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Université de Provence UFR « Psychologie, sciences de l’éducation » Travail d’étude et de recherche présenté pour l’obtention du Diplôme d’État de Conseiller d’Orientation-Psychologue « La perception et la relation chez la personne dyslexique » par Juliette Leprince Fabienne Costantini sous la direction de Catherine Rouyer Promotion 2004-2006 29 avenue Robert Schuman 13621 – Aix en Provence CEDEX 1 1

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Université de Provence

UFR « Psychologie, sciences de l’éducation »

Travail d’étude et de recherche

présenté pour l’obtention du

Diplôme d’État de Conseiller d’Orientation-Psychologue

« La perception et la relation

chez la personne dyslexique »

par

Juliette Leprince

Fabienne Costantini

sous la direction de

Catherine Rouyer

Promotion 2004-2006

29 avenue Robert Schuman

13621 – Aix en Provence CEDEX 1

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Nous remercions Catherine Rouyer, directrice de cette recherche, pour l’intérêt

qu’elle a porté à notre travail ainsi que pour son aide et son soutien.

Nous remercions aussi les équipes de direction et les équipes éducatives de nos lieux

de stage, de nous avoir permis de mener cette recherche au sein de leurs établissements

scolaires.

Enfin, nous souhaitons remercier Amélie, Cynthia, Sébastien et Sandy pour leur

participation et tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à l’élaboration de ce travail

de recherche.

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Sommaire

Introduction 1

Chapitre 1 : Pourquoi « l’être-au-monde » du sujet dyslexique ? 2

1 - Qu’est-ce que la dyslexie ? 2

1.1 - La dyslexie, « maladie de l’école » ? 2

1.2 - Définition de la dyslexie 4

1.3 - Symptomatologie 5

1.3.1 - Difficultés dans les apprentissages scolaires 5

1.3.2 - Les symptômes associés 6

2 - Problématique et hypothèses de recherche 8

2.1 - « Etre-au-réel-en-tant-que-dyslexique » 9

2.2 - La perception chez le sujet dyslexique 10

2.3 - Un mode relationnel spécifique 13

2.4 - Problématique 15

2.5 - Hypothèses 16

Chapitre 2 : Méthodologie 17

1 - Présentation des sujets 17

2 - Outils méthodologiques 18

2.1 - L’entretien clinique de recherche 18

2.2 - Le test projectif de Rorschach 20

3 - Procédure de recueil et d’analyse des données 22

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Chapitre 3 : Interprétation des résultats 24

1 - Un attachement au réel 24

2 - Le relationnel 28

2.1 - Investissement de la relation 28

2.2 - Analyse de la relation à « l’imago » maternelle 31

2.3 - La relation au travers des réponses kinesthésiques 35

3 - Le moi du dyslexique 37

3.1 - La représentation de soi 37

3.2 - Les mécanismes de défense 39

Conclusion 45

Références bibliographiques 47

Annexes 49

Annexe 1 : Autorisation chefs d’établissements 49

Annexe 2 : Lettre de consentement 50

Annexe 3 : Notes d’entretien 52

- Amélie 52

- Cynthia 59

- Sébastien 66

- Sandy 72

Annexe 4 : Protocoles de Rorschach 78

- Amélie 78

- Cynthia 81

- Sébastien 85

- Sandy 87

4

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Introduction

Le choix de travailler sur le thème de la dyslexie fait suite à notre rencontre avec des

élèves dyslexiques au cours de différentes expériences en milieu scolaire. Ce qui nous a

réunies autour de ce thème et données envie d’approfondir nos connaissances, est cette

impression de flou, d’imprécision de la définition même de cette notion. Nous partagions

l’envie d’explorer nous-même ce sujet de façon à ne pas subir les définitions ambiguës des

uns et des autres.

Au travers de nos lectures ainsi que suite à deux congrès sur la dyslexie nous nous

sommes rendues compte que l’intérêt des spécialistes s’attachait peu à la question du vécu,

alors que nos interrogations portaient sur cet aspect. Nous avons donc choisi de nous

intéresser à la façon dont ces personnes se construisaient et évoluaient dans leur

environnement.

Les travaux de R. Mucchielli et de A. Bourcier1, nous ont permis de dégager deux

dimensions semblant jouer un rôle important dans le trouble dyslexique : la perception

caractérisée par un attachement au réel et la relation en lien avec une ambivalence vécue.

Par la suite, nous avons utilisé le test projectif de Rorschach et l’entretien clinique afin

d’explorer ces deux dimensions auprès de quatre sujets dyslexiques et de confronter les

théories à nos propres observations.

Enfin, nous avons tenté, au moyen de nos observations, de dégager une problématique

plus précise en lien avec la perception et la dimension relationnelle.

1 Mucchielli, R., & Bourcier, A. (1963). La dyslexie maladie du siècle.

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Chapitre 1 : Pourquoi « l’être-au-monde » du sujet dyslexique ?

1 - Qu’est-ce que la dyslexie ?

1.1 - La dyslexie, « maladie de l’école » ?

J. Fijalkow2 dans son article « Dyslexie : le retour », nous rappelle que c’est la

médecine qui crée le terme de dyslexie, introduit au premier Congrès International de

Psychiatrie de l’Enfant à Paris en 1937.

Suite à nos lectures et après avoir assisté à quelques réunions d’information3 sur la

dyslexie, destinées aux parents et aux enseignants, nous constatons que ce trouble reste la

propriété de la médecine. En effet, malgré de nombreux affrontements entre le corps médical

et celui des sciences humaines et sociales, l’hypothèse épistémologique qui est actuellement

soutenue reste celle selon laquelle les difficultés d’entrée dans le langage écrit renvoient à des

facteurs de type neurologiques dont la dyslexie en serait la manifestation.

Il semble que pour le moment l’origine de la dyslexie n’ait pas encore été mise en

évidence et qu’il existe toujours une grande diversité de conceptions théoriques. Dans son

rapport J.-C. Ringard4 reconnaît d’ailleurs qu’il s’agit d’un sujet très controversé et tente une

synthèse scientifique n’aboutissant à aucune conclusion et surtout à aucune unanimité

scientifique.

Aujourd’hui la dyslexie, (dont le problème se pose essentiellement au niveau

éducatif), se révèle au moment de l’entrée dans les apprentissages. Elle oscille entre

2 Fijalkow, J. (2002). « Dyslexie : le retour ». p. 150. 3 Conférence donnée par le docteur Cheminal le 7-12-2004 au collège de Servian dans l’Hérault et celle donnée par le docteur Habib le 16-3-2005 au collège Emilie de Mirabeau à Marignane. 4 Rapport présenté par J.-C. Ringard (2000). « A propos de l’enfant dysphasique et de l’enfant dyslexique ». Ce rapport était destiné à la ministre de l’Education Nationale S. Royale.

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préoccupations pédagogiques et préoccupations médicales depuis son rattachement au

ministère de l’Education Nationale et à celui de la Santé.

C’est donc conjointement que ces deux ministères ont mis en place un plan d’action5

présentant les mesures administratives. Ces dernières constituent un quadrillage systématique

par les réseaux de santé de la population des « mauvais lecteurs ». Le dépistage se fait donc

par le médecin scolaire ou le médecin de protection maternelle et infantile (PMI).

Sur le terrain nous avons pu remarquer que les élèves dyslexiques ne sont pas toujours

repérés et que le recours à un diagnostic se fait essentiellement pour bénéficier du tiers temps

au moment des examens et donc tardivement. De plus afin de bénéficier de cet aménagement

particulier, l’élève doit être reconnu comme dyslexique, ce qui lui confère un statut de

« handicapé »6.

Malgré cette reconnaissance du trouble de la dyslexie, nous avons constaté que sur le

terrain des mesures n’étaient pas toujours mises en place pour aider ces élèves. Enseignants et

parents semblent manquer de renseignements afin de mieux comprendre ces sujets. Nous-

mêmes avions le sentiment que finalement l’intérêt des spécialistes se portait peu sur la

manière dont les personnes dyslexiques vivent avec ce trouble alors que c’est justement ce sur

quoi porte notre interrogation.

Afin de préciser notre questionnement, nous allons reprendre la définition et la

symptomatologie de ce trouble tel qu’il est présenté à l’heure actuelle par les médecins et les

associations.

5 Le « Plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage » a été présenté par le ministre de l’Education Nationale, le ministre délégué à la Santé et le secrétaire d’Etat aux personnes âgées et aux personnes handicapées. 6 Le 21 mars 2001, à la suite du rapport de J.-C. Ringard et F. Veber, les troubles du langage écrit ont été reconnus de manière officielle par la présentation d’un plan d’action des ministères de l’Education Nationale, de la Santé et du secrétariat d’état aux handicapés. Cependant, la reconnaissance de la dyslexie comme handicap donnant droit à des aménagements scolaires est plus ancienne, puisque les dispositions spéciales pour les examens ont été étendues aux élèves dyslexiques dès 1985 (Circulaire n°85-302 du 30 août 1985 - BO n° 31 du 12 septembre 1985 - Décret n° 93-1916 du 4 novembre 1993).

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1.2 - Définition de la dyslexie

La définition que nous allons reprendre ici est donnée par M. Bonnelle7 dans son

ouvrage qui s’intitule La dyslexie en médecine de l’enfant. Cette formule, retenue par la

Fédération Mondiale de Neurologie en 1968 est actuellement largement diffusée.

Pour cet auteur, il s’agit d’un trouble qui se manifeste « par une difficulté durable

dans l’apprentissage de la lecture en dépit d’un enseignement normal, d’une intelligence

adéquate, de conditions socioculturelles satisfaisantes ». Nous pouvons noter que cette

définition consiste en une présentation négative et qu’elle se fonde essentiellement sur des

critères d’exclusion : absence de difficultés intellectuelles, pas de troubles sensoriels ou

perceptifs, pas de troubles psychologiques primaires prépondérants durant les apprentissages

initiaux, pas de soucis concernant l’environnement affectif, social et culturel, pas de

problèmes de scolarité.

