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8/3/2019 Oeuvres de Mgr de Segur (Tome 15) http://slidepdf.com/reader/full/oeuvres-de-mgr-de-segur-tome-15 1/617 QUATRIÈME SÉRIE TOME QUINZIÈME PARIS Librairie Saint-Joseph TOLRA, LIBRAIRE - ÉDITEUR 112 bis, rue de Rennes, 112 bis 1893 Tous droite réservée

Oeuvres de Mgr de Segur (Tome 15)

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    QUATRIME SRIE

    T O M E Q U I N Z I M E

    P A R I SLibrairie Saint-Joseph

    T O L R A , L I B R A I R E - D I T E U R

    112 bis, rue de Rennes, 112 bis

    1893

    T o u s droite rserve

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    Biblio!que Saint Librehttp://www.liberius.net

    Bibliothque Saint Libre 2010.

    Toute reproduction but non lucratif est autorise.

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    UVRESJOE

    MGR DE SGU

    XV

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    LA SAINTE-VIERGE

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    INTRODUCTION

    Ce petit travail sur le mystre de la Sainte-Vierge a pour but defaire un peu mieux connatre, aimer et servir la trs sainte Mrede DIEU. C'est une uvre de foi et d'amour, offerte JSUS, comme

    ce qui peut charmer davantage son cur de fils: aprs son Precleste, en effet, quoi de plus cher JSUS-CHRIST que sa sainteMre? Il voit en elle la perfection de la crature et le rsum detoutee qu'il aime en nous.

    Et puis, n'est-il pas vident que rien ne peut tre plus agrable un bon fils que de voir sa mre honore, loue, aime de tous ? S'ilen est ainsi de nous, pauvres et imparfaits en toutes choses, que

    sera-ce du Fils parfait par rapport la Mre parfaite? * Il est indubitable, dit saint Jrme, que tout honneur, tout hommage rendu la Mre du Christ, revient tout entier la gloire de son divinFils (i). Nous unissons ici dans un seul et mme amour et le Fils-de MARIE et la Mre de JSUS.

    Ce trait est divis en trois parties qui embrassent tous les si

    cles: la Sainte-Vierge est, en effet, une cration universelle quitout se rapporte. Dans la premire partie, nous allons brivementcontempler le mystre de MARIE, depuis le premier moment de lacration jusqu' l'avnement de cette Vierge Bienheureuse. Dansla seconde, nous tudierons la Sainte-Vierge depuis sa conceptionimmacule jusqu'au jour de l'Ascension, o son Fils et son DIEUrentra triomphant dans le sein de son Pre, laissant pour un tempssa Mre au milieu de son glise naissanle. Dans la troisime, nouscontemplerons MARIE depuis l'Ascension et la Pentecte jusqu'au

    Jugement dernier, jusqu' la fin des temps.Chacune de ces trois parlies sera divise en trente et un petits

    chapitres, afin de pouvoir servir de lectures pieuses et de sujets

    (1) Serm. de Assumptions

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    d'oraison pendant cette belle fle de trente et un jours, que l'onappelle le mois de MARIE : admirable institution, vraiment chrtienne, vraiment catholique, qui est sortie du cur mme deJSUS comme un ileuve de vie, et qui maintenant tablie dans toutl'uni\ers,y ranime la vraie pit et rpand partout la bonne odeurde JSUS-CHRIST.

    La plupart des mois de MARIE manquent un peu de doctrine. Or, pour tre solide, forte, traditionnelle, la pit envers la Sainte-Vierge doit reposer sur le dogme, disaitnagure le pieux et savantP. Ventura.

    En puissant dans les trsors del tradition, j 'ai trouv un alimentmerveilleux, un aliment substantiel, que j 'ose prsenter ici, avec

    un cur tout fraternel, ceux qui aspirent au saint amour deJSUS et de MARIE. Ce n'est, il est vrai, qu'une goutte d'eau tired'un fleuve immense ; mais, enfin, c'est de l'eau sainte, de cetteeau que le' Saint-Esprit fait jaillir du cur des Saints pour fconderl'glise de la terre et rjouir l'glise du ciel.

    On remarquera, en effet, que, dans ces pages, il n'y a presquerien de moi : c>sl. une couronne de fleurs choisies dans le cleste

    parterre; il n'y a que des fleurs, presque pas de feuillage. C'est lavoix des Saints, c'est l'cho des Pres et des Docteurs ; c'est lecur et la doctrine de saint Ambroise, de saint Augustin, de saintJrme, de saint Pierre Chrysologue, de saint Ephrem, de saintCyrille d'Alexandrie, de saint Jean Damascne, de saint PierreDamien,de saint Anselme, de saint Bernard,de saint Bonaventure,de saint Bernardin de Sienne, de saint Franois de Sales.

    J'espre que c'est aussi et plus encore le pauvre petit cho ducur adorable de JSUS, qui dit ternellement sa Mre tout cequ'il est pour elle e! tout ce qu'elle lui est; de JSUS, qui est lui-mme et la raison d'tre, et la grce, et la gloire, et la couronnede Marie ; de JSUS, qui est le tout de MARIE, dans le temps et dansl'ternit.

    Le Docteur sraphique, saint Bonaventure, en tte d'un magnifique opuscule sur la trs sainte Vierge, suppliait son pieux lecteurde lui pardonner ce qui, dans ce travail, chapperait son insuffisance et son ignorance. Qui suis-je, en effet, disait-il, pourcomposer un ouvrage diane'des excellences de MARIE, et capablede satisfaire l'attente de ses fidles serviteurs ? Que dirai-je, moi,pauvre ignorant, en voyant l'embarras du bienheureux Bernard,

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    ce grand serviteur de MARIE, ce chantre sublime de ses gloires?Ne disait-il pas : Rien ne me charme davantage et la fois ne m'inspire plus de crainte, que de parler des grandeurs de la. Vierge-Mre? Tous les enfants de DIEU l'entourent de leurs hom- mages, de leur amour, de leur zle filial, et cela est bien juste; tous brlent du dsir de parler de MARIE : mais la Sainte-Vierge tant un mystre absolument ineffable, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on peut dire d'elle, est, parla mme, au-dessous des aspira- tions et de l'attente des fidles.

    Heureusement, ajoute humblement l'illustre disciple de saintFranois, heureusement que j'entends saint Jrme qui m'encourage et me console ; il me dit: Bien que personne ne soitcapable de remplir une telle lche, nul ne doit s'abstenir de louer la Bienheureuse Vierge de tout son cur, de toutes ses forces, alors mme qu'il serait le dernier des pcheurs.

    L'humble veuve de l'vangile, qui offrit ses deux misrablesdeniers, fut bnie et loue par le .Seigneur. Devait-elle ne rienoffrir du tout parce qu'elle ne pouvait offrir davantage ? Non, certainement: elle donna ce qu'elle put, et sa petite olfrande fut

    agre de son grand DIEU. Voil pourquoi, moi, pauvre et trs pauvre, dpourvu de

    lumires, dpourvu de savoir, dpourvu d'loquence, j 'ose offrircette mince obole, cet humble crit, en l'honneur de la Reine dumonde.

    >< Vous donc, Vierge Marie, ma trs bnigne Souveraine, daignez agrer avec bont ce petit don que vous prsente votre pau

    vre ami. En vouii Tollrant, je me prosterne devant vous, j'inclinela tle, et je vous salue de cur et de bouche, rptant avec l'Archange et avec l'glise. Je vous salue, Marie (l.

    Ainsi disait saint Bonaventure. S'il avait quelque raison deparler de la sorte, que ferai-je, JSUS, et que devrai-je dire?Daignez suppler ma profonde misre, etdonnez-moi vous-mmece que vous voulezqueje dise la louange, l'honneur et la gloire

    de votre trs sainte Mre qui, par votre grce, est devenue maMre (2).

    fl) Spcculi prolog.(%) Pour viter toute inexactitude dans un sujet la fois si sublime et si dlicat. J'ai

    soumis ce petit trait l'examen et la criUquc de plusieurs thologiens eminents, etje ne le livre au public qu'aprs l'avoir fait passer par cette prcieuse preuve.

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    L A S A I N T E - V I E R G E

    PREMIRE PARTIE

    LA SAINTE-VIERGE DANS i/ANCIEN TESTAMENT

    i

    Que le monde n'existe que pour Notre-Seigneur JSUS-CHRIST

    La foi seule nous rend raison de toutes choses. Sanselle, le monde est une nigme indchiffrable; avec elle,c'est une uvre lumineuse ; et, si Ton ne comprend pastout, du moins on en voit assez pour comprendre lamagnifique harmonie qui rgne dans la cration.

    Or, la clef du mystre, c'est Jsus-Christ, et, avecJsus-Christ, la trs sainte Vierge el l'glise. Sans moi,vous ne pouvez rien faire , nous dit Jsus dans l'vangile. Avec autant de vrit, il nous pourrait dire : Sansmoi, vous ne pouvez rien comprendre. Le mystre duChrist est le soleil qui claire tout, et que rien n'claire.

    Le bon Dieu a fait le monde pour sa gloire (1) et pour

    (l) Prov., xvi, 4.

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    12 L A SAINTE V I ERGE

    son fils unique J s u s - C h r i s t , qui en est le Roi, le souverain Matre et l'unique Seigneur. J s u s - C h r i s t est, enson humanit, la gloire mme de Dieu. Le monde est un

    immense et magnifique royaume qui n'existe que poursoniRoi J su s ; c'est un beau cadre qui n'est fait que pourle tableau admirable o Dieu le Pre retrace son image.

    Le ciel et la terre, le monde invisible des esprits et lemonde visible des corps n'existent, ne sont crs quepour J s u s - C h r i s t , le Fils ternel de Dieu fait homme.

    Dieu lui-mme nous le rvle plusieurs reprises dansl'criture sainte : Le Christ, dit saint Paul, pour qui tout existe et par qui tout existe (1). Et encore : Tout at cr par lui et en lui (2)* Ainsi, la volont de Dieu,c'est que toute crature s'unisse J s u s - G h k i s t homme.Roi et Seigneur de la cration, pour adorer Dieu, pour

    servir Dieu, pour rendre Dieu le culte, les louanges etles hommages qui lui sont dus. Voil la sublime vocationdu monde; voil la raison d'tre de l'existence de toutecrature, sans exception. Nier cela, ce serait nier la foi.

    Entre mille passages de l'criture plus profonds et plus

    splendides les uns que les autres, en voici un qui nousexpose ce beau mystre de la royaut universelle deJ s u s - C h r i s t . C'est lui-mme qui parle, lui, la Sagesseincarne : Le Seigneur, dit-il, m'a possd ds le principe de ses uvres , ou mieux encore d'aprs le texteoriginal : Le Seigneur m'a possd comme principe de ses

    uvres (3). Le Christ, c'est--dire le Verbe incarn,THomme-DiEU, est le fondement que le Crateur a poset sur lequel il a voulu que tout repost. Dieu a voulu

    (1) Ad Hebr., n, 10.(2) Ad Goloss., i, 16.(3) Prov., vin, 22,

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    da ns l 'anc ien tes tament 13que l'Homme-Christ Jsus , comme parle saint Paul, ftle Mdiateur unique et universel entre lui et ses cratures ;il Ta constitu le principe immdiat et la fin de la cration

    tout entire.Il l'a constitu Chef et Roi suprme de tout l'ordre dela grce, pour lequel uniquement existe Tordre de lanature. La nature n'est qu'une servante ; la grce est samatresse et sa reine ; et Jsus est l'auteur et le consommateur de la grce. Ne perdons jamais de vue ce grand

    mystre fondamental : Dieu a pos le Christ la tte dela cration ; il l'a constitu Prince et Chef de tous lesSaints, de tous les Anges, de tous les hommes, de toutl'univers (1).

