 'affixes de cette lan­gue et les prMixes de la langue algonquine.

Sabactha-ni, tu m'as abal1donl1e, ni moi affixe Hebrai'que .

.Ni naganik, il m'abandonne nimoi pre fixe Algonquin.

Tad-o sa main, la main de lui, 0, de lui affixe Hebralque •

. O-nindj sa main,la main de lui, 0,' de lui prMixe Algonquin,

: Mais de cette analogie et de quelques autres encore, il ne [3,U­dralt pas conclure que l' Algonquin est Hne languesemitrique' il'

" .

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y a d'un un,fre cote trop de difference entre l' Algonquin f't les lunglles oncntalcs pour pOllvoir lui donnrr place parmi eltes. Le cCiebre Leilmitz, je n'en doute pas, eut ete ravi des heaules qye r,'ll ferment les lallgnl'~ des sayvages d' Amerique et en par­tlcliller la langne algonqllll1e, et II n'aurait pas lliunque de les mettre a profit Jans Ie projet q ll'il avait conc;u de compuser une langue universelle.

'. 11 Ile 'mc reste plus qlle l'espace de me souscrire avec Ie plus profund respect, mon l{everenJ Pere,

Votre fils devone, A. M. GARIN, Ptre., O. M. I.

mISSIo~r DU RAUT-CANADA.

Lelt1'e du R. P. Fremiot, S. J., au R. P. Vignon, de la meme compagnie, a La Prairie.

MON REVEREND PERE.

Pax Chl'l'sfi.

STE. CROIX, ILE MANITOU'LINE, LAC HURON, C. W. 2& octobl'e 1853.

Dermis IOl1gtemps, sans donte, Votre Reverence et ses chers paroissicns crient al'ingratitllde et a I'ouhli. Passer six l110is sans nOlls donl1t'f de llouvelles, sans nons filire part elLl fruit de 1108 lar~ess.·". sans nOllS d;re la recolll1ais"alice des sauvages! Ell ui 1:'. n , mon Helierend Per€', et VOllS chers habitants de 10. Prairie, de gdlc,~, ne nOllscondaml1ez pas si vite. Veuillez VOllS sOllvenir q lie je vis clans un pays et avec des gens ou les choses ne marchent IHlS eneore SUI' les ailes de la vapeUl' on de l'electri­citl, j et l1e s'exl'edient pas tOUjoll rs aussi lestement que Ie cmul' Ie vuml r:Lit 1):en, NOllS alluns f<lire ensemble un retour sur Ie pll~~e, .ct ce COIlP d'mil ral';de sE'rH,j'en suis sur, plus qlle suffi­s:lnt pom hanuir a jarnais de vas E'sprits tontes It'S impressions plus ou l11uins def'.t\·orables que mOil long silence aurttit I'll pro\'oqller.

Et .d';,ir.r,l, l~'\~St par la fin qrle je VCllX commencer, sallf a m'en tirer'em'llite a lu. fi:lc;on lles 6crevilSses. Pourquoi par la fin 1 Pnrce qlle l';fIIJlressiol1 est encore tonle vive, j'allu.is dire toute cll:llirle, I11nifl ('.'Cllt e~ lin contre sens: car je vous avoue qu'dle a el e bien froide. Vuns me comprendr(>z quand VOllS SUllrez que je revins hier soil' d'une ~xcnrlion de peche. Oui, j'ai et(·. a 10. p6ch\~, nOll des poissol1s, mais des sauvages pecheurs et pecheurs,

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et je me suis COllvaincu qu'au physique aussi bie.n qu'a~ moral, Ia seconde est plus difficile encore que la premiere. Flgmez-vous votre petit missionnaire Beb~lminowadjimo (ear tel est man glorillux nom; c'est-a.-dire, celui qui evangelise fa el Iii); arrivant a la mlit tombante dans line He sauvage avec Ie vent et la plnie. 11 est la debout sur Ie rivage, attendant qu'on lui tronve un petit coin pOllr y passer la mlit. Pas une senle mai­son, si ce n'est un miserable chantier, €)uvert par Ie halllt pour laisser passage ala fllmee. Tout chetif qu'est ce reduit, c'est, cependant la seule place au Ie missionnaire pllisse dire Ia messe, sinon sans boucanne, du mains sans pluie. Mais c'est it grande peine qu'onlui accor,lera cette faveur, quand a y coucher, bien que ce soit l'endroit au il eut He Ie mains mal, inutile pour lui d'y songer: on lui a dit bien positivement qu'iln'y avait pas de place, qu'il y avait deja trap de momle.

Cependant pour Ie dedommager de ce refus, non mains ptmi­ble a cclui qui 1e fait qu'a celui qui Ie souffre, on conduit Ie. pere dans la loge Ia moins embarrassee. 11 n'y a en effet dans cene ' qu'on choisit, qu'une vieille septuagenaire, deja couchee, et dont Ie mari est alle tendre ses r~ls a une ile voisine. Mais il faut avouer qn'un logis de cette espece n'est pas des plus confortables. La pluie coule Ie long des perches qui sont plantees en roud et se reunissent en faisceau par Ie sommet POlU soutenir les ecorces de bonleau, et 1'0n a beau faifE', il faut se resourdre, quand on est deja assez mouille, a subir line nouvelle aspersion, ou si vens aimez mieux, une distillation. I-Isllreusement la pluie cesse bien­t6t, et apres m'etre reconforle an moyen (l'une tasse de the et d'nn morceaude pain avec dn beurre dont on m'avait fait l'au­mome dans une autre ile, je dors passablement, saufa me reveil­leI' deux ou trois fois pour raviver Ie feu, et consumer presque en entier les buches de la pauvre viei!le. Cependant Je lendemain un jeune menage (c'est un canadien de Quebec marie a une me­tisse) va s'installer chez Ie voisin, et me cede sa petite loge a moi seul, afin que je puisse entendre les confessions.

Me voila done avec un chez-moi d'empnmt, mais si petit qn'on nl') peut y marcher que dans nne posture humiliee, et avec grande attention a sa personne, pour ne donner prise au feu. Du moins n'avez-vous pas froid si pres_ du feu, me dites-vous.-Eh, mon cher Pere,oui et non, quana il y a du feu, on n'a pas froid par devant, mais p.at derriere on ge!e; d'autant pIns que de puis quatre jOllrs, sOllffialt un horri~le vellt, et ~es passages ne lui manquaient pas pour entrer. Un JOur m~me 11 me fanut courrir ala poursuite de me~ murs d~eeorce qui m~na~aient de prendre la fuite et de s'en­voler. Mals vous Mes 10m d'~tre au bout de rna misere. Vous comprendrez sans peine qu'il fant se resondre alors a vive de fu­mee tout au moins autant que d'air atmospherique, et que ne

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pouvant faire un pas ni en long ni en large autour de ce foyer; on ne tarde pas a resf'lentir dans les jambes je ne sais quel E'l1gour­dissement ne de la contrainte ; qui semble lin petit echantillon du suplice de l'immobilite chez les damues. Mais ce que VOllS ne

. soupc;:onueriez pent-etre pas, c'est qu'au milieu des bois, j'ai eu a jenner Ie bois. Eh bien, man Reverend Pere, c;:a ete pourtant la, la plus grande peut.elre de mes privations. ,Figurez-vous que l'endroit au etaient campes nos !>auvages est la seule baie qui. offre un port sur dans cette He, et que par cOll'Scqnent, de temps immemorial, ce lieu sert de campement pour la peche. Le bois a donc dli devenir rare, et par Ie fait, il n'y a plus que quelques petits cedres verts l'abougris, je sais que quelques personnes s'en contentent ; mais je ne pouvais me resoudre a en faire llsage, au risque de voir bientot man lit et mes habits perces de mille trous par les eclats embrases qui j'aillissent en petillant de ces souches resinenses.

II faltait aller chercher Ie bois en berge de l'autre cote de la baiej et. l'aller prendre assez loin du rivage. Mais ceci est U/1

surcroit de travail pour des gens qui n'aiment pas mal a passer f'n repos les courts moments que la peche leur laisse libres., J'ai donc jeulle Ie bois, et me suis vu pIns 'd'une fois avec uue ou deux buches au moment de m'endormir. J'avais beau etre bien elll­veloppe. eet etre ambiant, imperceptible, insaisissable, mais qui malgre cela n'est qlle trop sensIble, Ie froid en un mot, trollvant Ie feu Heint deja au mourant, hors d'etat de lui opposer allcune resistance, penetrait facilement jusqu'a moi, et a plusieurs J,'epri­ses, me tirait impitoyablement des brasdu sommeil, ouje sentais cependant Ie besoin de puiser un repos reparateur. Mais qu'est­ce que tout eela, man Reverend Pere 1 j'ai honte d'en parler, quand je cOl1sidere que j'avais du mains ou reposer ma tete; plus riche en cela que notre divin Maitre, qui, de 1icne qu'il iiait, s'est fait pauvre pour notre amour.

Un mot maiutellant des difficultes morales de rna peche apos­tolique. Ce printemps, au fort d'ulle tempete, un batimcnt Ame .. ricain avait jete dans Ie Lac Huron aux environs de Makina, une bonne quantile de pr'lvisions, et entr'autres, plusiems bariIa de cette maudite liqueur que les sauvages appellent avec tant de verite eau defeu (Tchkote-Wabo). Malheureusement pour nos Indiens ces epaves furent ehariees par Ie vent d'Ouest jusque sur nos iles. Plusieurs, il est vrai, heritel'ent de quelques provisions de bouche, du lard, du jl'l!mbon, etc., mais l'infernale eau de feu fit payer bien cher les presents qu'eHe ac~ompagnait. Vous con­naissez assez Ie penchant des sauvages a la, boisson; pour, etre persuade qu'un certain nombre n'aitront pq resister en face Ii une tentation si delicate. Vile que je visitais, avait ete Ie principal theatre du Ilesordre ; cependant, grace a Dieu, Ie scandale avait

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ete moindre encore qu'on aurait eu snjet de l'apprehender. II y eut meme 11n jenne venf de Ste. Cruix qui se Signaia par une ae­tiol1 herulque, d'un coup de hache, il fit vlIler en eclats Ie ton­nean perfiue qui recclait duns son sein pins de maux que la hoite de Pandore et plus d'enllemis qne Ie cheval d'Uly~se.i m~is hii>n differents de cenx de la fable, les manx et les enne1111S qUI en sor­tirent, expirerent en voyant Ie jonr. Un antre de nos. sallvages, moins rrlmereux que ce premier, eut cependant la conSCIence, tout en ne ~oulant pas perdre Ie prix de sa trouvaille de s'arranger de maniere a ce que ceux de sa race n'en rec;nssent 'pas un dO~l­marreimmediat: il vendit a un traitenr les deux banls de WhIS-

b .

key. Celui-ci en ayant vendu aux autres traltellrs, les sauvages finirent par en bo:re, jusqu'a ce ql1'Cnfill, pendant quej'etais l~, un de ces marchanus plus conscientienx que ses confreres, acheta ce qui restuit, des deux barils, et Ie fit partir au loin.

Voila, mon Reverend Pere, de quoi vons faire une idee de ce que eoute la peche des ames dans ce pays, par la saison qui court. L'lle dont je vous ai entreteml jusqu'a present, est situee au sud de la grande Manitvnline, et s'appelle l'ile au Cheval, Pepeji­kokanji-Minis, parce que, dit-on, il y a une trentaine d'annees, un batiment ayant echoue sur ses rivages, plusiellrs chevaux se noyerent; mai~ il en eut un qui fut assez heureux ponr gagner l'ile ou il vecnt long-temps selli. Durant l'ete, elle est Ie repaire des serpents a sonnette, et n'est guere fre.:ruentee que des infi­dell'S de Saghing, qui, faute d'antre bois, ne se font pas scrupule de bruler les maisol1s que les pecheurs blancs ou sanvages all raient pn y construire. A pres ces longs details sur une s('ule de mes excursions, que ponrrai-je encore VallS dire des autres qui ont rempli tout mon ete depllis mon depart de Muntreal? vons par­lerai-je d'une mission a l'Ile St. Fran«;ois-Xavier ou Beau-Soleil pres de Penetangwishene, d'ou je revins charge d'icloles, com­me d'antant de trophees conqni~ sur l'ennemi. V (Jns dirai-je que je me snis agenonille a l'encll'oit m€llne ou s'elevait, il ya 200 ans la chapelle de l'ancienne Residence de Ste. Marie de Hurons, que Ie R. P. Felix Martin a fait recemment connaltre a notre Canada par ses notes savantes et sa traductionsi pleine d'nn reli­giellx interet 1 mais je n'en finirais plus et ne pourrais dn reste q.ue repeter ?e qlle j'ai deja ecrit. aillel~rs. Vous ferai-je parcou­fir avec mal, durant plus de troIS mOiS, les lacs et les rivieres pour :)lIe.r. ev~ngeliser tour a t~lUr ~es vi~lages cfltholiquess de .l'rletchzklwlltznong et de Chlchd,7gwanzna-' les neophite et les infideles de Misi-sage et de La Cloch~, ~ostes de Phon. c?mp~gnie de ia Baie d'Hudson sur In. terre fame an nord t1e Ma­mto.uhne; les pauvres Sallvages Catholiques, Sautellxet Iro­qUOIS, perdlls au milieu dn methodisme et du congreCTationalisme a Own Sound et a Colpoy's B::JY; les Metis et les Ca~adif'~s Chi-

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hlOnanilrg; tOlltes les triblls Courte Oreilles, Potowatonies et ~alltel1SeS, Catholigues, heritiques Oll in fideles, a vee to us les me­tIs et tOllS les blancs alliees aux :'3allvuges, venues, presque pour Ja ?erniere fois, se reunir all camp de .Mal1itowaning pom y rece­vOIr les preStnts qll'OI1 estlas de leur donner, enfin Ie:; lrois l'ostes du lac Hipissing, dont les Sauvages a\'aient ete visites et clllti­ves it y a 200 ans par nos anciens Peres, SOllS Ie n()m de. ,,'\Ilission du St. Esprit1 mais la longuellr de cette course elLl 4 jlliu au 13 septemore, pendant laquelle je ne remis les pie('\s a Dte. Croix que l'espace de 20 heures, allra~t peut-elre de quai VOllS effrayer, qlle.lqllC hardi missi,)l)oaire que.ie VOllS connuisse. 11 VOUS fau­llralt allssi passer avec moi plus de vingt joms sur l'ean, et plus de quinze nuits suus la tente: maisce serait la Ie tcmps dll repus; car dans lieux de mission les divers exercices dn saint millislere absorbent tellement nos joufnees et une partie des Iluits, que VOllS a.vez peine a VOllS acqnil ter de vos devoirs de riel e les pIns essen­tIels. Il vous fuudrait braver des ennemis de plus d'nne sorte: au physique, les maringoins, lu plllie, les vents contraires; talltot U110 cha 113m excessive et des nuits etollff,wtes, C0111l11e a lalumteur de /lIiptssing; cl'autre fois 10. fraicheur et l'bllmidite d'un C3m­pement noctlll'l1e apres un jOllr d'orage. Au moral I'insollciance et l'apathie des uns, 10. stllpiclitc et la I>etise des autres, In 111ccba11-cete meme Ct les colomnies de qllel'_lues-llns, ne servellt pas peu, je VOllS assure, it faire acqnerir let vertu de patience a qui sait pro­fiter des occaSions.

-Mais, diles-vous, c'est jllstement a cause de ces croix dont votre route est parsemee que mOll crenr est tout pulpitant du CH,­sir d'aliel' valis rejoil1dre et de devcllir Ie compagnoll de vos tra­vaux.

-Eh bien done, courage, vOllsrepondrai-je ; conrage, gene­rellX soldat enrOle SOllS la baniere du 8t. Nom de Je'SlIs, COlI rage et la main a l'<Buvre; point de regard en arriere. Demandez, et on valis acconleru. PIllS d'llne fois, peut-Hre, Ie maitre de la maisoll s'est Jit a Ini-meme dans sa sollicitllde quem miftilm? jll ne vois persol1l1e bruler d'ul1 assez vif desir d'echan­ger les douC'eurs de lu civilisation contre les privations de itt vie sauvage, et d'aller emhraser dl! fell de l'amour divin des C<Burs aussi foids qne les climats qu'ils hauitent. Diles-lui done de grand eCBLll' : Ecce ego, mille me, et vous dilaterez 8es entrai Ill'S pa­ternelles, et il VOllS dint, a son tom :-Allez all nom dLl Seigneur, allez etendre sa glolre et lilirl' benil' son nom: qll'il clerige llli­meme et accornpagne tOllS vos !'US! et bient6t vous volerez ,Joyeux jnS(lll'a nallS, et nons serrerons 1111 frere d~ plus dans nos lll'us, et nos enfanls viendront se jeter unx pieds d'lIll nOllVl'ULI Perl', et· SOllS ses PC1S et a l'echo de sa voix Ie desert tressuillerad'alle­gresse: l'enfer fremira de rage a la vue d'ul1 udversaire nouveau,

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et Ies Anges Gardiens <Ie ces contn3es accnilleron~ en triomphe un zele cooperateur. Telle est, mon Reverend et bIen cher Pere, l'heureuse destinee qui vons est acquise, pnisqne vous u:rez la Ste. ambition de la vouloir. En effet n'etes-vOlls pas deja exauce, parce que vozts avez efe un homm·e de desir, et que tout arrive selon sa l,riere a celui qni croit sans hesiter qu'it obtiendra ce qu'il de­mande; Cre(Nte quia fient, et advenient vobis.ItfOui, je VOLlS attends ]e printemps prodlain; il y aura place pour vons dans mon can at ; nails prierons, nOllS evangeliserons de concert: quel ne sera pas mon bonheur! car il est ecrit: malheur a celui qui est seul! et encore: Ie frere qui est aide pa?' son frere est comme une ville forte (Prov. 18), Nons remonterolls ensemble la Riviere des Fran~ais, que descendirent jadis ces piolliers du catholicisme qni scellerent de leur sang l'Evangile qu'ils avaient pl'Bche. Vons verrez les restes de cette Mission du St. Esprit, commencee par Ie P. Clau­de Pijast, il y a pIns de 200 ans. Que n'avez-vous pn m'y accompagnel' deja cet Me durant Ie sejour de quatre semaines que j'y ai fait! a travers les ronces et les epines clout je vons montrais tout-a-l'heurc rna ronte herissee, vous eussiez contemple des lys Il'une blancheur eclatante, respire des parfums de la plus agrt3a­ble odeur: je parle du lys de l'innocence, et de la bonne odem des vertns de J. C. Vons ellssiez admire avec moi cette assidnite aux exercices de la mission malgre la disette de vivres, cette ar­dem des enfants pour venir au catechisme et apprendre les prie­res, en sorte que tels, qui n'en savaient pas un mot lors de mon arrivee, ont pu avant mon depart, recevoir un cha pelet en recom­pense, parce qu'ils savaient Ie reciter. Vons eussiez vu une precaiere communion de jeunes et de vieux, avec renovation des pro messes du bapteme et consecration a la Ste. Vierge. Vou!! cussie?: ete temoin, entr'autres prodiges de la grace, d'un trait bien admirable de sa toute puissance a dompter les CCBllrS les plus 1ebelles. Mais puisque votre absence cette fois n'a pus ete tout­a-fait volontaire, je vais vous consolbr en vons racuntant Ie fait. Il ponrra edifier vos paroissiens, et faire comprendre aux as.'locies de la propagation de la foi, que leurs prieres sont plu:; efficaces pour h conversion des ames qne les efforts et les predications du missiol1naire.

J e terminais ma visite au Nipissing, 10rsql1e arriva unjeune ca­tholiql1e cense marie delmis UI1 un a une iniidele. Un scandale si revoltant etait l'CBuvre du beau-pere meme de ce jenne homme. Cell1i-ci s'etait laisse faire, avait pris pour femme la jeune fille qn 'on lui clol1nait, sans ressentir d'affectiol1 pour elle pendant pIns de trois mois, et' sans soupgonner meme qu'eHe ne fut pas chretienne.

Cependant, it force de se voir, l'affection vint, et malhenreuse­ment elle l1'etait deja que trop enracinee quand Ie pauvre jeune

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homme sut que sa pretendue femme u'etait pas meme baptisee et n'avait pas dn tout en vie de l'etre. Il voulut toute fois me

. faire accroire, dans notre premier entretien, qU'elle n'etait plus si ohstinee, et qu'elle avait dit qu'elle se femit ba ptiser si je Ie voulais. Tout joyeux de cet espoir, je vais la trouver avec Ie jellne homme. lVIais je l1e tarde pas a me persuader que celui-ci s'est fait illusion, on a vOlllu m'induire en erreur. Durant pres d'llne demie-heure, je n'obtiens de la jeune femme qu'nn silence distrait ou dedaigneux. Cependant, a force de lui representer avec donceur tout ce qu'une telle conduite a d'incollvenant et d'incivil, elle fin it par s'ouvrir, et repondre a mes questions J e lui fais articuler une a nne toutes les raisons qui l'empechent d'embrasser la priere. Elles etaient, pour la plupart, celles que ne cessent de rep Mer les infideles recalcitrants, c'e~t-a-dire autant de preceptes rlus ou moins puerils dont ils couvrent leur opiniatre. Il y avait neanmoins un certain nombre de prejuges et de calom­nies q u'f\lle semblait Cl'oire de bonne foi, et sur lesquels il ne me fut pas difficile de l'eclairer. Je passai plus de deux heures ala perorer, a lui opposer, d'un cOte, Ie bon hem et tOllS les avanta­ges d'une conversion sIncere, de l'autle les deplorables conse­

.quences qn'entrainerait sa persislance dans l'errellr. " 11 te faudra quitter ce jeune homme," lui dis-je ;" il te fau­

" dra retourner chez tes parents (ils resident a 4 lienes de la). " Car si ce Jeune homme t'aime, il est catholique, et il aim era je "pense, son ame et Ie grand Esprit plus que toi encore. D'ail­" leurs, les sauvages d'ici, qui sont tOllS Catholiques, ne pour­" ront souffrir pIllS long-temps au milieu d'eux un scandale si cri­" ant: ils te chasseront, et si, ce qu'a Dien 11e plaise, ton com­"plice ne veut pas te quitter, iIs Ie chasst'ront aussi."

C'etait, en effet, la dure extremile a laquelle on faillit se voir reduit. Quand je me suis convaincu que tous mes efforts pres de la femme sont infructueux, je prends l'homme 11 part, et lui nlis YO; j' q ll'il ne lui reste desormais qu'tm parti, rejeter loin de lui ce qui lui est peut-~tre plus chef que l'ceil, la main et Ie pied droit. Mais qu'el n'est pas mon etonnement de voir que les liens qui l'attachent a cette idol£' de chair sont deja devenus si forts, qn'il n'a pIns Ie courage de les rom pre, et qu'a c6te d'une endurcie dans l'crreur,je mevois sur les bras un endurci dans Ie crime. D'abord il me renvoie a l'ete; puis, sur mes instances, it finitpar m'a­vouer qu'une teJle separation lui sera desormais impossible, "par­" ce qu'ils sont devenns. trap parents:" Onzllm jigwa nind inaw2-mil. J'insiste bien pIllS fort, je lui montre leur illegitime unioll s'eternisant dans les fiamml s in fernales , II me promet d'aller consulter son oncle. Cclui-ei pr~che inutilement la jeune femme. La mere dujeune hon,me .en fait autant, mais avec asssi peu de succes.

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Quand je reviens m'informer de I'etat des chases, voyant tout desespere de la part de la femme, je veux tenter encore un det'­nier effort SIll' Ie jenne homme. Je Ie prends de nOllveau en par­ticulier, et lui nil tout ce qne Ie zele pent m'imp!rer de plus l;pr­~\lasif et de pIns ternssullt tour a tour, pour Ie ~etJrer dn .bollrl~ler. Tout a conpll se leve comme pour sortir, en dlsant: " Je n'all11e lJas de m'entel1nre gronder." Mais j'ai plutOt gaglle 1a porte que lui, et, m'appnyant Ctlntre pour lui barrel' Ie pass~ge: " At­tends encore," lui dis-j~, "je n'ai pas fini. Tu ll'allnes F1S a " entendre gronder, et moi j'aime el1('ore mains a le f~i reo Ma:is "puisque tn m'y obliges, je m'acqnitterai de ce pemble devolf, "et tn penx com pter que je ne te laisserai jamais en repus, tant "que tn continneras a clunner un si grand scandale." Il.s'a~sied tranquillelllent, rallul1le sa pipe, et ecoute tout ce que Je vcnx lui dire avec une patience qui m'etonne. Car j'avolle qUe' je ne Ie mellageai pas. "Eh bien, soit," lui clis·je, " tn t'en iras p8r­" mi ceux qll£ vivent a l'aveugZe (Pekwfmawisitjik), rar on nc te C< sOllIfriras plus parmi les Priants. "Tll t'cn irus mettre ta eon­"fiance, non plus dans la croix qui VOllS a rachetes, mais Idans "toutcs crs obscnres superstitions des payens. Tn tf. faas initier "a leurs mvsteres, tu battras du tambour, tn hurlenls leurs " chants prof .. wes, tll feras des offrandes cle tabac, etc., pom eire "heureux a la chasse, preserve du tonnerre, exempt de maladies, et vivre de long jams avec ta cO:lCubine."

ees reproches dnrcnt lui etre d'autant plus sensibles, que sa fui Mait encore tonte vive. et qu'ilne desirait rien tant que de voir le­gitimer ses liens rar Ie muriage. Aussi s'en alla-t-il precher de recbef celie qn'il vvulait voir chretienl1e en meme temps que son epollse. Sa mere se joignit encore une fvis a lui; m'ais ce ne fut qll'a ]a nuit tombante, all moment all je benissais, entl"autres sepultures, celie c1ll beall-pere de ce jeune homme, de celui-la m€nne qui, peut-etre plus par igllofallee qlle par malice, l'avuit precipite clans cet aUlme; ce ne fut qu'ulors que b jeune femme succomba heureusemcnt dans la triste lulte qu'elle avait soutenue tout Ie jour contre la divine misericorde. "Eh bien," secria­t-elle resolull1ent, "e'er. cst fait, je veux pier."