Il s’agirait donc de troubles dynamiques de l’apprentissage de la lecture et de

l’orthographe, qui seraient caractérisés par une « diminution significative des performances en

lecture ou en orthographe par rapport à la norme d’âge ».

Nous avons pu remarquer, au cours de nos différentes lectures que la définition de la

dyslexie présente certaines ambiguïtés. Il est parfois difficile de déterminer avec certitude la

ou les cause(s) des difficultés rencontrées par un enfant. Comme le fait remarquer M.

Bonnelle il peut y avoir une conjonction de facteurs. Une dyslexie peut être associée à un

faible niveau socioculturel ou à des circonstances pédagogiques néfastes, etc…

Il s’agirait donc d’identifier les enfants qui manifestent ce décalage entre

l’apprentissage de la lecture tel qu’il est observé et celui tel qu’il est attendu, compte tenu de

7 Bonnelle, M. (2002). La Dyslexie en médecine de l’enfant.

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l’ensemble des facteurs (pédagogiques, socioculturels, psychologiques,…) pouvant avoir une

influence, sans exclure toutefois que plusieurs facteurs défavorables puissent coexister.

Ces facteurs associés ne sont donc pas systématiquement incompatibles avec une

dyslexie, mais ils ne doivent alors pas avoir été la cause principale des difficultés observées.

Ainsi, nous pouvons noter que finalement une part de subjectivité clinique est inévitable dans

le diagnostic. Il reste en effet difficile de faire la part respective des différents facteurs, de

déterminer le niveau de lecture attendu et d’avoir une connaissance suffisante des influences

environnementales.

1.3 - Symptomatologie

1.3.1 - Difficultés dans les apprentissages scolaires8

L’apprentissage de la lecture

La lecture est lente, hésitante, saccadée, syllabique, marquée par des anomalies de

déchiffrage (confusions auditives de lettres proches, inversions, ajouts,…). Le ton est

monocorde, avec un mauvais respect de la ponctuation. L’enfant se fatigue vite et sa

compréhension du texte lu est en générale assez médiocre, parfois même quasiment

inexistante.

L’apprentissage de l’écriture

La dyslexie est souvent associée à une dysorthographie : l’écriture est lente,

irrégulière, hésitante, avec des lettres mal formées et une difficulté à suivre la ligne

horizontale. Nous retrouvons de nombreuses ratures et erreurs en dictée et en copie. L’élève

dyslexique peut omettre des mots ou groupes de mots, car malgré une application il n’arrive

8 Bonnelle, M. (2002). Op. Cit.

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pas à prendre un recul suffisant. On observe également une très mauvaise maîtrise de la

ponctuation.

Les erreurs écrites sont à peu près de même nature que celles dues à la lecture. S’y

ajoutent des erreurs dans la séparation des mots (« à l’école » écrit « alécole ») ou des

découpages inappropriés (« il sanglote » écrit « il sans glote »). De même que chez les élèves

non-dyslexiques il y a des fautes « non-spécifiques » telles que les fautes d’usage (« fusil »

écrit « fusis »), les fautes de grammaire, ce qui n’exclut pas que les règles soient connues par

la personne dyslexique (qui est d’ailleurs souvent capable de se corriger si on lui indique

l’erreur).

Les autres apprentissages de la personne dyslexique

Il y a souvent existence d’un contraste entre de mauvais résultats en français et de

bonnes performances en mathématiques. Mais les insuffisances du langage écrit retentissent

sur les autres matières engendrant ainsi des difficultés dans les autres apprentissages.

1.3.2 - Les symptômes associés

Les personnes dyslexiques ont souvent eu préalablement un trouble dans l’acquisition

du langage oral.

Les troubles de l’attention et les troubles psychomoteurs

Nous notons chez certains sujets dyslexiques, une attention labile, instable, des

difficultés à rester concentré. Parfois il peut aussi exister une instabilité psychomotrice, de

l’impulsivité et une hyperactivité permanente et incoercible.

Les troubles de la mémoire

C’est plus spécialement la mémoire à court terme qui peut être atteinte.

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Les troubles de l’organisation spatiale

La personne dyslexique est parfois mal assurée dans la gestion de l’espace, dans les

opérations mettant en jeu le repérage spatial. Chez les sujets plus âgés, les difficultés

concernent les figures géométriques, les axes de symétrie, les labyrinthes, l’orientation dans

un bâtiment nouveau, le repérage sur un plan, etc…

Il arrive aussi que le schéma corporel soit également mal affirmé, rendant ainsi le sujet

maladroit, avec en particulier une confusion droite/gauche sur lui-même ou en projection sur

autrui.

Les troubles de l’organisation temporelle et séquentielle

Les sujets dyslexiques ont des difficultés dans la gestion des informations à

composante temporelle (mauvais repérage dans le temps, confusion dans le temps des verbes,

difficultés à utiliser les mots ayant une signification temporelle…).

Au niveau de l’organisation séquentielle, la gestion d’informations séquentielles pose

problème. Elle concerne des successions ordonnées telles que des séries de figures, d’images,

de sons à reproduire, …

Les troubles psychologiques et relationnels

Les troubles psychologiques, affectifs et socio-relationnels sont fréquents chez les

enfants dyslexiques.

- Troubles du caractère et du comportement exprimés sur un mode actif (réactions

d’opposition, agitation, indiscipline, agressivité, provocations, mensonges, larcins, fugues et

parfois même, conduites déviantes ou violentes).

- Sur le mode passif (repli sur soi, timidité, inhibitions, désintérêt, régression affective,…).

La perte de l’estime de soi et l’angoisse sont souvent très importantes.

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Il arrive que certains réagissent par un surcroît de travail excessif et obsessionnel,

alors que d’autres restent indifférents. Enfin, nous pouvons noter parfois des troubles du

comportement alimentaire, de l’énurésie, des manifestations psychosomatiques.

Les troubles de la latéralisation

Les personnes dyslexiques auraient souvent une latéralisation aléatoire.

2 - Problématique et hypothèses de recherche

Comme nous l’avons vu précédemment la dyslexie n’est pas seulement une atteinte du

langage écrit, elle peut être associée à des troubles du langage oral, de l’attention,

psychomoteurs, à des troubles de la mémoire, de l’organisation spatio-temporelle, mais aussi

à des troubles psychologiques et relationnels9.

A ce stade de nos lectures et de notre réflexion nous nous interrogions quant à

l’étendue possible des troubles dyslexiques. Notre questionnement, qui jusqu’alors portait sur

le thème plus large du vécu dyslexique, s’est recentré sur celui du relationnel. Compte tenu de

l’existence de nombreux troubles associés, nous nous demandions comment le sujet

dyslexique se construisait dans son rapport à l’environnement et quel type de relation il

entretenait avec lui.

C’est au travers des écrits de R. Mucchielli et A. Bourcier10 que nous avons pu

approfondir cet aspect de la dyslexie et explorer notre question concernant le vécu du sujet

dyslexique, en lien avec son environnement.

9 Bonnelle, M. (2002). Op. Cit. 10 Mucchielli, R. & Bourcier, A. (1963). La Dyslexie maladie du siècle.

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2.1 - « Etre-au-réel-en-tant-que-dyslexique »

Selon ces auteurs, nous devons « analyser sa façon propre d’être-au-réel-en-tant-que-

dyslexique, comprendre son état non pas comme état « désorganisé », mais comme type de

conscience en rapport avec un monde non organisé selon nos systèmes de significations ».

L’univers de ces personnes serait « non stable et ambigu ». « Les choses sont là

comme pour tout le monde, mais les rapports qu’elles ont entre elles, ou par rapport à lui-

même, sont mouvants […] ». Le sujet dyslexique n’a pas uniquement un problème dans son

rapport au langage écrit, son trouble semble être bien plus complexe. Selon ces auteurs, « les

prises rassurantes sur l’univers et sur les significations qui l’habitent, échappent malgré

l’effort ou l’intention, ont des ratés […] ».

Cet univers ambigu engendrerait une ambiguïté de sens qui existerait pour le sujet

dans toutes les dimensions de son monde : « sens-direction, sens-signification, sens-point de

vue, sens-sentiment, sens-symbole ». Cet univers que R. Mucchielli et A. Bourcier désignent

comme « amphibologique », va être source d’échec dans la voie de l’apprentissage de la

lecture.

En effet, « pour un mot dont il a besoin, le dyslexique voit aussi arriver à sa

conscience plusieurs mots proches par le sens ou par la forme […] ». « Il va multiplier les

points de repères et les systèmes permettant d’ajuster les réponses […] ». Ce système entraîne

donc des interprétations, des raccourcis, des lacunes. « Mais le dyslexique s’y tient parce que

le procédé lui donne une ligne de repère, un invariant de référence, auquel il s’accroche dans

la mesure même où il fuit le désarroi et l’insécurité de la sarabande des sens possibles et des

doubles sens ».

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R. Mucchielli et A. Bourcier nous donnent une définition de la dyslexie bien différente

de celles qui font référence à l’heure actuelle notamment dans le milieu de l’Education

Nationale et dans celui du médical.

« La dyslexie est la manifestation d’une perturbation dans la relation du Moi11 et de

l’Univers (en majuscules dans le texte), perturbation qui a envahi sélectivement les domaines

de l’expression et de la communication » (p. 88).

Nous avons fait le choix d’appréhender la question de la dyslexie à partir des écrits de

R. Mucchielli et A. Bourcier, parce que ces derniers nous ont éclairé sur nos interrogations

quant à l’existence d’un mode relationnel spécifique au sujet dyslexique. En effet, les auteurs

ne s’interrogent pas uniquement sur l’origine de ce trouble, ils nous donnent à voir un mode

de relation moi-environnement qui semble être spécifique du vécu de ces personnes.

De façon à présenter notre problématique et notre hypothèse, nous avons choisi de

reprendre cette théorie au travers de deux thèmes :

- la perception

- la relation

2.2 - La perception chez le sujet dyslexique

La dyslexie se caractérisant par un trouble de la perception visuelle ou auditive des

mots écrits ou dictés, nous avons décidé d’explorer de façon plus approfondie cette

dimension.

