Oeuvres de Mgr de Segur (Tome 14)

8/3/2019 Oeuvres de Mgr de Segur (Tome 14)

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ŒUVRESDE

QUATRIÈME SÉRIE

T O M E Q U A T O R Z I È M E

P A R I S

Librairie Saint-JosephT O L R A , L I B R A I R E - É D I T E U R

ïi2 bis, rue de Rennes, 112 bis

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ŒUVRESDK

DE SÉGUR









DANS LE IRAI LE PRÉCÉDENT, NOUS AVONS COMMENCÉ À ÉTUDIER NOSGRANDEURS EN JÉSUS, NOUS OCCUPANT D'ABORD DE CES GRANDEURS PAR

RAPPORT À DIEU SON PÈRE ;DANS CELUI-CI, NOUS AVONS TÂCHÉ D'ÉTUDIER CES ÉTATS ET CES GRAN

DEURS, PAR RAPPORT AUX CRÉATURES, MAIS INDÉPENDAMMENT DU DOULOUREUX MYSTÈRE DE LA CHUTE ET DE LA RÉPARATION ;

DANS LE TRAITÉ SUIVANT, QUI TERMINERA L'ÉTUDE DE NOS GRANDEURSEN JÉSUS, NOUS MONTRERONS, S'IL PLAÎT À DIEU, COMMENT NOTRE DIVINCHEF NOUS MET EN PARTICIPATION DE SES GRANDEURS, COMME RÉ

DEMPTEUR ET COMME VICTIME.LA SURABONDANCE ET L'IMPORTANCE PRATIQUE DE CE BEAU SUJET NOUS

ONT OBLIGÉ À LE DIVISER, POUR LE MIEUX FAIRE COMPRENDRE, ET NOUS

ONT ENGAGÉ À LUI DONNER UN CERTAIN DÉVELOPPEMENT. NOUS ESPÉRONS

QUE LA PIÉTÉ DU LECTEUR N'EN SERA POINT FATIGUÉE : CES CHOSES SE

TROUVENT UN PEU PARTOUT, MAIS NULLE PART ON NE LES VOIT RÉUNIES»

DU MOINS QUE JE SACHE-LE TRAITÉ QU'ON VA LIRE, DÉPOSÉ, COMME LES PRÉCÉDENTS, AVEC UN

HUMBLE ET TENDRE AMOUR, AUX PIEDS DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE ET DERNOTRE TRÈS-SAINT-PÈRE LE PAPE, A ÉTÉ ÉGALEMENT SOUMIS À DE DOCTES

THÉOLOGIENS, DE SORTE QUE J'OSE ESPÉRER QU'IL NE PRÉSENTERA AU

LECTEUR AUCUNE INEXACTITUDE DE DOCTRINE.JE DÉDIE AU SACRÉ CŒUR DE JÉSUS MON MODESTE TRAVAIL ET JE LE

PRIE DE BÉNIR TOUS MES PIEUX LECTEURS.

25 MARS 18 68, FÔTE DE L'ANNONCIATION DE LA TRÈS-SAINTE-VIERGE.





Je me fais un devoir filial de déposer aux pieds du Très-SaintPère, h mesure qu'ils paraissent,, les traités qui composent cetouvrage, aussi bien que mes autres travaux. Plusieurs fois SaSainteté a daigné bénir mes efforts pour faire connaître et aimerNotre-Seigncur JÉSUS-CHRIST . Le Bref Apostolique suivant m'a étéadressé par le Souverain-Pontife, à l'occasion delà publication duprésent traité. Comme il contient de précieuses paroles de bénédiction et d'encouragement, je crois devoir, paT respect pour cesparoles sacrées, l'insérer en tête de ce traité. Puisse l'espérancedu Saint-Père se réaliser pleinement pour chacun de mes lecteurs !

BREF DE S. S. LE PAPE PIE IX

« Cher Fils, Salut et Bénédiction Apostolique.« Nous ne savons réellement pas, mon cher Fils, de

quoi nous devons vous féliciter davantage ; du zèle infa

tigable qui vous fait publier sans cesse de nouveauxécrits pou r enf lam mer , co m m e avec des ch ar bo ns deplu s en plus a rd e n t s , la pi été des fidèles; ou de la b é n é diction singulière que DIEU d ai gn e d o n n e r à vos effortsen faisant accueillir si avidement du peuple chi-étien vostravaux, dont les éditions multipliées s 'épuisent avec une

si grande rapidité ; ou enfin des haines mortelles que cestravaux ont soulevées contre vous de la part des impies.Au premier point de vue, vous vous montrez véritable-m eu t l 'aide de Celui qu i e st v en u ap p o rt e r le feu su r laterre et qu i ne v e u t au tr ec ho se si no n qu'il s 'al lu me ; a usecond, vou s vou s tressez plus sp le nd id em en t la c ou ro nn e

promise à coux qui enseignent à un grand nombre les







12 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

Dans le mystère de l 'Eucharistie, JÉSUS consacre unpa uv re pet it pa in , q ui devien t son Corps v ivan t sous le6espèces sacramentelles: dans le mystère ultérieur de lagrâce , JÉSUS consacre u n h o m m e misérable et le tr an s-si ibstantie en chrétien, changeant, non notre substanceen sa propre substance, mais notre vie eu sa vie, notreesprit en son esprit.

C'est un travail qu i du re dep uis le Bap têm e ju sq u 'a udernier soupir de notre existence, et se parachève au be

soin dans le feu sanctificateur du Purgatoire, au passagedu te mp s dan s l'é terni té. Ce qu i se fait en un ins tan t surnos autels, du re tou te la vie du ch ré t ien , e t la fo rmat iondu Christ en nous, comme parle saint Paul.fl), est un imme ns e trava il, où trop so uv en t l ' h om m e lutte follem entcontre JÉSUS , ne voulant pas se laisser faire, comme si le

miséric ord ieux et doux Sauveur ne lui a pp or ta it pas la.vraie vie, le vrai bouheur.

Nous avons vu pré céd em men tco mm ent No t re - Se i gn europérant en nous par son Esprit de sainteté et de grâce,nous communique autant que possible tout ce qu'il est et

tout ce qu' il a ; c o m m e n t n ou s de ve no ns , pa r lui, aveclu i et en lui , vé r i tab lemen t des fils de DIEU , desDieux , des Chris ts et de s sa in ts ; des ad or at eu rs en espr itet en vérité, comme DIKU les ai me ; enfin des pr ê t re s et desReligieux parfaits du DIEU très-haut. En lisant, ou plutôten mé di ta nt ces merve ill es de la bonté d iv ine à no tr e

ég ard, et en nou s voy an t e n ri ch is « des ineffables tré sor sdes rich esses du Chri st (2). » no us nou s so mm es ass uré ment humiliés bien profondément aux pieds de notreMaître bien-aimé, dont l 'amour consécrateur et sanctif ica-

(1) Donec formetur Christus ia vobis. (Ad Gai. iv, 19).

(2) Investigabiles divitias Christi. (Ad. Ephes. ni, 8.)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — II. 13teur est ent ravé à chaque instant par nos ignorances,nos lâchetés, nos faiblesses de tout genre, notre incroyablelégèreté, notre inconstance et, disons-le avec Jésus lui-môme, par notre incrédulité et notre pervers i té : a 0génération incrédule et perverse, peul-il s'écrier toujours,

jusque s à quand vous supporterai-je? jusques à quand serai-je avec vous! (l)>,

Frappé de cette vue douloureuse, le saint M. de Dernières, dont nous avons parlé plusieurs fois déjà, ne put

s'empêcher de dire un j ou r à son bon Maître : « 0 Jésus, je me reconnais t rès- indigne de vos divins estais. Hélas !faut-il que je meure sans y estre entré effectivement !J 'accepte l 'extrême humiliat ion que j 'esprouve d 'avoirpassé toute ma vie pa r lascheté dans de vaines et stérilesspéculations sur vos divins estats. Au moins , o mon Jésus,

je veux mourir dans l 'amour bL le respect que je leurdois. Agréez, s'il vous plaist, la conformité que je désirey avoir (2). »

Dans ce même espri t de désir, dans cette même humiliation amoureuse, nous allons continuer la sainte étude

des états auxquels daigne nous associer l 'Hôte sacré denos âmes. Après avoir contemplé nos gr a nde u r s en Jésuspar rapport à son Père et à notre Père, il nous reste à voircommentée divin Sauveur nous communique ses étatspar rapport à la Sainte-Vierge, à l 'Église, aux hommes ,à la créat ion tout ent ièr e, et enfin au démon. Gomme

toujours , nous chercherons là lumière dans l 'enseignement de la sainte Église, dans les oracles de l 'Écriture etdans la t radit ion des Pères et des Saints. « Que ceux qui

(1) 0 gener.itio inoredula, et perversa, quousque ero vobis-cum? usquequo patiar vos? (Ev. Matlh. xvn, 16 ; Marc ix, 18.)

(2) Le chrétien intérieur, tom.II. liv. V. ohap. vi.





NOS GRAND EURS EN JÉ SUS . — I I . 15

le ra meau est un i au cep, comme le ra yon est u n i ausoleil. Il e s t a nous et nous so mmes à lu i. Ah ! vivons desa vie céleste et in noce nte , et, selon la p e n s é e si profondé me nt ch ré ti en ne de sai nt Fr an ço is de Sales, ne toléron spas en no tr e cœ u r u n e seule fibre qui ne soit to u tedétrempée du sang de JÉSUS-CHRIST , imbibée de sa grâce,animée de son Esprit.

Gomment il faut lire et méditer ces pages.

Ces sortes d'écrits ne doivent point être lus comme lesau tres livres : po ur en ti re r du fru it, il faut y app ort ercertaines dispositions de l 'esprit et du cœur.

Le vé né ra bl e ab bé Olier, qui ava it re çu à un de gr é si

éminent l ' intell igence des mystères intér ieurs , s 'écr iaitun jo u r, tou t oub lie ux de lu i- mê me et to ut ravi d'a dm ira tion devant les divines splendeurs des vérités que JÉSUS

lui ma ni fes tai t : « Sei gn eu r, q ua nd je pense au x véritésque vou s me m on st rez , et do nt je n'av ois j am ai s e nt en duparler jusqu'icy, elles me ravissent et ravissent aussy

tous ceux qui m 'e n te n d e n t . Po ur ta nt , elles sont si si mples, si naï ves , qu'i l m e sem ble que tout le mon de doitles sça vo ir; et j e m 'e s to n ne qu e tou s ce ux à qui je lesexpose, ne les ayent pas connues auparavant.

« Elles sont si bien fondées, et appuyées si solidementque les g ra n d s th éo lo gi en s, qu i so nt a u p rè s de no us , en

sont eux -me sme s es ton nés , e t ne pe uv en t s 'emp esehe rd'adm irer , co m m e ils on t pu les ig no re r ju sq u'a lo rs ,malgré toute leur science. C'est que la théologie scholas-tiqu e seule n e sau roi t é clai rcir les my st èr es de J É S U S -

CHRIST, et en do nn er les véri tables o u ve rt u re s. Elle t i r e t

pa r la raison, ses co nc lu si on s de s pr in ci pe s de la foy ;



1 6 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

mais elle ne pre ste nd pa s de sc ou vr ir , pa r là, ce qui nesçau rait estre mani festé que p a r u n e cl art é div in e : ce smystères estant cachés par Tordre exprès de DIEU , si luy-mesme ne les révèle, on ne peut les connoistre (1) ».

M. Olier re comm an de a ux fidèles qu i en te ndent ou qu ilisent ces sorte s de vérit és, de b ien prendre ga rd e à lavaine curiosit é « qui faict lire ce qu 'i l y a de meil leur ,po ur une satisfaction légère et u n pla isi r passa ge r ; qu ifait serv ir ce qu 'il y a de plus sa in ct et de p lus p u r

dans les lu mi ère s de D I E U , à remplir vainement nostreentendement, pour nous y complayre, et pour nous reposer dans ceste inutilité de nostre amour-propre. » Puisil ajoute : « Ap rès avoi r do nc re noncé à l'appét it desçavoir pour se contenter dans la science, la premièredisposition qu'il faut apporter à ceste lecture, c'est le

désir d'aller y chercher la lumière de DIEU , afin de s'ennou rrir , et d'y trou ver un mo ye n de s 'a pp ro ch er de luy,pour sa gloire.

« La deuxième disposition doit estre de respect et derévérence envers la vérité. JÉSUS-CHRIST est la Vérité, lasource de toutes les vér ités : il n ' y a po in t de vé rit é qu 'e n

luy et par luy; et ainsy, jamais elle ne doit se monstrer ànous, qu 'en m ê m e temps nou s ne soyons re mp li de r év érence envers JÉSUS-CHRIST, qui en est la source. Cestedisposition nous guérira d'un défaut, auquel nous nesomm es q ue trop subjects : c'est de ne j a m a i s ri en li requ'avec espri t de con tra dic tio n, c h e rc h a n t to ujou rs à

cçm bàt tre ce qu e nous lisons. Cela arr ive pa rt ic ul iè re ment lorsque nous rencontrons dans la lecture unelumière qui, jusqu e-là, no us avoit esté i n c o n n u e ; no usavons honte de confesser nostre ignorance; et pour fairecroire que no us sçavons tout, no us co nd am no n s c o m m e

(1) MANUSCRITS DE M. OLIER.



NOS GRANDEURS EN JESUS. — II. 17

XIV 2

faux, ce qu e no us n e voulo ns pa s av ou er que nous eussions ign oré ju sq u' al or s. D'autres fois, Ja con sidé ratio nde l 'auteur, que nous n'aymons pas, ou que nous ne voulons pas reconno ist re plus seavant que n ou s, nou s port eà ne pas nous soumettre à luy.

« Une troisième disposition, c'est de lire avec esprit dèpénitence. Cet esprit nous porte à la patience, lorsque,dan s la lec tur e, n ou s tro uv on s qu elq ue chose que no u sn'entendons pas. Par cette disposition de pénitence, au

lieu de to mb er da ns le ma lh eu r de ceux qu i c o n d a m n e n ttout ce qu' ils n'entendent pas, nous avouons que noussommes indignes de la lumière; et nous confessons quel'obscurité qui nous arreste vient, non du défaut de lavérité, mais de celuy de noslre propre esprit.

« Enfin, une quatrième disposition est de nous aban

donner ent ièrement i\ DIEU, AFIN de tirer par sa vertudivine, pour nous-mesme et pour autruy, le fruit deslumières qu' i l nous a communiquées ; estant fidèlesensu ite à nous en se rv ir , pour le bien do nos frères, dansles ouvertures qu'il nous EN donne™. Gomme il ne fautrien apprendre qui» pour Dncu et en Diuu. aussy ne faut-

il j a m a i s rien dire que p our luy et en l u y ; au lt re me nt ,nous nous évaporons, comme ces bouteilles pleines d'essence, qui estant ouvertes mal à propos, ou n'estant, passoigneusement bouchées, perdent la liqueur qu'elles corite-noient (1 ) . »

Tels sont les saints conseils que M. Olier donnait atfx

fidèles à qui sont proposées, soit de vive voix, soit parécrit, les vérités de la vie spirituelle. J'ose prier les lecteursde ces pet its tra it és .d 'e n faire le ur profit. S'ils reçoiventainsi , saintement e t naïvement , JISSUS-GHUIST , lumière etvie de le ur àme , ce bon Mai tre se do n nera tout à eu x, et

IL)Jbid.

XIH, XIV, XV.




leur fera comprendre avec le cœur ce qu' ils n'auraient jamais compris avec les seules forces de leur esprit.

« Vous tous do nc , pieux fidèles, qu i, su iv ant le consei l

de l'Apôtre, avez dépouillé le vieil homme avec ses œuvreset ses convoitises, comme on rejette un vêtement sordide ;vous qui, menant une vie innocente, avez revêtu leslumin eux vêt eme nts du Sei gn eur, ou, po ur mi eu x dire ,qui vous êtes revêtus de Notre-Seigneur .IKSUS-GHRÏST lui-même, avec la charité qui est son vêtement; vous qui,

transformés en lui, demeurez inaccessibles aux passionsde ce monde afin de devenir plus divins, écoulez le mystère (1) » de lagrâce et de l'amour!• C'est le mystère de la vie de Jésus dans nos âmes ; c'est

la moelle de l 'évangi le et de la doc tr in e ca th ol iq ue; c'estla perle précieuse et Tunique nécessaire; c'est la sourcede vie au milieu du paradis terrestre. Laissons parler notreJKSCS; écoutons-le avec foi, humilité et amour. Comme nç on s nos méd itati ons sous le regard mi sér ico rdi euxde la Vierge MARIE, Mère de la g r â c e ; « faisons jai ll irl 'eau de la pie rre, comme dit sa in t Pi er re D am ien ; c'estelle-même, c'est le Christ qui parlera en nous, pendantqu e nous allon s no us en tr et en ir de lui (2). »

(1) Quicunque congruenter consilio Pauli, veLerem hominem,tanquam sordidum aliquod vestimentum, exuislisoum ejusactibuset desideriis, et lucidas Domini vestes induistis per vitaî puri-tatem, imo vero qui ipsum Dominum nosLrum JKSUM CRISTUM

cum charitate, quee est ejus indumentum, induistis, et estis eiconlormati ad impatibilitàtem et ad hoc ut si lis diviniores, vosaudite mysterium. (S. Greg. Nyssen. in Cantica Cantic. hom. î.)(2) Aquam «liciamus de petra, ipsa loquente in nobis, de qua

loqui vobis proponimus. (Serin, XLIV, in Nativit. B. V. M.)



J

EN JÉSUS, NOUS DEVENONS LES FILS DE MARIE

Que JÉSUS se donne à nous et vît en nous comme Fils de MARI

JÉSUS, vie de nos âmes, est a la lois et indivisibleme.nl Fils de DIEU et Fils de M.VRIJE. Il est Fils de DIEU, consubs-tantiel ii son Père par sa nature divine; il est homme, ilest fils de MARIE pa r sa na tu re hu m a i n e ; ma is ces deuxnatures, essentiellement distinctes, sont absolument etindivisiblemeut unie s da ns le mys tèr e de l ' In ca rn at io n;tellement unies qu'elles ne forment qu'une seule et mêmepersonne, la personne divine, étemelle, incréée, adorablede JÉSUS-CHRIST, vrai DIEU. Or, c'est cette personne divine,c'est ce DIEU d'amour qui habite en nous et qui réside ennos âmes, avec son Père céleste, selon la promesse del'Évangile (1); c'est lui qui, de la part du Père, nousremplit de l'Espr it-Sai nt, qui no us u n î t à lui, et, pa r lu i,au Père.

Mais le Saint-Esprit, l 'Esprit de JÉSUS, dont nous sommesles tem ple s, no us ap po rt e toutes les n u a n c es sacrées,

toutes les dispositions saintes de lame de JÉSUS-CHRIST.11 se verse en nous tou t im p ré g n é des p ar fu ms mul tipl eset ineffables de son di vin Cœur, afin que ch a c u n de nousdevienne spir i tuellement une même chose avec JÉSUS.

(i) Si quis diligit me, sermonem meum servabit, et Pater meusdiliget eum, et ad eum veaiemus et mansionem apud eum facie-mus. (Ev. Joan. xiv.

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2 0 LA PIÉTK ET LA VIE INTÉRIEURE

Or, JÉSUS n'est pas moins Je Fils DE MARIN qu'il n'est leFils de DIEU . Il se donne donc à nous, il vient vivre EN

nous comme Fils de MARIE, NON moins que comme Filsdu Père céleste; ei de môme que notre union avec lui faitde nous de vrais fils de DIEU , de M Ê M E L'union de grâcequ'il daigne former avec nous l'ail; DE chacun de nous unfils de MARIE.

Nous allons br iève ment méd ite r ce doux mystère, etvoir comment la très-sainte Mère de JÉSUS , notre frère

premier-né (1), est véritablement la Mère des chrétiens;comment elle remplit vis-à-vis de nous très réellementtous les offices d'une bonne mère; ce qu'elle nous est etce que nous lui sommes, et combien nous la devonschérir.

Seigneur JÉSUS, donnez-moi le sens de voire More;

faites-la moi connaître: (ailos-la moi aimer I ET à votretour, sainte Vierge, ma Mère, obtenez-moi le sens de votreFils» LE sens du Christ, mo n un ique nécessai re , ma vieintérieure elélernelle, mon amour et ma béatitude! J ÉSU S,

MARIE, voilà les deux noms du salut. « 0 Roi bien-aimé,Ô bien-aimée Reine ! s'écrie saint Bernard ; JÉSUS est mon

Seigneur et ma miséricorde; MARIE est ma Souveraine etla Mère de miséricorde. Que la Mère nous conduise auFils, et le Fils au Père! que l'Épouse nous conduise àl'Époux, qui est le DIEU béni aux siècles des siècles (2)! »

• (I) PRIMOGENILUS IRRINULLIS FÏALRIBUS. (AD. ROM. VIN.)(2) DULCISDOMINUS, DULCISDOMINA, QUIIA Hle ÏTOMINUS MEUS,-MISE-RICORDIA MEA: HEOC DOMINA mea, INISORICORD AE PORTA. DUCAL NOSMalet* AD Pilium, FILIUS AD PATREM, ' SPONSA "ald*'SPONSUM, QUI est.DBUS BENEDICTUSIN SŒCULAL (In APPEND. AD OPÉRAI. BERNARDI ; ser-MONES.VARII — IN NATIV. DOMINI N.)







NOS GRANDEURS EN JESUS. — JI. ¿0

(1) Christus vita veslra. (Àd Coloss. ai.)

Ainsi, DIEU a voulu associer (a Sainte-Vierge à lagénération spirituelle de tous ses enfants ; comme il Tachoisie entre toutes les créatures pour être associée à lagénération temporelle de son Fils unique, JKSUS-CHRIST.

notre doux Seigneur et Sauveur. La Vierge MARIE , nousengendrant à la vie de la grâce, nous donnant la vie denot re Père céleste, est do nc no tr e Mère auss i vé rit ablement qu'elle est la Mère de Jûsus. En nous, elle est laMère du no uv el h o m m e , c'est-à-d ire du ch ré ti en , del'homme spi ritu el et rég én éré, vi va nt de la vie di vi ne ,in ti me me nt u n i au Christ, son Ré de mp te ur , et ne faisantplus qu'un avec lui, dans l 'Esprit-Saint. Cette vie estimevie tr ès rée lle , et u n e vie in fini me nt su pé ri eu re à la viede la na tu re ; la Sainte -Vierge, q ui no us la donne enunion avec notre Père céleste, est donc notre vraie

Mère ; sa ma te rn it é, toute su rn at ur el le , n 'est pas seulement aussi réelle que la maternité de notre mère selonla nature ; elle lui est infiniment supérieure et de beaucoup plus parfaite.

Que la Sainte-Vierge est la vraie Mère du chrétienpar cela seul qu'elle est la vraie Mère du Christ.

Nous avons vu précédemment comment JÉSUS-CHRIST,

notre Seigneur, est lui-même la vie de notre àme ;

comment i l lui est intér ieurement et intimement uni ;co mment il la vivifie par son Es pr it de vérité , de pure té ,de sainteté, de force, de suavité et de perfection ; en unmot, co mb ie n pr of on dé me nt véri tab le est la parole del'Écriture : « Le Christ est votre vie (1). » Or, MARIE é tan t





NOS GRANDEURS EN JÉSUS II. 25

ajoute saint Bernard, la Mère de tous ceux qui renaissentà la vie ; car elle est la Mère de la Vie de laquelle viventles enfants de DIEU : en l'enfantant, elle a regénéré enquelque sorte tous ceux qui allaient vivre de cette vie.MARIE n'a enfanté que JÉSUS seul, et cependant elle nousa tous enfantés en JÉSUS . Nous étions déjà tous renfermés en JÉSUS , pri nci pe et source» de la ré gé né ra ti on deses membres. De même que nous étions tous, dès l'origine,compris en Ada m, no tr e p rem ie r père ; de m êm e , dès lesein de MARIE , nous avons été compris dans le Christ,notre Vie et notr e un ique Rédempteur ( I j . » — <i Pa r celaseul, di t enfin sa in t Bon ov en lu re , pa r cela seul qu e laVierge MARIE est dev en ue la Mère de DIEU , elle estdevenue la Mère de toutes les créatures (2). »

La Vierge im ma cu lé e est ainsi not re Mère, d'abord,

parce qu'elle est l'Épouse de DIEU , notre Père céleste ;puis, parce qu'elle est la Mère de JÉSUS , divin chef del'Église. Nous, les en fant s de l'Église, su rt ou t veux quivivent de la vie de DIEU en JÉSUS-CHRIST (3), sont donc parlà-même fils de MARIE , aussi véri tablement qu' i ls sontfils de DIEU ; et c'est le Sa in t-Espr it qu i, d ans le sein de

MARIE, opère toutes ces grandes choses, forme ces unionssacrées : l ' un io n h yp os ta tiqu e d'ab ord, qui pr od ui t JÉSUS

(1) Maler siquidem est Vitaî qua vivunL universi ; quam dum exse genuit, nimirum omnes qui ex ea victuri erant, quodamrnodoregeneravi t. Unus generabatur, sed nos omnes generabamur; quiavidelîoel secundum raLìonem seminis quo regeneratio fit, ,jam

Lune in ilio omnes erainus. Sicut enim in Adam fui m us ab iriiLiopropter semen carnali s generationis ; sic in ChrisLo ante initium,propler semen spiritualis regenerationis. (Guerrici Abbatis inAssumpt. B. M. serin, i.)

(2) Ex hoc quod Virgo MARTA eftecta est DEI Mater, est effectaMater omnium creaturarum. (Sup. lib. HT sent. dist. 6, part, i,art. 1, q. 3, argum. 2.)

(3) Viventes DEO in Christo JESU Domino nostro. (Ad Rom. vi.)




COMMENT J É S U S , CHEF DE L'ÉGLISE, NE NOUS ENGENDREÀ LA VIE CHRÉTIENNE QUE PAR SA MÈRE.

Notre-Seigneur a posé solennellement dans l 'Évangileune règle qui trouve ici sa pleine application : Ce que fait le Père, dit-il, le Fils le fait également {!). » Le Père

céleste associant la très-sainte Vierge au mystère denotre régénération spir i tuelle, à son tour JÉSUS l'yassocie ; et de m ê m e que DIEU le Père fait de son Épouseimmaculée la Mère de son Fils unique et de tous sesenfants d'adoption ; de m ê m e , DIEU le Fils, chef del'Église, fait de la Vierge MARIE sa compagne insé

parable dans la grande œuvre de la régénérat ion duinonde, et la consti tue non-seulement Reine, mais encoreMère de l'Église et de tous les fidèles.

Du haut de sa croix, il a laisser tomber sur le m o n d ela grande parole qui proc lame la matern i té de grâce deMARIE, a Voici ta mère, » dit-il à saint Jean et à c h a c u nde nous, en la personne de saint Jean. « Voici votre fils, »dit-il à MARIE en lui montrant saint Jean, en lui m o n t ran t le chrét ien. Or, qu 'on ne l 'oublie pas, pour le Verbe

(1) QUŒCUNQUE PATER FECERIT, HASE ET FILIUS SIMILITER FACIT. (EV.JOAN. V.)

et le mystère de l ' Incarnat ion ; puis l 'union de la grâce,qui produit le chré t ien et Je mystè re de l 'Église.

Quelles douces vérités ! et combien à. cette lumière la

Bienheureuse Mère deJÉSUS

nous apparaît splendide,royale, digne des rel igieux hommages de toutes lescréatures, non1 moins que de leur dévouement filial et deleur amour !







NOS GRANDEURS EN JE SUS. — II. 29

il) Manuscrits.

ment à la fo rmati on do l 'Eglise, co m me l'épouse p a r t i cipe dire cte me nt H la fo rm at io n de l'enfant, que l'épouxengendre par elle et avec elle.

JÉSUS, MARIR et l 'Eglise étaient représentés par le Saintdes Saints, par le Saint et par le resto du temple de Jérusalem. Jésus, avec l'immensité do sa ;;;râce, qui est la Viedo l'Église, c'est le Saint dos Saints; MARIU immédia te ment unie à son div in Fils, c'est le Sa in t, o rn é du c h a n delier d'or aux sept branches, de la table sacrée sur

laquelle brûlait l 'encens et étaient déposés les douze painsde pr op os it io n: le ch an de li er sym bolis ait les sept donsde l'Espril -Sa inl qui son t nomme l'Ame de l'Église et qu eJésus dépose d'abord en la très-sainte Vierge: la tabled'or figurait la plénitude de la. grâce des Apôtres, commun iquée à la Vierge sain te pa r l' am ou r de son roy al

Époux « La vie que JÉSUS-CHRIST mot ainsy dans saMère, ajoute M. Olier, est un e vie de com m un ica t io n etdevient le ré se rvoi r u niverse l, d'où elle se ré pan d su rtous les m e m b re s de l'Église et où ils doi ve nt a ll er lapuyser (1)'. »

On le voit : JÉSUS no nous engendra à la vie spirituelle

et éternelle qu e p ar sa Mèrn.

Gomment le nouvel Adam a fait de la nouveUe Evela Mère des véritables vivants..

JÉSUS et MARIE , dans le mystère admirable de la formation de l'Église, réalisent l 'antique symbole d'Adam etd'Eve, au pa radi s t e r r e s t r e : A dam éta it é tab li de Diwuchef unique de l'humanité ; Eve, tirée de lui et formée de



3 0 LA PIETÉ ET LA YIE INTERIEURE

na subs tance , étai t à la fois c l «sali lie et sa sœur et sonépouse. JÉSUS est constitué par DIEU son Père co mme leprincipe et la source de tout l 'ordre de la grâce, comme lechef unique de l'tëglise, c'est-à-dire de la créature sanctifie et déifiée ; MARIE tire toute, sa grâce de JÉSUS , dont elleest ainsi la première fille selon l'esprit ; elle est par avancesauvée et rachetée pa r lu i ; c'est par JÉSUS et par JÉSUS

seul, quelle est immaculée, sainte, pleine de grâce,Vierge et Mère, Mère de DIEU, absolument parfaite, Heine

des hommes et des Anges. Souveraine de toute créature.Elle est également la sœur do JÉSUS et sa compagne fidèle dans le mystère de l'Incarnation. Elle est enfin spirituel lement son Épouse et la Mère de tous ses enfa nts , detous les ch ré tiens, de Ions les élus . La Vierge im mac ulé eest l'Épouse du Roi de grâce et de gloire, qui l'a remplie,

qui l a fécondée de son Espri t, d'abord au j o u r de l'An no ncia tion, pu is au pied de la croix, pu is dans le Cénacle .L'Esprit du Se igneur , qu i seul fait les ch ré t iens et formel'Église, repose tout d'abord dans la Vierge-M ère et engendre en elle et par elle le Christ et les chrétiens, le chef et les membre s . La Sain te-Vierge est ainsi la vra ie Mère

de la grâce et de la gloire. Quelle vocation ! Quelle maternité ! Quel ministère !

Eve reçut d'Adam un nom mystérieux qu'elle ne réalisaque selon la c h a i r : Mater woenlhnn, la mère des vivants,La Sainte-Vierge seule l'a réalisé dans toute son étendue,en devenant la vraie Mère de Celui qui est la vraie Vie, et

par conséquent la Mère de tous ceux qui vivent de cettevie. Eve, époused'Adam pécheur, es! la mère des pécheurs;MARIE , Épouse du Saint des Saints, est la Mère des saints,c'est-à-dire des baptisés. Eve est la mère des morts; MA RIE , la Mère des vivants.

JÉSUS, est le Fils de MARIE selon la nature, et son Époux,





LA IMKTK KT LA YIK INTKHIKÏMtK

" VOICI LA MORE ; ercr mater fuit. » OUI, SAINT JEAN, LE DIS

CIPLE LIDRLC, REPRÉSENTAIT LÀ LOTIS LE* CHRÉTIENS, ET C'EST À

CHACUN DO NOUS QUVN SA PERSONNE VOUS AVCZDMIIIÔ POUR

MRRR I RRS AI MA NIE VOTRE MÈRE I RRS AI IURE. DONNEZ-MOI

POUR RLLR UN c a ü i i ' DE FILS, COMME VOUS LUI AVEZ DONNÉ

POUR MOI UN roMir DR MRRR.

Que notre Mère, qui est dans les cieux, nourrit

maternellement ses enfants-Un PIEUX autour DIT quo LR CHRIST EL LA SAINTE-VIERGE,

PÈRE et Mère DU SIÈCLE AVENIR, R 'esl-A-diro du MONDE deLA GRÂCE, ÉTAIENT À CE LITRE TONUS DE NOURRIR LES ENFANTS de

leur ADOPTION. L'un et L'AUTRE ils REMPLIrenl MERVEILLOUSE-

MEULOO DEVOIR CL. leur DONNÈRENT LA M Ê M E NOURRITURE. CarTA CHAIR el LE Sang du SEIGNEUR qui NOURRISSENT les FIDÈLES

dans L'EUCHARISTIE sont PRÉCISÉMENT LA CHAIR et LE sang etLO LAIT de LA VIERGE. C 'est JÉSUS qui NOUS donne L'EUCHA

RISTIE; MAIS MARIE NOUS LA DONNE AVEC LUI, POUR ALIMENTER

et ENTRETENIR NOTRE vie (1).

NOU S DISIONS TOUT À L'HEURE COMMENT NOTRE-SEIGNEUR

NOUS ENGENDRE SPIRITUELLEMENT PAR LA SAINTE-VIERGE DANS

le BAPTÊME. C O M M E UN BON PÈRE et COMME UNE BONNE

MÈRE, JÉSUS ET MARIE CONTINUENT LEUR œuvre en NOURRIS-

.(I) Christus Pater futuri Sieculi , uc MAHIA Mater ulique, quia

taies, oommuni tenebantur onore, ut fîlios ex adoplione gisrnendosnutrirent atque cibarent. Gui plane muneri ao insolulum debitoindîvisis alimenlis uLerque satislVicero oonatus fuit. ELenimoxviverborum caro et sanguis dorninicus in EucliariM-ia et caro etsanguis eL lac Virginis sunt ad nutrimentum nuslri ac conserva-Lionem donata. (Domus sapionliöß, auotorc F. Luca a Monletorti,p. :-3ir>). InLelligamus lotum, quod m sacramenlo Eucharistiaj aoci-pimus, simul a MARIA nos acoepisse. (Theologia Mariana, a Virgi-lio Sedlmayr, num. 1322, p. 56).



ï \os <;I!AM>M*RS .n';sis. — n.

s.uil les enfant s de leur a m o u r ; et c'est pr in ci pa le men tparle sacrement de I 'l\lueharislio qu'ils «MILrclii-nTHMI 1 la.vie qu'ils n o u s nul, don née . La très -sa in te Vierge est, l'arbre de vio plan» dan* le paradis ierrestro île l'Eglise ; MA-KIK, la nouvelle Eve, n o u s donne à chacun <r fruit dev é r i l a h l e immnrlal i té , JÉSUS, le frui l béni d e s e s e n t r a i l l e s .

Les Pères r em arqu en i , eu ettèt, que la « ch ai r du (îh ris l,eVsl la clinii' de MAIUK (I), » que « la chair du Fils etde la Mère es t une seule et même chair »

« L'arbre de vie, ([ni s'élevait au milieu du paradis terrestre, dit excellemment saint Bonavonlure, avait lavertude conserv er la vie nat ure ll e: le fruit des en tr ai ll es deMARIK, l'arbre de vio et son fruit bén i, co nse rv e, nu mi lieudu paradis de l'Eglise, la vie surn ature l le de la grâ ce :et au milieu du paradis de la patrie céleste, il conserve

la vie de la gloi re . Et ainsi nous re trouvon s dans le fruitbéni de MARIU ce que no us av on s pe rdu dans le fruit dé-fendu, dans le fruit d'Adam et Eve (3). »

Gela ne veut pas dire qu'en communiant nous recevionson nous la chair de la Sainte-Vierge ; cela veut dire seulement que la ch a ir ad orab le de No tre-S eign eur, qu i s'u

nit sacramontellement à la nôtre, a été formée tout entière et ex cl us iv em en t de la su bs ta nc e im macu lé e de laSainte-Vierge: JÉSUS est la fleur de la Vierge MARIE; ilest le fruit, ét er nel le men t v iv an t et suave, de ce bel arbredévie. Le fruit ne pro vient- il pas tout en ti er de l 'a rb re ?et n'est-il pas la su bs ta nc e de sa su bst an ce , l'efflorescence

de sa sève? Ainsi la su bst an ce de JÉSUS provient tout

(1) Caro JESU, caro e s t MARINE. (A pp end . S. A u g ù s t . Se r m . d e As-sumpt. B.M. V.)

(2) Caro Matris et Filii una ca ro . (Richar. a S. Laur. de Laud. B.M'. V. lib. III, i.)

(3) Spéculum B. M. V. xiv.

xiv 3





л ч ) ь < ;HANDKUKS KN JÉM'S . — п . Un

M\U!K. Tout |r i résor ((lie nous recevons dans I;i coninm-

nion. cVs| (loin* à l;i Sainle-Vierge que non.-» le devons-

c'est de la Sain te -V ie rge que nous le recevons ^1; par ls s

mains de rKglise.

M un к nourr issa it j ad is Г К п fanf-J Ksrs de sou lail vir

ginal: Hle rniil iinii ' à Ira vers Ions les siècles le mêmeol'tiee do m a le r n i l é à l'égard de tous ses en fant s d 'adop-tinn ( ~.. 101 le leur (М ш и 1 . lûsrs lui-même, qui estla subs tance de sa subs tanc e et le lai l de son a m o u r .

JÉSUS est la. Vérité: М л ш к nous le d on ne c o mm e l'aliment lumineux rie noire esprit . Tl est l' amour i n c a r n é :

М л ш и nous le donne comme la suave réfection de notrecœur- Il est la force et la Vertu du Très-Haut: М л ш к

nous le donne co mme le sout ien et le remède de notreinfirmité. 11 est la Vie et lu Sanct if icat ion et le Salut et

l 'Éternité: М л ш к , sa Mère cl notre М е т е , nous le donnecomme le Pain sacré de la vie éternelle.

Sur quoi le P. d 'A rg enta n, Taisant al lusion à un beaupassage de sa in t Au gu st in , que no us av on s cité au tr eport, s'écrie avec- la na ïve piété dont il revê t toujo urs sascience : «0 pauvres mortels! о enfants de la Mère-Vierge !

voyez si vous pouvez assez reco nno is lr e l 'obl igat ion que

(l)Nec solum tunc operata es! il La caro salutem mundi, sed etquotidie operatur, quia carne ejus et sanguine pascimur et pota-mur in Filii sacramento... Et ideo cum Filio potest ipsa dicereillud Joan. : Caro mca vore est cibus et sanguis meus vere est po-tus... Est e thm (Maria) civitas Bethlehem, quod interpretaturdomus panis, ubi ipsa peperit Panom vivum, qui de cœlo descen

dit, quo relicimur in altari, et qui nostra refectio in œlernitute ;Panem suum, qui totus fuitsuus, de quo-ipsa dicit : Venite, come-diLePanem ш 'е ш я , et hibite Vinum quod miscui vobis, quoniamnon possumus habere nisi ab ea et per earn. (Richard a S. Laur,ubi supra.) Totum id, quod ex vi verborum in Eucharistia nobisedendum vej hibendum proponitur, MARIAS debelur, etab ipsa ac-oipilur. (Theologia Mariana, ubi supra).

(2) Beatœ Virginie ubera lac suum propinare non cessant tota

ipsa pressenti vita. (Rich, a S. Laur. de Laud. В . M. V. lib.IV, cap. х х ш .)



36 LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

Que la Sainte-Vierge revêt magnifiquement tous les chrétiens,ses enfants.

Le rôle d'une bonne mère ne consiste pas seulemenL àenfanter et à nourr i r ses enfants ; il consiste, en outre , à

leur donner tout ce qui contr ibue à préserver , à développer, à fortifier leur vie. Une bonne.mère donne à son iilsles meilleurs vêtements qu'elle peut trouver; elle J 'élèveet le forme avec des soins incessants. C'est ce que faitpour nous la très sainte Vierge, notre Mère du ciel.

(i) Grandeurs de la Très-Sainte Vierge, conf. XVIII, art. m.

vous lui avez ; ja mais vous n'eussiez gons té le m a n g e rélernel des Anges, la Parole du Père, le Pain du Paradis;car vous n'e-tiez pas des Anges. 11 falloit nécessairementque la Mòre incarnasi Je Pain et qu'elle vous en ( is tcomnicun laict proportionné à votre foiblesse. Si vous estes assez heure ux pour vivre de la vie de DIEU , de la propresubstance de DIEU , vous ne le recevez pas des mains duPère, c'est des mamelles de la Mère. Est-ce à. dire quevous estes plus obligé à la Saincte-Vierge qu'à DIEU mes-

me? Devez-vous plus à la Mère de vous apprester cestedivine nourriture, qu'au Père de vous la d o n n e r ? Non;car elle ne. vous donne que ce qu'elle a reçu pour vous led o n n e r : c'est le Père qui vous le donne , et c'est la Mèrequi vous le présente. C'est donc le Père éternel qui est lepremier pr incipe de vos t re bonheur ; mais la Saincte-

Vierge est le second, l ' immédiat et le plus sensible. 0MARIE, Ô notre aimable Mère ! c o m m e n t se peut-il trouverun seul chrestien dans toute l'Eglise, qui n'ait pas uncœur plein de tendresse pour vous (1)? »







NOS GRANDEURS EN JES US . — II . 39

tout ce qui pouva i t lui nu i re . C'est elle qui d ir ig ea it sespremie rs pas , qui le cond uisa it et le so ut enai t d a n s samarche encore mal assurée; c'est elle que DIEU le Père,représenté pa r saint Joseph , ch ar ge ai t de tou s LES soinsmatériels, destinés à procurer chaque jour l 'éducationEXTÉRIEURE ET, DANS UNE MESURE, LE BIEN-ÊTRE de L'ADORABLE

ENFANT,

JÉSUS s'était soumis, pour l 'amour de nous, à NOS infirmités et à nos beso ins, à toute la con diti on h u m a i n e ,

hormis le péché ; et c'étaitMARIE

qui, sous la dépendancede DIEU et de sain t Joseph, était im mé di at em en t ch ar gé ede préserver et de soigner son Fils. Ces soins maternels necessèrent qu'à la résurrection, lorsque, dépouillé desinfirmités delà chair, JÉSUS glorifié devint, selon la belleexpression d'un Père, totus DEUS, DIEU tout entier, c'est-

À-DIRE TOUT ENTIER DANS LA FORME DE DIEU, N'AYANT PLUSrien de la forme d'enclave, QU 'il n'avait revêtue que pournous racheter .

Il en est de même de la Sainte-Vierge, par rapport àchacun de no us in té r i eu re me nt et spir i tuel leme nt. SonFils et son DIEU nous a tous confiés à sa garde maternel le :

« Femme y voici votre Fils! Voici celui que vous soignerez,que vous guiderez, comme vous m'avez gardé et préservé m o i -m êm e . Voici vo ire second fils, vot re Jés usd'adoption, votre enfant DE grâce ! Ayez soin de lui. »

LA VIERGE FIDÈLE ACCOMPLIT SA SECONDE MI SSION, COMME

elle a accomp li la p r e m i è r e : elle ne nous perd pas DE vue

un seul instant; elle implore incessammen?t pour nous lagrâce et la miséricorde de SON Époux céleste, de son divinFILS; elle n o us relève dan s nos c h u t e s ; elle no us conso ledans nos tr is te sses ; elle no us pré se rve de mill e t en ta tions. Elle nous conduit comme par la main dans la voieétroite qu i m è n e à la vie ; elle nous ad ou ci t le sen t ie r





NOS GRANDEURS EN JE SU S. — II . M

si part icul ière de ceste Mère de misé ri co rd e, qu 'ils on ttousjours ma rc hé ex ce ll em me nt da ns les voyes de lagrâce, de la pureté et du salut. (1) »

Faisons comme ces fidèles enfants de MARIK, et bénissons chaque jour JÉSUS cle nous avoir donné pour Mèreune si tendre Mère.

Qu e la V i e r g e M A R I E n o u s a i me d e l 'amo u r d on t

e l l e a i m e J É S U S .

Origône remarque que J é s u s crucifié, en donnant saintJean pour fils à la Sainte-Vierge, n'a pas dit à M a r i e :

« Celui-ci est auss i votr e fils, » mais bien : Voici votrefils. » C'est comme s'il eût dit en montrant son fidèle disciple: « Voici J é s u s , que vous avez enfanté. » En effet, levéritable chrétien ne vit plus lui-même; mais J é s u s -

C h r i s t vi t en lui ; et c'est parce que J é s u s - C i i r i s t vit enlui qu'il est dit de lui à M a r i e : Voici votre Fils, votre filsJÊSUS-GlIRIST (2). »

De la sorte « la Vi erge -Mère, qu i a eu l'ineffable h o n neur d' en ge nd re r le Fils un iq ue du P ère , co nt em pl e et

embrasse ce même Fils unique dans tous ses membres ;elle aime à s'entendre appeler la Mère de tous ceux en quielle voit son J é s u s , soit formé déjà, soit en train de seformer (3).

(1) Grandeurs do, la Tràs-Sainie Vierge) (conter. XX, arl. iv.(2) DioiL J é s u s m a tri ; Ecce fHius tuus, et no n, e c c e et i am hi c

est f i l ius tu us ; pe ri nd e es t ac si di xi ss e t : Ec ce hic es t J é s u squein genuist î . Etenirn quisquis peri 'cctus es l , non ampliusvivit ip se , sed in ip so vi vi t C hri st us . Cu mq uo in i ps o v i v a tChristus, di ci tu r de e o Mar i.*: : Ec ce fil ius tu u s Chr is tu s. ( In Jo an .lom. I.)

(3) Ipsa ta me n un i ca Vi rg o mater , qua^ se Pa tr is Uni cum g en ui s s eg l o r i a t u r , e u m d e m U n i c u m s u u m i n o m n i b u s m e m b r i s e j u s a m p l e c -Litur, o m n i u m q u e in qu ib us Chri stum s u u m fo rm at um ag no sc it ,

ve l fbrmari cognoscit , matrem sevocari non confunditur . (Guerric iAbbatis serm. 1. in Assumpt. B. M. V.)




C'est là le mystère de l 'amour incompréhensible que laSainte-Vierge nous porte, malgré nps faiblesses et nosmisè res de cha qu e jo u r . A l ' imi tation de DIEU le Père,son Époux éternel, la Mère de DIEU aime en nous, non cequi est de nous-mêmes, mais ce qui est de JÉSUS ; ou pourmieux dire, c'est JÉSUS, et JÉSUS seul qu'elle aime en nous.Aussi repousse-t-e lle, avec la mê m e ho r reu r que le fait lebon DIEU, les réprouvés, en qui, dit saint Paul, n'est pointle Ghrist-JÉsus (1). Plus elle voit un chrétien conforme à

l'image de son Fils, plus elle l'aime; et si Ton dit avecraison qu'elle aime tant les pauvres pécheurs, c'est parcequ'elle voit en co re au fond de le ur âme la ra ci ne duChrist, la base de cette un ion de g râ ce que son bien -a iméJÉSUS af or mé e a vec eux au jo ur d e le u r ba p tê m e; elle voiten eux JÉSUS crucifié, et elle les aime parce que JÉSUS

habite encore en eux par la foi, bien qu'il n'y vive pluspar la char ité : les pécheurs , en effet, « crucifient de nouveau JÉSUS en eux-mêmes (2) ; » et, à leur égard, le cœurmaternel de MARIE est da ns l 'a tte nte de la rés urr ect ionde son JÉSUS en eux.

C'est aussi parce que son cœur et le cœur de JÉSUS sont

comme fondus en un s eul cœ ur , lequel- brûle d 'a mou rpo ur le salut de to us , que la Sa in te- Vi erg e comp ati t s ansme su re aux infirmités de la faiblesse hu m a in e , et dé bo rd ed'indulgence, de bonté, de douceur, de miséricorde enverstous les pauvres pécheurs qui n'aiment pas le péché. Enun sens, elle aime , elle plait da va nt ag e enc ore les ma l

he ure ux qui, plo ngé s da ns le ma l, ne co nn ais sen t m ê m epas l 'étendue de leur dégradation : c'est le saint amour decom passion, si co n n u de tou s les cœ urs de mè re . Oh ou i !la Sainte-Vierge est la Mère compatissante de tous les

( l )Annon cognosc i t i s vosmet ipsos , qu ia Chr is tus JÉSUS in vobisest? nisi forte reprobi estis. (II. Ad. Cor. xu.)

(2) Rur su s cru ci fi ge nt es s i b i m e t i p s i s Fi l m a i DEI. (Ad Hebr. VI.)




enfants prodigues qui courent se jeter dans ses bras.Dans ce mystère de tendresse, le Père céleste, le Sauveuret MARIE ne font qu'un: DIEU pardonne par JÉSUS et enJÉSUS ; JÉSUS , par MARIE et en MARIE.

Le mo ye n d'être pl ei nem en t ai mé de la Sain te-V iergeest donc à la po rté e de c h a c u n do n o u s : c'est de dem eurerpleinement en JÉSUS par une fidélité consLante et par unamour très véritable, très intime et très ardent ; c'est,non-seulement d'éviter tout péché volontaire et de détester

nos moindres fautes, mais en outre d'aimer et de pratiquerle plus pa rfai te me nt possible la pauvre té do JÉSUS et sondé tac heme nt total, sa pu reté sans tache , l ' in nocen ce desa vie, son humilité et son obéissance ; c'est de vivre de lafoi et non de la n a tu re se u lem e n t ; c'est d'être un a u t r eJÉSUS-CHRIST, toul abandonné à la grâce de DIEU.

Qui po ur ra it dire l 'am ou r que la Sainte -Vîcrge po rt eaux ch rét ien s fidèles ? Ap rès l 'a m our que no tr e Se ig ne ura pour eux, il n'y a rien de se mb la bl e. « Cette Bi en he ureuse Mère du Chr is t, di t sa in t Berna rd , ne se born e pasà être la Mère des chrétiens, elle a pour eux tous les soins,

toutes les tendresses d'une mère. Elle ne traite pas commedes étra nge rs le s 'e nf an ts de son am o ur . 0 t en d re Mère,JÉSUS, le fru it béni de vos en trai ll es , a dé po sé 1 en vousd'inépui sables tr ésor s de bo nt é : une fois s eu le men t il estné de vous ; mais toujours il demeure en vo us , toujours ils 'épanche en vous, faisant surabonder les eaux de l 'amour

maternel da ns le j a rd i n ferm é de votre vi rg in it é. Si sa in tPaul qui n 'é ta it que le se rv it eu r du Chris t, enfan ta it in ces sam men t ses che rs en fant s pa r les solli citudes et latendresse de sa charité, jusqu'à ce que le Christ fût forméen eux; combien plus doit-on le dire de la Vierge MARIE,

qui est la Mère même du Christ! elle désire ardemment



Aï LA P1ÉTK ET LA VIE INTÉRIEURE

(1) Por ro bea ta Male r ill a Chri sti, qu i a s e m a t r e m ChrisL ianoru mcognosciL ralione mys'.erii , cura quoque so matrein eis praosLat eL

ailecLu pie tal is . Ne q u e e n i m duraLur ad iUi os, quas i no n s i n l s u i . . .Ben edi ct us s i qu id em fruo tus ve nt ri s Lui, gr av id am te , о p ia mater ,inexhausLa piet ate re l i qu it ; e x Le qu i de m s e m e l n as ce ns , . se d in Les e m p e r mal ie ns eL aff luo ns, e t in bu rl o c o n c l u s o castiLatis fon LemsignaLum chari la t i s s em pe r ab un da re fa c i en s Deniq ue si se rv usClirisLi filio los s u o s iLcrum a L q u e i t e r u m parLuriL cu ra a t q u e d es ide ri o pielaLiu, d one c formeLur in oi s Chris! us ; qua nto m agi s ipsaMaLer Chris ti ! (Gue rri cus a bb as , ubi sup ra. ) Cupit n a m q u e eL ip saformare Unig eni lum su um in om ni bu s i i l ii s ad op l i on is , . . . parturi l

eo s quo tid ie des ide ri o et cu ra pieta lis,» do ne c oc c u r r a nt i n v i ru mperiocLum, in mensuram pleniLudims auLatis Filii sui. (Eiusdems e r m . 11 i n N a t i v . B. M.)

(2) Hanc alf ec ti on em s u p e r o m n e s hab ui t Beat iss i ma Mar in i ad Deiho no re m eL l i om in um saluLem. (Bîbliuth. Virginal. Lom. II, p. 598.)

(3) Nulla un qu am m a t e r ta nt um prò i i l io so l l ic it a fuit , i m o п е сomnes s imul sumpLuì , qu an t u m Ma ri a so l l i c i t a e s t pro s u i s . (S .Bern. Serm. de Assumpt.

former elle-même son Fils unique dans tous ses fils d'adoption, el chaque jou r elle les enfante par les in du st ri es desa piété maternelle. Elle continue ce ministère d'amour

jusqu'à, ce que tous ai ent att eint la. perfection de la vi ri lité spirituelle, et soient arrivés à la plénitude de l'âge deson Fils (1), » c'es t-à-di re , à, l'éternité sainte.

« Cet amo ur m at er ne l, la Bie nheur eus e MARIE le possèdepl us que toutes les mères , ajoute s a in t An ton in de Florence ; elle no us aim e po ur la gloire de DIEU et pour le

salu t de nos âmes (2). Auc un e mère n 'a ja ma is ai mé sonenf ant comm e la Sainte -Vie rge no us aim e ; bien plus,MARIE nous aime plus que ne sauraient aimer toutes lesmères ensemble (3) ! ».El c'est loul simple : cet amour estl'amour même dont elle aime JÉSUS-CHRIST , vivant etrégnant en nous ; et le cœur qui nous aime ainsi est le

cœur immaculé de la créature parfaite, absolument pure,qui ne vit que de bonté et d'amour ; c'estle cœurdeMARiKnous aimant en JÉSUS, e t a imant JÉSUS en nous.







NOS GRANDEURS EN JESUS. — II.

entendre le pouvoir de MARIE , et de luy acquérir ensuictede l'amour et de l 'honneur dans le monde . Ce sont de lapart de JÉSUS-CHRIST des sentiments tels, qu'il n'est paspossible de les expr imer . Il a plu à DIEU de me mons t re ren esprit ces sa ints épanchements de JÉSUS en MARIE.

C'est un amour de tout luy-mesme, un amour de toutesses puis sances. [1 e s t ime mesm e vie avec elle. LYimc de latrès sainte Vierge est comme la nour r i tu re de celle deJÉSUS-CHRIST, qui ne peut aul(.renient satisfaire sonamour, qu'en la consommant avec luy, pour la c h a n g e ren luy-mesme (1). »

Voilà ce que JÉSUS est à M ARIE ; voilà ce qu'il est ennous à Fégard de sa Mère; voilà la voie royale et célested'amour où il veut que nous le suivions .

Tous les Saints l'y ont suivi . On ne saurait dire lequel

d'entre eux a le plus finalement,, le plus tendrement a iméla Sainte-Vierge. JÉSUS semblait avoir fait de saint Bernard, de saint Dominique, de saint François d'Assise, desaint Bonaventure, de saint Thomas d'Aquin, de sa intIgnace, de saint Philippe de Néri, de saint François deSales, de saint Alphonse de Liguor i . de véritables fils de

sa Mère. Sous ce rapport comme sous tous les autres , ilvivait pleinement en eux. SaintPhi l ippe de Néri n'appelait

jamais la Sainte-Vierge que du nom si tendre , si enfan t inde maman : Mamma miaî C 'était aussi la sainte habi tudedu Bienheureux Benoit d'Urhin, de la chère famille franciscaine, l'un des Saints qui ont le plus tendrement a imé

la Mère de JÉSUS . Le nom seul de MARIE lui faisait venirles larmes aux yeux. Dès qu'il apercevait une de sesimages, il la saluait avec un respectueux amour , et cenouveau Gabriel répétait aussitôt, avec de célestes trans-

(1) Vie intérieure, ce la Très-Sainte Vierge; Avant-propos, p. xivihicL) et Manuscrits.



•18 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

ports , YAoe Maria. Quant il le pouvait, il embrassait cessaintes images, demandant à MARIE de le bénir. Dansson liv re de prière s, il po rtai l to uj ou rs la pl us pieuseimage do la Sa in te -V ie rge qu'il pu t tr ou ver ; il la baisai tv ing t fois le jo ur, exposait à sa Mère du ciel les besoinsde son àm e, et ne se lassai t point de lu i ouvri r son cœ ur.Agenouillé devant cette image, il récitait chaque jour lecha pel et avec un e merv eill euse dévotion, co nt em pla ntles mystères du Rosaire, et baisant la terre à chaque

Ave Maria. — Un jo ur, on en te nd it sa in t Ph il ip pe deNéri répéter plus de soixante fois de suite, dans un sentiment d'amour extatique, celte invocation : « 0 Vergine e

Madré! o Vierge et Mère ! »C'est surtout quand nous communions sacramentelle-

me nt , que nous dev ons nous d o n n e r a la Sain te-Vi erge;

nourris, augmentés, selon l 'expression d'un Père, de lachair même de JÉSUS , qui est la propre substance deMARIE , nous devons être à la Sainte-Vierge ce que lui estJ É S U S ; nous devons nous perdre en JÉSUS pour aimer ethonorer d ignement M ARIE . C'était une des joies de lag rande àme de sa in t Igna ce , « qui déclarai t qu'i l ava it

toujours un immense bonheur à contempler en JÉSUS etMARIE une seule et même chair (1). » Dans la communion surtout, l 'union de JÉSUS , de MARIE et du chrétienest quelque chose d'ineffable.

(1) S. ïgruttius Loyola... scribit, se plurimum voluptalis capereex boc, quocl Christus et MAHIA lit una caro. (Tbeologia Mariana, aVirgilio. Seldmayr. nom., 132G, p. 568.)



NOS GRANDEURS EN JE SUS. — II.

Qu'un chrétien ne saurait trop aimer ni trop honorerla Sainte-Vierge.

Ne craignons jamais DE TROP aimer la Sain TE-Vierge. CE

sont les prot es ta nt s, les ja ns én is te s et les ra ti on na li st esqui ont in trod ui t da ns les esprits cotte ab su rd e c ra in te .Pourrons-nous jamais aimer la Sainte-Vierge autant quel'aime JÉSUS? Donc, nous no pouv ons j a m a i s trop l 'ai mer ,et mêm e no us ne l'a imero ns j am a i s assez.

« Pourquo i, dit un bon vieil au te ur , po ur qu oy veut -onnous bl asme r d av oi r quelquefois un e dévotion p!us«sm-sibte pour la Saincte-Vierge QUE pour DIWT mesme? Pour

QUOY nous condamner comme des indiscrets , DE ce queNOUS avons plus souvent recours à elle qu'à DIEU? DE ceQUE nous disons plus ù\ire Maria que de Pater Nosierï Est-on surpris do voir courir les petits enfants les brasouverts, la joie au cœur et le so ur ir e sur le vi sage , ausein de leur mère qu and ils on t fa im , quand ils ont pe ur ,

ou quand ils sentent quelque besoin? Leur refuge naturel,n'est-ce pas le sein de leur mère? Les blasraerez-vous decela? Leur di rez-vous : Vous avez tort , mo n enfan t ; vo usestes un ind isc re t ; que n'allez-vous plutos t au sein deVOTRE père? NE savez-vous PAS que c'est DE luy QUE vousdépendez principalement? que c'est lui qui est le maître

absolu de tous les biens de LA maison, et que c'est luy enfin qui doit faire vostre fortune? — Je le sais bien, vouspounoit-il dire; je dois tout à mon père, j 'attends tout deluy» e ^ J e v ûx lui rendre tout. Mais ne m'enviez pas laconsolation de cour i r au sein de m a mère : je m 'y sensattiré par les charmes de sa douceur et de ses tendresses,

XIV 4



5 0 LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

que je ne sçaurois m 'e m pêc he r de su y v re ; je sais quemon père le trouvera bon, et que mesme j 'obtiendrai deluy tout ce que je voudrai par son entremise (1). » Enfantsde Dirai), nous sommes les enfants de In Sainte-Vierge, eten l'aiman t de tou t no t re cn u r , nou s faisons très légitim e m e n t ce que font tous les bo ns et vra is en fa nts . Dumoment que nous n'adorons pas MARLK (quel est le chrétien qui a jamais pensé à Vadorer?)* nous restons toujoursau-dessous de ce que nous lui devons; assurément nous

ne l'aimons pas autant queJKSÏJS

l 'aime, nous ne l'honorons pas autant que l 'honore JÉSUS : or, le Fils unique deMARIK, est, en cela comme en tout, le type, l'idéal auquelnous devons aspirer.

Un jour , JÉsrs m o n t ra à la sé ra ph iq ue pé ni te nt e,Marguerite d e Gor tonc, la trè s sa in te Vierge, ass ise sur

un t r ô n e et toute resplendissante de gl oi re . « Ma fille, luidit-il, voici ma très douce et très pure Mère. Je te ladonne pour Protectrice et pour Mère. » Puis il ajouta:« Ma douce Mère est la Viergv c o m p a t i s sa n t e ; elle estl'asile des malheureux, la consolatrice des affligés, ladispensat ric e de mes grâce s, l 'appui des ju st es et le

refuge des pé ch eu rs . Aie confiance en sa b o n t é / e t souviens-loi que l 'honorer, c ' es t m ' h o n o r e r ; ra imer , c'estm'aimer moi-même. » Il y avait bien longtemps, dureste, que saint Jérô me l 'avait h au te me n t pr oc la m é:« 11 est indub it ab le que t o u t honneur ' , tout hommagerendu à la Mère d u Christ, revient l o u t . entier à la gloire

de son divin Fils [2]. »

\ï) P. d'Argentan) (Irunifcurs de la Très-Stiinle-Vicrae; confer.XVM.art . m".

- (2) Nulli du bi um , qu in t ot um ad g l o r i a m Ia udi s Christi per ti nea l,quidtjuid GeniLnci sua; impensuiu lueril , ac solemiii ler altribulum.(Serin , de Assumptiono.)









54 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTK11IKUKH

(l) Ecclesia,quœ est corpus ipsius. (Ad. Ephes, i.)

membres doivent obéir , comme au représentant, auVicaire du fils de DIEU . A ce chef suprême. JÉSUS a jointet subordonné des chefs secondaires, dos pasteurs et desdo cteu rs , qui sont les Evoques. Aux Evoques, il a do nn édes aides, qui sont les prêtres, auxquels il faut joindreles ministres inférieurs. C'est ce que Ton appelle lahiérarchie catholique. Les laïques, qui forment le restede l 'Eglise, sont de droit divin soumis, absolumentsoumis, quels qu' ils soient, au gouvernement spirituel ethiérarchique do l 'Église.

Le mystè re de l'Église n'est pas moins adm ir ab le qu e lemy st èr e de l ' In ca rn at io n. Dans l 'I ncarn at ion , le Filséternel de DIEI t vient h nous, demeure au milieu de nous,no us parle, nou s en sei gn e, n ou s sa uv e par son h um an it éadorable: dans le mystère de l 'Eglise, ce même Seigneur,

désormais invisible, et céleste, continue à vivre et à agirsur la terre, non plus par lui-même, mais par ses membres mystiques. « L'Église est son corps ( i) », ditTÉcriture;c'est-à-dire, sa man ifest ation visible et son in st ru me ntterrestre. Jadis le Fils de DIEIT opérait, parlait et agissaitau milieu du monde par la sainte humanité à laquelle il

était hy po sta tiq ue me nt un i ; m a i n t e n a n t il opère, ilenseigne, il agit sur la terre par son Église ; soit minute-riellement et avec autorité par les pasteurs des âmes ; soitoffic ieusement et à ti tre de char i té , par tous les fidèlesqui lui sont unis dans l'Esprit-Saint et vivent de sa vie.

L'Église, en effet, prise dans son sens le plus étendu,

c'est l 'ensemble des créatures qui, sous l 'obéissance duPontife Romain et des Évêques, reçoivent JÉSUS-CHRIST,

vivent de la vie de JÉSUS-CHRIST , et lui sont unies ici-bas



NOS GRANDEURS EN JES US. — I I . 55

par le lien de la. grâce , par la soumis si on de la foi el pa rle secours dos sa cr em en ts .

JÊSUS-CIIRIST est le chef céleste de la sainte Eglise ; il laremplit de sou Esprit; il habite, il vit on elle, et enchacun- de ses m em b re s . Le mê me Sa in t- Es pr it quiunissait son hum an it é à sa pe rs on ne divin e, lui u n i t sonÉglise et chacun des m em b res de son Eglise, il est touten elle; il est tout en tous, comme dit encore le grandApôtre (1); il es t le tout de l'Egl ise , le tout de c haq ue

fidèle. « L'Église, di t excel lemment le P. Fahcr (2), estJÉSUS multiplié; c est JÉSUS présent partout, c'est l 'énergiede J É S U S ; c'est JKSUS tout en ti er . Elle n'ex iste qu 'e n luicl pour lui. Pour nous servir des paroles do l'Apôtre, c'estson corps, c'est lui-même.. Il n'y a pas sur terre de privilège compar able à. celui d'ê tre un m embre de l'Ég lise

de JÉSUS-GI-IRIST . » Le (christ et l'Eglise, c'est tou t un ;aimer l'Eglise, e'esl aimer le Christ en son corps visible;aimer l'Eglise, c'est, aimer le Christ, qui en est l'Ame etle tout-

Par la foi et par le baptême, par l'obéissance au Papeet aux Év èq ue s, pa r l'Evangile, par la g râ ce et pa r le s

sacrements, nous devenons donc « un -seul corpa dans leChrist JÉSUS (3) »; en l'unité de sa personne divine et duSaint-Esprit qu'i l répa nd en to us ses m em b re s , JÉsus-CHRIST fait de tous les chré t iens un seul corps, don t il estPâme et le moteur, et dont son Esprit est la vie. Là r

a plus de Juif ni de gentil, plus de Scythe ni de barbare,

plus d'homme libre ni d'esclave: il n'y a plus que le Christ

(l)Plenitudo ejus, qui oiniiia in omnibus adimpletur. (Ibid.)(2) Le Saint-Sacrement: II, liv. JY, secL V.(3) Concorporales in ClirisLo Jesu per Evangelium. (Ad. Eph.

ni.)





NOS GRANDEURS EN JESUS — II . 57

son Fils! Répé tons i nc es sa m m en t le cri de rec on na issance du grand À poire : « Gloire à lui dans l'Église et dam le C/trisl JÉSUS, à travers toutes les générations et dans les siècles des siècles (l) .

Q ue J É S U S a s s i g n e à ch a c un de n o u s un e p l a c e e t un e

f o n c t i o n s p é c i a l e s d a n s s o n c o r p s m y s t i q u e .

Par son Ame, une el ind iv is ib le , No tre -S eigneuraccomplissait une infinité de fonctions différentes, enchacune des parties qui composaient son corps sacré. Parle cerveau et par la tête, il pens ai t, il di ri gea it tou t soncorps ; pa r les yeux, et par les yeux seu ls, il voyait pourtout le corps ; par les oreilles, il entendait ; par la langue,

il parla it ; par la poiU'iuc, il respira i t ; par le c œur , ilaimait ; et ainsi de suite, de chacun de ses organes. Il yavait dans cette h u m a n i t é adora ble une mer veil leus eunité, jo in te h une mystérieuse mult ipl ici té ; chaquepartie était à sa place, et ac co mpli ssai t une fonctionspéciale. Les unes avaient une fonction plus noble ; les

autres, une vocation moins relevée ; mais toutes concouraient à la vie et à la perfection de l'ensemble.

Cette m ê m e ha rm on ie se re tr ou ve . da ns le corpsmystique de JÉSUS-CHRIST (2). L'Église est essentiellementune ; le moteur qui l 'anime est un : c'est JÉSUS ; l 'Espritqui l'inspire et qui la vivifie, est un : c'est le Saint-Esprit.Elle n'a pour tous qu'un seul et même Baptême, qu'uneseule et m ê m e foi ; tou s co m ba tt en t le mê m e co m ba t ;

(1) lpsi gloria in Ecclesia. cL in Christo JESU, in omnos genera-tiones .sa3culi sœoulorum. Amen. (Ad Ephes. ni . )

(2) San cta Ec cle s ia co ns is t i l un it at e f idel ium ; s i cu t co r p u suni tu m est c o m p a g e m e m b r o r u m . (S. Greg. Lib. (J mor al . , c . xiv .)




tous ont la même vocalion éternelle et la mômeespérance ; tous vivent do la môme vie : et cependant ily a dans l'unité de ce corps un nombre infini do vocation s distinc tes les un es des a ut re s (1) ; il y a une h ié ra rc hi e de fonctions et d'or gan es di vi ne me nt inst itué epour le bien général.

Au sommet du corps mystique du Christ, il y a l'Egliseenseignante, qui a pour fonction d'éclairer, de diriger,de gouverner tout le reste des membres : c'est le Pape,

et, avec le Pape, l'Épiseopat.JÉSUS ,

seul Pontife, seulchef de son Église, se communique comme tel à ceux deses disciples qu'il destine à la charge pontificale et épis-copale : au chré t ie n qu 'il fait Pape, il s'unit dans la pléni tude de sa roya uté spi ritu elle , avec son infaill ibilité ,avec sa toute-puissance de lier et de délier, de juger, de

condamner, d'absoudre et de bénir ; c'est lui qui estSouverain-Pontife dans le Souverain-Pontife.Il en est de même, à proportion, pour chacun de nos

Evèques : JÉSUS, Evêque de -nos rimes (2), Pasteur,, Docteur,Hié rarque, se do nn e à eux c o m m e tel, au jo u r de leursacre : c'est lui que nous révérons, c'est à lui que nous

obéissons en la pe rs onne des Èv êq ue s. Il ne leur d o n n ecependant que partiellement l 'autorité spirituelle départie par sa grâce en toute plénitude au Pontife Romain,chef suprême et unique de toute l'Eglise, seul Vicaire duRoi céleste de l'Église.

Ce qui est vrai de l'Église enseignante ne Test pas

moins de l'Église enseignée, à Ja lôte de laquelle se

(1) Unum corpus, el unus spiritus siout vocati es lis in una speyocationis vestruî. Unus Domînus, una (itlcs, unum baptisma... Etipse dédit quosdani quidem Aposlolos, quosdam uulem Prophetas,alios vero Evangelistas, alios autem Pastores et doctores. (AdRph. iv.)

(2) Episcopus animarum nostrarum. (I Petr. n, 25.)





60 LA PIKTK ET LA VI E INTERIEURE

des vie rges, la fécondi té des in st it ut io ns saintes ; en unmot, il est tout en tous, uni à tous el à chacun par leSaint-Esprit : Ainsi se forme le corps du Christ (1).

Le saint abbé Olier expose en divers endroits de sesécr its l 'économie de ce m yst èr e de g râ ce . Il dit ent reau tr es : « L'Espr it de Jésus-Christ est une source degrâces, dont la plénitude se respand en tous ses membres.11 do nn e à ch asc un la ver tu nécessa ire po ur vivre selonla place qu'il occupe en son corps, et selon la portion del'esprit et la mesure de la grâce qui est nécessaire à sacondit ion.

« C'est ainsi que Nost re- Sei gn eur, ha b it an t dan s tousles fidèles avec la plé nit ude de son Espri t, ne fait pas néanmo in s en chascun d'eux to ut ce qu' il opère dans tousles au lt re s. Comme il est l 'E sprit un iver se l qu i donne les

vertu s à un chacun selon sa co ndi ti on, il veut es Ire enchas cun , pour luy co m mu ni qu er les disposit ions né ce ssaires à son estât (2). »

Donc, ma lg ré la dive rsité de nos vocatio ns, no us nefaisons qu'un dans le mystère du Christ et de l'Église ; et« comme en l 'unité de notre corps nous avons des mem

bres très divers, lesquels n'exercent pas tous la mêmefonction ; ainsi, tous tant que nous sommes, nous ne formons qu 'u n seul corps, da ns le Christ, et no us so mm esmembres les uns des autres (3). »

(1) InfiBdillcatioaem corporis Cliristi. [Ad ISphes. iv.)(2) Traité des saints Ordres; Part. III, oh. n.(3) Sicul enirn in uno corpore mu lia inembra habemus, omnia

autem membra non eumdem actum tiabenl; ita multi unum corpus sumus in ChrisLo, singuli autem aller allerius membra. (AdRom. xu.j



NOS GRANDEURS EN JESUS. — XI. 61

Combien tous les membres de l'Église doivent être unis

et s'aimer les uns les autres en JÉSUS-CHRIST.

L'union, la charité mutuelle, tel est noire premier devoir les uns vis-à-vis des autres, dans le mystère de l'Église. Tous les m em bre s de no tr e corps son t co ns om mésen un seul to ut ; ils sont régis par la m êm e léte et vivifiéspar le m ê m e sa ng . Malgré leur diversi té , ils sont cependant essentiellement unis.

Il en doi t êt re ains i dans la sa in te Eglise. Le Pape etceux qui l 'assistent dansle gouvernement de l 'Église universelle, les Évèques et tous les Prélat s, les prê tr es , les

Religieux, les laïques, les rois chrétiens et leurs peuples,tous les fidèles, à quelque vocation qu'ils appartiennent,ne doivent faire qu'un en J É S U S - C H R I S T .

De la par t des Su pé ri eu rs ecc lés ias tiq ues , cett e un ionfit cetLe char it é se tr ad ui se nt p a r la mi sé ri co rd e en ve rsles inféri eurs, pa r un e douce ferme té da ns le go uv er ne

ment des âmes, par une grande patience et par une intention très pu re de faire r é g n e r J É S U S - C H R I S T dans lesesprits et dans les cœurs.

De la pa rt de s in fér ieu rs, c'est u n e sincè re obé issan ce h. l 'autorité ecclésiastique, et un sincère amour de cetteautorité bi en fa is an te ; c 'est un e foi vi ve .e t in éb ra nl ab le

gui fait toujours voir J É S U S da ns le Pap e, d an s TÉv êqu e,4 dans tout Supérieur légitime, et qui dès lors sauvegardela sain teté de l'obéissance et de l' am ou r. Ce n' es t poi nt àl 'homme que nous obéissons, lorsque dans l 'Église nousobéissons fi, u n Su p é r i e u r : c'est à No tre -Scign eu r J É S U S -

CURIST, qui seul est Pontife dans les Pontifes, Docteur dans



62 LA PIETÉ ET LA VIE INTERIEURE

les Docteurs, Pasteur dans tes Pasteurs, en un mot, Supérieur dans les Supérieurs. Ce n'est pas la personne, c'estl 'autorité dont cette personne se», trouve, investie par Notre-Seigncur , qui mér it a et qui ob ti en t notre resp ectueu seobéissn nce.

Saint Louis de (louzague était tellement pénétré de cettevue de foi, que l' humil it é do son obéissance tena it duprodige. Moins consommés que lui eu sainteté, ses Supérieu rs eu x- mê me s éta ien t parfois em ba rra ssé s de l 'es

pèce de culte re ligi eu x, que leur té mo ig na it le ferven tnovice. « Je neco m p ren ds pas, di sa it un jou r Louis à sesfrères du noviciat, comment un chrétien peut obéir à unau tre hom me, lorsqu'il no voit pas en lui JÈSUS-CI-IRIST

son Mailrc. »Oui, c'est J É S U S - C H R I S T que notre foi découvre et aime

da ns tous nos Su pé ri eu rs . L'a mo ur que nou s leur por tonsn'e st pas, en effet, un sen t im en t d'affection na tu re ll e,basée sur leur s qual ités ni mém o s u r leurs v e r t u s ; c'estun amour de foi, un amour surnaturel, qui vient de J É S U S

et qui remonte jusquïi J É S U S .

Ainsi l'obéissance à l'Eglise se confond avec l'obéissance,

au CHRIST, et l 'amour surnaturel que la foi nous inspirepo ur le Saint-Siège, pour nos Evoques et pour tous nos-Supérieurs, est un seul et môme amour avec celui quiremplit nos cœurs pour J É S U S . Le sang do l'Eglise quivivifie tous les membres, c'est l'amour de J É S U S - C H R I S T ,

c'est l'Esprit de vérité, de sainteté et de charité, « r/uç D I E U

l e P è r e a r é p a n d u u b o n < l n , u u n e n t e n n o u s p a r JÉSUS-CHRIST, .

n o t r e Sc/fpt,eur{l)* » comme dit TApotre saint Paul.Le mê me pr in ci pe d'un ion s étend à tous les me m b re s

de l'Église, sans exception : J É S U S - C H R I S T est lout en tous.

(1) Quera elludit in nos ubunde per JESUM CMIUSTUM ttalvatoremnostrum. (Ad. Tit. m, (>.)



NOS GRAN DEU RS EN JE SU S. — II . 63

Les Apotros reve na ient sans cesse à cette vé rité fo nd amentale: « C r o i s s o n s , disait sai nt Pa ul , d a n s l e C H R I S T , .

q u i e s t n o t r e chef; c r o i s s o n s e n l u i e n t o u t e s c h o s e s . C ' e s t d e

l u i q u e le c o r p s t o u t e n t i e r l i e n t s a s t r u c t u r e e t s a l i a i s o n ^ a u m o y e u d e t o u s l e s s e r v i c e s q u e t e s p a r t i e s j o i n t e s s e r e n d e n t l ' u n e à l ' a u t r e ; c ' e s t l u i q u i f o u r n i t à t o u s l e s m e m b r e s c e q u i e s t p r o p o r t i o n n é à c h a r u n e t f a i t q u e s o n c o r p s g r a n d i t d a n s l a c h a r i t é (I) . Admirable économie de l 'œuvredivine ! Jùsus est le chef ; toute l'Eglise est le corps ; les

fidèles sont les m em b res ; le princi pe vi ta l est l'Espr il -Saint, l 'Esprit du Christ; les canaux qui transmettent laviesont les degrés de la hiérarchie et les diverses fonctionsdu min i st èr e ; le mo yen d'ass imilation est l 'opération del'Esprit-Saint avec le concours de la volonté; le lien decohésion, l 'action ré gu li èr e et co ordo nn ée de tous les

mem bre s; l 'àme et la perfec tion, la, sa in te c ha ri t é .Il faut donc, tous tant qu * nous sommes, membres del'Église de J É S U S , croître cm amour de DIKU et du pr oc ha in ,chacun su iv an t noi re vocation spéciale, ne pe rd an t j a mais de vue que no us so m m es pa rti es d'un m ê m e tout,membres d'u n m ê m e corps (2), tous vi va nt d' un e m ê m e

vie et destinés à nous aimer, à nous assister, a nous soutenir mu tu el le me nt . Point d'égo ïsme : r ien n'est pl usopposé à l'e sprit de l'Ég lise. Poi nt de d iv i s io ns ; po in t departis. « J e c o u s e u s u p p l i e n i e s f r è r e s , disait encore saintPaul, a u n o m e t p o u r l ' a m o u r d e N n t r e - S e i f j n e u r Jiisus-CHRIST, n ' a y e z q u ' u n s e u l e t m ê m e l a n y a y e \ q u ' i l n y a i l

11) Crescamus in illo per onmia, qui est oaput (lliristus : ex quetptum corpus (îpmpaolum et o innexum par omnem junoluramsubministrationis, secuuduiu opérai ionem in mensuram un ius-cujusque membri, facit in œdificationem s ni in oharitale. l'A'dEphes. iv, 15, 16.)

(2) Membra sumus oorporis ejus, de carne ejus ctdcoss ibusejus .(Ad Ephes. v, 30.)



<И LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

p o i n t d e d i v i s i o n p a r m i v o u s : v i v e z d a n s u n e p a r f a i t e u n i t é d e s e n t i m e n t s e t d e d o c t r i n e s ; . , , c a r t o n s v o u s n e f a i t e s q x i u n d a n s le C h r i s t JÉSUS (i ). » Au dedans , l' amour prat iquede JÉSUS-CHRIST , chef céleste de l'Église; au dehors, l'amour pratique du Pape, cheT visible de l'Église, Vicairede JÉSUS et Pasteur de tout le t roupeau du Christ : voilàle moyen de réaliser le vœu apostolique et « d e c o n s e r v e r

I ! u n i t é d a n s le. l i e n d e l a p a i x (2). » Dans l'Église, l'obéissance et la vérité sont, en effet, la base nécessaire de lacharité.

Que les membres les plus nobles du corps mystique deJ É S U S ne méprisent jamais les autres; que les forts neméprisent point les faibles. S'ils sont supérieurs aux autres, ils doivent supporter charitablement l'infirmité deleurs frères, et ne pas se complaire en eux-mêmes. Mem

bres d'un même corps, portons tous, grands et petits, lesfardeaux les uns des autres ; aidons-nous, aimons-nous ;et de la sorte nous accomplirons la loi de notre divinchef (3).

Ainsi tous les membres de la sainte Église doivent s'aimer en Notre-Seigneur et ne faire qu'un dans l'obéissance

et dans l'amour.

(1) Obsecro au Le m vos, fratres, per nomen Domini nostri JrcsuCiimsTi : uL idipsum dicaLis omnes, et non sint in vobis schismala:si Lis au Le m perfecti in eadem sontenlia. (I ad Cor i, 10.)

(2) Debemus au Le m nos lirmi ores imbeoillilaLes infirmorum sus-

Linere, et non nobis placere. (Ad Rom. xv, i.) Al ter alLerius oneraporLaLe, elsic adiinplebiLis legom ChrisLi. (Ad Gai. vi. 2.)(3) Soliiciti servare uniLaLem spiriLus invinculopacis .(AdEphes.

iv f 3.)







NOS GR AN DE UR S EN JES US. — II . 67

et tout co qu' il a pr om is de bé at itud e dé dai gn é pour unefange immonde (1). »

Voilà comment un vrai catholique s'élcvant par une foivive au-dessus des choses extérieures, vit scion l'esprit,aime et opère selon l'esprit. Mais c'est là un don trèsparfait, un don do lu mière et d 'a mour qu e J É S U S répand,comme un sang très pur, dans les veines de son corpsmystique; c'est là l 'opération sanctifiante et unifiante del'Esprit de J É S U S en chacun de nous eu particulier, et en

nous tous, en g én ér al . Cet Esp rit de char it é un ive rse lledoit unir ensemble, en J É S U S crucifié, tous les membresde l'Église militante sur la terre; comme dans le ciel, ilunit, en J É S U S glorifié, tous les membres de l 'Église triomphante. Les Ang es du ciel vi ven t en tr e eux d an s une souveraine et par fait e u n ion , dans la paix et dans le p u r

amour, san s l 'o mb re d'o ste nta tio n ni de ja lo us ie ; ain sidoivent se co mpo rt er tous les ch ré ti en s, les un s v is -à -v isdes au tre s. Alors, par la co nco rd e, pa r l ' u nan im it é dessentiments, tous demeureront unis dans le lien de la paix,et ils marcheront de concert dans la sincérité et dans lasimplicité, et ils seront les bien-aimés de D I E U (2). 0 Sei

gneur J É S U S , que ser ai t vot re Ég lis e, si no us no uslaissions tous conduire ainsi par l'esprit de foi et decharité !

(i)Tunc honoris Domini Lui si tibundus ingemisec, eL plora, quiaejus imagine m vides denigrari, pretiosissimum sanguincm con-culcari, SpiriLus SancLi habitaculum pollui, Sponsam Ghrislipro^-litui, ejus sedem dejici, eL LoLara suam beaLiludinein pro vilissimisslercoribus contemni. {IbitL)

[2} S. Mac hom. in.



68 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

Que l'Église est notre vraie Mère, et que nous sommes

ses enfants.

Ce n'est pas en vain que tous les monuments de la tradition chrétienne appellent la sainte Eglise n o i r e M è r e .

Elle l'est véritablement, en union avec la très sainteVierge. En etl'et. nous n'avons pas doux Mères, mais uneseule; de même que nous n'avons pas deux Pères, maisun seul, notre Père céleste, qui, en J É S U S - C H R I S T , imagede sa substance, nous engendre et nous enfante à la vraievie. Ainsi la Sainte -Vierge no us enfa nte k cette mêmevie dans l'Eglise et par l'Eglise. La maternité de grâce deM A R I E ot la maternité de l'Eglise sont une seule et mémomat er ni té , dans l'Espr it -Saint : au jo ur de la. Pentecôte,l'Esprit de J É S U S , s'est dilate, s'est répandu, par MARIK,

en sa in t Pie rre , dans les Apôtr es e tdan s loute l'Ég lise. Il n'ya qu'un seul et unique Espril-SainL qui est la vie desàrnes : c'est l'Esprit de UTKU , l'Esprit de DIEU dans le

Christ, l 'Esprit du Chri st, donné tout en ti e r à M A R I K et,par elle, communiqué à l 'Église, afin d'enfanter les chrétiens et de sanctifier le monde.

Gomme M A R I E , l'Eglise est Vierge et Mère: Vierge elimmaculée en la pureté sans tache de sa doctrine, de sessacrements et de la vie de grâce dont elle est remplie;

Mère tou jours féconde, « en fa n ta nt les ch ré ti en s parl'opération du même Esprit qui a fait naître le Christ dusein de la Vierge M A R I E . » L'Ecriture elle-même donne àl'Église le doux nom de Mère : M a t e r n o s i r a (1). »

Fécondée et sanctifiée par J É S U S , son Époux céleste,

(1) Ad. Gai. iv, 26.



NOS GR AN DE UR S EN JE SU S. — 11. 0 9

remplie du Sa in t-Es pr it cr éa te ur et sancti ficateur, l 'Églisenous enfan te, au Bap tê me, à la vie de la g r â c e ; elle nousunit au Roi du ciel, de qui nous deven ons les mem bres .Elle nous rend participants de la vie divine qui est en elleen plénitude, et par elle, comme par une fidèle épouse,JÉSUS nous fait chrétiens, c'est-à-dire enfants de D I E U .

L'Église nous enfante donc. De plus, Mère fidèle ciparfaite, elle nous allaite? du lait de ses saintes mamelles.Ce lait divin, c'est la vérité, c'est l'Eucharistie, c'est J É S U S .

Avec quel amour elle présente son sein maternel à ses*enfants nouveau-nés! Saint Augustin nous l 'atteste lorsqu'il nous rapporte ce qui se passa eu son âme après saconversion. « Semblable h un homme épuisé par unelongue soif, je me jetai, dit-il, sur les mamelles de lasainte Église avec un e ins ati abl e avi di té ; et, gé mis sa nt

de ma mi sè re , p leuran t m on passé , je les su ça is et lespressais de toute m a force, pour en faire sor ti r le laitdont j 'a va is besoin , afin de me relever de m on ab a tt emen tet de re trouv er la sant é et la v igueur de mon â m e (1). »

Ge que la Sainte-Vie rge fait in té ri eu re m en t po ur nou sdonner et nou s co ns er ve r la vie su rn at ur el le , l 'Église le

fait ex té ri eu re me nt , p a r le mi ni st èr e de ses pr êt re s, parla vertu de ses s a c r em en t s et pa r tous les m oyens quel'amour de Noire-Seigneur a déposés dans son sein maternel. Elle veil le i n c e s s a m m e n t su r nos âm es ; elle apprendà ceux qui pe uve nt nous faire du b ien , ce qu 'i ls doi ve ntfaire, ce qu'ils doivent éviter pour coopérer avec elle à

notre salut, à no tr e sanctifi cation, à no tr e v ra i bo nh eu r.

(i) Quffi nunc ubera, post longiss imam sitim pene exhaustusatque aririus, tu ta avidttale rope'-ivi, eaquea ltius flens el gemensconcussi etexpressi, ut id manarelifuod mihisic affecto ad recrea-tionem satis esse possel , et ad spein reducendam vi tœ ac salutis-

(De utilitate credendi H.)




Dès que no us en so m mes ca pa bl es , elle no us appre nd lagrandeur du trésor que nous portons en nous-mêmes, etqui n'est autre que J É S U S - C H R I S T , avec le Père, dans leSaint-Esprit. Elle nous apprend ce que nous sommes etce qu e c'est que la v ie ; elle nous fait connaî tr e J É S U S etsa sainte loi; elle nous initie à la science des sciences.Au sacrement de Pénitence, qui est le sacrement do ladivine miséricorde, elle nous relève de nos chutes et nousguérit de nos maladies. Au sacrement de la confirmation,elle nous fortifie pour le combat; au sacrement de l'Eucharistie, elle nous donne le Pain vivant do l'éternité; ellenous nourrit du Corps et du Sang de J É S U S , soutien denotre faiblesse, aliment de la sainteté, de la chasteté, del'amour et du sacrifice.

Elle ne nous ab an do nn e en au cu n m o m e n t de notre

existence: toujours et partout nous trouvons en elle uneMore prévoyante, pleine de tendresse et d' indulgence;une'Protectr ice toute-puissante contrôle démon, le mondeet nous-mêmes; une douce et grande Souveraine quirelève in ce ss am me nt no tr e ca rac tè re et qui enn ob lit me rveilleusement notre vie. Enfin, au moment redoutable de

la mort, cette sainte Mère nous prend et nous dépose pourtou te l'étern ité dan s les b ras du Sauveu r de nos âmes etdans le sein de notre Père céleste. Tout cela, l'Église lefait conjointement avec la Sainte-Vierge; la Sainte-Viergele fait avec l'Église, par l'Église. C ' est une seule et mêmeopération de charité maternelle.

L'Église de J É S U S , est donc notre vraie Mère. Elle nousaim e, co mm e dit sain t Pau l, avec un ar d e nt a m o u r dan sle cœur et par le cœur de JÉSUS-CIIRIST (1). J É S U S , qui esttout en elle, qui est toute son autorité, toute sa grâce,

(1) Teslis enim milii est DEUS , quomodo cupiam omnos vos in-visoeribus JESU-CHRISTI . (Ad Phil . i, 8.)



NOS G R A ND E U R S E N J E S U S . — I I , 71

toute sa force, toute sa beauté, nous aime et nous sauvepar elle, avec elle, en elle. L'Église, c'est JÉ SU S pour lemonde; c'est J É S U S se multipliant par elle dans les âmes,étendant pa r elle le ro y au m e de son Père, chas sa nt ledémon, et passant en Taisant le bien. Tout ce qu'il a, toutce qu'il est, JÉ SU S le donne à son Église, qui est toute enlui, et dont il est le tout.

La paternité de D IEU , ainsi que la maternité céleste dela Sainte -Vierge, à no tr e ég ar d , ne s'exerce ici-bas que

parla sainte maternité de l 'Église; et saint Cyprien déclarait dès le troi sième siècle que « nu l ne sa ura it avoirDIEU pour Père s'il n'avait l'Eglise pour Mère. C'estl'Église qui nous enfante, ajo utai t- il ; c'est elle qu i no usnourr it de son la it, elle qui no us a n im e de son esprit (1) »

Quelle joie p e n d an t la vie de vous appart en i r , ô J É S U S ,

el d'être les en fants de la sainte Eglise, vo tre E p o u se !Tant de pa uv re s Ames, me il le ur es que no us peu t-être ,sont privées de ce bonheur. Avec quelle soin, avec quellereconnai ssance ne dois -je pas me tt re à profit toutes lesgrâces de salut qu e vo us me pré sen tez par les m a in smaternelles de l'Église !

• Et, au m o m e n t de la mor t, m a g r a n d e confiance nesera-t-elle point dans l'amour de votre Église pour moi etdans l 'amour qu e j ' a u r a i eu po ur el le ? L'aim er, c'estvous aimer ; la s ervi r, c'est vou s s e r v i r ; m o u r i r clansses bras, c'est m o u r i r d an s les vôtre s, o mi sé ric ordi eu xSauveur ! C'était là la g r a n d e conso lat ion de sainte Th é

rèse moura nte : la v ue de ses fau tes et de son in di gn it é seprésentait à son espr it p a r m omen ts c o m m e une visio neffrayante ; mais au ss it ôt elle s'é cri ai t : « Enfin, Seig neu r,

(1) Habere jam non potest DEUM patrem, qui Ecclesiam non habetmatrem... Ecclesise fœtu nascimur, illius lacté nuLrimur, spirituejus animamur. (De unitate Ecclesise V, vi).




En quel sens le mystère de l'Église se résume dans le Papeet dans l'Eucharistie.

« Le Pape et l'Église c' es t tout un », di sa it jadis sain tFrançois de Sales; la cause du Pape est la cause del 'Église; l 'autorité du Pape, l 'enseignement du Pape,c'est re nse ig n emen t et l 'au tor ité de l 'Églis e. Le Pape estle Vicaire de JÉSUS et le chef de l 'Ég lise : l' Euchari s ti e est

le Corps de J É S U S ; c'est JÉSUS-CHRIST l u i -même , JÉSUS-CHRIST qui est le tout et la vie de l'Ég lise . Le Pap e et leSaint-S acreme nt ne so nt pas toute l 'Ég li se ; ma is ils enré su m ent toute la pu is sa nc e, toute la fécondité, toute Insainteté .

Le Pape, en qui J É S U S réside c o m m e so uv era in Hiérar

que et comme le centre de l'Église universelle, est lasource visible , d'où s'écou le da ns le no uve l É dc n duChrist, l 'eau toujours limpide de la vérité, de la doctrine,de la règle des m œ u r s ; il est la source pre mièr e et souve ra in e de toute ju ri d ict io n ; et les Év èq ue s, et tou s lesSupérie urs Religieux, qu el s qu'ils soie nt, n ' o n t de puis-

j e sui s fille de l 'Ég li se! » Et elle r e tr ouvai t immé diatement la paix, la confiance et la joie.

La sainte Église catholique est donc, avec la Sainte-Vierge M A R I E , la Mère de nos âmes. Le mystère de la virginité maternelle de la très-sainte M A R I E se perpétue dansl'Eglise et enfante les chrétiens, c'est-à-dire les membresv iv ants du Christ. A im ons l'Église, de l' am our filial dontnous aimons la Sainte-Vierge; aimons l 'Eglise commeJ É S U S aime sa mère ; aimons l'Église en J É S U S , et JÉsrs

dans l 'Église, vivante expression de sa Mère.



NOS G R A N DE U R S EN J E S U S . — I I . 73

sance spiri tuelle da ns l'Église qu e dans la dé pe nd an cedu Souvera in-Po nt ife . Le Pape a de droi t div in « lapleine et enti ère au to ri té du Christ pour co nd ui re , pou rpaître, pour gouverner l'Église universelle; il est le Chef,

le Père et le Doct eu r de tous les ch ré t i en s (1) », dit leConcile œcuménique de Florence. Il est po ur tous leschrétiens le Chr ist su r t e r r e ; il r é su m e en lui toute l'autorité de l'Église.

Dans la sainte c o m m u n i o n , l 'Euc ha ri st ie est la vie decette même Église. Elle en est l'unité de vie, de saintetéet d'amour, comme le Pape en est l ' un it é de do ct rine etde go uv er ne me nt . Le Pape est, dans l'Eglise, le Doc teursuprême de la vé rit é ; l 'Eu ch ar is ti e est la sourc e p r inc i pale de la vie et de la charité; elle nous unit tous dans lafoi et dan s l' am ou r, co m m e le Pape nous un it tous d an s

l'obéissance. Le nom de S a i n t - P è r e , que tous les enfantsde l'Eglise donnent a u Pape, in di qu e l'uni té de lafamille ; 'e nom de c o ? n m u n i o ? i . qui est le nom pratiquede l 'Eucharist ie, signifie ég al em en t l ' un io n de tous lesfidèles en l ' amour de JÉSUS-CHRIS.T. La communion ecc lé siastique et la c o m m u n i o n eu ch ar is ti qu e sont insé para

bles : en sem ble, elles con stituen t et man if es te n t l ' un it édu corps mystique de J É S U S - C H R I S T .

Saint Paul di sa it au x anc iens fidèles : « P a r t i c i p a n t à

u n s e n t e t m ê m e P a i n , n o u s n e f o r m o n s t o u s e n s e m b l e q u ' u nw d e t m ê m e corps (2). » Ce co rp s, c'est l 'Église. A yan t

(1) Totius Ecclesisc caput el, omnium christianorum Patrem etDoctcrepi existera, et ipsi in beato Petro pascendi, regendi etgubernandi univnrsalem Ecclesiam a Domino nostro JESUChristoplenam potestatem traditam esse.

(2) Umim corpus mulli sumus, omnes qui de uno pane partioi-pamus. (I ad Cor. x, i l ) .

(3) Cor unum et anima una. (Act. IV, 32).



7 4 LA PIÉTÉ ET LA VIE ÏNTÉflIEUCTE

tous u n seul et m ê m e Pain de vie, l ' Eucha ri st ie ; uneseule et m êm e àme (3), l 'E spr it d 'a mour et de saintetéqui décou le de l 'Eucharis tie co mme le s ang découle ducœur, nous sommes un en Jibsns et en DIKU (1).

Gomme le Pain eucharistique est une seule hostie formé e de bea uco up de g r a i n s de from en t; ai ns i, de la multi tu de des fidèles se fo rm e un seul pa in , un pa in vivantet sacré, qui est le corps mystique du Christ, l'Églisedans son unité. Tous nous devenons un dans l 'Eucha

risti e, de mê me qu e la no ur ri tu re de vien t u n e seule etm ê m e chose ave c celui qui la m a n g e . Se ul em en t, ditsaint Augustin, le Pain adorable de l 'Eucharistie ne sechange point en notre substance; il nous change au contrai re en lui, no us un is sa n t à lui et no us re n da n t semblables à lui.

a Dans la sainte c o m m u n i o n , ajoute sa in t Cyrille deJé rus ale m, no us de ve no ns plu s que des Port e-Ch rist;no us devenons avec lui un m ê m e cor ps et un mêm esang. C'est la raison pour laquelle les Saints-Pères appellent l 'Eucharistie C o m m u n i o n ' , elle nous unit réellementau corps et au sa ng du Christ , de sorte qu 'en lui et aveclui , tous nous ne faisons qu'un (2).

Dans le mystère du Bap tême et de la g râce , qui est le

(1) UT ET IPSI IN NOBIS UNUM SINT. (EV. JOAN XVN, 21.)

(2 ) SICULI EX MULTIS GRANIS FIT UNUS PANIS, ITA EX RAULTIS IICLELIBUS,FIT UNUS PANIS SAOER EL VIVUS,PUTA UNUM CORPUS OHRISTI INYSTIOUM,

SCILICOL ECCLESIA. OMNCS CIUN CHRISTO FTUNT UNUM IN EUCHARISTIA,SICUT CIBUS TIL UNUM OUIN COMEDENTIBUS.. . ITIC PANIS SACER, UT AITSANOTUS AUGUSTINUS COMESTUS NON. MUTATUR IN NOSTRAM SUBSTAN-TIAM, SED NOSPOTIUSIN SE TRANSMUTÂT, SÎBIQUE UNIT ET SIMILESFACIT...IN SACRA COMMUNIONE FLMUS NON TANTUM CHRISTIFERI, SED EL CONCOR-POREI EL CONSANGUINEI CHRISTI... HAC DO CAUSA A PATRIBUS EUCHARISTIA DICITUR communio, QUIA REALITER OMNES UNIT CORPORI CHRISTI,ITA UT IN EO ET CUM EO OMNES UNUM SINT. (CORN, A LAN, IN I AD CÔR.X, 17.)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — I I . 75

fondement de l'Ég lise , nous so mmes un is à la p er so nnedivine du Verbe incarné ; dans le myst è re de l'E uc ha ri stie, nous nous unissons à sa Chair et à son Sang : doublecommunion, spi ritu ell e et sa cra me nt ell e, qu i nou s co nsomme en l 'unité vivante de J É S U S - C H R I S T .

Aussi, le Concile de Trente appelle-t-il le Saint-Sacrement « le signe de l'uni té , le lieu de la ch ar it é, lesymbole de la pa ix et de l'un ion (1) » Si no us av ions unefoi vive et plus de co ura ge, nous ne lai sse rions po in t

passer un seul jou r san s communier, et nous ferions dela comm union le po in t ce nt ra l de chacu ne de nos jou rnées. JÉSUS eucharistique devrait être le cœur de chaquebaptisé, comme il est le cœur de l'Eglise enti èr e . « 0 D I E U ,

s'écriait saint Hila ire. que dési rez-vous plus a rde m m e n t ,que cle voir vo tre Fils descendre chaque jo u r en nous ,

lui qui est le Pain do vie , le Pa in qui descend duciel ? (2) »La communion est le foyer de la charité catholique. Ce

que nous pu ison s en J és us , c'est là ce que no us do nn onsà nos frères. Un sa in t Évoque d omin ica in me ra pp or ta itun jour la pro fon de et na ïve parole d'u n enfan t très in no

cent qu'il initiait à l 'amour intime de J É S U S et par conséquent à la c o m m u n i o n fréquent e. Après une de ses co mmunions, l 'en fan t, ra vi de jo ie , se je ta tou t a tt en dri à soncou et l 'e mb rassa nt avec un sai nt tr an sp ort : « O m o n Pè re ,s'écria-l-il, je reçois et je donne! » On reçoit JÉSUS d a n sla comm union , et on le do nn e da ns la ch ar it é.

Aimons donc so uve ra in ement et le très sa in t Vicaire deJÉSUS, qui nou s d o nn e le pa in de la doc tr im e, et le t r è s

i(l)Hoc sacramentum est signum unitatis, vinculum charitatis,

pacis et concordia) symbolum. (Sess. XIII, cap. vin).(2) Quidenim tam vult DEUS quam ut quotidie "Christus habitet

in nobis, qui est Panis vilœ, etPanis de cœlo? (Inter fragm.)



76 LA PIETÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

saint sacrement du Corps et du Sang de JÉSUS , qui nousdon ne le pain de l 'a mou r. Développons en nos cœursl'e sprit ca thol ique ; v iv ons pour l'Égl ise , et, s'il le faut,mo ur on s pour elle, c o m m e JÉSUS , noire divin chef, quihabite en nous pour nous transformer en lui: « II a tant

a i m é s o n E g l i s e q u ' i l s ' e s t l i v r é ' p o u r e l l e à l a m o r t (J ) ! »

Quels devoirs nous impose notre glorieuse dignitéd'enfants de l'Église

D'abord et av an t tout, no us de vo ns a i m e r l'Église, ainsique nous venons de le dire. Aimer, c'est se donner, c'est,s'oublier et se sacrifier pour ce qu'on aime : nous devonsnous donner à l'Église, nous sacrifier pour l'Église, et parconséquent pour le chef de l'Église, qui en résume tousle^ intérêts .

Le vrai chrétien en qui vit J ÉS US - CH RI S T , aime, admire,respec te l'Église et son chef v isible c om me le chef-d'œuvre de la Sainte-Trinité, comme son organe authentiqu e, comm e le pr ix et la gloir e du sa ng de JÉSUS . Ill 'aime plus que sa famille humaine, plus que sa patriete rres tr e. Il sen t tou t ce qu i la re gar de avec une délica

tesse infinie : on ne la touche pas qu'on ne le blesse aucœur . Quand sa ca us e est en j e u , il ne cr a in t pa s depasser pour absolu : i ! Test, il l'est ouvertement, il se faitgloire d j l'être , parce qu 'il ne lu i v ie nt pas même en idéeque le monde soit une puissance avec laquelle l'Églisetra ite et doive j am a i s faire des com pro mis. Pour lui, commepour son JÉSUS qui pense et aime en lui, l'Église, c'estkute la vérité, toute la lumière, toute la justice, tout ledro it, toute la li be rt é, toute la vie, to ut l 'a mo ur . Usai t quehors de la sainte Eg lise , il n 'y a que ce qu i est m o r t ou

(1) Christus dilexit Ecclesiam, et seipsum tradiditpro ea. (AdEphes. V. 25.)



NOS GR AN DE UR S EN JES US- — II. 77

indigent; tout ce qui doit être éclairé, ressuscité, sauvé,enrichi, devant venir à elle comme à la Mère de l'humanité et à la Reine du monde, venir humblement par lafoi, entrer courageusement par l 'obéissance, demeurer paisiblement par l'amour. Le vrai chrétien a faim et soif devoir régner l 'Eglise, parce que ce r è g n e est eelui duChrist, celui de D I E U , et partant, le bonheur de toutes lescréatures.

Le vrai chr éti en doit en second lieu obéir h u m b l e m e n tà l'Église et à son chef, et être inébranlablement fidèle auSouverain-Ponti fe.

Cette fidélité doit être absolu.», universelle: elle doitrégler nus j u g e m e n t s , di rig er nos pen sées et nos voies,régler les aspirations de notre cœur et dominer ainsi

notre vie tou te en ti ère . 11 faut la p ra t iquer sur tou t dansles points où notre esprit propre lui opposerait plus facilement des résistances :* par exemple, dans les questions dedoctrine où nous aurions flesidées préconçues et qui pourraient froisser les préjugés de notre temps, de notre pays,du milieu où nous vivons. Brebis et agneaux du Lroupeau

de Pierre, no us n e dev ons j a m a i s , sous au cu n pr ét ex te ,nous séparer de lui ; au prè s de lu i, no us trou vo ns lalumière de J É S U S et la sainte vérité. « Enfants de lalumière et de la vérité, disait jadis le martyr saint Ignace,fuyez toute div is io n, fuyez les ma uva is es doc ir in es ;n'importe où vo us co nduit le bon Pas teur, suivez-le c o m m e

de dociles brebis. Il y a beaucoup de loups; mais l'unionqui na ît ra de vo tre obéis san ce le ur fe rm er a l 'accès dubercail (1). »

(i)Filii lucis et veritatis, fugile divisioneni et pravas doctrinas ;ubi autem Pastor, eodem ut oves sequamini. Multi enim lupi . . .;sedinvestra concordia nonhabebunt iooum. ( Ad Philad. n.)




Notre fidélité au chef de l'Église et à toutes ses loisdoiléclater surtout dans les jours de la persécution. L'Égliseest toujours plus ou'moins persécutée; tantôt c'estla forcebrutale du lion, qui dévaste et qui tue; tantôt c'est l 'astucedu serpent , qui fascine et qui s éd u i t : la pe rsécut io n laplus dangereuse n'est pas toujours celle qui sévit, c'est

• celle qui llatte et qu i tr ompe (1). Sa in t Hi la ire le disaitbien : « Aujourd'hu i nous avons de va nt no us un persécuteur hypocrite, un ennemi caressant, et c'est l 'Antéchrist

Constance. S'il nous tire de la pri so n, ce n 'e st pa s pourno us ren dre la lib ert é: c 'est pou r no us co mb ler d'ho nne ursdans son palais et nous mieux asservir. 11 ne nous déchirepo in t les cô te s; ma is il no us pre nd le cœ u r . Il ne noust ra n ch e point la téte avec son g la iv e ; il tu e no tre àmeavec son or. 11 ne discute pas, de peur d'être vraincu; il

flatte, pour dominer . Il parle du Chr is t, afin de le nier , flprodigue les honneurs aux Évéques, de peur qu'ils ne sem o nt re n t Evé ques \2). » Le vieux se rp en t trouve millemoyens de flatter les piètres pour les empêcher d'être prêt res , les catholiques pour les empêcher d'être catholiques.Hélas! dans le siècle où nous sommes, combien d'âmes

peu ve nt dire avec la pauv re Eve : « S e r p e n t d e c e p i t m e \le Serpent m a tr om pé e? » Re no nc er sain t Pie rre, c 'estrenoncer J Ê S U S - C I I R I S T , disait courageusement saint

(J) Perseculio sive a leone sive a dracone nunquam cessât Ec-clesicG,sed inagis Lhneudaestcum fallit quameum stBvil..(S. Aug.)

(2) At mine pugnamus contra persocutorem fallentem, contrhostem blandicntem, contra Constantium autichristum ; qui nondorsa ca?dit, sed ventrem palpât; non proscribit ad vitam, sedditat in mortem ; non trudit oarcere ad libertatem. sed intra pala-tium honorât ad servitutetn ; non latera vexât, sed cor occupai;non caput giadio desecat, sed animam auro occidit... Non contenait, ne vincatur; sed adulatur, ut dominetur. Ghristum con-fitetur, u tneget . . . Sacerdotes honorât, ne Episcopi sint. (ContraConst. Imp. 5.)




Anselme au Roi d'Angleterre Guillaume le Roux, quidemandait au sa int Archevêque ce rta ines comp la isancesincompatibles avec l'exacte fidélité due au Saint-Siège,

Tel a été l'esprit de tous les Saints. Saint Alphonse deLiguori disait qu'il était prêt à verser son sang pour soutenir l 'honneur et les prérogatives du Siège Apostolique,et en parti cu lie r le sa in t pri vi lège de l'infaillib ilité duPape. Saint Fr an ço is de Sa ies éc riva it au Pape Paul V :

Bien que je le cède à tout autre en mérite, je ne cède en

rien à qui que ce soit dans Tobéyssance, la fidélité et lerespect dus à Vostre Sa inctel é. .. Vous estes le cœur et lesoleil de tout Testât ecclésiastique. Aussi, Très-SainctPère, je révère cle toute mou àme le souverain degré dela dignité Apostolique de Vostre Sainctelé ; les yeu xbaissés Aêrs la terre, je me prosterne humblement à ses

pieds pour les bayser ; et s'il falloit vous ériger un throsnedesvestements de vos inférieurs, je volerois sur le champ, j'estendrois mes habits, je sonnerois de la trompette, et je crierois de toutes mes forces : « Vive le Souvera in -Pontife que le Soigneur a oinct su r l'Israël de DIEU (1) ! »

Avec quelle ardeur nous devons prier pour l'Égliseet pour le Saint-Siège.

Il est dit du p re m ie r Sou ver ain -Po nti fe, que , d u r a n t la

première persécution u t o u s l e s f i d è l e s p r i a i e n t p o u r l u i s a n s i n t e r r u p t i o n(2). » Tous les siècles ont donné à la

(1) Vie de Saint François de S a l e s , par Perennès.(2) Oratio autem fiebat sine intermissione ab Ecclesia prò eo.

(Act. xn, 5.)




Papauté et à la cause de l'Église ce tout-puissant témoign age de l 'amo ur; et de leur côté, les. successeurs dePierre n'ont cessé, dans toutes les épreuves de l'Église,de le réclamer de la piété des Évoques, des prêtres et desfidèles.

Notre siècle, où la barque de saint Pierre est incessamment agitée par les furieuses tempêtes de la Révolution,est, on peut le dire, plus que bien d'autres, !,e siècle dela prière catholique; plus que jamais les cœurs sont émus,et plus que jamais on prie de toutes parts pour le Papeet pour l'Église.

Chez un chrétien, cette prière incessante est la marqued'un£ âme vraiment catholique et d'un cœur vraimentfidèle. Elle doit êt re quotidienne ; elle doit être ardente«M. in t ime : de quoi s'ag it -il , en effet, sinon de la grande

cause par excellence, de la cause immédiate de JÉSUS,des intérêts les plus universels de la gloire de DIMU surla ter re, du salut des âmes, de la paix du monde?

On peut dire que la vie de tous les Saints n'a été qu'uneprière continuelle pour l'extension et la prospérité del'Église. C 'était la. vie de Sainte Cather ine de Sienne, de

qui Pie IX disait naguère , en bai sant avec un religieuxamour ses L e t t r e s nouvellement traduites en français;« Oh! Catherine de Sienne! c est elle qui a aim é lesPapes ! Puisse donc la France lire ses L e t t r e s et s'instruireà son école! » Sur son lit de mo rt , en tour ée de nombreux disciples, cette grande Sainte « leur ordonna, au

nom de la charité, d'adresser sans cesse à DIEU d'humbleset ferventes prières, pour la réforme et la prospérité dela sainte . gli see t pour le Vicaire de J É S U S - C H R I S T . C'étaitlà, surtout depuis sept ans, la pensée con ti nu el le de soncœur; depuis sept ans elle n'avait jamais manqué dedemander ces grâces à la divine et souveraine Bonté ; et*



NOS GRANDEURS EN JESU S. — IX. 8 1

pour les ob teni r, elle avail souffert, dans son corps, de sdouleurs et des infirmités très grandes (1). »

Sans att ein dre cette pe rfe cti on , comb ien da ns cestemps-ci, n'ya-t-il pas d'Ames saintes et généreuses, soitdans les mo na stèr es , soit m êm e au mil ieu du mo nd e, qu isuivent ces traces, q ui pr ie nt inces samm ent pou r le P ap eet pour l'Eglise, qu i se mble nt ne vi vr e qu e po ur cela etqui consolent p u i s sa m m en t le cœ u r percé de Notre-Sei-gneur JÉSUS-CHRIST !

Ne pas pri er pour le Pape , c'est oubl ie r le Pape et nepoint se soucier de UIKU . Sainte Madeleine de Pazzi arrêtaun jour une des Religieuses du Carniel de Florence, dontelle était P r i e u re ; co ta i t le 29 j u i n , fête de saint Pi e rr e .« Ma fille, lui -deman da-t -e llo, uvez-vous bien pr ié pourle Pape? » La pa uv re Sœ ur ré po nd it na ïv em en t qu'e lle

n'y avait poin t pe ns é. E l l a sa in te Prieure de s ' in di gn eret de s' éc ri er : « La belle épouse du Christ, qu i ne pr iepoint pour ! e Vicaire du Christ (2) ! »

Membres vivants du Christ, enfants de son Église,profitons d'une parole qui s'adresse éi tous les chrétiens.Prions, prions de tout notre cœur, prions sans cesse pour

le Pape, avec le Pap e, aux in te nt io ns du P a p e ; p ri onspour la paix et pou r le t r iomphe de la sa in te ÉgliseRomaine, Mère et Maîtresse de toutes les Eglises; prionspour tous no s Evoques et pour tous nos pr ê t re s , afin que ,fidèles et va il la nt s, ils m a rc h e n t , tous sa ns exc ep tion ,devant nou s et no u s co nd ui se nt au bon com ba t. P ri ons

pour la sainteté, pour la prospérité des Ordres religieux;prions pour nos missionnaires; prions pour les Sémi-

(J) Vie de Sainte Catherine de Sienne, par E. Cartier; troisièmepartie, IV.

(?) Vie de Sainte Marie Madeleine de P a z z i ,

XIV 6



82 LA PIETE KT LA VIE INTERIEURE

naires, qui sont l'espérance de la moisson à venir. Prionspour l'humiliation des ennemis du Saint-Siège et desblasphémateurs de la foi; prions pour la conversion despé ch eu rs , pour la sanctification des j u s t e s ; en un m A'prions sans cesse et communions souvent pour la sainteÉglise, notre Mère.

Que nous devons assister généreusement l'Église danstoutes ses nécessités, et nous dévouer pour elle

comme pour JÉSUS-CHRIST même.

Il est rapporté dans l'Evangile que plusieurs saintesfemmes, quittant tout pour l 'amour du Sauveur, le suivaient et accompagnaient ses Apôtres, sans redouter ni la

fatigue, ni les privations, et qu'elles l'assistaient et subvenaient à ses besoins (l). Ces saintes femmes étaient letype de toutes les âmes chrétiennes qui, sans interruptionà travers les siècles, ont assisté, assistent et assisteront.l'Église dans ses nécessités matérielles. Elles assistentl'Église, elles assistent JÉ S U S , soit au Saint-Sacrement,

soit en la personne du Pape, en lapersonue des Évêques.des Prêtres et des Religieux. Selon le précepte de saintPaul, elles s'estiment heureuses de rendre à l'Église autemporel ce qu 'el les en reço ivent au spi rituel (2).

Cette assistance doit être, avant tout, sainte et généreuse. Dans notre dévouement, nous ne devons jamais

sé pare r la cause du Pape et de l'Égl ise de la cause deNotre-Seigneur. Sainte Catherine de Sienne, sachant que

(l) Quœ mmisLrabanl ei de lacullalibus suis. <Luo. vin, 3.)(2)Si spiritualium eorum participes facti sunt Gontiles, debentel

incarnalihus ministrare illis. (Ad Rom. xv, 27.)







NOS GRANDEURS EN JESUS- — II - 85

rôle, de nos con sta nts efforts, et défend ons v a i l l am m e n tla cause de son Vicaire, la cause clc son Egl ise. Plus lepéril augmente, plus notre dévouement doit grandir. Necraignons rien : c'est pour JÉSUS , c'est pour DIEU mômeque nous comb at tons .

MALHEUR au CATHOLIQUE TIÈDE ET LÂCHE! TL n'a pas L'ESPRIT

de JÉSUS-CHRIS ? , du moment, qu'il n'aime point efficace-cément l'Église. Que rien NE nous sépare du chef DE lasainte Eglise, de son chef céleste qui est le Christ, DE son

chef terrestre qui esl le Pape! C'est la citadelle de refugecontre Satan et ses séductions; tout chrétien qui s'enéloigne, soit par trahison, soit par indifférence, ellel'abandonne, et il sèche, il meurt, comme un rameau détaché de la vigne (1).

Que notre dévouement au Pape et à l'Église doit aller,s'il le faut, jusqu'au martyre

Si, dans les luttes de l'Église, Notre-Seigneur nous demande le témoignage du sang, il faut le lui donner avec

bonheur. Souffrir, mourir pour la cause du Pape, pour laliberté du Saint -Siège , po ur les in té rê ts m ê m e te mp or el sde l'Église, c'est souffrir et m o u r i r pour J ÉS US - CH RI S T,

c'est être martyr, sinon de la foi. du moins de la charitéCATHOLIQUE.

Saint Thom as de Canto rbéry, ho no ré c o m m e m ar ty r, a

été mis à mort par les sicaire s du roi He nr i d'An gleter re ,uniquement parce qu'il défendait contre ce prince ambitieux les intérêts temporels et les libertés de l'Église deCantorbéry. Il ne s'agissait aucunement de la foi.

'• (1) Ab arce capitis nostri res nulla nosdividat, ne ab ca, si ejusesse membra rei'ugimus. relinquamur, cL velut ejecti de vite pal-mites arescamus. (S. Grejr. EpisL. lib. ix, 10G.)



8G LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

La cause à laquelle se dévouent si généreusement au jo u rd 'h u i ta nt de vailla nts catholiq ues, est enc ore plussainte; car il s'agit à Rome de la liberté de l'Église toutentière, et non plus, comme alors, de celle d'une Égliseparticulière. Le chrétien qui expose son sang et sa viepo ur défendre le do ma in e temp ore l de l'Église Romaine,s'il le fait avec un esprit de foi très pur. est un véritablesoldat du Christ, et s'il su cc om be , un vé ri table ma rtyr .

Un de ces généreux défenseurs du Saint-Siège écrivait

naguère à ses parents effrayés qui lui conseillaient de revenir en France : « Moi, revenir! y pensez-vous? Etl'Église? et le Pa pe? et le ciel? »

Le jeune zouave, Alfred Collingridge, blessé à mortaprès des prodiges de valeur, répétait dans son agonie:« Mon J É S U S , mon cher J É S U S , je vous offre ma vie pour

l'Eglise Romaine, pour le Pape, et pour mes parents! яIl demandait quel était le plus parfait, ou bien de luttercontre les angoisses de la mort pour souffrir plus longtemps, ou bien de s 'y abandonner pour mourir plus vite.II s'endormit dans la joie du Seigneur, en murmurant lestrois noms bénis, J É S U S , M A R I E , JOSEPH.

L'admirable Emmanuel Dufournel, l ieutenant d'uneco mpag ni e de zouaves, s'était je té co mme un lion au.milieu de la troupe impie en décriant : « Voici le momentde mourir! Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit;'en avant! » Percé de quinze coups de baïonnettes, il tombaet vécut quelques heures encore, exprimant son bonheur

« de voir, de ses quinze blessures, couler son sang pourl'Église. »

Un autre de ces généreux martyrs de la liberté catho-lïque, péruvien de naissance, du Tiers-Ordre de Saint-Dominique, nommé Sévilla, reçoit coup sur coup cinq ballesm eur t ri è res ; à c haque coup il fait un sig ne de croix sur



NOS GRANDEURS EN JESUS. — II . 87

la blessure en disant : « Vive M A R I E ! vive Pie I X ! » Transporté à l'hôpita l, il ré po nd en so uri an t à son li eu tenantqui lui parle avec compassion de ses cinq blessures : « Etles cinq plaies de Notre-Seignour Jésus? »

Dans le mô me comb at , u n zouave hol lan dai s tém oig nal'ardeur de sa foi et la sainteté de ses dispositions intérieures à peu près de la même manière. Ayant reçu près-qu'au même instant trois balles dans la poitrine, il posason doigt sur le pr em ie r trou, disa ut t ra n q u il l em e n t:

« Au no m du Père! » sur le second trou : « Au nom duFils! » sur le troisième : « Au nom du Saint-Esprit! » etil expira. Voyez-rvous ce héros c hré ti en en t ran t dans leciel! Voyez-vous les Anges saluant ces plaies et adorantla divine Tr in ité a in si écrite su r cet te po itr ine ra y o n nante?

Dans les fastes de nos martyrs de Castelf idardo, ontrouve de sublimes paroles, qui manifestent la puretéd'intention requise pour constituer le martyre. Un pauvre

jardinier bre ton , voy an t partir son j e u n e maî tr e po urla défense du Souv era in-Pon ti fe, lui d e m a n d a la faveurde le suivre et de se battre pour DIEU à ses cotés : « Je

.n'ai que ma personne, ditril, je la donne de tout coeur. Lasoûle chose que je dési re , c'est de vo ir le Sa in t-Pè re , r ecevoir sa bén édi cti on , co m m un ie r de sa m a in , pui s m ou rir pour lui. J' espè re qu 'a lo rs DIEU voudra bien me recevoir dans son saint Paradis !»

H A DIEU et à son Vicaire, disait un autre de ces héros

catholiques, j e n 'a i à offrir ni fo rt une , ni na is sance , n i•talents, ni influence quelconque: je n'ai que mon sang; je le donnie. »

Joseph Guérin, du Séminaire de Nantes, dont la tombévénérée resp lend it déjà de l'au réo le des mir ac le s, Jo sephque le Pape et qu e Ro me to ut en ti èr c ap pe la ient af fectue u-




s è m e n t : « i l z o a v e t t o , le petit zouave », partit, souffrit etm ouru t avec ce m ê m e se nt im en t de foi pu re . « Je meu rspo ur la cause de la Rel igion et d u Pape , écriva it -i l, et jequitte la vie doucement et avec joie. » Tout chrétien quise sacrifie ainsi pour l'Église et pour le Vicaire du Christ,remplit héroïquement un magnifique devoir. Mourir decet te mo rt, ce n 'es t po in t mour ir , c'est en tr e r de plainpied dans le Paradis, et recueillir directement l'effet de lapromesse du Sauveur: « C e l u i ( ¡ a i a u r a m é p r i s é e t p e r d ul a v i e p o u r m o i , l a r e t r o u v e r a d a n s la o i e é t e r n e l l e (1). »

A cet te bénédict ion divin e ont eu part tous les fidèles"qui, dans les temps de schime et de violences impies, ontsuccombé saintement pour la cause catholique; entreautres, dans ces derniers temps, les Évèques, les prêtreset les chrétiens fidèles qui sont morts soit sur Tcchafaud,

soit sur les pontons, ou dans les prisons, ou dans l'exil,pour avoir refusé de prêter serment ù la constitution civile du clergé et pour être demeurés fidèles h l'unité cath ol iq ue ; et, en Po logn e, tous ce ux que le sc hi me a frappés en haine de l'Église et parce qu'ils ne voulaient pointse séparer de la sainte Église Romaine. O la grande grâce! •

o l ' in com para ble bo nh eu r, que d'ôtre j u g é di gn e de souffrir et de mourir pour J ÉS US et pour son Vicaire ! pourJÉSUS et pour la cause sacrée de l'Église !

Notre chère sainte Catherine de Sienne était consuméede ce désir . « Pa uv re misér ab le qu e j e su is ! disait-elledans son zèle ardent et humble; je n'ai rien pour servir

l'Égl ise ; si mon san g po uv ai t lu i ê tre ut ile, je le répandrais bien volontiers de toutes les parties de mon corps;,

je lui donnerais le peu que D I E U me donne pour elle : et

(!•) Quicumque perdklerit animam suam propter me, vivificabiteam. (Luc. xvn, 33.) Qui odil animam suam in hoc mundo, in vi-lam a&temam custodit eam. (Ev. Joan, xu, 25.)





III

EN JÉSUS, NOUS DEVENONS LES ROIS ET LES SEIGNEURS DU MONDE

Que JÉSUS-CHRIST est constitué Roi, Seigneur etSouverain Maître de toutes les créatures.