En effet, a peine suis-je de retour de la ceremonie fu11 chl'e, apres laquelle j'avais reveJe 1'obstillation des cou pa bles, et trace aux sauvages les l1leSllres severes ql1'ils avaient a prendre a lem eg~rd, qu'on m'avertit du changel11ent survenu. Je 11'en puis cr~lf.e mes oreilles; mais bientot ilm'en craire mes yellx: car VOICI la jelll1e fille accol11p[lg~ee de sa future belle mere et de qLl~lqnes at~lres qui s'en vient dp.l1lander Ie b~1ptel11e. Une revo­lutIon aUs:'1 brusq~le n-:e, c1e;:oncerte. J'hesite, je ne sais trop que penser de la sll1cente d line telle c1el1larc;he .. Je rie c<,.ehe pas mes craintes, j'interroge la postu!ante devant tout Ie monde,

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et" craignant qne Ie respect humain ne Pinlimide, je l'interroge­encure en particmlier, sur la pnrete de ses motifs dalls nne d.eter­milH.tion si subite et si contraire a ses dispositions anterienres .. Je lui filis sentir qu'ii vandrait mille fois miel1x :rester infic\(:ie,. que de se charger eru crime d\me hypocrite profimation. EUe m'affirme qne sa determination est sincere, base sur Ia crainte de Dien et Ies motifs les plus droits.

Qne fitil'e 1 Ie temps presse, on m'attend pour rattir; d'UI1 autre cMe, clIe ne reverra plus de pretres avant lwit a dix mois, et il est mori.lIemellt impossible de differer Ie mariage a. une epoque si eloignee. J e prends donc Ie pani de l'instruire a 1'instant meme des verites les plus essentielles, lui repMant succinctement, mais a plusieurs reprisps, ce que je lui avais deja e~pose plus au long dans nOIre entrevue de la matinee. Enfin, quaml je vois qn'elle comprend les mysteres de necessite de moyen, je la remets entre les mains an catechiste, pour qu'il les lui inculque encore d'a­vantage et lui apprellne a £lire Ie signe de la croix, pendant Ia confession ete son fL1tm epoux. Apres quoi, je Ia baptise, et les marie, au grand contentement de tout Ie monde. J e 11li donne une croix ~t nne medaille, ree0l11111ande a son pal'rain et a ba marraine de l'instruire de lellr mieux pendant tout ['hiver, et leur disant adieu, je m'embarque avec eeux qlli m'avaient amene Ie matin meme presque uniquement pour Ie sulLlt cle ces deux brebis egarees.

II est llllit hemE'S du soir, nons n'avolls pas sOllpe; mais n'im­porte, nous parlolls,. sanf a SOli reI' en arrivant: car il fant que j'aille concher a quatre lieues de' la, pOUl' profiter, Ie lendemain mal.in. d'une occasion de m'en retourner a. Manitouline. Au moment ou nutre canot s'eIoigne dLl rivage, des coups de [mils redoubles salnent r~ Pere, et rend graces aDieu du bienfait de cette visite. Bient6t nn ciel sef'lin fait place a la pluie de cette sombre jOlullee. C'est l'image de ce qni se passe duns mall 3.111e : tout Ie jour enveloppee comme cl'un epais ullage de tristesse, elIe a gemi sar,s 1e poids de plusiems scandales; m[jintenant q lie Ie principal a dispam par cette double victoire sur l'enfer, Ie nLlage se dissipe, et ta serenite renal!.

Cp,ci se passait 1:e 6 septembre, a c<>te du Poste de l'Hon, Com­pagnie de Ia Baie d'Huds:m situe SUI' la Riviere de l'Etmgeon, a 'environ nn ctemi mille de son en bOllchnre dans Ie l.ae Nipis­sing. Le lendemain. je traversais ce luc pour gagner Ie fameux portage dit de la ChatldieJ'e (akkik-enda). Ce nom lui vient, m'a­t-Oll dit, de deux cavite~ circulaires assez profondes, l'une grande, l'antre plus petite, qu'on arer~oit dans Ie roc au milieu elu portage, et qui rappelerent primitivement amr sauvages l'idee d'une chau­diere. J 'eus la consolation, pendant que .110tre dejeuller cllisait, d'pffrir La Ie St. Sacrifice snr un rocher taille a souhait paul' servi1l'

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<'Pantel. Une croix, plantee depuis au sommet ~e c~ rocher redir.a nux passants Ie mystere dout. ces lieux fLlrent temoms .. Les trOis joms suivants O"race a l'obliO"eallc~ de mes compagnons de voyage, Ie m~me bOl;h~ur me fut ~eserve: l'auguste victime descendit sur l:es autels massifs, dresses lao par la main del': siecles pour la recevoir, sans aHtre cortege presque que celui de .ses anges, tan­tOt <lU bruit imposant d'un rapide, tantOt dans sden.ce ~olennel du desert, au bard d'un rivage tranquille. Elle venalt s'mllTIolet sur Ie theatre memes des antiques superstitions. la peut-etre o~ 1'on avait offert au demon d'idolatri<lues sacrifices. El~e venalt racheter en6.n cette terre si long-tempg esclave du prmce des tlmebres, et laver dans son sang les innombrables souillures de ses crimes.

Pendant ce~ trois mois de mission, je n'ai fait que 13 baptemes d'adllltes, et re<,iu que 2 abjurations du protestantisme. J'ai .bap­tise en outre 27 enfants, fa.it 39 catechisl1'les, 176 instructIOns, entendn 1,200 confession.~ dont 24 glmerales, donne 347 commu­nions, 4 viatiques et autant d'extreme-onctions, fait 20 visite~ de malades, beni 55 sepultures, Ia plupart d'anciens morts, falt 6 mariages, re<,iu 60 personnes duns la confrerie dn scapulaire, et plante 3 grandes croix. Pour me reposer de cette petite besognE:, si chetive, mon Reverend Pere, en comparaison de la vOtre, 11 m'a faUll, en an-ivant, remplir trente-gLlatre pages de regi"tre. Puis, sont survenLlS des embaras, des difficultes, des com plots meITle trames par Ie pere du mensollge et l'ennemi de tout bien; ensorte que j'ai du differer jusqu'a ce jour a payer a votre reve­rence et a ses chers paroissiens Ie tribut de reconnaissance qu'elles ont droit d'attendre de moi. Venillez donc Irs assurer que je ne suis pas Ie senl a me souvenir de leurs bienfaits, mais que Ie R. P. Hanipaux devenu superieur de la mission, que tous nos sauvages enfin partagent ma gratitude. Oui, tous ensemble nous prions et nous prierons pour nos genereux bi<!nfaiteurs i et outre Ia recompense que leur bonne ceu vre leur assure dans l' eternite, nous voulons, comme il est just-e, que des cette vie les prieres de n?s cceurs reconnaissants soj~nt deja pour leur foi uue consolation blen douce. Et si ces details, tout simples et tout minines qu'ils sont, nc semblent pas indignes d'offrir a leur piete quelque in­teret, Je vous prie de leur en faire part, et j'ose les conjurer en retom de nons continuer Ie secours de leurs ferventes prieres, d,e redoubler meme, s'il est possible, leurs prieres, leurs pieuses im­portunites pres du maitre de la moisson pour qu'il dai<Tne yenvoyer d' t . b au r.es ouvners, ou du mains ramasser cette moisson eparse sous Ia mam de ceux qui sont deja occupes a Ia recueillir.

Et ceUe vive reconnaissance, et ces vcenx nouveaux,'qui regar­dent en general tous les gens de Laprairie, il va sans dire qu'ils s'adressent d'une maniere toute speciale aux enfants du pension-

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nat et des aut res ecoles. Y a-t-il rien, en effet, de puissant sur Ie C(Bl1r de Dien, comme la priere et l'aumone de 1'innocence 1 elles ont pour lui un charme irresistible. A leur tour, nos petits anges deR [arMs leveront souvent leurs mains vers Ie ciel, avec

'leurs ccenr'3 et leurs voix, pour leurs freres et leurs scellr~ de La­prajll~, de Longueuil et de Montreal. Car je sllpplierai Votte-Re­verence d'etre encore en man ,nom l'interprMe de la reconnais­sance uni,verselle de notre mission aupres des 200 pensionnuires au externes dn convent de Longueuil et des 300 jennes filles du ca­techisme de Perseverance de Montreal. Les vives sym rathies qu'ont excitees dans tous ces jeunes ccems, et les progres des sau­vages de notre He dans la foi et lil civilisation veritable, et les misel'es de ceux de leurs compatriotes qui vivent loin despr(,>tres

/et de la religion, ne me laisse'nt aUClln lieu de douter qu'ils ne contriuuent efficacement a leur bonheur ici-bas autant qu'a leur felieite dans Ie ciel, et que, zeIes missionnaires sans sortir du sein de la relraite ou de la famille, ils ne voient, au jour de leur passage a llne vie meilleure, venir au devant d'eux, pour leur tenir corE~.', des troupes de saints qu'ils amont faits sans Ie savoir. o 1'1lCureuse recompense du zElle, de Iii. priere et de l'aumone !

Je me recommande instamment a leurs prieres et aux vOtres, et suis. en union de vos Saints Sacrifices, dans les SS. Cceurs de JeSl!S, -,\lurie et Joseph, .

Mon Reverend Pere, Votre tres-humble et tout devone

Serviteur et £I-ere en N. S. N. M. J. FREMIOT, S. J.

Mi8sionnail'~ Sauvage.

Lettre d'un Pere Oblat, a Mgr. Bourget, Eveque de Montreal.

MONTREAL, 9 Janvier 1854.

MONSEIGNEUR,-Connaissant l'interet que vous portez aux <:eu­vres de Dieu, et en particLllier a l'<:eLlvre des missions, je viens avec confiance faire a Votre Grandeur Ie recit d'une excursion apostolique dans l'etat de New-York.

Depuis plusiem~ annees un grand nom bre de Canadiens quittent leur patrie pour aller chercher fortune chez nos voisins; esperant qu'unc £ois rendns sur Ii terre de la Iiberte, ils n'auront pIns rien II. fail-t). Pauvres avellgles! ils se trompent bien, car la plus qu'uilleurs l'oracle divin qui date des premiers joms du monde se realise a leuregard: tu gagneras ton pain a la sueur de ton front.

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Les lwhiles specnlatcurs Americains connaissllnt l'habilite. l'ad­dresse, l'aetivitc de nos bons Canadiens, savent e:\ploiter it leur avantage ees nohles qllalites d'ul1 pl'uple, pour qUt l'al'[lnr~t1.ce d'un lucre ('onsiderahle mais trompeurest comnnlnemcnt Irreins­tible. Le gain, he las ! l~'est done point a lem avantage pui"lll'a­pres pillsieurs unnees d'un dur It! bem, ils ne sont ni plll~ riches, ni plus heureux, tandis que eellX qui reslellt dans lem foyer par­viennent tOlljol~rs apres quelques annees de travail et d'ecoII?tllie' it realiser quelque chose. Plusieurs de ces pauvres ell1l:::rcs Ie reeon'naissent ; mais un orgueil mal place les re1.ient d" ll:, ces lienx pOin leur malhenr temporel et plus encore pour leur mal­heur spirituel. Nons avons pH nOlls en convuincre pl'r nous-

. memes pendant un sejour ussez prolonge an milieu (~'eux.. . . Vous avez ell cOllnaissance, Monseigneur, de la tnsle SltnatlOn

des Canadiens de Plattsbourgh, pilisqlle VOllS leur avez procmtJ Ie bienfuit d'llne mission, it l'issu de lclqllelle ils ont eu l'llvillliage non mains grand de posseder au milieu d'eux, a .residence fixe! deux pretres parlunt lell\' langlle. Et VOllS due Ie UICLJ ~UI s'est opere dermis quelques mois dUllS ees purages, est ch(,~~ Im­possible. Cette population qui excituit naguere la pitie et pres­qlle Ie mepris, excite alljollrd'hui l'interet et l'adrniratioll dl' l:ellX all milieu de~quels eHe se trouve.Tant it est vrai querla rtligio!l re­leve l'homrne et Ie rend grand, non seulement aux yeux de ;)it'u, mais encore [lUX yeux de ses sembla bles. Ce serait IJiPl1 ] e cas de rapre1er ici Ies pUl'olts d'nne grand hom me: " La reI ig i(.ll ca­"tholiqne, disuit-il, qui semble n'uvoir pour but que de cOIJ,luire " 1'homl11e a l'eternite hcurense,lll i prllcm-e encore ie-i-bus cI ( ~ I,iens " inappreciables." Le souffle divin de la religion de JeSl1:-,-Cbrist a donc pom ainsi dire ressuseite ee pellple qui vit muinienant d~ulle vie nOllvelle, et qui prouve par ses sacrifices jourlaliE'rs l'lLJ~UenCe snrhllU1uine de la sainte religion catholi(lllt'. Une Egll1:le de cent vingt-cinq pieds de longueur, sm cinqnanl f' a cin­quante cinq de largNu, sort majestueusement de ses foud .. tiuns ; et on espere d'y ceiebrer avant pell les Bamts Mysteres, et y dis­trihucr la parole de Dieu a ee pellple avide de l'entendre.

La eonduite de lu Congregation Franco-Canadienne de Platts­~:lOllrgh, par suite de la missiun qui lui a Me donnee, a exc(I.,e llne ll1fillenCe extraor,linaire sur les autres populations avoi~inCll1tes parlant la meme lungLle, et leur a fuit desirer a elles um;s: les avantages d'llne mission .

. Kees('ville a suivi de pres Plattsbonrgh. Jl serait diffir.ilt', ;,'lon­selgneur,_ de VOllS dire les sacrifices que s'est imposes ct: !l'uple, pOllr avon un pretre parlant sa langue. Mais enfin, le~ efforts genereux et cutholiques de ces Lons Canudiens ont ete C,';I rUlll1eS d'll~l plein sncces: Une Eglise appartenant a une secte, dUlliinant maJestuellsement Ie village, est devel1ue leur propriete. L: "is il

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fallnit un pl'Mre ;-ou Ie Irouver 1 Lems reg,mls se sont tonrnes vers ce pays si emjnemment catholiqlle, d'u,u devait leur venir ce ser.onr~ si ardemment desire. VOllS aVl'Z VU, Monseignenr, <111el­ques-Hils d'entl'e eux pl'osternes aux pieds de Votre Grandenr, VOllS demundant, les larmf's aux yenx, de ne poil1t lcs lai~ser orplwlins. Votte crelll' d'Eveqlle et de pere s'est luisse attendrir, et e'()~t alors que VOllS avez const'nti a leur donner un de vos P1'6-tres, pour les guider dans les voies spirituelles. Ces ccems dans les'iue:s Ia foi de leurs peres s'est con~ervee intacte, n'oublit'l'ont jamnis ces bienfaits qu'ils savent appl'ecit't',--Cet etat de misere spirituelle qui les portait a solliciter si ardemment des ~eCOllfS, avait pousse au milieu d'eux de profondes raC'ines. En effet, qui dim Ie tristp. abandon dans leqnel sa trouvaient ces pallvl'es gens par ~'lite de la repugnance qu'ils ep ouvellt, et des difficilltes d'une langlle qu'ils Ile connaissent point, pour se mettre en rapport avec des pi etres qui parlent a peille quelques mots de ft'ant;ais. De Ill. l'ignorance prl'fomle de leuts, devoirs de chretiens ; eIoignement des <acremcnts ; onLli presque com plet de leurs dest inees eter­nellcs. D'ou il est facile de comprendre qu'un grand nOl11bre etait parvenn a un age avan3'}, sans a\'oir fuit de premiere com~ mnnion. Nons avons m6me trouve lin cprlaill nombre d'adlilles, encore illfideles ; grand nombre de mariages conlractes illieite­ment, mariages qui sont la source de bien des desorclres; car des l'instant qu'il se presente quelques diffi"ultes dans Ie mari;lge, il ne coute point anx el'oux de se separer' pour passel' a de nonvelles alliances. Nous ponrriolls VOliS en ci­ter pilisienrs qui sont Sllccessvem ent rtlu ries juSqll'll. cinf) fois du vivant de celles avec qui ils avnient cOlltmcte. Ceci donne une iuee de l'etat moral de ces pauvres, Calladiens. lis se tron­vent mnsi je'tes p~tr Ie malheur sur nile terre etrangere, et la, rri\"l::,~ de seconrs, vivent sallS foi, sallS Dien, ~nns religion. NOLlS

dE'vons dire "ependant qn'il ya de nobles exceptions; qne la foi s'est eunserve intacte dans un grund nombre de creurs, et qne des Ie moment que la voix de la religion sc filit entendre, In foi se reveille ardente dans tons les rcems; tOlit relltre dans l'or(lre, a la plus grande gloire de Dien qu'il semLlait avoir abandonne. En voici la prenve.

Pendant trois semaines nons avons d,)llnll les exercices de la mi~'ol1 a. Keeseville; la pornlation el1lpr!'s~ce se rl'ndait trois fllis Ie jour a l'Eglise, au SOil d'une snperbe cluehe qui fut benite an commencement des exercices; et let rt'ligieuse ultelltion avec lu­quelk cps pauvres gens ecol1taient la·purole de Dien est au-des­sus de tout cloge. Des IE'S prel1liersjours, les t.r;hunaux de la pe­nifeLice sont encomhres, et a meSllre qlle la nOll velie de la mission s'e'tend au loin, nOliS voyol1s accourir de dix, qll;nze, vingt. trente etjllsl1l1'a cinquante mille, de panvres personn!'s de tuut age, de

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tout sexe, bravant les fatigues pour participer aux gran ~ lienfait~, que la divine providence leur aVI~i~ reserve .dans s?n mfil1Je ml­sericorde. Ce sont de pauvres vlelllards qm n'avaJent pas vu ?e pretres depuis bien longtemps, qui avaient n~glige .leurs devo~rs de chretiens depuis de longues annees, ct qm venalent nOllS dllt: les larmes aux yellX: " Mon Pere, pensez-vous qu'il y ait enc?r~ " du pardon a esperer pour moi; voila bien lo~gte~ps Clue J'~l " quitte mon cher Canada, et depuis ce temps, Je nUl nen faIt " pour mon Dieu.... On oubtie vite, mon pere... Ah! ce n'est " pas ce que m'avait dit mon pasteur, mais helas! je n'ai pas " suivi ses conseils!... J e ne comprenais pas l'anglais ... ". Tant6t c'etaient de pau vres femmes qui avait franchi de longues dIstances a pied, par de mauvais chemins, portant dam leurs bra~ leurs,pe-, tits enffl.lls, n'ayant point mange de la journee, et qUI ven:ll~nt . nOllS dire: " Pourrais-je me confesser, mon pere 1 je suis de bIen " loin, et j'ai laisse d'autres petits enfans dans la maison ala " garde de Dieu. Je ne sa is ou me loger,je suis pauvre." Tan­tM c'etaient de grands gar~ons, desjellnes filles qui n?ll~ demandaient: " Pourrais-je fliire rna premiere communion 1 J'al " perdu mes parents, bien jeune."-" Savez-vous vos priel'es 1 " un peu de catechisme 1 "-" Non, mon pere; je n'ai jamnis en­" tendu parlerdu bon Dieu; j'ai He eleve chez les Americains." VOlli; Ie dirai-je, Monseigneur, pillsieurs ne savaient pas mellie le Notre Pere. It a doncfallu leur montrer leurs prieres; les principa­les verites de la religion, et cela en quelques joms, car ils ne pou­vaient disposer d'un temps bien long, ne pouvant subsistel' que dn travail de leurs mains. Pauvres enfants! que deviendrol' ,-ils 1 Quoique pleins de bonne volonte au milieu de leur bois, pri\es de secours et d'instruction,je Ie repete,que deviendront-ils 7 Que Dieu et labonneVierge Marie veillent sur eux! Nous Rvons clllacol1so1a­tion de faire faire la premiere communion a un grand nom bre, et de bllllir une soixantaine de mariages contractes devant Ie Squire, de recevoir au nombre des enfants de l'eglise sept ou hllit Ame­ricains ou Allemands encore infideles. Plus de dix-huit cents Canadiens se sont approches de la Sainte Table. Combien notre ccellr a ete rejoui Ie jour de la communion gtlllerale des [Y,mmes, en voyant se presenter au banquet divin avec une piMe d'anges ces bons Canadiens, parmi lesquels un grand nombre n'avait pas eu Ie bonheur de s'approcher des Sacrements depuis 1011~lleS an­nees, un certain nombre qui ne pratiquaient plus aucune ~eligion. Et ceux-la surtout se distinguaient par leur piete, leur modestie et leur ferveur. Oh! c'est alors que Ie missionnaire est heureux ! C'est alol's. qu'il oublie ses fatigues pour entol1ner Ie c:llltique de la reconnalS!>'3.nce pour tout Ie bien qu'il a pIn au bon Dieu d'o­perer par son ministere.

Un autre besoin qui se faisait profondement sentir, c'etait celui

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de la temperance; car Ie vice de l'ivl'Ognerie exer~ait dans cette­population les plus grands ravages. Et dela, Monseigneur, juge7-lkce qui devait en 8uivre. Le jour de la reunion des hommes, nOlS en avons vu plus de douze cents accourir de tOllte part pour entendre precher la temperance; et a la suite, nons avons en 1a consolation de voir l'immense majorite s'enroler SOllS l'etendaril! de 1>1 temperance. Et qllelques jours, apres cenx qui etaient restes en arriere ont suivi l'exemple genereux de leuTs freres, de maniere que I'on pent compter facilement ceux qui n'ont pas embrasse la temperance. ,

Permettez-moi, Monseigneur, de vous rapporter ici un petit trait quia beaucoup servi a confirmer les bons temperants dans 1em' glmereuse resolution :-Un pauvre malheurenx, charretier d-:: me­tier; qui n'avait pas voulu prendre l'engagement, voyageait avec sa voiture; il tronva une cmche, et s'ecria: "bonne affaire; si j'avais embrasse la temperance, je ne pour"lis pas aujourd'hui me regaler; voici de la bonne boisson :"-ce disant,il porte Ie crllchon Ii sa bOllche pour avaler un bon coup. II pas1>e un second charre­tier qui Ie suivait: celui-ci refuse de lloire. Un troisieme imita l'exemple dn premier, mais avec plus, lle reserve, pnis il rendit Ie crllchon a celui qlli l'avait trouve, et qui l'approcha de nouveau de ses levres pour anosel son gosier avide; mais helas! a peine 1a boisson fut-eUe descendue dans son estomac, qu'il eprollva des douleu.ls tres aigiies, et apres quelque temps tomba sans connais­sance. Celui qui en avait pris d'une maniere plus moderee, se trouva ega1ement mal. On transporta I'e premier d:UlS sa maison, toujOllrS sans connaissance. Sa semme et ses enfunts sont dans la desolation: mon mariest mort! mon pete est mort! Le doc­teur est appele: Ie doctenr constate que Ie malhellreux est em­poisonne; en effet Ia boisson qu'il trouvait si deIiciellse n'etait autre chose qu'nn poison tresviolent. VOllsvoyez, Monseigneur" que Dieu poursuit partout ce vice infitme, qui a fait tant de mal au pays, et qui en fait encore tOllS les JOUJIS, par les accidents qui arrivent a chaque instant pour faire onvrir 1es yenx an malheu­reux qui s'y laissent en trainer.

Je ne parlerai point,a votre Grandetu du zele avec Iequel res Catho1iques de Keeseville se sont emoles dans la confreJie du Saint Scaplllaire, ni nOll plus du zele admirable que quelques jeunes hommes ont montre pour venir assister apres lem jonrnee faite, a l'office du soir qui se terminait it l'ordinaire a 8 h., retour­nant chez eux a pied et a une distance considerable de l'E!!Jise.' Je ne parlerai pas non phis de~1a generosite que tOllS ont montre, ponr sllbvenir aux frais que Ia mission entraine. J e me hlite de vous dire un mot des bonnes gens de la Fourchette. La Four­chette est un charmant endroit a 12 miUes de K~eseville, situe sur la meme riviere j c'est un petit Canada la comme a Keeseville.

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Les manufactures, les forges, occupent un nombre consideraq.1e .de braves Canadiens.

J alullx du bonheur de leurs freres de Keeseville, desf'sperant .d'avoir Ie bonhenr de posseder les missionnaires ql1elqllesjo~lts an milien d'enx, un certain nombre s'etuit rendn a Keeseville flour prendre part a la mi~sion. Mais peu pOLlvaitllt .Ie faire. 'C'est alors qn'ils deputerent quelques notables d'entr'eyx pour nons suppli<!r d'avoir pitie d'eux, de vouloir bien les vislier pen­dant quelques joms. Comment re&ister a un cl.e~ir ~i clw3tien 1 Notls nons rendimes donc a lenrs pressantes solhCltatlOns, et nons trouvames 13. un peuple digne dll plus vif interet. Le temps que ·nOllS pass ames an milien d'ellx fut court, muis la moisson abon­dante. Non seulement les habitants des environs, maisceux de Blaek-Brook qui s'etend a une tres grande distance du.eMe dl' Me­lone, descenairent en masse pour prendre part aux exercices, et recllcillirent avec avidit6 les graces que Ie Seigneur leur presel!­tait. Parmi enx un certuin nom l,re avaientcoll1 pletement oubh.e Ie chemln de l'Eglise, et n'uviiient pas -entendu la messe dppms leur uepart de leurs paroisses dn Canada. Mais disons Ie a leur honneur, leur foi se reveillait camme anx beaux jours de leu!' en­fance. Que de larmes .ont coule de leurs yeux attendris, en se voyallt rennis en si grand nom'bre dans leur charmante petite Egli­se, que quelques-uJ1s n'avaient jamais vue, ct qui leur rappe!lQit leur cher Canada. La commea Kee~eville, grand namhre vivaient loin de Dieu, mais la grace cut snr eux Ie meme empire que sur If'urs voi ,ins. La comme a Keeseville, Pivrogllerie faisait ses ravages, mais la temperance a pOllsse en pen du temps de profondes ra­cines j tous en massc se sont enroles sons son noble etendard qui doit Ie!> condllire de victoire en victoi.re, et les rendre grands d<!­vant Diell et devant les hummes. Oh! Monseigneur, que at' bien ·il yauruit a faire dUllS ce charmant petit enLiroit, 8i votre crnur generenx vOlllait les fuvori»er ·comme leurs freres de Kccsevi Ie, d'nn pretre pf1rlant leur 11l1g11e. Allclln sacrifice ne leur coute­·mit: nn pre&bytere serait 'biiti en pen de temps; l'Egli~e elargi­.rait ses mnTS, pOll! recevoir en p1us grand nombre l,~s brebis qui ViVPllt loin de la maison d'Jsrael, errantes e.t vngabondes dUllS

les l,o:s d"ilentour. f:ii k cl1lte \.atholique etait la en \'ioueur, on verrait des Americains entrer dans Ie sf'in de 1'.Eglise C~tholiqlle. Esperol1S que les VCBlIX de ces bons Canadiens se realiseront tot au tard.