Dans leur développement, R. Mucchielli et A. Bourcier, prennent pour point de départ

les théories gestaltistes de la perception. Ils nous rappellent que la théorie de la Forme pèse de

son autorité essentiellement par son « hypothèse de l’objectivité des structures ».

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Cette théorie présente la progression de la perception comme « une marche de plus en

plus clairvoyante vers un lieu fixé à l’horizon. La perception, d’abord globale et

indifférenciée, puis de plus en plus riche et analytique, s’épanouirait, enfin complète, dans

l’installation au cœur de ce seul réel, naturel et social… » (p. 22).

R. Mucchielli et A. Bourcier ont un regard critique sur cette théorie et souhaitent se

placer au plus près de l’expérience et réintroduisent la dimension de la subjectivité propre au

développement de chacun.

Ils nous rappellent que : « A tous les niveaux du développement de l’enfant, à chacun

des paliers qui ne sont tels que pour l’observateur étranger, qui se juge « plus évolué », il faut

constater qu’il existe un « objet », une activité perceptive, une psychomotricité et bien

d’autres fonctions encore. Mais toutes ces données sont, d’une part reliées entre elles d’une

certaine manière, d’autre part, solidaires d’un « monde », expressives d’une manière d’être-

au-monde… » (p. 23).

Ces auteurs s’appuient sur la notion de « structuration réciproque », qui sous-entend

que le monde et le moi se constituent corrélativement et réciproquement pour soutenir

l’hypothèse selon laquelle la dyslexie est « le développement d’un trouble spécifique de la

Relation (en majuscules dans le texte) à un certain moment particulier de l’évolution de

l’enfant » (p. 23).

R. Mucchielli et A. Bourcier nous expliquent que les personnes dyslexiques, dans leur

évolution, se trouvent « engluées dans des difficultés d’orientation et de structuration spatio-

temporelle» les empêchant d’accéder au « symbolisme »12 (p. 48).

11 R. Mucchielli et A. Bourcier ne définissent pas le terme « moi », nous l’utiliserons dans le sens freudien, à savoir comme instance de l’appareil psychique qui se distingue du « ça » et du « surmoi ». 12 R. Mucchielli et A. Bourcier définissent le symbolisme comme « le niveau des idées représentatives du réel et du concret, une forme de pensée libérée des images et des sensations » (p. 49).

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Le symbolisme serait « le produit de la pensée conceptuelle et de l’intelligence

analytique », il permettrait de rendre possible quatre fonctions de l’intelligence que sont

l’analyse, l’abstraction, la généralisation et l’objectivation des relations et des rapports.

Le passage au stade de l’intelligence analytique-synthétique permet le « détachement

par rapport au niveau du perceptif » (p. 52).

Dans l’apprentissage de la lecture un arrêt au stade syncrétique se traduit par une

fixation dans le concret, le sujet va ainsi échouer au plan de la logique syntaxique. « Chaque

mot est perçu pour lui-même, souvent de manière aberrante mais toujours immédiate, hors

contexte, hors syntaxe » (p. 72).

Le résultat est que le sujet dyslexique n’analyse pas, il va avoir tendance à globaliser

et il découle de cette « perception globalisatrice un à peu près où les lettres sont tantôt à une

place, tantôt à une autre » (p. 84).

Dans leur exposé, R. Mucchielli et A. Bourcier, nous laissent entendre que, dans son

développement, la personne dyslexique négocie mal son passage à l’intelligence analytique,

notamment en raison d’une insuffisante structuration spatio-temporelle. Cette situation

engendre ainsi une difficulté à se « détacher des perceptions, à s’arracher au sensible et à

penser les relations des choses entre elles ». Ce type de pensée présente « un obstacle à une

objectivation et à l’abstraction » (p. 46). Afin d’accéder à l’intelligence analytique, il faut, au

préalable, s’être détaché partiellement du perceptif.

Les personnes dyslexiques semblent donc se distinguer par un mode perceptif qui leur

est propre. Selon les auteurs, ces dernières auraient des difficultés à prendre la distance

nécessaire par rapport aux objets perçus afin d’accéder à une pensée plus analytique et ainsi

construire des relations entre les objets.

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2.3 - Un mode relationnel spécifique

Les personnes dyslexiques, qui ont une difficulté à passer au stade de l’intelligence

analytique, présentent un trouble de la perception caractérisé entre autre par une impossibilité

à se dégager de l’affectivité et des qualités sensorielles. Ce trouble de la perception, qui a

priori ne se réduit pas uniquement à une difficulté de déchiffrage des mots lus ou entendus,

serait en lien avec un trouble de la relation.

Dans la suite de leur développement, R. Mucchielli et A. Bourcier nous expliquent que

« l’univers sans orientation du dyslexique est corrélatif d’un moi qui vit l’incertitude et une

certaine forme d’insécurité. Le trouble semble très localisé, mais il résume et fait apparaître

une ambiguïté générale, correspondant à une ambivalence vécue. La relation s’est développée

à partir d’un certain moment sur le mode de l’amphibologie, provoquant l’instabilité sur

l’ensemble du champ psychologique » (p. 28).

Selon R. Mucchielli et A. Bourcier, il existe quatre facteurs de stabilisation de

l’Univers vécu13:

- la latéralisation

- le schéma corporel : s’élabore à partir de la conscience du corps propre et donc de la

différence entre le corps propre et le corps de la mère. Il représente la première spatialité du

monde, du non-moi.

- l’orientation spatio-temporelle : elle correspond à la mise en place corrélative des choses et

du corps, et d’une orientation réciproque. Le schéma spatial s’élabore en même temps que le

schéma corporel. Dans ce même temps, il apprend à habiter de plus en plus son espace vécu.

13 Définition de « l’Univers vécu » que les auteurs nomment aussi « espace vécu ». R. Mucchielli et A. Bourcier font un rapprochement entre ce qui différencie l’espace vécu et l’espace représenté et ce qui différencie le « temps vécu » et le temps socialisé, qu’est le temps régulier s’inscrivant sur un cadran. Le « temps vécu », décrit par E. Minkowski dans son livre Le temps vécu, « est lié au rythme de l’existence pour chacun », à la manière dont on éprouve de façon personnelle la durée. « L’espace vécu est inséparable du temps vécu », « la distance vécue est à la fois un intervalle et un délai » (p. 37).

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- la stabilisation des valeurs, concernant la vie affective.

Les auteurs rappellent qu’en se situant au niveau du vécu (sur le plan affectif

lui même), « la stabilisation de la vie affective entretient avec la stabilisation de l’univers

vécu, des rapports étroits ». Et ceci toujours en fonction de cette loi de la structuration

réciproque, qui paraît « régir la relation du moi et de son monde » (p. 39).

Dans le cas de la dyslexie il ne peut y avoir une stabilisation de l’univers vécu,

puisque ces quatre facteurs s’élaborant réciproquement ne vont pas correctement se structurer,

le dysfonctionnement de l’un engendrant celui de l’autre.

De même, il ne pourra y avoir de structuration de l’univers orienté14, la structuration

spatio-temporelle ne pouvant s’effectuer sans passage à la pensée analytique.

La dyslexie sera donc un des effets de cet état particulier de la relation moi-univers,

relation construite sur de mauvaises bases (latéralisation défectueuse, affectivité troublée,

schéma corporel mal assuré, structuration spatio-temporelle insuffisante, etc…), lorsque

l’enfant sera mis en situation de devoir apprendre à lire. L’apprentissage de la lecture va

constituer « l’épreuve révélatrice de cet état particulier de la relation tel que nous l’avons

décrit, où le moi est mal assuré dans un univers désorienté » (p. 58).

Dans ce travail nous souhaitons, non pas comprendre ce qui est à l’origine de ce

trouble de la relation, mais plutôt explorer ce qui spécifie le mode relationnel chez la personne

dyslexique, tout en tenant compte de la part de subjectivité inhérente au développement de la

dyslexie.

14 Nommé espace orienté, géométrique, physique. Définit par Grünbaum : « l’espace propre est la liaison dynamique du corps physique propre avec son entourage le plus proche. Cet espace propre est donné en tant qu’une unité de fonction kinesthésique-optique-motrice et constitue l’arrière-plan pour la motricité du corps physique ». Extrait de Binswanger, L. (1998). Le problème de l’espace en psychopathologie. (p. 64).

18

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Pour cela, nous utiliserons la notion de « relation d’objet » telle que l’a définie M.

Houser15, comme « expression désignant notamment les formes prises par la relation du sujet

avec ses objets (lui-même compris) au cours de ses différents moments évolutifs ». Il est

intéressant de remarquer que dans la relation d’objet, tout comme le décrivait R. Mucchielli et

A. Bourcier concernant le moi et son environnement, il y a une « interrelation dialectique ». Il

est question « non seulement de la façon dont le sujet constitue ses objets (externes et

internes), mais aussi la façon dont ceux-ci modèlent l’activité du sujet »

2.4 - Problématique

Nous avons pu voir dans notre développement que la dyslexie se caractérisait par une

perception « globalisatrice » ; les sujets dyslexiques ayant des difficultés à penser les relations

des choses entre elles et à se détacher du perceptif et du sensoriel.

Au cours de cette recherche, nous avons découvert les travaux d’un autre auteur,

B. Jumel16 qui s’intéresse au lien qu’il peut y avoir entre une attitude relationnelle de

dépendance et un symptôme de dyslexie-dysorthographie. Concernant la perception, B. Jumel

explique que « l’axe vertical du corps, au lieu d’assurer leur relation, tend à séparer la gauche

de la droite, en les opposant ». Il ajoute : « le lien avec la dyslexie apparaît ici, si l’on pense

que le principe de notre écriture relève de l’association des lettres pour constituer des syllabes,

des syllabes pour constituer des mots… » (p. 135).

Ce trouble perceptif se traduirait par un problème de mise en relation, nécessitant une

liaison entre ce qui se présente à la gauche et à la droite du corps. Ces personnes auraient des

difficultés à réunir, lier, mettre en relation.