    Donc Jsus est, non seulement en sa divinit, maisencore en son humanit, le principe et le but de la cra

    tion, la gloire de Dieu au dehors.Saint piphane explique dans le mme sens cettemme parole de l'criture : Le Seigneur en me crantdans le sein de Marie, a fait de moi le principe de sesvoies pour ses uvres. En effet, le principe de toutes lesvoies de Dieu, c'est--dire la venue du Christ en ce

    monde, c'est l'humanit sainte qu'il a prise dans le seinde Marie (2) ; et ainsi la Sagesse, qui tait en Dieu detoute ternit, est devenue dans le temps le principe,c'est--dire la cause et l'instrument des uvres* deDieu (3),

    Le vnrable abb Olier, si clbre parla saintet de savie, de sa doctrine et de ses uvres, avait reu sur ce

    (1) Corn, a Lap. in Prov. vin.(2) Contra Arianos hres., 69.(3) Didymus in oalena Grsecorum.

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    14 LA SA INTE -V IERGE

    sujet des lumires extraordinaires. Ainsi que je l'aiappris, crivait-il, c'est pour le Verbe incarn que Dieu afait le monde ; de telle sorte que les chrtiens seuls ont

    droit de se servir des cratures. Cette parole est aussi profonde que fconde en enseignements pratiques. Quiconque, en effet, n'appartientpas J s u s - C h r i s t est indigne de respirer l'air, de voir lalumire, d'tre port par la terre, de jouir des beauts dela nature, de se nourrir des aliments que lui fournissent

    les animaux et les plantes; il est indigne de demeurersous ce beau ciel si magnifique et sur cette terre si admirable que Dieu n'a faits que pour son Fils J s u s - C h r i s t etpour ceux qui sont J i s s u s - C h r i s t ,

    Destinant le ciel et la terre tre la demeure et leroyaume de son Fils Jsus, de la Sainte-Vierge Mre

    de son Fils, et de tous les chrtiens membres de son Fils.Dieu les a faits trs beaux, trs grands et, autant crue possible, dignes de leur destination sublime. A proportionde la dignit des personnes, on leur prpare des demeuresplus ou moins splendides : pour conduire un prince, unroi, on allume autour de sa personne une quantit de

    flambeaux ; au lieu qu'un petit bourgeois se contenterad'une petite bougie. Ainsi Dieu a fait le soleil dans cettemagnificence que nous lui voyons, parce qu'il devait treun jour le flambeau de son Fils ; il a fait les cieux sivastes, si resplendissants, parce qu'ils devaient trecomme le toit et le lambris de son palais; il a cr la

    terre si belle, parce qu'elle tait destine le porter et tre l'escabeau de ses pieds. Voulant enfin qu'elle fourntpar ses productions a l'entretien de la vie de son Filsbien-aim et qu'elle fut le lieu de son sjour, il Ta rempliede toutes sortes defleursravissantes et d'excellents fruitset de mille cratures, toutes destines au service de J s u s -

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    OANS L ANCIEN TES TAMENT 15C h r i s t , leur unique Matre (1). La grandeur de la cration qst comme le signe de la grandeur royale et de lacleste dignit du Seigneur J s u s .

    Vierge Mahib, Mre de mon Crateur, de mon Seigneuret de mon Matre, daignez me l'aire comprendre bienintimement cette grande loi qui domine toute mon existence : si j'existe, c'est par J s u s - C h r i s t , votre Fils ; c'est cause de J s u s - C h r i s t , c'est pour J s u s - C h r i s t . Monme est lui, comme une proprit son lgitime pro

    pritaire ; mon corps est lui, et lui seul ; ma vie luiappartient et doit lui revenir tout entire, sous peined'injustice, de trahison, de vol, et de vol sacrilge: oui,de vol sacrilge ; car ce Matre est vraiment Diku, et saproprit est chose sacre ; nul n'a le droit de la lui raviren quoi que ce soit.

    Je dois J s u s - C h r i s t mon intelligence avec toutes sespenses, avec tous ses jugements : je la lui dois ; et si j'aimatriellement le pouvoir de la soustraire son service et sa direction, je n'en ai pas le droit. J s u s a le droitabsolu de rgler, de dominer toute mon imagination ettoute ma mmoire ; il a un droit souverain sur toutes mes

    volonts, sur mes affections, sur mes sympathies; plusque cela, sa souverainet s'tend l'usage de tous messens, qui ne doivent s'exercer que sous sa volont sainte.Il est le Matre de tout ce que je suis, de tout ce que j'ai.

    Oh ! qu'elle est profonde, la parole de l'criture : IIn'y a qu'un seul Seigneur qui est J s u s - C h r i s t , par qui

    tout existe : et nous, nous sommes par lui. Le Saint-Esprit ajoute immdiatement : Mais tous n'en ont pas lascience (2). C'est la science de la foi et de la grce, la

    (1) Vie intrieure de la trs sainte Vierge, ch. .(2) I ad Cor., vin, 6.

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    16 LA SAINTE-VIERGEscience de l'amour. Rpandez-la, comme une eau vivante,en mon esprit et en mon cur, trs sainte Marie, Mrede ce Seigneur bien-aim, qui je veux dsormais appar

    tenir tout entier.

    Il

    Comment Notre-Seigneur J S U S - C H R I S T a donnle monde entier la Sainte-Vierge.

    La cration est la proprit de Jsus-Chris t . Mais cebeau royaume, Jsus la communiqu tout entier saMre, afin qu'elle en partaget avec lui la souverainet.

    Gomme le Fils de Dieu n'est homme que par la Sainte-Vierge Marie, il en rsulte que la Sainte-Vierge est insparable de Jsusdans ce plan magnifique du Pre ternel. Dans le dessein de Dieu, dit Suarez, la Mre et Je Filsn'ont pas t spars (1).

    De mme que Jsus n'est Fils de Dieu que par Dieu sonPre, qui lui communique toute sa divinit ternelle etinfinie ; de mme il n'est Fils de l'homme que par laVierge Marie sa Mre, qui lui donne son humanit. LePre cleste, le Christ, la Sainte-Vierge, ces "trois idessont insparables dans le plan divin. Dieu, J s u s , Marie,ces trois noms bnis n'en font qu'un pour nous, qui,dans le sein de l'glise, avons part tous les dons duSeigneur.

    Non pas que le bon Dieu ait t oblig de s'incarner nide crer Marie et les autres cratures ; mais une fois

    (2) De beatissima Virgine; quaest. xxva, art. i, disput. i, sect. m.

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    D A N S L ' A N C I E N T E S T A M E N T 17

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    donne le plan de ta cration et de l 'g l i se tel qu'il existeet tel que la foi nous le l'ail connatre, les choses sont ceque,nous venons de dire. Dieu l 'a voulu ainsi; Dieu l'a

    l'ait ainsi ; c'est un fait irrvocable qui domine tout, qu'ilfaut non-seulement reconna tre , mais adorer, mais aimer,mais admirer.

    Que c'est beau I La cration tout entire est comme unemontagne immense, dont le sommet est la S a i n t e - V i e r g e :sur ce sommet, comme sur un pidestal de diamant, Dieu

    a plac son Fils unique, vrai Dieu et vrai homme, Dieucomme le Pre et comme le Saint-Esprit. En sa qualit d'homme, dit M. Olier (1), le Verbe

    incarn avait besoin d'une demeure temporelle, et saMre aussi. Tous les hommes, qui doivent tre lesmembres vivants de Jsus-Christ, avaient pareillement

    besoin de cette demeure; et voil pourquoi Dieu a cr cemonde, afin de les aider passer la vie, avant qu'ils aillentle glorifier dans le cie l .

    Toute la cration appart ient donc la Saiiite- fVierge,(

    comme sa Reine : car ce que le Pre donne Jsus sonFils unique, celui-ci le transmet par grce la trs-sainte

    Marie , dont la chai r est la chai r mme du Chr is t . CeSeigneur universel de toutes choses s'est tellement uni la Sa in te -Vie rge sa Mre, qu'i l Ta cons titue, elle aussi,la Souveraine universelle de toutes choses ; il Ta faite laSouveraine du ciel , la Souveraine du monde (2) ; car ilssont deux en une seule chair (3). La Mre ne peut tre

    spare ni de la royaut, ni de la toute-puissance du Fi ls :Marie et Jsus n'ont qu'une seule chair, qu'un seul esprit,qu'une seule et mme charit (4).

    il) Vie intrieure de la irs-minie Vierge, cii. i.(2) Spculum Beatse Man Virginis, vin.(3) Geues.. n.

    4) B. Arnold., abb.

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    18 LA S A I N T E - V I E R G E Par sa Providence toute-puissante qui a tout prpar

    et tout ordonn, Dieu, dit saint Augustin, est le Pre etle Seigneur de tout : par sa charit et par ses mrites qui

    ont tout rpar, la sainte Mre de Dieu n'est-elle pasdevenue la Mre et la Souveraine de tout (1)? Il taitncessaire, ajoute saint Jean Damasene, que la Mre deDieu ft la Matresse de tout ce que possdait son Fils, etqu'en sa qualit de Mre de Dieu, elle ret l'hommageet la soumission de toute crature, sans exception (2). *

    Tout dans l'univers appartient donc la Sainte-Vierge ;tous les Anges sont elle ; tous les hommes aussi ; et enla servant, en l'aimant, nous rie lui rendons que ce quenous lui devons. L'air que nous respirons est M a r i ecomme J s u s ; la terre qui nous porte est elle; lesoleil, lefirmamentesta elle; la lumire lui appartient;

    l'ocan, les fleuves, les nues, les plantes, les fleurs, lesanimaux, en un mot toutes les cratures, appartiennenten proprit inalinable cette crature unique, Mre deleur Crateur. 0 souveraine Matresse ! s'crie saintphrem ; Reine trs auguste, vous tes la Souverainedes souveraines ! Nous nous rfugions sous votre protec

    tion ; couvrez-nous de votre ombre et gardez-nous sousles ailes maternelles de votre amour (3) ! Quelle joie pour mon cur, Sainte-Vierge M a r i e ,

    quelle joie de penser que je suis tout vtre ! Je suis votreproprit ; je ne vis que de vos dons ; et chaque momentde mon existence, vous tes vraiment ma Mre !

    La terre, ajoute en effet le vnrable Olier, tait doncaussi destine servir de demeure passagre la Trs-Sainte Vierge et . tous les membres de J s u s - C h r i s t ,

    (1) Serm. xxxv, de Nativ.(2) Or. n, de Assumpt.

    (3) De laud. Virg.

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    DANS L ' A N C I E N TES TA MEN T 19

    c'est--dire l'Eglise, qui devait s'y rpandre et y tablirpartout le rgne de Djeu.

    Ainsi Dieu a l'ail le monde pour J su s et pour M a r i e ;

    comme un prince qui, voulant traiter dignement sa chrepouse, son fils unique cl toute la cour de ce fils chri,leur prpare un palais splendide et l'embellit de tout cequ'il sait devoir plaire ses htes (1).

    Le savant Cornlius a Lapide, cho de la tradition detous les sicles/nous affirme la mme chose : Dieu a

    cr le monde pour In Bienheureuse Vierge et pour leChrist. M a b i e est mille l'ois plus excellente, plus belle,plus noble que toute la cration; bien plus, elle en estelle-mme et l'honneur, et l'ornement, et la beaut (2). Marie est la beaut de la cration, Jsus est la beaut deMarie , et Dieu est la beaut de J s u s .

    Donc la Bienheureuse Vierge a t ternellementprdestine tre avec le Christ le principe de toutes lesuvres de Dku, tre la premire, la Reine et la Matresse de toutes les pures cratures (3). Elle a reu cethonneur unique, en sa qualit de Mre et de sige dela Sagesse incarne, qui est le Christ Notre-Seigneur,

    Crateur et Roi de toutes choses.Suorez enseigne la mme doctrine presque dans lesmmes termes. M a r i e est si grande qu'elle contientCelui que le ciel et la terre ne peuvent contenir, ajoutesaint Bonaventure ; elle est plus grande que le ciel, plusgrande que le monde (4). C'est pour elle, dit enfin

    saint Bernard (5), que le monde entier a t fait. >;

    (1) Ut supra.(2) In Proverb., vin, 22,(3) Idem, in Eccli., xxvi, 6-(4) Spculum B. M. V., v.(5) Serm. in, in Salve Regina.