Le souvenir dupays; des bt'au"( offices des Eglises du Canada fi~ con.servera la. ble.n avant duns It'S CCBurs. Voir,i lm petit trait bIen'Slmple, mals bIen tOllchaut: avant de sortir de l'Eglise, an ~oll1en~ d.e nOll,S sepf1re~ d'ellx, une bonne Canadienne s'approche d UI1 ml~slollnalre, et 1m dit, les lannes aux yellx: man pere vous !lOllS ql1lttez, pour retollrner en Canada! Ah! 111011 Diell, quaml

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me sera~t-il do.nne de Ie revoir mo.i-m~me 1 et disant ces mots, elle al~a se prostl'rner all pied de I'autel en plemant a ehaudes larmes. Ce vrnu est dans bien des crnurs. Mais bien des obstacles en em­pechent l'acco.mplissement.

Ce n'est pas en quelques joms, MODseigneur, que nons avons pu rennir ces panvres Canadieus dissemines dans les bois, les nns faisnnt du charho.n, les autr.es extrayant Ie minerais, d'autres bu­chantdu buis; et cela pOll!" gagnerl1n miserable morceau de pain. n faudrait plusieurs muis pum co.nnaitre leurs profondes miseres tempordles et spirituelles. Nous en avons assez dit cependant puur qne votre crnur s'attendrit sur Ie surt de ces pallvres orphe­lins, quiont ete Vo.s enfanls, et qui quoique sous nne autre huu­lette so.nt toujours chers a votre ernur t;t dignes de votre cum pas­!Sion.

Laisse:(: moi, Monseigneur, vons dire un mot sur Hne autre po­pulation encure plus numbreuse et encore plus ma!heureuse d'a­pres ce que j'ai pu connaitre sur difi'erents rappurts, qni m 'ont ete faits. J e venx parler des Canadiens d'Ogdensburgh. Il y a Iii dans un rayon de 5 a 6 milles, plus de 500 familIes Canadiennes; et j'ai eu la dOll leur d'apprendre qu'tln certain nombre de Cana­diens o.nt apostasie, chose assez rare dans les Etats. Volre Grandenr voudra bien m'exempter de lui en faire connaitre les causes. Ces pmlvres gens sollpirent depuis long-temps apres Ie bienfait d'une mission: ·ils 80 sont adresses a plusieurs rt'prises a Monseigneur I'Eveque de By town, ils ont ecrit piusieurs f(\is 11 M{)ntreal, demandant un secours qu'ils n'ont pas eu jusqu'au­jourd'hui. C'est bien a eux qu'tl convient d'appliqner les paro­les du prophete: Pnrvuli ptiierunt panem, et non trat qui J1·ongeref· eis. De petits enfan1s ont demande du pain, et il n'y a eu per­sonne ponr Ie leur dist'ibuer. II est vrai que les missionllaires de­vaient les visiter dans Ie courant de l'hiver, mais des difficultes sont venues les en emp-echer.

J'ai la douce confiance, Mo.nscigneur, que Vo.tre Grandedr Sll

laiss'era attendrir sur leur malheureux sort, et que Ie !"Jrintemps procham Vo.llS pourrez leur envoyer vos missiunnaires. S'il est vrui que yhaque annee il faille faire tant de sacrifices puur evan­geliser ql1elqu('s sauvages, qui sont certainement dignes de pitie ; il est penible a un rmurcatbolique de voir perir a nos portes pal!' centaines les domestiques de fa foi. To.ut en continuant d'eval1-geliser les sauvages, IlOUS devrions mire tOllS nos effurts pour que ceux qui connaissen1. deja notre sainte religion, ne soient pas exposes a la perdre, et en'"la perdant, devenir pires que des sau­vages. Maintenant ne pouvant ~lrreter l'emigration, il est urgent. de prendre des moyens pour qne ces pauvres malheurellx en quit­tant leur pays, ne perdent point leur foi, leur am..:, leur eterhite. Ce serait une mllvre bien agreable aDieu qlW quelques-uBs de'

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vos 111issionnaires re~ussent n11e miosion specialc de pareomir. mlll seult'111t'nt ['Mat de .New-York, lllais encore plusienrs aut res etats qui sont remplis de Cal1adiel1s-rrull~ajs, et a peu pres tOUR aban­donnes a raison des di~tane('s j111ll1enses uu jls se troavent des Eglises', et des aulres ddficultes q lie j'ai deja f'xp(lsees, 11" y aurait la, Munseignem, une rnoissun bien abondante a fecueillir. Com­me les anges dL! ciel souriralent au retour de tant d'enrants pro­dig',e<> dans Ie s3i11 de Iu 111a,S0I1 paterneUe! J e sui:;: persuude, Monseigneur, que si quelques-ims de vos bOilS et zeles pretres voyaient de leurs yeux leurs compatriott's dissemines c;a et 130 ,ur Ie vaste territoire de l'U nioll; et ellsuite s'ils suvaiellt les conso­larions que nons avons ressenties nonS-111611]('S; a l'exemple de qUE'hjues nils de lE'llfS confreres, ils vuleruil'nt a leur f'ecuurs, et Votre Grandeur serait henrenx de lellr dire: allez apotre de J. C., allez au secour., des br<:>Lis de la maisoll d'lsrael qlli sontegarees, et l'<lmenez les dans Ie l)['rcai1. Dieu benirait vos sacrifices. C'est Ie yam qne nons furmol1s chaque jour pour Ie bunheur de ces pauvres ahandonlles. .

R~cevez, Monseigneur, l'assurance de rna profunde veneration, et de mon parfait devouement.

UN DE VOS MISSIO~NAUtES.

Lettre de M. Ney·ron, cure de Keeseville, E. U., u Mgr. Bourget, Eveque de Montreal.

KEESEVILLE, LE 17 DtCElIIBRE 1853. MONSEIGNEUR,-Je sais comTJien Volre GrandP.lu s'interesse

vivement au saint et an bien-~tre des enfants du Canada repan­dus par millier3 sur la surfwe des Etats-U nis, et qni pour Ie,grand nomhre viennel1t dll Diocese de Montreal. Pauvrrs enfilflts qui ont qnilte l'air pur des champs dbf'riches I)'lr leurs a'iel1x, les tou­ch<Jlltes solenniH:s de la religion de lems peres, pour s'enfermer dansles ateliers obscurs et SOli vent illti>Ct de [,industrie et se voir expo,es en retour de leur rndes travaux a perdre leur foi, au mi­lieu de:.; sectes infidelcs et heretiques qui pullulent Sllr Ie sol Americain! Toutefui~ par une protection tout.e particllliere et ' bien admirable de la providence, nos bons Canadiens. a part quel­ques r;;res defections, ont conserve llll vi f. attachement a la reli!';ion catholiqlle, et its ne soupirent qu'apres Ie moment ou ils pour.ront avoir des rretres qui Illlisscnt leur en rappeler les divins ,enselgnements dalls la langne de lellr;; peres et leur en faire gou­ter In pratIque. Graces a votre sollicitude Mnllseicrneur et a la gelleru:s~te avec laquelle VOIlS failes part' de votr~ aho~dance a. e~ux qm sont dans la detresse et Ie besoin, voila deja plusieurs

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milliers de s~s infhrll1nes ('ompalriotrs qui voit'nt le\ll'~ \'(£UX

exallces et qui fie rejllllis~ent de pOllvuir entendre ,la I'"rule de Dietl duns !a lung-ne qui lellrf'~t ehere, et t!'avuil' sous Ie'" yrux les tOllchnnles wlennites lJui leur rappcllellt la patrie. J)e~ ('on­gregations Canadiennes llumi,rellsrs et flur;ssanles fie f~nllcllt au milif'u de nos ii'eres SepalllS qui en sont tOlIt emerveilles llt's(tehant comment s'exp!iqllt'r cetle pltissance de la religiun cnlllOliq\l'e qui tr,ll1SrUfme si \'ite en homn.t's t"l1Jf erans et respec1uule::, eo; 00111-

mes gll'ils s'efaient habitnes a regarder COllll1le dt's gt'IIB tont !l. fait abntis. Vous (:onnaissez deja, iVJollseigneur, lous l;'s I'l'cdiges de gdlCl>s et de conversion par l~sqnels Dieu a marq lie Ie I':lssage des l1lissionnaires a Plattsbourg, etJans guelle fervellr s,~ CUllserve ~etttl congn':gatiull SOliS la sage direction des Reverends Peres OLluts. '

Pen de temps apres mon arrivee a Keeseville OU je m(' suis fixe avec l'aglement de Volrt' Grandeur, ponr des::;ervir Ie,; Cana­diens, je me suis convaincu qn'llne reluite de plusieurs sl'lllaines eluI('nt, ahsoiument necessai re pour ra.menE'r dans la voic (In snlut tant de paul"rcs eatllOliyues qui df'puis nombre d'allnees ne I'll­taieiJt plus que de nOI11; et c'est dans cetle persllatiun que j'ai pri,., Ie Superieur des missionllail"es de volre Dioce:se de lII'en~ voyer qucLlues peres ponI m'aidt>r a lravailler a let COl1verf;iun du peuple qui m'et:.tit cOlltie. Ma priere u ele exaueee, et .i'ni <'11 In. consolation de VOlr urriver a mOll seCOllts quatre zeies mi,'sion­naires, Ie pere Lagier, Ie pere ROlli:>se, Ie pere Royer, Ie pere An­toine, qui ont ollvert les exercires de lu mission Ie premier diman­che de i'Avellt, 27 novemhre dernit'r. La semellce de ia divino parole n'est point tom bee sur un sol in gmt et sfel'ile, et l'eI11pres­sement de nos hOllS CanuLiiens a repondre au zele et a l'inlatiga­bie arueur de ces hommes de Diell les a al11plelllen t , dedol.1lma. ges de leur peines et de lellfs fatignes. En un mol lellrs tm. van x apostoiiqnes ont ele cOllfonnes du sucres Ie plus "uller et 10 plus con~ohnt. Pendant trois semaines cntiert's, les exereices de la r~tr"ite, Qnt Me sllivis avec une rdmiraLle assiclnite, \lOll sen­len1ent p!'lr les gens d'atenl'Olus, nmis encore par des fu,:.iHes en­tierc's qui accolll'tlient de dix, yingt et meme de 1rl:'11te ct '1ua­rante milles, Ja plupart 11 pied et pallvrement velus pOllr r, cueil­lir les graces de la mission. Voici, Monseigneur, Ie reSlllult des travaux de vas bOilS missionn:Jire penriant les jours lSi lalll I'ieuse­ment employes qu'ils ORt passes a Keeseville. Dix-huit cI'nts personl1E's out cllmnmni,e, parmi I~quelles plus. de cenl, UI.) S~W.6 aus et au dessns ll'avaltfnt pas fillt 'leur premH~rc CUIll III I I lIlon. Qna'l'ante mariages faits par IE'S ministres ou les magl;;trats ont ela benis. Douze aciultes unt cl'e buptises, et qualre de 1l0S Ii-eres sep:Hes ant 'ele rrc;us dans ie sein de r eglise. Enfin la C()llgre· gation en masse s'est enrolee suus !'etenJ.al't de let 'l'elllpclance.

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C'est 1;\ un beau triomphe pour la religion qui etonne fes protes~ tans et les ebranle au point que je crois qne plusieurs seraient disposes a se rendre a la verite, si on pouvait S'occ~lper .d'eux. Apres avoir termine II's exercices a Keeseville, vos mfatlg~bleg missionnaires se sont rendns aux VCBUX des nombreux Canudlem, residents a la Fourchette ou est et" bli Ull frere du docteur Davi~ gnon, qui lui-mf:me est un medecin de merite qui a beau coup contribne 11 entretenir parmi ses compatriotes l'esprit de nation a­lite. Les catholiques ont Iii unejolie petit.e eglise, et Ie pretre Ir­landais de Keeseville va les desservir tOllS les deux dimanches. Les Canadiens de cette localite qui avaient des moyens de transport s'Ctaient rendus a la mission de Keeseville, mais nn grand nombr€l de leurs freres qui travaillent dans les forges ou dans les bois n'a-· vaient pu en profiter. lIs ont fait demander avec tant d'instafiCe !lUX peres qu'ils vinssent les visiter,qu'il<; n'ont pn resister et qu'ils leur ont accorde quatre joms de retraite. Temps bien court, mais aussi bien employe; presque sept ccnts personnes ont approche de Xa Ste. Table, llUit mariuges rehabi1iteos et 1a Temperance em~ brassee avec enthoLlsiasme. Le docteur Davignon surtout, n'a point demellti dans cette occasion Ia piete hereditaire dans sa fa~ mille, on l'a Vll malgre ses nombreuses occupations, toujonrs as­sidu aux eXercices, amener lui-meme les pee-hems les plus obti­nes et commlluier avec Ja ferveur d'un ange. Uue chose manque encore a son bonhenr, e:-;perons que Ie bel exemple qu'il a donnlf et ses prieres ne tarderont pas de Ie lui meriter.

Vons voyez, Monseigneur, par ce court. expose que leg bons Ca4 nadiens :ClOnt toUjOllfS bien dignes d'interet meme aux Etats.Unis et qu'ihl deviendraient bicntot de bOilS catholiques s'ils avaient a~ milieu d'eux des pretres, qui pourraient les instyuire dans leur :!angne. Comme ce sont 1a plupart de vos anciens dioce5ains veuillez, Monseigneur, let! considerer encore com me vos enfans' les uenir et continner de pourvoir a leurs besoins spiritl.1eis, car ii y en a encore nn grand nombre qui lee-lament Ie pain de vie et qui n'ont personne pour Ie leur rompre. Jemerecommande en particulier avos saintes prieres, car j'ai un travail qui m'effi:aye et surpasse dl' beane-oup mes forces.

J'ai l'ilonDem d'etre avec un pro fond respect, Mon~eigneur, de Vutre Grandeur,

Le tres-humb}e et tres-obeissant serviteur, R. NEYRON, PTRE.

, P. S.~Je ve~~is ~e termi?er ma lethe, quand it'm'est revenU! a la pensee que J avalS Ie proJet de former nne association a l'ins­tar. de celle qu'a. foncH)' it Montreal, M. Picard, pr~tre dll serrii­nane. J; c~nnais. assez Ie: ~ele de ~e mo~siellr, pour etre per~ l3uadlJ qu 11 se [eralt un plaullr de venn m'alder ponE cettg CBllvr6

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ql~i lui, est chere ('t porlr Ie progres de laquelle Dieu semble lUI aVOIr departi un don particulier. Mais je n'oserais m'a­dresser au Superieur dll Seminaire pour obtenir qu'il vint passer quel,ques jours ici, car je sais d'avallce que cette permission lui ser:l1t refusee. C'est pourquoi je m'adresse a VallS, Monseigneur, persna,de que si Votre Grandeur vent bien s'employer anpres du bon M. BlllaHdelle, tout obstacle s'applanira et M. Picard puurra venir expliquer les avantages de son reuvre a ses compatl:iotcs des Etats et funder ici nne florissante association.

J'ai l'honnenr de vous renouveller l'expression du profond res­pect avec leqnel,je suis,

Monseigneur, Votre tn3s-humble e~ tres-obeissant servitem,

R. NEYRON, PTRE.

Letire de Mr Pominville, mzsswnnat're des Townships de Rawdon, Ghertsey, etc" etc., il Mgr Bourget, Eveque de

Montreal.

MONsEIGNEuR,-Dans Ie but de repondre a In. demnnde que Votre Grandenr a bien daigne we faire an slljet de quelques ren­seignements sur rna nOll velie mission de Cherlsey et autres Townships voisins, j'ai l'hollnenr de lui adresser les quclqnes notes suivantes.

Chertsey est un Township, situe dans Ie nord dll Diocese de Montreal, contenant un territoire de pas moills de cent milles quarres. 11 est Lorne au sud par Ie Township de Rawdon; au. sud ouest, par Ie Township de Wexfocd; an norel-est, par Ie Township de Cathcart; et au nord par Ie Township nouvelle­ment erige de Chilton.

Les personnes; que la fortune ou plutOt la divine Providence a. bien VOUlll favoriser ell .ceUe vie en Ie:;; plal1ant dans les villles. dans les beaux villages et les riches campagnes que ron admire en pafcouran t 10. fertil e \rallee dn St. Lament, ne sau mient se former une idee exacte de ce qu'est un Township, dans les lllon­tagnes dll nord, surtuut. Environnees de tout ce qne 1'011 peut trou vel' df pIns somptnen:, de tont ce qui pent salisrair ,Ies moin­dres desits et procurer toutrs Jes aises, elles voient s'eculiler lem vie agreablement au sein de jouissance,s de toutes SOltes, et de plaisirs que l'aisance et 10. richesse sont cap£\bles r:"oifrir anx heu­reux de .ce bas mon,le: compagnies elegantes, OU tout n'est que somire i. spectacles attrayant par lem variete; promenades agre­abIes etfucile:l par de belles routes semees de fiems, II. travers lea

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qnellt's on se voit entraine l110Jlement conche dtu:s dE's voitmes, dont Ie ltlxe Ie disl\ute avec la f1chesse et Ia rnngl1lficense des at­tel:!!!!'s: voila, lh1lJ" les villes, qlleiclUI'S nnes des bellt?s choses, dont "OS cal,}";ces sont \Iien vite futi:,wes: mais ch'lses ql1e 1'on ne cloit Illillement s'attend re it tWllver dans Ie Towuship de Chert­sey.

Bien loin de l:i : pom s'en former line idee, concevez un pays uniqlleLllt'nt compose de mont,lgnes, lju'il a pIll uu Createllr de la :;ser tomber de sa main toute pLlissance, jetees la pele mele; formal" de longues chaines, qlli se croisent en tout seilS, et tUll­

tot fill"l1lent c1e~ piC's menac;ant,; qui s'elnncent jusqn'allx nues; tantol s·nllongent mollE'l1lE'llt et "LlUS presE'ntent duns leurs vastes fianc::-; IInc donce decli vile. qui VOllS C'ondllit inf'ensililernent sur les 110rdsd'lIn beau lac, om·ant avos regurJs Ie miroir de scs eaux limpiLie<;, camme ponr rE'poser vos yellx de la fatigue o("casionnee par J" ~Jlectaele elm et sauvage des rue hers escarpes qui VOllS enviroIJllE'nt. Crs lucs sont en tres grand nomlHe; et quelques llns n~'('z t:.pncieux. lis se declJargent taus les L'ns dans Ies autres et fUfilll'nl. en plusieurs endroits ues cascadl's 8t des chutes magni­fiqne.'. Le poj~son y est abondant, snrtollt la f,·/Jite WU1ll0nnte: on en trullvent qlli pese de quinze a vingt livr('s, et qui sout capa­bles d'oiirir all gourmet experimente Ie 111ets Ie plus exql1is qu'il lui soi' clo:lne de savonrer. Des uiseatlx, allssi, de toutes sortes vienll('nt se bJigner et prrl1dre leurs ehats . i:1l18 les eaux de ees lacs: \'OIIS les voyez aHer ehrrcher leur raJure juslju'an rlus prof-jnc! des ('aux. Pour cda ils prennellt It'lll" essor et s'eJevent si haul. 'Iue l'c.eil a peine a Ie., voir plUl1l'r et se bercer en tOllrnoy­anl: t'lJ I'nlr pour endurmir lenr prOle, qll'ils ont aprer~ue Lians Ie cristal riLl lal·.: alors il~ s'elan'~t'nt deSSllS aVt'e Iu rapidite de la :fte­che; dun les voit sortir de Penu avec une truite d'asscz I'cne tailk ;,U lIee, avec Ia qllelle ils s'all1usent comlTIe Ie chat avec la

·SOlUIS. Rien de plus meIfU1eholiqne que tl'entend re quelques llllS de

c~s llo! es uiles cI es bois, perches slIr flllelqu'arbre sec, pelldant '" une helle 1111 it c1'ete, IOL·sque la lune jt'ttn lin re:ftet argente sur Ie lac, I:, ,re retentir It'S roc hers solituirps de leurs cri::< lugll],res et plaintil~, que l'echo T211vuie au loin cle montagne en montagne.

Jl' IJIl'l1tionneriJi iei qne Ie lac OLlflreall, qui es; a c~ix Oll flllinze lieues dall:> It'S I'rUfllndelll"S, e: qni it donne slin nom a ]a belle ri­viere Lncouarenll, (lui sort en Iiundissant. des montagnes. ici rES­

serrh:- tLLlre des rcehers viis, qlli s 0 rnhlent Y01110ir en derober la vut' ; la, arreke un moment c1ansslIn pa~sa~1"e pur line cligne natu­relit'. qn\·lle s'dfurce de franehir ell se precipitant avec lIll fracas epollvH:Jlable dans des abimes bO~lillollnalJts, qui font fremiT Ie voya'!·c'lJr Il1trel'ide, qui ose s'accrochE'r allx qUllrtiers de :oc:he pOLlr y plonger un regard curiellx: Enfin elle vient se jetter tOllte

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halletante clans 13 plaine, ou elle haigne, en se rep0Sant de ses Be(,()lls~es, les benes paroisses de St. Jacques, St. Liguori, St. Pal'll: puis mM:mt amicalemcnt ses eanx: a sa compagne de L' As.soll1ption, elle vielH payer Ie tribut tIe SI'S enux a sun souve­rain Ie ~t. Laurent, en s'epanchant dans SOll large sein.

Le Town&hips de Chertse J' est habite depnis Cluatre ans envi­ron dans sa partie snd-onest plus particlllierelllent. Ce sont pour laylnpart des Canadiens d'origine fran<;aise, qui:-;ortent des Pa­rOls:ses de St. Jacques, St. Liguori, et S1. Pan!, qui sont venus y faire les premiers (·talJlissernents. En general ce S011t des jeul1es gens, qui ont fait prenve c1'nn grand eourage et d'nne grande lmergi,~; car il ElUt PUll ct l'antre pour quitter la societe de pa­rents et amis et aller s'enfor;cer uinsi dans L"s bois pOllr y cher­cher la vie et se procurer une existence llnns les commencements si difficile, au milien de sacrifices de tontes sortes, qu'il u Julin -s'im!,oser all debut de cette colon;sation. Qnelques 1Ins u'ent.re eux qllanel ils dpscenden( de lenrs mOlltngnes, ont Ia donleur de voir dans de belles campagnes des chump:> bien Cllltives et qui pro,hlisent l'abondunee au sein d'l1ne funille etrangel'e, IOTsqne ces memes champs devraient eh'e Jeur propriece; leur C(£llr est etonife pur un soupir gms d'amertnme, lor~qll~en l'a~sallt clevant ces benes terre:'>, ils pensent fjll'ils en ont ele elel'0s~;e-les par les suites filnestes de ['intemperanct:', quia exerce ses ravages parmi eux et parmi lem'S m'] Iheltrenx anc(\tres. 11s se sont vus duns Ia necessile d'entreprelltlre 1.'s tlavllllX de 1'ollvertme d'lille terre en bois c1ebollt dans les Townshpis: et quels traVtlux penibles alors.! il a fallil frayer des chemins avec toutes les difficllltes ima:rina­bles a travers les montap;n€'s, Ies roches et les sonches: nrrives iSm Ie lut, mettr,~ hache ~n bois ct flirc:nn aLutti, y faire passer Ie ft'u, afin d'y filire elp. Ia place pour constrllire llne cabane, Ce­la [lit, il a ftiliu l'edescendre chercher la fdmille avec les articles les plus indisnensaLles dll menage. Mnis bientut les provisions qtl'on a emporte€',s, sont ~rnisees; la famine va 1>e fuire ;,;entir -dans t.pute sa hidellse laideur. Le nHlri alors part tIe nouvean pour aller cherc·her ell'S viyres, qll'il lui fallt tntl1l:'porter souvent SllT scs epaules I'el'pace de plllsieurs lienes. Pendant ce temps, la mere avec It's enfants sont arca.bles d'ennni lill milieu tie celte solitllde. Qnelql1efois la li"<qeur ct in craint€' viel1nel1l se join:' dl'e a I'cl1nl1i, qUllnd ils voip.nt Ia tCITlr-ete s'elrver: les vents mugissent avec fllreur et agitent irs nrbres de la foret avec une extrell1e violence: Ie tonnene grollde: la plllie tombe rar tor­rent; et des pins gii!ante~ques s'llgitant avec furie les UDS con(re les a\1tres S3mblents'engagel" en. comlmt., Comme des ge:mts, ql1i s'etreignent de leurs bras vigourellx, i'ls cnlr~laeent 'leurs branches avec r,]ge; et apl'es lIno longue Iutte, on les voit rO\1ler ensemble et morelre ia POllssiere sons les t:fforts de Parage. Lea

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panvres enfants sa isis de crainte se serrent cont~e leur m~re in­quiete, en pensant qne Ie panvre pere .. court de S1 gran~s nsql1es de perir dans sa route de retour ala maison. Mais soudall1, ql1and la violpnce de]a temp~te a cesse, et que Ie soleil est sor~i tout radieux des 1mages, les arb res sem blent se remettr~ de la ~atlga.nte 8eCOlls~e, qu'ils viennent d'eprollver, en epanoUlssant I adonfe­rante verdeur de leur feuillage encore tout humecte de larges gou­tes de pluie, qui brillent all-x rayuns dn solei1: la confian~e et Ie

. bonheur reviennent au sein de la famille; car Ie pere vlent de rentrer a la maison, et apres avoil" depose son fardeau, il se jette dans les bras de son epllUSe et de ses enfants qm l'etreignent de leurs embrassements et l'accablent de leurs tendres caresses.