15 Bergeret, J. & coll. (1998). Psychologie pathologique théorique et clinique. p. 6. 16 Jumel, B. (2005). Comprendre et aider l’enfant dyslexique. p. 131.

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Nous pensons que cette difficulté de mise en relation des lettres ou des syllabes…, est

le signe d’un trouble plus large atteignant la capacité du sujet dyslexique à construire des

relations avec ses objets.

Comment une personne ayant à la fois des difficultés à bâtir des relations entre les

objets constituant son environnement et en même temps du mal à se détacher de la perception,

peut-elle se construire dans une relation d’objet ?

Encoure-t-elle des risques à entrer en relation, compte tenu du fait qu’elle y entre sur

un mode perceptif ?

2.5 - Hypothèses

Malgré les éléments de réponse que nous ont apportés les écrits de R. Mucchielli et

A. Bourcier, ainsi que ceux de B. Jumel, nous souhaitons visualiser les troubles de la

perception des personnes dyslexiques que nous allons rencontrer, à partir d’un matériel bien

différent du support verbal, qu’est celui de Rorschach.

Ceci nous semble nécessaire puisque notre première hypothèse est que la dyslexie ne

se limite pas à un trouble du langage écrit, mais à un trouble perceptif plus large en lien avec

la capacité à construire des relations entre les différents éléments.

Ce trouble perceptif engendre un trouble de la relation moi-univers que R. Mucchielli

et A. Bourcier qualifient d’amphibologique (reposant sur l’ambivalence vécue) et qui selon

B. Jumel est caractérisé par un mode relationnel de dépendance.

Ceci nous amène à poser notre seconde hypothèse : la spécificité de la relation du sujet

dyslexique à la lecture indique une spécificité de l’organisation du moi par rapport à

l’environnement et notamment dans la construction des relations objectales.

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Chapitre 2 : Méthodologie

L’objectif de cette étude, étant de décrire la manière singulière « d’être-au-monde » du

sujet dyslexique, nous avons choisi de répondre aux questions de recherche formulées

précédemment à l’aide de la méthode clinique, et donc à travers une analyse qualitative de cas

individuels.

Une première partie présente brièvement les sujets et les conditions dans lesquelles

nous les avons rencontré. Une seconde développe les outils méthodologiques utilisés et la

justification de ce choix. Enfin, la dernière retrace les différentes étapes de notre procédure de

recueil, puis d’analyse des données.

1 - Présentation des sujets

Afin de satisfaire notre travail de recherche, nous avons contacté plusieurs COP

intervenant dans des établissements scolaires où la prise en charge des élèves dyslexiques

était particulièrement investie. Ceux-ci nous ont alors mis en relation avec des élèves

dyslexiques que nous avons pu solliciter pour notre intervention.

Nous avons rencontré Sandy, Sébastien, Cynthia et Amélie au mois de mai 2005.

Sandy est âgée de quinze ans et est scolarisée en 4e dans le même collège que Sébastien. Ce

dernier a quinze ans et est en 3e générale. Cynthia a quatorze ans et est en 4e. Enfin, Amélie,

âgée de seize ans suit une classe de 3e à projet professionnel dans un lycée professionnel.

Dans cette recherche, nous avons choisi de travailler avec des sujets qui ont été

reconnus comme dyslexiques, conformément au diagnostic médical17.

17 Nous avons pu consulter le dossier médical de chacun des sujets, dans lequel figurait un bilan neuropsychologique attestant la dyslexie.

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2 - Outils méthodologiques

Les deux principaux outils méthodologiques destinés à recueillir nos données sont

l’entretien clinique de recherche et le test projectif de Rorschach. Il nous est apparu nécessaire

d’associer deux techniques différentes afin d’apprécier plus exhaustivement ce qui spécifie la

perception et le mode relationnel du sujet dyslexique.

2.1 - L’entretien clinique de recherche

Notre choix pour l’entretien clinique comme technique de recherche est avant tout lié

au fait que nous nous intéressons à la manière singulière dont le sujet dyslexique vit son

trouble. L. Fernandez et M. Catteeuw18 le définissent comme « la technique de choix pour

accéder à des informations subjectives (histoire de vie, représentations, sentiments, émotions,

expériences) témoignant de la singularité et de la complexité d’un sujet ». Nous avons donc

aussi choisi l’entretien car nous recherchons des informations subjectives, c'est-à-dire des

informations élaborées et mises en sens par le sujet lui-même.

Ayant pour objectif de recueillir des informations pertinentes, relatives à nos

hypothèses, nous avons décidé de mettre en place un entretien semi-directif tel que le

définissent H. Bénony et K. Chahraoui19 : « Dans ce type d’entretien, le clinicien dispose

d’un guide d’entretien ; il a en tête quelques questions qui correspondent à des thèmes sur

lesquels il se propose de mener son investigation ».

Les thèmes en fonction desquels nous avons élaboré notre grille d’entretien sont les

suivants :

18 Fernandez, L. & Catteeuw, M. (2001). La Recherche en psychologie clinique. p. 74. 19 Bénony, H. & Chahraoui, K. (1999). L’entretien clinique. p. 16.

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- l’histoire personnelle, familiale et scolaire des sujets,

- le vécu de la dyslexie,

- les rapports entretenus avec leur environnement,

- les facteurs de stabilisation décrits par R. Mucchielli et A. Bourcier (la latéralisation, le

schéma corporel, l’organisation spatio-temporelle, la vie affective).

La consigne utilisée avait pour but d’induire un discours de narration : « j’aimerais que

tu me parles de ta scolarité, comment ça se passe pour toi à l’école ? ». Comme le souligne

L. Fernandez et M. Catteeuw20 « la consigne doit permettre au sujet de s’exprimer le plus

librement possible et de déployer son monde interne ».

D.W. Winnicott21 rappelle que durant l’adolescence, « il y a un renforcement des

défenses contre le fait d’être trouvé, c'est-à-dire d’être trouvé avant d’être là pour être

trouvé ». Ainsi, nous avions prévu un ensemble de sous-thématiques à aborder au cas où les

sujets adopteraient une attitude plutôt défensive. Ce dispositif gardait pour objectif d’éclaircir

notre canevas d’interrogations en évitant que l’entretien ne prenne la forme d’un

interrogatoire.

A cette technique de semi-directivité, nous avons associé une attitude clinique dans la

relation au sujet, c’est-à-dire une attitude respectueuse, neutre, empathique et bienveillante.

Ainsi, l’attitude que nous avons adoptée avait pour principale finalité de laisser les sujets

associer librement sur les thèmes proposés, sans les interrompre et donc d’ouvrir un certain

espace de parole.

Enfin, nous avons utilisé l’entretien pour établir une relation de confiance et de

sécurité avec les sujets avant de leur proposer le test projectif.

20 Fernandez, L. & Catteeuw, M. (2001). Op. Cit. p. 77. 21 Winnicott, D.W. (1970). Processus de maturation chez l’enfant. p. 165.

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2.2 - Le test projectif de Rorschach

Le test projectif de Rorschach22, de par son matériel (présentation de taches d’encre à

percevoir), nous est apparu dans un premier temps comme privilégié pour explorer le champ

de la perception du sujet dyslexique.

Comme nous l’avons noté précédemment, R. Mucchielli et A. Bourcier estiment que

le sujet dyslexique resterait « bloqué » dans son développement au stade syncrétique de la

pensée, ce qui se traduirait, lors de l’apprentissage de la lecture, par une fixation dans le

concret engendrant une tendance à la globalisation et des difficultés d’analyse.

Pour N. Rausch de Traubenberg23 « Appréhender, percevoir la planche du test et plus

largement la situation globale, c’est montrer la manière que l’on a d’aborder le réel des

situations quotidiennes ; c’est y réagir soit globalement, soit analytiquement, soit par le biais

d’attitudes parcellaires, voire inverses à celles supposées ».

Ainsi, avec l’aide de l’épreuve projective de Rorschach, l’examen des sujets

dyslexiques nous permettra de vérifier si leur façon de structurer et d’organiser leurs

perceptions de manière globale porte uniquement sur des lettres, ou s’il y a effectivement

envahissement sur toutes les formes.

Ensuite, c’est la dimension structurale des planches du Rorschach, c'est-à-dire leur

organisation spatiale qui nous a semblé intéressante afin d’explorer ce qui spécifie le mode

relationnel chez le sujet dyslexique.

En effet, C. Chabert24 mentionne que l’organisation spatiale des planches du

Rorschach, « symétriques par rapport à un axe médian appelle des références corporelles qui

22 H. Rorschach (1921). Test projectif structural de type constitutif, comportant dix planches représentant une tache d’encre symétrique et plus ou moins complexe que le sujet doit organiser. 23 Rausch de Traubenberg, N. (1990). La Pratique du Rorschach. p. 34. 24 Chabert, C. (1987). La psychopathologie à l’épreuve du Rorschach. p. 92.

24

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fondent la projection ». Elle montre ainsi l’intérêt de l’utilisation du Rorschach pour l’étude

de la représentation de soi, rappelant que « la représentation de soi s’élabore en même temps

que s’établissent et se développent les relations d’objet ».

En conséquence, le test de Rorschach permet d’explorer les deux pôles de

représentations implicitement sollicités par son matériel : la représentation de soi aux

planches compactes (I, IV, V, VI, IX), et les représentations de relations aux planches

bilatérales (II, III, VII, VIII).

L’analyse du contenu latent des planches permet selon D. Anzieu et C. Chabert25 « de

regrouper les sollicitations implicites du matériel en référence d’une part à l’image de soi,

d’autre part aux représentations de relations, les deux aspects étant liés, bien entendu ». Nous

attacherons donc une attention toute particulière à l’étude du mode de relation à l’imago

maternelle26 essentiellement présente aux planches I, VII et IX selon les écrits de

C. Chabert27. En effet, le mode particulier de relation du sujet dyslexique à ses objets

interroge la relation à son premier objet.