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    20 L A S A I N T E - V I E R G E

    Nos petits savants et nos prtendus philosophes ignorent tout cela; mais nous autres chrtiens, nous lesavons, parce que le bon Dieu a daign nous le rvler

    et que son glise l'enseigne tous ceux qui entendent savoix.Oui, nous avons le bonheur de le savoir: tout sur la

    terre appartient J s u s et M a rie , et nous n'avons ledroit de disposer de rien qu avec leur permission. C'estpour cela que nous devons penser trs souvent eux,

    leur consacrer nos actions et vivre pour eux. Plus on faitcela, et plus on est dans le vrai et dans l'ordre. On nepeut pas trop vivre dans la dpendance de J s u s - C h r i s tet de la Sainte-Vierge.

    Plein de cette sainte pense, le vnrable abb de Bre-tonvilliers, premier successeur de M. Olier au Sminaire

    de Saint-Su Ipice, dposait Lout son argent aux pieds d'unestatue de la Mre de Dieu (que Ton conserve encore auSminaire d'issy) ; il ne se permettait jamais une dpense,quelque miuime qu'elle ft, sans eu demander auparavant, 1 genoux, la permission la Sainte-Vierge et l'Enfant J s u s , ne se regardant pas comme le propritaire

    de sa fortune, mais uniquement comme l'homme d'affaireset le pauvre petit serviteur du seul Seigneur J s u s - C h r i s tet de la seule Mailresse de toutes choses.

    Je prie le bon lecteur de bien se pntrer de la vritfondamentale expose dans ces deux premiers chapitres.

    On pense peu ces grandes choses, et, quoiqu'elles soienttrs vraies et trs simples, on les trouve tranges lapremire vue. Mais quand on y rflchit devant le bonDieu, quand on s en pntre l'esprit et le cur, on y puisede grandes lumires et de grandes joies. Hlas! que nosides sont mesquines, et basses, et fausses, sur les mys-

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    D A N S L'ANCIEN TESTAMENT 21lres du divin amour! et combien les Pres et les saintsDocteurs ont pens et ont parl autrement que nous surJ s u s , le Dieu Amour, et sur Marte , la. Mre de l'Amour !

    fil

    Que la Sainte-Vierge est l'pouse admirable de D I E U le Pre

    J s u s n'est devenu le Premier-n de toute crature, qu'en sa qualit d'Homme-DiEU ; et cet Homme-DiEU, lePre ternel ne l'a engendr que par la Sainte-Vierge etavec la Sainte-Vierge. J s u s - C h r i s t , en effet, n'est Homme-

    Dieu que par M ar i e et en M a r i e . Donc Dieu le Pre, encrant le monde, et en lui donnant son Fils pour Roi, nefait cette grande uvre qu'en vertu de l'union qu'il acontracte avec la Sainte-Vierge. C'est ce qui faisait direau Docteur sraphique saint Bonavcnture que la trssainte Viei'ge a, ds l'origine, pos avec Dieu les fonde

    ments du monde, lequel ne subsiste qu'en vertu de savolont (1). En effet, Dieu le Pre a toujours vu leconsentement que la Vierge M ar i e donnerait un jour l'Incarnation du Verbe. Aussi saint Bernardin de Siennedisait-il de M a r i e et Marie : Dans la pense de Dteu,vous avez t prdestine avant toute crature, pour

    mettre au monde Dieu fait homme (2). Et qu'on le sache bien : ce ne sont pas l, comme pour-raientle penser quelques esprits peu chrtiens, de pieuses

    (1) Psaltorium B. M. Y.(2) Suarcz, de Beatissima Virgine ; qusl. XXVII, arl. i, disput. i.

    sec t. m.

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    22 L A S A I N T E - V I E R G E

    exagrations, sans base dogmatique ; ce sont des lumiresde foi, pleines de vrit et de vie, jaillissant du dogme,comme de leur source aussi pure que profonde.

    L'glise, applique la Sainte-Vierge, non moins qu'la Sagesse incarne, J s u s - C h r i s t Notre-Seigneur, lesparoles de l'criture que nous citions tout l'heure :a Le Seigneur m'a possde ds le dbut de ses uvres, dsl principe et avant toute autre cration. Bien n'existaitencore, et dj ftais conue // n'avait pas fait la terrey

    il prparait les cieux, et moi, je lui tais prsente Il posaitles fondements du monde \ et moi, /ordonnais tout aveclui (1), Elle lui applique encore le beau passage du livrede l'Ecclsiastique : J'ai t cre ds l'origine et avantles sicles.

    Instruite par les Aptres, l'glise rcite, l'honneur

    de la Vierge Mario, ces trs sublimes paroles, dites de laSagesse incarne, qui est J s u s - C h r i s t notre Sauveur.Elle le fait ds les premiers sicles, ainsi que l'atteste laliturgie de saint Ambroise ; et cela, parce que M a r i e estle Trne vivant et la Mre de cette adorable Sagesse \parce que, par l'Incarnation, la Sagesse ternelle ne sort

    du sein de son Pre que pour entrer dans le sein de saMre, et que

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    D A N S L'ANCIEN TESTAMENT 23Ce n'est pas que la Sainte-Vierge ait cr le monde, ni

    mme qu'elle ait aid le bon Dieu crer le monde :qui ajamis rv pareille chose? M a r i e est, comme nous,

    une crature de Dteu ; et la crature ne peut pas crer.Gela veut dire qu'en crant le ciel et la terre et en crantl'me et le corps de J s u s , le bon Dieu a eu tout d'aborden vue la trs sainte Vierge, qu'il a tout fait pour elle,qu'il l'a tablie Mre et Matresse de son propre Fils, etpar consquent Reine de toute la cration.

    Le P. Giry, rapportant cet autre passage des livres sa-pientiaux : Je suis sortie de la bouche du Trs-Haut la premire-ne avant toutes les cratures, dclare qu'il fautl'entendre de la Sainte-Vierge en mme temps que de sondivin Fils J s u s , la Sagesse incarne. Ce que le disciplebien-aimdit de son Fils selon sa premire naissance dans

    le sein de son Pre, nous pouvons aussi le dire de M a r i e ,selon son lection et prdestination : Au commencementtait M a rie , et M a r i e tait avec Dieu. Elle n'y tait pointpar son tre naturel; mais elle y tait par son tre idal,par l'amour que Dieu avait pour elle, parle dessein qu'ilformait de la produire, par le choix qu'il faisait de sa

    personne pour Mre de son Fils et pour le canal prcieuxqui ferait couler sur nous toutes ses grces, par sa prdestination l tat incomparable de Vierge-Mre et de Mre-Vierge, enfin par la complaisance qu'il prenait en elle dansla vue de ses beauts et de ses perfections.

    C'est en cet tat que M a r i e a t ds l'ternit. Elle

    n'tait pas vivante en elle-mme; mais elle tait vivanteen Dieu ; et elle y tait vivante et vie par J s u s - C h r i s t etavec J s u s - C h r i s t , dont elle devait tre la Mre dans laplnitude des temps (1). Et ainsi, de mme que J s u s

    (1) Vie des Saints, 1,201.

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    24 L A S A I N T E - V I E R G E

    l'Homme-DiEU, fin immdiate de,1a cration tout entire.

    les Anges, avant le ciel et la terre ; de mme aussi la trs

    sainte Vierge, Mre de Dieu, est, par sa grce spciale etunique, avant Adam et Eve, avant tous les Anges, avanttoutes les autres cratures. Et cette antriorit est uneralit, et non pas une simple-manire de dire; elle estrelle de la ralit suprieure de tout l'ordre de la grce,laquelle dpasse infiniment la ralit de l'ordre de la

    C'est en vue de la Sainte-Vierge, que le monde entiera t cr. G'est elle qui est la crature pleine de grces;c'est par elle que le Verbe s'est fait chair et a rachet lemonde. L'criture sainte tout entire est pleine de M a r i e ;et c'est pour elle, c'est en vue d'elle que toute l'criture

    a t inspire. Elle est comme le monde tout spcial queDieu s'est fait et qu'il a ronde sur la grce et la saintet...Par elle, en elle, avec elle, et en vue d'elle, Dieu dcrtetoute l'uvre de ses mains.

    0 Marie , v o u s tes le sommet du ciel et la Mre demisricorde! Seule, vous avez t trouve digne de

    prendre place ct du Roi ternel sur son trne. Dieule Pre est en vous, avec son Fils^ comme Crateur aumilieu de sa cration, comme Roi dans son royaume,comme Pre dans sa demeure, comme Pontife dans sontemple, comme poux en son pouse immacule. Ainsiparle saint Bernard (1).

    La Sainte-Vierge, dit son tour saint piphane, est lemystre du ciel et de la terre (2).

    (l)Serm. m, in Salve, Regina, Idem, ad Beatam VirginemDeiparam sermo panegyricus. Idem, in Nativ. Domini, Serin, n.

    (2) De laudibus B. M. V .

    est avant Abraham, avant

    nature.

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    D A N S L'ANCIEN TESTAMENT 25

    Dans le plan de la cration et de l'glise, la Vierge est l'allie intime de la Sainte-Trinit. Par rapportau Pre, on peut la considrer ou comme sa fille ou

    comme son pouse : comme sa fille, si on contempleM ar i e en elle-mme, en tant que crature; comme sonpquse, si on la contemple par rapporta J s u s - C h r i s t , entant que Mre du Fils ternel de Dieu. Cette seconde manire d'envisager la Vierge esl plus surnaturelle et parconsquent plus thologique et plus profonde que

    l'kutre.Elle n'est pas moins traditionnelle. Dieu le Pre, ditCornlius, a pris la Sainte-Vierge M a r i e pour sa fianceet pour son pouse; Dieu le Saint-Esprit couverte deson ombre et fconde; Dieu le Fils prise pourMre en s'incarnant dans son sein. M a r i e est h la fois la

    Fille, l'pouse et la Mre de Dieu (1). Et ce ne sont pas seulement les Docteurs du moyen-ge qui envisagent la Vierge M a r i e sous cet aspect glorieux. Toute l'antiquit chrtienne la salue commel'Epouse de Dieu. Quelle est, dit saint Augustin, cetteVierge si parfaite, que Dieu choisie pour pouse (2)?

    bienheureuse M a r i e ! s'crie l'ancienne glisegrecque dans sa liturgie; les heureux disciples qui il at donn de voir le Seigneur en sa chair, vous ont proclame la Vierge-pouse, digne du Pre, digne de Dieu; Vierge, ils vous ont proclame la Mre du Verbe, laMre de Dieu, la demeure du Saint-Esprit. Vous tiez

    toute pleine de grces, et toute la plnitude de la Divinita habit corporellement en vous (3).

    (1) In Ezechielem, XLIV, 5.(2) De Sanct., serm. xxxv,(3) Lit. grec, in Paracl., p. 403.

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    26 LA S A I N T E - V I E R G E

    M a r i e est la vraie pouse du Pre, la vraie Mre duFils, le vrai sanctuaire du Saint-Esprit; et avec J s u s ,elle est la vraie Souveraine du monde.

    La Vierge Marie , ajoute saint Bernardin de Sienne,est si rellement l'pouse de Dieu le Pre, que lui seul, etnon un autre, a engendr son Fils dans l'esprit et dans lesein de M ar i e ; par les trs divines ardeurs de son Saint-Esprit, il Ta tellement embrase, qu'il a pu former d'elleet en elle le corps de son Fils(l).

    La Sainte-Vierge est la magnificence de Dieu, selonla belle parole du mme Saint (2); et, comme dit saintJean Damascne, l'abme de tous les miracles, le thtrede tous les prodiges du Seigneur (3).