Telles ont ele ll's miseres des premiers temps de la colonisatioll de Chertsey. Mais depuis quatre annees de nouveau colons vien­nent tous les joms s'y etablir, et a force de travail et de perseve­rance ont voit Ie:> difficultes disparaitre peu a pen. 11 y a pIns d'aisance parmi les colons, qui sont deja en grand nombre: les rontes sont plus praticables; les clail'ieres 80nt aggrandies; et l'on peut voir maintcnant de belles recoltes de grains de toutes sortes: cette annee, par exem pIa, les grains ont eu une meilleure apparence que dans bean coup d'autres vieilles paroisses, Le sol y est excellent et propre ala eulture dn bled. 10rsql1c la terre y a Me IJ1en preparee d'a\~ance, comme partout ai1leurs. 11 y a cer­taines parties de Ces l11ontagnes, OU l'on rencolltre des d1amps tOllt.-a-f..lit defriches, entoures de bOllnes clotnres; des maisons nenves, avec gmnges, batimens et toutce qui est necesssaire pour l'usage et l'utilite d'lll1e bonne ferme. Les colons paraiss~nt avoir, sinon Ie snperfiu, du moins tout en abondance; animaux pour les traV<lUX de la fenne, comme pour les voyages, inslrumens aratoires, etc., etc.

An milieu de cette sorte d'abondal1ce, vons les croiriez heu­reux ; ils ne Ie sont cependant pas encore tout-a.-fait: car illeur manque quelque chose, dont ils ressentent fort hI. priva;ion; e'est Ie moyen de faire leurs exercices religienx les dimanches. Car les CallaC\iens sont catholiques an fond du CCEur et avant tout: la religion, c'est Ie premier besoil1 qui se fLtit sentir dans un CCEur Canadien; c'est Ie premier l:ieutiment, qui f;'y tronve irnplante, et qu'il a re~l1 de ses ancetres. La OU il l1'y ani egliiSe ni pr~tre, les Canudiens s'ennuient et l1e peuvent ~tre heureux. DOl1nez leur u?- Pret.fe, alars ils sont dans la joie ; ils ont cette galte prover­b1ale qn'on leur connait. Les pauvres gens de Cherlsey n'a­valent. donc pas cl'eglise, a venir jusq u'a c1emie~ement; ils se tronvalent a quatre lieues de Rawdon, la mi::;sion la plus voisine. Hela~ 1 comment entreprt~ndre un tel voyage pour aller Ie dirnan­che a la messe, .apr~s aYOlr passse nne scmaine si bien remplie par des travaux Sl fahgual1t 1 Impossible, surtout pour les pallvres

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meres de famine. Force lem etait de se resio-ner a. passer la lon~ gll~ journee du dimanchea tuer Ie temps, con~me chacun Ie pon­valt, arres avoir fait les prieres d'llsag~ pendant Ie temps c1es of­fice. Oh!. que d'ameres rMlexions! que de sujets d'ennni! Assis S~1r Ie semI de leurs portes, ils s'entretenaient tristenwnt, au souve­nll". des belles. ceremonies de l'Eglise dans leurs paroisses: lllic sedzmus et jlemmus quum recordaremur Sion .

. A~lssi quelle.joie, quels transports, quand ils voyaient venir Ie ~llss1~nnaire ! Comme ils se pressaient autOlll" de lui pom recueil­hr aVldement chaque parole d'encouragement qui tombait de ses levres! Comme ils etaient joyenx de profiter de l'occasion de remplir leurs devoirs religieux: comme ils assistaient surtout de­votement a. la celebration des Saints M ysteres! Ma!s a present grace au~ efforts du missiol1l~fi~e, qu'ils essa!ent de se?ond;r au­tant qu'll est en leur POllVOll, lIs la eonsolatlOn de VOlt s'elever

" ay milieu d'eux nne chapelle, ou ils pourront en tout temps avoir lIbre acces, et surtout Ie dimanche, pour .qonner libre coms a lem piete et satisfaire leur devotion en assistant a la messe,quand Ie pr~­tre y viendra faire l'Office; ell fesant les exercices clu chemin de la croix, en recitant Ie chapelet et ecolltant une pieuse leetm;e sur les devoirs d'nn chretien cathblique; pl'atique qui a lieu lors­que Ie missionnaire ne s'y trouve pas: Cette petite cha pelle s'est eleve au moyen d'aum6nes que Ie missionnaire a· reclIeillics parmi ses amis pretres et lalcs, qui ont su Ie com prendre dans toutes les demandes qu'il leur adressait an n0111 et pour les ~n~~­r~ts de ses pauvres ouailles des montagnes de Chertsey: et 1(,111 ne peut que se rejouir d'avoir l'occasion de leur rendre un temoi­gnage public de sa reeonnaissance, all nom de ceux qui jouissent de l'avantage de leurs aum6nes, et qui partagent bien sincerement les sentimens de reconnaissance de leur Pasteur.

Ce petit temple, qui est loin d'etre parfaitement acheve, se presente tres bien, et offre anx regards du voyageur une forme tou­te-a.-fait gracieuse, etant bati sur une eminence,. d'on il sem ble cOllvrir de son ombre protectrice les humbles maisons qui l'envi­ronnent. La longueur n'e~t que de trente six piecls; sa IDrgeur de vingt six; vu qu'il ne servira de s:lnctuaire que puur quelques annees, en attendant que les colons devenlls plus nombreux et plus en moyell, puissent prendre les demarches necessaires pour

. se cOl1stituer plus tard en paroisse et batir nne eglise plm; grande. II a ete beni SOllS l'invocation de Notre Dame de BOllst'conrs; et deja il est orne d'une mrugnifiqlle statue de la·Ste. Vierpe, qui est expotiee sur Ie maitre-A utel, d'ou Marie semllle ouvrir et etendre ses malTIs benites et pleines de graces pour recevoir les V03UX et les C03urs de ces piellx fideles qui l'ont choisie pour ~tre ]a gar­dienne de leurs nouveauX etablissements. Posuerunt me c7tstodem.

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QUl'l bonhellr et qn'ellejoie pour les gens de Che'rtsey, qlland ,ils elltendent Ie ~0n de lellr cloi:he i qni, repete par l'echo des fo_'h'~rs, se CO'llllHlniqlle de monb;!,'nes ell llWl1!ngne,s et vlent.les a vert i r des d iiferellts 1l10ments de lu jOlll'l1ee UU Ii::; dOl vent se pros­tem.r p lur:)(lurer U11 Dien incarne, par lJ. recital~on de l'.!lng~l'/ll'l. Au:,;si la premiere C)is qn'ils en entt'llclirent les tmtrmens melan­choli. lue'S U II pin' I'rolond ele ces solitudeI:', ce furcnt ~Ies tr,msp?rts de juie impos~ibles a decrire. Tent Ie monde sortalt des hublta­tion~, pour mieux savourer Ie pluisirtl'ent~lltre la clcch~: les e11-fants /)ondissaient de joie. En t'.ifet, jnsClu'lllors ces JIl1menses furets n 'avaient retenti que des cris :"aUVL ges d\;nimaux r~roce~, au de, l'laintl's Illgllbres des oiseal1x cle IlUit. On n'avui: JlllllU:S

entenLlLl que I'harillonie sauvuge et terrible des vents fUl'leux de­chaines dans la tempete. iVlais voila qne de>:ormui" on entendra q lIelll"e chu<;e de pillS d"IlX, un la,l1,Q:age plus suave, dal1~ le~ sons argc'ntins de celte cloche, qniinvitera Ie penple a velllr ay.Jl11er lelll' p Irt cl'hommnges au Seigneur, £;n un,isson avec cette nature si elV'lUPllte a sa maniere.

MUll intention, en clonnant cette petite t'S(luisse de mes niissi­ODS de Clwrtsey et ses environs est de £\ire ConTIailre davuntuge les TOlVllships dn NOI-d i et cl'ntlirer pins pilrticillierement I'atte[~­tlO11 desj~lll1es Canndicns, qui emigrentsoit anx Etats-Unis, SOit

au Hallt Canada. Belas! que de tristes choses se presenten1. a l'esJlrit. it hi. seule idee de l'exi~tE'nee '1u'il;;; y mellent. NOlls voy­OI1S, et ce SUllt des fuits jOllrnaliers et ineonlestul,les, nOllS voyons des jennes gens dans la Belir de leur;,; plus belles <,11nees, qllel~ qUeillis all sell1 de tonIcs lesjonissunces d'Llne famille nisee, quit­ter It'llr fltlllille, rpnoncer au bunhenr domes'iq'le, sedllits qn'ils sont flit r les cunseils pervers de 111:mvais amis, et partir ponr les chul.tier,~. Et qn'urrive-t-iI1 ce semit repeter ce que 'tont Ie monde sait, qlle de dire (lne crs j~llnes gens, arrives all terme de leurs vuyages, sunl pam la r1llpart troml'es dans lems E'flperal:ces. ])s voient clans lem triste reulite des travallx exhorhitunts et des miseres ill~llrrortablt"s, qu'i!s croyaient de loin si faciles a endu­rer. lVlais il est trap turd: ils se SOllt trop £lV'lnctis pam reculer: alor,:; avec ('e conrage r. u'onlenr commit, ils se jettent a corps per­du it l'ollvrtlge i ils epui'sent reu a pen leurs rUfl~t'<; sans HI1Cllil pro­fit pOll I' e,nx ~nel1les, pour un prix qllt'lq'lefois bien mini me, qlle blell des lo.s 11s ne re<;oivent pas: car il arrive sonvent qu'ils ont afLllre a des bourgeuis qlli les 1rompent, p:HI~e que illfidelrs ou malhenreux dalls leurs t'lltreprisE's, ils se vuient furces de les 011-

v,oyer la bourse vide. Voila dunc qu'apres avoir travaille pour nell, \leu.bllt ]llllSienrs mois, ils ant tout perdu, en perdunt lem sallte: lenrs mem\'res 80nt devenus debiles par des privations de toutes sllrt,e~, pur le~ v~illes et qllelqnefuis par des exces de de-

aHcite, UU lis se sont J!'tes C0111111e rnalgre eux, entraiues qu'ils

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etaicnt p~r les exemples de mnnvais compagnolls de voyage, qui se moqnulent d'eux, gunnd il~ ne voultli~nt pus les joil1dre rlnl1S ces execs Alors ils arrivent nn milien de leur famille depouilles de tOll!., sanl e, innocence, gaiele, ils sont III de~olatillll d'un pere et d'nne> mere eplores.

Je Vl'UX bien croire et suis tres pret a ncconil'r qu'il ya do n:oble,., exceptions: et je connais bien des jeunes gens, Ijlli out su tIrer brJll parti de leurs voyages, et se conserver fin milien dE'S danger~ 'Jll'ils ont renconlres; mais Ie nombre en est pelit. Au cOI;trllil'e, je n'en finirais TIIllS, si je citais tOllS ceux que jc con­~als particulierelllent, qui ont ete malheureux et sont VPllllS mou­llr melllC dans lenr famille, pnrsllite de maladit's qll'ils avuient contruetet's clans leI> clurs chantiers du Haut-Canada.

,Or, si, nos bons jeunE's gens tOl1rnaient leurs regnrrls vers l~s 'Iownsilips dn nl,rd; s'ils'S'y dirigeaient avec la muitie liu ('flU­

rage e:, de, l'ardem ql1'ils prodiguent inwilemcnt pOllr les antres, an ~()Ins lis truvailleraient pOllr ellX memes. Ull etrnngcr aux manlee',> clilres et haulaines ne profiterait pas de In sueur de lours fronts et dE'S ttltigu('s de It>lIrs corps. Apres avoir uepense la me~ne sommp, de travail, il me semble gn'an hout de qll('l011~S m?IS, de <jllek/nes annees, ils tlllwiPl1t ouvcrt lems t .. rres, JOlll­ralent dlJ/elil'S revenus' seraiellt rois et mailrt"s chez eux, ct ,. . , eVlteralent une i llfinite de desordres, aux qnels ils ne semient pas exposes ,dans nos montagnes <In nord. " Je SillS en elat d'asslIrE'r qll'ils renssiraient infni111ement,: car J en al drs exemples SOilS It'S yellx. En t'fret, celix qUI Ollt travaille depllis trois on qllatre ans it Chertsey, et qni ant ete 8011res, 80nt anjollnJ'hlli dans l'nisnncf', et cependant ce Sonl ellx qni ont en it faire Ie pIllS difficile, comme d'OIl­vril' les chemins, etc, y etant arri,ee':l des premiers. Mail> mllin­tenant que des rOlltes nnmbrenses sunt Ollvertes l't se perfection­nent lOllS les joms, les difficllites son moindres.

Le gUlll'ernement, qui prend interet a III colonisati,on des terres de ces Tllwllships, qu'il favorise, concede eel': memes terres it des conditions tres aVfll1tageuses, octl'uie de gralldes ~onl1nes cl'nrgent pour (ai I'C lin chemin principal cia IlS chaql e Township; et acclJrde un long delni au concessionnaire poul'le p;]Ylllent de son lot. Ensorte qn'iI est induhitahle qn'un homme. qlli veut travailler raisollnllhL-m<:lIlt, a toutes les chances possibles de rell~sir dans nos TO\\'nships du Nord,

·Del'lns, a mesure que 1'011 s'avance an nod. dans 11080111011

tag11e~, on clecol1vre des tel res meillell1't's, quant a Itt qllulite dn sol, et pillS applanies; les montagnes SOllt mains uhl'lll'tes, Et surtout ll~ hois de tOllte espece y abonde; et ce n'est ras la la moindJ'() chose. ' Aussi voit-OI1 des speculateUl's venir des Etnts­Ullis ct lin Haut-Canada pOllr lOller ell! GOllvemement dt's milQ

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liers d'acres de terre pour y faire des chantiers considerables. On y trouve des lots, qui peuvent faire la fortune d'nn kommr'? pal' Ie bois senl qui s'y tronve. C'est ce qui fait que tOllS les .Jours on voit des familles nouvelles monter P"llr s'Hablir a Chntsey et dans les environs. Ce qui les encourage encore, c'est la perspec­tive de.s chemins de fer, aui sont en voie de constmction. Par exemple, si Ie chemin de fer de Rawdon vient a se continuer jus­qu'an village de Rawdon, et il est presque certain que ("c sera Ie cas, les gens de Chertscy trouveront une tres grande facilite pour transporter a la ville tous leurs produits; tels que potliSSC, porc, benrre, et~" etc., On parle meme de continuer ce Railrt)ld de Rawdon, avec Ie temps, jusqu'au fond des Townships de Ch~rt. sey, Wexford, etc: et je suis d'opinion que ce n'est pas une Im­possibilite; snrtout si Ie gouvernement veut s'en meIer: et p~ur­quoi n'accorderait-il pas son aide it cette entreprise, com111e l11e fait pour tant d'autres mesures, qui ne sont pent-Mre pas de na­ture a lui rapporter autant ue profit qne dans Ie cas present.

Voila les quelques notes qne j'ai crn devoir donner sur mes missions de Chertsey pIllS particulierement, afin de faire connai­tre, commc je l'ai dit plus haut., les avantages que l'on pent tron­ver a venit" s'y etablir. Je crois que Ie sujet me rite qu'on V [asse attention, et qU'Llll pionnier de bonne volante n'aurait pas lieu de se repentir d'en avair tente l'experienee.

J'ai l'honnenr d'etre, etc., etc., etc. POMINVILLE PTRE. MISS.

Nons croyons que nos lecte.nrs liront avec interet les deux pieces qui suivent, et qll'ils nous sauront gre de les avoir repro­duites dans ce Rapport. L'une et l'antre S(1nt propres a nOllS raffermir dans 1'attachement a notre Sainte Foi, et dan~ It prati­que de sp.s divins enseignements. On verra dans l'artide si remarquabJe de M. de Laroche-Heron, ce qu'il faut penser de l'etat social de nos voisins les Americains, du en grande partie au systeme anti-chretien des ecoles communes, d'ou 1'on a banl1i systematiqllement tout enseignement religieux. C'est pourtant ce systeme d'education payenne, que nos soi-disantrMorllluteurs democratiqlles cherchent a introdllire parmi nO:1S. Dieu nons preserve de cette rUorrne inventee par le liberalisme mocJerne !

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TR~DUCTJON d'une lettre de Monseigneur Cajetan Bedini, Archeveque de Thebes; Nonce .Apostolique, a Monseigneur l' Archeveque de Quebec.

Mon bien cher et tres-vlmlJlt3 Seigneur, Votre tres-estimee lettre du 21 fevrier ne m'est arrivee que ces

jours-ci, J e ne sais queUe fatalite m'a prive si longtemps du plaisir de la recevoir.· J e puis cependant l'affirmer, cette lettre si impatiemm~nt attendue m'a cause nne bien grande consolation. Je savais de source certaine que, grace surtout avos soins, les 1lons et chers Canadiens m'avaient envoye une adresse des plus precieuses, et cette certitude me mcttait dans la necessite de l'attendre de moment en moment avant de vous ecrire; c'est la la vraie cause de mon silence a votre egard, Monseigneur, et a l'egard de vos venerables collegues. Ce silence aura pu paraitre impolitesse, ingratitude me me ;. il a He pour moi la souree de lonples et douloureuses inquietudes. Car en fin je n'avais rien de· plus a camr que de manifester aces bons catholiques les senti mens d'affectneuse gratitude qui m'anihlent au plus haut degre cnvers eux. En verite, Ie souvenir seul des bienveillantes et honorables receptions qu'ils m'ont prodiguees (souvenir qui dans tonte ma vie passa.blement agitee est dec·dement Ie plus cher de tous), ce

Evellir, 'd\s-je, affermira de plus en plus dans mon C(Bnr les

se timents ~ reconnais8~nce, d'estime et d'amour que je leur ai vo Ie'. Mais ~e procede tout a la fois si bienveillant et si honorable d nt ils ont }lien voulu user en vers moi, lorsque d'injurieuses at~ues.-et/ de perfides attentats me falsaient faire de longues et tristes reflexions sur Ie caract ere et les destinees d'un pays voisin, fut pour mon C(Bur profondement emu quelque chose de plus precieux encore que toutes les magnifiques demonstrations qu'on m'avait faites precedemment.

Oui, les .catholiques du Canada ont BU em bellir les charmes et les honneuts de 1a reception, et adoucir les amertumes et les furenrs de la persecution; ils m'ont fete en ma presence, et m'9nt encourage en mon absence; s.'ils ont eu descoul'onnes pour les jours dn triomphe, ils en ont eues aussi ponr les moments d'eprellve ; ces epteuves n'ont fait que mnnifester leurs sentiments avec pIns d'energie et plus d'eclat. On eut dit que ces bans catho­ligues se disp~taient a qui exprimeraient Ie plus furtement leur affectueuse s:ympathie pour ma personne, 01\ leu r noble mepris pour mes dctracteurs. Oh! ('ombien etait donce a tHOn C(Bnr chacune des paroles de lenr adresse, q1.mnd il me fut donne de la lire dans les feuilles publiques. Comme tout y revele Ie beau C(BUr des Canadlens, l'lmergie de leut' foi, l'illflexible constance de le~lrs gimereux sentiments! J e pensai aussit6t a la belle sanct.ion que les. expressions de cette adresse allaient donner a ce que

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j'avais dis et mconle des cfltholiCJues du Canada, jusfJu'au trone de notre Aug-uste et VenCl\lble Pontiftl. Je pensai a la con~olalion qu'epro-uverait Ie cmur till St. Pert', en voyant ces Ilombr"uses demonstrations dont il fut l'obj,>t dll ns mon incligne per,onne. It les accep:a en effet comme. uue Irecieuse com pensation, et en retuur il vous cnvoya ses plus abuntlalltes elses pIlls precieusps hl'mhlict!ons. Je pensai aussi a t;~nt ~'hornme~ qui avaicnt si peu de connlllssallce de eette terre 10lntallle, et 'lUI ~ Ia lecture de cette adr2sse sentiraient Ul1!rmenler et rafft'rmir en ellX leur sentim.'nts d'eslime et d'amollr ~pour ses habitallis. Je pel1sai cncore a tons ces chers frerps en Jesus-Clirist, qui elaient places sllr Ie thealre m';me des tristes evements ql1i d"llllerent occa~iol1 a ces paroles si plei lles de francll'se et de delicate~se ; je pensai a Ja sJinte envie qu'ils doiwnt porter aux (unadiens qui jOllissent de Ill. vraie et precieuse libPrI e d'exprimer et de nmliifester pul.liquem 'nt leurs nohles sentiments. lVlo:-l1lcrne, je fus tcmoin de la dechirante douleur qui rer~ait leurs coeurs, loro;;(lu'ils se voyaient contrainls de refoull'r au fond de It:'llrs ames les lll~me'S sentimenls. et de les s:1crifier de la sorte a la pillS clure ne('es;;ite. Heureux donc les Canadien<', puisqlle I.'ur sort est si dig-ne d'envie ! Heurel1x ';tes-volls, Monseigneur, de Jlo1'seder de si bons catholiqlles! HeurellX suis-je alls.,i moi.m~rne, de me trollver, grace a line :;;i generclise pl"r.;everance, l'objet de Ieiu tendre affection et de leur honorable attention!

Qnund les sentiments rt'vMent leur expression de fant de bonte, de tant de dignite ; quand ils s'hnrmonisent si splcndidement avec les grands principes de la religion, quand ils re>:pirent cette exquis:l delicatesse qui fait entierement oublicr et PI'espace immense qui vons separe du sein de l'Emope, et Ie dm climat qui menace de tout glacer, oh! disons-le avec Lonhem, c-es scutimens sont alors infiniment plus graciellx et plus fiattellls. Je suis pEHlet re d 'une profondc reconnaissance en vers tOllS· cell x qui m'ont fait celte aLiresse, je leS remerci(~ tOllS en general ct l'hacun en particulier. .Ie benirai toujoms l'i'poque [i,rtunee ou je posai Ie pied sur celte terre si franc~ement hospila1iere. .

Ancllne de ces belles manifestations qU'on 111'y a rro,Jignees, non, 'auctlnc n'el'happe a mon sOllvenir. Je me I'Uppelle tres sou vent ces circollstances, ou je compris que dans vOlre heureux pays toutse fa.it par Ia fui et pour la foi: je me rarrelle cet heureux ensemhle, de vertns civiles et socialrs qu'on y l'ultive. La piete dn clerge, Ie zeJe des nombrellses communautes reliO'iell~es. Ia s?ge et pr~videntjelle diection des pastt'UlS, la genert:~sc lltnula­!IOIl dr? cl,toyens de tOllS les rangs a pres'~l1ter leurs llOrJl mages a ma dlgnlte de Nonce Apos:ol:qlle, a l'enlonrer illcessullllllent d~ te~olgnages d.e pl~lS en plus lSolenuels, de"plus en plu'S publics, d un Immense et cordIal dl:voueruent, rien de tout celr., Monsei-

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gneur, 11e s'effucera de rna mcmoire ni de mon Cffilll'. Et si tou,~efoisil St' lrouve des hommcs q~li ignorent ces dOlll'I'S e-ll1t.til1l1S de mon ame, 011 qui n'n.ieut pas enClllC elltentlu j1i1rlt'r till beau Cffiur des CanaJiens, je :mis heureux et charme d'avoir uujour­d'lmi l'occasion d'en [aire la declamtion solenl'lel1o.

Je remercie Ie Seigne,lJ' qui, graces allX 110mlJl'l'uses prien's qui l'Ollt "lonehe, m'u sou~trait aux (rangers clont j'ui ete men:ll e par Ie fUllatisme des ennernis de la religion. .Te ['rie Volre Grandeur et tous ses how;; fidCles catholiqUt's, qui m'olit sllivi avec 1111 si 1011chant interiH dans mes rudes epreuves, de relllerrier il\'el' moi ]a Divine Providence qui m'a ramenc sain et sauf aux pieds du Souverain PontifJ.