Le divin Fils de M A R I N est le Maître et le souverain Roide toutes choses. Il Test, non-seulement en sa divinité,

avec le Père et le Saint-Espr i t , mais encore en son humanité sainte. 11 ne Test pas seulement comme Verbe: ilTest de plus comme Christ, comme homme, selon l 'oracletombé de sa propre bouche : L a t o u t e - p u i s s a n c e m ' a été

d o n n é e a u c i e l e t s u r t a t e r r e . T o u t e s c h o s e s m ' o n t é t é d o n n é e s p a r m o n P è r e (1). » Gomme Verbe, en effet, Notre-

Seigneur ne saurait r ien recevoir : c'est donc de son humanité qu' i l parle ici.« Le Christ est le Seigneur et le souverain Maître et

c o m m e DIEU et comme homme, dit Cornélius à L a p i d e :comme homme, en ver tu de l ' union hypos ta t ique , il a undroit absolu sur toutes les choses créées; et son empire

suprême s 'étend jusque sur les Anges , sur les Ghérubinset les Sér aph ins . Pour ce tte rais on, il est appelé, dansl'Apocalypse, le R o i d e s R o i s e t l e S e i g n e u r d e s S e i g n e u r s ;et il est dit de lui da ns TÉ pit re aux Hébreux, que D I E U l ' a

c o n s t i t u é l ' h é r i t i e rd e t o u t e s c h o s e s .

(i) Data EST MILRI OINNIS POTESTAS IN CŒLO ET IN TERRA... OMNIA MIHITRADITA SUNL A PÂTRE MEO. (EV. MATTH. XI F 21; XXVIU, 18.)



NOS G R A N D E U R S E N J E S U S - — II. 9 1

a Selon le bel enseignement de saint Thomas, la royauté

du Christ, est une royauté réelle, une royauté qui em

brasse l'univers. J É S U S , en effet, dès le premier moment

de sa conception, a possédé di re ct em en t et dans toute la

force du terme, du moins quant au droit et à la puissance,

l'empire et le souverain domaine du monde entier (i). »

C'est renseignement formel des saints Apôtres, qui nous

présentent no tre doux Sauveur comme le Roi un ivers el

de la création. Sa in t Paul nous montre D I E U , Père de No-

tre-Seigneur J É S U S - C H R I S T , rapp or ta nt toute la créa tion

a au mystère de son amour, » c'es t-à-dire au mystère de

..l'Incarnation, et « roulant, dans sa bonne Providence, é t a blir tout dans te Christ, soit au ciel, soit sur laterre (2). »

JÉSUS-CHRIST est, au milieu de la création, * la manifesta tion visible du D I E U invisible, le Premier-né de toute créature

(non dans Tordre du temps, mais dans le plan divin) , parce que c'est en lui que tout a été créé sur la terre et dansles deux, les choses visibles comme les invisibles, et les

Trônes, et les Dominations, et les Principautés, et les Puis sances; tout' a. été créé en lui et par lui : et c'est lui qui est

à. la tête de la. création, et tout a sa raison d'être en lui »

(1) Christus est Dominator Dominus, » tum qua DEUS, tum quahomo : qua homo enim per unionom hypostaticam habet summumin Tes omnes creatas, etiam Angelos, Cherubinos et Seraphinos,

jus et dominium, juxta illuc! Apocalyp. « Rex regum et Dominusdominantîum ; » êt Ilebr. <* Ouern constituil h a T e d e m universo-rum... » Christi regnum, uti recle docet D. Thomas, est.physicum.

et mundanum. Christus enim a primo instanti conceptionis suœ,proprie et directe habuit regnum et dominium totius mundi, sal-l.cin quoadjus et polestutem. (In Epist. Jud et in Matth. xxvu.)

(2) Sacrainentum voluntatis su;e... In dispensalione plenitudinistemporum, instaurarc omnia in Christo, quœ in ccelis, et quse interra sunt, in ipso. (Ad. Ephes. i, 9 10.)

(3) Qui est imago DEI invisibilis, primogenitus oninis creaturœ:quoniam in ipso condita sunt universairi oaelis et in terra, visibi-





NOS G R A N D E U R S EN J E S U S . — II. 9:5

qui oserait en clouter en e n t e n d a n t le larron lui-mêmele pro cla mer du h a u t do sa croix : S o u v e n e z - o o u $ d e m o i .S e i g n e u r , d a n s v o i r e r o y a u m e ! A cette confession dularron crucilié vient se jo indre le t émoignage des Mages,qui accourent de l 'Orient pour l 'adorer dans sa crèche etqui demandent : O u e s t l e R o i d e s J u i f s , l e R o i q u i v i e n t d e n a î t r e ? Pilate l'avoue ¿1 SON lour : E s - t u d o n c R o i d e s

Juifs ? Oui, répond J É S U S : Tu Cas d i t , j e s u i s R o i (1 ). »Ainsi Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T est Je souvera in

Maître de toutes les œuvres deDIEU .

Lorsqu'aux jours deson Incarnation, il vivait sur la terre et conversai t aumilieu des h o m m e s , il était le centre visible, à la foisincréé et créé, de l 'univers entier . Il était le Roi du ciel,descendu sur la terrf\ le Maître des é léments , le supremeSeigneur de tous les Anges , qui l ' adoraient (2) en son

humanité mortelle, de la. terre qui le portail , du soleilqui réclairait, des éléments dont il da igna i t se servir . Ilétait le Roi et le Maitre do tous les hommes sansexception, de ce César auquel il voulait paye) 1 le t r ibut ,do ces phar is iens qui le blasphémaient , de ce Pilate quile condamnait, de ces soldats et de ces bourreaux qui le

crucifiaient. Tout lui appar tenai t . Il était là commeCréateur au milieu de sa créat ion, comme Seigneur aumilieu do son empire , comme Roi dans le r o y a u m e quiétait à lui.

De quelles adorations ineffables les bons Anges devaientl'entourer ! De quelles adorations, de quels respects ne

\i) EL NESCIO OUI CHRISTUM RCGOM ESSE AMTNGERC SIT LULUM,LALRONE HOC IPSO IN CRUOIS PUSSIONO CON/ITENTE, Memcnio mei, Do

mine, cum veneris in regrnivi twnn. TESTANTUR ELIAIN ADORATURI MAGI,CUM INTERROGANT : Ubi est qui nalus est rex Jutbcorum ? TESLALUR ET•PILATUS INTERROGANS : Tu as rex JiuUeor^m ? PROFITE TU R ET DOMINUSRESPONDENS : Tudixisfi. (IN PSALM. 11)

(2) ET ADORENT EUM OMNOA ANGELI DEI. (AD LLEBR., 1, 6.)



9i LÀ 1MKTK BT LA VIE INTKMEUHE

l 'entouren l-ils pas encore au Sa in t- Sa cr em en t de l 'autel,où il réside corporellement sur la terre, reliant ainsi parsa présence sacramentelle son premier et son secondav èn em en t ? Ah ! tous tan t que no us sommes , fidèlessujets de ce Roi d 'a mour, tombons à ses pieds, prosternons-nous devant sa douce majesté, et répétons lui lecri de la foi el de l'adoration : « D o m i n a s m e u s e t DKUS

m e u s ! Mou Seig neur et m o n Dnsr ! »

• Comment la royauti nniverseUe de JESUS est, en ce monde,militante et voilée.

Cependant, ne nous y trompons pas : la royauté duChrist, notre Seigneur, ne ressemble en rien aux

royaut és mondain es., Celles-ci n' ap pa ra is se nt qu'e nto urées de pompes, d'éclat et de gloire ; colle-la marche àtrav ers les siècles, co ur on né e d'épines, ensang lan tée ,méconnue, blasphémée, toujours vaincue et toujourst r iomphante .

C'est que, dep uis la déch éa nce or ig inel le , tout a été

changé dans le monde. Dans le dessein primitif, le ChristSeigneur et Roi, devait apparaître au milieu de lacréation dans tout l'éclat de sa majesté divine : s'étantch ar gé , pa r mis éric ord e et pa r am o ur , de l 'expia tion dupéché, il est devenu la Victime et le Sauveur du monde ;et dès lors, revêtant volontairement L'humiliation, les

pr ivat ions , les souffrances et la mor t dues au p éché , il avoilé sa gloire royale, et, tout Roi qu'il est. il n'apparaîtau monde que sous la forme d'esclave.

Voyez-le, adorez-le, ce souverain Seigneur de la nature,anéanti dans la pauvreté de sa crèche, tremblant defroid, persécu té et fu ya nt dans les br as d' une Vierge,










CHRIST , nous sommes élevés à de s grandeurs surnaturelles,et nous devenons ce qu'il est, par conformité, par union,par pure grâce (1). Il est Roi, il est Seigneur : il nous faiten lui, et Seigneurs et Rois.

Sa royauté divine, il en est revêtu par l'opération etparl'onction du Saint-Esprit, qui remplit totalement sonhumanité adorable. Il est Roi parce qu'il est le Christ ; et,nous l'avons vu, Christ veut dire oint. C'est donc l'Esprit-Saint qui, dès le sein de M A R I E , fait de l'homme-DiEU le

Roi de l'univers, le souverain Maître et le seul légitimeSeigneur de toute la création.

Son Esprit de royauté, le chef de l'Église le communiqueà tous ses membres ; et ainsi, dit saint Macaire, les chrétiens, tout pénétrés de l'onction céleste, deviennent spirituels par la grâce et sont élevés à la dignité de Rois et de

Prophètes des mystères divins. Si Ponction d'une huilematérielle a la vertu de consacrer les Rois et les Prophètes i

à combien plus forte raison ceux qui, selon l'esprit et selonl'homme intérieur, ont reçu Ponction céleste de l'Esprit-Saint, Ponction sanctifiante et enivran te, ne recoivent-ilspas le caractère do la royauté incor ruptibl e? Sacrés par

l'huile sainte qui découle de l'arbre dévie, c'est-à-dire deJÉSUS-CHRIST , ils deviennent capables d'atteindre la royautéet l'adoption divines (2).

C'est pour signifier cette élévation surna turelle de tousles chrét iens à la dignité royale, que PEglise, dès qu'ilssont baptisés, forme sur leur tète le signe de la croix avec

le saint chrême : le chrême est, en effet, l'huile aveclaquelle sont sacrés les Rois et les Pontifes.

(1) Ascendamus, ait Cyrillus, ad supernaturalem dignitatem perChristum ; non tamen ut proprie sicuLille, sed uL simililudine illiusper gratiam filii DEI simus. (Corn. a. Lap. in Joan. i, 12.)

(2) Hom, XVII.













1 0 4 LA PIKTK ET LA VIE INTÉRIEURE

le chrétien qu e son Père céleste r ègne en l u i -m êm e . Lech ré ti en est, à cause de cette dest inée spécia le, une création à part, que sai nt Paul no us m o n t r e « f a i t e d a m le

C h r i s t JÉSUS (l). » DIEU nous crée tout spécialement pourl'honneur de son Eils unique, et fait de chacun de nous,par le Baptême et par l 'Eucharistie, une demeure royale,un vivant palais, où son Fils trouvera une résidence dignede lui, au milieu du grand royaume de la création. JÉSUS

lui-même travaille à cette grande œuvre, ainsi que nousle déclare l 'Esprit-Saint: « J ÉS US - CH RI S T , dit-il , n o u s a i m ee t f a i t d e n o u s le r o y a u m e d e DIEU s o n P è r e (2) ». Il nousfait ch rét ien s po ur vivr e, po ur ré g n e r en no us et pourdi later pa r no us et en nous le r èg ne de son Père céleste,dont son humanité est le siège parfait.* Seigneur J É S U S , régnez donc si bien en moi, que je

vous sois un ro yaume tout paci fique, où rien ne vien necontrarier votre très-sainte domination ! Régnez surtoutes mes puissances, comme votre Père céleste régnait

ja di s sur les vô tres . Soyez le vra i Roi de mon inte lligence, et que la foi, qu i est vo tr e sp le nd eu r, y bri lle sanso m b r e ! Soyez le Roi, le Maître de toutes mes p ensées et

de tous mes jug em en t s, de m o n im ag in at io n et de mamém oi re , de tou tes les affections de m o n caïur, des mo uvements de ma volonté, de tous mes sens, de toutes mespuissances! Il y a, hélas! en moi, comme dans le monde,un germe permanent de révolte contre voire autorité:comprimez-le par la force de votre Esprit, et que mon

homme intérieur, qui est tout à vous et tout en vous,tie nne co ns ta m me nt en respect mo n vieil h o m m e , monhomme extérieur et charnel, qui opprime mon àme et nesera tout à fait détruit que par la mort.

. (i) Creati in Christo JESU. (Ad. Epbes. u. 10).

(2) Christus dilexitnos et fecit nos regnum DEO. (Apoc. i, 6.)























NOS GRANDEURS EN JE SU S. — II . M 5

pour ainsi dire les m irac le s su r leur pa ssag e. Tels fu rentpar exemple, apr ès les Apôtr es, sai nt Mar tin, s u rn o m m éle thaumatu rge des Gaules, saint Benoit, sa in t Be rnard,saint François d'Assise, saint Dominique, saint VincentFerrier, saintFrançois-Xavier, sainte Catherine de Sienne-

Saint Sulpice-Sôvère, après avoir rapporte les miraclessans no mb re de son im co mp ar ab le m aî tr e sai nt Ma rtin ,ajoute: « G est ai ns i que Mar tin, vrai dis ciple du Christ,imitait les prodiges que le Sauveur a opérés pour servirde modèle à ses Sa in ts . Il mon t ra i t en lu i- même l'o pé ration du Christ, qui sa ns cesse glorifiait son se rv it eur etaccumulait mille dons divers en un seul homme (1). »

11 en était de m êm e , prop or tion gard ée , po ur l ap lu p a rtdes prem iers ch ré ti en s. Da ns ces tem ps hér oï que s de la foi,la sainteté ch ré ti en ne éta it ali menté e par la c om munion

de chaque jou r, pa r l' ha bi tu de des veill es sac rées et desaustères pén it ences; elle éta it fortifiée par les ex em pl esdes ma rtyr s et purifiée par la p er sé cu ti on . Aussi Notre-Seigneur manifestait-i l à. to ut m o m e n t sa so uv erai ne pu is sance par des p rod iges ; et chacun se rapp el le la parolede Tertullien, déclarant aux empereurs que le premier

chrétien venu, cité devant leur tribunal, y ferait taire lesoracles des faux dieux et , pa r le seul s igne de la cro ix ,obligerait les démons à s'avouer vaincus.

JÉSUS a révélé à sa in te Hi lde garde , qu 'il en sera it demême aux temp s de l'An té ch ri st , et que les ch ré ti en sd'alors, re pr en an t la vie v ra im en t céleste d es p re mie rs

âges, feraient les œuvres divines de leurs pères.Ainsi donc le don des miracles, tout extraordinaire

qu'il est da ns l'Église, n' es t au tr e que la ma ni fe st at io nsouveraine de la toute-puisance et de la royauté du DIEU

(1) Vita S. Mari. xxiv.



1 1 6 LA PIETE ET LA VIE INTÉRIEURE

des ch ré ti en s. C'est-Jé sus, et J É S U S seul qui opère lesmiracles de ses Saints, qui fait des miracles par ses Saints;il les associe, da ns la me sure qu'i l lui plaît , et selon lalidélité de chacun, a son empire sur les h o m m e s et surles cho ses . Il est ad mir abl e en lu i -m êm e ; il est admirab leen ses Saints. O Seigneur , Seigneur J É S U S , que ne suis-jeainsi u n crista l trè s p u r qui vous laisse para ît re audehors, avec tout l 'apanage royal de votre puissance et devos vertus !

De la sainte grandeur de notre royauté eu JÉSUS.

Les.Chrétiens sont donc des Rois, des Rois célestes etspirituels, plus nobles mille fois que les Rois de ce monde,lesquels ne sont que temporels et terrestres. Notre royauté,qui est celle de JÉSUS , n'est pas de ce monde, bien qu'elleembrasse le mo nd e en ti er . C'est quel que chose de toutdivin. « Considère ta g ra ndeur, ô se rv it eu r du Christ ! Tuas été appelé h la dignité royale. Tu es fa r a c e é l u e , le royal

m e e r d o c e e t le p e u p l e s a i n t . Le mystère de la vie chrétiennen'est po int de ce monde . La gloi re des Rois d'ici-bas

.frappe tous les regards, et leurs richesses sont des choses,terrestres, corru ptibl es, c ad uq ue s, pas sag ères : notreroyauté à nous et nos trésors, ce sont des choses divines,des choses célestes et glorieuses; ce sont des biens impérissables, que rien ne d é t ru i ra ja m a i s . » Ainsi pa rl e saint

Macaire d'Egypte( 1 ) .

Que la foi est donc belle, et qu'elle(1) Pcrpende ergo nobiliLatem tuam, quodad regiam dlgnîlatcm

voeatus sis : Genuselectum,saoerdotium eLgenssancta. MysLeriumfini m christianismi perogrinum est ab hoc mundo. Gloria régisquidem conspicua, acdîvitice terrena sunL, corruptibilia, fluxaeï caduca. Regnum aulem illud, et diviliœ, s uni. res divinan, resooelestes atque gloriosa), nunquam praeteri turne, nunquam dissoi-vendœ- (Hom.xxvn.)



NOS GRANDEURS EN JES US. — II . 1 4 7

est grande ! Plus nous so mm es chrét iens, plus no ussommes Rois; plus nous vivons de la vie céleste et intérieure, plus no us en tr on s en par ti ci pa ti on de la roy au tééternelle de JÉSUS , notre Seigneur .

Le docte Év èque de Tu ll e, de qu i le Pa pe Pie IX di sa itgr ac ieu sem ent: « C'est la tra di tio n vivante avec tout e lapoésie du ciel (1), « expo sa it un jo ur, à l'occasion d 'u nebénédiction nuptiale, ce royal mystère de notre christianisme. Rappelant la parole de la Genèse : C r o i s s e z e t m u l

t i p l i e z - v o u s , e t . r e m p l i s s e z l a t e r r e , e t s o y e z - y d o m i n a t e u r s * »Mgr Bertheaud s'écriait: « Ce sont des Princes, ce sont

.des Monarques qui naîtront d'Adam innocent. Tous les filsdes hommes sont ici-bas les vicaires-nés de D I E U ; ce sontles rep résent ant s et les pa rt ic ip an ts de son au to ri té da nsses domaines; ce sont les Dieux du dehors.

« Ces époux, do nc, ce son t les mul tipl ic at io ns , de pa rDIEU, des maîtres de l'univers. Ces petits enfants qui vagissent dans leu rs lang es et qu i dé pl ient le ur s br as déli catscomme des guirlandes de roses, ces frêles et pures enveloppes, ce ne sont poin t des êt res de peu : ce so nt desSeigneurs plus grands que la terre, le soleil elles étoiles,

qui doivent leur obéir,« Oh ! qu'il est vrai que l'Église n'abaisse pas la race

humaine! Vous avez beaucoup de flatteurs, beaucoup decorrupteurs, beauc oup d'exp loite urs de l ' h u m an it é; vousn'avez plus be au co up de ses vrai s p an ég yri st es . Il n 'y aque notre vieille foi qui la place à la hau teu r qu 'i l faut.

L'Église nous montre l 'homme armé du sceptre de D I E U . »Elle no ur rit cette cr éa tu re roya le d'une royale n o u rr i

ture; elle l 'abreuve du sang même de D I E U . « Ce sang,dit saint Jean Ghrysos tome, fait in ce ss am ment refleurir

(1) E la tradizione vivente con tuttala poesia del cielo.











12¡¿ LA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

Qu'en sa sainte humanité JÉSUS est le Soleil du mondede la grâce.

Le soleil, disions-nous, est comme l' incarnation de lalumière. Au milieu du ciel de l'Église el du ciel de nosâmes , JÉSUS est le Soleil vivant qui éclaire tout. L'Écriturel'appelle à diverses reprises le Soleil de justice, le Soleillevant (1). « C'est lui, dit saint Ambroise, qui est le Soleilno uv ea u : il pé nè tre les ab îmes , il tr av er se les po rtes del'enfer ; il se fait j o u r dans les cœ u r s . Pa r son Espri t-Sain t, ce Soleil nouv ea u r a n i m e ce qu i est mort , purifiece qu i est co rrom pu , réchauffe ce qu i est sa ns v igue ur ,dévore et brû le to ut ce qu i es t vi cieux. C'est lu i, c est

lui-même dont le regard pénètre toutes nos œuvres, nonpas tant pour condamner que pour pardonner. 11 est leSoleil juste et sage, qui ne brille pas indifféremment surles bons et sur les mauvais, comme le fait le soleil de cemonde ; discernant le bien du mal, il se lève pour le saint,il se couche et disparaît pour le pécheur (2). »

Ce que le soleil est à la terre, l'humanité céleste du Seigneur Testa l 'Église. Saint Jean nous la montre commela lumière qui éclaire toute la cité de D I E U . Cette cité, quiest l 'Église, et que TApôtre vo ya it déjà t ri o m ph an te , « ría

(Ji Et orietur vobis timentibus nomen meumSol juslitias. (Malac.

îv, 2; Zach., m, 8; vi. 12.)(2) Hic est sol novus, qui claustra pénétrât, in Terna re?crat,corda rimalur. Hic novus est sol, qui Spiritu Sánelo vivificatmortua, corrupta réparât, vel qui calore suo purgal sórdida, exurit(Luida, decoquit vitiosa. Ipse, inquaiu, est qui in cuncti s actibusnqstris perspicit omnia opera nostra, et non ta m condemnat crimina, quam emendat. ïlic plane est sol Justus et sapiens, qui nonsine discrelione, sicut istius jnundi sol, bonis ac malis similitercircumfertur : sed quodam judicio veritatis, sancto lucet, occidil.peccatori. (Serm. vi, De natâli Domini iv ;Corn. a Lap., in Sap. v.)



NOS GR AN DE UR S EN JES US. — II . 1 2 3

besoin ni de la lumière du soleil ni de celle de la lune ; lasplendeur de DIET: l'illumine tout-entière, et sa lumière c'est I*Agneau (1). » L ' h u m a n i t é du divin Agn ea u est le mo yentout puissant par lequel la divinité vient à nous, par lequel la grâce se répand dans l'Église. Elle est pour tous elpour ch ac un la source de vi e, l 'objet s u p r e m e de là foi, lemotif de l 'espérance, le repos de l 'amour ; elle sera éternellement notre principe de gloire. Le Saint-Esprit ne nousarrive que par elle, comme la lumière ne nous arrive quepar le soleil.

La lum ièr e du soleil est une lumière un ive rse lle , qu ipénètre tout, qui illumine et féconde tout. Ainsi est JÉSUS :

du haut du candélabre de la croix, il éclaire toute sonÉglise (2). « Qui est la vé ri table lumiè re de to us, si cen'est le Christ de qui saint Jean a dit : « If était tavraie

lumière^ qui illumine tout homme venant en ce monde ?C'est lu i qu i éc la ir e et les yeux du corps e t les yeux del'âme. Ah ! prions- le qu 'il da igne tou jou rs rép andre ennous sa lum ièr e, et êtr e toujours avec n ous . . . La lu miè redu Christ est un j o u r qu i n' a pas de nu it , un jo u r sa nslin; il resplendit par tou t, par tou t il r a y o n n e ; nu lle pa rt

il ne connaît la dé fa ill ance . L 'Écr itu re no u s l 'atteste : ce jour, c'est le Ghrist; le Christ qui illumine et le ciel et laterre et les enfers. Le descendant de David sera comme le

jour du ciel, est- i l di t . Or, cejourduciel n 'est autre quele Ghrist. notre Seigneur (3), »

(1) Et civitas non eget sole, ncque luna ut luceant in ea : namclaritas DEI il luminavi l earn, et lucerna ejus est Agnus (Apoc.xxi, 23.)

(2) In crucelanquam in oandelabro constitula (Iucermi, Dominus)ornneni Eoclesias domum il luminât. (S. Chromatius, Aquilei.tëpisc. in Mattli. v.)

(3) Quod est verum lumen omnium, nisi Christus JÉSUS, de quoJoannes dicit: Emf verum lumen, quod illuminât omnem hominem

venientem in hune viumlum; quia ipse est qui illuminât et corporis



1 2 4 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

Il n'y a qu'un soleil dans le inonde de la nature : il n'ya qu 'u n soleil da ns le mon de de la g râ ce . J É S U S seul.J É S U S que la Vierge Immaculée, Mère de la Lumière éternelle, a ép an ch é su r no us c o m m e une so urce de vie,JÉ SU S est la Lumière unique, dit saint Augustin ; il n'y ena point d'autre ; tous ceux qui la reçoivent et qui l 'aimentsont un en elle ( 1 ) . Nulle créature, quelque éclairéequ 'e ll e soit , n est le soleil : il en est de m ê m e dans lemo nd e su rn at ur el . Les Pro phète s, les Apôtre s, les Docteurs, les Saints ne sont que les témoins, que les porteursde la Lumière. Ni Jean-Baptiste, ni Paul, ni Pierre, niaucun des Apôtres n'étaient la vraie Lumière : ils étaientdes lumières, car i ls recevaient la Lumière ( 2 ) . 11 en estde mêm e de ces g ra nd s gén ies , qu i écl air ent l 'Église dela spl end eur de leur doc tr in e; s aint Au gu st in , sa in t Gré

goire, saint Bernard, saint Thomas, saint Bonaventure,saint François de Sales étaient des lumières, de vraies etsplendides lumières; mais i ls n 'étaient point la Lumière.C'est le privilège divin, incommunicable du Christ.

Toutes les lois qu'il a da ig né ap par aî tr e à ses Sain ts,J É S U S s'est m o nt ré co m m e tout revêtu de lu m iè r e . Au

Thab or, dan s sa trans figura tion, qui n 'ét ait cependan tq u 'u n faible rayo n de la réali té céles te, « son visage, ditl 'Évangile, resplendit comme le soleil, et ses vêlements

oculos et mentis obtutum. Rogemus ergo ut semper nobis suumlumen infundal, et semper nobiscum sit. (S. Amb. inPsal, xxxva,

41.) Lux Christi, dies est bine nocte, clies sine fine : ubique splen-det, ubique radiât, ubique non déficit... Nam quia hic dies Chris-tus, cœlum. terrain, tartarumque coilustret, Scriptura Lestatur...Sernen ejus sicut clies cœli. Quis autem est dies cœli, nisi Chris-

'ius Dominus?(S. Eus. Emisa.)(1) Una est lux, et alia non est, et unum omnes qui videnl

et amant eam. (Conf. I. x; 34.)(2) S. Aug., Serai, de Jacob et Esau, 44 de diversis, v.



NOS GRANDEURS EN JÉSUS- — H. 1 2 5

devinrent blancs comme la neige (4). » Dans la vision dePathmos, qui ouvre l'Apocalypse, s ai nt Je an voit « laressemblance dit Fi/s de l'homme* Sa tête et sa chevelureétaient éclatantes comme la ne if/a ; et ses yeux brillaient comme une flamme étincelante..., et sa face avait la splendeur du soleil en plein midi (2). » Ol éclat matériel n estque le symbole de ce qu 'e st le Chri st d a n s le mond e desâmes.

Sainte Thérèse raco nt e qu e son doux Maître da ig na la

favoriser un e fois d 'u ne vision qui la dég oûta p ou r tou jours des beautés de la lumière de ce monde. J É S U S laravit en esprit : et il lui mon t r a une de ses mains ad or ables. L'éclat, la beau té, la lum ière su rn at u re ll e de cettemain de JÉSUS glorifié ne ressemblait à rien de ce qu'onvoit ici-bas, disait la Sainte; l'éclat du soleil n'est rien en

comparaison; au c un e spl en de ur terrestre n' en pe ut do nner mémo l'idée.La Sœur Marie Lataste, du Sacré-Cœur, qui fut ég al e

ment favorisée de manifestations extraordinaires, rapporte qu'adorant un jour son divin Maître présent en sonintérieur, elle l 'aperçu t au milie u d' un e lu mi èr e plu s

éclatante que toute aut re lum iè re . « Est-ce avec les ye uxdu corps ? dit -elle , est-ce avec les yeux de l 'âme? je nesais: mais je l'ai vu e, et, malgré son éc lat , j e n 'e n ai pasété éblouie ; ca r cette lu mière était en mê m e temps d'un edouceur inexprimable. De son foyer, elle se répandit surmoi; et qu an d, po ur ains i pa rler , je fus t ran sformé e en

cette lum ière, ou qu e je ne'fis p lu s qu 'u n ave c elle , to u techose disparut à me s re ga rd s ; je n aper çu s que J É S U S qui

(1; Resplcnduit faciès ejus sicul sol, el vestimenla ejus facLasurit albasicut nix. (Matth. xvn, ~£).

(2) Vidi similem Filio hominis. . . tiapul autem ejus et capillifiranl candidi lanquam nix, et oculi ejus tamquam tiamma ignis...

el faciès ejus siout sol luoet in virlutè sua. (i, 13, 14, 16.)



126 L A PIÉTÉ ET LA VIE I N T E R I E U R E

vint à moi, et me dit: « Ma fille, je suis la Lumière dumonde, et je te donne ici une idée de cette lumière que

je suis venu apporter aux h o m m e s . Ma lumière n 'éclairepas seulement les yeux du co rp s ; elle éclai re aussi l 'â me ,l 'esprit, le coeur, et celui qui Ta une lois bien regardée,n'en désire plus d 'a u t re ; elle lui suffit et ne le laisse

jamais dans les ténèbres .« D [ E U le Père est lumière, D I E U le Fils est lumière ,

D IE U le Saint-Esprit est lumière : je suis comme le centre

de cette triple lumière, et par moi ces trois lumières n'enfont qu'une. Voila pourquoi je suis appelé la splendeurde la lumière éternelle, l 'éclat d • la gloire éternelle.

<« Je ne suis pas seulement la splendeur de la lumièreéternelle, l 'éclat de la lumière éternelle, dans la div in i té ;

j e le suis aussi daus l 'humanité. J'ai réuni toute la lumière

divine dans le corps et rame que j 'ai pr is en mon incarnat ion. Le ciel l 'apercevait telle qu'il l 'aperçoit dans lesein de mo n Père ; mais la terre avait les yeux trop voilés pour l'apercevoir. Trois de mes disciples l 'ont aperçue,comme tu l 'aperçois en ce moment; mais , pour cela , j 'aidû les séparer de la ter re , comme je t 'en ai séparée à cette

heure. Gomme loi, ils ne voyaient plus que ma personneet ma lumière (1). »Adorons avec une foi profonde J É S U S , Lumière do

l 'éternité, devenu Lumière du temps; J i ïsus, Lumière desSéraphins , des Chérubins et des Anges, devenu Lumièredes h o m m e s ! Adorons-le sous les voiles du Sacrement

qui le fixe et le répand sur la terre. Adorons-le en notreintérieur qu' il i l lumine des clartés éternelles, dont il faitun ciel terrestre et c o m m e un vivant flambeau. Enfin,adorons-le dans la foi pure et lumineuse de la sainto

(l) La ow et les œ ivres de Mcuie Lataste, tom. I, cliap. m.







NOS GR AN DE UR S EN JE SU S. — II . 129

(i) Mémoires.

. (2) De bono mortis, ix. Accedite ad eum et il luminamini . (PsaLXXXIM, 6.)

(3) In omnibus divi tes facti estis in Hlo (Ghrisfco Jssu), in omniscieutia. (I ad Cor.» i, 5.)

XIY 9

par la parole ar ti cu lé e (1). » Et de m ê m e q u e plus u npays est exposé aux rayons et aux ardeurs du soleil, plusil est inond é de ses s p le n d eu r s ; de m ê m e , au té mo ignage de saint Ambroise, plus un fidèle se tient intérieurement près du Christ, uni au Christ, Lumière de vie,plus il reçoit efficacement et i m m é d i a te m e n t les sp lendeurs de la lu miè re éterne lle . Approchons-nom donc deJÉSUS, afin d'être tout lumineux: demeurons- lu i p le inementunis; que sa présence céleste, que son union nous rende

meilleurs; qu'elle colore de ses célestes nuances, tout ledétail de notre vie, et que ce divin compagnon forme ettransforme nos âmes (Й ) ! Plus un chrétien est intér ieur ,est enfant de lumi èr e et lu mi èr e dans le Seigneur* plu saussi il devient, eu J É S U S , ric he da ns la co nn ai ss an ce detoutes les choses divines (3).

Mon ame doit donc êt re comme u ne lamp e de crys taloù serait un e lumiè re . La lu miè re , c'est lui , c'est JÉSUS ;

mon âme doit être-le verre transparent. J ai à laisser luireJÉSUS, et tout mon soin doit être de me conserver parfaitement pu r, san s mé la nge de moi ni du deho rs , etd'être appliqué da ns tout mon ê tre à la lumière , afin de

la recevoir pleinement et de la laisser passer. Le Sauveurle recomm andait u n jo u r à un e sainte Religieuse ; « Tune t'occuperas qu 'à ê tre le crys tal au tour de J É S U S , luidisait-il, le crystal très pur, livré dans tout son être à lalumière; ta vo ca tion est de la recevo ir et de la réfléchir .Tu seras mon voile de crys ta l, mon vo ile t r ansparen t .

L'hostie de l'autel ne disparait-elle pas dans sa substance.




pour ne laisser que ses apparences? Et on le croit. Moi,la Lumière et la Vie, je veux faire cela clans une créature humaine, dans une créature pécheresse; et tu escette créature. » En un sens, nous le sommes tous.

C'est là un grand mystère, dit saint Macaire d'Alexand r i e ; c'est le mystère de iïime qui reçoit les embrasse-monts de son Seigneur et qui devient le trône de sa gloire.En effet, lame en laquelle le Saint-Esprit daigne se préparer une demeure et un lieu de repos, l 'âme qu'il a jugé

digne de bril ler de la beau té in énarr ab le de sa gloire,devient tout lumière, tout visage, tout yeux, comme lesCh érub ins de la vision d 'Ézéchiel . En elle, plus de ténèbres ; tout y est lumière ; tou t y est espr it , sous l'ineffablerayonnement de la gloire lumineuse du Christ, qui descend et réside en elle.

« Et de môme que le soleil , de quelq ue côté qu 'o n lere ga rd e, brille tout ent ie r et en m êm e te mps de tou te salumière et qu'il est tout lumière, sans ombre, sans défaillance ; de môme lïime, pleinement éclairée par l'ineffable beauté de la face du Christ, pleinement possédéepar TEsprit-Saint, et jugée digne d'être la demeure et le

repos du Seigneur, devient tout lumière, tout visage, toutgloi re, tout esp ri t ; et c'est le Chri st qui la pr ép ar e a tou tcela, la portant lui-même, l 'entraînant, laconduisant, opérant en elle, l 'ornant et la parant d'une beauté toute spiritue lle . Car c'est lu i-même qui se porte en elle et luimontre la voie qu'elle doit suivre (l). »

(l)Videbal enini myslerium anima?, quœ Doininum suum am-plexura, et thronus gloria* i'utura erat. Anima siquidem, qua) deSpiritus Sancti, prajparantis illam sibi in sedem et habitalionem,participare lumine digna judicata, et pulchritudino inenarrabilis 'gloriœ ejus illustrata est, Lola lit 1 union, to ta faciès ol tola oculus...Nulla ejus pars lenebris ofïusa, sed Iota lumen etSpiritus effecta...descendent super illam et inea insidenle ineflabili pulchriludine






Que nous sommes enfants de lumière, non-seulement pour nous-

mêmes, mais encore pour les autres.

lin même temps que Notre-Seigneur se proclame lui-mê me « la Lu mi ère du mo n de , » il dé clar e à ses Apôtreset à ses disciples qu 'i ls le s on t auss i (1); il leur di t deuxfois de suite : « Vous êtes la Lumière du monde ; c'est vous,

mes envoyés, mes membres ; vous, en qui je vis et en qui je veux r ay onn er ; vo us , et no n point les au tr es ho mm es .Vous, mes apôtres et mes ministres, vous êtes officiellement la lumière du monde que doit éclairer votre paroleinfai ll ib le ; vous , simpl es fidèles, vo us êtes la lumiè re dumonde et vous devez l'éclairer, non par un ministère que

vous n'avez point, mais par les saints exemples d'une vietout évangélique.

Notre-Seigneur est la lumière unique et souveraine àlaquelle vi en ne nt s ' al lu me r tou tes les lu mi èr es . SansJÉSUS-GHRIST, sans le bap tê me et la foi a rd en te , l 'hommeest co mm e un e la mpe n o n a l lumée (2) ; tout est pr ès pour

le feu et la lu miè re : la l am pe , l'hu ile, la mèche ; maisle feu man qu e , et la lampe n' éc la ir e p oin t. C'est l'Églisequ i, nous ap pro ch an t du Ch ris t, nous u n is sa n t à lui,nous allume à la lumière divine et nous fait devenirlumi ère d ans le Se ig ne ur ; pu is da ns ce m ê m e Seigneur,elle nou s fait deve ni r la lu mi èr e du m on de . « De même

que J ÉS US est appelé lumière, de même nous aussi, nous

(1) Vos estis lux mundi. (Matth. v, IL)

(2) Christian] ab una natura accenduntur et lucent, ignis nimi-rum divini, Filii D E Í . . . Nisi accendatur lucerna in eis a lucernadivina, nihil sunt. (S. Mac.,hom. XLiir.)

























1 4 4 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

démon et qui les pousse à combattre le Christ et les serviteurs du Christ. Mêlés ici-bas avec les enfants de ténèbres, nous devons nous tenir fortement en garde contreleur influence : « Ne participez jamais, nous dit saint"Paul, aux œuvres stériles des ténèbres ; vous devez, au contraire, les repousser (1). Le monde est rempli de cesœuvre s de mort ; elles en ta ssen t r ui ne su r r u i n e ; ellesperdent les âmes; au dedans de nous, elles souillent lestraces lumineuses de notre baptême; au dehors, ellesobscurcissent et détruisent tant qu'elles peuvent la lumièreque le Fils de D I E U répand par son Église au milieu del'empire des ténèbres. Ces œuvres mènent droit à l 'enfer,comme les œuvres de l'Église mènent droit au Paradis.Les enfants de ténèbres déshonorent et perdent le mondeen se pe rdan t eux -m êm es ; les enf an ts de lu miè re glo

rifient et sauv en t le monde, en opéran t leur propresalut .

Donc, rejetons én e rg iq u em en t les œ u v re s de ténèbres,et revêtons -nous des a rm es de la lumière ! En vrais enfants du jour, menons une vie pure; évitons les excès dela table, Timm or ti fica tion , la mollesse , le vice sous toutes

ses formes; évitons les disputes, la jalousie, la colère;évitons les moindres fautes; mais revêtons-nous du Seig n e u r JÉSUS-CHRIST , et réprimant toutes nos convoitises,faisons peu de cas de notre corps ( 2 ) .

Avec saint Aug us ti n , « su ivon s la Lu miè re vé rit ab le , etne marchons pas dans les ténèbres. Les ténèbres qu'il

(1) Nolite communicare operibus infructuosis tenebrarum, magisautem redarguite. (Ad Eph., v, li.)

(2) Abjiciainus ergo opéra tenebrarum,.et induamur arma lucis.Sicut in die honeste ambulemus, non in cubilibus, et împudicitiis,non in contentione et œmulat ione :sed induimini Dominum JESUM 'CHRISTUM, et carnis curam ne feceritis in desideriis. (Ad Kom.xm,12, i3, 14.)



NOS GRANDEURS EN JÉS US. — II . 1 4 5

Que la très - sa inte Euchar i s t i e est le P a i n d e s e nfant s d e l u m i è r e .

Dans le Ba pt êm e, Notr e- Se ig neu r se fait la lu mière e tla vie de nos âm es ; dans l 'E uc ha ri st ie , il en tr et ie nt cet telumière et cette vie. L'Eucharistie étant J É S U S , est par làmême la Lumière du monde ; c'est la lumière de l'éternité, descendue et in ca rn ée su r la te rr e, d e m e u r a n t icibas avec no us sous les voiles sa c ra m entel s. Qu and , àl'autel, je tiens dans m es mai ns l'Hostie co nsa cr ée, j e

(1) De vera inocc. u c c x u n .(2)'Inter oper. S. Aug., de speculo.

XIV 10

faut craindre, ce sont les ténèbres de l'esprit, et nonpoint celles des yeux; du moins, des yeux du corps.Craignons les ténè br es des ye ux du cœur , de ces yeuxintérieurs qui nous fon t di scerne r, non le b la nc du no ir ,mais le vrai du faux, le juste de l'injuste, le bien du mal(l)«

Soyez-moi propice, ô miséricordieux J É S U S ? et ne m elaissez pas choir dans ces té nèbre s du péché et de l'e nferqui engloutissent tant de pauvres âmes! Eclairez, Seigneur, les yeux de mon cœur misérable; car ils sont voi

lés; car ils son t av eu gl és pa r les o mbre s épais ses del'ignorance et du péché. Eclairez-les, remplissez-les de lalumière de votre grâce, afin qu'avec le regard pur de lafoi, je puisse contempler toujours les mystères de votrerègne. Je supp lie le Pè re par le F i l s ; j e su pp li e le Fils p a rle Père; par le Père et par le Fi ls , j e supp li e le Sa in t -

Esprit^) ; et j ' es pè re d e l à mis éricor de divin e le don d' un efoi parfaite, d'u ne lu mi ère in té ri eu re t rès pu re , d ' u n eobéissance totale à J É S U S et à son Église, enfin la grâcede la lumière ét erne ll e da ns les cieux .









NOS GR AN DE UR S EN JES US. II . 149

Tout ce qu'il y a de lumière dans l'atmosphère del'Eglise, vient donc d'un Soleil unique, qui est J É S U S auciel : toul ce qu'il y a de lumière, de vérité, de vie dansl'ense ignement de no s Évè que s, da ns la parole sac erdotale, dan s les dir ec tio ns spiritu elles q u i éclai re nt nospas, dans les bons livres qui nourrissent notre piété,dans les in sp ira tion s saintes que no us rec evon s da ns l 'oraison ; tout cela vient de J É S U S , vient de l 'Esprit de J É S U S

répandu dans l'Église. Mais afin de prévenir les illusionsde celui qu i se tr ansf orm e si souven t en A nge de l umiè repour tromper les hommes, Notre-Seigneur, Soleil de lapure lumière, a placé au centre et au faîte de son Église,un ga rdi en inco rru pti bl e de la vra ie do ct ri ne , un ce nt relumineux, un phare qui éclaire tout, qui éprouve toutesles do ct rine s, et à la lum iè re d uquel il faut q ue se

subordon nent et se ma ri en t toutes les au tr es lu mi èr es .Ge pha re , ce cen tr e , c'est la ch a ir e de sai nt Pi er re , c' es tle Pontife r o m a i n . Il est le g ra nd réflec teur de la lu m iè redu Christ dans l'Église universelle ; il est le centre d'unitéet de lu mi èr e de toutes les vé rit és don t vi t la sa in teÉglise.

Saint Gyprien, expliquant l 'oracle évangélique quirésume si merveilleusement le mystère de la Papauté (1),nous fait co m pren dre ce rôle du Pape dan s l'Église pa rdes comparaisons pleines de justesse. « Le soleil, dit-il, abeaucoup " de rayons, mais sa lumière est une ; lesbranches d'u n ar br e son t no mb re us es , ma is elles t ir en t

leur vigueur d'un tronc et d'une racine uniques ; l 'eauqui jaill it d 'u ne source se divise en be au co up de ru i sseaux, mais la source est une : ainsi l 'Église du Seigneur,projetant dans le monde entier les rayons de la lumière

(i) Sacramentum Pontificii. (S. Leo.)




dont elle est inondée, a une lumière unique, qui se répandde toutes parts sans léser l 'unité du corps ; surabondantd é v i e , elle étend ses r a m e a u x su r tou t l ' uni ve rs ; et sesea ux couv rent et fécond en t la te rre ; et n éanm oin s toutprovient d'un chef unique et d'une source unique. Pourrendre manifeste l'unité de son Église, le Christ a instituéune chaire unique et a voulu, par son autorité, que tout,vint d'un seul. La p r im au té est donné à Pie rre , afin demontrera tous qu'il n'y a qu'une seule Église du Christ

et, dans cette Église, qu'une chaire unique (1). »C'est en ver tu de ce p rivi lège souvera in qu e le Papeense igne le mond e et lu i t ransmet la lumiè re de Jiisus*CHRIST. Toute société, tout e Égl ise par ti cu li èr e, toute âmequi repousse l'enseignement du Saint-Siège, se condam ne par- là m ê m e au x tén èbres de Te rr eu r ; selon le

même saint Cyprien, «c'est un rayon éteint; c 'est unrameau sans sève et sa ns vie ; c'es t u n ruisseau desséché (2). » Dans u n siècle co m m e le nôtre , où toutes lesvérit és sont ni ées et at ta qué es , où l'on j u g e tou t, où chacun croit tout savo ir , qu 'i l y a donc de pauvres intelli-.gences éteintes, mort es et de ss éc hé es ! Qu'il y e n a de.

mourantes et d' infirmes ! Le remède est dans l'obéissance,

(1) Quomodo solis multi radii, sed lumen unum ; et rami arborismulti, sed robur unum tenaci radiée fundatum ; et oum de fonteuno rivi plurimi detluunt... unitas tamen servalur in origine.,.Sic et Ecclesia Domini luce per/'usa per orbem totum radios suosporrigit ; unum tamen lumen est, quod ubique diflunditur, necunitas corporis separatur. Ramos su.os in universam terrain copia

ubertatis extendit, profluentes largiter rivos latius expandit ;unum tamen caput es t et origo una... Ut unitatem manifestarel,unam cathedram constitnit (Christus), unitatis ejusdem originemab uno incipientem sua auctoritate disposuit.!. Primatus Pelrodalur, ut una Christi Ecolcsis et cathedra una monstretur. (Deunitate EcclesiîE, V, JV.)

(2) Avelie radium soli s a corpore, divisionem lucis unitas noncapit; ab arbore'frange ramum, fractus germinarc non poterit; afonte prœcide rivum, preecisus arescit. (Ibid).







V

EN JÉSUS, NOUS DEVENONS DES JUSTES

En quel sens Notre-Seigneur est la Justice même et le Justepar excellence.

Envisagée sous son aspect le plus large, la justice estcette vertu suprêm e qu i fait r end re à chacu n ce qu i luiest dû, en toutes choses et tou jours. C'est une ve rtu di vi neque le Sai nt- Esp ri t pu is e dans le se in du Père pour ladéposer to ta leme nt en Jé su s, qu i la rép an d su r tou tes lescréatures comme une huile pacifique et bienfaisante.

Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T peut être contemplé

d'abord comme D I E U , puis comme Médiateur ou Homme-.DIEU, puis enfin com m e h o m m e . Con templé e n sa div inité, il est la justice même de D I E U , la Justice éternelle etinfinie, qu i, av ec le Père dans l'Esprit -Sa in t, donne,, d i s pose, coordonn e tou tes choses da ns le ro yaume de D I E U .

Contemplé comme Christ, comme Homme-DiEU, il est le

Médiateur de ju st ic e pour toute c ré at ure . Contemplé ensa sainte humanité, J É S U S est tout à la lois le premier desJustes et le ré para teur de la ju st ic e violée par l ' h o m m epécheur. Et ainsi, en J É S U S homme, par J É S U S H o m m e -DIEU, de J É S U S - D I E U , nous recevons l ' ineffable justice deDIEU, qui fait de nous des Justes.

Le Juste, dit admirablement saint Augustin, c'est celui




qu i j u g e et t raite tou tes choses à leur jus te v a leu r ; et quirègle toutes ses affections selon la vérité: il n'aime pasce qu i ne doit pas èl re a i m é ; il ne m e t pas au pr em ie rr a n g ce qui ne do it êt re qu'a u se co nd; il ne met pas surla m ê m e ligne ce qu i, d an s son cœ ur , doi t être placé ouplus haut ou plus bas , et, ce qui doi t êl re mis su r lam ême lign e, il ne le pl ac e ni plus bas ni plus hau t (1).Telle est l'idée de la jus t ice p ar fa it e; tel est le sens d e l àparole du Fils de D I E U à saint Jean-Baptiste, son précur

seu r fidèle et sa c ré a tu re , lor squ 'il lui d i sa i t : Laisse -moim 'h umil ie r de vant toi; ca r c'est ainsi qu'il nous fautaccom plir toute ju sti ce ( 2 ) . 11 est v ra i , j e suis to n Seigneur et ton DIEU , et c'est à toi de t' abaisser d ev an t m o i ;mais, ch argé de tou& les pé ch és du m o n d e , je m e présente à toi, non comme Maître, mais comme pénitent

un iv er se l; en cette qua lit é, l ' hu mi li at io n m'e st due , ettoi, pour être dans la justice et dans la vérité, tu dois melaisser m'abaisser; tu dois me traiter comme on traite unpécheur .

Le prem ier élé me nt d e l à jus tic e consis te à c on na îtr eparfaitemen t la vé rit é su r toutes cho ses ; le seco nd , à

aimer et à agir dans une parfaite conformité à cette connaissance.-Ce F o n t là les deux éléments dont se composece ba um e divin qu e l'on appe lle la ju st ic e ; qu i est leSaint-Esprit même et qui repose éternellement, dans le

(1) Ule juste et sancte vivit, qui rerum integer êstimator est.Ipse est au te m qui ordinatam dilectionem fcabet, ne aut diligatquod non est diligendum, aut amplius diligat quod minus est diligendum, aut œque diligat quod vel minus vel amplius diligendumest, aut minus vel amplius quod te que diligendum est. (De doctr.Christ. 1. J, c. xxvn.) Usee est perfecta justitia, qua potius potiora,et minus minora diligimus. (Ici. de Vera r^lig., c. XLVIII.)

(2) Sine modo: sic enim decet nos omnem implere justitiam.(Matth. m. 15.)




(1) Nubes pluant Justum. (XLV, 8.) Advocafum habemus apudVatrem, JESUM CHRISTUM Justum. (I Joan. n.)

(2) Veritas de terra orta est, et justitia de ccolo prospexit. (Psal.LXXXIV, J2.)

(3) Ubi justit ia, ibi Christus; quia justitia Christus est. (Ep. viaad Vercei lens. Eccles.)

sein du P è r e ; qui a été versé t ou t en tier da ns l' hu ma nité sainte du Christ, notre Seigneur.

A cause de cela , JÉSUS-CHRIST est le Juste par excellence,oil, pourmieux dire, il est la Justice incarnée. La sciencede DIEU l 'éclairé dans toute sa plénitude et lui fait connaître, sans au c u n e om br e, d' ab ord tou t ce qu'e st D I E U ettout ce que D I E U mérite ; puis, tout ce qu'il est lui-mêmeen sa sainte Incarn at ion et tout ce qui lui est du co mm eHomme-DiEu; puis, tout ce qu'il est et tout ce qui lui

est dû comme Rédempteur et comme Victime ; enfin,' tout'ce que sont les Anges et les hommes, et chaque créature,en particulier; et sa volonté, absolument réglée par lalumière divine, ne sort en rien de la vérité, rendant àchacun ce qu i lui est dû, ab so lu men t, pa rfa it em en t,amoureusement . J É S U S est « le Just e» , ainsi qu e l 'ap pel len t

le Prophète Isaïe et l'Apôtre saint Jean (1). II est « laVérité sortie de la terre, et la Justice descendue du ciel (2) » ;sortie de la terre, c'est-à-dire, du sein virginal de M A R I E ;

descendue du ciel, c'est-à-dire du sein de son Père céleste.« Là où es t la ju st ic e , dit sa in t Amb ro ise, là est lo

Christ, parce que la Justice, c'est le Christ lui-même ( 3 ) . »

Là où est la vérité, là aussi est J É S U S , parce que J É S U Sest la Vérité. La justice, c'est la vérité à l 'état pratique;c'est la pratique parfaite de la très sainte vérité. Aussi,comme le remarque saint Thomas, la justice est souvent.appelée vé ri té , pa rce qu' elle est la rect itud e im pr im ée à



1 5 6 LA PI ÉTÉ ET LA VI E IN TÉ RI EU RE

la volonté par la rectitude de la raison ( I ) . La rectitudede la raison, c'est la vé rit é. La just ice est do nc unevolonté droite au service d'une droite raison; c'est la

volonté, c'est la liberté, c'est l'amour, au service de lavérité. On est d'autant plus juste qu'on se rapprochedavantage de cet idéal, lequel est JÉSUS-GHRTST . Parmi lescréatures humaines, la Sainte-Vierge seule a été absolument, pleinement juste, tout entière et toujours dans lavérit é, c'est-à-dire en J É S U S . Les Anges sont également

deme urés tou jou rs dans la fidélité et dans la j u s t i c e ; ilsont toujours vécu, ils vivent, ils vivront toujours en JÉSUS-

CHRIST ; mai s les plus saints d' en tr e eux n' on t participéà cette vie divi ne que da ns un deg ré bi en in fér ieu r à latrès sainte M A R I E .

Et qu'on ne s'imagine pas que la miséricorde soit

opposée à la ju st ic e : loin d 'e xc lu re la mi sé rico rde, la justice parfaite l'appelle et la suppose. D I E U le Père estdans la vérité quand il fait miséricorde aux pécheurs,parce que JÉSUS leur a mérité cette miséricorde, cettemiséricorde infinie. En JÉSUS, « la miséricorde et la vérité ne sont donné rendez-vous ; la justice et le pardon se sont

embrassés (2). » En dehors de J É S U S et de sa rédemption,oui la justice exc lut la mis ér ic or de ; qu e mérite, en effet,le pécheur, sinon la punition? Mais en J É S U S , mais recouvert et pénétré du sang rédempteur du Fils de D I E U , lepécheur repentant mérite la miséricorde, et il l'obtientde D I E U , non seulement à titre d'amour, mais encore à

titre de justice: cuique suum: à ch acun ce qui lui appar-

(1) Juslitia quandoque vocatur veritas, quia est rectitude impressa voluntati a rectitudinerationis, quae dioitur veritas, (2a2©,LVirr, 4, l m . )

(2) Misericordiaet veritas obviaverunt sibi, justitia etpax oscu-latse sunt. (Psal. LXXXIV, 11.)



NOS GRA NDE URS E N JÉS US- — II . 157

tient; au pé cheur racheté par le Chris t, le pa rdon est dû ,ainsi que le ciel. I3t ai nsi, dit sa in t Ambro ise, « la jus t iceest misér icordieuse , et la misé ri co rde est jus te (1). »

La justice est une vet ru royale , fami liè re au Roi J É S U S ,

Époux de l'Église; elle lui est très intime et très chère.Elle est la somme de toutes les ve r tu s ; ch aque ver tu estune partie, une forme spéciale de la justice : toute vertu,en effet, tend à réal iser ce qui est équit able , ce qui es t

juste, ce qui est digne (2). La justice se confond ainsi avec

lasainLeté;J É S U S

est le Juste, parce qu'il est le Saint dessaints. « Vous êtes juste, 6 Seigneur, lui disent les Anges;vous, le Saint, gui êtes et qui étiez (3). »

De même qu 'i l est le Sain t des sa in ts , le Sai nt qu i fai tles saints, de môme il est le Ju st e des ju s te s , le J us te quifait les justes. « Vous êtes, disait saint Paul aux Corin

thiens, vous êtes dans le Christ J É S U S , qui nous a été donné de DIEU pour être et noire Justice, et notre Sanctification et notre Rédemption (4). » Sachez donc, ô mes enfants,ajoutait le disciple bien-aimé, « sachez que tout juste est né de JÉSUS. ., Comme il vous l'a recommandé, demeurez enlui. Quiconque dit qu'il demeure en J É S U S - C H R I S T , doit vivre

comme a vécu J É S U S (5;. »(1)Liquet ergo justitiam esse misericordiam, et misericordiam

essejustitiam. (De obitu Theodosii.*)(2) Est justitia, regia virtus, ideoque Régi Christo, Sponso

EcclesitB est famiiiaris, intima et perchara, ail Origenes. . . Gene-ratim accipi potest pro complexionc virtutum, et sic qua>libel.virtus est pars, vel species justitise; omnis enim virtus spectat id

quod ajquum, justum et dignum est fieri. (Corn, a Lap. in Sap. I, i.)(3) Justus es , Domine, qui es et qui eras, sanctus. lApoc. xvi, 5.)(4) Vos estis in Christo JBSU, qui factus est nobis a Deo justitia,

etsanctificatio, et redeniptio. (I ad Cor. i, 30.)(5)Seitote quoniam et omnis qui lac it justit iam, ex ipso natus

est... Et sicut docuit vos, manele in eo... Qui dicit se in ipso ma-nere, debet, sicut ille ainbulavit, et ipse ambulare. (I Joan, u, 29,28, 6.)




Donc, J É S U S es t le Ju st e ; sa vie, pes pen sé es , ses exemples»ses conseils sont la justice; et celui-là seul est juste quivit selon JÙSUS-CIIRIST et en J É S U S - C H R I S T .

Comment, en JÉSUS-CHRIST, nous pratiquons la justiceà Tégard de DIEU.

En sa qualité de souverain Juste, Notre-Seigneur durant

sa vie mortelle, a rendu à DIEU son Père, d 'u ne manière,absolument parfaite, tout ce qui était dû à sa majestéintime, à sa sainteté, à sa bouté, et à toutes ses autres perfections. Il a véritablement « accompli toute ju s ti ce » vis-à-vis de son Père.

Dans un traité précédent ( 1 ) , nous avons déjà taché de

do nner une idée de cette reli gio n parfaite du Christ àl'égard de la majesté divine, et nous avons vu commentla vie tout entière de J É S U S était un sacrifice permanentet infin iment parfai t d' ad orat ion, d'a cti ons de gr âc es , depri ères , d'exp iation, d 'a né an ti ss em en t, de zèle, de puramour, de dévouement à la gloire de D I E U . Le Père célesteétait le tout de la sainte humanité de J É S U S ; J É S U S nevivait que pour lui, se donnait tout à lui, en toutes choseset toujo urs ; et ainsi il d e m e u ra i t ple in em en t et totalement dans la vérité par rapport à son Père. Il élait danstoute l'acception du mot le Juste de D I E U , non moins quele Saint de D I E U .

J É S U S est en nous po ur n ou s faire p ra t iq uer le moinsimp arfai teme nt possible cette so uv er ai ne ju st ic e . Toute lareligion chrétienne, toute l'économie de l'Église n'a pointd'autre but: faire rendre à D I E U ce qui appartient à DIEU,

(i) Nos grandeurs en JÉSUS. l r e partie, chap. vu, art. 3.






ri st ie ; rindifTôrent qui se co nt en te de l'h onnê te té humai ne et de l 'a cco mplis sem ent de quel qu es vag ue s pratiques religieuses ; le chrétien tiède qui met ses aises, sesintérêts, sa carrière, ses affaires temporelles, le soin desa famille ou de sa santé ou même de ses plaisirs avant leservice et l 'amour de J É S U S - C H R I S T : sans s'en rendrebien compte, il se met a u p rem ier r a n g , et relègue ausecond son Seigneur et son D I E U . Qui ne voiL là une in

justice criante ?

Plus on est sai nt et to ta le men t dévoué au se rvice, à lagloire et à l 'amour de J É S U S , plus la sainte Eucharistietient de place dans la vie, plus aussi on est dans l'ordre,dans la justice et dans la vérité.

0 Sauveur, accordez-moi de le bien comprendre et,plus encore, de le bien pratiquer !

De la triple forme de notre justice envers DIEU.

JÉSUS-CHRIST , notre Seigneur : telle doit êt re la pre---mière et souveraine occupation de notre intelligence, le

pr em ie r et souv erain objet, de tou tes nos pu iss an ces, del'activité de notre vie entière. « La grande affaire de la vie,me disait un j o u r un ho m m e d'E ta t désab usé, c'est demettre Notre-Seigneur JÉSUS- CHRIST H sa place, c'est-à-direà la première. »

Pour être justes à l'égard de DIEU et de son Christ, ih

faut d'abord que no us me tt io ns à la tête de toutes nosétudes la science de t la foi, la connaissance, et par conséquent la méditation habituelle du mystère de JÉSUS-CHRIST,

qui résume toute la Religion. Connaître J É S U S , méditeret contempler J É S U S , croître dans la science de JÉSUS,

penser incessamment à J É S U S , voilà le p rem ier acte de



NOS GRANDEURS EN JÉSUS. — il- 161

i

justice que réc lame de nous l'adorable Maît re . ïl nou sdonne notre in te lli gence, avan t tout po ur le c on na ît re ,pour penser à lui.

La foi qui est la connaissance de D I E U en J É S U S - C I I R I S T ,doit donc toujours et en toutes circonstances dominer etdiriger notre raison : elle ne la détruit pas ; elle la conduitet l'épure. « Le juste vit de ta foi (1), » dit saint Paul, et un•Prophète avait dit auparavant : « Le juste vivra, dans sa foi (2) ; » il n' en sor ti ra po in t ; il met t ra toujour s sa foi en

tête de sa vie.Ainsi, la première justice que nous devons H notre souverain Soigneur, c'est de lui donner le plus possible, ouplutôt lui rendre l'hommage total de notre esprit, c'est-à-dire de notre in te ll igence , de no s pensées, de no tr e j u g e ment, de notre mémoire, de notre imagination. Tout cela

esta lui et lui doit revenir, sous peine d'injustice.Le second acte de ju st ic e, dù à Noire-Seigneur, c'est

l'hommage de notr e cœ u r . 11 nous dé clare lu i- mêmedans l'Évangile q ue l' ai mer de tout no t re c œur, de tou tesnos forces et de toute n o t re àme, lu i , Noire-Se ig ne ur etnotre DIEU , c'est accomp lir le plus grand co m ma nd em en t

de la Loi (3). JÉSUS doit et veut tenir la première placedans notre coeur, comme il doit et veut tenir la premièreplace dans notre esprit ; c'est le même droit ; c'est la mômeloi de jus tice rigo ureu se - Il nous a donné la pu iss anced'aimer, avant tout pour que nous l'aimions. Notre cœuresta lui : nous n'avons pas le droit d'en faire ce que nous

voulons; il nous faut absolument aimer le bon D I E U , c'est-

(ij Juslus auLeir. ex lide vivit. 'Ad. Rom. i, 17.)(2) Justusinlide suavivet. (Habao. u, 4.)(3) Di liges Dominus DEUM tu uni ex toto corde tuo, et in tota

aairaa tua, et in tota mente tua. Hoc est maximum mandatum.iHaltb. xxn, 37.)

XIV I I



162 LA. PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

à-dire JÉSUS , d'un amour souverain, d'un amour total; etcela, parce qui! le mérite.

Cet amour doit être A la fois très profondément respectueux et très tendrement confiant. Il doit être respectueux,parce que JÉSUS est le Seigneur, et qu'on n'est point dansla vérité quand on se permet de le traiter sans façon etsans gène. Il y a des chrétiens qui traitent Notrc-Seigneur,soit dans la prière soit au Saint-Sacrement, avec uneétrange désinvolture : ils sont avec lui « comme compère

et compagnon, » disait un jour le sa inl cu ré d 'Ars. C'estlà une injustice : J ÉS US - CH RI S T a un droit strict à notrerespect le plus religi eu x, le pl us ab so lu .

Mais il a un dro it égal à no tre am o u r Te plu s confiant etle plus tendre, parce qu'il est J É S U S , l'infini Amour. C'estdonc manquer à ce qu'on lui doit, c'est manquer à la jus

tice que de n'avoir pas confiance en sa miséricorde quandon a p éch é ; de ne pas espé rer f er mem en t le bo nh eu r duParadis, que sa bonté nous promet et que sa grâce nousprépa re ; de s 'éloigner de la sai nte c o m m u n i o n , soit parnégligence et laisser aller, soit par cette peur jansénistequi tue l' am ou r et qui des sèche le cœur. « En pratiquant

la ju st ice, dit sa in t August in , il ne faut pas êtr e commeun esclave, mais comme un enfant; l 'amour doit dominerla crainte (1). »

Donc, ai mo ns JÉSUS , aimons-le de toutes les puissancesde notre cœur. C'est remplir à son égard un devoir impérieux de justice ; c'est lui rendre ce qui est à lui.

- Enfin, le troi sièm e acte de just ice qu 'il a t tend de nous,c'est que nous le servions de toutes nos forces, du matinau soir, du soir au matin, depuis le commencement de

'(i) Ju titiai non servi)iter, sed liboraliter servienrium est, id est,charitate polius quam timoré. (Quasstio 6G.)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — I I . 1 6 3

notre vie ju sq u' à no tre dern ier sou pir , en qu elque positionque nous puissions nous tr ou ve r. Le serv ice d e D I E U doitprimer tous les au tr es devoi rs de la vie d' un h o m m e ;c'est son premier honneur, parce que c'est son premier

devoir. L'h onnê te h o m m e selon le m on de , qu i omet leservice de DIEU et la pratique de sa loi, est un être décapité, un être inutile, hors de sa voie, hors de son devoir.A proprement pa rler, i l n ' y a d' ho mm e ho nn êt e, da nstoute l'acception d u mo t, que le ch ré t i e n ; l ' ho nn êtehomme du monde se contente de rendre aux hommes cequ'il doit aux hommes ; qu'il ait ou non conscience de soninjustice, il ne rend pas à D I E U ce qui est à D I E U : Fado-ration, l'amour, la fidélité pratique. Il est injuste au premier chef.

L'Écriture nous commande « de servir D I E U seul ( 1 ) . »

Gela veut dire que seul D IE U a droi t à no tre se rvice totalet sans réserv e, com me il a dro it à no tr e am o u r total etabsolu. La ju s ti ce , di t sa in t Augus t in , es t une belle ordonnance de toutes nos pu is sa nc es qu i nous fait se rv irDIEU, et DIEU seul (2).

Elle nous le fait servir en tout, non seulement dans les

grandes choses, ma is j u s q u e d ans les plus pet ites. Se rv irDIEU, c'est ré gner . Tout doit êt re royal da ns la vie d'unchrétien : chacune de nos pensées, ch acune de n os paroles, chacune de nos œuvres doit être comme couronnéepar le service de J É S U S . A ce point de vue divin rien n'estpetit dans notre vie. « Ce qui est petit est petit, dit encore

saint Augus tin ; mais êt re fidèle dans les pet it es ch oses,c'est grand. La pet itesse d 'un acte jus te ne d i m i n u e en

(i)Dominum DEUM tuum adorabis, et illi soii servies. (Matth. îv, 10.)

(2) Justilia est ordinatio animse, que nulli servit nisi uni OÊO.(Music. I. VI. c, xv.)




rien la grandeur de la justice (1). » Si l'infirmité de la vieprésente ne nous permet pas de rendre à Notre-Seigneurle service actuel que nous lui devons dans tout le détailde nos pensées et de nos œuvres, du moins tâchonsd'avoir toujours l'intention virtuelle de vivre pour lui;appl iquons -no us à gar der sa sainte p résence, et éloignons-nous le moins possible de la règle de notre devoir. Dansle ciel, où 1'imperfoction au ra dispa ru , tou t not re être seraappliqué pleinement et entièrement, avec un souverainamour, à JÉSUS-CIIRIST. et en lui, à la très sainte Trinité,Ce sera le rè gne de la jus ti ce parfa ite : ic i-b as , la justicedu plus juste est toujours, h élas ! g r a n d e m e n t imparfaite.

lin ce qui touche le culte direct du bon DI EU , la justicenous oblige encore à observer religieusement toutes lesrègles de la sainte liturgie, et cela dans les moindres dé-

tails. Inspirée de D I E U , l'Église a établi ces règles pourl'honneur de J É S U S - C H R I S T ; elle nous prescrit d'honorerD I E U de la sorte ; et, en obéissant aux moindres rubriques,nous sommes assurés de servir DIEU comme il veut êtreservi, et d'e xp rim er d ign em en t les my stér ieuses véritésque recèlent nos rites sacrés. C'est là su rtou t q u ï l n'y a

rien de petit.Ainsi nous devons, en justice rigoureuse, mettre en

toutes choses JÉSUS au pr em ie r r a n g : dans no tr e esprit,do nt il doit être la souv eraine lu miè re ; d ans no tr e cœur,dont il doit être le souv era in a m o u r ; da ns toutes nos actions, dont il doit être le souverain mobile. Telle est la loi

de justice qui doit régler tous nos rapports avec notreDIEU.

O mon Maître! JÉSUS , mon unique Maître! désormais

(1) Quod minimum est, minimum est; sed inminimo esse ilde-lem, magnum est... Ubi parva juste geruntur, non minuitur jus-titiae magnitudo. (Oe doctr. Christ, xviu.)



NOS GR AN DE UR S EN JES US , — 11. 1 6 5

je veux vous re nd re to ut e jus ti ce en me d on n an t à vo ustout entier; je veux que ma vie ne soit plus qu'une vied'amour; une vie où vous serez le pr incipe , la règle et lafin de toutes mes pe ns ée s, de tou tes mes aspi ra tions, detoutes mes paroles, de toutes mes actions.

Oui, ma vie, ma vraie vie, ce sera J É S U S - C H R I S T ; mapensée, ce sera J É S U S - C H R I S T ; mon espérance, ce seraJÉSUS-CHRIST ; mon amour, ce sera J É S U S - C H R I S T ! Pourmoi, vouloir, parler, opérer, ce sera J É S U S - C H R I S T ; je ne

veux, je n'aime queJ É S U S - C H R I S T ;

ce que je fais, ce que jepense, ce que je dis, ce doit être J É S U S - C H R I S T (1). « Mihivivere Christus est! Pour moi, vivre, c'est J É S U S - C H R I S T ! »

Que ce soit là, mon D IEU , la règ le dom inan te de ma vie !

Comment, en JÉSUS, nous devons pratiquer la justiceà l'égard des créatures.

La justice ét an t cette g ra ndeu r d' àm e qu i fait re ndregénéreusement à chacun ce qui lui est dû, elle nousporte à respecter et à aimer tous nos Supérieurs, à sup

porter et à ai mer tous no s égaux, à s urve il le r et à a imernos inférieurs.

Si nous som me s vr ai m en t, ju ste s, si J É S U S vit en nousavec sa très sainte ju st ic e, no us en to ur er on s de to ut l 'h onneur et de tous les respects qui leur sont dus, nos Supérieurs religieux d'abord, notre Très-Saint Père le Pape,

Vicaire et représentant de D I E U ; tous les Évoques, et enparticulier notre curé, notre confesseur et père spirituel.

(1) Vitameaesl Christus, cogilalio mea est Christus, desidcriummèum est Christus, amor meus est Christus; meum velle, meumloqui, meum operari est Christus ; aliud non volo, aliud non sapio,aliud non ago, aliud non cogito et Joquor quam Christum. (Corn,aLap.,Effigies S.Pauli, i.)




Puis, tous nos Supérieurs dans l'ordre civil et domestique : dans Tordre civil, les princes et les magistrats,dont la puissance vient de D I E U et doit toujours être exercée selon D I E U ; dans Tordre domestique, nos parents etnos maîtres. Nous leur devons à tous, en proportion nonde leurs vertus ou de leurs bonnes qualités, mais en proportion de leur autorité et de leur dignité, l'honneur., lerespect, l 'obéissance, la soumission la plus sincère. Ilssont pour nous, h différents degrés, les re pr és en ta nt s deD I E U ;

en leur obéissant, c'est à Notre-Seigneur que nousobéissons; en méprisant leur autorité, nous méprisonsl'autorité do J É S U S - C H R I S T m ê m e .

C 'est encore un devoir de justice que de traiter nosfrères, tous nos frères, comme nous désirons êlre iraitéspar eux. Nous manqu ons à la ju st ice quan d no us man

quo ns à la cha rit é ch ré ti en ne , quan d nous faisons volontairement de la peine aux autres, quand nous les .blessonsdans leurs intérêts temporels, dans leur réputation, dansleur honneur, dans leurs bons sentiments, dans leurs affections légitimes. Nous ne sommes que justes en étant bonsp o u r tous, en élan t pour tous ce que J É S U S leur est en

nous , ce qu'il veut leur être par nous.La justice de JÉSUS nous oblige, non-seulement à faire,»

mais à vouloir du bien au prochain. Nous ne pouvons pastoujours faire du bien au prochain, mais toujours nouspouvons avoir la volonté de lui en faire. Nous lui devons'cette bienveillance, ce bon désir; car, selon saint Augus

tin, la vraie, la parfaite justice nous fait souhaiter à tousles hommes ce que nous souhaitons pour nous-mêmes (1);

Il en est de m ê m e à l'égard de no s in fé ri eu rs : nous

(1) Ipsa est vera jusLitia, quse omnibus hominibus quod sibi vel-lel, optât, et vull iilis evenire quod sibi desiderat. (De commun,

serm. vin.)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — II 1 6 7

leur devons une sage et chrétienne direction, corroboréepar de bons exem ples ; nous devons leu r facilite r l'a ccomplissement de tous leurs devoirs, principalement deleurs devoirs de piété. Notre autorité doit être toujours etferme et douce. Nous devons les traiter comme nous voudrions être traités si nous étions à leur place. Pas d'abusd'autorité; pas d'arbitraire ni de caprice. Pas trop de sévérité; pas trop d 'i nd ul ge nce : il faut ga rd e r la ju st emesure. Combien de pe rs on ne s, même pie uses, s'abusentsur ce point, et manquent gravement à ce qu'elles doivent à leurs enfan ts, à l eu rs servi te ur s, A ceux qu i sont sousleur dépendance! Que de fois des par en ts , m ê m e c h ré tiens, restreignent injustement ln liberté de leurs enfants, relativement à la pr iè re , à la fréq uen tat ion dessacrements! Que de fois, même avec des maîtres prati

quants, de pau vr es se rv it eu rs se vo tent pr iv és de cesmêmes facil ités ! C'est u n grand d iner qu 'i l faut pr ép arer, et l'on n 'a point réfléchi que c'est dimanche ou un

jour de fête : les pauvres serviteurs ont A peine le tempsde saisira la volée une messe basse, en se levant de grandmatin; point d'offices, point de vêpres, point d'instruc

tion religieuse, point de repos du dimanche. Est-ce juste?Soyons bons et très bons envers tous ceux qui dé

pendent de nous. D I E U le veut. C'est la justice, c'estTordre ; et nou s en répo ndrons un jo ur. « Ce que vousavez fait au moindre de mes frères, c'est à moi-même quemus l'avez fait ( 1 ) , » nous dit le Sauveur.

Que de choses il y aurait encore à dire sur nos devoirsà l'égard du prochain ! sur le bon exemple que nous devons à tout le monde et par conséquent sur l ' injustice du

(1) Quandiu fecistîs uni ex lus fratribus meis minimis, rnihi fe-cistis. (Matth. xxv, 40.)




péché de scandale! N'esf.-il pas injuste au premier chef,ne viole-t-il pas le plus sacré de tous les droits, le père quiscandalise ses enfants? le Supérieur, le maître qui donneà ses in fé ri eu rs des ex em pl es d' impiété , ou d'indifférenee,ou d'immoralité? l 'ami qui donne de mauvais conseils?l'artiste, l'écrivain qui livre au public- des œuvres corruptrices? etc.; — sur nos devoirs à l'égard des m échan ts , etsurtout de ceux qui nous font du mal i\ nous-mêmes ; hcause de JÉSUS , nous leurs devons la miséricorde et le

pardon. « Faites du bien à veux qui mus haïssent\ priez pour ceu.r qui vous calomnient, et qui vous persécutent '(1). »C'est une loi formelle de notre Maître. En pardonnantainsi, nous rendons à nos ennemis ce qui leur est dû enJÉSUS-CHRIST : cuique muni. Mais en pardonnant, n'oubl ions pas de dé tes ter le m a l . d avoir ho r reu r des mé

chants , en tant que méchants, d'est un devoir de justiceque de détester et de combattre tous les ennemis del'Eglise, l 'impiété des impies, l 'incrédulité des incrédules,l 'hérés ie des hér étiques , la perve rsité des co rrup teur s :cuique suum; c'est toujours la gr an de règle de ju st ic e; —sur nos devoirs, à l'égard des pauvres, la loi de charité

nous est imposée par Notre-Seigneur ; et pour être justesà ses yeux, il faut que nous compatissions aux misèresd 'autrui . C 'est à JÉSUS que nous refusons l'assistancequand nous pouvons la donner; or, quand nous le pouvons, nou s le devons; et qu and nous ne le faisons pas,nous refusons à JÉSUS , ce que, en la personne des pauvres,

JÉSUS a le droit d'attendre de nous (2).

(i) Benefaoile his qui oderunt vos; et orate pro persequentibuset catumniantibus vos Ubid., v 44.)

(2» Ce n'est jamais un droit strict de la part de loi ou tel pauvre;mais c'est un droit stqctde la part de notre doux Mat Ire, qui nouscommande d'être bons et compatissants et de faire ÏIUX autres CGque nous voudrions qu'ils nous fissent à nous-mêmes. L a charité




Tous ces devoirs de justice envers le prochain, saintBernard les résume en ces gracieuses paroles : « Devantnous, voici nos Supérieurs; derrière nous, nos inférieurs;à droite, nos amis; à gauche, nos ennemis. Rendons-leurà chacun ce qu i leur est dû : au x Supé ri eu rs , l'obéissance; aux inférieurs, la direction; aux amis, la cordialité; aux en nemis , le support (1). » Oh, la belle c roix,avec ses quat re b ranches ! et qu'elle mérite bien de trouver toujours place sur no t re coûr !

Enfin, remarquons-le bien,c'est encore manquer à lajus-tice que de ne pas re sp ec te r les règles de la volonté deDIEU dans Tu-sage des créatures. En tout, vis-à-vis deschoses non moins que des personnes, nous devons resterdans le vra i, no us de vo ns respecter Tordre étab li par laProvidence, Nous ne sommes point, au milieu de la créa

tion, comme des ma îtres absolus : le seul souvera inmaître, c'est le Juste, c'est le Christ; et il veut qu'en usantde ses cré atures , nous respec tions ses lois et ses droits .Tout abus en ce g en re est une in ju st ic e. Pa r exemple :faire inutilement du mal aux animaux ; user avec excèsdes aliments et des au t res choses né cessai res à la vie ; se

laisser aller aux superflui tés du lu xe et au x folles dépenses, dissiper, gâ te r, per dr e comm e un pro di gu e, ceque DIEU met à notre usage; et autres abus semblables,tout cela est injuste, très injuste.

Ainsi, en Notre-Seignour JÉSUS-CHRIST, le chrétien doitpratiquer la ju st ice à l'éga rd de toutes les cr éat ure s et,

en particulier, de ses se mbla ble s. Que de fois, Se ig ne ur ,

chrétienne est ainsi, remarquons-LE en passant, LE remède directdu socialisme moderne, qui confond la charité avec la stricte ju stice et qui prétend que LE pauvre a un droit direct, une sorte dedroit de propriété sur Je superflu du riche.

(1) Inadvent. Domini, serm. ni.



1 7 0 LA PIÉTK ET LA VIE INTÉRIEURE

j 'ai m a n q u é à cette g r an d e loi ! Pa rd onn ez -m oi et réformez-moi.

COMMENT, EN J É S U S , NOUS DEVONS PRATIQUER LA JUSTICEVIS-À-VIS DE NOUS-MÊMES

« Voyez, mes frères, disait un jour saint Augustin auxfidèles d'Hippone, voyez comment nous devons observerla ju st ic e pa r rap po rt à no u s- m êm es . La ju st ic e, si je neme t ro mpe , est ains i ap pe lée, pa rce qu'e lle a po ur règlede prononcer une juste sentence entre des parties adverses. Or, en no us , il y a co m m e de ux parti es adverses :la chai r et l'esprit ; il y a une servante et il y a une maître sse . Dans ce dé ba t i nt ér ie ur ,, soyez de ju st es ju ge s:accordez à l'àme ce qui lui est dù, et conservez" à lacha i r ce qui lui appart ien t . Si la ma ît re sse ven ai t à êtrehumiliée et la servante à être exaltée, ne serait-il pasévident que nous ne serions pas justes pour nous-mêmes?

« Notre âme a été faite à l'image de D I E U , tandis queno tre corp s a été ti ré du li mon de la t e r r e ; quiconque-

aime son corps plus que son àme, veut mettre en basl ' image de D I E U et mettre en haut la terre et la boue.So yo ns , av an t tou t, ju st es à l 'égard de no us -m êm es , ethabituons-nous à être de justes juges entre notre corps etnotre âme (1). »

Que de conséquences pratiques sortent de là ! C'est

une injustice que de soigner la vie du corps et d'oublierla vie de R A M E ; de so igner le co rps, de le pare r , de len o u r r i r dél ica tem ent , et de n ég li ge r la pr iè re , l 'oraison,les exercices de la pi ét é, le tr av ai l de la sanctification.

(2) In sermonibus commun , vin.



NOS GRANDEURS EN JES US. II. 1 7 Í

G'est une in jus tice de m e t t r e les in té rê ts te mp or el s av an tles intérêts sp ir it uel s; la san té , av an t la sa in te té ; le pl ai sir, avant le dev o i r ; Peludo profan e, a v a n t la prière ; lesoccupations m o n d a i n e s , av an t les œ uv re s de la c h a ri t é ;en un mot, ce qui es t de la te rr e , av an t ce qui est duciel. Soignons not re à m e ava n t tou t, et m e t to ns no tr econscience avan t nos affaires, a van t no t re bourse, avan tnotre famille, av an t toutes ch os es . Sans cela, nou s nesommes plus dans la vér it é, et no us violon s la règle de

justice.Donnous à no tr e corps ce qu i lu i est néce ss ai re , niplus ni moins, et me t ton s nos m e m b re s au serv ice de la

justice par la sainteté et pour la sainteté (1). Faire servirnos yeux, no tre l an gue , no s mai ns, not re ch a ir soit à lavanité, soit au x mauv a i s pla isir s, soit à la gourm and ise

,ou à la colère ou à, n ' impor te quel vic e, ne serai t-ce pasvioler ouvert ement la loi de notre corp s et fouler auxpieds la ju st ic e? T out pécheur est in ju st e co nt re lui -même.

Rien n'est juste comme la pénitence : c'est le payementd'une dette co nt ra ct ée en ver s la sa in te té d iv in e. « Vous

devez être assez jus te contr e v ou s -m êm e pou r vous p u n i rvous-même; » dis ait sai nt A ug us ti n . Vou lez-vous savo irà quel degré vo us aime z la ju s t i ce? Voyez da ns que llemesure vous détestez vos péchés (2). » Les grands Saintsont tous ru dem en t trai té leurs corp s, ta nt po ur le p u n i ret le purifier, que pour le soumet tr e . Il faut , par la m or

tification chrétienne, maintenir notre corps à sa vraie

(1) Exhíbele membra vestra serviré justiliœ in sanctificationem.(AdRom. vi, 17|.

(2) Justus debes esse in te, ut punías te. (In Psal. LXXXIV).Tantum quisque peccatum odit, quantum justitiam dil igit.(Epist. GXUV).



1 7 2 LA PIETE ET LA VIE IN TE RI EU RE

place ; autrement, c'est le monde renversé : ce qui doitrégner, est esclave ; le cheval est sur le cavalier, et la loide ju st ic e est violée a to ut i ns ta nt . T ou s les hommessensuels et mous en sont là : les chrétiens seuls, les vraischrétiens, mettent toutes choses en place et savent réglerleur vie. Eux seuls réalisent le grand programme d'équ it é tracé p a r l e s S ai n ts : « Que Dieu c o m m a n d e et quel ' ho mm e obéi sse; que l 'àme c o m m a n d e au co rp s; quela raison commande aux passions en dépit de leur révoltesoit en les su b ju g ua n t , soit en leur ré si st an t ; quel' hom me de man de au Se ig neu r et la g râ ce de mérit er etle pardon de ses fautes; qu'il le remercie exactementpo ur les biens qu'il reç oi t de sa bon té ( l ) . »

Plus nous so mmes sa in ts , et p lu s no us so m m es justesenv ers nou s-m êm es ; p lu s no us so m m es ju st es envers

nous-mêmes, et plus nous sommes beaux et grands devantD I E U . Dans le c h a m p de l'Église, les p éch e u rs son t lesro nces et les épines; les ju st es sont les beaux lis qui répa nd en t la bo nn e o de ur de JÉSUS-CHRIST . « Autant de

justes, autant do. lis, disait un disciple de saint Bernard;au tan t de ver tus dans un ju st e, a u t a n t de fleurs sur le'

lis ( 2 ) . »Seigneur J ÉS US , soyez en moi , po ur m o i -m ê m e comme

p o ur mes frères, c o m m e po ur vous et vo tr e P ère , unesève pu is sante de jus t ice qu i me fasse fleuri r dans lavér it é ! Vivez si bien en mo i qu e j e re nd e ex ac teme nt àchacun ce qui lui est dû : à vous, mpn D I E U , gloire,

am o u r, obéissance pa rf ai te ; à mo n p ro ch ai n, honneur,ch ar it é, bonté, mi sé ri co rd e, assi sta nce ; à moi-même,

(1) S. Aug., de civit. DEI, l ib. , XIX, c. xxvn.(2) Quot justi, tôt lilia : quot virtutes eorum, lot tlores liliorum.

(Guarric. lib-, serm. de SS. Aposl. Petro et Paulo).



NOS GR AN DE UR S EN JE SU S. — II . 173

De la droiture admirable et de l'excellence de la justice.

La justice est la r ec ti tude du j u g e m e n t pr at iq ue et de lavolonté, appliquée à tout , san s ex cept io n. La re ct it ude ,tel est le ca rac tèr e d o m i n a n t de la ju st ic e c h ré t i e nn e .Saint Bo naventure (1) la compare à la vo ie dro it e, à larègle droi te, et à la li gne droit e. Rien de p lus jus te quecette triple comparaison.

La just ice re ss emble d'abord à la voie droite. Cette voie

est la plus droi te de toute s ; et la ju s t ice aussi est le c h e min qui conduit le pl us di re ct em en t à la ré co mp en seéternelle. Toute au t re voie est no n- se u le men t in d ir ec te ,mais elle en dé tourne , selon la paro le du Psaume : « Ilsont erré dans les voies dé tournées ; ils ne sont pas rest ésdans le droi t ch e m i n (2). .> 11 es t di t des jus tes : « D I E U

les a conduits dans sa voie pour les faire arriver à la cité de la patrie (3) »; et de ceux q ui ne so nt pas jus te sil est dit, au contraire : « Les impies s'égarent dans descircuits (4). » Ils t o u rn e n t tout aut ou r de No tre -Se igneu r,

t tout autour de la terre promise, tout autour du ciel et dela .vie; et ils n' y en t re n t point. Les ju st es en tr en t en

Jésus, et y demeurent,

fl) Dieetee salutis, titul. V, cap. vin.(2)Errare fecit eos in invio, et non in via. (evi, 40).(3) Et deduxit eos in viam rectam, ut irent in civitatem liabita-

Lionis. [IbUL 7).(4) In circuitu impii ambulant. (Psal. xi, 9).

mortification du vieil homme, et liberté entière àl'homme no uve au . Ai ns i, en vo us et avec vou s, ô m o nJÉSUS, j 'accomplirai toute justice.





NOS GRANDEURS EN JÉSUS. I I. 1 7 5

entière et en fait tout le prix. Dans la couronne d'or dela grâce, le di am an t de la ju st ic e est acco m pag n é de tro isautres pierres précieuses : le diamant de la prudence,qui est placé pa r dev ant, pour écl ai re r no s voies et po urprévoir les périls ; le d i a m a n t de la t e m p éra n c e , qui est àdroite, pour nous modérer dans la prospérité ; le diamantde la force, qui est à ga u ch e , du coté de la faiblesse,pour nous soutenir dans l 'adversité. Le diamant de la

justice est en ch âs sé p a r d err iè re , c o m m e l'Évoque à la

fin de la procession ; c o m m e le roi , de rr iè re son a r m é e :comme le pilo te, à l' ar ri èr e du na vi re ; co m m e la sen-. tence, à la lin du pro cè s ; c o m m e la c o u ro n n e tr io mpha le ,qui n'est décernée au v a i n q u e u r qu 'à la lin du co mb at .G est le d ia man t de la ju st ic e qui est le pri nc ip al et quidonne son nom à la couronne ; car l'Apôtre dit : Le juste

Juge nie réserve la couronne de justice (1). Le célesteouvrier par les m a in s du qu el se fa br iq ue ce tte couro nneprécieuse, c'est la Sagesse incréée et incarnée (2), J É S U S -

CHRIST, Notre-Seigneur, à qui soit gloire et amour !

La rectitude admira b le de la ju st ic e fait sa force etson excellence ; elle la rend i m m u a b l e . La ju st ic e est,

en effet, pour le m o u v e m e n t de n otre vie , ce qu 'es t Taxedelà terre re la ti ve me nt à sa ro tat ion : la te rr e to urn e eltourne sans cesse, tandis que l'axe demeure immobile ;et la perfection de ce m o u v e m e n t de ro ta ti on vien t de laparfaite immobilité de Taxe. Ainsi notre vie est un mouvement perpétuel de pensées, d'affections, de volontés,

d'aspirations, d'œu vros , qu i se su cc èd en t les un es au xautres : la justi ce seu le n o u s ma in t ien t dans la véri té etdans l'o rdre, et nous fixe en Celui qui es t la Vérité

(1) Corona justitÙB, quam reddet mihi Justus judex. (Il ad Tim.iv, 8 .

(2) Omnium artifex sapienlia (Sap. vu, 21.



1 7 6 LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

mêm e, et la Justice , e t la Voie, et la Vie, et le Sa lu t. Endehors de JÉSUS , eu dehors de l'axe de la justice, notrevie n'es t qu 'u ne succes sion de soub resaut s mo rtel s : leshumiliations de l'adversité nous abattent, les prospéritésnous exalt en t ; se mb la bl es à une ba rque de pêcheurssurprise par Forage, tantôt nous nous élevons jusqu'auxcieux sous le souille de l'orgueil ou des honneurs, ou desrichesses ou des succès mondains ; tantôt nous tombons

ju sq u' au fond de l' ab îm e, déc ou ragé s pa r Je ma lheur ;

notre vie va comme à l'aventure, à la merci de ces millefluctuations ; elle est désordonnée ; elle est hors de soncentre. Le juste au contraire, « le juste qui a en luiJ É S U S (1), » comme di t Or ig ène, demeure im mo bi le aumilieu des épreuves : l'humiliation ne le découragepoint, les honneurs ne l 'enivrent point, l 'adversité ne

peut point Tabattre. C'est de lui qu'il est écrit : « Il ne sera•jamais ébranlé (2). »

Donc, JÉSUS , le Juste et la Justice des justes, est en moicomme DIEU est dans le monde. Daigne sa grâce toutepuissante me fixer immuablement en lui et rectifiertoute s me s voies ob liques , to rt ue us es , faussées à chaque

instant par mes ignorances, mes illusions, mes misèresde tout genre ! Redressez m oi sa ns cesse , ô m o n Maître etmon unique Sauveur ; et, dans la sainteté de votre

justice, faites de moi ce que vous avez fait de votre serviteur Job, « un homme simple et droit, un homme craignant DIEU (3). »

(1) Justus habens in se JESUM. (ïn Matth., traci. 55.)(2) Non movebitur in œlernum. (Psal. xiv, 5.)(3) Homo simples, etrectus, ac timens DEUM. (I, 8 )



NOS GRANDEURS EN JÉS US. — II . 1 7 7

Des précieux fruits de la justice.

Il en coûte d'être un vrai juste ; c'est si peu facile, quebien peu de ch ré ti en s m a r c h e n t et per sé vè re n t da ns cette

voie droite et inflexib le, où il faut s 'app li qu er à rendreconstamment à Noire-Seigneur ce qui est à Noire-Seigneur, au pro cha in ce qui est au p ro ch ai n , à soi m ê m ece qui est à soi-même. Mais si la tache est ardue, lesalaire est surabondant ; c'est comme ces fruits que l'ontrouve pendants aux palmiers du désert et qui contiennent

an lait d'au tan t plus raf ra îc hi ssan t qu e l 'écorce est plusdure.Les fruits de la vie de justice se cueillent dès ce monde.

Ils sont nom bre ux . Nous n' en si gn al eron s ici qu 'u n seul ,très imp ortant et d' un e p ra t ique plus g én ér al e : c'est tapaix au milieu des épreuves de la vie.

En ce mon de, les j u s t e s souffrent c o m m e les au tres ;d'abord, en ve rt u de la loi uni ver se ll e de la pénit en ce ;puis, en vue de l 'é ter nit é b ie nh eu re us e, q ue les souffrances, sa in te me nt su pp or tées , no us font m ér it er plusque toute au tre, ch os e. Auss i la sc ience de la vie cons is te-t-elle à' savoir bien souffrir ; et ce tte sc ience mer

veilleuse, JÉSUS la réserve à ses seuls disciples.D'où proviennent la plupart de nos souffrances ? de

notre orgueil et des suscep tibi li té s de no tr e a m o u rpropre; de notre attachement aux biens de la terre; enfin,de nos sensualités et de no s co mpla is an ce s pour le bienêtre de notre co rps. Ret ra nch er , sin on to ta le me nt , du

XIV 13



178 JLA PIÉTÉ ET I,A VIE INTERIEURE

moins le plus possible, cette triple concupiscence, c'ests'épargner la souffrance, autant que cela se peut faire ici-bas. Or, la justice chrétienne nous établissant dans l'humilité, da ns le dé ta ch em en t et da ns la mortification,tarit la source de la plupart de nos douleurs.

Quant à celles qu i son t in dé pe nd an te s de la concupisce nce , la ju st ice no us appre nd à en tirer un si bo n profilpour notre bonheur éternel, elle nous les présente sousun si beau jou r d' expiat ion et de sanctif icat ion , qu'elle

no us les ren d, non se ul em en t supp ortab les, ma is gr an de me nt désirables. Or, qu'e st-ce q u 'u n e souffrance quel'on désire, que Ton aime ?

Les justes sont en ce monde, mais ne sont pas de cemo nd e. Leu rs vraies es pé ra nc es son t dan s le ciel , enJÉSUS-CHRIST . Ils font peu de cas de toutes les choses de

cette vie, qu'elles soient bonnes ou qu'elles soientma uva ise s ; i ls asp ire nt u n iq u em en t au bo nhe ur céleste.Aussi ne redouten t-ils réel le me nt ici-bas qu 'u n seul mal.le péché. Sai nt Hilarión fut un j o u r arr êté par des br iga nd s, et com me ils lui demanda ie n t s'il n' av ai t pointpeur : « Celui qui n 'a ri en , rép ond it tr an qui ll em en t le

sain t an ac ho rè te , celui qu i n'a ri en n' a pas pe u r d'êtrevolé. —Mais nous pouvons te tuer, dirent-ils. — Vous lepouvez, répliqua saint Hilarión ; oui certes, vous lepouvez ; mai s je suis prê t à mouri r, et c'est pourquoi jen'ai pas peur de vous (1). » Ce vr ai ju s te , tout v ivant enJÉSUS-CHRIST , pratiq uait ainsi le c o m m a n d e m e n t de son

Maître : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps, manqui ne peuvent tuer l'âme (2), » et il réal isai t l'orac le de

(1) Corn, a Lap. in Prov. xxviti, T.(2) Nolite timere eos qui occidunt corpus, an i mam autem non

possunt occidere (Matth. x, 28.)



NOS GRAND EURS EN JES US. — II . 1 7 9

Ja Sagesse ; <' Quoi qu'il lui arrive, le juste ne se laisse point abattre (1). »>

Le jus te est to ut à la fois u n agneau et un lion ; unagneau, par la mansuétude et l 'humilité : un lion, par Jecourage et la force. Jl ressemble à un de ces torrents quitombent des mo ntagn es : p en dan t la belle saison, cen'est q u ' u n tilet d'eau qu i serpen te pr es qu e in ap er çu àtravers la plaine ; mais quand vient la saison des pluies,c'est une inondation, ce sont des flots que rien n'arrête.

Ainsi le serviteur du Christ-, demeurant toujours dans lavérité, est h u m b l e et modeste d an s la prospér ité , etindomptable da ns la tr i bu lnt ion . Un des plu s ad mi ra bl estypes de cett e force d 'â me fut sai nt Jean Gh rys os tome .Persécuté par l ' impératrice Eudoxie et condamné à l 'exil,il écrivait à un ami : « Qua nt à mo i, j e m e souc ia is fort

peu d'être ban ni de Co nst ant ino ple . Que l ' im pér atri cem'envoie en exil, si cela lui fait plaisir, me disais-je enmoi-même : la te rr e to ut en ti èr e n'est -elle po in t auSe igneur 0 Si elle veu t m e faire scier en d eux , qu'e lle lefasse : Isaïe l'a bien été ; mon nom sera é cri t ap rès lesien. Si elle veut me faire je te r h la mer, je me rappel

lerai le Prophète Jouas. Si elle veut me faire jeter dansle feu, j ' e n d u re r a i ce qu 'o n t en d u ré les tro is enfa nts dela fournaise. Si elle veut m'exposer aux bêtes, qu'elle m'yexpose : Daniel n 'a -t -i l pas été je té dans la fosse aux lion s?.Si elle ve ut me lap ider, qu 'e lle me lapide : j ' a u r a i po urcompagnon saint Et ienne, le p re mie r m a r t y r . Si elle veu t

me tr an cher la tète, q u' el le la coup e : sa in t Jean-B apt istea eu la tête tr anchée a v a n t moi. Si elle veu t me pre ndretout ce qu e j ' a i , qu 'el le le pr enne ; j e su is sor ti nu dusein de ma mère ; nu, je sortirai de ce monde ( 2 ) - »

(1) Non conlristabit, justum quidquid ei accident. (Prov, xn, 21.)

(2) Corn.aLap. in Prov.xxvm, I.



1 8 0 LA PIÉTÉ ET LA VIH INTÉRIEURE

Le démon et les persécuteurs ne peuvent r ien sur le.

juste. Il est d'acier el de diamant , sons la dent du serpent.Il est vrai , la bar re de ter est enveloppée de velours ;

et l'on s'y trompe parfois ; mais sous le velours se sentbien vite le fer : sous la douceur , la bonté, la patiencedu juste, il y a toute l 'énergie de JÉSUS-CHRIST . « Il n'y a

rien à faire avec cet h o m m e là, écr ivai t naguère un ma

gis trat qui avait été cha rgé de faire peur à un illustreÉvêque ; du moment qu' i l se retranche derr ière sa

conscience, on ne plus rien tirer de lui. » C'est l'agneauqui devient lion et qui fait trembler les loups.La paix et la joie d 'une bonne conscience accompagnent

cette force surnaturelle du j u s t e ! Son àme est un beauciel qui domine les nuages et les tempêtes ; le Soleil de

justice, le Christ, le remplit tout entier de sa paisible et

et puis sante lu mi ère . Sa conscience est au-dessus de larégion des orages. Le juste possède le vrai bonheur.« Qu'y a-t-il de plus riche et de plus doux au cœur, qu'unebonne conscience? s 'écr ie saint Bernard. Y a-t-il riensur la terre qui donne plus de repos, plus de sécurité? La

bonne conscience ne redoute ni la perte des biens tem

porels, ni la persécut ion des mauvaises langues , ni lestourments du corps ; la perspect ive même de la mortl'exalte, au lieu de l 'abattre (1). »

La vraie joie, comme la vraie paix, est fille de la

justice, dit à son tour le P. Louis de Grenade : <* La

saincteté et bonté de vie, c'est-à-dire la jus t ice , est le

fondement de la vraye paix; et de ceste paix et justice,uaist l 'allégresse de la bonne conscience et la joie du

Sainct-Esprit , qui est le sceau et l 'accomplissement de

ceste félicité (2). »

(1) De Considérât.(2) Catéchisme, II e part., chap. x i .











NOS GRANDEURS EN JE SU S. — TI. 185

leur donnait la passion de la ju st ic e, ave c l ' i nd om ptab levolonté de la faire triompher; tous pouvaient répéter lecri suprême de sa in t Grégo ire V U : « Je souffre, je suispersécuté, par ce que j a ime la ju st ic e et que je détestel 'iniquité. » Qua nd un chr ét ie n, su rtou t qu and u n h o m m ed'Église est sympathique aux mondains, c'est presquetoujours un signe qu'il n'aime point la justice comme ilfaut l'aimer (1). Le Ju st e des jus tes a été cr uci fi é : sesdisciples doi ven t to us , pl us ou m oins , êt re crucifiés pa r

le monde.Loin de moi donc, lo in de m oi , l ' amo ur et l 'e sp ri t duinonde ! Je les repou sse de to ute l 'é nerg ie de m a foi,parce qu'ils ne sont qu 'ill usi on , m en so nge et inj us tic e.Pour moi, je suis bapt isé, j e su is en fa nt de l'Église et j eme nourris chaque jour du Pain de vérité : JÉ S U S , le Juste

de DIEU, vient par l 'Eucharistie renouveler en moi lagrâce de la lumière et la grâce de la force, qui me fontconnaître, aimer et pratiquer la vérité. Plaise à sa bontéque je de me ure i m m u a b l e m e n t en sa ju st ic e et que jesois trouvé en lui (2) au m o m e n t re douta ble de la mo r t !Qu'il vive en moi , com m e il a vécu dans ses Sain ts, et

qu'il daigne me pardonner toute s mes défa illances dan sla voie parfa ite où m' ap pel le sa parfait e jus t ic e !

Fidélité héroïque du vénérable abbé Olier dans l'accomplissementde la loi de justice.

Les exemples des Sa in ts , sa ns être to uj ou rs imitab les,ont une merve ill euse p ui ss an ce po ur exciter les âm es

(1) Si adhuc hominibus placèrent, servus Gbristi non essern.(Ad Gai. i, 10.)

(2) Invemar in illo, non habens meatn justitiam, qurc ex legeest,sed illam, quae ex fide est Ghristi JESU. (Ad Philip, m, 9.)



















194 LA IMKTK E T LA V IE I N T É R I E U R E

ceux qui ont le bonheur de la connaître et de la contempler; plus no us l 'aim ons , et plus elle se co m m u n i q u e ;plus no us en tron s en elle, et plus elle en t re en nous ;plus nous lui tenons compagnie, et plus elle nous transfo rme, dit sa in t Isidore de Seville (1). 0 ! qu e bienheureux est le cœur qui a le goût de la Sagesse, qui a lesens du Christ, et en qui repose la Sagesse elle-même ! (2)

Un de ceux qui l 'ont ex pé rime nt é le plu s in time me nt ,saint Bonaventure, analysant cette effusion de la Sagesse

en nous, disait que « ce don de la Sagesse, qui couronnetous les dous du Saint-Esprit, est la Lumière qui descenddu Père des lumières et qui s'irradie dans l'âme, pour ladéifier. A la fois, il il lumine l' in te ll igeu ce , il em bras e lecœur, il corrobore la volonté. A l ' intelligence, il donneun e divi ne beauté ; au c œu r, un e sua vité cé le ste ; h la

volonté, une énergie surnaturelle. (3) »S'élevant ensui te au-d essus de lu i -m ôme, à la sui te dudivin Aréopagite, le Docteur séraphique pénètre plusavant dyns la co nn ai ss an ce de la Sagesse du Chri st ennous, et aj ou te : « La Sagesse est la to ut e d iv ine con nai ssance de D IE U , résultant d 'une sublime ignorance, en

vertu de l 'union s u rn a t u r e l l e ; c'est lor squ e l 'âme , dégagée de tout et se dégageant encore d'elle-même, se plongedans les splendeurs inénarrables de la divine lumière, et

(1) Dilige Sapientiam, et manifestabitur Libi ; accede ad iliam, etappropinquabit Libi ; assiduus esLo illi, et instruet te. (De synon.,1. II, c. xiv.)

(2) Beata il la domus, quam sapor Sap i en tiro afftoît, in quaipsa Sapienlia requiescit! (S. Ant. de Pad., Serm. x postTrinit.)

(3) Donutn sapientiae est lux descedens a Pâtre luminum, etradians in animam, et faciteam deiformem.Il lustrâtenimîntellec-tivam, inflammaL afleotivam, roborat operativam. FaeiL intelleoti-vam speoiosam, afïectivam atnœnam, operativam robustam. (Deseptem donis Spiritus Sancti.)











NOS GRANDEURS EN JESUS. — II . 1 9 9

l'impose. C'est la sagesse de la grâce , et non pas la sagessede la na tu re c o r ro m p u e ; c'est la sagesse su rn at ur el le duChrist, c'est-à-dire de D I E U même, et non pas la sagessed'Adam, d'Adam pécheur. Notre sagesse serait, en effet,folie si l 'homme n'était point déchu et si les conditionsprimitives n'étaient point bouleversées; mais elles le sont;elles le so nt es se nt ie ll em en t : c est un fait ac co mp li, qu 'o npeut reg ret ter ta nt qu 'o n voud ra, ma is qu' il fau t acc ep te ret duqu el il faut b ra vem en t tire r les co ns éq ue nc es . Or, ce

sont toutes ces conséquences combinées avec l 'amourrédempteur de J É S U S - C H R I S T , qui com po sen t le br eu va geamer ma is sa lu ta ir e, de la très profo nde, très pure , tr èssainte, très parfaite et.toute divine folie de la croix.

Oui, la sagesse de l'Évangile est une vraie folie auxyeux de la raison humaine. Oui, nous sommes des fous,

par cela seul que nous s ommes sages : fous devant leinonde, sages devant D I E U ; fous devant les fous, qui neco mp re nn en t r i en et qui ju g e n t tout au r ebo urs de lavér ité ; mai s sages et tr ès sages et sûls sages devant laVérité éternelle qui est JÉSUS-CHRIST et qui pèse le monde,non dans la balance brisée de la nature déchue, mais dans

la balance infaillible et surnaturelle de la grâce.'< N o u s s o m m e s f o u s à r a m e d u C h r i s t e t p o u r l ' a m o u r

du C h r i s t , s'écriait j ad is le glori eux Apôtre sa in t Pa ul . t

A c e u x q u i p é r i s s e n t , l a p a r o l e d e l a c r o i x e s t f o l i e ; m a i s à

c e u x q u i s o n t s a u v é s , à n o u s , e l l e e s t l a v e r t u d e D I E U . I l e s té c r i t e n effet : Je c o n f o n d r a i l a s a g e s s e d e s s a g e s , e t j e

r é p r o u v e r a i l a p r u d e n c e d e s p r u d e n t s . O ù e s t le s a g e ? o ù e s t

l e d o c t e u r ? o ù e s t le p h i l o s o p h e d e c e s i è c l e ? D I E U n ' a r t A l p a s c o n f o n d u l a s a g e s s e d e c e m o n d e ? Avec la sagesse que D I E U

avait départie au monde, l e m o n d e n ' a p a s c o n n u D I E U d a n sl a s a g e s s e m ê m e d e D I E U ; c ' e s t p o u r q u o i D I E U a v o u l u s a u v e rl e s f i d è l e s , p a r l a p r é d i c a t i o n d ' u n m y s t è r e d e f o l i e a p p a -













NOS GRAN DEUR S E N JES US . — U- 2 0 5

lui jetait des pierres et de la boue ; ses parents et ses anciens am is no pe rd ai en t au cu ne occasion de l ' i nsult ercrue llement. Un jo ur, du ra n t l 'hiv er, il priait tout tr an side froid dans l'église de Sa in t-Da micn ; son frère vi nt àpasser et, le montrant avec dédain à un de ses compag n o n s : « Va do nc lui ac he te r un peu de sa su eu r, » luidit-il en ri ca na nt . Sai nt Fra nço is qui l a v a i t e nt en du , setourna vers lui et répondit avec une humble gravité : « Jene ven ds pas ma su eu r au x h o m m e s ; je la vend rai pluscher à D I E U . » Sa s ai nt e vie n 'a été qu 'une long ue et divine folie, co ur onné e pa r le Se ig ne ur d' un e gloire in co mparable et to ut e m b a u m é e d' am our , de pu re joie et deconsola tions en iv ra n te s. Il en a été ainsi de Sa in t Dominique, de saint Ignace, de saint Philippe de Néri, et detous les ali tros.

JÉSUS dans sa crèche, J É S U S sur sa croix est l 'uniqueDocteur et en même temps l'unique modèle de ces divinsfous, qu'on appelle les Saints. Gomment, à pareille école,pourraient-ils acquérir l 'estime du monde? JÉSUS cruciiiéus! la source de leur sagesse, un demandait un jour àsaint Bonaventure d'où il tirait tant de science et tant de

sagesse ; pou r tou te réponse, il m o n t ra son crucifix tou tusé par ses baisers.

Dans u ne de ses pl us profondes extases , sa in t Fr an ço isentendit son divin Maître lui reprocher avec tendresse lessaintes impé tuosi tés de son am o u r pé ni te nt : « Fran çois ,lui dit J É S U S , ton amour pour moi te rend fou. — Eh, mon

Seigneur, lui répliqua aussitôt le bon Saint, pour l 'amourde moi vou s êtes descendu a u n e folie bien plus g ra nd eencore! Oubliez-vous votre crèche, et votre croix, et votreEucharistie? »

Le Bienheureux Jacopone, r iche et savant dans lemo nde, ava it appr is en méd it an t la croix, à m ép ri se r ce



2 0 6 LA PIETE ET LA VIE INTÉRIEURE

(1) Corn, a Lap. in l ad Cor, 1, 25

qu'il avait recherché d'abord, et à chérir la sainte folie del'Evangile. JÉSUS lui apparut un jour et lui demandaavec une douce familiarité pourquoi il aimait tant cettefolie. « Eh ! parce que vous l'avez aimée et pratiquée plus,que moi, Seigneur, » lui répondit gaiement le Bienheureux

Ah ! soyons fous de cette folie! soyons sages de cettesagesse, si grande, si pure ! Et pour cela, méditons beaucoup l'Évangile ; prenons les paroles et les exemples de

notre Maître comme des règles essentiellement pratiques,qu'il nous faut r ep ro du i re dans to ut le détail de la vie.Vivons unis à JÉSUS , au dedan s par le re cuei l lement et l'apaix du cœur, au dehors par la communion quotidienne,ou du mo in s très fré quente . L isons beaucoup les vies desSaints, et peu à peu nous puiserons, à l'école de la Sa

gesse incarnée et de ses plus sages disciples, la sève célestede la sagesse évangélique, qui nous fera grandir aux yeuxde DIEU et de ses Anges, à proportion qu'elle nous fera-baisser dan sTos tim^ des sages de ce m ond e .

De l'énergie qu'il faut avoir pour acquérir la divine Sag'esse.

Écoutons ce qu'en pensait un grand serviteur de DIEU.

« Tl n'y a pas de sacrifice, si pénible qu'il soit, que lagrâce n'exige d'une personne qu'elle a entrepris de formerà la ressemblance de JÉSUS-GIIRIST. Le corps a beau se*

pl aind re , les sens se révo lt er ; la vo lo nt é, capt ive sousl'obéissance , a beau voulo ir secouer le j o u g : la grâcen'écoute rien, elle encourage, excite, fortifie, anime,presse, enflamme, tra nsp ort e. Elle fait pa sse rgé né reu se-


















a point éclairés. Quel prodigieux étonnement pour eux,lorsqu'ils ve rron t que ce qu' ils ont tant es timé n'estoitrien que de la fumée (!) ! »

L e L i v r e d e l a S a g e s s e , l'un des plus profonds de toute

l'Écriture, nous trace le portrait des sages selon lemonde ; et nous y découvrons le triple caractère de laperversité, à savoir : l'orgueil avec toutes ses insolences,y'amour désordonné des biens de la terre avec toutes sesil lusions, et sur tout les concupiscences de la chai r avectout leur raffinement et leurs excès.

« I l s d i s e n t , c e s i m p i e s , d a n s l e u r s p e n s é e s p e r v e r s e s :

N o u s s o m m e s s o r t i s d u n é a n t , e t n o u s r e n t r e r o n s d a n s le

n é a n t . V e n e z d o n c , e t j o u i s s o n s d e s b i e n s p r é s e n t s . Eniv r o n s - n o u s d e v i n s e x q u i s , e t p a r f u m o n s - n o u s d e s p l u s pré

c i e u x p a r f u m s . C o u r o n n o n s - n o u s d e r o s e s , a v a n t q u ' e l l e s n e

s e f a n e n t ;t e l

e s t n o t r e p a r t a g e .« Q u e n o t r e f o r c e s o i t n o t r e d r o i t . C i r c o n v e n o n s le j u s t e :

i l n o u s e s t i n u t i l e ; i l t r a v e r s e n o s œ u v r e s ; i l n o u s reproche n o s v i o l a t i o n s d e l a l o i . I l p r é t e n d q u ' i f a l a s c i e n c e d i v i n ee t i l d i t q u ' i l e s t f d s d e D I E U : i l t r a h i t j u s q u ' à n o s p e n s é e s .S a v u e s e u l e n o u s e s t à c h a r g e , p a r c e q u ' i l n e v i t p a s comme

l e s a u t r e s h o m m e s . I l n o u s r e g a r d e c o m m e d e s f o u s ; i l tient n o s v o i e s p o u r i m m o n d e s , e t r e f u s e d e n o u s y s u i v r e . E p r o u v o n s - l e p a r l ' o u t r a g e e t p a r t e s t o u r m e n t s ; c o n d a m n o n s - l e à

la, m o r t l a p l u s h o n t e u s e *

« V o i l à ce q u ' i l s p e n s e n t ; e t i l s s e t r o m p e n t : l e u r p e r v e r s i t é l e s a v e u g l e . I l s i g n o r e n t l e s s e c r e t s d e D I E U , e t mécon

n a i s s e n t l a g r a n d e u r d e s â m e s s a i n t e s . I l s f o n t c o m m e le d é m o n , a u q u e l i l s a p p a r t i e n n e n t (2). »

(1) Le chrétien intérieur, iiv. I, chap. v.(2) Dixerunt enim cogitantes apud se non recte : Ex nihilo nati

sumus, etpost hoc erimus tanquam non fuerimus... Venite ergo,et fruamur bonis quai sunt... Vino pretioso et unguento nosimpleamus... Coronemus nos rosis, antequam marcescant... quo-







NOS GR AN DE UR S E N J E SU S. — II . ¿517

grâce et lui p répare r les voies. C'est c o m m e les chevauxattelés à la vo iture qu i po rle le m a î t r e : ils le pré cè den t,il est v ra i ; m ais c'est pour le se rv ir et le faire a rr iver

plus pro mpt cm en t là où il veu t al le r.En ce siècle, p lu s pe ut -ê tr e qu 'e n tout au t re , il y aparmi les discip les de Not re -Sei gu eu r u ne quan t i té deSimon-Pierre, qui sont beaucoup tr op S i m o n et qui nesont pas assez P i e r r e . Soit dans leur vie privée, soit dansleur vie pu bl iq ue , ils s'opposent , san s le sav oir et surt ou t

sans le vouloir, à l'Espr it de J É S U S - C H R I S T , cont r i s tan tprofondément son divin Cœur. Ils se croient plus sages quel'Église, plus prudents que le Saint-Siège, sur les vrais

.intérêts de la Religion et sur la direction de leur vie personnelle.

Ils mêlent si bien le ur pro pre e sp ri t à l'e sprit de la

grâce, que ce lu i-c i a toujours le desso us , com me l'eau jointe à l ' hu il e: le ur hu ile su rn ag e , couvre l 'eau etdomine habituellement dans leurs jugements, dans leursparoles, dans leu rs écri ts, da ns leu r co nd ui te pub li que etprivée. Bien plus, ils ét ay cn t souvent le ur fausse sagessesur la sagesse vé ri ta bl e, c o m m e l'huil e s'appuie su r l'eau

et s'en sert comme d'un soutien qui l'élève.Ces chrétiens a m b i g u s sont por tés co m m e pa r in st in ct

vers les opinions ha sa rd ée s qui fav ori sen t la libe rté au xdépens de l'autorité, la raison aux dépens de la foi, l'Étataux dépens de l'Égl ise , le plaisi r aux dé pe ns du de vo ir ,l 'amour-propre aux dépens de l'amour de D I E U . Ce sont,

comme disait un h o m m e d'e spr it, des in te ll igen ces qu is'enrhument au m oind re co u ra n t d' er re ur ; et co nt re cerhume, ils ne co nna is se nt d' au tr e ti sa ne qu e la m o d é ra tion, c'est-à-dire le juste milieu entre le vrai et le faux,entre le bien et le mal . Auc un Sa in t n 'a j a m a i s m a r c h é<}ans ces voies.













































































N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — II . 255

les rec on naî tre ? Avec quel am ou r l ' ho mm e pou rra- t- i lrépondre à cet amour éternel de son Seigneur? Qui est-cequi atteindra la fin de sa vie pour aimer Celui qui Ta aimé dès rùt eri ïit é? qui vo ud ra c h an g er cet ami po urque lque au tr e am i qu e ce soit au m o n d e ? Que s il estvrai qu 'u ne possession im mém ori al e don ne des droits àcelui qui n'en a point, que fera celle de l'éternité, en laquelle le Fils de D I E U nous a possédés pour que noussoyons invariablement à lui (1) 1

.Quelle apparaisse donc, la source même de la grâce,et qu'elle s'épanche sur le chef des prédestinés, qui larépand sur tous ses m embre s , selon la m esu re d'un c h a cun ! Qu'il ne soit plus question ici des mérites humains:tous on t péri en Adam ; et qu 'ell e règne celle-là seu lequi a droit de régner, la grâce de D I E U , par J É S U S - C H R I S T ,

notre Se ig ne ur, le* Fils uniq ue de D I E U , le seul Seigneur (2) ! »

Des différents degrés de prédestination, et de la répartitioninégale des grâces.

De m ê m e qu'il y a da ns le corps h u m a i n des o rg an esbeaucoup plus nobles, beaucoup plus délicats et plusparfaits que les au tr es ; de mêm e, dan s le co rp s myst iq uedu Christ et dans la création surnaturelle de D I E U , il y ades êtr es plus élevés en g râ ce les u ns qu e les au tr es , des

(1) La guide des pêcheurs, liv. I, chap. vi.(2) Appareat itaque nobis in nostrocapite ipse fons gratiee unde

secundum uniuscujusque mensuram sc per ouncta ejus membradiffundit... Humana hic mérita conticesoant, quae perierunt perAdam: et regnet quœ régnât DEI gratiaper JESUM'CHRISTUM Dominum nostrum, unicum DEI Filium, unum Dominum. (S. Aug., dePrœdest» sanot, xxxi.)




vocations plus importantes, plus nobles, plus puissantes.Le ce rv ea u, l'œil, la la ng ue, le cœ ur sont certainementprédestinés par le Créateur à des fonctions plus relevées

que les viscères, que les muscles, que les os, que les pieds;Cette inégal ité, ar bit ra ir e en apparence , est l'effet d'unesouveraine sagesse qui coordonne toutes les parties pourle bien de l'ensemble, non moins que pour le bien spécialde ch ac un e des par ti es . Les p lu s nob les se rv en t les pluscommunes, et les plus communes servent les plus nobles:

l'œil voit pour tout le corps, et tout le corps porte l'œil;le cœur vivifie toutes les parties du corps en leur envoyantla vie avec le sang, et toutes les parties du corps sont àla disposit ion du cœur. Il en est ains i pour le cerveau,pour la poitrine, pour l'estomac : chacun est pour tous,et tous sont pour chacun.

Il n'en est pas autrement dans l 'ordre surnaturel: là,com me dans l'ordre de la na tu re , il y a une t rè s sage ettrès admirable hiérarchie de grâces, de dons, de vocations, de pr éd es ti nat io ns . Ceux qu i on t la vue basse etqu i ne co ns id èren t que tel ou tel détail sont tentés devoir dan s cette inégal ité tfès réel le, de l' arbi tr ai re et mê

me de l'injustice : il n'en est rien ; et au jour de la consom mat ion de rni ère , lorsque l 'œuvr e totale de D I E U et deson Christ sera parachevée, nous verrons tous l'infiniesagesse qu i a u ra présidé et à l' en sembl e et au détail,Ma in tenant no us le savons , no us le croy on s, mai s nousne le voyons pas.

Certains de la toute-sagesse, de la toute-justice et de latoute-bonté de D I E U , ne soyons jamais jaloux des grâces ;

supérieures accordées à d'autres : c'est pour nous, nonmoins que pour eux, que ces grâces d'élite leur sont données. J K S U S lu i- même, avec la pl én itud e de la gr âc e et dela prédes tination qu i réside en lu i, J É S U S lui-même est





258 LA PIKTÉ ET LA VIE INTERIEURE

Voilà le der n ie r mol du mys tè re ad orab le de la gr âceet de la prédestination. D I E U bon, D I E U inf iniment bon,donne à tous, par pure bonté, ce qui est nécessaire à chacun pour être éternellement heureux; puis, toujours etu n iq u e m en t par bon té , pour le bien de l 'en sem ble , oupour des motifs d' am ou r que n ou s ne co nn ai sson s pasici-bas, mais que nous connaîtrons dans le Ciel, il donnepl us à celui-ci qu 'à celui-là, et p réde st in e les uns d 'unemanière plus éclatante, plus surabondante que les autres.

Mais pour ceux qui reçoivent moins, comme pour ceuxqui reçoivent davantage, la prédestination est égalementcertaine; chacun reçoit de la munificence divine Vunumnecessarium. l 'unique nécessaire de l 'Évangile, JÈsus-( J H R I S T , la vie des âmes, la grâce et le salut.

11 ne reste à chacun qu 'à coopérer fidèlement à la grâ ce

qui lui est offerte, et à re mer ci er h u m b l e m en t l a m o u r etla bonté du Seigneur. Quelle folie ce serait do murmurerparce qu'on ne reçoit que J E S U S - G H R I S T , que D I E U , que lavie éternelle.

Faisons p our les bi ens sp ir it ue ls ce qui est si sa gem en trec om ma nd é au sujet' des biens te mp or el s: reg ard ons

au-dessous de no us , et en v oy an t ta nt d' àm es moi ns favorisées, confondons-nous en actions de grâces et ne faisonspas comme les égoïstes ou vri er s de la pa ra bo le . Regardons et gardons avec un humble amour ce que nous avonsreçu : c'est la vie de la grâce ; ce sera la vie de la gloire;et quelle que soit la m esure de ce qu e nous avon s reçu,

n'o ubl ion s ja ma is que no us av on s reç u plus q ue ne méritent et des néants et des pécheurs.

novissimo dare sicut et tibi. Aut non licet mihl quod volo lacère ? an ooulus tuus nequam est, quia ego bonus sura ? (Matth.x x , 1 3 /



NOS GRANDEURS EN JESUS. — II . 259

Comment il est très poss ible et très nécessaire de correspondre

à la grâce prédestinante de notre DIEU.

L'éternité est avant le temps, comme D I E U est avantl 'homme ; la prédestination est donc antér ieure au prédestiné ; la g râ ce , an té r ieu re à la liberté : ce n'es t pas u n e

antériorité de temps ; car nous ne saurions trop le répéter,i l n ' y a p a s d e t em ps en D I E U ni po ur D I E U ; c'est un e si mp lean té rior it é de ra is on ; c'est la cau se et l'effet indi ssol ub le men t un is dan s le mys tè re , la ca us e ét erne ll e et l'effettemporaire, la cause infinie et l'effet fini, la cause créatriceet l'effet créé ; c'est la ca use et l'effet esse nti e ll emen t

simultanés, et cependant tout à fait distincts. D I E U estfidèle, pa rc e qu 'i l est bo n : to uj ou rs il nous donne sasain te g r â c e ; tou jou rs il ve ut le sa lu t de to us . Mais to usne corresp ond ent pas à cet am ou r in co mp ar ab le et étern el;tous ne sont pas fidèles, et ne reçoivent pas la grâce quileur est offerte.