    Elle nous dit, par la bouche d'un des plus clbresDocteurs du moyen ge : Avant de natre, j'tais pr-

    sente Dieu; avant d'exister, j'tais pleinement connuede lui. Il m'a choisie avant la fondation du monde, pourtre en sa prsence toute sainte et immacule dans l'amour (4).

    Aprs cela, s'crie l'abb Olier, que Ton conoive, si

    on le peut, cette suprme dignit d'pouse du Pre ternel ! La grandeur divine de Marie est un mystre impntrable : c'est un abme de grces. Elle est le sein universel, o Dieu a produit le monde et l'glise. Elle porteen elle toute l'uvre de Dieu, par cela seul qu'elle engendre avec Dieu le Pre Celui par lequel et pour lequel

    toutes choses ont t faites, selon l'oracle de l'criture (5). (1) In festo E. Marie, serm. vin.(2) Tom. 1, Concil. LXI, art. vi , oap. iv.;3) Orat. ], de Nativ.(4) RuperLus, in Gant. Cantic, u.(5) Mmoires, t. v\, p, 76.

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    D A N S L'ANCIENL TESTAMENT 27 De la trs sainte Vierge, dit son tour saint Bona-

    venture, de sa puissance et de sa grce dcoule la vie detoute crature ; c'est d elle que tout procde pour chacun

    de nous, ainsi que le proclame l'Esprit-Saint : En moi rside toute grce de vie et de vrit ; en moi rside toute esp rance de vie et de fore (1).

    0 M ar i e , douce Souveraine, Mre de misricorde,pouse trs digne du Pre des misricordes et du Dieu de

    toute consolation (2), du sommet de la gloire o vous r

    gnez avec notre Pre cleste, daignez protger toujoursvotre pauvre "serviteur et m'octroyer la grce de vous voirdans l'ternit !

    IVGomment, ds l'origine, la Sainte-Vierge est, avec le C H R I S T ,

    la cause du salut des Anges, et de la rprobation des dmons*

    L'glise, dans sa liturgie sacre, fait dire la Sainte-Vierge. Quand Dieu prparait les cieux, j'tais prsente; les cieux, c'est--dire les Anges. Le jour mmeo ils furent crs, M a r i e tait prsente aux Anges avecJ s u s . Comment cela?

    Le monde invisible des esprits et le monde visible descorps ont t crs ensemble au commencement des temps,ainsi que l'enseigne un Concile gnral de Latran ; c'estce que veut dire le premier verset de l'Ancien Testament :

    Au commencement Dieu cra le ciel et la terre. Le ciel, c'est

    (1) De Ecclesiastica Hierarchia pars. v, c&p. vu.(2) II, ad Cor., i.

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    28 LA SA INTE-VIERGEle monde des esprits; la terre, c'est le monde des corps.L'un et l'autre sont faits pour Jsus et pour Marie.

    Les esprits plus connus sous le nom d'Anges avaient

    tous pour vocation premire d'tre les serviteurs du Roiet de la Reine de la cration, de Jsus-Christ et de latrs sainle Vierge. Leur vocation secondaire, consquencede. la premire, tait de gouverner et de fconder les lments, d'y maintenir l'ordre et enfin d'aider les hommes,leurs frres, servir leur commun matre Jsus-Christ

    et Marie leur commune Souveraine. C'est ce que nousenseigne l'Aptre saint Paul dans son admirable ptreaux Hbreux, o il expose les profondeurs du mystre del'Incarnation, il montre comment le Christ , l'Homme-Dieu, est avant tous les Anges : Tous ces esprits, dit-il,

    ne sont-ils pas des ministres et don serviteurs ayant pour

    mission d'assister tes lus qui recueillent l'hritage dusalut(1)? S'ils sont ainsi les serviteurs des simplessujets, plus forte raison le sont-ils du Roi et del Reine,qui leur confient cette mission tutlaire.

    Ds l'origine, le bon Dieu leur montra cet Homme mystrieux qui devait apparatre sur la terre au milieu des

    temps, et il leur commanda de l'adorer comme leurDiEUt

    comme leur souverain Seigneur, comme leur Matreunique, comme le Roi ternel et comme le Crateur detoutes choses. Lorsque Dieu, ajoute saint Paul, intro

    duisit son Premier-n dans la cration, il dit : Que tous sesAnges l'adorent (2). Dans ce Premier-n de -Dieu, toute

    l'antiquit reconnat le Verbe en son humanit; car, ensa divinit, il n'est pas le Fils Premier-n, mais bien leFils unique du Pre. Remarquons cette parole de l'Aptre : Ses Anges. Les Anges sont donc tous J sus ; ils lui

    (1) Heb.,i, 14.(2) Hebr.,1,6.

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    DANS L ' A N C I E N T E S T A M E N T 29

    appartiennent, ils lui sont donns, comme les rayons ausoleil. Pour les Anges, comme pour nous, J s u s est laporte de l'ternit bienheureuse. Sans le Christ, disait

    au premier sicle le pasteur Hermas, aucun Auge ne peutentrer dans le royaume du ciel (i). Kt saint Ignaced'AuLioche, lui aussi, contemporain des Aptres, dchirait qu'il ne fallait pas s'y tromper : que les esprits clestes, mme les Anges les plus levs eu gloire, seraientrprouvs, s'ils ne croyaient pas au sang du Christ (2).

    J s u s , le Fils de M a r i u , est donc la cause du salut desAnges ; mais il Test avec sa bienheureuse Mre. AvecJ s u s , Dieu leur montra M a rie . Avec le Soleil de justice,il leur montra la Femme revtue du soleil] et il leurcommanda non de l'adorer, mais de la vnrer, de se

    prosterner devant elle, de lui rendre toutes sortes d'hommages, de louanges et de respects, comme h son Epousebien-aime, comme la Mre de son Fils et comme laReine du ciel et de l terre.

    Une grande partie des Sraphins, des Chrubins, desTrnes, des Dominations et des autres hirarchies ang-

    liques crurent, et se soumirent avec amour : ils adorrent J s u s comme le seul vrai Dieu avec le Pre etl'Esprit-Saint ; ils vnrrent la trs-sainte Vierge et lasalurent avec de saints transports. Cet acte de foi,d'adoration, d'amour et de religion parfaite, a t et estla cause de leur batitude ; et ainsi, ds le premier instant

    de la cration, la Sainte-Vierge a t acclame par laCour cleste comme la Heine des Anges.Mais, comme chacun sait, tous les Anges ne furent pas

    fidles. La troisime partie d'.entre eux (s'il faut prendre

    (1) Lib. III, SimiliU ix.(2) Ad Smyrna30S, vi.

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    30 LA S A I N T E - V I E R G E

    la lettre un e pa rol e de l ' c r i t u r e ) (1) se r v ol ta , r ef u s a

    d ' a d o r e r J s u s , d e v n r e r M a r t e ; el , l a s u it e d e

    L u c i f e r , le p rem ier des* S r a p h in s , tou s c es e spr i t s

    r e b e l l e s os e nt rp te r le c r i de r a g e qu i d e p u i s a e u t an td ' c h o su r la terre : Non serviam ! J e n e m e so um et tr a i

    pas !

    I m m d i a t e m e n t L u c i f e r (ou Satan, c ' e s t - - d i r e Ven-

    nemi), fut pr cip i t du fai te de la gl oi re a u p l u s p r o f o n d

    des enfe rs , e t av ec lui tous l e s m a u v a i s a n g e s , b l as ph

    m a t e u r s d u C h r i s t et c o n t e m p t e u r s d e la S a i n t e - V i e r g e .I ls v br l ent t er ne l l em en t da ns l 'hor reur de l a m a l -

    f>

    di ct io n ; e t i ls a p p r e n n e n t l eurs d pe ns ce qu'est J s u s

    et .ce qu'est M a r i e .

    U s cont inuent nanmoins jusqu ' , l a f in des s i c l e s

    ex er ce r un e cer ta in e ac t i on su r l es d i ve rs l me nt s de ce

    m o n d e , qu ' il s t ac he nt de bo u l ev er se r et de d tr u i re , enh a i n e d e J s u s - C h r i s t , q u i en est le R o i , et d e l a t r s -

    s a i n t e V i e r g e , qui en es t la S o u v e r a i n e . I l s so nt au

    m i l i e u d e la c r a t i o n c o m m e d e d t e s t a b l e s r v o l u t i o n

    naires qui mettent tout en uvre pour troubler la paix

    d u r o y a u m e et p o u r s o u l e v e r s e c r t e m e n t c o n t r e l e r oi e l

    l a reine, l g i t i m e s t o u s les s u j e t s fidles. I ls n e s e r o n tc h a s s s d f i n i t i v e m e n t q u ' l a fin d e s t e m p s , l o r s q u e

    J s u s - C h r i s t re v i en dr a po ur j u g e r l es v i v a n t s et l e s

    m o r t s .

    A i n s i l a V ierge M a r i e est, avec le C h r i s t , la cause

    i mm d i a t e de la g r c e , d u sa l ut e t de la b at i t ud e desA n g e s . Pour les A n g e s , c o m m e p o u r n o u s , e l l e est , avec

    s o n F i l s , la Po rt e d u c ie l , Janua cli ; car c ' e s t p a r

    e l l e qu'es t de sc en du e to ut e l a g r c e q u i a sa nct i f i ou qu i

    (1) Apoc, XJI, 1.

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    DAWS L ' A N C I E N T E S T A M E N T 31

    sanctifiera toute crature. Elle est la Mre de tous lesbiens, la Mre de la gr ce et de la misricorde, la Mredu Christ , qui est la grce incre (1).,. Au ss i a-t-elle

    reu de D i eu le Pre la fcondit originelle et premirepour enfanter au salut tous les lus et tous les A n g e s :oui, tous les A n g e s , puisque, ds le premier instant deleur cration et de leur glorieuse lec tion , ils la vi ren td'avance et la salurent comme la Mre de D i e u . L aBienheureuse V i e r g e a donc reu du Pre cleste le droit

    royal et imprial de la primaut sur toute crature (2).Gomme le rapporte sainte Brigitte dans ses Rvlations : D ieu lui a communiqu l'empire universel du monde,et l'a tablie ternel lement Souveraine des A n g e s (3).

    Oui, la Sa in t e -Vie rg e est la Reine du ciel et des A n g e s . Vous appellerai-je le ciel ? dit saint August in : no n,

    car vous tes plus leve que les c i e u x . V o u s nommerai -je la Souveraine des A n g e s ? oui, certes ; ca r vous l'tessous tous les rapports ! M a r i e , toute pleine de la grce,se communique o.ux A n g e s avec sa plnitude ; elle leurcommande en Souveraine toute puissante . Ce qu i faisaitdire encore a saint Augustin : L ' A r c h a n g e M i c h e l ,

    prince de la mi l ice cleste, vous obit en toutes choses , Vierge, ainsi que tous les bienheureux esprits, min ist resdu Seigneur (4).

    M a r i e est le trne vivant du Verbe fait cha ir , un iq ueseigneur des A n g e s et des hommes ; aussi, est-ce par elleque les A n g e s et les hommes louent, adorent et bnissent

    le Seigneur J s u s , suivant cette parole mystrieuse de

    (1) D. Alb.'Magn. sup. Missus.(2) S. Bern., Senens., iv, 121.(3) Revel., cap. xx.(4) S. Aug., apud S. Bonav. in Speculo B. M. V . , m.

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    32 LA S A I N T E - V I E RGK

    V

    Que la cration est faite l'image de la Sainte-Vierge.

    La Sainte-Vierge est une pure crature, aussi bien queles Anges et les hommes : J s u s n'est pas une crature

    (ceci est de foi) ; et si on le disait, on serait hrtique.J s u s est homme, mais il n'est pas un homme ; il n'y apas en lui de personnalit humaine ; il n'y a en lui quela personne divine du Fils de Dieu fait homme. Comprenons bien cela.