Mes j8UfS si helll'ensement consel ves doivent elre maint('nant pIlls que jamais consacles inviolaLlement an servi"e de'S alltels et dll lrone. Aidez-moi, Mons('ignellr, a accomplirce dEvoir; j'ose

,solliciter Ie conconrs de vos prieres pour la realisation tie ce l'iellx dessein. '

Ce prccieux lien de charile quinous llnit cluns Ie rIllS saint et plus energique sentiment, qui nOlls rend egalt'l1lent cherts ct les joies de la paix, et les ~onffrallces de b perseclltioll, qui rapproche lesdistances les pins eloignees, qui adollcit les eprenvt'ti It's plus ameres, qui rend tout commun : Imere, sacrifict', destll1ee; c'est ce lien que je lrouvui dOllx et furt sLir les bunls riunfs du Saint Lam<'nt et de l'Ottawa; c'est ce lien que je vis admirablement conSi'rve an 111ilieu dE'S cifoyens les plHs Llislingtles; c'est ee lien lui-me me que j '<I per<;ois da ns les ex pression~ si bienveillantes de l'atlress~, qui m'arrive, graces a votrc bonte, COtllme un eneoura­gement et nne gloire; c'est ce lien entin que je desire "oir iualterfl ble jllSqU';l. ce qu'il plaise all SeigneRf, pour Ie St'rI'ico duqllelnolls com Lattons 10us, de Ie perfectionner et de Ie COLI ronnel' avec lui dalls son royau m 0'. '

Veuillez etre, excdlent Sei/l:neur, mon interprete anpres de ceux qui ont bien VOUl11 signer cette precieuse adresse, et :lllpreS de tous ceux qui velllent bien m'h0110rer de leur sOllvenir. Je­leur offre a tOllS, a tous sans exception, les sentiments de la plus vive reconnaissance; et ehaque fois Cjll'il me sera donne de revoir quelqll'ul1 d'entre oux, ce sera pour moi un sujet dejuie \'ivoment sentie, et d'un bonheur inexprimahle. DaiglJe7. presenter, Mou­seigneur, d'une maniere tOllte speciale les exrre~s:on" de mOll: inulterJ hIe reconnuissauC'e avOs venerables C'€)llegHeS, a votre si digne clerge, et a tOllS les citoyel1s si distingtles dont jt' vois les noms avec orgueil sur l'hollorable et l'uffectllellse adl'esse a, Jaquelle je repolllls en ce moment.

Et vous-m8me, Monseigneur, disposez de moi avec une entier~ liberte quand et com me it VOliS pluira; j'ambilionne loujOUl'S 16 bonIwur de trollVeJ l'uccasion de rencire service a Votre Grandeur,

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croyez, M0118eigneur, a la sincerite des protestations d'un creur qui vons est entierement devoue.

J e suis henreux de me dire, mon bien cher et. tres-venere Seigneur, de Votre Grandeur Ie tres-devone, tres-oblnssant et tres afi'ectionne serviteur.

~ CAETAN, .f1che'/}. de Thebes, Nonce .I1post. Silligallia, 1er octobre 1854.

LE PROTESTANTISME AUX ETATS-UNIS.

M. J. H. Grandpierre, doctcur en Theologie, pasteur suff'ra­ganL de l'eglise rMormee de Paris et directeur des missions evan­.geliques, s'est donne la satisfaction de publier, au commence­ment de cette annee, un tres petit volume de 300 pages intitule: "QlJelques mois de sejour aux Etats- Unis d'.f1merique." L'auteur a ell pour Imt d'edifier ses co-religionnaire'3 par Ie tableau du pro­testantisme americain, et il nous dit dan~ sa preface: '~Nolls "avons f1ppris avec line grande joie que cette esquisse gtmerale "de la vie religieme et morale aux Etats-Unis avait fait du bien, " et avait excite plusieurs personnes parmi nons a une sainte ja­"lou>:ie. Dieu veuiUe que rassembles ici, ces m~mes fragments "produisent, avec 1a benediction, de nouveaux fruits de foi, de "zeIe, de charite et de liberalite, a sa gloire et pour Ie bien de " nos cheres eglises et de la patrie en generale."

Si lVI. Ie pastellf Grandpierre s'etait borne a citer, avec com­plaisance et dans un style sui genel'is, que tel de ses confreres Ii New-York recoit un traitement de 35,000 f. "non compris l'en­"tretien d'un cheval que son tl'onpeau met It sa disposition, et "nne rente forte belle qu'il (le troupeau) a assuree a sa femme au "ca<; qn'il C/e pa5ttw') vienne ala laisser veuve," DOllS le laisse­rions exciter la sainte jalousie des protest.ants fran~ais a imiter 'ees l11erveillel1x fnits de liberalite! Quand Ie voyageur, qui a pour nnique but cl'edifier, a besoin, pour remplir ses 300 petites pages. de faire une longue description du Niagara, de ses chutes, qni .••• qui ••.• qui •••• (II y a neuf qui dans la phrase), c'est Is malhenreu~ement une preuve de la pauvrete de son slljet, et nous ne vOllc!rions pas dissiper des illusions qui peuvent ~tre lou abIes. Mais M. Grand pierre, afin de faire ressortir d'avantage Ie portrait extremement flatteur qu'il trace des Americains protes­tants, presentent comme contraste la caricature du Calladien catholique "ignorant, chetif, miserable, sans energie comme "sans indnstrie, se tralnant de generation en generation dans "1' '1\ orm re de la routine de ses prMres." Nous n'entreprenons pas la defense du bon pCllple dll Canada: ce serait attacher <trop

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d'il1lportance aux huit pages d'injures que' lui consacre M. Granda pierre, cherchunt aussi a fiefrir I'episcopat si eminent, et Ie clet'ge si instruit et &i zele de notre ancienne colonie. Mais l'antcllr nons a donne un droit derepfl3sailles par ses aUaques contre nos ireres, les Canadiens-Franc;ais; il nous pennettra donc d'exami~ ner ce qu'il dlt des Amerieains, et en faisant justice de ce qu'il admire, nous aurons par cela milme reI eve Ie merite de ce qll'il dEmigre. Les. logicicns appe1lent ce raisonnement la preuve paT l'absurde; et en eifet quoi de plus absurde que d'exalter en genc~­ralla:piete, l'honni'ltete et la moralite des Americains.

Nons serons cependal1t plus equitables que M. Grandpierre, accusant les Canadiens c1'etre arrieres parce qu'ils sont cathohques, et noilS dirons que les Americains sont degrades lorsqu'ils onf 'Cesse d'etre pro1estanls. En eifet 1es citoyens des. Etats-Unis seraient infiniment pIns moran x et pIns estimahles s'ils awient tOllS continue a appartenir a qllelque secte clwHienne. Luther n'a pas pu reussir a llteindre tout-a-collp Ie fuyer de la foi dans les ames qll'il egatait. Des etincelles de christianisme conVetlt encore sousles cendres de In. reforme, et celui qui rroit fermement aux divines vel'ites conservees par l~ protestantisme, y pent trou­ver la force necessairepour se maintenir dans Ie sC'ntier de l'honneur et de Ia vertu. Dans les pays d'Europe ou Ie pOll voir temporel s'e~t empare de la sllprematie religieuse, la decomp()o. sit ion du protestantisme est re>tardee, parce que les gOllvt'rne­ments empilchent Ie libre examen de_prendre ses coudees franches. Le bras seculier .tient le.s. conscience& sous 1e joug, et il conserve au C111tEi officiel une apparence de vie. Mais l'anarchie la plus complete regne en Amerique, et l'etat, en ne protegean-t aucune secte de preference aux autres precipite leur decadence gEHlerale. Les innomhrables varilltes du protestantisme y ~ont donc aux pri­ses avec trois impulsions diverses qui les entrainent en des sens opposes: nne aspiration vers l'llnite et la verite; une decomposi­tion vers la fanatisme et l'illuminisme; 1m engollrdissemcnt mortel dans Ie philosophisme ot l'infidHite. La premiere 1t'l1-dance se remarque dans les Episcopaux et le~ Lutheriens, ou Ie principe d'autorite, moins meconnn qu~allieurs, a conserve. llDe certaine somme dJsacrements et de dogmes c·hretiens. Mais eUe n'ag'it . que sur une elite d'esprit q lli ne constitue pas malhellreu­sernent un riombre considerable. La superstition et Ie mysticisme ravagent surtout les sectes populaires, les baptistes et les metfio­distes,ou les classes ignorantes, ne trouvant pas dans la seche­resse de leurs temples de qnoi"satisfaire leurs besoins de croyances et de ceremonies, vont demander des emotions et des filtes aux camp meetings des forilts, aux spirilu,o,l rappings des magnetisseW8, aux processions des mormons,. ou aux danse~ des shakers. Entin lea classes !llevees et insttuites abandonnent tout culte positifpour

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s'endormir dans la plus complete indifference religieu~e. La plupart ne prennent m~me plus la peine de .cacher leur i~lfidelite sous 1e masque des unitaires, et ils s'enfoncent chaqne JOur d'a­vantage par la lecture d'o.uvrages philosophiques, dans l'oubli de tous les devoirs du chretlen.

Voila ce qu'ignore .M. Grandpierre; ou plutot nous Ie soup­~onnons de Ie savoir au~si bien q~le nous. Mais de ~~rne quela tactiqne des dem0crates Fran~aJs est de tout admIrer dans lea institutions republicaines des Etats-Unis, de m~me l'interf}t du protestantisme d'Europe est de representer leurs eglises evangeli­ques d' Amerique comme formant un senl corps et unies entr'elles par les liens d'une c.ommnne orthodoxie. M. Grandpierre s'tifforce surtout de dissimuler les effrayants progres des unitaires, ces modemes Ariens; il ne nomme ni les universalistes, ni les Mormons, ni les spiritualistes, ni les quakers, ni aucune des autres sectes qui rejettent Ie bapt~me, et il ecrit a la page 30:

., Dans toutes les ecoles, la Bible est lue et enseignee sans "distinction des differences propres aux diverses communions "religieuses. II est d'autant pIllS facile de s'entendre sur la "nat.ure de cet enseignement, que tontes les eglises, aux Etats­"Unis, sont orthodoxes, et a ·l'exception d'un petit nombre de "congregations unitaires, ne different que sur qllelques points "secondaires et quelques pratiques." ·C'est sans doute un point secondair(l de savoir s'il ya oui ou non, un Enfer, et si Ie bap­tf}me est necessaire ou seulement lltiIe. Plus loin M. Grandpierre ecrit (page 49 et suivantes): "Les principales denominations "reIigieuses sont les presbytMiennes, les episcopaux, les cougn3-" gationalistes .••• et quelques eglises unitairea . . Toutes les egli­"ses ont leurs ecoles de theologie, OU eUes preparent elles-m~mes " les pasteurs qui doivent les desservir ••.• Il ya une cinquantaine "de seminaires theologiques de cette nature aux Etilts-Unis, et il " est a remarquer que dans ce grand nombre de facultes de theo­"logie, une seule est unitaire, celle de Cambridge; toutes les "autres sont orthodoxes. Toutefois, eet etablissement est loin " d'~tre en progres; et il offre m~me plus d'un signe de declin. "Ainsi talldis que dans plusieurs des facultes orthodoxes on compte "4 et 5 professeurs et de 50 a 100 etudiants, iln'y a a Cambridge " que deux professeurs et 22 etudiants. Nous y avons nous m~me "assiste a une le~on de theologie, d'ailleurs e:xcellente et qui "n'Hait suivie que par deux etudiants •••• Les unitair6S s~nt done "auk Etats-Unis dans une bien petite minorite, et ils ne comp­" tent que quelques rares eglises a Cambridge, a Boston et dans ;: ur~e ou ~eux a~tres. villes de l'Uni?n •• , .• Puis donc.que les uni-

tmres eXIStent a peme comme eghse aux Etats-U ms nous par-" lero?s des ~acultes de theologie orthodoxes." ,

QUI ne crouait, en lis ant ces pages, que 'les uuitaires nc forment,

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qu'une imperceptible minorite aux Etats-Unis; et cependant ils remplissent les villes, et ils s~ recrntent par milliers parmi les presbyteriens et 'les congregationalistes. On comprend que ces Deistes n'aient qu'une facnlte de theologie. Les autres semi­naires, que M. Grandpierre appelle orthodoxes, sont pleins de l'esprit d'Arins, et leur fournissent des sl~ets en abondance. Le travail de l'incrednlite ne respecte pas pIns les ministres qne les lalques, et voici les tristes aveux arraches a un pasteur presbyte-

, tien, dans un ouvrage publie il y a,quelques annees a Boston: "Qu'avons-nous vu au commencement de ce siecle 1 l'eglise

"des puritains, apres nne experien0e que tout devait favoriser, "deyore jusqu'au cceur par Ie socinianisme; et non pas un soci­"nianisme importe, comme Ia peste, par les miasmes deIeteres "venus de Gemlve dege'neree, de Hall on de BiDen, de Belfa~t "ou de Montauban; mais l1n socinianisme s'enracinant; s'epa­"nouissant dans Ie monde moral, par les lois naturelles de ce (, germe latent, primordium viim et primordium mortis, de tout Ie ., systeme des libres pensenrs.

" L'ailge des tenebres a secone la rosee de ses ailes maudites (. sm la Nouvelle Angleterre; les chaires de :;les villes et de ses " paisibles villages sont occupees par des blasphernateurs. Me­"prisant Ia liturgie pure des temps anciens, ils prechent sans "crainte que Jesus-Christ n'est pas Ie vrai D\eu. Les universa­"listes, enseignant qu'iln'y a pas d'enfer, se vantent d'etre a eux ," seuls en possession de mille chaires, sur cette terre maudite, "parmi les fils des puritains. En 1840 ils n'avaient que 83 mi­"nistres; maintenant(1850), iIs en ont 700, et ilspretendent "venir en qnatrieme ligne dans l'echelle des denominations de "l'Union. La nouvelle' Angleterre en presque totalite est soci­"nienne, et a Boston, a une seule exception pres, toutes le'i "vieilles congregationssont unitaires."

Vent-on main tenant savoir ce que sont les unitaires 1 En voici Ie portrait trace par un journal protestant Ie New- Yark Herald, dans un de ses numeros du mois de lllai dernier: '

" En bon Anglais, un unitaire est un ~tre qui ne croit ni a la "Trinite, ni ala divinite de Jesus-Christ, ni a l'inspiration de la " Bible; c'est un infidele de l'espece connue sous Ie nom gene­"rique de deiste, parce qu'ils croient a l'existence d'un Dien, et "qu'ils se distinguent ainsi d~s athees, qui ne croient pas en

, "Dieu. Le plus eminent unitaire du temps passe est probable­" ment Voltaire, qui a jete les fondements de cette doctrine dans "ses ceuvres philosophiquelil. Tous les unitaires n'on~ pas tire de "leurs principes toutes les consequences que, v: oltane en.a fait " sortir. Beaucoup d'entr'eux ont manque de geme et de SCIence, " pOUl' rendre comme lui l~ur~blaspbe!lles populai!es. lY.Iajs au­"cun de nQS lllodernes ,urutalres ne dlifere lllctlmellement dans

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II Ses doctrines dn sage de Ferney. Ils croient en un Dien 011 etl "un pouvoir ·crt'latetir j iIs considerelJtl.a bibl.e .comme un ex~el­"lent livre, inferieur a Shakspeare, mals posltIvement SUperIeur " it .Platon j ils classent MOIse, Ie Christ et St. Paul parmi les "hommes leE' plus eminents de j'antiquite. Les developpemen~s "de ~ette doctrine dans l'etat de New-York sont recenls, .malS " pendant ces vingt cinq dernieres anl1ees, elle it flenri a Boston "et dans Ia Nouvelle Angleterre. La plupart de nos savants et ., de nos li,terateurs sont devenus unitaires, beaucoup de minis­"tres protestants ont adopte cette foi, et en general tOllS leg seep­"tiques, recuIant devant la reprobation attachee au nom de deiste " ou d'infidele, ont rev~tu leur incredulite dn faux manteau· de " l'unitarisme."

Apres ces aveux, M. Ie pasteur Grandpierre saura-t-il sontenir encore qile l'llnitarisme exisie Ii peine aux Etats-Unis 1

Une autre erreur capitale dn petit volume que nonS examinons, c'est de dirc que 1e christianisme bibliqne est repandu duns les masses aux Etats-Unis (page 142) j que Ie dimanche, l'ouvriel', l'artisan, Ie cultivateur se pressent dans leiS temples, (pnge 127), et que la jeunesse sortant des ecoles pllblique~ professc L,n respect profond pour la religion, (page 37.)-Le ehristianillme est si peu repandu parmi ies masses que les soixante sectes proteslantes re­unies ensemble ne comptent que dix millions d'aclhen.'mts aux F.tats-Unis. l\;lais on y trouve un nombre tlgal d'individllS non baptises, qui ne professent aucun culte, et am.qnc]s Ie libre exam en a montre 1e chemin it la plus complete indifference en matiere de religion. Dans les villes, les temples sont frequentes quand it fait beau, et que Ie temps ri'est 11i trap chaud ni trop froid. Autrement 1'on ferme Peg-lise qui fait reluche. ·La piete de l'assistance est mediocre j. et les minislres se plaignent sans cesse que la coquetterie et 1'ostentation leur procurent Reuls des auditeurs .. Nombre de dames se rendent an pr~che pom faire admirer leurs belles toilettes, et les jeunes gens pom y cOUl'tiser les jolies femmes. Cependant les villes elles-m~mes desertent les temples, et voici ce que nons lisions en 1852, dans un journal protestant de New-York, sous Ie titre de: "Decadence de la reli­"giOll it Now-York." Le rapport annuel de la societe pour la "distribl1tion des brochures religieuses, (City ir'act society) met "en 111miere un etrange etat. de choses, par rapport au declin " dans les habitudes de nos concitoyens pour aller· it l'eglise.Il V "a 70 ans, New-York possedait dtmx edifices pour Ie cuJte daus "la .proportion de 1·pour'l,353 personnes, et alors la ville conte­"milt se111ement 25,000 habitants. Mais maintellant avec une ., augmentation d'un demi-million d'ames it notre population. "nons n'avol1s q~l'un temple pour 2,100 personnes, et il est tre~ "pen de nos eghses qui s6ient remplies. Le rapport ajoute qu'a

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"New-York, 200,000 personnes sont dans l'habitude de n'aller "ja~nais a aUCllne eg\ise, et quand on les questionne Rur cette ne­"ghgence,' les liDS avouent efi'rontement leur hostilite a toute "religion; d'autres declarent prMerer les distractions et les pro­"menacies dn dimanche; d'alltres se plaigllent que nos arrange­(, ments d'eglise sont feits pour Ie riche et l'homme instruit, pln­"tot qne 1)our 1e pauvre et l'ignorant, d'autres entin ne donnent "meme allcune excuse."

II est, en effet tres vrai, qu'en generalle peuple, a l'exceptiou des lrlandais catholiques, ne va jamais au temple Ie dimanche, et l'nne LIes raisons, c'est parce que sa place n'y est pas marquee. Non que Ie temple ne pUt contenir Ie double des personnes qui s'y rcndent; mais ehaqne banc a son loeotaire qui en a la clef, et dans ces eglises "eclairees au gaz etchauffees au moyen de ca­"loriferes, ou 1'on est assis sur ue bons coussiilS avec tapis par­"tout," et dOllt.lVI. Grandpierre admire en;;oro "la chaire en "acajou massif avec les canapes et les fauteuils en veloms rouge," Ie pauvre n'oserQ.it jamais pimetrer, car il serait mis a la porte! A l'inverse des pays catholiques, les eampagnes allx Etats-Unis sont beaucollp plus irreligieuses que les villes, paree qu'eHes sout plus ahalllionnees des ministres et des predicateurs, et la classe des fermiers,. dont les peres etaient protestants, ne professent pour ainsi-dire·anclln eulte. Ceci est surtout vrai des Etats de l'Ouest de nOl1l'elle fi,rmation, OU la colonisation a cherche de bonne8 terres a bon marche, en se prt'>.occupant fort pen de se grouper en

,villages qui pourraient soutenir nne eglise et son pasteur; et ici encore nous citerolls nne ant.orite, Ie ministre David Rice, dans son ouvmge publie en 1824 et intitnle: "Aperqu de l'histoire de l'eglise'dans l'etat de Kentucky." "II ya, dit ce pasteur protes:.. "tanl, deux cents ministres qui precr.ent chaque dimanche dans "Ie Kentucky, et l'anditoire de chacun d'eux n'excede pas en .. moyenlle 200 personnes~ On voit que' Ie nombre de mem bres "de l'egli'se ne s'eloigne pas de 40,000 personnes •. 11 Y a dono " pIns de 500,000 personnes dans l'etat qui ne frequentent ancune "eglise Ie dimunche." . Cette situation religiellse ne s'est pas ameliuree depuis lars,' au contraire, et tOllS les etats de l'Ouest ne 1e cedent en rim au Kentucky a cet egard.

M. Grandpierre trouve que la jeunesse· sortunt des ecole<; pu­bliqnes professe Ie pIns grand respect ponr la religion, mettez Ie mot mepris au lieu du mot respect; et vous aurez la verite.· Ce deplorable .etat de chos~s est tellemeut connu aux Etats-Uliis, que les sectes les plus hoqorables OU protestantisme, comme les episcopuux, ne sont pas moins hostiles que les catboliqlles uu de­testable systeme des ecolf.s publiqlles. En neparlantjamais de religion a Ull enfant sur Ie banc de Pecole, on lui apprel'd a s'en passer dans la pratique de la vie, et c'est a cette institution des.

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public schools que l'on devra d'avoir dechl'istianise l' Ameriqll.e P!O­testante. Les jeunes gens lances ~ans la vie' saJ?-s, aucun ~rlllC1pe. religieux, n'obeissent a allcune not1Oll de morahte; les cnmes se multiplient a un point qni fait sonner Ie tocsin d'alarme a la presse ent.i ere, et les societt:!s secretes accaparent, des l'adolescence, des generations tOlltes prepares a recevoir Ie venin de l'infidelite. La force de 1a Franc-Ma~onneric americaine connue SOllS Ie nom de Know Nothing repose entieremel1t sur des jennes gens de 15 a 25 ans; et les ambitieux fanatiques qui font agir Ie:; masses, les trou-vent pretes a tous les attentats. . .

Ainsi, dans la moitie'envil"On de la population des Etats~Ul1l.s, il ne reste plus aucune trace de christianisme, pa,s meme Ie bap­teme, et tel est Ie fruit de 130 civilisation protestante. L'appiit. du gain est Ie mobile Ie plus honnete qui fait agir ces masses, et iI leur apprend a deployer dans Ie commerce et l'industrie cette ar­dente activite .dont les naIfs protestants, a la fa~on de M. Grand­pierre, sont si emerveilles. Mais 130 soif des jOllissl;tnces, les ex­travagances du luxe, et l'absence de tOllt principe religieux ren­dent l' Americ'Lln peu scruplllellx sur Ie choix des moyens pour atteindre 1a fortune ;' et h morale Lacedemone se generalise aux Etats-U nis a~mesure que Ie christianisme s'y eteint. L'Europe a retenti des scandales financiers qui eclatellt periodiquei1lent en Amerique; mais lapIns faible partie de ces vols gigantesques est connue de ce cote de l'ocean. Il n'est permnne un peu au cou­rant du mecanisme democratiqlle aux Etats-Unis, qui ne convien­ne que Ie systeme entier de gouvernement developpe l'improbite humaine. L'electeur se fait corrompre pour donner son vote; Ie conseil municipal se fait corrompre pour conceder des lignes d'omnibus ou des entreprises de pavages; l'assemblee de l'Etat se fait corrompre pour accorder des concessions de canaux ou de chemins de fer; l'assemblee federale se fait corroll1pre pour allouer a certains favorises les indemnites les plus injustifiabfes. La plus celebre de ces fraudes recentes est celle d'un nomme Gardner, et elle 11'e8t que l'une des cent operations uu meme genre qui se pratiquent chaque annee. .Lorsque Ie Mexique a vendn la Californie aux Etats-Unis, cette derniere republique s'etait reserve de gurder un quart du prix d'achat stipule, afin d'indemniser les eitoyens americains qui auraient epr-ouve des pertes pendallt la guerre. Un comite du congres fut charO"e de la liqllidation de ces illdemnites. Devant lui se present~ nn nomme Gardner, qui reclama 7 millions de francs, comme valeur d\:ne mine d'argent dont lfaurait spolie Ie gonvernement mexi­ca~n: Garc1ner eut Ie t:;tlent de prendre poui' avocat Ie frere du m~n~stre des finances; lnentOt sa reclamation fht admiJ,e, lessept ml~ho,ns. payes entre ses mains jet quelques mois apres il deve­nalt eVIdent que Gardner etait un simple dentiste, qui n'avait

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jamais possede la moinore mine, et qui avait partage son indem­nit'e avec les membl'es du comite charge de la repartition., Si dn monde politique, nous descendons au monde financier, les frau­'des n'ont ni moins d'importance, ni un caractere moins honteux. C'est Schuyler, president de sept compagnies de chemins de fer, emettant de faus8es actions pour une valeur de douze millions de francs, et n'etant pas meme emprisonne pOl.lr ce crime. C'est la compagnie des houillieres de Parker Vain, vendant trente mille actions ftauduleuses. Cas Meiggs, s"eloignant de San Francisco sur un navire a lui, emportal1t vers des rivages inconnus 3,500,000 francs qu'il s'est appropries par des faux. C'est a New-York, c~tte annee, les payeurs de cinq differentes banques, volant leurs banques de sommes variant entre 200 et 700 mille francs. 11n8 tiendrait qu'a nons' que cette enumeration remplit toutes les co~ lonnes de ce journal. Si du monde financier nons descendons au monde commercial, l'honnMete devient presque l' .fivis Tara teloris,

. nigro Simitlima cygno. Le negociant et Ie marchand font ba,n-queroute trap souvent des qu'iln'est pas de leur interet de faire face a leurs engagements, a moinsqu'il ne mettent Ie feu a leurs

'magasins pOllr toucher Ie montant de la somme assuree; et dans Ie p):'el!lier cas, la loi les antorise apreferer un creancier pour Ie montant total de leur liquidation, en ne laissant rien aux autres creanciers. Or en parerlle circonstance, on a toujonrs un parent complaisant qui joue a merveille Ie role de prejerer. 11 lui suffit pour cela de dire, sans aucune preuve,' qu'il a prete de l'argent a son parent malheureux; et les creanciers veritables sont frustres sans misericorde. Dans tous les cas, la loi est en faveur du ban­querolltier, ,comme en faveur de l'employe infidele, et la. prison ne s'ouvreque pour Ie ll1\llheureux assez mala.droitpoul' avpir vole un pain, au lieu de voler un million.