11 y a eu et il y a des espr its ét ra ng es qu i s' im ag in en tque ce don p ré v en an t et mi sé ric ordieu x de la gr âce lesempêche d 'y correspondre. Un cer tain landgrave, nomméLouis, ayant été un jour repris de ses désordres par desaints personnages, voulut se mettre à couvert derr ièrecette pr ét en du e imp oss ibil ité. « Si je sui s pré desti né au

ciel, leur dit- il vertueusement, aucun péché ne m'empêchera d'y entrer ; si je suis destiné à l'enfer, aucune vertune m'empêchera d'y tomber ; » et i l continua ses excès.Il tomba malade et manda son médecin. Celui-ci, homme•religieux et grave, lui dit tranquillement : « Seigneur, sivous devez m o ur ir , m es soins ne vous e mp êc he ro nt pas



2 6 0 L A P I É T É E T L A V I E I N T E R I E U R E

de mour i r ; si vous ne devez pas mo uri r, mes rem èdesvous sont inutiles. » Le landgrave étonné lui répliqua :« Po ur qu oi me réponds-tu ainsi ? Si j e n'a i aucu n secours,

je risque de mourir avant le temps. — Eh, Seigneur, reprit alors le digne médecin; si cela est vrai du salut devotre corps, pourquoi ne le se rai t-c e point d u salut devotre âme? D I E U V O U S prédestine à la vie éternelle, sivous correspondez à sa grâce et à son amour. Servez D I E U ,

aimez D I E U , usez saintement de votre liberté; et D I E U ,

soyez-en sûr, vous admettra dans le royaume de sagloire. »L'erreur du pauvre landgrave était celle que nous si

gnalions plus haut, et qui consiste à regarder l 'éternitécomme une succession indéfinie de siècles, dnns le lointain desquels on suppose un décret inévitable de salut ou

de répr ob at io n, u n dé cret fatal, dest ruct if de la libertéhumaine. Nous avons vu qu'il n'en est rien. Cette parole,qui revient souvent : « D I E U a prévu de toute éternité que

je m e sauv erai ou q u e j e m e da mner a i, » signifie tout simplement : « D I E U qui est éternel et à qui tout est présent,voit que je co rrespo nd s à sa gr âc e ou que j e n 'y corres

ponds pas ; » rien au tr e chose. Qu'y a-t-il là qui, de prèsou de loin, puisse gêner le libre arbitre des bons ou desmauvais? A plus forte raison, qu'y a-t-il là qui puisse ledétruire? Toutes ces objections tirées de la prescience deD I E U , de ses décrets, de sa prédestination éternelle etimmuable, ne sont que des chimères ; elles pèchent par

la base, et n' on t pour fo nd em en t q u 'u n faux su pp osé .Quand il est bien com pr is , le do gm e ca th ol iq ue de la

prédestination, loin de nous épouvanter, doit au contrairedilater notre cœur dans la suavité de l'espérance. « Laprédestination de D I E U , dit en effet saint Augustin, ne faitaucunement que d 'enfant de D I E U on devienne fils du



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . I I . 2 6 1

diable ; que les te mp le s d u Saint -Esprit de vi enn en t lesrepaires des démons ; que les membres du Christ deviennent les membres de la co rru pt ion : to u t au co nt ra ir e,elle transforme les'' fils du diab le en enfants de D I E U , lesrepaires des démons en temples de TKsprit-Saint, les membres de la co rrup ti on en membres vi va nt s du Chr ist (1). »Le D I E U de la prédestination est le bon D I E U , le D I E U debonté et de miséricorde ; le Chef et le Médiateur de la prédestination est le doux Sauveur, le bon J É S U S , qui « nerepousse ja mais ce ux qui v ie nnent à lui ( 2 ) ; » commetoutes les grâces, la grâce de la prédestination est un donde l'Esprit d' am ou r. Il faut ê tre bien ha bi le pour tr ou ve rlà matière à terreur.

Mais à cette grâce il faut nécessairement correspondre ;à ce don gra tu it de la céleste lumière , il faut ou vri r les

yeux clu cœur. « Car, d it sa in t F ra nçois de Sales» c omm eun malade qui, ayant reçu la médecine en sa main, NETavalerait pas da ns son es toma c, au ra it v ra im en t reçu lamédecine, mais sans la recevoir, c'est-à-dire, il Tauroitreçue en un e façon in ut il e et in fruc tu eu se : de m e sm enous recevons la gré ce de D I E U en vain, quand nous la

recevons à la po rte du cœ ur , et n on pa s dans le con se ntement du cœur ( 3 ) . »Le bon D I E U ve ut q ue no us rec ev ions la grâce , de no tr e

prédestination et salut éternel avec une fidélité très entière. Plus nous lui ouvrons la porte de notre volonté, etplus elle y en tr e a b o n d am m en t. « Po ur ab on da nt e qu e

Nullo ergo modo prsedestinaLio DISI í'ecit ut aliqui ex ÍÍIÜSDEIfiant filii diaboli. aut ex templo Spiritus ftanctí templa fiant dse-monum, aut ex membris Christi membra meretricis : sed potiuspreedestinatio facit, ut ex iiliis diaboli fiant filii DEI, et ex templod»monum templum Spiritus Sancti, et ex membris meretricismembra fiant Christi. (Ad artículos sibi falso impos., xn.|

(2) Eum qui venit ad me, non ej iciam Toras. (Ev. Joan, vi, 37.)

(3) Traité de Vamour de DIEU I. II, ch. X L




soit la fontaine, ses eaux n'entreront pas en un jardin,selon leur afïluence, mais selon la petitesse ou grandeurdu canal par où elles y sont conduiotes. Quoique le Saint-Esprit, comme une source d'eau vive, aborde de toutespa rt s no str e cœu r po ur re sp an dr e sa gr âc e en iceluy,toute fois, ne voulant pas qu'elle entre en nous sinon parle li br e co ns en te me nt de no str e volo nté, il n e la verserapoint que selon la mesure de son bo n pla is ir et de notredisposition et coopération (1). »

Cette nécessité de no tre coopérat ion à la grâ ce prédestinante ne fait pas le moins du monde, comme quelques-uns l'ont dit, que l'efficacité de la gr âc e v ie nne de nous,et non pas du bon D I E U . La grâce de la prédestination estefficace par elle-même et en elle-même, comme le rayonde lumière possède en lu i- mêm e et pa r lu i- mêm e la puis

sance d'éclairer. Seulement, cette puissance illuminatricene produit son effet pour nous que lorsque nous ouvronsles yeux : le phénomène de la vue est l'effet de la lumièrereçue dans l'œil et y apportant par sa propre vertu l'illumination. Ainsi en est-il du divin phénomène de la prédestination : il est Teflet de la grâce prédestinante par nous

librement reçue, mais efficace de sa nature pour justifier,sanctifier et sauver tous ceux qui la re ço iv en t. Ce n' es t pasnous qui faisons que la grâce de notre prédestination estefficace; et cependant, pour qu'elle produise son effet, ilfaut que nous l'acceptions.

Donc, selon la parole du Concile de Trente, la réception

de la gr âc e de la pré desti na tio n est u n e« réc eption volonta ire (2). » Donc l'a mo ur qu i nous pr éd es ti ne et la libertéde notre volonté s'unissent dans ce beau mystère comme,da ns u n chast e mar ia ge, où les dro it s des deu x parties

(1) Ilnd.(2) Sess., VI, cap. v.






Craignons donc. La crainte est le sel sanctifiant del'amour. C'est un don de l'Esprit d'amour, de l'Esprit desainteté; c 'est une participation à l 'Esprit de J É S U S ennous. Ayons peur de nous-mêmes, de noire fragilité sipa te nt e. « Seign eur, disait ch aq ue ma ti n l 'h um bl e saintPh il ip pe de-Néri, Se ig ne ur, méfiez-vous de moi aujourd'hu i ! Si vous m 'a ban don nez , je vous ferai m il le offenses; je sui s capable de tou t ! » Combien d' au tr es , meilleursque nous, ont admirablement commencé et ont mal f ini !

A force d'être cité, l'exemple de Salomon est devenubanal : Salomon, le plus sage, le plus saint des rois,l 'auteur inspiré des admirables Livres sapientiaux , Salomon, le type prophétique du Christ tr iomphant sur laterre après les luttes de l'Église militante ; Salomon, danssa vieillesse, abandonne la droite voie et se laisse si bien

en tr aî ne r par les passi ons, que son salu t est très -douteux. Et l 'Apôtre Judas, qui avait fait des miracles ! Etle grand Tertullien, qui, au péril de sa vie, avait glorieusement défendu la foi contre les Césars persécuteurs ! Et,de nos jo u rs , l 'abbé de L am en n a is , qu i, le pre mie r, a délivré nos Eglises de France de l'oppression déjà séculaire

du gallicanisme ; qui, dans sa jeunesse sacerdotale, étaitsi fervent , si pi eux, q u o n le voya it à l 'a ut el , le visagebaigné de larmes, tout ravi en D I E U , tout abîmé dans laprière! Qu'esl-il devenu? A son lit de mort, il réponditaux sup pli cat ion s d 'u ne voix am ie qui lui r ap pe lai t sonpassé et le co nju rai t de laisser appro ch e r u n pr êt re :

« Non ! non ! » Et ce furent ses dernières paroles... Toutesces âm es avaien t sa in te me nt c o m m e n c é ; el les ont malfini. Le même malheur peut nous arriver, si nous neveillons sur nous avec un zèle de tous les moments, avec

• un e hum ili t é profon de.

Craignons! Le Bienheureux Frère Gilles, compagnon




de saint Fr an ço is , disai t : « Ne dût -il y av oi r en tre tousles ho mm es , q u ' u n seul rép rou vé, je tr em bl er ai s que cene fût moi, et je ferais tout au monde pour que ce ne fûtpas moi ! » Ayons peur des ruses du démon, des illusionsde Tamour-propre et de l'orgueil ; ayons peur des attraitsséducteurs de la mo ndan it é, des richesse s et des plai sir s.

Craignons : no us vivons da ns des te mps pér ille ux .Satan crible le monde, comme on crible le froment;

« le pu it s de l 'abî me est déjà ouve rt , » disait le Pape

Grégoire XVI, dans la célèbre Encyclique où il signalaitet co nd am na it les er re ur s du m on d e mo de rn e. Attaqué ede tou tes pa rt s ; la foi baisse et di sp ar aî t pr esqu e d a n sles sociétés ; l 'air qu 'o n resp ire est d a n g e re u x ; loin denous apporter J É S U S - C H R I S T , il tend à nous inoculer lesmiasmes empoisonnés de mille erreurs. Tremblons dé

laisser éteindre, dans cette tempête, le [lambeau de notrefoi, de notre espérance et de notre charité! Tremblonsde perdre J É S U S , qu e ta n t d'autr es on t perdu déjà. Etnéanmoins, consolons-nous de vivre au milieu de cedanger, assurés que les grâces du bon D I E U tombent tou

jours en même abondance sur le monde, parce que l 'a

mour de D I E U ne vari e p a s ; et c o m m e , dan s les te m p smauvais, le sec ours croî t avec les d ang ers , les cœurs fidèles le reço ive nt en plus g ra nde abo ndance . Dès l ors ,le remède se t ro uve pro port ionné au m al , et la fidélitéreste toujours possible.

Mais à la cr ai nt e vigi lan te ay ons soin d 'u ni r to uj ou rsune im m en se confiance en l ' am ou r de No tre-S eig neu r.Tant qu 'el le est pr éservé e de l'il lus ion par la sa in tet é dela crainte, cet te confiance ne peut êt re trop g ra nde ; ellene Test m ê m e j a m a i s assez : j a m a i s no us ne p ou vo nsnous confier assez par fa it em ent en la bo nt é de eet ab îm e




d' am ou r, de tendres se, de compa ssi on , de miséricorde;qui s'appelle D I E U , qui s 'appelle J É S U S . 11 est de foi révélée que D I E U veut te mlut de T O U S les hommes (i) »; etqu'il donne à tous sans exception la grâce suffisante, lagrâce qui leur suffit pour se sauver : ceux-là seuls nesont point prédestinés qui ne veulent pas que D I E U lessauve. J ' a i donc la pa ro le de m on D I E U : il veut, d'unevo lonté très-réelle et trè s-p ar lai te, que j 'a i l l e au Paradis.Il ne me reste plus qu 'à le vo uloi r m o i - m ê m e ; et je le

ve ux. Quelle douce confi ance! et q.uelle pa ix , quel le joieda ns cette âpre coquille de la c ra in te , c'e st -à-di re de ladéfiance de moi-même.

La cr ai nt e et la confi ance : tels so nt les d e u x pôles deTaxe de notre prédestination. Quils soient immuablesl'un comme l'autre, et que toute notre vie gravite sur cet

axe sauv eur. « Un jo ur, dit l ' au te ur de Y Imitation^ unhomme flottant entre la crainte et l'espérance de sonsalut, se disait tout agité en lui-même, à genoux au piedd 'u n autel : « Oh ! si j e sava is qu e je dusse pe rs év ér er ! »Il entendit aussitôt une voix divine qui lui dit : « Et, situ le savais, que ferais-tu ? Fais dès m a i n t e n a n t ce que tu

vo udr ai s faire alor s ; et tu se ras da ns la vr ai e sécurité (2). »

Ainsi, vigilance et amour, défiance incessante de moi-même et confiance absolue en mon Sauveur : voilà quellese ra dés orma is ma devise . A la su it e de la Sainte-Viergeet de tous les Saints, je veux avec la grâce de J É S U S , vivre

en prédestiné, et conquérir le royaume des cieux. Maprédestination vient tout entière de D I E U par J É S U S -

C H R I S T ; ma is elle est t ou t en ti ère en t re m e s ma ins. 0

(1) D E U S omnes hopiines vult salvos fleri. ( I ad Tim. u,4).(2) Lib. I, cap. xxV.



NOS GRANDEURS EN JESUS — XI, 2 G 7

Seigneur, je su is sû re de vo us , m ai s je n e suis pas s û rde mo i-m êm e! Gardez-mo i, sanctifiez-moi, sauvez-mo i.

De quelques signes particuliers de prédestination.

On appelle signes de prédestination cer ta ines marquesspéciales que la grâce de J É S U S - G H R I S T impr ime dans une

àme. Lors de la sortie d'Egypte, les Isr aé li tes fidèlesmarquèrent Lous la por te de leurs dem eures d'un s ig nequi figurait la cro ix et qu i éta it fo rm é du sang de l'agneau pascal. La n u i t mê m e du dé pa rt , l 'An ge ex te rm i nateur ne respec ta que les m ai sons qu i po rt ai en t ce tt emarque de salu t. C'é tai t la figure des réal i tés spiri tuell es

et éternelles : en ce m o n d e , les Is raél it es , c'es t-à-dire le senfants de la cité de D I E U , sont confondus avec les Égyptiens, c'est-à-dire avec les enfan ts de la cité de S a t a n ;mais ils sont m a r q u é s , devan t D I E U et de va nt ses An ge s,du signe rédempteur de J É S U S ; et l 'Ange e xt er mi na te urles respectera au j o u r de l'é te rn it é, et il ne re sp ect er a

qu'eux... «Il y a, dit sai nt B e rn a rd , des si gn es , des in di ce s ce rt a insde salut; celui qu i les port e j u s q u ' à la fin, se ra i n d u b i tablement du nombre des élus (1). » Parmi les signes de-prédestination, les uns sont spéciaux, les autres généraux.Examinons-nous devant D I E U et voyons si nous avons le

bonheur de nous y reconnaître.Le premier sig ne spéc ial de p ré de st in at io n, c'est l'hu

milité, la vraie humilité, l 'humilité du cœur. Il est très

(i).Data sunt signa quœdam et indicia salutis, ut indubitabile siteum esse de numéro electorum, in quo ea signa permanserint.-(InSeptuages., serm. I.)




certain, d'une part, que tous les humbles seront sauvés,et, de l'autre, que nul ne sera sauvé s'il n'est humblç.« D I E U donne sa grâce aux humbles » et j a m a i s « il ne dédaignera un cœur contrit et humilié. » Au contraire, « ilrésiste aux orgueilleux, » que ls qu'ils soie nt.

Le second signe de prédestination, c'est la saintepatience ; c'est de po rt er , impr imée su r sa vi e, « la croixde J É S U S - C H R I S T en qui est le salut, la vie et la résurrection (1); » la cr oi x, c'e st -à-di re les souffrances accep

tées sa in te me nt ; les h um il ia ti on s, les pri va tio ns endurées patiemment ; les immolations de la nature par lag râce ; en un mot, tout ce q u i crucifie et tend à fairem ou r i r le vieil ho m m e . Le pieux Cardi na l Fe ret ti , cousinde Pie IX, voyant un jour venir à lui un jeune prêtre queve na it de frapper une infi rmité crue ll e, s'écria dans un

tra nsp ort de foi : « 0 mo n fils, qu el le g râce ! Vous portezsur le front le signe des élus, la croix de J É S U S ! » Et endis an t cela, il lui t ra ça su r le fron t u n g r a n d signe decroix, et saisissant sa main, il voulut à toutes forces labaiser. A ce point de vue, les infirmités corporelles, ainsique la pauvreté et les pe rs éc ut io ns , son t c o m m e la voie

royale qui conduit droit au ciel.. Un troisième signe de prédestination, dont il faut orner

notre vie : c'est l' assidu ité à l'o raison . On peut .affirmerqu 'u n chrétien qui s 'appliq ue sé r ie us em en t, pe nd an t unede mi- he ur e ch aq ue j o u r , à faire or ais on , est assuré deson salu t éternel. L'oraison em pêc he les il lu si on s; elle

éclaire in ce ss am me nt no s vo ie s; elle re no uv el le chaque jour l 'esprit de grâce. Tous les Saints, sans exception, ontété des hommes d'oraison, c'est-à-dire des hommes inté-

(1) Nos autem gloriari opertet ia cruce Domini nostri JESUCHRISTI, in quo est saius, vita et resurrectio nostra. (Missa votiv.de Cruce.)



NOS GRAN DEURS EN JE SU S. — II . 269

rieurs. Dieu ne nous ôtera point sa miséricorde, Lantque'nous ne qui tte ron s poi nt l 'exercice de l ' h u m b le ora iso n.Soyons-y do nc très fidèles, e t jo ignons- la à la pra ti que dela communion fr éq ue nt e.

Le quatrième sig ne de pr éd es tina tion , c'est la piétéenvers la Sa in te -V ie rg e. La Bien heu re use Vierge est, eneffet, la Mère, la Reine, la conductrice et la gardienne desélus. Aussi est-ce un se nt im en t c o m m u n pa rm i les pl usdoctes théologiens q u ' u n e piété filiale envers la Sa in te -

Vierge est un s igne de pré des ti nat io n et é lecti on di vi ne s.Ceux-là, en effet, sont certainement prédestines, dit saintPaul, que D I E U voit conformes à l'image de son Fils ; or,après son Père céleste, J É S U S n'a rien tant aimé et honoréque sa Bienheure use Mè re . L 'Église ap pli que à M A R I E .

après J É S U S , la parole du livre des Pr ove rb es. « Celui qui

m'aura trouvée y

aura trouvé la vie et il puisera le salut auxsources du Seigneur. » Ge qui faisait dire à saint Germain,Patriarche de Go ns ta nt in op le : « La re sp i ra t io n est à lafois et la marque et la cause de la vie; ainsi, le nom de laSainte-Vierge M A R I E , quand i l revient fréquemment surles lèvres d 'un fidèle, est à la fois en lui et la marq ue de

la vraie vie, et la ca use efficiente et conservat r ice de cet tevie. L'amour de M A R I E lui apporte toute joie et toutegrâce (1). » To us les Sa in ts o nt ai mé ex tr ao rd in ai re m en tla Sainte-Vierge ; et son a m o u r , qu i p r e n d au jo urd' hu i desi vastes et de si ma gn if iq ue s dé ve lo pp em en ts , pe rm e td'espérer que le n o m b r e des élus est en core très co ns id é

rable sur la terre.Le cinquième si gn e spécial de pr éd es ti na ti on est un

profond a m o ur pour le très sai nt S ac rem en t . Go mm en tpourrait-il en êt re a u t r e m e n t ? Le Sa in t- Sa cr em en t est

(l)Corn. a.LapM in Ecoles., xxiv, 13.




J É S U S - C H R I S T lui-même, le Roi du ciel, le D I E U qui prédestine tous les élus, et le divin chef des prédestinés, quiat tir e à lui t ous les si en s. C'est du Sa int -S ac re men t quepa ri tout le r ay o n n e m en t de la pr éd es ti na tion et de lagrâce dans l 'Église militante. Qui aime J É S U S dans l 'Eucharistie su r la te rre , l ' ai me ra au ciel dans les sp le nd eu rs dela gloire. « Là oà est le corps, dit l 'Évangile, là se rassembleront les aigles (!) ; » les aigles, ce sont les élus, qu'attirel 'amour du Christ; ce sont les prédestinés qu'attire le Pré

de st in é: qui se ress emb le, s 'assemble.Le sixième signe spécial, indiqué par le Pape Benoît XIVda ns son Traité de ta canonisation des Saints, c'est le dévoueme nt et l 'am our en ve rs le Sou vera in- Pon tife . Gomment,en effet, ne serait-il pas à J É S U S - C H R I S T , celui qui se donnetout entier au Vicaire de J É S U S - C H R I S T ? Le Pape est le

Vicaire et co mm e le signe sensib le du bo n Pa st eu r quiconduit toutes les b re bis fidèles dans les pâ tu rages de lavé ri té et de l 'é te rn it é . Su ivre fidèlement le Pape , c'estsuivre assurément J É S U S - C H R I S T ; être e n ti èr em en t dévouéau chef visible de l'Église, c'est être entièrement dévouéà son chef invisible.

On po ur ra it ajouter, sa ns cloute, pl us ie ur s au t r e s signesparticuliers de prédestination, indiqués par les Saints ; parex em pl e, la vocation r eli gieuse et la fidélité à b ien observer l'esprit delà règle ; la vocation ecclésiastique, qui estune si grande grâce et qui donne tant de moyens de sanctification ; l ' am our pra ti que des règles de pén i te nce et de

per fec tion, présen tées p a r l'Église dans les différentsTiers-Ordres, et en particulier dans le Tiers-Ordre desaint François , enrichi par Notre-Seigneur lui-même de

(l) Ubicumque erit corpus, illuc congregabunLur et aquilse (Luc.xvn, 37.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — II . 2 7 1

si douces et de si ma gn if iques bé néd ic ti on s ; le sa in tamour des pauvres quand on est riche; etc. Ces signesd'élection eL de g râce , sa ns être ab so lu s, sont po ur nousde très pu iss an ts et de très légi time s m oti fs d' espé rer en labonté divine et de cr oi re que, tou t pa uv res gens que noussommes, D I E U nous admettra un jour dans son bienheureux Paradis.

De quelques signes plus généraux, indiqués par les Saints.

« Le signe ou le ca ract èr e des pr éd es ti né s, dit sa in tBonaventure, c'est la vertu ( 1 ) ; » non point la vertu parfaite, mais la vertu sérieuse, vraie, universelle; la vertu,c'est-à-dire l 'observance religieuse et habituelle de tous

les commandements de D I E U et de l 'Ég lise , la p ra ti qu e,non pas d'un e ou de de ux , mai s de to ut es les ve rt us c h r é tiennes, et la fu ite, n on pas de tel ou tel vi ce , mai s detous. S'il y a re la ti vem en t peu d'é lus, c'est qu 'il y a m a l heureusement peu d ' ho mm es qu i c om ba tt en t ainsi le boncombat sur toute la ligne. Saint Augustin fait remarquer

que, pour perd re la vie, il suffit d'ê tr e fr appé da ns u nseul organe vital. Si j 'ai la tète brisée, je meurs, bien quemon cœur, ma poitrine, mon estomac demeurent sains etsaufs. De m ê m e , si un gla ive m e pe rc e le cœ ur , je to m b esans vie, bien q u e tous me s au tr es o rg an es ne so ie ntaucunement lésés. Il on est ainsi dan s l 'o rd re du s a l u t :

pour perdre la grâce de D I E U et la vie éternelle, il suffit dese laisser dom ine r p ar un seul v i c e ; et il se ferait to ta le ment illusion celui qu i é vite rait so ig ne us em en t la lu xu reet s 'abandonnerait à l 'ambition, et à l 'orgueil ; qui demeu-

(1) Signum vel character prasdestinationis virtus est . (Diœtte,titul. V. cap. i.)





NOS GSANJDEUffS E N. JE SU S. — I I . 273

qui tém oig nen t de la pr édes tin ati on d'u ne cré ature :« s'abtenir de péc her, faire de dignes fru it s de pé ni tenc e,faire les œuvres de vie (1). »

Enfin, saint Antoine donnait aux Religieux qu'il dirigeait dans les voies du salut les trois règles suivantes,dont l'observance , di sai t-il , est un gage infaillible deprédestination : « p re m iè re m ent , gardez tou jours et p a r tout la sainte présence de D I E U ; deu xiè me men t , appuyezvos actions sur quelques maximes des Saintes Écritures;

troisièmement, n' ai me z pas le c h a n g e m e n t et ne cou rezpas de mon as tè re en monast è re . Observez ces trois rè gl eset vous serez sauvés (2). »

En rés um é, la g râ ce de la pr éd es tina tion é ta nt au fondla même que la g râce du snlut, on peut êt re as su ré demarcher dans la voie des prédestiués, quand on travaille

tout de bon à son sa lut , quand on met l'affaire de sonsalut avant toute au t r e affaire, en d' au tr es te rm es , q uandon s'applique à conna î t re , à se rv ir et à a im er J É S U S detout son cœur. Faisons cela et nous vivrons.

COMMENT NOTRE-SEIGNEUR A TRACÉ LUI-MÊME LE PORTRAITDES PRÉDESTINÉS.

Par l' Inca rnat ion, le Roi du ciel est ap p a ru au mi lieudu mon de, appe la n t à lu i tous les élus de son Pè re ,

c'est-à-dire tous ceux qui veulent se sauver éternellement. Or, .dès le déb ut de la pr édi ca ti on év an gé li qu e, il

(1) Très sunt qui testimonium dant in terra : spiritus, aqua etsanguis. (I Ep. v, 8.) A sanguine, aqua et spiritu habere test imonium est, si contines A peccatis, si dignos agispœnitentiaî fructus,si facis opera vitae. (In octava Pasohœ,)

(2) Ruffinus in VitaPatrum, lib- III, numer. 108.

XIV IS



274 LA PIETÉ ET LA VI E INTÉRIEURE

a ré su mé lu i- mêm e eu hu it paro les toute l 'éco nomie dusalut et de la p réde st in at io n. Il a tra cé de sa ma in divine,en huit beaux tableaux, le portrait des prédestinés.

Ce portrait, ce sont les huit béatitudes, où J É S U S résumeles traits célestes de tous ses élus. C'est comme un abrégéde toute la sa in te té ch rô t ienue . il appel le tous ces élusbienheureux. Ce mot exprime à la fois l'idée du bonheur,Tidée de la sainteté, el l'idée de la récompense éternelle.Quels sont donc les hommes bienheureux qui ont ainsi

reçu de la bouche même de DTRU cette triple promesse debonheur, de sainteté et de salut?D'abord ce sont les pauvres d'esprit, c'est-à-dire les

humbles qui sont détaches d'eux-mêmes ; les pauvresqui mé pr is en t les bi en s de la te rr e po ur n' as pi re r qu'auxbiens du ciel ; les chrétiens vraiment évangéliques, qui

ont, avec J É S U S et pour l 'amour de J É S U S , l'esprit de lapauvreté, lors mémo qu'ils ne seraient pas réellementpauvres. « Bienheureux; (es pauvres d'esprit ! parce que leroyaume du ciel est pour eux (1). » La pauvre lé d'espritab ou ti t au ciel ; les h u m b l es et les dé ta chés son t doncdes prédestinés au ciel.

v Bienheureux ceux qui sont doux ! ajoute le Sauveur ; parce qu'ils posséderont ta terre (2) ; >> non point la terreprésente, mais la terre à venir, la terre régénérée et renouvelée par le Sa in t-Espr it ; où le Chris t, a ve c tou s sesSain ts, vie ndra r ég ne r, su iv au t les di vi ns or ac le s. Cetteterre sera la terre des Sa in ts , le r o y a u m e des prédestinés

et co mme le spl end ide vestibu le du pa la is de l'éternité.La do uc eu r est ainsi le second ca ra c tè re des prédestinés,

(1) Beati pauperes spirltu, quoniam ipsorum est regnum cœ--iorum. (Ev. Malth., v, 3.)

(2) Beati mites, quoniam ipsi possidebunt terram. (fbid.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — II . ¿75

la seconde p romesse de pr éd es ti na ti on , to mb ée des lèv resdu Fils de D I E U .

La troisième re gard e l'affliction de la pén it ence , et engénéral les larmes de toutes les soulîrances saintementsupportées. « Bienheureux ceux qui pleurent ! parce qu'ilsseront consolés (1)-» Consolés, où cela? intérieurementdès ce monde, par l'amour de J É S U S , par la puissance dela foi, par la paix et la jo ie du Sa in t-Esp ri t ; in té r ieu re ment et ex té ri eu re me nt d an s le ciel, p o u r tou te l 'é te rn it é.

Donc, les larmes saintes sont un gage certain de prédestination.Le zèle de la just ic e no us est pr és en té co m me qua

trième cachet de prédestination. « Bienheureux ceux quiont faim et soif de la justice ! parce qu'ils seront rassasiés (2). » La justice, c'est la saint eté parfa ite, c o m m e

nous l'avons vu plus haut. Avoir faim et soif de sainteté,c'est porter eu soi la ressemblance du Christ et de tousles Saints. Si no us av ons le bonheur de sen t i r en nouscette faim d iv ine , so yo ns as su rés que no tr e bon D I E U

ne* nous laissera po in t la ng u ir : en ce m o n d e d'a bord,puis dans l'é te rn ité , il nous donnera le Pa in vi va nt , le

Pain de D I E U , le Pain des Anges, et nous enivrera du vinde son amour . Il l a p ro mis , et sa pa ro le ne passerapoint. '

La cinq uiè me bé ati tud e no us mo n t re la misé rico rdecomme une clef qu i ou vr e in fa il li bl em en t la po rt e d uParadis. En nous donnant cette clef, le bon D I E U met par

avance le ciel en notre pouvoir. « Bienheureux les miséricordieux ! car ils obtiendront miséricorde ! (3) » Obtenir

* (i) Beati qui lugent, quoniam ipsi oonsolabunlur. (Ibid.)

(2) iteati qui esuriunt et siLiunt just it iam, quoniam ipsi satura-huntur. (Ibid.)

(3) Beati miséricordes, quoniam ipsi misericordiam conse-quentur. (Ibid.)



Á76 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

miséricorde, c'est le salut, c'est le ciel. Nous sommessûrs d'être prédestinés au ciel, si nous pratiquons detout no tre cœ ur la misér icord e env er s tous nos frères ; si

nou s ai mo ns et si no us sec ouron s les m a lh eu re ux ; sino us co mp at is so ns a ux souffrances de n os frères ; sino us pa rd on no ns à nos ennem is ; si nous so mm es bons,indu lgen ts et c ha rit ab le s. Oh ! la belle pr éd es ti na ti on ! etqu'elle est digne de Celui qui la donne !

Puis J É S U S , l 'I nn oc en ce infinie, déc lar e enc or e bien

heureux et prédestinés ceux qui vivent dans l ' innocence.« Bienheureux les emir s purs ! car ils verront D I E U (1). »Avoir le cœur pur, c'est garder soigneusement son àmcen état de grâce ; c'est aimer et garder la sainte chasteté ;c'est imiter la Sainte-Vierge et se purifier de plus en pluspa r l 'ha bi tude de la pr iè re et de la pé n it ence . Ceux qui.

vivent ainsi , ve rro nt D I E U face a face dans le Paradis.Dès ce monde, ils voient, ils comprennent les mystèresde D I E U , c'est-à-dire de J É S U S - C H R I S T , aussi peu imparfaitement que le comporte l'infirmité de la vie présente ; ilsles pénètrent à la lumière intérieure du Saint-Esprit . I lssont donc des prédestinés à la vision intuitive et à l 'union

BEATIFIQUE.Le septième type d clu que nous trace le peintre divin,

est celui des enfants de la paix intérieure. « Bienheureuxtes pacifiques ! parce qu'ils seront appelés les ftls deD I E U (2). » Le Pa ra dis où i ron t u n jo u r les pacifiques , estle sé jour éterne l de la pa ix . G ar de r la pa ix d u cœur,

porter la paix au milieu de ses frères, demeurer inébranlable en J É S U S - C H R I S T au sein des agitations dumonde et des tempêtes de la vie, c'est avoir le cachet desélus ; c'est être prédestiné à la gloire.

(1) Beati mundo corde, quoniam ipsi DEUM videbunt. (Ibid.)(2) Beati pacilici, quoniam flliiDEI vocabuntur. (Ibid.)



N O S G R A N D E U R S E N J É S U S . — i i . 277

Enfin, J É S U S nous trace le huitième portrait de ses•chers prédestinés, lorsqu'il nous dit : « Bienheureux ceuxqui souffrent persécution pour la justice! parce que le

royaumedes

deuxest à eux

(1). » Il leur est promis , illeur est donné d'avance : la croix de la persécution est laclef d'or, le divin passe-partout qui ouvre la porte duciel. Les Sa in ts on t tous r egard é c o m m e la grâce desgrâces d'être per sé cu té s pour la cause de la ju st ic e .« Lorsque les hommes vous haïront à cause de moi, quand ils

vous maudiront, quand ils diront contre vous, en mentant,toutes sortes de mal, réjouissez-vous et tressaillez de joie !"parce que votre récompense est grande dans les deux (2). »Des huit béatitudes, des huit promesses, c'était celle-làque préférait sa in t Fran ço is de Sales ; et sain t Ig nacel'aimait tellement qu'il la laissa à ses enfants comme le

plus précieux de tous les héritages. Être persécuté, êtreprédestiné : c'est s y n o n y m e .

Regardons dans ces huit miroirs, où les traits des élussont re tr acés par le D I E U des élus. Voyons si nous ysommes conformes, au moins quant au fond et par la volonté. Voyons ce qu 'il n ous faut faire po u r no u s r a p p ro

cher davantage de ces bienheureux types ; et, demandanthumblement à notre Sauveur la grâce de devenir trèssaints, promettons-lui et promettons-nous de travaillersans relâche à de ve ni r h u m b l e s et do ux de cœur, p é n i tents, zélés pour la gloire de D I E U et le salut de notre âme;de devenir bo ns e t mi sé ri co rd ie ux , pacifiques, p u rs ,

chastes et patients.

(i) Beau qui persecutionem paliuntur propter justit iam, quo-mara ipsorum est regnum cœlorum. (lbid.)

(2)Beati eritis cum maledixerint vobis, et pe rs ec ul i vosfuerint ,etdixerunl omne malum adversum vos menLientes, propter me :gaudete et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in cœlis.

(tout.)



278 L A 1*1 E T E E T L A V I E I N T E R I E U R E

Mais surtout ne nous contentons pas de bons sentimentsni de belles paro le s : ce sont les œu vres , ce sont les béatitudes mises en pratique qui font les élus. Gomme Jo J

seph et M A R I E al la nt de Bethléem à Jé ru sa le m au quarantième jour, i l nous faut porter Jùsus, non-seulementsur notre cœur, mais encore dans nos bras. « Plusieurs,dit le bon saint François de Sales, se contentent de porterNostre-Seigneur seulement sur la langue, et disent merveille de luy en le louant avec beaucoup d'ardeur. 11 y en

a d'autres qui le portent au cœur par des affections tendres et am ou re us es , lesquels fon dent pr esqu e en pensantet parlant de luy. Mais ces deux façons de porter Nostre-Se ig neur ne sont pas g ra nd 'c hos e, si l 'on n' y adjoute latroisiesme, qui est de le porter dessus les bras en opérantde bonnes œuvres; car les bras représentent les œuvres.

Il faut donc jo in dr e en se mb le ces tro is m an iè re s de porterNo stre-Se igneur , si nou s le vou lo ns po rt er à son gr é (1), »et si nous voulons qu'il nous ouvre un jour les portes duParadis .

QUE CE SONT LES RÉPROUVÉS QUI SE PRÉDESTINENT EUX-MÊMES

À LA DAMNATION ÉTERNELLE.

Le bon D I E U ne damne personne, ceux-là seuls sontdamnés qui se damnent eux-mêmes. Il en est de la dam

na tion co mme du pé ch é qu i l 'en fan te : D I E U n'est pas plusl' au teur de l'un que de l' au tre. Le péché , c'est la damnation en fleur; et la damnation, c'est le péché en fruitm û r et cuei ll i. À cau se de sa sa in te té et de sa justice,D I E U punit nécessairement le péché et prépare l 'enfer au

(1) Serm. famil.



NOS GRANDEURS EN JESU S. — II 279

.pécheur impénitent : oui certes ; mais ce n'est pas lui quiprépare ni qu i o père le péch é que l'enfer do it punir (1).

La grâce du sal ut ne m a n q u e a pe rso nn e ; mais be au coup de personnes manquent à la grâce : de là, leurdamnation. » D ' o ù vie nt , se de man de sain t Fran çois deSales, que Lucifer, ta nt élevé par n a tu r e et suré levé pargrâce, est to mb é, et que tant d'A nges moins av an tagé ssont demeurés debout en leur fidélité? Certes ceux quiont persévéré en doivent toute la louange à D I E U , qui,

par sa misé rico rde, les a créés et m a i n t e n u s bons ; ma isLucifer et tous ses sec tat eurs, à qui pe uv en t- il s at tr ib uerleur chute, s in on , c o m m e dit sain t A ugust in , à leurpropre vo lon té, qui a, p a r sa lib ert é, qu it té la grâce di vine, qui les av ai t si do u cem e nt p r év en u s? Gom ment es-tu tombé, ô g ran d Lu ci fe r! qu i, tout ai ns y q u ' u n e belle

aube, sortois en ce monde invisible, revestu de la charitépremière, com me du co m m e n cem en t de la cla rté d'unbeau jour, qui devoit croistrejusques au midy de la gloireéternelle? La gr âce n e t'a pas m a n q u é ; ca r tu l'a va is ; maistu as manqué à la g râce . D I E U ne t'avoit pas destitué del'opération de son amour; mais tu privais son amour de

tacoopération : D I E U ne t 'eusl j am a is rejeté si tu n' eussesrejeté sa dilection. D I E U tout bon ! vo us n e laissez qu eceux qui vous la is se n t; vo us ne nou s ostez jama is vosdons, sinon quand nous vous ostons nos cœurs (2). »

Cette doctrine est commune à tous les Saints. Saint Am-broise compare la grâce divine à la lumière du ciel queDIEU verse comme par torrents sur toute créature, sansdistinction, sans exception, « fanant luire son soleil, c'est-à-dire son Christ, sur les méchants comme sur les bons (3).

(lj Praedestinavit DEUS impiorum gehennam, sed non prœdesti-navitimpiorum culpam. (Hugo a S.Vict., De Potest. et Volunt. DEI.)

(2) Traité de l'amour de Dieu, liv. II, chap. x.(3)Solem suum oriri facit super bonos et malos. (Matth. v, 45.)



280 LA PIÉTÉ ET LA VI E INTERIEURE

Est-ce la faute du soleil, s'il n'éclaire pas la maison decet homme qui en ferme hermétiquement toutes les ouvertures? Est-ce la faute du Soleil de justice s'il n'entrepas dan s l'àme de cet insensé qu i repo us se loin de lui lasplendeur du Verbe divin ? A-t-on le droit d'accuser d'impuissance la céleste lumière? Le Verbe de D I E U frappe àla porte de ton cœur. « Si quelquun m'ouvre, dit-i l , f entrerai. » Si vous n 'o uvre z pa s, à. qu i la faut e? A ce lu i quine peut pas entrer, ou à celui qui ne veut pas ouvrir (1)?»

Saint Augustin dit à son tour : « Mes frères, quand unaveugle est placé en face du soleil, le soleil lui est présent, mais lui, il n'est pas présent au soleil : ainsi toutinsensé, tout pécheur, tout impie est un cœur aveugle. LaSagesse se présente à lui ; mais comme elle est devant unaveugle, elle est pr ésen te au co rps, mai s abse nt e aux

y eu x : ce n'e st pas elle qui est a bsente, ce so nt les yeuxde l'aveugle (2). »Ainsi, ce n'est pas plus le bon D I E U qui damne le damné,

que ce n'est lui qui fait pécher le pécheur. L'abus du librearbitre, de ce don admirable qui accompagne nécessairemen t le don de l 'i nte lli gence : voilà la cau se un iq ue du

péché et du pécheur, de la réprobation et du réprouvé. Etsi l 'on de mande pourquoi le bon D I E U nous a laissé lapossibilité d' ab us er du libr e ar bi tr e, no us répondronsque, dans l 'état d'épreuve, qui est essentiellement impar-

(1) Numcfuid si quis ostia domus suae claudat, soiis est culpaquod non illuminet domum ejus?... Ergo si quis Verbi a se splen-

dorem stultus avertat, causari poterit quod Sol justitiae nolueritintrare, aut infirmitatem iurainis cœlestis arguerè ? Puisât januamtuarn DEI Verbuni. Si quis mihi aperucrii, inquit, intrabo. Si quisergo non aperuerit, numquid non ingredientis, et non magis nonaperientis est culpa. (In Psal. CXVIII, ser. xix, 40.)

(2) Ergo, tratres, quomodo homo positus in sole caecus pressensest illi sol, sed ipse soli absens est : sic omnis stultus, omnis inî-quus, omnis impius, cœcus est corde. Praesens est Sapientia, sed

cum cœco praîsens est, oculis ejus absens est : non quia ipsa illiabsens est, sed quia ipse ab illa absens est. (In Joan., tract. I.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — II . 281

fait, cette possibilité de l 'a bus ac com p agne né ce ss ai re me ntl'usage.

El si Ton insiste en disan t que D I E U aurait dû nousépargner l'éprouve, on dit un non-sens ; parce qu'il estde l'essence d'un être intelligent de pouvoir choisir ou nepas choisir librement la vérité et le bien, dont la possession const itue la fin dern ière et le b onheur .

Et enfin, si l'on dit que D I E U , prévoyant que tel ou telhomme ab use rai t l ib re m en t de ses don s, au ra it dû n e

pas le créer, on re to mb e da ns Ter reu r fo nd am en ta le ,dans le faux supposé, su r lequel no us av on s si ju s t e m e n tinsisté : on supp ose à faux de la pre sc ie nc e en D I E U , etl'on oublie qu 'i l n' y a en lu i que la pe rfec tion de lascience.

Nous l'avons vu déjà : tout le bien que nous faisons,

c'est le bon D I E U qui le fait en nou s et av ec no u s ; etnous autres, nous ne le faisons qu'en coopérant à sagrâce; nous ne le faisons que par lui, avec lui et en lui.Au contraire, tout le mal que nous faisons, nous le faisons seul, no n-s eu le ment en deh ors de l 'ac tion de D I E U ,

mais malgré, mais contre l 'action de D I E U . D I E U nous

voit et qu an d no us faisons le bi en et quand nous fai son sle mal : ma is quand nou s faisons le bi en , il vo it ce qu 'i lfait et 11 fait ce qu'il vo it ; ta nd is qu e lo rsq ue no us faisonsle mal, il voit ce qu'il ne fait pas. Or, le salut étantpurement et simplement la conséquence du bien, le bonDIEU voit et fait le salut des bons; il en est la cause

efficiente et première : la damnation étant purement etsimplement la conséquence du mal, le bon D I E U voit etne fait pas la da m na ti on de s p é c h e u r s ; eux seuls son t lacause et de leur péché et de leur damnation.

Le répr ouv é est do nc seul, ab so lu me nt seu l, re sp o n sable de sa perte ; D I E U n'a pour lui , comme pour toutes




ses créatures, que de la bonté, et il ne lui fait que dub i e n ; il veut le sauver, d'une vo lonté éte rne lle , d'unevolonté réelle, d'une volonté toute d'amour ; il lui donnesa grâce; il lui donne ce que seul il peut lui donner, lemoyen d'arriver au bonheur du ciel. Saint François deSales le fait com p re nd re par une co mp ar ai so n curieuse :« Le petit admirable poisson, dit-il, que l'on appelle remoreou arreste-nef, a bien le pouvoir d 'a rr es te r ou de n'ar-rester point le navire cinglant en haute mer à pleines

voiles ; mais il n'a pas le pouvoir de le faire ni voguer,ni cingler ou surgir ; il peut empescher le mouvement,ma is il ne le peu t pas do nn er . No tre fra uc -ar bi tre peutarrester et empescher le cours de l ' inspiration; et quandle ven t favorable de la grâ ce céles te en lle les voi les denostre esprit, il est en nostre liberté de refuser nostre

co nsen teme nt , et em pes ch er pa r ce mo ye n l'effet de lafaveur du vent : mais qu an d nost re espr it ci ng le et faithe ur eu se me nt sa na vi ga ti on , ce n' es t pas nous qui faisonsve ni r le vent de l'i nspi rat ion, ni qu i en remp li sson s nosvoiles, ni qui donnons le mouvement au navire de nostrecœur; ainsi seulement nous recevons le vent qui vient

du ciel, consentons à son mouvement, et laissons aller lenavire sous le vent sans l'empescher par le remore denotre résistance (i). »

D I E U donc no us prédestine à la sa in te té et au Paradis,c'est-à-dire que, par le don gratuit et primordial de sagrâce, il nous donne ce avec quoi nous le connaissons,,

l 'aimons et le servons, ce avec quoi nous devenons saints;le réprouvé, au contraire, en résistant librement et spontanément à la grâce du salut, se prédestine lui-même à ladam nat io n ; c'est-à-dire qu'il de vi en t la cau se première

(1) Traité de Vamour de DIEU, 1. IV. oh. vi .



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I . 283

et même la cause uni qu e de son m alheur . Tout cela esttrès simple. Le Sa uv eu r est éga le me nt pré sent au x de uxlarrons du Calvaire, il offre â tous deux la grâce de la foiet du r ep en t i r : l 'un acce pte et se sa u v e ; l 'aut re refuse,et se perd . C'est l' hi stoir e de tous les élus et de tous lesréprouvés.

En so mm e, ajoute le ch er saint François de Sales,DIEU crie haut et clair à nos oreilles : « Ta perte vient detoy, ô Israël ! perditio tua ex te, Israël \ et en moy seul se

.trouve ton secours (1) ! »

Avec quel détachement de toutes choses les élus de DIEUdoivent accomplir ici-bas leur pèlerinage.

« Je sèche d' en nu i su r cette pa uv re te rr e, disait u n j o u rle saint curé d'Ars ; mon àme y est triste jusqu'à la mort. ,Mes oreilles n ' en tenden t qu e des choses pénibles e t qu ime navre nt le cœ ur . Un bon ch rét ien ne devrai t paspouvoir se souffrir su r la te rr e . Si un pe ti t enfa nt ét aitlà, dans l'église, et que sa mère fût à la t r ibune , il lu i

tendrait ses petit es mains , et s'il ne pou va it m o n t e rl'escalier qui y conduit, il se ferait aider et n'aurait derepos que lo rsqu 'il serait da ns les b ra s de sa mè re . Laterre n'est qu'un pont pour passer l'eau ; elle ne sert qu'àsoutenir nos pieds. Il ne faut attendre le repos que quandnous serons chez nous, d ans la ma ison pat er nel le . »

C'est l'esprit de foi qui nous manque; et par conséquent la vivacité de l'espérance et de la confiance ; et parconséquent encore l'efficacité de l'amour de D I E U , dudésir de la m or t , de l'aspir ation in cessan te au jo u r

(l)Ibid., liv. Il, ch. x.




bienheureux de l 'éternité. Nous ne croyons presque pasau Paradis ; nous y croyons en théorie, mais non enpratique. C'est désolant !

Si un Ange apparaissait au milieu d'une réunion dechré t iens et leur promit de la par t de D I E U , qu'ils resteraient à tout jamais sur la terre, il n'y en a peut-être pasdeux sur cent, sur mille , qui ne d e m a n d a s s e n t pas mieux,qui n'en fussent enchantés et qui ne regardassent cetenvoyé du ciel comme porteur de la meil leure des nou

velles. Et je parle ici de chrét iens prat iquants , de personnes pieuses. Hélas! hélas! Quel détachement de laterre ! et quelle aspiration jui ciel !

Et nous disons que nous aimons D I E U ! Et nous répétonstous les j o u r s : « Notre Père qui êtes dans les cieux, quevotre royaume nous arr ive! » P e n d a n t que nos lèvres

disent : que votre ro ya um e no us arr iv e, n otre cœ ur nemurmure- t- i l pas secrètement : que votre royaume nenous arrive pas, du moins pas de sitôt? Je le répète : c'estla foi qui m a n q u e .

Aussi, par un travail de tous les ins tan ts , J É S U S , notrechef céleste, ravive en nos pauvres cœurs la lumière de

la foi pour ne pas nous laisser oublier que « nous n'avons point ici decité permanente ; mais que ?ious marchons versune autre cité, qui n'est point faite de main d'homme, quiest éternelle, dans les cieux (1). » Le bon D I E U nous attireà lui comme le pécheur att ire et soulève et ar rache à Г е а и

fangeuse le poisson qu'il tient au bout de sa ligne. L'hame

çon, c'est le saint Baptême ; et l 'appât, c'est la miséricordedivine, incarnée en J É S U S , présente au Saint-Sacrement;c'est l 'humanité adorable et adorée, qui cache la divinité,

(1) Non enim habemus hic manentem civitatem, sed, futuraminquirimus. (Ad Ilcbr. х ш , 14.) Domum non manufactam, œtemamin cœlis. (II ad Cor. v. 1.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — E l . 285

etqui ren ferm e la vie éte rne lle . La lig ne du divin p êc h eu r ,c'est l'Église ; l'eau et la fange, c'est le monde. Les poissons qui se laissent prendre, ce sont les élus.

0 mon Sauveur, prenez-moi, arrachez-moi au mondeet à moi-même. Ayez pitié de ma folie. Vous me ditesdans les saintes Écr it ur es : « Je suis un étranger sur taterre. » Mais tous n'ont pas le droit de répéter cetteparole. Ceux-là seuls le peuvent di re , qui ont r eno ncéaux jouissances de la te rre et se sont dépoui llés de to ute

attache aux vanités, aux espérances de ce monde. Ceux-là seuls sont é t rangers su r la te rre, qui pe uve nt di re :€ Notre vie est dans les deux ; » qui ont pris pour leurpartage le Se igneur et son a m o u r ; qui peuven t di re qu' il-leur est pénible de dem eu re r si lo ngte mps su r la te rr e ;qui s 'ennuient de la lo ng ue ur du v o y ag e ; qui i ro n t pas

peur de mourir, et pour qui mour i r , c'est aller à Notre-Seigneur. Voilà des chrétiens qui sont vraiment étrangerset pèlerins su r la ter re ; ils son t les conc itoy en s des Sa in ts ,les familiers de D I E U (1), » les p ré de st in és à la vie ét er nelle. Voilà ce q ue to us il nous faut êt re , avec la grâce deDIEU. Dans les cœ ur s où l 'am ou r du inon de di sp ara ît ,

l'amour du Christ s'éternise [2).Les élus de D I E U vivent ainsi sur la terre, tout détachés,

tout éternels d 'ava nc e. Le P. de Ravi gn an , ce sa in t etillustre Religieux, appelait habituellement le ciel son« chez lui. » Un j o u r qu' il étai t t ri st e et qu 'on le voya itsoupirer, un am i lu i demanda ce qu' il ava i t : « J 'ai le mal

du pays, dit-i l en so uri an t ; je vou dra is être chez n o u s . »Bit, dans sa de rn iè re malad ie, q ua nd on vin t lui a n n o n c e rqu'il.fallait se p ré par e r au dé pa rt , il ne p ut s' empêc her

(i) S. Amb., in Psai. CXVIII, ser. m, 31.(2)Ineocui mundus déficit, Christus œternus est. {IcL in Luc.

lib. x, 8.)




de s'écrier, enjoignant les mains et en levant les yeuxan ciel avec une indicible expression de b o n h e u r : « Ah,tant mieux ! ta nt m i e u x ! »

Un autre saint homme, simple laïque et notaire de souétat, nommé Pierre Moreau, salua, avec les mêmes transports de foi, d'espérance et d'amour, la nouvelle de samort prochaine. « Enfin, le voici donc arrivé, ce jourauquel j 'ai aspiré toute ma vie ! s 'écria-t-il en pleurantO merci, mon D I E U , merci ! Je vous sa lue, be au jour de

l'éternité, qui allez succéder à tant de misères! Je voussa lue, Père, Fils et Sai nt-Espri t, m o n Créa teur , q ue jevais voir face à face, et pendant toute l'éternité ! Je voussalue, J É S U S , mon Sauveur! Je vais vous voir et vousposséder dans votre gloire, après avoir cru en vous sur laterre et vous avoir possédé par la grâce, sous les voiles

de l 'Eucharistie! Je vous salue, Sainte-Vierge, ma Mèreet m a Rein e! Je voue salue, Sa in ts et Sa in te s du ciel,saints Anges, mes frères! Venez à moi, car je vais àvous ! ». To ut ré cemmen t, le 12 avril 1866, m o u ra i t à Pari s un

pauvre commissionnaire, l 'humble et pieux Jean Ricoux,

qui, pendant près de quatorze ans, avait passé toutes sesnu it s en adoratio n de va nt le Sa in t-Sa cr em en t, édifianttout le monde par sa charité et par sa ferveur. Sur sonlit de mort, il rép éta it, tout ab so rb é en D I E U : « Cieux,ouvrez-vous! Cieux, ouvrez-vous!»

Notre in co mp ar ab le sain t Fr an ço is de Sales n'aspirait

qu ' à D I E U et au cie l. « Tout ce qu i n' es t pas D I E U nem'est rien , disaitril souvent. A mesure que ces annéespérissables passent, je me prépare aux éternelles. Je sensmon esprit tendant plus purement que jamais à D I E U et àl'éternité. Nous allons au ciel, et bientôt toute la terresera sous nos pieds. »



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I . 287

Quelques mois avan t sa b i e n h e u re u s e mor t, ses deu xfrères le voyant un jour tout pensif, lui demandèrent s ' i létait triste. « Non, répondit-il doucement, je ne suis nullement triste ; mai s je suis au x écoutes pour en te ndrequand l'heure du départ sonnera. » Il dit encore: « Vraiment* il me s emble, par la grâce de D I E U , que je ne tiensplus à la te rr e que du b out du pied ; ca r l 'aut re est déjàlevé en l'air pour partir. Je vous laisse la place, à vousautres, qui êtes en co re de ce m o n d e ; pour moi, j e n'e n

suis plus, j e m' en vais à mon Père q ui es t aux c ieu x. »Et nous au ss i, nous y allons, et n ous n' al lo ns q ue là .Tout le reste n'e st rie n. Nous sommes des voyageurs ,qui, emportés par un train rapide, allons de l 'exil dansla patrie ; les un s d es cend en t a ux pre mi èr es st at io ns ;les autres, aux sta tions in te rm éd ia ir es ; d' au tr es , un bi en

petit nombre, aux dernières stations : c'est le voyage dela vie ; il pas se vi te , et, une fois qu 'i l est achevé , il importe peu qu 'il ait du r é qu el qu es h eure s de p lu s ou demoins. Oui, nou s all ons chez no us ; chaque jo u r est u n eétape qui nous rapproche de notre bon D I E U , de la maisonpaternelle, du repos, du bonheur. Nous allons à JÉsus-

GHRIST et nous y allons par J É S U S - C H R I S T ; nous allons àJ É S U S - C H R I S T , dans l 'Église que conduit J É S U S - C H R I S T .

L'Esprit-Saint no us e n t r a i n e ; les Saints nou s ap p el le n t;notre Mére, la Sa int e-V ierge , no us a tt end . Po ur l' amour(le D I E U , ne nous attachons pas au wagon qui nous transporte, quelque con fortab le qu 'il pui sse être ; et suppor

tons, sans n o u s pl ai nd re , la fatigue et l 'e nn ui de la rou te ,en pensant à l'a rrivée, en ne p e n s a n t qu 'à l' ar ri vé e. Ohcertes! la joie de l' ar rivée nous fera ou bli er mil le foistoutes les peines du voyage.




QUEL RELIGIEUX RESPECT MÉRITE UN PRÉDESTINÉ, DE LA PART

DE TOUTES LES CRÉATURES.

Per son ne ne peut, à mo in s d' un e rév éla tio n formelle,savoir avec certitude s'il est du nombre des élus (1);néanm oins nous po uv on s, sans au cu ne présomption,regarder comme prédestinés la plupart des chrétiens

pr at iq ua nt s, avec lesquels nous viv on s. Il y en a, eneffet, bien peu qui m e uren t dans l'i mpé nit en ce ; or, pourêtre sauvé ét er ne ll em en t et pa r con sé qu en t po ur être dunombre des pr éd es ti né s, il suffit, ap rè s tou t, d'ê tre trouvéen état de grâce au moment décisif de la mort. Il estvrai , on n'est pas un sa in t ; il est v ra i, on s'a rrê te, et

pour longtemps peut-être, à la redoutable station du Purga to ire ; ma is enfin on est sauv é, on a r r ive tôt ou tardau pays des élus.

Gela est encore plus vrai des Communau tés religieuses.Malgré leurs né gl ig en ce s et leur s mi sè re s, la pl up ar t despe rso nnes qu i on t tout qu itté pour se co ns ac re r au bonD I E U , « obtiendront la vie éternelle (2). » Les Frères, lesSoeurs de nos différentes C om m u nau tés rel ig ieuses , surtout de nos Communautés contemplatives, peuvent doncse dire presqu'k co up su r : « Nous vi von s prédes tinés aumilieu de prédestinés ; ces chers Frères, ces chères Sœurs'

avec qui nous servons D I E U , avec qui nous faisons levoyage de la vie, so nt des âmes préde st in ée s à la béati-

(1) Nescithomo utrum amore an odiodignus sit. (Ecoles).(2) Et omnis qui reliquerit dornum, vel f'ratres, aut sórores, aut'

patrem,aut matrem, aut uxorem, aut filios, aut agros, propternomen meum, centuplum accipiet, et vitam œternam possidebit.(Matth. xix, 29).



NOS GRANDEURS EN JESU S. — II . 289

iude et à la gl oi re éterne lle en J É S U S - C H R I S T , » Quel respect mutuel , que l a m o u r cette pensée d es pé ra nce doi tnous donner les uns pour les autres ! »

Que serai t-ce si, au lieu d'êt re u n simp le espoir , ce ttevue de foi éta it u n e ce rt itud e a b so lu e? Si, pa r exemple ,Notn--Seigneur nous révélait certainement que tel ou telde nos amis, de no s co nna is sa nce s, est un pr éd es tiné : ôDIEU ! ne le trai t er io ns-n ous point , pa r an tic ip ati on ,comme un e re li qu e, fùt-il le pl us pet it, le de rn ie r de s

pauvres? <x Quel chré t ien pou rr ai t- on tr ouver, di t le P.Louis de Grenade, qui, connaissant par révélation divine,quelque pa uv re m e n d i a n t pr éd es tiné à cette gloir e, n ese courbât p o u r ba is er la te rr e que ses pieds au ra ien tfoulée; ne co uru t ap rè s lui po ur se pros te rn er à sesgenoux et le fé lici te r mil le fois? Qui est-ce qui ne s'é

crierait : « O bienheureux! est-il possible que vous soyezde cette b ien h eureu se trou pe des él us ? Est-il possibleque vous soyez pré de sti né un j o u r p o u r v o i r no tre g ra n dDIEU dans sa beauté même? Que vous soyez prédestinépour être compagnon et frère de tous les élus? Vousdevez donc êt re mis entr e les cœ u rs des A n g e s ? Vous

devez jou ir de ce tte h a rm o n i e cé le st e? Vous verr ez do ncle visage resplendissant de J É S U S - C H R I S T et celui de sa.sainte Mère? O jour heureux dans lequel vous avez prisnaissance! Mais beaucoup plus heureux celui de votremort, puisque ce ne se ra qu 'u n passage pour vivre éternellement! Béni soit le pa in qu e vous ma ng ez , et bén ie

la terre su r laq ue lle vous passez, pu isqu 'e ll e p ort e envous un trésor incomparable ! Mais be au co up plu s he u reux les tr av au x que vo us en du re z et les néce ssi tés quevous souffrez, pu isqu 'e ll es vo us o uv ren t le c h e m i n p o u rvous aller délasser dans l'éternité.

« Si un Pr in ce , qu i ser ait desti né à la su cces sion d ' u n

XIV 1 9




g ran d ro yau me, passait pa r un e ville, tout le m on de nesortirait-il pas pour le vo ir? On adm i re ra i t sa ns dou te labo nn e fort une qu i sera it arriv ée à ce j e u n e h o m m e dès

sa na iss ance , d'être ven u au m o n d e po ur su cc éd er a unsi g ran d état. Combien y aura i t il pl us de sujet d'admirer le bonheur d'un homme qui serait choisi dès sa naissance, et sans qu'aucun mérite eut précédé, non pourêtre roi temporel sur la terre, mais pour régner éternellement dans les cieux (l) \ »

Cette pensée de l 'élec tion p roba bl e des ch ré ti en s avecqui nous conversons chaque jour, est extrêmement féconde en sentiments de foi, de charité mutuelle, de bien-,vei llance, de su pp or t et de re sp ec t du p ro cha iu . Elle esttrès-puissante pour surnaturaliser nos relations quotidiennes avec nos frères, et pour nous empêcher de faire,

à la manière des mondains, acception de personnes.Qu'importe, en effet, que l'on soit pauvre ou riche, si Tonest un Elu? Qu'importe que Ton soit un mendiant ou unPrince, que l 'on soit docte ou ignorant, célèbre ou inc o n n u du m o n d e ? .L e s n u a n c e s du tem ps s e flacon t de-"vant l ' inénarrable lumière de l 'éternité: et la noblesse,

la richesse, la gloire du prédestiné, priment et éclipsenttoutes les petites grandeurs de la terre.

La possibilité de la prédestination do tel ou tel péch eu r, m ê m e très sca nd al eu x au jo ur d' hu i, doit également nous empêcher de juger et de condamner, non lepéch é qui est très ce rt ai ne m en t c on da mn ab le , mais lepécheur qui sera peut-être un grand Saint, plus hautpla cé que no us da ns les sp le ndeu rs du Pa ra di s. Qui eûtcondamné et mé pr is é abso lu ment le fils de s aint e Moni- 'que durant ses égarements, eût condamné celui que DIEU

(i.) Le Guide des pécheurs, 1. I, chap. vi.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I. 291

se préparai t à ab so ud re , et m ép ri sé le tr ès glo rieux , letrès excellent, le tr ès sa in t Aug us ti n, le Docteur im m o rtel de la gr âc e et de l 'amour. Qui eût c o n d a m n e abs olu ment le bon l arron pe nd an t qu'il bl as phé ma it en co reJ Ç S U S - C I I R I S T , ou bien la pauvre Madeleine avant sa conversion, se sera it to ta le me nt tr om pé . Pr en on s garde denous tr omper de la sor te; tout e n réprouvant énergi -quement et le mal et ceux qui font le m a l , espéronscontre l'espérance et ne séparons jamais la charité de la

vérité. Qui eût j am a i s pu pens er que le j e u n e ph ar is ie nSaul, cet ex te rm in at eu r furieux des pr em ie rs ch rét ie ns ,deviendrait un jour le grand Apotre des nations « le vased'élection (l), » que J É S U S s'était choisi entre tous !

Dans l'espoir très fondé et in fini me nt pr oba ble de laprédestination des bons qui nous entourent, et dans l'es

poir de la prédestination possible des pauvres pécheurs,tenons-nous très, un is au sacré Cœ ur de J É S U S , sourceintarissable de la grâce de notre prédestination à tous.Unissons-nous à sa sainte charité envers les bons, enversles m a u v a is ; uni sso ns- nou s au x se nt im en ts ineffablesqu'il a et qu' il a u r a ét e rn el le men t pou r tous ses élus :

ceux de nos frères en qu i nous av ons le bo n h e u r de découvrir des signes de prédestination, entourons-les denos respects, de notre dévotion et d'une sorte de culte.Travaillons tous avec ardeur, comme nous l'ordonne l'Ai-pôtre saint Pierre, travaillons tous à rendre certaine notrevocation et élection par nos bonnes muvres (2), c'est-à-dire

par une vie toute de foi, un e vie vr a i m e n t d ig ne dusaint baptême : pa r l'a ss idui té A la prière et àl 'union intérieure ; par l'usage trè s-s aint des s ac rem ent s du sa lu t;

(1) Vas clectionis est mihi iste. (Act. ix, 15).(2) Fratres, magis satagite, ut per bona opéra cortam vestram

vocationem et electionem faciatis. (IlPetr. i, 10).




pa r la piété en ve rs la Sa in te -V ie rge ; pa r l' am ou r del'Église et de toul ce qu 'a im e l'Egl ise; par l'accomplissement fidèle de tous no s devoi rs d' ét at et pa r la charitéenvers tous.

Respectons-nous nous-mêmes en vue de notre destinéeéternelle ; respectons n ot re corps, re sp ec to ns not re cœur,respectons notre esprit et notre conscience. 0 J É S U S !

tout cela est à vous, à vous seul, pour le temps et pourl 'éternité.

Du Froment des élus.

Au Saint-Sacrement, J É S U S est « le froment des élus et le vin qui fait germer les vierges (1) ; » les vierges, ces-

à-dire les âmes chastes et belles, que le lloi célestedaigne aimer, à qui il daigne s'unir par l'Esprit de grâce,qui lui re nd en t am o u r pour a m o u r , rép on da nt à sonappel. Le Fils éternel de D I E U et de M A R I E a créé lefroment et la vigne en vue de son Eucharistie : le froment qui donne le pain, la vigne qui donne le vin, ali

me nt at io n fondamentale de l ' hom me te rr es tr e. Le painde l'homme céleste, le pain du prédestiné à la vie éternelle, est le Pain vivant descendu des deux, le Corps duChrist qui donne la vie au monde (2). Le vin des élus, c'estle Sang du Seigneur, le Sang de la vraie vigne plantéepar l'amour du Père céleste, d'abord dans la terre vierge

et immaculée de M A R I E , puis dans la terre sanctifiée etféconde de l'Église.

(1) Frumentum electorum et vinum germinans virgines. (Zach.ÏX , 17.)

(2) EgosumPanis vivus qni deeselo descendi... Panisquem egodabo, caro mea est pro mundi vita. (Ev. Joan, vi.)



NOS GRANDEURS EN JESUS — II 203

Pour comprendre les divines excellences du sacrementd'amour qui nourrit ici-bas les élus, il faudrait être nonpas un Ange ni un A rchange , n o n pas un Ch ér ub in ouun Séraphin, non pas m ê m e la Vi erge , Reine des ci eu x,mais J É S U S lu i -même, le D I E U de l 'Eucharistie. Les Saintsen ont bégayé les lo ua nge s d u ra n t leur passage s u r laterre. Nous autres, pauvres gens, nous n'en comprenonspour ainsi di re ri en . Oh ! qu i p o u r ra donc n ous aid er àconcevoir un peu, seulement un peu, les inénarrables

trésors que n o u s possédons d ans no t re E uc har is ti e ?C'est la B ie nheu re use Angèle de Fol igno qui va nousle dire dans u n l angage qu i n' es t poi n t de la t e rr e . Déjànous avons eu la jo ie de nous m et t re a. son école p ou rpénétrer dans les sp lend ides p ro fo nd eu rs du myst è re deJÉSUS en nous. Voici ce qu e lui ens ei gna sur l 'ad orab le

Communion l'éternel Prédestiné, qui vivait en elle,-parlait en elle et lui apprenait ce qu'elle devait dire auxautres.

« Parlons u n m o m e n t du sa cr em en t de l 'amo ur, disaitsainte Angè le à ses ch ers disc iples, par lo ns de l 'E ucharistie :

« C'est lui qu i p ro vo qu e d an s 1 ame la prière ardente ;c'est lui qui réveil le la ve rt u d 'i mpét ra ti on , et la pu is sa nc ed'arracher à D I E U . C est lui qui cr eu se l 'ab îme de l 'h u m i lité; c'est lui allume les flammes de l'amour. J 'a i , no n lapensée vague, mais la certitude absolue, que si une àmevoyait et contemplait quelqu'une des splendeurs intimes

du sacrement de l'autel, elle p re ndra i t feu, ca r elle v e r r a i tl'Amour divin.

«Nila crainte, ni l 'intérêt ne Ta institué ; il est l 'acted'une force dont je ne sais pas le nom, à moins que cene soit un a m o u r san s mes ur e. J É S U S - C H R I S T Ta insti tué,parce que son amour dépasse les paroles. Comme ses



29 i LA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

entrailles criaient vers nous, il s'est jeté là toul entier etpo ur toujours , ju sq u 'à la co nso mm at io n des siècles. Cen'est pas seulement en mémoire de sa mort qu'il institua

l'Eucharist ie ; n o n . c'est po ur re st er tout en ti er avecnous , tout entier et pour toujours. Je crois, en vérité,qu'il n'y a pas une âme au monde qui, si elle pesait cetamour, ne fût pas attirée et transformée en lui.

« Le Corps et le Sang do Christ poursuit dans ses élus,après la co m m un io n , la gr an de no uv ea ut é, et accomplit

l ' inconnu.a Lame, qui est la forme du corps, jouit du D I E U

incréé dans le D I E U fait homme. 0 J É S U S - C H R I S T créateur!ô J É S U S - C H R I S T cr éa tu re ! ô vrai D I E U et vrai homme !ô vra ie Chair ! ô vr ai Sa ng ! ô v ra i s m e m b r e s d 'u n vrai-corps ! ô un io n ineffable ! ô re n co n t r e d' im me ns it és !

ô Se igneur Adonaï ! je vais de vo tr e h u m a n i t é à votrediv init é, de vo tre div ini té à votre hu m a n i t é ; je vais et jer ev iens .

« L'àme, da ns sa con tem pl at io n, re n co n tr e la divinitéineffable, qu i po rte en soi les t résors de rich es se et desc ienc e. O trésors im pé ri ssab le s ! ô div in ité ! c'est en toi

que je puise les délices nourrisantes, et tout ce que jedis, et tout ce que je ne peux pas dire !

« Je yois l'â me trè s précieuse d e J É S U S , avec toutes lesve rt us , tous les do ns du S ai nt -E sp ri t et l 'oblation trèssa in te , très sa in te et sans tache . Je vois ce Corps, leprix de notre rédemption ; je vois le Sang où je puise lesalut et la vie, et puis je vois ce que je ne peux pas dire.

« Voici vraiment, sous ces voiles, Celui qu'adorent lesDom inations, de va nt qu i t r em b le n t les Esp rit s et lesPu iss ances r ed ou ta bl es ! Oh ! si nos yeu x s'ouvraientcomme leurs yeux, quels prodiges feraient en nous, auxapproches du mystère, le respect et l 'humilité 1 Où est-il,



NOS GRANDEURS EN JESUS. —II . 295

où est-il, ce lu i qui pour ra i t ga rd er son orguei l s'ilContemplait ce que je contemple, et n'être pas terrassédans son cœur et dans son corps ?

« Ce sa cr em en t possède u ne ve rt u de subl imité qu iélève l'âme ve rs les choses du cie l. La Tr in it é l'a in st it uépour se ra tt ac her ce qu'e lle a im e , po ur ar r ache r l ' âm eà elle-même et l 'emporter à D I E U , pour l 'enlever auxcréatures, pour l'unir à l 'essence incréée, pour la fairemourir aux c hoses du péch é et vivr e selon l'Esprit d a n s

la sphère des choses d iv in es . Sa bo nté infinie et sa in tel'a institué pou r un ir , pour in co rp or er D I E U à l 'homme»l'homme à D I E U ; pour que réciproquement l 'un et l 'autrese don nen t l 'h osp ita lit é, po ur qu'il s se po rt en t l 'un etVautre, et que notre faiblesse ait ce qu'il faut pour laguérir.

« Si vo us suivez pa r le reg ard d'u ne co n te m p la ti o nprofonde ce m o u v e m e n t du Se ig ne ur , qu i s ' incline duhaut des cieu x, et vi en t vo us p re n d re p ar la m a i n p o u rvous sauver de l 'e nnui te r re s t re , il vo us se ra difficile dene pas être entraîne par lui.

« Ce sa cr em en t est d' un e va le ur su prê m e : il est le

don des dons et la g râ ce des grâces . Quand le D I E U t o u t -puissant et é te rn el vi en t à nous av ec tou te la per fect ionde l 'humanité trois fois sainte et de la divinité, il ne vientpas les mai ns vide s. Po u rv u qu e vous ayez fait l ' ép re uv eque dem and e l'Apôtre, et qu e vo us ne soyez pas d a n sl'intention de péch er, il vo us fait re mis e des pe inestemporelles, vous fortifie co nt re les t en ta ti ons, re st re in tla puissance de vos en n em is , et a u g m e n te vos mé ri te s.

« C'est po ur qu oi je vous re co m m an de à la fois, d a n sla réception du sacrement de l'autel, la fréquence et lerespect. Sa in t Aug us t in di t quelqu e part , il est vr ai :« Quant à la co m m u n io n q uo ti di en ne , j e ne la bl âm e n i




ne la loue. » Mais lu i -même d it ai l leurs : « Vivez d e façonà communier tous les jours. » Quelle était donc sa penséequand il a di t la p re mière paro le ? Voya n qu e dansl'Église les bons sont mêlés aux mauvais, il n'a pas blâméla co m m u ni o n qu oti di en ne , da ns la cr ai nt e d'en écarterlés bons ; et s'il a dit qu'il ne la louait pas, c'était uniquement dans la crainte d 'autoriser les mauvais .

« Il est impossible de mesurer l'océan de grâces qu'apporte avec elle un e seule c o m m u n i o n , si l 'homme

n'oppose pas de résistance.« O souv erain Bien ! ô Bien non co ns id ér é, no n connu,no n ai mé , tr ou vé par ce ux -l à seuls q ui d o n n e n t toutpour avoir tout! O mon D I E U ! si l ' h o m m e re ga rd e labouchée de pain qu'il va manger, comment fait-il pourne pns considérer, dans le plus profond recueillement de

son ame et de son corps, cet Éternel, cet Infini, qui vadeveni r pour lui , su iv an t ses di spos iti on s in ti mes , ou lamort, ou la vie ? Si vous ne mangez pas la chair du Filsde l'homme, si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurezpas la vie en vous.

« Oh ! appro chez donc d 'u n tel Bien et d 'une te lle table'

avec un gr an d tre mb le me nt resp lend issa nt d 'amour !Allez dans votre bl an ch eu r, allez da ns votr e sp le nd eu r!car vous allez au D I E U de toute beauté, au D I E U de gloire,qui est la sainteté par excellence, la félicité, la béatitudeet la subl imité, la noblesse , l' ét erne ll e jo ie de l'amoursa ns men so ng e : allez donner et rec evoi r l 'hospitalité

trois fois sainte ; allez, dans la blancheur de votre pureté,pour être pur ifié ; allez , dans la force de votre vi e, pourêt re vivifié ; allez, dan s l'éclat de vo tr e jus t ice , pour être

justifié ; portez à l'autel l 'intimité de l'union divine pourrecevoir l 'unité plus intime, pour être incorporé à Celuiqui vous attend.



NOS GRANDEURS EN JESUS- — II. 297

« 0 D I E U inc réé, et do uc em en t in ca rn é ! l 'h om me amangé votre ch ai r, il a bu v otr e Sang : qu 'il ne fasseplus qu'un, avec vous dans les siècles des siècles !Amen (1). »

Tel est le froment des élus ; tel est le Pain des prédestinés. Que n est-il, c o m m e dan s les te mps apos toliq ues,le pain qu ot id ien de to us les ch ré ti en s ! Le Sa in t dontJÉSUS se servira pour opérer ce retour, sera le plus grandbienfaiteur que l'Église ait vu se lever dans son sein

depuis de longs siècles. To ut est d an s la c o m m u n io n ;tout sort de la communion, comme d'une source de vie•et de force et d' in ca lc ul ab le féco ndi té. La co m m u n io nquotidienne, acc om pagnée de l 'oraison, est la c o m m u nion idéale, telle que J É S U S la désire, telle que la Sainte-Vierge et la sa in te Égli se voudra ien t la vo ir p ra ti qué e

partout et par to us, telle que les Apôtres l' av aien t p res crite , telle qu e l'a va ient co mp ri se les gé né ra ti on shéroïques de nos anciens martyrs.

Pieux lecteur, tachez de recevoir chaque jour le Paindes élus, le Pain q u i fait les élus, et d 'a li menter ains ichaque jou r la gr âc e de vo tr e élec tion . Recevez-le

chaque jour, afin que chaque jour il vous profite ; maisvivez de telle sorte que vous soyez en état de le re cevoirchaque jou r . Ce n 'e s t pas mo i qu i par le ai ns i ; ce sont lesSaints : c'est sai nt T h o m a s , c'est saint Aug us ti n, c'estsaint Am broise ; c'e st la T ra d it io n des Père s ; c'est leConcile de Trente ; c'est l'Église, et le Saint-Esprit dans

l'Église. La communion quotidienne dépose en nous des

(i) Le livre des visions et instructions de la Bienheureuse Aftgèle de Foligno, Iraduil par E. Heglo ; LXVII. — Cette nouvelle traductionest un véritable chef-d'œuvre, et un immense service rendu aumonde des âmes. Le livre de sainte Angèle est un trésor que Tonne saurait trop recommander aux enfants de DIEU.




Dans une troisième et dernière partie, s'il plaît au bonD I E U , nous te rm in er on s l 'étude de nos g ra nd eu rs enJ É S U S . Dans la première partie, nous avons contempléles cinq principaux états ou grandeurs de J É S U S parra pp or t à son Pè re céleste, et nous av on s essayé decomprendre un peu comment, par sa sainte grâce, Notre-

Seigneur daignait nous déifier en lui, faire do nous desFils de D I E U et des Dieux, des Christs, des Saints, desAdorateurs et des Religieux de la divine majesté- Dansla seconde partie, qui est celle-ci, nous venons d'étudierles états et grandeurs cle J É S U S par rapport aux créatures,mais au point de vue du mystère de l 'Incarnation,

plutôt qu'au point de vue du mystère de la Chute et de laRéde mpti on ; da ns leurs rap po rt s ave c J É S U S - C H R I S T ,

Roi et Sei gneur, plut ôt que dan s leur s ra pp ort s avecJ É S U S - C H R I S T , Rédempteur et Victime ; et nous avons vuc o m m e n t J É S U S faisait de nous , en lu i, les fils de laSainte - V ie rge , sa Mère, la p rem iè re de toutes les

créa tu res ; des m e m b re s et des en fa n ts de son Église ;les Rois et les Seigneurs de la création ; des enfants deLu mière ; des Jus tes et des Sag es ; enfin, des prédestinéset des élus.

II nous reste à voir dans la troisième partie, comment,en Notre-Seigneur, nous devenons forts et victorieux,

couches de force, de calme, de pureté, de vie surnaturelle ; ce sont nos ascensions vers D I E U du fond de cettevallée de larmes ; c'est la terre surnaturelle où germentplus fo rt em en t et no s bo nn es œu v re s et l ' am ou r qui lesféconde.




libres, ju ge s du monde et des péc he urs , sauv eu rs etconsolateurs de nos frères, victimes de pénitence etd'amour.

Priez, de g râ ce , trè s cher l ec te ur , po ur que Jûsusbénisse et féconde c h a c u n e de ces pa ge s. c< Au nom deson amour, je demande à chaque personne qui lira celivre un Ave Maria, afin qu'e lle m' ai de à sor tir du Pu r gatoire, et haie le moment où je jouirai de la vue deJ É S U S - C H R I S T , notre Seigneur, qui vit et règne avec son

Père et le Saint-Esprit dans les sièles des siècles. Ainsi30it-il (1) ! »

(i) Sainte Thérèse ; Avant-propos du Livre des fondations.





S E P T I È M E T R A I T É

n o s G r a n d e u r s e n J é s u s

TROISIÈME PARTIE

INTRODUCTION

Résumé de la question.

Dans le psaume L V I , le Prophète royal chante J É S U S -

CHRIST , son Seigneur et son Fils, et lui dit : « Lève-toi, ôma gloire! Lève-toi, ô ma lyre et ma cithare (1) ! » Saint

Augustin, interprétant ces trois paroles, montre d'abordcomment J É S U S est notre gloire ; puis , comment il estnotre lyre; puis enfin, notre cithare.

Dans ses états divins, J É S U S est la gloire de D I E U au de hors et la gloire de lous ceux qui le reçoivent , qui s 'unissent à lui, qui ne font plus qu'un avec lui ; il est la gloire

de tous ceux qui, pa r lui et en lui , deviennent vér i tablement fils de D I E U , sont, dès ce monde, déifiés en que lquesorte par la grâce, reçoivent l 'onction du Saint -Espr i t etsont consacrés à D I E U comme ees Christs ; il est la gloiredes ch ré tiens qui en t r en t en par t ic ipa t ion de la sainteté

(1J Exurge, gloria mea; exurge, psalterium et cithara.



3 0 2 LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

du Saint des Saints , de son sacerdoce, royal et de sa religion envers la sainteté divine. Lève-toi. ô ma gloire ! Levez-vous, ô mon J É S U S ! et vivez en moi à tous ces glorieux titres. — Dans la première partie do notre étude,nous avons tâché de pénétrer quelque peu ce mystère desgloires de J É S U S , en lui-même d'abord, puis en nous .

« Lève-toi, ô ma lyrel » dit ensui te le Prophète , en notrenom à tous. La lyre, selon saint Augustin, c'est le Christcontemplé,- non comme Rédempteur et Victime, mais

comme Seigneur, en son Incarnation. Nous avons tâché,dans la seconde partie, de t i rer de cette lyre divine quelques-unes de ses mélodies; nous avons touché les septcordes qui nous ont paru devoir rendre les sons les plussuaves, les plus forts, les plus pénétrants : la premièrecorde a raisonné et a dit à notre esprit et à notre cœur,

qu 'en J É S U S , chef et vie de l 'Eglise, nous étions membresde l 'Église; la troisième, que, dans le Roi de gloire, dansle Seigneur J É S U S , nous étions les Rois et les Seigneurs dela création. La quatr ième corde de la lyre de D I E U nousa fait entendre qu'en J É S U S , Lumière de vie, nous devenions enfants de lumière ; la c inqu ième et la sixième,

qu 'en J É S U S , la Justice et la Sagesse incarnées, nous étionset les vrais justes et les vrais Sages de la t e r r e ; la septième enfin nous a fait entendre cette douce et consolante vérité : en J É S U S , Chef des Élus et des Prédestines,nous somm es les Elus de D I E U , prédes t inés par son amourà la vie éternelle. — Tels ont été pour nous les sons de

la lyre.Quant à la cithare, saint Augustin nous dit qu'il faut y

voir J É S U S dans les états douloureux où l 'ont réduit lesanéant issements de la Rédemption. Lève-toi, 6 ma citharelLevez-vous, ô mon bien-aimé Sauveur ! et faites-moicomprendre , au tan t du moins que cela est utile à vos



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III. SOS

miséricordieux desseins sur moi, vos étals et vos grandeurs com me Réd empte ur et co m m e Vi ct im e. A l 'écoledel'tësprit-Saint, qui a inspiré vos Prophètes, vos Apôtres,vos Saints et vos Do cteurs, no us al lons essayer main te nant de toucher Tune après l'autre les cordes sacrées denotre divine cit ha re, et d' ap pr en dr e co m m en t, en J É S U S

crucifié, nous sommes forts et victorieux, libres, juges deSatan et du mo nde , sa uv eu rs et co ré dem pt eu rs de nosfrères, véritables consolateurs des misères humaines;enfin, comment, en J É S U S crucifié, nous sommes des victimes toujours prê tes à nous sacri fier p our la gloi re deDIEU , pour le salut et pour le bonheur de nos frères.

Allons à JÉSUS pour connaître JÉSUS.

A ce troisième point de vue. si important et si pratique,« apprenons à connaître J É S U S - C H R I S T , dit saint Jérôme;écoutons-le; al lons à lui et la nu i t et le j o u r ; demeurons suspendus à ses lèvres, et recueillons sa parole.C'est J É S U S - C H R I S T qui nous parle ; et 1er, paroles qu'il pro

fère sont les orac les du Sa in t-Es pr it . Sa ns doute DIKTT aplacé dans son Église d'abord les Apôtres, puis les Prophètes, puis les Docteurs, mais nous n'en devons pasmoins espérer que J É S U S lui-même daignera parfois nousparler du fond de no tr e àm e et nou s ens e ig ner in té ri eu rement par lu i- mê me , sans rec ou rir à au cu n in te rm é

diaire. Seulement, ne soyons pas esclaves du péché; quenotre corps demeure libre et pur ; etlaSagesse descendraet demeurera en nous (1), »

(1) Curramus ad eu m riiebus ac noctibus, ad os cjus et ad elo-quiutn pendeamus. Christus nobis loquitur : Spirilus Sancti suntverba quœ promit. Statuit enim DEUS in Ecolesia primum Apos-tolos, secundo Prophetas, tertio doctores. Sed neo il]ud est des-




Elle se donnera, elle se manifestera à nous d'autant plusmagn if ique ment que nou s l 'ai me ron s dav an ta ge . L'amour,qu i tend à l 'union , ra pp ro ch e le j-Ius possible celui quiaime et celui qui est aimé. Selon saint Denys l'Aréopa-gite, il les uni t si b ien qu 'il les t ra ns fo rm e l' un dansl'autre. Plus un chrétien aime J É S U S , plus J É S U S se révèleà lui réellement, délicatement, pleinement. Il est reconnuqu e l'a mo ur le plus ferv ent vo it le plus profon dé me nt etdiscerne le plus délicatement les choses de D I E U ; et dès

lors c'est à lui qu'est accordée la connaissance la pluslumineuse des 'mystères de J É S U S - C H R I S T , À la grandeurde l 'amo ur se m esu re le de gré des ma ni fes ta tio ns divines ( 1 ) . Ainsi par le sa in t B on av en tu re avec Hugues etRichard de Saint-Victor.

Une fois donnée la sauvegarde tutélaire de renseigne

m e n t de l'Eglise et de la sa ine théo logie, l' amour de Jésusest le maître des maîtres, et son Sacré-Cœur est une sourceintarissable de lumières vivifiantes, de divines manifestations.

Mais ne nous taisons pas illusion : l'Époux céleste exigebeauc oup des âmes qu'il a ime et qu i se sont données à

lui. Par les affections, même les plus légitimes, nousmettons facilement un voile entre lui et nous. Dès lors,

perandum, quocl aliquando ipse m mentibus nostri s Chri&tus lo-quatur, et per semetipsum nos doceat, et organurn oris non quœ-rat alieni : tantum non si m us subditi peccato ; nec corpus nostrumdelieta po^sideant, et ingredietur in illud Sapientia. (In Ep. ad Eph.IV, ¿0.)

(1) Charitas appropinquare facit amato, quantum potest, utetiam transformet amantem in araatum, secundum Dionysium;quanto ergo propinquius est amans amato, tanto verius, subtilius,et perfeotius sibi revelatur amutum. Constat, ut qui ardenliusdiiigunt, prot'undius conspiciant et subtil ius discernant : et quiamngis profunde prospiciunt, procul dubio evidenti us cognoscunL.Ex magnitudine dilectionis pendet modus divina? revelationis. (S.Bonav., de Quinto itin. astern., dist. I,)



NOS GRANDEURS EN J ESU S. — III . 305

x i v 2 0

il se dérobe aux rega rd s de no tr e àm e ; nou s pe rd on s lafaculté de le voir, de le sentir, de l'entendre et de pouvoirparler de lui d'un e man iè re vi va nt e. « Il est év iden t p ou rmoi, m'écrivait naguère une de ces âmes délicates et privilégiées, initiées aux secrets du Sacré-Cœur; il est évident pour moi que toute affection, quelque pure, quelquesainte qu'elle soit, occupe trop, dès qu'elle préoccupe. Ils'en élève'comme une vapeur qui voile le bon D I E U ennous, et devient à notre âme une sorte de glu qui R E M -pêche de monter. Quoi de plus légitime et de plus excellent que d' aime r, d a im e r de tout sou cœ u r , u ne m è re ,un enfant, u n frère , un e sœur, u n a m i ? et, si no us n egâtions tout, quoi de plus selon le cœur de D I E U ? Maisnous retournons toujours contre Notre-Seigneur les donsqu'il nous fait.

« Rien ne do it passer av ant No tre -Seigneur, qui est ennous le règne de D I E U et sa justice. Sans doute, il n'exigepas de tous une si exacte pu re té ni un a m o u r si dé lica t ;mais, en moi, il me fait sentir que c'est à ce prix seulement qu' il régnera complètement, que je l 'aimerai dignement et qu'il se man if es te ra à m on à m e , Saint e Th érèse

dit quelque pa rt qu e, po u r être sau vée s, c er ta in es âm esont besoin de perfection. C'est ce compte-là que monJÉSUS me demande : tout le reste ne lui suffit pas. »• C'est là, Seigneur J É S U S , ce qu i nous fai t à la foistrembler et espérer : trembler; car, en réalité, que sommes-nous, sinon de très pauvres et de très indignes pé

cheurs? Espére r ; car, mal g ré no tre in di gn it é, no us vo usaimons, no us v ou lon s vous aimer très ré el le men t, tr èsparfaitement, de tout notre cœur, de tout notre esprit, detoute notre âme, de toutes nos forces.

Permettez-moi, o mon doux Soigneur, de dire ici auxpieux fidèles qui liront ces pages, ce que disait jadis à ses




frères votre grand serviteur, l 'humble et angélique saintBernard : « A vous, mes frères bien-aimés, il faut unoau tre no ur ri tu re qu 'au x c hr éti en s ord ina ire s, ou dumoins il vous la faut apprêter d'une autre manière. A eux,comme dit l 'Apôtre, ou présente le lait des commençants,et non la nourriture des forts ; mais ici « nous parlons tk la Sagesse au. milieu des parfaits; » car j'ai la douce confiance que vo us êtes de ce nom bre . Pr ép ar ez -v ou s donc àrecevoir , no n plus le lait, mais le pa in .

« Mais qui vous le rompra, ce pain sacré de la doctrine?A coup sur ce n'est pas moi qui en aurais la témérité.Tournez-vous vers moi, mais à la condition de ne rienattendre de moi-même ; car moi aussi je suis de ceux quiont faim et qui attendent ; moi aussi, je mendie avec vousle pain de mon àme, l 'aliment spirituel. Pauvre et indi

gent, je frappe à la porte de Celui qui ouvre, afin qu'elle*me fasse péné tr er ju sq ue d an s les pr of on de ur s de sonmystère. •

« C'est do nc vers vous, S ei gne ur, qu e to us , no us tournons nos regards et nos espérances ! Vos petits enfantsvous de m an den t le ur pa in , et il n' y a per so nn e pour le

leur ro mpr e. Mais ils co mpte n t sur votre do uc e bonté. 0très miséricordieux J É S U S , venez, venez rompre votrepain à vos enfants affamés; si vous le voulez, rompez-lepar mes mains, mais que ce soit alors par votre seulevertu! (1) »

(1) Vobis, fratres, alia quam aiiis de stôculo, aut certe aliter di-cencla sunL. lllis siquidem lac polum daL, et non escarn, qui Apos-toli formam tenet in docendo. Sapientiam Loquimur inier perfectos,quales vos nimirum esse confido... Itaque parate tances, non lacli,sed pani... Sed quis franget?.Non equidem ego mihi islud te-mere arrogaverim. Sic spectelis ad me, ut ex me non expectelis.Nam eL eço unus sum de exspectantibus, mendicans cl ipse vo-biscum cibum anima) meae, alimoniam spiritus. Rêvera pauperelinops pulso ad eum, qui aperil et nemo claudit, super sermonis



I

EN JÉSUS, NOUS DEVENONS FORTS.

Que Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST est la For ce et la Vertudu Très-Haut.

L'essence de la force, c'est D I E U m ê m e . D I E U est, nonpas une force, mais la force, la force par essence, la forceinfinie, la force absolue, la force éternelle. Les Anges etles âmes, c'est- à-d ire les espr it s créés à l' imag e et ressem blance de D I E U , sont des forces, mais ne sont pas la force.

Notrc-Seigueur J É S U S - C H R I S T , qui, en l'unité de sapersonne divine, est vrai D I E U en même temps que vraihomme, est donc la force. Toute la force du Père résideen lui ; et l 'Espr it-S ain t, qu i procède de lui non moin sque du Père, est l'E sp ri t de force, la force m êm e , Diwu,en l'unité du Fils et du Pè re . Ainsi , a u x pieds de J É S U S ,

devant nos au te ls , no us adorons le Verbe fait chair , laforce incréée et créée, le D I E U fort qui a tout fait et de qui

tout dépend, le pr inc ipe de toute force dans le temps etdans l'éternité. Nous sommes aux pieds de Celui à qui lePère tout-puissant a co m m u n iq u é la to ute -pu iss anc e ;

hujus profundissimo sacramenLo. Ocuû omnium in Le sperant,Domine. Parvuii petierunt panem : non esL qui frangal. eis> spe-raturid abenignitaLe lua. 0 piissime, frange esurienlibus panemtuum, meis quidem, si dignaris, manibus, sed Luis viribus. (Serm.lin Canlica.)



3 0 8 LA. PIETÉ ET LA VIE INTERIEURE

aux pieds de la souveraine majesté à qui a élé donnée 1Amajesté souveraine ;- aux pieds de rinlinimeni Fort à quia clé donnée la Force ; aux pieds de la Sagesse à qui a clédonnée la Sagesse ; aux pieds de l'Eternel à qui a étédonnée Téternité ; aux pieds du vrai D I K U à qui a étécommuniquée la divinité ; aux pieds de l' Immortel qui areçu l'immortalité : aux pieds du Roi céleste à qui estdonnée la royauté ; aux pieds de la Vie à qui a été communiquée la vie. lit celte vie n'est autre que la vie mémodu Pore, qui la lui communique aussi pleinement qu'il lapossède lui-même (J ) . JÉ S U S ne perd rien de tout cela dansles anéant issements de son Incarnation et de son Eucharistie; vrai D I E U , il est toul cela en l'union de son humani té , bien que non pas selon son humanité. Il est tout celaen mon cœur, où il réside et vit par sa grâce.

0 J É S U S , que vous êtes g rand! Vous êtes le D I K U trèsfort, le grand et tout-puissant Seigneur; et votre nom,c'est le D I E U des armées (2).

Si nous contemplons J É S U S en sa divinité, nous voyonsainsi en lui la Force substantielle et éternelle de D I K U . Sinous le contemplons dans l'union de sa divinité et de son

humanité, c'esl-à-cliro. dans le mystère des mystèies qui,du Verbe, fait le Christ, il nous apparaît , non-seulementcomme la Force éternelle, mais comme le Médiateur quicommunique la force à. toute créature. Si nous le contemplons ENFIN en sa sainte humanité, il est le « Fort, »

(1) Dédit Filio Pater omnipolens omnipotontiam, majestatemmajestati. virtutem dédit virtuti, prudentiam dédit prudenti,te terni ta tem a> terni tati, divinitatem divinitati, immortalitalemimmortalitati, régi regnum, vitam vitro ; et non aliam ab ea quamhabet dédit, etquantam habet, tantam dedit. (S. Athan., in dispuLcontra Arium, lib- I.)

(2) Fortissimo, magne, et potens, Dominus exercituum nomentibi. (Jerem. xxxu, 18.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I . 3 0 0

comme l'appel lo Isaïo (1); « le Pri nce de la Forc e, »comme le n o m m e Daniel (2) ; la p ie rr e angula ir e delaquelle parlent et pour laquelle existent toutes les forcescréées ; il est la source de notre force, le type et le modèlede la vraie force. J E S U S est en outre le Réparateur detoutes nos défaillances, le médecin et le remède de toutesnos infi rmi tés . TI est le For t des forts et la Fo rc e r é d e m p trice des faibles.

« Le Chri st, d it sa in t Th omas avec sa in t Grégoire de

Nysse, est la Vertu du Très-Haut, du Roi céleste, laquelles'est incarnée dans la Vierge par l 'opération du Saint-Esprit (3). » « Le Ch rist , av ai t di t saint Paul , es t la Vert ude D I E U ( 4 ) » A c h a q u e in sta nt , da ns l 'Ecr iture , i l s 'appelleou il est appelé le Seigneur et le Maîtr e ; le Se igneu r D I E U ,

fort et ja lo ux de sa gl oi re ; le Se ig neu r qu i sauve Is raë l ;

et le tout- puiss ant Ré de m p te ur de Jaco b ( 5 ) . Dans l 'Ancienet dans le No uv ea u T es ta men t, il est appe lé la Pu is sa nc edu salut (6). » « Le Ch ri st , d it Origene , est l u i -m ê m e cettedivine Puissnuce (7). «

Tel nous le montrent et l 'Écriture et la Tradition.Réjouissons-nous d'appartenir à un si grand Maître et

delre les m e m b re s , les tem ple s vi va nt s de Celui qu i esten personne la Force et la Ver tu du Très -Hau t.

(1) ix, 0.(2) vin, 11.

(3) Altissimi Régis virtus Christus est , qui per adventum Spiritus Sancii formatur in Virgine. (Caten. aur.; in Lucam, i.)(4) Christum DEI virtutem. ( I ad Cor. i, 24.)(5) Ego sum Dominus DEUS Unis fortis, zelotes. (Exod. xx, 5.) Ego

.Dominus salvans te, etredemplor Luus i'ortis Jacob. (Jerem.xux, 26.)(6) Psal. XVII, 3 ; Ev. Luc. i, 09.(7) Cornu salutis est ipse Christus. (In Psal. xvu.)




Que l'Esprit de force repose tout entier en Notre-Seigneur.

Au commencement de son Apocalypse, l 'Apôtre saintJean rapporte que, ravi en esprit dans nie do Palhmosyil vit Notr e- Se ig neu r d ans sa céleste maj es té . Il le vitsous sa forme humaine transfigurée, au milieu de sept

candélabres d'or qui représentaient entre autres les septdons de l'Esprit de D I E U . Son visage et loute sa personneresplendissaient d'un éclat divin, et dans sa main droite,il tenait sept étoiles, symboles des sept esprits du Seigneur.

J É S U S est, en effet, comme il le déclare lui-même, legr an d et bi en -ai mé Se rv ite ur du Pèr e, an n o n c é par les

Prophètes et en particulier par Isaïe: « Voici mon Serviteur, mon Bien-Aimé, avait dit le Prophète ; voici Celui qw j'ai choisi ; c'est sur lui que je ferai reposer mon Esprit; et en so?i nom les peuples mettront leur espérance. » Et J É S U S ,

lisant ce témoignage du Prophète dans la synagogue deNazareth, avait dit : « Aujourd'hui ces paroles de l'Ecriture

s'accomplissent devant vous (1). »En lui réside corporellement la plénitude de la divinité,

la plé ni tud e et la pe rson ne du S a i n t -E sp r i t ; et sa sainteâme est le sanctuaire premier et principal d'où s 'épanchesur le monde l'esprit de force, avec les six autres espritsqui sont co m me les n u an ce s de l 'Esp rit-Sa int. « En lui,

disait Job, résident la force et la sagesse (2). » Et, parlant(1) Ecce puer meus, quem elegi, dilectus meus. — Ponam Spi

riLuni meum super euni... Et in nominc ejus gentes sporabunt*(Ev. Matth, xu, 18, 21.) Spiritus Domini super me: propter quodunxit me, etc. Hodie impleta est hœc scriplura in auribus vestris.(Luc. iv, 18, 21.)

(2) Apud ipsum est sapientia et fortitudo. (xu, 13, 16.)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — JII. 3 1 1

par la bouche d 'a u tr es Proph ètes , le Fils de D I E U avaitdit de lui-même : « C'est à moi qu'appartient la force. Jesuis rempli de la force de l'Esprit du Seigneur, de sa jus-tice, de sa puissance (1). » Enfin, da ns l'Évangile, nou sl 'entendons lui -m êm e, au m om en t de r em on te r au ciel,faire cette décl ara ti on so lennel le : « La toute-puissancem'a été donnée au ciel et sur la terre (2). »

L'Esprit de force repose donc en Notre-Seigneur, qui,par cette force et dans cette force invincible, a non-

seulement fait le monde , ma is en co re l'a refait C'est parlui, Verbe éternel, que le Père a fait toutes choses ; c'estpar lui que le Père a relevé et restauré toutes choses. LeGhrist, le Fils éternel et la force de D I E U , a d'abord faitl'œuvre excellente de la création naturelle et de la créationsurnaturelle, la nature et la grâce; puis, à cause de la

révolte et de la déchéance des créatures, il a accomplil'œuvre merveilleuse de la rédemption du monde. Il avaincu toutes les puissances qui s'élevaient contre lamajesté divine ; sur sa croix et par sa mort, il a vaincula mort; et, d an s le ciel, il ga rd e é te rne l le ment les plaiessacrées qui témoignent de sa puissance ; là est le secret

de sa force. Sa gloi re couvre les cieu x, e t ses louangesretentissent par toute la terre. La mort fuit devant sa face,et devant ses pas le dém on recu le é pe rd u ( 3 ) .

Mais la seconde partie, la partie rédemptrice de l 'œuvredu Ghrisl n' es t pa s en core parachevée : elle ne le se ra

(l)Mea est fortitudo. (Prov. vin. 14.) Kgo repletus sum fortitu-dine Spiritus Doinini, judioio, etvirtute. (Mioli. ni, 8.)(2) Data est mihi omnis potes las in cœlo et in terra. (Ev. Matth.

xvvni, 19 )(3) Operuit cœlos gloria ejus : et laudis ejus plena est terra.

Cornuain manibus ejus: ibi abscondita est fortitudo ejus: antefaciem ejus ibit mors, et egredietur diabolus ante pedes ejus.(Hab, m.)




qu 'au jo u r tr io mp ha l du second av èn em ent et de .laconsommation dernière. Alors resplendira dans toutl'éc lat de son infinie b eauté la to ut e- pu is sa nc e du Crucifié. Alors le sceptre de sa puissance s'étendra sur toutecréature sans exception ; les résistances seront brisées;et il dom in er a sur tous ses en nem is v a i n c u s : les Angesrebelles, - les pécheurs, les contempteurs de sa grâce et deson Eglise.

Alors nous le verrons face à face dans sa gloire, et

nous chanterons avec tous nos frères, les Élus et lesAn ges : « Il est digne, l'Agneau qui est immolé, il est dignede recevoir et la puissance, et la divinité, et la sagesse, et la force, et l'honneur, et la gloire, et l'adoration. Oui:bénédiction, gloire, action de grâces, honneur, force et

puissance à notre D I E U dans tous les siècles des siècles !

Amen !... Seigneur, J É S U S , D I E U de nos pères, vous êtes leD I E U du ciel; vous êtes le souverain Maître de tous lesroyaumes de la terre ; en votre main est ta force et la toute-

puissance; personne ne peut vous résister (1). »Et ainsi l'Espr it de force résid e en la sai nt e hum an ité

de J É S U S - C H R I S T notre Sauveur. La force du Père passe

tout entière en lui, comme notre force passe et réside toutentière dans notre bras droi t : J É S U S est la droite du Pèrequi se déploie glorieuse et triomphante dans sa force,c'est-à-dire dans le Saint-Esprit; la droite qui frappe, quiterrasse l 'ennemi (2), Satan, le monde, le péché.

(1) Dignus est Agnus, qui occisus est, accipere virtutem, etdivi-nitatem, et sapientiam, et fortitudinem, et honorem, et gloriam,et benedictionem... Benedictio, et claritas, et gratiarum actio,honor et virtus, et fortitudo DEO nostro in saecula sœculorum.Amen... (Apoc. v, 12; vu, *2.) Domine D K U S patrum nostrorum, tues D E U S in cœlo, et dominaris cunctis regnis gentium, in manu tuaest fortitudo et potentia, nec quisqua'm tibi potest resistere.(II Parai, xx, 6.)

(2) Dextera tua, Domine, magnificata est in fortitudine: dexleratua, Domine, percussit, inimicum. (Exod. xv, (5.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — Il i . 313

Que JÉSUS est la force de l'Église.

L'Église est le corps du Christ, comme dit saint Paul (1).La force du chef lui est donnée p o u r to ut le co rp s ; desorte que la force de l'Égl ise n 'est autre que la force de'JÉSUS-CHRIST, répandue dans tous ses membres pour leur

faire opérer le bien et vaincre le mal. J É S U S et l'Église, lechef et les m em b res , c 'est le Chris t tout en ti er, dit sa in tAugustin (2).

L'esprit, Tàme do ce Christ total, qui vit et combat dansle monde d ep ui s dix-hu it siècles ou, pou r mie ux di re ,depuis le c o m m e n c e m e n t de l ' hu man it é, c'est le Saint-

Esprit, l 'Esprit du Christ , l'Espr it de l'Ég li se . Le Sain t-Esprit est la force v ivante et vivif ian te de J É S U S , et Jésusrépand cette force en tout son corps mystique. c< La forcedu Christ J É S U S , dit ad mi ra bl em en t sainte Hildegarde, laforce du Fils de D I E U est une citadelle inexpugnable, danslaquelle les vai ll an te s mil ic es des fidèles s' ex erce nt au

combat et à des lu ttes p le ines de vic toi res ; a u c u n adversaire ne se glorifiera jamais d'avoir prévalu contre elles,parce qu'elles portent en elles-mêmes le Christ, vrai D I E U

et vrai h om m e (3). » Là es t sa force.

L'Église est militante; comme J É S U S , elle co nq ui er t sa

(I)Pro corpore ejus, quod est Ecclesia. (Coloss. i, 24.)(2) ChrisLus et Ecclesia, id est, Lotus ChrisLus, caput et corpus,

(InPsal. xvn.)(3) Virtus Christi JESU Filii DEI fortissima turris est: in qua

victoriosissiinaì militia) fidelium invitissima probatione exer-centur, quibus nullus adversarius se praîvalere gloriabitur, quiain se Christum verum DEUM et hominem continent. (Scivias, 1. m,vis. IX.)




gloire éternelle à la sueur de son front et au prix de son

sang. Mais elle est incessamment soutenue dans ce rudecomba t par la grande force que le Seigneur a mise enelle (i), et qui n'est a u tr e q ue J É S U S , que l'Esprit de J É S U S .

Elle tire du Christ crucifié toute sa splendeur et toute sa

force ; « 0 ma sainte Épouse, lui dit J É S U S , tu es invincible parce que je combats en toi, et parce que tu combatspour moi et avec moi. Moi, ton Seigneur et ton D I E U ; moi,le Vainqueur el le Fort, j e suis en toi, au milieu de toi.

Que tous tes enfants , qui sont mes soldats et mes membres, soient vaillants dans la lutte et qu'ils se montrentles dignes fils de ma force (2). »

Ainsi l 'Église, militante sur la terre, tire de J É S U S sa

force indéfectible. Les puissances de l'enfer, qu'elless'appellent Gaïphe, Néron, Arius, Julien l'Apostat, Maho

met , Photi us, Ba rbe rousse , Lu the r, Calvin, Henri VIII,Voltaire, Rousseau, Mazzini, les puissances de l'enfer ne

pr év au dr on t point con tre elle ; elles ne prévaudront point,pa rce que l'Église est bât ie sur la pierre , et que la pierrerepose elle-même sur le Christ tout-puissant, sur le Filsde D I E U vivant . De là lui vient une vie que nul ne lui

ravira, une force à qui nul ne résistera, un nom au-dessusde tout nom et devant lequel doit fléchir le genou toutecréature humaine, tout César, toute magistrature, toutescience, tout génie. L'Église est la grande et souveraineforce du monde, parce que J É S U S , son chef et sa vie, est

en elle, opère par elle, triomphe avec elle et fait avec elle

cause commune. « Dans nos combats, s'écrie saint Jean

(1) For Li tu do mea magna quam inisi in vos. (Joël, n, 25.)(2) Christo crucifixo inanal omnis pulchritudoïequeac forLitudo;

unde sanoLus Anselmus : « Terribilis es, inquit, quia in te inilito,ettu militas in servilomeo. » (Corn. .•) Lap. in Cantic. vi, 3.) DominusD E U S tuusin medio tui fortis. (Soph. m, 1 7 . ) Conforlentur manusvestrae, et estote ïilii fortitudinis. (Il Reg. u , 7 .



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III . 3 1 5

Chrysostome, nous avons u n allié puissant et un grandcompagnon d'armes, J É S U S - C H R I S T notre Seigneur (1) ! »Et J É S U S est D I E U ; J É S U S es t la force infinie ; qui pourralui résister ? Quis ? < Î / D E U S ? Qui est semblable à mon Christ?s'écrie perpétuellement la sainte Égl i se .

Des Prodiges de la force de INTotre-Seigneur en son Église.

L'Églisea été fondée à coups

demiracles ; et

lemiracleest la manifestation suprême de la force divine au milieu

des hommes.L'Église est un vivant édifice dont chaque pierre est pour

ainsi parler un mirac le , la manifestation d'une forceabsolument surhumaine. Dès son apparit ion solennelle

au jour de la Pentecôte, à Jérusalem, l 'Esprit de forceaccompagnait tous ses pas ; et cha cun sa i t co mmentl'ombre seule de saint Pierre, du premier Pape, opéraittoutes sortes de prodiges. « O puissance du Saint-Esprit!'s'écrie saint Jean Chrysostome. ti a revêtu de sa force,non-seulementl 'àme, non-seulement le corps, mais encore

le vêtement, et jusqu'à l 'ombre de Pierre. Pierre allait etvenait, et son ombre mettait en fuite les maladies, chassaitles démons, ressuscitait les morts. Paul parcourait l 'un i vers, arrachant les épines de l 'impiété, jetant partout l asemence de la foi. Et quels hommes avai t - i l devant lu i?des bêtes féroces, des bêt e s sa uv a g es ; et il t ransforma

tout. Et comment cela? par la puissance de l 'Esprit duSeigneur. Il trouva la terre pleine de dé m ons : il en fit unciel (2). »

. (1) Magnum habemus belli socium et adjutorem Dominum nos-trum JESUM CHRISTUM. fin Epist. ad Ephc. hom. xxu.).(2)Hom. de capto Eutrop.




Les prodiges de la force de J É S U S dans son Église sontco n n u s de tous : pa r sa rés ur rec ti on , J É S U S a vaincu lamort , e t tous n ou s la va incrons en lui et avec lui ; par sesApô tr es et ses m a r t y r s , il a va incu le m on de , le paganisme tout-puissant, l ' idolâtrie et les démons dont l'idolâ tr ie étai t le cul te ; pa r ses Docteurs et ses Pontifes, il ater rassé toutes les hé résies , toutes les e rr eurs , tous LESmensonges ; pa r ses Sa in ts , il a éc rasé tous les vices.A u tan t il est doux et te ndre et compat is sa n t avec ceux quil'aiment, autant il est terrible avec les hommes de mauvaise volonté. L'Agneau de D I E U devient alors le lion deJuda, qui broie et qui dévore. Pour nous, J É S U S n'est quôle bon Pasteur ; pour eu x, pour les impies , il est leMaître redo utab le , don t la ma in est a rm ée de la verge defer. *

Quelles merveilles de transformation J É S U S - C H R I S T n'a-t-il pas opérées et n'opère-t-i l pas enc ore to us les joursdans le mo nd e en ti er , pa r ses Ordres rel ig ieux , soitd'hommes, soit de femmes ! Que sont ses missionnaires,ses Carmélites, ses Sœurs de Ch ar ité, si non des héros,des héroïnes de p re m ie r or dr e, c o m m e ja m a is n'en a vu

le mo nd e pro fane? Quelles me rvei ll es incomparablesd'i nn ocence et de pu re té que no s enf ant s ch ré ti en s, quenos jeunes filles pi eu se s! Et à quoi peu t-on compare r cepeu ple de saintes âm es qu 'e nf an te i n c e s s a m m e n t l'Église,et qu i répa nd , avec les dévouements de la ch ar it é, l'irrésistible vertu des saints exemples?

C ' es t l'Église, c'est J É S U S dans son Égli se q u i a civiliséle mon de , et m a in te n a n t en co re , m a lg ré l es révo ltes et lesfolies de ces dern ie rs siècles , l'Eu ro pe d o m i n e le mondeparce qu'elle est chrétienne, et uniquement parce qu'elleest chrétienne. Tant qu'elle demeurera la terre de JÉSUS-

C H R I S T , l 'Europe, et en pa rt ic ul ie r la F r an ce , conservera



NOS GRANDEURS EN JÉSUS. III. 3 1 7

cette domination glo ri euse . J É S U S - C I I R I S T , toujours vivantdans son Eglise, t r iomphe de to u t ; et ma lg ré l'effrayanterésistance de l' en nem i, No tr e-Se ig ne ur Unit toujours pa rvaincre. Quelle force ! Si J É S U S meurt toujours en sonÉglise, c'est pour re ssus ci te r tou jours ; le do ub le mys tè rede la Passion et de la r és urr ec ti on est un. m ys tè re pe rmanent qui se perpét ue à tr avers les sièc les.

Ll en sera de la Révolution, et plus tard de l'Antéchrist,comme de tous les au tr e s adv ersair es de Notr e- Se ig neu r:

la Révolution po ur ra tr i om ph er m o m en ta né m en t, ma isce sera pour êt re v a in cu e tût ou ta rd . Dans le siècle oùnous vivons, c'est elle qui est la g rande e nnemie du d iv inRessuscité. Ne la cr a ign ons p a s : avec sa fronde et lescinq pierres du torr en t (symbole des cinq pla ies du Rédempteur), David est là devant Gol ia th , et le géant rév olu

tionnaire sera frappé au fron t pa r Celui qu 'i l déda igne .Oui, J É S U S est la force de son Eglise : depuis sa in tPierre, il est la force et l' autor ité du Pa pe, son Vic ai re ;.et c'est lui, le Fils de D I E U tout-puissant, le chef céleste del'Kgbse, qui paît, gouverne et protège l'Eglise par la maindu successeur de sa in t Pier re . J É S U S est la force de tous

nos Évêqucs, la force de nos prê tre s , la force de tou tesnos grandes in st it ut io ns re li g ie us es ; c'est lui qui établi t,1c règne de D I E U par la vertu deses Saints et de ses fidèles;c'est lui qui co mbat et dé mas qu e le me n son ge p a r lesathlètes de la foi ; le vi ce , par tous ceux q ui ense ignen t etqui pratiquent le bien.

La longue hi st oi re de l'Église n' es t ains i qu e l'h istoi redes prodigieux triomphes de la force de J É S U S . J É S U S estavec son Église et en son Église comm e un guer r ie r tout-puissant. Qu'aucun membre de la sainte Eglise ne se glorifie donc en lu i -m êm e , mai s u n iqu em ent da ns la fo rc e r

dans la vertu de « la droite de D I E U , » qu i le pro tège .



3 1 8 L A PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

Comment, par l'union de la grâce, JÉSUS communique sa forceau chrétien.

J É S U S est la force de l'Église, J É S U S est la force du chrétie n. Vrai D I E U et vrai h o m m e , comm e dis ait tou t à l 'heure

sainte Hildegarde, il combat, il triomphe en son Églisemilitante; de même, uni par TEsprit-Saint à chaquefidèle, il lui c o m m u n i q u e sa force victor ieuse. SaintMacai re d'Egypte co m pare le ch ré ti en « à u n vaillantgu er ri er qui, revêtu de l' ar mu re co mpl èt e de son Roi,s 'avance au combat, et, après une lutte puissante, terrasse

ses enn em is . Ainsi fait l 'h omme sp ir itu el : il prend lesarmes célestes de l'Esprit-Saint, fond sur l'ennemi, lefrappe et le foule aux pieds (2). »

« Mon fils, écriva it sa in t Paul h saint Timothée, affermis-toi dans la grâce qui est dans le Christ J É S U S (3). »

Cette grâce un iversel le qui est en p lé n it ud e en Notre-

Seign eur, lui est don né e no n- se ul em en t po ur lui-même,mais aussi pour nous ; c'est le Saint-Esprit avec tous ses

(l)lnPsal.xuu, 4.(2) Hom. xvui, 8.(3) Tu ergo, fili mi, confortare in gratia, quœ estinChristo JESU.

(II adTim. u, 1).

N'ou blio ns pas qu e nou s ne so mm es pr ése rvés que pa rleglaive de D I E U , que nous ne sommes illuminés que parlaface du D I E U Loul-puissant ; or, d it sa in t A mb roise, ladroite de D I E U , le gl aive du Se ig ne ur , la face du DIEU

tout-puissant, qu'est-ce, sinon le Christ, sinon J É S U S (1).?Oh ! qu'il estinsensé, l'homme qui s'élève contre l'Église!

Il est « iils de la mort, » selon l'énergique expression del 'Écr i ture .



NOS GRANDEURS EN JESUS. — I I I . 319

dons, par co ns éq uen t avec sa force dont nous no us oc cupons plus sp éc ia le men t ic i. L'Espr it de force, la g râce deforce qui est en J É S U S , passe en nous, comme la puissancequi réside en notre cerveau , passe , s' ir radie par les nerfsdans tous nos membres. Cetle force divine et surnaturellenous dila te; elle nous ag ra ndit , nou s élève et nous re ndcapables de porter D I E U .

Du haut du ciel, d u fond de no tr e âm e , Not re-Seigneu rest la force prov iden tiel le qu i no us gouver ne et qui nous

régit; il est notre vertu et notre énergie; il est notrevigueur, no tre a r m u r e , la force q ui no us a ssure la v ic toire. « En de ho rs du Chr ist, dit sa in t Jé rôme, j e ne su isqu'impuissance (1). » Et saint Grégoire de Nazianze ajoutait : « 0 J É S U S , en vo us seul rés ide toute ma force ; envous est tou t l 'e sp oir de mon sa lu t (2).

L'Rvangile no us ense ig ne, du r es te , en te rm es exprèscette belle vérité, si capable d'anéantir l'orgueil et d'exalter l'amour. " Sans moi, dit J É S U S , oous ne pouvez rien

faire. » Nihil, rien ; mai s si je ne pu is rie n sans vous , j epuis tout en vo us, av ec vous et par vo us, ô mon Sauveur !« Je puis tout en Celui qui me fortifie (3). » Le charbon ,

froid et noir, ne brûle point par lui-même ; mais quandle feu le pé nè tre, le possède, le t ra nsfo rm e, il dev ie ntbrûlant co mm e le feu même . L'air n' es t po in t lum in eu xpar lu i-même; m a i s dès que le soleil l' il lu mi ne de sesrayons, il devien t to ut splendide , et bi en que la lumièrene soit pas à lui , mai s s implement en lu i, il en jou it

comme d'une r ic hes se qui lui est p ropre . Ainsi, di t Cor-

(1) /Vpud Corn, a Lap., in Habac. m, 19.(2) IbicL, in I Ep. Petri, n, 25.(3) Sine me nihil potestis facere. (Ev. Joan, xv, 5). Domine, si

sine te nihil, totum in te. (S.Aug., inPsal. xxx, Enarr. u, Sermo i).Omnia possum i n e o q u i me confortât, (Ad Phil . iv 7 13).



320 L A P I É T É E T L A V I E I N T E R I E U R E

nélius, nous usons de la force de D I E U et de J E S U S , abso- .l u m e n l co mme si elle no us ap par te nai t en propre, etvoilà pourquoi J É S U S - C H R I S T est vraiment notre force (1).

C'est ce que Notre-S eigneu r ens eig nai t directemen t àsainte Marguerite de Cortone : « Sois forte, ma fille, òma pauvrette; sois forte en moi J É S U S - C H R I S T , ton Seigneur; car je suis avec toi, et je te bénis au nom demon Pore, en mon propre nom et au nom du Saint-Esprit (2). »

Sain te Thérèse, ex po sant les myst èr es de l'un ion intéri eu re , dit que « la co mpag nie d ont jou i t l 'àme pieuselui do nn e des forces bea uc oup pl us g ra ndes qu'el le n'eneut j amais . Si, au di re de David, « on devie n t sa in t avecles saints, » qui do ut e que cette àme qui n' es t p lu s qu'unmême esprit avec le D I E U fort, par cette souveraine union

d'esprit à esprit, ne participe à sa force? C 'est là que lesSaints ont puisé le courage qui les a rendus capables desouffrir et de m o u r i r po ur leu r D I E U . La force surnaturelle don t l 'àme se sen t péné trée, se co m m un iq u e auxpuissances et aux sens ; souvent le corps môme participevisiblement à celte mystérieuse vigueur dont D I E U rem

plit l'àme quand il l'enivre du vin de son amour. Il sentcomme une nouvelle vie qui lui vient de là, de inemequ 'il sent la nourr it ure fortifier tous ses memb res (3). »

Un jour, le Sauveur disait à une bienheureuse servante de sa Mère, qui, dans ses combats de chaque jour,faisait un peu trop attention au poids de ses épreuves.:

« Mon enfant, tu penses trop à ce que tu portes, et pas

(1) In Habac. ni, 19(2) Confortare itaque, fiiia et paupercula mea; confortare in me

Domino JESU CHRISTO, quia tecum sum,eL benedico Ubi ex partePatri s, mea, tanctiquo Spirilus. (Bolland., 22febr. , n° 248).

(3) Relation extraite du livre du Château intérieur.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . III. 321

XIV ai

assez à moi qui le porte avec toi. Chère fille, c'est pénible, je lé sa is ; mais je su is la Force, tu n' as de force qu 'enmoi. Ton efïorl doit cire de te plonger, de te perdre enmoi; en moi, la Bonté, la Force, la Lumière. »• « 0 Seigneur, do nn ez -nou s les ye ux ill um in és ducœur, afin de nous faire bien connaî tre la grandeur suré-minente de la force» de J É S U S on nous. Donnez-nous,selon les richesses de vo tre gloire , d 'ê tre fortifiés dans lavie de l 'homme in té ri eu r par l 'Es pri t-Sain t ; afin qu e,par

la foi,J É S U S - C H R I S T

habite dans nos cœurs, et quenous soyons enrac inés et fondés dans la ch ari té (1); »affermis en J É S U S c o m m e l'arb re qu i a jeté de profo ndesracines dans le sol, so lides comme l'édifice qu i reposesur des fondations inébranlables.. 0 ma pa uv re àme, toi si faible, si débi le , repose av ec

autant d 'humili té que de confiance on ton J É S U S ! T U t'esdonnée à lui, il es t ta base et ta solidité; ne le quittepas, il est ton co nfi rm at eu r ; demeure toute en lu i, etainsi Celui qui a d a ig n é t' accu ei ll ir et te p rendre en lu i,sera lui-même ton défenseur et ton soutien (2). Ecouteton Seigneur et ton Sauveur qui te répète : « Aie confiance,

f ai vaincu le monde. » Sous sa ban n iè re , le in ond e n' es tplus pour toi q u ' u n va incu . Mais ce tte v ic to ir e, il fautque tu la comp lè tes to i-même ; ca r par la g râce de la foi,tu as en loi J É S U S , qui te mène à la victoire (3).

'(i) DEUS det . . . illuininatos oculos cordis vestri, ut sciatisi[ii{B sit supereminens maçnitudo virtuLis ejus iu nos. (Ad. 1

Ephes. i, 18, 19). Del vobis séoundum diviLias gloriaî suse, virluLecorroborari per SpiriLum ejus in inleriorem ' hominem, Ghristumliabilare per fidem hicordibus vestris, in oharitate radicati et fun-'dati. [lbid. t ni, 16,17).

(2) S. Amb. in Psal. XLV.(3) Confidile, ego vioi rnundum. fllo ergo duce jam nobis victus

esLmundus... Séd unusquisque nostrum débet in semetîpso istu.complere. Habes in te J B S U M ducem per fidem. (Orig. in libr. J K S U

Nave, hom. vu, 2).




Ici, comme pour la justice, comme pour la sagesse,comme pour toutes nos autres grandeurs surnaturelles,J É S U S , J É S U S en personne, spiri tuellement prosent etvivant en notre intérieur parle très-sacré mystère de lagrâce , est le tou t de no tr e vie sp ir itue ll e. Ne qui ttons jamais cette vue de foi fondamentale et divinement féconde : elle se retrouve partout dans la vie chrétienne etintérieure; plus elle est intime, et plus la sève delà sanc-*tification est puissante. J É S U S est tout, et rien ne le remplace. Sa personne divine incarnée est, comme dit saintBonaventurc après saint Augustin, l 'habitation de nosâ m e s ; il est lu i-mê me no tr e demeu re , no tre man oi r céleste, secret, mystique, éternel (l). O J É S U S , mon J É S U S ,

ma force et mon D I E U ! que je vous remerc ie de m'avoirfait chrétien, et combien je m'humilie de conserver tant

de faiblesses au sein même de la force et de l'amour !

Des cinq caractères principaux que revêt en nous la forcede JÉSUS.

C'est le Docteur sé ra ph iq ue qu i nou s les énumère dansun précieux abrégé de théologie (2i.Le premier caractère de la force surnaturelle des chré

t iens, c'est, dit-il, d'entreprendre des choses difficiles etd'affronter résolument les obstacles. « Soyez des hommesêt que votre cœur soit pleut de force (oï. » En se faisant lo

Ré dem pte ur et la Victim e du mo nd e, J É S U S , notre divinchef, n 'a recu lé devant rien ; des im po ss ib il it és de tout

(1) Christus ipse est animée palriael hahitatio. (De septem iliac-rjbus aïternUatis ; prologus).

(2) Gompend. theolog. veritatis. ) IV, c. xxxvi.^3) Viriler agite, et confortetur corvestrum. (Psal. xxx, 25).