Enfin, notre choix de l’épreuve projective de Rorschach comme technique de

recherche est lié à la possibilité qu’il donne selon L. Fernandez et M. Catteeuw « d’accéder

aux aspects les plus profonds de la personnalité tant en termes de ressources, que de

défaillances » (p. 85). C’est donc aussi pour l’étude d’éléments plus projectifs et plus

personnels que nous utilisons cette méthode. Ainsi, les auteurs D. Anzieu et C. Chabert

s’accordent « à considérer que le Rorschach, comme les autres épreuves projectives, sollicite

à la fois des conduites perceptives et projectives » (p. 62). Cette double dimension (perceptive

25 Anzieu, D. & Chabert, C. (1997). Les Méthodes projectives. p. 109. 26 J. Laplanche et J.-B. Pontalis définissent l’ « imago » comme un « prototype inconscient de personnages qui oriente électivement la façon dont le sujet appréhende autrui ; il est élaboré à partir des premières relations intersubjectives réelles et fantasmatiques avec l’entourage familial ». Vocabulaire de la psychanalyse. p. 196. 27 Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. Interprétation psychanalytique.

25

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et projective) permet de rendre compte du rapport du sujet au réel et au monde extérieur, mais

également de la façon dont il gère son monde intérieur.

3 - Procédure de recueil et d’analyse des données

Notre recherche bibliographique a été particulièrement conséquente car il était

légitime d’aller regarder ce que disent aujourd’hui les spécialistes de la dyslexie. C’est

pourquoi la lecture d’articles issus des courants de la psychologie cognitive et de la

neuropsychologie, notamment les écrits de S. Valdois28 et de M. Habib29 nous est apparue

comme un préalable nécessaire à l’appréhension de la dimension affective de la dyslexie.

Le recueil des données proprement dit a débuté au mois de mai 2005:

Nous avons tout d’abord demandé une autorisation écrite aux principaux et au

proviseur des établissements dans lesquels nous voulions mener notre investigation

psychologique (voir Annexe 1).

Nous avons par la suite reçu Sandy, Sébastien, Cynthia et Amélie une première fois

afin de leur faire part de notre demande. Lors de cette entrevue, nous leur avons présenté

l’objectif de notre étude : tenter de comprendre comment chacun d’eux vivait sa dyslexie ;

nous leur avons expliqué comment allait se dérouler la recherche s’ils acceptaient d’y

participer : nous devions les rencontrer dans un premier temps pour parler de ce qu’ils

vivaient à l’école, des difficultés causées par la dyslexie…, puis une seconde fois afin de faire

un exercice sans rapport avec les apprentissages scolaires.

28 Valdois, S. (2000). « Pathologies développementales de l’écrit » ; Valdois, S. (2002). « Approche cognitive des dyslexies développementales ». 29 Habib, M., Robichon, F. & Démonet, J. F. (1996). «Le singulier cerveau des dyslexiques » ; Habib, M. (2002). « Bases neurologiques des troubles spécifiques d’apprentissage ».

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Le but de cette rencontre visait à établir un premier contact chaleureux et rassurant

afin de mettre les sujets en confiance, ainsi qu’à clarifier les règles du déroulement de la

recherche (deux rencontres d’environ une heure chacune), les objectifs (mieux comprendre ce

que vivent les personnes dyslexiques) et les moyens utilisés pour la recherche (un entretien et

un exercice). De même, nous leur avions remis une lettre de consentement à destination de

leurs parents (voir Annexe 2).

Sandy, Sébastien, Cynthia et Amélie ont accepté de participer à la recherche et nous

avons donc pu les rencontrer lors de l’entretien et lors de la passation du Rorschach. Le

matériel fournit par ces rencontres sera la base clinique sur laquelle nous nous appuierons au

cours de cette étude.

Notre analyse se base sur les notes que nous avons prises durant l’entretien et à

posteriori, ainsi que celles prises au cours de la passation du Rorschach. Nous avons choisi

d’effectuer une analyse clinique des protocoles en référence aux théories psychanalytiques

post-freudiennes, notamment à l’aide des écrits de C. Chabert30, de N. Rausch de

Traubenberg31 et enfin ceux de C. Beizmann32 pour la cotation des formes.

Les deux axes de réflexion autour desquels est organisée notre recherche sont ceux de

la perception et du relationnel chez le sujet dyslexique. Nous avons choisi d’organiser nos

notes en fonction de ces deux dimensions. Nous nous sommes ensuite concertées afin de

partager nos réflexions sur l’interprétation de nos données et c’est au cours de plusieurs allers

et retours entre nos résultats et la théorie que nous avons pu affiner nos explications (voir en

Annexe 3 les notes d’entretien et en Annexe 4 les protocoles de Rorschach).

30 Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. Interprétation psychanalytique ; Chabert, C. (1987). La psychopathologie à l’épreuve du Rorschach. 31 Rausch de Traubenberg, N. (1990). La Pratique du Rorschach. 32 Beizmann, C. (1966). Livret de cotation des formes dans le Rorschach.

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Chapitre 3 : Interprétation des résultats

1 - Un attachement au réel

C’est à travers le mode d’analyse du matériel projectif de Rorschach que nous avons

tenté de mettre en évidence ce qui caractérise la façon de percevoir de la personne dyslexique.

Cet aspect recouvre assez exactement ce que l’on entend par approche des conduites

intellectuelles33 au Rorschach.

Le travail de Dworetzki repris par N. Rausch de Traubenberg, distingue trois étapes

dans la perception : « perception générale et confuse du tout, perception distincte et analytique

des parties et recomposition synthétique de ce tout avec reconnaissance des parties intégrées »

(p. 37). Au niveau du Rorschach, à un premier stade de « globalisation primitive », la

perception des taches est globale, indifférenciée, syncrétique : « arbre », « maison »,

« rideau ». Ce stade est à rapprocher du stade syncrétique décrit par R. Mucchielli et

A. Bourcier.

Les difficultés d’analyse et la tendance à la globalisation dans l’apprentissage de la

lecture chez la personne dyslexique, mises en avant par R. Mucchielli et A. Bourcier se

retrouvent dans la façon qu’ont Amélie, Cynthia, Sandy et Sébastien d’appréhender les

planches du Rorschach. Pour reprendre un terme qu’emploie B. Jumel, il semble qu’ils aient

tous recours à la « synthèse abusive », correspondant à un défaut d’analyse de la tache.

En effet, nous remarquons dans le protocole d’Amélie l’utilisation privilégiée du mode

d’appréhension globale simple (G simple). Ce choix met en évidence l’utilisation de ce

premier stade de « globalisation primitive ». Selon N. Rausch de Traubenberg, au niveau du

33 Rausch de Traubenberg, N. (1990). La Pratique du Rorschach. p. 207. Pour l’auteur, les facteurs exprimant au plus près les conduites intellectuelles sont : la productivité dans sa mobilité et son rythme (R), les modes d’appréhension : réponses globales (G), de détail (D), petit détail (Dd)…, la précision des engrammes formelles (F + %), les réponses « kinesthésie humaine » (K), le A % et le nombre de Ban.

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processus d’élaboration, les G simples correspondent à « une vision immédiate, directe,

souvent basée sur une vue unitaire des contours » (p. 45). Ainsi, les G simples abordent la

planche par une lecture directe du matériel, sans différenciation préalable des détails. Aussi,

nous avons pu remarquer une surcharge de réponses globales (G % = 75 %) et une faible

utilisation de la découpe parcellaire (D % = 25 %). Pour N. Rausch de Traubenberg,

« Génétiquement, le D est plus difficile que certains G ; en effet, il n’apparaît en masse qu’à

l’âge de six/sept ans, âge marqué par ailleurs par l’apprentissage de la lecture […] » (p. 51).

De même, il semblerait que Cynthia et Sandy utilisent encore à certains moments le

premier stade de « globalisation primitive ». En effet, nous notons dans leurs protocoles la

présence de G confabulés appelés encore réponses « pars pro toto » par N. Rausch de

Traubenberg (p. 37). Dans ces réponses, il y a élargissement d’un seul détail à tout l’ensemble

sans tenir compte des autres détails. Par exemple, à la planche VI, Cynthia perçoit « un

animal » (« à cause des moustaches »), elle va ainsi du détail au tout, la généralisation hâtive

aboutissant à une mauvaise forme. Nous pouvons noter que cette appréhension, par le petit

détail donnant sa couleur à l’ensemble, est un mécanisme que l’on retrouve dans l’activité de

lecture du sujet dyslexique.

Par ailleurs, nous remarquons que Sébastien, qui pourtant donne des réponses D en

majorité (D % = 57 %), ne fait pas pour autant un travail d’analyse, de mise en relation des

éléments, le détail isolé fait office de seule réponse.

L’analyse des protocoles confirme le fait que les sujets dyslexiques ont tendance à

coller au perceptif. En effet, nous notons dans un premier temps un F + % souvent très élevé

(Sébastien : 83 % et Amélie : 100 %), celui-ci atteste d’une inscription nécessaire dans la

réalité concrète. N. Rausch de Traubenberg explique que la saisie perceptive opérée ainsi a

pour but de « maîtriser le chaos » et réduit au minimum la participation de l’imagination

29

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créatrice et l’ingérence des réactions émotionnelles (p. 72). Nous pouvons y voir aussi une

recherche d’unité. Quand le F + % est supérieur à 65 %, cela peut être le signe d’un

étouffement de la vie affective du sujet et d’une mise à distance des aspects affectifs, c’est un

mode défensif.

Cette difficulté à se détacher de la perception se traduit parfois aussi par un nombre

réduit de réponses comme dans les protocoles de Sébastien, seulement sept réponses,

d’Amélie, huit réponses et de Sandy, dix réponses. Ce petit nombre de réponses peut être le

signe d’un blocage lié à un envahissement du perceptif et donc une difficulté à élaborer

plusieurs réponses.

La présence de refus à certaines planches, tel qu’aux planches III et X pour Amélie ou

aux planches IV, VII et X pour Sébastien peuvent être le signe d’une impossibilité à

construire une image en raison d’un envahissement par le perceptif.