Qu'aurions-nous a dire si nons parlions de la moralite publique aux Etats-U nis, dans un pays ou les tribl1:aaux prononceut cha­que annee une moyenne de cinq mille divorces, en sorte que dix mille individus ac;quierent annuellement Ie droit de vivre en adul­tere I'egal; dans un pays ou les hospices d'enfants trouves sont inutiles, parce que d'infames pratiques y sont si communes que, dans chaque ville, eUes menent les praticiens qui s'y livrent a Ia plus grande opulence., Mais il falit nous arreter, et Ie tableau de la degradation de l'Amerique infidele ne peut ]las se tracer dans -un seul article de journal. ' Felicitons donc nos bons amis, les Canadiens-Fran«;ais, de ce que leur piHe et leurs mceurs exem­plaires forment un 1 el contr.aste avec Ie caract ere entreprenant et l'amour du progres delenrs voisins des Etats-Unis. Qui, Ie con­traste est grand, trop souvent, de toute la difference qui separe la fraude de l'honnetete, l'egoisme du devouement, 1a rapacite du desi;,1teressement, 1e vice de la vertu. Mais pTaignons en me-

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me temps M. ]e pasteur Grandpierre, de ce cloire oblige, pOtlr edifiel' ses co-re1igionoaires, de leur faire des romans sur l'etat moral et religienx des Etats-Unis. Si Ie mot d'ol'dre de sa secte ne lui .com~andait pas de tenir ce langage, M. Grandpierreest trop bOl1nete pour ne pas deplorer avec nous, de voir Ie protest .. tantisme disparaitre peu a peu des Etats-Unis, en l1'y laissant que l'impiete radicale en face du catllOlicisme qu'elle persecute. En etudiant Ie personnage anti-social produit par Ia civilisation anti­chretienne, il nous prend ·des sympathies pour ceux des Intheri­ens et des calvinistes, pratiquant encore avec simplicite et pellt­Mre avec boone foi les exercices religieux qu'ils ont vu pratique. ;l: leurs peres, et si snperieurs an Franc-Ma~on modeme de toute Ia grace du bapteme.

C. DE LAROCHE-HE.RON~

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LA FETE DE . L'Il\BIACULEE CONCEPTION DE LA VIERGE MARIE,

• Un grand evenement, que beniront tOllS les siecles aveniI', s'est accompli dans la Basiliqne Vaticane. Le Sonverain-Polltife de l'Eglise catholiqne, Pie IX, a E"nfin defini comme dogme de foi, snivant l'ardent desiT des Eveques et des .fideles· confies a leurs soins, ce qui etait depuis des siecles .la croyallce piellse et universelle sur l'Immacnlee-Conception de la Tres-Sainte-Vierge.

Dans ce decret, Ie Sbnverain-Pontif a sollennellement dMini : "QUE C'EST UN ·DOGMB DB FOI QUE LA EIENHEUREUSE VIERGE

MARIE, DES 'LE PREMIER INSTANT DE SA CONCEPTION, PAR UN

PRIV:ILEGE ET UNE GRACE SPECIALE DE ·DIEU, EN VERTU DES

MERITES .DE JESUS-CHRIST, SAUVEUR DU GENRE HUMAIN, A ETE

PRESERVEE ET MISE A L'AERI DE TOUTE TACHE DE LA·,FAUTE

ORIGINELLE."

Telle est la solel1nelle definition dogmatiqn\l pour laqllelle Ie Saint-Siege Apostolique a re<;:ll tant de prieres et consulte tout l'episcopat catholique i l:t definition solennelle que tant d'Eveques accourus pour l'entendre dans la joie, allllOnceront a leurs fideles en retonrnant chacun dans leurs dioceses.

Apres la lecture du decret,·S. Em. Ie Cardinal-doyen revint au pied dn trone, rendant graces an Saint-Pere d'avoir liar son antonte apostolique, dMini Ie dogme de 1'lmmaculee-Conception, et Ie priant de vouloirbien pnblier laBulle relative a cette definition dogmatiqne. Les protonotaires apostoliqlles se presenterent ensnite, et Ie prCimoteur de Ia foi,. Mgr. Frattini, en qnalite d'avocat consistoriaI, fit Pin stance pour que 1'on precedat a la redaction du proces-verbal de cet acte soleunelle. Sa Saintete donna son consentement, et Ie doyen des protonotaires apostoliques dit qn'aimi serait ftlit.

Cependant Ie call on du chateau Saint-Ange an·nonce a tonte Ia cite la promulgation du decret, et ses coups multiplies semhlent vonloir faire arriver jllsqu'allx contrees lointaines Ia nouvelle de ce grand evenement. Tontes les cloches des tours de Rome sonnent. a tonte Yolee, et les habitants, POtH mal1ifester leut' allegresse, ornent leurs fcnetres et leurs balcons (te tapisseries e' de tentures.

V oici comment l' Unive1·s, Journal de· Paris, raconte. ce grand ev~nement :-

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Le 21 juin de ~'anl1ee 431, toute Ia ville d'Ephese etait ,dans l'activite et dans l'anxiete. Deux cents et quelques Eveques presides par Ie o-rand saint Cyrille d' AIexandrie, 'Iegat du Souverain-Pontife bromain, etaient reunis dans l'eglise de Sainte Marie. L'objet de cette soienne11e assemblee etait d'examiner et de condamner les errelirs enseigllees par N estorius, et en par­ticulier sa croyallce au sujet de la maternite de Ia Sai,nte-Vierge, a laquelle il refusait Ie titre de veritable Mere de DIeu. Cette., erreur blessait au cceur Ie peuple chretien, auquelle titre conteste etuit particuIierement cher, c'est pourquoi les habitants de la ville d'Ephese, rennis autour de l' Assemblee episcopale, att~n­daient impatiemment Ie resultat de ses deliberations. La seSSlOn dura depuis Ie matin jusqn'au coucher du solei! ; mais rien ne put Iasser Ia pieuse inquietude des fidMes. Les nns, dans Ie sanctn-

, aire de la famille, demandaient avec 'ferveur que l'heresiarqne Nestorius fut condamne et que Marie fut conservee dans la pos­session du titre de Mere de Dieu; les autres, entourant l'eglise ou les Ev&ques etaient rimnis, attendaient leur sortie pour con­naltre plus t61 ce qu'ils auraient prononce. . '

Enfin la rMmion se termina, et quand on sut que Ie ConClle avait decide que Marie devait etre appelee Mere de Dien et pro­nonce l'anatheme coutre quiconque penserait autrement, tout Ie peuple fit entendre nne immense acclamatIon de joie. Ce rut un spectacle plein d'emotion; la tristesse fit place anssitot a la plus vive allegresse. Toute Ia ville fut spontanement illuminee et paree de ses ornements de fete: des feux furent allnmes sur les places puuliques, et les Eveques furent reconduits a leur domi­cile par une multitude ivre de bonheur, qui porta it des tore-hes allumees et repandait sur Ies pas des Peres dn Concile des par­fums et des fleurs. Voila Ie prodige qne, au cinquieme siecle, produisit daDS nne grande cite la foi du peuple chretien et son amour pour Marie.

Rome vient de voir un spectacle qui ne Ie cede en rien a celui que nous venons de rappeler. Le dix-neuvieme siecle a produit une fete qui n'honore pas moins la foi de ses enfants et leur 'piMa poer la Reine des cieux. Le 110mbre des Eveques rassembles a . Rome Ie 8 decembre 1854 etait Ie meme qu'a Ephese. L'objet de leur reunion etait anssi Ia proclamation d'nn des plus glorieux privileges de Marie, de celui qui est Ie fondement de tous les autres, et sans lequelle titre meme de Dieu ne lui eut pas Me sans, ~ollte confere par Ie TnJs-Haut. Comment Dien aurait-il ~hOlSl pour ~a mere une creature qui eut pu eire pour un seul mstant la sUJette de Satan et la filledu pecha 1 Non moins cher an pe~lple chretien, Ie titre dont on vient d'assurer la possession a Ia Reme des vier~es etait, depuis Ie berceau de l'Egllse, l'objet de la croyallce ul1lverselle, et tous les siecles avaient soupire ~pres

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l'oracI~ qui en prochl.merait l'irl'efragable verite. Commc a Ephese, tout lepeuple chretien etait dans 1'attente et l'anxiete, de­mandant a Dieu que ses vamx fussent enteliduS" et que Marie flit proclamet;l sans souillweet sans tache et immac.ulee dans sa con­ception. Mais plus hem:eux que Ie pape saint Celestin, Pie IX pouvait pres~der lui-mtlme 1 'assemblee de ses freres les Cardinaux, les PatJ;iarches, les Archeveques et Eveques de toute 1a terre. 11 n'avait point a frapper un de ses freres dans l'episcopat, et 1'or­gueilleux Nestorius n'avait point d'emule dans 1'aug~lste assem­blee de Rome. ,La gloire de Marie n'avait a se dMendre contre personne, et dans cette victoire eclatante remportee par 1a Reine des cieux, i1 n'y a de vaincu que l'impiete: Pen fer seul a fremi ; l'Eglise tout entiere a battu des mains, et Ie dogme proclame Ie 8 decembre dans la basilique dn Prince des apMres par Ie Vi­caire de Jesus-Christ, etait proclame d'avance par la voix de tous les Eveques et par les prieres et les sLlpplications ardentes de tous les enfans fideles de l'Eglise universelle. . .

Decrivons done, autant que la chose est possible, 'une ftlte que tant de saints ont desiree, que tant de siecIes ont appelee de leurs vamx, que tant de Pontifes ont desire donner a l'Eglise, et que Ie Seigneur, dans son infinie misericorde, avait voulu reserve! a nos temps malheureux, com me leur esperance etleur ressource. La fete de Rome est la: ftlte du monele entilor: elle est pre:;idee par l' Auguste Chef de l'Eglise.· Deux cents Evtlques, venus de

. tous les coins du monde jusque drs regions lointaines ele la Chine,· des deserts de l' Amerique, des, Hes les plus reculees de 1'Ocean, forment la cotu'du Vicaire de Jesus-Christ et l'entourent comme une couronne brillante; deux ou trois cents prelats de tous les rangs, de tous les titres; de tous les costumes, lui servent de cor­tege d'honneur. Qu'il est beau de voir descendre par Ie grand escalier de Constantin cette magnifigne, cette incomparable pro­cession! quelle variete, quelle richesse' dans les ornements sa­'cres! Six Cardinaux-Evtlques, trente-sept Cardinaux prtltres;

, onze Cardinaux-Diacres, un patriarche de l'Oriellt, quarante-deux Archevtlques, cent Eveques, de tous les rites, de tous les pays du monde, marchent sur deux files majestlleuses, revetlls de la chape et la mitre en tMe. Le Vicaire de J esas-Christ les suit dans 10ute la splendetlr de ses ornements pontiticaux! Le chant des litanies des saints,commence dans la chapelle sixtime, se poursnit a travers Ia salle royalle, l'escalier de Constantin, Ie peristyle et Ia grande Def de la basilique. Une foule immense se presse pour voir la marche des pasteurs de l'Egli;e et pour recevoir la benediction de. son Chef supreme, qui s'avance rccneilli, priant, et la 'joie sur les levres et dans les yeuJ(. Arrivee elevant la chapelle du Saint-Sa­crement,la procession s'atrtlte, et apres. avoil' adore Dieu cache dans Ie tabeniacle, Ie Pape conronne Ie chant de,S litanies par

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l'oraison consacree; puis Ie cortege se remet en marche vers Pau­tel de Ia. Confession, tout re3plendis'Sallt des tiares et des mitres precienses, de la croix et des chandelliers d'o!', de reli'luail'es, de fleur,~ et de lumieres. Il passe devant la statne antique dn pre­mier Papl~, de celui qui re¥ut de J esus~Christ merne Ie gOllverne­ment de la sainte Eglise, de Pierre, Ie pechen!' de Galilee, deve­nll Ie Pontife souverain, Ie Vicaire de Jesus-Christ, Ie ,Chef de l'Eglise universelle; et ce premier Pape, dont la tete porte la triple couronne, dont les epallles sont chargees de la chape d'or et qui tient an doigt 1'anneall dn pe.chenr, semble saluer son 25ge. successeur, 1e Pape Pie IX, glorieusement regnant, heritier de son alltorite et de ses vertus. Le college des sclints ApOtres se retrouve et se reCOl1nait dans les deu,{ cents Eveques qui suivent leur pasteur snpreme, et Ie clerge et les fideles qui remplissent 1'i!nmense basiliqlle SOlltJ l'image fidMes de la primitive ~glise. , Amsi, a Jerusalem, les ApMres se l'elll1irent SOllS la presIdence de Pierre.et Ie Saint-Esprit etait au milieu d'eux.

Quuhd Ie Souverain-Pontife est assis sur son trone,les Cardi­naux, les Archeveqlles, les Eveques et les Prelats vont tuUf a tour lui rendre 1'obedience et baiser son pied sacre ou sa main, au brille l'anl1eau pastoral. C'est l'Eglise entiere qui vient venerer son chef auguste, celui d'ou Je~oule toute juridiction et toute alltorite spirituelle, celui qlli siege dans la chaire de Pierre et qui pitlt les pasteurs et les brtbis. La Chine lui a envoye un de ses vicaircs apostoliqnes; l' Amerique plusieurs de ses Archeveques et de ses Eveques , les nes perdnes au fond de l'Ocean y ont leurs representants. L'Europe y a dl;pute la plus grande partie de ses pastcnrs. Rome y compte 60 Eveques dont 30 princes de l'E­glise; les Etuts pontificaux, la France, l' Autriche, l'Espagne, les Denx Siciles, Ie Piemont, la Belgique, la Baviere, tontes les puis­sances catholiques y sont confundues dans Ie meme respect et dans Ie meme amour. L' Angleterre Intherienne, la Prusse evan­gelique, la calviniste Hollande y ont les chefs de leur jcune hie­rarchi~. Les empires,les royaumes, les republiques s'y dOl1llent la l11aJ~1;' et quand ces deux cents Eveques ont pris place sur l~urs sIeges, ayant c1e:Tiere eux un nombre infini rle preluts infe­neurs,' de generallx d'ordres, de pretres, de religieux et de fidMes, et a leur tete Ie SOllverain-Pontife romain, 11e pent-oIl pas dire que l' Egl;se nniverselle est presente? Qn'y mnnqne-t-il? Un Eveqnc de Russie. Le monue entier est la pour feter Ie triOinphe de, la Reine des Cieux.. L'empire de l'antocrate, de celni qui pretend par excellence au titred'orthodoxe, est Ie seul qui n'ait aUCUl1 Eveqne duns cette assemblee venue des quatre coins du monde et formee de tons les rites catholiqnes. Esperons que Celie dont ~'Ecriture chante qu'elle' estfm'le com7lle une armee rall­gee en bata~~le, s'en sOllviendra all jour des grands combats.

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Le ilhant de Tierce est termine ; l'oMdience est nnie; et, si hous osons employer ce terme, l'assemblee a pris cet aspect qu'on admire dans les vieilles peintures et lesvieilles gravures OU sont representees les assemblees du Concile de T.t;ente et. les autres grandes assises de la sainte Eglise catholique, mais avec cette majeste de pluset ce caractere plus grandiose qu'imprime la pre­sence de l'auguste et supreme pasteur. Le saint sacrifice va commencer et Ie grand-pretre de la loi universelle s'avance vers l'antel pour immoler la victime adorable. Nous ne voulonl> point decrire la beante ·des ceremonies, l'harmoniense melodie des chants consacres par les siecles, et taus ces rites si grands, si splendides, que revet la sainte fonction celebree par Ie Pontife supreme: ce tableau nOllS entraineruit trap loin, et nons avons hate d'arriver au moment 801ennel, a la lecture du dec ret en I 'hon­neur dnquel toute cette pompe s'est deployee, taus les Eveques sont venus de si loin, et qui doit assurer a Marie Ie plus glurieux de ses privileges et Ie plus pur de ses mysteres.

L'Evangile a ete chante dans les deux langues consacrees par la sainte liturgie et dans les deux rites prescrits pour la messe papale. C'est Ie -moment si impatiemment attendn a l'heure­marquee de touJe eternite dans les decrets de la misericorde du Tres-Hant: tons les yeux sont tournes vers Ie tr6ue du Pontife supreme; . un silence solennel s'est fait dans l'immense assem­blee; taus les crnurs s'eIevent vers Ie Cie!. . L' Eglise universelle depllte velS Ie tl:6ne du Vicaire de Jesus-Christ cinq de ses pas­teurs pour Ie prier de s:ltisfaire en tin a la devotion dll £leupIe chro3tien et de detinir que la croyance a l'Immaculee Conc.eption de Marie est un article de la foi catholiqne. S. E. Ie Cardinal doyen du Sacre-College, accompagne du patriarche el' Alexandrie, de l'Archeveque gl'ec, d'un Archeveque et d'un Eveque latins, est charge de porter au tr6ne pontifical l'expression du vrnu de l'Eglise et de lui adresser ses instantes prieres. Le Vicaire de Jesus-Christ econte ~ll1e suppliqlle sussi ,agreable a son crnUl, Russi conforme au vrnu de sa pro pre piMe, et il declare qu'il veut encore une fois invoquer les lumieres de l'Espl'it saint et consulter Ia volante divine. 11 se met a genonx sans quitter son trone; toute l'Eglise se prosterne avec lui et il entol1ne Ie Veni Creator, dont Ie chant· est poursuivi par Ie clerge et par la fou Ie immense des tidMes. Dans la vaste basilique une priere unanime, artiente, sort de toutes les levres et une supplication toute-puissante monte vers re tr6ne de Dieu. L'hymne terminee, Ie Vicaire- de J esus­Christ se releve et chante l'oraison ; puis, en presence de toute l'Eglise catholique, representee par 54 Cardil1aux, par un patriar­che, par 42 Archeveques et par 100 Eveqnes, par 2 au 300 prelats inierienrs, par plusieurs milliers de pretres et de religieux de taus les rites, de tontes les contrees, de tOllS les ordres et de taus les

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costumes, et d'au moins ;'}O,OOO fideles de tontes les conditions, de tous les pays; la mitre en tete et dans l'attitude du doctenr su­preme, charged'interpreter les senten'ces et les traditions et de prononcer les oracles de la foi, il commence la lecture du decret de cette voix grave; sonore, douce ot majestueuse qui donne a sa parole un charme. indMinisable. Apres l'invocation a 10. tres sainte Trinite, aux apotres Pierre et Paul, au moment au il arrive au passage concernant l'Immaculee Conception, sa voix s'atten­drit, des larmes montent a ses yeux, et lorsqu'il prononce les mots sacramentels definimus decretamu8 et confirmanu8, son emotion,les' plours lui coupent la parole, et il est oblige de s'arreter et d'es­suyer Ie ruisseau de larmes qui s'echappe de ses yeux. Cepen­dant on voit qu'il fait un effort supreme pour dominer son emotion, et il reprend alors la lecture, de cette voix ferme et pleine d'autcirite qui convient au juge de la foi. Son CCBur monte a ses levres et on ne sait s'il preche ou s'il lit, tant sa voix est animee, pleine de mouvement, et l'on sent que Ie Pere de la chre­tiente, Ie fils devoue de Marie, Ie supreme pasteur de l'Eglise at Ie juge infaillible de la foi parlent ensemble, ou plutOt que c'est l'Esprit divin qui parle par sa bouche et qui mele a l'oracle du docteur de la verite les sentiments d'nn camr tendrement devoue a Marie. Son emotion recommence lorsque, apres avoir declare que la croyance a l'Immacnlee Conception a ete de tout temps la croyance de l'Eglise catholique, que par consequent elle doit etre professee par taus ses enfans, et avoir etabli les peines qu'en­couraiel1t ceux qui seraient assez temeraires pour In. contredire, il revient a parler des graces qu'il reconnait lui-meme devoir a la . Tres-Sainte Mere de Dieu, des esperances qu'il fonde stlr sa pro­tection pour Ie soulagement des maux de Ia societe et de l'Eglise, et du bonheur qu'il eprollve a rehausser la gloire de CelIe qu'il a toujonrs tant aimee et d'ou emanent tous les biens et tous 181 dons d'en haut.

Mais a quoi bon prolonger. une analyse faite sur des souveninr qui pourraient ~tre infideles, et qui, du reste, va devenir inutile, car nous ne tarderons point a recevoir Ie teAte du decret; mais qui pourrait ne pas admirer la maniere forte et douce a la fois dont Ie yicaire de Jesus-Christ a proclame l'oracle infaillible qui a~sure sur Ie front de notre grande Reine et maltres~e Ie glorieux dl,ademe d'une conception immaculee! Oh! qu'il etait beau, PIe IX, versant des larmes d'attendrissement en couronnant sa Me~e .bieri-aim~e! , 0 larmes precieuses, que les anges ont.re­cuellhes et qUI bnlleront comme des diamants sur la couronne que la Reine d~s an,ges tient en reserve pour Ie Pontife qui lui a d?nne une glolle SI magnifique ! Qu'ils etaient beaux ces Car­dmaux, c~ Archev~ques et ces Evllques ecout!lnt avec amour Ie dec ret qUI proclame Ia grandeur de Marie, recueillant avec res-

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pect les paroles qui tombaient des levres sacrees dll Pontife' supr~me, et qu'ils vont all!;!f repeter par tont lo'univers, aux infi­deles de la Chine, allX sauvages de l' Amerique et des iles l.oin­taines, a toutes les langlles, a taus les empires, a taus les coins du monde habite! 0 Senat auguste del'Eglise catholique, que vous etiez heureux .d'assister a nne aussi belle fete! Que les fatigues de vos longs voyages, de. vos longs travaux etaient sura­bondamment recompenses par l'eclat ajoute en ce jour au dia­deme de la Reine de l'Eglise! Qu'ils seront heureux, vos pen­pIes fidMes, quand ils recueilleront de. vos levres les paroles que vous avez recueillies vous-meme des levres infaillibles du Sauve·. rain Pasteur, ~t .que vous leur direz: Nous etions la, nous avons vn, nons avons entendti! Cette couronne qui brille au front de notre Mere et de la votre, nous avons aide a la placer !Qu'il etait beau tout ce clerge de tous les rangs inferieurs de la hierar­chies, s'nnissant a ses Eveques pour saluer Ie dec ret et s'appretallt a aller Ie proclamer jusque dans les lieux les pIllS recules, dans les missions les plus lointaines, dans les chaires des grandes cites et des plus humbles hameaux! Et vons, fideles de tout rang, de tout sexe et de toute condition, qui remplissiez l'Eglise immense du prince des apMres, avez-vous jainais Vll plus haute expression de l'nnite catholiqne 1 Oh! qU'elle etait belle! qU'elle Hait agreable au Seigneur cetta assemblee innombrable au ne battait qu'un cceur pour aimer Marie, ou ne s'onvtait qu'une bouche d'aL-ord pour demander las lumieres de l'Esprit saint en union avec Ie Saint-Pere; les Ev~ques et Ie clerge, ensuite pour remer­cier Dieu et saluer Marie COnlOnnee dn diademe de l'Immaculee Conception i car c'est la un des caracteres les plus touch ants et les pIns catholiques de cette admirable fete! A peine sortie des levres dn Vicaire de Jesus-Christ, l'invocation a l'Esprit de lu­miere et d'amonr s'est trouvee sur toutes les levres, et on eut dit qu'une senle voix, une voix composee de cinqnante .mille voix, montait au ciel. De meme, Ie Te Deum a peine entonne par Ie Pontife supreme, a courn la basilique entiere, et c'etait un hymne infini de reI:IJ.erciement et de reconnaissance, une immense, une universelle acclamation au gloriellx privilegeHle Marie. Priere ardente, unanime, que les salves de l'artillerie et les volees des cloches de la ville empo~taient au c~el et deposaient au pied du trone de la Vierge immaculee •.

. Mais cette couronne brillante que la parole du Vi caire de Je­sus-Christ vient de poser sur la tete benie de notre .Reine et de notre maitresse, n'y aura-t-il pas un signe materiel qui Ii symbo­lisera et en transmettra la memoire aux generations futures 1 Pie IX y a pense •. 'Une couronne de ror Ie plus fin, enrichie des pierres les plus precieuses, ira decorer la tete de la Vierge imma­culee que l'art de lamosa~que a representee in mternum all-dessu9

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n.o

du maHre-autel de ia chapelle des Chanoines. Apres If' 'Te DeulIl, ce diademe eclatant est beni par Ie Pape sur l'autel£meme de la, 'Confession, et Ie Souverain-Pontife, precede de son magnifique et imposant cortege, va processionnellement porter a la Mac10ne veneree Ie aiademe prepare par la piete de l'insigne Chapitre de Saint-Pierre. De ses mains sacrees i1 depose la preciellse cou­ronne sur Ie front de l'iwgllste SOllVeraine du ciel et de 10. terre, de la glorieuse Reine de l'Eglise, en presence de tonte la cour de l'Eglise militante, en presence aussi de toute la cour de l'Egli,se triomphante; car, iI n'est pas permis d'en donter, les anges aSSIS­taient' a cette fete, OU cene qu'ils avaient, il y a dix-huit siecles et demi, saillee par 'ces mots: ,.!1ve Maria, gratia plena, est au­jourd'hui saluee par ces autres: Ave Maria, sine labe originali 'concepta ! double salutation qui n'en est qu'une, car la der~iere est Ie developpel1lent, Ie comonnement de la premiere. TIegnez­donc a jamais, () glorieuse princesse, () Mere bien-ailllee, COllron­nee douhlement au ciel par votre Fils qui est Dieu, sU,r la terre par Ie Vicaire de votre Fils, qui est Ie Pape Pie IX, par l'Eglise universelle et par tont Ie peuple chretien.