NOS GRANDEURS EN JESUS — III 323

genre se dr es sa ie nt devan t lui, et il a tout affronté. Ai ns ien était-il de ses Apôt res, de sa in t Pi err e ar r ivan t seul àRome sans au c u n e ressource h u m aine , avec toutes lesimpossibilités réunies, et décidé à renverser l'empiretout-puissant de César pour établir sur ses ruines leroyaume du Crucifié. Et saint Pau l, s' é la nçan t à la conquête spirituelle du monde entier? Et saint Grégoire VIIsupposant, comme un mur d'airain, aux envahissementssacrilèges de mauvais princes et aux trahisons d'Évôques

corrompus et prévaricateurs? Et saint Bernard, ébranlantle monde pa r la v igueur de ses ré fo rm es et la pu is sa nceirrésistible de sa paro le? Et sa in t Fr an ço is d'Assise , etsaint Domin ique, et sainte Térèse , et saint Ig nac e, etsaint Charles Borr om ée , et tous les g r a n d s ré fo rm a te urs ?Que furent-i ls, s inon les hé ro s de J É S U S - C H R I S T , les ins

truments de cet te force qui ne recu le dev ant ri en , à quirien n'est imposs ib le , pa rce qu'elle est d iv in e? L'hi stoi rede TÉglise, c'est l 'histoire des impossibilités vaincues.

Le second car ac tè re de la force ch ré t ie nne , c'est lemépris des choses de la terre. « A cause de J É S U S - C H R I S T

mon Maître, je méprise tout, je regarde tout comme un vil fumier ; je veux posséder le Christ et être trouvé en lui (1). »Cette parole, ce se n ti ment hé ro ïque du g r an d Apô tr e,c'est le sentiment, c'est la parole de tous les vrai s c h r é tiens, et su rtou t de ce nombre inca lc u lab le de disc iplesfervents, de vierges, d'hommes, de femmes de toutes

conditions, qu i, depu is l'orig ine de l'Égl ise ju sq u ' à nos jours, ont tout ab an do nn é, ab a n d o n n en t et ab a n d o n n e ront tout, fami lle, pat rie, richesse s, libe rté , b ie n-êt re ,

(1) Propter Christum omnia detrimentum feci, et arbitror ut.stercora, ut Christum lucrifaciam et inveriiar in il lo . (Ad Philip.iu,8).



3 2 4 L A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

pour devenir apôtres, missionnaires, religieux, prêtres,serviteurs dévoués des intérêts de J É S U S . Le détachementde la terre, voilà le second caractère de la force du Christ

en ses fidèles.Le troisième, c'est la [patience dans les tribulations.« L'amour est fort comme la mort(ï) * C'est surt out dansles épreuves qu e br il le dans to ut son éc la t la puissancede la grâce. C'est J É S U S crucifié qui apprend aux martyrscomment ils doivent mourir ; aux persécutés et aux ca

lomniés, comment ils doivent pardonner, comment ilsdo ive nt pa is ib le me nt et sa in te ment souffrir. C'est lui quifortifie ceux qu'oppresse le poids de la douleur, ou qui sesentent prêts a succomber sous le fardeau des privations,

' des ch ag ri ns et des mille ép reuv es de la vi e. « Venez àmoi, voua tous qui souffrez, et moi je vous relèverai ( 2 ) . »

Le qu at ri èm e ca ract èr e de cet te force sacré e, c'est larésistance aux tentations. « Le diable, votre ennemi, commeun lion rugissant, cherche à vous dévorer ; résistez-lui, fortidans la foi ( 3 ) . » L 'e nnemi du de da ns est plus redoutableque l 'enn emi du de ho rs , et c'est contre lui surtout queJ É S U S combat en nous et que nous devons combattre

avec J É S U S . Jamais le divin Maître ne permet que noussoyons tentés au delà de nos forces. A mesure que s'accroît la vio lence de l' at taqu e, la force de la grâce de

' J É S U S s'accroî t en proport io n, et no tre fidélité auss i doitgrandir avec le danger.

Enfin, le c inquième ca ractère de la force du chrétien

en J É S U S - C H R I S T consis te à combat t re les concupiscences

(1) Fortis est ut mors dilectio. (Cant. vm, G).(2) Venite ad me omnes qui laboratis... et ego reficiam vos.

(Ev. Mattta. xi, 28).• (3) Adversarius vester diabolus, tanquam ieo rugiens, circuitquaîrens quem devoret; cui resistite fortes in lide. (I Pelr. v. 8),



NOS GRANDEURS EN JÉSUS.—III 326

et à dompter les vices. « fat combattu le bon combat (i j , »disait un des héros du Christ. Chacun de nous a devant'"lui l'armée de ses vices et de ses défa uts ; il faut l' at ta quer et la v a i n c r e ; il faut que le nouvel h o m m e réd uiseen captivité le vieil h o m m e avec ses vices et ses concupiscences. Ce t ri o mph e , fruit d' un e lu tte i ncess an te, esttout simplement l 'héroïsme poussé à son plus hautdegré; c'est le m a rt y re inté rieu r, le tém oig na ge, n o n dusang, mais de la vie même, qui crie à. J É S U S : « Je veuxêtre tout à vous ! »

Où en suis-je à tous ces poin ts de vue ! Ai-je du co urage dans les difficultés? Ne me laissé-jc point abattreaprès les premiers efforts? Mon cœur s'élève-t-il au-dessus des ch oses de la terr e ? ou bien s'en laisse-t-il dominer? Dans les épre uves, dans les ten tat ions , dan s la

lutte contre le vieil h o m m e , deme uré-je é n er g i q u e m e n te timmuablement en J É S U S ? Hélas! hélas! que de défaillances et de lâchetés! et, comme disait saint François deSales, « quel bon gi bi er de mis ér ic or de je suis pour vo us ,ô doux Sauveur ! »

Que la force chrétienne est toute surnaturelle.

tl en est de la force que J É S U S nous communique ,comme de la paix qu 'i l donne à ses fidèles. « Je vous laissela paix, dit-il aux Apôtres, je vous donne ma paix\ mais

je vous la donne tout autrement que ne la donne le monde (2) »

(1) Bonum cerlamen certavi. (11 ad Tim. vi, 7).(2) Pacem relinquo vobis, pacem mcam do vobis ; non quomorlo

munclus dat, ego do vobis. (Ev. Joan. xrv, 27.)



;Î2G I-A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

J É S U S po urr ai t n ou s di re ég al em en t : « Je vous do nn e maforce ; mais elle est toute différente de la force telle quele monde l' en te nd . » En quoi cons is te , en effet, la force

des mondains? Ils sont forts, ils dominent quand ils ontplus d'esprit, plus de talent, plus de génie, plus descience, plus d'argent, plus de puissance matérielle. Selonles idées du monde, le plus puissant est celui qui réunittous ces av an tages à u n p lus h a u t d e g r é ; , e t celui-là estré puté le plus faible, qu i en est le p lu s com pl èt em en t

pr ivé .C'est le co nt ra ir e qu i a lieu dan s To rdre de la gr âce.La force des chré t ie ns ne vient poi nt de la ter re : ellevient du ciel (I), en droite ligne. Elle ne dédaigne passans doute la force ou plutôt les forces purement nature ll e s; mai s elle ne s 'en sert que c o m m e d'auxiliaires

uti les , jamais comme de moyens indispensables. Notreforce est toute en J É S U S - C H R I S T , toute de J É S U S - C H R I S T ;

notre appui est dans le nom. du Seigneur, en Celui gui a fait le ciel et la terre (2), c'est-à-dire en Notre-SeigneurJ É S U S - C H R I S T , qui est l 'expression parfaite, le nom de D I E U

au mi li eu des c réa tu res , et qu i seul avec le Père cL le

Saint-Esprit, a créé toutes choses. Voilà notre force ; elleest absolument surnaturelle ; elle est divine, et non pointh u m a i n e .

Dans l'ordre de la grâce comme dans l'ordre de la nature, le tout puissant J É S U S se plaît à faire tout de rien.C'est l 'opposé de la méthode humaine. Qu'est-ce que son

humanité ? Une petite créature imperceptible, perdue, cesemb le , au milie u des au tre s et qu 'o n ne pouvait mê me

(J) De cœlo (prtitudo est. (I Mac. in t 19.)(2) Adjutorium nostrum in nomine Oomini, qui fecit cœlum et

terrain. (Psal. CXXIII, 8.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S - — III- 327

apercevoir à deux ou trois mil le s de d is tanc e : et c' es t enelle cep endant qu'il est le cen t re vi ta l, le cœur, la ra is ond'être, le type pr emie r de toute la cr éa tion , co mme n o u s

l'avons déjà vu.Qu'était.la sainte Vierge, constituée avec J É S U S et enJÉSUS Reine, Souveraine, Mère et Maîtresse de tous lesenfants, de toutes les créatures de D I E U ? Qu'était-elle?une humb le, un e pa uv re petite vie rge , in co nn ue , sa nséclat, sans fortune, sans rien.

Qu'étaient-ce que les Apôtres? Chacun le sait, et onl'a dit mille fois : des ig no ran t s , des p au vr es , des h o m m e ssans prestige, s an s pu is sanc e, sans ar gent, sans ri en de cequi donne, d ans le monde, de l'a scendant et du c ré di t.Et cependant , c' es t par eux et en eux, qu e J É S U S a vouluconquérir, a conquis le monde. Qu'était-ce en particulier

que saint Pierre, cet obscur pécheur d'un petit village deGalilée, choisi pour être le premier Vicaire du Christ, lepremier Souverain-Pontife de l 'Église, le représentant duFils de D I E U au milieu de 1*humanité?

Saint Paul, le co nquér an t spi ritue l de l 'u ni ve rs , d é clare lu i-mêm e, avec une sa in te fierté, qu 'i l n 'a vai t r i en

de ce qui pe ut ex pl iq ue r le succès de ses pr od ig ie ux t r a vaux apostoliques. Dans son humble amour, il se glorifiede nôtre qu 'u n av or to n, u n p nu vr e pet it h o m m e sa n sextérieur, sa ns ta le n t de paroles, sans savoir h u m a i n ,sans noblesse, sa ns ar ge nt , sa ns au cun appui . Sa l umière, sa science, sa force, son autorité, sa vie, son tout,

c'est J É S U S - C H R I S T , J É S U S - C H R I S T seul, J É S U S - C H R I S T c ru cifié. » D I E U m'a choisi, dit-il, moi le moindre des Apôtres,moi le pre mier des pé ch eu rs , mo i le pe rsécut eu r av eu gl e,pour manifester son Fils en moi; et à cause de cela, jesuis fort de la force m ê m e de J É S U S . Ce n'e st pas m o i ,c'est la grâce de D I E U qui agit en moi et avec moi. Si je



328 L A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

dois me glorifier en quelque chose, c'est dans ma faiblesse (() .

11 nous donne la clef de ce mystère étonnant : « D I E U ,

dit-il, a choisi ce qui est faiblesse selon le monde, pour con fondre la force; et ce qui est vil et méprisable selo?i le monde,ce qui n'est rien, il l'a choisi pour détruire ce qui est, afinque personne ne se glorifie devant lui. Ce qui se?nble faiblesse en D I E U (la croix , les an éa nt is se men ts de la rédemption), est plus fort que les hommes. Nous passons pour des

séducteurs, et nous sommes sincères; nous passons pour desinconnus, et tous nous connaissent', pour des mourants, et c'est nous qui possédons la vie ; pour tristes et nous sommestoujours dans la joie ; pour des pauvres, et nous enrichissons les multitudes ; nous passons pour ne rien avoir, et nous "obvions tout. Nous sommes donnés en spectacle au

monde, aux Anges et aux hommes. Nous sommes faibles,•méprisés; nous avons faim et soif\ nous sommes dénués detout, insultés; nous n'avons point de domicile: nous travaillons de nos mains ; on nous maudit, on nous persécute,on nous blasphème. Au milieu du monde, nous sommescomme des victimes vouées à l'opprobre et à l'anathème (2).

• (1) Ego enim sum minimus Apostolorum, qui non sum dignusvocari Apostolus, quoniam [jcrsecutus sum Ecclcsiam Dist gratiaDmsum id quod sum... non ego sed gratia Dm m e c u m . (I ad Cor.xv, 9). Oumautem placuit ei, qui vooavit me per gratiam suam,utrevelarct Fiiium s u u m in me. (Ad Gal. I, 16.) Pro me a u t e m nihil gloriabor nisi in infirmitatibus mcis. (il ad Cor. xn, 5.)* (2) Infirm a mundi elegit DKUS, ut cunfundat fortia : et ignohilia

•tnundi et contemptibilia elegit DKUS, et ea q u a 3 non sunt, ut eaqua; sunt destrucret; ut non glorietur o m n i s caro in oonspoctu'ejus. Quod inlirmum est DEI, fortius est hominibus. (I ad Cor. i, 26,29.) Ut seduotores, et veraces; si cut qui ignoti, et cognit i; quasi.morientes, et ecce vivimus; quasi tristcs, semper autem gauden-' t e s ; s i c u l egentes, multos a u t e m locupletantes ; tanquam nihil ha-.bentes, et o m n i a possidentes. (II ad Cor. vi, 8-10.) Spectaculutn,1'aoti s u m p s mundo, et Angelis, et hominibus.. . Nos inl irmi ,.. .ignobiles,... cfurimus et sitimus, et nudi sumus, et colaphisc E O d i m u r , el instabiles sutnus, ct Jaboramus operantes manibus



NOS GRANDEURS EN JESU S. — II I. 329

Telle était la force des Ap ôt res : to ut e su rn at ure ll e etdiamétralement opposée h ce que le monde répute forceet puissance.

Telle a été également la force de tous les Saints : plusils ont été grands, et plus ils ont été dépourvus de forcehumaine, ordinairement du moins. La plupart des grandsathlètes de la foi étaient des hommes débiles, sans vigueur physique : saint Augustin, saint Jean Chrysos-tome, saint Grégoire le Grand, saint Grégoire VII, saint

Bernard, saint François et tant d'autres n'avaient pourainsi dire que le souffle; et ils ébranlaient le monde.J È S U S T G H R I S T opérait en e u x ; et plus l ' in st ru m en t étaitfaible, p lu s l'œ uvre étai t pu is san te . « Sache , m a fille,disait un jo u r N otre -Sei gne ur a l ' hu mb le et sainte pé ni tente Ma rgu eri te de Gortone, sache que m a gr âc e te for

tifie plus et te conserve mieux que les aliments corporelsdont tu te nour r i s (1). »1 Lorsqu'aux moyens surnaturels viennent se joindreles moyens naturels , immédiatement naît le dangersigna lé pa r l'Apôtre, à savoir l 'oubli du m ys tè re de lacroix de J É S U S - C H R I S T (2). Nous sommes si porté s à nous

attr i bue r à no us -m êm es le bien qu e J É S U S daigne opérerpar no us ! Aussi l 'Église et les Sa in ts , to ut en usa n t desmoyens naturels, sont-ils bien loin d'y mettre leurconfiance ; souvent même ils préfèrent ne point s'enservir.^Comme D I E U , ils aiment à faire tout de rien, afinque leur néant soit manifesté à tous, ainsi que la force

du divin Maître.

nostris; maledicimur, perseeulionem patimur, blasphemamur ;tanquam purgamenta hujus mundi facti sumus, omnium perip-sema. (I ad Cor. iv, 10-14.}

(1) Scias quod m agi s te roborat et conservât, gratia mca, quamalimenta corporea, quae tu sumis. (Bolland., 22 l'ebr., n- 46).

(2J Ut non evacuetur crux Christi. (I ad Cor. i, 17.)




Noire force/ c'est notre foi, c'est notre conscience ;c'est l 'amour que nous avons pour notre adorable J É S U S ;

la volonté de procure r sa glo ire à tout pr ix , au pr ix denotre santé, de notre honneur, de notre vie même ; c'estla volonté absolue de ne rien faire qui puisse lui déplaire,de lui gagner des âmes, de faire en toutes choses et de fairefaire sa très sainte volonté ; notre force, c'est la charitéet le zèle. Chacun connaît l ' inébranlable non possumusque la conscience de l'Église oppose h toutes les puissances de l'enfer : ce non possumus, chacun de nousl'oppose ég al em ent au mal sous toutes ses formes ; etles puissances de l 'enfer ne prévalent point.

Noire véritable force, c'est le détachement de la terre,et non la puissance de l'argent ; c'est la foi vive, et nonla seule raison que désarme si vite l'astuce de nos pas

sions ; c'est l 'h umili té , et non l'orgueil et le pouvoirhumain ; c'est la douceur, divine ma ît re sse de la terre,et non la violence. « Lorsque je suis faible, c'est alors que

je suis fort (1), » s'écriait le g rand Ap ôt re .Tous nos Saints en on t pu di re a u t a n t : té mo in , de nos

jours, le pauvre curé d'Ars, qui attirait à lui des multi

tudes prodigieuses ; qu i, d' un e seu le parole, d' un seulre ga rd , convertissait les pé ch eu rs en du rc is , et au x piedsduqueJ s 'agenouillaient jusqu'à quatre-vingt mille personnes par an ; témoin encore notre Pie IX, qui, del'exil de Gaëte, je ta it aux quat re coin s du m onde lespremières paroles de son immortel décret de l 'Immaculée

Conception ; qui attirait d'autant plus à lui les respectset l 'obéissance, qu'il était plus abandonné des hommes,plus faible, plus près de succomber.

Soyons donc plus convaincus que nous ne le sommes

(i) Cum infirmor, tune potens sura. (Il ad Cor. xn, 10.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III. 331

de ce caractè re s u r h u m a i n de no tr e force en J É S U S -

CHRIST ! Prêtres, c'est là que réside toute la puissance denotre min istè re ; laïques, ho m m es , femm es , enfants ,riches, pauvres, c'est par là et par là seulement que nous,ferons autour de nous un bien sérieux. Que toute notrevie soit donc plus surnaturelle ! « Sans la force de D I E U , -

qui est le Chris t, di sa it sai nt Jé rôme , toute la force de shommes n'est que faiblesse et néant. Sans l'appui duSauveur, toute la Torce des Anges et des h o m m e s est

impuissante et fragile (1). »0 Seigneur J É S U S - C H R I S T , force toute puissante de D I E U ,

force divine de l'Eglise, force admirable des Saints,venez, venez et vivez en moi pour êt re ma force entoutes choses. Je ne suis rien ; mais vous êtes tout. Jesuis faible ; mais vous êtes fort. Avec vous et en vous, je

veux faire to ut bien ; j e veux v a incre tou t ma l . Imprégnez-moi totalement de votre Saint-Esprit, qui estvotre force infinie, et dominez ainsi les faib lesses demon intelligence, de ma volon té , de m on cœur et demon corps. Je suis tout à vous ; sauvez-moi ! Tuus sumego : salvum me fac ! (2) »

Comment les vertus chrétiennes sont toutes des forces,et comment tous les vices ne sont que des faiblesses.

Le monde n' es t po in t de ce t avi s : il p re nd d 'o rd in ai re

ses vices pour des qu al ités dont il pe ut êt re jus tementfier ; dans l 'o rgue il, dans l ' am bi ti on , dan s la c o lè re r

(1) Omnis hominum ibrtitudo sine DET virLute (quœ Christus est)imbecilia reputatur et nihiji. (Lib. III, in Jerem xvi.) Omnis Ange-lorum et hominum forlitudo, si non habuerit auxiliúm Salvatons,imbecilia probatur et fragilis. (Lib. I, in Zach., îv.)

(2) Psal. cxviH.



332 LA. P I É T É E T L A V I E I N T E R I E U R E

dans le faux point d'honneur, il voit l ' indice d'une àmeélevée et d'un ca ra ct èr e én er g iq ue ; les pass ions lesmoins avouables ne sont, à ses yeux, que les élans d'unena tu re pu issa nte , d'un cœ ur gé né re ux ; et, pa r contr e/ il déd ai gn e, en les travest is sant , les plus belles vertuschré t iennes . « Tout entier dans te démon* » comme ditsa in t Jean (1). le m onde est tout cut ior dans le mensonge ; et la con tr e-par ti e de ses ap pr éc ia ti on s sur lesvertus chrétiennes et sur les vices, est précisément lavér ité , la vér ité i n t ri nsèq ue , telle qu' elle est au x yeux deD I E U , telle qu'elle doit être aux yeux de tout homme raisonnable .

« C'est un mauvais langage, dit saint François de Sales;1

d'appeler co ur ag e la lier té et van it é ; les chrestiensappellent cela lascheté et couardise ; comme, au contraire,

ils appellent courage la patience, la douceur, la débon-naireté, l 'humilité, l 'acceptation et l 'amour du mesprisetde la propre abjection ; car tel a esté le courage de nostrôcapitaine J É S U S , de sa sa in cte Mère, de ses Apostres eldes plus vaillants soldats de ceste milice céleste ; courageavec lequel ils ont surmonté les tyrans, soumis les Rois,

et gagné tout le monde à l'obéissance du Crucifié (2). »Filles de ce courage, les vertus chrétiennes sont toutes

des forces, souvent môme des forces héroïques et surhumain es ; et les vices, de qu el qu es no m s po mpeux que lespare nt les m o nda ins , ne sont , au fond, que des faiblesses, que des défaillances, que des lâchetés.

Ici les mo ts expr iment les choses : en la ti n .' le motvirtus signiiie à la fois force et vertu. Toute vertu est, en'effet, une force, c'es t-à-di re ce qu i seu l es t d igne d'unhomme : vir signifie homme, vir, virtus : ces deux idées

(1) Mundus totus in maligno positusest. (lEp., v, 19.)(2) Lettres spirituelles.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I U . 333

.se tiennent ; l'homme est aux vertus ce que le tronc estratix br an ch es de l' ar bre . Sa in t Au gu st in définit qu elqu epart l 'homme par une parole aussi brève que profonde :.« L'homme, dit-il, c'est une volonté. » Or, qu'est-cequ'une volonté, si ce n'est une force ?

J É S U S qui vivifie l'intérieur du chrétien et'qui de cecentre céleste, ré pa nd son Sa in t- Es pr it d ans tou tes no spuissances, nous remplit de sa lumière, de sagrAce, de saforce, de toutes les qualités divines dont sa sainte huma

nité est remplie. G'est de là que dérivent toutes nos.vertus chrétiennes : ce sont les vertus de J É S U S en nous ;ce sont les pui ss an ce s don née s à l'&me du Chris t qu i

•noussont communiquées, du moins dans une mesure, etqui de vi en ne nt nô tr es par l'effet de l'un ion de la g râce .Or toutes ces ve r tus de J É S U S sont le rayonnement de la

• force de l'Esprit-Saint.Ainsi, la foi, loin d' êt re , comme le pensen t les m o n -, dains, un affaiblissement des puissances de la raison, est.au contraire un co mpl ém ent divin de co nn ai ssan ce s et delumières. G'est un sup pl ém en t su rn at ur el , accordé p a r

.le bon D I E U aux lumières naturelles de la chère créature

qu'il daigne s'.unir ; c'est une lumière inf iniment plusgrande, plus profonde, plus sple ndide, plus sûr e, quivient se sur ajoute r aux lu mi ères nat ure ll es de la raison ;de telle sor te qu' av ec la foi, la rai son est be auco up plu s

-éclairée, beaucoup plus solide, que lorsqu'elle est livréeà ses seules forces. La foi est donc un e p uiss an ce , et n o n

..une faiblesse. L'incrédulité, dont se piquent les esprits.forts, est une mi sérabl e privation de s- lu m iè re s div ine sque le Fils de D I E U apporte au monde, en même tempsq.u'elle est la privation d'un appui quasi indispensable'àla raison po ur d em e u re r raiso nna ble. L' incrédu lité n'e stdonc, elle auss i, qu 'une faiblesse d espr it , une vé ri tabl e

•défaillance.



33i LA PIÉTÉ ET LA VIE INT ER IEU RE

Ce qui est vra i de la foi est également vra i de l'espérance. L'espérance nous fortifie en nous montrant le ciel;et, par la certitude de la magnifique, de l'éternelle récompen se prom ise à ceux qui pers év éreron t j u s q u ' a u bout,elle no us empêche de défaillir en ch emin . Le découragement, le désespoir, opposés à l'espérance, sont des obscurci ss em en ts de la vé ri té et des défai llances de la volonté.Il est inutile d'insister sur le caractère de force que revêtla ve rt u d'espérance , et sur celui de faib lesse , de lâcheté

qu'emporte le désespoir sous toutes les formes.La sainte charité, qui est, en nous, la participation àl 'amour divin que J É S U S porte à son Père céleste, a saBienheureuse Mère, et à toutes les créatures sorties fieses mains, est la plus grande force qui puisse se concevoir.G est elle qui a été comme l'àme de la vie de J É S U S - C H R I S T ,

et de son inénarrable sacrifice. C'est la vertu royale, reineet maîtresse de toutes les autres ; c'est elle qui remplit leciel et l'é terni té , qui embrase les Anges , qu i a fait lesApôtres, les M ar ty rs , tou s les Sa in ts ; c'est elle quienflamme le zèle des missionnaires, le dévouement deto us les Religieux, de tous les p rê t r es , de toutes les

bonnes oeuvres: Elle est forte comme le feu, qui embraseet dévo re .. L'égoïsme qu i lui est opposé , qu 'e st -ce, sinonla glace, le ré tr éc is se men t du c œur , l 'absence odieused'amour et de vie? La charité est donc une force.

11 en est ainsi de tout es les vert us ch ré ti ennes sansexception: de la pénitence, par exemple, qui est une

réparation juste et nécessaire du mal commis, un étatco urag eu x quoique pé ni bl e, où le chré t ien se débarrassede tout ce qui p eu t gêner sa m a r c h e d ans la voie dusalut ; de l'humilité, qui n'est, après tout, que l'amourpra t iq ue de la vérit é et de la just ic e, et l' én er giq ue victoireêmportée sur soi-même, sur les illusions de i 'amour-

propre, de la vanité, de la présomption et de la sottise.




L'orgueil, au co nt ra ir e, n'es t qu 'u ne faiblesse d'e spr it,une illusion, un mensonge: quoi do plus misérable ?

La douceur, qu' ac co mp ag ne nt l ' in dul gen ce, la paix etle pardon, est un e g r and e force d' àmc q ui nous m ai nt ie nt ,malgré les temp ête s du deda ns et du de ho rs , da ns un esérénité, clans un e suavité plus div ine qu 'humaine ; ilfaut être bien fort, bi en maît re de so i -même, po ur ôtredoux, constamment et intérieurement. La colère, malgrésa force brutale qui brise et renverse, n'est qu'une hon

teuse faiblesse de volonté ; un homme violent est l'opposéd'un homme fort.Pour la chasteté, il est superflu de montrer qu'elle est

une force, et u n e force telle qu e la p lupa r t des gens dumonde ne croient pas môme à sa possibilité. « C'est

impossible, c'est plus fort que nous, " disent-ils. quand,

au nom de J É S U S - C H R I S T , nous les exhortons à Aire purs,à demeurer purs , à se rele ve r de ce qu 'i ls appell en t eu x-mêmes « leurs faiblesses . » 0 la g ra n d e et no bl e choseque la chaste té! « Il n 'y a rien de plus fort , dit sa in tJérôme, que l ' ho mme qui tr io mp he du dé mo n i m p u r ; iln'y a rien de plus faible que celui qui se laisse domine r

par sa chair (1). »Enfin, l 'obéissance, le détachemenL, la patience, sont

des forces, do nt l 'exercice re qu ie rt un e so uv er ai neénergie ; l'obéissance * po ur que la volo nté se so um et tepleinement et demeure toujours soumise à la très-saintevolonté de D I E U et des représentants de D I E U ; le détachement, pour que le cœur, naturellement incliné vers leschoses de la t e r re , res te droi t et fe rm e, uni au Chri s t ,élevé vers D I E U , vers les biens éternels ; la 'patience, pourque la pauvre nature ne se révolte point dans les épreuves

"(i)Apud. s. Bouav., Pharetrae lib. II, c. xxxi.



336 LA. PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

et garde fidèlement la paix et la jo ie de Notre-Seigneurcrucifié.. Pour pratiquer tout cela, il faut plus que du eourage;

bien souvent, pour ne pas dire toujours, l 'énergie del'homme s'y épuise vite, et il faut que TEsprit-Saint, quela grâce de J É S U S - C H R I S T vienne ajouter la force divine àla force ou plu tôt à la faiblesse h u m a i n e .

Oui, toutes les ve rt us ch ré ti en ne s sont d'admirablesénerg ie s ; et même pour qu i réfléchit bi en , ce son t les

seules forces vraiment pures, constamment pures, quel'on doive admire r d ans l 'h omm e : par su ite de la corruption originelle, la force simplement naturelle, quoiquebonne en elle-même, dégénère bien vite. Oui, il fautadmirer l 'homme chaste, l 'homme humble, l 'hommepati ent , doux et mi sé ri co rd ie ux ; il faut l ' ad mi re r parce

qu'il est fort, et il faut réputer pour ce qu'ils sont? c'est-à-dire pour des êtres qui s'avilissent et qui se rabaissent,les orgu eilleux, les ambi ti eux , les vind icat ifs , les bravaches, les vo lu pt ue ux , en un mol , les pécheurs de toutg enre et do toute co ul eu r. Le pé ch é est une défaillance,une lâche faiblesse,

Que la force de Notre-Seigneur doit imprégner toutes les vertusd'un chrétien.

La Sœur Marie Lataste, du Sacré-Cœur, entendit un j o u r le divin Sa uv eu r lui d on ne r ce bel en se ig ne me nt :« 0 ma fille, lui dit-il, la iorce est dans une âme commele tronc d'un arbre qui soutient l 'arbre, les branches, lesfeuilles et les fru it s. La force so ut ie nt tou tes les autresve rt us . Si tu ne veux pa s pe rd re les ve rt us que ton D I E U



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III . 337

x i v

a mises en ton âm e , tu dois, m a fille, conser ver et t â c h e rd'augmenter la vertu de force en toi. Par elle, tu conserveras le bien qui es t e n Loi; par elle , tu per fe ct io nner as

ce bien ; pa r elle , tu at ti re ra s en toi le bie n qui n 'y estpas encore. Tu se ras com me une co lo nne de foi, as sisesur un rocher de l'Océan : vainement les flots et les ventsse déchaînent co nt re el l e ; elle de m eu re in éb ra nl ab le .Ainsi seras-tu , m on en fant : tu se ra s fe rm e co mme l amontagne de Siori (1). »

La force, c'es1>à-dire l'esprit de J É S U S en nous est doncune vertu général -, qui conserve , qu i affermit toutes lesvertus, comme dit saint Bernard (2).

Dans ce temps-ci, plus encore que dans les âges de foi,la force no us est in di spen sabl e pour dem eu re r fidèles ànotre divin Maî tr e. L'a ffa iblis sement de la foi qu i es t la

base de la vie surn at ur el le , én erv e et ob scurci t les c o n s ciences; le relâchement général des mœurs, les progrèsdu luxe, la soif du bi en -ê tr e mat ér ie l, le dé lu ge des le ctures frivoles et mille autres causes encore font disparaîtredéplus en plus la bienfaisante austérité des mœurs chrétiennes : l 'esprit , le cœ ur, l ' im ag in a ti on , les, se ns , tou t

est menacé pa r cett e défaillance un ivers ell e. A n o u s ,chrétiens, de réagir le plus vigoureusement possible,grâces à l'esprit de D I E U qu i, lui, ne ch an g e pas co m m eles hommes , et qu i a n im e toujours l'Egli se.

Dans notre propre intérêt, non moins que dans l ' intérêtpublic, retrempons-nous dans la force même du Fils deDIEU, notre Sauveur. Par une très grande fidélité à sagrâce, soyons forts d an s la foi eL dans to ute s les ver tus . .Soyons for ts, soyons in var iables d a n s no tre fidélité àl'Église, im m uab le s da ns no tre obéis san ce au Sa in t -

(i)Tom. II, chap. vin.(2)De virtut. obed. serm.




Siège : san s cela, point de salut, au mil ie u de la corruption publique des esprits. — Saint François de Sales,prêchant un jour dans la chapelle du monastère de Port-

R o y a l , av an t que le ja ns én is me l 'eût in fec tée, se pritto ut à coup à pleurer et fut obligé d' in te rr omp re unm o m e n t son se rm on . L'Àbbesse, de pui s si tristementcélèbre, lui ay an t demandé la cause de ces larmes, lesaint Évêque lui répondit une parole qu'il ne faut pasperdre de vue en ce temps-ci : « C'est que D I E U m'a fait

connaître que votre maison perdra la foi. Le seul moyende la conserver c'est l'obéissance au Sainl-Siége. »Soyons forts dans la prière, forts dans la pénitence et

dans la prat ique de la mortification qu ot id ie nn e ; forts etconstants dans le dévouement aux bonnes œuvres, dans-la ch ar it é env ers les ma lheure ux . Soyons forts da ns les

langueurs de la maladie, dans les tristesses du malheur..Soyons forts dans la chasteté que bat en brèche tout ceque nous voyons, tout ce que nous entendons, tout cequ e nous lisons ; qu e de défail lances , m ê m e p armi leschr éti ens , mê me pa rm i les bons ser vit eur s de D I E U !

C'est l'énergie ch ré t ienne qui leur fait défaut. Qu'ils la

demandent incessamment à leur très innocent et trèspuissant Sauveur, par l'intercession de la Vierge immaculée, la plus forte en même temps que la plus pure descréatures de D I E U .

Ainsi, force dans la pratique de toutes les vertus évan-gél iq ues , de tous les devoirs de notre état , de toutes les

inspirations de la grâce ; force chrétienne dans la piété,dans le travail ; force dans la lutte journalière contre nospassions, et dans la correction persévérante de nos défauts;:force dans les peines ; force en tout et partout: telle doit*être notre grande règle.

C ?est la force, la force de J É S U S , qui donnera à nos



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I . 339

Gomment le chrétien puise en JÉSUS la force d'esprit

Notre-Seigneur est en nous le principe surnaturel detoute force. Avant tout , il affermit notr e in te ll igence etrectifie notre jugement en les fixant dans la vérité. Lavérité est, en effet, la vie, et par conséquent la force del'esprit. Plus un esprit est dans le vrai en toute chose etplus il y est fo rtem en t établi , plus aussi il est v r a i m e n tfort. De tous les es pri ts créés, le plus fort, deven u le p lusfaible, c'est le gr an d Séraphi n Lucifer, qui, da ns l ' or ig in e,avait la glorieuse miss ion de po rter la lumiè re un iv er se ll ec'est-à-dire le Christ de D I E U , et qui « ne demeura point dans la vérité (2), » se sépara du Fils de D I E U , et commeun astre éte in t, est au plus profond des té nèbre s de l 'a bîme.

Celui qui étai t le p lu s hau t est to mb é le plus bas . P a r m iles. hommes, celu i qu i su iv ra le pl us près cette c h u t edégradante, ce sera l'Antéchrist; et, après l'Antéchrist,

(l)lnomni virLute confortati secundum potentiam claritatis ejus,inomni patientia et longanimilate cum gaudio. (Ad Col, i, il.)

(2) In veritate non sletit . (Ev. Joan. vin, 44.)

vertus leur cara c tère et en fera des forces vives. Ainsiimprégnées de la force d'en haut, nos vertus seront lesarmes inv inc ibles avec lesquelles, l 'Égl ise , not re Mère,frappera, brisera les trames de tous les ennemis de D I E U .

Revêtons-nous de ces bienheureuses armes, nous tous,soldats de l' ég li se mil it an te ; nous so mmes dans destemps extrêmes où les faibles sont facilement entraînés :soyons des brave s, ple in em ent affermis d ans la force parla puissance de la g râce de J É S U S - C H R I S T , et souffrons

joyeusement, avec courage et magnanimité (1).



340 LA P I É T É ET LA VIE INTERIEURE

tou s les impies, tous les pé ch eu rs , en propo rt ion de leuropposition à la. vérité.

La force d'e spr it v ient donc de la lumière de J É S U S -

G I Ï R I S T en nous: de la lumière naturelle d'abord, queJ É S U S , Verbe de D I E U , daigne nous départir en nousdonnant la raison et eu faisant do nous des hommes; delu lumière surnaturelle, qu'il daigne surajouter à la première en faisant de nous des chrétiens. L'homme le plusfort d'esprit, c'est l 'homme qui jouit à un plus haut degré

du don de cette t rès sac rée lumière .J É S U S étant lu i- mê me et la Lum iè re et la Vérité , nousdonne la force d'esprit en nous fixant intérieurement enlui, par le lien tout puissant de l'Esprit-Saint. De mômeque sa sainte âme est absolument cl inelfablement forte,parce que le Saint-Esprit l 'unit hypostatiquement au

Verbe; de même, notre intelligence, unie à J É S U S par lemême Esprit, puise en lui la force, l'élévation, la grandeur, j 'oserais presque dire l'infaillibilité, à mesure que l'unionest plus intime et que l'unité d'esprit dont parle l'Apôtreest plus complète. « Celui qui. est uni au Seigneur est unseul esprit avec lui (i). »

Les faiblesses de l 'esprit vi en ne n t un iq u e m e n t du manque de lumières, de la privation de la vérité. Voilàpourquoi tout pécheur est un insensé, ainsi que le répètent к chaque page nos saintes Ecritures. Le plus insensé,le plus sLupide de tous les hommes qui sont en ce monde,c'est celui qui est le plus loin de J É S U S - C H R I S T . D I E U seul

le con naî t. C 'est peut-être un grand savant selon le monde,un habile ho m m e . Aux temp s de l'A ntéchr ist , le nombrede ces gens-là sera plus considérable que jamais, et leprogrès des lumières, le progrès de la science humaine

(l)Qui adhtoret Domino uuus spiritus est. (I ap Cor. vi, 17.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I -

atteindra ses limites extrêmes; mais avec ce progrès,marchera do front le progrès de l'orgueil; la foi disparaîtra de plus en p l u s ; et le m o nde , en perd an t JKSTJS,

perdra la vé ri té et sa force to ute pu is sa nt e.Les Saints, surtout ceux qui ont uni h la lumière divine

la lumière du gén ie hu m ain , on t été, son t et se ro nttoujours les intelligences les plus éclairées. À la lumièredu Fils de D I E U , ils savent mieux ce que savent les autreshommes, et ils savent sans crainte d'erreur ce que les

autres ig no re n t. L'E sprit de vé ri té leur en se ig ne to ut evérité (1), selon la promesse du Sauveur.La puissance in co mp ar ab le de no tre sai nt Th om as , d'où

lui vient-elle, sinon de la lumière pour ainsi dire parfaitequi éclarait son e sp ri t? Il en est de m ê m e pour tous no s•saints Docteurs et, à proportion, pour tous les prêtres et

même pour tous les fidèles qui s'appliquent aux questionsde doctrine. L'a utor ité de l'Égl ise, loin de co nt ra ri e r cet teaction int ér ieur e de l'Espr it-Sain t, e n est le p ri nci pe ex té rieur, la sa uve gar de et la pierr e de tou ch e infa illible .

En to ut ce q ui to uc he les do ctr ine s, la foi élève, a g ra n d i tl'intelligence en même temps qu'elle l'affermit dans la

vérité; et, en tout ce qui touche la vie pratique, ellerectifie merveilleusement le jugement, le fondant sur labase infaillible de l ' en se ig ne men t divin . N ot re -S ei gn eu rest ainsi la g r a n d e u r et la force de l'intell ige nce de sesfidèles, la force et la fe rm et é de le ur ju g e m en t , le fondement iné bra nla ble de leur con sci enc e.

C'est lui, lui seul qui a donné à tant de Saints, à tant degrands Pontifes ce calme intrépide que nous admirons àsi juste titr e. Vi va nt en eux et les remp li ssan t d 'u n elumière supérieure, il les établissait dans une foi inébraii"

(i) Spiritus veritatis docebit vos omnem veritatem. (Ev. Joaa*xvi, 13.)




lable. C'est J É S U S - C H R I S T qui faisait affronter tranquillem e n t à sa in t Pa ul la colère des p ro co nsu ls et celle deNéron lui-môme. C'est J É S U S - C H R I S T qui donnait à saint

At ha na se , à sa in t Hilai re de s'opposer co m m e un murd'airain aux tempêtes de Parianisme. C'est lui qui étaitla force de saint Ambroise, lorsque ce grand Kvêquear rê ta it Théodose à la porte d 'u ne église de Milan, luienjoignait de faire pénitence et le rappelait à son devoir.C'est J É S U S - C H R I S T , vivant en saint Léon le Grand, en

saint Grégoire de Nazianze, en saint Jean Chrysostome,en saint Grégoire VII, en saint Thomas de Ganlorbéry,en sain t Charles Borro mée , qu i c o m m u n i q u a i t à tous ceshér os de la foi cet te inflexibi lité, ce tte g rand eur d'àmequi les empêcha de céder à la crainte et les maintinttoujours dans la justice et la vérité. J É S U S - C H R I S T , par les

pures lumières clc la foi, est la force do tous ses serviteurs .Le chrétien est fort d'esprit, parce qu'il est l 'homme de

la vér i té : et en lui les forces de la grâ ce conf irmen t puissamment les forces naturelles de l'esprit eu les redressant,en les élargissant, en les perfectionnant. S'il y n aujour

d'hui si peu de rectitude dans l'esprit et dans le jugementde la p lu pa rt des h om m es , c'est que la foi est ébran lée etque la vérité du Seigneur est obscurcie par mille erreurs.

Brillez, brillez toujours au som met de m o n esprit,ô J É S U S ^ ma vérité et ma force! Je veux vivre au-dessusdes brou il la rds et des ag it at io ns du monde , afin de de

me ur er in ce ss am m en t exposé au x ra yo ns vivifiants et àl ' immuable lumière dont vous êtes la source; comme cespics élevés, toujours illuminés par un soleil sans nuageet toujours tranquilles en présence de l'azur des cieux.



NOS GRANDEURS EN JÉSUS. I I I . 343

Comment le chrétien puise en JÉSUS la force de volonté.

Éclairée pur la vérité, c'est-à-dire par J É S U S - C H R I S T

même, la conscience chrétienne se détermine et agit àcoup sû r; dès lors, elle procède ave c une g rande fermetéet une tran qui lle a s s u r a n c e : pou r vouloir én er gi qu e-

menl, il est si important de savoir bien nettement cequ'on veul, ce qu'on doit vouloir!Déplus, comme J É S U S est à la fois et la Vérité et la Vie,

-la lumière qu'i l don ne est un e lumière vi va nte, ar de nt e,accompagnée de force; l'Esprit de vérité est un seul etmême Esprit avec l'Esprit de force : c'est l'Esprit de J É S U S ,

c'est l'Esprit de l'Église et des ch ré t iens . Plus n otre à meest in ti mement un ie à son Sa uv eu r, et pl us elle estimmuable dans l' am ou r et la p ra ti que du bien. L'expérience le démontre tous les jours, et il n'est pas besoinde recourir a ux gr a n d s Sain ts po ur touche r du do ig t ce ttevérité. Que d a m e s , n at ur el le men t faibles, pu isen t da ns

la piété, c'est-à-dire dan s l'union à J É S U S , une fermeté querien ne peut fléchir ! Co mb ien d 'e nfa nts n ai-je pas c onnus ,qui résistaient à mille attaques conjurées, pour demeurerfidèles au bon D I E U , pour garder leur innocence, pourconserver la grâce d'une vocation ! 11 n'y a pas un prê tr equi ne soit jo u rn e l l em en t tém oin d'actes héroïq ues en ce

genre. Combien de jeunes gens, de jeunes filles, exposésà toutes les séductions, se maintiennent dans une chastetésans tache, gr âces à la pr at iq ue des sa cr em en ts , à laprière, à l' amour de J É S U S - C H R I S T ! Ils résistent à tout: àde mauvais pa re nt s, à de m a u v a is am is , au m ir ag e desidées fausses et des fausses esp éra nc es , à leur p ro pre



3 4 4 L A PIETÉ ET LA VIE INTERIEURE•s

cœur, à leurs passions, à tout. C'est un héroïsme de tousles jours, caché aux yeux des hommes, mais qui faitl 'admiration et de D I E U et des Anges.

Le devoir, l'austère et rude devoir : voilà le pain quotidien du chrétien véritable; et certes, ce pain est quelquefois bien sec, bien dur. Notre-Seigneur nous donne,par sa pu is sante g râce , la force de le broyer et de nousen nourrir chaque jour. On peut dire que la vie chrétienneest l 'exercice permanent de la force de volonté, contre les

tentations du démon, contre les attraits du monde et de sesplaisirs défendus, contre les séductions de la chair, contrecet att rai t mau di t qui vi en t de la dé gr ad at io n originelleet qui nous détourne comme instinctivement des chosesspirituelles et divines. Pendant que les mondains selaissent lâchement aller au courant qui les entraîne, les

chrétiens luttent énergiquement et incessamment contrece même courant. De quel côté est la force?Un des plus beaux exemples de cette force d'àme, se

re in e et profonde c o m m e le ciel, n o u s a été donné dans,ces dern iers siècles en la per so nne de sa in t Franço is deSales. « Il avoit reçu de D I E U le don de force en un très

-éminent degré, disait de lui sainte Jeanne de Chantai. Ilav oi t les épaules assez fortes pour port er tout le monde.Il a été impliable et fort à supporter patiemment les injures e t co nt radi ct io ns . Ja mais on n ' a ouï dire qu'i l aitcontrevenu au devoir de sa conscience pour chose quelconque, ni par promesse, ni par contraincte ; il estoit tel

lement ferme en ce qui estoit de la raison et de la volontéde D I E U , que rien ne Ta su ébranler.

«c II avoi t u n e âm e forte et pu issante à suppor ter les.charges et travaux, et à poursuivre les entreprises queD I E U Iuy inspiroit. Jamais il n'en démordoit qu'il ne con-nust cl ai re men t que ce fust le bo n plai sir de D I E U , et



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — 1X1. 3Í5

disoit que quand Notre-Seigneur nous commet une affaire,il ne la falloit j a m a i s abandonner , ma is avoir le cour ag ede su rmon te r et va in cre to ut es les difficultés qu i s'y r e n contrent.

« Il avoit cest e ferm eté de cœ ur po ur en tr ep re ndre etpoursuivre, et aussi la souplesse pour acquiescer aux événements qu e Dircu or do nn oi t. Certes, c'est une g randeforce d'àme que de persévérer au bien et en la pratique detoutes les vertus, comme notre Bienheureux l'a faict ; car

jamais on ne l a vu se dé t ra quer , n i perdre un seul br inde sa modest ie et de sa pat ie nce pa r m y toutes ces cont ra dictions qui ont été en nombre infini.

« Ce Bi en he ur eu x disoit qu'il faut mes pr is er po ur D I E U

tout ce qui n'est pas D I E U , et que son cœur estoit pleind'ardeur h la très sainte gloire de D I E U . « Au x choses du

«service de Diwn, diso it-il , ri en ne m e sille les yeux, et« je hais la p ru dence h u m a in e et les ra iso ns d'es tat en« semblables occasions. » Bref, ce Bienheureux vivait enplein repos de cœur au milieu des tempestes et orages (1). »

Gomme tous les Saints, saint François de Sales voulaitimmuablement ce qu' il vo ulait , et l 'ac complis sai t sa ns

regarder ni à droite ni à gauche, pour la raison très simple que sa volonté, unie à la volonté de D I E U , se confondait pour ainsi di re avec elle et part ic ip ai t à sa forcedivine.

C'est là ce qu'opère J É S U S dans ses vrais servi teurs :l'union, qui fait la force. Et quelle union, grand D I E U !

Une pauvre peti te vo lonté, san s cesse défa illante, tou jou rsmobile et fragi le , qu i se t ro uve unie et com me unifiéeavec la Force m ê m e , av ec le Christ ! Oh ! que nous serionsforts si, dan s tou t le détai l de no t re vie, nous écout io ns

19) Déposition de sainte Chantai, art. XXVIII, 3.




(9) Bolland., 22 febr., n- 26.

et no us pr at iq ui on s la g ra nde leçon de no tr e Maître:« Démettrez en. moi ! »

Un jour, il avait commandé à sa chère et fidèle servantesainte Marguerite de Cortonc, de garder un silence absolupendant un certain temps. La bonne Sainte obéit ponctuellement, malgré de très grandes difficultés extérieures,malgré des reproches et des menaces. Pour la récompenser, J É S U S , source de toute force et de toute grâce, lui ditin t é r i eu rem en t : « Vois. Ma rgueri te , m a fille, de quelle

force je t'ai re vê tue! vois quelle fermeté je t'ai don née!car ça été pour ton cœur une vé ri table douc eur que de tetai re ains i de va nt tou t ce monde qui te po ur su ivai t, et dene rien répondre à leurs demandes ( 1 ) . »

La force de J É S U S en ses serviteurs a, en effet, ce caractère d'être consolan te et douce ; da ns son énergie même,

dans les ardeurs de son zèle, elle conserve intérieurementune paix céleste, Donnez-la moi, o mon Sauveur ; et pendant que vous fortifiez mo n espr it cont re les ténè bres etles illu sions, da ig ne z fortifier m a pauvre volonté, droitemais faible, contre toutes les forces mauvaises qui Toutdéjà si souvent, si misérablement fait lléchir !

Comment JÉSUS est la force de notre amour.

Nous avons tous reçu de la munificence de Notre-Sei-gneur la pu is sance cle compre ndre , la pu is sanc e de vouloir et la puissance d'aimer. Sa sainte grâce donne à cettedernière une force surnaturelle, comme elle le fait pourles deux autres.

J É S U S fortifie no tre amour, d'abord en l'a ugmentan t,



NOS GRANDEURS EN JESUS. — IU. 347

puis en le purifiant, puis en le fixant, puis enfin en lerendant capable de tous les sacrifices.11 l 'augmente : c'esl, on effet, une erreur vraiment im

pie que cette idée, répandue parmi les mondains , que lapiété dessèche et rétrécit le cœur . La piété se résume toutentière dans l'amour de J É S U S : comment, dites-moi, l'amour, surtout l'amour de J É S U S , peut-il dessécher le cœurou le rétrécir? Mieux vaudrait dire que le soleil augmenteles ténèbres, au lieu de les diss iper ; que la chaleur res

serre la densité de la glace, au lieu de la fondre. Notredivin Maître veut si bien que notre cœur soit dilaté, qu'ilfait, pour ainsi dire de cette dilatation la condition de sonunion avec nous: « Dilate ton rwur, dit-il, et je le rem

plirai ( 1 ) . »Plus un cœur est tout à J É S U S - C H R I S T et plus il est grand ,

aimant, large, dilaté. Quoi de plus grand, que le cœurdes Saints? d'un saint François de Sales, par exemple,d'un saint Vincent de Paul, d'un saint François Xavier,d'une sainte Thérèse? Ges cœurs-là embrassaient dansleur amou r le monde entier.

J É S U S fortifie ensuite notre amour en le purifiant. De sa

nature, l'amour est absolument pur; car ce n'est autrechose que le r ayonnement du Saint-Esprit dans notreâme, où il répand son ardeur. Mémo l 'amour naturelvient de cette source unique. Et c'est ce qui fait que Tonpeut mal aimer, mais que Ton ne peut jamais trop aimer ;on aime mal dès qu'on mole quelque passion, quelque élé

ment étranger à l ' amour; mais en lui-même l 'amour estpur, est bon, parce qu'il vient de Diuu.

Or, l'ennemi de D I E U et des hommes cherche incessamment à corrompre notre cœur; ef, en al térant la pureté

(1) Dilata os tuum eL implebo illud. (Psal, LXXX, il.)




de no tr e a mour, il le dé tache de D I E U ; il lui enlève sforce et sa vie. Vrai Sauveur, J É S U S - C H R I S T relient notrecœur sur la pente mauvaise ; il en éclaire tous lès mouvemen ts et l 'e mp êche de se vi de r en se ve rs an t impru demment du côté de la chair, par où il penche toujours. Lec œ u r d'un chr éti en ressemb le au x ge ns qui pa ssen t surun pont, garantis de toute chute par le parapet. Notre-Se ig neur nous gar de ainsi des ma uv ai se s am ours , et doces mille sottes petites passions, de ces attachements

frivoles et sensuels, de ces ridicules amourettes qui affaiblissent si prodigieusement le cœur. En purifiant, ensanctifiant no tre amo ur pa r la co mpé né tr at io n de sontrès saint amour, J É S U S en es t donc et la force et lesalut .

En troisième lieu, J É S U S donne à notre cœur une fixité,

un e fermeté su rn at ur el le s. Le cœur de l 'h omme, affaiblipar les concup isc ences, est comm e u n e belle v ig ne qui abesoin d'un tuteur pour se tenir droite : ôtez le tuteur, etla vi gn e to m b e ; au lieu de s 'épa no ui r au soleil, ses rameaux et ses gra ppes gi se nt à te rre, dans la bo ue , sansavenir. Par la fermeté divine que la foi donne à notre

conscience, J É S U S nous fixe dans le vrai amour ; il nousétablit , sinon immuablement, du moins très puissammentdans la vérité et par conséquent dans la force de l'amour.Le cœur d'un chrétien sérieux est à la fois d'une tendresseravi ssan te et d' un e force in éb ra n la bl e. Lisez la vie desSaints, et vous y trouverez unis ensemble ces deux carac

tères, en apparence inconciliables, de l'amour. Quel cœurd'enfan t, de je u ne fille a été pl us tendre e t plu s suaveque celui d'un saint Augustin, d'un saint Bernard, d'unsa in t Fr ançois d'Assise? et tou t en se mble , quel cœur a

jamais été plus énergique?Enfin J É S U S donne à l ' am our de ses fidèles u n e puis-



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — T H . 349

sance su rnatur el le et qu as i infinie de sacrifices. Go mm ele cœur de J É S U S , le cœur de tout vrai chrétien est prêt àtout sacrifier pour l'amour de D I E U et du prochain. Iciencore, les vies des Sa in ts rendent un témo ig na ge absolument divin à la puissance déposée en leur cœur parl'esprit de J É S U S - C H R I S T . L'hé ro ïsme du sacrifiée est lepain quotidien de nos milliers de missionnaires et de saintsprêtres et de saintes Religieuses. Pour peu qu'on pénètredans l'int ime de la vie, j e ne dis pas des g ra nd s Sain ts ,mais des simples serv i te urs de D I E U , on y découvre desdévouements qui re mp li ss en t l 'âme , et d' ad mi ra ti on , etd'attendrissement. Combien de fois des âmes étrangèresà la Religion, mai s droi tes et ho nnêt es , n 'on t-e llcs pasété bouleversées, stupéfaites, quelquefois m ê m e c on ve rties à la vue d'u n tr ai t de ch ar it é qu'e lles r eg ar da ie n t

comme une espèce de pro dig e, et qui n 'é ta it , au fond,que la mo nn ai e co ur an te d' un e Sœ ur de Charit é, d'unbon aumô nier d'h ôpita l ou de pr ison , d'u n curé pieux etzélé, d'une char ita ble d am e , d'u n saint e n fa n t !

J'ai connu h Rome un jeune caporal protestant, maladeà. l'hôpital mil it ai re , qu i a. été co nvert i en voyant le dé

vouement quotidien de l'excellent aumônier à l'égard despauvres soldats. — Deux officiers, légers et indi ffé rents,ont été am en és au con fessionnal pa r un acte de c hari téd'un pauvre vieux prêtre dont ils venaient de se moquer:croyant n'être vu de personne, le saint homme donna àun mendian t déguenill é son vêt emen t de des sous, à dé

faut d'autre aumône. Les deux officiers, témoins secret»de la chose, furent confo ndus et tel lement to uc hé s, qu 'il sallèrent se confesser à lui dès le l endemain .

La tou te-puissance de la ch ar it é de J É S U S dans sesSaints convertit ce qui est inconvertissable. On a vuun mah omé tan, ast rol ogu e-m éde cin , pa re nt d' un roi



350 LA PIETE ET LA VIE INTÉRIEURE

maure d'Andalousie, c'est-à-dire un homme en qui toutcombattait au premier chef contre l'Évangile, qui futvaincu, vaincu subitement par le dévouement héroïquede saint Pierre Nolasque : il voyait un homme qui sevend ai t comme* esclave pou r ra che te r des i n c o n n u s ; et ilcrut à la ehr-u'ité que D I E U a eue pour les hommes, envoyant celle que ce même D I E U inspirait aux hommespour leurs semblables. 11 se je ta dans les b ras du Saint;et, non conte nt de recevoir de lui le Bap tê me, il lui demanda l'habit de son Ordre, avide de pratiquer lui-mêmece qui lavait gagné à l 'Eglise.

II n'est pas étonnant, .du reste, que l'Esprit de J É S U S

do nn e à no tr e a m o u r un e force no uvel le : qu 'est -ce , eneffet, que cet Espri t san cti ficateur, sinon l 'A mo ur et laForce m ê m e ? Gomme nt la force ne fortifierait-elle point

le cœur ou elle vient se répandre? ce La force, dit saintAug ustin , est l 'a mo ur qui suppo rte jo ye us em en t touteschoses à cause de D I E U (l) ; » et Ton pourait ajouter qu'àson tour l'amour est la force qui, pour ce même D I E U ,

de vien t capable de tous les sacrifices : l ' am our n'esi-ilpas fort comme la mort (2)?

0 mon Rédempteur Jésus, que ne puis-je, une fois pourtoutes, vous donner, absolument et sans retour, moucœur avec toute sa puissance d aimer ! Que ma vie seraitpu re , si ce don pouva it être ir ré vo ca b le ! Mais, hé la s! jeme retrouve toujours, pour mon malheur, maître de cepa uv re c œur in firme et déc hu. Du moin s, gard ez-le le

mie ux possible ; tenez-le co m m e m alg ré m o i ; purifiez-lesans cesse des affections imparfaites qui s'y glissent detous côtés, comm e l'eau de la m e r s'infiltre à tr avers les

(1) De Moribns Eccles. xv ; ot Apud s. Bonav., de Septom donisSpiritus Sancti,

(2) Fortis est ut mors dilectio. (Gant, vm, 6.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III . 3 5 1

raille fentes d 'u n pau vr e et frêle na vir e, tou t avar ié parla tempête. Prenez ga rd e à moi, Se ig ne ur ! prenez g ar deà la fragilité de mon cœ ur , à l'infirmité de m on amour .

De la force pervertie et faussée.

A prop reme nt pa rl er , il n' y a pas de force q u i soitmauvaise en el le -m ême, ca r toute forée vien t du D I E U

créateur et ré dempteur, et tou t ce qui v ient de D I E U estbon. Mais la créature abuse trop souvent des dons qu'ellea reçus; elle abus e de la force, et dès lor s cette forceservant au mal est ré puté e mau vai se , p erve rse , a bominable. Elle ne Test pas en elle-même ; elle Test dans sonapplication et dans ses effets.

Il y a, en effet, une force mauvaise et faussée, qui s'oppose à la vraie force. La vraie force vient du ciel et mèneau ciel ; elle vient du Père par le Fils, daus TEsprit-Saint;elle vient de Jwsus et de l'Église ; la fausse vient de l'enfer; elle vient de l'adversaire implacable de J É S U S - C H R I S T

et de ses é lus ; elle 1 vient de Satan, du monde et de lachair; c'est la force des trois concupisc ences, la force« du diable, leur pè re . » Lorsq ue le s ai nt A rc h a n g e Gabriel descendit à Nazareth devant M A R I E , il lui dit que« l'Esprit-Saint surviendrait en elle, et que la Vertu duTrès-Haut l' en velop perai t de son ombre (1). » Voilà lemystère de la vraie force; la créature fidèle reçoit leSaint-Esprit; et J É S U S , la Vertu du Très-Haut, la prend enlui, la reçoit, l 'abri te en sa pe rs on ne ado ra bl e. L'E spritmauvais, l 'adversaire du Saint-Esprit, survient, lui aussi,

(i)Spiritus Sanctus superveniet in te, et Virtus Altissimi obum-brabittibi. (Ev. Luc. i. 35.)



352 LA. PIETE ET LA VIE INTERIEURE

dans la créature infidèle et lui inocule avec le mal, laforce du mal; la force maudite du prince de ce mondel'enveloppe de ses ténèbres et lui communique je ne saisquel le a rd eur , quelle fièvre, quel en tê t em en t pour faire lema l. Voilà le my stère de la mauva ise force .

Il ne faut pas comprendre dans la force mauvaise lesforces simplement naturelles : elles viennent directementde Notre-Seigneur comme les surnaturelles, car J É S U S -

C H R I S T , vrai D I E U , est l' au teur de la n a t u r e n on moins

que de la g râce. Mais les forces na ture l les , telles que legénie, l'intelligence, la droiture et Téuergie de volonté,le bon cœur, l'éloquence, le talent, etc., sont insuffisantes,toutes bonnes qu'elles sont, pour nous faire atteindrenotre fin dernière; D I E U , en effet, a surnaturalisé la nat u r e : il a voulu que la grâce v in t la co mpl ét er , la cou-

ronner , la déifier, pour ainsi di re , et cet te loi est la loimêm e de la vie h u m a i n e e t du salut ét erne l. Quelle quepuisse être leur perfection, les forces naturelles ne suffisent donc pas à l ' h o m m e ; il fau t qu 'il les met te au service d e l à force, de la g râce , c'e st- à-d ire du Saint-Espritqui lui est donné, du Fils de D I E U qui réside et qui vil, en

lui, avec son Père.La force matér iel le v ie n t aussi de Not re -S ei gn eu r, car

nulle créature n'existe que par lui et pour lui; et, parconséquent, nulle créature n'a de force que celle qu'il luidonne. En soi, la force matérielle est bonne et très bonne;et lorsqu'elle est mise au service de la vérité et du bien,

lorsqu'elle est employée raisonnablement et. chrétiennement, pour procurer la gloire de Notre-Seigneur, elle devient un instrument très saint. Et il n'en saurait être autrement , D I E U étan t, au fond, le pr incipe et la source detoute force; J É S U S étant le Médiateur de toute force; etl1 Esprit-Saint en étant le dispensateur. Oui, la force ma-



NOS GRANDEURS EN JESU S. — II I. 353

XÏV

térielle mise au service de D I E U et de son Église est bonne,et dans son application et da ns ses effets. Ce n'est, il estvrai, qu 'un e se rv an te , ma is c'est un e ser va nt e fidèle,excellente, non seulement utile, mais indispensable à sa.maîtresse.

La force mauvai se, c 'est l'abus de la force ma té riel le etde toutes les autres forces créées de D I E U pour le servicedu Christ, de ses m e m b re s et de son empire . Lorsq ueSatan et, avec lui, ses esclaves insensés, les démons etles pécheurs, s él èv en t con tr e J É S U S - C H R I S T , ils se serventdes dons mêmes de J É S U S - C H R I S T . La pu iss an ce natur ellede leur esprit, de qui le ur vient-elle sino n de J É S U S , leurCréateur et leur vra i Maî t re ? De qui leu r v iennent leur sautres forces, leurs qualités, leurs talents? La fausse force,la force perve rse et m aud i te , qu i fait le m a l , qui le fait

triompher, qui combat la foi et l'Église ; la force sous lescoups de laquelle fléchit parfois la fidélité d e telle ou tel lenation catholique, la piété, la pureté, la patience de telou tel chrét ien, cette force, bo nn e en e ll e -m ême, maisfaussée dans son application, ressemble aux armes qu'unbrigand parvient à arracher à l 'honnête homme qu'il at

taque; détournées de leur usage légitime, ces armes deviennent un i n s t r u m e n t de mor t, a u lieu d'ê tre un ins trument de vie.

Oh! qu'il y a don c de forces ain si faussées dans leinonde ! La terre en est pour ainsi dire couverte, et chacun de nous en est à ch aque ins tan t la v ic ti me. A m e

sure qu 'ap pro chera la fin des te mps, le b r ig an d s' ap propriera de plus en p lus les a rmes de J É S U S ; le corps duChrist, c'es t-à-dire" l'Égli se, sera frappée, in su lt ée , éc ra sée, crucifiée comme son chef; la force de mo r t l ' em po rtera pour un m o m e n t ; m a i s bientôt su rv ie nd ra m ir a cu leusement, comme l'annoncent les Saintes Écritures,



'354 L A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

la force de vie,TEsprit-Sainl réparateur de toutes choses;le prince de ce monde sera jeté dehors; toute puissance ennemie sera brisée, et ainsi le second avènement de Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T mettra fin et pourtoujours à l'abus sacrilège de la force matérielle d'abord,puis , par le tr iomphe absolu, définitif, de la force universelle de D I E U , c'est-à-dire de J É S U S - C H R I S T vivant ensa Mère, en son Église, en ses Anges, en ses membres, etrégnant désormais sans conteste sur toute la création.

De la constance et de la force chrétiennes dansles persécutions.

La persécution est pour un chrétien l'occasion suprême

de manifester la force que dépose en lui son Sauveur.Toujours J É S U S a été persécuté dans ses membres parlespuissances de l'enfer, et toujours il sera persécuté en eux,« Saul, Saul, pourquoi me persérufes-tu (1)? » disait-il àson futu r Apôtre en le te rr as sa nt su r le chemin deDamas.

J É S U S est le chef, le Roi des persécutés, lesquels, crucifiés avec lui et à cause de lui, refusent de descendre dela croix. Des yeux de In foi et de l'amour, ils regardentleur Maître; et celui-ci, volontairement crucifié, leurenseigne la constance au milieu d e s supplices, et leurcrie : «Soyez forts en votre D I E U (2) ! »

Les Actes des martyrs sont le récit non interrompu dela force ab so lu men t su rh u m ain e et di vi ne du Christ enses mem bre s pe rs éc ut és . Déjà dans l' Anci en ne Alhahceil-vivait d'avance en eux par la foi, ainsi que nousl'ensei-

(1) Saule, Saule, quid me persequeris?(Act. ix, 4.)

(2) S. Aug. Enarr. i, in Psal. uxx, serm. r.




gnent et l 'Éc ri tu re et les Pères. Après avo ir cité Ab el ,iïenoch, Noé, A braham , Moïse, sa int Paul ajoute: « Êt que dirai-je encore ? Le temps me manquerait si je devais

parler des autres. Tous, parla foi, il ont triomphé des rois,accompli la justice, obtenu l'effet des promesses, lassé ta

fureur des lions ; ils ont arrêté la violence du feu, échappé au tranchant du glaive ; de faibles, ils sont devenus fortsdans le combat. Ils ont souffert les outrages et les fouets, tesrMînes, la prison. Ils. ont été lapidés, ils ont été sciés en

•deux, ils ont été éprouvés de toutes manières, ils sont morts•sous le tranchant du glaive. Ils erraient, manquant de tout,dans l'angoisse, dans la désolation ; ils fuyaient dans lesdéserts et à travers les montagnes, dans les antres et dansUs cavernes. Le monde n'était point digne d'eux (i). »

Lo premier martyr de la loi nouvelle, saint Etienne

nous est pr ésen té pa r l 'Éc ritu re 'îomme a plein de grâceet de force (2). » Il garde sa sérénité toute céleste, il gardeson angélique ferveu r de va nt ses ju g e s qu' il confond, etdevant ses bourreaux pour lesquels il prie. Sous les pierresqui pleuvent sur lui, il s'écrie : « Seigneur, ne leur imjmtez

point ce péché\ Seigneur J É S U S , recevez mon esprit (3) ! J ' a i

vécu pour vous, je meurs pour vous. Vous m'avez assisté,voilà pourquoi celui que vous allez recevoir a triomphé.

(1) Et quid arihuc dicam? Deficict enim me tempus enarrantemde Gedeori,... qui per iidem vicerunt regna, operati suntjustitiam,adepti sunt reprcmissiones, obturaverunt ora leonum, extinxeruntimpetum ipnis, elf'ugerunt aciem gladii, convaluerunt de infir

miate, fortes facti sunt in bello. Ali * vero iudibria et verberaesperti, insuper et vincula et caroeres ; lapidati sunt, seoti sunt,tentati sunt, in occisione gladii mortui sunt, ciroui crunt.. .egentes,angustiati,âftlicti : quibus dignus non erat mundus. In so-

•litudinibus errantes, in montib'us, et spelunci s, et in cavernislerrœ. (Ari ïïcbr. xi, 32-38.)

(2) Pienus gratia et fortitudine. (Act. vi, 8.)(3) Domine, ne statuas illis hoc peecatum- Domine JESU, suscipe

spiritual meum. (Ibid )




C'est vous qui m'avez donné la vi ct oi re , recevez-moi,couronnez-moi (1). »

Pendant que le saint martyr Pantaléon souffrait d'horri

bles tourments, crucifié, déchiré avec des ongles de fer,br ûl é par les torch es ar de nt es , No tr e- Se ig ne ur daignaTani mer su rn at ur el le me nt au co mb at , et se manifester àlui, disant : Je suis moi-même avec toi, en tout ce que tuendures pour moi (2). »

Un aut re m a r t y r de l 'Eglise Ho ma in e, sai nt Tiburce,

co mp ag no n d' ar me s de saint Séb asti en, s 'écriait intrépide devant les menaces du proconsul et devant les appareils de to rtur e : « Dresse les che va le ts , su sp en ds -y leschrétiens, condamne, frappe, brûle, n 'épargne aucunsupp lice. Tu no us c o n n a i s ; si tu n o u s men ac es de l'exil,les amis de la vra ie Sagesse o nt le monde en ti er pour

pa tr ie . Les su pp li ce s? ils nous a r r a c h e n t à la priso n dumon de ; le feu? ta main n' en a l lu m era po in t d'aussi terrible que celui dont nous triomphons dans la lutte contrenos passions. »

« Que les satellites du démon, ajoutait un autre compag n o n de ces glo rieu x mart y rs , se dr es se nt co nt re nous

ta nt qu' ils le vo ud ro nt ; qu' ils s ' ab an do n ne nt à le u r rage ;qu 'ils dé ch ir en t no s co rps par tous les supp lic es ; ils peuventbien tuer no tr e co rp s, mai s not re â m e qui co mbat pourla vérité de la foi, ils ne sauraient la vaincre. »

L'hu mb le et douce m a rt y r e sai nt Ag nè s, à pei ne âgéede treize a n s , fit éc la te r dan s to ute sa p lén i tude la force

de Celui qui vivait en elle. Menacée par le préfet de Romed'être exposée aux lieux infâmes si elle ne sacrifiait auxidoles de l'empire, la sainte enfant répondit avec unefer*

(1) S. Aug., apud Corn, a Lap., loo. cit.(2) Surius, in ejus Vua.




(i)Bolland., ¡¿1 januar

meté in éb ra nl ab le : « Si tu sava is quel est m o n D I E U ,

jamais tu n'oserais parler ainsi. Moi, qui connais la puissance de J É S U S - C H R I S T , mon Seigneur, je ne craius r ien,

je méprise tes men ace s. J 'ai av ec moi l 'En voy é du Seigneur qui garde mon corps. Car le Fils unique de D I E U

que tu ne con na is pas, m'est u n re mp ar t im p é n é t ra b l e ;c'est lui qui me gard e , et il vei lle to u jo u rs ; il est m o ndéfenseur, j a m a i s il ne me fera déf au t (1). »

Et, de no s jo u rs , la m êm e force hé ro ïq ue c o n t i n u e à

triompher des pe rs éc ut eu rs . Les Actes de no s m a r t y r sduTonkin, de la Chine, du Japon, sont là pour en fairefoi. Le véné rab le Ghap delai ne d e m e u re sa ns di re unmot, sans proférer une plainte, cent vingt heures durant,suspendu par le cou dans une cage de bois, en plein soleiltout le long du jour ; l 'extrémité de ses pieds touchait à

peine le plancher de sa cage et, dès qu'il voulait s'appuyerun peu, il étai t réd ui t à une h or ri b le s tr an gu la ti on ; p a rla vertu de Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T , il en du ra pe ndant cinq jo u r s consécut ifs cette affreuse to rt u r e .En facede lui, dans u n e cag e semblab le, un e j e u n e Chino ise c h r é tienne, elle a us si ap pel ée Agn ès , souffrit le mê m e m a r t y r e

avec la m êm e co ns ta nc e. Les soldats ch in oi s, stu pé fai tsde ce courage s u rh u m a i n , l eu r m a n g è r e n t le cœ ur à tou sdeux dès qu'ils furent morts, afin, disaient-ils, de devenirforts co mm e eux . Hélas ! pauvres gens , ce n' es t pas enmangeant le c œ u r d' un h o m m e que Ton de vi en t fort,c'est en se r em pl i s san t le cœ ur d e l'E sp ri t de J É S U S , c'est

en vivant de sa grâce et de sa vi e, c'est en d e m e u r a n t enlui, en n 'a sp ir an t qu 'à l ui . — Et ce qu e no u s d iso ns d uténérable Gh apde lai ne , no us p ou rr ion s le dire en to ut e




jus tic e de tous nos au tr e s m ar ty rs co nt em po ra in s et depresque tous nos missionnaires.

Lorsque les fidèles souffrent la persécution. J É S U S sedonne à eux avec toute la puissance de la croix, et il lesdé livr e, comm e dit sai n t Pa ul , de la gu eule du lion (1).Ce lion, qu 'e st -ce! Tout pe rséc ut eu r, quel qu' il soit . 11 yen a eu, il y en a, il y en au ra toujo urs .

Oh ! que les vr ai s ch ré t iens so nt g r a n d s dans la persécu t ion ! Revètusde force, les Saints lassent les bourreaux;

ils resplendissent de 1 éc la t des vert us ; ils m ép ri se nt laterre; ils aspirent au ciel. On peut les tuer : on ne peut lesfaire fléchir (2). »

Mais ne l'oublions pas : ui au tre fo is ni main tenan t , ilsn 'o n t rien pu , ils ne peu vent rie n sa ns la g râce toute-puissante de Notre-Seigneur. « Ma fille, Marguerite, disait un

jour ce divin Maître à la sôraphique pénitente de Cor-t o n e ; m a fille, ja mais aucu n de m es Sa in ts n'a ur ai t pusu ppo rter ses souffrances s'il n 'a vai t été mu ni de magrâce. Pourquoi ne crois-tu pas que moi qui les ai fortifiésdans les supplices, j 'ai le pouvoir de rendre ton corps capable dé supporter tous les genres de tourments, et dje le

ga rde r in tact au mil ie u des souffrances (3) ? »Qui ne co nn aî t la ré ponse de sa in te Félicit é au gardien

de la p rison de Gar th ag e ? Gomme les douleur s de l'enfantement arrachaient à cette sainte femme quelques gémisse men ts inv olo nta ires , le païen la n a rg u a i t et lui disait:« Si tu te plains déjà, que sera-ce quand tu seras expo

sée a u x bê tes ?» Sa in te Félicité lui r é p o n d i t : « Ce que jesouffre à présent, c'est moi seule qui le souffre; mais alors

(J)ELliberatus sum de ore leonis. (Il ad Tim. IV, 17.)(2) S. Greg. apud S. Bonav. De Dono CortiLud. i .(3)Bolland.,22febr. ,n76,



NOS GRANDEURS EN J É S U S . — I Ï I . 359

Comment JÉSUS est également notre force dans les épreuves.

Il y a d'au tres pe rsé cu tion s que les pe rs éc ut io ns sa n glantes, et d'autres martyres que le martyre du glaive etdu feu : ce so nt les épre uves de la vie. Quoi est l ' h o m m equi échappe à la loi de la souffrance ? Les épre uves son tdes croix que J É S U S nous présente, soit directement par

lui-même, soit in di re ct em en t pa r la m a i n des h o m m e s .Il y en a de mi lle e spèces ; que lles qu 'e lles so ient , c'esten Not re-Seigneur qu e no us pu is ons la force de lesporter saintement. Avec lui, tout est possible; avec lui,tout fardeau est su av e et léger : sa ns lu i, on succombeet Ton désespère.

Notre-Se igneur est le pilote, le ga rd ie n de no tre pe ti tebarque à tr av er s les o ra ge s de la vie . « Pour n a v i g u e ren sûreté, tout va is seau a besoin d 'u n pi lo te , et d 'u n ven tfavorable, dit saint Macaire; or tout cela, Notre-Seigneur l'est à l 'àme fidèle dans laque ll e il réside : il lu idonne de suppor te r le choc des tempêtes , les flots

orgueilleux de la méch ance té hu m a i n e , et la vio lencedes vents du péché . E t cette gr âc e de rés is ta nc e qu' il lu idonne est p lein e de force, pl eine de fe rv eur . En effet,sans le pilote cél es te , sans le Christ,, pe rsonne ne p e u t

(1) Bolland., 7 mart.

il y en aura un autre en moi, qui souffrira pour moi, parceque je souffrirai pour lui (1). »

Telle est la force de J É S U S dans ses serviteurs. Quandils sont persécutés, c'est J É S U S qui est persécuté en eux,et c'est lui qui es t leur fore*1, et leur victoire.




traverser impunément la mer perfide des puissances desté nè bre s, , et rés ister au souffle empes té des tentations (1). »

J É S U S est donc noire force dans toutes les épreuves quiv ie nnen t no us assailli r ici-bas : ma la di es , infirmités,pe rtes de fortune , p riva tion s de la pauvre té , troublesd'esprit ou de conscience, peines de cœur, deuils, découra ge me nt , tr istesses, calo mni es, m au va is traitements,méchancetés de tout genre. « Venez à moi, nous crie

notre miséricordieux Sauveur ; venez à moi vous tous quisouffrez et êtes accablés, et moi je vous relèverai. Je vousrelèverai avec moi, comme moi, en moi; et votre faiblesse sera soutenue par ma force. »

J'ai connu un saint prêtre qui a trouvé, dans cetteunion intime avec son Sauveur, la force de porter paisi

blement , avec un e én er gi e et un ca lm e vr ai men t surhumains, la plus cruelle épreuve à laquelle puisse être soumis un prê tre : il vo ya it sa foi su spec tée, son honneursacerdotal foulé aux pieds, sa réputation compromise,tout son avenir perdu, et, agenouillé devant son crucifix,attaché plus fortement que jamais à son Maître, il se tai

sait. Cette épreuve d u ra de lo ng ue s ann ées , et le couragedu saint homme ne se démentit pas un seul jour. « Il estbon de souffrir «t d'être humilié, » disait-il un jourtranquillement à un ami.

Je connais encore une bonne et douce petite servantede D I E U , que Notre-Seigneur soutient merveilleusement

contre la méchanceté vraiment surnaturelle d 'une horr i-

(i) Cum navis etgubernatore indigeaL, et t,emperalu et amœnovento, ad féliciter navigandum ; hœc omnia est. ipse Dominus inanima fideli degens, etc. Absque cœlesti enim gubernatoreChristo, non potest quispiam trajicere perversum mare, etc..(Hom. XLIV).



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III. 361

ble mère avec qui elle est obligée d 'h abi ter. Cette m é chanceté, ch aq ue j o u r ren ouv elé e sous mill e fo rmesodieuses, tr ou ve la j e u n e chré t ie nne im m uab le da ns If»paix de son cœ ur et dan s des jo ies i n té ri eure s qu e nepeuvent al térer ses l a rm es . Elle est tou te en Jésus ; ellene vit que po ur lui ; elle, ne veut qu e lu i ; elle n ' a ime qu elui; et il fait d'el le, pauvre et fragile pet ite créa ture , unroc de gran it qu e lestlots su bm er g en t, ma is n' éb ra n le ntpas.

Tous les Sa in ts on t pl us ou moin s conn u la ri gueur deces épreuves. To us , ils ont j u s q u ' à la fin pe rsévéré enJ é s u s , et c'est celte persévérance qui a fait d'eux desSaints. Au mi lieu d 'u ne de ses tr ib ul at io ns les plus amè-res, sainte Elisabeth de Hongrie en te nd it un jo ur Not re-Seigneur qu i lu i di sa it : « Bon c o u ra g e ! m a fille ; j e su is

avec toi ». Et la Sa in te lui répondit joyeusement : « Oh !oui, Seigneur ! vous êtes avec moi, et moi ave c v o u s ( i ) . »

Que le sacrement de confirmation est spécialementle sacrement de la force.

Notre-Seigneur a ins titué un s ac re m ent tout spéc iale ment destiné à donner au chrétien la force et la victoire :c'est le sa cr em en t de Confirmatio n. Nou s y so mm es re vê tus, selon la parole m ê m e du Sauveur, de la Vertu d'enhaut, virilité ex alto (2). » Cette Vertu, qui nous vient du

ciel où règne J É S U S , n' es t au tr e que l 'Esprit -Saint , forcede l'Église et de c h a c u n de ses m e m b re s . Pa r ses Évê-ques, J É S U S rép and in ce ss am me nt la force d 'en h au t su r

(1) Corn, a Lap. in Acta Apost. vu.(2)Sedetein civitate, quoad usque induamini virtute ex alto.

(Luc. xxiv, 49).




les bapt isé s, et il le fait sac ramente l lemen t par la Confirmation.

Dès l'o rig ine , ce sa cre ment mag ni fi qu e fut conféré à

tous les no uve au -n és de l'Église, ains i que le témoignele plus subl im e des anc iens Pères, s ai n t Denys TAréopa-gite . « Les prê tr es, di t-i l, re vê te nt le ba pti sé du vêtementblanc, qui convient à son innocence; puis ils le conduisent au Pontife, qui le marque de l'huile sainte et toutedivine, et l'admet ensuite à la très sainte Communion (1).»

Le Baptême, la Conf irma tion , la C om m union : voilà latr ip le source de la force des fidèles. « Dans le Baptême,dit le Pape sa in t Me lch iad e, l ' hom m e est en rô lé dan s lamilice du Christ; dans la Confirmation, il reçoit lesa rm es puu r le combat. Dans l'eau du Bap tê me, l'Esprit-Saint lui est donné en plénitude, pour vivre dans l'inno

cence : dans la Confi rmation, le m ê m e Saint-Espri t luiconfère la perfec tion clc la vie de la g râce . Par le Baptême , nous so mmes ré gé né ré s, re n dus à la vie : après leBap tême, nous somm es confi rmés po ur la lu tte. Dans leBaptême', nous sommes purifiés : après le Baptême, noussommes fortifiés. La régénération sauve par sa vertu

pro pr e ceux qu i re ço iv en t le Ba pt êm e et qu i n' on t pointà co mbat tr e : la Confi rmation les a r m e et les prépare aacombat (2). » Et « de m ê m e que la g râce du Baptême

(1) BaptizaLum sacerdcLes induunt veste congrua mundi Mo», ut,"ad Pontificem ducant; ille vero sacro atque prorsus divino unguento bupUzatum signans, saoratissimac communionis partici

pera facit. (De ceci, hierar. îv).(2) In bapLismate homo ad tnilitiam recipitur, et in confirmati one coarnjatur ad pugnam. In fonte baptismatis Spiritus Sanctus plenitudinem Lribuit ad innocentiam, confirmalione auteraperfectionemad gratiam ininislrat : in baptismo regeneramur advitam, post baptismum ad pugnam confirmamur : in baptismoabluimur, post baptismum roboramur : regeneratio per se salvaiin pace baptismum recipientes, conflrmatio armât atque instruitad agones. (Ad Episcop. Hisp.).



NOS GRANDEURS EN J E S U S . — U I . 363

nous est nécessaire p o u r deven ir c h r é t i e n s ; de même ilimporte so uver a in ement que les âmes des fidèles soientaffermies par une grâce nouvelle, qui les empêche de se

laisser ébranler dans la confession publique de la vraiefoi, en face des supplices, et m ê m e de la mort . » Ainsiparle le Catéchisme romain (1).

Le chrét ien conf irmé est au chrét ien s implement bap- "tisé ce que l 'homme fait est à l 'enfant. L'homme fait vitde la même et un ique vie dont il vivait en son enfance ;

niais il a de plus la force, la virilité qu'il n'avait pasalors. Et de m ê m e que le p h é n o m è n e de la vie est absolument distinct du phénomène de la croissance et de lavirilité qui en est la couronne, ainsi la grâce du Baptêmeet la grâce de la Confirmation sont absolument distinctes,quoique in t im e m en t un ies . C'est la vie, etla force de la vie.

« Par le sac r ement de Baptesme, dit notre bon saintFrançois de Sales, nou s nou s un is so ns à D I E U comme lefils avec le père ; par celuy de la Confirmation, nous nousunissons comme le soldat avec son capita ine, prenantforce pour combattre et vaincre nos ennemis en toutestentations (2). » Notre capitaine, mili tant et t r iomphant ,

est J É S U S , va inqueur du démon, du inonde et du péché.Dans la Confirmation, il nous unit à lui, et par conséquent à sa force et à son t r iomphe , par le l ien vivant duSaint-Esprit; du même Esprit tout-puissant dont sonPère a oint et consacré son h u m a n i t é et qui procède delui comme du Père . La Confirmation nous communique

la victoire de J É S U S , en nous unissant in tér ieurement àJÉSUS lui-même, tr iomphateur céleste, Roi de grâce et degloire.

(1) De Sacramcnto Confirmationis, 5.(2) Entietiens spirituels, XVIII.



364 L A P I É T É E T hA V I E I N T E R I E U R E

Q u a n t a la div ine Eu ch ar is ti e, elle est le Pa in vivantque le bon D I E U nou s donne po ur a l im en te r et dévelo pper la doub le grâce do la vie du Baptême et de laforce de la Confi rmat ion, tëllc n 'a jo ute rien à la perfection intrinsèque de la grâce du sacrement de Confirmation ;ma is elle nous em pê che de déch oi r de cet te perfection;elle l' al imen te et l' en tr et ie nt chaque j o u r ; elle la fortifie»elle lui donn e in ce s sa m m en t de pr od ui re tous ses fruits;elle fait en no us sp i r i tue l lemen t ce que fait corporelle*m en t une bon ne et sub sta nt ie lle n o u r r i t u r e ; elle entretient la vi gu eu r de no tre san té s pi ri tu el le , et alimenteincessamment la force et la gloire de notre virilité chréti enne . C'est pour cela que la Gommmunion est appelée« le Pa in des forts . » Les forts, c' es t-à-di re les chrétiensconfirmés, sont na tu re l le men t appelés à la communion,

comme les hommes bien portants sont 7iaturellementappelés à se bien nourrir .

Du pain des Forts.

Le Pain des forts, c'est J É S U S dans l 'Eucharistie. Dem ê m e qu 'i l est à la fois la Vie et le Pain de v ie , il est à lafois la force et le pain de ceux qui veulent être forts : fortsdans le bien, forts dans la foi et dans l' am our, tortsdan s la chas te té; forts co nt re le démon , co nt re le mondeet contre eux-mêmes. « Si mus ne mangez ma chair, voua

n'aurez point la vie en vous (ï) », nous dit-il ; il pourraita jouter : « Si vo us ne mang ez m a c hair , vo us n 'aur ez pointla force en vous. »

Nous avons montr é ai ll eu rs la né ces sit é absolue delà

(l)Nisi manducaverilis carnem Filii hominis... non habebilisvi-tam in vobis. (Ev. Joan. vi, 54.)



NOS GRANDEURS EN JESU S. — I I I . 865

(i)Parochi partes erunt lìdeles crebro ad h or tari ut, quemadmo-dum corpori in singulos dies alimentum subministrare necessa-rium putant, ita etiam quotidie hoc sacramentum alendse et nu-triendac animse curam non abjiciant; neque enim minus spiritualicibo ani mam, quam naturali corpus, indigere perspicuum est.(Catech. Rom., de Euohar.)

communion et son rô le d ans l' en se mbl e de la vie c h r é tienne pour a l imen ter , fortifier et pe rf ec ti on ner l'unionintérieure de J É S U S et du fidèle. Nous avons vu que lePain de vie est auss i ind is pe ns ab le au chré t ie n que lavie elle-même, et que, sans la communion sacramentelle,l'union spirituelle de la grâce ne saurait se soutenir.Aussi, le tr ès sai nt Conci le de T ren te , dans son Catéchisme officiel, o rdonne-t- il aux pas teurs des âmes« d'exhorter fréquemment les fidèles à ne pas négliger de

nourrir tous les j o u r s et de fortifier le ur àm e pa r cesacrement, d'après le même principe qui leur fait regarder comme néc ess air e d'a lim en ter leu r corps ch aq ue

jour: il est év ident , en effet, que l'Ame aussi bien que lecorps, a besoin de nourriture (l). ». L'Eucharistie est la nou rr i tu re de no tr e àm e bant isée ;

elle lui apporte la v ig ueu r et la pu i ssance ; elle l' em pê che de défaillir dans le travai l de la sanc ti fica tion ; ellerefait in ce ss am me nt ses forces qu 'é pu is e in ce ssa mm en tla marche du grand voyage.

Il est raconté, au livre des Rois, que le Prophète Élie,fuyant la persécution, s'endormit un jour, accablé de

tristesse, dans un endroit désert. 11 fut éveillé par unAnge, qui lui pr és en ta u n pain my st ér ie ux , cu it sous lacendre, et lui dit : « Elle, lève-toi et mange ; le chemin quetu dois parcourir est encore long', et le Prophète mangea,et la force de cette nourriture le soutint durant quarante




jours et quarante nuits, jusqu'à ce qu'il eût atteint la montagne de D I E U , Horeb ( 1 ) . »

Le désert, c'est le monde présent ; Élio, c'est le fidèle;

l 'Ange, c'est l 'Eglise, c'est le prêlre: la montagne deD Ï E U , c'est le ciel ; et le pain mystérieux, c'est le corpsdu Seigneur, crucifié, ressuscité, glorifié. Le chemin estdifficile, car « la voie, qui conduit à la vie est étroite (2). »[1 est long, bien lo ng que lquefo is et bien doulou reux .L'Ange de D I E U présente le Pain céleste au voyageur

déc ou ra gé : et, fortifié pa r l 'Eucha ri st ie , celu i-ci sora ni me, avance , su pp or te le poids du j o u r et la fatiguede la route , et a r r iv e sa in et sauf aux portes de l'étern ité.

La piété, j ' en ten ds la vrai e et solide p ié té , qui faitrégner tout de bon J É S U S sur tout notre être, est un grand

• travai l, un labeur fa ti ga nt et dur . Or, di t sa in t Bernard,

•« ceux-là ont besoin d'une nourriture forte et solide, quiont entrepris de grands travaux. Pour nous, il faut quenous prenions une nourriture très forte et très solide, afinqu'elle nous soutienne et nous fortifie dans le chemin quenou s avons à pa rc ou ri r, pa rc e qu' il est t r è s long , trèsrude , très difficile. Cette nourriture que nous prenons, est

«si te Pain des Anges, le Pain vivant, le Pain qui nous estdonné tous les jo urs , le Pain céleste qu i est ce centuplepromis dans l 'Évangile (3). »

Les chrétiens, étant les hommes de J É S U S - C H R I S T et lesiïls de D I E U sur la terre, sont, à proprement parler, lesseuls hom mes qui soi ent g rands et fo rt s ; quelle grande ur, en effet, que lle puis san ce d ig ne de n ou s ya-t -il dans

(.1) Surge el comede ; grandis eaim tibi restai, vi a. Qui- come-diL, el ambulavil in fortitudine cibi illius quadrugïnta diebus

.et. quadraginta eroclibas, usque ad montera DEI Horeb. ( I I Reg.xcx, 8).

(2)! Arcta est via quœ ducit.ad vitam. (Ev. Matth. vu, 1 4 . )(3) Serni. L, in Oominica i post Octav. Epiphan.



NOS GRANDEURS EN JE SU S. II I. 367

ce qui ne regarde point l'éternité? Le pain qui nous soutient dans le grand travail de no tre éte rnité, est le painde l'éternité môme , descendu du ciel sur la ter re parl'Incarnation et y de meur an t, dans l 'Église, pa r l 'Euchar is t ie ; c'est la nourriture des forts, c'esWi-dire des chrét iens. Courage ! allons au « remède quo tid ien de notreinfirmité quotidi enne (1) ; » recourons » à ce Corps quis 'es t trouvé plus fort que la mort et qu i a été le principede notre vie. Et de mémo qu'un peu de levain suffît pour

faire lever toute la pâte en se l 'assimilant; ainsi, le corpsimmortel que D I E U a livré à la mort, lorsqu'il est dansnot re corps, nous métamorphose et transforme tout eului (2). »

Dans l'Eucharistie, le Corps du Soigneur a dépouillétoute iulirmité ; il est absolument céleste et rempli de la

force en même temps que de la gloi re divines. Tout cequi est ter res tre , est imparfai t, donc i nf ir me: tout ce qu iest céleste est fort, parce que, dans le ciel , tou t ost par fait. Dans la communion , la perfection céleste v ients 'unir, pour la tempérer et pour l'élever, à l'imperfectionterrestre; la force de Jrisus glorifié, a In faiblessedu chré

tien milit ant. «L 'ivres se , dit sain t Cypritm, mé ta mo rphose l'homme cl le fait sortir de lui-même; ainsi, l 'Eucharistie fait sortir le fidèle de lui-même 1-; et de terrestrequ'il est, le rend céleste (3). » Or, plus on est céleste, pluson est fort.

La communion est nécessaire à tous et en tout temps ;

mais elle l'est plus encore dans les épreuve s et dan s lespersécutions dont nous parlions tout A l'heure. Si la fai-

(1) Isle pani*quo(.idiauus sumitur in remedium quotidianœ in -flrmîtatis. (S. Amb M lib. IV, de Sacrarn., el, Catech. Rom.)

(2) Greg. Kyss. Oratio calech., xxxvn.(3) Apud Corn, a Lap., in Zaehar. PropheU ix.



368 LA l»XETÉ ET LA VIE INTERIEURE

blesse h um aine a toujou rs besoin d'être so ut en ue pa r laforce div ine , com bie n plus lorsqu'el le est vio lem mentébranlée? Dans les afflictions, dans les tristesses, dans lessouffrances du cœur ou du corps, dans toutes les tribulations, d an s tous les dan gers de la vie , al lons à no tr e Sauveur avec un zèle nouveau. « Nous devons donner la comm u n i o n et au x forts et au x faibles, écr ivait ja di s saintGyprien aux ap pr oc he s d' un e per séc uti on ; donn ons-lale ur à tous, afin de ne pas laisser d ésa rm és ceux quenous animons et que nous encourageons au combat, maisde les fortifier par le Corps et le Sa ng de J É S U S - C H R I S T ,

Que pouv ons-no us di re , afin de les a n i m e r à rép andreleur sa ng pour la confession du nom de J É S U S - C H R I S T , si,lorsqu 'ils sont près de co mba tt re , no us le ur dénions leSang de J É S U S - C H R I S T m ê m e ? ou c o m m e n t les rend rons -

no us capables de boi re le Galice du m a r t y r e , si nous refusons de les ad me tt re à la c o m m u n i o n de l 'Église p our yboire le calice du Seigneur? Un chrétien n est point assezfort pour endurer le martyre lorsque l 'Église ne l 'a pasa rm é po ur le co m ba t; et le co ura ge lui m a n q u e lorsqu'iln 'a pas été an im é et embra sé pa r la ver tu de l'Eucha-:

ristie (1). »Or, no us aussi no us vivo ns d an s des te mp s trè s dan ge

reux po ur la foi ; et, qu o iq ue la pe rséc ut io n n' ai t pasencore repr is , co mm e autrefois , son ca ra ct èr e de brut alité sanglante, elle n'en est pas moins très réelle en plusd'u n pays, et part out elle est m e na ça n te . Ar mo ns -no us ,

co m m e nos pères, des a rm es in vi nc ib le s de la pr iè re , dela co m mu ni on et de la pat ien ce si nou s vo ul on s, co mm eeux, remporter les palmes du salut. Les tr iomphes del 'Église sont renfermés dans l 'Eucharistie.

(I) Epistola synodica ad Cornel. Pap.

F



NOS GRANDEURS EN JESU S. — III. 3 6 9

x i v 2 4

Plus de préjugés jansénistes ! p lus de fausses cr ai nt es !La force n'es t q u i da ns la véri té et dans la ferveur del'amour. En nous él oi gn an t de la Tab le sa in te , le démo nuous prive du pa in d'Elie , sa ns leq ue l on n e peu t m ar cher. «. Sachez , .dit l'excel len t Père de Grena de , que pa rle divin Sac re m ent vou s êtes fortifiés co nt re le p é c h é ;que vos passions sont affaiblies, q ue vos tentat ions d i m i nuent, que votre dévo tion se révei lle ; qu e vo tre foi r eç oitde nouvelles lu mi èr es et votre ch ar it é de nouvell es

ard eur s; que votre esp éra nce a u g m e n t e ; q ue votre faiblesse est soutenue, que vos forces so nt r ép arées et quevotre conscience se remplit de joie.

.< C'est ce Pain sacré qui donne du courage aux faibles ;qui sustente les voyageurs, qui relève ceux qui sont tombés, qui anime les lâches, qui donne des armes aux vail

lants, qui ré joui t les tri stes, qui échauffe les tièdes, q u iréveille les par es se ux , qui gu ér it les infi rmes et qu i e s t ala fois le remède le plus accessible et le plus efficace danstous vos besoins.

« Ce trésor a été découvert pour les pauvres, ce remèdea été prescri t pour les mal ad es , ce seco ur s a été p ré paré

pour les néces sit eux, ce gr an d festin pour ceux qui so n taffamés. Ce sacrement est le Pa in des Anges , ma is il estaussi le Pain des p én i t e n t s ; il est le Pa in des forts , m a i sil est aussi le re mède des in fi rm es ; il est la n o u r r i t u r esolide des hommes, mais il est aussi le lait des enfants.Ainsi il est tout à' tous, et pe rs onne , po ur im pa rf ai t qu' il

soit, ne doit s' abst en ir de ce divin remède s'il ve ut g ué r i r ,de ce Pain céleste s'il veut être fort (1). »

On lit dans la belle Vie de sainte Marguerite de Cortone,écrite par son confesseur, qu 'u n jo u r, la sai nte pén it en te ,

(1) Mémorial, liv. III, chup. iv, 3.




après avo ir reçu le Corps de No tre-Se ig neur , entenditCelui qui est la souveraine Douceur lui dire avec amour:« Ma tille, je suis ton Créateu r, ta lumière , ta fo rce; jesuis l'amour et la gloire de ton ûme. Je suis le Pain quidescend du ciel, et je repose en toi avec délices-.. N'hésitedonc pas à me recevoir chaque jour, du moment que tum'auras préparé humblement et pieusement un lieu de reposdans ton drue (1). »

Ainsi no tr e bi en -a im é Jés us est, dans l'un ion de la

grâce et da ns la com munion de l'Eu ch ar is ti e, la forcedes chrétiens, leur joie et leur salut.

(i) Rolland, 22 feb. № 205, 181.



It

EN J E S U S , NOUS DEVENONS LIBRES

Que Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST est le principeet l'auteur de la liberté (\ ).

La liberté est le pouvoir do faire ce qu 'on doi t fa ir e, lepouvoir d'accomplir sa destinée.

La liberté vie nt de I3iwu. Soit qu 'o n la co nsi dè re dans

sa racine, qui est le libre a rb i t re ; soil quV.n la co nsidè redans son exerc ice in ti me cl in té ri eu r, c'est-à-di re d ansles actes de notr e volonté; soit enfin qu 'o n la co ns id èredans son expans ion lé git im e au dehors , la liberté est u ndon de DIKIT . Mais, comme tout ce qui vient de D I E U , ellenest donnée à la créature que par le Fils de D I E U , et dansl'Esprit-Sainl.

J Ë S U S - G H R Ï S T est, en effet, le Verbe « pa r lequel touteschoses ont été faites; » il est le Principe et l'Auteur de lanature, non moins que le Principe et l 'Auteur de la grâce;et TKsprit-Saint est à la fois rtëspr it c réa teur et l'Esp ri t

sanctificateur. VraiD I K U

et vrai homme,J É S U S

est notreCréateur et tout à la fois notre Médiateur. Il reçoit le pre-

(1) Nous n'envisageons pas ici la question de la liberté au pointde vue social et politique, qui préoccupe aujourd'hui si vivementet qui divise si profon lément l'Église et la Revolution. Si quelquelecteur désirait étudier la' Liberté à ce point de vue spécial,.j'oseraisle renvoyer à un opuscule intitulé: la Liberté, où j'ai résumé le

plus clairement qu'il m'a été possible cette question si débattue,si difficile et à la fois si importante el si pratique.



372 L A P I É T K E T L A V I E I N T É R I E U R E

micr de son Père célesLe, avec l'effusion pleine et entièredu Saint-Esprit, la toute puissance et par conséquent laliberté. Il est libre au dedans, il est libre au dehors; etfinalement il régnera sur la création tout entiè re, pour laconsacrer, avec sa pr op re personne., et la soumettre àson Père et à son DIRIT M). « Le L Ï R R E , c'est-à-dire le Filsde D I E U : L i b e r , h o c e s t F i l i a s D E I , » dit un Père, faisantallusion au double sens du mot latin liber* qui signifie àla fois l i b r e eL e n f a n t . L 'Espri t-S ain t, qui pour nous estl'Esprit de J É S U S - C H R I S T , est l'Esprit de liberté, comme ilest l'Esprit de sa inte té , comme il est l'Espri t de force, delumière, de sagesse, de just ice , etc.

Par J É S U S - C I I R I S T , D I E U répand abondamment dans lescréatures l'Esprit de liberté, afin que, fortifiés par la grâcedu Médiateur, nous participions à la liberté et au salut.

J É S U S , dans l'Esprit-Saint, est pour nbns le principe etl'auteur de la liberté, par cela seul qu'il est l'auteur de lavie et de la grâce. En nous créant, il nous donne pour findernière de le connaître, de l'aimer et de le servir ici-bas,afin de vivre éternellement rie sa vie; et, on nous donnantcette fin magnifique, sa sagesse el sa bonté toutes puis

santes l'obligent à nous donner le pouvoir d'y atteindre, •c'est-à-dire la liberté. En effet, la liberté n'est autre choseque la puissance, na tur el le et su rn at ur el le , donnée à la"cr éa tu re ra isonnable, d'att eindre la fin dern ière qui est laraison d'être de son ex is tence; la pu is sa nc e de réalisersadestinée; en d'autres termes, la puissance d'accomplir en

toutes choses la très sainte volonté de DIEU." C 'est cettepuissance que l'Écri ture appelle « la glor ieuse liberté desenfants de Dieu (2). »

(1) Cum autem subjecta fuerint illi oinnia, tuno et ipso subjectuser;t ei, qui subjecit sibi omnia. (I ad Cor. xv, 28.)

(2) In Iibertatemgloriee filiorum DEI . (Ad Rom. vin, 21.)



NOS GRANDEURS JEN JE SU S. —«I II . 373

Là où est J É S U S - C H R I S T , « là où règne son EspriL, là esldonc la liberté (1). » La li be rt é, r a y o n n em en t de JÉsus-GHRIST , est la pu is sa nc e du v ra i, du bien et du b e a u ;c'est la vie, c'est l'amour: elle vient de D I E U , et ellemènera à D I E U ; elle lui ramène toutes ses créatures,malgré les obstacles que leur infirmité ou la malice desennemis du dehors peuvent opposera ce salutaire retour.Au nom de son Père, J É S U S leur donne le pouvoir de pratiquer la vérité, le pouvoir de demeurer dans la vérité, lepouvoir de faire le bi en et de t r io m ph er du mal ; en unmot, le pouvoir de faire ce que D I E U veut. Et c'est le saintEsprit de JÉsrrs qui opère tout cela en n o u s ; c 'est lu i quinous fait vouloir et aimer jusqu'à la fin ce que D I E U veut .D'où il est facile de c o m p re n d re que l att en ta t sacr il èg ecommettent tous ceux qui osent toucher à la liberté d'un

être qu el co nq ue , au profit de leur s ca pr ic es ou de le urorgueil domin a te ur . Us violent di re ct emen t la volo ntéfondamentale de D I E U , Père de la liberté.

Venez donc, ô Seigneur J É S U S ! venez, Esprit créateuret sanc tificateur, Esprit de force et de l ib ert é! venez m efaire accomp lir m a dest in ée: éclairez mon in te lli ge nce,

afin-qu'elle soit pleinement libre; dirigez, rectifiez mon jugement et ma volonté ; réglez toutes mes puissances, etprincipalement m o n im ag in at io n et m o n c œ u r ! Gardez-moi des ennemis du dedans; gardez-moi des ennemis dudehors ; et qu'en vous je sois libre, pleinement libre, pourvotre gloire, ô mon D I E U , pour mon propre bonheur et

pour le bonheur de mes frères, inséparable du mien!

(l)Ubi Spirilus Domini, ibi iî HERBUS. (Il AD Cor. m, 17.)



LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

Comment JÉSUS, et JÉSUS seul, est le Libérateur du monde.

Notre-Seigneur J I Ï S S U S - C H R J S T n'es t pas seulement, avecle Père et le Saint-Esprit , le pr incipe de la l iber té ; il n'enest pas seulement le Médiateur ; il en est de plus l'ado

rable réparateur . Il est à la fois el le père de la liberté etle libérateur universel.Il avait donné cette liberté, cette force sacrée, à notre

premier père, dans l 'état d ' innocence; et après la chute,il a daigné la lui rendre. Quand sa pauvre créature futtombée dans l 'esclavage, il la racheta au pr ix de son sang;

il lui rendi t ce qu'elle avait perdu (1); et c'est pour celaqu il est appelé Rédempteur, c 'est-à-dire Libérateur.

Il le disait un jour lui-même à quelques Juifs qui voulaient commencer à le s e r v i r : « S i v o u s g a r d e z m a p a r o l e ,

v o u s s e r e z v é r i t a b l e m e n t m e s d i s c i p l e s ; v o u s c o n n a î t r e z la

V é r i t é , e t l a V é r i t é v o u s d é l i v r e r a . J> Les Juifs s'étonnèrent

et lui répondirent : « N o u s n ' a v o n s j a m a i s été e s c l a v e s de p e r s o n n e ; c o m m e n t n o u s d i t e s - c o u s d o n c q u e n o u s seronsl i b r e s "i » Et le Fils de D I E U leur dit ces graves paroles:« E n v é r i t é , e n v é r i t é j e v o u s t e d é c l a r e , q u i c o n q u e commetle p é c h é d e v i e n t l ' e s c l a v e d u p é c h é . O r , l ' e s c l a v e ? i e f a i t p o i n t

p a r t i e d e t a f a m i l l e e t n ' y d e m e u r e p a s t o u j o u r s ; m a i s le fila

(I) Il n'est pas question ici de la puissance radicale du librearbitre ; le péché originel n'a pas détruit en nous Je libre arbitre;il l'a seulement affaibli, blessé; il Va incliné vers le mal. La grâcede la Rédemption nous a rendu la force de faire le bien et de lefaire pleinement, malgré l'inclination au mal qui subsiste, à la.fois comme expiation du péché et comme épreuve de l'amour.



NOS GRANDEURS EN JE SU S *— III 375

y demeure toujours. Si donc le Fils vous délivre, vous serez

réellement libres ( 1 ) . »

Le Fils, le Fils unique de D I E U eL de M A R I E : tel estdonc le Libérateur; et sa loi, son Évangile, est « la loi de la liberté, » c o m m e parl e l 'Apôtre sa in t Jacques (2). Leprincipe délétère de la liberté, c'était et c'est encore le malsous toutes ses fo rm es ; c'est k démo n, ins t iga teur du m a t ;c'est le mo nd e, em pir e du dé mo n et du m a l ; c'est le péché,œuvre et fruit du mal. Voilà ce qui nous empêchait d'at

teindre notre fin dernière.Le Fils de D I E U est venu, absolument é tranger au péchéet au démon; et à cause de cela, il a pu en le ver l'obstaclequi nous séparait de D I E U , et se substi tuer lui-même audémon et au péc hé, en re fo rm an t, p a r sa gr âce , le lienprimitif jadis brisé. L'Esprit-Saint, qu'il nous commu

nique pour nous unir à lui et par lui à son Père, nousapporte la liberté au lieu de l'esclavage, et nous rend lepouvoir d' at te in dre n o tre fin de rn iè re , de posséder D I E U ,

ici-bas par la grâce, dans le ciel par la gloire! Et ainsi,« nous sommes délivrés par Celui qui est libre :a Libero

liberamur (3), » dit saint Augustin. Oh! que la l iberté

doit nous être pré c ie us e , pui squ'el le est le pri x du sang etde la vie même du Fils de D I E U , et puisque D I E U « notre

Père nous a arrachés à la puissance des ténèbres, pour nous

faire passer dans le royaume du Fils de son amour, de ce

(1)Si vos manseriLis in sermone meo, vere discipuJi moi eritis;etcognoscetis Veritatem, et Veritas liberabit vos. — Nemini servi-vimus unquam; quomodo tu dicis: Liberi eritis?— Amen, amendico vobis: quia omnis qui facit peccatum, servus est pecoati.Servus autem non manet in domo in eeternum ; liliusautem manetinseternum; si ergo vos Filius liberaverit, vere liberi eritis. (Ev.Joan. vin, 32-36.)

(2) II, 12.(3) In Joan, tract, xu, 8.



3 7 6 liA PIÉTÉ ET L A VIE INTÉRIEURE

F i l s d a n s le s a n g d u q u e l n o u s p u i s o n s l a d é l i v r a n c e * . » Oui,

D I E U C< n o u s a, d é l i v r é s e t n o u s a a p p e l é s p a r s a v o c a t i o n s a i n t e , n o n s u i v a n t n o s m é r i t e s , m a i s s e l o n s a v o l o n t é e t sa

g r â c e , l a q u e l l e n o u sa é t é d o n n é e d a n s le C h r i s tJ É S U S

a v a n t t o u s l e s s i è c l e s (1). » Éterne l lement , le bon D I E U nousappel le à la gloire par la grâce , au b o n h e u r de son Paradisp a r le bon combat de la l iberté ; il nous y appelle en JÉSUS-

C H R I S T , principe et fin de toutes ses œuvres au dehors,a lpha et oméga du salut .

Le Fils de D I E U a da igné se faire homme, « afin de dé t r u i r e p a r s a m o r t c e l u i q u i a v a i t l ' e m p i r e d e l a m o r t , c'est- à - d i r e le d é m o n , e t afin d e d é l i v r e r c e u x q u i é t a i e n t tombés d a n s l a s e r v i t u d e (2). » Ainsi parlent les Écritures, nousrévélant l 'amour infini de J É S U S pour la gloire de son

Père et pour la dél ivrance de ses créa tures .

Admirable parole de saint Cyrille proclamantcette grande doctrine.

Saint Cyrille d'Alexandrie expose dans un magnifique

langage ce minis tère de l ibérateur , dont le Fils de DIEUseul pouvait porter le poids. « Au Christ seul, dit-il, à

Celui qui par na tu re est Fils de D I E U , à Celui qui est libreparce qu' i l est la Vérité, à Celui qui est inaccessible àtoute servitude, il est donné de pouvoir rendre la liberté

(J) Qui eripuit nos de poteslate tenobrarum, eL transtulit inregnum Filii dileclionis sua) : in quo habemus redemptionem persanguinein ejus. (Ad Col. i, 13, 14.) Qui nos lîberavil, et vocavitvocatione sua sancta, non secundum opera nostra, sed secundumpropositum suum, etgratiam, qua3 data est nobis in Christo JESUante tempora saecularia. (11, ad Tim. î, 9.)

(2) Ut per mortem deslrueret eu m qui habebat mortis imperium*id est, diabolum, et liberaret eos qui timoré mortis per tolam vi-tam obnoxii erant servituli (Ad Hebr. a, 14,15.1




au monde ; en dehors de lui, aucun autre ne le peut faire.J É S U S - C H R I S T est par nature et la Sagesse, et la Lumière,et la Fo rc e; co m m e Sagesse, il don ne la sagesse à ce uxqui la ch er ch en t ; co m m e Lu mière , il d on ne la lumi ère aceux qui en ressentent le besoin ; comme Force, il donnela force à ceux qu i sont faibles. De m êm e , é tant D I E U engendré de D I E U , étant le fruit libre et naturel de Celuià qui ap pa rt ient le sou verain dom ai ne de toutes cho se s,il donne la libe rté à qu i il lui pla it. Per sonne ne peu t

véritablement donne]' la liberté, s'il ne la possède lui-même par nature ; et lorsque le Fils de D I E U veut donner,la liberté à une cr éa ture , il le fait en la r e n d an t pa r t ic i pante d'un priv ilège qui lui est p ropre (1). » Aussi leProphète Isaïe, a sp i ra n t vers son Sa uv eu r, s'écriait-il,plein d'espérance et d'amour : « C ' e s t v o u s q u i ê t e s n o t r e

P è r e l A b r a h a m n e n o u s a p o i n t c o n n u s , e t I s r a ë l n o u s aignorés ; m a i s v o u s , S e i g n e u r , v o u s , n o t r e P è r e e t n o t r e

R é d e m p t e u r , v o u s ê t e s d è s l ' é t e r n i t é (2)! »

Ainsi, J É S U S , notre adorable Roi et notre miséricordieux Rédempteur, nous apporte lui-même, avec sagrâce, le trésor de la liberté. Sa grâce, c'est la vie et la

fécondité de notre liberté; c'est la force libératrice, qui

(1) Uni, ait, secundum naluram Filio, secundum VerUaLem li-bero, ex traque omnem servUutem posiLo attributuiu coiupenturutpossit Iiberare, alio aulem praeter ipsum prorsus nemim. Que-madmodum enim quoniam esl secundum natnram el Sapienlia,et Lux, et Potestas, sapientiam dat sapientise capaoibus, lumen

Jumine indigenlibus, robur robore carenlibus, ila quoniam eslDifus ex DEO, eL substantias in omnia regnum oblinentis liber at-que ingenuus fructus, quibuscunque UbueriL, dat, liberatem :cœterum ab eo, qui earn secundum naturam non habeat, nemovere liber iieri potuerit. Cum vero ipse Filius voletaliquos liberosfucere, proprium illis inserit bonum. (In Joan. Ev., cap. vnr, v. 36)

(2)Tu enim Pater noster, et Abraham nescivit nos, et Israel igno-ravit nos : tu, Domine, Pater noster, Redemptor noster; a s a 3 c u l onomen tuum. (LXIU. 16.)




nous permet de dominer le péché, le monde et Satan, de1

dompter notre chair, de triompher de tous nos ennemiset darriver sains et saufs à l 'éternité bienheureuse. Oh!

quel abîme de grandeurs que le mystère de l ' Incarnationet de la Rédemption ! quel Sauveur que J É S U S - C H R I S T ! Ilest la pi er re ferme su r laquel le je r e po se ; il est m a forceet mon Sauveur! Il est mon D I E U to u t pu is sa n t : je mettrai en lui mon espoir. Il est mon bouclier, le casque dem o n sa lu t ; il m'élève ju sq u ' à lui, et je m e réfugie dans

son cœur. 0 mon Sauveur, c'est vous qui me délivrerezdu mal (1), p a r l a do uc e mé di at io n de vo tr e Mère, maintenant, tout le temps de ma vie, à l 'heure de ma mort,pour toute l 'éternité.

Que Notre-Seigneur n'apporte au monde la vraie libertéque par son Eglise

Pour être v ra iment lib res , il faut d'a bord que nousconnaissions notre fin dernière véritable, laquelle ests u rn a t u r e l l e ; il faut, en secon d lieu , qu e n ou s connaissions par quelle voie, par quels moyens nous pouvons yparvenir; il faut, enfin, que nous ayons le pouvoir deprendre ces moyens, et la force de dominer tous les obstacles, soit du dedans, soit du dehors. Or, J É S U S - C H R I S T ,

notre Seigneur et notre Sauveur, nous donne et cetteco nna is sa nce et ce po uv oi r. Il nous les d o nn e p ar le ministère de son Église; et si nous venons k les perdre, ilnous les rend par elle, avec une bonté inépuisable. J É S U S

(1) Dominus petra mea, et robur meura, et talvator meus. DEUSfortis meus , sperabo in eum : scuturr meum, et cornu salutismeae : elevalor meus, et refugium meum : Salvator meus, de ini-quttate liberabis me. (Il Ueg. xxu, 2, 3.)



NOS GRANDEURS EN JE SUS . — III. H79

estdonc Fauteur et le sauveur de notre liberté, et sa sainteÉglise est l 'i ns t ru ment v ivan t de cet te œuv re de salut.

Notre-Seigneur s'unit A son Église et la cons ti tue aumilieu de l'humanité la grande libératrice des âmes etdes peuples, la m ère et la gard ienne de la libe rté. Pa rçlle, avec elle et en elle, il est le -L ib ér at eu r un iver se l.Épouse du Libérateur, il est tout simple qu'elle soit l'universelle Libératrice.

Depuis le péché originel, la vie de l'humanité a été

pour ainsi di re une cours e de plus en plus folle dans lesvoies de l'esclavage. La pauvre humanité, prisonnière dudémon, se sent ai t empor tée pa r lui lé où elle ne voula itni ne devait al le r, aux ab îmes de la h onte , du péché etenfin de la damnation. Elle ressemblait à une reine qu'unpuissant ravisseur aurait enfermée dans un char attelé

de chevaux fo ug ueu x et pri s de ver t ige ; en tôle 1P postillon, qui a u ra i t dù se rv ir d' éc la ir eu r, et le co ch er , qu isur son siège aura i t dû c ondui re l 'at tel age, son t pr is devin et ne font plus le u r office; le po st il lon n 'y voi t pl usclair, et le cocher, auss i fou que ses chevaux , frappe àtort et à, tr av er s, ne sait plus où il v a : la voit ure heur te

les pierres, frise à ch aque in st ant les p ré c ip ices; la ca tastrophe est imminente.

Ainsi allait le m o n d e ; ainsi péris sait l ' human it é, lorsque le Fils de D I E U , arrêtant cette course fatale, sauva lavie de l' human it é et la dé livr a en m o u r a n t p our elle. Il lafit descendre du c h a r de la serv it ude, et avec elle la ra i

son, la conscience , la volonté, toutes m eu r t r i e s et p lu smortes que vives. 11 confia ces chères délivrées aux bonssoins des Pas te urs de son Égli se, et désorm ais, ra ss urésur leur sort, le bon S amari ta in pu t re p ren dre la rou te deJérusalem : il remonta de la terreaux cieux.

L'Église a donc reçu du div in Lib ér a te ur la mi ss ion



Í380 LA PIÉTÉ. ET LA VIE INTÉRIEURE

souveraine, de délivrer le monde, d'appliquer à tous lespeuples et A tous les hommes le bienfait de la délivranceconsommée par J É S U S sur le Calvaire. C'est ainsi qu'ellese présenta sons les traits des Apôtres, et c'est ainsiqu 'el le co nt in ua de parl e r et d'agir en la per so nn e de sesPontifes, de ses Saints el de tous ses Ministres. CommeJ É S U S , elle A dél ivré et elle, dé livre le m o n d e à ses propresdépens; elle souffre et meurt chaque jour pour ressusciterle mo nd e et pour l ' ar ra ch er à la se rv itud e du mal . .

L'Église délivre lé monde par sa doctrine, où tout estlumière, vérité, justice, charité. Elle le délivre par sahiérarchie, par ses apôtres, par ses pasteurs; elle le délivre par ses institutions de tout genre, qui sont toutesdestinées à faire entrer et à maintenir chaque chose à saplace, et à écarter les obstacles qui empêchent les indi

vidus et les sociétés d'atteindre paisiblement leur fin.Elle A rendu la liberté, et par conséquent l 'honneur, ladi gn it é, le bo nhe ur A la fe mm e, q ui , en pu ni tio n dupé ch é, avait été réd ui te A l ' hu mi li an te conditio n que-chacun sait et quo l'Église seule a la puissance de transformer; elle a rendu la liberté à l'enfant, au pauvre, à

tous ceux qui souffrent.Elle a rendu la liberté aux peuples, courbés partout,

comme de vils troupeaux, sous la domination brutale deceux qui s 'appelaient leurs rois et qui n'étaient que leurstyrans; elle les A relevés, elle leur A fait comprendre de-magn ifiques vérités sociales, ign or ée s j u sq u e -l à ; elle a

•changé leur servitude honteuse en une sainte et volontaire obéissance ; elle les a délivrés du joug de l'homme.Car, en dehors de J È S U S - G I I R I S T et de son Église, il n'y aqu e la dom inat ion d e l ' h om me su r l ' h o m m e ; et, à causede la corruption originelle; cette domination dégénèrefatalement en despotisme et en arbitraire.



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III. .'381

Pendant que d'une main l 'Église délivrait les peuples,rlc l'autre, clic dé livrai t lus So uver ai ns eux -m êm es enleur ap pr en an t ce qu' est ré el le me nt l 'auto rité, com bi enelle est sa in te et à quoi elle ob lige . A la place des ty ranset des Césars, elle a créé les rois chrétiens, pères deleurs peuples, se rv it eu rs et dé fe ns eu rs de lu cause deJ É S U S - C H R I S T , serviteurs des petits , protecteurs nés detoutes les institutions bienfaisantes de la sainte Église ;de telle sor te que tout p ri nce , tou t pe up le qu i veu t

écouter la voix de l'Égl ise est as su ré de jou ir s im u l ta nément de de ux bien s ina pp réc iab les , presque di sp aru saujourd'hui de la face de la terre : une autorité ferme etpaternelle, sage et bien fai sante ; et un e liberté auss ipaisible qu 'é te nd ue , aussi joy eus e que re spec tueu se . Dansle sein de l'Ég li se , l' au to ri té ne fait faire que le bien, la

liberté ne fait qu e le bien. Quel m erv ei l leux idéal leshommes pourraient réaliser et bien facilement réaliser,s'ils avaien t le sens c o m m u n ! Mais , hélas ! c'est là ce •qui manque ; c'est là ce qui manque de plus en plus, àmesure que l'on s'éloigne de la foi ; et c'est ce quel'Église voudrai t réalis er le moin s imparf a it emen t 'pos

sible de nos j o u r s , co m m e elle.l'a fait jad i s au mil ieu de spaïens et des barbares.

. Et ainsi l'Ég lise , envoyée de D I E U , apporte au mondel'inappréciable trésor de la vraie libe rté . Sou in flue ncelibératrice est universelle, comme sa mission ; elles'étend à tout, elle délivre tout, les âmes et les individus,

comme les sociétés et les nations. Après cela, commentne pas aimer l'Église ?



382 LA PI ÉTÉ ET LA VIE INTERIEUR K

Beau témoignage d'un de nos Évèques à ce sujet.

Le docte et éloq ue nt Évèquo de Tu ll e, Mgr Berthaud,1

disait un jour : « Quand il consacre une église, le Pontifedit cette grande parole : M o n D I K U ! q u e l e s f i d è l e s v i e n n e n t

i c i a p p r e n d r e l a v é r i t a b l e l i b e r t é . C'est fort à propos que

l'Égl ise dit eela, et ce n'es t pas d'h ier qu 'e l le le di t ; ellea dit cela dan s toute la lo ngueur des siècles, po ur lesbesoins de tous les temps . Donc vous ven ez ici , dan s noséglises, apprendre la vraie liberté ; oui, la vraie liberté,sous l 'ampleur divine.

« D I E U est souverainement libre, parcp qu'il est le plus

am pl e, Je plus ri ch e d'él éme nts subs tant ie ls . Aucunelumière ne lui fait défaut, a u c u n e lim ite ne le cerne.•C'est pourquoi il est l'amplitude par excellence, il est legrand Libre.

« Eh bien, pour nous, comme pour tout être créé, lavérité consiste à se rapprocher de ce grand Libre. C'est

ici, dans l'Église, qu'on apprend la vraie liberté. Ce petitenfant qui vient au catéchisme vient prendre possessionde la vraie liberté ; il vient apprendre à être libre. Ceux-là qui sont si fous de liberté, ne savent pas que l'Églisefabrique des libr es . Elle d it aux père s de famille :Am enez-moi vos enf an ts , afin que je leur ense igne la

liberté ; je veux en faire des êtres très beaux, qu'aucuneténè bre n 'en ve lo pp e, des êtres affranchis des cha îne s detoute servitude ; amenez-moi tous ces enfants, je veuxleur apprendre la liberté.

« C'est la liberté, cette grande liberté qu'on vientapprendre dans l'Église. Nous ne voulons pas des esprits



NOS GRANDEURS EN JÉSUS. —III . 3 8 3

qui nous ra m èn en t a ux aba is sem en ts du p ag an is me ;nous voulons la lumière, nous voulons le grand air. 11faut que l 'h omme soit co ns ti tué à l'état de li ber té ; c'est-à-dire, il faut qu 'il sache d'où il vien t et où il va , et qu'i lconnaisse et puisse prendre encore le chemin qui conduità la fin à laquel le il est appelé . Il l'aut enfin qu 'i l sacheprendre le poste où il doit servir a sa fin.

