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Directeur de la photographie : Jean Badal et Andréas Winding Décor : Eugène Roman Musique : Francis Lemarque, Dave Stein, James Campbell Production : Specta-Films Durée TV : 2 h Avec Jacques Tati (M. Hulot), Barbara Dennek (la jeune Américaine), John Abbey (Mr Lacs), Henri Piccolo (le monsieur important), Reinhart Kolldehoff (le directeur allemand) « J'aurais pu appeler ça "Le temps des loisirs", mais j'ai préféré prendre Play Time. Jacques Tati

« J'aurais pu appeler ça Le temps des loisirs, mais j'ai …archirep.nantes.archi.fr/DATA/Analyse_filmique/Barbisan... · 2010-12-12 · bâtiments de travail aux façades d'acier

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Directeur de la photographie : Jean Badal et Andréas WindingDécor : Eugène Roman Musique : Francis Lemarque, Dave Stein, James Campbell Production : Specta-Films Durée TV : 2 h Avec Jacques Tati (M. Hulot), Barbara Dennek (la jeune Américaine), John Abbey (Mr Lacs), Henri Piccolo (le monsieur important), ReinhartKolldehoff (le directeur allemand)

« J'aurais pu appeler ça "Le temps des loisirs", mais j'ai préféré prendre Play Time. Jacques Tati

L’histoire :À l'heure de l'Economic Airline, des Américaines participent à un voyage organisé. Leur mission : visiter une capitaleeuropéenne par jour. Arrivant de Rome, les voilà qui débarquent à Orly. Leur visite au pas de charge les amène à croiser undrôle d'oiseau, M. Hulot, en quête d'un travail dans la froide cité ultramoderne. Mais à mesure que le soir tombe,l'atmosphère se réchauffe et tout le monde se retrouve au Royal Garden, un restaurant chic qui ouvre à peine ses portes... Lelendemain matin, une histoire d'amour s'ébauche entre Hulot et une touriste... qui déjà est emportée par le tourbillonintrépide de la vie moderne.

Un tournage gigantesque et chaotique.« Il était difficile d'arrêter le trafic à Orly, tout comme la recette d'un drugstore ou d'un supermarché en pleine activité. Nousavons alors été dans l'obligation de faire ce décor qui n'existait pas. Je l'ai inventé. Il a été très long à construire et trèscoûteux. »Débuté le 12 octobre 1964 en décors naturels à Orly, le tournage est immédiatement interrompu. Un véritable obstacle, n'enest pas pour autant insurmontable. En réalité, cet inconvénient conforte surtout Tati dans l'idée d'une nouvelle approcheesthétique des décors, pour lui, qui conçoit un film dans une stricte gamme de tons monochromes. « Tativille » sera donc lelieu de tournage du film. Pensée par Tati et dessinée par Eugène Roman, « Tativille » avait commencé à jaillir en septembre1964 d'un terrain vague de quelque 15 000 m² situé à Joinville-le-Pont, à l'extrémité est du plateau de Gravelle. Cette ville-studio à proximité du bois de Vincennes sera bientôt composée d'escaliers roulants, de grands ensembles d'habitation, debâtiments de travail aux façades d'acier et de verre montés sur des rails, de rues asphaltées, d'un parc automobile et d'uneaérogare ! Une centaine d'ouvriers travaillent sur le chantier pendant cinq mois. Chaque immeuble est doté d'un chauffagecentral au mazout. Deux centrales électriques entretiennent en permanence un soleil artificiel...Faute d'argent pendant le tournage, la production est parfois empêchée de verser les salaires. Tati hypothèque sa propremaison ainsi que les droits des Vacances de Monsieur Hulot et de Mon oncle ; Georges Pompidou, alors Premier ministre,intervient même pour permettre un prêt exceptionnel du Crédit Lyonnais au cinéaste surendetté. Pendant la longue périodede construction des studios et du décor, Tati poursuit ses essais de mise en scène. Le tournage reprend en mars 1965 après desmois de retard et se prolongera de façon sporadique jusqu'en septembre 1967, date à laquelle le décor est détruit. Tatiproposait de réhabilité Tativille, notamment pour en faire une école de cinéma, le projet n’a finalement pas été concrétisé.