Mais il l1'y a point, dans l'Eglise catholique, de belle fete si Ie peuple n'en fait Ie principal ornement. NOllS avons parl'e des princes de l'Eglise de tous les ordtes du clel'ge ; nous avons vu toute la sainte hierarchie rivahser d'empressement et d'amour '; mais les fldMes, 111~lis Ie peuple, queUe part prend-il a cett..e fete 1 C'est a llli qu'il appartient de lui imprimer son vrai earactere, Ses ~ntrailles ont-elIes ete emues 1 Est-ce bien-' reellement une eroyance pop111aire, universelle, que 1'0n va dMinir, et les en­fants de l'Eglise 80nt-ils a11ssi desire:lx qu'on Ie dit de voir decer­ner a Metrie Ie titre d'Immaculee dans sa Conception? Ah! la reronse a eette question, elle est faite, eUe est la toute vivunte. Voyez cette foule qui, des sept henres du matin, se dirige vers l'antiqne basilique du Prince des ApOtres, qui en rem plit les vastes nef" et Jllsqu'aux chapelles ordinairemellt 8i solitaires, qui se presse et qui se renouvelle sans cesse. C'est un flux '"t un reflux continuel. Les vastes entrees de la basilique ne peuvellt suffire aces milliers de fideles qui les assiegent et lesencombrent. Trente mille p~rSOI1J1eS, au dire des meilleurs juges, sont ensemble dans l'eglise, et la foule entrant et s'ecoulant sans cesse depuis. sept hemes dll matin jl1squ'a une heme de l'apres midi, c'est 50i­xante mille personnes au moins qui auront assiste a la fete. Et quel recueillement dans cette foule! 'Quel air de contentement , De quel CCEllr elle prie! Com me Ie Veni Creator et 1e Te lJeum l'~meuvent, l'agitent, 'et comme elle chante avec amour avec f01, ces prieres d'invocation et de louange! Et Ie re~te de la_ population, Comme elle remplit les ~Eglises de la- ville ~amte, cornme eUe se donne dn! m6uvement pour preparer l'illu-

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mination qui' doit changer la nnit de ce bean jour en un ciel. tout parseme d'Ctoiles! Comme au son des cloches qui annon­cent la consecration du grand acte, elle se prosterne et salue la' 'Vierge sans tache 'et sans souiUure! Que de saints cantiq lles lui' sont adresses dans les couvents, dans les familles, dans Ie secret des C<Burs !

Puis vient Ie soir, et c'est alors que la foi, que l'allegresse du peuple brille, eclate et que la ville entiere devient un te,mple eleve a M~~i~. Des la vei~le au soir, malgre la plui~, malg:re la tem­pt'lte, des mIllIons de IUmlereS saluent 1'aurorc du JOur ql1l va parai..; tre; mais Ie soir de la ft'lte, la ville est litteralement une ville de feu; . pas un balcon, pas une fenetre, pas une lucarne qui u'ait ses lam­pions. Les grandes arteres de la ville, Ie Corso, la Voie-Papale, RipeUa sont des tleuves lumineux; les places publiques, leA mo­numentl:\ et les eglises portent des edifices de feux. Le Capitole etincelle et des orchestres en plein air saluent, au nom du penple romain, Ie tri9mphe de la Reine des Cieux, qui est allsssi la Reine· de FEglise et de Rome. Partont des trdnsparents, des imagfls de Marie, des inscriptions en son honneur; partout la devise: .Maria I sine l(Tbe origirwli concepta. Une foule immense sil1011ne Ia ville; , tonte la population est dans 1a rue, sur les places, a Saint Piene' surtout, dont la coupole eleve dans les airs un diademe etince­lant. On dirait qu'une Providence speciale a veille pour donner a cette illumination, dont on connait la grandeur et la beal1te, un eclat inaccoutl1me: Un Image nOIr, Ie seul qu'il yeut dans Ie ciel, qui etait la comme pour rapneler la pluie, la tempete de la veille I't de toutl'; la nuit precedente, formait derriere la coupole un fond sombre (;)t nair snr lequel se detachait admirablement cette comonne de feu que la Ville-Eternelle offrait a la Reine de

. I'univers. 0 nuit plus belle que Ie jOllr! 0 pavilions d-e lumieres aBulTIes pour eclairer la ft'lte de notre Mere! 0 Reine des Cieux ! quelle couronne plus belle pellt vous Off'l ir 1a terre 1

Telle a ete la :£ete du.g decembre a Rome,ou plutOt telle a ete une partie, la plus faible peut-t'ltre, de cette ft'lte imperissable. Du reste, ce n'est que Ie premier jour ~ c'est Ie, commencement des fMes. Des Ie 10, une autre solenl1ite attirait a Saint-Paul, hors des mms, toute la ville sainte; Ie Pape devait y consacrer, assiste des 200 Evt'lques et de tout Ie clerge, la basilique de l'apo­tre des Gentils, dont la dedicace. se tronvera ainsi liee au triom­phe de la Reine des cieux. Le: soir du mt'lme jour, l' Academie des Arcades devait tenir au Capitole, dalls la grandes:J.lle du Se­nat, nne seance solenne11e, ou lie Cardinal Wiseman aura celebre Ie mystere recemment defini; et Ie lendemain 11, l' Academie de I'Immaculee-Conceptioll avait annonce une seance non muins brillante dans I'eglise mt'lme des Saints'-ApOtres, pour ft'lter Ie glorieux privilege dont elle porte Ie nom, et dont elle a tOlljonrs

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professe la croyance. Des triduo se font dans la' plupart &8$ eglises. En un mot, c'est une f€lte sans fin, et pent-on, en eiret, se lasser de chanter la gloire, de celebrer la victoirede la grande et puissante Reine de la ten-e et des cieux? Et cette f€lte, com~

'maneee a Rome, va se continuer dans Ie. monde entier. La cloche de Saint-Pierre mettra en mouvement les cloches de toute la terre, et jusque dans les solitudes· du nouveau monde et dans les plus lointaines contrees de l'ancien, la parole du Souverain­Pontife sera repetee, sera saluiiii, sera acclamee. Partout l'Im­maculee~Conception sera celebree et glorifiee. Comment, a cette pensee, ne pas esperer pour Ie monde et pour l'eglise les grands biens que les saints ont predits pour l'epoque qui verrait proclamer l'in,comparable privilege de Marie? Comment ne pas croire que notre Mere nous rendra en bienfaits les hommages que nous lui oir~ons? Comment douter que Ie sureroit de gloire qu'elle vient de recevoir n'est pour nous Ie gage d'un present meilleur et d'un avenir plus prospere 1 Qa Me l'esperance des saints: c'est 1'es­perance de Pie IX, cet autre saint POlltife, cet ange de l'Egl~ej­dont Ie pontificat sera c1esormais glorieux entre tous ceux qui ont avance Ie reigne de Marie qui ont exalte ses privileges et sas grandeurs.! Regina, sine labe originali concepta, ora pro nobis?

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COMPTE-RENDU >lies Recettes ct Depenses de 1'(Euvre de 10. Propagation de IlL Foii •

. pour Pannee 1853.'

RECETTES.

PAROISSESj ETC. MONTANT.

£ s.d. M t' 1 5 Jubile, . . . ..• . £362 3 4

on rea, l Souscliptions, Ia ville et les faubourgs, 3"32 6 6~*

L' Assom,ption, Boucherville, Laprairie, Saint Martin, Te1'l'ebonne, . S;tint Clement,. . Saiut Jean I'Evangeliste, Saint Isidore, . . Saint Vincent de Paul, Saint Rami, Saint TimotMe, . Couvent de Longueuil, Belceil,. . Sainte Martine, . Sainte Therese, . . Saint Jacques de r Achigan, Lachine, . Longueuil, • . Sainte Genevim, Lav'altrie. . Saint Henri,. . ' Sault-au-Recollet, Saint Roch, . Saint Barthleem'i. Varennes, . . Sainte Scholastiqtie, '~aint Ambroisc, Lacadie, . . Sainte Philomene, . Saint Laurent, . . . Saint Franj;lois de Sales,. Pointe aUK Trembles, . 'Sainte Rose,. Les Cedi-es, MeUes. Grisee,

'.

--- 694910t 5213 0 3819 0 38 5 0 36 8 3 34 010 3210 0 32 0 0 31 5 0 30 0 5t 2917 6 28 9 6 2614 6 2610' 9 25 0 0 23 0 0 21 ro 4 20 16 10~ 2016 It 2010 0 19 0 0 18 12 14 18 II 9 18.7 2 18 0 0 16 17 64 14 2 3t 13 10 O~ 13 1 7 13 0 4 1218 2 1214 5 12 II 5t 1210 2 12 0 0 11 5 0

Reporte, £ 1500119 04

* Sous cechiffre sont alissi comprises les aum6nes de l'H6tel-Dieu, de la Congregation, de I'H6pital-General, du Grand Sewinaire, du College de

.. Montreal, du College Ste. Marie, etc., !ltc., etc.

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COMPTE-RENDU des Recettes et Depenses de l'(Euvre de Ia Propagation de la Foi, pour l'annee 1853.-( Continuation.)

RECETTES.

PAROISSES, ETC. MONTANT.

Saint Janvier, &lint Sulpice, • Saint Antoine, . Riviere des Prairies, Pointe Claire, . . Lac'des Deux-Montagnes, Berthier, . S~jrJte Elizabeth, Contrecceur, Saint Jerome, Lachenaie, . Saint Esprit, . Saint Cyprien, S;dnt Polycarpe, Suint Valentin, Saint Eustache, LaIiornie, . &linte Marthe, • Repentigny, . . Saint Jean-Chrysostome, Ver~heres, . . . Saint I,ouis de Gonzague, Saint Jacques Ie Mineur, Cbteau-du-Lac, Saint Clet, . . . . Un particulier par testament, . Chateauguay, . . . Saint Cuthbert, Saint Thomas, Saint Alexis, . Sail)t Andre, Sainte Melanie, Longue-Pointe, Saint Benoi&, . L'Iridustrie, De-du-Pads, ~nt Regis, Saint Marc, De Bizard, _ Saint Norbert, Sai.'.1te Julie,

£ s. d. Report. 1500 19 O~

1015 lOt 10 13 4t 1015 0 10 12 11 10 3 1~ 10 0 0 91810 913 7~ 910 0 910 0 9 8 4~. 818 9 815 0 810 2 8 8 5~ 800 800 800 7 17 O~ 7 15 0 7 14 4~ 7 10 0 700 6 12 lOt 4 18 1~ 415 7t 410 9 442 4 0'0 400 3' 15 0 314 41 311 7 310 0 3 6 1~ 300 2 14 7~ 1 1211 1 II 3 I 10 0 1 10 0

Total ge~eral, £ 1771 6 4t -------;--

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COMPTE.RENDU des Recettes et Depenses de!'(Euvre de la Propagation . dela Foi, pour l'annee 1853.-( Continuation.}

DEPENSES.

£ s. d. A Sa Grandeur Mgr. de Montreal, pour diverses bonnes reuvres, I 300 0 0 Pour honoraires des RR. PP. Oblats, l'tIissionaires du Diocese, 250 0 0 \ . . Pour frais de poste, voyages et transport des Annales de ( I

225 4 96 France, Ornements, Vases Sacres, et autres objets de S piete fournis aux Missions, . . . . •

A Mgr. l'Eveque de St. Hyacinthe,. . • . . 100 0 0 A Mgr. Demers, . . . . . 70 0 0 Pour impression des Rapports et Manuels, . 55 6 3

" St. Calixte, . 50 0 0 " Terniskarning, 50 0 0 " Les Chantiers, 50 0 ()

" Rawdon, 27 0 ()

" La Baie d'Hudson, 25 0 0

" St. Alphonse, 25 0 0

" Ste. J ulienlle, 25 0 0 " Godrnanchestel', . 25 0 0 ., ::5te. Adele, . . . . 25 0 0 " Les Sreurs de la Riviere Rouge, 25 (I 0 " Sherrington,. . . . . 15 7 4

T()tal de la depense, £ 1342 18 4&

Balance ell caisse pour 1853,' . . . £66 4 8 Montant du J ubile.a etre paye pour la fondation t 362 3 4

d'nne·ecole a la Riviere Rouge, . . \. 428 8 0

Montant egal a Ia rerette generale, £ 1771 6 44

Approuve,

ALEXIS LAFRAMBOISE, Presid--nl.

JOSEPH DUF AUX,

Sec"elaire.

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COMPTE-RENDU des Recettes et Depenses de I'CEuvl'e de la Propagation

de la Foi, pOUl' l'annee 1854.

RECETTES.

PAROISSES, ETC.

Faubourg St. Laurent, . • ' . .£131 1 " St. Antoine et St. Joseph, 106 16 " Ste. Marie (Quebec) 101 'J

Montreal, " St. Louis, . 45 19 La Ville, 37 18

6 3 9~ 3~

Grand Seminaire, Colleges, Commu­nautes, etc. 20 19 2~

Boucherville, . Laprairie,. . . Saint Vincent de Paul, . Saint Jacques de Lachigan, Couvent de Longueuil, Terrebonne, Saint Henri, . Saint hiclore, Pointe Claire, Saint Bel/thelemi, Lavaltrie, Saint 'I imotMe .. Rigaurl. . Saint R0.;ni. . . Saint Louis de Gonzague, Saint Cyprien" .' Sault-au-Itccollet, Contreramr, Sainte Geneyieve, Sainte Elizabeth, Saint Alexis,. . . . . De Mademoisellc Grisee, par testament, Lac des Deux-Montagnes, . . Saint Jean, Lachine, Saint 1:3 u I pice, Berthiel', Les Cedl'es, Coteau-elu Lac, Saint Augustin, Chamblv, . L'Inelu-.irie, . . Saint FmnQois de Sales,

..

MONTANT.

.£ B. d.

444 2 9 36 0 0 35 8 IO! 34 1 1 2815 0 26 0 0 2514 8. 2412 8 21 5 0 20 5 9 1810 0 18 0 0 18 0 0 16 7 S-1310 0 13 3 4

. 12 18 6~. 12 18 6

. 12 13 8 12 0 0 11 010 11 0 0 11 0 0 1019 11 10 17 1 10 6 0 10 5 5 915 9 950 924 815 0 8 11 0 862 830

-----Report, .£ 537 12 3

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COMPTE-RENDU des Recettes et Depenses de l'tEuvre de Ia Propagation

de Ia Foi, pour l'annee 1854.-(Contin'Uation.)

RECETTES.

-PAROISSES, ETC. MOJliTANT.

£, s. d. Report, 537 12 3

Sainte Ther~se de Blainville, .. 8 0 0 Vercheres, 8 0 ()

Repentigny, 7 5 2 Saint Eustache, , 610 0 Saint Janvier, . 6 0 0 Riviere des Prairies, 5 8 1 Longue Pointe, 0 5 6 4 Sainte Martine, , , 5 6 3 Sainte Rose, 5 2 6 Saint Hermas, 5 0 0 Saint Ambl'oise, . 415 0 Saint Antoine, . 0 413 4 Saint Benoit, . 315 0 Saint Paul, 0 312 8 Saint Constant, 310 0 Pointe aux Trembles, 0 3 5 1~ Saint Cuthbert, . 3 0 0 Sainte Philomene, 3 0 0 Sainte Marthe, . 215 0 Saint Thomas, 1 i5 7 Sainte Anne du Bout de l'Ile, , 0 1 5 ()

Saint Martin, ,

019 6 . Saint Bernard, 0 9 1~

-- - -Total de Recettes propres a l'annae 1854,. . . . 1080 8 8 Restait en excMant des Recettes sur les Depenses du prece-

dent compte de l'annee 1853, 66 L 8

Total general, £, 1146 13 4

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COMPTE-RENDU des Recettes et Depenses de l'<Euvre de la Propagation

de la Foi, pour l'annee ] 854.-( Continuatiou.)

DEPENSES.

Pour honoraires des RR. PP. ObJats, Missionnaires du Diocese, A Monseigneur I'Eveque de Saint Hyacinthe, Temiskaming, Saint Calixte, Sainte Julienne, . Au R. P. Garin, pour caractere d'imprimerie, Saint Alphonse, . . . . . . Rawdon, . Saint Sauveur, . Aux Samrs de la Providence, Sherrington,. . .... Pour frais de transport des annalles de France, Ornements,

Vases Sacres et autres objets de piete fournis aux Missions'l

£ IS' d. 250 0 0 100 0 0 100 0 0 7318 4 5315 0 39 l(l 0 3810 0 48 3 0 10 5 0 10 0 0 3 0 0

204 15 101

Total des depenses propres a l'annee 1854, £ 931 17 2! Reste en excedant de recettes, pour servir aux premiers paie-

ments a faire aux Missionnair~s en 1855, . . . 214 16 I!

Somme egale en total general ci-contre, £ 114613 4

Approuve,

ALEXIS LAFRAMBOISE,

President.

JOSEPH DUFAUX,

Secretaire.

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<EUVRE· DE

LA SAINTE ENFANCEQ

L(Euvre de la Ste. Enfance aujourd'hui repandue dans Ie monde entier et qui est appelee a faire tant'de bien nOll seulcment aux enf'tnts infidMes, mais encore aux enfants catholiques, a Me inauguree solennellement a Montreal, pour Ie Diocese, au mois de juillet dernier, par Mgr. de Montreal. Un an' auparavant, Sa Grandeur avait publie les Indulgences de l' Association dans l'appendice a'll nouveau rituel, et une de ses joies les plus vives a son retour de Rome, sera, comme on peut Ie voir par sa Circulaire du 19 octobre 1854, de tronver cette belle ffiuvre etablie dans toutes les ecoles, 'dans tontes les maisons d'education, dans tontes les familles, dans. tontes les paroisse~ de son Diocese .

. Afin d'aider l'etablissement de cette Association, nons donnons ici un coup d'ceil sur la Ste. Enfance. Ce coup d'ceil est dn ala plnme d'nn homl11e non moins distingue par son zele qne par ses ccrits.,

n suffit du reste de connaitre la Ste. Enfance pour l'aimer, et elle est si accessible a tons, aux panvres coml11e aux riches, qu'a mains d'nne indifference inexplicable, on ne peut se dHendre de l'el11brasser et de la prorager. Loin de l1uite aux autres (Bnvres, eUe les sert admirablement en leur prcparant tonte une genera­tion d'ap6tres. Deplns, elle ne donne presque ancun snrcroit de travail, car eUe se propage antfl.l1t d'elle-lheme, que par les efforts qu'on veut bien lui preter.

Lps annales, les notices, gravures, etc., de la Ste. Enfimce se trouvent a Montreal, et il est facile de g'en procurer. lln'ya rien de plus interessant.

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1.

Deplorable abandon des Enjants

Une affreuse maladie morale, qui conduit chaque annee ala mort des centaines de milliers de victimes innocentes, exerce lefi plus eruels ravages dans un immense pays, dans Ull pays Ll~li compte plus de 300 millions d'ames. Ce n'est pas la melancohe aux idees sombres et dont 11). fatale triste~se inspire et fait aimer Ie suicide, crime horrible, mais par lequelle coupable ne s'atta­que pnurtant qU'a l'existence qui lui est personnelle. Ce n'est pas non plus Ie duel, atroce combat justement fietri par les lois de la nature et par les lois positives; assassin at par concession mu­tuelle, genre de bravoure con damnable, il est vrai, mais bravoure pourtant, qui ne se presente pas pour attenner Ie crime que nous voulons depeindre. Ce n'est pas non pIllS Ie meurtre commis de sang-froid par Ie scelerat qui attend sa victime au passage, et plonge dans son seil1 Ie poignard acere par la vengeance ou par la 'floif insatiable de 1'0r ••. C'est bien pis que tout cela ... Et qu'est"ce done? •. c'est Ie fO/fait horrible d'une mere qui etouffe les ~ris de la nature et qui tue son enfant •• , de mille meres qui peuYel!t l11JP.u~e­ment :,;e ressembler par Ie caructere epouvantable de l'mfantlclde commis ave·c premeditation t't sans verser une larrne! •.. Oui un pays existe OU l'infallticide est a l'etat norm-al.., OU les meres barbares jettent sur la voie publiql1e, exposent a la dent d'une bete eruelle l'enfant qn'elles viennent de mettre au jour; et cette barbaric est exercee h:'lbituellement contre la tendre enfant dont Ie sexedevrait inspirer une compassion plus grande, .. Oh! votre Coour se refnse a admettre la realite de tell es horreurs ... Lisez .•. : c'est d'abord Ie temoignage d'un homme qui occupa un hant rang dans la science, qui fut membl'e de l'Institnt, et dont l'existence, apl'cs avoir echappe aux mille dangers qe ses voyages autour du monde, est venue se briser sur Ie chemin de fer de Paris a Versailles, au jour de:, l'affreuse catastrophe dont la chapelle des Flammes retrace Ie triste souvenir. Lisez ces mots, extra its de son ouvrage ... Voynge pittoresque autour du Monde, pag. 339, tom. Ier:

"En Chine, dit l'infortune Dumont d'Urville, un pere peut " vendre son fils comme esclave, et, soit par caprice, soit par pau­"vrete, il use assez souvent DE CE DROIT .• . Les filles S~lrtout sont "un objet de march~ ... L'humanite, l'amour paternel sont des "vertus ignorees des Chinois, qui ne S'occl1pent que d'eux-l11t'lmes. "C'est sans doute a cet egolsme abrutissant qu'il faut aUribuer "l'enorm.e quantite d'infanticides ... dont ce pays est temoin «ha­" qne al111ee. Loin de -sevir contre ce crime atroce, Ie gouverne­"rnellt Ie tolere et l' AU:rORISE presque. L'tme des occupations "de la police de Peking est de ramasser, chaque matilJ, les en"

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." fants qne l'on a jet€s pendant la nuit. On entasse les victimes " dans les charrettes, on les porte pl'lle llltlle, VIVANTS ET MORTS, " dans line voil'ie situee hoI's Ja ville. Quelques auteurs ont por­"te a /rente mille Ie nombl e des infanticides coml1lis dans une an­"nee. Les naturels du pays qui logent sur les fleuves les aban­" dOlliJent au courant, apres leur a.voir attache an dos nne ~ale­. "basse qui leur tient la ttlte hal'S de l'.eau. It n'est .pas rare de "voir :!latter ainsi des cadavres d'enfants ... , et les bateaux qui ., passent n'y accordent pas .plus d'attention qu'ils ne feraient "pam un chien mort! ••. " .

Horrenr! ! ••. Voulez-vous les recits plus effrayants encore d'un Anglais, auteur des Recherches phitosophiques sur les Chinois1 de P. Dabel, conseiller russe ~ •. .les rapports des missionnaires . qui parcourureut ces contrees L •. Non, assez.

Cependant, acceptez quelques courtes explications qui vont vous rendre ces incroyables verites plus vraisemblables.

La Chine est encore idolatre, les idees civilisatrices du catho­licisme n'y sont pas dominantes, il s'en faut bien; or, sous l'em­pire clLl paganisme Ie faible a toujours ete la victime de la puis­sa~ce du fort, et c'est Ie Dieu-Enfant, de la religion catholique,. qm a ]lrotege la faiblesse de l'enfunce contl'e des lois barbares abolics sous l'influence de cette institution divine, mais dont les restes nffr~ux exel'cent leur cruelle influence sur les peuples cOlll'1J(~S encore so us Ie joug de l'idoIatrie .... Et puis ces miserahies contrees pni'ennes subissent toutes les absurdites que leur impose la croyallce a nne eternelle metempsycose: ainsi Ie sort cruel d'un enfill1t assassine, c'est tontsimplement Ie passage de son esprit Llans un autre c9rps qui a plus on moins d'unalogie avec la forme hnmaine. Ces myriades d'enfunts exposes, etouffes, fou­Ies a ux pieds sont done bien a plaindl'e ! ... mais les lois ~ •.. Elles Be taisent, ellestolerent. Nous avons vu quelques ordonnances d.e m::mcl::trins chinois .... Voici a pen pres qu'elle en eRt la teneur. On ne dit pas: "celui qui sera coupable d'infanticide sera puni de mort .. , sera emprisonne toute sa vie •••• " Oh, non! voici commel on parle: "Nous voyons avec peine que dans Ie ceIesIe Empil'e on se permette. d'attenter :lUX jours de l'enfance •• . Cela n'est pas bien ••. , il faudrait y faire attention et avoir, a l'avenir, nne autre conduite."

En 1845, l'el1lpereur de la Chine publia un edit par lequel il repl'Ouvait Ii. barbare coutllme de l'infanticide; it engageait les parenb a envoyer leurs enfants aux hospices plut6.t que de les faire devore!' pa?' les betes, ou de les jeter dans Ie fieuve,. et ill1lenac;a­Ie croirez-vous ~ ••. de la peine de SOIXANTE SOUFFLETS quiconque agirait autrement . . Tout cela doit faire com prendre que les tristes relations' des

voyageurs ne sont pas exage'rees, et r~ndre vraisemblables les

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dMails horribles que nons n'exposons it vos reg~rds qu'apr~s VOllS avoir dit-qu'une main hienfaisante va gulmr cette plate saignante de la Chine, et qu'elle a deja arrache it la morl des milliers d'innocentes victimes. Les details J'llne affreuse mala­die font une impression moins donlourellse, quand on sait qu'il y a pres du malade un medecin habile, qui bient6t va fane naitre l'espoir d'nne entiere guerison.

II

Etablissement de la Ste. Enfance.

En 1843, il Y avait it Paris un de ces hommes dont l'energie morale cow;oit avec vivacite les projets les. pl~lS gigantesCilles, auxquels nne bouillante imagination vient en aIde et fourl1lt les moyens d'execution,-un de ces CCBnrs genereux qui vellient toujours fortement Ie bien.-Cet hom me s'appelait de Forbin-J an· son; il etait eveque de Nancy, missionnaire en Orient, it Smyrne, a la Terre-Sainte, aux Etats-Unis, en Canada; et ses longs tra­vaux apostoliques n'avaient diminue ni son energie, ni sont in­satiable desir-de faire elu bien a l'hllmanite. SOil aleul Palamede de Fortin, avait donne Ulle province a la France; lui, plus gene­reux, veut dOllner un empire et Ie plus vaste des empirE'S a l'E­glise. II a appris que dans les immel1ses contrees de la Chine, ou la degradation morale est la compagne de l'idolatrie, des parents barbares, sourds ala voix de la nature, immolent leurs enfants, les offrent en plUure aux plus viis animaux, les ex llosent dans les flies, on les jettent dans les fleuves. Son crenr tressaille, son imagination s'exalte, il a con<;n un projet ill1mense, il are­solu un probleme, il va sauver tous ces pauvres enfants ...