« 11 y a auss i les na t ions . Il fau t que l 'humani té , lagrande famille des na ti ons , soit con st it ué e à l'éta t de

liberté, c'est-à-dire délivrée de toute ténèbre et affranchiede tout mal (1). »Et le sav an t Évoque mo ntr e c o m m e n t l 'Église est p o u r

les sociétés, no n m o in s qu e pour les indiv id us, la mère ,la seule mère de la lib ert é véritable- «O ui , chré t ie ns , vo usêtes libres, s'écrie-l-il en t e r m i n a n t ; vo us êtes c on st itué s

libres ; vo us ave/- vos m oyens pour g ag n e r les ri vag eséternels. Allons ! ne vou s gênez pas ; marc hez fe rm ementelle front h«ut. »

Qu'aucun de nous ne soit donc assez insensé, assezennemi de lui-même pour redouter la main libératrice dela sainte Egl ise. Si l'Église nous inv it e à e n t re r dans son

sein, comme d ans un asile de li be rt é, sa ch ons bien qu 'i lne s'agit point pour nous d'une prison, mais d'une citadelle de re fu ge . On pe u t adr es se r à ch acu n et à to us ceque disait aut refo is si g ra ci euse m en t sai nt Am br oi se :« Ne cra ins po in t l ' ha meç on de sai n t P ie rre , ô bo n etcher poisson. Il ne tue pas ; il sanctifie et il consacre. Ne

crains point les filets de Piex^re, à qui J É S U S a commandéd'avancer en pleine me r et de je ter ses filets ; il ne les jette pas à gauche, mais adroite, selon l'ordre du Christ.Né crains po in t le g i ro n de sai nt P ierr e ; car c 'est à lui

(1) Sermon prêché à Paris en 1864, à la fète de la Dédicace.




(i) Hexsem., 1. ,V, cap. vi.

qu 'i l a «été di t : « Désorm ai s tu por teras la vie aux« hommes (i ). » Tou jours vivant d a n s ses successeurs,saint Pierre, chef do l'Église, est le Vicaire du Libérateuréternel ;il condamne et veut briser toutes les servitudes,toutes sans exception ; et la barque de Pierre, qui portel'Égliso, a seule le droit de porter d'une manière absoluecette glorieuse devise ; L I B E R T É .

Dans sa bouche, liberté veut dire salut, sainteté etbonheur ; sur les lèvres du monde, liberté veut dire folle

indépendance, révol te .

Que le mystère de délivrance opéré par Notre-Seigneurn'est pas encore consommé pour nous.

Dans la contemplation du mystère universel de J É S U S -C H R I S T , il faut tou jour s un ir ensemble le p rem ier et lesecond av ènement du Sau ve ur : on l'oublie trop souventet dès lors on ri sq ue de se sc an dal is er des défaillancesaccidentelles qui attristent la vie de l'Église militante,engénéral, et, en particulier, la vie de chaque chrétien dans

le travail de sa sanctification personnelle. C'est commesi, dans la vie de Notre-Seigneur, on ne faisait attentionqu'à ses souffrances, en oubliant sa résurrection, sonascens ion et son tr io m p h e final. On n e serait plus auvrai poin t de vue ; ca r, au ded an s c o m m e au dehors, larédemption n 'est consommée qu'en principe.

Dans le my stère du pre mie r a v è n em e n t , le chef desél us et ses me m bre s c om ba tt en t l e 'b o n co mba t ; mais lechef seul triomphe dans les cieux : dans le mystère dusecond, il n'y a plus de combat ; c'est ou plutôt ce sera



NOS GRANDEURS EN JESUS. — lit 383

le triomphe universel du chef avec tous ses m e m b r e s .Maintenant J É S U S est en t ra in d 'a r racher à la servi tude ,de reconquérir à la l iberté et au bonheur chacun de ses

membres; c'est pour cela qu'il combat en eux et p o u reux.

11 en est de la l iberté de notre Sauveur comme de sa

force : J É S U S est le Tout-Puissant ; donc il est nécessairement libre ; donc il sera, d 'une manière ou d 'uneautre, le maî t re de ses œuvres. Celles de ses créatures

qui ne voudront pas se laisser prendre par la maintoute-puissante de son amour , il les t iendra par la m a i nnon moins puissante de sa jus t ice . « Personne, disait-ilun jour à sainte Catherine de Sienne, personne ne peutsortir de mes mains, parce que je suis Celui qui suis .Quant à vous, vous n'êtes point par vous-mêmes ; vous

n'existez que par moi. Les hommes sont en mni ou pamiséricorde, ou par jus t ice : par justice, quand ils

pèchent. Tout l'univers est dans ma m a i n ( l ) . » Et ainsiNotre-Seigneur manifestera au j o u r du j u g e m e n t la

réalité de sa liberté divine, c'esl-A-dire de la puissancequ'il possède en propre d 'a t te indre, par les moyens qui

conviennent. la fin de son Incarnat ion, la Un de la.Création, la fin qu'il s'est proposée dans toutes ses

œuvres.

Kt nous aussi, membres de J É S U S - C H R I S T , enfants de

DIEU, cohéritiers du Rédempteur , nous avons maintenant encore à combat t r e et A souffrir pour Jésus,

comme J É S U S , avec J É S U S , afin d'entrer avec lui dans lerepos définitif de l 'éternelle liberté. Maintenant, il est

vrai, nous somm es lib res , mai s s eu lem en t au dedans ,selon l'homme intérieur ; nous sommes libres selon

(i) Traité de ta Discrétion, chap. xvui :.

xiv 2 5




l'esprit, non selon la chair ; le nouvel homme est délivre,ma is non le vieil h o m m e . Voilà pourq uoi il faut encorelutter, craindre et souffrir. Mais « l e s souffrances du

t e m p s p r é s e n t n ' o n t a u c u n e p r o p o r t i o n a r e c t a g l o i r e q u i

d o i t u n j o u r é c l a t e r e n n o u s . C a r t o u t e s I PS c r é a t u r e s s o n t d a n s l ' a t t e n t e d e l a m a n i f e s t a t i o n d e s e n f a n t s d e D I E U .

E l l e s s o n t , e n e f f e t , a s s u j e t t i e s à l a v a n i t é , n o n p a s v o l o n t a i r e m e n t , m a i sà c a u s e d e C e l u i q u i l e s a a s s u j e t t i e s , a v e cl ' e s p é r a n c e q u ' e l l e s s e r o n t e l l e s - m ê m e s a / f r a n c h i e s d e cet

a s s e r v i s s e m e n t à l a c o r r u p t i o n , p o u r e n t r e r u n j o u r d a m

l a l i b e r t é d e l a g l o i r e d e s e n f a n t s d e D I E U . Nous s a v o n sq u ' à p r é s e n t t o u t e l a c r é a t i o n g é m i t e t e s t d a n s l e s d o u l e u r s d e l ' e n f a n t e m e n t ; e t n o n s e u l e m e n t e l l e , m a i s a u s s i nous m ê m e s , q u i p o s s é d o n s l e s p r é m i c e s d e l ' E s p r i t , n o u s g é m i s s o n s a u d e d a n s d e n o u s , a t t e n d a n t l ' a d o p t i o n d e s e n f a n t s de

D I E U e t la. d é l i v r a n c e d e n o t r e c o r p s ( 1 ) . »Dans la vie présente, nous sommes libres, comme nous

sommes forts : J É S U S , le D I E U fort, nous donne sa force;et cepe nd an t no tr e faiblesse na ture l le et nos concupiscences peuvent nous faire tomber ; de même, le célesteLibérateur nous fait part de sa liberté et de son triomphe,

et cep end ant , imp arf ait s encore , no us s om me s retenuspar notre chair corrompue, par le vieil homme qui lutteincessamment contre. l 'Esprit du Seigneur; nous sommes-retenus aussi et opprimés et p -rsécutés par le monde et

(1) Non sunt condigme passione* hujus temporis ad l'uturam

gloriam, qu© revelabitur in nobis. Nam expectatio creaturte reve-Jationèm filiorum DEI oxpeetaL Vanitati enini creatura subjeclaest nonvolens, sed propler eum qui subjecit eam in spo ; quiaet ipsa creatura liberabitur a servi tu te corruptionis in libertalemgloriasfiliorum DEI. Soimus enini quod omnis creatura ingemisciCet parturit usque adhuc. Non solum autem illa ; sed et nos ipsiprimitias Spiritus habentes : et ipsi intra nos gemimus, adop-tionem filiorum DEI expeclantes, redemptionem corporis nosLri.(Ad Rom. vin, 18-23.)




(i) In Joan., tract, x u .

par le prin ce de ce mo nd e. M ain ten ant n o u s 'n 'a v o n s q ueles prém ices de l'Espri t et pa r con sé qn en t de la libe rté ;après la résurrection, l 'Esprit du Seigneur régnera totalement en nous et autour de nous, et dès lors nous auronsla plénitude de la liberté.

« Quelle est donc, dit saint Augustin, la pleine et parfaite liberté en ce Seigneur J É S U S qui a dit : S i le F i l s v o t i s donne l a l i b e r t é , a l o r s v o u s s e r e z v r a i m e n t l i b r e s ? Quandsera-t-elle pl eine et pa rfa ite? lorsqu'i l n' y au ra plus

d'ennemis; lorsque l 'ennem ie su p rê m e , la m o rt , a u raété dé trui te . A présen t, il y a et liberté et s er vi tu de :notre liberté n'est pas encore entière; elle n'est pas encorepleine ni san s mé la ng e, parce qu e l'é tern ité n'e st pa sencore ve nu e. Par not re h o m m e in té rie ur et sp iri tu el ,qui sert D I E U , nous sommes l ibres; par l 'homme extér ieur

et charne l, qui est assujetti a u pé ch é, nous so m m esencore esclaves. Notre g ra nde affaire, c'est de p ra ti quercette règle de l' Apôtr e: « Que le péc hé ne règne po in tdans vot re corps mort el . » Il ne di t pa s : « Que le péc héne s o i t pas dans vo tre co rp s; » il d i t : « Qu'il n'y r è g n e

pas. » 0 ch ré ti en , n'obéis do nc ja m ai s à tes co nc up is -

sences. Demeure dans le service de D I E U , dans la libertédu Christ (1). »

Go qui est vra i de chacun de nous , est vrai de l'Égl iseet du m o n d e : le ma l y combat l'Égl ise ; il tache de larendre captive; comme le vieil homme combat le nouveauet cherche à le dominer. La volonté de D I E U est que le

mal ne règne ni en nous ni en dehors de nous. Sans cela,point de libe rté, ni d é v i e , ni de b o nh e ur .

Oui,.je veux demeurer en vous, en vous seul, ô Jésus,Saint cl'lsraiM, mon Ré dempteur , qui ê tes le souvera in



388 LA PIKTK ET LA VIE INTÉUUîUKE

Seigneur de toute la terre il)! Au milieu des mille difficultés qui m'embarrassent ic i-bas , je suis assuré detrouver en vous le salut , la force, la victoire, la sainte etdouce liberté. Plus je me fixerai en vous par la foi vive,par la pr ière , par la communion , par la générosité delàpénitence et de l 'amour, plus je serai libre. Venez à moi.Seigneur , et remplissez mon cœur de l 'espérance et del 'attente de votre avè nem ent l ib éra te ur!

Comment le chrétien n'est libre qu'en Notre-Seigneuret pour Notre-Seigneur.

J É S U S nous apporte la liberté, en nous ar rachant audémon , au monde et à nous-mêmes , et en nous faisante n t i e r en lui, qui est le vivant royaume de D I E U . Il le fait

in tér ieurement , par l 'opération de son Esprit-Saint , et parle mystère de sa g r â c e ; il le fait extér ieurement, par leministère de sa sainte tëglise. Par la puissance de sonEsprit et de son Église, J É S U S nous tire de la servituded'Egypte et nous introduit dans la terre sainte. (Jette terreest la terre de la l iberté des enfants de D I K U ; c'est ledomaine paternel; c 'est le repos dont il est dit dansl 'Évangile: « V e n e z à m o i , v o u s t o n s q u i t r a v a i l l e z e t -

souffrez, e t v o u s t r o u v e r e z le r e p o s d e v o s u n i e s (2). » C'estlà que, débarrassés de l 'esprit de cra in te et de servitude,nous goûtons l'Ksprit d'adoption filiale, clans lequel nous

disons avecJ É S U S : « Mon

Père,mou

Père()>)! »

(1) KedempLor Unis Sanctus Israël, DKUS oninis Lerrro. vocabitur.(Isai. LÏV 5.)

(2) Venite ad me omnes qui laboratis ei, onerati estis, et egoreticiam vos. (Ev. Mallh.xi, 28.)

(3) Non cnim accepistis spiritum servitulis iterum in timoré, sed,aoeepislîs Spiritum adoplionis tiliorum, iu quo clamamus: AbbaJPaler). (Ad Rom. vin, 13.) ,



NOS GRANDEURS EN JESUS. — I II . U8JJ

Par la bon té de ce d i v i n Père, no us s o m m e s , di t sa in tPaul, « d a n s t e C h r i s t J K S U S q u i n o u s a é t é d o n n é d e D I E U

pour être notre rédemption (1). » L ui - mê me , en per so nne ,est notre I l é d e m p t e u r ; et, da ns l' Esp rit -Sa int qu'il ré pa nden nou s, il es t not re r é d e m p t i o n ; il est notre Lib éra teu ret notre li ber té su rn at ur el le ; et , d a n s ce m ê m e E sprit -Saint, no us s o m m e s eu lui. c o m m e il est en n o u s ; ildemeure en no us et n o u s en l u i ; il re po se , il vi t en no us ,et, en lui , n ou s re po so ns , no u s v i v o n s da ns la s o ur cemême de la li be rt é, c' est -à- dire de l' am ou r, de la v i e , dubonheur. Plongeons-nous en J K S U S , comme de pet i t spoissons da ns les pro fo nde urs d'u ne so ur ce dé l i c i eu s e;« couron s à lu i, s'é crie le Do ct eu r de la g râ ce , afin q u e ,tout pénétrés de lui, nous ne fassions plus notre volontépropre^ mais uniquement ! a volonté de D I E U (2). » En

cette uni té d'esprit, n o u s l' av on s vu , rés id e no ir e l i b er l é;en effet, cet ad or ab le S e i g n e u r , « re v êt a nt la for me de ser viteur, a pris une Ame et un corps et se les est unis; et ilprend, il s'unit les âmes saintes et il devient avec ellesun seul es pr it . Notr e à m e p as se , p ou r ai ns i dire, e n sojiàme; notre substance, en sa substance, afin que nous

puissions vi vr e d'une vi e no uv e l l e et go ût er la v i e ét er nelle (3). » Cette v i e ét er ne ll e, c'est l'é te rn el le li be rl é ;c'est la dé l iv ra nc e total e, parfa ite, qu e no u s n e p o s s é do nsqu'en g e r m e ic i- ba s .

En notre Ré de mp te ur , no us rep os ons plu s conf ian ts

(1) Ex ipsn enim vos estis in Christo .IRSU, qui factus est nobisredemptio a DEO. II ad Cor. i , 30.)

2j S. Aug. in Joan., tract, xxv, 18.(3) Transmuta ta forma, assumpsil corpus e teommiscetur , atque

assumit. animas sanctas sibique acceptas ac tideles, et lit cum eisunus spiritus ; anima, ut ita ioquar, evadit in animam, et subs-tantiain substantiam, ut possit anima in novitate vivere et immor-talem vitam sentire, (S Mac. hom. i v , 10.)



390- LA PIETÉ ET LA VIE INTERIEURE .

mille fois que le pe l ii en fant s u r le se in de sa. mère..Cepetit enfant s 'abandonne simplement et totalement àl' am ou r de celle qui l'aime t an t ; il va, il vi en t, il s'arrêteau» gré de cette sage et amoure use vo lonté qu i le condui t,sans se préoccuper de lui-môme; pourvu qu'il soit entreles bras de sa douce gardienne, il se rit de tout le reste;,il ne cr aint r i e n : il ne dés ire rien , rien que sa mè re etl'amour de sa mère. Mon D I E U ! que je serais libre si je mereposais toujours sur votre cœur, en votre cœur! MonD I E U , mon amour, donnez-moi donc avec vous In simplicité de l'enfant! Alors j'aurai la liberté de vos enfants.

Mais si c'est en J É S U S que je trouve ma liberté, c'estpour lui, uniquement pour lui, que je l 'acquiers. Je doislui rendre ce qu'il me donne, et, par lui, aller a lui etdemeurer en lui. « Si je ne sors pas de lui, je n'ai plus

r ien à craindre de rennemi. J É S U S lui-même est la voiequi mène sûrement à la patrie. Veux-tu, me dit-il,échapper aux brigands? Je t 'ai ouvert la voie qui mène àla.patrie; ne sors point de cette voie, et rennemi n'osera,pas te toucher. Marche donc dans le Christ., et, plein de"

joie, ch an te , chan te le ca nt iq ue de la consolation (1). ».

Ainsi parle saint Augustin.Par la grâce de mon Sauveur, tout ce qui gêne ma

liberté est amoindri, souvent même totalement écarté. Larage du démon vien t expi rer, c o m m e u n e v ag ue impuis- (

santé, contre l 'énergie surnaturelle que me donne monRédempte ur lo rsq ue je lui su is fidèle; le monde et les

pécheurs, que peuvent-ils contre moi, tant que J É S U S estavec moi? S'ils peuvent ternir ma réputation, me prendre-

.(!') IpseChristus factus est via. Vis non pati iatrones? Ait tibi:Viam tibi stravi ad patriam; noli de viarecedere. Talemviam mu-nivi, ut latro ad te non audeat accedere. Aiubula erpo in Christôet'canta gaudens, canta tanquam consolatus. (In Psal. cxxv, 4.)



N Q S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III . 3 9 1

mon argent, tuer mon corps, ils ne peuvent rien déplus,et, en moi, le ch ré ti en , le nouvel h o m m e leu r éc happetout entier; c'est comme si des furieux s'acharnaient aprèsun mort.

Enfin, par la grâce de J É S U S , mes concupiscences, quine peuvent êtr e dé tru ite s en ce mo nde, so nt du moinsfortement tempérées, amoindries et comme engourdies.On dit que la m u s iq ue a parfo is la propr ié té d' ad ou ci r laférocité des serpents et de les endormir insensiblement :ainsi en est-il de ce tte harm onie sacrée qu i s'établi t,dans l'Esprit-Sâint, entre J É S U S et nous; quoique toujoursvivantes, nos passions se calment, s'endorment sous l'influence de J É S U S - C H R I S T , et à proportion qu'elles se calment, g ra ndi t no tr e sa in te l ibe rté. « L a l o i i e l ' E s p r i t d e

v i e dans le C h r i s t J É S U S m e d é l i v r e d e l a l o i d u p é c h é e t d e

l a m o r t (i), dit saint Paul. La loi du péché et de la mort ,c'est la de st ru ct io n de la l iber té , c'est l' esclavage, qu im'empêche d'atteindre ma fin dernière.

En vous donc, en vous, ù J É S U S mon Sauveur, j e m e t s t o u t m o n e s p o i r , e t i l n e s e r a j a m a i s c o n f o n d u , D é l w r e z - m o i , s a u v e z - m o iy e n m e r e v ê t a n t d e v o t r e j u s t i c e . S o y e z - m o i

un D I E U p r o t e c t e u r e t u n e c i t a d e l l e d e r e f u g e , a f i n q u e v o u s p u i s s i e z m e s a u v e r . 0 m o n D I E U , a r r a c h e z - m o i d e s m a i n s d u p é c h e u r (2).

(1) Lex enim SpiriLus viUe in Cliristo JESU liberavit me a legepëcoaLi et mortis. (Ad Rom. vm, 2.*

(2) ln te, Domine, speravi, non confundur in ceteraum; injust it ialua libéra me et eripe me... Eslo mihi in D E U M proLeclorem et inlooum munitum : ut salvum me facias... D E U S meus, eripe me demanu peocatoris. (Psal. i-xx.)




Que toute îa rage du démon ne peut rien contre la liberté

du chrétien vivant en JÉSUS.

Le grand pécheur, le grand esclave, c'est le démon;co m me le Saint, le To ut -P ui ss an t, le gr an d Lib re, c'estJ É S U S , Le démon s'est tout d'abord attaqué à J É S U S et n'arien pu contre lui ; il a été vaincu au désert; il a été vaincu

sur la croix. « 0 m o r t , o ù e s t t a v i c t o i r e ' ) 0 Satan, ton dardmortel s'est brisé contre le Fils de D I E U . Un moment tu asparu triompher, mais le soleil de la résurrection s'est levépour te confondre à jamais. ». Ce qu i est vr ai du chef est vrai des m em b re s : délivrésselon l'esprit par Notre Sauveur, nous avons été par lui

arrachés à la puissance des ténèbres, et le prince de cemonde ne peut nous replonger dans la mort que si nousle voulons bien. El quelle folie de le vouloir!

Dans une de ses belles apparitions à sainte Catherinede Sien ne, Not re -Seign eu r lui dit : « La liberté qu e j'aidonnée à l' homme, par la vertu de mo n san g , est sigrande, si forte, qu'il n'y a ni démon, ni créature quelconque qui puissent le contraindre à commettre, s ' i l nele veut, la faute la plus légère. Je l'ai délivré de la servitude, je l'ai fait libre, afin qu'il puisse être le maître degouverner ses passions et d'atteindre la fin pour laquelle

je l'ai créé (1). »Enfants de la sainte liberté, membres vivants de Celuiqu i est ét er nel le men t lib re, il nous fau t r ési ste r, avecl'énergie, d' un e victo ire déjà re mpo rt ée en pri nc ipe , auxtentav ives de ce mi sér ab le qui veu t no us en ch aî ne r avec

(l) Traité de la Discrétion, ch. xiv.



NOS GRANDEURS EN JÉSUS. — III. 393

lui dans l'esclavage du péché et dans l'esclavage de l'enfer.Nous devons rési ste r, pa rc e qu e nous le pouvons ; et n ouslepouvons, parce qu'en J É S U S , notre Chef, nous sommesdélivrés; parce que, enfants de l'Eglise, nous sommeslibres; parce que notre liberté doit nous être plus chèreque la vie.

Ah ! que les Saints ont bien compris l 'honneur de leurliberté ! Avec que l héro ïsme ils on t su la dé fend re co ntr eles attaques du te n t a t e u r ! Chacu n sait c o m m e n t le g r an d

patriarche du déserl, saint Antoine, dès les débuts de savie cénobitique, eut à lutter contre le démon, qui le tentapar toutes sortes de ru s t s et de scé lérate sses : pour perd rele jeune et sa in t anacho rè te , Sa tan se fit tour à to urrenard, se rpen t, lion te rr ib l e : il e m p ru n t a les a rm es dela volupté, de la fausse cra in te , de toutes les pass io ns , de

tous les vi ces; enfin , vai ncu sur toute la ligne, il es sayade la fausse humi l i té . Il ap p a ru t au Sa in t sous une formesensible, humble et suppliante ; c'était comme un pauvrepetit négri llo n qui faisait comp assion a v o i r , fl se je ta au xpieds du g rand s erv i te ur de D I E U , et lui dit en p leuran thumblem ent: « J 'e n ai séduit be au co up et j ' e n ni ren

versé de bien forts ; mais je confesse que to i. tu m 'a svaincu, co m me m 'o n t vain cu les au tr es Sa ints . — Q u ies-tu? lui d e m a n d a le Sa in t, avec au to ri té . — Je su isl'ami de l' in co nti nen ce ; c'est moi qu i emploie contr e les jeunes gens toutes les armes des voluptés honteuses. Jem'appelle l'Esprit d'impureté. Combien n'en ai-je point

trompés, qui se disposaient à mener une vie pure ! Combien n'en ai-je pas fait rc îomber dan s leu rs anc ien nessouillures, au m o m e n t m êm e où ils se d is pos ai en t à ensortir! « Sa in t An to ine , bien loin de s' enorguei ll ir , s'humilia devant No tr e-Se ig ne ur d a n s de g ra n des ac tion s degrâces; puis , il reprocha au démon sa faiblesse . « Tu as



394 LA PIÉTÉ ET L'A VIE INTÉRIEURE

bien raison de prendre la forme d'un nain, puisque avectoutes tes forces tu ne peux venir à bout d 'u n pauvreh o m m e co mm e je suis. » Et c h an ta n t avec le Psalmiste:« Dominm mihi adjulor et eyo dexpiciam inimicos meoa : le-

Sei gneur est mon. aide, et je me mo qu erai de mes ennemis, » il fit disparaître le monstre.

Gomme un autre Job, saint Antoine fut abandonné pourun temps à toute la rage de Satan et de renier. L'ennemile ma ltra ita si cr ue ll em en t qu e son pau vre corp s, toutcouvert de plaies, gisait étendu sur le sol de l'étroite caverne qui lui servait de demeure, sans mouvement, presque sans vie. Mais l'invincible soldat de J É S U S - C H R I S T

red oublai t de ferv eur, de pr iè re , de co nf ianc e; et intérieurement uni à son divin S a u v e u r . i l défiait l'enfer ettous les démons qui, après tout, ne pouvait atteindre que

son corps . ((Mo voici, m u rm u ra i t - i l , j e suis A nt oi ne ; je nefuis pas , je ne me cache poin t, je vous défie, et vo tre violence ne me séparera jamais de l 'amour do J É S U S - C H R I S T ! »

Puis, il répétait cette belle parole du psaume: « Lors mêmeque tous les bataillons ennemis se rueraient sur moi, moncœur ne craindra point. » Satan redoublant de rage appela

à son aide « tous ses chi en s, » c o m m e par le sa in t Atha^nase, c'est-à-dire les mauvais anges qui l 'ont suivi danssa révolte . Ils en to urè re n t le Saint , lui ap par ai ss an t sous'mi lle formes fan tastiques , plus effrayantes les u nes queles autres : c'étaient des lions rugissants, des tigres, des

ours, des taur ea ux , des se rp en ts . Ils re mp li ss ai en t l 'air de

cris sauvages, et déchiraient par moment la chair du hérosde J É S U S - C H R I S T , à qu i la do ul eu r a r racha i t des gémissements . Mais son esp rit demeura i t in éb ra n la b le ; son âme-demeurait tranquille au milieu de cette effroyable lutte.:Bien plus, il se moquai t des d é n i o n s : « Si vou s aviez lamoindre puissance, leur disait-il, il suffirait d'un seul pour.

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NOS GRANDEURS EN JÉSUS. — HI. 395

m !abatlre ; mais le Seigneur vous brise et vous êtes vaincus. La foi au Seigneur J É S U S e t le s igne de la croix sontpour nous un r empar t inexpugnable . »

J É S U S , ajoute saint Athanase, n'avait pas perdu de vue

les combats de son serviteur, et il vint à son secours. »

Une lumière sur na tu re ll e bri lla t ou t à coup dans la grotte,dissipant les illusions des démons et guérissant les plaiesdu saint athlè te . An toi ne, re co nn ai ssan t à cette lumièrela présence de son Seigneur , ' lui dit du plus profond (le

son cœur ces paro les amoureuses : « Où étiez-vous, ô bonJÉSUS? où étiez-vous? U b i a r a s , b o u e JESTI ? u b i e r a s ? Quen'avez-vous été là dès le commencement , pour guér i r mesblessures? — Antoine , lui répondit J É S U S , j 'é ta is l à !

kntoni, h i c e r a m ! mais j ' a t tendais pour te voir lutter, s e d exspectabam, u t v i d è r e n t c e r t a m e n t u u n t . A présent que tu

as combattu comme un héros, sans fléchir un seul instant, je t'assisterai toujours, et je rend rai ton nom célèbre danstout l'univers. »

Telles fu rent les vi ctoi res de sa in t Antoi ne sur le démon ,«ou plutôt, selon l' expression de saint Athanase, tel le fut

la vertu-du Sauveur en saint Antoine ; h n o v i r t u s S a l o a -

toris in A n t o n i o . » Le glo rieux an ac ho rèt e n'av ait enc ore(pie trente-cinq ans .

Il n'y a pas un Saint dont la vie ne soit une éclatante 'manifestation de cette noble libe rté des enfants de D Ï E U

que J É S U S - C H R I S T notre Sauveur nous a acquise par son

sang. Tousse sont ri du démon au milieu des attaques les

plus violentes; tous l'on t tr ai té comm e le traitait saintAntoine, avec le mépr is qui lui est du . Les dents de la

vipère infernale se sont usées sur l 'acier trempé dans le

sang divin.De nos jours, le vénérable curé d 'Arsalivré ces mêmes,

combats, a remporté ces mêmes victoires. II m'a raconté '



396 LA MKTK В Т LA VIE INTERIEURE

lui-même, le 2 2 dé ce mbr e 1858, qu el qu es moi s av an t sabienheureuse mort, comment la nuit précédente il avaitété to ur me nt é pa r celui qu'il app ela it déda igneu sement« le gra ppi n >. Le dé mo n l'avait empêché de pr en dre unseul instant de repos, remplissant sa pauvre petite chambre de brui ts é t ranges et de ligu res bizarres qui ressent*b la ie n t à des oiseaux de nu it . « Mais je m e moq ue de lui, «

ajoutait en so ur ia nt le saint pr êt re .Un jour , i m m éd i a te m e n t ap rès que le cu ré d'Ars eut

qui tté son presby tè re , vers deux he ur es du mat in , pouraller, selon son usa ge , re pr en dr e lefil in te rm inab le de sesconfessions,-on vint lui dire que le Jeu avait dévoré sonpauvre lit et remplissait sa ebanibrette. « Ce n'est rien,répondit-il tr an qu il le men t ; c'est en co re un to ur du grappin : ne pouvant prendre l'oiseau, il a pris la cage. »

Oui, l'oiseau est libro. Le lacet qui nous retenait prisonniers a été brisé par le Fils de D I E U , et nous avons étédélivrés! Notre secours, notre force, notre liberté vientde J É S U S . Demeurons libres dans le Li bér at eu r; et, lorsquel'e nnem i de no tre liberté s' ap pro ch er a de no us par latentation pour nous ravir notre trésor, unissons-nous inti

meme nt à no tre bon J É S U S , en t ro ns en lu i, réfugions-nous en lui, en lui disant quelqu'une de ces excellentesaspirations qu« nous fournissent les psaumes et que, danssa vie mortel le , il a, le p rem ier , ad ressé à son Pèrecéleste : <« M o n D I E U , v e n e z à m o n s e c o u r s ! S e i g n e u r ,

h d t e z - v o u s d e m e s e c o u r i r ! Q u ' i l s s o i e n t c o n f o n d u s e t qu'Un

t r e m b l e n t , c e u x q u i c o n v o i t e n t m o n â m e . Je n e s u i s . q u ' a n p a u v r e h o m m e , f a i b l e e t s a n s a p p u i ; m o n D I E U , a s s i s t e z - m o i . M o n s o u t i e n e t m o n l i b é r a t e u r , c ' e s t vous^ S e i g n e u r \

N e t a r d e z p a s (1). »

(1) DKUS, in adjutorium meum uilende ; Domine, ad adjuvandumme festina ! ConfundanLur et revereantur omnes qui quœrunt ani-



XOS GRA NDEU RS KN JES US. — U I . ->97

Comment les enfants de DIEU, délivrés par JÉSUS,

échappent à la fureur et à la puissance des persécuteurs.

Le Libérateur JKSUS , vivant dans ses fidèles, ne les délivre pas seulement de l'esclavage du mal et d î la ragedes démons; il les délivre e n outre de la malice et de lapuissance des hommes, qui, d 'une manière ou d'une autre,

se font ici-bas les instruments de la lutte de Satan contreJESUS-GHRIST et contre son Eglise.

Dans une de ses paraboles, Notre-Seigneur appel le ledémon « l 'homme ennemi, inimîrus homo. » C'est qu'eneffet, dans le cours ordinaire des choses, le démon se faithomme, s'il est permis de parler ainsi, inspirant des

hommes, les poussant à faire ses (ouvres, à at taquer et àdétruire le règne de D I E U sur la terre, c'est-à-dire la sainteÉglise et tout ce qui, de près ou de loin, tient à J É S U S -

CHRIST par l'Eglise. Le singe de D I E U . « ùmius U E I , »

comme dit Tertul lien, imite en cela la manière de fairedeNotre-Seigneur, lequel n'opère directement ses œuvres

de salut que d 'une ma niè re tout à fait ex tr ao rd inai re etmiraculeuse, taudis que, d 'ordinaire, il n'enseigne, neconvertit, ne sauve, ne sanctifie, ne console, ne rè gneque par ses Pontifes, ses prêt res, ses se rv it eurs , ses membres fidèles. Le démon tache de nous rendre esclaves parle ministère m audi t des p éch eurs , ses esclaves, commeJÉSUS nous délivre et nous garde dans la gloire de laliberté par le ministère bén i et par l'action de sa sainteÉglise.

mam meam. Quoniam pauper et inops sum ego et sine adjuLorio ;DEUsmeus, adjuva me. Quoniam adjutor et iiberator meus es tu,Domine ; ne moreris:



'398 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

Le moyen le plus brutal et, il faut bien le dire, le plusefficace, dont se servent les membres de Satan pour nousréduire à l'esclavage du péché qui pèse sur eux-mêmes,c'est la violence, c'est la persécution. De tout temps, lesenfants de D I E U ont été persécutés; ils le seront toujourscar, c'est de la persécution sang la n te , non mo ins que dela persécution morale, qu'il est écrit : « T o u s c e u x quiv e u l e n t v i v r e s a i n t e m e n t d a n s le C h r i s t J É S U S , souffriront ta

p e r s é c u t i o n (1). »

Quels qu'ils soient, les persécuteurs sont les organes etles in s t ru m ents du Pe rs écu le ur. Pr esqu e tous les saintsmartyrs l'ont déclaré à leurs bourreaux. « Je combatsaujourd'hui contre le diable ton frère, disait entre autresau milieu d' ép ou va ntab le s to rt ure s saiul Ta tien, quel' impie Maxime, g o u v ern eu r de Cilicie, marty ris ait au

nom de Dioclétien. Si je triomphe des armes de Satan,c'est-à-dire de toi, qui es son ministre, je serai couronnéau ciel. Ignores-tu, insensé, que c'est ton père Satan quit 'ordonne de commettre ces atrocités? » Et comme unpaïen, saisi d'horreur, l'engageait à céder à la violencedes to ur me nt s, le m ar ty r , li br e sous les ch a în es , sous les

ongles de fer, sous IPS mille instruments de torture quimettaient son corps on lambeaux, le repoussa en s'écriant:« Ret ire- toi, consei lle r et m inis t re du diab le ; j ' a i pourconseiller J É S U S - C H R I S T , mon Seigneur. Quand vous m'aurez brûlé, qu'en résultera-t-il? Inventez, si vous le voulez,d'autres supplices : le Christ est ma vie, et la mort m'est

un gain. »Et Tatie n, int rép ide ju sq u 'a u bo ut , g a r d a n t intacte la

liberté de son àme au milieu des atroces souffrances de sa

(1) Omnes qui pie volunt vivere in Christo J B S U , persecutionempatientur. (Il ad Tim. m, 12.)



NOS GRANDEURS EN JESUS . — III . 3 9 S )

chair, remit paisiblement son esprit entre les mains deson Sauveur.

« Tue-moi si tu voux , disait de son côté au proconsulla jeune vierge mar ty re Marguer ite, don t nous av onsparlé déjà ; t ue -moi , si tu veux ; déchi re -m oi , fais-moibrûler vive, jette-moi sous la dent des botes : tu peux memettre à mort; mais me séparer de ramour du Christ,

jamais. »J É S U S est fidèle ; il ne manque pas, il ue manquera ja

mais à ses vra is ser vi teu rs . L' ho mm e ennem i pe ut tu er ie•corps, mais il ne peut rien sur IVune. Il peut briser lacage, mais il ne pe ut a tt ei ndre l'oiseau, si l'oiseau ne le•veut pas : en brisant la ca ge , en tuan t le r.nrps, il ne fai tqu'assurer à tout jamais la déli vran ce de l'Ame, exilée e tcaptive sur la terre ; il lui permet d'étendre les ailes et de

prendre son essor vers les cieux.- Afin di' mettre cette vérité si profondément chrétienneen plus grande év idence, qu' on me perme tt e de cit er iciquelques traits de la vie, ou plutôt do la mort d'un autreadmirable martyr, dont la constance a lassé la fureur desempereurs* Dioctétien et Maximien en personne, sans

compter neuf proconsu ls qui, l'un aprè s l 'a ut re , tent èrent va inem en t d' ar ra ch er ce gr an d lidcle à l ' am ou r deson J É S U S . Je \eux parler de saint Clément, Évéque d'An-cyre. en Gatatie. à la fin du troisième siècle.

Exemple mémorable de l'inviolabilité de l'âme,

qui vit tout en JÉSUS-CHRIST.

• Clément avait à pe ine vin g t a ns , lorsqu 'il fut n o m m éÉvêque d 'A ncy re. Il fut mar tyr isé à la fleur de l 'âge, àvingt-huit ans ; et les der ni èr es année s de sa vie ne fu re ntqu'un.long supplice, un miracle continuel (1)..

(i)Bolland., Acia Sonet., 23 jan.



400 L A P I É T É E T L A V I E I N T É U I Ë U A K

Il avait eu pour mère une vraie chrétienne, une femmeple in e de foi et d 'é nergie . Klle d o n n a à son fils le nomde Clément, qui, en grec, veut dire rameau* dans l'espérance qu'il serait un jour un véritable et vivant rameaude cette vigne qui est le Christ, et que, fécondé par lasève du Rédempteur, il se couvrirait, comme de grappesmagnifiques, de tou tes sort es de bo nn es œuvr es e' devérins. C'est ce rameau béni que les tyrans, dévastateursde la vigne, frappèrent de mille coups, sans jamais pou

voir le détacher du cep.Le je une Cléme nt avai t douze an s lo rsqu'i l perd it samère. Celle-ci, se sentant mourir, l'appela auprès d'elleet, après l'avoir tendrement embrassé, lui dit : « Mou filsbien aimé, c'est moi qui t'ai donné la vie qui passe ; maisc'est le Christ qui t'a régénéré pour la vie éternelle, et en

lui seul est le salut. Quiconque, en elfet, croit au SeigneurJ É S U S - C H R I S T , celui-là triomphera du démon et de ses artifices; il mépri se ra les p lus cruel s su pp li ce s et brisera lapuis sance de tous ses e n n e m i s . Auj ou rd 'h ui , mon fils,au jourd 'hu i qu e les t e m p s s on t mauva is , j e te prie engr âc e d'être inéb ra nl ab le dans tes réso lu tion s, et de con

fesser courageusement J É S U S - C H R I S T , afin que, selon sapromesse, lu sois conduit, pour l'amour de son nom, devant les juges et les gouverneurs.

« J'e spère pa r le Ch rist qu 'e n toi , mon fils, q u i es» lefruit de mes en trai ll es , fleurira la couronne du martyre,pour ma propre gloire et pour le salut d'un grand nombre

d 'àmes.« Je t'en supp lie, mon doux enfa nt , ne frus tr e pas mon

espérance. Les menaces et les supplices des princes de ce-monde ne durent qu'un temps; leurs brasiers s 'éteignent;leurs glaives se rouillent; il faut mépriser leurs colères.

«.Que rien de tout cela ne te sépare de J É S U S - C H R I S T , et



NOS GR ANDEUR S EN JESU S. — III. 401

xiv 26

n'arrête ta marche vers le ciel où il règne. Fais en sorteque mon sein ait vé ri ta b le men t porté un con fesseu r duGhrist, et que je puisse me dire la mère d' un m a r ty r duSeigneur. » Et pen da n t to ut e cette j o u rn é e la pieuse m è r ene cessait d 'e mbra ss er son fils, Elle ba is ai t re li gi eu se ment ses yeux, sa bou ch e, ses ma ins , sa po it ri ne , di santprophétiquement avec des la rm es de joi e : « Heu re us esuis-jeaujourd'hui de pouvoir embrasser encore les membres d'un martyr ! » Et elle s 'e nd orm it pa isi bl em en t da nsle Seigneur.

Clément resta toujours digne de sa sainte mère, si bienque, à 1 âge de vi ng t ans, il fut u n a n i m e m e n t ac cl am éBvêque d'Ancyre. Plein de J É S U S - C I I R I S T , il était le pèredes orphelins el des malheureux. Sa renommée le désignabientôt à la fureur des proconsuls de Dioctétien, qui avaient

juré d' ex te rm in er to ta le me nt la race des ch ré ti ens. Sonmartyre, terrible, iuouï, onze fois répété, dura plusieursannées.

Pour faire fléchir sa volonté , le pro co ns ul Do mi tienemploya inutilement et les promesses et les menaces :« Ne t' im ag ïn c pas, lui répo nd it le no ble É vê qu e, ne

t'imagine pas que tes promesses ou tes terreurs aient lepouvoir de me détourner de la vérité. Je ne convoite pasles richesses, et je ne cra ins pas la m o r t ; j e la dési replutôt, pa rce qu'e lle m 'i n t ro duir a d ans la vie ét er ne ll e,

j'espère que le Christ viendra à mon secours, et cet espoirne sera pas f rus t ré . — Je te ferai pa sser pa r tous les

tourments, afin d'apprendre à tous ceux de ta secte à nepas mépriser les édits im péri aux , lu i dit alor s Do mi tien -Qu'on le su sp ende et qu 'on le déchire ave c les ongle s d efer. » Bientôt le m a r t y r ne fut plus q u ' u n e p la ie ; onvoyait tous ses os . Il ne c h a n g e a pas m êm e de vi sa ge , n epoussa pas une plainte : « Gloire à vous, disait-il en re

gardant le ciel; gloire à vous, ô Ghrist, qui êtes ma lu-



402 JLA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

mière, ma vie, le soufïle de ma poitrine, la joie de monàm e ! Grâces vous soient rendues, o vous qui m'avezdonné l'être et qui daignez aujourd'hui me sauver! Déjà'm o n coeur tressaille d al légres se : toute souffrance m'estchère, par le désir que j'ai de vous posséder. Seul vousêtes le refuge de tous ceux qui souffrent. »

Les licteurs étaient tout à coup tombés sans force.« Penses-tu inavoir déjà vaincu? » s'écrie le juge frémis-sant. « Ce n'est point là ma pensée, répondit tranquille

ment le confesseur de la foi ; mais je crois et j'espère quele Christ, qui est en moi. a lui-même triomphé, triomphemaintenant e t t r iomphera encore. »

D'autres bourreaux furent appelés. Le supplice recommença, jusqu'à ce que Clément n eut pour ainsi dire plusde chair su r les os . 11 étai t te l lement déf iguré que les lic

teurs n'osaient le toucher, quand ils l 'eurent détaché duchevalet. « Aie enfin pitié de ton co rp s, lui di t le cruel juge. — Par ces tourments que j 'endure, répondit lemartyr, je procure à mon corps l ' incorruptibilité, et l ' immortalité à mon àme. » El Donation ayant ajouté qu'ilallait lui faire donner des soins pour le mettre bientôt en

état de subi r d 'au tres t or tu re s : « Tes menac es, l ui réponditle bi en he ur eu x, so ut ie nn en t mo n atte nt e. Mets donc enœuvre contre moi tout ce que pourront t ' inspirer ta malice et ta cruauté. » Aussitôt on lui déchira le visage, etcomme sa cons tance surhumaine commençai t à ébranlertoute l'assistance , le p ro co ns ul, frappé d 'é po uva nte , le fit

r am ener en pr iso n. « Je l' en ve rra i à Dioclétien, dit-il;c'est un gra nd or donna te u r de sup p li ce s; lui seul estcapable de va in cre un e par eil le op in iâ tr et é. » Et peu de

jo urs après, Clément, m i r ac u leu sem e n t gu ér i de ses blessures par son tout puissant Sauveur, partait pour Rome,chargé de chaînes.

Il comparut devant l 'empereur Dioclétien, qui, voyant,



NOS GRANDEURS EN JESUS. — H I . 403

]a fraîcheur du visage et du corps du b ie nheu re ux , c ru td'abord qu'on lava il t ro mpé. Aux répo nses et au co ura gede Clément, il rev in t bi en tô t de cet te pensée. Il fit doncétaler devant ses yeux, d'un côté, tout ce qui est capablede séduire l'ambiti on , la cu pi di té et la vo lup té ; de l' au t re ,la collection comp lè te des ins t rument s de to rture : lesongles de fers, les lames tranchantes, les scies, les chaudières, les casques d'airain brûlant, les grils, les roues,les-fouets plombés, lit comme Clément regardait tout

cela d'un air de piété, le cruel empereur le fit attacher àla roue, qu i, au pr emier tour br is a les os du m a r ty r avecd'horribles craquements. Il fut ainsi roué et torturé pendant plus ieurs he ur es , sa ns un m om en t de rép it. Broyédans son corps,.mais toujours libre, toujours inviolabledans le sa nc tu ai re de son à me , où il d emeura it in ti me

ment uni à son Maître crucifié, on l'entendait prier. A lafin, il s'écria. : « Seigneur J É S U S - C H R I S T , assistez-moi! C'esten me confiant à vous que je me su is liv ré à ces tour ments. Voyez mon co rp s tout br isé : guér issez- le , afin defaire éclaterJa gloire de votre nom, et pour que je puisseaffronter de nouveaux combats, à la honte et à la confu

sion des im pies! » Aussitôt la roue s'a rrê ta , les bourr eau xtombèrent de lassitude, et le corps du martyr, miraculeusement dé livré de ses l ien s, se tro uva sain et sauf, complètement guéri, à la stupéfaction de tous.

Alors le bienheureux Clément, ce rameau précieux duChrist, vo ya nt exi espr it les gr ap pes sp ir it ue ll es qu i , du

fruit de ses travaux, devaient surgir pour le Seigneur, semit à prier à haut:.1 voix et à prêcher la foi à la nombreuseassistance qui entourait le tribunal. Dioclétien exaspéré,le lit frapper sur la bouche avec des clous de fer ; maispendant que ses dents volaient en éclats, la voix du bienheureux n'en était que plus vibrante, et tous étaient saisis



•i(M LA. PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

d' ad mi ra tio n. Va incu , l 'em pe reur le fit tr aî ne r dans laprisou publique, où la foule l'accompagna comme entriomphe. Kl, durant la nuit, Clément les ayanL inslruilsdes cléments de la foi et de l'amour dù au Seigneur J É S U S ,

Créateur et Rédempteur du monde, ils demandèrent tous,el reçurent de lui le saint Baptême, dans les transportsd'une joie inexprimable.

Une lumière surnaturelle brilla soudain dans la prison;on vit un Ange resplendissant déposer entre les mains du

martyr le pain et le calice pour la confection des saintsmystères, après quoi l 'Ange disparut. Le bienheureuxClément, Loul radieux, réci ta les pri ère s sa cr ée s et lesmystiques bénédictions, et communia avec lu précieux;mystère du Corps et du Sang divins les nouveaux fidèlesqu'il venait d'enfanter à J É S U S - C H R I S T . Ces réunions fé

condes se suc céd ère nt pe nd an t pl us ie urs nu it s, et leuombre des ch ré ti en s, ainsi que leur ferveur, augmentaitde jour en jour. Averti de ce qui se passait, l'empereurles fit tous saisi r; on les conduis i t ho rs de la vi lle, et là onles ma ssac ra tous, ho mm es , fem me s, enfan ts , en haine dunom de J É S U S - C H R I S T .

Dioctétien manda une seconde fois le bienheureux Clément devant son tribunal, et le fit appliquer à de tellesto rtur es que son corps nagea it dans le sang . « Tout toncorps fait ho rr eur à vo ir, lu i dit alors le mo ns t re ; maiston esprit n'eu est que plus opiniâtre. Es-tu donc de fer?car tu semblés dormir. — Tu dis vrai, je me repose dans

le Christ p en da nl qu 'on me to rtur e po ur son am ou r, et jene me réveille que pour confesser son nom. » Les griffesde fer et les tor che s a r d e n t e s ' n e p u re n t lui arracher.uneplainte. Il déclara que Celui qui l'avait déjà guéri deuxfois, allait le guérir encore, en remplaçant par une chairnouvel le les affreux lamb ea ux qu i penda ie n t, co mm e des




haillons de ses os dénudés. Dioclctieii, déconcerté parcelle con stance su rh u m a i n e , cacha sa. défaite en r en voyant le Sa in t de va nt son co llègue, Max im ien Au gu ste,qui résidait ù Nioomédie. « Je n'ai ja m a is re nco ntr é, di t-il avec dépit , un espr it plus rebe lle, ni u n co rps plus in sensible! »

Sur le navire qui l 'emportait, Clément trouva un chrétien, nommé Agathangc; c'était celui qu'il avait baptiséle premie r dans la pri so n, tl l'emb ras sa avec a mour :

« Soyez béni, Se igneur monD I E U ,

dit-il; vous êtes maconsolation et ma défense. Dans toutes mes peines, vousêtes venu le p remie r ve rs moi pou r ga rde r et secour irvotre se rvi teu r. So ig ne ur , donnez aussi à m on bon frèreÀgathange une volonté ferme et invincible; et qu'il s'illustre par une glorieuse confession ! »

On voulut les réduire par la faim, mais Clément nes'en inquiétait pas. « Pourvu que je porte dans mon cœurle Pain du ciel, répétai t- i l , je ne souffrirai pas de la faim;et pourvu q ue je pu isse boire l'eau de Vie, je n 'au ra i ja mais soif. » Arrivés àNicomédie, les deux confesseurs dela foi fu rent soumis à d'affreuses to r ture s , et Clément ,

suspendu au chevalet, priait en disant : « Seigneur J É S U S -

C H R I S T , D I E U tout puissant, qui avez montré au fidèlelarron, at taché co m m e vo us à la cro ix , te bonheur d uParadis, donnez-moi la patience. Donnez aussi à votreserviteur Agathange la constance dans !es tourments,afin qu'il triomphe de ses ennemis, et que le Diable ne

puisse préval oir co nt re lu i ! (rloire à vous , ù Chri st ! c a rVous êtes avec nous, vous le D I E U des m a rt y rs . » Le pe upl elui-même finit par s'indigner contre la barbarie des bourreaux et, au mil ieu d' une sorte d 'é meu te , on en te ndi tcrier : « Il'est g r an d , il est grand , le D I E U des ch ré ti en s ! »

Partout les saints martyrs lassaient et les proconsuls et



40fi LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

les licteurs. De Nicomédie t on les envoya à Ancyre;d'Ancyre àAmysie , pu i sa Tarse, d'où ils rev in re nt à Ancyre, pour y terminer leur longue et triomphante confession. Ils furent exposés aux lions et aux tigres, qui secouchèrent à leurs p ieds ; ils eure nt le corps percé pendant de longues heures par des alênes rougies au feu;cousus dans des sacs, ils furent précipités dans la mer enroulant de rochers en rocher s, et le Seigneur les environna de lumi ère, les re ti ran t de L'abîme. Us furent jetés

comme les trois enfant s de Babylone dans une fournaiseardente; et lorsque après une journée entière les bourreauxs'approchèrent du terrible foyer, ils les trouvèrent debout,lumineux, priant les bras en croix. Us furent enfouis dansune obscure prison, où Ton espérait les vaincre par lalangueur, et ils y restèrent quatre ans. On les éprouva

par le feu de toutes sortes de manières; on les jeta dansla chaux vive, d'où ils sortirent sains et saufs ; Agathangeeut la tête brûlée avec du plomb fondu ; on mit à Clément,le terrible casque d'airain brûlant; et, pendant cet atrocesupplice, l'intrépide martyr, toujours calme, toujours vivant en J É S U S - C H R I S T , plus qu 'eu lu i- mê me , disait :

« L ' h o mme ext ér ie ur peut bien être dét ru it , et il fautd'ailleurs qu'il le soit d'une manière ou d'une autre;ma is pour l 'homme int éri eur , il est en ti èr em en t renouvelé.0 Seigneur, mon D I E U , rosée de mon salut, rafraîchissez-moi par votre grâce bienfaisante; car, avec le fer embrasé,ces impies veu len t brûl er le sanc tuai re de mon àme. »

, On les étendi t tous deux sur des lits de fer rougi, etpendant que le feu. activé par l'huile, la poix et le souffreco sumait cruel lement leurs ch ai rs , ils s'écr iaient : « 0Jésus, Roi invincible, vous combattez vous-même avecn o u s ! Vous nous soutenez au milieu des tortures, afin quenotre faible corps triomphe de tous les supplices et ma-



NOS GRANDEURS EN J ESUS. — I I I . 5 0 7

nifeste vo tre tou te puiss ance . » Kt saisis d 'u n so mmei lsurnaturel, ils virent tous deux Notre-Seigneur Jrcsus-OHRIST qui vena.it h eux avec un e a rm ée d'Anges, et quileur dit : « Ne cr ai gnez r ie n , je -su is avec vo us . »

Après un de ces supplices qui faisait horreur mêmeaux bourr eaux . Clément, tont en la mbea ux , dit au pro consul : « Re co nn ai s- tu enfin, o j u g e b arbare et slup ide,que ce n'est pas seu lement no tre corps qu i co mbat de lasorte, mais Celui qu i ju sq u' à pr és en t re t ie nt dans cette

fragile enve loppe no tre nm e d epu is longtemps prèle «àl'abandonner. N ou s- mê me s, nou s ad m i ron s la. vertu duChrist en nous. »

Le bi en he ure ux A ga th an ge co ns om m a le premie r sonsacrifice par le glaive, le cinquième jour de novembre.Quant à Clément, il eut encore à souffrir quelques semai

nes dans la prison d' Anc yre ; tous les jou r s , le proconsu lle faisait frapper de ce nt ci nquan te co up s de bâton su rle visage et sur la t ê t e ; et toutes les n u i t s , les sa in ts Anges le relevaient d em i -m o rt et gu ér is sa ie nt mi ra cu le us e-ment toutes ses blessures. Aux fêtes de Noël et de l'Epiphanie, lesch ré t iens v inren t le t ir er de sa pri son sa ns

éprouver de ré s i s tance ; il célébra au mi li eu d 'eux lessaints mystères; il les exhorta et les sanctifia par des paroles plus divines qu'humaines; il leur prophétisa la conversion de l'empire, la chute du paganisme, la glorification de l'Eglise et des martyrs du Christ par toute la terre.Enfin, le 23 j anv ie r, un j o u r de d i m a n c h e , au m o m e n t

où, assisté de. ses p rê tres et de ses d iacres , le gl or ieuxÉvêque venait de consacrer sur l'autel le Corps et le Sangde* son Seigneur, la petite église où il célébrait le sacrifice fut tout h coup envahie par une troupe de satellites;ils se ru èr en t su r Cl ém en t, qu i avait en ce m o m e n t latête inclinée s ur l 'au tel , et la lui t r an chè ren t , mêl an t son

sang très pu r au Sang de l'adorable Vic time .

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•408 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

Et ainsi fut conso mm é, pour cet in co mpar ab le héros deJ É S U S - C H R I S T , le mys lère de déli vran ce c o m m e n cé dansles eaux du Baptême, poursuivi et développé par la prière,par la chasteté, par la pénitence et par une sainteté véritablement évangélique, constamment nourri et fortif iépar la divine Eucharistie. Par J É S U S et en J É S U S , il triomp h a de la fureur des h o m m es , et sa sa in te âme, libre etpuissante, inviolable dans la prison de son corps, netrouva dans la mort que la consommation d'une libertó

•désormais éternelle.Que ce gran d ex em pl e no us a p p re n n e à tous à garder,pleine et entière, la liberté de notre homme intérieur aumil ie u des ép reuv es de la vie. Qui de nous n 'a point àsouffrir, d'une manière ou d'une autre, persécution pourla justice ?

Pré pa ro ns -n ou s à v ai nc re les gr an de s persécutions, end e m eu ran t ferm es de va nt les petites ; de va nt celles durespect humain, par exemple, des moqueries, des coupsde langue et des mépris ; devant celles de la calomnie, et•de l'in jus tice ; devant les mil le et u n e per sé cu ti ons de laméchanceté des hommes. « C e l u i q u i e s t f i d è l e d a n s les

p e t i t e s c h o s e s , s e r a fidèle d a n s l e s g r a n d e s (1), » a dit notreSauveur . So yons lu i fidèles, dans le menu détail de la vie;soyons lui très fidèles, afin de nous enraciner fortementen lui, par une vie de renoncement, de mortification etd 'amour. Vivants rameaux de J É S U S - C H R I S T , ne faisons-q u 'u n avec le cep qui nous por te ; et qu e j a m a i s l'homme

ne parvienne à séparer ce que D I E U a uni.

(i) Oui fidelis est in mínimo, et in majori iideîis- est. (Luc. xvu)



NOS GRANDEURS EN J É S U S . — III . -109

Quels sont ici-bas les hommes le plus véritablement libres ?

Ce sont les chré t iens fervents qui., v isa n t droi t au cielet aimant J É S U S par dessus tout, vi vent po ur lui et nonpour eux-mêmes, sont véritablement détachés de la terre,mettent les jo ie s de Tame au- de ssus des joies du co rps et

soumettent cordialement leur volonté à la très saintevolonté de D I E U . En d'autres termes, co sont les chrétiensqui aiment et qui p ra t iqu en t sé ri eu se men t la pauv retéévangélique, la chasteté et l'obéissance, soit au milieu dumonde, quand ils y sont retenus, soit dans Ja paix de lavie religieuse et dans le r eno ncem en t effectif au m o n d e .

Voilà les h o m m e s qu i son t ici-bas libres entr e les p lu slibres.La pauvre té é va ng él iq ue est le p rem ier secret de la

parfaite liberté. Un homme qui a le cœur détaché de tousles biens de la te rr e , res sembl e n un petit oiseau librecomme l'air, pe rc ha nt indifféremment s ur la prem ièr e

branche qui se rencontre, vivant au jour le jour, sans sepréoccuper de l' av en ir . C'est p ré c isément ce que disailun jour sa in t F rançois d'Assise à ses frères : « Nous sommes comme les pe tit s o is ea ux ; nous n 'a von s r i e u ; no usvivons de Providence. Pieds nus, nous foulons la terre

.sans nous y at ta ch er . Nous ch an to ns in ce ss am me nt les

louanges cle DIEU ; et nos ailes sont toujours prêtée h s'ouvrir pour nous porter aux deux. »

Cette liberté joyeuse est le partage, en même temps quele cachet spécia l, des Saints ' qui on t le .m ieux pra ti qué lasainte pauvre té . JUs sont libres parce qu ils sont détachés,et ils sont joyeux p arce qu 'i ls sont li br es . Que faire à de s *



410 L A P I E T E E T L A V I E I N T E R I E U R E

gens qu i ne ti en nen t à rien ici-b as, et do nt « l a oie est

t o u t e c a c h é e e n D I E U a v e c J É S U S - C H R I S T ( 1 ) ? » Les pauvresd'e spri t sont co m m e les an cien s a t h l è t e s : ils se dépouille n t de tout pour don ner moins de prise â leurs adversai res et pour être plus agiles dan s le com bat .

« L a c u p i d i t é e s t l a r a c i n e d e l o u s l e s m a u x (2), » dit l 'Écriture. La cupidité est comme l'àme des richesses; il estbien difficile d'être riche sans tenir à ce qu'on a, surtoutsi l'on est très riche. L'argent est lourd: c'est un poids

qui empêche des miliers d'àmes de s'élever au-dessus dela terre et d'aller à D I E U . Voilà pourquoi le Libérateur divin a voulu nous apparaître pauvre : la pauvreté, au moinsaffective, est la grande voie de la liberté. Tout chrétiendoi t êt re, en effet, disciple de la pauvre té évangélique,encore que D I E U n 'a it p as jugé à propo s de le faire naître,

selon le mot profond de sainte Jeanne de Chantai, « dansla grâce de la pauvreté. » La liberté est fille du détac h e m e n t .

Elle est également fille de la c has te t é ; car les sens ne*sont pas un obstacle moins réel au libre essor des puissanc es de IVime. La chasteté , et sur tout la chas te té par

faite, loin d'être un joug, est une délivrance. Dans l'étatde nat ur e dé ch ue , il fau t ab so lu ment « se reno ncer soi-m ê m e , » si Ton veut su iv re J É S U S , et, par J É S U S , reconquér i r la. liberté : or, p lu s on est chast e , p lu s on se renonceso i-mêm e. Si la ri ch es se est un jo ug d'or , le mariage estun joug de chair ; et les chrétiens mariés ont, dit l'Esprit-

Sa in t, « la t ri bu la t ion de la cha i r (3). » Tout purifié, toutsanctifié qu'il est par le sacrement, le mariage est un état

(1) Vita est abscondita cum Chrlsto in DEO. (Ad Col. ni, 3.)(2) Radix omnium malorum est cupiditas. (I ad Tim. vi, 10.)(3) Tribulalionem carnis hahebunl hujusmodi. (lad Cor. vn,

28.)



NOS GRANDEURS WN JE SU S. — III. 411

imparfait; et l ' expérience m on tr e c haque jou r qu'il ar rête bien souvent, lui nussi, l'essor de lïune vers la sainteté. L'état de virginité et de continence est un état « meil-leuretplus heureux (1), » comme dit le Concile de Trente,parce que c'est.un état de liberté plus parfaite.

Enfin, l'hum bl e et do uc e obé is sance nous appo rte, elleaussi, le trésor de la liberté véritable. Elle nous donne desmoyens très abondants et très efficaces d'aller droit ànotre fin dernière, ce qui est l'essence même de la liberté.

Gomme il est facile à une Ame humble et obéissante deconnaître clairement les saintes volontés de D I E U en toutes choses ! JJÈSUS n'a-t-il pas dit à ses envoyés: « C e l u iqui vous é c o u t e , m ' é c o u t e (2) ? » Or, tout Supé ri eu r légi time est, à un ti tre ou à. un au t re , l' envoyé de Notre-Seigneur, le dépositaire et le dispensateur de son autorité.

L'obéissance nous fait pratiquer le renoncement à nous-mêmes, plus intimement encore que la chasteté et lapauvreté ; c'est ce qu 'i l y a de plus in t ime, de plus nous-mêmes en nous-mêmes ; et comme l'amour-propre, c'est-à-dire l'amour désordonné de soi-même, est I.e grandobstacle du- sa lu t, tout ce qui va davantage à la rac ine

de l'amour -propre, est ce qu i nou s dé liv re pa r là m ê m eplus radi ca le me nt . Obéir à Celui-là seu l qui sauve, c'es tse sauver très sûrement ; obéir au Libérateur, n'obéir qu'àlui, se do nn er tout à lui, c'est é vi de mmen t ac qu ér ir laliberté.

Nos Rel igieux , qu i em br as se nt co m m e éta t spécial la

perfection chrétienne de la pauvreté, de la chasteté et del'obéissance, sont donc dans un état de liberté p lu s parfaite qu e tous les aut re s hommes, même que tous les

(1) Melius ac beatius. (Sess. xxiv, can. x.)(2) Qui vos audit.'me audil. (Luc. x, 16.)



-H 2 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

autres chrétiens ; et parmi les Religieux eux-mêmes, ceuxqui sont les plus libres, ce sont les plus parfaitement Religi eu x, c'est-à-dire ceux qui so nt pl us to ta leme nt et plus

joyeusement pauvres, ceux qui sont plus saintementchas te s, ceux d on t l'obéis sance est plus simple , plusnaïve , plus en tière. La sainte té, c'est l' atmo sp hè re de laliberté.

Les mondains font vraiment compassion quand ilss'apitoient sur la dure condition, sur le soi-disant escla :

vage où se réduisent les Religieux, et même les chrétienstrès -pieux. Superficiels pa rce qu'i ls soul mo nd ai ns , ilss' ar rê tent à l'écorce et ne pén è tr en t pa s ju sq u' au fruitdélicieux que l'écorce n'enveloppe que pour le protéger.Ils oublient, ou plutôt ils ne comprennent pas l 'appel à la

liberté, contenu dans cette divine parole du Rédempteur:

« V e n e z à m o i , n o n s l o t i s q u i (des c h a r g é s ! P r e n e z m o n joug s u r c o u s , c a r m o n j o u g e s t d o u x e t m o n f a r d e a u e s t l é g e r (1 ) . »En effet, il faut choisi r entre deux jo u g s : ce lui du mondeou celui de J É S U S . « L'un pèse et accable , dit sa in t August in : l'au tre , celui du Chris t, soulage et po rte ; l'un apportedes ailes. Prenez un oiseau et co upe z- lu i les ailes : en

apparence, vous allégez son poids; en réalité, plus vousl'allégerez de la so rt e, et plu s il re st er a par terr e . Vousavez voulu le dé livrer d 'un poids , et le vo i làg isan t à terre;il ne vole plus, parce que vous lui avez enlevé le fardeaude ses ailes ; re ndez -l e- lui , et il vo le ra . Tel est le joug duChrist. Portons-le! Pas de lâcheté. Ne faisons pas atten

tion à ceux qui ne veulent point le porter ; que ceux qui've ul en t le po rte r le po rten t, et ils ve rr on t co mb ien il est

(1) Venite ad me oinnes qui oneratî e s t i s . . . Tollite jugum meumsuper v o s . . . , iugum enim meum suave est et onus meum eve.{Ev. Mallh. xi, 29.)




léger, combien il est do ux, co mbien il est a imable , combien il enlève au ciel et arrache i\ la terre (1). »

Oui, mon Sauveur, « ils obtiendront une grande libertéd'esprit, ceux qui , pour la gl oi re de votre nom, sero ntentrés dans la vo ie ét ro ite, le cœur plein de mépr is pourLES SOLLICITUDES DE CE M O N D E . 0 DOUX ELAIM ABLE SERVICE DE

PIEU, qui ren d l 'h o m m e v ra im en t lib re et saiu t ! 0 saintétat de la conséc ra tion re ligieuse , qu i re nd l 'h omme égalaux Anges, et te rr ib le au x d ém o n s ! Doux serv ice QU ' i l

faut embrasse r et dési rer toujours, p ui squ' il nous mér i tele souverain b ien et nous assu re la joie qui ne finira jamais (2) ! »

Curieux témoignages d'un socialiste et d'un galérien.

A ce sujet, je me rappe lle deux tra its aussi cu ri eu x queconcluants.

Le pr em ie r m 'a été rapporté pa r celu i-là m ê m e qui enavait été l'acteur, ex ce llen t p rê tr e , plein de cœur et dezèle, intrépide champion de la foi. il avait pris courageusement et à diverses reprises la défense de la religiondans une de ces ass emblées dé so rd on né es où les pauvre souvriers, livrés au premier venu, entendaient blasphèmesur b lasp hème; et il ava it obtenu su r ces masses P O P U

laires, plutôt égarées que perverses, d'incroyables succès.

Due fois, entre deux luttes, il se reposait en priant; et sanss'inquiéter le moins du monde de l'étrange milieu où il setrouvait, il sériait rapproché d'une lumière, et là, debout,fier de sa foi, t ranqui l le en son c œur , il réci ta it son bré -

(i) Jn Psal .Lix , 8.

12} Imitation, I. III, ohap. x.




viaire.« Je faisais, me disait-il, mes beaux signes de croix,plus gra nd s que d' ha bi tu de , et je ne pouvais m'empêcherde sourire en apercevant rétonnemeut de mes démocratiques voisins, il faut le dir e à le ur l o u a n g e : pas u n seul NEse per mit un mot de blâme ou de rai lle rie . Quand j'eus"fini, et au m o m ent où la séance al la it se reprendre , l'und'eux, barbu co m m e un vrai sa in t-s imon ien, qu'il était,v in t à moi , me pr it la m a i n et m e di t avec u n étrangeaccent de c on vic ti on : « En vé ri té . Monsieur, j e vous

ad mi re ; vous êtes pour mo i le type de l' homme lib re. —Vous avez bien raison, lui répondis.je ; je suis libre, parceque JE suis ch ré ti en , parce que je n'a i d' au tr e maî tr e queD I E U . C'est ce que je voudrai s vo us faire co mp rend re àtous ici : l'Eglise est la Mère de la v raie l iberté ; la foi etla vie chrétienne, c'est la délivrance, c'est la liberté.

Vous me faites grandement compassion ; car vous n'êtes,vous autres, que de pauvres esclaves, courbés sous le jougde vos passions, et CE qui est p lu s ind ig ne e nc or e, sous le

joug des passions des autres. Moi chrétien, moi prêtre, JEsuis libre, paroo qui» JT1 suis à J É S U S - C H R I S T . »

Nous serions les maîtres du monde, si nous avions tous

un peu de cette belle fierté chrétienne. Le respect humainest un esclavage ignoble et de plus une véritable aberration d'esprit : ro ug ir de l' honneur ineffable de son baptême;ro ugir de la vé ri té , et de la vé ri té en sa manifestation laplus sublime, la plus magnifique, la plus douce, la plusravis sante ; ro ug ir du bi en ; ro ug ir de J É S U S - C H R I S T ; quelle

folie inconcevable et quelle dégradation !Le second fait que je me rappelle est arrivé à un pieux

missionnaire de la Compagnie de J É S U S dans une granderetraite qu'il venait de donner aux forçats, dans le bagnede Brest. Je le lui ai entendu raconter à lui-même. Parmiles pauv res forçats qui ét ai en t ven us le t rouver au con-



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III 415

fessioimal, il y en eut un qui ne voulut jamais lui dire, nison nom, ni même sou n u m é r o ; sa parole étai t paisibleet douce, et son lang ag e dé no ta it une ce rt ai ne éduca tion ,«Pourquoi etes-vous ici? » lui demanda le Père. — « J'aiété condamné co mm e in ce nd ia ir e, lui répond it le ga lérien; mais en réa lité je suis ici par la mis ér ic or de deDIBU pour expier tous les péchés de ma vie. Qu ant aucrime pour lequel j 'ai été condamné, j'en suis innocent.—Ne me dites pas cela, mon pauvre ami . Aux j u g e s et de vant les ju ré s , passe e n co re ; mais ici, no us so mmes de va ntDIEU qui sait t o u t ; et mo i, j e ne suis po ur vous q u ' u npère et un conso la teur. » Alors le forçat lui raconta comment, après de long ue s années passées dans le dé so rd re ,il était revenu au bon D I E U et comment jadis , malgré lasincérité de sa foi et de son repentir, malgré la réception

assez fréquente des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, il avai t to ujo urs eu au fond du cœur, com m e unver rongeu r, la cr ai nt e de n'êt re po in t pa rd onné . « Jedemandais de pu is long te mps au bon D I K U un signe de laréalité de mon p a r d o n ; lo rsqu 'un beau j o u r le feu pr itaux granges d'u n gros fermier, av ec qui j ' é ta i s m a l g r é

moi en procès. Cet h o m m e m' ac cu sa de l' in ce nd ie ;d'étranges ci rc on st an ce s v in re n t don ner à cette ac cu sa tion de telles apparences de vérité, que je fus arrêté, jugéel condamné. Mais, à mes ure que je me sen ta is en foncerdans l 'abîme, j ' ép ro uva is u ne paix si ex tr ao rd in ai re enmon âme, m a co nscience jusque -là toujours in qu iè te

entrait dans une tranquillité et dans une joie si profondes,que je compris dès le début de l'affaire, que le doig t deDIEU était là. C'est lui qui venait à moi par l'humiliation.C'était le signe que j'avais demandé si longtemps.

« Il y a dix ou douze a n s que j e sui s dans ce bagne,ajouta-l-il; je con t inue d'y goû te r le b onheu r du pa rdon -



116 LA PIÉTÉ KT LA VIE INTERIEURE

J ' a i beau être encha îné et forçat au dehors : je suis libreau dedans , et mon àme est dans la jo ie, 3haque jo ur jebénis D I E U , et n'a i d' au tr e dou le ur que d'ê tre obligé d entendre trop souvent les blasphèmes et les mauvaisdiscou rs de me s com p ag no ns de capt iv ité . » Tout celaétait dit avec un e sé réni té , avec un a cc en t de véri té quiremuait le missionnaire jusqu'au, fond de i 'àme.

En vain, le Père proposa à ce bienheureux d'un nouveauge nr e de pa rl er po ur lui aux au to ri té s co mp éten te s; il

refusa constamment, et ne voulut pas môme, je le répète,Paire connaî tre son n om . « Ce forçat, ajou ta it le bonMissionnaire , est cer ta in ement l'àme la plus libre et laplus élevée que je me rappelle avoir jamais rencontrée. »

Ne cherchons que le bon D I E U , et nous serons libres aumilieu môme de* chaînes et des épreuves.

Du caractère souverain et royal de notre libertéen JÉSUS-CHRIST,

L'état de libe rté est un état ro yal , un état glorieux et

souverain , qu i conv ie n t mer ve il le us em en t à des fils deD I E U , membres vi va nt s du Christ, Roi de gloi re . Le suprême degré de la libe rté, c'est la so uve ra in et é et l'indépendance ; mais cela n'appartient qu'à D I E U : et c'est pourquoi le second degré, auquel les enfants de D I E U doiventse ranger à la suite de J É S U S - C H R I S T leur chef, c'est d'être

immédiatement au-dessous de D I E U , de ne dépendre quede lui seu l ; de s' at tach er te ll emen t à lu i, qu' ils soient,par ce moyen, au-dessus de tout. C'est comme à la courdes rois de la terre, où le fils, l'héritier présomptif, tientla pr em iè re place a près le roi son pè re .

Voilà la lib erté qui co nvi en t au c h r é t i e n : une liberté



NOS GRANDEURS EN JESUS — I I I 417

raisonnable, qui sait se tenir dans son ordre ; qui ne s'emporte ni ne se raba is se ; qui ti en t à glo ire de céder àDIEU et à son Christ; qui s'estimerait ravilie de se rendreesclave des créatures ; qui croit ne se pouvoir conserver,qu'en se soumettant à Celui qui lui a soumis toutes choses.C'est ainsi que l 'hom me doit ci re libre ( 1 ) .

Nous vo yo ns que , dans u n État, le p rem ie r de gré del'autorité, c'est d'avoir le m a n i e m e n t so uv erain desaffaires; et le second, de s'attacher tellement à celui qui

tient le go uv erna il , qu 'en ne dé pe nd an t q u e d e l u i on voietout le reste au -d es so us de soi. Ainsi , dans la créat io n,Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T est, en l'unité du Père et duSaint-Esprit, le Roi admirab le de qui to ut dépen d et quine dépend de p ersonne, le Roi de libe rté et de glo ire' : saliberté, nous lavons vu, est au-dessus de toute liberté, et

se confond avec sa toute-puissance. La nôtre est un rayonnement de sa lib ert é ro ya le ; c'est une pa rt ic ip at io n à sasouveraineté, conséquence de notre soumission à sa souveraineté, et de notre union d'amour à sa personne.

« Il nous faut, dit ma gn if iq ue me nt sain t Bo na ve nt ur e,nous unir A 'Celui qui est la souveraine Majesté, la Vérité

immuable et l 'inépuisable Bonté . Alors se ul em en t, parl'intime union de l'amour, l'âme entre en pleine jouissance de cette merveilleuse liberté, que ceux-là seulsconnaissent qui en ont fait l'expérience: elle ne craintpoint le démon, elle n'a peur d'aucun homme, elle estau-dessus de la crainte des peines éternelles, elle reçoit

la-mort à bras ouverts. S'étant soumise uniquement à sonCréateur par le lien d'une véritable union, elle recueilleen toutes ch os es lés fruits de la libe rté promise par Celui

(1) Tertu t. , ad versus Marci., lib. II, 4

xiv 27



L A P I K T K E T LA. V I E I N T É R I E U R E

qui dit en saint Jean : S i le F i l s d e D I E U VOUS d é l i v r e , v o u s s e r e z v r a i m e n t l i b r e s .

« Et le Fils de D I E U quand nous délivre-l-il véritablement? lorsqu'il étend vers nous la main de son amour,afin que toute créa tu re qu i v ie nt s'y ab ri te r s'attache àlui, n'ait plus d'autres désirs que lui, et trouve dans unamour tout dépendant de D I E U l 'affranchissement detoute pe ine. EL pourq uoi cela? parce que , fixée par le liende son amour, elle s'est solidement établie en un sûr

asile où elle ne redoute aucun ennemi du dehors, nim ême Celui en qu i elle habi te , la familia rité de l'amourlui faisant oublier l'austère justice de son Bien-Aimé.Aussi, ajoute le Docteur scraphique, plus une créatureest unie à D I E U par l' ar deu r de l' amour, plus elle estaffranchie de toute sujétion et trouve une plus joyeuse

félicité dans une royau té qu 'e lle a co nqu is e ( i ). » Serviret aimer D I E U , c'est régner; et régner, c'est être libre.Entrons donc sans crainte dans la magnifique latitude

du chemin qni conduit au bon D I E U ; c'est la voie royale

(1) Tlli ineffabili uniatur anima qui est summa Mnjostas, incom-

mulabilis Veritas ci indeficicns Bonilas... Tunc solum mens...perintimarci amoris unionem tanta libertale perfruitur, guso nonpotest cognosci, nisi ab illis qui illam experimental notitia prae-sentiunt/ut diabolum non timeat, mortalcm hominem nullalonusperlimescal, ut slimulos puanco ajlerrcce non sentiat, ut susccp-tionem mortis amplectendo gaudeal, qua) immediate per veramunionem Creatori proprio se subjeoit, in omnibus liheram ipsiuspromissionem consequatur, dioentis in Joanne: Si Filius DEI VOSbibcraveril, vere lìberi rritis. Tunc enim vere Julius DEI liberal

quando dexteram amoris ipsam extendendo porritnl, ut ipsi inhse-reat omnis creatura supnosita, et nihil sub DEO pu3nule amanti inunitivis desideri is dominetur. Et hauo est ratio, quia in loco Lutoper infixionem amoris se firmi ter collocavlt, nihil aliud timetextrinsccum, nec etiam ipsum, in quo habitat, cum amor fami-li ari s minus illius quom diligit, fardi obl ivisci ... Unde quantoanima inhuìret per ardentiorem araorora intimius DEO, in tantumefficacius ab omni subjectione libera, in regno proprio felicius

jucundatur. (Myst. Theologian, cap. m, partic. I I . )



N O S G R A N D E U R S . E N J É S U S . — I I I . 419

de la liberté. El cet te vo ie , qu el le est-elle, sino n vo us ,vous-même, o mon Sauveur J K S U S - G H R I S T , qui avez ditdans l'Évangile : « C'est moi qui suis la voie : Ego sum via ? »

Tant que nous marcherons dans cette voie vivante etvivifiante, nous no serons jamais resserrés. Ne tenonsnotre liberté que de J É S U S - C H R I S T ; n'ayons que celle qu'ilnous présente, et no us se rons vé ri ta bl em en t affranchis.Quels hommes plus libres qu 'un sai nt Ber nar d , q u 'u n

saint Franço is d'Assise, qu 'un saint Fr an ço is X av ie r?Point de passions à contenter ; point de fantaisie à satisfaire; ils n'ont eu besoin que de D I E U , et D I E U se donnetoujours, toujours et sans mesure.

Les Sa in ts, en qu i rè gne J É S U S et sur qui rien ne règneque J É S U S , ont tous l 'âme royale, couronnée de joie,

d'honneur p t de libe rté. Ce so nt les sages de la ter re ,disions-nous autre part ; or , « seul le sage est libre et ro i,eût-il d'ailleurs mille tyrans acharnés après son corps ( 1 ) »Nous l'avons vu , qu e peut con tre lui la m échance té deshommes? Au-dedans, il est libre; il se réfugie dans sonciel intérieur, qui est J É S U S , et là il est inaccessible à

loutes les attaques de la terre. « O J É S U S ! J É S U S ! s 'écriaitun jour au rrfilicu d 'a mère s pers éc ut io ns une de ces â meslibres et pures , je n'ai plus que vous ; mais vous êtesGelui que j ' a i un iq uement vo ulu, et que je veux uni qu ement! Pour soutien, j 'ai votre croix ; votre Providence,pour prévoir et éca rt er les obstac les ; les seuls bras de la

foi, .pour m e re p o s e r; p ou r un iqu e asile, vo tre Cœ ursacré. Je suis vraiment seule : soyez béni, mille fois béni !Je me co ns ac re de nou ve au à vous sous ce tte formeaustère et très pure. Je me sens toute libre en vous. Bienloin de rien re gr et te r, de rie n vous re ti re r, je vous laisse

(1) Didym, Alexand.




tout, je vous le donne encore. El de cette nouvelle promesse, 1res fervente, très sincère, plus ardente et sincèreque ma misère ne peut le faire voir, je prends à témoinmon Se ig ne ur lu i-mê me avec ses Anges ! » Quelle libertéplus splendide?

Les Saints sont les hommes du div in a m o u r ; or, « celuiqui aime, d'dY I m i t a t i o n , vole, court et bondit d'allégresse;il est libre et rien ne l'arrête. Il quitte tout pour posséderto ut ; et s'élevant au -d es su s de to us les bi en s, il vase

reposer dans le seul Bien suprême de qui tout bienprocède et découle (1), » et qui n 'e s t aut re que vous , Roicéleste, seul Seigneur, seul Très-Haut, J É S U S - C H R I S T , avecle Saint-Esprit dans la gloire du Père. Dans le tempscomme dans l 'éternité, je veux demeurer en vous, parceque je suis fils de D I E U et qu'un fils de D I E U est déshonoré

s'il n'est libre.

Que notre dépendance de JÉSUS ne lèse en rien notre liberté.

La liberté surominente du Seigneur, c'est sa toute-

puissance et son autorité souveraine, absolue, infinie; enD I E U et par conséquent en J É S U S - C H R I S T , la liberté etl'autorité sont une seule et même puissance. Il n'en estpo in t ainsi da ns la c réa tu re : qu el le qu'e lle soit, mêmeunie hypostatiquement à la divinité (comme la snintehumanité du Christ), la créature n'est libre qu'à la condi

tion d'être dépendante ; et dès lors, le secret de sa libertéconsiste à ne dépendre que de l'autorité dont elle doitdépendre. Ce principe est fondamental.

La sainte àme de J É S U S était souverainement libre,parce qu'elle dépendait absolument de l 'autorité de DIEU

(I) Lib. III, chap. v.




et parce qu'elle ne dép en dai t qu e d'elle seule , « faisan ttoujours ce qui plaisait au Pères (1). » Si J K S U S était libredans sa dépendance de M A R I E et de Joseph, et aussi, enun sens, de sa d épendance de la loi de Moïse, c'est qu onsa très sain te Mère, en sa in t Joseph et dans la loi, il voyaitl'expression partielle dcTaulorilé et de la volonté bien-aimée de son Père.

La Sainte-Vierg e et , aprè s ell e, avec elle, tous lesAnges et to us les Sain ts on t été libre s, par ce qu 'i ls se

sont soumis à la sainte volonté du Verbe incarné, leurSouverain légitime et le dépositaire de toute l'autorité duPère, au ciel et sur la terre. L'homme, comme l'Ange,est libre à cette co nd it io n, et n' es t l ibre qu' à cet te condition.

Pourquoi? parce que J É S U S , vrai D I E U et vrai homme,

est le Su péri eur légi time , l'au to ri Lé légitime de quil'homme doit ex cl us iv em en t dé pe nd re ic i-b as. Si J É S U S

ne règne pas sur un e cr éa tu re , soit d ir ec te men t, soitindirectement, cette c ré a tu re n'es t plus libre : co m m eelle est cré ature , il faut de toute nécess ité qu 'e lle dép en dede quelq u'un ; « ét an t né e sous le rè gne so uv erain de

DIEU , c'est pour elle .une folie manifeste, dit Bossuet ( 2 ) ,

de prétendre être indépendante . Notre liberté doit êtresujette; et elle au ra d 'au tan t plus de perfect ion, qu 'el lese rendra p lus so um ise à cette pui ssance suprê me. Laliberté ne consiste que dans cette glorieuse dépendance. »C'est ce qu i faisa it d ire à l' admi rable m ar ty re sa in te

Marguerite, jeune vierge de quinze ans, que le proconsuld'Antioche tâchait de séduire par la perspective de laliberté: « Puis que tu pa rles de liberté, sach e qu e je n e

(1) Quae placita sunt ei, facio semper. (Ev. Joan. vu, 29).(2) Sermon pour la vêture d'une postulante Bernardine.




dépends d' au cu n h o m m e. Je confesse, de cœ ur el debouche, que je suis servanle do J È S U S - C I I R I S T ; seul il estmon Maître. Des 1 âge in plus t endre , j' a i ap pr is à lerévére r, à l' ho no re r, el j e l'a dorera i toujou rs . » Rienn'était plus libre que cotte jeune vierge dans sa parfaitedépendance, et rien n'était plus soumis que sa. parfaiteliberté.

Chez le chrétien, liberté et dépendance sont donc bienloin de s'exclure. « Pu is qu e no tr e libe rté, dit encore

Bossuet, est la liberté d'une créature, il faut nécessairem e n t qu 'el le soit so um ise. En est-on moins libr e, pourobéir à In raison, et à la raison souveraine, c'est-à-dire àD I E U ? N'est-ce pas, au contraire, une dépendance vraiment heureuse qui, nous assujettissant à D I E U seul, nousrend maîtres de nous-mêmes et de toutes choses? Non,

co n'est pas être vraiment libre que de l'aire ce que nousvoulons: notre liberté véritable, c'est de faire ce queD I E U veut. »

Du moment que la créature ne dépend plus de sonlégitime Seigneur, il faut qu'elle tombe dans la dépendan ce illégi time et par co ns éq uen t dé sh on or an te d'une

créature quelconque, qui n'a sur elle aucun droit.Et puis, ne l'oublions pas, si la liberté est la puissance

d'atteindre notre fin dernière par les moyens qui convien :

nent, l 'autorité est la puissance, également instituée deD I E U , destinée à nous l'aire atteindre cette fin, à nousaider à l'atteindre, à nous en faciliter les moyens ; en un

mo t, A aide r, à protéger not re libe rté. Quelques espritspeu éclairés croient bonnement que l'autorité et la libertésont ennemies Tune de l'autre, et que lune exclut l 'autre.C'est ju s tement le co ntr ai re qu i est la v ér i t é : l'autoritéest la puissance divinement déléguée à une créature, afind'aider les autres à conserver intacte la puissance que




DIEU leur donne pour qu'elles atteignent leur fin, et pourqu'elles accomplissent sa sainte volonté. « Ce n'est pass'opposer à un fleuve, dit encore Bossuet, ni bâtir unedigue en son cours pour rompre le fil do ses eaux, qued'élever des quais sur ses rives, pour empocher qu'il nese déborde et ne perde ses eaux dans la campagne; aucontraire, c'est lui donner le moyen de couler plus doucement dans son lit, et de suivre plus certainement soncours naturel (i). » L ' autor i té est à la liberté ce qu'est lacoquille d'un œuf au petit oiseau qu'elle renferme: ellene le renferme pas pour Vétouffer, mais au contraire pourprotéger sa faiblesse, pour le faire vivre, pour lui faireatteindre sans péril le jour de réclusion. Sans la coquille,pas d'oiseau: l 'union des deux constitue l'œuf, et réaliseainsi la volonté de D I E U , créateur de ce petit oiseau.

Notre coquille en ce monde, la force protectrice quinous permet d'arriver vivants au jour bienheureux denotre naissance à la vie éternelle, c'est J É S U S - C H R I S T ,

notre grand et doux Sauveur ; par lui-même ou par sesdélégués et représentants, il nous apprend à connaître ceque D I E U veut de nous ; il nous donne les moyens et

l'ordre de l'exécuter ; il nous fait faire le bien ; il nousfait atteindre notre tin par les moyens qui conviennent l,en d'autres termes, loin de détruire en nous la puissancede la liberté, il la protège, la développe et la conserve

jusqu'au bout..

Cela doit s'entendre non seulement de l'autorité directe

de Notre-Seigneur, mais de l'autorité de tous ceux qu'i ldélègue pour nous faire faire le bien, pour nous empêcher de faire le mal, soit dans l'ordre religieux, soitdans l'ordre temporel, soit dans l'ordre domestique et

(i) IbitL




individuel. Le dépositaire, quel qu'il soit, de l'autoritédu Se igneur , est toujo urs , c o m m e dit sa in t Paul, « le

ministre de D I E U pour le bien, D E I minuter in bonum (1),»

et nous devons lui obéir comme à D I E U môme, aveccrai nt e et amour, lit ains i, loin de gêner no tr e liberté , ladépendance de D I E U et de son Christ en est la conditionpremière ; elle en est la force ; elle en est l'honneur etla joie.

O b ' que nous devons donc, nous enfants de la liberté,

a imer et vénére r l' au to ri té sous Loules ses formes ! L'autorité, ou la loi qu i on est l 'expre ssi on, ne nous lie quepour nous délier, dit gracieusement saint Augustin.« La Sagesse délie bientôt ceux qu'elle a liés d'abord ;elle les délivre pour se donner à eux en pleine jouissance,et ceux qu'elle a formés sur la terre, en les entourant de

ses liens bénis, elle se les attache dans le ciel par d'éterne ls em br as se men ts (2). » L' au to rit é n' es t pas moinsdign e d' am ou r qu e la lib ert é : l ' un e et l 'au tre viennentdu Père par J É S U S - C H R I S T , et sont une émanation del'Esprit de force, de l'Esprit d'amour et de sainteté.

« Mais, dira-t-on, n'y a-t-il pas, dans la seule idée de

dépendance, quelque chose qui implique nécessairementla gêne, la contrainte, et qui, dès lors, lèse la liberté ? »Oui, s'il s'agit d'une dépendance illégitime qui courbe,qui op pr im e la volonté ; no n , du m o m e n t qu'il s'agit dela dé pe nd an ce néces sai re et dès lors lég iti me do lacr éa tu re à l'égard de son Créa te ur et de son Sauveur.

Cette dépendance entre dans la notion même de la libertéde toute cr éa tu re , ainsi que no us venon s de le voir, etc'est elle qui nous apporte la liberté.

En outre, dans l'âme fidèle, cette dépendance néces-

(1) Ad Rom. xui, 4.

(2) Epis t. xxxix.



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III . 425

Comment les prescriptions de l'Église, si astreignantesen apparence, ne font que garantir notre liberté.

Le joug des prescriptions de l 'Eglise paraît lourd quelquefois. L'i gn oran ce et la tié deur m u r m u r e n t en p ré sence de ces lois mult ip liées qu i, chaque se ma in e,presque chaque jo ur , vi ennen t s' imposer à la vo lon té,

gêner ses mouvements et lui dire, avec l'autorité mêmede D I E U : « Tu feras ceci ; tu ne feras point ce la . Tu vasfaire mai gre ; Lu vas j e û n e r ; tu vas laisser là ton t ra vail ,parce que c'est aujourd'hui dimanche, parce que c'estaujourd'hui fête d'ob liga tion ; tu vas al le r à la me sseet sanctifier ce jour . Voilà Pâqu es qu i appro che : tu va s

saire ot légi time est fille do l 'a mour, et non de la cra in teni de la contrainte. L'amour de J É S U S transforme et métamorphose tout : de notre volonté et de sa volonté, ilfait, pour ains i dire , une seule et m êm e vo lonté . Quand

j'obéis à mo n ad orab le Maî tre, je sui s lib re, je restelibre ; je fais ce que je v eux, parce que j e ne veux quece que veut J É S U S ; je n'aime que ce qu'il aime, et dèslors, où est le joug, où est la contra in te ?

Je sais que cet te con fo rm ité absolue de no tre volonté

avec la volonté de D I E U est irréalisable ici bas dans saplénitude, à c a u s e d e l'infirmité de la cond iti on présen te ;aussi notre liber té spiri tuel le n'est-e lle j am a i s parfa itesur la ter re. Seule e ntr e les pure s cr éa tu res, la très sainteVierge a joui de ce lte liberté abso lument parfa ite. Iln'en reste pas moin s vr ai q ue plus no us de meuro ns in t i

mement un is à No tre -Se igneur , et plus no us so mm eslibres.



426 LA PIÉTÉ ET LA "VIE INTÉRIEURE

faire ton carême ; tu vas aller te confesser ; tu communieras au moins une fois Tan ; etc.

Ce n' es t pas tou t : l'Égl ise ent re bien p lu s avant dans

le détail de not re vie de chaque jou r. Semb labl e à unemère vigilante, bonne mais ferme, qui veille de près,non seulement à la nourriture de ses enfants, mais h leurs vêtements, à leurs jeux et à leurs récréations, àleurs lectures, à tout ce qui les touche, l 'Église veille dem ê m e au sa lu t et à la sanc ti fica tion de ses en fa nt s et,

pour les préserver du mal, qu'elle connaît et qu'ils neconnaissent pas assez, elle leur défend tout ce quipourrai t nuire à leur foi, à leurs mœurs età leur véritablebien. Elle leur défend de lire tels et tels livres, tels ettels journaux ; de se livrer à tels et tels plaisirs dangereux, auquels les m on da in s s ' ab an do nn en t tou t à leur

aise. Elle leur ordonne de ne pas fréquenter cette compa gn ie , am us an te , mai s co rrup tr ic e ; de n e pa s lire ceroman, quoiqu'il soit fort à la mode ; de ne pas faire dela nu i ! le jour et de ne pas s'expose r fo llement au x séductions du monde, comme un papillon à la flamme quidévore. Elle lui impose une quantité de lois, soit posi

t ives, soit pro hibit ive s ; et il faut r econna î t r e qu 'il n'estpas toujours commode d'observer ces lois.

Est-ce là de la li be rt é ? se demandera -t -o n peut-être.Quelle vie ? Les mondains ne sont-ils pas bien plus libreset par tan t bien plus h e u re u x ? Cette su jé tion n'est-ellepas pénible, et môme humiliante ?

Pénible, cela se peut ;. mais humiliante, mais ennemie1

de la liberté, non.L'obéissance catholique est pénible parfois, parce

qu'e lle est un co mbat op in iâ tr e, u n e lu tt e de tous les jours . L'Église, qui n'est pas une idéologue, nous prendtels que nous sommes, et non pas tels que nous devrions




être; elle no us pr en d avec no s co nc up iscenc es et nospassions, do nt le Bap tê me ne dé trui t pas le germ e et quisubsistent en nou s ici bas, c o m m e pu ni tion de la

déchéance originelle et comme épreuve de la vertu chrétienne ; elle sait qu e ces co ncu pi sc en ce s et ces passion s,de con niv enc e avec la perv ersi té du mo nd e, no us em pê cheraient in fai lli ble me nt d'a tte ind re no tr e fin de rni ère ,et par conséquent le bonheur : elle vient donc à nous,avec sa grande et maternelle charité, avec le courage

que do nn e l ' am ou r, et no us impo se to ut un en se mb led'observances do nt le bu t un iq ue est de no us rapp elersans cesse" à no u s- m êm es , de no us emp êche r d'ou blie rJ É S U S - C H R I S T , l 'éternité, le salut, les grandes réalités dela vie ; de n ou s rappe le r la néc ess ité de la pén it en ce , lanécessité'de la prière, la nécessité de vivre d'une autre

vie qu e de la vie de la te rre ; en un mot , de nous ra ppele rincessamment que nous sommes chrétiens et que nousavons une àme à sauver.

Minutieuses en apparence, ces observances cathqliquessont en réalité très importantes et très sensées. Elles nesont pas seulement utiles, elles sont nécessaires : elles

sont aux commandements de D I E U et aux ver tus c h ré tiennes, ce que sont aux organes de notre corps les osdu sque le tte. Les os n e son t que de la chaux , m at iè reinsipide, insensible ; et cependant ne sont-ce pas les osqui soutiennent tout le corps ? Sans eux, nos organes lesplus délicats, nos muscles, notre chair ne seraient plus

qu'un amas informe. Le squelette, dur et inflexible, estcomme le so ut ien d e toute la vie o rg an iqu e et la ra is ond'être des formes, du mouvement et de la beauté du corps.Lui aus si, il impo se u n e ce rta in e con tr ai nt e à tous lesorganes qu' i l s o u t i e n t ; c ar il les m ai nt ie n t ch ac un à saplace.




Tel est le rôle bienfaisant des prescriptions de l'Égliseau milieu de l' org anism e de la vie et des ver tu s chrétiennes. Prescriptions matérielles et tout extérieures,

elles semblent aux esprits peu éclairés être non seulem en t inut ile s, ma is fa tiga ntes , mai s nu is ib les ; prescriptions intellectuelles et morales, elles semblent n'êtreque de la servitude ; il n 'e n est ri en . Elles n'entraventen réalité que les révoltes du vieil homme ; elle ne lientet n'empêchent que la licence ; elles ne retranchent que

ce qui est ma u v a i s ou du m oins d an ge reu x ; ellesapportent à l'àmc la liberté, bien loin de-la courber sonsun joug.

Aussi un vrai ca thol ique , bien loin de ro ugir de sonobéissance à l'Égl ise, s'en fait- il g lo ire ; et pre sque tou

jours, il faut le d i re , il n 'en est que plus es timé des

im pi es eu x- mê me s. J 'ai co n nu qu at re ou c in q étudiantsen droit, chrétiens dans l 'âme, qui, les jours maigres,all aie nt exp rès p re nd re leur rep as da ns les restaurantsles plus fréquentés par le urs cam ara des ; ils y demandaient, haut et ferme, des aliments maigres et faisaientleur s beaux s ignes de cr oi x av an t et après le repas.

« Ja ma is , me disait d e rn ièr em en t l 'un d'eux , jamaispersonne ne nous a rien dit ; au contraire, tous nous resp ec ta ie n t; et co mm e n o u s n'ét ion s pas pr éc is ém en t lesplus bêtes, notre fermeté donnait du courage à beaucoupd'autres. »

Et puis, il en est, pour nous, de l'autorité de l'Église,comme de l'autorité de Notre-Seigneur : par un effet dela g râ ce d iv in e, no us l ' ai mo ns , n ou s la vo ulon s, nousl 'accep tons sp on ta né me nt et l ib re me nt , c o m m e le plusg ra n d bi en qu'il n o u s soit donn é d e re ce vo ir ici bas ;nous la vénérons» parce qu'elle est divine ; et nous savons

qu'elle ne no us c o m m a n d e j am a is ri en qu e de sage, de




(1) Serm. de Nativ

juste et de bon ; nous obéi sson s à l'Ég lise , comme desenfants à leur mè re . Aussi ne vo it -on j a m a i s un bon etvrai chrétien m u r m u r e r cont re les sa in tes pre scr ipt ion scatholiques. Ceux là seul s se p la ig nen t et m u r m u r e n tqui n'ont pas le coura ge do les observer ou qu i ne veu len tpas les co mpr en dr e. P au vr es esclaves du re spec t h um ai nou de l' ig norance !

Comment la liberté nous apporte le préc ieux trés or de la paix .

, On est lib re q uan d on est dans la vé ri té et da ns la j u s tice ; et on est dans la paix quand on est d a n s la l ibert é .Le bel arb re de la v ra ie libe rté ne po us se que dans laterre sacrée de la vér i té et de la jus t ice ; et le fruit decet arbre, c'est la pa ix , c'e st la jo ie , c 'est Je bonheur .

Le Pape sa in t Léou di sa it : « Celui-là possède la vra iepaix et la vr ai e li be rt é, qu i ti en t sa cha i r soumise à l'esprit, et son espri t so um is à D I E U (1). » L' or dr e, c'e st- à-dire la pratique de la vérité et de la justice, voilà le-secretde la vraie libe rté, et de la vraie pa ix , qui l ' ac com pa gn e

toujours. L 'esp ri t est en pai x, lo rs que, pa r la foi et le bonusage de la raison, il demeure dans la vérité, c'est-à-direen J É S U S , qui est sa lin dernière, et lorsque rien ne l'empêche d' at te indre et de posséder la v é r i t é . Le c œ ur estlibre, lorsque, aimant ce qu'il doit aimer et n'aimant quecela, il est débarr ass é des a tt ac hes fa uss es , de s affections

déréglées : a imer pu r e m e n t et être p u r e m e n t ai mé, c'estla liberté du cœ u r et c' es t auss i ln pai x du c œ u r . Il en estde même de la vo lo nt é et de toutes nos pu is sa nces : ellesne trouvent la paix q u e dans la l i b e r t é ; et l a lib er té , q u edans le respect pratique de la vérité et de la justice. Gela



4 3 0 L A 1 U É T K BT LA VIE INTERIEURE

est vr ai pour les in d i v i d u s ; cela es t v ra i pour les Communautés ; cela est vrai pour toute espèce de sociétés,religieuse, civile, domestique. C 'est la vérité pour tout lemonde et pour chacun.

En effet, supposez une Communauté, un couvent, unSéminaire, une paroisse, un diocèse, etc., où tout seraitdans l'ordre et dans la vérité ; où l' au to ri té n'auraitd' au tr e souci que de faire rem pl i r à ch ac un son devoir,et de pro cure r à la fois le vra i bi en de c h a c u n et le vrai

bien de t o u s ; où c h a c u n s'appl iqu erai t de son mieux àfaire en tout et partout la volonté de D I E U et de ses diversreprésen tant s : n'est-il pas vrai que ce tte Communauté ,cette paroisse serait un vrai paradis terrestre, et qu'il yré gn er ai t, avec la plus douce libe rté, la pa ix , la joie laplus douce? Supposez une famille, comme, par la grâce

de D I E U , il y en a beaucoup encore, où le père et la mèren'useraient de leur autorité que pour rendre leurs enfants et leurs serviteurs, bons, vertueux, scrupuleusement fidèles à tous Leurs devoirs ; une famille où chaqueenfant, chaque serv iteu r, co rr es po nd an t de son mieux àce tt e sa lu taire d ire ct ion, obéi ra it fidèlement à la loi du

devoir : cette famille, dites-moi, ne jouirait-elle pas d'unp u r et tranquil le b o n h e u r? Tous s ' ai me ra ie nt ; chacunrestera it à sa place ; et j am a i s une no te di scord an te nevien drait troubler cette belle ha rm o n ie .

Il en est de mô me de chacun de nous en particul ier.Qui n' a re nco ntr é dans sa. vie q u e lq u 'un e de ces âmes

d'élite, fixées en J É S U S - C H R I S T , élevées si fort au-dessusdes agitations mondaines, que les tempêtes et les uragessemb lent ne plus pouv oir les at te in dre ? Elles sont dansla sereine liberté des enfants de D I E U , et la paix et la joiede Notre-Scigneur reluisent dans tout leur être. On medisai t un jour d' un sa in t prê t re : « Il est c o m m e Moïse



NOS GRANDEURS EN JESUS. — Ï I I . 131

descendant de la m o n t a g n e ; il rapporte, , de son commerce habituel avec J K S U S , quelque chose de lumineux ,desurnaturel, de céleste. Il sent l 'oraison; il sent bon

J ÉS U S - C H R I S T . On voit qu'il est dans le monde sans y être ;

qu'il se prête aux aut res et qu' i l ne se d o n n e qu'à D I E U .

On voit que « l a p a i x d e D I E U q u i s u r p a s s e t o u t s e n t i m e n t , g a r d e s o n i n t e l l i g e n c e e t s o n c œ u r e n J K S U S - G I I R I S T (1). »

Qui ne sait avec quelle paix profonde et quelle entièreliberté d'esp rit , n o t re b ien -a im ô Pèr e en D I E U , le Pape

PIEIX, suppor te lès croix de tout genre dont il plaU auSeigneur de par semer son long et glorieux Pontif icat?Qui lui donne cette paisible liberté? Est-ce l ' insensibilité? c< Oh, certes, répondait-il un j o u r à un de ses Prélats qui le félicitait de cette sérénité, je mets en D I E U

toute ma confiance, et j ' a i la paix au milieu de tant d'é

preuves ; et cependant , a joutai t le pauvre Saint-Père, enlevant les yeux et les m a i n s au ciel, et cependant , je ne

suis pas de bois ! « E p u r n o n s o n ' d i l e g n o . » Rien de plussensible que son c œ u r ; mais comme ce cœur est tou tconsommé en J É S U S , il est immuable malgré sa tendresse,libre malgré les pressions du dehors, paisible malgré les

plus furieuses tempêtes .Oh ! qui nous donnera, avec la l iberté, la toute-puis

sante douceur de la paix? Vous seul, vous seul, ô mon

Seigneur J É S U S , Roi pacifique, qui ne voulez régner sur

moi et sur le monde que pour nous apporter le b o n h e u rpar la dél ivrance ! Donnez-moi de demeurer toujours

dans la vérité, c 'est-à-dire en vous , et de ne jam ais gê ne ren moi, ni a u t o u r de moi, l 'action de votre Esprit-Saint,qui est l 'Esprit de l iber té et de paix. Donnez-moi de de

meurer, par cette fidélité, libre et paisible au milieu des

(H PaxDEi quae exsuperal omnem sensum custocliat corda ves-

Iract intelligentias vestras in ChristoJESU.

(Ad Philip, iv,7) .




affaires, m êm e des affaires qu i r eg a rd en t directementvotre service. « Mon fils, me dites-vous dans Ylmilationt

mon fils, applique-toi à être libre au dedans et maître deto i-m ême, partou t et dans toutes tes ac ti ons ; que tout tesoit assujetti, et que toi, tu ne le sois à rien. Sois le maîtrede tes actions et domine-les ; n'en sois ni le serviteur nil'esclave (1). »

C'est ains i qu' ont fait tous no s Sa ints . C'est a insi, enpart icul ier, qu'agissait le g ra nd, l ' ad mi ra b le François de

Sales. « Quand il fa isoit qu elqu e ch ose , ou t raictoi t dequelqu e affaire, il y appli quoit tou t son espr it , commen'ayant que cela à traicter, et comme si ceust été la dernière chose qu'il eust dû manier en ce monde. Touteoccupa tion , disait-iJ, m' es t ind ifféren te, pou rv eu qu'elleregarde le service de D I E U . Advienne qui voudra, je

n'en veux perdre un seul brin de paix, moyennant lagrâce de D I E U .

« Il diso it que r ien ne devoi t es tre cap ab le de nousoster la paix , qu an d tout se bo ul ev er se ro it sens dessusdessous; car qu'est-ce que tout le monde ensemble encomp ara iso n de la pa ix du c œ u r ?

« Je sçais, ajoute sainte Jeanne de Chantai; qu'il avoitun soin particulier de se tenir recueilli en D I E U , parmises nom bre use s occupa t ions ; aus si di sa it -i l qu'il falloittraicter les affaires de la terre avec les yeux fichés auciel (2). »

Oui , voilà co mme il fau t faire po ur g a rd e r ensemble,

et la sainte liberté, et la paix des enfants de D I E U ; etvoilà ce à quoi je m' ap pl iq uer ai déso rm a is de tou t moncœur, afin de demeurer en vous, ô mon doux Rédempteur !

(1) Liv. III, chap. xxxvm.(2) néposition de sainte Chantai.



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III. 4 3 3

Que tous ceux qui ne demeurent pas en Notre-Seigneur

sont véritablement et nécessairement esclaves-

Boa gré m a l g ré , le m o n de est divisé en deu x ca té gories, ou, comme parle un grand Saint, en deux cités :l 'une renferme toutes les créatures soumises à J É S U S -

CHRIST , et c'est la cité de D I E U , la cité de la liberté, deTordre et de la pa ix ; l' au tr e r enferme to ut es les cr éa tu

res qui d e m e u re n t ét ra ngèr es à Factio n lib éra tri ce dufils de D I E U , et c'est la cité du monde, où rè gne S a t a n ;•c'est la cité du péché ; c'est le pays de l'esclavage et de la•mort.

Quiconque n'habite point la cité du Christ, est parcela même ha b i t an t de la cité du m o n d e ; et c o m m e les

habitants de la cité sainte participent à la grâce, à la vie,ila liberté, à la gl oir e et à tous les au t re s pr iv il èg es duSeigneur J É S U S , qui règne sur eux et en eux; ainsi lespauvres ha bi ta nt s de la cité m au d it e pa rt ic ip en t à la d é chéance et à l ' escl avag e mi sé ra bl e de ce lu i que l 'E vangile appelle « le p r in c e de ce m o n d e , » et q ui n 'e st après

tout qu 'un esc lav e ré vo lt é, u n escla ve che f d'esclave s.Nous établis sions tout à l ' he ur e qu e la cr éa tu re , pa r cela

seul qu'elle était créature, estessentiellement dépendante,.etque, pour êt re d an s la vé rit é, elle do it néc essa i re mentdépendre de son Créateur; nous disions aussi que, danscette dépendance filiale et sanc ti fian te , elle tr ou ve laliberté: si elle v eu t s'y sous tra ire ,, elle le peu t ; maisc'est à la co nd it io n de to mber i m m é d i a t e m e n t s oûs le

joug injuste, im pit oyab le , il légi time , d ésh on o ra n t , de c eque Notre-S eigneu r appe lle en g én ér al « le -p éché » àsavoir: de Sa tan , qu i est le gr an d chef du pé ché et le

principe du mal;, du monde, qui est la république desxiv 28




pécheurs; des passions de la'nature corrompue, du vieilhomme, de la chair de péché; en.un mut, de tout cerna/ mo ral et ph ysi que, temp orel et é te rn el , dont le Fils deD I E U veut nous délivrer tous. Point de milieu; il fautchoisir: ou libre ou esclave; libre avec J É S U S , ou esclaveavec Sa tan ; libro d a n s la vé ri té , dans le bi en , sous le

jo u g léger de la g râce et de l' amour, ou esc lave dans lemenso nge, d ans la rév ol te , dans le m al, sous le jougdé gra da nt et inse nsé du péc hé.

Par le péché originel, incessamment accru du péchéac tu el , Satan, le g r a n d e sc lave du mal , a mis la main surl 'h om me , et par co ns éq uen t sur le m o nde , empire del'homme ; comme un oiseleur tient captif le pauvre oiseauqu'il a pris et ne lui laisse l'usage de ses ailes que selonson caprice, ainsi le démon tient l'homme et le monde

captifs par mille liens; le Fils de D I E U , seul Maître légitime de l' hom me et du monde , est v e n u br is er avec sacroix , brûler avec les flammes de son a m o u r les liens dece tte capt ivi té. Tous c eux qu i le ve ul en t, c est- à-di re ceuxqui croient et espèrent en lui, ceux qui l 'aiment, ceuxqui se donnent à lui, il les délivre ; les autres, il les laisse

avec douleur d an s la hon te de le ur se rv i tud e . Il est laSagesse i nca rn ée ; c eu x qu 'il dél iv re so nt les sages; lesau t re s sont les tous, et l eu r n o m b re , hé la s ! est infini, ditTEsprit -Saint. Ces fous, dup es et v i c t im es du .grandinsensé, composent toute une armée d'esclaves en révoltecontre J É S U S et son Église ; car le bon D I E U prise si fort

la libe rté qu'il est v en u n ous r endre , qu 'i l ne veu t avoirpour ennemis que des esclaves, dit excellemment saintAug ust in (1). Tout ce qu i est libre es t ave c l u i ; tout ce

qui est contre lui ou sans lui est esclave.

(l)In Joan. Evang., tract, xu.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I T I . 435

Ainsi, tou t pécheur , quel le que soit la fo rme que re vêtira son péc hé, n 'e st q u 'u n pauvre esclave , fût-il ro i,prince, gr an d ca pi ta in e, illust re en tr e les illus tres, ri cheà millions, au -dessus de tous par sa puiss ance ou par songénie; il est esclave, parce qu'il n'est plus en JÉsus-GHRÎST, parce qu'il ne tient plus à sa fin dernière; parceque, au lieu de su iv re l 'Esp rit li bé rat eu r et san ctif ica teu rde JÉSUS , il s'est laissé séduire par l 'Esprit menteur, parle père du péché.

Ainsi enc ore , to ut e Com mun au té , to ut e société que nerégit point véritablement le divin Sauveur et qui, sousun prétexte ou sous un autre, se sépare de lui, des lois etde l'esprit de son Eg lise , de la sa lu ta ir e di re ct io n de ceu xqu'il a établis pour en se ig ner et pour con du ir e to us leshommes, est une société, une Communauté déchue de la

vraie li be rt é; elle est esclave du d ém o n et privée d e l àvraie vie. A ujo urd 'h u i , g râ ce aux folles doc tr in es de cesderniers siècles, il n' y a pr esqu e plus que de ces miséra b le ssociétés-là sur la terre. Aussi que de bouleversements,que de ru ines ! La pa ix s'en est al lée , avec la libe rté.

Oui, répétons-le bien h a u t : peu ples et in di vi du s, tous

ceux qui sortent de J É S U S sortent de la liberté et tombentimmédiatement, nécessairement,, dans la servitude.

Combien douloureuse et misérable est cette servitude.

Un gran d péc heu r, de ve nu un g r a n d Saint* n o u s aexposé lu i- même, et d' ap rè s sa pro pre ex pér ie nce , ce q u el'esclavage du péché a d amer et de cruel. « Je soupirais,dit-il, lié que j ' é ta i s , non par des chaînes de fer, mais parma volonté endurcie comme le fer. L'ennemi était maîtrede ma yo lon té ; il en avait, fait u n e c h a î n e , e t me te nai t




captif. J'étais dans la plus dure des captivités, parce que,faisant ce que je voulais, j 'arrivais où je ne voulais pas.Etrange misère ! en allant parle sentier que je choisissais,

j 'a r r ivais à ce que j e fuyais le p lus ; en fa is ant ce que jevoulais, j 'attirais ce que je ne voulais pas : la vengeance,la damnation, une dure nécessité de pécher, que je m'imposais à moi -m êm e pa r la ty ra n n ie de l 'habi tud e. Jecroyais être libre, et je ne voyais pas, malheureux ! que

j e forgeais mes cha înes . Pa r l'usage de m a liberté pré

tendue, je mettais sur ma tête un poids de fer que je nepouvais plus sec ouer, et je me gar ro tt a is tous les jours deplus en p lus d an s les l iens redou bl és de m a volonté endurcie (1). »

Que ce portrait est ressemblant et qu'il est lamentable!C'est la pho to gr ap hi e sp iri tue lle de ces mi ll io ns de pauvres

pécheurs que le démon de l'orgueil ou de l'ambition, oude l'hypocrisie, ou de la cupidité, ou de la haine, ou delàluxure, ou de la lâcheté,, tient courbés sous son jouginfâme. C'est le portrait que nous offrent, à nous enfantsde D I E U , tous les pauvre s enfan ts p ro dig ues sortis de lamaison du Père, c'est-à-dire de J É S U S - C H R I S T , qui est la

vivante demeure du Père céleste et le tabernacle de DIEUau milieu des hommes (2). Dans la région lointaine, oh!oui, bien lo in ta ine, où ils d em e u re n t ; du fond de la honteuse métairie où ils gardent les pourceaux de leur tyran,c'est-à-dire les vices et passions du démon, leur maître,ils no us c r ien t : « Plaignez -nous et ne n o u s ressemblez

pas! Demeurez dans la maison paternelle, avec votrehonneur, votre bonheur et la paix de votre liberté, et nevenez point dans ce lieu de tourments où nous sommes

(1) Confess., lib. VIII, cap. v.(2) Ecce tabernaculum DEI cum hominibus. (Apoc. xxi, 3.)



NOS GRANDEURS EN J E S U S . — III. 437

liés par notre volonté pervertie, et qui s'appelle le mal !Ah! v o y e z c o m b i e n i l e s t d o u l o u r e u x , c o m b i e n i l e s t a m e r à

(a c r é a t u r e d ' a v o i r a b a n d o n n é le S e i g n e u r s o n D I E U (1)! »S'ils ne disent point cela, ils pour ra ien t , ils devraient ledire; car c'est la douloureuse vérité.

Trop heureux le pauvre prodigue, lorsque l 'excès de samisère lui fait ouvrir les yeux, et lorsque, après tantd'abaissements et tant d 'égarements , il étend les bras etle cœur du côté de J É S U S et de l 'Égl ise! L 'amer tume de

sa servitude est une dernière miséricorde du Sauveur ,ainsi que le proclamait avec reconnaissance le fils deslarmes de sainte Mo niq ue: « Je vous remercie , ô Seigneur ,s'écriait-il, des peines et des a m e r t u m e s que vous mêliezâmes jouissances coupables. J 'adore votre rigueur miséricordieuse, qui, par le mélange de cet te amertume, t ra

vaillait à me dégoûter de ces douceurs empoisonnées . Jele reconnais, ô divin Sauveur; vous m'étiez d'autant pluspropice que vous me troubliez dans la fausse paix que jecherchais hors de vous (2).

Le dernier degré cle cet esclavage est celui dont parlel'Ecriture, lorsqu'elle nous dit: « Une f o i s d e s c e n d u a u

fond d e l ' a b î m e , l ' i m p i e m é p r i s e r a (3); » l'impie, c'est-à-dire celui qui a foulé aux pieds le s a n g du Fils de D I E U ,

la lumière de l 'Évangi le , les dons de l 'Espr i t -Saint ; ilméprisera, il ne co mp re nd ra plus l 'h on ne ur qu ' i l a perduet la l iberté de la maison paternelle. C'est ce que nousvoyons et entendons chaque jour chez tant de pauvres

gens qui, avec la foi, ont perdu le sans moral et qui mé-

(1) Scito et vide quia maJum et amarum est reliquisse te Domi-num D E U M tuum. (Jerem. n, 1 9 . )

(2) Conf., Iib. VI, cap. vi.(3) Impius cum in profundum veneret peccate.rum, contemnet.

(Prov. xviu, 3.)




prisent avec une affreuse sincérité ce qu'il y a de plusgrand, de plus divin sur la terre. C o n t e n m e t , il méprisera!

Que de ge ns au jo urd 'h ui , m ê m e p a rm i les chrétiens,nourrissent un secret mépris pour l 'autorité du Pape etdu Sa in t-Sièg e, po ur les lois de l'Égl ise , po ur les enseignements catholiques qui ne s 'accordent pas avec leurspréjugés, et, en particulier, pour cette déclaration de vérités et de principes présentée par le Vicaire de D I E U , dansl'Encyclique et le S y l l a b u s de 1864 ! Et ce sont des chré

tiens, des chrétie ns pr at iq ua nt s , s i nc èr em en t pieux, quifréquenLent les sacrements, qui aiment les pauvres ! Êtreca tho liq ue , et mépr is e r l ' ens e ig nemen t officiel du Chef de l'Église! Ah ! qui que nous soyons, prenons bien garded' ab an do nn er les voies de l 'obéissance !

La révolte enfante le ch ât im en t. « 1 1 est juste, dit en

effet saint Bonaventure, que celui qui ne se soumet pointpar u n véritable a m o u r à la tr ès ad orab le majes té du Seigneur, soit foulé a u x pieds pa r to ut es les créatures,m êm e par les plus m isé r ab le s : n e faut-il pas que toutecréature venge son Créateur? ( 1 ) »

En aban don nai! t Noire-S eigneu r J É S U S - C H R I S T , l'homme

pécheur a pe rdu le tr és or pacifique de la li be rt é. Il ne leretrouvera qu'en revenant sur ses pas, en se convertissant ; il faudra que, repentant et déjà transformé, il aillese jeter aux pieds, ou plutôt dans les bras et sur le cœurde Celui qu i est la Vér ité, la Voie et la Vie ; qu 'i l revienneà la vie de la foi, en th éo ri e et en p r a t i q u e ; qu 'il rede

vienne ce qu' il n'aurait jamais dû cesser d'être.O Sauv eu r, daignez ac co rd er la g râ ce de ce retour à

ta nt d'enfants per du s da ns les voies du me n s o n g e ! S'ilsvous con nai ssa ien t, ils vous a im era ien t et vo us servi-

(i) Mysticae Theologiae, m, partie. II.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III- 439

raient peut-être bien mieux que nous ne le faisons nous-mêmes ; et l eur tr is te sse se rai t changée en jo ie ; leur se rvitude, en li ber té . Ayez p itié d' eu x, et préservez-nousd'un semblable sort!

De la fausse liberté dans la piété.

. « Ce qu'il y a peu t- ê t re de plus à r ed ou te r po ur no us ,

me disait un jo u r une Religieuse , c'est la fausse libe rtédans l'a cco mplis sem ent j ourn a li e r de no s devo irs . » C'estlà un point essentiel dans la piété et la vie in t é r ieu re ; età ce titre, j 'ose appeler sur ce sujet toute l'attention dupieux lecteur.

Il y a u n e fausse libe rt é, co m m e il y a une fausse

sagesse, un e fausse p rudence , u ne fausse autori té . Lafausse liberté est, ou bien une révolte plus ou moins dissimulée co nt re l' au to ri té légi time , et alors elle s'appe llel'esprit i n d é p e n d a n c e ; ou bien, un relâchement devolonté, un e illusion et une faib lesse de cœ u r , qui nousfait sortir doucemen t, in se ns ib le men t, de la voie au st è re

du devoir.Dp nos jo ur s, l 'esp rit d ' in dé pe nd an ce , développé pa r

tout ce qu 'on voit, to u t ce qu 'o n e n tend , to ut ce qu 'o n lit,s'insinue ju sq ue dans les âmes les pl us c h ré t i e n n es ; ettous les Su pér ie urs ecc lés ias tiques, les Su pé ri eu re s desCommunautés les plus ferventes, les pères et mères et les

maîtresse p la ig nen t a j u s t e tit re des difficultés incess antes que leur su sc it e ce t espr it de fausse lib er té . Néa nmoins, c'est au poin t de vue du r e l â c h e m e n t q ue la fau sseliberté semble le p lus dangereuse d an s la vie de la pié té .

S'il faut c ra in dre les do ct rin es qui em po is onne n taujourd'hui u n si g r an d n o m b re d' àm es , il ne faut pas



4.40 LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

moins se tenir en garde contre une certaine fausse libertéqu i s'i ns inue très ai sé men t d an s lej ugement et da ns la conscience, et qui al tère pe u à peu la pure té du cœur . Cettefausse liberté est une espèce d'insouciance, vis-à-vis dela perfection à laquelle Noire-Seigneur appelle bon nombre d'âmes. Elle naît ordinairement du relâchement quich erche à se faire il lu sion et à se pers uader que tel ou telmanquement, par cela seul qu'il n'est pas un péché proprement dit , n 'a aucune importance; que ce serait du

sc ru pu le de s'en inquiét er ; qu'il ne fau t rie n exagérer, etautres raisonnements de cette espèce. Relâchement, illusion, fausse conscience, imprudence, légèreté, manquede vi gi la nc e et de fe rveu r : tels sont les in gré d ie n ts plusou moins vénéneux dont se compose la fausse liberté-dans la piété.

Elle est très pernicieuse, et bien souvent elle est le commencement de la ruine d'une âme. Elle en ralentit insensiblement l 'essor dans l 'accomplissement des desseins deD I E U , et dét our ne à la longue de l' au st èr e devoir, ceux-làm ê m e s qu i le re mp li ss ai en t d'ab ord le pl us saintement.« C e l u i q u i m é p r i s e l e s p e t i t e s c h o s e s , d é c l i n e r a , p e u à p e u » ,

dit l 'Écriture; et « c e l u i q u i m a n q u e r a d a n s l e s p e t i t e s o c c a s i o n s , m a n q u e r a a u s s i d a n s l e s g r a n d e s (1) ». On sep e rm e t un e petite libe rté do uteuse , soit en mati ère demœurs, soit en matière d'obéissance ou de délicatesse, ou

de charité, ou de mortification ; bientôt on s'en permettradeu x , p ui s trois, pu is qua tr e ; pu is , on s 'en perme tt ra qui

ne se ro nt pas do uteu ses ; pu is , on s'y hab i tuera , et Tonvégétera sans remords dans l 'habitude du péché véniel;puis , enfin, ar rive ra qu el qu e gro sse chu te . E t voilà oùm è n e la fausse libe rté .

(1) Qui spernitmodica, pauîatim decidet. (Eocl. xix, t.) Qui inmodico iniquus est, et in majori iniquus est. (Luc. xvi, 10.)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — fil. 441

Beaucoup de pe li ls g ra ins de sab le accumulés finissentparfaire une montagne; beaucoup d'unités répétées fórmenteles nombres considérables : ainsi, l 'habitude de lafausse libe rté, lo rsqu 'e lle a en vahi une c on sc ienc e, lapervertit intimement, la mine, la fait déchoir de sonancienne ferveur, et va quelq uefois j u s q u ' a u x excès lesplus regret tables . Ce qui faisait di re à sa in t Basile leGrand: « Quelque peti t qu e soit un m a n q u e m e n t , ne leregardez jamais co m m e peu de chos e, lors m ê m e qu' il neserait pas plus gros que le moindre moucheron (1). »

Les petites en to rses do nn ée s à la co ns cien ce la pr ép arent à toutes les chu tes ; et je su is ass uré que bien souvent, les gr an de s e rr eu rs des hé ré si arqu es n' on t pu pr endre racine dans l' espr it de ceux qui en on t été les v ict i mes, que pa r su ite d'u ne lo ng ue pr ép ara tio n et une pra

tique hab ituelle de mil le et une pet ites fausses libe rtés ,soit de vani té , soit d 'e ntê te men t, ou de pré so mpti on, oud'esprit de parti.

La fausse li be rté dans la piété di m in ue , dét ou rn e peu àpeu les grâces du bon D I E U . Le zèle qu'apportent lesâmes ferventes à très bie n faire les m oin dres choses,, a

des conséquences su rn at ur el le s i nc alcu lables ; de m ê m eaussi, dans le se ns opposé, les conséquences de ce ttefoule de petits m a n q u e m e n t s , de peti tes né g li ge nc es dansl'amour de J É S U S , qu'enfante la fausse liberté, sont, ou dumoins pe uv en t êt re , po ur ce rtaines âmes , un vé rit ab leprincipe de ré pr ob at io n. No tre -Se igneurn 'a- t-i l pas m o n

tré un jo ur à sa in te Thérès e, sous u ne fo rme sensib le,le lieu et l 'état té néb re ux qui l ' at te nd ai en t dans l'enfer, sielle avait cont inué te lles et tel les frivo lités , pe u coupables en el le s-mêm es , qu 'e lle av ai t eu la sagesse de

r

retrancher pour plaire à son divin Epoux?