    J s u s est le Verbe ternel incarn, et bien qu'il y ait

    pu lui, par suite de son incarnation, une me cre et uncorps cr, il ne devient pas pour cela une crature ; sapersonne divine, unie cette me et ce corps, demeurece qu'elle est en elle-mme : la seconde personne de la

    (1) S. Petr. Dam. in N/ilivitale B. Virg.

    l'Apocalypse : Une voix sortit du trne, disant : Louez et bnissez notre Dieu, vous tous qui tes ses saints (1).

    La Sainte-Vierge, Mre de Dieu, Reine du ciel, est lagrande affaire de tous les sicles, comme dit magnifiquement saint Bernard ; elle est avec J s u s - C h r i s t dsl'origine du monde et sera pendant toute l'ternit lesalut des Anges et la ruine des dmons. Aussi les Angesl'aiment plus qu'on ne saurait dire, et les dmons la

    craignent et la hassent de toutes leurs forces. Faisonscomme les Anges.

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    D A N S L ' A N C I E N T E S T A M E N T 33

    XV

    S a i n t e - T r i n i t ; l a p e r s o n n e t e r n e l l e d u ' F i l s d e Dieu,

    Dieu av ec le Pr e e t a v e c l e S a i n t - E s p r i t . J s us e si Dieu,

    le Dieu u n i q u e , C r a t e u r d e Marie: e t d u m o n d e .

    L a S a i n t e - V i e r g e es t s a p r e m i r e c r a t u r e , s o n p r e m i e rc h e f - d ' u v r e , l ' i m a g e du q u e l i l cr e tou s l es au tr es .

    C ' e s t en vue de M a r i e qu' i l a fa i t toutes choses , disai t

    saint B e r n a r d (1) . 11 l ui a d c e r n la p r i n c i p a u t de la

    grce et de l a g l o i re ; i l lu i a c o n f r la p r i n c i p a u t de la

    sa intet (2) en m m e t e m p s qu e de la so uv er a i ne t . I l a

    v o u l u q u e l l e f j , l a c r a t u r e p r i n c i p a l e , l a c r a t u r eroyale et s o uv e r a i n e (3). L a V i e r g e M a r i e es t la crature

    des cratures . Le C h r i s t et l a B i e n h e u r e u s e V i e r g e s o n t

    ,1acause f ina le de la cr a t i on de l ' un iv er s , d i t C o r n l i u s ;

    c'est p o u r ce la qu ' i l s en so nt le ty p e , l ' ide , la f o r m e ,

    l ' exempla ire . La Vierge a t la cause pour laque l le Dieu

    ' a cr la l u m i r e , les c i e u x , la m e r , les f l euv es , e t lereste du monde. L ' o r d r e de l a na t u r e , e n effet, n'a t*

    cr et in st i t u q u ' e n v u e de To rd re de la gr c e , q u i se

    rsu me tout en ti er e n J s u s et en M a r i e ; la B i e n h e u

    reuse V ie rg e ta nt l a M p e d u C h r i s t et p a r c o n s q u e n t

    le canal de la grce du C h r i s t , es t par l mme la cause

    finale et l ' exempla ire de toute la crat ion (4 ) .

    Jsus cre M a r i e s on i m a g e e t sa re s s em bl an ce .

    Q u ' y a - t - i l e n J s u s - Ch r i s t ? L a d i v i n i t u n i e A u n e m e

    et u n co r ps . C e q ue J s us a p a r n a t u r e , i l le d o n n e p a r

    grce M a r i e . Q u e v o y o n s - n o u s , e n e ff et , d a n s l a t r s -

    sainte V i e r g e ? U n e m e e t u n c o r p s a b s o l u m e n t i m m a culs , u n i s p a r la g r c e Dieu l u i - m m e . C e n'e s t p a s

    (1) S erm . , n, de Pentec.(4) Corn, a Lap . in Prov. vui,22.(3' S erm . , , in Salve, Re gi na .(4) la E c c I L , xxiv et xxvi.

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    34 L A S A I N T E - V I E R G El'union hypostatique qui est propre Jissus seul ; maisc'est l'union de grce la plus intime, la plus ineffable quise puisse concevoir, aprs l'union hypostatique. Dieu

    habite en Marie et lui communique sa vie, sa saintet, safcondit, sa toute puissance, tout ce qu'il y a de commu-nicable dans ses perfections.

    Dieu le Pre est en elle, poux cleste, ternel, infini,uni sa sainte pouse et lui communiquant la divinefcondit par laquelle il engendre ternellement son

    Verbe. Dieu le Fils, le Christ J s u s , est en elle comme ensa trs digne Mre, qui lui reprsente au milieu de lacration sou Pre adorable. Dieu le Saint-Esprit est enelle comme, en son vivant sanctuaire, comme dans unesorte d'incarnation spirituelle', qu'il remplit de tous sesdons, de toutes ses grces, de la saintet de J s u s - C h r i s t

    et de la majest du Pre cleste.Ainsi J s u s , lTIomme-DiEU, fait M a r i e son image;crature unique et incomparable, calque sur Celui quin'est pas crature, mais le Crateur ; sur Celui qu'elleadore comme son Dieu, et qui lui obit comme son Fils ;sur Celui de qui elle reoit la grce et la vie divine, et

    qui elle donne la vie humaine ; sur Celui qui est par lui-mme le Roi ternel des cieux, et qui par elle devient leRoi visible de la terre.

    Sur ce modle achev, en qui il prend, et avec raison,toutes ses complaisances, Notre-Seigneur J s u s - C h r i s t

    forme toute la cration. Il la forme d'abord et en gnrald'un monde spirituel et d'un monde matriel, du ciel etde la terre, lesquels sont appels tous deux une sorte dedification parla grce : c'est l'image et comme le prolongement de: ce qu'il fait en la trs-sainte Vierge saMre : la grce de M a r i e est le type, l'image, la source

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    d a n s l ' a n c i e n t e s t a m e n t 85

    et Je canal de touLe la grce rpandue dans la cration,dans les Anges, dans les hommes, et, par eux7 dans lesautres cratures. L'me de M a r i e , faite par Jsus

    l'image de son me adorable, est le type et le modletrs parfait de tous les esprits et en particulier de nosmes ; son saint corps est le type de nos corps et mmede tout le monde matriel

    Pour bien faire comprendre ce dernier point, il faudraitdes explications que la nature d'un travail comme celui-

    ci ne permet malheureusement pas de donner, et quel'on ne peut exposer incompltement sans risquer den'tre point compris. Il faudrait montrer comment lemonde matriel est fait l'image du corps humain, parceque l'homme est le roi et le chef de ce monde matriel ;comment son tour notre corps est fait l'image du corps

    immacul de M a r i e , lequel est, dans l'ordre des purescratures, la reproduction parfaite du corps divin deJsus.. Il faudrait montrer comment les six jours de lacration et le septime qui les couronne ont leur raisond'tre en Mar ie , et, d'une manire souveraine, en J s u s .Mais je le rpte, cette belle exposition nous entranerait

    trop loin. Qu'il nous suffise de savoir en gnral quetoutes lesuvres de Dieu se rapportent directement cetteuvre principale et fondamentale de laquelle l'crituredit: Votre uvre, Seigneur, vous l'avez pose au milieudes sicles (1). El quelle est cette uvre par excellence,sinon l'Incarnation, et par consquent la materni t divine ?

    Quelle est cette uvre, sinon J s u s - C h r i s t , et par consquent la Vierge Mar ie , sa mre?Cette uvre primordiale et centrale, nous l'avons vu

    apparatre au milieu des sicles ; mais pour les Anges, qui

    (i) Habac, ni, 3.

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    36 LA S A I N T E - V I E R G E

    ne sont pas soumis, comme nous, aux successions dutemps, cette uvre a t un fait actuel et toujours prsentdepuis le premier moment de leur cration, et elle le sera

    jusqu' ce moment suprme o l'Ange de Dieu, au nomde Celui qui est vivant dans les sicles des sicles, proclamera que dsormais il n'y aura plus de temps.

    Il est vrai, les anciens Pres, entre autres le pasteurHermas et Clment d'Alexandrie, enseignent que c'est l'glise qui a t cre la premire et que le monde a t

    cr pour l'glise; Ils disent que l'glise tant l'pousedu Christ, il est tout simple qu'elle soit ainsi la premiredevant la face du Seigneur. Mais cette vrit, loin d'exclure la primaut de la Sainte-Vierge, ne fait que la con-*firmer: en effet, la Sainte-Vierge n'est-elle pas elle-mme,dans un degr surminent, et l'Epouse de Dieu et la com

    pagne du Christ? Elle est l'glise rsume en une seulecrature ; l'glise, c'est dire la cralure sanctifie etdifie par son union avec le Christ.

    L'glise, tout entire se rsume en M a r i e , commencepar M a r i e , sort de M a r i e , retourne M a r i e . C'est en elle,en cette Vierge, en cette Colombe unique, que la pure

    crature devient la vritable pouse du Christ et de Dieu.L'Esprit qui anime rglise et qui en unittous les membres,c'est l'Esprit-Saint qui remplit M a r i e et dont l'expressiontrs-parfaite est la Vierge immacule. Aussi est-ce deM a r i e , plus encore que de l'glise, que Notre Seigneur ditdans le Cantique des Cantiques : Elle eut unique, elle est

    incomparable, ma colombe, ma parfaite... ma sur et monpouse.

    La Sainte-Vierge tant ainsi la Premire-ne de toutecrature, comme dit Cornlius, il n'est pas surprenantque cette bien-aime de J s u s - C h r i s t ait t prise pour letype et le modle parfait de la cration tout entire. La

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    D A N S L 'ANC IEN TESTAMENT 37

    VI

    Comment l'uvre des trois premiers jours prophtisait

    la trs sainte Vierge.

    Les saints Pres, clairs de lumires surnaturelles quilevaient unefrierveilleusepuissance les lumires natu

    relles de leur gnie, ont appris l'cole mme du Saint-Esprit, voir le mystre* du Christ et de la Vierge danstoutes les uvres de Dieu. Puisons dans leurs trsors pourenrichir notre indigence.

    Au premier jour, Dieu cre la lumire, cette crature

    premire, si pure, si parfaite et si puissante, qui contienten elle la chaleur et la vie, la splendeur et la beaut detoute la cration; cette belle crature qui fait le jour.C'tait le symbole prophtique de J s u s - C h r i s t , vritablelumire gui claire tout homme venant en ce monde ; deJ s u s - C h r i s t lumire de vie, le Premier-n de toute cra-

    Cration est pour l'Eglise; l'glise se personnifie en laSainte-Vierge ; et avec Marie , par M a r i e et aprs M a r i e ,elle adore J s u s - C h r i s t , son Dieu et son Roi.

    0 Vierge, Reine du monde, bnissez-moi parce que jesuis tout vous ! Je vous appartiens par ma nature mme,par la nature de mon me et de mon corps : je ne suis ceque je suis qu' cause de vous, comme vous n'tes ce quevous tes qu' cause de J s u s . Quelle douce dpendance!et combien je vous aime, ma trs-sainte Mre!

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    38 LA S A I N T E - V I E R G E

    titre, le principe des -voies du Seigneur. (I) J s u s est la lumire, et Marie est le jour, premier fruit de cette lumirepremire; Marie est la premire aprs le premier- C'est

    la Vierge toute pure, le jour sans nuage, la crature toutede lumire, et sans laquelle on ne peut comprendre lalumire. J s u s est M a r i e ce que la lumire est au jour.L'glise, elle aussi, est le jour ; mais elle ne Test qu'aprsM a ri e et comme une extension du mystre de Marte .