Nous pouvons penser que ces planches, sans aborder leur dimension symbolique, soit

de par leur dimension structurale ou sensorielle, mettent les sujets en difficulté. En effet,

ceux-ci en raison d’un enlisement dans le perceptif peuvent être mis en échec par des planches

dont les dimensions structurales et sensorielles rendent plus ardue la construction d’une

forme.

Il se peut qu’Amélie échoue à la planche III du fait de sa configuration bilatérale ou de

la présence du rouge. A la planche X la dispersion du stimulus semble bloquer les

associations. Sébastien lui éprouve des difficultés aux planches IV, VII et X. Pour la planche

IV, nous pouvons penser que le côté massif de cette planche fermée ainsi que l’estompage qui

donne peu de consistance soient à l’origine de son refus. En ce qui concerne la planche VII, ce

peut être dû, une fois de plus aux estompages, mais aussi à un changement radical avec cette

planche ouverte laissant apparaître un blanc central. Enfin pour la planche X, nous pouvons

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penser que peut être sa dimension structurale très diffuse, avec beaucoup de détails, rend

difficile la construction d’une forme ou d’une unité, le mettant ainsi en échec.

Il nous semble important de remarquer le peu, voire l’absence d’utilisation de

déterminants sensoriels (réponses couleurs ou estompages).

Concernant les réponses couleur nous relevons que Sandy ne donne que des réponses

descriptives, par exemple à la planche II « une tache un peu triste, le rouge ça fait triste pour

moi ». Xavier ne donne aucune réponse couleur et par contre réagit par deux chocs au rouge

aux planches II et III. Si l’on se penche sur le protocole d’Amélie, on ne note aucune réponse

couleur. Enfin, Cynthia intègre peu les couleurs à ses réponses (Σ C = 2). Ces réactions face à

la présence de couleurs, notamment le rouge qui suscite la violence, l’agressivité, nous laisse

penser que c’est le signe une fois de plus d’une difficulté à se détacher de la perception afin

de réussir à symboliser ce qui est ressenti, à intégrer l’affect dans une réponse, le lier à une

représentation.

L’absence de réponses estompages vient renforcer cette remarque. Les sujets

dyslexiques, n’ayant pu atteindre le stade analytique, ni se dégager de la perception ainsi que

de l’affectivité et des qualités sensorielles (comme nous l’avons vu au cours du premier

chapitre de ce travail, p. 13), ont des difficultés à se laisser aller vers des positions plus

régressives suscitées par les planches présentant des estompages.

Enfin, nous avons pu observer dans les protocoles une tendance à l’effacement ou à la

sur-représentation des lignes d’articulation internes au matériel, à savoir le blanc

intermaculaire des planches II, III et VII. C’est comme si cet axe vertical représenté par un

blanc et qui sépare la tache entre une gauche et une droite n’autorisait pas leur liaison. Ceci se

traduit, par exemple chez Sandy, par des liaisons abusives : à la planche III, elle donne une

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réponse unitaire : « un taureau » et n’identifie pas la banalité (deux personnages). Il semble

aussi que la sensibilité de Cynthia et de Sébastien à la lacune blanche de la planche II et leur

besoin de la remplir par un objet vienne appuyer cette hypothèse de la représentation de l’axe

vertical par un blanc, jouant comme obstacle à la liaison.

En somme, les difficultés d’analyse et la tendance à la globalisation dans

l’apprentissage de la lecture (chez la personne dyslexique) mises en avant par R. Mucchielli et

A. Bourcier se retrouvent dans la façon qu’ont Amélie, Cynthia, Sandy et Sébastien

d’appréhender les planches du Rorschach. Nous allons tâcher maintenant, à partir de ce même

matériel, d’explorer les différentes modalités de la relation d’objet chez Amélie, Cynthia,

Sandy et Sébastien.

2 - Le relationnel

2.1 - Investissement de la relation

C’est tout d’abord à travers la présentation des sujets, dans leur manière de prendre

contact avec nous et d’investir la relation que nous avons tenté de voir si la dyslexie interroge

une modalité spécifique de relation objectale.

Dès la première rencontre, Sébastien se présente comme un garçon assez distant, il

parle peu, reste en retrait de par son attitude et son discours. Il ne construit pas de phrases et

ne développe pas ses réponses. Très souvent il se contente de donner un mot ou de répondre

« oui ». Le climat de l’entretien est ainsi très marqué par de nombreux moments de silences,

d’hésitations et par cette position de recul.

Durant l’entretien, Sandy est quant à elle plutôt souriante et semble prendre un certain

plaisir dans l’échange. Toutefois, nous pouvons noter certaines difficultés dans l’expression.

32

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La plupart du temps Sandy ne construit pas de phrases et tout comme Sébastien elle répond

par un mot ou deux, nous obligeant à compléter nos questions par d’autres pour développer

davantage ses réponses ou pour mieux expliciter ce qu’elle dit.

Lors de notre première rencontre, Amélie se prend vite au jeu de l’entretien. Elle parle

facilement d’elle et livre quelques événements ou sentiments assez personnels (sur-protection

de ses frères, divorce de son oncle, crises d’angoisse...). Cependant, ses réponses sont assez

brèves et je dois à plusieurs reprises l’aider à les développer. Aussi, elle évoque des difficultés

à trouver ses mots lorsqu’elle s’exprime à l’oral et le « besoin de réfléchir » avant de parler.

Cynthia se présente comme une jeune fille charmeuse et souriante. Lors de l’entretien,

elle accepte avec plaisir de répondre aux questions, mais elle adopte en contrepartie une

attitude plutôt défensive. Elle répond souvent par « oui » ou « non » ou bien encore par « je

sais pas ».

Nous avons aussi choisi d’explorer la relation au travers du mode d’adaptation, auquel

fait référence N. Rausch de Traubenberg34, et qu’elle décrit comme étant « le reflet d’une

manière de faire », observable dans la façon d’aborder les planches, à travers la verbalisation,

les temps de latence, les commentaires qualitatifs, ainsi que l’utilisation de processus

descriptifs ou plutôt interprétatifs.

Concernant Sébastien nous avons noté des temps de latence longs, nous remarquons

qu’en plus de ces moments de silence, il ne fait pas de commentaires. Ainsi il ne semble pas

chercher la relation avec l’autre, il peut rester silencieux durant une minute trente et répondre

« rien » (planche IV). Sébastien semble vouloir maintenir une distance avec l’autre et ceci

s’observe aussi par sa position physique, puisqu’il reste appuyé au dossier de sa chaise et ne

prend pas les planches dans ses mains, il les manipule du bout des doigts seulement.

34 Rausch de Traubenberg, N. (1990). La pratique du Rorschach. p. 22.

33

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Si nous nous intéressons au mode d’adaptation utilisé par Sandy, nous notons des

hésitations dans ses réponses, Sandy semble manquer d’assurance et répète souvent « on

dirait ». Dans son protocole, nous ne relevons pas de commentaires, c’est au travers de ses

hésitations qu’elle essaie de chercher l’approbation de l’autre, ses « on dirait » sont

interrogatifs.

Quant à Amélie, l’impression laissée par son protocole, est celle d’une implication

difficile. Le nombre de réponses est réduit (R = 8). De plus la manière d’amener les réponses

rend compte d’une faible assurance dans l’expression verbale : des images sont mises en

avant puis le discours est ponctué d’hésitations et de doutes (« euh…. », « je sais pas »).

Amélie semble mal à l’aise et se montre plus fermée dans ce cadre.

Enfin, l’impression laissée par le protocole de Cynthia est celle d’un contexte très

formel impliquant une approche un peu sèche de la réalité. Le nombre de réponses (R = 25)

est dans la moyenne mais les réponses sont peu projectives. Des images figées sont mises en

avant, offertes sans aucun adjectif et sans aucun verbe : « un papillon », « un scarabée », « un

masque »… Aussi, dans la verbalisation, l’accent porte sur le défaut de connaissance (« je sais

pas ») et sur la critique de l’objet (« c’est dur »), ce qui peut nous laisser entendre le désarroi

qu’elle manifeste face à cette situation projective.

Nous remarquons donc que nos quatre sujets dyslexiques ont visiblement quelques

difficultés à entrer dans la relation avec l’autre ou, tout du moins, semblent avoir besoin de se

protéger en gardant une distance. Nous pouvons noter que dans ces situations les relations

sont asymétriques puisqu’elles se construisent entre un adolescent et un adulte, mais aussi

entre un élève et un conseiller d’orientation-psychologue appartenant au corps des

enseignants. B. Jumel explique que « le trouble de l’apprentissage de la lecture […] est le

signe d’une prévention contre le risque que représenterait la confrontation à l’adulte sur son

34

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terrain, le maniement raisonné et responsable de la parole » (p. 130). Malgré les efforts que

nous avons faits pour créer des conditions de confiance, l’entretien ainsi que la passation du

Rorschach restent deux situations assez anxiogènes qui peuvent induire chez certains sujets la

mise en place de barrières, de distance entre soi et l’autre pour se protéger.

Au travers des écrits de R. Mucchielli et A. Bourcier, nous avons vu que les personnes

dyslexiques semblent avoir un moi « qui vit l’incertitude et une certaine forme d’insécurité »

(p. 28) en raison d’une « perturbation dans la relation du Moi et de l’Univers » (p. 88). Nous

avons donc souhaité étudier, au moyen du Rorschach, les représentations de relations afin

d’explorer cette dimension et peut-être mettre en évidence une problématique spécifique

autour de la constitution de relations objectales.

2.2 - Analyse de la relation à « l’imago » maternelle

En se référant aux écrits de C. Chabert35, nous nous sommes penchées sur le mode de

relation à l’imago maternelle, essentiellement présente aux planches I, VII et IX (C. Chabert)

et aussi planche II (N. Rausch de Traubenberg).