(1) In Ascet.




Donc, no us tous qui av ons cette g râce , ce t honneurinappréciable de nous sentir appelés à l'amour intime deJ É S U S , éliminons avec grand soin tout ce qui pourrait

nuire à cette intimité et nous empêcher d'atteindre la finim méd iat e de no tre voca tio n de gr âce , qu i est l'unionavec Notre-Seigneur, une vie vraiment intérieure et spiritue lle, et le travai l incessan t de la perfec tion . La vraieliberté avec J É S U S est la simplicité et la joie de la fidélité:la fausse est un e infidél ité qu i ne v eut p as avoir cons

cience d'elle-même et qui prend son laisser-aller pour dela simp lici té. Au tant la pr em iè re m è n e et u ni t à JÉSUS,

autant la seconde en détourne.Attention et vigilance ! plus de distractions volontaires,

ni de laisser-al ler dans l'o rai son , devan t le Saint-Sacrement,, à la Mes se ; pl us de paro les i nu ti les ni de

légèretés à l'église; plus de négligences dans l'observance des saintes rubriques et des règlements établis pourempê ch er la ro ut in e, po ur ra n im e r l 'esprit de foi dansles menus détails du service de D I E U . Fausses libertés quetout cela !

Dans nos rapports avec nos Supérieurs quels qu'ils

soient, ne nous permettons plus ce sans-gène de paroles,de maintien, qui nuit si directement au respect. Ayonsavec tous, même avec les plus petits, cette délicatesse deprocédés si chrétienne, si pleine de charmes et qui estcomme la compagne inséparable de la vraie charité. Pasde folâtreries, ni d'imprudences, ni de mauvaises tenues

vi s- à-vi s de qu i que ce soit : to ut cela encore, fausseslibertés !

Vis-à-vis de nous-mêmes, écartons résolument tout cequi, de pr ès ou de lo in , pourr a i t bl es se r la modestie ette rn i r l'éclat de la pu deu r : la pudeur ou la décence estcet ensemble si délicat et si nécessaire de précautions qui



NOS GRANDEURS EN JESUS. —III . 443

servent de préservatif a la pureté. La fausse liberté-, encette matière, est auss i fréquente qu e pér il leuse . Veillonsaussi à ce que Ton appelle avoir de la tenue : tenue dansle maintien, tenue dans les paroles, tenue quand on estseul, tenue quand on est en compagn ie . Aujo ur d' hui onse permet sur ce po in t d' ét ra ng es é ca rt s. Mgr Ca mu s,Évêque de Belley et a m i i n t ime de sa in t François deSales, rapporte que ce grand serviteur de D I E U était tou

jours le même, qu 'i l fût seul ou qu 'i l fût avec du m o n d e ;que jamais il ne se croi sa it les j am b e s ; que son m a i n tien était touj ou rs g rave et simple , mod es te , pacifique, e tqu'il édifiait ain si tous ceu x qui le voyaient . « Les fausseslibertés et les pen sé es inut i le s , m e disa it un jour u n eFille de la Vi si ta tion , vo ilà ce qu i, après le péc hé, n u i tle plus in t imement à la per fect ion. »

Il faut beaucoup d' én ergi e et un e vigi lance co nt inue llepour se ga re r de la fausse libe rté d ans la pi é té ; aus si ya-t-il peu d'âmes qui échappent à cette maladie spirituelle, peu de roses qui, dansiejardin de J É S U S , échappentà ce ver rong eu r. Que la grâce de m o n mi sé ric ordi eu xSauveur m'écla ir e et m e fortifie si bien, qu e j e mett e tou

jours le zèle de son service avant mes aises et le laisser-aller de ma p a u v r e . n a t u r e ! J É S U S m'aime; il ne veut quela vraie li be rt é; et moi aus si, je ne veux plu s a im erqu'elle.

Du droit de chaque enfant de DIEU à la liberté dans la piété.

L'Église étant la mère de la bonne et sainte liberté,chacun de ses enfants est appelé, de droit divin, à jouirde cette liberté , n o n se u le men t dan s sa vie pu bl iq ue ,mais encore et av an t tout dans sa vie p r ivée . Nous de-




vons être libres dans notre piété ; et l'autorité, soit religieuse , soit do me st iq ue , qui no us régi t immédiatement,ne doit jamais comprimer, encore moins entraver l'essorde notre piété.

Ici, comme partout, l'autorité et la liberté ont le mêmerôle : l'autorité est instituée pour éclairer la liberté, pourl'empêcher de s'égarer, pour la protéger, et aussi pourl'activer, pour la faire avancer plus rapidement dans lesvoies de D I E U . Le rôle de l'autorité est un rôle essentielle

m e n t actif : c'est la force tu té la ir e qui fait faire le bien.La liberté est la force qui fait le bien sous la direction etla protec tion de l'a ut or it é. L u n e et l' au tr e son t mariéesensemble; elles doivent demeurer très unies, s'accorderpleinement et tendre au but unique de leur institution:le plein accomplissement des volontés de D I E U et la con

quête de la fin dernière.Or, il est beaucoup plus rare qu'on ne pense que, dansla piété, on jouisse pleinement de la liberté, et cela parlafaute ou du moins par le fait de ceux qui ont en mainl'autorité, et qui en abusent au lieu d'en user. On abusede l'autori té, du m o m e n t qu e l'on en use selon son ca

price, selon ses idées personnelles. Nous ne sommes pasles ma ît res des d ir ec ti on s que n ous d o n n o n s à ceux queD I E U a placés dans notre dépendance : cette autorité,quel le qu 'el le soit, appar t ien t en propre à Notre-Sei-gneur , et, qui que n o u s soyons, nous n 'en sommes queles di sp en sa te ur s. Or, la p re mièr e qu al it é requise en cette

dispensation, est qu'elle se fasse comme le veut JÉSUS,niplus ni moins; et cette volonté de J É S U S , nous la conna iss on s ce r ta inement p ar les di re ct io ns de l'Église, parles décrets du Saint-Siège, par les règles de la saine théo-1

logie, c'est-à-dire de la théologie catholique, apostolique1

romaine .



NOS GRANDEURS EN JÉSUS.— III . 445

Hélas! hélas! combien souvent l ' ignorance ou le parti-pris, ou parfois que lque chose de pi re enco re , ne vien t-i lpas violer ce pri nc ipe sa lu ta ir e, pro te ct eu r de la libe rtédes consciences ! G est une espèce de sa cr il èg e; ca r l 'autorité dont on abuse et la liberté qu'on viole sont toutesdeux des choses saint es , é m in e m m e n t sacré es . On en ré pondra bien sérieusement devant D I E U .

Combien de fois un enfant, attiré par la grâce deNotre-Seigneur, ne se voit-il pas contrarié, entravé demille man iè re s dan-^ l 'a ccompl issement de ce que D I E U

demande de lui ! Le père, la mère, le maître ou la maîtresse, qui ont pour devoir de lui faire fa ire la volonté deDIEU, se posent de v an t lui et l 'e mp êc he nt d'av ancer . 11

aimerait à prier, à aller à l'église : on le lui défend, oudu moins on lui suscite mille difficultés. Il a quelque chose

sur la conscience et il vo udra i t al le r se confesser : on leremet aux ca lend es gre cques et sa pauvre pet ite à m ereste ainsi en mauvais état. Par cet abus de po uv oi r, oncontrarie les meilleures inspirations de la grâce; on décourage cette p iété nai ss an te , et b ie ntô t ce pe ti t g e rm e ,que Notre-Seigneur destinait peut-être à devenir un grand

arbre, su r les r am eau x du qu el les o iseaux du ciel pourraient s ab ri te r u n jou r , se dessèche , s' a tr op hie et m eur t .Pourquoi? Parce qu'on l'a privé de sa liberté. Quelle responsabilité ! '

Et les ab us d 'a ut or it é de tant de maît re s à l'égard deleurs se rv it eu rs? de ta nt de pat ro ns à l'égard de leu rs

ouvriers ou de leurs apprentis ? Je mets en fait que, parmiles petites gens , su r mil le qui vi vent loin de D I E U , p l u s

des trois q u a r t s ne l 'auraient jamais abandonné, ou dumoins re v ie nd ra ie nt fac ilem en t à lu i, si leur s maî tr esleur en donna ien t et la facil ité et l' exemple . On a vu desrégiments presque entiers remplir leurs devoirs religieux



44tt LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

dès qu'un colonel chrétien se trouvait placé à leur tête.On en a vu d'autres cesser toute pratique, sous la compression morale, quelquefois môme devant des menacesd'officiers impies. Pauvres gens, que fait-on de leur li

ber té?Et nous-mêmes, pères spirituels des âmes, dispensa

teurs des mystères de D I E U , officiellement chargés de leurfaire connaître J É S U S , de les at t i rer à lui, de leur distribuer ses trésors, entrons-nous toujours, comme c'est

notre devoir, dans les vues de no t r e bon Maître? Com-.ment leur dispensons-nous le sang du Sauveur au sacrem e n t de Péni tence? les absolvons-nous t o u t e s les fois que

n o u s le p o u v o n s ? Ne l 'oublions point : du moment qu ' i l a

l 'âge de raison, le fidèle qui a péché et qui se repent de

bon cœur, a droit à la grâce de l 'absolution : respectons-

nous toujours ce droi t? On Ta dit souvent : vis-à-vis desautres , la liberté est le respect de leurs droits véritables.J É S U S et son Église v e u l e n t que nous pa rdonn ions à toutpécheur repentant , que nous lui p a r d o n n i o n s le plus tôt

possible et avec bonheur : le faisons-nous toujours?Usons-nous de notre puissance sacerdotale uniquement

selon le Cœur de J É S U S et selon les misér icordieuses directions que nous recevons à ce sujet et du Saint-Siège etdes Saints? Le sang de J É S U S appl iqué a u x âmes les pu*

rifie et les conserve; c 'est un des grands moyens qui leurest offert par la bonté divine pour atteindre la fin de la

vocation chrétienne, à savoir, la possession de la vie de la

grâce , la persévérance et le salut . Et J É S U S veut qu'ellespuissent user de ce moyen avec le plus de liberté possible.

Il y a des Communautés ecclésiastiques ou religieuses,très estimables du res te , où la l iber té des â m e s est troppeu respectée. On la subordonne à des règlements pure-



NOS GRANDEURS EN JÉ SU S. — II I. 447

ment h u m a in s , quelquefois mê m e assez si ng ul ie rs ; onmet ce qu 'on appel le « le bo n o rd re » avan t le bien réeldes âmes , la pu ret é in ti me des co ns ci en ce s; au n o m de« la Règle, » on empêche a rb i tr a i re m en t les ge ns de seconfesser quand Us- en ont besoin ; et ainsi , ce qu i es tétabli pour faire régner Noire-Seigneur dans les âmes devient un obstacle à ce divin et souverain règne.. La sain te libe rté de la con sc ienc e, la lib erté des âmesest certainement un des vœux les plus chers de l 'Église,

et son cœ ur ma te rn e l ve ut que les déposit aire s de l ' au to rité, quels qu 'i ls soient , pr ot èg en t et favorisent toujo urscette liberté salutaire. A Rome, où les saintes traditionsse co nse rven t avec une si g ra n d e fidélité, le re sp ect de laliberté des co ns ci en ce s est por té à u n tel po in t, qu e l'autorité ecclésiastique envoie d'office, à certains jours mar

qués et en particulier les veilles des fêtes, dans tous lesSéminaires delà ville, deux-prêtres, que l 'on nomme « g l i

espositi, les e x p o s é s , » lesquels sont mê lés avec les a u t r e sconfesseurs de la ma is on et peu vent ains i rec evoi r, sa nsles co nn aî tre et s an s ê tr e c o n n u s d' eu x, tous ceux q u i seprésentent à le ur t ri bun al . Je sais que cette adm ir ab le

pratique n'est guère possible que là où se trouve une surabondance de Religieux et de prêtres; mais l 'espritqu'elle indique, nous le devons tous avoir ; et partout,comme à Rome, on doit tout sacrifier à la liberté des sacrements et au respect des âmes.

De la liberté de la sainte Communion

Plus enc ore q u e tous les au tre s, la c o m m u n i o n est u nmoyen puissant, souverain, institué par Notre-Seigneurpour faire at te indre aux fidèles la fin de leu r vocat io n .



448 L A P I E T E E T L A V I E I N T É R I E U R E

Elle est, comme dit le Concile de Trente, comme disentles saints Pères, le remède de notre infirmité quotidienne:« r e m e d i u m q u o t i d i a n œ i n f i r m i t a U s . » Elle est le grandmoyen de fortifier et de raviver les âmes , de les uni raJ É S U S , de leur inoculer la foi vive et la ferveur, de lesgarder chastes, en un mot, de les sanctifier .

Or, c'est encore nous, ministres du D I E U d'amour, quisommes officiellement chargés de faire connaître, de fairea imer et de faire pratiquer le plus possible à tous nos

frères, ce divin sacrement. Notre puissance est-elle, à cepoint de vue, toute au service des âmes et de leur liberté?Sommes-nous toujours de zélés et fidèles dispensateursdu Corps du S e i g n e u r ? J É S U S veut se d o n n e r à tous sesenfan t s ; il les attend tous, du fond de son tabernacle ; etle but de son sacrement n 'es t pleinement a t te int que

lorsque chacun d eux vient â l 'autel pour s'en nourrir.L'Église désire de la manière la plus formelle, que tousles chrétiens soient exhortés, poussés à la fréquentationdes sacrements ; et elle nous ordonne, par la grande voixde ses Conciles et de ses Pontifes, d'admettre miséricordieu-sement à la c o m m u n i o n , à la communion f réquente , àla

communion quotidienne, tous ceux que n o u s y trouvonsbien disposés ; en outre, elle nous fait un devoir d'y préparer toutes les âmes qui nous sont confiées, dans la mesure du possible. Donnons-nous ainsi J É S U S aux âmes?Elles y ont droit, ne l 'oublions pas. Ne leur refusons-nouspas souvent cet ines t imable bien et ce très puissant se

cours , sans motifs suffisants? Respectons-nous, protégeons-nous pleinement leur l iberté en ce point capital?A ce prix seulement, ces chères âmes seront libres dansla piété.

Que de choses à dire encore sur ce sujet si important!Dans combien de Communautés, soit ecclésiastiques, soit



NOS GRANDEURS EN JES US . — III . 449

XIV 29

religieuses, ne trouve-t-on pas, pour la communion plus encore peut-ê t requepour laconfess ion, d 'é t rangesrèglementset des usages a rb it ra ir es , eii co ntr ad ic ti on ouverte avecles décrets apos to liqu es les pl us cl a ir s, av ec les règles lesplus connues du Concile de Trente et de la théologie, ausujet de l'usage de la c o m m u n io n ! Au lieu de di la ter lesâmes, ces règlements abusifs les compriment et les étouffent; au lieu de les pousser à J È S U S - G H R I S T , ils les éloignent de lui ; sous prétexte d'un bien général imaginaire,

on arrête, on supprime le bien particulier. Bien souvent,on sacrifie la sanc tif ica tion per sonnell e des âmes , qu i estle but pr em ie r de l 'ado rable co m m u n io n , à la man ie descérémonies. Au mili eu de tou t ce la , q ue devie nt la li berté des consc iences? que d ev ie nt la volonté de D I E U ?

Et aussi que dev iennen t et la piété et l'espr it de foi, e t

[•'innocence et la pureté? La communion est le grandmoyen destiné à sanctifier et à garder les âmes : la refuser à un fidèle, que l qu'i l soit, sans une nécess it é vé r i table, c'est le p r iver de sa l ib e r té ; c'est lui en le ver lepouvoir de prendre le plus puissant moyen d'atteindre safin, qui est l'union .à J È S U S C H R I S T .

1

Un mot en co re . D ans les C om m un au té s religi euse s, laliberté de la cons cie nce est d' autan t p lu s préc ieuse qu 'i ls'agit d'àmes presque toutes excellentes, consacrées àfeus et vouées par état à la perfec tion de son a m o u r .Or, dans plus d 'une Communauté, lésâmes ne jouissentpas comme elles le dev ra ie nt , de la p lé nit ud e de l e u r

sainte libe rté . Po ur une rai son ou pour un e au t re , ellesse trouvent gênées, quelque fois même tout à fait empêchées en ce q u i touche les s acrements ; et, sous pré te xtede garder la règle, on ne leur donne pas toute la sainteliberté que réc lam e, qu e c o m m a n d e p our elles le Sa in t -Siège.




Le Pape Innocent XI, dans un célèbre décret, dont nousavon s ailleurs cité qu el qu es paro les, tr ac e auxSupérieuresleurs devoirs à ce sujet. Outre les communions de règle,dit le Souverain Pontife, « les Religieuses en qui les Su

périeures remarqueraient une plus grande pureté d'âmeet un amour plus fervent, d e v r o n t être admises à recevoirplus fréquemment et même tous les jours le très saintSacrement de l'Eucharistie (1). » Ce décret est la règlepratique d'après laquelle d o i v e n t s'interpréter toutes lesrègles des Communautés religieuses touchant la communio n. Il est l'e xpress ion ce rt ai ne de la sa in te volonté del'Église, et par conséquent de Notre-Seigneur. En traçantaux Supérieures leur devoir, il fait connaître l'étenduedes droits des subordonnés ; et dès lors, il montre aux dépositaires de l'autorité ce qu'ils d o i v e n t faire pour user

dignement de leur pouvoir, et comment ils d o i v e n t respecter la liberté des âmes qu'ils dirigent. Il n'est pas contr ai re aux Règles, ap pr ou vé es pa r l'Égl ise; bi en loin de.là, il les écla ire d' un e lumière su p é r i e u re ; il en montrela véri tab le ap pl icat ion, la rg e non moins que sa inte . CesRègles sont des directions auxquelles il faut se conformer,

en thèse générale ; et le décret apostolique indique les casparticuliers où il faudra aller plus loin, monter plus haut.Le bien publi c des Communau té s est ici merveilleusem en t comb iné avec le bien par ti cu li er de ch acune desâmes qui les composent. C'est la juste mesure entre uneob servance abso lue et uni fo rm e qu i sacri fiera it le bien

ind ividuel, et un e ab sence de di rect io n g én éral e qui serait défavorable au bon ordre de la Communauté.

(1) Si quîB vero puritalo mentis enileant, fervore spiritus itain-caluerint, ut dignes frequenLiori, aut quotidiana sanclissimi Sa-cramenti perr.eptione videri possint, id illis a superioribus per-mittatur.



NOS GRANDEURS EN JESUS —III . 4 5 1

Oh! quelle jo ie pure l'observation de ce lt e seule règleapporterait dans bien des Communautés! quelle sourceintarissable de ferveur, de sanc tif icat ion ! Rien n'es t bonque le plein accomplissement de la volonté de Notre-Seigneur et l'obéissance entière à sa sainte Église; end'autres te rm es , rien n'es t bon, rien n' es t doux et saint ,rien n'est fécond pour les âmes que le véri table usage dela liberté; de la liberté, non co mme l'entend le m onde,mais comme 'l 'entend l'Eglise et comme elle veut qu'elle

soit entendue et pr at iqué e, Unt par ceux qui dir igen t quepar ceux qui obéissent. Au tr em en t, vous n'avez plus, d' un epart, que de l'arbitraire et de la prudence humaine, et,de l'autre, des consciences comprim ées et faussées, unevie spirituelle la nguissante, et de pauA'res âmes qui ressemblent à des oiseaux mis en cage. Tin y a la ni dilatation

dans la piété, ni bonne vi-aie jo ie , ni sanctification féconde!

0 Seigneur, c'est bien là qu 'i l est bon de cr ier : Vive lasainte liberté, la liber té de l ' amour! Donnez-nous lagrâce, ô très bon J É S U S , notre Sauveur, de le bien comprendre tous, de le faire bien comprendre aux âmes et

d'établir ainsi partout la force et la joie de votre règne !

C'est ainsi qu'en Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T , tout puissant Libérateur du monde, nous de venon s, ou plu tôt nousredevenons l ibres ; libres d' at te indre notre fin dern ière ,qui est la bienheureuse éternité; libres de réaliser, mal

gré tous les obstacles intérieurs et extérieurs, notre destinée su rnaturel le , et d' accompli r la loi fondamentaled'une existence que le bon D I E U ne nous donne que pourle connaître, l' aimer et le servir , et pa r ce mo yen acquérir la vie éternelle.



III

EN JÉSUS, NOUS DEVENONS LES JUGES DU MONDE ET DES PÉCHEURS

Que Nôtre-Seigneur JÉSUS-CHRISTest le Juge de toute créature, et comme Fils de DIEU

et comme Fils de l'homme.

« Le Père céleste, Créa teur tou t puis sa nt, di t saint Cy

rille, crée toutes choses par son Fils, comme par sa vertuet sa force ; de m ê m e , Souvera in-J uge , il ju g e par sonFils, comme par sa justice Cl). » L'Incarnation n'enlèveau Fils de D I E U aucune de ses perfections ; uni à son humani té , le Verbe , le Fi ls , dem eu re ce qu' il est éternellem en t da ns le se in du Pè re : la Jus t ice inf inie, le Jugeéternel et suprême.

L'Évangile de sa in t Je an c onti en t, à cet égard une parole pleine de mystères, proférée par Notre-Seigneur lui-même : « L B P è r e n e j u g e p e r s o n n e \ m a i s i l a confié a u Filsl e s o i n d e t o u t j u g e r . I l l u i a d o n n é l e p o u v o i r d e juger,

p a r c e q u ' i l e s t le F i l s d e l ' h o m m e (2). »

(1) Quemadmodum D E U S ac Pater creandi polestate prœditus»eunota créât per Filium tanquam per virtutem et robur suum': îta, cum pênes eum sit judicandi polestas, id quoque piœstabilper Filium tanquam per just it iam suam. (In Joan. Kvaug. lib. II,cap. vu.)

(2) Neque enim Paler judicat quemquam : sed omne judiciujndédit Filio et potestatem dédit ei judicium facere, qùia Filiushominis est. (Ev. Joan. v> 22, 27.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . —III . 1 5 3

Remarquons et pesons cette parole divine : « Il estétabli Juge, p a r c e q u ' i l est le Fils de l'homme. » Notre-Seigneur ne dit pas seulement qu'il est le Juge.du mondeentant qu 'homme, mais p a r c e q u ' i l est homme. Qu'est-ceque cela veut d i re ?

Gela veut dire que, D I E U voulant créer le monde telqu'il Ta fait, co mp os é de cr éa tu re s sp ir itue lles et m a t é rielles, et v o u lan t co m m u n i q u e r à ces cr éa tu re s b ie naimées sa propre vi e, sa in te et ét er ne ll e, il a pl acé au

centre ou, si l'on veu t, au so m m et de tout es ses œ u v re s ,son propre Fi ls , afin qu 'il fût au mi lieu des c réa tu res lasource vi va nt e de ce tte vie d iv ine, le p ri nc ipe , et enmême te mp s le m éd ia te u r et le type ab so lu men t par faitde la sa in te té à laqu el le elles sont ap pe lées . J É S U S - C H R I S T

est le. type, l ' ex em pl ai re d' ap rès lequel elles d oi ve nt se

juger elles-mêmes, se réformer, s'il y a lieu et, un. jour,lorsque le travail sera terminé, être jugées par leurCréateur. Or, D I E U inf ini me nt sage a vo ul u, au mi lie udes tem ps , rev êt ir d'une âme et d 'u n co rps cr éé s ce Fils-éternel, Seigneur et Roi de la création ( 1 ) ; il l 'a vo ul u pourque le type fût de m ê m e na t u r e que ce qui devai t l ui

être co mpar é ; le mo dèl e , se mb la bl e pa r u n cô té , à cequi devait se conformer à lu i. C 'est do nc « pa rc e qu' il estle Fils de l ' h o m m e, » c'est en son huma ni té ,, hypos ta -tiquement unie au Verbe, que J É S U S est étab li J u g e etdes Anges et des h o m m e s . Sa sainte âme est le type dela sainteté an gé li que , d 'apr ès lequel ont été, so nt et se ro nt

jugés et les Anges fidèles et les Anges rebelles ; et sasainte h u m a n i t é est le type au qu el nous ser on s tous

(i) Qu'il l'ait, voulu indépendamment clu péché originel, oucomme conséquence de ce même péché, il importe peu ; nousparlons ici du fait de l'Incarnation, qui est de foi, et non du

pourquoi de ce fait qui est discuté en théologie.



454 LA PIÉTÉ ET LA VIE INFERIEURE

comparés, nous autres hommes, et d'après lequel nousserons ou sauvés ou réprouvés.

L'Apocalypse n ous m on tr e la my st iq ue Jéru sal em mesurée et construite « s e l o n l a m e s u r e d e l ' h o m m e , l a q u e l l ee s t l a m e s u r e d e l ' A n g e ( 1 ) . » Jérusalem, c'est l'Église,mil itante ici -bas, t ri omphan te là h a u t ; toutes les pierresde l'Église, ce sont les fidèles qui la composent, pierresvivantes, préparées, taillées, polies, disposées par l'Esprit-Sa in t ; et d'ap rès quel le m esu re ? « M e n s u r a hominis,

d'a prè s la mes ure de l' Homme, » de Celui « qu i, pournous autres hommes, est descendu des cieux et s'est faithomme ; » de Celui qu i a imai t à s'appeler « le Fils del 'h omme » et qu i est l'A nge, » c'e st- à-d ire l'Envoyé, leMessie ; de Celui que l 'Écr i tu re et les Pè re s appellentl'Ange de la face du Seigneur, l'Ange du grand conseil,

l'Ange de l'alliance, (2) l'Ange des Anges, l'Envoyé desEnvoyés. » A la mesu re de l'En vo yé du Pè re , tous nouaserons mesurés.

Que la sainte humanité du Christ est l'Exemplaire,

le Livre de vie et la Loi du jugement.

Le Christ-JÉsus, THomme-DiEU, est encore « cet/toOT 1

p l a i r e » qu i fut m o n t r é à Moïse su r le m o n t Ho reb, dans lemyst èr e de la céleste visio n, et duque l il lui fut dit:« F a i s s e l o n l ' E x e m p l a i r e q u i f a é t é m o n t r é s u r l a mon-

t a g n e (3). » La montagne , c'e st ic i ce sommet de lacréa tion qui touche le ciel et su r lequel repose le Verbe

(1) Mensura hominis, quae est Angeli. (xxi, 17.)(2 Angélus faciei ejus salvavit eos. (Jsa. LXIII, 9.) Magni consilii

Angélus. Et Angélus Testament] quem vos vultis. (Malao. ni. 1.)(3) Fao secundum exemplar quod tibi in monte monstratumesL*

(Exod. xxv, 40.)




(!) Inlib. I,Reg. x.

fait chair, vrai D I E U et vrai homme, a la fois infini etfini, incréé et cré é, Fils de D I E U et Fils de l'homme. Delà, du somm et du m onde q ui est l ' hum ani té , du sommetde l'humanité qu i est l'Église, du so mmet de l'Église quiest le my stère de l' In ca rnat io n, J É S U S se présente à toutecréature comme l'Exemplaire auquel elle doit se conformer et d'après lequel D I E U la ju g e et la ju ge ra .

La my st iq ue m on ta g ne , mon tr ée à Moïse et à no ustous en sa personne, c'est encore, dit saint Grégoire le

Grand, la m o n ta g ne du Calvaire ; où s'est parachevé lemystère du sa lu t. « Reg ar de , s'écrie-t-il, re gard e l'E xemplaire de l'obéissance, de la patience, de la force, de lacharité, de l'h um il it é, du mép ri s du monde , de toutesles vertus, que t'a pr és en té le Chr ist su r la m on tag n e duCalvaire ; Moïse l a figuré jadis par l'autel des ho lo

caustes et des parfums, par le Tabernacle, par les vêtements sacrés du Grand-Prêtre et par les victimes :reproduis-le fidèlement, imite- le ; et tu élèvera s ain si enton âme un tabern ac le à ton D I E U , un tabernacle resplendissant de toutes les vertus (1). »

I es Saints on t passé leur vie à con templer et à imit er

ce type sacré. J É S U S , et J É S U S crucifié, était la seulescience dont se glorifiât saint Paul. La croix de J É S U S ,

le grand Ex em pla ir e du Calvaire, est le livre de tous lesSaints. « Donnez-moi m o n livre ! » m u r m u r a i t d e sa voixdéfaillante saint Philippe de Béniti, sur son lit de mort.Et comme les Frèr es q u i l 'assistaien t lui pr és en ta ie n t,

^l'un son bréviaire, l 'autre son Évangile, le Saint répétait:« Donnez-moi m o n livr e ! do nn ez -m oi m o n liv re ! » Onremarqua qu'il ne quittait point des yeux le crucifix : unFrère le lui présenta. Le Saint le saisit avec transport,




le couvrit de larmes et de baisers : « Voilà, voilà monlivre ! sécria-t-il. Je n'en connais point d'autre. Je n'ai

jamais voulu ni su en lire d'autre. »Oui, J É S U S , en toute sa vie et surtout en sa sainte

Passion, est le livre de vie, où est contenue la loi d'aprèsLAQUELLE toute créature SERA JUGÉE ; J É S U S est TOUT ensembleet LE JUGE qui bénit ou qui condamne, et la loi qui SERT

de base au jugement, et le livre dans lequel sont inscrits,en lettres de lumière et d'amour, tous ceux qui se sauvent,

et en lettres de sang et de feu, tous ceux qui se damnent.« E n v o i r e l i v r e t o u s s e r o n t i n s c r i t s (1). » dit le psaume ;le livre de DIKTT est son Verbe incarné, notre Sauveur.

« Applique-toi, mon fils, disait à l'un de ses disciplesla séraphique Angèle de Foligno, applique-toi à bienconnaître ton D I E U et à te bi en co nn aî tr e toi m ême, en

priant beaucoup ET EN l isant ass idûment dans LE Livrede vie.« Sache-le, le Livre de vie n'est autre que JÉSUS-

C H R I S T , le Fils de D I E U , le Verbe et la Sagesse du Père,qui EST apparu au mi li eu du m o n d e afin do nous instruiropar sa vie , par sa mor t et par sa doc tr ine . Il faut consi

dé re r quelle fut sa vie e t sa con du it e co ns ta nt e pendantqu'il vécut sur la terre. Sa vie est le modèle de tous ceuxqui veulent se sauver (2). »

Comment le Pape et l'Église entrent en participationde ce droit suprême de juger.

Notre-Seigneur est donc constitué par D I E U son Pèrecomme la loi vivante et le Ju g e du m o n d e . En ce quico nc er ne l 'Église mi li ta nt e, il délègu e son minis tère e

(1) In libro tuo omnes scribentur (cxxxviu, 16.)(2) Bolland, 4 Janv., n° 164 et 165.



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III.

sa souveraine a u tor i té de Ju ge à son Vicai re , Chef visib le,de son Eglise et re p ré se n tan t de sa ju st ic e, de son au to ri téet de sa miséri co rde au m ili eu des homm es .

Le Pape, et l'Église avec le Pape, a donc de droit divinle pouvoir et la mi ss io n de ju g e r et les h o m m e s et leschoses. Il mesure tout à la mesure exacte de la vérité,c'est-à-dire de J É S U S ; il j u ge , il ap pr ou ve , il rép rou veen conséquence ; et d ans cet te fonc tion , il est assis tédirectement et infailliblement de l'Esprit de vérité, dontJÉSUS

l 'enveloppe comme d'une nuée lumineuse, afin quetoute l'Église et toute l' h u m an i t é pu is se nt sav oir in fai lliblement ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est

juste et ce qu i est in ju ste, ce qu 'i l faut faire et ce qu 'i lfaut éviter.

Nos Évêques par ti ci pe nt, dan s une mesure., à cette

judicature du Sa uve ur ; mai s ils ne l'on t qu 'en p re mièreinstance, et TEvêque des Évêques la possède seul en plénitude. Seul, en effet, il est le Chef suprême, le suprêmetribunal et le Docteur universel.

Pour nous, non pour lui-même, il a en main la règle,la mesure du Fils de l' homme, qu i est le Fils de D I E U ;

et cette règl e, il la p résen te , ou pour m ie u x d ire, ilL'impose avec autorité à l'Église entière, aux Évêques,non moins qu'aux Prêtres et aux simples- fidèles, auxsociétés et aux princes non moins qu'aux individus, afinque ch ac un pu is se , s'il ve ut se sa uv er , y c on fo rm er plei nement ses pensées, sa doctrine, sa conduite, ses mœurs,

sa vie. Le j u g e m e n t de Pi er re est le j u g e m e n t m êm e duChrist ; c o m m e le j u g e m e n t du Chr ist est le j u g e m e n tmême de D I E U . C'est la règle pratique infaillible quimesure tout et que rien ne mesure, qui doit tout régleret redresser et qu e pe r son ne su r la te rr e n 'a le dro it deméconnaître, de juger, encore moins de violer.

Toute la tradition des Conciles et des Pères rend à cette




autorité souveraine du Chef de l 'Eglise et de tous ses j ugements un splendide témoignage. Entre cent autres,nous rapporterons ce qui fut proc lamé au Concile œcu-*•méniquc d'Éphèse, presque au berceau de l 'Église : «Iln'est douteux pour personne, bien plus, il a été de notoriété publique dans tous les t e m p s , que le Saint et Bienheureux Prince et Chef des Apôlres, la colonne de la foiet le fondement de l 'Église universelle, a reçu de Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T , Sauveur et Rédempteu r du genre

h u m a i n , les clefs 'du royaume, et que le pouvoir de lier etde délier les péchés lui a été confié. Or, Pierre vit encoreaujourd 'hui et vivra toujours en la personne de sessuccesseurs, exerçant par eux le1 droi t de j u g e r (1). »

Jugeons donc tout ici-bas, et les h o m m e s et les doc

t r ines , et les inst i tut ions et les choses, d 'après ce juge

ment div in de Notre-Seigneur et de son Vicaire, de Notre:

Seigneur en son Vicaire.J É S U S est l 'Époux de l 'Église, dit saint Augustin, et

l 'Église est l 'Épouse de J É S U S . 11 est écri t de l 'Époux etde l'Épouse qu'ils « s e r o n t d e u x e n u n e s e u l e c h a i r . » Étantdeux en une seule chair, n'est-il pas tout simple que tous

deux n 'aient qu 'une seule et même voix pour parler ? Quele Christ nous parle donc. C'est l'Église qui nous parledans le Christ, et c'est le Christ qui nous parle dansl'Eglise (2). Le Pape, Vicaire du Christ, est sa manifestation visible sur la t e r re .

(4) NulJi dubium, imo saioulis omnibus notum est, quod sanctusbeatissi musqué Apostolorum Princeps et Caput fideique columna;etEcclesiae catholicœ fundamentum, a Domino nostro JESU CHRISTOSalvatore humani generis ao Redemptore, olaves regni accepit,solvendique ac ligandi peccata potestas ipsi data est, qui ad hocusque tempus et semper in suis successoribus vivit et judiciuûiexerce t.

(2) Erunt duo in carne una. Si duo in carne una, cur non duoinvoce una ? Loquatur ergo Christus, quia in Christo loquitur

Ecclesia, et in Ëcclesia loquitur Christus ; et corpus in oapite, etcaput in corpore. (Enarr. u, in Psal. xxx, serai, i.)



NOS GRANDE URS EN JE SU S. — II I. 459

Obéissants, nous devenons infaillibles de l'infaillibilitémême de l'Égl ise, qui est l'in fail lib ilit é du Pap e, q ui es tl'infaillibilité du Fils de D I E U . Oh! qu'il fait bon d'obéir!qu'il est bon et g rand d'ê tre ca tho li que! No us oubl ionstrop de remercier chaque jour le bon D I E U de cette grâceincomparable. Les protestants convertis en ont presquetous le sentiment si profond, qu'ils ne peuvent se rassasierdu bonheur d'être en fant s de l'Église et de m a r c h e r auciel en tou te assurance , sous la houlet te de s a in t Pi er re .

Ainsi, le Pape et l 'Église continuent sur la terre, entrele premier et le second avèn em en t de Not re -Sei gn eu rJ É S U S - C H R I S T , le min is tè re de ju ge qui a été do nné auChrist « parce qu'il est le Fils de l'homme ;» et le Vicairedu Fils de l 'h omme m a in t i e n t au milieu des h o m m e s larègle, non moins salutaire qu'inflexible, d'où dépend pour

tous ou le bo nheur ou le m a lh eu r .

En quel sens lo vrai fidèle a le droit, selon la parole de saint Paul»de juger de tout et de ne point être jugé.

C'est un oracle de l'Écriture : « L ' h o m m e s p i r i t u e l j u g e

de tout, e t i l n ' e s t j u g é p a r p e r s o n n e (1). L'homme spiritueldont par le ici l'Apô tre, c 'est , en généra l, to ut ch ré ti en quipense et qui vit selon la foi catholique ; et, plus spécialement, c'est le chré ti en tou t in té ri eur, qu i v it « l i v r é à l a

grâce d e D I E U (2),.» intimement uni à J É S U S et conduit parl'Esprit-Saint. Le pr iv il èg e roya l d é j u g e r de tout et de

n'être jugé par personne , appart ien t à tous les fidèles deJÉSUS sans excep tion ; ma is il ap pa rti en t d' un e m an iè respéciale et par fa it e au c hré t ien parfai t,

[[) SpiriLualis judicat ornnia, et ipse a nemine judicatur. (lad"Cor.H, 15.)

(2) TradiLus gratise D E I . (Act. xv, 40.)




C'est tout naturel ; car le chrétien, qu'est-ce après tout,sino n un h o m m e uni au Christ de D I E U , au Juge des hommeset des ch os es ? Et le ch ré ti en sa in t et pa rfa it, qu'est-ce,sinon un homme qui ne vil plus, qui ne pense plus, quine juge plus par lui-même, mais en qui juge et penseNotre-Seigneur J É S U S - C H R I S T ? Est-il étrange que les membr es du Ju ge p rennen t pla ce avec lui su r son tribunal?Nous sommes inséparables de notrebien-aimé chef JÉSUS;

et, en lui, nous ju geo ns de t o u t ; et k cause de lui, nullecréature n'a par elle-même le droit de nous juger.

Il appa rtient exc lus ive me nt au su pér ieu r de jug er l'inférieur. L'égal n'a pas le droit de juger son égal ; encoremoins l ' inférieur a-t-il le droit de juger celui qui lui estsu pé ri eu r. Le ju gem e nt , en effet, est un privi lèg e et unacte de supériointé. L'homme spirituel et intérieur juge

de tout parce que. en J É S U S avec qui il n'est qu'un seulesp rit, il est su pé rieu r à tou te cr éa tu re ; et per so nne n'aiedro it de le juger , pa rce que tou te cr éat ure , considérée enell e-m ême, est in fin im en t inf éri eur e a la cr éa tu re unie et

comme identifiée avec le Seigneur. Si le chrétien estjugélégitimement par son Évèque et par le Pape, c'est que

J É S U S rés ide et vit dans les Pasteurs de son Eglise avecune autorité officielle et infaillible, qu'il ne confère qu'àeux seuls et qui a pour but de maintenir tous les chrétiensdans la vérité, dans la justice et dans la charité.

Oui, « l ' h o m m e s p i r i t u e l j u g e d e t o u t e t n ' e s t j u g é par

p e r s o n n e - , c'est-à-dire p a r au c u n h o m m e , dit admirable

ment saint Augustin ; il n'a pour juge que la loi, selonlaque lle il j u g e tout. L 'h omme spiri tue l j u g e d e tout, parcequ 'il est au-dessus de tou t, du m o m en t qu 'i l est avec sonD I E U ; et il est avec lui quand la pure té de son cœur luipermet de voir la vérité sans ombre, et lui fait aimer deto ut son cœ ur la vér it é qu 'i l vo it . Ains i, la loi et lui ne




font plus qu 'u n , au tan t que cela est possi ble ; il devien tlui-même la loi, selon laquelle il juge de tout et que personne ne peut discuter, ni juger ( 1 ) . » Or, « la loi div in e,c'est la vérité ( 2 ) , » dit l 'Écr itu re, et Notre -Seign eurajoute: « C ' e s t m o i q u i s u i s t a V é r i t é . » J É S U S est la véritéqui ray onne tou te vé ri té et qu i éc la ire les Ang es , leshommes et le monde . Pa r la foi, il habite en nous ; etnous sommes dans la vérité ; et nous sommes en lui. Nousportons la v é r i t é ; no us po rto ns la loi v i v a n te ; et n ou s

sommes dans la loi. De là vient notr e dro it de j u g e r detout et de n'être point jugé par le monde.Et en effet, le mo nde , c'es t-à-dire les c réa tu res qu i ne

yivent point en J É S U S - C H R I S T , est par rapport à l'Eglise etau chrétien , da ns u n éta t d'infé riorité absolue . L 'h ommesans J É S U S , sans la foi, sans la grâce, n'est que cet

homme a n i m a l , a n i m a l i s h o m o , dont parle saint Paul ; i l n e comprend r i e n a u x c h o s e sd e l ' E s p r i t d e D I E U (3), c'est-à-dire aux choses de Tordre surnaturel, aux splendeurs etaux magnif icences do la révé la tion . Pour lui, tout l'o rdresurnaturel « c'est de la folie , et il n 'y peu t r ien comprendre, parce que to u t cela n e peu t être com pri s qu 'à la

lumière de l'Esprit-Saint ( 4 ) . » Il est l 'opposé de l'hommespirituel, lequel est tout entier transformé parle Christ•et passé en u n e au t re vie , en u n e vie no uv el le , cé les te,spirituelle, di vi ne . Seul, celu i-ci est in iti é au x s e c r e t s d uSeigneur ; seul, il a le sens du Christ ( 5 ) ; ce sens nouveauqui nous élève au-d es su s de toute c réa tu re et au-dessus

" (l)De vera Religione, x x x i .

(2) Lex lua Veritas. (Psal. c x v m . )

(3)1 ad Cor. n, 14.(4) Stultitia enim est illi, et no npote st int el li gere: quia spiritua-

liter examinatur. (Ibid.) (5) Quis enim cognovit sensum Donnai, qui inslruat eum? Nos

autem sensum Christi habemus.-(I ad Cor. n, 16.)




de nous-mêmes, ei qui resplendit de tout l'éclat des grandeurs que nous communique J É S U S - C H R I S T .

Et QU 'on ne prenne pas pour DE l'orgueil cette grandevérité chrétienne, ce sent iment DE notre divine grandeur enJ É S U S ! Oh ! non, certes: l'orgueil est mensonge et folie;et ICI IL N'Y A QUE VÉRITÉ, AMOUR, SAGESSE, LUMIÈRE. NOUS

sommes, tous les premiers, SOUMIS, humblement soumisà la loi qui juge tout, À la vérité, À. J É S U S qui nous communique la puissance de juger de tout. En effet, ajoute

saint August in, « de même QUE nous jugeons à justetitre S rdon la vérité tout ce QUI est au-dessous de nous,de même, lorsque nous adhérons à cette môme vérité divine, nous ne sommes jugés que par elle ( 1 ) ; » mais noussommes jugés par elle; et c'EST avec un grand amourque NOUS nous soumettons À SON JUGEMENT, qui est tout

AMOUR, COMME IL EST TOUT ENTIÈREMENT VÉRITÉ ET SAINTETÉ.Oh! qu'il est donc bon d'être chrét ien et catholique!

qu'il EST bon, qu'il est sublime DE demeurer en l'union duSeigneur J É S U S !

Que c'est JÉSUS lui-même qui juge par nous,avec nous et en nous.

Saint ANTOINE DE PADOUE, EXPLIQUANT LE passage du livredes Rois où il est quest ion du trône d' ivoire et d'or diSalomon, nous enseigne une belle et consolante doctrine.J É S U S - C H R I S T , qui est la Vertu et la Sagesse de D I E U , nousdit-il, s'est fait un trône, où il put reposer. Ce trône, c'estl'âme de tout juste, que le Christ A créée par sa Sagesse,et que, par sa Vertu, il a voulu relever après le péché,

(1) De vera Relig-, lib. I, cap. LU



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III. -163

parce qu'elle était sienne. Tl s'est donc fait un trône poury reposer; car l'âme du jus te est le siège de la Sagesse. Le R o i q u i s i è g e s u r le t r ô n e d e s o n j u g e m e n t , dit le livredes Proverbes, f a i t f u i r le m a l p a r s o n s e u l r e g a r d . Ainsi leGhrisl, Roi des rois, siège sur son trône, c 'est-à-direrepose dans l ' à m e ; et de là, par son regard , c'est-à-dire

par le r ayonnement de sa grâce , il fait fuir tout le malqui provient de la chair , du monde et du démon (1). »

« Une grande parole, oui, une grande parole a été dite,

s'écrie saint Augustin : le t rône de la Sagesse, c 'es t l ' àmedu juste. Cela veut di re que la Sagesse réside dans l'âmedu jus te, com me sur son siège, comme sur son t rône ,d'où elle juge tout ce qu'elle juge (2). » La Sagesse, c'estle Christ, et le Christ est dans les m e m b r e s du Christ .0 chrétien, ve ux -tu, toi aussi, être son siège et son trône?

Garde-toi de p e n s e r que ce la te soit impossible : prépare-lui la place en ton c œ u r ; et il y vient , et il s'y reposeavec délices. Il est en personne la Vertu et la Sagesse deDIEU. Or, que dit l 'Écr i lure de la Sagesse? L ' â m e d u j u s t eest le s i è g e de l a S a g e s s e . Si donc l'àme du jus te est lesiège de la Sagesse, que ton âm e soit juste, et tu seras le

trône royal de la Sagesse (3). »(1) JÉSUS CHRISTUS, qui est DEI Virlus et Sapicntia, fecit sibi

Ihronuin, in quo rcquicsoeret. Thronusest anima cujuslîbet justi,quam suasapientia Christus creavit. Cum vero esset sua, virlutereorcavil. cum essct pordita. FeciL ergo llmmum, ul in ipso re-quiesoeret, quiaanima jual.i sodés Sapicntiae... Hexqui se elinsolio

judicii, dissipai omne mahiminhàtu s- o. Sic Christus, Rex regum,sedel in solio, id est, requiescit in anima, et dissipai omne malumcarnïs, mundi et diaboli, intuitu suo. id est, respectu suasgratiai.(Domin. V, posLTrinit, serm. n.)

(2) Magna res, magna res dicta est, thronus Sapientiae animausti; id' est, in anima jusli sedet Sapientia tanquam in sella sua,anquam in throno suo, et inde judicat quidquid judicat.(3 In meinbris Christi Chri4us (S. Aug., Enar, n, in Psal. xxx,

serm. i.) Visct tu esse sedes ejus? Noli putare te esse non posse:para ïlli locum in corde tuo; venit, libenter sedet. Ipse certe est




J' adore donc en m oi , si j' a i le b o n h e u r d'êt re fidèle àmon D I E U , j 'adore en moi J É S U S , le Verbe fait chair, leRoi du ciel, le divin Juge, la loi, la règle, la mesure deto ut e cho se . Uni à m on to u l -p u is sa n l Se ig ne ur , je ne faisplus qu'un même esprit avec lui, comme dit l 'Apôtre; etdès lors, c'est son jugement même qui passe par moi, etqui juge de toutes choses; c'est sa lumière etsa trèsjustevéri té, et sa jus tic e trè s véritab le, qu i d ev ien nen t commel'â me de tous mes j u g e m e n t s . Je juge avec lu i ; il juge

avec mo i ; il juge en mo i et par moi. « Je su is toi et tu esmoi (I), » disait-il un jour à sainte Angèle de Folignopour lui do nn er u n e idée de l'ineffable in t imi té de soiiam ou r avec elle. Dans un e mesure , il nous le di t à tous,au fond du cœur. Quel pr od ig ieux ho n n e u r pour unpauvre néant et pour un pécheur, quelque converti qu'il

puisse être !Donr», tant que je suis enfant docile de son Église, tantqu e j e cor responds à sa lumière , c'est J É S U S qui juge enmoi, de même que c'est J É S U S qui parle, qui vit et opèreen moi. « Il parle en n o u s ; il parle de n o u s , il parle parnous , dit le célèbre Hugues de Saint-Victor ; car nous

aussi, nous parlons en lui. Il ne veut point parler séparément, parce qu' il ne veut pas être séparé (2). » J É S U S neve ut poin t par ler seul ; il ne veut point juger seul; etcela, parce qu'il nous aime, parce qu'il sait que, sans lui,nous n e pouvons rien faire, que notre parole est vaine, et

DE I Virtus et DEI Sapientia. Et quid dicit Scriptura de îpsa Sa-pientia? Anima justi, sedes Sapientiœ. Si ergo anima jusLi sedesest Sapientiie, siL anima tua justa cL eris regalis sella Sapientiœ.(In Psal., X L V I , 10.)

(1) Tu es ego, et ego sum tu. (Bolland., n* 77.) Il est inutile defaire remarquer que ces paroles n'expriment pas une unité depersonnes, mais seulement une unité morale, une union spirituelle.

(2) Loquitur Christus in nobis, loquitur de nobis, loquiturper .nos quia et nos loquimur in il lo; noluit loqui separatim, quia

noluit esse separatus. (In Psal. LVI.)



NOS GRANDEURS EN JE SU S. — III. 465

XIV

notre ju ge me nt san s au to ri té , sans po ids, san s lu mi èr e,tetbien souvent in ju st e e t i m pie .

Avec quelle sainte fi«:té le chrétien doit se conduireau milieu du monde.

C'est au docte et éloquent Évoque de Poitiers que nousallons dem an de r de nous le bien faire co m p ren d re . « Mesfrères, disa it-il un jo u r (i),- c'est le gr a n d m a lh e u r deschrétiens de ce temps de ne plus estimer assez la foi quiest en eux, de ne plus se souvenir assez de que l ab îm ed'erreurs elle nous a tirés, de quels biens et de quellesespérances elle nous a enrichis. Oui, en ce siècle, on faittrop bon ma r c h é de son baptême, et l'on abaisse t ro p

aisément les dons de la grâce devant les don s de lanature... Les âmes sanctifiées par la grâce sont appeléesdans les saintes Écritures l e s m o n t a g n e s d e D I E U . C'estqu'en effet, vous dir a Te rt u ll ie n , ri en n 'e st plus ha u t ,rien n'est plus, g r a n d que le ch ré t i e n : n e m o m a j o r , n i s i

christianus. « Vous êtes d'une grande race, répondait le

vieux Tobie à. l ' Arc han ge Ra ph aë l. » Ch rét iens , mesfrères, nous so m m es de la plus g ra n d e rac e du mo nd e,nous somm es de ra ce d iv in e, car nous so mm es de la ra cedu Christ, qu i est le Fils de D I E U .

« Donc, mes frères , une sa in te fierté sied bien auchrétien. Au nom de D I E U , pas de prostration devant ce

quivousestinférieur. Abaissez-vous par humilité, abaissez-vous par char it é; faites-vous petits p ar co nd es ce nd an ce ,pour ga gn er et pour r a m e n er vos f rè re s : ou i. Mais n ' a baissez ja ma is vo tr e foi, n 'aba is sez j a m a i s vo tre c a rac -

{1) Discours pour la translation des reliques de saint Latuin, àSéez.(Œuvres de Mgr Pie, tome III•)




tère de chrétien. S'il s'agit de questions purement humaines, de qualités purement humaines, que la palmede la supériorité soit adjugée aux profanes lorsqu'elleappartient aux profanes; cola est justice, et le chrétien,en pare il cas, ne doit pas se ule men t êt re ju s te , il doit êtregénéreux. Mais s'il s'agit de questious qui touchent parun côté ou par un autre à la doctrine de J É S U S - C H R I S T et àla Tradition de son Église, de grâce, ne laissez jamaistransporter la cause de D I E U devant le tribunal des mon

dains. C ' e s t à l ' h o m m e s p i r i t u e l , dit saint Paul, qu'il a p p a r t i e n t d é j u g e r t o u t e s c h o s e s ; e t , q u a n t à l u i , il a le

d r o i t d e n ' ê t r e j u g é p a r p e r s o n n e . . . N e s a v e z - v o u s p a s que

l e s S a i n t s , c est-à -dire tous les vr ai s ch ré ti en s doivent

j u g e r le m o n d e (1)? Chrétien, mon frère, vous acceptez leban des ac cu sé s; vo us vous trom pe z de p lace ; ce n'est

pas la sellette du prévenu , c'est le t r ibuna l du ju ge quivous convient. Le régulateur est entre vos mains, n'allezpas vous laisser toiser et mesurer à la mesure de l'homme,vous qui tenez le mètre divin.

« Non, vous dirai-je avec le grand Apôtre, n'allez pasvous laisser redresser et réformer selon les doctrines

va riab les de ce s ièc le (2), vous qui devez redresser etréformer ce siècle se lon la règle invari ab le qu i vous a étédonnée, la Parole de D I E U et renseignement de son Église.N'allez pas vous laisser juger dans ce demi-jour incertainq ue le même Apôtre appel le le jou r de l ' hom m e (3), etqui est tout au plus la lumière pâle et vacillante de l'astre

des nuits, vous qui pouvez et qui devez juger de toutes

(1) An nescit is quia sancti de hoc mundo judicabunt? (I ad Cor,vi, 2.)

(2) Nolite cunformari huic sœculo. (Ad Rom. xn, 2.)(3) Mihi autem prominimo est ut a vobis judicer, aut ab humano

die. (lad Cor. iv, 3.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I . -467

choses dans la ple ine lu mière du soleil de la révé la tiondivine. Aux ho m m es de son temps qu i ha sa rd ai en t desappréciations sur sa personne, Notre-Seigneur J É S U S -

CHRIST répondait : « C e q u e m o n P è r e m ' a d o n n é e s t p l u s g r a n d q u e v o u s t o u s e t q u e t o u t e s c h o s e s ( 1 ) . » Quand lechrétien est cité devant l'opinion du monde, qu'il se souvienne d'u ne pa ro le analogue qu i nous a été di te par sa in tJean: C e l u i q u i e s t e n v o u s e s t p l u s g r a n d q u e c e l u i q u i e s t

dans le m o n d e (2).

« Le m o n d é ! Mais depu is que les pr in ci pe s qu'il pr ofesse l'ont davantage séparé de D I E U , il ne sait plus seJenir debout, il ne sa i t p lus d ure r ; ses ins t i t ut io ns cro ul en tchaque mati n , il ch an cel le comme u n h o m m e ivre, sasagesse n'a jamais été plus courte, son habileté plusimpuissante. F r a n c h e m e n t , le m o m e n t sera ma l choisi

aii chrétien pour humilier sa foi, sa doctrine, devant lesdoctrines du inonde. Ce qui est fort, ce qui est vivant n'apas d'appui n i de cpnsei l à rece voi r de ce qu i m eur t , dec,e qui su cco mbe. La voix de sa in t Gyp ri en , fai sant éc hosur les riva ge s d'Afrique à la voix du p rê t re de C art hage ,s'élève pour n ous di re que « ce lu i-l à n 'a rien à d em an d er

au siècle qui est plus grand que le siècle ( 3 ) . »

Comment la vie du vrai chrétien est la condamnation vivant edu monde.

Le chr éti en v i v a n t e n J É S U S ne juge pas seulement lemonde avec J É S U S , il le c o n d a m n e. Il le co n d am n e, et

ji) Pater meus, quod dédit mihi, majus hominibus est. (EvJoan, x, 29.)

(2) Major est qui in vobis est, quam qui in mundo. (ï Joan, iv, 4.)(3) Nihil appetere desaeculo potest qui seculo major est (Lib. II,

. ;Èp. it.)




pour celte raison il en est délesté. 11 le condamne par l'innocence de sa vie et par l'énerg ie de sa fidélité -

« N o t r e P è r e r e l e s t e n o u s a tant a i m é s qu'il n o u s a donné

e t le n o m e t l a d i g n i t é d e fils de D I E U , dit l'Apôtre saintJEAN. A cause de cela, h CAUSE de COTTE SUPÉRIORITÉ DIVINE,

qu'IL NE PEUT ni ATTEINDRE, NI MÊME comprendre , l e m o n d e l

c'est-à-dire la société des pécheurs, n o u s m é c o n n a î t , et il

n o u s m é c o n n a î t p a r c e qu'il m é c o n n a î t n o t r e D I E U . Pont

n o u s y n o u s s a v o n s q u e n o u s s o m m e s d e D I E U , e t l e m o n d e gît

t o u t e n t i e r d a n s le d é m o n , » Aussi, « l'Esprit d e D I E U que

l e P è r e r é p a n d a b o n d a m m e n t en n o u s par J É S U S - C H R I S T ,

n o t r e S a u v e u r , accuse-t-il dès maintenant et convainc-t-ille monde, comme parle l'Évangile, D 'ê tre dans le péché,d'être étranger à la justice, D 'être digne du jugementÉTERNEL (1). »

L'ESPRIT-Saint, et avec lui J É S U S - C H R I S T , et avec JÉSUÔ-C H R I S T le Père, accusent et co ndamnent le mo nd e ; ils léconvainquent de péché parce qu'il ne croit pas en JÉSUS»

en qui seul est le sa lut, la résurrection et la vie ; ils tyconvainquent d'être étranger à LA justification et à la sainteté parce qu'il est tout terrestre et que, pour être justifié*

il faut S'élever avec J É S U S au-dessus de la vie des sens,au-dessus de la raison, et vivre par avance dans les cieux,là où le Christ siège à la droite du Père ; ils le convainQUENT ENFIN DE MÉRITER LE JUGEMENT môme de SATAN, QUI

est son chef et son séducteur, et qui, lui, est déjà jugé.Le vrai chré tien est tout l'opposé du m o n d a i n : il croit

(1) VideLe '.jualera charilatem cledifc nobis Pater, utfllii DEinomi-nemur et simus. Propter hoc mundus non novitnos, quia non noviteum. Scimus quouiam ex Duo sumus, et mundus totusin malignbpositusest. (Uoau, ш , 1; V, 19.) SpiriLus Sanclus, quem cfludiL,innos abunde per J E S U M C H R I S T U M Salvatorem nostrum (Ad Tit. iu, 6)

'arguet mundum de peccato, et de justitia, etdéjudicio. (Ev. Joau,xvi, 9.)




vivement et efficacement en J É S U S , et il vit de la foi ; soncommerce habituel est dans les cieux (1) avec J É S U S et enJ É S U S ; et son Sauveur, lui donnant part à sa sainte justice, le rend tout immaculé en lui : car, dit Origène,«.celui-là est immaculé qui possède en lui-même la voiede D I E U , c'est-à-dire le Christ (2). » Enfin, le pur et vraichrétien, arraché par son Sauveur à la puissance de Sa-tfin, n'a plus rien de commun avec ce misérable et n'apoint à craindre d'être condamné avec lui.

Le chrétien condamne les pécheurs , parce qu'i l leurprouve, par l'exemple quotidien de sa vie, qu'on peut êirefidèle à la loi de D I E U , chaste, doux et humble, pauvreet détaché de la ter re, obéissant, charitable, pacifique. 11le leur prouve par le plus irréfutable des arguments, l'argument du fait. 11 le leur prouve et le leur rappelle inces

samment. Qu'est -ce, en effet, que ce prêtre, cet humbleReligieux qui passe dans nos rues, au milieu des autreshommes, sinon une espèce de signe sensible, de vivantsacrement de la foi chrét ienne, de la sainteté évangéli-que, du Symbole et du Décalogue ? Les libert ins l' injurient;c'est, bien s imp le; n'a-t-il pas le tort impardonnable de

leur rappeler par sa seule présence, par sa modestie etson pauvre habit, qu'il y a un enfer, un jugement, unDIEU ? qu'on doit et qu'on peut être chaste ? Il passe devantdes étourdis, des élégants: ceux-ci se moquent de lu i ;C'est tout simple ; c'est la condamnation du monde quipasse ainsi sous la figure de ce pauvre capucin, de ce

prêtre qui prie, de cette Religieuse toute dévouée auxmalheureux.

(i) Justus exude viviL (Ad Rom. i, 17.) Nostra autem conversatiofticœlisest. (Ad Phil. ni, 20.)..•(2) ImmacLilatus est il Je qui via m Disi in se habet, Christum sfcili^pet. (In PsaL xvn.),




Le m arch an d fripon crie ap rè s le ch ré ti en et surtoutap rès le pr êt re , lui j et an t d' i nj ur ie ux s u r n o m s : cafard,tartuffe, calotin, etc. Qu'est-ce que cela vcutdire? Quelquechose de très simple encore : cela veut dire que ce pauvrehomme vole, qu'il a le sentiment qu'il vole, qu'il ne veutpas cesser de voler, et qu'il est fort contrarié devoir passer près de lui un autre homme dont la vie et le caractère lu i cr ie nt d 'u ne vo ix im pit oyable : « Tu as beau fairel 'honnête homme ; tu n'es qu'un voleur, et D I E U te jugera»et tu iras en enfer ! » La vé ri té blesse.

Pourquoi, dans le monde, et cela dès le collège, dès la jeunesse, pourquoi les mauvais sujets tâchent-ils de faireto mb er dan s le ma l et d' at ti re r d an s leurs ra ngs les enfants, les je un es ge ns ho nn êt es qui vi ve nt pieusement?Les mép ri se n t- il s? Pas plu s que le r ena rd de la fable ne

méprisait les raisins. Ils veulent tout bonnement se débarrasser d'un témoin qui les condamne et d'une vertu qu'ilsne se sentent point le courage de pratiquer. En faisantto mb er ce pieux ca m ara d e , ils s ' im agi nen t qu'ils finirontpar se pe rsu ad er à eu x- mê me s qu'il est v ra im en t impossible de garder leur pureté au milieu des passions de l'a

dolescence, qu'on ne peut faire autrement qu'ils ne font;en un mot, qu'ils peuvent faire le mal tranquillement etsans remords.

Et qu an d ils ne pe uv en t réussir , quel ét ra ng e dépit!qu 'il est vif et profond ! C'est enc ore tou t sim ple : ladémons-^trat ion est manquée ; ils se r e t rou ven t en face d'eux-

mimes, coupables, honteux, sans excuse. Pour se venger,ils bafouent, ils ridiculisent tant qu'ils peuvent cette vertuqu'ils a d m i re n t et qu' ils déte sten t, ce té mo in incommodedont la courageuse innocence condamne et leurs lâchetéset leur s excès. De là vien t la répu ta t ion qu e l'on fait sisouvent aux chrétiens pieux et fervents d'être de petits



NOS GRANDEURS EN JESUS . — I I I . 4 7 1

(1) Caten, aur. , in Joan.xvi.

esprits, de ne pas être au niveau du progrès des lumières,d'être des scrupuleux, d'être des sauvages, avec qui il estimpossible de vivre.

Qu'ils prennent garde à eux, ces coupables révoltés!qu'ils changent de vie, qu'ils reviennent à nous ; sans quoiils sont perdus ! « Qu'ils se hâ ten t de croire h u m b l e m e n ten J É S U S — C H R I S T , de peur d'être convaincus du crime deleur infidélité, qui renfe rm e to us les p éc h é s ; qu'i ls p as sent dans les r a n g s des fidèles, de peur d'ê tre co n dam n és

par la sainte té de ceux qu 'il s n' o n t pas im i té s ; qu 'i lstremblent devan t le j u g e m e n t à ve ni r, de pe ur d'ê tre ju gé savec le pr in ce de ce monde , qu i est dé jà j u g é et q u' il simitent (1) ! » Ains i par le sa in t A ugus t in , de g r an d pécheur devenu u n gr and Sa in t. Ainsi pa rl ons- no us tous auxmondains, nou s au t re s en fant s de l'É vang ile, qui détes

tons et condamnons le.monde.Et, à ce pr op os , observo ns, en te rm i n a n t, q u 'u n e te n dance an al og ue à celle des mondains co nt re les ch ré ti ensse retrouve, bi en qu 'à un deg ré in fini me nt m o in d re etavec une tout a u t re nu a n c e , j u sque dan s le sein des familles les plus chrétiennes et même parfois des meilleures

Communautés. On est témoin de tel ou tel acte de vertuqu'on n'a pas le courage d'imiter, et Ton n'y veut voir quede la sing ul ar it é ; on ne se gên e pas po ur désobéir à tel outel point du rè g lem en t qu 'u n conf rèr e obse rve avec un ereligieuse iidéliié, et on le traite de scrupuleux, de mystique; on voit un frère, une sœur pratiquer consciencieu-

menttel.ou tel devoir qui paraît trop lourd, et, au lieud'imiter, on s'irrite, on critique, on se moque ! Hélas ! lamisère humaine se glisse partout ; elle enfante de petites jalousies so urd es, que Ton ne s' avoue po in t à soi -m ême,



472 LA PIÉTÉ ET LA VI E INTÉRIEURE

et qui se ma ni fe st en t dans le dét ail , ta n tô t par certainesaigreurs, tantôt par certains procédés peu charitables,tantôt enfin par des espèces de petits partis dont le démonse sert habilement pour troubler la concorde et la paix.

Tout cela déplaît souverainement à Notre-Seigneur, qui,du fond des cœurs, voit et condamne ces illusions de l'a-mour-propre, si contraires à la sincérité, à l 'humilité, àla char ité . Ici, co m m e pa rtou t, le mi eu x co nd am ne lemédiocre, le bien condamne le mal.

Comment, au dernier jour, nous jugerons avec Notre-Seigneurles démons et les pécheurs.

C'est l'Apôtre saint Paul qui nous apprend cette vérité

étonnante. Reprochant aux chrétiens de Corinthe d'où?blier la grandeur surnaturelle où ils sont élevés en J ÉS U S -

C H R I S T , en al lant com m e les pa ïe ns s ad resser aux jugesde la te rr e, il leu r d i t : c< Ne s a v e z - v o u s p a s q u e les saints

j u g e r o n t c e m o n d e ' l N e s a v e z - v o u s p a s q u e n o u s j u g e r o n sles a n g e s e u x - m ê m e s (1) ? » Les saints, c est-à-dire les fidè

les du Christ qui, à son second avènement, ressusciterontavec lui dans la gloire; les anges, c'est-à-dire les démons,les anges rebelles, qui maintenant attentent à l 'honneurdes membres de J É S U S - C H R I S T et qui alors seront jugés etcondam nés par le Christ tout en ti er , c'e st-à -di re par lechef et par les membres.

Saint Jean, dans sa grande prophétie des derniers temps,nous montre Notre-Seigneur redescendant des cieux, danstoute sa gloire et dans sa majesté, porté par ses Anges etrevêtu de ses fidèles. « Je v i s le c i e l o u v e r t , dit-il, e t voici,

(1) An nescilis quoniam sancti de hoc rnundo judicabunt?

Nesoitis quoniam angelos judicabimus? (I ad.Cor. v i , 2,.3.)




sur un c h e v a l b l a n c , C e l u i q u i a v a i t p o u r n o m le F I D È L E , e t

le VÉKiniQUK ; i l j u g e e t i l f r a p p e a v e c j u s t i c e . S e s y e u xUincelaicnt c o m m e u n e f l a m m e a r d e n t e ; .va té le é t a i t c o u

ronnée de n o m b r e u x d i a d è m e s ; e t i l é t a i t r e v ê t u d ' u n v ê t e ment teintd e s a n g ; e t s o n n o m , c ' e s t le V E R B E D E D I E U .

Et les a r m é e s c é l e s t e s le s u i v a i e n t s u r d e s c h e v a u x b l a n c s , revêtues d e l i n b l a n c e t p u r . . E t s u r s a c u i s s e e t s u r s o n v ê tement, i l p o r t e é c r i t : L e R o i d e s r o i s e t le S e i g n e u r d e s s e i gneurs (1). »

C'est J É S U S , c'est le Juge , suivi de ses Ang es , revê tu deses martyrs, de ses Saints et de ses fidèles. En son p re mier av èn em en t, il est appa ru au monde , faible et hu milié. Au seco nd, le voici fort et te r r ib le . Sa face sacrée ,

jadis pauvre et outragée, resplendit de l'éclat du soleil ; savoix si douce est dev en ue u n t o n n e r re ; et il descend pour

juger le m o n d e , « revêtu d'un vê tem en t myst ér ie ux ,empourpré de sang. » Ce sang, c'est le sien et celui deson Eglise; ce vê lemen t d u Chr is t, ce so nt tous ses él us ,qui ont fo rmé i ci -b as son vê temen t de grâ ce et de sa in teté, et qui, ressuscites et glorifiés par lui, avec lui et enlui, sont pour toute l 'éternité son vêtement de gloire.

Sur la terre, durant les combats de son Église militante,il luttait av ec eu x et en eux cont re les dém o n s , les pécheurs et le m o n d e ; a lors , la lut te é tant finie, il t r io m phera avec eux et en e u x ; et eu x auss i, ils t r iompheronten lui, avec lui, par lui. Le premier acte de leur triomphe

(i) Etvïdi cœlum aperLum, et ecce equus albus, et qui sedebatsuper eum, vocabatur Fideiis eL Vcrax, et eu m justitia judicat etpugnat. Oculi autem ejus sicutflamma ignis, eLin capilè ejus dia-demata muUa.. . Et v'estitus erat vesle aspersa sanguine; e l voca-lurnomen ejus Verbum DEI . Etexercilus qui suntin cœlo, seque-bantur eum in equis albis, vesLiti byssino aibo et m undo. . . Elha-• bel in vestimenLo et in iemore suo soriplum: Rex regum etDomi-Dusdominantium. (Apoo. xix, 11-16.)




sera leur r ésur rect io n g lo ri eu se ; le second , ce sera le jugement dernier .

Dès l'orig ine du monde , di t l'Apôt re sa in t Jude, lesfidèles ont soupi ré ap rè s ce g ra n d jour de la justice.« E n o c h , le s e p t i è m e P a t r i a r c h e d e p u i s A d a m , l ' a prophétisée n d i s a n t : Voici v>enir le S e i g n e u r a v e c s e s m i l l i e r s d e s a i n t e

p o u r j u g e r t o u t le m o n d e , p o u r c o n v a i n c r e l o t i s l e s impies d e l ' i m p i é t é d e l e u r s œ u v r e s e t d e s b l a s p h è m e s q u e les pé

c h e u r s o n t p r o f é r é s c o n t r e D I E U ( 1 ) . » Les anciens fidèles, en

effet, ne soupiraient pas seulement après le premier avène me nt du R éd em p te u r; ils soup ira ie nt , co mm e nous,après l'a cc om pl is se me nt total du m yst è re du salut; ilsappe la ient de leurs vœux, ils sa luaient d' av an ce avec foi»espérance et amour le grand jour de la gloire de D I E U etde la glorification de l'Église.

So ut en us par cet te es pér ance, ils souffraient avec joieet pr éf érai en t à toutes ch oses « l' op pr ob re du Christ,comme sa in t Paul le di t de l 'u n d' en tr e eux (3). » Etnous aussi, nous endurons toutes sortes de persécutionset de tr ibulations en vue du juste jugement de D I E U , afinque no us soy ons tr ou vé s d ig nes de son ro ya um e pour

lequel aussi nous souffrons. « / / e s t j u s t e , e n effet, ajoutesaint Paul, q u e D I E U r e n d e l ' a f f l i c t i o n à c e u x q u i v o u s af

f l i g e n t , e l q u i l v o u s r e n d e , à v o u s q u i s o u f f r e z , le repos avec n o u s , l o r s q u e le S e i g n e u r J É S U S s e r é v é l e r a , d e s c e n d a n t du c i e l a v e c l e s A n g e s , m i n i s i r e s d e s a p u i s s a n c e ; i l a p p a r a î t r a d a n s l a f l a m m e d e f e u p o u r t i r e r v e n g e a n c e d e c e u x q u i n e

c o n n a i s s e n t p a s D I E U , e t q u i n ' o b é i s s e n t p a s à l ' E v a n g i l e d e '

( 1 ) Prophetavit autem et de his septimus ah Adam Enoch, di-cens : Ecce venit Dominus in sanctis miJlibus suis facere judiciumcontra omnes, et arguere omnes impîos do omnibus operibusim-pietatis eorum, quibus impie egerunl et de omnibus duris, qualocuti suiit contra D E U M peccatores impii. ( 1 4 , 1 5 . )

(2) Improperium Christi. (Ad Hebr. xi f 26.)




M r e - S e i g n e u r J E S U S - G H U I S T . C e u x - l à s u b i r o n t d e s p e i n e sétemelles d a n s l a m o r t , l o i n d e l a f a c e d u S e i g n e u r e t d e l a

gloire de s a m a j e s t é , l o r s q u ' i l v i e n d r a p o u r ê t r e g l o r i f i é d a n s ses s a i n t s e t p o u r d e v e n i r a d m i r a b l e e n t o u s s e s f i d è l e s ( 1 ) . »

Notre-Seigneur lui-même nous a promis, en la personne de ses Apôtre s, qui représen ta ient là Louie l'Égl ise,comme les douze tribus d'Israël représentaient toute l'humanité, que nous aurions cet honneur, absolument surnaturel, abso lument di vi n, de ju ge r avec lui, au g rand

jour des man if es ta ti ons é te rn el le s. «E n v é r i t é , j e v o u s le déclare, a u j o u r d e l a r é g é n é r a t i o n , l o r s q u e l e F i l s d e l ' h o m m e siégera s u r l e t r ô n e d e s a m a j e s t é , v o u s q u i a v e z m a r c h é à

ma s u i t e , v o u s s i é g e r e z , v o u s a u s s i , s u r d o u z e t r ô n e s , p o u r juger les d o u z e t r i b u s d ' I s r a ë l (2). »

Bien qu'il soit certain que la très sainte et immaculée

MARIE, que les Apôtres, les Patriarches, les Prophètes,les Martyrs, les Docteurs et les grands Saints auront alorsune part principale et exceptionnelle à la gloire du jugement, il n' es t pas moins as su ré que to us les élus , m e m b re sglorifiés du Christ, auront part à l'honneur de sa judicature. 11 est dit-sans restriction : « Les saints jugeront ce

monde; » et tous les élus, depuis le plus humble jusqu'au

(1) Jn omnibus persecutionibus vestris et Iribulationibus, quassustinelis in exemplum justi judioii DEI, ut digni habeamini inregno DEI, pro quo et patimini ; si Lamen jusLum est apud U E U Mrelribuere tribulationem iis gui vos tribùlânt; et vobis, qui Lribu-lamini, requiem nobiscum in rcvelatione Domini J E S U de cœlocumangelis virtutis ejus, in flamma ignis danlisvindictam iis quinon noverunt D E U M , et qui non obediunt Evàngelio Domini nostriJESU CHRISTI , qui pâmas dabunl in interitu internas a facie Domini,el a gloria virtutis ejus : cum venerii. glorificari in Sanctis suis, etadmirabilis iieri in' omnibus, qui crediderunt. (Il ad Tbess., i. 4-11).

(2) Amen dico vobis, quod vos, gui secuti estis me, in regenera-tione, cum sederitFilius hominis irïsede majestatis suaî, sedebitiset vos super sedes duodecim, judicantes dùodecim tribus Israël.[Ev. Mattti., xix f 28.)



476 LA PIÉTÉ ET LA VI E INTERIEURE

plus ém in en t, sont appe lés et ser on t vé ri ta bl em en t dessa in ts en ce g r an d jour , « Pa r les douze Apôtres, ditsa in t Augu st in , il faut e n ten dre tous ceux qui doivent

juger le monde, le nombre douze signifiant ici l 'universalité (-1). »

Les chrétiens parfaits, et en particulier ceux qui aurontofficiellement et dignement pratiqué dans l'Église lesconseils évangéliques, auront alors une gloire toute spér

ciale. « Certes, dit saint Bernard (2), il est juste que ceux

qui , pour l 'amour deJ É S U S - C H R I S T ,

auront dédaigné surla terre la gloi re des g r a n d e u r s h u m a i n e s , soient alorstout particulièrement glorifiés par le Christ et deviennentses assesseurs pour le jugement. »11 est juste que les Reli:gieux et les chrétiens parfaits, qui auront vécu au-dessusdu monde , ju g e n t le m o n d e ; il est ju st e qu e ceux qui,

dans le monde, semblables à des aigles, se seront élevésau-dessus des autres sur les ailes de la perfection évan-gé liqu e, soien t les jug es et les p ri nce s des au tr es; il est

juste que ceux qui auront enseigné le monde par leursparo les et pa r leurs ex em pl es , ex am ine n t le monde et

jugent s'il a suivi leur enseignement; il est juste enfin

que ceux qui auront été traités d'insensés par le monde, jugent la folie du monde et le convainquent de folie (3).

Ainsi la sainteté, maintenant méconnue, jugera et condamnera le péché et les pécheurs; la foi, que le mondetraite de superstition et rie folie, jugera et condamneral ' incrédulité; l 'humilité, que Ton méprise comme une

bassesse d'àme, jugera et condamnera l 'orgueil, l 'ambition, la présomption, la vaine gloire ; la douceur condam:ne ra la co lè re; la ch ar it é c o n d a m n e ra l 'ég oïsme, la tié-

(1) In Psal. LXXXVI.

(2) Serm. de S. Bénédicte(3) Corn, a Lap. in Matth. xix.




deurja haine, la vengeance, l 'oubli des pauvres; la vérité, sous toutes ses formes, démasquera et condamnerale mensonge, sous toutes ses formes auss i : la faussescience, la fausse liberté, l'hypocrisie, la fausse piété, lezèle phari sa ïqu e. La pa uvre té , la ch asteté, l 'obéissancecondamneront les trois concupiscences qui auront silongtemps tyrannisé le monde. Les mauvais princes, lesennemis de l'Eglise, les persécuteurs de la Papauté, leslégistes impie s, les faux docte urs , les héré t iques , les vo

leurs, grands et petits, les voleurs de province et lesvoleurs de g ra nd c h e m in , les im pu di qu es , c ou ro nné s ounon, les bl as phém at eu rs , tous les co rr upt eu rs , que lsqu'ils soient, compara î t ro n t de va nt les sa in ts de J É S U S ,

qu'ils foulent aux pieds maintenant, et les bourreauxseront jugés par les victimes.

Quelle révolution et aussi quelles révélations! Ce qui, jusqu'alors, n' éta it ab om in at io n qu 'en sec ret et de va ntDIEU , le voici devenu abomination, honte, ignominie,irrémédiable désespoir à la face du m onde en ti er , devanttoutes les créatures. « B i e n d e c e q u i e s t c a c h é q u i n e s o i t connu a lors , nous dit le Fils de D I E U lui-même ; r i e n d e c e

q u i e s t s e c r e t , q u i n e s o i t a l o r s m a n i f e s t é (1), » manifestéau grand j o u r ; et tout péch é non par donné ici-bas, se ranon seu lement su et c onnu de to us , m a is en co re c hâ ti é,absolument puni dans le feu éternel.A A l o r s l e s j u s t e s s e l è v e r o n t , p l e i n d ' a s s u r a n c e , e n f a c e

de ceux q u i l e s a u r o n t o p p r i m é s . E n l e s v o y a n t , l e s p é c h e u r s

éperdus s e r o n t s a i s i s d ' é p o u v a n t e , e t d i r o n t e n e u x - m ê m e s :

Les v o i l à d o n c c e u x q u ' a u t r e f o i s n o u s t r a i t i o n s a v e c d é r i sion, c o m m e é t e i n t C o p p r o b r e m ê m e l I n s e n s é s q u e n o u s é t i o n s !•nous n o u s i m a g i n i o n s q u e l e u r v i e é t a i t u n e f o l i e , e t q u ' i l s

(l)Nihil est opertum quod non revelabitur; et occultum, quodnonscietur. (Ev. Matth., x, 26; Luc, xn, 2.)




d e v a i e n t finir s a n s h o n n e u r ,e t v o i c i q u ' i l s s o n t comptés

p a r m i t e s fils d e Dircn ; v o i c i q u ' i l s p a r t a g e n t le s o r t bienheu

r e u x d e s S a i n t s ! D o n c , n o u s n o u s s o m m e s t r o m p é s (1)/»

Oui, ils se seront t rompés! Oui, ils se t rompent, ils setr ompen t affreusement et stupid eme nt tous ceux qui nevivent point en J R S U S - O I I R Ï S T et qui ne s'efforcent point,pa r une vie vr aiment ch ré ti en ne, d'évi ter les rigueurs etles confusions du jugement à venir. Démons, pécheurs,faux sages, mondains : ils se t rompent tous : et nous,

seuls, chrétiens fidèles, nous seuls, avec les bons Anges,à la suite de la Sainte-Vierge, nous ne nous trompons pas.Unis à J É S U S dans sa just ice, qu e nous n'adorons pasmoins que sa mi sé ri co rd e; un is au Juge bien-aimé, quin est autre que notre bien-aimé Sauveur; inséparables de

lui, a imant tout ce qu 'i l a ime, repoussant tout ce qu'il

repousse, puissants de sa puissance, saints de sa sainteté, justes de sa just ice, nous jugerons avec lui et il jugeraavec nous le mo nde, Sat an , tous les ma uv ai s anges, tousles pécheurs, tous les damnés.

Et ce sera un jugement proprement dit. Ce ne sera pasun e simple approbat ion du ju gement du Christ, une

adhésion à sa sentence : ce sera un acte bien plus éminent,bien plus glorieux encore; en leur qualité de dignitaireset de princes du ro ya ume céles te, à ti tre de docteurs et de

juges, à ti tre d assesseurs du Christ -Juge, les élus et lesAnges siégeront avec lui su r le urs trônes , porteront un

jugement proprement dit; et leur sentence, qui sera une

(1) Tune stabunt justi in magna constantia adversus eos qui seangustiaverunt... Vidente s turbabuntur timoré horribili... dicentesintra se... Hi sunt quos habuimus aliquando in derisumetin simi-litudinem improperii. Nos insensati œstimabamus insaniam,et.,ftnem vitam illorum sine honore : ecce quomodo oomputati suniinter fllios DE I , et inter sanctos sors illorum est. Ergo erravimus,(Sap., v, 1-6.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — LU. 479

seule el même sentence avec celle de J É S U S - C H R I S T , décernera le ciel aux bo ns et r e n i e r aux mauvais. Gomme J É S U S

et avec J É S U S , ils accuseront ceux qui n auront pas vouludo leur doctrine ni des exemples de leur sainte vie ; commeJÉSUS et avec J É S U S , i ls approuveront et loueront au contraire ceux qui auront profité d e j ' u n et de l' autre . Cetteauréole de gloire les couronnera au jour du jugement (1).

« E t a l o n i l n ' y a u r a , p l u s d e t e m p s (2). » comme ditl 'Apocalypse; à Tordre terrestre, essentiellement impar

fait el te mpo ra ir e, su ccédera l'o rdre céleste, parfa it etéternel. Dans une indivisible unité dont nous ne pouvonspas nous faire la moindre idée ic i-bas et qui ser a la par ticipation surnaturelle de l'éternité de D I E U par la créature, les Bi en he ur eu x jo ui ro nt avec J É S U S - C H R I S T et enJÉSUS-CHRIST , Roi de gloir e, de la vision in tu it iv e de

l'essence divine et de l'union beatif ique dans l'Espr it -Saint. Pour eu x, tou t se ra reno uv elé, tou t se ra ré générédans le bonheur étern el .

0 Seigneur, j e vo u s ' e n supplie , la face co ntr e t e rr e :accordez-moi d'être avec vous on ce jour du jugement etde l'éternité ! Pard onnez-m oi m es fautes ; lavez-moi dans

votre sang , au mi sé rico rd ieux tr ib un al de la Pé ni te nc e,où vous ne jugez qu e pour pa rdonner , où l'on ne comparaît que pour êtr e abso us. Vot re doux t ri bunal de laterre n'es t au t re ch ose que la por te du cie l, qu e la so urc e

(1) Nec approbalionc senlonliœ Christi duntaxat.. .; sed multo

honoriíicentius et gloriosius, quasi regnicœlestis primores et principes, doctores et'judioes, et quasi assessores Christi judicis cumeoin suis thronis considentes, proprie judicabunt, et sententiamferent eamdem quam lühristus, qua probos coelo, improbos inferno, adjudioabunl, arguentes et increpantes eos qui suam doctrinara viUequc s an oteo exe m plu m neglexerint , et probantes lau-dantesque eos qui utrumque coluerint, et imitando expresserint .Illos cnimdecet haacjudici iaureola. (Corn, a Lap. in Matth. xix.)

(2j Tempus non erit ampli us. (X, 6).




de l 'e sp éranc e et de la pa ix . Lui seul peut me faire éviterle tribunal de votre justice, et ce jugement, ot cet enferque y ai tant de fois mérité par mes péchés i

Ainsi, en J É S U S , nous de venons vé ri ta bl em en t juges, ju ges du mo nd e, des dém ons et des pécheurs . A lalumière infaillible du Fils de D I K U et de son Eglise , nous

jugeons dès maintenant et les hommes et les choses delà

terre, avec un e vérité so uve ra ine ; nous avons la justemesure de tout, de nous-mêmes, non moins que desau t r e s ; et to ut cela n' es t q ue le pr élud e du gra nd jugem en t où nous si ég eron s avec vo us , ô très sa in t Fils deD I E U , Ô tout puissant Fils de l'homme, souveraiu Maîtreet souverain Juge de toutes les créatures sorties des

mains du Très-Haut!



IV

EN JÉSUS, NOUS DEVENONS LES SAUVEURS ET LES CONSOLATEURS

DE NOS FRÈRES

Que JÉSUS est notre Sauveur et notre Salut.

J É S U S - C H R I S T , vrai D I E U éternel, est la Vie. l'éternelleVie; le Père, en nous donnant son Fils, nous a donné la

Vie; et à son tou r, No tre-Seig neu r, en nou s do nna n tl'Esprit-Saint, qui procède de lui comme du Père, nousa vivifiés, s'est uni à nous et nous a unis à lui. Par lepéché, nous av ions br isé cette uni on vivi fi an te ; nousavions perdu la Vie, nous avions perdu J É S U S et, en perdant J É S U S , nous avions perdu D I E U .

Mais le même a m o u r qui no us ava it donné la Vie, avoulu nous la rendre ; et, à cause de son immense amour,DIEU qui est riche en miséricorde, nous a rendus à ta viedans le Christ, lorsque nous étions morts par nos péchés, et il nous a ressuscites avec lui, et il nous a fait asseoir dansles ckux en, J É S U S - C H R I S T , . . Car c'est lui, J É S U S , qui est

notre paix (1) » Le Fils de D I E U s'est ainsi fait le Sauveur du monde ; et not re salu t n' es t au t re chose que sonunion avec nous et not re union avec lui, sa vie en nous

(1)DEUS autem, qui dives est in misericordia, propLer nimiam ca-ritatem suam qui di lex itnos, et cum esscmus mortui pecoatis,

*oonvivificavit nos in Christo, et conresuscilavit et consedere feoit

incœlestibus in Christo J E S U . . . Ipse enim esL pax nostra. (Ad Eph.u, 4-6.)

xiv 3i




et notre vie on lui. Il s'unit à no us pa r l'Esprit -Sa int elda ns l 'Esp rit- Sai nt ; nous nous uni ssons à lui, nousentrons dans le salut lorsque, par une foi vive, par uneferme espérance, par u n amour sincère et efficace, nousne faisons intérieurement plus avec lui qu'un seul etmôme espri t, q u' un e seule et même vie. J É S U S vivantdans le chrétien, le chrétien vivaut en J É S U S : voilà lesa lu t ; voilà le Sa uv eu r a vec son œ u v r e ; voilà le bon-Pasteur et la brebis retrouvée; voilà la réalisation du but

suprême de la Création, selon la magnifique parole del'Apôtre, que nous avons déjà proposée à la méditation dulecteur: « T o u t e s c h o s e s s o n t p o u r v o u s ; v o u s ê t e s au

C h r i s t ; le C h r i s t e s t à D I E U ; e t a i n s i D I E U e s t t o u t e n tou t e s c h o s e s (1). »

Donc le Père est le principe du salut et de la vie ; JÉSUS

est le v ivant Sauve ur, le Média teur de la vie et du salut;l 'Esprit-Saint est le dispensateur immédiat, i 'opérateurdusalut, le lien vivant qui nous unit au Sauveur, et, par leSa uv eu r, au Père ; en J É S U S Sauveur et dans le chrétien sauvé par ce Sauveur , l'E sp ri t-Sa in t est le salutmême et la vie.

Do même, le Père est le pri nci pe et le D I E U de touteconsolation (2); « J É S U S esl le Consolateur; et le Saint-Esprit est, d'abord , l ' au tr e Consolateur (3) », que J É S U S

nous donne de la part de son Père ; puis, en nous, il est laconsolation, la paix, la joi e du Sauveur.

De m ê m e que le soleil, en se le vant sur la te rre, dis

sipe les ténèbres et apporte la lumière ; de même le soleil

(1) Omniaenim vestra suuL: vos autem Chrisli : Christus autemDEI. (I ad Cor. ni, 23 ; xv, 28).

(2) DEUStolius consolationis. (11 ad Cor. 1, 3).(3) Ego rogabo P a (.rein, cl aliurn Paraclelum dabit vobis. (Ev.

Joan, xiv, 16).




vivant do la gr âc e, l' as tre du sa lu t et de l' am our, en selevant sur le monde des ârae 's, a dis sipé les ténèbres dupéché et a versé sur nous les flots lu m in eu x du la vie etdu salut. « De m êm e en co re que le pa in ma té rie l relèveet sustente l'infi rmi té de no ire co rps et l' em pê ch e demourir, do môme J É S U S , par l 'opération de TEsprit-Saint ,vivifie no te àme. En effet, il est lu i-même la Vie , la Vieen per so nne ; et il nous vivifie, dit saint Cyrille , pa rc eque c'est la na tu re de la vie de vivifier (1). » Il nous

vivifie, il nous sauve, il n ous console p a r l'effusion etl'infusion de son Esprit en nos cœurs fidèles.J É S U S est le Sa uv eu r m isé ric ord ieu x, qui a pitié de

notre misère ; et l 'Espri t-Sain t est l 'Am ou r mi sé ri co rdieux, qu i relève les mi sé rabl es , qu i g u é r i t les pauvre spécheurs en les unissant au bon J É S U S . « Il s'asseoit à la

table des pécheurs. Celui qui, pour l'amour des pécheurs,a,voulu naît re et a dai gné m o u r i r ; il bo it le vin despécheurs, celui qui a répandu son sang pour les pécheurs.Bien plus, il s'est lu i-m êm e ch ar gé du p éc hé , afin desauver les p é c h e u r s ; lui, le Ju ge , il a re to urné co nt relui-même la sentence réservée aux pécheurs, payant leur

dette au lieu de la leur remettre seulement, et leur prouvant par là l'excès de son amour.*» Ain si pa rl e sa in tPierre Chrysologue (2).

0 Fils éterne l de D I E U , Ô vous qui m'avez lant aimé,que, pour m e . s a u v e r, vo us avez pri s le n o m de J É S U S ,

VOUS appelant S a u v e u r et rien que S a u v e u r , dites, je vous

en supplie, dites à mon à m e : « Ton s al ut , c'est m o i !Sains t u a e g o s u m (3); » je suis ton seul, ton vra i médecin; je suis le bon Pas teu r qui d o n n e ma vie pour mes

(1) In Joan. Evang., lib. III, cap. vi.(2) Serm. xxix.(3) Psal. xxxiv, 3.



•184 LA PIETÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

bre bis . J'ai le pouvoi r de g uéri r toutes les malad ies ettoutes les inf irmités de ton âme. Je su is et ton Sauveur etta Victim e, l 'Agneau im m ac ul é, qui s'est immolé unefois pour toutes, et qui guérit tous ceux qui viennent àlui : la guéri son et le sa lu t ne son t l'œuv re que du Seigneur, selon ce qui a. été di t : V o i c i V A g n e a u d e D I E U ;

v o i c i C e l u i g u i efface l e s p é c h é s d u m o n d e (1).

De la bienfaisante mission de l'Église qui apporte aux hommesle Sauveur et le Salut.

La sainte Église Catholique, Apostolique, Romaine,

notre Mère, est la suprême bienfaitrice du monde, parcequ 'e ll e lui apporte le sa lu t avec le Sauveur . Gomme laSainte -Vierge, elle a pour missi on de sau ver les hommes,en les unissant à J É S U S - C H R I S T et en les faisant ainsi participer au salut qui est en J É S U S - C H R I S T .

En effet, le Fils de D I E U a été envoyé par le Père et « est

descendu du ciel à cause de nous et pour nous sauver (2); »et, en retournant au ciel, il a laissé sa mission aux Pasteurs de son Eglise, leur donnant son Esprit, et leur disant : « D e m ê m e q u e m o n P è r e m 3 a e n v o y é , d e m ê m e j e v o u se n v o i e ; a l l e z d o n c , e n s e i g n a n t t o u s l e s p e u p l e s e t l e s b a p t i s a n t

a u n o m d u P è r e e t d u F i l s e t d u S a i n t - E s p r i t . P r ê c h e z la

n o u v e l l e d u s a l u t à t o u t e s l e s c r é a t u r e s ; c e l u i q u i c r o i r a et s e r a , b a p t i s é s e r a s a u v é ; c e l u i q u i n e c r o i r a j j a s s e r a c o n d a m n é .

(1) S. Mac , hom . XL IV.

(2) Propter nos hominesetpropter nostram saiutem descendit decœlis. (Symb. Nie.)




Et ooici que moi-même je mis avec vous tous tes jours jusqu'à la consommation des siècles ( 1 ) . »

L'Eglise, avec qui et en qui est J É S U S - C H R I S T , a pourmission de faire connaître J É S U S - C H R I S T au monde, de lelui donner, de lui apprendre à le garder fidèlement, aiebien servir, à le bien aimer. Avec J É S U S , elle apporte auxhommes TEsprit-Saint de J É S U S , l 'E spri t de gr âc e et desalut, i 'E sp ri t co ns ola teu r qui de me ur e éte rn el l em ent avecelle ; et ains i elle sauve le m onde , ou, pour mieux di re ,J É S U S

sauve le monde avec elle, par elle et en elle.C'est ce qui fait que tout est sa lu ta ir e dans l'Égli se,tout, absolument tout. Ce quelle défend comme ce qu'elleordonne, ses répressions comme ses caresses, tout en elleest pour le bien véritable et éternel des hommes ; toujourselle est mè re , d iv in em en t m èr e ; et son cœ ur n'est a ut re

que le Cœur de J É S U S .Là où est l'Église, là est le Christ Sauveur, là estl'Esprit-

Saint, le Salu t, la Vie. L'Église est pou r le monde la so urc ede la vie, parce que J É S U S est en elle. « La source, ditsaint Ambro is e, est là où est le Christ ; et de cet te so urc ecoule et déborde l'eau vivante pour tous ceux qui la cher

chent; sou rce bie nfa isa nte qui lave toutes les sou illur esde notre chair, qui en éteint toutes les ardeurs (2).

Les eaux de la sourc e de J É S U S , les eaux vivantes defÉglise sont tous les trésors de la g râce , tous les do ns duSaint-Esprit, toutes les vérités du salut et de la doctrine,toutes les in st it ut io ns sanctifiantes qu eN ot re -S ei gn eu r fait

(1)- Sicut misit me Pater, et ego mitto vos. Eunles ergo doceteomnes gontes, baptizantes eos in nomine Patriset Filii et SpiriiusSanotî. Predicate Evangelium omni creaturae : qui crediderit etbaptizatus fuerit, hic salvus eril ; qui autem non crediderit, con-demnabitur. Etecceego vobiscum sum omnibus diebus usque adconsummationem sœciil i. (Ev. Joan, xx, 21 ; Ev. Mattb. xxvm, 29 ;Marc, xvi, 15.)

(2) Inpsal.

XLV proef.




fleurir en son Église, à t ravers le cours des siècles. Ce sontles influences vivifiantes et sacrées de la Papauté et delàhiérarchie ca thol ique; ce sont les s a c r e m e n t s ; ce sontles saintes Écr itu res , av ec toutes Jes splendeurs de la

Tradi t ion ; ee sont les Ordres religieux, sous toutes les

formes de la sainte pénitence, du dévouement, de la contemplat ion et de l ' amour ; ce sont les bons livres et lessaints exemples; en un mot, c'est tout ce que J É S U S faitdans le monde par la sainteté toute-puissante de son

Esprit. Tout ce qui se fait de bien dans l'Église, toutesles tendresses de la charité, toutes les bonnes pensées,toutes les bonnes actions, toutes les œuvres de vie et de

salut, sont les gouttes accumulées et jaillissantes «dessources du Sauveur », c'est-à-dire de l 'Esprit de J É S U S -

C H R I S T .

Cet Esprit vivifiant est en effet l'âme de l'Église, commedit saint Augustin. Le Saint-Esprit est l ' am ou r mu tu el et

le trait d'union du Père et du Fils; c'est lu i qui opère lemys tè re par lequel nous ne faisons qu'un même corps.De même que le corps humain, formé de membres multiples et divers, n'est cependant animé que par une seule et

même âme, qui voit par les yeux, qui entend parlesoreilles, etc. ; de m ê m e , le seul et même Esprit-Saint unitet anime tous les m e m b r e s du corps du Christ, qui est

l'Église (1). » Il les uni t tous in tér ieurement au Sauveur,Chef céleste de l 'Église, et extérieurementau Chef visibleet terrestre de l 'Église, qui est le Vicaire du Sauveur ; de

J É S U S , il répand en tous la vie et le salut .Ainsi vivifiée, l'Église devient à son tour l 'âme du

m o n d e . « L'âme, dit le martyr saint Just in, est répanduedans tous les membres du corps; de-même, les chrétiens

(1) Lib. De gratia Novi Testament! ; V.Corn. aLap. in Joan.xiv, 17.



NOS GRANDEURS ISN JÉSUS. — II I. 487

sont répandus dans touLos les cités, dans tous les pays dela terre. L'Ame hab it e d ans le co rps, mai s elle ne vien t p asdu corps : de m êm e , les ch ré ti en s hab it en t da ns le m on de ,mais ne sont pas du monde. On voit le corps, on no vo itpasl'àme: au milieu du monde, on voit les chrétiens, onne voit pas le ur s ai nt et é. Le corps ha it gr at u it em en t l ' àm eet la co mba t san s cesse, pa rce qu 'el le l' em pê ch e des'abandonner aux jouissances coupables: le monde haitles chrétiens non m oins gra tu it emen t, pa rce qu'i ls se refusent au ma l. L ïu n e ne cesse poin t d'ai me r l e c o r p s q u i ladéteste et de vivifier les membres qui l'attaquent: demême, les ch ré ti en s a imen t ceux qui les ha ïs sent et qu iles persécutent . L'àme con se rve le co rps da ns lequel elleestenfermée : de même, le s chrétiens conservent le mondedans lequel ils sont c omm e empri so nnés (1 j . »

Oui, l 'Église co ns erve et sauve le m o n d e : la lumi èresurnaturelle et divine dont elle l'éclairé, garde et vivifieles lumières na tu re l le s de la raison et de la co ns ci en ce ;sa divine mo ra le préserve de la co rrupt io n la mor al epurement humaine ; ses ministres, ses apôtres, ses Saints,ses enfants fidèles répandent de toutes parts les tr ésors de

leur Mère, le sq ue ls ne son t au tr es qu e les trésor s di vinsde J É S U S , les trésors du salut, do la paix, de l'espérance,de la joie, du b o n h e u r .

Celte Mère bienfaisante, cette sainte et pure Église, ilya des milliers et des millions d'hommes qui sont assezinsensés pour voir en elle une ennemie. Et elle, compa-

iissanteet miséricordieuse, elle ne cesse de les bénir, deleur offrir et le sa lu t et le do ux Sa uveur , en le ur répé tan tla maternelle parol e du g ra nd Ap ôt re : « Mes p e t i t s e n f a n t s ,

je vous e n f a n t e d e n o u v e a u , a f i n q u e le C h r i s t s e f o r m e e n

(1) Epist. ad Diognetum. (V. Corn, a Lap , in Epist. 1, Petr. n,9.)



488 LA PrÉTK ET LA VIE INTERIEURE

vous (1). » Nous du mo ins qui la co nnai ssons , aimons-la,co mme elle mér it e d'ê tre aimé e. Vivon s en el le ; vivonsen J É S U S - C H R I S T ; viv ons da ns l ' at mo sp hè re du salut;et, s'il le faut, sachons souffrir pour elle, nous sacrifier,mourir pour elle.

Gomment le prêtre est tout particulièrement sauveuret consolateur.

Le prêt re é tan t au mi li eu de ses frè res le ministre del'Église, l' homm e de l'Église, il est tout s im ple que sonministère revête les mêmes caractères que le ministèrede l'Église. L'Église se personnifie dans ses prêtres. Ellea pour mission de rendre gloire à D I E U en sauvant les

hommes et en les san ct if ia nt : telle est, par conséquent,la mission du prêtre au milieu de ses frères. C'est un sauveur universel, par qui J É S U S se d on ne au x âmes ; c'estun canal de salut, de grâces, de lumières.

Gomme l'Église, les prêtres continuent et développentle min istè re ré de mp te ur de J É S U S ; et le monde insensé

les repousse comme il a repoussé leur divin Maître. Lesprê tr es sont les Chr is ts visibles de la te rr e, les Jésus, lesSa uv eu rs des h o m m es . « Dans la con st itut ion et dans lahiérarchie de l 'Église, les prêtres, dit saint Thomas, ontpour fonction spéciale de représenter D I E U , non seulem en t qua n t à ses perf ections, mai s enc or e quan t à sesopérati ons sanctif iantes d an s les cr éa tu res (2). » « Notre-

(i) Filioli mei .quos iterum parturio donec formetur Christus invobis. (Ad Gai. iv, 19.)

(:-) In Ecclesiai ordine constituti in hoc positi sunt, ut DEUMreprésentent , non solum secundum quod in se est, sed etiamsecundum quod aliis induit. (Supplom., q. xxxiv,a, 1.)



NOS GRANDEURS EN JÉSU S. — III. i89

Seigneur, ajoute le vénérable abbé Olier, ne leur donne passon Esprit et ne réside pas en eux au m ême ti tr e q uedans les simples fidèles; au x chres t iens , il le donne p ourestre en eux c o m m e dan s ses m e m b r e s ; aux prest res , ille donne pour habi ter en eux co m m e dans le Chef (1).» L'Esprit sacerdotal est l 'émanation immédiate de l'Espritrédempteur, sauveur et consolateur de J É S U S - C H R I S T .

On peut di re de tous les pr êt res ce que sa in t V in ce ntde Paul disait ex cel lem ment de ses mis si on na ir es : « Qui

dit un mi ss io nn ai re , dit un h o m m e appe lé deD I E U

p o u rsauver les â m e s ; ca r no tre fin est de tr av ai ll er à leursalut, à l' im itat io n de No tre-Se igneur J É S U S - C H R I S T , quiest le seul vé rit ab le Ré de mpt eu r, et qui a pa rf ai te me ntrempli ce nom aymable de J É S U S , c'est-à-dire Sauveur.Il est venu du ciel en ter re pour en exer cer l'office; il en

afaict le sujet de sa vie et de sa mort et il exerce incessamment cette qualité de Sauveur par la communicationdes mérites du sang qu'il a respandu. Pendant qu'il vivoitsur la terre, il portoit toutes ses pensées au salut deshommes, et il co n ti nu e encore d an s les me sm es se nt iments, parce que c'est là qu'il trouve la volonté de son

Père. Il est venu, et il vient tous les jours à nous pourcela; et par son exemple, il nous a enseigné toutes lesvertus co nv en ab le s à la qu ali té de sauv eur . Don no ns -nous donc à luy, afin qu'il continue d'exercer ceste mesmequalité en nous et par nous (2). »

Et le séraphique saint François d'Assise tenait le même

langage à ses hum bles et ferv ent s d is ci pl es : « Consi dérons, mes chers frères, quelle est notre vocation. Cen'est pas se u lement po ur no tr e pr op re salut que D I E U

(1) Traité des saints Ordres; part. III du Sacerdoce, vi.(2) Vertus de saint Vincent de Paul, vu, 2.




nous a appelés par sa miséricorde, c'est encore pour lesaluL de beaucoup d'autres. C'est afin que nous allionsexhorter tout le monde, plus encore par l'exemple que parla parole, à* faire pé ni tenc e et à garder les div in s préceptes. Ne craignez point: Notre-Seigneur, qui a vaincule mon de , par le ra en vous d' une man iè re efficace (1), »

Tels sont les prêtres au milieu de leurs frères; j 'entendsles vrai s prê tre s (c omme par la g râ ce de D I E U , il y en abeaucoup) , et no n ces p rêt res dégé nér és , in différents auxintérêts de J É S U S , à l'exalta tion de la sa in te Église, à lasanctification sérieuse des fidèles. Ceux-ci sont la plaie etle scandale de l'Église, et ils l'ont été dans tous les temps:« Il y a beaucoup de prêtres, et il y a peu de prêtres,s'écriait jadi s en gém is sa n t sa in t Je an Chrysostome : il yen a beaucoup qui en portent le nom; il y en a peu qui

en pratiquent les œuvres (2). » Les prêtres sont les aides,les coacljuteurs de DIKTT dans la grande œuvre du salut desâmes. Chrétiens pour eux-mêmes, ils sont prêtres pourles autres.

O la belle vie, ô l'adm ira ble m in is tè re que le min istèresacerdotal, que la vie d'un bon prêtre! Du matin au soir,

il sauve et il sanctifie ses frères . T ou t dans sa vie conve rge ve rs ce bu t sub li me . Dans la p ri èr e, à l 'autel, auconfessio nnal, da ns la c ha ire , au ca té ch is me , à l 'étude etdans le travail, dans la visite des pauvres et des malades,dans ses rapports journaliers avec tout le monde, partoutet toujours, il sauv e, il sanctifie, en d o n n a n t J É S U S aux

au tre s et en é tant au m ili eu des h o m m e s « la bo nn e etvivifiante odeur de J É S U S - C H R I S T ( 3 ) . »

(1) Vie de. saint Frmiçois, par le P. Chalippe; livre J.(2) Multi sacerdotes, et pauci sacerdotes : multi in nomine, et

pauci in opere. (Auctor ¡mpwfecli, hom. xuu, in Matth.)(3) Cliristi bonus odor sutnus DEO, in iis qui salvi iiunt odor

vite ad vitam. (II ad Cor. u. 15.




Mais c'est surtout au confessionnal que le prêtre est ungrand sauveur et un incomparable consolateur. Le confessionnal est, dans l'Église, une source de salut publicnon moins féconde que le Baptême, une source de consolations divines, non moins prodigieuse que l'Eucharistieelle-même. Le sang de J É S U S y coule sans interruption,sans lassitude sur toutes les âmes pénitentes, quelle quesoit rénormilé de leurs péchés,, quelle que soit la profondeur de leurs" chutes, quel que soit le nombre de leursdéplorables rechutes. Le Sauveur est toujours là, sous levoile de son prêtre, lequel est le sacrement vivant de samiséricorde toute-puissante et absolument infinie; il estlà, bon et compatissant, doux à toutes les pauvres âmes,les relevant, les consolant, leur pardonnant , ne les grondant jamais, ne faisant que les consoler et les sauver.

Oh! quel iibîme d'amour!Le salut des âmes, la préservation de l'innocence desenfants, la persévérance de la jeunesse, le redressementde tout ce qui est mal, la lutte contre tous les vices, lezèle de toutes les vertus, la diffusion de la lumière del'Évangile, l'immolation totale de lui-même, pour lagloire

de J É S U S et pour le bien de ses frères : voilà le travail duprêtre, du véritable prêtre, du prêtre selon le cœur deD I E U . O Seigneur, suscitez-en beaucoup dans votre Église,en ces temps périlleux où la sainteté du ministère semblene plus suffire, et où chacun de vos ministres doit releverson sacerdoce par la pratique éclatante des vertus apos

toliques !Un des prêtres les plus complets qui se soient ainsi

dévoués, ic 'est sans contredit l'incomparable saint Ph ilippe de Néri, l'ami intime de saint Ignace, de saintGaétan de Thienne, de saint Charles Borromée et desautres grands réformateurs de la discipline ecclésiastique




an seizième siècle. On peut dire qu'il a été le sauveur deRome par les .indus tr ies de son zèle in fa tigable pour lesalut de tous. On voit encore à Rome le confessionnal oùil passait et les jours et les nuits; on voit la grande salleoù attendaient ses nombreux pénitents et où sa charitépréparai t des je ux pour empêcher les plus jeunes des'ennuyer dans une trop longue attente. Un jour, qu'ilsfaisaient bea uc ou p de b ru i t à la po rt e du Sa in t, u n gentilhomme romain qui causait avec lui ne put s'empêcher

de lui dir e : « Eh , mo n bo n Pè re , n' en tend ez vous pas cetapage ? comment pouvez-vous vivre ainsi abasourdi toutela journée? Faites-les donc taire. » Le Père Philipperépo ndi t en so uri an t : « O m on si eu r, je m 'e n garderaibie n! Ils s'en ir ai en t peu t- êt re . Voyez-v ous, si, poursauver leur s âmes, il falla it les la isser me ca sser du bois

sur le dos, je m'y prêterais de grand cœur. »Sa porte était ouverte aux pénitents, toute la nuit nonmoins que toute la journée. Il avait fait pratiquer toutexprès un petit escalier qui aboutissait à sa cellule et dontla porte extérieure n'avait pas même de serrure. Onmontre encore cet escalier, à VOratoire de Rome. « Je

serais déjà à la port e du Paradi s, s'écr ia it un jo u r le saintprêt re , que je laisserais là to ute la Cour céleste, pouren te nd re u n pa uv re pé ch eu r qui ré cl am er ai t le secoursde mon ministère! »

Ces paroles, ces exemples ne sont que l'écho des exemples et des paroles de saint Paul, ce modèle des prêtres,

ce grand sauveur d'âmes, l 'homme apostolique par excellence : « J'étais libre, écrivait- il , libre à l'égard de tous, et

je me suis fait le serviteur de tous pour en gagner un plusgrand nombre. Je me suis fait petit et faible avec les faibles,afin de gagner les faibles. Je me sais fait tout à tous pour les sauver tous... Oui, j'endure tout par charité pour les élw,



NOS GRANDEURS EN JESU S. — III.

ajvn q u ' e u x a u s s i a c q u i è r e n t te s a l u t , q u i e s t d a n s l e C h r i s tJÉSUS, a v e c l a g l o i r e c é l e s t e (1). »

C'est donc principalement par ses prêtres, c'est plusencore pa r ses Évoques, et, d'un e man iè re sou ve ra in e etuniverselle, c'est par le Pape son G r^ nd-P rê tre et sonVicaire ici bas , que Noire -S eigneur réal ise su r la te rr e lamission de sa lu t confiée misé ri cord ie use ment à l'Egl ise.

Comrqient chaque fidèle est appelé à participerà ce beau ministère de salut.

Si les prê tr es sont officiellement et pa r état c ha rg és desauver, de conso le r leurs frères, les simple s fidèles sontappelés à Je fa ir e par char i té . L'Église est, en effet, un

corps unique qui vit de la môme vie, qu'anime un seulet même esprit : et s'il y a diversité dans les organes, ily a et il doit y avoir unité dans l'ensemble. Les prêtressont, par leur mi ni st èr e, des s au veu rs et dos coré demp-tours du m o nd e av ec J É S U S - C H R I S T : tous les chrétienssont appelés à tr av ai ll er à le ur su ite et avec eu x à ce tte

grande œuvre , comme dans nos armées les simp lessoldats so nt app elés à combat t re a la suile de le urschefs et avec , leur s chef s. To us , nous de vo ns ê tre dessauveurs, de s co ns olateu rs au mil ieu du m on de .

Nous le dev ons , pa rce q ue , pa r sa sa in te gr âc e, leSauveur univ ers el est en nou s et veu t v iv re en nous ,opérer par nous . « Le Médecin cél es te , di t eu effet sa in t

(l)Cum liber essem ex omnibus, omnium me servum feoi, utplures lucrifacerem... Factus sum infirmis infirmus, ul inlirmosmorifacerein. Omnibus omnia factus suin, ul omnes lace remsalvos... (1 ad Cor. »\, 19, 22.) Omnia sustineo pr opter eiectos, utetipsi salutein consequantur, quaî est in Christo J E S U , cum gloriacœlesti. (Il ad ï i m . u, 10.)




(1) Christus locdicus estradicatus etlixus in cordibus nostris.'De Inslit. virg. i.)

(2) Cum homo Dominus J ESUS unus et solus esset in mundotanquam fermentum in massa reconditum, universos hominespra&slitit esse quod ipso est. Quisquís igilur Uli fermento ChristoadhöBserit, efticitur et ipso fermentum, tarn sibi utilis quamidoneus universis ; et de sua certus salute, et de aliorum acqui-sitione securus. (Inter opera St Amb., serm. xin.)

Ambroise, lo Christ, est enrac iné et fixé dans nos

cœurs (4)- » N'étant plus, comme jadis , sur la terre pourtravail ler au salut de ses chères créatures, pour leurparler , les exhorter , les consoler, J É S U S daigne nouschoisir pour faire tout cela par nous . Le salut, qui est

le rayonnement de son Esprit-Saint en nous, veut se

répandre tout autour de nous, comme une eau surabondante qui empor tera nos frères avec nous-mêmes àla vie éternelle.

Oui,J É S U S

veut que nous soyons tous pour le mondece que lui-même est pour le monde , des principes de

salut, de vie, de résur rec t ion, de paix, de consolationdivine. Il attend cela de tous les chré t iens , dit encoresaint Ambroise. Sa sainte humanité était au milieu des

hommes comme le ferment dans la pâte, et tous ceux qui

ont reçu le Seigneur J É S U S , tous ceux qui se so nt unis àlui sont devenus ferment à leur tour. Ferment de salut,chaque fidèle sauve ses frères en même temps qu'il se

sauve lui-môme (2).

Saint Grégoire de Nysso enseigne cette même doctrinesi grande et si consolante, lorsqu' i l nous montre J ÉSUS,

le D I E U t rès haut qui est dans le soin du Père, s'unissantune âme et un corps, pour apporter au m o n d e la paix etle bonheur, et communiquan t à ses m e m b r e s le merveilleux privilège v d'ôlre pour les autres hommes ce



NOS GRANDEURS EN JESU S. — III . 4 9 5

QU'IL EST LUI-MÔME POUR LE GENRE HUMAIN TOUT ENTIER (1).

PAR COTTE COMMUNICATION SANCTIFIANTE, DE CHACUN DE SES

FIDÈLES LE SAUVEUR FAIT UN SAUVEUR.

QUELLE VOCATION BIENFAISANTE ! 11 EST ÉCRIT DES ANGES

« quits ont pour mission d'assister, dans la conquête du

mluly tous ceux qui combattent pour l'obtenir (2). » ANGES

VISIBLES DE LA TERRE, LES CHRÉTIENS TRAVAILLENT, EUX AUSSI, À

SAUVER LEURS FRÈRES. « ICT CETTE ŒUVRE, DIT SAINT JEAN

GHRYSOSTOME, EST PLUS QU'UNE ŒUVRE ANGÉLIQUE, C'EST

L'ŒUVRE M Ê M E DU CHRIST. RIEN NE DÉNOTE AUSSI CLAIRE-*-

MENT UN VÉRITABLE FIDÈLE DE J É S U S - C H R I S T , QUE CE ZÈLE,

QUE COTTE SOLLICITUDE POUR'LE SALUT DES AUTRES. QUANT À

MOI, AJOUTC-T-IL, JE NE PUIS CROIRE AU SALUT D'UN CHRÉTIEN

QUI NE S'OCCUPE AUCUNEMENT DU SAJUL DE SON PRO

CHAIN (3Y. »

L'KSPRIT DO SALUT, L'ESPRIT VIVIFIANT DOIT JAILLIR DE NOUSCOMME LA CHALEUR JAILLIT DU CHARBON EMBRASÉ. AUTOUR DU

CHARBON ARDENT, IL Y A C OMME UNE ATMOSPHÈRE QUI

PÉNÈTRE, QUI RÉCHAUFFE, QUI DILATE, QUI LIQUÉFIE, QUI

PURIFIE, QUI EMBRASE ; AINSI DOIT-IL EN ÊTRE DE CHACUN DE

NOUS. TOUT ONLIER DANS L1 ESPRIT-SAINT, QUI EST LE FEU

ÉTERNEL D'AMOUR, J É S U S EST EN NOUS POUR NOUS PÉNÉTRER,NOUS EMBRASER DU FEU QUI L'EMBRASE, LUI-MÊME ; ET SI

NOUS NOUS LAISSONS TAIRE, DEVENUS FEU À NOTRE TOUR, TOUT

ARDENTS DE TUMOUR DE J É S U S , NOUS RÉCHAUFFERONS, NOUS

(1) Si D E U S ILLE in altissimis, qui est. in sinu Patris, deolarandœin homines benevoJcnliaj causa sanguini etcarni misectur, ut in

terra pax-oriatur : planum est animam, quae ad banc benevoien-liam (soni'ormaviL suam pulchritudincm, prœclaris oporibus suisChristum i mi tari : quippe qua) aliis hoc sit, quod Cbristushumano generi fuit. (In Cantica cant., HORN, xv.j

(2) Nonne omnes sunt administrator^ spiritus, in ministeriummissi, propter EOSF qui hœredilalom capiunt salutis? (Ad llebr. i,14.)

(3) In EP. AD HEBR., HOM. ni. — Orat. DE PHILOGON.




tra ns fo rm er on s tout, no us pé né tre ro ns les cœ ur s, nous!ra n im er ons les en go urd is , no us ferons fon dre la glace del' indifférence, n ou s di la te ro ns les pa u v res âm es queresse rre la douleur, eL no us leu r c o m m u n i q u e ro n s unepaix, une joie inconnues ; uous rayonnerons la pureté,la sérénité, le pur bonheur ; en un mot, nous sauverons,nous sanctifierons, nous rendrons heureux tous ceux quiauront le bonheur de nous approcher .

Voilà ce que chacun de nous peut faire et doit faire.

Voilà ce qu'on peut faire partout; voilà ce qu'on doitfaire toujours, d an s la rue co m m e à la mais on , dans lemond e co mm e à l 'église, da ns les m o i n d re s détails de lavie co m me dans les g ra nd e s occasio ns , pa r la parole etpa r l'ex emple, de vi ve voix , par éc rit , de loin co mm e deprès, par lettr es, qu e sais -je? Quand le Sauveur vit plei

n em en t dans un ch ré t ien , il lui suffît par foi s dT

un mot,d'un simple sourire pour sau ve r, san ct ifier, consoler leprocha in .

« Bienheureux disait saint Pierre Ghrysologue, bienheureux celui qui garde ainsi précieusement la vie deson âme, et qui po urvo it au sa lu t de ses frè res (i) ! »

Quelques paroles int imes du divin Sauveur, relativementà cet apostolat des âmes fidèles.

Un j o u r qu'elle éta it pr os te rn ée dev an t le Saint-Sacre-

frient, la Bi enhe ureuse Mar gu er it e- Mar ie se sen tit toutinve st ie de la pu is sanc e irr ési stible de l ' amo ur de sonSauveur. J É S U S , l 'attirant à lui, fit reposer longtemps surson Sacré -Cœur la tête de la Bie nheure use : « Mon divinCœur, lui dit-il, est si rempli d'amour pour les hommes,

(1) Serm. CLXV, in calce, apud Bibl. Pair.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — H T . 497

XIV 3 2

et pour toi en par t icul ier , ma fille, qu 'i l ne peu t plu scontenir en lui-même les flammes de son ardente charité;il faut qu'il les répande par ton moyen, et qu'il se manifeste aux ho m m e s po ur les en r ich i r des trésors qu 'ilrenferme. Je ie découvre le prix de ces trésors ; ilscontiennent les grâces de sanctification et de salut sanslesquelles ils ne peuvent échapper à l'abîme de la perdition.

« Pour l 'a cco nipl iss emen t de ce g ra nd dessein, je t 'ai

-choisie, m alg ré ton i nd ig ni té et ton ignorance , afin defaire voir plus clairement que c'est moi qui fais tout. » Etle Fils de D I E U lui demanda son cœur. La Bienheureusele supplia de le prendre. Et J É S U S , le prenant en effet, lemit dans son Cœur adora ble , où elle le vit comm e u natome consumé dans une ardente fournaise. L'en retirant,

tout embrasé du fou de son amour, il le rendit à sa servante et d i t : « Voici, ma bien -a im ée , u n pr éc ieux gagede mon amour. J 'ai déposé dans ta poitrine une étincelledes plus vives flammes de ce t a m o u r , pour te serv ir decœur et pour te consumer jusqu'à ton dernier soupir (1). »Et le cœur du Sauveur remplit dès lors la Bienheureuse

Marguerite-Marie de sa charité envers tous les hommes ;avec J É S U S , elle se voua à leur salut et à leur sanctification. Qui peu t d i re , au jo urd 'h ui su rt ou t qu e la dévotion au Sacré -C œur de J É S U S a en va hi c o mm e un t or re ntde grâces le monde en ti er , qui pe ut di re co mb ie n dVîmesla Bienheureuse M arg uer ite -Ma rie a co nv er ti es , co mb ie n

de pécheurs elle a sauv és , com bi en d 'â mes sain tes ellea merv eille usem ent consolée s et sanctifiées !. Ce que No tre -S ei gn eu r a fait m ir a c u le u se m en t en sonhumble servante de la Visitation, il l 'opère, ou du moins

(1) Histoire de ta Bienheureuse, par le P. Daniel, chap. xi.



498 L A V I E T E E T L A V I E I N T E R I E U R E

il le veut opérer sp iri tu ell em ent et in té ri eu re m en t enchacun de no us . Vi va nt en nous par sa g râ ce , il répandda ns nos cœurs le m ê m e Espri t co ns ol at eu r, le mê me feud'amour qu'il a donné à ses Saints. Ah ! recevons-le comm e ils l 'ont r e ç u ; et co m m e eux, tou t cons om mé s enJ É S U S , nous serons pour nos frères des sauveurs et desbienfaiteurs comme eux.

Une autre fois, notre bon Seigneur donna à une autrebienheureuse des enseignements plus précis encore, rela

tivement à cette mission, à cet apostolat des chrétiens.« Mon en fant b ie n-a im ée , lui dit -il, je va is te baignerdans mon amour pour les créatures je vais le faire coulerde mon cœ ur en toi, et par toi à mes c réa tu res . Tu esmon canal, mon canal d'amour, mon canal vivant.

« Je suis ta vie, et j ' e m p r u n t e ton h u m a n i t é pour y

semer les divines richesses du salut, afin qu'elles produisent pour les hommes. Tu es un canal, tu es une source,tu es une lumière ; et toutes ces choses portent grâce auxh o m m e s .

« Je te bénis, mon enfant, et je serai en toi une grande,une divine, une spéciale bénédiction, une source de béné

dictions pour les hommes.« Livre-to i donc à mo i , mo n en fant , n o n pas à moi au

dehors, mais à moi au dedans de toi. C'est au dedans detoi que j'ai une grande, une divine œuvre à faire. (Et ellevo ya it Jésus en elle c o m m e su r un t r ô n e ) . Chère fille,

j 'é tablis en toi l'abondance de ma vie ; elle rejaillit de moi

en toi comme da ns un je t d'eau , s 'é la nça nt d'abord versle ciel pour retomber ensuite sur la terre tout alentour,comme fait l'eau. C'est ma vie qui va passer en toi, qui va

jaillir de toi, pour tout féconder alentour.« Se ul em en t, d em eure en mo i. R ega rd e la fleur: tant

que, pa r sa rac in e, elle reste d an s la t e rr e , co m m e elle est




(l)Ad Hebr. xu, 29.

belle! comme ses couleurs sont fraîches ! Mais si on l'ensort, môme pour o rner un autel , elle se fane et se flétrit.De même, ho rs de mo i, ta bé né dic ti on. C'est mo i à la ra cine, qui te fais porter fruit; c'est moi qui nourr is , c'estmoi qui te fais p roduire ces fleurs de sa lu t qu i par fu ment .Ne me quitte pas ; reste plon gé e en moi . Je suis en toiavec un si d iv in seco urs pour t out ce que je veux detoi! »

0 les divines paroles ! Méditons-les en silence. Prenons-

les comme un be au sujet d'orai son ; et , à l'école m ê m ede notre Sauveur, de notre Vie, de notre bon J É S U S , apprenons à être po ur nos frè res , pr opo rt io n gar dé e , ce qu 'i lest lui -même pour n ou s . En J É S U S , nous devenons pourle monde des pr inc ipes de vie et de sa lu t ét er nel . La c réature ne peut aspirer à une mission plus sublime.

Pourquoi ceux qui veulent être, pour leurs frères,des sauveurs et des consolateurs, doivent être très saints.