Chef d’œuvre du cinéma PlayTime est donc d'abord l'histoire d'un tournage chaotique et d’une incompréhension de la part dupublic, à sa sortie.

Le 70 mm.Pour Tati, le 70 mm (écran très large, type CinémaScope), au large bord est capital. Il lui permet « d'agrandir » le décor au point de faire de lui un personnage à part entière du film dans lequel l'homme apparaît diminué et écrasé. Le héros perd, par conséquent, son statut de protagoniste et le gag se « démocratise », selon le mot de Tati, dans la mesure où l'attention du spectateur est dispersée dans l'immensité de l'image. La hiérarchie des personnages est renversée : chacun a droit au même regard. Hulot n'est alors plus qu'un parmi d'autres « petits personnages », eux-mêmes perdus au milieu d'une multitude de détails. Dans sa forme parce que ce n'est plus la caméra qui guide le regard du spectateur en lui indiquant ce qu'il y a à voir, mais c'est le spectateur lui-même qui doit chercher à lire l'image.

La séquence étudiée.PlayTime est organisé en six séquences, reliées entre elles grâce à l'utilisation de deux personnages qui se croiseront au cours du récit : Barbara, une jeune touriste américaine en visite à Paris et M. Hulot, qui a un rendez-vous avec un personnage important.La séquence étudiée est tirée de la séquence quatre « Les appartements-vitrines » À la nuit tombée, M. Hulot rencontre un camarade de régiment qui l'invite dans son appartement ultramoderne.

1. À l'aéroport 2. Les bureaux 3. L'exposition

des inventions4. Les appartements-

vitrine des inventions

5. Le Royal Garden

vitrine des inventions

6. Le carrousel des

voitures

rencontre de Hulot

avec M Schneider

Les personnages : M Hulot (Jacques Tati) : anti héros errant, il est le fil conducteur d’un récit qui ne cesse de prendre la tangente. Il permet de faire un tour du propriétaire, de révéler le cauchemar du quotidien et la folie du monde moderne.M Schneider : Nouveau propriétaire d’un appartement « vitrine », il incarne le monde moderne en se vantant à M Hulot de gadget où l’esthétique et le rationalisme priment sur l'usage et le confort.M Giffard : voisin de M Schneider, il s’est cogné le nez avec une porte en verre.La femme de M Schneider : Charmante et accueillante.

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Le Décors.

Même s'il prétend ne pas être « contre l'architecture moderne » (17), Jacques Tati n'a que peu d'estime pour ce que produisent lesarchitectes durant cette période et notamment pour cette architecture dite de « style international » qui envahit les villes entre lesannées 1950 et 1970. Une architecture de verre, de béton et d'acier (22), qui ne fait plus de différence entre le dedans et le dehorsen exposant au vu et au yeux de tous, l'intimité des familles. Des espaces aseptisés et confinés où rationalisme et esthétique dumatériau l'emportent sur l'usage et le confort.La symétrie des appartements de M Schneider et M Giffard est totale. Seul l’emplacement des fauteuils (au bruit caractéristique dansle film) et la décoration intérieur (cadres, lampe, tapis) varie.Représentation du décor perçu par le spectateur.

Appartement de M Scheinder Appartement de M Giffard

Télévisions

Reconstitution du décors.

Le bâtiment construit spécialement pour le film dans Tati ville n’est jamais perçu entièrement par le spectateur. Néanmoins sasymétrie est évidente. Les rideaux identiques placés derrière les vitres, plus que transparentes, renforcent le sentiment de décors dethéâtre composé de quatre scènes (deux par étages).

Match photo :L’angle droit règle d’or du bâtiment rend la modélisationaisée. Cependant la scène se déroulant de nuit l’éclairage vientuniquement de l’intérieur des appartements et la profondeurdes pièces reste approchée. La caméra placée à partir d’unecapture d’écran avait une focale de 73mm. Ce qui confirmel’utilisation du 70mm durant tout le film, risque prit par Taticar cette technique demande un recul conséquent.

Profondeur de la pièce floue.

La lumière :Tati joue avec plusieurs sources de lumière pour révéler ouabaisser un personnage, et mettre en évidence des objets, latélévision notamment. Le fond du décor n’est pas dévoilé et sacompréhension spatiale reste floue, notamment due au tonmonochrome du bâtiment. Au delà de sa référence àl’architecture, la couleur uniforme « bleu gris » permet demieux lire les actions des personnages, le spectateur étantabsent du son intérieur.