    Dieu spara la lumire des tnbres, c'est dire les

    Anges des dmons, comme l'explique saint Augustin,qui dclare que c'est l le sens littral de \\v parolesacre (2); c'est dire, ajoute saint Bonavcnlure, lesAnges qui demeurrent fidles de ceux qui tombrentcl ns le pch (3); c'est dire, pourrions-nous ajouterencore et un point de vue plus gnral, l'glise d'avec

    le monde, les lus d'avec les rprouvs. Dieu appelle luitous ceux qui reoivent J s u s , qui vivent de J s u s , quipossdent J s u s et qui demeurent en lui; il appelle et ilbnit les enfants de la vrit, les fils de lumire ; et leurtte, la trs-sainte M a ri e , qui est leur Mre et leur atmosphre lumineuse. Il repousse et jette clans l'abme des

    tnbres extrieures les enfants de tnbres, c'est dire lesanges rebelles et les hommes pcheurs, qui, la suite duprince des tnbres, de l'orgueilleux Lucifer, perdent,avec la grce de J s u s - C h r i s t , la lumire vivifiante duvrai jour.

    Au second jour, le Seigneur cra les eaux, elles divisacomme il avait fait de la lumire et des tnbres; il lesdivisa en eaux suprieures et en eaux infrieures. C'est

    (1) E v . Joan. i .(2) Apud Corn, a Lap., in Gnes., i.3) Speculi, n i .

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    DANS L ' A N C I E N T E S T A M E N T 39

    encore le mme mystre d'lection et de rprobation. IIfil] dit rcriture, un firmament, c est dire une forcetoute-puissante, et il l'appela le c.ieL Ce ciel renfermait

    la partie suprieure des eoux, et l'exposait ainsi aux bienfaits de la lumire et de la vie du premier jour.C'est ce que fait la trs-sanle Vierge pour tous les

    Anges fidles et pour tous les serviteurs de J s u s ; elle leslve, elle les surnaturalise, elle les rend tout clestes enla grce de son Fils. Elle-mme estle ciel de J s u s , comme

    dit saint Jean Damascne ; et J s u s est le ciel sur la terre,-le ciel vivant, le ciel plus lev que les cieux, plus vasteque toute la cration ; le ciel que personne n'habite sinonle divin architecte qui a cr le ciel et la terre (1). AvecMarie, soyons tous des cieux, bien dtachs de la terre, etne nous laissons pas entraner par le dmon ces tats

    infrieurs et mprisables, dans ces honteux abmes o seprcipitent aveuglment les dmons et les pcheurs impnitents.-

    La Sainte Vierge, firmament de l'glise, est, comme ditl'criture. le ciel o Dieu rside] c'est en elle quenous trouvons J s u s , la Vertu du Trs-Haut, la force de

    nos mes. M a r i e nous donne J s u s , fait de nous descieux, et nous porte dans son sein maternel.

    L'uvre du troisime jour nous figure M a rie d'unemanire plus frappante encore. Dieu rassembla en unlieu toutes les eaux qui taient sous le ciel; et il appela

    Mer, en latin Maria, la runion des eaux.Dans les saintes critures, aucune parole n'est l'effetdu hasard. Si chaque syllabe y couvre un mystre, combien plus forte raison chaque nom donn parle Sei-

    (1) Orat. Il in dormitionem B. M. V.

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    40 LA S A I N T E - V I E R G Egneur mme! Entre le nom que, dans la langue sacrede l'glise, Dibu donne l'Ocan, et le nom que recevraun jour la Bienheureuse Vierge, il existe un mystrieux

    rapport qui n'a point chapp aux saints Pres. Ils nousmontrent dans l'immensit de la mer, insondable etincommensurable quoique non infinie, une belle prophtie et une grande image de la trs sainte Vierge.

    Marie , dit saint Bonaventure, est comme une merimmense, cause de la surabondance et de l'affluence

    des grces que Dieu a rpandues en elle. C'est d'elle queparlent les livres sapientiaux quand ils disent: Tous lesfleuves entrent dans la mer. Lesfleuves,ce sont les effusionset les grces du Saint-Esprit. Tous lesfleuvesentrent dansla mer, c'est--dire toutes les grces de tous les Saintssont rpandues en Marie . Le fleuve de la grce des Anges

    entre tout entier en Marie . Le fleuve de la grce des Patriarches et des Prophtes entre en Marie . Et le fleuve dela vie des Aptres, et lefleuvede la grce des Martyrs, etJe.fleuve de la grce des Confesseurs et des Vierges entrentaussi en Marie . Toutes les grces, sans exception, entrenten cette Vierge Bienheureuse, qui peut dire ainsi, avec le

    texte sacr: En moi se trouve runie toute la grce de tavoie et de la vrit; en moi rside toute l'esprance de vie etde vertu. Est-il surprenant que toute grce vienne afflueren M a rie , par qui l'auteur de toute grce s'est panchsur toute crature? C'est ce qui faisait dire saintAugustin: Vous tes pleine do grces, M a r i e ; et cette

    grce que vous avez trouve auprs du Seigneur, vousavez eu l'honneur de la rpandre sur le monde entier (1)! >Saint Bernard, aprs plusieurs autres Docteurs, applique

    la Sainte Vierge ce passage du livre de la Sagesse : Je

    (i) Specul., :n.

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    DANS L'ANCIEN TESTAMENT 41 suis tablie dans la plnitude des Saints. C'est ajuste titre,dit-il, qu'elle demeure tablie dans la plnitude des Saints,celle qui n'a manqu ni la foi des Patriarches, ni l'esprit

    des Prophtes, ni le zle des Aptres, ni la constance desMartyrs, ni la pnitence des Confesseurs, ni la chastetdes Vierges, ni la puret des Anges. Toutes les grcesdes Saints, la Vierge les a reues dans son me bienheureuse, o Dieu les 1 rassembles comme jadis il avaitrassembl toutes les'eaux dans la mer. Aussi la thologie

    enseigne-t-elle que to ut ce qui a t accord par le Seigneur n'importe quel Saint, loin d'avoir t refus la sainteMre de Dieu, lui a t donn au contraire dans une mesure surminente (1).

    Saint Bernardin de Sienne, parlant de cet ocan de lagrce de Marie dit que la Mre de Jsus est la Sainte

    des Saintes, comme Jsus lui-mme est le Saint desSaints (2). Non seulement, ajoute saint Bonaventure, elle est tablie

    dans .la plnitude des Saints, mais elle garde les Saintsdans la plnitude de leur grce : elle garde leurs vertus etles empche de s'chapper; elle garde et prserve leurs

    mrites; et d'autre part, elle contient les dmons et lesempche de nuire; elle retient enfin le bras de son Fils,prt frapper les pcheurs (3).

    Ainsi la grcede la Vierge Marie est l'ocan de]la grce,,1a grce universelle des Anges et des Saints dans toutesa plnitude.

    Marie est l'ocan du monde spirituel. Le BienheureuxAlbert le Grand, disciple immdiat de saint Dominique et

    (1) Corn, a Lap., in Ecclesiasticum, xxiv, 10.(2) Tom III, serm. n, art. 3, cap. 1.(3) Specul., vu.

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    LA S A I N T E - V T E R G E

    m a t r e d e s a i n t T h o m a s d ' A q u i n , di t q u e c< la r u n i o n de

    tou tes l e s gr ce s s 'appe l le M a r i e , c o m m e l a r u n i o n d e

    to ute s les ea ux a t ap pe l l e la M e r , Maria (l). S a i n t

    A n t o n n de F l o r e n c e d i t so n to ur q u e D ie u r a s s e m b l atou tes les g r c e s des Sa i n t s en u n se ul l i eu , c 'est -- dir e

    d a n s l'me de la V i e r g e , c o m m e d a n s u n o c a n d e g r c e s ,

    et i l l 'appela M a r i e . E t de m m e q u e la m e r ne d bo rd e

    j a m a i s , bien que toutes les eaux des r iv ires et des f leuves

    a f f l u e n t d a n s s o n s e i n : de m m e l a B i e n h e u r e u s e V i e r g e

    M a r i e , bi en que c o m b l e des to rr en ts de g r c e s de to usl e s lus , n a j a m a i s sub i l es d bo rd em e nt s de l ' o rg ue i l ,

    ni l es m o in dr es l va t i on s de la v a i n e g l o i re (2). C e t

    oc an de Di eu e st tou t pa c i f i qu e ; pe rs on ne n 'en a j a m a i s

    s o n d l a p r o f o n d e u r ; p e r s o n n e n l e c o n n a t r a j a m a i s

    dan s tou te son t en du e . L ' g l i s e e st g a l e m e n t l ' o c a n

    de la g r c e et de la v i e , m a i s apr s la trs s a i nt e V i e r g eet sous sa d p e n d a n c e , a v e c e l l e , p ar e l l e , a ins i q u e n o u s

    l ' a v o n s i n d i q u d j .

    S a i n t B o n a v e n t u r e a j o u t e c e s u j e t d e u x p e n s e s a u s s i

    p r o f o n d e s q u e p r a t i q u e s . L ' u n e lu i est inspire par cette

    p a r o l e d e s L i v r e s s a i n t s : Que la mer mugisse dans toute sa plnitude l Q u e l ' o ca n de la g r c e m u g i s s e d o n c , d i t

    c e t a d mi r a b l e s e r v i t e u r d e J s u s ! Q u e l a V i e r g e l v e s a

    puissante vo ix ! Qu'e l le s ' lve contre la luxure , en nous

    pr op os an t la ch as te t , e t qu'e l le n o u s rp te : Je ne connais

    point d? homme. Q u ' e l l e s ' lve c o n t r e l ' o r g u e i l , e n s e i g n a n t

    l ' hu mi l i t et qu'e l le n o u s red is e : Je suis la servante duSeigneur. Qu'e l le s ' lve c o n t r e l ' i n g r a t i t u d e , e n n o u s

    f a i s a n t ent end re son c a n t i q u e d 'a c t i ons de g r ce s : Mon

    (i)Bibliae B . M. V. tom. I ,p. 185.(2) Biblioth. Virgina lis , tom. I I , p. 486, 516.

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    D A N S L 'A N C I E N T E S T A M E N T 43

    me glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en

    ' Dieu mon Sauveur.L'autre pense du Dcrcleur s raph iquc lui esL fournie

    par ce verset du psaume: Que la nier s'meuve, qu'elles'meuve dans toute son tendue! M a r i e , dit-il, est la merdont par loici le Roi-Prophte. Al i ! que cette nier s'meuve!Que M a r i e s'meuve jusqu'au fond de ses entrailles! Oui, qu'elle s meuve-en entendant nos soupirs, en voyant les

    justes chtiments qui nous frappent! Qu'el le s'meuve de

    nos larmes; qu'elle soit touche de. nos prires et de nosaumnes et de tous les hommages que nous lui rendons.Qu'elle s'meuve si bien que nous soyons inonds de la-plnitude de sa grce! Quand un vase est plein jusqu'aubord, il dborde fac il emen t et rpand sa liqueur : ainsi laVierge pleine de grces, mue, remue par nos prires,

    laisse pancher sur nous les bndictions dont elle estremplie (1).

    La Bienheureuse V i e r g e est un abme de gr ces , unocan inpuisable de j o i e , un ocan spirituel que la languedes hommes et des-Ang es est galement impu i s san t es

    exalter (2). Que puis-je donc ajouter , o ma trs grande Souve

    raine? Ds que je veux contempler l' immensit de votregrce et de votre gloire bienheureuse, je me perds et jedemeure sans voix . O sainte M a r i e , plus sainte que lesSaints, et trs saint trsor de toute saintet (3).

    a]Spocul., vu.(2) S. Joan. Damasc. oral. n. de Assumptione; s. Epiphan., de

    Laud. Virg-(3) S. Anselm.,de Excellentia Virg. ; S. Andras Cretens., de Dor-

    mitione Deipar

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    44 L. s a i n t e - v i e r g e

    V I I

    Comment les astres nous prchent incessamment

    le cleste empire de J S U S et de M A R I E .