La raison en est très si mple . Pour que la lu mièr e du ciel

puisse resplendir dans une chambre, il faut que les vitresdes fenêtres soient pa rf ai te me nt ne tt es , limp id es , t ra n s parentes. Po ur q u ' u n ch ar bon pu is se e m b ra se r le foye r,il faut qu'il brû le lu i- mêm e très v i v e m e n t et très a rd e m ment.

Ce que Notre-Seigneur est pour son Église en général

et pour ch ac un de no us en pa rti cu li er , « u n feu co nsu mant, ignis consumens (1), » il f aut que nous le soyonspour nos frères, si nous v ou lo ns êt re p o u r eux des s au veurs, des Jésus ; si nous voulons les aimer comme ilnous a lu i-m ême a im é s le p re mie r. En ce la c o m m e e n




toutes choses, il nous a donné l 'exemple, afin que nouslassions ce qu'il a fait le premier; et il faut q u e nous puissions dire avec lui et après lui : « Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu'à leur tour ils soient sanctifiés dansta venté (Y) ; » dans la Vérité, c'est-à-dire en J È S U S - C H R Ï S T ,

qui est la vérité de la sainteté et la sainteté de lavér i té .

Saint Paul félicitait nos frères, les premiers chrétiensde Thessalonique . de la fécondité su rna tu re l le et spiri

tuelle que leur donnait cette union intime avec Jésus. a Quant à vous, leur disait- il , vous êtes devenus nos imita-taieurs et les imitateurs du Seigneur ; vous avez reçu la parole de D IEU au. milieu de grandes tribulations, avec la joiede F Esprit-Saint] vous êtes devenus le modèle de tous leschrétiens; et votre foi s'est 'répandue de toutes parts (2 ) . »

Ains i, la sainte té r ay on n e ; elle i l lumine , elle échauffetout ce qui rapproche. Saint Basile le Grand compare les.fidèles de Jésus re mpli s du Sa in t- Es pr it à c e s pierresprécieuses qui, au contact des rayons du soleil, devienn e n t elles-mêmes toutes spir i tuelles et 'comme des foyerséclatants de lumière. Ainsi, les âmes, s o u s le souffle et à

la lu mi èr e de l 'Esprit-Saint, dev ien nen tell es-m ême stou tesspirituelles et sont pour les autres d e s foyers de grâce. Geque D I E U leur est à e l les -mêmes , e l l es le sont auxautres (3 ) . / / Quel encouragemeut à la ferveur, h la sainteté !

« Mon enfant, disait un jour intérieurement le Sauveur

(1) Et pro eis effo sanctîSco meipsum, ut sint et ipsi sanctiftcatiin vcritate. (Ev. Jon. xvn, 19.)

(21 Et vos imitatores nostri facli esttset Domini, excipientes ver-bum in Lribulaticno multa cum gaudio Spiritus Sancti, ita ut faetisitis forma omnibus credentibus.. . et in omni loco fides vestraprofecta est. (I ad Thess, i, 6. 7, 8.)

(3) De Spiritu Sancto ; vid. Corn. aLap. in Exod. xui, 21.



NOS GRANDEURS EN JÉSUS.— HT. 5 0 1

à une âm e sa in te , m o n enfan t, je te le d i s : tu pe ux m egagner des âmes, et il y en a dont le salut dépend de tafidélité, de l'accomplissement de mçs desseins en toi. C'estle moyen que j' ai p r é p a ré pour l eu r faire du bien . Est-ceque cela ne te re n d ra pas tout ar de nt e, ferven te, b rû la n ttoujours eh moi , éc la i ra nt toujours v ers moi ! C'est ma viede sauveur, c'est mo u é tat, c'est m o n my s tè re de ré de mption que je veux réaliser en loi.

« N'oublie pas , m o n enfant, qu e tu vis pour do nnerJÉSUS

aux âmes. Tu esJ É S U S ,

pour leur donnerJ É S U S . —

Et le moye n , Sei gn eur? — Le m oyen , c'est d'êt re, c'o std edemeurer en moi. Il ne faut que de l'amour. Aime à êtreen moi ; ai me à me don ner .

« Il faut que tu sois comme m oi , u n Pa in de vie pourceux qui v i en ne n t à toi. De m ê m e qu e la sa in te Hostie

agit comme étant J É S U S , et no n plus du p a i n ; de m ê m etu agiras comme étant J É S U S , et non plus une pauvrepetite créature, misérable, inféconde pécheresse.

« Je te pose au mil ieu du ch am p de m o n Église c o m m eun vivant ca nal par où je veux faire passer m a gr âc e etma vie . Mais il faut que ma vie soi t seule en toi, abso lu

ment seule, comme l'eau dans le canal d'où elle jaillit. Ilne faut pas qu'elle soit mêlée de la terre par où elle passe :il ne faut pas qu'en toi ma vie soit mêlée de toi. Dis-moi,le canal et la te rr e où l'eau passe , ont- il s r ien de co mm unavec elle ? so nt -i ls de m êm e n a tu r e? est-ce le canal , est-cela terre qui féconde le ch a m p ? n'e st- ce pas l'eau v ive qu i

vient des m o nta g ne s , qu i vient du ciel ? Mon enfan t, c'estainsi: tu es le canal; et c'est moi qui passe ; moi qui viensdes mo nt ag ne s éte rne lles , des h a u t e u rs de D I E U , de sontrône, et qui descends visiter les hommes dans cette grâcequi passe par toi.

« Humilie- toi , anéantis- toi; car , par toi-même, tu n 'es




rien. Qui pense au canal quand il a l'eau? On me louera,et on t'oubliera, parce que c'est moi la source éternelle del'eau vive qui rejaillit à la vie. On ne parle du canal ques'il vient à mêler à l'eau pure de la source quelque chosede son être inférieur, de son mauvais goût de 1er. Le canaln'est qu'une légère enveloppe, vide de sa propre substance et pleine de l'eau qui passe : ai ns i de toi, vide deto i- mê me et rem pli e de ton J É S U S , qui veut se donnerpar toi. »

Et Notre-Seigneur ajoutait: «Regarde la lampe quibrûle devant mon Tabernacle : la .mèche allumée n'a point,de lumiè re à e l le ; elle la reço it . De to i-mêm e, tu n'asrien : tout ce que tu as, tout ce que tu donnes, tu le reçoisde m oi . Je veux que tu sois à moi dans u n deg ré intime,intérieur, qui t 'enlève aux créatures. Tu seras aux créa

tures comme l ' ins trument de J É S U S , possédé par lui,-em pl oy é pa r lui, re cev ant ju squ 'a u bou t de ton être lesdivines influences que Lu dois c o m m u n i q u e r ; ca r je suisen toi pou r me c o m m u n i q u e r . Mais toi, ne sois qu 'à moi;sois-le tou t à fait, ac ti vem en t, vi ve me nt , co m m e unemèche qui brûle toujours du feu de m o n a m o u r et se rend

propre à le co mm un iq ue r .« Ma bien-aimée enfant, je veux que tu sois très sainte.

Ma grâ ce tend à le sé ques tr er des c réa tures , à te retireren moi. Je veux que tu fasses tes actions, là, entre toi etm o i ; je veux que tu négocies les choses avec moi, avantde les tr ai te r avec les créa tures et en les t ra it an t avec

elles. Souviens-loi que moi -m êm e, le Sa in t de D I E U , jesuis p ré se nt à tous tes ra ppor ts avec les cr éa tu re s ; je suistémoin ; j e suis en tiers ; et je veux en toi tout inspirer,tout conduire. »

Donc, par charité pour nos frères, afin de leur faire dubie n, de les sauver , de les sancti fier, en t ro n s généreuse-



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III. 5 0 3

(l) In Ep. I ad ThiK, hom. x, in Morali.

ment dans les voies de la vraie sainteté. Plus nous seronssaints, plus nous se ro ns féconds pou r les â m e s ; moi nsnous serons saints, évangéliques, apostoliques, plus nousserons stériles. 0 m on Dieu ! qu e devien dra it le monde sinous étions ce qu e n o u s devr ions êl re , no us sur tou t, p rê tres, Religieux, Religieuses? Les défaillances de notrefidélité font pre sq ue a u ta n t de to rt au p rocha in qu e nospéchés et nos vices : si nos péchés, si nos vices le perdentparle scandale, nos omissions et nos défaillances dans lasainteté le laissent se perdre en ne le sauvant pas.

« Il n' y au ra it pl us u n seul pa ïen, s'écria it ja di s sa in tJean Ghrysostome, si nous avions tous à cœur d'êtrechrétiens c o m m e il fau t. Oui, si nou s obé issions au x p r é ceptes et aux conseils de notre D I E U ; si au lieu de n ousvenger, no us p a rd o n n io n s les in ju r e s ; si no us sav ions

bénir ceux qui nous maudissent ; si nous rendions 1C bienpour le m a l ; si l'on no us voyait tous et to ujours ag ir dela sorte, les bête s les pl us farouches s 'ap pr iv oi se ra ient , ettous les infidèles se ra ie nt bi en tô t at ti ré s à la pr at iq ue dela vraie re ligion . Voyez sa in t Paul : que de mult i tudes , àlui seul, il a gagnées à J É S U S - C I I R I S T ! Si tous nous étions

comme lui, nous au r io ns , no us au ss i, la pu is sa nc e deconvertir des mondes ( 1 ) . »La sainteté, -c'est le se cr et de toutes les co nqu êt es des

Saints. Ce n'est ni la science, ni l'esprit, ni l'argent, ni laprotection des princes de la terre, qui gagnent leshommes à la vérité-: c'est J É S U S vivant d a n s ses fidèles;

c'est le Sauveur un iqu e par la n t et ag is sa n t en sesmembres. Je le rép ète : soyons des S ai nt s, e t no us de vien drons par cela seu l les Sa uve ur s, les co ré dempteu rs de




nos frères. Il y a bien peu de gens assez pervertis pourrésister à J É S U S - C H R I S T vivant dans un Saint.

Avec quel zèle et quelle compassion nous devons aider JÉSUSà sauver les pauvres pécheurs.

Notre-Seigneur attend de chacun de nous cet office de'

zèle, comme l'âme vivant dans le corps r at tend et exige de

chacun des membres l 'exécution d 'une volonté qui luiest très chère.Voici ce qu'il disait un j o u r à ce sujet dans le secret

d'un cœur qui lui était tout dédié.« Mon enfant, aide les âmes ; aide-les de mon amour et

de ma grâce. Vois-moi dans les â m e s ; moi lié, captif,

tor turé pur leurs fautes et par leurs défauts. Cela t'inspirera compassion; et tu voudras me délivrer en elles.Aie pitié de moi en ayant pitié d'elles.

« Moi J É S U S , à chaque ins tan t de ma vie mortelle, je

donnais tout pour les sauve r ; et je les voyais insouciantesde mes grâces, rebelles à m a voix, a imant mieux les

ténèbres que la lumière , le mal que le bien. Et moi, J É SU S,

je ne pouvais donner plus que tout mon êt re , que toutmon sang ; et ils méprisaient toute ma substance commeun néant !

« Et je les aimais, ces âmes , d ivinement ! j e les voulaissauvées ; et je ne les ai pas sauvées, parce qu'elles n'ont

pas voulu recevoir mon salut. Elles ont rendu tout inutile-J ' a i pleuré cela avec des larmes de sang. — Eh, Seigneur,que puis-je y faire, si vous-même vous n'y avez pu rien?— Tu peux pro lon ge r m a prière , mon sacrifice pour elles;tu peux avoir mes désirs pour elles, au milieu d'elles.Car, dans tous les temps, c ' a été mon dessein d'atteindre




les âmes par mes membres ; comme, aux jours de ma viemortelle, j 'atteignais les hommes par les membres demon corps nat ure l, par mes yeux , pa r m a bo uche , pa rmes ma in s, p ar mes pieds, par mon cœ ur .

« Ainsi ve ux-jc faire par mon Église et pa r tous mesmembres mystiques. Je veux nie servir de mes membresvivants et fidèles pour arriver aux âmes; je veux meprésenter à elles dans mes membres.

« Je veu x don c que tu pr ies et que tu agisses cont i

nuellement auprès de moi pour les pauvres âmes, terappelant qu e tu as un gra nd trésor à le ur d i s t ri bue r:c'est J é s u s ; de quoi satisfaire tous leurs besoins clc chaque

jour. Il y au ra b ie n des pri ère s, b ien des sacrifices quitomberont a t e r r e , qu i ne seront pas re çus des âm es ,comme ja di s bien des gout tes de mon sa n g ; ma is tou t

sera reçu de m o n Pè re et de ton Porc , dans les c ieux; toutle glorifiera, tout ira à faire de toi mon membre. »Les Saints l 'ont tous pro cla mé : g a g n e r a D i e u l 'âme

d'un homme, c'est le plus grand et le plus précieux detous les ga ins . Rien ne peut êtr e comparé à une âme ;rien, pas môme l'univers entier. Convertir une seule âme,

c'est faire plus que de verser d'immenses trésors dans lesein des pa uv re s. Ainsi pa rl en t en tr e au t re s saint Jé rô meet saint Jea n Chr ys os to me (1).

Le bon cu ré d'Ars était ex tr ao rd in ai re me nt préo ccup éde cette grande pensée de la conversion des pécheurs. Ily consacrait sa vie . Il dit un jo ur à l'un de ses i n t i m e s :

« Je ne sais pa s si c'est réel leme nt u n e voix que j ' a ientendue cette nuit, ou si c'est un rêve ; quoi qu'il en soit,

(1) Nullum enim majus Jucrum potest esse, aut pretiosius,quam si humanam ànimam quis lucretur. (In Ep. ad TU. i . ) Nihilest quod anima) 1 ossil a 3 q u i p a r a r i . ne universus quidem mutidus;elsi i ni m en sas pecunias pauperibus eroges, plus tamen elfeceris,siunam eonverteris animam. (In I ad Cor., hom. m.)




cela m a réveillé. Cette voix m' a d it qu a r r a c h e r une âmedu péché est plus agréable au bon DIKTT que tous lessacrifices.

« Rien n'afflige tant le Cœ ur de J É S U S , ajoutait-il, quede voir toutes ses souffrances perdues pour un si grandnombre. Prions donc pour la conversion des pécheurs-c'est la plus belle et la plus utile des prières. Car les

ju st es son t sur le ch em in du ciel ; les âm es du Purgatoireson t sûr es d'y en tr er ; ma is les pa uv res pé ch eu rs ! les.

pa uv re s péc heu rs !. . . Il y en a que lq ue s- uns qu i sont ensuspens. Un Pater, un Ave suffiraient pour faire pencherla balance... Que d'âmes nous pouvons convertir par nosprières ! Celui qui tire une âme de l'enfer sauve cette âmeet la sien ne pro pre . Toutes les dévotions son t bonnes,mais il n'y en a pas de meilleures que celles-là.

« Une fois, saint Fra nçois d'Assise pri a it dans les bois.« Se ig neu r, d isa it- il, ayez compass ion des pauvrespé ch eu rs ! » Notre -Se igneur lui ap paru t et lui dit :« François, ta volonté est conforme à la mienne. Je suisprêt à t 'accorder tout ce que tu me demanderas. »

« Sain te Colette d em anda i t la conv ersion de mille

pécheurs ; pu is , en y réfléchissant, elle s'effraya de cegrand nombre et s'accusa de témérité. La Sainte-Viergelui apparut et lui montra la quantité d'âmes qu'elle avaitconverties par ses neuvaines.

« On peut s'offrir en victime pendant huit ou quinze jours po ur la co nve rs io n des pécheurs ; on souffre le

froid, la chaleur ; on se prive de regarder quelque chose,d'aller voir une personne qui ferait plaisir; on fait uneneuvaine ; on entend la Messe tous les jours de la semaineà cet te in te nt io n, s ur tou t dans les villes où Ton en a lafacilité. Mais il y en a qui ne feraient pas cent pas pouraller à la Messe. Ceux qui ont le bonheur de communier



NOS G R A N D EU R S EN JESUS. — III. 507

souvent peuvent faire une neuvaine de communions .Non-seulement on contr ibue À la gloire de D I E U par cettesainte pratique ; mais on s'attire une grande abondancede grâces. »

LE curé d'Ars faisait souvent des neuvaines extraordinaires pour la conversion des pécheurs ; de plus, il offraitd'habitude À CETTE MÔME INTENTION TOUTES SES FATIGUES,

pénitences et douleurs de la journée . Une fois qu'il étaitaccablé de confessions plus encore que de c o u t u m e ,quelqu'un s'avisa de lui di re : « üe grâce, monsieur le

curé, ne priez donc pas tant pour les pécheurs ; vousvoyez bien que vous êtes trop accablé. — C'est vrai,répondit-il naïvement; j ' a i cette dévotion de prier pourles pauvres pécheurs ; il me semble que je ne peux pas

M'EN empêcher (1). »

CES mêmes sent iments , NOUS les retrouvons expr imésavec UNE égale insistance par LE grand saint Augustin,qui tâchait d'exciter le zèle et la compassion pour les

âmes, dans le cœur de ses fidèles d'Hippone : « 0 mes

frères, leur disait-il en commentant cette parole du

psaume : Le zèle de la maison de D I E U me dévore, mes

frères, que chaque chrétien soit dévoré de ce zèle de lamaison de D I E U à l 'égard DES m e m b r e s du Christ ! Or,

quel est celui que dévore ce zèle? C'est celui qui s'efforcede purifier la maison de D I E U de tout ce qu'il y aperçoitDE reprehensible, et qu i N'A point de CESSE qu'il n'y AIT

réussi. Que s'il ne peu t y parvenir , il g é m i t du scandale

qu'il est obligé de tolérer. Vous voyez, par exemple u nfrère qui cour t au théâtre? détournez-le; avertissez-lesoyez-en affligé, si le zèle de la maison de D I E U V O U S

dévore, de cette maison à laquelle vous appartenez. Vous

[l)Vie du curé d'Ars, par l'abbé Monnin ; tom. II, liv. V, ohap. v .




on voyez d'au tres , qui veu len t aller aux courses et s'enivrer DE plaisirs? empêchez, retenez, terrifiez de votremieux ; employez la do uc eu r q ua nd l 'énerg ie est impossible ; ja mai s de lâche co mpla is an ce . S'agit-il d' un ami?avertissez doucement. S'agit-il DE votre femme? réprimeztrès SÉVÈREMENT. S'AGIT-IL DE votre SERVANTE? NE CRAIGNEZ

pas DE punir, même de frapper. Voilà, comment on pratiquele zèle de la maison de D I E U .

« Donc, mes frères, ne vous endormez pas. Ecoutez

mes conseils :c'EST

Celui quiEST

en vous qui vousLES

d o n n e ; ca r lorsque moi je vous les donn e, c'est lui quivous LES donne. Et puisque vous-mêmes, vous avez étégagnés par J É S U S - C H R I S T , ne cessez pas de gagner desâmes à J É S U S - C H R I S T (1 ) » .

NOTRE propre salut dépend souvent du salut des autres (2).

En TOUS CAS, GÏ-GNER UNE â m e À Notre-SEIGNOUR, c'EST, AUdire M Ê M E de l'Esprit-Saint, la plus belle de s indulgencesplén iè re s (3). « Savez-vous, di sa it un jou r sa in te Térèseà ses chères filles du Carmel, CE que l'Époux de nos âmesdésire le plus ardemment DE n o u s ? C'est que notre zèle,par tous les moyens qu'il peut inventer, lui ramène des

âmes, afin que ces âmes se sauvent et chantent ensuiteses louanges pendant l 'éternité (A) ».

0 M O N Sauveur J É S U S , QUELLE vocation et quelle grandeur ! En vous je dev ien s sau veu r et co réd em pt eu r DEmes FRÈRES, les PÉCHEURS ! DONNEZ-MOI DE VOUS MULTIPLIER

(1) In Joan. Evang., tract, x, 9.(2) In proximi salule sua unicuique salus stat. (y. J. Ghrys. inl Ep.-

ad Cor., honi. xxxi.)(3) QUI converti feoerit peccalorem ab errore viaî SUCE, salvabit

animam ejus a morte, et operieL multitudinem peocatorum.(Jac. v, 20.)

(4) Relation extraite du Château intérieur.



NOS GRANDEURS EN JESUS. — I I I . 5 0 9

dans les àmcs, et pour lu plus grande gloire de votre Pèreet pour l 'h onneur do votre sa in t nom !

Avec quelle charité nous devons aider JÉSUS à consolertous ceux qui souffrent.

Ce n'est pas seulement du fond de son Tabernacleeucharistique que J É S U S appelle k lui tous ceux qui souffrent : « Venez à moi vous tous qui souffrez et qui êtes acca

blés; et moi je vous soulagera.? [\) ». C 'est encore du fondde son ciel vi va nt et t er rest re , c' es t-à-di re du fond ducœur de tous ses fidèles. Il les envoie tous à travers lemonde comme de vivants sacrements du Consolateurunique, destinés à répandre sur les plaies de l 'humanitéle baume su rn at ur el des conso lations de J É S U S - C H R I S T .

Toutes nos œuvres de miséricorde, que sont-elles, sinoncette expansion de l'Esprit consolateur, Spiritus Para-cletus* que le Fils de D I E U répand en chacun de nous,pour qu 'à no tre tour no us le rép an dio ns su r la te rre.JÉSUS est le rése rvoi r in co m m en s ur ab le , l 'océan céles te,et divin où « le Père des miséricordes et le D I E U de touteconsolation (2) » dépose son trésor d ' a m o u r ; et nous qu isommes en lui par sa grâce, nous eu qui il daigne résider,vivre et agir, nous sommes les canaux, les sources d'où

jaillit su r la ter re l'eau bienfai sante et ra fr aî ch is sa nt e duSauveur.

Aucune douleur humaine n'échappe à l 'action miséricordieuse du très doux Consolateur vivant dans ses.membres. Par eux i l pénètre dans l 'humble demeure des

(1) Venite ad me omnes qui laboralis et onerati estis, et egoreficiam vos. (Ev. Matth. xi, 28.1

(2) Pater misericordiarum et DEUS totius consolationis. (Il ad

Cor. i, 3.)




pauvres, transis de froid, mourants de faim, seuls etabandonnés . C'est lu i, le Père des pauv res, qu i, par seslidèlcs serviteurs, par ses charitables servantes, couvre LAterre, depuis dix-huit siècles, DE ces miracles quotidiensde COMPASSION, DE TENDRESSE, DE CHARITÉ HÉROÏQUE, DONT

le seul récit tire les larmes DES yeux et dont la vue a suffimille fois pour convertir des incrédules et des impies.

Saint Clément appelait jadis le prêtre « après D I E U , LE

Dieu visible de la terre : post D B U M terrerais Deus ; » on

peut en dire autant de tout chrétien qui s 'adonne AUXœuvres de miséricorde dans LE véritable esprit de la charité DE J É S U S . Après D I E U , après J É S U S , O U , pour mieuxdire, avec D I E U , avec J É S U S , CE fidèle charitable est LE

D I E U , le J É S U S , le Sauveur et LE Consolateur des malheuREUX. — U N JEUNE ÉTUDIANT D'UNE DE NOS CONFÉRENCES DE

Saint-Vincent de Paul de Paris était entré au Séminaireaprès avoir visité assidûment pendant plusieurs annéesune pauvre vieille femme, impotente, presque aveugle,qu'on logeait par charité sous les toits, dans une espècede trou à bois. LA pauvre femme n'avait eu que lui pourami et pour consolateur. Elle SE trouvait bien seule. NE

pouvant plus y tenir, elle alla UN jour trouver la Sœur DECharité qui l 'avait recommandée à la Société de Saint-Vincent DE Paul : « Ma SŒUR, LUI dit-elle, JE NE veux PLUS

RESTER COMME CELA. GOMMENT va l'Être suprême ? —L'Êt re su pr êm e ! répl iq ua la Sœ ur tou t é to nn ée . Mais,m a bon ne, il va tou jou rs bien . Je ne c o m p re n d s pas ce

que vous voulez d ire . — Ah ! m a sœ ur , c'est que je ne levois plus. Avant, il venait me voir toutes les semaines;et toute la semaine, je vivais dans l'attente de ce jour-là.« La bon ne Sœur co mpri t qu 'i l s'agis sait du vis iteur deSaint-Vincent de Paul, et procura à cette pauvre abando nn ée u n aut re « être su pr êm e ».




La naïveté de celte pauvresse traduisait, en une paroleà la fois ris ib le e t touchan te , le très beau myst ère de lacharité évangélique. Oui, elle disait vrai ; le bon D I E U

venait à elle p a r l e mi n ist ère de son se rv it eu r, et c'éta itbien réellement J É S U S qui, par le cœur, par les lèvres,parles mains, par l 'assistance d'un homme, la soulageaitdans sa dét resse et la consolait dans son abandon .

Ce mê me é tu di an t me rac on ta it un au tr e trait, qu i lui. était ar rivé dan s u n e vis ite d'hôpita l et qu i faisait res

sortir l'excellence de ces œuvres de compassion. Demalade en ma lade , il éta it ar rivé à u n p a u vre h o m m equi. miné par une longue et douloureuse maladie depoitrine, av ai t déjà re çu les dern ie rs sacrements et sepréparait saintement à mourir. Le charitable visiteur luiadressait quelq ues pa roles d' en co ura gem en t et de p it ié ;

le jeun e m o u ra n t l ' in te rrom pi t : « Vous êtes p rê tr e,monsieur? lui demanda-t-il. — Non, mon ami, je ne suispas prêtre, ré po nd it le vis iteur en s o u r i a n t ; voyez mesmoustaches : les p rê tr es ne p or te nt pas de m ous taches .— Alors, vo us ê tes méd ec in ? — Pas davan tage . — Maisalors qu'è tes-v ous donc ? — Ce que je suis ? Mais c'es t

bien simple : je suis membre de la Société de Saint-Vincent de Pa ul . Je su is u n chré t ien qui vi en s co ns olerun peu et visite r les p auvre s ma la de s. — 0 mons ieu r,murmura le mo uran t , en jo ig nan t les mai ns, que c'estbeau ce qu e vous fa it es -l à! » Et deux gro ss es la rmescoulèrent su r ses jo ues déch arn ées . « Sans doute , ré pon dit

le visiteur tout ému, sa ns doute, c'est beau ; mai s, m o npauvre enfant, le bo n D I E U n'en fait pas d'autres. C'est

' lui qui fait faire aux ch ré t iens ce qu 'i ls font ; c'est lu iqui par moi vou s visi te et vous console : c'est à lu i seulqu'il faut rapporter et la gloire et la reconnaissance ».

, Il ne fau t j a m a i s ou bl ie r de vo ir ainsi Not re -S ei gn eu r




en tous ceux qui nous font du bien, non moins que dansles pauvres et dans les malheureux que console la charité chré t ienne . « Tout en tous (1) », co m m e dit saintPaul, J É S U S , Consolateur et Providence, vient au secoursde toutes les souffrances h u m a i n e s ; et tout à la fois,pauvre, nu, abandonné, infirme dans ceux qui souffrent,il est l'objet divin de la compassion de ceux qui consolent.

Oh! qu'ils connaissent mal le cœur de J É S U S ! oh!

•qu'ils lui imposent une dure et cruelle, violence, leschrét ien s peu chari tab les qu i, préfé ran t le ur s aises etleurs plaisirs aux œuvres laborieuses de la miséricorde,oublient de prêter au Sauveur l'appoint de leur dévouem e n t ! Et combien peu ils co ns ol en t sou cœ ur , ceux qui,dans les oeuvres de charité, n'apportent point de ten

dresse, de zèle, de vra ie bonté ! Le de vo ir que nousimpose notre union avec J É S U S , ce n'est pas seulementd'opérer le bien de J É S U S , mais de l'opérer avec toutela charité, avec tous les sentiments de J É S U S . « Ayezen vous, dit l 'Apôtre, tous les sentiments du Christ J É S U S (2)

Les Saints ont pratiqué cela divinement. Sainte Jeanne-Fran ço ise de Chantai d isai t de sa in t Fra nçois de Sales :« Notre Bienheureux visitoit les malades et prisonniers,et il estoit le père commun de tous les pauvres. Aucunnécessiteux et affligé n'a eu recours à luy, sans qu'il aitesté secouru et aydé en la meilleure manière. Une fois.il

alla visiter un vieillard qui sentait fort mauvais ; la fillede ce pau vre ho mm e luy dit : « Monse ig ne ur, il est à« craindre que vous ne sentiez quelque mauvaise odeur».

(1) Omnia et in omnibus Christus. (Ad Col. m, il.)(2) Hoc sentite in vobis quod et in Christo J B S U (Ad Philip. n,<5.)

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NOS GRANDEURS EN JÉSUS. — ÍII . o

xiv

Mais il lui respondit : « Ce sont clos roses pour moi (1) »•Il était si bon, si débonnaire, si cordial envers tous, qu'onne pouvait sor ti r d 'a uprès de lui qu e pacifié et consolé.

lien était de même de saint Vincent de Paul, ce prodige de mi sé rico rde et de chari té év au gé li qu es . 11 disai t'un jour à. ses Missionnaires , en les exhor tan t à une infatigable charité : « Quand nous allons voir les malheureux,entrons da ns leu rs se n ti ments po ur souffrir avec eux etnous me tt re dans les se nt im en ts de ce g r an d Apostre qu idisoit : « Omnibus omnia fartas snm : Je me suis faict tout à tous ; » en sorte que ce ne soit pas sur nous que tombela plainte qu 'a faicte autre fois No st re -Seign eu r pa r unProphète : « SuUinui qui simul contristar et ui\ et non fuit :

J'ai attendu pour voir si quelqu'un ne compatiroit point àmes soit/francés, et il ne s'en es/ trouvé aucun. »

« Et pour cela, il faut t ascher d 'a tt en dri r uo s cœ ur s etde les re ndr e suscep tibles des souffrances et des mi sè resdu prochain, et prier D I E U qu'il nous donne le véritableesprit de miséricorde, qui est le propre esprit de D I E U ; ensorte que qui verra un Missionnaire puisse dire : « Voilàun ho mm e plein de mi sé ri co rd e. » Ay on s cette c om pa s

sion dans le c œ u r ; manif est ons-l a en no str e ex té rie uret sur nostre visage, à l 'exemple de Nostre-Seigneur.Employons des pa ro le s com pat is sa nte s qui fassent voirau prochain co mme no us en tron s d an s les se nt im en ts deses in té rê ts et de ses souffrances ; enfin, secourons- le ,assistons-le autant que nous pouvons dans ses nécessités

et ses misères, et la schons de l'en dé li vr er en tou t ou enpartie, car la main doit estre, autant que faire se peut,conforme au cœur ( 2 ) . »

¡1) Déposition de sainte Chantai.

(2) Vertus et doctrines de saint Vincent de Paut ; ohap. x.




Par cette fidèle correspondance à la miséricorde deCelui qui vit en nous, nous obtiendrons de lui miséricorde, ainsi qu'il l 'a promis. La dureté, ou même Finsuf-fisance de la charité , es t un e des choses qui froissent leplus son adorable cœur. Un jour que la BienheureuseCarmélite Marie des Anges avait traité un peu sévèrement les novices de son monastère, Notre-Seigneur l 'enreprit en disant : « Est-ce ainsi que tu traites mes serva nt es ? Combien de ch oses ne su pp or te ra i- je pas de ta

part , moi (U ? »Que cette parole est lumineuse cl féconde ! Appliquons-nous-la dans tous nos rapports avec les pauvres, lesaffligés, les petits, les malades, les pécheurs ; en un mot,avec tous ceux qui ont besoin de miséricorde et de patience. « Est-ce ainsi que tu me traites, en la personne de

celui-ci ou de celui-là? Est-ce ainsi que tu es Jésus pourtes pauvres frères? »Portons avec un amour compatissant les fardeaux les

uns des autres, et ainsi, nous dit TEsprit-Saint, nousaccomplirons la loi de notre Maître (2). »

Que les chrétiens sont constitués ici-bas consolateurset libérateurs des saintes âmes du Purg at oi re .

Si la charité de Notre-Seigneur nous presse de convertir et de sauver les âmes, si elle nous presse de con

soler toutes les do ul eu rs de nos frère s, combie n plus nenous excite-t-ellc pas à soulager les t rès sa in te s et trèspauvre s âm es du Purg ato ir e ! Les souffrances qu'elles

(1) Vi de la Bienheureuse, par le chan. Labis, ebap. xiu.(2) Âlter alterius oncra portate, et sic adimplebitis legern Christi.

(Ad Gai vi, 2.)



NOS GRANDEURS EN JÉSUS — m 515

endurent sont plus terribles, dit saint Augustin, que toutce que l' homme peut e ndure r en cet te vie ; et sa in tThomas d'Aquin, écho de la tradition, ajoute que lesbains brûlants par où elles passent afin de se purifierpleinement, sont plus douloureux que tous les supplicesdes ma rtyr s, que tou tes les péni tences des an ac hor èt es etdes Saints, que toute s les souffrances de la vie pré sente .

ici-bas tout est im par fa it , parce que ri en n est définitif et absolu, les pei nes pas plus que les jo ies : ap rè s la mort ,

au cont rai re, to ut est parfa it, to ut est absol u, da ns songenre: les expiations transitoires, comme les châtimentséternels ; les c h â t i m e n t s éte rne ls, co m m e les joie s éter nelles. Quoique tra ns fig urée par l'e spérance et pa r l' am ou r,la souffrance du Purg ato ir e est une souffrance parfaite.Certes, une telle vue suffit pour ex cit er dans un cœur

chrétien tou tes les a rd eurs de la cha ri té la plus com patissante.Notre-Seigneur ai me d' un a m o u r é tern el ces sai nte s

âmes, atout jamais confirmées dans sa grâce, et que lapureté de l' am ou r divin reti en t d an s l'exp iation no nmoins que la sainteté de la divine justice. J É S U S désire,

demande, veu t qu 'el les soient le p lus p ro m p t em c n t et lepluspuissamment possible soulagées d'abord ,puisdclivréesdes peines sacrées qu 'e ll es e n d u r e n t ; et ce tte volonté, ilnous la mani fes te de m ill e m a n i è r e s : au d eh or s, pa r lagrande voix de son Ég l i se ; au dedans, au fond de l' àm e,par les im pr es si on s, les se nt im en ts de ch a ri té q ue son

Esprit répand en nous.11 nou sde man de, j 'osera i pr esq ue di req u ' i l nous suppl ie

de la réali ser, cette vo lont é mi sé ri co rd ie us e, pa r le m érite de nos œuv re s expi atoi res. Les âmes du Pu rg a to i re ,en effet, ne peuvent pl us mé ri te r ; mais no us , nous le pouvons, et dès lors nous le de vo ns . Elles ne peuvent p lus




rien acquérir ; mais nous, nous pouvons encore acquérirde nouvelles richesses spirituelles et en faire la charité àces pauvres aines si chères aii hou D I E U .

On pe ut dire que tous les Saint s on t été cons tam mentpréo ccup és des souffrances des trépassés et du soin deleur soulagement. Sain t Fran çoi s de Sales répéta it souvent:« Nous ne nous souvenons pas assez de nos morts, de noschers trépassés, Noos n'en parlons pas assez. Nous laissonsles mo rt s enseveli r les m o rt s . Leur mémoire pér il en nous

avec le sou des cloches. »Afîu d'exciter à pr ie r po ur les mor ts , il av ai t coutumede faire re mar que r que tout es les œuvr es de miséricorde,prôn ées par le divin Ju ge au v in gt -c in qu iè in e cha pitr e desaint Matthieu, étaient s u ré m i n e m m e n t réalisées par lacharité envers les âmes du Purgatoire ; et« voicy, nous dit

rÉ v ô q u c d e Belley, c o m m e n t il fesait son dén om br em en t:« N'est -ce pas , en qu el qu e façon, vi si te r les malades,que d'ob tenir par pr iè re s le so ul ag em en t ou ratraischis-sement des pauvres ames qui souffrent dans le Purgato ir e? N'esl-ce pas d o n n e r à boire à ceu x qu i ont sigrande soif de la vison de D I E U , et qu i so nt par mi ces,

dure s flammes, qu e de leur donner par t à la rosée de nosor ai so ns ? N'est-ce pas nou rr i r des affamés, que d'ayderleur délivrance par les moyens que la foi nous suggère?N'est-ce pas vrayment racheter des prisonniers? N'est-cepas revest ir les nud s, que de leur p rocurer un vestementde lumière, et de lumière de gloire? N'est-ce pas une insi

gn e hospit alité, que de pr oc ur er leur in tr oduc ti on dans lacéleste Jérusalem, et les rendre concitoyens des Saincts,et domestiques de D I E U dans l'éternelle Sion? N'est-ce pasun plus grand service de mettre des âmes au ciel, qued'ensevelir des corps et les mettre en la terre ( 1 ) ? »

',1) Esprit de saint François de Sales pari. II, seol. XV.



NOS GRANDEURS EN JESUS. III . 5 1 7

Le bon curé d'Ars, qui consacrait les souffrances de ses journées a la co nv ers ion des pé ch eu rs , ré se rv ai ta ux âm esdu Purgatoi re les souffrances de ses nu i t s . Au lit, il souffrait be au co up , et ne ma nqu ai t pas d'offrir ch ar it ab le men tet amoureusement toutes ses angoisses â la Mère de miséricorde, à M A R I E , Reine et Consolatrice du Purgatoire, —Voilà un ex em pl e, une pr at iq ue que no us po uvon s Ionsimiter. Quelles bonnes et saintes nuits nous passerions ! etquel ad mir ab le moyen de profiter des in so mni es, et dechasser les fan tô mes i m p u r s !

Pa rmi les se rv it eu rs et servantes de D I E U que Notr •Saint-Père le Pape P I E I X a béatifiés en 18(35 , la Bienheureuse M A R I E des An ges, de qui no us av on s déjà pa rl é,porta la charité envers les âmes du Purgatoire à un degréd'héroïsme pr es qu e sa ns exemple. Les pr iè re s qu'elle faisait

pour leur dél iv ra nc e é ta ient quasi co nt in ue ll es ; ses di sci plines et ses pén it en ce s de tou t g enre à le ur in tent ionétaient très fréquentes, très rigoureuses.

Gomme il n'y a pas d'oeuvre sainte qui soit aussi utileaux âm es du Purgato i re q ue le sacrif ice de la Messe, elleprenait soin de le faire souvent offrir pour leur repos; e1

ce zèle fut un jo u r ré co mp en sé p ar un t o u c h a n t m i ra cl e .Sans penser, à la dé tresse où se trouvai t sa C o m m u n au té ,alors grevée de lo urd es charges et tou t à fait ré dui te àl'extrémité, elle avait pr om is de faire ac quit te r pour cespauvres âmes cinq messes par mois, tant qu'elle seraitPrieure. Mais il n 'y avai t pas d 'a rg en t ; et la Sœ ur Eco

nome lui fit observer que son vœu était irréalisable.Notre-Seigneur v in t a lo rs au secou rs de sa ch ar it ab leservante; et, dans le courant de cette même journée, illui envoya un bon chrétien delà ville, qui, l 'ayant mandéeau parlo ir, lui dit qu 'il s'était sent i i ns pi ré de lui appor ter une aumône pour faire célébrer cinq Messes par mois,




aux intentions qu'elle voudrait. La Bienheureuse, raviede joie et de re co nn ai ss an ce , raco nt a au ssi tô t au bienfaite ur la promesse qu 'ell e ava it faite la n u i t pr écé de nte, etl'impossibilité où elle eût été de la mettre à exécution.

Marie des Anges allait jusqu'à vouloir payer de sa perso nne les dettes de ses ch ères Ames du Pu rg at oir e. Ellepr ia it in s tam m ent No tre -Se igneur de lu i faire souffrirl 'équi valen t des pein es n éces sair es po ur l 'adm issio n immédiate de ces sa in les âmes dans le sé jour de la gloire.

Maintes fois elle fut exaucée, et le Sauveur, juste etbon,lui envoya tantôt des fièvres très aiguës, tantôt des douleurs étranges, des paralysies et autres maux très sensibles, qui duraient des semaines et des mois. Un jourqu 'ell e avait ob tenu un e de ces pr éc ie us es peines quil 'avait plongée dans de grandes défaillances, durant

vingt-quatre heures, soixante-trois âmes, délivrées duPurgatoire, lui apparurent radieuses, lui rendant grâcesde ce qu'elle avait souffert pour elles.

Grâce à cette prodigieuse charité de la Bienheureuse,i l arr ivait f réquemment, D I E U le permettant ainsi pourl'encourager dans cette grande œuvre de salut, que les

âm es du Pu rgatoi re vi nss en t im pl or er ses suffrages ; elleslui apparaissaient sous une forme sensible, ou se faisaienten te nd re d'elle, et lui dé pei gn aie nt la r i g u e u r surnaturelle des peines qu'elles enduraient. Ces apparitionssa in te s lui étaient devenues très fami li èr es ; elle en étaitfavorisée en tout temps et en tout lieu, le jour comme la

nu it , dan s sa cellule, au ch œ ur, quelq uef ois mêm e auréfectoire. Il s 'était établi entre la Bienheureuse Sœur etles âm es du Pu rg at oi re une sorte de correspo ndanceintime et presque continuelle.

Trois ans avant sa mort, en 1714, aux approches de lafête de l'Assomp tion, Marie des Ang es en d u ra i t un mal




très-douloureux pour une âme du Purgatoire. Son pèrespirituel, le P. Louis de Sainte-Tcrèse, lui commanda, aunom de la sa in te obéissa nce, de gu éri r su r- le -cha mp ; cequi fut fait. « Mais, di t la Bienheure use , co mme cet tesouffrance est surna ture l le et m a é té donnée po ur le soulagement d'une âme du Purgatoire, attendez-vous, monPère, à ce qu'elle revienne bientôt, et plus violente. » Eneffet, le 7 septembre, veille de la Nativité, la pauvreSainte tomba tout à coup dans d'horribles convulsions et

- dans une sorte d'agonie. Mandé subitement, le P. Louis,ainsi que tou te la C omm unau té , fut té mo in d'un e ex ta sedelà Bi enhe ure use, où, la sérén ité et le ravi ssem en t pe in ts,sur le visage, elle co nve rs ai t fa mil iè re ment av ec des personnes que seule elle voyait. « Avec qui vous entretenez-vous là ? de ma nd a le Pè re . — Avec un e mu lt it ud e d a m e s

,du Purgatoire. — E n conn aissez-v ous q ue lq ue s- un es ? —Il y en a que je connais, il y en a que je ne connais pas.—Allons, dit le Père, reprenez vos sens, guérissez sansdélai, et demain mat in allez faire la c o m m u n i o n ave c vo sSœurs pour la dél iv ra nce de ces â m e s . » La ser va nt e deDIEU obéit po nc tu el le me nt , et, da ns u n e nou velle extase

qui suivit sa c o m m u n i o n , elle eu t la co ns ol at io n de vo irs'envoler au ciel une grande partie des âmes qui lui avaientparlé la veille (1).

Telle est la pu issance de la chari té de J É S U S dans uneâme très fidèle, p our la conso lat ion et pour la dé li vr an cedes trépassés. No uveau motif pour c h ac u n de nou s d'ê tr e

tout entier à J É S U S , bien pur, bien fervent, afin d'être,entre les ma ins de ce très mi sé ri co rd ie ux Sauv eur, u npuissant instrument de salut, de consolation et de délivrance.

(i) Vie de la Bienheureuse, chap. xxvm et xxxn.



LA PI ÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

Que la Très-Sainte Vierge est, en cela comme en tout,

le type souverainement parfait de tous les chrétiens.

Le monde, n'a qu'un Sauveur, comme il n 'a qu'un Seigneur et qu'un Créateur : J É S U S - C H R I S T . Vrai D I E U éternel , consubstautH au Père, J É S U S est, en sa sa in te huma

nité, le Seigneur cl le Sauveur unique du monde. Mais iln'es t ho m m e que par la Sa in te -V ie rg e, sa Mère, qui lui adonn é la sub sta nce de son h um an i té , c o m m e dans le ciel.D I E U le Père lui donne ét e rn e ll emen t la su bs ta nc e de sadivini té ; et, dès lor s, ce tte tr ès sa in te et immaculéeMère se trouve par là m ê m e in s ép a ra b le m en t associée à

tous les mystères de J É S U S - C H R I S T . Par lui , avec lui et enlu i , M A R I E est la So uv er ai ne et la Maî tr es se du Monde;par lu i, avec lui et en lu i, elle est la coré demptri ce et lavr ai e Mère de tous les m em b res my st iq ues de J É S U S , detous les enfants de D I E U et de l'Église.

Tous les saint s Pères on t pr oc la mé la Bienheureuse

Vie rge Médiatrice de la g râ ce et du sa lu t, corédemptricedu mo nd e, source et mè re de n ot re ré dem pti on . Il estvrai, elle n'a point par elle-même payé le prix de la rançon : c'est J É S U S - C H R I S T seul qui l'a pu faire et qui l'a fait;mais la SainLe-Vierge a fourni elle-même, a fourni librement, a fourni seule la substance de cette chair adorable

qui , as su mé e pa r le Verb e , estdevenue s u r la Croix leprix de notre salut. « Que l'océan des créatures vivanteséclate en joyeux transports! s'écrie à ce sujet saint JeanDa ma scène : dan s son sein est a p p a ru e la co nq ue merveilleuse qu i, re mp li e de la Lumière de s cieux, par l'éclair de la divinité, conçoit et donne au monde le Christ,



NOS GRANDEURS EN JESUS. — I I I . 5 2 1

l'union d'inestimable valeur ( 1 ) , » L'union, la grâce, la

rédemption, le salut, c'est J É S U S , c'est le Fils et la substance de M A R T E .

lin outre, au pied de la Croix, la Vierge-Mère a offertlibrement et volontai rement en holocauste et la vie, et lesdouleurs, et la mort sanglante de son Fils J É S U S , pourl'honneur de D I E U et pour la rédemption de tout le genrehumain. Elle a nu une part bien plus intime au sacrificedu Rédempteur que le fidèle Abraham n'en avait eu au

sacrifice de son fils Isaac. Aussi, saint Épiphane n 'hé -

site-t-il point a appeler la Sainte-Vierge, le Prêtre et

l'Autel de la rédempt ion . « 0 Vierge, s'écrie-l-il, ineffable trésor de l'Église, vous avez réalisé en vous un grandmystère. Oui, je dis que Ja Vierge peut être appelée le

Prêtre et l'Autel de notre Sacrifice ; car c'est elle qui nous

adonné et la table et le Pain du ciel, le Christ, pour larémission des péchés ( 2 ) . »

En cons équence, la Très-Sainte Vierge, Mère du Sauveur, en offrant à Dieu su r le Calvaire Tunique, la divine,l'éternelle Victime du salut , l 'Auteur de la grâce et de la

rédemption, la Source de toute vie, de toute consolation,

de toute béatitude, en s'offrant elle-même avec son J É S U S ,

dans toute l 'étendue de ses intent ions, a coopéré directement et efficacement au sacrifice rédempteur de J É S U S -

CHRIST et au salut du monde. La Vict ime du Salut appartenait à M A R I E , était une portion de M A R I E , la chair de sa

(1) Lœtetur mundi mare: in ipso enim concha gignitur, qusecœlilus ex divinitalis fulêtro in utero concipiet, et ChrisLum in-gentis preLii unionem pariet. (Orat. i deNativ.)

(2) OVirginem, stupendum Eoolesiaî thesaurum, quiadeptus estingens înyslerium ! Virgincm appello velut sacerdo',em pari-ter ot al tare, quai quidem mensam ferens dédit nobis cœles-lem panem, Cluïstum, in remissionem peccatorum ! (De Laud.VirgrO




cha i r et les os de ses os. Aussi, sa in t B on ave ntu re , appliqu an t à la Mère de Ditóu la g rande paro le de l'Évangi le :« D I E U a tant aimé le monde, qu'il lui a donne son fils unique, » n'hési te-t -il pas n ajou te r: « M A R I E , elle aussi, atant airné le monde qu'elle lui a donné son Fils unique. »Elle a apporté la paix à la terre, au ciel la gloire, le salutaux pécheurs, la vie aux morts; elle a réunien uneseulefamille les hommes et les Anges (1).

La Sainte-Vierge M A R I E , Mère de la grâce divine, refuge

des pauvres pé ch eu rs , conso lat rice des affligés, est doncnotre type et notre modèle au point de vue spécial quino us occupe en ce pet it ch ap it re . En Not re-Seigneur,no us somm es élevés à la di gn it é de sauveurs , de coré-dempteurs et de consolateurs DE nos frères ; et la Sainte-Vie rge, no tre Mère, m a rc h e à not re tète dans l'accom

PLISSEMENT DE CE BEAU MINISTÈRE.En CE siècle, qui est vraiment.le sien, M A R I E exerce sa.

mission rédemptrice par mille prodiges de grâces quise mb le nt croître c ha qu e jo ur . Dans la seule archicon-frérie de Notr^-Dame-des-Vic toires pour la conversiondes pécheurs, que d'éclatants témoignages de ce tendre et

to ut -pui ssan t am ou r de la Mère de J É S U S ! q ue de miracles, quede conversions subites, inespérées ! que d'âmessauvées, que de la rm es séchées , q ue d 'a mèr es douleursadoucies par la bonne Vierge !

Enfants de M A R I E , im it on s no tre Mèr e; et co mme elle,avec elle, puisons dans le Sacré-Cœur de J É S U S le zèle

a rd en t et la miséricord ieu se bo nté qui fe ront de nous lessauveurs et les consolateurs du monde.

(1) Pacem terris, cœlisgloriam, salutem perditis, vitam mortuis,terrenis cum cœlestibus parentelam. (S. P.Chrys., serm. CXL.)



V

EN JÉSUS, NOUS DEVENONS DES VICTIMES

Que le Fils de DIEU est la Victime et l'Hostie universelles.

« D I E U à tellement aimé le mande, qu'il lui a donné sonFils unique, » dans le mystère de l'Incarnation ; et, à sontour, le Fils de D I E U fait homme a tellement aimé le

monde, qu 'i l a vo ulu , lu i, le Maî tre et le Seig neu r detous, souffrir et m ou r i r pour le sauver. J É S U S a pris surlui le péché qu i perdai t le monde , et il l'a expié p a r lesacrifice d'une vie que l'union hypostatique élevait à unedignité abso lument di vi ne . De sorte q ue cette Vic ti meétait vé ri ta bl em en t D I E U , bien qu 'e lle ne souffrît et ne

fût pas im mo lée qu 'e n son hu m a n i t é passib le e t mort el leet non en sa divin ité im pa ss ib le , im m u ab le , éte rnel le . Ce^mystère d'amour P I d'anéantissement est ce qu'on appellele mystère de la Rédem pti on.

Noire-Seigneur ne s 'y m on tr e pas se ul em en t c o m m eRoi des Anges et des h o m mes , et co m m e Gra nd -P rê tr e

de la cr éa ti on , ai ns i qu'i l le fait d a n s le myst è re spécialde l'I ncarn at ion ; il s'y mo n t r e en ou tr e co mm e la V ic time vol on tai re et un iver se ll e, c o m m e l'Ag neau de D I E U

qui lave d an s son p ro pre sa ng les pé ch és du m o n d e . Samort nous re nd la vie sp iri tuel le et é ter ne ll e ; et tousceux qui s' unisse nt à lui par la foi, p a r la g râce , p a r l'a

mour, sont sauvés et sanctifiés par son sacrifice.



521 LA. P I E T É E T LA V I E I N T E R I E U R E

« J É S U S - C H R I S T , dit saint Épiphane, s'est offert pour lemonde entier : lui-même, il est la Victime, et le Sacrifice,et le Prêtre, et l'Autel; il est D I E U , il est homme, il estRoi, il est Pontife, il est l 'Agneau qui, poumons, a vouluêt re tou t en tou tes ch oses , afin de dev enir not re vie soustous les rapports ( l j . »

Sa mort corporelle a expié et m is à néant no tre mortspirituelle, notre mort éternelle; ses anéantissements etses hu mi liat io ns on t expié les folies de not re orguei l ; sa

pau vre té, sa nu di té su r la Croix on t expié no tr e amourinsensé des choses de la t e r re ; ses ineffables souffrancesont expié toutes nos sensualités et tous les péchés denotre chair corrompue; en un mol, i l s'est fait par amourla Victime et la Propitiation de tous les pécheurs.

0 le beau Propitiatoire ! Que voilà bien réalisé le pro

pit iato ire d'or p ur dont le type av ai t été montré à Moïsesur la montagne sacrée, durant sa longue extase de quarante jours. C'est sur J É S U S , Victime divine, que repose lagloire de D I E U ; et c'est de lui, comme d'une source intarissable, que. découle incessamment l'eau vivante de lagrâce qui vivifie et féconde l'Eglise.

0 Victime sans tache! Victime bienheureuse! vraieVictime et flostie immaculée! nous vous adorons, nousvous bénissons avec amour ! Agneau de D I E U , J É S U S crucifié, vous êtes notre Roi; vous êtes notre Prêtre, et c'esten vous que nous nous réjouissons ( 2 ) !

Et quelles grandeurs en cette Victime du Calvaire!

(1) Pro toto mundo obtulit se, ipse Vict ima, ipse Sacrificium,ipse Saoerdos, ipse Altare, ipse D E U S , ipse Homo, ipse Rex, ipsePontiiex, ipse Agnusomnia in omnibus pro nobis faotus, ut nobisvita omnibus modis iieret. (Hœresi, LV.)

(2) Munda Victima, felix Victima, vera Victima, Hostia imma-culala... Ipse ergo Kex, ipse Sacerdos, in illo laetemur. (S. Aug.,inPsal. cxi.ix.)



N O S G K A N D E U S S E N J É S U S . — III. 525

L'Agneau crucifié, c'esL le Fils même de D I E U ; c'est Celuiqui est né avant tous les siècles; c'est le D I E U invisible,incompréhensible, p ur es pr it ; il est le Pri nc ipe en gen drédu Principe; il est la Lumière engendrée de la Lumière;il est la Sou rce de la vie et de l 'i mmort ali té . Il s'est faitchair afin-do sauv er la c h a i r ; et par am o u r pour monàme, il as su me une àm e ra i so nnab le ! Union nouvell e,inouïe! merveilleux alliage! Celui qui est, commence;Celui qui'est incréé, est créé; Celui qui enrichit les autres,

se fait p a u v re ; car il sub it la pau vre té de m a cha ir , pourque je pui sse g a g n e r les riches ses de la divini té m ê m e .Celui qui est la plénitude, se dépouille, car il déposepour un instant sa gloire, pour me faire part de sa plénitude. Quels so nt ces t ré so rs de la bonté d iv ine? et quelest ce mystère qui m'enveloppe (1)?»

Ce mystère, c 'est le mystère de l 'amour rédempteur;c'est le mys tè re du Verbe in ca rn é , Victime du m o n d e ,.Victime de nos pé ch és , Victime de son a m o u r infini p o u rla gloire de son Père et pour le sa lu t, le b o n h eu r ét er nelde ch ac un de no us. Nous vous ador on s, ô Chris t, et nousnous ré pa ndo ns en action s de gr âc es de va nt vous pa rc e

que par vo tre croix vo us avez ra ch e té le m o n d e ! 0 v o u s ,qui avez souffert pour nous, ayez p itié de n o u s !

(l)Hooaulemerat ipse DEI Filius.illesaeculisanliquior, illeinvisibilisjlie ineomprohensibilis,ille inoorporeus, illudex Principio Prin-oipiunvlludox LumineLumen, iIle Fons viUo ol. immortalitatis,....

ille oarnem carnis causa gerit, el cum intelleotuali anima propteranimain ineam jungilur .. 0 novam et innuditam mixturam!o admirandam Lemperationem ! Qui est, f;l ; qui increatus est,orcatur;... qui alios d bat, pauper efficRur; carnis enim meœ pau-pertatem subit, ut ego deitatis ejus opes consequar. Qui plenusesl, exinanitur ; sua enim gloria ad brève tempus exinanitur, utpleniLudinis ipsius ego particeps efiieiar. Quœnam hœ bonitalisrlivitiœ? Quodnam me d'rcumstat mysterium? (S. Greg. Naz., orat.xui.)




Que JÉSUS continue, dans ses membres mystiques,son état de Victime.

Noire-Soigneur est à son Église ce qu e la tôto est aucorps; et tous les membres de l'Église sont les membresmystiques de J É S U S , comme tous les membres du corpsap pa rt ie nne nt à la tète, qui les rég i t et les gouverne.Ressuscitée et montée au ciel, la tète de l'Église ne peut

plus souffrir; mais les membres de l'Église, les chrétiensqui militent encore sur la terre peuvent souffrir et souffrent, comme jadis leur divin chef, d u ran t les jour s desa vie passible et douloure use. Le chef a souffert et nesouffre plus; les membres souffrent encore ; mais réunisun jour à leur chef, ils seront comme lui et ne souffriront

plus.Dans ses Commentaires sur les Psaumes, saint Augustin

exprime d'une manière très frappante comment J É S U S auciel souffre en ses membres terrestres, par suite de l'unionintime que l'Espril-Sainl forme entre lui et nous, entrenous et lui. « Le Fils de l'Homme, dit-il, est au ciel : voilàla tête. Le Fils de l'Homme estsur la terre : voilà le corps.,Les membres sont ici-bas; la tête est là-haut. Le Christest là-haut; et le Christ est ici. Car s'il n'était que là-hautet non pas ici, que signifiera it cet te voix du c ie l : « Saul }

Saulnpourquoi me persécutes-tu7 » Personne, en effet, nete pe rsécutai t dan s le c ie l ; ni les Juifs , ni Sa ul , ni le.dé mon. Pe rso nn e ne le per sécu ta it là. Mais il ar riva it auChrist ce qui arr ive toujo urs à un h o m m e vi va nt : quandon lui marche sur les pieds, c'est la bouche qu i cr ie (i). »

(i) Sursum est Filius hominis, id est, caput ejus; et deorsumFilius hominis, id est, corpus ejus. Membra ejns hic sunt, caput

sursum est. Cliristus ibi, Christus liic. Nam si ibi tantum, et hio




Quand l'Église souffre ic i- ba s, quand on per sé cu te lePape, les Évéqnes, les Prêtres, les Religieux, les catholiques fidèles, c'est donc indirectement Jésus lui-même,qu'on persécute en ses membres; et c'est lui qui protesteau ciel, de vant la face de son Père , cont re les pe rséc uteurs.

Quand noussouffrons, quand nous nous trouvons réduits,soit en no tre espr it, soit en not re corps, soit in té ri eure ment, soit extérieurement, à l 'état douloureux de vic

times, a rmons-nous de cet te g rand e pensée de foi : quenous ne sommes pas seu ls à souffrir ains i ; qu e n o ussouffrons avec notre divin chef; que J É S U S souffre avecnous et en nous, et qu 'il donne, p ar cette u ni on , un pri xinfini à chacune de nos douleurs. Les cris que notre cœuret quelquefois même no tre bo uc he po ussent vers le ciel,

sont les cr is d'ango isse et d 'esp éran ce de J É S U S crucifiéen nous, et des m e m b res crucifiés de J É S U S . « Seigneur,dit le psaume, fai crié vers vous tout le jour, iota die. »Saint-Augustin nous explique encore comment J É S U S ettous ses m e m b r e s crucifiés su r la te rre , cr ie nt ve rs leSeigneur non pas « un jour, una die, » mais, « tout le

jour, tota .die » c 'est-à-dire depuis le c o m m e n c e m e n t jusqu'à la fin du grand jour qui signale ici-bas la vie etles combats « du corp s du Chri st , qui est l'Eglise » Ce

jour co m me nc e avec les an éa nt is se me nt s du pr em ie ravènement, po ur ne se te rm in er qu 'a ve c les tr io m p he sdu second. Depuis qu e le co rps du Chris t gémi t dans les

épreuves, j u squ 'à la co ns om mat io n du siècle qui m e t t r afin aux ép re uv es , cet h o m m e un iv er se l, c est-à-dir

non, unde vox illa: « Saule, Saule, quid me persequeris? » Quisenim illi in cœlo molestus FuitîNemo, nec Judnn,nec Saulus, necdiaooliis tentator; nemo*jbi molestus illi: sed sicul. in compagecorporis humani, pede calcato, lingua clamaL. » (In P»al. x l i v . )



528 LA * IETE ET LA VIE INTERIEURE

chef avec tous ses membres, le chef en Lous ses membres,gémit et crie vers JJiwu. Chacun de nous dans l'ensemblede ce grand corps, a sa part du cri universel. Jadis nospères ont gé mi , ont crié en leu rs j o u r s ; leurs jou rs nesont plus; et maintenant c'est notre tour. Nous gémissons,nous crions comme eux; comme les leurs, nos jours passeront, et d'autres fidèles nous succéderont crucifiéscomme nous, criant vers D I E U c o m m e uo us ; et ils passeront, comme nous, de l'exil à la patrie, du travail au

repos, de la croix à la gloi re . Ains i le co rp s du Christ« crie tout le jour » en ses membres qui se succèdent, età mesure qu'ils se succèdent. Le tout ne forme qu'un seulhomme, ét endu su r la croix ju sq u 'à la lin des siècles.Notre tète, notre chef glorifié, intercède pour nous, à ladroite du Père, dans les cieux (1).

Dès l'origine du monde, ce mystère d'union et d'immolat ion a été préf iguré dan s les fidèles, qui formaientdès lors la sainte Église du vrai D I E U , l'Église de Celuiqui est éternellement et qui devait, au milieu des siècles,s' in ca rner pour souffrir et m ouri r. « Dès le co mm en cement des siècles, dit en effet saint Paulin, c'est J É S U S -

C H R I S T qui souffre et qui t r iomphe dans tous les siens. Ilest le principe et la lin, voilé dans la Loi, dévoilé et manifesté dans l 'Évangile, Se ig ne ur toujou rs adm irab le,toujours souffrant et toujours triomphant dans ses Saints.

[[) Domine, ad Le clamavi tola die ; non una die. Tola die omni

tempore intollige : ex quo corpus Christi gémit in prossurîs,usque iu Jinem saiculi quo transounl pressuras gémit iste homo,et clamai ad DEUM ; et unusquisque nostrum pro portions habetclamorcm suum in toLo isto oorpore. Clamasti tu diebus Luis, ettransierunt dies lui ; sucoessit tilu alius, et clamavit diebus suis ;fit Lu hic, ille ibi, ille alibi : corpus Christi tota die clamât sibidecedenlibus et succedentibus membris. Unus homo usque infinem saiculi extenditur. Caput autem nostrum ad dexteram Patrisinterpellât pro nobis. (In Psal. LXXXV.)




C'est lui qui otaiL tue dans Abel, lui qui était raillé dansNoé, lui qui était voyageur dans Abraham, lui qui étaitoffert dans ïsaac, lui qui était serviteur dans Jacob, trahiet vendu da ns Jos eph , exposé et poursuivi dans Moïse;c'est lui qui était lapidé et torturé dans les Prophètes ;

lui qui, dans les Apôtres, était ballotté sur terre et sur

mer ; lui enfin qui, dans les ma rt yr s, était in cessamment tourmenté et mis à mort . C ' e s t lui, c'est J É S U S qui,

en chacun de nous, subit l 'outrage, et c'est lui que le

monde hait et poursuit en nous (1). »Unis par l 'Espri t-Saint à J É S U S - C P I R I S T , dans les cieux.

animés et vivifiés par l 'Esprit même qui an imai t et

vivifiait notre Chef, « offrons-lui nos corps comme linehostie vivante, sainte, agréable à D I E U : vivante, c'est-à-direportant en elle le Christ, qui est la Vie ; sainte, c'est-à-

dire en qui habile le Saint-Espri t ; agréable à D I E U , c'est-à-dire étrangère aux péchés et aux vices (2). » 11 fautque nous pu iss ion s d ire comme sa int Paul : « Je suisattaché à la croix avec J É S U S - C H R I S T . Je ois, mais ce n'est

plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (3) ; » le Christ ,glorifié en lui-même, crucifié en moi ; et moi, crucifié en

(1) Ab inilio S c u c u h r u m Christus in omnibus s u i s patitur etIriumphat. Ipse est enim initium et finis, qui in lege velatur, i nKvangelio revelatur, mirabilis semper et patiens et triumphans i nsanctis s u i s Dominas. In Ahel occisus a l'ratre, in Noc jrrisus afilio, in Abraham peregrinatus, In Isaac oblatus, in Jacob famu-lalus, in Joseph veutliLus. in Mose expositus, in Prophelis l a p i -datus et seotus, i n Apostolis terra ma nque jactatus, et multisbeatorum Martyrum crucibus fréquenter occisus. Ipse i n te

patitur opprobria, et ipsutn i n tcod it mundus. (Epist. xXxvin.)(2) Exhibcamus hostiam viventem, sanctam, placcntem DEO.

Viventetn rlicit hostiam, quœ vitam, hoc est, ChrisLum iu se gerit .Sanctam dicit, in q u a Sanctus Spiritds habitat. Placentem DEOutpote a peccatis et vitiis separatam. (Orig., in Ep. a d Rom.lib. IX.)

(3) Christo confixus sum Cruci. Vivo ego, jam non ego, vivitvero in me Christus. (Ad Gai. u, 19.)




moi-même, el par avance glorifié en J É S U S - C H R I S T , monChef céleste.

« Je viens à toy, disait un jour intérieurement J É S U S

au saint M. de Bernières ; je vi ens à toy pour te parercomme je l a y esté. Tu ne me sera s parfaictementagréable, ny a mon divin Père, que lorsque tu me ressembleras. » Et le serviteur de D I E U ré pond it si bien àcet appel qu'il sentit son cœur tout embrasé du désir dese sacrifier avec. J É S U S . « Je me sentis donc, dit-il,

an im é d'un gra nd dési r de parven i r à cet estât de ressemblance avec J É S U S , et m 'a pp li qu a i, à ay mer tous lesaffronts, les pertes, les anéantissements, les confusions,que les accidents de ceste vie pourroient me procurer,comme autant d 'acheminements pour ressembler à J ÉSUS,

revestu de la robe du sacrifice, tout couvert de mespris,

de confusion, d 'ané an ti ss em en ts et d'o pp robre s (1). »Ecce homo ! voilà l 'h omme ! vo ilà Celui qui règne auplu s ha ut des cieux, pa rce qu 'il s'est fait obéissant

ju sq u' à la mor t et jusqu 'à la m o r t de la croix. VoilàCelui qui continue à souffrir et à s'immoler ici-bas enses mem bre s fidèles. Adorons-le , demeuro ns- lu i intime

ment unis dans l'Esprit-Saint, par une foi très vive, parune espérance inébranlable et par un très pur, très véritable et très profond amour.

Comment Notre-Seigneur s'immole et se sacrifie en ses membres.

J É S U S fait de nous des Victimes semblables à lui, ennous communiquant, par la grâco, son esprit de Victimeet d'Agneau de D I E U , immolé pour la gloire du Père etpour le salut du monde.

(1) L» chrétien intérieur, tome H, liv. V]], chap. vi, 9

e

jour.




Bn effet, les AlaU de J É S U S , et en pa rt icul ie r son é ta t deVictime, ne sont pas seulement le modèle et le type desétats de la vie chrétienne; ils en sont encore le principe•céleste, la source divinement Féconde. Les états de J É S U S

sont à la l'ois et la cause exemplaire et la cause efficientedes divers éta ts où nou s de vo ns en t rer pour plai re aubon D I E U , en devenant « conformes à l ' image de sonFils (1). »

« Nous ne souffrons pas s eu leme nt , éc rivait M. de Ber -

nières, pour imiterJ É S U S

dans la pu re té de ses souffrances, mais encore parce que J É S U S souffrant exprimeen nous la ve rtu de son Espri t, pour nous d o n ner laforce de souffrir et de prendre par t à ses souffrances .Quand nou s pri on s, ce n'est pas se ul em en t po ur imit erJiisus dan s sou ora ison, ma is pa rce qu 'il nous i m p r i m e

lui-même l'esprit et la grâce de l'orai son. G est ai ns y queJ É S U S - C H R I S T fait tout en nous et par nous ; et cela arrivelorsque l'âme le laisse régner en elle absolument en. Souverain, en sorte qu'il est alors comme l'âme de l'amemesme, opéra n t tou t en elle, san s quell e fasse a u t r echose que correspondre â sa grâce (2).

G'est donc l 'Esprit-Saint, créateur et sanctificateur,c'est l'Esprit de J É S U S - C H R I S T répandu en notre intér ieurpar la bo nté .du Père céles te, qui no us associe à l'adorable Vic ti me du sa lu t, et qui no us fait V ic tim es en lu i,avec lui et c o m m e lu i .

Le Sa uv eu r le disa it un jo ur da ns un e de ces c o m m u

nications intimes dont la vie des Saints est remplie.«Mon en fa nt , tu n'a s d' au tr e m o y en d'ê tre Vic ti me quemoi. Tu ne le serais jamais de toi-même. G'est un déve-

(t) Conformes fieri iniagïnis Filii sui.(Ad Rom. vin, 29.)(2) Le chrétien Intérieur, ibid., 4 e jour, III.



fhVi LA PIETE ET LA VIE INTERIEURE

loppcmcnL naturel de ma vie d'Agneau immolé et deVictime que je veux poursuivre en Loi.

« Pars en tout de mon am our , de m on amour pourmon Père et pour ma créa ture ; et, c omm e moi, tutigiraset souffriras avec zèle. Tu es un membre vivan t de J É S U S ;

comment ne partirais-tu pas de J É S U S ? Mon bien-aiméenfant, .viv-uis ensemble ma vie do Victime, de Victimed'a mour . L'esprit vi en dr a de moi et sera s u r h u m a i n ; lamatière du sacrifice viendra de toi.

« Oui , en toi, je suis Vic time : c'est là ta force ; c'estlà mon don. Tu t'é tab liras sur m o n état, le continuant,et accomplissant en toi ce qui manque à mes souffrances;de même que, pour achever de bâtir, on pose pierre surpierre sur le fondement déjà posé.

« Mon enfant, je veux que tu sois maintenant un canal

plein de mo i. La g rande effusion de moi, Sauv eu r etVictime, c'est ma Passion, ma mort sur la Croix. Ce.n'estpas ta passion ; c'est la m ienne . Tou t v ie n t de moi. Net'effraye pas : la lumière qui brûle et consume unemèche vient d'ailleurs : le feu qui échauffe et consume lebois, n'est pas le bois. Livre-toi à ma grâce. »

Tel est le comment de ce beau mystère.

Qu'il est impossible d'être chrétien sans partager,du moins dans une mesure, cet état de Victime avec JÉSUS.

Cela ressort de renseignement formel dë Notre-Sei-gneur et des Apôtres. « Si quelqu'un veut venir après moi,nous dit à tous le Fils de D I E U , qu'il se renonce lui-même,qu'il porte sa croix et qu'il me suive (1) ! Que signifie ce

(t) Si quis vult post me venire, abneget semet ipsum, tollat cru-cem suam, et sequatur me. (Ev. MatLh. xvi, 24).




triple précep te , sinon l 'obligation pour tous les c h r é t i e n 8

de se sacrifier, de re noncer h eux-mêmes, au péché etaux va ni té s du m o n d e ; d'e mbras ser , à la suite de J É S U S

crucifié, et avec sa grâce, l'austère état de Victime ?Ce n'e st pa s au x par fait s s eu leme nt , mai s à tous les

baptisés, sa ns exception a u c u n e, que s 'adresse le gr an dApôtre lorsqu'il dit : Ignorez-vous que nous tous, tant quenous sommes, qui avons été baptisés dans le Christ J É S U S ,

nous avons été baptisés dans sa mort 1 Par le Baptême, nous

wons ét3 ensevelis avec lui pour mourir,.. Ne l'oublions pas :noire vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corpsdu péché fui détruit, et que dorénavant nous ne soyons plusles instruments du péché (1). L'état chrétien est un état demortification univ er se ll e; donc , un éta t essent iel de sa crifice; do nc , un éta t essentiel de V ic t im e ; et cela à la

suite de J É S U S - C H R I S T , pour l 'amour de J É S U S - G H R T S T et enunion avec J É S U S - C H R I S T . En dehors de cela, il n'y a pasd'esprit chrétien, il n'y a pas de chrétien.

Il peut y avoir, et il y a des gens qui souffrent, quisouffrent cruellement ; il y en a même qui souffrent avecune ce rtaine noblesse et un e vraie g r a n d e u r d 'â m e . Mais

souffrir, ce n'est pas mériter: souffrir, c'est tout simplement po rt er le chât im en t du pé ch é, en sub ir l 'in évi tab leconséquence. Pour mériter en souffrant, il faut souffriren union avec la gr ande et un iq ue Vic ti me qu i a exp ié lepéché, et dont les mérites expiatoires deviennent nôtres,en proportion de cette union, en proportion de notre foi,

de notre espérance, de notre amour. En dehors de JÉsus-GHRISÏ , il y a, hélas ! bien des douleurs, bien des larmes,

(1) An ignoralis quia quicumque baptizaLi sumus in ChristoJbsu , in moite ipsius hopiisali sumus t ConsepulLi enim sumuscum illo per baptismum in mor l cm. . . Hoc scientes, quia ve lushomo nostersimul oruciflxus est, ut destruatur corpus peccati, etultra non serviamus peccalo. (Ad Rom. vi, 3, 4, 6).




bien du sang versé, bien des victimes ; mais ce sont desvictimes sans mérites pour la vie éternelle, des croixsans sainte f é , dos cro ix semb lables à celle du mauva isla rron . Oh ! de gr âce ! pour l' am ou r de J É S U S et pourl 'amour de nous-mêmes, ne soyons pas des victimesinutiles, des victimes en pure perte, comme il y en atant !

L'Esprit-Saint dit encore : « Ceux qui sont à J É S U S -

C H R I S T ont crucifié leur chair avec leurs vices et leurs

passions (1). » Tous ceu x qu i sont àJ É S U S - C H R I S T ,

donctous les ch ré ti en s, on t dû en t re r dan s la voie de cetteimmolation; tous, ils y doivent marcher, ils y doiventtous persévérer jusqu'à la fin. VA c'est encore à tous lesvrais chrétieus, à tous les pieux fidèles que s'adresse cetautre oracle apostolique. « Tous ceux qui veulent vivre

pieusement en J É S U S - C H R I S T sou/friront la persécution (2). »Persécutions du dedans, persécutions du dehors; persécutions des méchants qui haïssent, persécutions des bonsqu i se t ro mpen t ; pe rséc ut io ns de toutes sortes : immola-lion incessante, état do Victime, association aux souffrances du Christ (3) ; me rv ei ll eu se un io n, qu i fait nôtres

les souffrances de J É S U S , et qui fait siennes les nôtres !Saint Bernard explique avec son cœur de Saint, pour

quoi il est impossible d'être chrétien sans être Victimeav ecNo tre -Seign eu r. « Go mment, s ecrie-t-il, les mem bresne suivraient-ils pas leur Chef? Puisque nous acceptonsles biens qui nous viennent de ce Chef, pourquoi n'accep

terions-nous pas de même les maux qu'il nous envoie?

(1) Qui sunt Christi, carnem suam crucifixerunt cura vitiis etconcupiscentes. (Ad Gai. v, 24).

(2) Omnes qui pie volant vivere in Christo JESU, persecuLionempatientur. (I I ad Tini. in, 12).

<3) Et societatem passionum illius . (Ad Phil . m, 10).




(i) In Quadrag. serm. i.

Voudrions-nous refuser ses amertumes pour ne partageravec lui que les douceurs? S'IL en était ainsi, nous nousmontrerions des membres indignes d'un tel Chef; toutce qu'il souffre, n' es t-ce pas pour no us qu 'il le souffre?Bienheureux le membre qui, en tous points, adhèreTELLEMENT au CHEF, qu'IL LE suit partout où IL va !... 0 MON

glorieux Chef, ô J É S U S éternellement béni, qu' il m'estdoux de vous être pleinement uni! Les Anges eux-mêmes b rû lent de vo us co nt em pl er . Je vous suivrai

partout ; lors même que vous passeriez par le feu, JE neme laisserais point séparer DE vous. C'est vous qui portezmes doule urs , vous qui pâtissez po ur mo i. Vous passezle premie r par la po rte étro ite de la souffrance , afind'élargir le passage aux membres qui vous suivent (1). »Dans un au tr e endroi t, le mê m e sa in t Ber na rd avai t dit

CETTE paro le si co nnue : « N'est-IL point honteux à unmembre d'être dans les jouissances quand le Chef estcouronné d'épines? »

J É S U S est une Victime, J É S U S est crucifié, J É S U S estpauvre et humilié, J É S U S s'immole, et se sacrifie en toufeschoses : donc , ch acu n de ses mem bres , s'il ne ve ut ê t re

indigne de lui, doit être avec lui et comme lui, une Victime. Que J É S U S lève un instant le voile qui le cache auxregards de notre âme, et nous l'entendrons répéter cequ'il disait jad is à u n b ienh eureux : « Je suis là, en toi ,la Victime de tou te c réa tu re . Ne le seras -tu pas avecmoi ? »




Qu'il ne faut pas avoir peur de s'immoler avec JÉSUS-CHRIST

Les antiques traditions de Rome rapportent que l'Apôtresa in t Pi er re , cédant a u x in s tan e es des fidèles, voulut fuirla te rr ib le pe rsécut ion de Néron . Il élai t déjà sorti del'enceinte de Rome, lorsque tout à coup il aperçut sondivin Maître qui venait à sa rencontre. Stupéfait et transporté de joie, Pierre se prosterna à ses pieds, l'adora etlui d i t : « Se igneur, où allez-v ous? » Et le Se igneur luirépondit : « Je vais à Rome pour y être crucifié de nouve au .» Et le béni ssa nt , il di sp ar ut ( 1 ) . Pierre comprit quec'était de sa passion à lui-même que J É S U S voulait parler,

et retournant immédiatement sur ses pas, il rentra dansRome, où il consomma bientôt sur la croix son glorieuxmar ty r e .

Gomme saint Pier re, not re pr em ie r m o u v e m e n t est dereculer devant la croix. Nous avons peur de toute souffrance , et not re in st in ct n at u re l no us fait to u rn e r le dos

au Calvaire. Mais, dans sa miséricordieuse vigilance,J É S U S , no tre Gardien int ér ie ur , no us fait en te nd re le reproche de sa grâce et nous dit : « Ne veux-tu pas me tenircompagnie? Ne veux-tu pas me suivre jusqu'au bout? Melaisseras-tu porter seul la croix, que je n'ai acceptée qu'àcause de toi ? »

Nous av on s peur du sacrifice, pa rce que no u s étionscréés pour le bonheur et non pour la douleur. C'est la

(1) On voit encore à Rome la place où se lil cette rencontre miraculeuse. On vénère encore la pierre sur laquelle, d'après la tradition, se trouvait Noire-Seigneur au moment où il s'arrèLa; l'empreinte de ses pieds sacrés est restée sur la dalle. On a élevé unOratoire en ce lieu ; on l'appelle le « Domine quovadis. »



. N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — III. 537

chute, c'est le péché qui nous impose la rude obligationde l ' immolation et du sacrifice ; nous ne sommes victimesque parce que n ou s so mm es péc he ur s. Lu i- mê me , J É S U S ,

Roi et Se igneur b ienheureux des An ge s, glori eux Pontifede la création, suavité et beau té infinie, n' es t Victime qu eparce qu'il « s'est fait pour nous péché et malédiction (1). »Pour le Chef et pour ses membres, l'état de Victime estun état cont re n a tu re , et il ne faut pas s' éton ne r d'ytrouver un e ré p u g n an c e nat ure lle , profond e, inv incib le.La grâce seule de J É S U S crucifié et glorifié domine ces répugnances, en nous élevant au-dessus de notre nature.De nous-m êmes, nou s so mm es e nt iè re me nt inca pab lesd'être Victimes ; bien plus, nous y sommes opposés. C'estun état où l'on vi t de sacrif ices , où l'on se nour r i t de sacrifices. Or, le sacrifice est amer.

Un jo ur , sa in te Th érè se le fit r e m a rq u e r à Notre-Sei-gneur avec un e na ïv et é ch a r m a n t e . Elle était obligée desortir de son cher couvent pour une fondation lointaine.Elle vena it d'avoir à souffrir en nui sur e n n u i , tr ibulat ionsur tribu lat ion et, toute pa ti en te q u' el le éta it, il lui semblait que c'était u n peu tro p. Pour c o m b l e ' d e mal he ur,

la pauvre Sainte s e c o r c h a r u de m en t la ja mb e en glis santsur le ma rc he pi ed de la vo itur e. « Go mm en t, Se ign eur!s Jécria-t-elle, e ncore ce la ! — Ma fille, lui ré pondit intérieurement J É S U S , c'est ainsi que je traite mes épouses. —Eh! mo n Se ig ne ur , re pa rt it g ai e m e n t sainte Thérèse,c'est pour cela que vous en avez si peu, »

Cette sp iri tue lle saillie expr ime u ne vé ri té très série use.Oui, si Notr e-S eigneur a peu de v ra is di sc ip les, pe u decœurs qu i lu i soient gén éreusement dévoués ; s'il y a peude ch rét ien s qui d e m e u r e n t fidèles ju sq u 'a u bo ut dan s la

(1) Factus est pro nobis maledictum. (Ad gai. III, 13.)




voie du sacrifice, de l'abnégation, de la patience, du recueillement, do l'obéissance, de la mortification, du divinamour, c'est que cette voie est rude et laborieuse, et

qu'i l y a peu de br av es parm i les en fants d'Adam etd'Eve.Une de ces âmes braves, qui, à l'exemple des vieux

soldats décorés, avait gagné sa bravoure au milieu de lamitraille des épreuves, des peines et des contradictions,m e disa it un jour : « Grâces à la bo nt é de Notre-Seigneur, •

aujourd'hui quand l'infirmité, les peines, les fatigues, les-humiliations apparaissent, je reconnais mon bon J É S U S ,

je dis : « C'est lui, c'est l'Époux ! — Et je n'ose demanderd'être soulagée. Je lui dis : « Demeurez autant que vousvoulez, donnez-moi seulement la force de souffrir, sansvo us pe rdre ! »

N'ayons pas peur, J É S U S s'est sacrifié le premier ; il sesacrifie avec no us ; nous ne sommes pas seul s dans cesaint état de Victime. C 'est notre Père céleste qui nous y-fait entrer, c'est le Fils de D I E U qui nous y accompagne,,c'est l'Esprit-Saint qui en est l'àme. Dans une de sesextases, la Bienheureuse Marguerite-Marie vit un jour les

trois personnes divines, qui lui manifestèrent ce mystère'd' imm olati on ch ré ti en ne . Elles se m o n t rè re n t à elle,co m m e autrefois au sai nt Pa tr ia rc he A b ra h a m , sous laforme de trois je un es ho m m e s vêt us de b la nc , tout resplendissants de lumière, de même âge, de même grandeur,de m êm e beauté . Le Pèr e, en lui p ré se n tan t une lourde

cro ix , hérissée d ép in es , et charg ée d e tou s les instruments de la Passion, lui dit : « Tiens, ma fille, je te faisle même présent que j 'ai fait à mon Fils bien-aimé. »

« Et moi, lui dit Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T , je t 'atta-.cherai à la croix comme j'y ai été attaché moi-même, et

je t'y tiendrai fidèle compagnie. »




« Et moi, lui d i t 1 le Saint-Esprit, moi qui ne suisqu'amour, je Le consumera i en te purif ian t (1). »

lien est.ainsi de toutes les souffrances où Not re-Seigneurnous fait passer en nous associant à son état de Victimeet de sacrifice. D I E U tout entier, Père, Fils et Saint-Esprit,est avec nous ; et c'est pour cela que nous ne devons pasreculer.

« Je ne craindrai point les maux, parce que vous êtesavec moi (2), » s'écriait jadis au nom de tous les fidèles,

le Prophète royal. « Je puis tout en celui qui me fortifie (3), »disait à son tour le grand Apôtre. « Je puis tout par J É S U S

crucifié, qui est en moi et qui me fortifie (4), » répétaitl'admirable sainte. Catherine de Sienne.

Voilà donc deux vérités qui doivent nous armer decourage ( 5 ) da ns les sacrifices jo ur na li er s et mul tipl es

que nous imp ose nt notre baptêm e, nos c om mu ni on s ,notre vocation sainte. La première, c'est que J É S U S - C H R I S T

a souffert avan t nous et a gr av i pour nous la m o n tag n edu Calvaire; la seconde, c'est qu'il vit en nous par sasainte grâce, c'est que nous lui sommes intimement unis .

J É S U S est lu i-m êm e la vivan te m on ta gn e q u i i me faut

gravir pour être crucifié; je dois être crucifié en lui, surlui, comme sur ma croix. Il est la montagne haute, élevéeau-dessus de la plaine. Monter en J É S U S , c'est tourner lachose en consolation et en secours.

Notre-Seigneu r ne veut ja mai s la pei ne po ur la pe in e;il veut la pe ine pour l'expiat ion et po ur l' amou r. Voilà

,1) Histoire de la Hienheureuse, par le P. Daniel ; chap. XI.(2) Non timebo mala, quoniam lu mecum es. (Psal. xxn.)(3) Omnia possum in eo qui me confortât. fAd Philip. iv, 13.)(4) Lettre ce. tome III.(5) Christo igi tur passo in carne, et vos eadem cogitatione arma-

mini. (I Petr. iv, 1.)



540 LA PIÉTÉ ET LA VIE INT ÉRI EUR E

pourquoi il ne faut pas la fuir. L'amour s'en nourrit; etdepuis que le péché a obligé ce bon Seigneur d'introduirela peine dans le monde, sa miséricorde a suivi sa justiceet a caché, au fond de la peine, son divin amour, qui estla joie de toute créature, Dans nos peines les plus extrêmes,nous pouvons l 'y goûter; le bien divin, l'amour, s'ytrouve et les allège merveilleusement.

Souffrir et a i m e r ; souffrir a vec J É S U S , aimer profondém e n t J É S U S : telle a été, depuis le commencement, la

devise de tous les vrais chrétiens ; tel est l'abrégé de lavie des saints Apôtres, des saints Martyrs, des saintsconfesseurs, des sa in te s v ie rges ; en un mo t, de tous lesSaints qui peuplent le Paradis. « Et nous aussi, à la vued'une nuée de témoins aussi imposants, dégageons-nous detout ce qui nous appesantit et du pèche qui nous enveloppe]

courons par la patience au combat qui nous est pivposé.Tenons nos regards fixés sur J É S U S , l'Auteur et le Co?isom-mateur de la foi ;• au lieu de la joie, il a, embrassé la croix,sans tenir compte de la. confusion ; et maintenant, il siège àla droite du trône de D I E U . Ayons toujours présent à notresouvenir Celui qui a souffert une si grande contradiction de

la part des pécheurs ; et nous n'éprouverons ni découragement ni défaillance (1).

(i)ldeoque el nos LanLam habentes imposilam nubem testium,déponentes omno pondus, el civcumsLans nos peccalum, per pa-Lieniiam curramus ad propositum nobis ccrlamen ; aspicienles inauclorem fidei etconsummalorem JESUM. qui proposilo sibi gaudiosustinuiL crucem, confusiune contempla, alque in dexlera sedisDEisedel. RecogiLaLe enim eum, qui lalem suslinuiLa peccaloribusadversum semelipsum oonlradiclionem : u l n c i'atigemini, animisvestris déficientes. (Ad Hebr. xu, 1, 2, 3.)




Que le vrai chrétien, loin d'appréhender cet état de Victime,

y aspire généreusement.

Dans le commencement de son incomparable pénitence,saint François d'Assise fut un jour rencontré par deuxanciens amis dans la petite église de Saint-Damien. C'était

au cœur de l 'h iver; il faisai t g rand froid ; et le j eu n eSaint, agenou ill é su r la dalle, vê tu seu le men t d'un p a u v resac d'étoffe grossière, était là, tout transi, tout grelottant.« François, lui dit l 'un d'eux en ri canant, v eux-t u m evendre un peu de ta sueur? — Je ne la vends, réponditgravement le Saint, qu'à Celui qui peut me la payer bien

cher. — Mais, ajouta l 'autre, comment peux-tu supporterce froid, cel te nu di té , ces humil ia ti ons, toute cett e vied'extermination qu e tu t' im po ses? — Par la ferveur del'esprit, » ré pl iq ua n a ïvem ent le g rand se rv it eu r de J É S U S -

UHRIST . Et il continua son oraison.

La fe rveu r de l'e spr it : voilà le g r a n d sec ret de l 'a m our

des souffrances ; voilà ce qu i pousse les âm es fidèles etsaintes, non-seulement à supporter, mais à désirer et àaimer la croix de J É S U S , sous quelque forme qu'elle seprésente; humiliation, privation, souffrance, obéissance,dévouement, et dévoivement jusqu'à la mort. L'amour estle grand levier qui soulève toutes les croix.

« Le vrai ch rét ie n, dit saint Bo na ve nt ure , co nt em pl e /le Christ exposé to ut en ti er à la souf france pour l' amour

do nous su r sa cro ix , et dès lors tout lu i semb le lége r,pourvu qu 'il lui soit donné de vivre pour J É S U S et deplaire à J É S U S . Voyant combien J É S U S Ta aim é, vo y an tles ou trag es et les sup pli ces qu 'il a da igné e n d u r e r




pour lui, il s 'enflamme d'amour pour son Rédempteur.Son esprit brûle du feu de l ' amour , et il aspire de toutson cœur à souffrir et à mourir avec son J É S U S . ïl aspireà être tout imprégné, tout inondé de cette Passion sacrée,et à être transformé en son Maître crucifié (1). »

« Je méditais l 'autre jour , me disait encore la généreuse chrétienne dont je rapportais tout à l 'heure une

belle parole ; je méditais sur J É S U S crucifié, notre modèle;et je pensais combien peu nous avons d'esprit de foi et

de vraie ferveur. Ah ! si nous crovions vivement, sensi-blement! Si nous aimions tout de bon! Comme nousremercier ions le bon D I E U avec larmes et avec une joieineffable, surabondante, lorsqu'il nous élève à l 'honneurd'être oubliés, incompris, méprisés, souffrants dans l 'ab

jection ! Quelle reconnaissance d'être appelés à poser nos

pieds dans cette voie vraiment royale, puisque D I E U l'achoisie et parcourue depuis son incarna t ion jusqu ' à sa

m o r t ! »

Oui, l 'amour de J É S U S pour nous , et notre amour pourJ É S U S : tel est le double secret de notre a*mour surnaturelpour les souffrances. De cet amour ja i l l i t une lumière

ardente qui nous fait voir les choses sous un jour toutnouveau, et qui nous fait estimer, désirer et aimer ce que,naturel lement , nous aur ions en horreur. Notre-Seigneurl 'enseigna lui-même un jour à. sa chère sainte Thérèse:« Penses-tu, ma fille, lui dit-il, que le mérite et le bonheurconsistent à jouir? non, mais à t ravai l ler , à souffrir et à

a imer . Tu n'as vu nulle part que saint Paul ait goûté plusd'une fois les délices du ciel, tandis qu' il a eu très-souvent à souffrir. Considère encore m a vie : elle n'a été quesouffrances; tu n'y trouves qu'une heure de béatitude,

(i) Stim. amor. parsl, cap. vu.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . —III. 543

celle du Thabor. Garde-toi de croire, quand Lu contemplesma Mère me tenant dans ses bras, que des joies si doucesfussent exemptes d'un cruel martyre; dès qu'elle eutentendu les paroles de Siméon, mon Père l'éclaira et luimontra tout ce que j'aurais à souffrir.

« Sache-le , ma fille, ajou ta -t -i l, les âm es les pluschéries de mon Père sont celles à qui il envoie le plusd'épreuves; et la grandeur de ces épreuves est la mesurede son a m o u r . En quo i te puis-je mie ux mo n t re r le mie n ,qu'en choisissant pour toi ce que j'ai choisi pour moi-môme? Regarde ces plaies: jamais tes douleurs n'arriveront jusque-là (4). »

Il faut aimer la sainteté ; et, ici-bas, la sainteté est crucifiée. Ce qui nous l'ait chrétiens de profession, c'est lafoi et le baptême ; ce qui nous fait chrétiens de pratique,

c'est la cro ix et la souffrance. Du m o m e n t que no us portons la cro ix et la souffrance avec l'espr it de J É S U S , pluselles sont grandes, plus elles nous font parfaits chrétiens.

Il faut donc envi sage r les cro ix, toutes les cro ix, av ecpaix et am o ur . Nous sommes avancés dans la voie de laperfection, à pr op or ti on que no us le so mmes dans la

voie de l 'a bn ég at io n év an gé liqu e, de l ' i mm ol at ion duvieil homme, de la mort totale à nous-mêmes. Or, celane s'opère que pa r les souff rances.

« Il fau t pa sser sa vie doucem en t, » dit-on souven t. Celangage est indigne d'une bouche chrétienne ; c'est dire :a II ne faut vivre qu 'h um ai ne me nt , que na tu rel lem en t. »

Après la di vin it é et le cie l, ri en n 'e st plus bea u, p lusnoble, plus digne d'amour que la croix de J É S U S - C H R I S T .

Lacroix de J É S U S ou J É S U S crucifié (c'est la même chose),c'est notre ciel ici-bas, le ciel des pécheurs pénitents.

(i) Vie de sainte Thérèse, écrite par elle-même; additions.



54.4 L . PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEURE

Nous n'aurons l'autre, le ciel de la gloire, nous ne posséderons J É S U S glorifié, qu'après avoir pratiquement aiméle ciel de la croix, J É S U S humilié, anéanti, immolé, victime. Sur cette terre d'expiation et d'épreuve, la paix deJ É S U S , c'est la paix crucifiée; ce n'est point la paix comme,le monde la donne, la paix du contentement et de la jouissance ; non, c'est la paix du Crucifié, pacem meam. Cettepaix, c'est le bau me qui découle de l 'a rbre de la croix;c'est le grave et profond bonheur dea en fant s de D I E U ence monde.

Donc, en a t tendant q ue nou s al lions au ciel qui estnotre chez nous glorieux, demeurons dans le véritableasile de nos âmes, baptisées et pénitentes, demeurons enJ É S U S notre chez nous crucif ié. « Oh ! qu' il est beau aussj*qu'il est grand et admirable, ce divin chez nous crucifie!

Je devrois m 'on nu yer parto ut ai lle urs que dans cetteaymable demeure, où la nature gouste des amertumesmille fois plus douces que toutes les délices du monde.Hors de là, ce ne sont que des playsirs en songe. O J É S U S

crucifié! les hommes ne connaissent pas vos douceurs;les beautés de vos mespris et de vos souffrances leur sont

cachées; ils ne vous regardent sur la Croix qu'avec desyeux de chair.« J É S U S - C H R I S T a sanctifié et di vin is é tous les esta is de

misère, de pauvreté, de mespris et de douleurs par où ila passé, e l l e s a re ndus des sources de grâ ce et de salutpo ur les àm es qui so nt dans ces estats avec le mesme

espr it . Si tous les lieux où il a esté sont en singul ièrevé né ra tion , à co mb ie n plus forte rais on ne doiven t pasl'estre tous les estats par où il a passé ! Si les gens dumon de ti en ne nt à gr an d h o n n e u r de parti cip er enque lque chose à la g ra n d eu r du roi , co mb ien à plus juste¿tre un vrai chrestien ne doit-il pas s'estimer heure deux



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — Ui. 545

participer aux humil iat ions el au x souffrances de J É S U S ,

le Roi des rois ? La couronne, et le sceptre font la gloireet l' ornem en t des rois de la t e r r e ; la pauvreté^ les rnes-pris, les' do ule ur s et les hu mil ia ti ons font la glo ire e t

l'ornement de J É S U S , le Roi du ciel, et de tous ses vraysserviteurs. 0 J É S U S soufflant ! ô J É S U S Vic t ime! J É S U S , labeauté mesme, pénélrez-moy si fortement de vos divinesardeurs, que je n'ayrae plus que vous, et que je ne viveplus que pour vous (1). »

Comment le saint amour de JÉSUS nous immoleet fait de nous de nobles et pures victimes.

« Noire D I E U est un feu consumant, dit l'Àpotre : ignis

tonsumens. » Notre D I K U , notre Seigneur , c'est par excellence J É S U S - C H R I S T ; et i 'Esprit-Sa int, qui nous un it h luiet par lui au Père, est le feu vivaut de l 'amour. Ce feuconsume et dévore en nous tou t ce qui n 'est pas scionJ M S U S - G H R I S T , c'est-à-dire selon la perfection de la sainteté.

Il dévore en no tr e espr it to ut ce qui n' es t pas selon ladivine perfect ion d e l à foi, c'e st-à-d ire de J É S U S - C H R I S T ,

Vérité infinie, Lumière éterne lle incarn ée dans le seinde la Vierge et répandue su r le mo nde pa r ce tte tr èssainte Épouse du Père , pa r ce tte tr ès misér ic or di eu se

More du Rédempteur et des ra cheté s . L'Espr it deJ É S U S

travaille, co n sum e in té ri eu re ment toute s les scor ies denotre in tel lig ence, de no tre raiso n n a tu re l l e ; il red res se,il élève, il di vi ni se nos j u g e m e n t s et nos pensées, n epa r-

fli Le Chrétien intérieur, tom. II. liv. JVII, etiap. 1 et chap. vi, 9* jour.

XIV




gnant rien de ce qui est ténébreux, ne laissant rien subsister que ce qui vient de D I K U : la vérité.

L 'Esprit de J É S U S imm ole et c o ns u m e éga lem ent , avec

la force infinie de l'amour, tout ce qui, dans notrevolonté, da ns notre cœur , dans notr e im ag in at io n, danstoutes nos puissances intérieures et extérieures, n'est pasconforme à la perfection de la justice, à la sainteté del'amo ur div in. C'est une im mo la ti on in cessa nte, universelle, radicale , sans laque lle la cr éa tu re ne peut entrer

dans la gloire. L'effusion du sang par le martyre le parachève, il est vr ai , d'un seul coup , ains i que nous l'enseigne l'Ég lise ; mais en dehors du ma r ty re , il faut que lefeu purifiant du Purgatoire y su pplé e si le travai l n' a pasété absolument complété sur la terre.

C'est par amour et po ur no tre vra i bien que Notre-

Se igne ur n'hési te pas à port er le fer et le feu par to ut oùil aperço it quelque point gan g ren eux dan s la vie de sesme mb res- Il fait co mme un bon ch i ru rg ien , qu i ne faitsouffrir que pour guérir; son apparente dureté n'est quesagesse et vrai amour. C'est là, ne l'o ub lions jamais , lesecret de toutes les épreuves qui viennent traverser notre

vie: infirmités, maladies, souffrances corporelles, peinesd'esprit, décep tions, peines de cœ ur , acc ide nts douloureux, pertes de fortune et de réputation, deuils de famille,mort s inop inées. C'est no tre g rand Médecin céleste qui,par amour, coupe dans le vif et nous purifie, presquemal gré nous . Baisons la main qui nous frappe avec

ta nt de bonté ; et p renons pour no us la pro fonde parolede l'A rch ange Raphaël au vie ux Tobie r en du à lalumière , Parce que tu étais agréable au Seigneur, il a

fallu que l'épreuve vint te visiter ( 1 ) . »

(i) Quia acceptus eras DEO, necesse fuit ut tentatio probaref'te.(Tob. xu, 13.)




Une des âmes les plus chères au Sauveur et par conséquent les plus éprouvées, la Bienheureuse Marguer i te-Marie, apprit de son divin Maître qu'elle était devant lui

comme une toile d'attente, sur laquelle il voulait peindretous les trai ts de sn vie souffrante, toute passée dansl'amour et la privation, l 'occupation dans le silence et le

sacrifice dans la consommation. Après avoir vidé le cœurde la Bienheureuse de toutes les affections imparfaites et

après avoir mis son âme tout à nu, J É S U S y al luma un si

grand déir de l 'aimer et de souffrir, qu'elle ne pensai tplus qu'à trouver les moyens de l 'a imer en se crucif iant.

J É S U S notre D I E U est donc un feu consumant . De cha cun de ses m e m b r e s il fait une victime d'amour, commeil l'a été .lui -même, et parce qu'il l'a été. Toujours remplide l'Esprit-Saint, qui éta it F âm e de son âme. la lumière

et le moteur de sa vie, J É S U S , notre Chef, s'est consti tuéla Victime parfa ite de l ' amour de D I E U et de l ' amour des

créatures; est-il ét on na nt qu ' in co rpo rés à lui par la

grâce, ses m e m b r e s bi en he ur eu x soient appelés, co m m elui, À être, avec lui et en lui, des Victimes de ce m ê m eamour? « Je porte eu mo n cœur, s 'écriait saint Antoine

dePadoue, glosant une belle parole du Cantique des cantiques, je porte en mon cœur J É S U S - C H R I S T , mon Bien-Aimé, comme un bouquet de myrrhe: c ' es t -à-di re J É S U S

humilié, J É S U S crucif ié; je le porte, afin d'être humblede cœur, et d'être avec lui at taché de cœur à la

croix ('!). »

L'amour incarné, J É S U S , n'es t eu nous que pour offriren sacrifice no tr e h u m an i t é , com m e il a jadis offert la

sienne, type et exemplaire de la nôtre . Il est le mini s t r e ,

(i)Porto dilectum meum, JESUM CHRISTUM, fasciculum myrrhœ,id est humilem crucifixum, ut sim humilis cqrde, et. cruci cuuvipsoalïixa corde. (Serm. înfra OcL Nativ. Domini.)



5=38 LA. PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

l 'agent de cet ho lo c au s te : « 0 m o n en fant , disait-il un jou r à un e Sa in te , j e t ' ap pe ll e, et c'est au p lus inLime demon coeur, à mon amour divin dans mes souffrances. Jeveux que tu t'en no u r r i s s e s ; j e ve ux qu e tu te désaltères,que tu.t 'enivres du bonheur de me ressembler. Je suis entoi la source de cet amour. Nourris-toi do moi ; désaltère-toi en moi . Mou a m o u r crucifié s er a l ' i nc es sant e nourriture, le con tinuel b re uvage de ton ai ne , qui m'ap part ient -pour ce dessein eL qui pu ise là, au x so urc es divines de

mon crucifiement, mes pensées et mes désirs. Je suisco mm e la sou rce ja il li ss an te el ra fra îc hi ss an te au fondde ton àm e . Ah ! si tu ouvre s ton Ame, ce tte sourceentrera à torrents, et te transformera en moi. »

Le pieux M. deBernières disait à ce sujet: « Aymons,souffrons et mo ur on s pa r les m a i n s du m esm e om ou rq ui

a faict mourir J É S U S sur la croix. 0 amour sacré, quçvous estes sa in ct em en t cru el en ver s ce ux qu i tombententre vos mains! Vous bruslez, vous retranchez, vousabattez, vous mortifiez, vo us h u m i l i e z ; et tous ceux quion t esté à vos tre serv ice port en t des ma rq u es de votresévérité. A l'un, vous avez soulevé des cosles de sa poic-

trine ; à l'au ltre , vo us avez faict des p laves profondes àses pieds, à ses mains'et jusqu'à son cœur mesme. Mais,ô div in A m o u r ! je n a y po in t de fray eur de vo s sainctesrigueurs: brisez, coupez, déchirez, mettez en pièces,taillez par le fer, bruslez par les flammes, je ne veuxmourir par d'aultre main que par la vostre (1). »

Ains i, da ns son a m o u r e l pa r son amour, J É S U S nousim mo le et fait de nous des Vic times se mbla b les à lui. Lechrétien n'est Victime que parce qu' il est aimé.

(1) Le Chrétien intérieur, tom. IL liv. VII , chap. v i : 10» jour,n- 3.




Gomment aimer JÉSUS, c'est s'immoler et souffrir pour luiet avec lui.

Si J É S U S nous frappe el nous immole, parce qu' il nousaime, il e s t é g a l e m e n t vrai q u e no us no us sacrifions, parceque nous l 'a im on s. A ces de ux po in ts de vu e , le ch ré ti en

fidèle est un e Vict ime d ' a m o u r .Le vé rit ab le a m o u r tend à l 'u n i o n ; et l 'un ion ten d,sinon à l ' identification, du moins à l ' intime ressemblance.Si nous aimons J É S U S humil ié , pauvre, péni tent , douloureux, crucifié, an éa nt i pou r no tre a m o u r, no us seron sportés ir ré sis t ib lem en t à. vouloir lui ressembler ; et, quand

viendront les épreuves, les humiliations, les pr ivations,les cro ix, no u s no u s tr ou ve ro ns to ut incl in és à les accuei llircomme des grâces précieuses, comme des immolationsdont le bu t u n i q u e est de no us u n i r pl us i n t i m e m e n t ànotre bi en -a im é Maître et de faire de nou s p l u s vér it ab le ment d 'autres J É S U S - C H R I S T .

11 le disait un jour à sainte Catherine de Sienne:« L' am ou r de la div ine Charit é est tel le me nt un i à l 'a mo urparfait des souffranc es, que l 'u n ne pe ut subs ist er sa nsl'autre. Aussi l 'Ame qui, pour son partage, a choisi dem'aimer , s'est vouée par là-même à souffrir, à souffrirtout ce que je voudrai, comme je le voudrai, autant que

je le voudrai. »« Sup port ez do nc, ajoutait N otre- Seig neur , supportez

vir i lement toutes les tr ibulations de ce monde; autrementvous ne seriez ni des enfants fidèles, ni des défenseurs demon honneur, ni les zélateurs des âmes (1). »

(1) Traité de la Providence, chap. v.




On n'a ime ja m ai s plus p u re m e n t ni plus fortementJ É S U S que quand on souffre pour lui et av ec lui ; la perfection de r amour consiste à être Victime d amour.

11 n 'y a pas de Sa in t qu i n 'a i t passé pa r ce tte grande-épreuv e de l' am ou r do Jé su s crucifié , et qu i n' ai t parachevé sa sanctification en buvant l'amer calice do cerenoncement total . « Mon D I E U , mon D I E U / pourquoim'avez-vons abandonné (1) ? » tel est le cri suprême de laparfaite sain teté , im mo lé e, br oy ée , crucifiée, réduit e à

l'état de pure Victime. L'épreuve est terrible : mais elleest sublime, totale, parfaite. C'est le bien pur.A cause de cela et par générosité d'amour, les Saints

ont tous préféré les am e rt u m es spi ritu elle s aux consolations et a ux do uceurs sen sib les , qu i son t ce pe nda nt sien co urag eant es et si util es. « O m o n Amou r, disait à

JÉSUS la Bienheureuse Marguerite-Marie, j e vous sacrifietoutes ces d o u c e u r s ; réservez-l es à ces âm es sain tes quivous glorifient mieux que moi. Je ne veux que vous seul,et vous sur la Croix, où je veux vous aimer pour l'amourde vous- même! (2) »

Et le moye n d'en a r ri ver là, ou du moi ns d' appro cher

de cette foi héroïque, c'est de nous unir le plus possiblein té ri eu re men t à not re Chef ado rabl e, de no us perdre enJ É S U S par l 'habitude de l 'oraison et du recueillementin té ri eu r, pa r la mortification pe rpé tue lle des sens, parla contemplation de la Crèche et de la Passion ; enfin parla sainte co m m u ni o n . Il faut e n t r e r dan s le Cœur de

Jé su s ; son Gœur est le siège de son sacrifice. Il n ' a tantdonné que parce qu'il a tant aimé. Notre pauvre cœur estétroit : il faut que no us chan g io ns de cœ ur s, en chan ge an t

(1) DEUS, mous, DEUS meus, ut quid dereliquisti me?(Ev. Matth.XXVII.

(2) Vie de la Bienheureuse, chap. x.




d'amour.. En prônant son amour, nous prendrons sonCœur: et n'ayant plus, pour ainsi 4ire, avec lui qu'unseul cœur et une seule âme, animés de son esprit, nevivant plus que de sa vie, nous serons au niveau de toutesles im mola ti ons, et il nous se ra possib le, il no us se ramême facile et doux d'être des Victimes comme lui, aveclui, en lui; oui, il nous sera facile de « marcher daml'amour ; d'aimer comme J É S U S - C H R I S T nous a aimés,Coffrant' lui-même pour nous à D I E U en holocauste et en

Victime d'agréable odeur ( 1 ) .

»« 0 mon J É S U S crucifié ! s 'écria it saint Ro mu al d ; J É S U S ,

suavité de mon Cœur, objet de mes désirs, béatitude desSaints et joie des An ge s ! qu i me donnera de vo us a imer ,moi seul au tan t q u'il s vous a im en t tout en se mb le ? »

Que nous deven ons , en JÉS US, des Vic times de pénitenceet d'expiation.

Lorsque le Fils de D I E U revêtit un corps pour en fairela Victime un ivers el le de tous no s pé ch és , il associa ch a cu n

des m e m b res de ce co rps ado rab le à son sacrifice expiatoire : Je chef pe nsai t, voulai t, s'offrait pour to ut le co rps ;et tous les m e m b r e s du co rp s sa ns exception souffraientavec le chef, étaient étendus sur la Croix, étaient ensanglantés et mouraient avec le chef.

Nous l'a vons dit, il en est de mô m e des mem b re s m y s

tiques de No tre -Se ign eu r. To us , sp ir it ue ll em en t unis àJ É S U S , par l 'Esprit- Saint , p a r l e Bap tême et pa r l 'E uch aristie, ils dev iennen t , pa r cela seul qu'i ls son t ch ré ti en s,

(1) Ambulate in di lect ione , sicut et Christus dilexit nos, el tra-didit semetipsum pro nobis oblationem, ethostiam DEO in odoremsuavitatis. (Ad Eph. v, 2.)




des Vic time s de pé ni tence et d'e xp iat ion po ur le péché.Viv ant en ses membres pa r sa g râce crucif ian te et sanctifiante, J É S U S veut les dévouer, les dév ouer tous à la très

sa in te ju s ti ce de son Pè re , et il se ré joui t de les offrir ensacrifice d'expiation. Si nous avons un peu de foi et unpeu de vra i amour , n ous le voudro ns , nous aussi ; et, loinde nous laisser abattre à la vue de cette rude vocation,nous nous réjouirons de l 'honneur que nous fait JÉSTJS-

GiiRisTen da ignan t nous assoc ie r ains i a l'u n de ses états

les plus sublimes.Entrons donc bravement , à la suite et sur les traces deJ É S U S , dans la voie douloureuse et glorieuse de l'expiation,.pour nos propres péchés d'abord, puis pour les péchés dumonde pnticr. J É S U S a fait siens nos péchés, aussi bienque ceux des autres hommes ; et il les a pleures, il les a.

expiés comme s'ils eussent élé ses péchés propres. Aucunede nos fautes, m êm e vénie lle s, n 'a éc happé à cet te péniten ce div ine du Verbe inca rn é . Oh ! que lle pure source depénitence et d'expiation que J É S U S - G H R Ï S T ! De son Cœursacré, l 'expiation passe dans le nôtre, comme l'eau vived'une source s 'écoule en mille ruisseaux.

Oui ; mais si le ch ré ti en est u n au t re J É S U S - C H R I S T ,

comme nous le disent les Saints Pères, il faut que tous lespéchés qui ont réduit J É S U S dans cet état de Victimepénitente pèsent sur nous, comme ils ont pesé sur notrçChef. I l faut qu'unis intimement à J É S U S dans l'Esprit-Saint, no us pui ssions lui di re ce qu'i l nous disa it un

j o u r en par la n t à sain te Ca th eri ne de Sien ne : « Je nefaisplus q u 'u n avec v o u s ; qu i vo us offense m 'off ense; et récip ro qu em en t (1). » Tout ce qui offense J É S U S offense unvrai chrétien; tout ce qui pèse sur J É S U S pèse égalementsur le vrai chrétien.

(1) Traite de la Discrétion ; chap. xu.



NOS GRANDEURS EN JESUS.— III. 553

Ce qu e sa in t Bern ard disa it ja di s au x fervent s Religieuxde Glairvaux, pre no nsle c h a c u n pou r no us. Hélas ! c'estplus v n a i pour nou s qu e pou r ces adm ir ab le s pé ni te nt s.

« 0 bon Religieux ! s'écriait le Saint, ô chrétien fidèle !repasse, d an s l ' am er tu m e de ton âm e , les misèr es de tavie. D ' u n côté, regarde J É S U S crucifié, et de l'autre la multitude de tes fautes : et en t re ces de ux ex tr êmes, vo is cequ'il te rest e à faire. Co ntem ple l'Ag neau de D I E U , contemple le Chr is t, ton Seig neu r ; vois-le : il est é te ndu su r

la Cr oi x; et cet excès de souffrances et d' ou tr ag es , c'estpour l 'amour de toi qu'il daigne le subir. Regarde ensuiteles honteuses défaillances de ta chair, les affections déréglées aux que lle s tu as a b a n d o n n é ton cœ ur , et ple ur e,pleure aux pieds du Crucifié ! Celui qui a t an t souffertpourtdi , n e d e m a n d e qu'à te p a rd o n n e r e t à te sau ve r (1). »

Et pu is , qu 'on réfléchisse a tous les mi ll io ns et mi ll io nsde c ri mes de tou t g en re , qu i, en un seul jo u r, se co mmettent su r tou te la ,sur face de la te rr e : que de bl as phèmes, que d ' impiétés et d 'ab omi nat ion s, no n seu lem en tchez les cin q cent mil lio ns d'infidèles, de m a h o m é t a n sdont le sa ng et la l ux ure co mp os en t toute la re li g io n ;

non seulement chez les cent quarante millions de schis-matiques, de juifs, d'hérétiques de toutes couleurs, dontla foi morte laisse un libre cours à toutes les passions,mais encore chez les chrétiens; chez les enfants de l'Église,qui violen t si souv en t et parfois si sca nda le use ment leslois sa crée s de l'Évan gile et les très sai n ts pr éc ep te s d e l à

(1) 0 bone monacbe, o bone christiane, reoogita annos tuos pra-vos in aniaritudine animas tua1,. Statue Cbristum crucilixum abuno lalere luo, et tua peccata ab altero : et in ter hœc positus, videquid agas. Conternplare Agnum, contemplare Christum Dominumtuum sic in cruoe exlensum, pro le tam impie passum. Considératurpitudines carnis tuas, pravas atïectiones anima) tuaî. Fondelacrymas ad Crucil ixum: te salvare paratus est qui pro te taliapassus est. (Ogerii serm. de Verbis Domini in Cœna.)




vraie religion! Sur les deux cent dix millions de catholiques qui co mp ose nt au jo ur d 'h u i l 'Église mil itan te, combien foulent aux pieds leur baptême et crucifient de

nouveau en eux-mêmes leur Rédempteur, leur divin Roi!Même là, que de péchés, que d'impudicités, que de vols,que de co lères, que cle révo ltes , en u n seul j o u r ! Que sera-ce en une année tout entière? et en un siècle? et danstous les siècles, de pu is le pé ch é ori g in el j u squ ' à la consommation des siècles?

J É S U S a porté tout cela. Il fallait la toute-puissance dela nat ure div ine, h y p o s ta t iq u em e n t un ie à la naturehu ma in e du Sa uv eu r, po ur po rt er un poids pareil . Lepoids effrayant du péc hé é ta it sy mb ol is é par la Croix,sous laquelle J É S U S m o n t a n t au Calv aire s'affaissa, écraséet comme anéanti : et cet homme, ce Simon le Cyrénéen,

qui vint aider J É S U S À porter sa Croix jusqu'au sommetdu Calvaire, c'était le symbole, le représentant de chaquefidèle qu i est tout ensemble et la croix vivante de J É S U S ,

par ses pé chés , et l 'a ide , le su pp lém en t cle J É S U S , par safidélité À souffrir et À expier avec lui. Jusqu'À la fin dessiècles, jusqu'à la fin de la voie douloureuse, l 'Eglise et

chacun des fidèles qui la composent sont appelés À partager avec le Fils de D I E U le p o r t em e n t de cro ix, lesacrifice d'expiation et de pénitence universelles. LesSaints l 'ont fait et le font héroïquement; nous autres,faisons-le du moins courageusement.

Sainte Térèse rapporte que Notre-Seigneur lui apparut

un jo ur , la tête co uro nné e de l um iè re . « Au lieu d'unecouronne d'épines, il en avait une resplendissante, et lesrayons partaient des blessures mêmes que les épinesavaien t faites au to ur de sa tê te . Ré fléchissan t, ajoute-t-êlle, à la grandeur du supplice que tant de plaies avaientdû lui causer, j ' e n eu s l a m e p er cé e de do ul eu r. Cet ado-




rable Maître me dit alors : « Ce ne sont point ces blessures« qui do iv en t t affliger, mais ce lles qu 'o n me fait p ré se n-« tement en si gr an d n o m b re (-1). »

La vue de nos péchés et la vue de tous les péchés passés,présents et futur s qu i ont cloué su r la Croix sanglantenoire divin Amour, voilà ce qui doit incessamment exciterune âme v ra im en t ch ré t ienne à exp ier, à souffrir enesprit de pénitence, dans une union très intime avecJÉSUS.

« Ma vie, disait-il un jo u r à un bi en he ur eu x , n 'a étéqu'un martyre et une croix, et c'est ma vie qu'il te fautmener. Tu n'es pas uni à J É S U S pour autre chose quepour vivre et mourir comme J É S U S . 11 faut que lescréatures te pr es se nt , te so ien t lou rdes ; qu e le urs péc héste crucifient, qu e tu les po rtes avec do ul eu r et am o u r ,

et sur tou t avec l'e spérance de les laver da ns mo n sang .« Mon enfant, je suis pressé d'expier le péché, d'apaiseroion Père par toi uni à moi. Mon enfant, il faut enprendre ton parti : tu vis pour la croix; c'est ton partage.Ma croix es t ta pa rt chaque j o u r de ta vi e. Tu la port e ra savec moi ; tu ne feras pas un pas sans moi. »

C'est ainsi qu'en Notre-Seigneur nous sommes ici-basdes Vic tim es de pé ni te nc e et de pr op it ia ti on .

Qu'en JÉSUS, nous sommes des Victimes de charité,toujours prêtes à se sacrifier au salut des âmes.

Le salut et la sauctifioatiou des â m e s : tel est, av ec lezèle et la gloire de D I E U , le résumé, le dernier mot detous les tr avaux du Sau veu r. Un is à J É S U S par la grâce etne faisant qu 'u n seul esp rit avec lui, no us devo ns , n o u s

(1) Vie de sainte Thérèse, écrite par elle-même; appendice.



550 h A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

aussi, aspirer ardemment à sauver les âmes. C 'est la grandemiss ion de l'Eglise, Épouse du Sa uveu r.

Mais pour cela, il faut souffrir. S'il faut peiner et tra

vailler pour gag ner une grande fortune , cela est plusnécessaire encore pour gagner des âmes à J É S U S - C H R I S T :

une seule àme vaut plus que la terre tout entière, avectous ses trésors. On n' es t sauveu r des âm es qu'en étantVict ime: J É S U S a été l'un et l'autre; avec lui et en lui,soyons l'un et l'autre.

Rien ne saurait être plus agréable au Cœur sacré deJ É S U S . « J ' a i pour très agréab le , disait-il un jour sainteCatherine de Sienne , ton désir de voulo ir souffrir toutessortes de peines et de fatigues, et la mor t elle-même,pour le salut des âmes; plus on souffre ainsi, et plus onmontre qu'on m'aime.

« Tu ne peux m' êt re u t i l e : sois-le au pr oc ha in . Tessaintes oraisons pour lui sont un signe manifeste que, parma grâce, j'habite dans ton came... C'est moi qui allumedans mes serviteurs la faim et la soif de ma gloire et dusalut des âm es , atin d'êt re cont ra in t par leur s soupirs ncalmer ma juste colère. Verse donc tes larmes et tes

sueurs ; tire- les de la source de m a divine char it é. » Etsainte Catherine, ainsi rassurée et encouragée par sonMaître, était, comme elle le rapporte elle-même, dans la joie et l'allégresse; et, s'élevant au-dessus de la joie, ellesuppliait, elle demandait pour tous les hommes, avecune certitude toute sainte. Son oraison, comme affamée,

s'étendait à toute la terre (1).J ' ignore si c'est à cette époque qu 'elle s' adonna à ces

sanglantes pénitences, absolument miraculeuses, destinées à expier, en union avec J É S U S ; trois fois par jour,

(1) Traité de ta Providence, chap. v, vr; Traité de la Discrétion,

chap. xv et xvi.



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I . o57

elle p re na it la di sc ip line avec un e cha în e de fer, du ran tune heure et demie chaque fois ; sa petite cellule de Rome(qu'on a depuis convertie en chapelle) était tout aspergée

de sang , et sa ch ai r in no ce n te n'é tai t plu s qu 'u n e plaie.La vie des Saints est pleine de ces prodiges de charité,tëntre mille autres, nous lisons dans la Vie de sainteLutgarde, de l 'Ordre de saint Benoit, contemporaine desaint François d'Assise et de saint Dominique, qu'un jourl;I Très-Sainte Vierge lui apparut avec un visage triste et

des vêt em en ts de deuil . La saint e Abb esse , pr os te rn éedevant la Mère de D I E U , lui demanda la raison de cettetristesse, chez elle, la Reine des Anges, la Bienheureusepar excellence : « Ma fille, lui répondit M A R I E , tu me voisdésolée pa rc e que les hér ét iq ues et les im pie s crucif ien tde no uv ea u mo n Fils b ie n-a im é. » Et elle ajouta que ,

pour empêcher la justice divine de frapper la terre comme«lie le méritait, Lutgarde, l'épouse de J É S U S , devait entre- ,prendre u u j e û n e de sep t ans , au pai n et à l'eau. Si, à ce jeune rigoureux, elle joignait beaucoup de larmes FÎT d'ardentes su pp li ca tion s, elle ap ai se rai t la colè re du Se ig ne ur .Sainte Lutgarde s'y offrit de très grand cœur, et observa,

(MI effet/ce long jeûne avec un courage et une patienceinvincibles.

Lorsqu'elle l 'eut achevé, Notre-Seigneur, à son tour,lui en commanda un autre, aussi long et aussi sévère,POUR expier les péchés des mauvais catholiques. A F I N del'y en co ur ag er , il dai gna se m ontr e r a elle tou t co uv er t

de plaies et de s a n g ; et il lu i di t : « Vois, m a fille, en quelétat je me présente à mon Père pour attirer sa miséricordesur les pécheurs. Je veux qu e, toi auss i, tu souffres pou rT»UX avec moi ; j e veu x que to us les jou r s , au sacrifice dela Messe, tu offres mon sang à mon Père, afin de lesréconcilier avec lui. » Elle accomplit encore ce second




(1) V. le P. Giry, 16 juin.

sep tén air e avec la môme ferveur qu e le p re mie r ; et, àl'exemple de son divin Époux, elle conçut une si tendrecompassion pour les pauvres pécheurs, qu'elle ne cessait

pas de pleurer et de prier pour eux.Aussi, au rapport d'une de ses Sœurs, que l'Église abéatifiée depuis, ses prières étaient si efficaces que personne sur la terre n'avait plus de pouvoir sur le Cœur deJ É S U S - C H R I S T , pour obtenir le pardon et la conversion despécheurs. Sa sainte confiance à cet .égard allait jusqu'à

lui faire dire parfois à N ot re -Seign eur : « Se ig ne ur J É S U S ,ou effacez-moi de vo tr e Liv re, ou faites misér icorde àcette créature pour laquelle je vous prie. »

Comme elle dem an dai t un j o u r de m o u r i r et d'aller auciel, le céleste Ag neau lui ap p a ru t to ut s an g la n t ; et, luimontrant ses mains, ses pieds et son côté entr 'ouvert, il

lui dit qu'elle de va it so uh ai te r de souffrir pour sa gloireet pour le salut des âmes, plutôt que de mourir pour sapropre consolation ( 1 ) .

Tels étaient aussi les généreux sentiments du vénérablecuré d\Ars: — Monsieur le curé, lui disait un jour sonMissionnaire, si le bon D I K U V O U S proposait, ou de monter

au ciel à l'instant môme, ou de rester sur la terre pourtravailler à la con ver sion des p éc h eu r s , qu e feriez-vous?— Je crois que je rest erai s, m o n a m i . — 0 mons ie ur Jecuré, est-ce possible? Les Saints sont si heureux dans leciel! Plus de tentations, plus de misères!.. . — C'estvra i, mo n am i, répond it-il avec u n ang éli que so ur ir e;

mais les Saints ne peuvent plus, comme nous, glorifierD I R I I par des sacrifices pour le salut des âmes. — Reste-riez-vous donc sur la terre jusqu'à la fin du monde? —Tout de même. — Dans ce cas, vous auriez bien du temps




devant vous : vous lèvcricz-vous si matin? Oh ! oui, monami, à m i n u i t ! Je ne cra in s pas la pe in e. .. Je sera is leplus heureux des prêtres, si ce n'était cette pensée qu'ilfaut paraître au tribunal de D I E U avec ma pauvre vie decuré. » Et, en disant cela, de grosses larmes coulaient lelong de ses joues amaigri es pa r le j e û n e , les vei lles et lespénitences (1).