Sa conviction catholique vient lljonter au zele qui l'enflamme pour les preserver de la mort, l'ardent de sir de leur ouvrir Ie ciel ; car ces infortul1es lllcurent prives de l'onde de la regeneration baptismale qui rend digne ell! celeste sejour. Mais quels seront ses moyens d'executiun 1 Quel projet va-t-il concevoir 1 Le voici :-Ces parents barbares, insensibles it la perte de leur::: en­fants, ne Ie seront pent-etre pas a la vue de I'or, mobile de tant de honnes et de mauvaises actions,-et el'ailleurs, peut-Mre bien des meres se decident it arracher la vie a leurs enfants parce qU'elles ne peuvent pOllfvuir a leur existence; leur CCBur se deci­dera sans dOllte a 128 vendre, puisqn'il se determine bien a s'en se': parer par une mort crllelle.-Tout cela est vrai, ces previsions sa s~ntrealisees et desvoyagenrsont ditque pour 100 sapeques, ~ fro ou 10 SOllS, on donnait un enfant qui vient de naHre; pour 200 un ~e deux ans, pour 300 un de dix annees.-La charite est in­~em.eus.e •.. ,.oui ! ... Mais beaueoup deja .ont mis a contribntion les lllspnatlOns de son genie, et c'est pOUl' cela qU'eHe a rev~tu to utes

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les formes.-Elle a frappe a toutes les portes, bien des portes se sont ouvertes, et par conse-luent, nos pauvres petits Chinois et' leur digne protecteur twuveront bien des bourses fermees.-.:Mais entin, il faut de l'argent, il e~ faut pour Ie convertir en sapeques, et pour acheter avec ces sapeqlles de tendres enfants qui vont mourir ! ••• Oh! qu'elle inspiration! il est une classe de la societe humaine a laquelle on n'a pas encore demande 'de concours pour les amvres de charite, qu'on n~a pas liee par l'association. Cette classe, il est vrai, ne possede pas de grands capitaux, Ihais •.. es­poir! C'est l'enfance qui souffre, que ce soit l'enfance qui vienne a son secours. Donc, appel au jeune age. Et Ie pienx eve que trace les clauses du contrat d'assurance contre la mort de ses petits proteges. Chaque enfant assureur offrira tous les mois Ie sou d'erargne sur ses menus ·plaisirs. On cherchera partout ces petits sauveurs, dans la familie, dans les pensionnats, dans toutes les reunions d'enfants ;-tous ces petits soeietaires feront chaque jour une (onte petite priere, et Dieu fera la multiplication de leur le­gel'e offrande •. On les reunira dans les temples: •• . ceremonies, messes, sel'mons, quetes faites par de charmantes petites filles, pour qllB.l'enfant riche puisse mettre, sans etre vu, les sapcq'b.es dont Ie nombre contristerait peut-etre Ie pauvre petit, qui de sa caisse peu abondante ne peut tirer que Ie denier convenu •••• Les meres contempleront avec plaisir Ie boriheur de ces petite:;; creatures de qnatre, de cinq, de hnit allS, toutes fieres de se dire membres de

.1' Association de la Ste. Enfance.-Le plaisir dilate Ie cceur, Ie cceL1l' dilatera la bourse ••. Oh! les meres laisseront tomber quel­ques sapequesdans la bulte de la jolie petite queteuse.-Tolltes ces idees arl'ivaient en foule a l'esprit de M. de Forbin-Jallson, et apres avoir mis la main a l'ceuvre a Paris, il part pour la Bel­g~qlle, va frapper droit a la porte du palais du roi Leopold •••• et, denx joms apres, les charmants cnfants du monarrlue etaient comptes au nombre . des assurenrs', et leurs augustes parents veu­lent que leurs enfants soient les protecteurs de cette ceuvre dans leur royaume.-Tout s'organise avec une prodigieuse rapidite, rien ne coute au digl1e prelat, ni travail de l'esprit, l1i fatigue du corps, ni sacrifices d'argel1t, Iii co'rrespondances, ni paroles, ni voyages. II s'assnre du COI1COllfS de presque tOllS les eveques de France et des patriarehes d'Orient; un grand nombre depretres dev(Jues . de tontes les parties du montle s'empressent de se grou­per autonr deson ceuvre' et . de la fa voriser. Tons pretent leur genereux concours a cette idee feconde pour la realiser et pour la rendre popnlaire. Du nord d,e la France, Ie digne fondatenr s'achemine vers Ie midi,-Mais, heIas! epuisee par taut de fati­gues, sa sante mebt'anlable ju~quela, trahit', pour la premiere fois, l'al'deur de son zele. Transporte dans Ull des domaines de sa fumille, toujours occuppe et s'entretenl;lnt sans cesse de son ceu-

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vre cherie, il rend a Dien son arne, et il vole au ciel d'ou il Mend nue main protectrice sur ses chers petits proteges de la Chine et sur leurs jeunes liberateurs de tous les pays.-Deux cent mille associes en Europc et tous les missionnaires apostoliqiles au fond de l' Asie, voila Ie spectacle qu'il peut contempler. II a quitte la terre ••. Est-ce que son amVl'e va mourir avec lui 1 •.. NOD ! Sim­ple et modeste comme l'enfance a qui elle est consacree, l'CBuvre de la Ste.-Enfance ne tardera pas a inspirer l'interet qui s'attache a cet age.

Mais il faillait un successeur au prelat dont Ie zele avait en­£ante taut de prodiges, et Ie Conseil general eut la consolation de voir monseigneur Bonamie, archeveque de Chalcedoine, supe­reur de la congregation des missionnaires de Picpus, accepter cette charge. Autour de lui se sont groupes les eveqlles de France, de Belgiqne, d' Allemagne, d'Italie, et ceLte CBllvre est devenue universelle,-catholique comme l'Eglise qui l'a cOlH;ue. Anjourd'hni eUe compte plus de 'mit cent mille Associe:,:. Le haut patronage de l'archeveque martyr, Mgr. Affre, la pllissante _ protection de Gregoire XVI et de Pie IX, les tresors des indul­gences de l'Eglise qu'ils ont ouverts en sa faveur, leurs leUres d'approbation, tout cela a favorise les immenses resultats que la pieuse association a produits en Chine et dans d'autres con trees lointaines.-Vous etes curieux de les connaitre et de les apf'recier •••• Eh bien! •••• volons en Chine sur les ailf~s de la charite chretielllle.

III.

Heureuxfruits de la Ste. Enfance.

Deja plusieurs beaux navires fraw;ais nous ont precedes, et iI's ·ont transporte dans ce pays les emblemes de la Sainte-Enfance, images, medailles •••• , et surtout de quoi faire beaucoup de sape­q nes, et par-dessustout cela une antre cargaison plus preeieuse encore dont je VOllS parlerai bientOt. Beaucoup d'argent ! .... ah ! oui ... des la premiere annee de 1ft fondation, 25000 fro avaient repondu au premier appel. Le Con"eil general de l'oeuvre avait envoye aux eveqnes et vicaires apostoliques 30,000 fro en 1841 ; 190,000 fro en 1848 jet certes, Ie zele ne s'arretera pas la ••••. Nfl nous arretons pas non plus. Nous voici a Macao; voyez­VOllS sur Ie bord de la mer ce joli pavillon chinois, c'est un •••• yeou-yn-thang • ••• N'ayez pas peur de ce mot-la, il veut dire: lieu protecteur de renfance; entrons. Oh! voici des compatriotes.· ..... Je les reconnai~ a l~ur coiffure caracteristique, ce '8ont de vr~les SCBllrs de Samt-Vmcent-de-Paul, c'est la precieuse car­galson dont je devais vous parler.

-Comment! vous en Chine, rna respectable soeur ?

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-~ui, monsieur; he ! ne S:lVez-votls done pas que Ie 23 ocro-- . bre 1847, Ie joli navire Stella ,,'I1aris, coqnettement pavoise, rece~ vait sur son pont Mgr. l'eveqne de Marseille, _ son clerge, des missionnaires et douze panvres samrs de la charite, et qu'apres­une messe ceiebree entre Ie ciel et la mer, un beau discours de Monseigneur, Ie cletge descendit a terre, les voil!ls s'enfierent 1 nous mimes Ie cap sur Macao •••• , et nous voila-pas toutcs ..•• quelques-unes nous ont qnittees en route et ont fai~ voile-vers l'eternite. Venez done visiter notre maison, nos enfans.

-Oh! les charmants berceaux •••. comme ce petit sonrit avec bonheur ! _ . -Nons l'avons depnis trois jours ; C'!lst une petite fille. Depuis­

longtemps,sa mere avait dit a nne voisine qu'elle voulait lui donner la mort; la voisine en chretienne, a surveille les demarches de cette femme, et a peine la barbare mere l'a-t-elle exposee, que cette vigilante sentinelle nons l'a apportee. Elle est baptisee, e.t se porte bien •••• La pet.ite placee dans cet autre bercean est bien malade ••• " elle etait de puis plusieurs heures dans l'eau quand elle a ete recueillie par un brave chretien dn voisinage I •••• Voici la:·- petite hotte de paille dans laquelle elle etait fixee, et qui l'empechait de conler a fond; elle va m'lurir, mais elle mourra en chretjenne, elle a re«;u Ie ba_pteme. _

Parmi ces saintes-liberatrices, se trouve la SCBur d'nn mission­naire qui a Me martyrise, il y a pen de temps, par les Chinois, M. P¢rboire; elle est venue venger la mort de son frele ; vengeance chretienne! rendre Ie bien pour Ie mal. -- -Dites adieu aces bonnes SCBms et allons voir a Souka ce que Ie pere Werner appelle son petit commerce.~ ..

En deux jours ce-bon pere a sauve la vie a plus de cinquante enfants .... Voici son industrie •••• : quelques indigenes viennent Ie trouver; un d'eux lni dit ; Pere, je voudrais une image; lin

'autre •••. , a moi une belle medaille. -Venez demain, mais apportez-moi des petits enfants aban­

donnes par leurs meres, et yons serez contents. Quelques jours apres sa port" est assiegee. Pere! mon image!

-Quel est ton nom 1 -Petoulo •••• -Tiens, voila st. Pierre, ton patron ... Ou as-tu pris cet enfant 1 -J e l'ai trouve dans llne corbeille, suspendu a un arbre; il

allait mourir, je l'ai baptise. -Et toi 1 . -Le mien, Ie voici, mai!! it est mort •••• des qne je lui ai eu

donne l'eau sainte •••• ;"i1 avait Ie crane tout fracasse ! ! ! -Pere, nons sommes six, nous t'apportons cinqenfans, iis vi ..

'Vent tous, nons les avons achetes au marche •••• ; il y en avait encore beaucoup .... , mais nous n'avions plus de sapeques. - •

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-En voici, comez vite et revenez me VOIr. Cet apMre zeie a deja arrache une mlditude de victimes a la

mort.-Savez-vous· ee que Ie cone ours de Ia Sainte-Enfance, que les Chinois appellent Kieou-minghouei, a produit au Sutchuen, en 18471 ••.• 68,471 bapt~mes d'enfimts; il y a'lit 02 ecol~s de gar­~ons et 134 ecoles de tilles.

Dalls l'avant dernier Compte rendn, Ie nombre des enfans sau­Yes s'elevait a 192,300; dans Ie dernier a 216,466. Ainsi depuii;! 10 am pres de deux millions d'enfants sont alles ll.U ciel et c'est a la Ste. Enfance qu'ils Ie doivent.

Ces chiffres VOllS 61onnent, mais ils cesseront de vous etonner si d'une part VOllS pensez aux centaines de milliers d'enfants expo­ses chaque annee et de l'autre au prix modique des enfants. Avec 1000 fro on peut acheter et sanver 4000 enfants; avec 20 sous et moins souvellt 011 petlt en aeheter et sauver de 3 a 4. Or ee commerce se fait partout dans Ia Chine, me me a Pekin OU les missionnaires achetent jusqu'a 9, 10 mille enfants par an. Ils en acheteraient bien d'uvantage si leurs ressources etaient plus abondantes. 'Cel te anl1ee, elles 61aient de 800 mille francs, mais comment ces somrnes se sOllt-elles trouvees 1 Retournons en France a l'aille du vehicule qui nons a conduits en Chine.-Les ailes de la charite sont plus rapides qne Ies vents qui poussent les vaisseaux, pIns agiles qne les locomotives des voies de fer.

IV

Fetes de la Ste. Enfance_ Organisation de l'auvre.

Ah! nous voi~i it Paris, rue de Sevres •••••. ,devant la maison de ces hommes apGstoliques qui portent dans les contrees lointai~es

. les lmnif\res de l'Evangile et. In. c.ivilisation.-Entrons: l'eghse est decoree de ses ornement" de fetea. Cinq cents enfants en­tourent Pautel saint .•••. ; ce sont nos petits societaires, pres des..; quels se pressent et les seems de Saint-Vincent-de-Paul, dont les restes precieux sont exposes aux regards des fideles, et les freres des ecoles chr61iennes, les dignes mora1isteS de nos enfants. Voici Mgr l'archeveque qui continue si bien l'eeHvre commencee par Ie martyr, son predec.essenr. Dans une chaleureuse impro­visation, il prend la Sainte-Enfance sous sa protection, il est emu. n plenre d'attendrissement, en Mnissanttou:;: ces petits enfants. Voyez ce petit qui s'avance vers l'autel; il va parler, 'ecoutons:" " Mon Dieu, VOLlS a\'ez dit, laissez venir a moi tous les petits en­fants; nous voici. Faite~ que nos freres de la Chine deviennent ~0:r.nme n.ous vos enfants par Ie saint bapt~me."-Oh! les deuX Johes pehtes queteuses. EIIes viennent vers nous •••• -Pour des petits enfants de la Chine, s'il VOLlS plait1:-:-0ui, charmante en-

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[ant. Mais, dites-nous bien vite, en passant, pourquoi ces deux urnes si belles que nous voyonssur l'aute11 •••• -Les noms qui vont ensortir seront envoyes en Chine et dOllnes aux petits ache­tes avec notre argent. Je me nomme Zoe, ma campagne, Fe­licie; a la derniere reunion nons avons eu Ie bonhem d'etre tou­tes les deux marraines •••••• Pom les pauvres petits Chin~is, s'il vons plait 1 .•.• Voici.-La quete est fructuense. TOllS, grands et petits, jettent leur off'rande dans les jolies bourses des peti tes qneteuses ••.• -Et ces pieuses fetes se celebrent aussi a la vieille metl'opole, dans tontes les paroisses, dans toute la France, a l'e~ tranger, partont, en Belgique, en Allemagne, en Italic, dans l'Inde meme; des sommes considerables sont arrive.es derniere­ment de Pondichery. Naguere plus de deux mille enfunts endi­manches; un bel etendard a la main, formant une charmante procession dans les rues de Madrid, se rendaient a la vieille ca­thedrale ou 1'on a solemnise la Sainte-Enfance .....

V oici 1111 des secrets de cette propagande 6lonnante. Les superiems de communautes, les directeurs de pensionnats

recommandent vivement cette eeuvre si utile aux ames qui leur sont confiees et ces ames embrassent avec bonheur l'eeu..; yre de la Sainte-Enfance. Et ce n'est pas isolement que cha­que associe fonctionne, Ie systeme c1'association est ici bien appli-que. .

Si vous voulez VOllS en convainc.re et voir des choses fort curi­enses, venez avec nons rue Chanoinesse, no. 4; vons y trouve­rez Ie quartier.glmeral de l'armee destinee a combattre l'infantici­de, un Conseil compose de:;: hommes les plus eminents, sous la presidence de Mgr.l'eveque d' Arras qui a succecle a Mgr. l'Arche­veque de Cha1cedoine, des cartes et des plans imprimes de Pekin, des gravures charm antes, les annales de la Sainte-Enfance et ses interessantes archives, qui renferment les ol'iginaux des deux lettres que nous allons vaus communique!' et dont la lecture VOllS nronvera que ce n'est pas sel1lement en Chine que laSainte­Enfance remporte des victoires sur l'infanticide. C'est de l'Oce-a­nieque lajeune Aurelie ecrit a ses protecteurs de la Ste-Enfance Ia lettre que VOllS allez lire. Ces lett res sont tradnites de la lan­gue canaque, parlee par les peuplades des Hes Sandwich, nagLHlre encore idolatres.

Sainte-Catherine, 5-juin 1847.

Ou es-tn, Louis Maigret (ev~que d~ nos contrees) 1 Nous, filles c1eSainte-Catherine, U011S t'ecrivons •••• Nous te prions de faire passer nos lettres a nos frereset a no~

seeurs .de France. Moi,ta fille.Juture dnns la:c~)Dfir~ation • .!J.urelia (AuliHie).

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Voici la lettre de ces charms.ntes enfants a ceux qu'elles appei .. lentles aimables enfants de la Sainte-Enfance.

" SaInt a: VOllS, petits enuwts de Ia Ste-Enfance •••• NOllS, filles de Havai, nous avons entendn parler de votfe amvre rnerveillellse et de votre charite inollie en vers vos freres et vos SCEurS des terres etrangeres. Nuus sommes pleines d'admiration pour vous, aima­bles enfants. Vons etes henreux de faire Ie bien si jeunes. Hen­reuses aussi vos meres qui savent vons inspirer de si doux senti­ments! n n'en etait pas de meme ici! les peres et Ie!'! meres n'a" vaient aurun attachement pour leurs enfants ••. Plusieurs etaient tues a leur naissance; moi-meme, j'ai manqne d'etre etolliH:e avant de yoir Ie jour, mais Dien 11e Ie permlt pas. Des que je fus nee, celle qui m'avait donne In. vie vonlut encore me fuire monrir. La fosse ouje deva-is etre enterree vivant.e etait creuse'e j'

mais Ie bon Dien eut encore pitie de moi •••• Une 1)onl1e femme, touchee de compassion, me prit, 'Inc cacha et me deroba ainsi a: la mort. Mainttmant, les temps sont changes. Les meres, de­venues chretiennes, ne sont plus comme les meres d'autrefois. Les ellvoyes des makous (les missionnaires envoyes par les eveques) leur ant appris a aimer leurs enfants et a en avoir soin.

" Salut donc, aimables E:nfants de la Ste-Enft-.nce, a vous et a: taus vas bans parents. Nalls prions Ie ball Dien pour VOllS. NallS VallS salnons taus dans Ie Seigneur, nallS, filles de Sainte­Catherine, dont voici les noms: Elisabeth, Pelagie, Anna-Maria, Catherine, Stephanie, Gabrielle."

La Sainte-Enfance parviemlra a realisel' Ie dessein de ses gene­reux f<:mdateurs. Sauver les enfants de Ia mort qlli les menace, lenr procurer Ie baptenlC, les faire adopter dans l'interieur de la Chine, fonder partout des maisons d'edllcation, tel est Ie but velS 1eque1 se dirigent tOllS les efforts de ceUe Societe, dont voici l'inglmieuse organisation:

Des series de douze membres ant chaclln lem petit chef, <lollze series forment nne sous-division, donze so us-divisions com rosent nne division. Enfin, de series ell sons-divisions, de sons-divisions en, divisions, nons en sommes vcnus a voir se grouper snr les li­vres du Conseil central plus de lmit cent mille associes. La coti­,ation est de 12 sons par' an.-Multipliez ! •••• Ajoutez a cela Ies qu2tes, Ies dons volontaij'es, et vous ne vous etonnerez plus des­resultats immenses que VallS avez vus en Chine, de ces centaines de milliers d'enfants qu'on y baptist', qu'on instruit et qui, un jour devenus hommes, pretres pent-etre, evangeliseront leur pa­tri.e, y repandrant les vives lumieres de Ia foi; jusqu'au jour au, flilsant hreche a la grande muraine de la Chine, Ie catholi~isme et Ia civilisation, sa compagne obligee, penelreront dans lei innombrables provinces de ce VBste empire ..... LaChine ~ .Iitre inianticide, en cessant d'etre idolitre. .

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EXTRA.IT DU REGLEMENT.

10 L'CEuvre de Za Sle. Enfance, si l'ecommand€le· par les Ev~ques du' monde entier et dont les fruits sont si sensibles parmi les enfants eatho!i· ques aussi bien que parmi les enf,mts infideles, cst placee so us l'invocation de Jesus-Enfant. La tres Ste. Vierge en est la premiere patronne. Lea Sts. Ange~ Gardiens, St. Joseph, St. Francois Xavier, St. Vincent de Paul en sont les patrons secondaires ..

20 Tout enfant baptioe peut Mre membre de eette Associalioll, jusqu'li. rage de 21 allS. Alol's il doit entrer dans l'Association de la Pl'oragatio11t de Itt Foi, s'il veut continuer d'appartenir Ii. la Sle. Enfance, i\ moins qu'il soit bien constate qu'illui est tout·uAait impossible d'etre des deux c:euvr€s ala fois. Encore si Ie choix est possible, faut-il donner la preference Ii. la Propagation de la Foi. S'it s'agit ·d'une personne ttgee de plus de 21 ans, elle est libre, seulement elle doit faire son possible pour etre de la Propa­gation de la Fui d'abord, et ensuite de la S/e. Enfance.

CONSTITUTION DE L'CEUVRE.

lQ L'Association separtnge en Series de 12 membres pour honorer les 12 annees de I'Enfance du Sauveur. Douze Sel'ies forment une &us.divi­sion; 12 So us-divisions forment une Division. A la tete de chaque S£rie, Sous-division, Division, il y a toujours un Ch,!! ou collecteur qui est comme Ie zelateur de l'c:euvre aupres de ses co-associes.-Le Directeur de I'CEuvre dans chaque paroisse est, de droit, M. le Cure, ou une personne de!eguee par lui pour Ie rernplacer.

2° La Cotisation de chnque membre est de 12 sols par an seulementy

un sol par rnois, ensorte qu'it n'y a pus un enf,mt si pauvre qui ne puisse (trc cle cette c:euvre. Il n'ya pas d'autre priere qu'un Arp Maria, avec cette courte invocation: Vierge Marie el SI. Joseph, ]riez pr,UI' ·110US et pour les pauvl'es petits enJanls infldMes. Si l'enfant est trop jeuDe pour fHire cette priere, une autre personne peut la faire a sa. place.

FORMATION DE VCEUVRE,

Et moyens de lafaire prosperer, de lui faire porter sesfruits.

l O La Sle. Bnfance s'etablit a peu pres eomme la Propaffation' de. la Foi. Outre les Chefs de Douzaines, de Sous-divisions, etc., it ya encore un Presi. ilent, un TresQ1'ier, un Secrelairet ou Correspondant. Ces personnes choi'sies et les !istes une fois remplies, on distl'ibue dam,! une ceremonie les cllchets ou images de reception 11. chll<),ue me~bl'e, ou une rnMaille.

20 Tous Ie'!! deux mois ell suite, Ie dimanche ordinairernent, avant 011

upres lee v€lpres, uy a IWnioI!, & l'6glise ordiDaimwent, des Chifa ou wl~

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teurs. Apresquelques mots'poni-' ranimer,on leur'distribue les nouvellea annales en les priant de les faire lire a lems associes et a d'autres, au plus de monde possible.

30 Outre ces reunions particulieres, il y en a deux plus solemnelles edna l'annee, vers Ie temps de Noel et de Pdques. AIOl's to us les As OG.-is se reunissent. Les Chefs remettent au Tresorier him's collectes. Ensuite iI y a Canjerence au sel'mon, Reception des nouveaux Assoch3S, Can5ecration des Associes a l'Enfant Jesus, Benediction du tres St.-Sacrement, et enfin tiracre des noms au sort.

4~ Apres ces deux grandes reunions, qu'elles se fassent Ie matin ou Ie soir il y a ordinairement un bazar, ou loterie, ce qui plait infiniment aux enfants et leur procure en milme temps Ie moyen de grossir leur offrande. A cette laterie annoncee et prepal'ee longtemps a l'avance, on invite tout Ie monde, particulierement les parents. Si elle n'a pas lieu alors, elle peut se fau'e une autre fois. Quand toutes les petites sommes sont I'eunies, Ie TreSOrieI les envoie avec un petit etat de l'ceuvre de la part du secretaire, au treso' riel' general, ou s'i! n'y en It pas encore, a celui qui tient sa place. En wilme temps, Ie President, fait la demande de ce qui manque aux Associes,

Si bien accueillie partout, en France, en Belgique, en Savoie, en HoI· lande, en Prusse, en Saxe, en Baviere, en Autriche, en Suisse, en Italie, en Angletel're, en Irlande et jusqu'en Amerique et en Oceanie, si aimee des enfants des rois aussi bien que des enfants du peuple, la Ste. Enfance ne pouvait ma!lquer d'avoir les sympathies des catholiques dans Ull pays ou Mgr. de Forbin Janson a fait tant de bien, dans un pays ou. to utes le1 bonnes ceuvres.sont si encouragees. Ansst est-ce avec empressement, avec bonheur que la Ste . . Enfance a eLe re~lUe a Quebec, a Muntreal, a St. Hya cinlhe, aux Trois-Rivieres. Part out cette ceuvre a opere des merveillef Elle a rendu charitables des paroisses qui ne I' allaient jamais ele; elle a a tendri les enfants qui jusque la ne s'etaient occupes que de leurs amus ments; elle a inspire a tous l'amour de Dieu et du prochain. Comment I produu'ait-elle pas les milmes resultats aupres d'un peuple cheri de Dh entre tous, aupres d'un peuple dont les dispositions a tout bien sont'si grandes 1 Esperons done que ce qui B'est vu partout 5e verra dans Ia jeune Eglise du Canada. .

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