    E n t r e t o u t e s l es a u t r e s , l ' u v r e d u q u a t r i m e j o u r del a crat ion est d e s t i n e s y m b o l i s e r et p r c h e r a u x

    h o m m e s le m y s t r e d u C h r i s t , d e l V i e r g e e t de l 'g l i s e .

    O n peut d ire que c'est l a f oi e l l e - m m e q u i n o u s l ' e n s e i

    g n e ; car sa in t P a u l , d a n s s o n p t r e a u x R o m a i n s ; n o u s

    di t qu e l es c i e u x q u i a n n o n c e n t l a g l o i re de Dieu, c e

    sont les Aptres du C h r i s t . L e u r v o i x a fa i t p n t re r Jal u m i r e d e l ' v a n g i l e d a n s le m o n d e e nt i e r , c o m m e l es

    as tre s y r pa nd en t l a l um i re ma t r i e l l e .

    E t c e n'est p a s l u n e s i m p l e c o m p a r a i s o n , e n c o r e m o i n s

    u n e c o n c e p t i o n v a i n e o u p o t i q u e : c 'es t la ral i t d'un

    b e a u s y m b o l e , d i v i n e m e n t t a b l i p o u r l e v e r n o s e s p r i t s

    a u x beauts inv i s ib l e s par l e s beauts v i s ib l e s , a ins i que l eco ns ta te l a t r ad i t io n . E n e ff et , de pu i s sa i n t Th o ph i l e ,

    s ix i m e su cc es se ur de sa in t P ierr e su r l e s i g e d ' A n t i o c h e ,

    j u s q u ' s a i n t A n a s t a s e le S i n a t e , l u i a u s s i P a t r i a r c h e d ' A n

    t i och e , e t qu i , au se pt i me s i c le , cr iv i t des p a ge s su bl i

    m e s su r l ' u vr e des s ix j o u r s , l e s a n c i e n s Pnes on t e n s e i

    g n qu e le sol ei l , q u e la l u n e et le s to i l e s o n t t cr sp o u r s y m b o l i s e r l e C h r i s t , l ' g l i s e , l e s S a i n t s , etc. S' i ls ont

    p a r l m o i n s e x p l i c i t e m e n t d e l a V i e r g e M a r i e , c 'es t d'abord

    c a u s e d e l loi du secret e t du danger de l ' ido l tr i e ; pu i s ,

    p a r c e qu e le m y st r e de la S a i n t e - V i e r g e es t u n seu l et

    m m e m y s t r e a v e c c e l u i d e l ' g l i s e , d o n t M a r i e est

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    DANS L ' ANC IEN TESTAMENT 45comme le cur, le centre et le type idal. Tout c qu'ilsont dit de l'glise peut et doit donc s'entendre surmi-nement de M a r i e ; comme aussi ce qu'ils disent de

    Marie, pont et doit se dire de l'Eglise, toutes proportionsgardes.

    C'est au quatrime jour que le Seigneur peuple sonbeau ciel de ces astres splendides qui doivent clairer etvivifier la terre. C'est au quatrime jour de l'humanit,quatre mille ans aprs la cration de l'homme, qu'apparatau milieu du inonde le Soleil de la justice ternelle, leRoi des cieux, l'Astre vivant de la vraie lumire. J s u s adit: Je suis la Lumire du monde. Moi, la Lumire, je suisvenu dans le monde (1). Il a.dit encore Je suis la Vritet la Vie (2).

    Le soleil est le ple symbole de J s u s - C h r i s t - : a Quesignifie le soleil, se demande le Docteur sraphique (3),sinon Je Christ? J s u s est le Soleil qui illumine l'intelligence, scion cet oracle du Prophte : Pour vous tous qui

    rvrez mon nom, se lvera le Soleil de justice (4). De mme que toute la lumire cre au premier jour

    est runie et comme incorpore dans le soleil, qui larpand sur nous pour nous clairer, nous vivifier, nousrchauffer et nous rjouir; de mme le Verbe ternel, laLumire infinie, la Vrit divine, s'incarne et se fait

    .homme en J s u s - C h r i s t pour clairer tout le monde desmes, pour le vivifier et le rgnrer, pour le fconder,

    .leconsoler, le batifier. J s u s se fait homme au quatrimegfl du monde : c'est pour cela qu'avec le Pre et le Saint-

    Ci) Ev. Joan- xi:. W.(2) Idxiv, 0.(3) Spculum B. H. v., xi.

    .(4) Malach. iv, 2.

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    Esprit il a cr le soleil au quatrime tour, ni avant niaprs.

    Avec le soleil nous apparat l'astre de la nuit, la lune,

    beaucoup plus proche de nous, lumineuse seulement parreflet, nous clairant, oui certes, mais ne nous clairantque de ce reflet.

    La Lune est le symbole prophtique ch la Sainte-Viergeet de glise : toute la tradition est unanime sur ce point;et c'est de M ar i e que l'criture dit au Cantique des can

    tiques : Quelle est celle-ci qui s'avance comme Faurore, bellecomme la lune, splendide comme le soleil (1) ? En effet, lemystre de Marie dpent totalement du mystre de J s u s ;comme dans le firmament, la lumire de la lune dpendtotalement de la lumire du soleil. Nous prcher, nousrappeler la Vierge Marie , telle est la premire mission de

    cet astre si doux et si pur qui, dons le ciel visible, est lependant du soleil ; comme dans le ciel invisible, dans leciel vivrait, Marie est le pendant de J s u s .

    La Vierge M ar i e est belle comme la lune dans lalumineuse fcondit de sa virginit. Toute la beaut dela lune consiste dans la lumire qu'elle reoit du soleil.

    Oh! combien Marie a t une lune splendide et radieuselorsqu'elle reut, lorsqu'elle conut dans son sein le Soleilternel tout entier ! Elle est cette lune, dans la plnitudede laquelle vint se reposer l'poux de l'glise, dont il tailcrit : Au jour de la pleine tune, il rentrera dans sa de

    meure. La Bienheureuse Vierge fut lalune pleine etpar

    faite que salua le saint Archange, disant : Je vous salue, pleine de grces (2). Elle aussi, elle est cleste comme J s u s et leve au-

    dessus de la terre; toute lumineuse et toute belle, mais

    (1) Ev. Joan. vi, 9.(2) Spec. xui

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    DANS L 'ANC IEN TESTAMENT -i7

    uniquement par la grce prvenante de J s u s - C h r i s t ,sans aucun mrite de sa part, par pur amour et misricorde. Elle est revtue du soleil, dit encore la sainte Ecri

    ture en parlant de la Vierge Bienheureuse, elle est revtuedu soleil (1), c'est--dire de J s u s - C h r i s t et de toutes sesgrces.

    0 Vierge, s'crie saint Bernard rpt par saint Bona-venture, vous tes l'expression trs parfaite du vritablesoleil! Au milieu de ces milliers d'astres vivants qui

    brilien t devant la facede Dieu , vous resplendissez radieused'un clat cleste et virginal qui les l'ait tous plir (2).

    Enfin, avec le soleil, avec la lune, apparaissent en cequatrime jour toutes les toiles du firmament. Le firma-ment, c'est l'Eglise universelle du Christ, tant au ciel

    que sur la terre; l'glise est toute pour le ciel, pourl'ternit ; et mme ici-bas, elle est cleste, bien que voyageant sur la terre. Elle est compose des Anges et desSaints, c'est--dire des esprits et des hommes fidles J s u s et M a ri e . Les Anges et les Saints forment dsmaintenant et formeront ternellement la cour clestedu Roi du ciel et de la Reine du ciel.

    Puissions-nous tous faire un jour partie de cette courbienheureuse ! puissions-nous tre du nombre de ces mil-Iionsd'toilesqui formeront lacouronne de la Vierge M a ri edans l'ternit! Ces toiles, comme le fait remarquersaint Bernard (3), reoivent de la Sainte-Vierge tout leur

    clat; comment, en effet, pourraienl-elles ajouter unnouveau lustre celle que revt dj le soleil ?

    (1) Apoc. xn, 1.12) Spculum B. M. V . , x i .(3) In Dominica infra Octavam Assumptionis.

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    Les toilesfigurentles Anges et les Saints (1): elles nousapparaissent comme le glorieux cortge des deux grandsastres de la lumire. Parmi les toiles, il y en a dont la

    lumire scintille ; il y en a d'autres dont la clart est toujours tranquille: les premires ne nous reprsenteraient-elles pas les Anges, pendant que les secondes nous reprsentent plus spcialement les Saints ? Les toiles fixes,ce sont les Saints, dit le docte Cornlius, qui rapporte ce sujet de magnifiques passages de saint Augustin. Ce

    sont les Saints qui empruntent leur lumire au Christcomme leur soleil! fis vivent toujours dans les cieux;leur conversation habituelle est avec J s u s et avec lesAnges.

    Les toiles sont plus grandes que la terre; et cependant elles nous apparaissent toutes petites cause de

    leur distance et de leur lvation; plus elles sont hauteset plus elles paraissent petites. Ainsi les Saints : plus ilssont saints, et plus ils sont humbles.

    Les toiles, disait saint Augustin, nous enseignentencore la patience; que ne dbite-t-on pas leur sujet?S'en troublent-elles? Aucunement; elles.n'en suivent pas

    moins paisiblement leur cours. Et pourquoi cela? Parcequ'elles sont fixes au ciel. A leur exemple, le chrtienqui, au milieu d'une race perverse, possde en lui leVerbe de Dieu, est comme un astre qui brille au Ciel. Laissons dire, laissons faire les ennemis de notre foi,comme la lune laisse aboyer les chiens, comme les toiles

    laissent crier les enfants des rues. Si nos curs sontfermement attachs aux ralits clestes, nous puiseronsfacilement la patience dans la pense de l'ternit. Qui-

    (1) Spculum B. M. V. xi.

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    D A N S L 'ANC IEN TESTAMENT 49

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    conque perd la sainte patience, est une toile qui tombedu ciel (1) .

    Les toiles sont donc un beau symbole des Saints et

    des Anges : il y a des toiles plus brillantes les unes queles autres; comme il y a des Anges et des Saints pluslevs les uns que les autres en grce et en gloire.

    L'azur du ciel, dans le sein duquel nous contemplonstous les astres, a t fait aussi pour nous rendre toujoursprsent le mystre incommensurable de la Vierge Marie :cette Vierge Bienheureuse porte en l'azur de son seinmaternel et J s u s - C i i r i s t , Soleil des mes, et l'glise,pouse du Christ, charge par lui de nous clairerdurant la nuit de ce inonde, eL tous les Saints et tous lesAnges qui ne se sanctifient qu'en participant la grcede Marie.

    Selon saint Jean Damascne, le Seigneur, qui, l'origine, avait cr le firmament, a fait de la Sainte-Vierge'un firmament, un ciel sur la terre; et ce ciel de laterre porte, bien plus encore que l'autre, le cachet de ladivinit; car celui-l mrnc qui avait cr le soleil au

    milieu dufirmament,a voulu, vrai Soleil de justice, selever dans ce ciel bion-aira, qui est la Vierge, saMre (2).

    Ce que confirme le Docteur sraphique saint Bonaven-titre, lorsqu'il nous dit avec sa belle doctrine si pleined'onction et de lumire : La Vierge cleste a le ciel

    pour symbole; rien de plus pur que le ciel, rien de plussublime, rien de plus beau, rien de plus universel, riende plus vivant, rien de plus parfait. De mme, rien deplus pur, de plus chaste que la trs-glorieuse Vierge,

    (1) In Psal., xcm.(2) Orat. de Nativ.

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    50 LA S A IN TE-V IERG Eternellement prdestine tre un jour le ciel danslequel DIEU viendrait rsider en s'incarnant, selon laparole des saints Livres : Mon trne, c'est le ciel. MARIE

    est toute pure dans le sein de sa mre; elle est plus pureencore quand elle apparat au monde; encore plus pure,encore plus sainte maintenant qu'elle resplendit dansles cieux.