Durée 27 sAngle: - 2°Plan d’ensembleHistoire : Rencontre de M Hulot avec M Schneider (ancien camaraded’armée) qui l’invite dans son Home ultra moderne.Exagération : l’essuyage des chaussures dans le hall de l’immeuble.Lumière : les spots extérieurs placé sur l’auvent servent plus audécor qu’à éclairer. La lumière venant uniquement de l’intérieur.

M Hulot

M Schneider

Plan 1

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Durée 14 sAngle : 1.5°Plan général

Raccord mouvement : geste d’essuyage de pieds de M Hulot et MSchneider.Plan général : Légère contre plongée. Première vue d’ensemblepour le spectateur.Personnage : entrée de personnage, M Giffard sort du taxi le nezcassé.

M Giffard

Plan 2

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Durée 7sAngle : - 3°

Traveling gauche droite (3 à 4): imagination de l’espace par le spectateur. Ce dernier n’est pas convié à entrer et doit suivre dorénavant les actions, sans son provenant de l’intérieur. Début de la « découverte de l’immeuble par des cadrage successif (de 3 à 8) révélant pas à pas le décors sur rue.Exagération : vitrine sur rue, les passants ne semble pas prêter attention à ce qui se passe dans les salons.

Plan 3

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Durée 9sAngle : - 3°

Plan fixe à la fin du travelling.Plan cadré en triptyque du hall au salon. Le spectateur rentre pas à pas dans le home de M Schneider.Personnage : Entrée de personnage M Schneider.

Plan 4

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Durée 1 m 06 sAngle : - 1.5°Plan plein cadre

Raccord mouvement : entrée dans le salon de M Schneider.L’espace : Le retrait du mur du fond du salon et l’absence de porte permettent de clore l’espace géométriquement et de ne point révélé ce qui s’y déroule.Histoire : M Schneider se vante de gadget, notamment de son porte cigarettes, et fait admirer à M hulot la vue depuis son salon.

Plan 5

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Durée 24 sAngle : - 4°Plan plein cadre

Raccord mouvement Composition d’image : diptyque 2/3, 1/3. privilégiant l’action principale.Personnage : Découverte de Mme Giffard faisant face à M Schneider mais étant dans un autre appartement.Espace: La direction du regard de Mme Giffard laisse croire qu’elle regarde la scène de l’autre côté de la cloison.

Plan 6

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Durée 14 sAngle : - 4°Plan plein cadre

Composition d’image : Cadrage opposé à celui antérieur, 1/3 2/3 , inversion de des rôles des personnages.Lumière : Dès que la télévision s’allume, une lumière éclaire Mme Giffard et une ombre imposante se crée sur le mur du fond (utilisation d’un projecteur placé derrière le poteau).

Mme Giffard

Plan 7

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Durée 9sAngle : 1.9 °Plan général

Lumière : les télévisions étant toutes allumées la variation de lumière est synchronisé d’un appartement à l’autre.Intention : Vue d’ensemble des appartements ; effet miroir non seulement entre deux appartements voisins mais aussi d’étages en étages. L’ensemble de l’immeuble se révèle à la manière d’un décors de théâtre découpé en quatre scènes.

Plan 8

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Conclusion :Tati disait : « On ne peut comprendre cette scène que si l’on sent qu’en face il y a le même immeuble. » Cette scène est donc un double effet miroir. Elle repose d'abord sur l’ idée de transparence. Convié à observer l'intimité du « home » de Schneider, le spectateur est placé dans une position de voyeur. Toutefois, s'il peut observer, il n'entend rien. Ce qui revient à dire que montrer, c'est cacher. À cet exhibitionnisme social succède l'exhibitionnisme sexuel. Après le départ de Hulot, Schneider donne l'impression d'effectuer un strip-tease devant sa voisine d'appartement, Mme Giffard. L'illusion d'optique est obtenue grâce à la convergence du regard des deux personnages qui se font face et à la position de la caméra qui cache le mur mitoyen qui les sépare derrière la colonne de l'immeuble. L'idée de l'adultère devant un Giffard qui promène son chien au premier plan aboutit à un gag particulièrementsavoureux.

Barbisan Nicola