La planche VII est considérée comme « la planche maternelle par excellence »,

« quelle que soit la qualité des réponses et de ces évocations, elles s’inscrivent toujours dans

la dialectique des relations au premier objet » (p. 81). A cette planche Sébastien répond par un

refus au bout d’une minute, puis à l’enquête il dira « on dirait deux masques » (éléments

centraux et symétriques). Ce refus, puis cette réponse « masque », renvoyant à un besoin de

s’entourer d’une peau protectrice, peut nous laisser penser à une certaine insécurité dans la

35 Chabert C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte.

35

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relation à l’objet précoce. Nous pouvons compléter cette remarque par la réponse donnée à la

planche II, l’interprétation du détail blanc (Dbl) central comme « un parapluie qu’on met sur

les glaces » vient renforcer cette hypothèse de manque, de faille dans la relation précoce.

Enfin, à la planche IX, qui « favorise des évocations parfois si régressives qu’on a pu

la dénommer planche utérine » (p. 82), Sébastien donne une réponse kinesthésie d’objet

(kob), qui correspond à une décharge pulsionnelle relevant d’une source interne et visant à la

suppression d’une tension, qui en principe se manifeste dans le protocole à travers les

réponses précédentes (p. 182-183). Nous pouvons ainsi penser que cette charge est en rapport

avec le contenu latent de la planche VII, pour laquelle Sébastien ne nous a pas fourni de

réponse, à savoir la symbolique maternelle. La planche IX sollicitant la régression et

renvoyant elle-même à une symbolique maternelle pré-génitale.

Il semble que chez Sébastien la relation à l’objet précoce soit sous-tendue par du

manque : dans cette relation l’objet manque de contenance et ne paraît pas très rassurant. Si

la relation à l’objet est vécue sur ce mode « du risque à courir dans la relation à un objet non

rassurant » nous pouvons penser que c’est peut-être pour cette raison que Sébastien a mis en

place des procédés défensifs assez rigides.

C. Chabert rappelle la présence du symbolisme maternel à la planche I, qui de par sa

position de première planche peut faire appel à la relation au premier objet. Sandy, par sa

réponse « un masque… de monstre » à la planche I, nous laisse voir une imago maternelle

plutôt menaçante, inquiétante, voire persécutrice. La planche VII induit de nouveau une

réponse traduisant l’insécurité, l’angoisse dans les relations d’objet précoce. Elle répond : « ça

ressemble à du papier qui est brûlé et qui est taché et voilà ».

Nous pouvons rappeler que dans le registre de ce contenu latent nous devons intégrer

les réponses qui renvoient à l’image du corps, puisqu’il est « difficile d’isoler cette mise en

36

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place de repères fondamentaux de la relation à l’imago maternelle » (p. 89). Il y a un lien

entre une relation précoce vécue comme non sécurisante et une sensation d’enveloppe

corporelle poreuse et fragile, puisque le sujet se construit dans la relation à l’autre.

La planche IX qui renvoie aussi à une symbolique maternelle ne permet pas à Sandy

d’élaborer une réponse correcte, elle donne une mauvaise forme (F -). Il semble que cette

planche soit traitée de la même façon que la planche VI. Sandy donne pratiquement des

réponses identiques de livres ouverts. Pour ces réponses, elle s’appuie sur l’axe central qui

symbolise la dimension phallique. Peut-être que Sandy éprouve des difficultés à se

positionner par rapport à cette dimension phallique, ou peut-être que l’imago maternelle est

vue comme dangereuse et puissante ? Nous pouvons noter à ce sujet qu’à la planche I, la

jeune fille voit un masque de monstre et à la planche V (où la référence à l’imago maternelle

est suscitée), elle voit un « oiseau… méchant ». En effet, ces différentes interprétations,

associées à la vue d’animaux menaçants (« taureau en colère », « l’oiseau méchant ») et des

« yeux » à la planche X, peuvent nous laisser penser à un vécu de la relation d’objet sur le

mode persécutif.

Concernant le protocole d’Amélie, nous avons noté qu’à la planche I, elle réagit par un

choc manifeste pouvant être dû à l’aspect massif et sombre de celle-ci, évoquant angoisse et

anxiété. Comme nous l’avons mentionné pour Sandy, cette planche peut faire appel à la

relation au premier objet et Amélie en répondant d’abord par un choc puis « un papillon […]

il a l’air seul, il est sombre », nous donne à voir une imago maternelle peu rassurante ayant un

caractère anxiogène.

A la planche VII, Amélie par sa réponse « deux statues d’anges » donne une

représentation d’une imago maternelle peu chaleureuse, témoignant d’une certaine insécurité.

37

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Ainsi, cette planche amène une image négative pouvant rejoindre un vécu abandonnique

(froideur de la statue).

Enfin à la planche IX, dans laquelle la symbolique maternelle est présente et qui,

comme le précise C. Chabert, peut aussi témoigner du « type de vécu des relations à

l’environnement relationnel »36 au travers du climat ressenti, Aurélie nous livre une figure

déprimée et solitaire.

Les réponses données par Amélie semblent traduire dans sa relation à l’imago

maternelle un certain manque, elle évoque beaucoup la solitude et donne des représentations

froides et déprimées (« un SDF …seul », « un papillon …seul …et sombre »).

Enfin, pour ce qui concerne les représentations de l’imago maternelle de Cynthia, une

réponse « masque » est présente à la planche I. Cette image peut signifier que l’extérieur

apparaît menaçant. Le masque est ainsi protecteur, et permet à Cynthia de se cacher, il lui

permet de se tenir en retrait par rapport au monde. Le masque représente aussi une réponse

« peau », tout comme le « papillon » (animal fragile) et le « scarabée » (animal à carapace),

qui offrent une sorte de seconde peau au soi de Cynthia.

A la planche II, nous pouvons remarquer que Cynthia donne trois réponses intégrant le

fond (réponses Dbl ou Gbl), ce qui peut être le signe d’une carence dans les relations

précoces. L’interprétation du vide peut renvoyer à une sensibilité au manque.

La planche VII induit de nouveau une réponse « masque » traduisant le besoin chez

Cynthia d’apporter des éléments de protection.

Enfin, la présentation de la planche IX suscite une réaction d’arrêt. Le temps de

latence est particulièrement élevé et Cynthia ne donne que des réponses de mauvaises formes.

36 Chabert C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. p. 73.

38

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Ainsi, les réponses données par Cynthia aux planches à symbolique maternelle

peuvent nous laisser penser à une certaine insécurité dans la relation à l’objet précoce.

Nous avons mis en évidence, au travers de cette étude de l’imago maternelle,

qu’Amélie, Cynthia, Sébastien et Sandy semblent, dans leurs relations précoces, tous avoir

souffert de la présence d’un objet peu rassurant.

2.3 - La relation au travers des réponses kinesthésiques

C’est à travers l’étude des réponses kinesthésiques, qui sont le support de la

fantasmatique projective, liée aux représentations de relations et de soi ainsi qu’aux

identifications, que nous avons cherché à compléter cette étude d’une problématique

spécifique autour de la constitution des relations objectales chez les personnes dyslexiques.

Nous avons pu remarqué que l’absence de relations et de kinesthésies (K) prime sur

l’ensemble des protocoles, et qu’elles ne sont pas davantage représentées par des images

animales.

Chez Amélie, nous notons tout de même la présence de deux kinesthésies. La première

est donnée à la planche II : « deux amis ensemble, ils ont l’air joyeux, ils s’amusent bien

ensemble ». C’est une représentation de relation, de bonne forme, en configuration bilatérale.

Cependant, l’identification semble oscillante : Amélie désigne les « deux amis » au masculin

(« ils »), puis fait référence à elle-même lors de l’enquête : « je me suis vue au parc avec une

amie. J’étais au parc et on s’amusait à se pousser ». De même, l’image donnée, dynamique,

met en évidence une conduite agie (« ils s’amusent ») et la formation réactionnelle suscitée

par la couleur rouge (« ils sont joyeux »).

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Une seconde kinesthésie, de bonne forme et localisée en D intervient à la planche IX.

L’image est d’emblée masculine et décrit une activité motrice sans échange : « un SDF en

train de pousser un chariot ». Comme nous l’avons déjà noté, cette image renvoie à une

représentation déprimée et désocialisée et pourrait évoquer une certaine insatisfaction

relationnelle.

Chez Cynthia, la seule kinesthésie du protocole est celle de la planche III : « des

personnes » cotée K par convention selon Rorschach. En effet, celui-ci supposait que les

éléments kinesthésiques n’étaient pas arrivés à maturité ou qu’ils avaient été tronqués ou

réprimés dans leur manifestation.

Cynthia ne parvient pas à exprimer le besoin de représentation de soi face à l’autre et

le type de relation recherchée. Des personnes statiques sont données en lieu et place de la

projection du vécu relationnel. Les personnes ne sont pas sexuées et il n’est donc pas question

d’identification réussie. Cynthia donne uniquement des représentations humaines non sexuées

telles que « des personnes » (réponses 8 et 16) ou caractérisées par une fonction : « un

clown » (réponse 6). La difficulté à se situer apparaît ainsi dans l’évitement d’un quelconque

choix d’identification.

Enfin nous remarquons chez Cynthia, un rapport H/Hd inversé. Pour N. Rausch de

Traubenberg « le H % signifie classiquement capacité de contact humain, ceci tant qu’il est

composé de plus de H que de Hd et, lorsque ce dernier est prévalent, surtout sous forme de

profils et en l’absence de K, il indique plutôt la recherche anxieuse de contacts humains et la

difficulté de relations » (1990. p. 170).

Chez Sébastien, nous pouvons noter l’absence de kinesthésies majeures, de relation

entre les personnages ou animaux ainsi que l’anonymat des personnes humaines. A la

planche I : « deux personnages », à la VII : « deux masques » et à la VIII : « deux animaux »,

Sébastien ne projette pas de relation si ce n’est une relation en miroir de type narcissique.

40

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Enfin, nous constatons une absence de kinesthésies et de contenus humains dans le

protocole de Sandy. Le fait de ne pas donner de kinesthésies peut être lié à un contrôle un peu

rigide ou à une crainte de la projection pouvant aussi être en rapport avec une inhibition

adolescente. L’absence de contenu humain peut souligner une fragilité de l’image de soi.