    Rien de plus sublime que la Vierge MARIE, tout leveau-dessus des choses de la terre et vivant tout entire de

    la vie cleste, selon la parole sacre : J'habite an plushaut des deux. Rien de plus beau, rien de plus splendideque cette Vierge bnie, la plus admirable des cratures.C'est d'elle qu'il est crit : Sa beaut est comme l'immensit

    du ciel. Rien de plus universel : sa bont inne ne sercFuse personne; elle se rpand et s'panche sur toute

    crature; ceux-l seuls n'en ressentent pas les bienfaits,qui repoussent volontairement sa vivifiante lumire (1). Telle est MARIE, le ciel de JSUS-CHRIST.

    Et ainsi les deux racontent la- gloire de DIEU, et lefirmament, nous chante les merveilles de ses mains (2) :

    la gloire de DIEU, c'est--dire le mystre de JSUS-CHRIST,de sa Mre et de son glise ; les merveilles de ses mains,c'est--dire l'humanit sainte de J S U S ; la glorieuseVierge, premire merveille des mains de JSUS, et tousles Anges et tous les Saints qui, avec JSUS et MARIE,sont et seront les habitants des cicux.

    Quel beau prdicateur que le firmament! il nous ditsans cesse le secret de notre existence et de notre destineternelle; il nous crie sans cesse les noms sacrs et millefois bnis de JSUS et de MARIE.

    (1) De Ecolesias. Hicrar., pars III, cap. vu.(2) Psal. xviil.

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    DANS L'ANCIEN TESTAMENT 51

    VTU

    Que la terre est un beau symbole de la trs-sainte Vierge.

    Il est dit dans le livre de l'Ecclsiastique : Qui a jamais mesur la hauteur du ciel, l'tendue de la terre, la

    profondeur de la mer }. Nous l'avons vu : Je ciel, c'est

    Martu, qui surabonde en puret et en lumire clestes,.et qui est le Ironc sublime du Seigneur. La. mer aussi-,c'est Marie , dont la bont et la misricorde sont un abmeinsondable; et c'est pour cela que cette douce Viergeimplore incessamment pour nous la misricorde infiniede son Fils, ralisant l'oracle sacr : l'abme appelle

    l'abme. Mais la terre, c'est encore MARIE, qui a donn au

    monde ce fruit bni dont le Prophte a dit : La terre adonn son fruit. Quia jamais pu mesurer l'immensit dumystre de MARIE, si ce n'est Celui-l seul qui Ta faite sisublime, si vaste, si profonde, non-seulement en grce

    et en gloire, mais aussi en misricorde (1). La terre qui nous porte et qui porte tout ici-bas, n'estpas une crature moins mystrieuse que le ciel et que lalumire. Qu'est-ce que cette crature de Dieu qui en-

    (1) S. Bonav. Spec. v.

    Puiss-jo, mon doux Crateur," couter toujours cettegrand/ parole du firmament! Puiss-je penser toujours mou Seigneur J s u s -G i i r i s t et la SainLe-Vierge toules

    les fois que je regarde les cieux !

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    52 L A S A I N T E - V I E R G Egendre les pierres, les eaux, les (leurs, les plantes; quinourrit toul d'un sue merveilleux et inconnu ; qui portetous les tres vivants? Son intrieur est rempli d'un fou

    dont rien ne peuLdunner mme l'ide. Le soleil l'clair,la vivie, la fconde sans qu'elle s'puise jamais.Telle est la trs-sainte Vierge, que DIEU a voulu symbo

    liser en crant la terre. La substance de MARIE est unmystre : elle est ptrie avec de la grce, faite avec dela grce, selon la force du texte original de l'vangile,

    dans la Salutation anglique. Sa chair tait immaculecomme celle do J S U S ; son me. plus cleste et plusmerveilleuse que l'esprit du Sraphin le plus lev enen gloire. Son intrieur est tout rempli du Saint-Esprit,desflammesternelles et divines du Dirau d'amour. Jsusseul est sa lumire cl sa vie. Le Pre cleste lui commu

    nique sa divine et inpuisable fcondit. Elle est la Mrede DIEU, la Mre-de l'glise, soit au ciel, soit sur la terre;elle es{ la Mre et la Reine universelle.

    Oui, la terre, pure encore de toute souillure et resplendissante d'une beaut merveilleuse, a eu l'honneur d'tre

    cre pour reprsenter la Vierge-Mre qu'elle devaitporter un jour. Elle tait pare de mille beauts plusadmirables les unes que les autres, symboles de toutesles grces, de toutes les vertus de MARIE . Dans une de sesbelles extases, sainte Brigitte disait la Sainte-Vierge : Vos uvres pourraient tre compares aux arbres

    chargs de fleurs et de fruits; votre amour devait produire de quoi ravir DIEU et ses Anges plus mille fois quel'clat de toutes les fleurs et la saveur de tous les fruits.En crant la terre, DIEU VOUS avait en vue, Viergesacre, et contemplait en vous des grces plus abondantes que toutes les richesses qu'il allait rpandre dans

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    D A N S L ' A N C I E N T E ST A M E N T 53toutes les varits des plantes, des (leurs, des arbres, desfruits, des pierres prcieuses, des perles, des mtaux etde toutes les belles cratures qui foui l'ornement de

    l'univers (1). C'est aussi la pense du Docteur sraphique. La terre,nous dit-il, est un beau symbole de Marie; selon ce qu'ilest crit dans le Prophte lsae : Que la terre ouvre son

    sein et enfante le Sauveur. Quoi de plus humble que laterre et quoi de plus essentiel ? 1511e est sous les pieds de

    toutes les cratures, et elle entretient leur vie toutes.De mme, quoi de plus humble et quoi de plus essentielque la trs-sainte Vierge? Son humilit la mettait audernier rang, et cependant c'est sa fcondit et laplnitude de sa grce que tous nous devons tout. Aussisaint Bernard disait-il qu'il nous faut grandement

    honorer M a r i e en qui le Seigneur a dpos la plni- tude de tout bien ; de sorte que nous devons rapporter la Vierge, comme sa vritable source, tout ce qu'il y a en nous d'esprance, et de grce et de salut. C'est d'elle, c'est de M a r i e qu'il est crit dans l'Ecclsiastique : Le Seigneur a jet un regard d'amour ntr la

    terrey et Va remplis de ses biens. Saint Jrme, parlant de cette plnitude de la vri

    table terre qui est M a r i e , disait : Il convenait que la Vierge ft ainsi comble de tous ces dons, afin qu'elle ft vraiment.pieine de grces, elle qui a donn aux cieux leur gloire, la terre son Dieu ; elle qui a rendu

    la paix au monde, la foi et la vie aux nations (2). Ainsi, sous les regards du premier homme, la terre-vierge tait une splendide image et une prophtie universelle del Vierge, Mre de l'Homme-Drau.

    (1) In Serm. Angel-, v. Tdm, Corn, a Lap. in Prov., vin, 22.v2) S. Bonav. Spcculi vu.

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    L'vangile nous dit que c'est d'aprs le fruit qu'il faut juger l'arbre. Il en est ainsi de la terre : sa richesse,son excellence se juge d'aprs ses merveilleux produits.

    Or, la Sainte-Vierge est la te m1

    bnie qui a produit leFruit par excellence, le Fils de-DiEu, le Verbe incarn,JSUS-CHRIST, Notre-Seignenr. L'excellence infinie deJ S U S est donc la mesure de la grandeur et de l'excellencede MARIE. D'aprs la sublimit de son fils bni, d'aprsle fruit bni de ses entrailles, jugez, ditsaiut Bonaventure,

    jugez combien la-Vierge MARIE a t bnie divinement!Ah! qu'elle est justement bnie la terre qui produit unfruit si bni! Vous avez bni votre terre, Seigneur,s'criait le Psalmisle. Cette terre de DIEU, c'est MARIE, dequi le Roi-Prophte a dit : La terre a, enfant la Vrit.La Vrit, c'est Je Christ, qui a dit : Je suis la Vrit et la

    Vie. Vous tes donc bnie, o Vierge MARIE, parce queJ S U S , le fruit de vos entrailles, est bni (1)! Isaac, figure du Pre cleste, bnissant Jacob, figure

    du Christ, qui lui prsentait Rebeeca sa mre, figure deMARIE, dit son fils: Voici qm le parfum dmon fils est

    comme le parfum d'un champ fertile que le Seigneur a bni.

    Ce champ, dit encore le Docteur sraphique, c'est la ViergeMARIE, en qui nous trouvons le Trsor des Anges; bienplus, tout le trsor de DIEU le Pre. Bienheureux celuiqui vend tout ce qu'il possde pour acqurir ce champ!Le parfum de ce champ fertile, c'est la plnitude de lagrandeur et de l'excellence de MARIE. . . Le Pre clestea

    donc pu dire : Voici le parfum de mon Fils JSUS ; l'excellence de mon Fils est l'excellence de sa Mre. Jugeonsavec saint Jrme, de la grandeur de la Vierge-Mre parla grandeur de Celui qui est n d'elle (2).

    (1) Speo. xv.(2) Ibid., vu.

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    Mais jugeons-la aussi par l'excellence de tous les autresfruits qu'elle porte dans le sein maternel de sa grce ; jeveux dire l'glise, avec tous les Sraphins, tous les Ch

    rubins et tous les Auges; avec tous les Patriarches et tousles Prophtes; avec tous les Aptres, tous les Martyrs ettous les Saints, depuis le commencement jusqu' la lin duinonde. MARIE est la terre des Saints; tous prennent leurracine dans le mystre de sa maternit divine, commetous les arbres et toutes les fleurs prennent leur racine

    dans le sein de la terre; tous sont en elle, tous sont dansla Mre de J S U S ; comme toutes les pierres prcieuses,comme tous les preieux^mtaux sont dans la terre, etappartiennent la terre. Elle porte tous les vivants,comme la terre porte tous les tres anims. Toutes sesrichesses, la terre ne les porte que pour l'homme : MARIE

    ne nous porte et ne nous possde que pour JS U S . NOU Ssommes donc, nous aussi, la gloire de MARIE ; et la saintetde l'glise universelle est un reflet de la saintet de laReine et de la Mre de l'glise.

    Encore aujourd'hui, malgr les dsordres partiels dont

    le pch la enveloppe comme d'un voile de tristesse, laterre reprsente la Sain te-Vierge : c'est la terre qui nousporte, qui porte l'glise, qui porte l'Eucharistie ; commeMARIE porte JSUS et l'Eglise et chacun des enfants del'glise.

    Les pcheurs sont la souillure et la tristesse de la Sainte

    Vierge, comme les fidles et les choses saintes sont saparure, sa joie, l'objet de ses complaisances maternelles.Soyons pour notre terre, pour MARIE, de belles fleurs bienparfumes, des fruits excellents, pleins de suc et de saveurdivine, des perles prcieuses, de l'or, de l'argent; et quejamais cette sainte Mre n'ait . porter ce qui rpugne

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    56 L A S A I N TE- V I ER G Eson cur immacul! Oh ! combien MARIE porte avec bonheur les chrLiens fervents, les enfants purs, les jeunesgens chastes, les bons prtres, les missionnaires, les vrais

    Religieux, les vierges consacres au Seigneur, les bonspcheurs convertis! Combien elle porte avec joie lesPasteurs des peuples, les voques et surtout le Vicaire ,de son Fils, le Pape, Chef de l'glise! Avec quelle religieuse horreur, au contraire, elle se voit oblige porterpour un temps les mauvais chrtiens, les prtres indi

    gnes, les schismatiques, les hrtiques, les blasphmateurs, les impudiques, les ennemis de JSUS, les perscuteurs de la sainte glise!

    Donc, soit qu'on la contemple dans sa beaut originelle,soit qu'on la considre dans son tat de douloureuse dchance, la terre nous apparat comme le grand symbole

    de la Vierge M a r t e . En un sens, elle est aussi le symbole