Le même attrait de charité pénitente embrasait le cœurde la Bi enh eu reu se M argu erite -Mar ie. No tre -Se ign eu r lui

ayant fait voir les châtiments qu'il réservait à quelquesâmes, elle se jeta à ses pieds, en s'écriant: « 0 mon Sauveur, déchargez plutôt sur moi toute votre colère ; effacez-moi du L ivre cle vie , plu tô t que de perd re ces âmesqui vous ont coûté si cher . — Mais elles ne t ' a imen t pa s,lui dit J É S U S ; et elles ne ces ser ont de l'affliger. — 11 n ' im

porte, mon D I E U ! pourvu qu'elles vous aiment; je necesserai de vous prier de leur pardonner. — Laisse-moifaire; je ne puis les supporter plus longtemps. — Non,mon Seigneur, répondit-elle en embrassant pins fortement en core ses pieds sacrés ; non, j e ne vo us qu it te ra ipas que vou s ne leur ayez pa rdo n n é . — Je le veux bien ,

si tu veux ré po nd re po ur elles. — O u i , mon D I E U ; mais je ne vous paye ra i toujours qu 'ave c vos pr op re s bien s,qui sont les tr és ors de vo tr e Sacré Cœ ur (2 ) . » Sur quoiNotre-Seigneur lui déclara qu'il se tenait pour satisfait,çtla bénit avec amour.

Tels ont été les Sa in ts , vra is imi ta teu rs de J É S U S ; tels

devons-nous êtr e, po ur obéi r a. l 'esprit de no tr e bap tême ,àl'esprit de la ch ar it é ca th ol iq ue , à l 'esp rit de J É S U S , quicircule comme un sang surnaturel dans les âmes saintes.K Q u e l e s t , disait saint Jean, le g r a n d s i g n e a u q u e l n o u s

(1) Vie du curéd'Ars, liv. V, chap. v.

(2) Vie de la Bienheureuse, chap. xvn.



5G0 h A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

r e c o n n a i s s o n s l ' a m o u r d e n o t r e D I E U , s i n o n e n c e q u ' i l a

v o u l u s 1 i m m o l e r p o u r n o u s ' ! E t n o u s a u s s i , n o u s d e v o n s n o u s s a c r i f i e r e t m o u r i r p o u r n o s f r è r e s ( 1 ) . » LE DON ESTSELON L'AMOUR; ET J É S U S NOUS FAIT AIMER SURNATURELLEMENT

TOUTES LES CRÉATURES, JUSQU'À VOULOIR, À SON EXEMPLE, SOUF

FRIR ET MOURIR POUR ELLES. E N J É S U S - C H R I S T , IL N'Y A RIEN

DE PLUS FORT QUE L'AMOUR : L'AMOUR A VAINCU, OU PLUTÔT A

CONDUIT LA SAGESSE, LA PUISSANCE, ET LEUR A FAIT ACCOMPLIR

L'ŒUVRE DE L'AMOUR. L'AMOUR DE J É S U S VA CHERCHER TOUTES

LES CRÉATURES, JUSQU'AUX EXTRÉMITÉS DU MONDE. IL NOUS

POUSSE À FAIRE DE M Ô M E , À LES SAUVER, À NOUS LIVRER POUR

ELLES, À NOUS SACRIFIER POUR LEUR SALUT.

C'EST LÀ LE SECRET DU DÉVOUEMENT APOSTOLIQUE DE CES

MILLIERS DE HÉROS, DE VICTIMES VOLONTAIRES QUI, DE TOUT

TEMPS, ONT FAIT L'ADMIRATION DE L'ÉGLISE ET DU MONDE; DE

CES PACIFIQUES ET INTRÉPIDES MISSIONNAIRES QUI, POUR L'AMOUR DE J É S U S - C I I I U S T ET DES ÂMES, ABANDONNENT TOUT,

PARENTS, AMIS, FORTUNE, REPOS, PATRIE, ET S'EN VONT, AU

MILIEU DES NATIONS INFIDÈLES, S'EXPOSER À TOUTES LES PRIVAI

TIONS, À TOUTES LES SOUFFRANCES DU CŒUR ET DU CORPS, AU

DÉNÙMENT, À LA FAIM, À LA SOIF, AUX RIGUEURS DU FROID, AUX

ARDEURS DES CLIMATS BRÛLANTS ET MEURTRIERS, À UUP VIE MISÉRABLE, PLEINE D'ANGOISSES, SOUVENT M Ê M E AUX TORTURES ET

À LA MORT LA PLUS CRUELLE. POURQUOI CETTE APPARENTE FOLIE?

QUI LES POUSSE À CETTE IMMOLATION DE TOUS LES JOURS, DE

TOUS LES INSTANTS ? QUI? Ah ! DEMANDEZ-LE À CELUI QUI EST

EN EUX. C'EST LE CRUCIFIÉ; C'EST J É S U S ; C'EST L'AGNEAU DE

D I E U IMMOLÉ.POUR LE SALUT DE TOUS ; C'EST CELUI QUI, ENEUX, A SOIF DES ÂMES ; C'EST LA VICTIME QUI, PAR EUX, ET EN

fil In hoc eugnovimus charitatem Drci, quoniam i lie an imamsuam pro nobis posuit; et nos debemus pro fratribus animasponere. (I Epist. ni, 16.)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III 561

eux, veu t s ' i mm ol er enc ore , s ' i mm ol er toujours, po u rsauver éternellement les âmes !

Or, tout ch ré ti en , pa r cela seul q u'i l est m e m b r e deJ É S U S , doit être mis sio nn air e à un d egré qu el co nq ue :missionnaire à la ma iso n, mi ss io nn ai re pa rm i ses am is , 'missionnaire dans ses charges et dans ses emplois, missionnaire par la parole, ou par la plume, ou du moins parl 'exemple; missionnaire de J É S U S - C H R I S T , dont le cœurdoit brûler d'amour pour le bon D I E U et po ur les âm e s ;

missionnaire et Vict ime ; ca r dit saint Pau l, « i l n ' y a p o i n t d e r é d e m p t i o n s a n s l e s a n g , » c'est-à-dire sans ledévouement, sans le sacrifice, sans l ' immolation.

Que nous devons être des Victimes consacrées et dédiéesà la sainte Église.

L'Époux et l 'Épouse ne Font q u ' u n : le zèle qu i n ouspousse à nous sacrifier po ur l ' am ou r de No tre -Se ign eur ,nous pousse également à nous sacrifier pour l'Église, sonÉpouse et no tr e Mère. De m êm e que l' am ou r d'un enfan t

pour son père et sa mère est un seul et unique amour;de m êm e, d ans nos cœ ur s bap tisé s, l 'a mo ur de l 'Égliseest l 'amour même que nous portons au divin Chef, audivin Roi de l'Église. Au fond, être chrétien et être catholique, c'est tout un : le chrétien, c'est le fidèle contempléen son amour pour J É S U S - C H R I S T ; le catholique, c'est ce

même fidèle contemplé en son amour pour l'Église. Lechrétien, c'est l'enfant de D I E U sanctif ié par iamour deson Père ; le ca th ol iq ue , c'est ce mê m e enf an t sanctifié pa rl 'amour de sa Mère. Il les ai m e to us deu x in sé par ab le ment, et in sé par ab lem ent il se sacrifie p o ur l 'un c o m m epour l'autre.

x i v




Ici encore, la vie des Saints répond magnifiquement àcette donnée; et l'on peut dire que le degré de l'esprit desacrifice, d'ob lation et d' im mo la tion d'un c hrét ie n pourla cause de l'Eglise et du Saint-Siège, est le degré de son,amour envers Notre-Seigneur.

Nous dev rio ns ai mer l 'Eglise ju sq u' à vouloir, non-'seu leme nt vivre, ma is mo ur ir po ur el le ; n ou s devrionsra i m er ju sq u a la mort , et à la m o r t de la c ro ix ; c'est-à-dire jusqu'à la mort cruelle, ignominieuse. Saint Charles

Borromée a affronté, pou r l ' amour de l'Égl ise et de sadiscipline, toutes les persécutions, toutes les colères;plusieurs fois il a été menacé de l'exil, de la prison, etmême de la mort: victime intrépide de son devoird'Évêque, il n' a pas reculé d'un pa s. Un m auva is Religieux, dont il avait réformé le couvent pour obéir au

Concile de Trente et au Saint-Siège, alla même jusqu'àlui tirer,., à bout portant, et dans son propre palais, uncoup d'arquebuse: chacun sait comment, par un miracleévident, la balle, après avoir percé le rochet du saintCardinal, tomba à terre sans le blesser. Il était en trainde faire la prière du soir, au milieu de ses chapelains et

de ses serviteurs: au bruit que lit l 'arme meurtrière etau tumulte qui s'ensuivit, il tourna à peine la tète etcontinua tranquillement sa prière. La paix de J É S U S

crucifié domine et « surpasse toute émotion, e x s u p e r a t

o m n e m s e m u m , dit saint Paul, et empêche l'esprit et lecœur de se détourner de J É S U S - C H R I S T (1). »

Que d'Évêques, que de Papes ont souffert et sont mortspour cette grande cause de l 'Église! Depuis dix-huitsiècles, les pouvoirs de la terre ne cessent point de persé-

(i) Pax DËI, quai exsuperat omnem sensum, custodiat cordaveslra el inlelligentias vcslras in Christo J E S U . (Ad Philip. iV, 7.)




cuter l'Eglise et de susciter D ' héroïques Victimes. Quandce n'est pas dans un pays, c'est dans un autre ; quand ceN'EST point par le sang, c'est par la ruse. De notre temps,voyez le Pape Pie Vi, violenté, dépouillé, mourant en exilà Valence, sous les verrous barbares de la Révolution.VOYEZ PIE VII, SON DOUX ET SAINT SUCCESSEUR, LUI AUSSI,

traîné on exil, empr isonné pendant cinq ans, dépouilléde SA liberté. Voyez Pie IX, notre vénérable et glorieuxPic IX, assiégé de toutes parts, opprimé, trahi, couronnéd'épines, et préférant mourir plutôt que d'abandonnersur UN seul point les intérêts sacrés du Siége-Apostoliqueet de la sainte Église.

Que d'Évêques fidèles, que de Religieux et de saintsprêtres, que de laïques, que de saintes femmes souffrentaujourd'hui même toutes SORTES d'humiliations, de PRIVA

TIONS ET D ' angoisses POUR LA CAUSE CATHOLIQUE ! LA Sibérieest pleine de ces Victimes saintes ; et l'Italie !.et l 'Espagne !et L 'Irlande ! et l'Autriche, avec ses Évêques que Tontraîne devant les tribunaux? et le Mexique! et tantd'autres pays encore ! Quiconque soulïre pour l'Eglise estune glorieuse Victime de la fidélité et de l 'obéissance, et

imite, dans une mesure, la grande Victime du Calvaire,J É S U S - C H R I S T Notre-Seigneur, « q u i a. a i m é l ' E g l i s e e t s ' e s tl u i - m ê m e l i v r é p o u r e l l e (1). »

Nous l'avons dit autre part : les généreux chrétiens QUInaguère ont offert leur santé et leur vie pour la cause sacréede l ' indépendance du Chef DE l'Église et pour le maintien

de son domaine temporel, ont défendu di rectement lacause même de l'Église ; et quand ils ont succombé, C'estpour FÉglise, c'est pour l'Épouse du Christ, c'est pourJ É S U S lui-même qu'ils ont souffert et qu'ils sont morts.

(1) Christus clilexil. Ecclesiam el seipsum LradidiL pro ea. (AdEphes. v, 25.)




Nous no re vi en dr on s po in t sur ce beau su je t; nous enrap por tero ns se ul em en t un no uv eau et bien touchanttémoignage.

Un jeune homme, Antonio Goldoni, d'une bonne etch ré ti en ne famil le de Modène, se dévoua, da ns l'été del'année 1868, à la défense, par les armes, de la cause duSaint-Père. Il avait à peine dix-huit ans. C'était un anged'innocence et de piété. « Je me suis donné à J É S U S et àM A R I E pour être martyr, » disait-il en quittant son pèrebi en -a im é. Arr ivé à R om e le 12 ju il le t, il fut presqueimmédiatement saisi par les x*edoutables fièvres intermittentes qui ont décimé les bataillons des généreux défenseurs de l'Église. Entré à. l'hôpital militaire, Autonion'en devait plus sortir.

La première fois qu'il vit le Père jésuite qu'il avait pris

pour di recteu r , il lui dit avec une c andeur eL uneconv iction si ng ul iè re s: « Mon Père , je ne m'appartienspas ; j ' ap pa rt ie ns à J É S U S . » En le voyan t et en l'entendan tparler ainsi, le Père ne put s'empêcher de se dire intéri e u re m e n t: « An toni o est un e Vi cti me c h o is ie ; i l estm ûr pour le ciel. » D'autres per so nnes av ai en t éprouvé

absolument la même impression. Ceux qui le voyaientsu r son lit de doul eu rs ne po uv ai en t se défendre de lapensée que la Victime était sur l'autel, et que le sacrificeétait pro che. Rien ce pen dan t ne faisait encor e craindreun dénoùment fatal.

Dès le premier jour de son arrivée à Rome, le brave et

doux enfant avait dit à un bon Religieux, auquel il avaitété adressé : « Mon Père, j e v iens u n iquement pourdéfendre le domaine temporel du Vicaire de J É S U S - C H R I S T .

— Il vous en coûtera peut-être la vie, mon cher fils. —La vie? dit le généreux enfant; je l'ai déjà sacrifiée àJ É S U S et à Notre-Dame. Je ne crains point la mort ; je la




désire. Et pu is , j e me su is d it que , si je m eurs pour leSaint-Siège, je serai m a r t y r . — Martyr? dit le Père, quifeignit de ne pas comprendre. — Voici comment jeraisonne, re p ri t An tonio : le Sai nt- Pèr e a décla ré qu e,dans Tordre ac tuel de la Pr ov id en ce , le pouvoi r temp orelest nécessa ire au lib re exerc ice du pou vo ir sp iri tue l ;donc, si je m e u r s po ur le p re mie r, j e serai m a r t y r dusecond et de la sainte Église catholique. »

Le 13 aoû t, fête du Bi en he ur eu x Jean B er ckm ans,

Antonio, dont le mal faisait des progrès, voulut faire, unefois encore, la très sainte communion, en l 'honneur dece jeune Saint. I l reçut Notre-Seigneur avec une ferveurext raord inai re, et, lo rsq ue son Pè re spiri tuel vo u lu tl 'engager à demander sa guérison au Bienheureux, ilrépondit aussitôt: « Père, je lui ai demandé la grâce de

mourir . Le Bienheureux Berckmans m'a obtenu cettegrâce; après-demain, pour la fête de la Madone, je seraiau ciel. J 'a i ob te nu cette gr âc e, ré pé ta it -i l; j e vais allervoir la Ma done . Le jo u r de l'As sompt io n, j e sera i au ciel ;vous verrez. »

En effet, No tr e-Se ig ne ur avai t fait compre ndre à cette

Victime choisie qu'il agréait son sacrifice; et le surlendemain 15 août, à l 'aube du jour, le saint jeune homme,les ye ux fixés au ciel, le visage to u t ex ta tiq ue , re met ta itson âme entre les mains de la Reine de l'Église et mouraitcomme un prédestiné, envié plutôt que pleuré de tousceux qu i l 'e nt ou rai en t.

Les ca th ol iq ue s de Modène on t élevé un to mbeau àleur j e u n e co mpa tr io te . Voici les der ni er s mot s de sonép ita ph e: « Il a mon tr é, pa r son ex empl e, qu'il est doux ,qu'il est gl or ie ux de mouri r sous les d ra pea ux de J É S U S -

C H R I S T . »

Bienheureux donc sont ceux qui, d'une manière ou




Qu'en JÉSUS-CHRIST, et à cause de JÉSUS-CHRIST,nous sommes les Victimes des colères du démon, des mondains

et des pécheurs.

Tout ce qui se fait ici -bas con t re les sa in ls du Christ,dit excellemment Origène, le Sauveur le regarde commefait à lui-même. En effet, ce qui est écrit nous fait comprendre ce qui n'est point écrit. Or, Notre-Keigneur a diten parlant des pauvres, des malades, des prisonniers,

que tout ce qu'on leur faisait, on le faisait à lui-même.« J 'ai eu faim, j 'ai eu soif, j 'ai été nu et sans asile,ma lad e, en pr ison . » Voilà ce qu i est éc rit . En poursu ivant l 'analogie, nous pouvons ajouter : « J 'ai subi Tin-

justice et l 'outrage, j 'ai été frappé, j 'ai été persécuté, » etainsi de suite; et de môme que la parole du Seigneur

était véritable lor squ' il dis ait : « To ut ce qu e vous avez'fait au moindre de mes frères, c'est à moi-même que vousl'avez fait ; de m ê m e , lo rs qu' un ju s te su bi t l 'out rage etl ' injustice, lorsqu'on le blasphème, lorsqu'on le faitsouffrir, n'oublions pas que J É S U S - C H R I S T dit à ceux quile pe rs éc ute nt a ins i : « Toute s les fois que vo us faites du

mal au moindre de mes frères, c'est moi que vousfrappez, c'est moi que vous insultez (2). »

( 1 ) Nunc gaudeo in passionibus pro vobis, et adimpleo ea, quœdésuni passionum Christi, in carne mea pro corpore ejus, quodest Ecclesia. (Ad Col. i, 24.)

(2) m, p, 1601.

d'une autre, peuvent dire aved saint Paul : « Je m e r é j o u i s

d a n s l e s é p r e u v e s q u e j ' e n d u r e p o u r v o u s , e t c ' e s t p o u r le

c o r p s d e « I É S U S - G H R Î S T , q u i e s t l ' E g l i s e , q u e j e p a r a c h è v een. m a c h a i r , c e q u i m a n q u e a u x s o u f f r a n c e s d u C h r i s t (1). »



NO S G R A N D E U R S E N J E S U S . — IU 567

Dans les Actes de nos ma rt y rs , no us voy ons sou ve ntréalisée cette précieuse union entre le Chef crucifié et sesmembres. Nous en avons cité plusieurs exemples. Envoici un encore. Saint Victor, de Marseille, était étendusur le chev ale t, et sub issa it la to rt u re . Le très c lé m en tJ É S U S ap pa ru t n son ma rt yr , te n a n t en mai n le glo rieu x.étendard du combat, le trophée de la victoire, la croix.« La paix soit av ec toi, m on g énére ux Vic tor ! lu i dit -il.Je suis J É S U S ; c'est moi qui souffre dans mes Saints les

injures et les tourments. Combats jusqu'à la fin en soldatcourageux; sois fort et constant; je suis avec toi pourêtre ton fe rme ap pu i da ns le combat et ton fidèle r ém unéra teur ap rès la vict oire , au sein de mou ro y a u m e . »

Notre-Seigneur peut en dire autant de tous ceux qui,dans l 'Église, souffrent persécution d'une manière quel

conque, à cause de lui. 11 est avec eux, spirituellement etin té ri eu re men t; il souffre en eu x , il sou lire avec eu x, etc'est lui que le dé mon et le monde pou rs ui ven t, fra pp en t,détestent dans les chrétiens. « Oui, dit saint Paulin, c'estlui qui m a i n t e n a n t en core , po ur no us et en n ou s, est enbutte aux assauts du monde. Réjouissons-nous donc, ce

n'est pas tant nous que Celui qui commence à être ennous, que les méchants poursuivent en nous de leurhaine. Cette hu mi li té qu' i ls mé pr is en t, cette chast etéqu'ils abhorrent, c'est son ouvrage en nous ( 1 ) . » Quelleglorieuse société ! et ne dev on s-nou s pas êt re fiers etheureux de partager ainsi Y i m p r o p e r i u m C h r i s t i dont

parle saint Paul? la haine que lui portent et le démon,et les impies, et les pécheurs?

Cette ha in e du m on d e c on tre les m e m b re s du Chris ts'applique à tou t le dé tai l de la vie . On la re t ro uve se

(1) Epist. xxxviu.




ba ig na nt dan s le sa ng des m ar ty rs ; q u an d elle peut tuer,c'est en effet le sang qu'elle cherche et qu'elle veut. Adéf aut de sa ng , elle ch er ch e à ra vi r l ' ho nn eu r, l 'estime,

la paix, la joie du cœ ur. Elle no u s chas se de notrefamille; elle nous chasse de la patrie. Elle nous nuit tantqu'elle peut, partout, toujours. Elle est implacable, parcequ'elle est surnaturelle et satanique. C'est la haineimmuable de Satan contre le Fils de D I E U , passant pardes hommes, s ' inoculant à des hommes: horr ible contre

façon de ce que No tr e-Se ig ne ur et l 'Es pr it- Sa in t opèrentdans les fidèles, par lo mystère de la grâce et de l'Eglise !Il est de foi révélée que « t o u s c e u x q u i v e u l e n t v i v r e

p i e u s e m e n t e n J É S U S - C H R I S T c u i r o n t à souffrir l a p e r s é c u t i o n (1). » O m n e s , tous ; il n' y a po in t d' ex cept io n à cetteredoutable règle. Les mondains les calomnient, les tour

nen t en ridic ule ; leu r nom dev ien t quelquefo is mê meune injure. C'est ainsi que, dans le vocabulaire antichrétien des multitudes, les noms les plus vénérables en eux-mêmes, tels que d é v o t , j é s u i t e , c a p u c i n , c l é r i c a l , sont devenu s des in ju re s, c o m m e l'était, du te m p s des Césars, lenom de c h r é t i e n .

Un je un e h o m m e veut-il se faire p rê tr e? une jeu nepers onn e ann on ce- t-e lle son i nte nt ion d 'em bras ser la vierel igi eus e? un indifférent, un li be rt in che rch e-t -il àsortir de sa mauvaise voie pour devenir bon chrétien?Aussitôt s'élèvent des tempêtes ; on crie au fanatisme, àla folie, à la captation. « Cela ne durera pas. Il est fou.

Elle perd la tê te . Il faut empêcher cela p a r tous les moyen s .Ce serait u ne honte po ur la fam il le , u n e tache pou r. len o m ; » et au tre s propos in jur ieu x. H eu re ux enco re quan dcette lutte ne va pa s ju sq u 'a ux viol ences, co m m e il est.

(1) Omnesqui pie voluntviverc in Christo JESU , persecutionempatientur. (II ad Tim, m, 12.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I 569

arrivé à t an t de Sai nts , en t re a ut re s à sai nt T h o m a sd'Aquin, que ses parents poursuivirent l 'épée à la main,dès qu'ils apprirent qu'il avait quitté la maison paternelle

pour entrer dans l ' illustre famille de saint Dominique.Ils attei gnire nt le saint je u n e h o m m e , s 'e mp arè ren t de sapersonne, l ' en fe rm èr en t dan s u n chàteau-fort , et, p ourlui ravir sa vocation, allèrent jusqu'à tendre des pièges àsa chasteté.

Tous ne s or te nt po in t va i n q u e u rs de cette lutte du ma l

contre le b i e n ; bon n o m b re su ccom ben t sous le poids del'épreuve, et abandonnent la voie de D I E U . Si le jeuneThomas d'Aq ui n avait faibli, quelle pe rte in ca lc ul ab lepour l 'Église ! et quelle responsabilité pour ces parents,pour ce frère a ve ug lé qui vo ul ai en t le re te n ir d a n s lemonde ! No tre -Se igncur seul peu t ju ge r l 'é ten du e des

attentats que nous indiquions tout à l 'heure: ceux qui enassument la responsabil i té auraient souvent horreurd'eux-mêmes, s'il leur était donné d'en entrevoir toutesles conséquences.

De peur de contrecarrer , comme eux, quelque granddessein du Seigneur, soyons d'une extrême fidélité à

résister au x inf luences du m on d e et au x a tt aq ues desimpies ; dès que la cause de D I E U est en jeu, ne craignons ni leurs mépris, ni leurs sarcasmes, ni leursmanœuvres, ni leu rs com plo ts, ni le ur vi ol en ce s. Réjou issons-nous au contraire, avec nos pères les saints Apôtres,d'être « jugés dignes de souffrir pour le nom de J É S U S (1).-C'est une grâce, nous dit l 'Apôtre saint Pierre, que d'avoir

uubirinjustement des afflictions et des épreuves pour rester

fidèle à D I E U . Où est la gloire de souffrir l'outrage si on l'a.

mérité en faisant le mal ? Mais si, faisant le bien, vous portez

(1) Digni habiti sunt pro nomïne JESU contumeliam pati. (Act:

v,4 1 . )




p a t i e m m e n t l a p e r s é c u t i o n , v o i l à u n v é r i t a b l e t r é s o r d e v a n t .D I E U . C ' e s t l à v o t r e v o c a t i o n ; c a r l e C h r i s t a souffert le p r e

m i e r p o u r n o u s , n o u s l a i s s a n t s o n e x e m p l e , afin que nou$> s u i v i o n s s e s t r a c e s (1). »

Saint Pierre ajoute: « V o u s ê t e s b i e n h e u r e u x s ' i l v o u s a r r i v e d e souffrir q u e l q u e c h o s e p o u r l a j u s t i c e ( 2 ) . » Et encela il étai t l'écho fidèle do son Maî tr e e t de son D I EU , ,

qui couronnait les huit b é a t i t u d e s par ces divines paroles : « V o u s s e r e z h e u r e u x l o r s q u e l e s h o m m e s v o u s h a ï r o n t ,

e t l o r s q u ' i l v o u s r e p o u s s e r o n t e t l o r s q u ' i l s v o u s m a u d i r o n t ,e t l o r s q u ' i l s r e j e t t e r o n t v o t r e n o m c o m m e m a u v a i s , à c a u s e d u F i l s d e l ' h o m m e ! O u i , v o u s ê t e s h e u r e u x , q u a n d i l s v o u s d é t e s t e r o n t , e t q u a n d i l v o u s p e r s é c u t e r o n t , e t q u a n d ils

d i r o n t e n m e n t a n t t o u t e s s o r t e s d e n i a i c o n t r e v o u s , à c a u s e de - moi . (3J. »

C'est cette dernière et amèrc béatitude que saint Ignacemouraut a demandée comme une faveur insigne poursa chère Compagnie de J É S U S ; les pauvres Jésuites savents'il a été exaucé ! Et c'é ta it auss i ce tte béa ti tude quesai nt Fr anç ois de Sales décla rai t ch ér ir plus partic ulière ment. Seuls, les amers sont toniques; et dans l 'ordre de

l'amour et de la vie éternelle, les Saints aiment le tonique.

(1) Hœc est enim gralia, si propter DEI conscientiam suslinetquis Iristitias, paliens injuste. QUED enim est glorîa, si peccanleset coiaphizati suil'erlis? secl si bene facientes patienter sustinetis,hœcest gralia aputJ DEUM. in hoc enim vocati esLis : quia el Chris-tus passus est pro nobis, vobis rel inquens exemplum, ut sequa-mini vesligia ejus. (I Episl. u, 19-21.)

(2) Si quid patimini propter jusLiiiarn, beati. (lb.,m, 14.)(3) Beati oriLis, cum vos ocierinl homines, et eu m separaverint

vos, et exprobraverint, et ejecerint nomen vesirum tanquammalum, propter Filium homin.s. (Ev. Luc. vi, 22.) Beati esLis,cum maledixerint vobis, et perseculi vos fuerint, et dixerintornne malum adversum vos mentienles, propter me. (Ev. Matth.v , i l )



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I . .771'

Apprenons d'eux à l'estimer aussi, afin de croître en JÉsus-filIKIST.

Comment les vrais chrétiens sont des Victimes de charité,par rapport aux pauvres et aux malheureux.

Notre-Seigneur aim e tous ses en fan ts ; ma is son SacréCœur a u n a m o u r de préd ile cti on pou r les pe ti ts , pour lespauvres, les délais sés, les m a lh e u re u x de toutes so rtes. Ilcommunique cette sy mp at hi e divi ne à ses vr ai s ser vi te urs ,(il c'est elle qu i de pu is di x-h uit c en ts an s in sp ir e ces p ro diges de charité, de dévouement chrétien à l'égard de tousceux qui souffrent .

Les oeuvres su rn at ur el le s de ch ar it é ont été, eu m ê m e

temps que les miracles proprement dits, le caractère dis-linctif des chrétiens, dès l'origine de la prédication apostolique. Pressés par l' am ou r de J É S U S - C H R I S T , ils se donnaient tout en ti er s les u n s au x au tr es ; les ric hes sa cr if ient leurs biens au soulagement de leurs frères pauvres;ils recueillaient les veuves, les orphelins, les abandonnés ;

ils no ur ri ss ai en t et vè ti ss ai en tl es in di ge nt s ; et les paï en sébahis, ne comprenant r ien à cette nouveauté, se disaient les u n s au x a u t re s : « Voyez co mme ils s ' a im e n t !»

Auj ourd 'hui co mm e jadis, les véritables ch rét ie nsaiment les pauv re s, po ur l' am ou r de J É S U S - C H R I S T ; ou,pour m i e u x di re et po ur alle r ju squ 'a u fond de leur s âm es

baptisées, c'est J É S U S - C H R I S T qu'ils aiment dans les pauvres ; c'est pour J É S U S - C H R I S T , voilé dan s les pa uv re s,qu'ils sacrifient avec bonheur leurs biens, leur temps, leursanté, quelqu efois m êm e leur vie . Ce qu 'o n n ' a u ra i t

jamais le coura ge de faire pou r un h o m m e , on le faitaisément pour J É S U S , pour le bon D I E U . Les Vi ct im es de la




char i té e ldu dévou ement aux ma lh eu re ux ne sont,au fond,que les Victimes du saint amour de J É S U S - C H R I S T .

Nos Sœurs de Charité qui couvrent le monde aujourd'huiet l ' embaument , comme des fleurs vivantes, du mystiqueparfum de leurs dévouements et de leurs ver tus , quesont-elles, sinon de bienheureuses victimes, immolées,sacrifiées incessamment à l ' amour des pauvres par le divinMaître qui vit et qui opère en elles? Combien, parmi cessaintes filles, auraient joui dans le m o n d e de toutes lesdouceurs de l 'opulence et des joies si bonnes de lafamille !et qui, vouées au service des pauvres , des enfants dupeuple, des malades , des prisonniers , passent leur viedans l 'atmosphère nauséabonde d'un hôpital, d'une prison,d'une pauvre école, d'un asile de vieillards, d' incurables,d'aliénés ! Elles y usent leur santé ; la charité abrège leurs

jours ; on en voit souvent mourir à la fleur de l 'âge, emportées par les épidémies, par les maladies contagieusesque la char i té chrét ienne et religieuse leu r a fa it affronter.Elles sourient à la mor t ; elles ont bien raison ; ca r pources Victimes de l 'amour fraternel , comme pour les Victimes de la persécution et de l ' impiété, la mort, c'est le

témoignage suprême de leur amour envers J É S U S , etla plus belle, la plus magnif ique couronne de cet amour .

Et les petites Sœurs des pauvres ! et toutes nos Sœursd'école ! et nos humbles et excellents Frères des écoleschré t iennes , qui presque tous meurent à la fleur de l'âge,usés, exténués par les fatigues de leur laborieux minis

tère ! Il en est peu, me disai t naguère un ancien, quiatteignent leur trentième année. Faire l 'école, cela use;mais on a le b o n h e u r de mou r i r pour J É S U S - C H R I S T , et l'on'va plus vite au ciel. »

Et dans la S o c i é t é d e S a i n t V i n c e n t d e P a u l ! et dans ces

mille associations de Dames de Charité, où toutes les mi-




sères humaines sont secourues, servies avec une tendresse ma te rn el le ! qu e de dé vo ue me nt s sec ret s, qu ot idiens, que le bon D I E U laisse quelquefois éclater au grand

jour, afin de confondre les en nem is de l'Égli se, d' en co urager et d' exci te r les cceurs tièdes , de conso ler les m a l heureux, et de glorifier la charité de J É S U S dans ses humbles et zélés serviteurs !

On me citait à Pari s, un e sai nte dame qu i, pa r u n echarité héroïque, s'était réduite à une gêne voisine de la

mis ère: elle était ve uve, et avai t e nv ir on v in g t mil lelivres de r en te . Elle en donna pl us de la moit ié pour u n efondation importante ; puis, pour une autre bonne couvre,elle d o n n a la moit ié de ce qui lui r est ai t. Peu à peu, àforce de donner, elle en arriva à ne plus avoir pour elle-même que douze cent s francs de r e n t e ; pu is mi lle , pui s

enfin six c e n t s ; et elle était obligée de tra va ill er pourmettre, comme on dit, les deux bouts ensemble.J ' en ai con n u une au tr e, une sain te da me de Charit é,

qui mourut à vingt ans, après s'être signalée déjà par devrais prod ig es cle misér ico rde , de dév ouem en t ch ré ti en .Klle appart enai t A la plus haute société; elle avait deux cent

cinquante mille l ivres de rente. Chaque matin, aprèsavoirco mm un ié , elle allait chez les pa uv re s m a l a d e s ; elle lessoignait de ses mains; elle faisait leurs lits, balayait leurschambres, se faisait leur servante, et leur rendait, pourl'amour de J É S U S , les services les plus rebutants. Une fois,elle fut surprise par la Sœur du quartier, de qui je tiens

le fait, en flagrant délit de ce tte char i té héro ïque e nversune vieille pa uvre sse, te ll em en t cou ver te d'u lcè res et decroûtes et de vermine, que personne n'avait le couragede l ' ap pr oc he r. Depuis deux g ra n d s mois, la d am e deGharité venait tous les jours la panser de ses propresmain s, la lave r, la soigne r, com m e une mère soigne son



57-1 LA PIÉTÉ ET LA VI E INT ERI EURE

enf ant ; nt pe nd an t tout ce te mp s, cette abominab levieille femme injuriait sa bienfaitrice, ne trouvait riende bien , no taris sait pas en ex ig en ce s et eu re pr oc he s;elle allait même jusqu'à blasphémer. La charité de lapieuse dame finit cependant par tr iompher de cette méchancet é ex tra ordi na ire . Un bea u jour , la misérablefondit en larmes, demanda pardon et supplia sa visiteusede lui amener un prêtre. Quelque temps après, elle mourut chrétiennement, et la sainte dame se crut largement

payée de tout ce qu'elle avait souffert. Ces sortes dodévouements sont moins rares qu'on ne le pense.La vie des bons prêtres en est émaillée. Ils passent leur

temps à servir, M consoler les ma lh eu re ux . Saint F r a n çois de Sales se sacrifiait constamment pour les pauvreset po ur tous ceu x que le m o n d e re po us se . On lit dans

sa Vie. qu'il avait o rd onné aux prê tr es et a u x Religieuxde sa ville épiscopale « d' en voy er à son confessionnaltous les pa uv re s et les mis ér ab le s, ains i qu e tous ceuxqui étaient affligés de maladies repoussantes, comme lesch ancre ux et les pun ai s. Ce sont l à. disait-il, mes ouaillesde pr éd ile ct ion; je les ve ux pou r mo i, pa rce qu e ceux-

là sont ordinairement plus délaissés et plus dépourvus del' in stru cti on et des con sol ati ons si nécessa ires à leurétat ( i ) . »

Oui, Not re-Se igncur nou s dévoue au lab ori eux servicedes pauvres et de tous ceux qui souffrent , et il nousor do nn e de nous y co nsu mer pour l ' am ou r de l ui. C'est

lui qui nous im mol e ain si par le g la ive doré et resplendi ssan t de la sa in te chari té ; c'e st lu i, l'ami et le Pèr e despauvres, des petits, des délaissés, qui veut faire de chacun de ses membres mystiques une belle Victime dech ari té, sacrifiée au so u la gem en t de tou tes les misè res .

(1) Vie de saint François de Sales, par Percnnès, liv. V.



NOS GRANDEURS EN JÉ SU S. — III 575

Pourquoi les Prêtres et les Religieux sont particulièrementdes Victimes et des Hosties en JÉSUS-CHRIST.

Parce qu e ce son t des sa uv eu rs , et qu' à l 'ex emp le duSauveur, ils ne sauvent le monde qu'en se sacrifiant pour

• lui. Les prê tr es et les Re lig ieu x sont des Vic time s vou ées

au sacrifice, à tous les poi nts de vue que n ous ve nons d'indiquer : à un degré supérieur et spécial, par suite de leurvocation m ê m e et de leur un ion plus in ti me av ec J É S U S

crucifié, ils so nt des Vi ct im es d' am our , des V ic times depénitence et d'expi ation, des Victimes de ch ar it é fr at er nelle, immolées au salut dps âmes, à la conversion des

pécheurs, au x in té rê ts de la sa in te Égli se, aux in té rê tsde toutes les mi sè res h u m ain e s . Ils sont tout cela parvocation, et ils doivent l 'être très parfaitement, à l 'exemple de J É S U S , puisq u' i ls se vo ue nt v ol on ta ir em en t à laperfection chréLienne et évangélique. Et à cause de cela,l'ennemi de J É S U S et de l 'Église, l 'ennemi des âmes, le

père du mal , le ma lfa it eu r un iv er se l, Sat an les po ur su itd'une ha in e toute spécial e et soulève co nt re eux toutesles passions des hommes. Cette persécution, cette immolation du p rê tr e, du Re lig ieux , est im pl ac ab le et pe rm anente ; tant que le prince de ce monde ne serapoint jetédehors, elle sévira sous une forme ou sous une autre, et

constituera les chefs de l 'armée chrétienne, les pasteursdu tro upeau du Chr ist, et tous les zé la teur s de la pe rfe ction évangélique, dans un état de victime, aussi redoutable à la nature, qu'il est noble et sanctifiant au point devue de la grâce.

Tout vra i prê tr e, to ut vr ai Religieux s'offre ch aq ue




jour en sacrifice pour la gloire de J É S U S - G I I R I S T et pour lesa lu t du m onde . Du h au t de la cro ix ou il d em eu re crucifié avec J É S U S - G I I R I S T , il répète avec le grand Apôtre:

« Je m ' i m m o l e , y affronte t o u s l e s s a c r i f i c e s , d a v s l ' i n t é r ê t dev o t r e f o i ; e t j e m ' e n r é j o u i s , e t j e v o u s e n f é l i c i t e t o u s . Et

v o u s a u s s i , r é j o u i s s e z - v o u s a v e c m o i , e t f é l i c i t e z - m o i (1). »En effet, la gloire de D I E U et le salut des hommes dépendent de la perfection de ce grand sacrifice permanent des 1

envoyés, des continuateurs de J É S U S - C H R I S T , lequel, par

le ur min is tè re et p a r les tr av au x de leur zèle, veut répan dre sur toute la te rr e, appl iq uer à tous les hommessan s exception le bien fait de la ré dem pt io n di vi ne .

En nous, prêtres et consacrés, J É S U S continue son étatd'Hostie, de Victime ré de mpt ri ce . Quel h o n n e u r ! quellegloire sainte ! quel motif pour ne re cu le r de va nt aucune

peine, dev ant au cu ne im mo la ti on , lorsqu'il s'agit derendre gloire à D I E U , d'étendre le règne du Sauveur, defaire du bien à nos frères ! La vie des saints Prêtres etdes sa in ts Re lig ieux n' es t au tr e cho se que ce sacrificesa lu ta ir e, mi s en pr at iq ue à chaque i ns ta nt du jo u r et dela nuit. Plus on se sacrifie, meilleur on est.

Grâces à D I K U , le nombre de ces Victimes bénies augmente de toutes parts, sous la triple influence de l'amourdu Sa in t-S acr em ent, du Sacré -Cœu r et de l ' am ou r de laVierge immaculée. Que de saints prêtres n'y a-t-il pasau jo ur d' hu i da ns l 'Église ! que de s aint s Religieux dansnos co uv en ts ! A me su re que l ' i mpiété m en ace davantage

la sainte Église, Notre-Seigneur semble vouloir multiplierles motifs d'e spé ran ce.

Immolons-nous ! ne craignons pas de nous user. Pasteurs

(1) Et si immolor supra saorificium, et obsequium fidei vestrœ,gaudeo, et congratulor omnibus vobis. Idipsum autem et vosgaudete, et congratuJamini mihi. (Ad Philip, n, 17, 18.)



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I U . 577

XIV

et apôtres des âmes, donnons-nous tout entiers, sans rienréserver, sans même penser aux fatigues; dépensons-nous, consumons-nous, pour l 'amour de notre Maître.

Usons-nous dans la prière, au pied des autels, dans l'adoration, dans le service et les louanges du D I E U de l 'Eucharistie ; usons-nous dans le travail de la parole et de l'enseignement évangéliques, en chaire, dans le catéchisme,dans les miss ions , au con fes sionnal, pa rtou t. Usons-nousdans l'étude de l'unique nécessaire, qui est J É S U S - C H R I S T ;

dans l'a cquisi tion de la sc ienc e des Sa in ts , de la v ra iethéologie, de la connaissance de D I E U et de no us -m êm es.Imitons les Saints. On lit, dans les Mémoires contem

porains, que saint François de Sales ne regardait jamaisà sa pe in e, d u j m o m e n t qu'il s 'agissait de faire connaître, serv ir et ai m er No tre -Se ign eur. Pr êt re c o m m e

Évoque, Évoque comme prêtre, il ne s'épargnait en rien :plus d 'u ne fois il r ev in t de ses courses apos to liq ues ay an tles mains , les pieds et les j am b e s tout en sang . « D I E U

m'est si bon, disait-il lui-même, qu'il fait tous les soirsune espèce de miracle en ma faveur ; quand je me relirele soir, je suis si ab att u que je ne puis faire aucun usage

ni de mo n co rps ni de mon espr it , t a n t j e sui s las departout. Le matin, cependant, je me sens une vigueur etune activité toutes nouvelles. »

Pendant son séjour à Paris, qui fut d'environ huit mois,il fut tel le ment d emandé de tous côtés, qu 'i l lu i falla itprêcher pr es qu e tous les jo u rs . Ces tr av au x mu lt ip li és ,

joints à t an t d'a ut re s qu'il en tr ep re nai t avec la m ê m eardeur, faillirent lui coûter la vie. Il tomba gravementmalade; et comme, dans sa convalescence., on lui représentait qu'il entreprenait au delà de ses forces, il réponditavec une s ainte fe rv eur : <x Ceux qui sont par es tâ t lalumière du m onde doivent , co m m e les flambeaux, se




co ns um er en esc lai ran t les au tr es . Si vo us voulez que jepresche moins souvent, il faudra me constituer un vicairepour refuser, car je ne sçaurais le faire moy-mesmc. Nese faut-il pas fondre co rps et â m e pour ce ch er procha inque Nostre-Seigneur a tant aymé qu'il est mort d'amourpour luy (1) ? » f

Saint Alphonse de Liguori en faisait et en disait autant.Pour pouvoir contenter tous ses pénitents, il ne prenaitque que lques bouchées de pa in , et cela se u le ment fort

tard , quelquefois m ê m e après la ré cr éa ti on . On accourait à lui des quartiers les plus éloignés de Naples; et,quand il finissait son adoration auprès du Saint-Sacremen t, exposé po ur les Qua ra nt e- Hcu re s, il était toujourssuivi d'un bon nombre d'hommes, dont il entendait lesconfessions pen da nt plusieurs he ur es d e l à nui t .

A la suite de ces grands martyrs du confessionnal et dutravail des âmes, il y en a un grand nombre de petits quise con su me nt jo ye us em en t eL sa in te me nt da ns ce pénibleministère. Il y en a qui, chaque jour, confessent cinq, six,sept heures; qui, les samedis et les veilles de fête, entrent

•au confess ionnal avant le jo u r et n 'e n sortenL que bien

avant dans la nuit; ils ont à peine le temps de dire leur.Messe, de réc ite r leur br év ia ir e et de p rendre à la hâte'un peu de nourriture. Après les fêtes, après l'Avent et leCarêm e, on les voit ex té nués ; plus d'u n to mb e malade,et contracte là, au confessionnal, le germe de maladiesqui l 'emporteront un jour. Glorieuse Victime sacerdotale,,

qu i re tr ou ve ra le prix de ces fa ti gu es dan s un délicieuxet éternel repos !

Et les pauvres prêtres, les missionnaires, qui, à forcede prêcher et de catéchiser, d' instruire, d'exhorter, de

(l) Liv. VI et VIL



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I , 579

poursuivre les pécheurs, deviennent poitrinaires et meurent da ns l 'angoisse ! quel m ar ty r e enco re qu e celui-là !

L'imm ola tion volon tai re du pr êt re et du Relig ieux ,

voilà le sec ret de la fécondi té du mi ni st èr e pa sto ral etapostolique. Du serviteur comme du Maître, il est vrai dedire : « S i le g r a i n d e f r o m e n t n e t o m b e d a n s l a t e r r eet n ' y m e u r t , i l r e s t e s e u l ; m a i s , s ' i l m e u r t , i l p r o d u i t d e s

f r u i t s a b o n d a n t s . » Un jour, un bon prêtre se plaignaitau curé d'Ars de ne pouvoir changer le cœur des parois

siens. « Vous avez prié , lu i ré po nd it g r a v e m e n t le sai ntho mm e : vous avez pl eu ré , vous avez g ém i , vo us avezsoupiré. Mais avez-vous jeûné? avez-vous veillé? avez-vous couché sur la dure? Tant que vous n'en serez pasvenu là, ne croyez pa s avoir tout fait (1). »

Faisons tout ce que nous pouvons, tout, absolument

tout. Oh! qu'il y a peu de prêtres, même parmi les meilleurs, qui fassent véri tablement t o u t ce qu ' i ls peuvent!Ils en font beaucoup ; mais peut-être pas assez encore. LePrêtre des Prêtres, le Pasteur des pasteurs, l 'Apôtre desapôtres, J É S U S , notre adorable Maître, a sacrifié jusqu'àsa vie ; et, po ur glorifier son Pè re , p our sa uver et s anc

tifier les h o m m es , il a ve rsé jusq u 'à la d er n iè re go ut te deson sang ; rega rdon s- le su r sa cro ix : vo il à la m esure del' immolation sacerdotale ; A 'oilà le type du prêtre : Prêtreet Victime, Victime jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort dela Croix.

0 mon D I E U , que votre Église serait do nc res ple nd issante, si tous vos pr êt re s s ' im mo la ie nt c o m m e vo tre Filset pour l'amour de votre Fils !

(ii Vie du curé d'Ara, liv. V, ohap. v..




Que les Religieuses, surtout les contemplatives,

sont des Victimes toutes puissantes devant Notre-SeigneurJÉSUS-CHRIST.

La vie con tem pla tiv e est sup ér ie ur e à la v ie ac ti ve ; sila part de Marthe est bonne, celle de Marie est excellente,

est parfaite. La vie contemplative est ici* bas une petiteéb au ch e, une au ro re de la vis ion i ntui tive et de l'unionbéatifique, en quoi consiste le ciel. Aussi les Religieusescontemplatives, qui répondent à leur vocation, sont-ellesdans un état de sainteté supérieur à celui des autres âme9qui fleurissent dans le parterre de l'Église. Parmi les Reli

gieuses vouées à la vie active, il peut y avoir des âmesplus sainte s, plus élevées en grâ ce que parmi les Religieuses contemplatives ; mais cela n'empêche pas la vocation de celles-ci d'être supérieure à la vocation de celles-là. L'état idéal de la perfection est, comme l'observe saint-Thomas, celui dont Notre-Seigneur et sa sainte Mère

nous présentent le modèle, à savoir l 'union intime de lacon tem pla tio n et de Factio n.

Le monde ne comprend rien à l'utilité, à la nécessitémême de la vie religieuse contemplative. Il ne comprendrien à la co nte mp lat ion des my st èr es de J É S U S , à la méditation solitaire et amoureuse de la vérité, à la retraite des

cloîtres, à la vie silencieuse d' un a m o u r su rn at ur el sanspa rt ag e, et d'un e priè re qui ne cesse ni j o u r ni nuit .Chose déplorable ! ce sont les siècles et les pays qui ontle plus besoin du secours d'en haut qui comprennent lemoins la nécessité d'u ne pare ille inc ercess ion au pr ès deD I E U . Sans savoir po urq uo i, peu t-êt re par u n inst inct




secret du démon, ils détestent ces maisons de mortification et de pri ère , d'où s 'éc hap pen t, silencieuses, ma isinvinc ib les, les forces qu i ai de nt l 'Eglise à sa uv er lemonde. La manifestation extérieure, le mouvement actif et visible de la ch ari té ch ré ti en ne ga rd en t leurs att rait s,même aux époques les plus troublées; mais la notion dela ch ar it é da ns sa fo rme la plus su rn at ur el le , l 'attit udede Moïse en prière sur la montagne pendant le combat,ou de Marie-Magdeleine assise au x pieds d u Sauve ur , le

sacrifice à sa plus haute puissance, la continuation parles àmcs privilégiées des immolations de Gethsémani etdu Golgotha, ne sont plus comprises que d'un très petitnombre. Gomme si l 'œuvre de notre rédemption eût étécomplète par les seules œuvres de miséricorde extérieuredu di vi n Maître ! co m m e si, da ns l'agonie et sur la Croix,

J É S U S , n'avait plus fait pour la gloire de D I E U et le salutdu monde, qu'en rendant la vue aux aveugles ou la santéaux malades !

L'action et la contemplation, Marthe et Marie, sont tou jours, l 'une assise, l 'autre empressée et laborieuse, autourde Notre-Seigneur. Elles sont sœurs, et, dans l 'union d'un

même amour, elles travaillent, elles prient, elles se consument et s ' immolent pour glorifier D I E U et sauver, sanctifier le monde. Mais, dans cette union, il y a subordination; et le ministère le plus excellent, le plus efficace,le plus puissant sur le Cœur de J É S U S , ce n'est pas celuide Marthe, c'est celui de Marie.

Oui, la Relig ieuse contem plati ve est Vi ct im e pa r excellence. À chacune de ces âmes, élues entre mille et entredix mille, le Sauveur peut dire, comme jadis à la Bien*heureuse Marguerite-Marie, de la Visitation : « Souviens-toi que c'est un D I E U crucifié que tu as épousé ; c'e spourquoi il te faut rendre conforme à lui, en disant adieu



582 L A P I É T É E T L A V TE I N T E R I E U R E

à tous les plai si rs de la vie ; ca r il n 'y en au ra p lu s pourtoi qui ne soit traversé par ma croix. »

Il en coû tai t be au co up , pa raît-il , à la Bi en he ur eu se des 'ab and onn er ainsi en ti èr em en t pou r être un e hostied' i mm ola tio n. « Je ch er ch e une Vi cti me , lui disait Notre-Sei gno ur; j e ch er ch e u ne Vi cti me pour m o n Cœur. »Et elle, tou te pénétrée de son in di gn it é, se pro ste rna ith u m b l e m e n t à ses pieds, et lui pré sen tai t plu sie urs saintesâmes , qu'el le cro yai t plu s cap ab les de rép on dr e à ses

desseins. Mais lui : « Non, je n'en veux point d'autre quetoi, et c'est pour cela que je t'ai choisie. »La Su pé ri eu re o rd onna à la Bi en he ur eu se de faire une

co mm u ni on spéciale po ur ob ten ir un parfait acquie scem e n t à la voca tion redou tab le que lui pro posai t son Sauveur. Elle se présenta donc à J É S U S euchar is t ique comme

une hostie d'immolation, et il lui dit: « Oui, ma fille, jete donnerai une nouvelle vigueur, mais pour t ' immoler àde nouveaux sacrifices ( 1 ) . » Et en effet, la vie de la Bienheureuse Marguerite-Marie fut une constante immolationde tout son être à la justice et à l'amour de D I E U , en réparation des péchés, dans l ' intime union avec le Sacré Cœur

de J É S U S .

Proportion gardée, il en est ainsi de toutes nos Carmélites, de toutes nos saintes pénitentes; de ces centaineset de ces mi ll ie rs de bi en heu re use s âm es , qu i viv en t touten D I E U , à l' om bre bienfai san te du clo ître . Elles so nt là,dans la paix de D I E U , tout en J É S U S , qui leur fait trouver

douces et délicieuses les au st ér it és de la p au vr et é, de lachasteté et de l 'obéissance monastiques. Elles pleurentpour ceux et celles qui ne pleurent pas ; elles prient pour

€eux et sur ceux qui oublient de prier; elles demandent

(1) Vie de la Bienheureuse, liv. VIII et XIV.




et elles obtiennent miséricorde pour les crimes publicset privés, pour les blasphèmes, pour les violations incessantes de la loi divine ; elles détournent la foudre prête àfrapper ; en un mot, dans le silence et l'obscurité de leursmonastères> elles sauvent l'Église, elles sanctifient lesprêtres e t les fidèles, elles ob t ie nnent des Saints, ellespara lysent les efforts de Sa ta n et de ses su pp ô t s ; ellesgarden t le Pap e, le Saint-Siège, qu'el les a i m e n t toutessou ver ain eme nt, par in st in ct de grâce ; en un mo t, elles

sont, dans Tordre secret et intérieur, ce que sont, dansl'ordre extérieur et manifeste, les généreux défenseurs dela bonne cau se , les zouaves de l'Église, les tr oupe s d'élitede J É S U S - C H R I S T .

J 'assistai na gu èr e, à son de rn ie r pas sag e, u ne sainteReligieuse de la Visitation, âme innocente et fervente s'il

en fut. Elle en tr ai t en ag on ie . « Ma ch ère Sœ ur, lui di s- je / offrez vos de rn iè re s souffrances et vo tre vie e ll e- mêm epour le Pape, pour le salut de Rome, pour les immensesbesoins du Saint-Siège et de l'Église, N'est-ce pas quevous le faites vo lo nt ie rs? — Oh ! oui, me ré pond it doucem ent la m oura n te , je le fais de bon c œur . Cependant,

j'ai un peu peur; car je sais ce qu'il en coûte. Autrefois,il m 'a rr iva i t sa ns cesse de m'offrir ain si au bo n D I E U enVictime d'adoration et de réparation, pour le Saint-Père,pour le salut des âmes et la conversion des pécheurs. Unbeau j o u r , No tr e-S eign eu r m ' a prise au mo t ; et, ajoutaitla pauvre enfant avec une sorte d'épouvante, j 'ai tant

souffert! » Elle dit ensuite, tout haletante : « Je n'ai plusde force. Je* su is à bout. — Oui, lui répondis-je ; le c ie rg en'a pl us de ci re . Tout a passé en lu miè re et en fl amme;et vou s allez re tr ou ve r vo tre vie tout ent ière , m a Sœ ur ,d an sla gloire de Not re-Se ign eur, pour l 'am ou r d u qu el v ou s vousêtes co ns um ée . » Quelques he ure s aprè s, elle co ns o mm a

son sacrifice, en m u r m u r a n t : « J É S U S ! mon amour! »




Nos Religieuses sont les innocentes Victimes qui préser ve nt le mo nde, qui vi de nt le Pu rg at oi re et qu i fécondentmervei l leusement l 'Égl ise .

De JÉSUS-Hostie, modèle des chrétiens, au Saint-Sacrementde l'autel.

L'adorable Victime du Calvaire, ressuscitée et glorifiée,est avec no us tou s les jo u rs ju sq u ' à la co ns om ma ti on dessiècles, sous les voiles de l'Eucharistie. Là, J É S U S représente incessamment, c est-à-dire rend de nouveau présent,sous une forme mystique (1) et non sanglante, le sacrificesanglant que, pour l 'amour de nous, il a consommé surle Calvaire. Sacrifice et sacrement, l 'Eucharistie nous

rend présents à la fois et le sacrifice du salut et la Victime du salut.« Notre-Seigneur J É S U S - C H R I S T , disait saint Augustin,

est notre Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech; ils'est offert lui-même eu holocauste pour nos péchés, et,en mémoire de sa Passion, il nous a légu é, avec l'ordre

de la célébrer, la reproduction de son sacrifice; et par là,le sacrifice que Melch isédech offrit à D I E U , nous le voyonsau jo ur d 'h ui offert dans l'Église du Chris t, su r toute lasurface de la te rre (2). »

C'est donc une Victime, c'est la Victime par excellenceque 1« Providence de D I E U propose incessamment aux

regards, aux adorations, à l'amour de tous les fidèles,afin de le ur apprendre à l'imi te r et à se sacrif ier avecelle. « Imitez ce que vos m a in s vont t oucher, » ditl'Église aux no uv ea ux prê tr es . Elle peu t di re à tous ses

(1) Mystique* c'est-à-dire mystérieuse, dans Tordre du mystère*

(2) Lib. quœst. r.xxxui, quœst.L

I.



NOS GRANDEURS EN JE SUS. — III. 585

enfants : « Imi tez ce q ue v ous voyez! imitez ce q ue vousrecevez! imitez JÉsus-Hostie, JÉSUS - V i c t i m e , et immolez-vous saintement avec lui. »

Au Saint-Sacrement , J É S U S est une Victime d'amour,toute consumée, toute passée dans le feu du Saint-Esprit,qui est l 'A mou r m ê m e ; d e sorte que, com m e dit sa in tPaul, « i l e s t d e v e n u p o u r n o u s l ' E s p r i t v i v i f i a n t (1). » Il esttout amour. Imitons-le, et soyons, comme lui et en lui,de très pures Victimes tout embrasées par la charité.

Du haut de ses autels, du fond de son tabernacle, JÉsus-Hostie rayonne l'esprit de sacrifice sur les âmes pures etaimantes. Une pieuse dame, éprouvée par toutes sortesde pe in es , m écrivai t n a g u è r e : « On est bien he ur eu xd'aimer J É S U S et de souffrir à ses pied s. To ut à l' heu re

j 'arrivais à l 'église pour faire mon adoration; je me

sentais tout alourdie, toute triste : j 'ai tant à porter de lapart des autres! et moi-même, en mon âme et en moncorps, j 'en ai si lourd à porter! Mais voici que j 'entre àl 'église; j 'arrive devant le Tabernacle; et là, instantanément, je comprends que j 'ai à faire quelque chose debien meilleur que de tâcher de n'être pas accablée, de

n'ê tre pas tri ste : c'est de souffrir pour le bon D I E U etpour les âmes. Et aussitôt, aux pieds de mon bon Maître,la souffrance, la souffrance des pe rs éc ut io ns do me st iq ue s,la souffrance du cœur, la souffrance du co rp s, tou te souffrance, m'est apparue sous son vrai jour, entourée d'unebeauté qui m*a ravie. Je n ai plus rien senti, rien vu que

cette beauté surnaturelle, avec le désir que mon D I E U

daigne m 'a im er toujo urs assez po ur me faire beau co upsouffrir. » — S i no us faisions bien nos adcra t io ns et sinous en tend ions la Messe co m m e il fautt nous rapp or -

(!) Factus est in Spiritum vivificantem. (I ad Cor. xv, 45.)




lerions de l'église ce môme esprit; et la plus excellente!ferveur métamorphoserait bientôt notre pauvre vie sitiède, si lâche, si insign ifi an te , si atTaissée su r el le -m êm e.

Au Saint-Sacrement , J É S U S est une Victime permanente d'adoration, d'actions de grâces, de supplication etde propi tia tion po ur son Égli se ; il est là, toujours vivant,pour in te rc éd er en no tr e faveur ; il est là, co m m e livré etab an do nn é, sinon au x colères et à l ' im pié té des ho mm es ,du moins à leurs oublis navrants, à leur incroyable indif

férence; il est là, consolateur de tous les affligés, soutiende tous les infi rmes, l ' am i de tous ceux qui n'o nt pointd'ami ; il est là, dans le silence et la retraite de son Tabernacle, occupé, comme dans un cloître, à prier et àsupplier pour l 'Église et pour le monde entier.

Imitons-le. 0 mon D I E U , quel exemple que JÉsus-Hostie !

quelle re l igi on! quel an éa nt is se me nt ! quel le hu mi l i té !quelle douceur! quel s i lence! quelle charité!

Gomme, dans la sainte Hostie, Notre-Seigntmr a unevie à mener , un sacrifice à offrir ; ai ns i, en c h a c u n denous, ses mem br es viva nt s, il a une vie à m en er, unsacrifice à accomplir. « 0 mon enfant, disait un jour ce

divin Maître à une àm e qu' il vis ita it so uv en t ; ô monenfant, nous avons ensemble une vie, un don, un sacrifice : la vie, c'est moi ; le don, c'est toi et moi ; le sacrifice,c'est moi et toi. Mais, pour cela, je veux que tu deviennestout amour, comme moi-même. Je veux faire de toi uneeu ch ar is ti e. — 0 Se ig ne ur ! c'est tro p gr an d po ur moi.

— Si tu dispa rais co m m e le pa in , qu 'y a-t-il de tropgra nd, pui squ e la g ra ndeu r, c'est moi ? Or je te chasse,

je chasse ta vie naturelle, imparfaite et terrestre ; et jela remplace par ma vie toute sainte, toute céleste, toutedivine. Je veux être tout en toi, comme je le suis dansl'Hostie consacrée. Je veux que la substance de ma vie



NOS GRANDEURS EN JESUS. —HI. 587

remplace la su bs tance de la ti en ne : pensées, désir s,affections, volontés. Je veux que là, en toi, en ta vie, entes ver tus , en tes ex em pl es , en tes pa ro les, en tes œuvre s,

on puisse se nourrir de moi. Oui, je veux faire de toiune sainte Eucharistie. »0 Sa uv eu r ! dan s quel degré de pure té vous voulez voir

devant vous l'host ie de m o n âm e ! Vous l'appelez à seprésentera chaque instant, nue, silencieuse, vide d'elle-même, donnée, abandonnée, immolée, immobile, mais

active q uan t à l ' amour ' et au sacrifice ! Quel est lesacrifice que je pourrais vous refuser, à vous qui vousêtes fai t po ur moi tout e nt ier sacrifice (1) ?

L'amour du Saint-Sacrement est le soutien, en mêmetemps qu e le t ém oig nage de l'espri t de sacrifice et devictime da ns une âm e. La Bi en he ureu se Marg ue rit e-

Marie en était tout embrasée A son réveil, elle éprouvaitune soif si ar den te d'a ller se pr ost er ner dev an t le Saint -Sacrement, que les moments lui semblaient des heures.K Je m'en vais, disait-elle, comme une malade languissante, me présenter à mon Médecin tout-puissant. Je metiens à ses pieds co m m e u ne hostie v ivante , qui n'a

d'autre désir que de lui être immolée et sacrifiée, pourme con su mer en ho locau ste dan s les pu re s flammes deson amour (1).

(1) Quod sacrificium quœret (Ghristus), qui,ut tequsercret , sacri-flcium factus est ipse. (S. P. Chrys. Serm. 286.)

(2) Vie de la Bienheureuse, ch. xi.




Comment la vie intérieure et la sainte Communionnous établ issent nécessairement dans l'état sacré de Victimes.

Les âmes qu i, « douées du sens du Chri st (1), » ont lebonheur de vivre de la vie intérieure et de se nourrirhabituellement de la sainte Eucharistie, s 'obligent par

là mê me à s' im mo le r avec Notr e- Se ig ne ur plus fidèlement, plus complètement que les autres. Plus on estsaint, plus on est une seule chose avec J É S U S ; et plus onest avec lui, plus ou entre dans son état sacré de Victimeet d'h os tiè . « Les chré t ie ns parf ai ts, disait au tre foi s saintMacairp. d'Alexandrie, sont des fils de D I M U , et des sei

gneurs et des Dieux ; mais des Dieux enchaînés et captifs,humiliés, anéantis, crucifiés, voués au sacrifice (2) » Leurunion intér ieure avec J É S U S - C H R I S T les établit dans С Р Д

état , et la comm union sa cr am en te ll e les y fortifie, les yfait pénétrer de plus en plus.

« Le Sei gneur , ré si da nt da ns son Sa cr em en t, opèredans le cœur de celuy qui le reçoit de très pures inclina tio ns po ur les cro ix, les me sp ri s et l 'anéantis sementdes in cl in at io ns natu re l le s , afin de faire vivre de cellesde la g râ ce. Le fru ict que n ous re cu ei ll on s de cesteadmirable union se connoist, non par le goust des dou

ceurs sensibles ou par-la réception de plusieurs lumièreeen nostre en te nd em en t, ma is pa r u ne déterminationforte et vigoureuse de no st re vo lonté à m o u r i r et à semortifier.

(1) Nos autem sensum Christi habemus. (I ad Cor. n f 16.)(2) Н о т . xvii.



NOS GRANDEURS EN JÉSU S. — II I. 589

« Plus on av an ce en la mor tification, plus aussy lapureté de nostre amour croist et se perfectionne ; et pluson communie souvent, plus il faut se porter à desérieuses et continuelles mortifications, afin d'augmenterla pu ret é de notre a m our, et ren d re ain sy h J É S U S - C H R I S T

le réci pr oq ue , a u tan t qu e n ous le po uv on s (1). »Et le sai nt M. de Dernière s, à. qu i nous empru ntons

ces lign es, ajoute qu 'u n jo ur aprè s la c o m m u n i o n , Notre-Seigneur lui fit co m pre n dre avec une cl ar té ex tr ao r

dinaire plusi eu rs vérit és très im po rtan te s ; en tr e au tre scelles-ci, qu e ch acun de nou s p eut et doi t p rendre pourlui-même :

« Il ne faut jamais estre sans souffrir quelque chose ;car l 'esprit du christianisme est un esprit de croix ; lesgrâces qui le nourrissent sont un fruict de la Croix, et le

!\ain adorable qui fait ses délices est le Corps mcsme deJ É S U S - C H R I S T , qui a esté immolé sur la Croix, et quin'inspire que des sentiments de croix.

« J É S U S no us a fait co nn oi st re la pur et é de son a m o u ren mo u r a n t po ur nous su r la Croix : nou s d evons doncaussy .luy pr ou ve r la véri té du nos tre, en n ou s at ta ch an t

d'amour à la croix..( Il faut avoir grande attention à l'Esprit de J É S U S , qui

aous fournit quelquefois lui-mesme des croix de Providence, ou nous inspire d'en prendre de nous-mesmes ;il faut les embrasser toutes chèiêment, ou les rechercheramoureusement .

*I II n' y a que l a m e am o u re u se des croi x qui g oust eles voyes de l'Esprit et les suavités divines ; car D I E U quirespand secrètement l'absinthe et le fiel sur les plaisirsdes m o nd ai ns , ad ou ci t les souffrances des ju st es d 'u nemanière admirable (2). »

(1) Le chrétien intérieur, tome ï, liv. IIIT

chap. x.(2) Le chrétien intérieur, t. I f liv. III, ch. xu.



590 LA PIÉTÉ ET LA VIE INTÉRIEUR E

Quelle profonde et vraie sainteté évangélique dans cesparoles ! et quel cœur devait être celui de ce simplelaïque, plus avancé dans la science des Saints que les

plus savants Docteurs ?Il remarquai t e ncore à ce sujet qu e, « da ns nos églises,on ne voit, pour ainsy dire, que des croix. Tous les autelssont enrichis de croix ; le prestre qui célèbre la sainctoMesse porte la Croix sur ses ornements ; en disant laMesse, il fait un g ra nd nombre de signes de croix ; enfin

la dernière action qu'il fait , tenant en main' le Sainct-Sacrcment, et tout près de nous le donner, c'est de fairele signe de la croix avec la saincte Hostie. Que devons-nous conclure de ce signe si souvent répété, sinon que lech res ti en qui c o m m u n ie souv en t doit estre crucifié ; etcomme il reçoit son D I E U au mil ieu des croix , il doit se

plaire à passer sa vie au milieu des souffrances? MonD I E U ! quand commenceray-je tout de bon la practiqued'un e vie v raym en t crucifiée (i) ? »

Notre-Seigneur expliquait lui-même un jour à une deses épouses biei>a im ées ce tte vie de dévouement et dt*sacrifices qu 'il ve na it opére r en elle , et qu 'il veu t opérer

plus ou moins en chacun de nous, par la double unionde sa grâce et de son Eucharistie. « Ma bien-aimée, monenfant, je t 'appelle à l'union la plus divine, à la plussubstantiel le no ur ri tu re : c 'est m o i- m ê m e da ns l 'Eucharist ie. Je ferai de ce s ac re m en t le re ndez -v ous de notream o ur . Tu souh aiteras a r d e m m e n t de m e rec ev oi r ; tu

at te nd ras cette visite de ton D I E U avec une tendre etsainte imp atie nce , avec un e g ra n d e pu re té . Je veux tere mp li r de moi, et c'est sur to ut pa r mo n Sa c rem en t que

je* me verse en toi. La communion va devenir pour toi

(1) Le chrétien intérieur, t. I. li v. III, ch. xn.



NOS GRANDEURS EN JESUS. .— III. 591

J É S U S adoré , J É S U S désiré , J É S U S aimé et possédé, et J É S U S

te possédant.« Rappelle-toi que celui qui me mange vivra de moi. Tu

as si besoin de vivr e de moi ! En te nour ri ssan t de m oi,de mes vert us , de mes états , tu les v iv ras ; co mme ce luiqui mange une nourriture, en vit, en reçoit les propriétés.Tu vivras de JÉsus-Victime, et tu deviendras Victime enJ É S U S .

« Et pu is , tes c o m m u n i o n s seront des rép ara ti on s de

tant de communions mauvaises ou tièdes. Tu rendras tescom mun ion s si ai m an te s, si ferventes, q ue j ' y po urr aitrouver chaque jour la réparation des maux que j 'endureailleurs.

« Par ma grâce d'abord, puis par mon Eucharistie, jem'établis on toi JÉsus-Victime. Tout ce qu'il y a de géné

reux et d' ai man t est en m oi com me da ns un ce nt re , et jel'ai en toi. Je veux que tu sois le m oins po ss ib le toi ; j eyeux que tu sois comme le vêtement d'un autre être; etc'est moi, ton D I E U crucifié. Ton vrai cœur sera le mien,comme ton vr ai espr it est le mien . Ton vr ai cœ ur seramon Cœur, mon Cœur de Victime. Mais ton cœur ne

passera dans le mien qu'à force de souffrir et d'aimer. »C'est ainsi qu' il faut compre ndre la vie in té ri eu re e t la

communion.

Du bonheur de souffrir et de se sacriûer ave c Notre-Seigneur.

La ch èr e et ad mi ra bl e sainte Térèse ra pp or te , d an s lerécit .de sa pr op re vie, qu 'u n jou r la tr ès sa in te Tr in it édaigna lui ap pa ra ît re sous une forme se nsi b le . « Les tro ispersonnes div ine s m' ad res sè ren t la par ole et m e d ir e n tensemble :..« Désormai s, c hacune de nou s te faisant u n e




« faveur spéciale, tu sentiras croître trois dons en ton« Ame : la ch ar it é, la jo ie dans les souff rances, e t l ' em bra -« sèment intérieur de cette charité (1). »

Le bonheur de souffrir pourJ É S U S - C H R I S T ,

d'être immolé,mé pr is é, frappé pour son am o ur , de se sacrifie r volontairement avec lui, est, en effet, une grande grâce accordéepar la bonté du Pèiw du Fils et du Saint-Esprit aux âmesvr ai me nt chrétien nes. Cette grâc e d ' am ou r pour J É S U S

crucifié et po ur to ut ce que sa croix signifie et traîne

après elle, métamorphose en douceur l 'amertume de lasouffrance. Elle réalise le célèbre axiome de saint Augu st in : « Quand on a im e , on ne souffre p l u s ; ou dumoins, si Ton souffre, on aime ce que Ton souffre. »

Le m êm e Sai nt disa it e nc or e : « Votre do uc eu r, ô mo nD I E U , a re nd u douce s à sa in t Eti enn e les pi er re s du

torrent; votre douceur a rendu doux pour saint Laurentles ch arb ons arde nt s de son b rasi er (2). » On peut endire autant de tous les martyrs et de tous les Saints : tousont beaucoup souffert; ceux qui n'ont pas eu le bonheurde recevoir le martyre de la mort, ont savouré longuem en t le mart y re de la vie ; et l ' am ou r de J É S U S crucifié,

la contemplation de la croix et du ciel leur ont faittrouver à tous, dans les r igueurs de la pénitence, dansles hu mi li at io ns et da ns les op pro br es, da n s les privations, dans la pauvreté, dans le crucifiement du vieilh o m m e , des joies su rn at ur el le s et u n e paix qui surpassaittout sentiment. C'est que « C e l u i q u i é t a i t e n e u x , é t a i t

•plus p u i s s a n t q u e c e l u i q u i e s t d a n s l e m o n d e (3), » commeparle sai nt Jea n; par sa gr âc e, p ar la to ut e-p ui ssa nc e deson amour, J É S U S changeait les épines en roses, et les

(1) Appendice.(2) Solil. xxn.

(3) Major est qui in vobis quam qui in mundo. (I Joan. iv, 4.) .




x i v

épreuves en consolations. Les épines, certes, ne cessaientpas pour cela de piquer; mais uu sentiment plus vif quela do ul eu r vena it en am or ti r les pointe s et la do mi na itpu is samment .

Saint François bénissait incessamment le bon D I E U detoutes les souffrances qu'il daignait lui octroyer; il n'enavait jamais assez; i l en demandait toujours davantage.Gorporeilement et physiquement crucifié.en union avecson divin Sauveur, il était à la fois et dan s les l an gueursde l'ag onie et dan s des joies toutes s ér ap hi qu es . Il serévoltait quand on osait le plaindre. Un jour, un bonpetit Frère con ve rs le vo yant ré du it à l 'e xt rém ité et dansun état qu i fend ai t le cœ ur, s'avisa de lui di re : « Père ,de ma nd e do nc au S eign eu r de te dé liv rer de ce gr a n dmal. » Le bon Sa in t tout indigné , se leva et répondi t

avec véhémence : « Mon frère, si je ne savais que tu asparlé ainsi par simplicité, je ne te le pardonnerais pas.Moi, demandera être délivré delà souffrance, quand monSauveur J É S U S - C H R I S T a vou lu dem eu re r sur la croix po urmon amour ! »

C'est encore ce don d'amour qui a fait désirer ardem

ment aux Saints, et qui fait encore désirer maintenantau x âmes ferven tes la grâ ce su pr êm e du m ar ty re . Quelest le Saint, quelle est la Sainte qui n'ait pas ambitionnéle bonheur de mourir pour J É S U S - C H R I S T ? Les trois premiers siècles retentirent sans interruption de cette ineffable, de cette sublime aspiration au martyre. Depuis lors,

cette aspiration demeure immuablement vivante dans lecœ ur de l 'Église; et si l 'ère p ro p re m e n t dite des ma r t y r sest passée, l 'esprit des martyrs, l 'esprit du saint amourqui veut no n seu lem en t vivre, m ai s enc ore mo ur ir po urJ É S U S - C H R I S T , ne passe point et ne passera jamais. SaintFranço is d'Assise alla tout exp rès j u s q u e da ns l 'Orie nt



59 A LA PIÉTÉ ET LA VIE INTERIEURE

pour chercher le martyre. Saint François de Sales, quenos chrétiens affadis regardent d'ordinaire comme unSaint tout de sucre et de miel, saint François de Salespassait exprès et repassait par Genève au milieu des Calvinistes , ses en ne mi s morte ls , u n i q u e m e n t dan s l 'espoird'êt re p ris et mis à mor t po ur l' amour du Chri st et dol'Église.

Aujourd'hui encore, entrez à Paris dnns notre glorieuxSém ina ire des Mi ssio ns-É tran gèr es, et de ma nd ez à ses

douze ou quinze je u n e s pr êtr es qu i, ch aq u e moi s partenthéroïquement pour la Chine, pour la Corée, pour lesIndes, ce qu' ils v o n t e h e r c h e r si loin. Tous , ils vo us répondr on t, le cœur em bra sé et les lèvres s ou ri an te s : « Lem ar ty re . Nous vo ul on s souffrir , no us vou lon s mo uri rpour J É S U S - C H R I S T ! »

Tous les chrétiens, sans exception, devraient avoir cesa in t dési r, fruit na tu re l d 'u ne foi viv e, d 'u ne véritableespérance et d'une charité fervente. Mais à défaut dumartyre du sang, il nous faut tous du moins ambitionner,ai me r le ma rt yr e qu ot id ie n de la vé rit ab le vie ch ré ti en ne .Celui-là nous pouvons l 'obtenir chaque jour, à chaque

ins tant dujour .« Consolons-nous, mon àme, s'écriait dans un pieux

transport le chrétien admirable que nous avons cité déjà:conso lons-nous . Pou rv u qu e vous souffriez, c'est assez,c'est même plus que vous ne puissiez souhaiter. Si vousu'avez pas le don d'oraison et que vous tombiez dans les

sécheresses d'esprit, souffrez et réjouissez-vous; car il vautmieux souffrir que contempler et estre ravy au iroisiesmeciel. Si vous estes malade dans vostre lit et conséquem-ment privé de la Messe et de la Communion, souffrez etresjouissez-vous; car il vaut mieux estre dans les rigueursde la croix que dans les douceurs des exercices spirituels.



N O S GRANDEURS E N J E S U S . III. 595

Si vous no pouvez r ie n faire pour le p rocha in , souffrez elresjouissez-vous; car il vaut encore mieux estre dansl'inaction et faire la volonté de D I E U . Si toutes vos entreprises de dévotion et tous vos bons desseins, n'ont pas lesuccès que vous en at tend iez, souffrez et res jou issez-vous ;car il vaut mieux souffrir que réussir. Si vous avezquelque difformité corporelle ou si vous n'estes doué quede peu de talents, sçachez souffrir avec patience; dez-lorsvous possédez un très bon esprit et vous devenez la personne la mieux faite du monde, puisque vous plaisez h

D I E U . Croyez-moi, la plus belle science, c'est de savoirsouffrir; la plu s g r a n d e adresse , c'est de savoir sou ffri r;la plus brillante fortune, c'est de souffrir.

« On es time bea ucoup le bois de la v ra ye cro ix, on encherche avec grand soin; c'est le plus beau présent qu'on

puisse nous faire. On l'enchâsse dans l'or, on le pend àson co u, on le m e t sur son cœ ur , on l' adore ; en u n mo t,ou ie con serve pr éc ie us em en t, par ce q u e c'est u ne part iede la vraye croix do J É S U S - C H R I S T . Ainsi les vrays chres-t iens, les enfants de lumière, estiment beaucoup les souffrances et les mortifications actives ou passives qu'ils

esprouvent; ils ne voyent rien de plus beau, ny de plusprécieux sur la terre; on ne peut leur faire un plus granddon. Ils em br as se nt avec joie e t a m o u r toutes les occasionsqui se pré se n te n t de souffrir ou de se mort if ie r. Us chérissent ceste croix, ils l 'adorent et la mettent non seuleme nt pro che du cœ ur , mais da ns le coeur m e s m e ; a n i m é s

par céste considération, qu'une vraye souffrance, c 'est-à-dire une souffrance prise dans les dépositions de J É S U S -

C H R I S T , est une partie des souffrances de ce divin Sauveur.C'est une petite parcelle de la vraye croix, et la plus précieuse des reliques.

« Chérissons do neq ues tous ceu x qui no us to u rm e n -






l a m a n i f e s t a t i o n d e s a g l o i r e v o u s a y e z p a r t a u x j o i e s d e

s o n t r i o m p h e . S i l ' o n v o t e s o u t r a g e p o u r le n o m d e J É S U S -

C H R I S T , v o u s s e r e z b i e n h e u r e u x : t o u t ce q u e D I E U p e u t d o n n e r d e g l o i r e , d ' h o n n e u r , d e g r a n d e u r , d e s c e n d e t r e p o s e sur v o u s a v e cs o n E s p r i t (1). » Et si nous sommes fidèles,co mm e les Sa in ts , clans cet te s uprême ép reuv e del'amour, nous pourrons répéter la belle parole de la Bienheureuse Françoise, duchesse d 'Amboisc, tout récemment béatifiée par Pie I X . « Mon Sei gn eur J É S U S - C H R I S T ,

c'est mon amour, c'est ma patience, qui, par sa grâce,m'a do nn é de son vi n d 'a mert um e , du quel le n o m soitbéni à j a m a i s ! »

Combien, au Paradis, nous serons heu reuxde nous être immolés ici-bas avec JÉSUS-CHRIST.

Notre-Seigneur est le soleil de justice et de gloire ; il aété éclipsé pen dan t sa vie vo ya gè re et pé ni te nt e ; m a i smaintenant qu'il est dans le ciel, il resplendit de toutl'éclat de sa lumière. Dans la mesure où ses fidèles parti

cipent ici-bas à ses immolations et à ses anéantissements,ils participeront là-haut à l 'éclat de sa gloire et à la béatitude de son ét er n it é. Po ur qu oi do nc fuir les croix , pu isque, nous faisant éclipser avec J É S U S , elles sont unes.emence de gloire infinie?

Si nous res sem blo ns à No tre -Se ig neu r en sa vie p é n i

tente ; si , par la pratique sérieuse des vertus chrétiennes,nous nous assoc ion s à ses im mo la ti o ns, à son sacrifice

( 1 ) Communicantes Christi passionibus gaudete, ut et in revela-tione glorise ejus gaudeatis exultantes. Si exprobramini in nomineChristi, boati eritis : quoniam, quod est honoris, gloriae et virtutisDEI, et qui est ejus Spiritus, super vos requiesoit. (I Pctr. iv ,13 , 1 4 . )




universel et à son crucifiement, il daignera nous associerun jour aux gloires de sa résurrection, ainsi qu'il nous lepromet par la bouche de l'Apotre saint Paul : « S i n o u s

l u i s o m m e s t r o u v é s s e m b l a b l e s e n s a m o r t , n o u s l u i s e r o n sé g a l e m e n t s e m b l a b l e s e n s a r é s u r r e c t i o n (t) . »

Or, celle résurrection qui nous attend et qui nous associera pour toujours à la céleste et bienheureuse royautédu Verbe fait chair, ce sera un état de béatitude, desplendeur, de puissance, de beauté, de délices, dont nousn'avons pas même l'idée sur la terre. Nos corps ressuscites participeront à la glorification et aux propriétésdivines du corps adorable de J É S U S ressuscité ; et, nous ledisions plus haut, de même que les membres déchirés etsanglants de J É S U S , crucifié sont le symbole des membresmystiques du Sauveur spirituellement crucifiés et immolés

avec lui; de même les membres du corps ressuscité etcéleste de J É S U S - C H R I S T , tel lement splendides, tel lementdivins, que nos sens terrestres ne sauraient les voir sansmourir, sont le symbole de ce que nous serons un journous-mêmes, lorsque, ressuscites par J É S U S , avec J É S U S

et en J É S U S , nous régnerons avec lui .

C'est la pensée qui soutenait jadis saint Pierre d'Alcan-tara dans ses incroyables austérités. « J 'ai fait, disait-il,un pacte avec m on corp s : ta nt que nou s v iv rons su r laterre, je ne lui laisserai aucun instant de répit; mais enrevanche, je lui promets du repos et des jouissancespendant toute l 'éternité. »

« L a p a r o l e d e D I E U n o u s e n e s t u n s u r g a r a n t , ditl'Apôtre ; s i n o u s m o u r o n s a v e c le C h r i s t , n o u s v i v r o n s a v e cl u i ; s i n o u s p d t i s s o ? z s a v e c l u i , n o u s r é g n e r o n s a v e c l u i . . .O r , f e s t i m e q u e l e s s o u f f r a n c e s d u t e m p s p r é s e n t s o n t p e u

(1) Si enim complantati facti sumus similiiudini mortis ejus,ïiimul et resurrectionis erimus, (Ad Rom. vi, C>.)




d e c h o s e e n c o m p a r a i s o n d e l a g l o i r e à v e n i r , g u i s e r é v é l e r a

e n n o u s (1). »Ce Lté gloire à venir, ce « r è g n e d e D I E U , e n v u e d u q u e l

nous souffrons (2) », c'est « la récompense trop gr ande, m a g n a n i m i s ( 3 ) », que Notre-Seigneur lui-même prometà ceux qui auront souffert persécution pour LA justice,eest-à-dire pour le service de D I E U , pour la fidélité à.leurs devoirs ; a ceux qui, pour le nom de J É S U S , pour lacause de son Vicaire et de son Église, pour la défense de

la foi, pour le zèle de la chasteté et des conseils évangé-liques. auront été persécutés sur la terre, bafoués etmoqués parles mondains, insultés, opprimés, foulés auxpieds par les impies. « R é j o u i s s e z - v o n s e t t r e s s a i l l e z de

b o n h e u r ! ajoute le Fils éternel de D I E U ; c a r v o t r e r é c o m p e n s e e s t g r a n d e d a n s l e s d e u x (A). »

0 récompense qui n'est autre que J É S U S lui-même !« Je s e r a i m o i - m ê m e t a r é c o m p e n s e s u r a b o n d a n t e (5). »« O c o u r o n n e de v i e (6) ». assurée par l'Esprit-Saint à touthomme qui porte saintement ici-bas la croix de l'épreuve,et qui est encore J É S U S , J É S U S glorifié, vivante couronnedes jus tes , Vie éternelle des Saints, Lum iè re béatifique

du Paradis, substance de la gloire, après avoir été ici-basla substance et l'auteur de la grâce ! quand donc viendrale jour où, délivré du poids de cette vie misérable, de lamalice du démon et du monde ; délivré du poids de ma

(1) Fidclis sermo : nam si commortui su mus, et convi vemu s.Si sustinebimus, et conregnabimus. (II ad Tim. n, 11,12.) Existimo

enim, quod non sunt condignîe passiones hujus lemporis adfuturam gloriam, quao revclabitur in nobis. (Ad Rom. vin, 18.)(2) In regno DEI, pro quo et patimini.(II ad Thess. i, f>.)(3) Gènes, xv, 1.(4) Gaudete et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in

oœlis. (Ev. Matth. v, 12).(5) Ego ero merces tua magna nimis. (Fen. xv, 1.)

(6) Jacob, 1,12.




propre misère, du m a l h e u r de pécher et du danger deme perdre ; délivré dn mal el des m é c h a n t s , de la folie etdes insensés, je pourrai enfin me reposer à j amais envous ! en vous, ò mon J É S U S , mon bon et doux Sauveur,qui êtes tout Vérité, tout Amour, tout Bien? Le pèlerinage est dur, et le combat est fat igant ; oh ! qu'il sera bon,après avoir combattu le bon combat jusqu 'à la fin,d'entrer pour toujours dans le repos de l 'é ternité !

« Oh ! quand ver rons -nous J É S U S , et quand qui t terons-

nous ceste prison du corps ! Quelle croix que de v i v r e !quel supplice que ceste vie, et que la m o r t a de charmespour une àme qui veut s'unir à son D I E U !

« Tl faut languir d'amour pour la beauté infinie deJ É S U S , et soupirer aprèssa possession ; il n'y a r ien , nydans le ciel, ny sur la te rre , qu 'on doive dés irer plus

a rdemment . Mon arae, ne t 'arresto plus aux créa tures ;a y m e les croix, qui sont le c h e m i n do la béati tude.Est-il possible qu'on croye en J É S U S - C H R I S T , et qu'on nemeure point du désir de le-voir? Craindre si fort la mort ,c'est bien prouver qu'on ne désire guère voir les beautésinfinies du Seigneur, puisque cela ne peut se faire qu'en

passant par coste épreuve. 0 sainte mort! l 'objet de mesdésirs, venez et mettez-moy en possession de mona m o u r (i). »

« Je d é s i r e m o u r i r p o u r ê t r e a v e c le C h r i s t , » s'écriait legrand et incomparable saint Paul. « P o u r m o i , v i v r e c'est

l e C h r i s t , e l m o u r i r m ' e s t u n g a i n (2). » « Je me meurs de

ne pouvoir mourir , » disait sainte Terese. Et l ' intrépidemartyr Thomas Morus , condamné à mor t par Henri Vili,parce qu'il ne voulait point apostasier, embrassait le

(1) Le Chrétien intérieur, Lom. Il, liv. VII, chap. vi, 7° jour.(2) Desiderium habens dissolvi et esse cura Christo. Mihi vivere

Christus est, et mori lucrum. (Ad Philip, i. 21 et 23.)




bourreau qui allait le décapiter, et lui disait avec unesérénité toute céleste: «Mon ami, tu vas me rendre leplus grand service qu'aucune créature humaine m'ait

jamais pn rendre. »Je le sais : no u s as pi re rion s vo lont ie rs à la m ort , ouPLUTÔT À LU VIE ÉTERNELLE, SI NOUS NE VOYIONS ENTRE ELLE ET

nous l'abîme effrayant de nos fautes, et, au fond DE cetabime, le feu redoutable du Purgatoire. Mais prenonsgarde d'e xag érer cette cra in te : l 'a mo ur, l 'a mo ur pé ni te nt

et souffrant, uni aux sacrements de l'Église et aux saintesIndulgences, mille fois bénies, comble aisément cetabîme. Nos larmes et notre sang, unis au sang et auxlarmes de J É S U S , ont la vertu d'éteindre ces flammes. Etpuis, la miséricorde du bon D I E U est là, co m m e u n océansans fond el sans limites; et si nous la demandons, si

NOUS AIMONS J É S U S ET SI NOUS SOUFFRONS POUR LUI, ELLE NOUSSERA don née avec une divine su ra bo nd an ce .

Oh ! que b ien he ure u x son t ce ux qui font ici -ba s, aumoyen de la souffrance, leur Purgatoire, et plus que leurPurgatoire ! Bienheureuse, é te rnel lem ent bienheureu seest rame qui, sur la terre, marche dans les voies doulou

reuses du Sauveur, s ' immole avec lui chaque jour par lerec uei lle me nt in té rie ur, la pé ni te nc e de l 'esprit et d e l àchair, par la vie d'oraison, PAR la fuite des vanités et desfolàtreries du monde, PAR UNE exacte fidélité AUX SAINTES

RÈGLES DE L'ÉGLISE ET aux CONSEILS ÉVANGÉLIQUES ! Au JOUR

de l 'éternité, que pensera-t- elle, dites -moi, de tout ce la?

Elle ne reg re tter a qu 'u ne seule chose, à savo ir de n 'e navoir pu faire, de n'avoir pas fait cent fois davantage. Larécompe nse de ch ac un e de ses imm ol at io ns chr éti enn essera éternelle ! Pesez bien cette parole : é t e r n e l l e ! é t e r

n e l l e ! é t e r n e l l e !

Et au contraire, que penserons-nous, en ce grand jour




il) Ad Philip, H, J6.'

des réalités absol ues, im mu ab le s, qu e pen sero ns-n ous dece qui n ou s séduit à p ré so nt? Que pe ns eron s-no us de cetem ps pe rdu en baga te lle s, en véritab les nia ise ries ? de

ces mille et un e co nv er sa tion s oiseuses ? de ces longuesheures passées en dehors de J É S U S - C H R I S T , et dès lorsperdues, sinon coupables? Que penserons-nous de notremollesse, de nos immortifications quotidiennes à table,au lit, en face de la prière, en face du travail, on facede tant de défauts qu'il fallait combattre, de tant de vertus

qui nous manquaient et qu'il fallait acquérir? Alors, levoile des illusion s ser a déchi ré , dé ch ir é pou r toujours.Hé la s! et que pen se ro ns -n ou s de nos pé ch és , de nosfaiblesses, de nos voluptés, de notre-amour propre, denot re am our po ur les cré atu res , pou r l 'a rge nt , p o u r lesbelles places, po ur les h o n n e u r s ? « On n'e sti me da ns le

ciel que les souffrances de la terre, » dit saint Jean de laCroix.

En ce jour que l'Écriture appelle le jour du Christ, i n

d i e C h r i s t i (1), les pauvres seront riches, éternellementr iches; et les r iches seront pauvres, éternellement pauvres ; bien en tendu , si la pauvre té a été sanctifiée par la

résignation, et si la richesse ne fa pas été par le détacheme nt , f humi lit é et la ch ari té. Les la rm es des chr éti ens,leurs sueurs, leur sang, les envelopperont comme d'unvêtem'ent de gloire et d' im mo rtal it é ; ta ndi s que la pou rpreet l 'or des im pi es , ou m ê m e s im p le m ent des indifférentsseront, devant le tribunal du souverain Juge, leur con

da mn at io n et leu r éte rnel sup pli ce. « Vous avez reçu,leur sera-t-il dit, comme au mauvais riche de f Evangile;vous avez reçu les bien s da ns la vie qui n' es t p l u s ; etceux-ci, mes fidèles, mes pauvres, mes humbles, mes



NOS GRANDEURS EN JESUS, — III. 603

pénitents, mes persécutés, mes martyrs, ils ont souffert àl 'ombre de ma croix. A leur tour maintenant de jouir etde se ré joui r ! à eu x, el A eu x seu ls, la jouissance de mabéatitude éternelle ; à eux, ma gloire ; à eux, mon Paradisel mes Anges, A eux, et pour toujours, ma douce et sainteMère; à eux, mou Père céleste, que je leur donne avecmoi-même, dans l 'amour de l 'Esprit-Saint, pour tous lessiècles des siècles. »





CONCLUSION GÉNÉRALE

D E N O S G R A N D E U R S E N J E S U S

Telles sont, ce me semble, les principales excellences

et gr an de ur s de Not re-Seig neur J É S U S - C H R I S T , auxquellesno us assoc ient , dans une mes ure , la gr âce et l 'a mo ur decet adorable Chef. Le Sain t-lîs prit , qu i no us uni t inté r ieurement à lui , comme les membres a leur chef, c o m m eles rameaux au cep de vigne, nous communique ce quiest co m m un ic ab le d an s la vie div ine de J É S U S , dans les

caractères, dans les états où son humanité sainte setrouve élevée par l 'union hypostatique. Ce mystère degrâce, dont J É S U S est le centre, rayonne comme à l ' infinidans cette belle atmosphère du monde surnaturel quis'appelle l'Église, et où les Anges se dilatent en compagniedes hommes.

Nous so mm es un avec le Christ , qu i, pa r p u re g râ ce ,nous rend participants de tout ce qu'il est. En effet, saintPaul di t da ns TÉpître aux Héb re ux : « N o u s a v o n s été f a i t s

p a r t i c i p a n t s d u C h r i s t ; p o u r v u q u e n o u s g a r d i o n s f i d è l e m e n t j u s q u ' à l a f i n le p r i n c i p e d e c e q u ' i l e s t . N'oublionspas à quelles grandeurs nous avons été élevés : le Christ

et nous, nous sommes un. Nous avons part à tout ce qui



60(3 L A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

appar ti en t au Chris t (1). >> Ains i pa rl e sa in t Jean Chry-sostome.

Notre-Se igneur est le Fils ét erne l de D I E U , et D I E U

lu i-m ême, av ec TEspr it-Saint da ns la gloire du Pè re : ilfait de nous des fils de D I E U et des Dieux. Il est le Christde D I E U , l 'Oint du Se ig ne ur , le Co nsac ré pa r excellence :il fait de no us des Chr is ts , des consacré s . 11 est le Saintde D I E U et le Saint des saints : il fait de nous des saints.Il est le Prêtre éternel de D T E U au milieu de la Création ;

il est l 'Adorateur et le tieligieux u n i v e r s e l : en lui , nousparticipons a cette grandeur, et nous entrons dans lessentiments de sa religion parfaite.

Noire-Seigneur est le Fils de M A R I E , le Chef et le toutde l'Église, le Roi et le Seigneur du monde, la vraieLumière, le Juste par excellence, la Sagesse incarnée, le

Chef des élus et des prédestinés ; par lui, avec lui et enlui, nous devenons les enfants bien-aimés de la Très-Sain te Vierge ; nou s de ve no ns m e m b re s vi va nt s dol'Église; nous devenons rois et seigneurs du monde, elen fan ts de lumière ; nou s de ve no ns des ju st es , de vraissages, des élus et des prédestinés bienheureux.

Enfin, Noi re-Se igneur est le Tout- Pu is sa u t et le D I E U

fort, le grand Libre et le Libérateur, le souverain Juge dumonde et des pé ch eu rs ; il est le Sauveur, le Bienfaiteure l le Consola teur du mo nd e ; il est la g rande et un iversell eVictime, l'Agneau de D I E U im molé pour la glo ire du Pèreet pour le salut du monde: il nous rend participants de

ces états, comme des précédents ; et en lui, comme nousve no ns de le voi r da ns la troi siè me et der n iè re pa rt ie de

(1) Participes Chrisli offccli su m us; si ta mon ïnitium substanLiu;ejus usque in finem iirmuin ret inoamus .Cogi te inus quibusnanidignati sumus : nos et Christus unum sumus... Eorumrlem sumusparticipes, quorum est Christus. (In Ep. ad Ilobr. cap. iv, liom. vu)



NOS GRANDEURS EN JESUS. — III . 607

celte étude, nous devenons forts, libres, juges des mécha nts et du mon de , sa uv eu rs et con sol ate urs de nosfrères, enfin, vi ct imes d' am ou r, de pé ni tenc e, d'exp iation,de charité.

De nous-mêmes, nous ne sommes rien, r ien que néant,misère et péché; toutes ces merveilleuses grandeurs oùnous élève la grâce de J É S U S sont le rayonnement de sagrandeur divine, absolue, infinie. Ces grandeurs do J É S U S

en nous sont la splendeur et la toute-beauté de la piété

ch ré ti en ne , de la vie in tér ie ure . « L'i nté rie ur doJ É S U S .

dit en effet M. de Bern iè res, est la so urce de tout l' in térieur des Saincts. fis sont les petits ruysseaux de ce grandocéan. Nostre ame y doit estre souven t abysmée, et s'ype rdre si bien , qu'e lle ne se trouve jam ais , non plus q uele vieil intérieur d'Adam tout corrompu.

« 0 belle ame de J É S U S , soyez l'ame de mon am e , qu e je n 'agisse ja ma is que par vos mo uv em en ts ; q u e j a y e unedouce et continuelle attention à vous, et une adhésionint ime à vos lumière s et à. vos se nt im en ts .

« Puisqu'il y a une liaison intime entre J É S U S - C H R I S T ettous les chrétiens, comme entre le chef et les membres,

il n'y a doneques rien de plus élevé sur la terre que Testâtoù nous so mme s transform és par ceste un io n ineffab le;car, estant associés aux estats humains et divins de JÉsus-G I I R I S T , de luy'qui est le chef, et du ch re st ie n qu i est unmembre de son corps mystique, il ne se fait qu'un seul etmesme J É S U S - C H R I S T qui glorifie, qui loue et qui aymeD I E U son Père d'u ne ma ni èr e tr ès -s ub li me; le chef da nsles membres, et les membres par leur chef.

« Ain sy, un chr est ien qui est no n- se u le me nt dan s lesestats pauvres, abjects et souffrants du Sauveur, mais quivil de sou esprit de pénitence, d'amour et de sacrifice, parceste union iutinie n'est, pour ainsy dire, autre que le Fils




de D I E U mesme, qui vit eu luy, et par conséquent quiglorifie, ayme, adore et sert son Père éternel on luy.

« I/union amoureuse avec J É S U S - C H R I S T est la pratique

laplusexcellente, celle qui nous élève le plus dignement,parce qu'elle met nostre ame en possession de tout ce quiest à luy, sa Divinité, son Humanité, ses mystères et sesver tus ; car la vraye un io nc on si s t ed an s la parfaicteamit ié ,et l 'amitié rend toutes choses communes entre les amis.

« 0 mon J É S U S ! quoique je sois la misère et la pauvreté

mesm e, u n né an t et un pé ch e u r, n éa n lm o in s si je vousay me vé rit ab lem en t, v ous estes à mo y, et je pourr ay meservir de vos perfe ctions, de vos g r and eu rs , de vos ver tus ,co mme d' un bien qu i est à m oy , co m m e d' un e cautionqui respond pour moy.

« 0 union de J É S U S ! que vous estes admirable, et que

vous procurez de bi en s à Ta me qui , n 'a yant rien d'elle-mêm e, a tout en vo us , et dev ient in fin imen t ric he parceste voye toute d iv ine (1) ! »



NOS GRANDEURS EN JESUS.— III. 6 0 9

CANTIQUE D'AMOUR A JESUS (1)

Dis^moi donc, cher enfant, aimes-tu vraiment J É S U S -

C H R I S T ? L'aimes-tu plus que toute chose? L'aimes-tu autant que le désire sa Mère? autant que les Anges ledemandent par leurs soupirs? autant que je le veux,moi ?

0 D I E U ! est-ce bien vrai qu e tu l' ai me s? qu e tu l'a imes

au ta nt qu'il faut l ' ai me r? lui, mo n un iq u e soup ir, not reTout, notre amour, J É S U S - C H R I S T ?

D I E U ! quelle parole!.. .Écoute... écoute !.. . Prête l 'oreille,et surtout purifie ton cœur. Puis, écoute ! je le no mm er aiavec tout l 'amour qui fait fondre mon cœur:

J É S U S - C H R I S T ! . . . J É S U S - C H R I S T ! . . . J É S U S - C H R I S T ! . . .

N'en ten ds -tu pas c o m m e tous les An ges qu i remplis sentl 'univers et se cachent sous les éléments, redisent enchœur, avec un écho d'amour qui retentit dans les profondeurs éternelles :

J É S U S - C H R I S T 1... J É S U S - C H R I S T 1...

(1) Ce cantique n'est pas de moi. En Je rapportant ici, je penseréjouir les âmes pieuses el couronner dignement cette longuecontemplation des grandeurs de JÉSUS en ses fidèles. Je n'ai faitqu'en retrancher quelques longueurs el en simplifier quelques

paroles.XIV 39



610 LA P I É T É ET LA V I E I N T E R I E U R E

Je no veux plus enseigner que J É S U S - C H R I S T à mes frères.Je veux leur apprendre à prononcer son nom comme leprononcent les Anges, à le prononcer avec tout le transport et toute la douceu r d ' am ou r qui ra c c o m p a g n e n t dansle Paradis !... Quelle parole !... Écoute :

J É S U S - C H R I S T ! . . . J É S U S - C H R I S T L . .

Vive éternellement notre Amour, et sa Mère qui nousl'a donné !... Vive, vive J É S U S - C H R I S T !... Mon enfant, moncher enfant, aimes-tu J É S U S - C H R I S T ?

« Oui, je rai me !.. . je l 'aime !.. . je l ' a im e ! . . . »Quelle joie ! quelle félicité ! quelle béatitude ! j 'a i trouvé

un cœur qui entend et redit tout le cri de mon cœur :« Vive, vive J É S U S - C H R I S T ! »

Chante, chante, o àme bénie, et que tout en toi soitconsacré a dire: Vive, vive J É S U S - C U R I S T !

Que chaque pulsation, chaque soupir, chaque mouvement de ton ecenr; que chaque pas et chaque action soitune permanent 0 vibration de cette unique parole. Bienplus, sois , corps et àm e, une ha rp e j u s t e m e n t accordée,

qui . sous les doigts de K Esprit-Saint, retentis se j o u r etnuit, et répète cet unique chant que tous les Anges duciel accompagnent :

Vive, vive J É S U S - C H R I S T !

La vie. la lu miè re , et toutes les cré a ture s d u ciel et dela terr e feront écho, d an s l 'ét ern ité, à l ' h y m n e de notr ecœur; elles répéteront éternellement la parole'qui sortiraéternellement de nos cœurs:


Mon enfant, déjà ils sont embrasés, nos cœurs, du feuqui ne s'éteindra plus j am a i s . Ils sont c o m m e de ux en-



N O S G R A N D E U R S E N J E S U S . — I I I . 61J

censoirs d'or, qui, remplis de l'encens de l'amour, encenseront éternellement l'objet de tout notre amour. Grandnombre de cœurs seront pénétrés de ce parfum ; et nousles entendrons faire éclater le même cri d' amour; éternel

lement la terre et le ciel retentiront de notre cantique;avec toi. avec moi, ils répéteront sans cesse:


. L'enfer lui-même sera ébranlé par le cri que je veuxéternellement faire entendre; et le cri de nos cœurs auraune telle puissance, que par force, si ce n'est par. amour,l'enfer luirmême devra répéter après nous :

Vive, vive J É S U S - C H R I S T ! .

Oui, vive, vive J É S U S - C H R I S T ! . . . Vive mon D I E U , monAmour! vive mon Bien, mon Tout, qui est J É S U S - C H R I S T ! . .

.Vive l'unique pensée de toutes mes pensées, la vie de mavie, la lumière de mes yeux, Tunique .soupir de tous messoupirs, l'àme de mon àme, le cœur de mon cœur, monTout, qui est

J É S U S - C H R I S T !

Vive, vive J É S U S - C H R I S T ! . . . DiEU-Amour, DiKU-Époux,DIEU-Serv i teur , DiEU-Agneau, DIEU - V ic t ime , DiEU-Nour-

riture ! Vive mon trésor, qui est


0 mon D I E U ! V O U S n'êtes plus à vous, mais à moi.Fuyez-moi, si vous le pouvez, et séparez-vous, si celavous est possible, de ce néant que vous avez fait vôtresans réserve. L'amour n'a-t-il pas fait que vous êtes toutà moi,

ô J É S U S - C H R I S T ?




Oui, oui, vous êtes à moi, et pour l'éternité !... Déjà,en esp éra nce , tout est c o n s o m m é : no us ne som mes plusqu'une seule chose, dans l 'union sacrée du Saint-Esprit.

Vous avez absorbé m on venin et ma m o r t ; et mo i, j 'a ireçu en échange votre vie et votre divine sainteté. Parles tra ns fo rmat io ns de la gr âc e, j e ne suis plu s mo i;

jai passé eu vous: par les anéantissements de l 'amour,vous n'êtes plus à vous; vous avez passé en moi.

Oh ! vive l'amour ! vive mon D I E U ! mo n D I E U que rien

n'altère, et qui sans réserve est à moi !...Vive, vive J É S U S - C H R I S T , que j 'aime ! . . .

Oui, je vous aime !... Je vous aime ! répète chacune desfibres de mon êtr e. Je vou s aime, et je veux q ue le cielet la terre et l'enfer le sach en t, afin que les Anges , les

hommes elles démons connaissent le cri de mon cœur,et qu'ils ne me demandent jamais autre chose que derépéter :

« J É S U S , je vous aime!... je vous aime!... je vousaime ! »

0 mon D I E U ! m o n A m o u r! les p éc he u rs vous repoussent , et le monde ne veut pas de vo us . Ah ! venez, réfugiez-vous dans ce cœur qui vous appartient ; reposez-vousdans cet asile qui est à vous! Respirez là, doux Jésus,respirez tranquillement : mon àme est à vous ; mou cœur,mon sang, ma chair, vous seul les posséderez à jamais;pas un de vos ennemis ne pourra vous y atteindre.

Et moi , je serai h e u r e u x ! ma is d 'u n b o n h eu r infini,si tous les coups qu'ils déchargent sur vous viennentfrappe r mo n cœ ur, mon àm e et tout mo n êt r e ; pourvuseulement que l 'on n'entende plus tes gémissements de

mon Sauveur, de mon Amour, de mon Agneau déjà



NOS GRANDEURS EN JES US . — III 613

immolé au Calvaire, de mon Roi, de l'Époux de mon à m e ,de mon Bien infini,qui s'est fait esclave d'amo ur, d é m o nTout; qui est

J É S U S - C H R I S T ! . . .

0 mon Jésus ! écoutez une pa ro le . Vous ne pouvez rienme refuser, pu isqu e vou s êtes à moi et que tout ce que

vous avez est ù moi . Eh bien ce que je veux de vous,c'est un don vivant , d'un prix inestimable : donnez-moi

des cœurs, des cœurs pour vous !J É S U S , donnez-moi des cœurs. Choissez-les parmi les

. meilleu rs, les plus dévoués, les plus aimants , les pluspurs , les plus humbles ; et donnez-m'en autant que vouspouvez. J 'e n veux un nombre sans fin ; et je prierai votreMère de me les purifier, autant que cela peut être, avec

son Cœur immaculé.0 J É S U S ! J É S U S ! quelle béatitude, quand je les aura i

attirés près de m on cœur ! 0 D I E U ! de quel amour j e les

a imera i ! Je les at t i rerai à vous, à vous seul, avec une

force toute divine. Et ensuite, comme le sceau sur la cire, je leur donnerai à tous l 'empreinte de votre Sacré Cœur;

et alors, sentant votre feu. le feu de l 'Esprit-Saint, le feu

de l 'amour que vous avez mis en moi, ils feront éclaterle même cri, ils apprendron t le même cant ique d 'amour ,ils répéteront avec moi, dans le t emps et dans l 'é terni té ;

Je vous aime! . , . Je vous a ime! . . . Je vous aime! Vivemon D I E U , mon Amour , mon Tout , qui est


F I N D U T O M E Q U A T O R Z I È M E





T A B L E

D E S M A T I È R E S D U T O M E Q U A T O R Z I È M E

L A P I É T É E T L A V I E I N T É R I E U R E

SIXIÈME TRAITÉ.

NOS GRANDEURS EN JÉSUS. — IL

INTRODUCTION.

I. Je vis, uon plus moi, mais JÉSUS-CHRIST en moi. . . nII. Comment il faut lire ET méditer ces pages. * n

I . — EN JÉSUS, NOUS DEVENONS LES FILS DE MARIE . i 5

I. Que JÉSUS se donne à nous et vit en nous comme Filsde MARIE 1 9

II. Comment la Sainte-Vierge, Épouse de notre Père céleste.nous engendre avec lui à la vie de la grâce et devientainsi véritablement notre Mère 2 1

III. Que la Sainte-Vierge est LA vraie Mère du chrétien parcela SEUL QU'ELLE EST la VRAIE MÈRE DU CHRIST . . . . 2 3

IV. Comment JÉSUS, CHEF DE L'ÉGLISE, NE NOUS ENGENDRE intérieurement à la vie chrétienne que par sa Mère. . .

V. Gomment le nouvel Adam a fait de la nouvelle Eve LAMère des véritables vivants 2 9

VI. Que notre Mère, qui EST dans les deux, nourrit maternellement ses enfants 3 2

VIL Que la Sainte-Vierge revêt magnifiquement tous leschrétiens, ses enfants.- oG

V1IL Que la Vierge-Mère élève et dirige ses enfants avec

grand amour 38



616 TABLE

IX. Que la Vierge M a r i e nous aime de l'amour dont elleaime J é s u s 4i

X. De la raison fondamentale et toute divine pour laquelleles chrétiens doivent aimer et aiment la Sainte-Vierge

de tout leur cœur. . 4 5XL De l'ineffable amour que Notre-Seigneur, vivant ennous, nous inspire pour sa sainte Mère 4 6

XII. Qu'un vrai chrétien ne saurait trop aimer ni trop honorer la Sainte-Vierge 49

II. — E n J é s u s , n o u s d e v e n o n s l e s m e m b r e s d e l a s a i n t e

É g l i s e 5 3

I. Que Notrc-Seigneur vit en nous comme chef et commevie de l'Église 5 5II. Que J é s u s assigne à chacun de nous une place et une

fonction spéciales dans son corps mystique 5 7III. Combien tous les membres de l'Église doivent être unis

et s'aimer les uns les autres en J é s u s - C h r i s t . . . . 61

IV.. Ce qu'il faut faire pour demeurer saintement unis dans

la charité catholique 65V. Que l'Église est notre vraie Mère et que nous sommesses enfants 68

VI. En quel sens le mystère de l'Église se résume dans lePape et dans l'Eucharistie 7 ,1

VII. Quels devoirs nous impose notre glorieuse dignité d'enfants de l'Église.' 76

VIII. Avec quelle ardeur nous devons prier pour l'Église etpour le Saint-Siège 7 9

IX. Que nous devons assister généreusement l'Église danstoutes ses nécessités, et nous dévouer pour ellecomme pour J é s u s - C h r i s t même 8 2

X. Que notre dévouement au Pape et à l'Église doit aller,s'il le faut, jusqu'au martyre 85

III. — E n J é s us , , n o u s d e v e n o n s l e s Rois e t l e s S e i g n e u r s d uMONDE go

I . Que J é s u s - C h r i s t est constitué Roi, Seigneur et souverain Maître de toutes les créatures 9 0

II. Gomment la royauté universelle de J é s u s est, en cemonde, militante et voilée 94

III. Que J é s u s associe à sa royauté les chrétiens, qui sont

ses membres 9 7



TABLE 6 1 7

I V . Comment, en notre qualité de Rois et do Seigneurs dumonde, nous avons seuls le droit d'user des créatui'cs 99

V . Comment le chrétien est lui-môme le principal domaineet le vivant royaume de JÉSUS io5

V I . De l'influence et domination surnaturelles qu'exercentautour d'eux les très-fidèles serviteurs de JÉSUS-

CHRIST 106

V I I . Comment le don des miracles n'est qu'un écoulementdu souverain domaine de JÉSUS dans ses serviteurs. . 1 i 3

VIII. De la sainte grandeur de notre royauté en JÉSUS. . . . 116

IV. — EN JÉSUS, NOUS DEVENONS ENFANTS DE LUMIÈRE 119

I . Que Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST est la Lumière d umonde 119

I I . Qu'en 3a sainte humanité JÉSUS est le Soleil du monde dela grâce 122

III. Que la lumière de JÉSUS, répandue en nous, nous transforme en enfants de lumière 127

IV. Que nous sommes enfants de lumière non-seulement

pour nous-mêmes, mais encore pour les autres. . . i3aV . Comment, pour être de vrais enfants de lumière, ilnous faut toujours marcher à la lumière de JÉSUS-

CHRIST i36

VI. Des enfants de ténèbres i4«V I I . Que la très-sainte Eucharistie est le Pain des enfants de

lumière i4&

VIII. Comment le Pape est le Phare lumineux de la sainteÉglise i/|8

V. — EN JÉSUS, NOUS DEVENONS DES JUSTES i55

I . En quel sens Notre-Seigneur est la Justice même et leJuste par excellence i55

I I . Comment, en JÉSUS-CHRIST, nous devons pratiquer la justice à regard de DIEU i38

I I I . De la triple forme de notre justice envers DIEU. . . . 160I V. Comment, en JÉSUS, nous devens pratiquer la justice à

r e g a r d des créatures i 65

V. Comment, en JÉSUS, nous devons pratiquer la justicevis-à-vis de nous-mômes 170

V I . De la droiture admirable et de l'excellence de la justice. 173VII . Des précieux fruits de la justice 177

VIII. Que le monde est étranger àla justice de JÉSUS-CHRIST 18I



TABLE

IX. Fidélité, héroïque du vénérable abbé Olier dans l'accomplissement de la loi do justice i85

— En Jésus, nous devenons les vrais sages i>e UA terre. . . 1881. QueNotre-Seigneur Jésus-Christ estla Sagesse incarnée 188

I I. Gomment Jésus lui-même est la sagesse des chrétiens. . 19p.III. Que la sagesse chrétienne découle tout entière de lafolie de la croix 197

IV. Que, pour être sage selon Dieu, il faut être fou selon lemonde <>oi

V. De Ténergio qu'il faut avoir pour acquérir la divine sagesse -206

VI. Pourquoi la sagesse purement naturelle n'est qu'inanitéet folie 209VII. De la perversité de la sagesse mondaine *mVIII. Que parmi les chrétiens, il se rencontre parfois une

sagesse apparente, extrêmement dangereuse. . . . :utiIX. Comment nous pouvons nous garder de cette fausse

sagesse, si opposée à. celle de Jésus 221

X. Combien le savoir inutile est nuisible à la sagesse surnaturelle : . . . . 225

XL De l'excellence surabondante de la divine Sagesse.. . 200XII. Comment, en la sagesse de Jésus, les vrais chrétiens sont

le sel de la terre s35 — En Jésus, .sous devenons des élus et des prédestinés . . 209

I. Des erreurs et idées fausses touchant la prédestination. 239

II. En quel sens Jésus est l'Élu par excellence et le prédestiné des prédestinés. 245III. Comment, par pure grâce, Dieu nous prédestine éter

nellement en Jésus-Chrlst, 3/48IV. Qu'à son tour, le Christ, notre frère aîné, nous commu

nique miséricordiensement la grâce de sa. prédestination a5a

V. Des différents degrés de prédestination et de la répartition inégale des grâces " 255VI. Comment il est très possible et très nécessaire de cor

respondre à la grâce prédestinante de notre Dieu. . 269

VII. Avec quelle crainte et avec quelle confiance nous devonscorrespondre à la grâce de notre prédestination. . . 260

VIII. De quelques signes particuliers de prédestination. . . 267



TABLE 619

IX. De quelques autms signes, plus généraux, indiqués parles Saints '».71

X. Comment Notre-Seigneur a tracé lui-même le portraitdes prédestinés 7 7 0

XI. Que ce sont les réprouvés qui se prédestinent eux-mêmesà la damnation éternelle 2 7 8XII. Avec Quel déiachcmcnt de toutes choses Les élus de

D i e u doivent accomplir ici-bas leur pèlerinage. . . я 85

XIII. Quel religieux r e s p e c t mérite un prédestiné, de la partde t o u t e s les c r é a t u r e s -.*88

XIV.. Du froment des é l u s й 9 а

S E P T I È M E T R A I T E

NOS GRANDEURS № JÉSUS. — l l l .

L v m o D U C T i O A 3 o i

i. Hésuiné de la question S o iH . Allons à J é s u s pour c o n n a î t r e J é s u s 3o3 ï . — E s J é s u s , no .us d e v e n o n s f o r t s . . • . . . З 0 7

1. Que Notre-Seigneur J é s u s - C h r i s t e- t la Korce et laVertu du'Très-Haut i Л 0 7

II. Que l'Esprit d e force repose tout, entier en Notre-

Soigneur "> io

Ш .

QueJ é s u s

estl a

force de l'Église3 i 5

IV. Des prodiges de la force de Notre-Seigneur en sonÉglise 3 i 5

V. Comment, par l'unionde sa grâce, J é s u s communiquesa force au chrétien З 1 8

VI. Des cinq caractères principaux que revêt en non* laforce de J é s u s

Vil. Que li force chrétienne es. toute M i r n a t u i e l l e . . . 3 a &VIII. G o m m a n t les vertu* « ' h r é t i e n n e s sont t o u t e s des f o r c e s ,

nt comment tous l e s vices n e sont que des faiblesses. 5 5 1IX. Que la foive. de. Notre-Sc'gneur doit imprégner toutes

les venus d'un chrétien 3 5 6X. Comment le chrétien puise eu J é s u s la force d'esprit. З З 9

XI. Comment l e chrétien puise en J é s u s la fo. ce de volonié. 343

XII. Comment J é s u s est la force de notre amour 346



TÀËLE

XIII. De la force pervertie et faussée 551XIV. De la constance et dp la force chrétiennes dan» les per

séditions 554XV. Comment JÉSUS est également notre force dans les

épreuves 359XVI. Que le sicrcment de confirmation est spécialement lesacrement de la force 361

XVII. Du pain des forts 564• EN JÉSUS, NOUS DEVENONS UBRES 370

I. Quo Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST est leprincipe etl'auteur de la liberté 074

II. Comment JÉSUS, et JÉSUS seul, est le libérateur dumonde 376III. Admirable parole de saint Cyrille, | roclamant cette

grande doctrine 378IV. Que Notre-Seigneur n'apporte au monde la vraie

liberté que par son Église 378V. Beau témoignage d'un de nos Évéqucs h ce sujet. . . 58v.

VI. Que le mystère de délivrance opéré par Notre-Seigneurn'e^t pas encore consommé pour nous 384VU. Comment le chrétien n'est libre qu'en Notre-Seigneur

et pour Notre-Seigneur 588VHI. Que toute la rage du démon ne peut rien contre la

liberté du chrétien vivant en JÉSUS 09?.

IX. Comment les enfants de DIEU, délivrés par Notre

Seigneur, échappent à la fureur et à la puissance despersécuteurs 397

X. Exemple mémorable de l'inviolabilité de l'âme qui vittout en JÉSUS-CHRIST 599

XI. Quels sont ici-bas les hommes le plu» véritablementlibres 409

XII. Curieux témoignage d'un socialiste et d'un galérien. . 4T5

XIII. Du caractère souverain et royal de notre liberté enJÉSUS-CHRIST 4I(>

XIV. Que notre dépendance de JÉSUS ne lè- e en rien notreliberté Vio

XV. Gomment les prescriptions de l'Église, si astreignantesen apparence, ne font que garantir notre liberté - . 425

XVI. Comment la liberté nous apporte le précieux trésor de

la paix • • . . 429



TABLE 62-1

XVIL. Que tous ceux qui ne demeurent pas en Notrc-Seigneursont véritablement et nécessairement esclaves . . . 4 5 5

XVIII. Combien douloureuse et misérable est cette servitude. 4 5 5

XIX. De la fausse liberté dans la piété 4 5 g

XX. Du droit de chaque enfant de DIEU à la liberté dans lapiété 4 4 5XXI. De la liberté de la sainte communion 447

III. — EH JÉSUS, NOUS DEVENONS LES JUGES DU MONDE ET DES PÉCHEURS. 4 5 a

I. Que Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST est le. Juge de toutecréature, et comme Fils de DIEU et comme Fils del'homme 45i

II . Que la sainte humanité du Christ est l'Exemplaire, leLivre de vie et la Loi du jugement 4&4III. Comment le Pape et l'Église entrent en participation de

ce droit suprême de juger 456IV. En quel sens le vrai fidèle, selon la parole de saint Paul,

a le droit déjuger de tout et de ne point être jugé. 4r

>9

V. Que cJest JÉSUS lui-môme qui juge par nous, avec nous

et en nous 46»VI. Avec quelle sainte fierté le chrétien doit se conduire aumilieu du monde 465

VU. Comment la vie du chrétien est la condamnation vivantedu monde 467

VIII. Comment, au dernier jour, nous jugerons avec Notre-Seigneur les démons et les pécheurs $73

IV. — EN JÉSUS NOUS DEVENONS LES SAUVEURS ET LES CONSOLATEURSDE NOS FRÈRES 4 8 1

I. Que JÉSUS est notre Sauveur et notre salut 484II. De la bienfaisante mission de l'Église qui apporte aux

hommes le Sauveur et le salut 4 8 8TU. Comment le prêtre est tout particulièrement sauveur et

consolateur 4 g 5

IV. Comment chaque fidèle est appelé a participer à ce beauministère de salut 496

V. Quelques paroles intimes du divin Sauveur relativementà cet apostolat des âmes fidèles 4 9 9

VI. Pourquoi ceux qui veulent être, pour leurs frères, dessauveurs et des consolateurs, doivent être très-saints

VII. Avec quel zèle et quelle compassion nous devons aider

JÉSUS h sauver les pauvres pécheurs 5o4



TABLE 622

VIII. Avec quelle charité nous devons aider JÉSUS à consolertous ceux qui souffrent . 109

IX. Que les chrétiens sont constitués ici-bas consolateurset libérateurs des saintes àm^s du Purgatoire. . . . 5 i 4

X. Que la très-sainte Vierge est, EU cela comme en tout, leTYPE SOUVERAINEMENT PARFAIT DE TOUS LES chrétiens. . ,V>O

EN JÉSUS, NOUS OEVKNONS DES VICTLMBS 5s5

I. Que lo Fils de DIEU est la Victime et l'Hostie universelle 5a3II. Que Notre-Seigneur continue, dans ses membres mys

tiques, son état de victime 5a6III. Comment JÉSUS s'immole et se sacrifie en ses membres. 5 3 o

IV. Qu'il est impossible D'Atrc chrétien, sans partager, dumoins dans une mesure, cet état de Victime avecJÉSLS 55'>.

V. Qu'il ne faut pas avoir peur de s'immoler avec JÉSUS-

CHRIST 536

VI. Que le vrai chrétien, loin D'appréhender cet état deVICTIME, Y ASPIRE GÉNÉREUSEMENT . 5 4 *

Vil. Comment le saint amour de JÉSUS nous immole et faitde nous de nobles et pures victimes - . 5 4 5VIII. Comment aimer JÉSUS, c'est s'immoler et souffrir pour

lui et a\ec lui , 34gIX. Que nous devenons, 011 JÉSUS, des victimes de péni

tence et d'expiation . . . 55X. Qu'en JÉSUS, nous sommes DES victimes de charité, tou

jours prAtes à se sacrifier AU salut des âmes . . . . 5 5 5XI- Que nous devons être DES Victimes, consacrées etdédiées à la sainte Église 5(ù

XII. QU'EN JÉSUS-CHRIST ET À CAUSE DE JÉSUS-CHRIST, NOUS

SOMMES LES VICTIMES DES COLÈRES du démon, DES MON

dains et des pécheurs 566

XIII. Comment les vrais chrétiens sont des Victimes de cha

rité, par rapport aux pauvres et aux malheureux . . 5 7 \lV. Pourquoi les Prêtres et les Religieux sont tout particu

lièrement des victimes et des hosties en JÉSUS-

CHRIST 5 7 5

iV. Que les Religieuses, surtout les contemplatives, sontdes Victimes toutes puissantes devant Notre-Seigneur 58o



TABLE

XVI D JÉ H ti dèl d h éti i t

Documents

Oeuvres de Mgr de Segur (Tome 14)