La faible présence de kinesthésies vient confirmer cette difficulté, qui maintenant se

précise de plus en plus, que ces personnes dyslexiques semblent avoir à se projeter dans des

relations.

Comme nous l’avons vu l’étude des kinesthésies nous a aussi permis d’explorer le

champ des identifications et de remarquer que celles-ci ne semblent pas bien assurées. Afin

d’essayer de répondre à notre hypothèse : la spécificité de la relation de l’élève dyslexique à

la lecture indique une spécificité de l’organisation du moi par rapport à l’environnement et

notamment dans la constructions des relations objectales, nous nous sommes intéressées à

l’organisation du moi, au travers des protocoles de Rorschach. Pour cela nous avons

commencé par étudier la représentation de soi.

3 - Le moi du dyslexique

3.1 - La représentation de soi

L’analyse de la représentation de soi nous a semblée être un préalable important pour

l’exploration de l’organisation du moi. S. Freud dit lui-même : « Le Moi est avant tout un Moi

corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais il est lui-même la projection d’une

surface »37.

37 Citation de Freud, S. (1923) in Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. p. 139.

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Il nous paraît important de rappeler qu’il y a une interdépendance de la construction de

l’image de soi et de l’établissement des relations d’objets38. Nous aborderons donc

brièvement cette dimension de façon à ne pas répéter ce qui a été dit dans les parties

précédentes.

Concernant Sébastien, nous avons remarqué que ses personnages ne sont pas identifiés

sexuellement et que pour plusieurs réponses : « deux personnages » (Pl. I), « deux masques »

(Pl. VII) et « deux animaux » (Pl. VIII), il utilise une relation en miroir de type narcissique.

Nous avons aussi noté qu’à la planche VII, à l’enquête, il donne une réponse « masque ». Ce

type de réponse, renvoyant à un besoin de s’entourer d’une peau protectrice, peut être rattaché

à une certaine insécurité dans la relation à l’objet précoce. Nous pouvons compléter cette

remarque par la réponse donnée à la planche II, l’interprétation du Dbl central comme « un

parapluie qu’on met sur les glaces », qui vient renforcer cette hypothèse de manque, de faille

dans la relation précoce et les limites du corps propre.

Dans le protocole de Sandy nous constatons une absence de kinesthésies et

l’inexistence de contenus humains. Cette absence de contenus humains peut souligner une

fragilité de l’image de soi. L’indice d’angoisse assez élevé, mais à relativiser compte tenu du

nombre restreint de réponses, peut témoigner de la fragilité du corps en tant qu’enveloppe,

fragilité du contenant qui se laisse trop facilement pénétrer. La réponse « masque » (Pl. I) et la

réponse estompage FE (Pl. IV), qui nous renvoie à la notion de « Moi-peau » de D. Anzieu

laissant entrevoir un besoin de s’entourer d’une peau protectrice, viennent appuyer

l’hypothèse d’une fragilité des limites.

Amélie construit deux kinesthésies, mais une seule est la projection d’une relation

entre deux personnes. Nous avons remarqué que pour Amélie les identifications sexuelles

semblent encore oscillantes, notamment pour la planche III, qu’elle refuse. Ces

38 Chabert C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. p. 79.

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représentations humaines sont bien construites mais laissent entrevoir une fragilité concernant

la représentation de soi : à la planche IV, elle répond « un grand bonhomme, seul aussi, euh…

avec un handicap » et à la planche IX « un SDF [….] il est seul ». Comme Sébastien, Amélie

utilise des relations en miroir de type narcissique : « deux amis ensemble » (Pl. II), « une

paire de chaussures » (Pl. V) et « deux statues d’anges » (Pl. VII).

Cynthia ne donne aucune réponse kinesthésique et ses représentations humaines

restent très vagues, ce sont « des personnes » (Pl. III et Pl. VII) ou un clown (Pl. II) et ne sont

pas du tout identifiées sexuellement. Nous remarquons que Cynthia semble très sensible aux

lacunes blanches, ainsi elle donne trois réponses « masque » aux planches I, VII et X et une

réponse « visage » à la planche II. Comme pour Sébastien et Sandy, il semble que Cynthia

présente une image corporelle fragile avec des limites poreuses.

3.2 - Les mécanismes de défense

Pour cette analyse nous nous appuierons sur les écrits de C. Chabert39.

Dans le protocole de Sébastien et concernant les manifestations hors réponses, nous

avons relevé un nombre restreint de réponses (sept), l’absence de commentaires et de

remarques impliquant la subjectivité, des temps de latence initiaux longs, de nombreux

silences et trois refus. Dans son livre C. Chabert regroupe ces manifestations dans les

procédés marquant l’inhibition et explique que ces mécanismes visent à lutter au maximum

contre une implication projective ressentie comme dangereuse (p. 263).

Dans les réponses, nous remarquons un anonymat des personnes humaines (Pl. I),

l’absence de K et d’actions projetées, ainsi qu’un évitement perceptif à certaines planches :

évitement du rouge (Pl. II) ou des couleurs pastel (Pl. VIII, IX, X), et dès que possible

39 Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte.

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l’utilisation de banalités : nœud papillon (Pl. II), chauve-souris (Pl. V) et deux animaux

(Pl. VIII) qui servent alors d’écran à une expression plus spontanée.

Les facteurs spécifiques nous amènent à remarquer que les déterminants sont dominés

par l’apparition de réponses formelles (F % = 86 %), qui signent une mise à distance des

aspects affectifs. Le type de résonance intime (TRI) est coarté ce qui met en évidence le frein

apporté à l’expression fantasmatique et affective, les réactions dans le test étant

essentiellement formelles (p. 265).

Dans le protocole de Sébastien il y a une absence de réponses couleurs, beaucoup

d’équivalents chocs, ce qui nous semble être le signe d’une sensibilité à certaines couleurs,

mais aussi celui d’une difficulté à symboliser l’affect.

Sébastien semble plutôt chercher à mettre en place des défenses de façon à se protéger

de l’impact des excitations suscitées par la symbolique des planches.

Sébastien a mis en place, au cours de la construction de son moi, qui rappelons le n’est

pas achevée, des mécanismes de défenses faisant appel à un certain nombre de procédés

marquant l’inhibition.

Dans le protocole de Sandy, comme pour Sébastien, nous pouvons noter la présence

de procédés marquant l’inhibition : peu de réponses (dix) et très peu de commentaires.

Dans les réponses nous notons un certain souci de maîtrise du matériel en ce qui

concerne ses configurations perceptives. Selon C. Chabert il s’agit d’une nécessité de

mainmise sur les désirs, de contrôle des émergences pulsionnelles considérées comme

dangereuses, « dans l’embrigadement de la réalité externe, c’est la contention des

mouvements internes qui est recherchée en particulier dans l’effort d’appréhender le matériel

globalement », voir le G % très élevé.

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Concernant les manifestations hors réponses, nous retrouvons « l’accent mis sur la

dimension du vécu ». Il s’agit du recours à certains éléments de la réalité interne (les affects)

comme défense contre l’émergence d’autres éléments de cette réalité interne (les

représentations). Nous pouvons penser qu’à la planche II, quand elle mentionne la tristesse

évoquée par le rouge, une autre représentation est présente et plus proche de la violence que

de la tristesse. Cette violence apparaît dans la mention du « sang ».

Ce protocole est aussi marqué par la labilité des réactions émotionnelles, qui sont

contrastées et en rapport avec la qualité chromatique des planches. Le noir c’est la

méchanceté (Pl. I et V), le rouge la tristesse (Pl. II), le jaune c’est la joie (Pl. IX et X).

Dans les facteurs spécifiques, nous retrouvons, le souci de se maintenir à distance des

planches qui va de pair avec le recours à une approche globale, vague ou impressionniste.

Cette tendance à utiliser l’approche globale semble échouer à certaines planches telles qu’à la

VI et à la IX, pour lesquelles Sandy va jusqu’à investir les limites de la planche elle-même et

donne ainsi deux mauvaises formes. Enfin, nous observons un recours intense aux

manifestations sensorielles, sous-tendues par des émotions et des affects.

Le TRI extratensif pur témoigne d’une grande émotivité et d’une instabilité venant

confirmer les remarques précédentes. Ce type de résonance intime induit un manque de recul

dans l’appréciation de la réalité objective. « La labilité rend ces personnes très malléables et le

réel extérieur et l’objet les envahissent facilement ». Par ailleurs, N. Rausch de Traubenberg

précise que le relâchement des fonctions cognitives et du contrôle produit des effets de

régression qui sont salutaires et au service du Moi40.

Le F % (40 %) assez faible peut souligner cette difficulté à maîtriser le réel extérieur,

et dans le Rorschach, le caractère chaotique des planches. Il témoigne aussi d’une adaptation à

la réalité moyenne et d’une difficulté dans la différenciation entre les limites

40 Rausch de Traubenberg, N. (1990). La pratique du Rorschach. p. 158.

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internes/externes, dedans/dehors. Les deux F - aux planches III et IX, ajoutées aux deux

réponses CF - et C’F - aux planches II et VI, sont les traces d’une faiblesse de la capacité à

mettre en forme et à poser des limites.

Cette pénétration par la réalité extérieure s’observe dans les différentes réactions

suscitées par les couleurs aux planches II, IX et X, ainsi que dans les réponses Clob aux

planches I et V41.

L’indice d’angoisse assez élevé, mais à relativiser compte tenu du nombre restreint de

réponses, peut témoigner de la fragilité du corps en tant qu’enveloppe, fragilité du contenant

qui se laisse trop facilement pénétrer. Là encore il est question d’une fragilité des limites.

Le protocole d’Amélie met en évidence, comme les protocoles de Sébastien et Sandy,

l’utilisation de procédés marquant l’inhibition. Il y a peu de réponses (huit), pas vraiment de

commentaires et la trace d’un blocage associatif42 qui se traduit par la mention de nombreux

« voilà », « voilà c’est tout » (Pl. I, II, V, VI, VIII, IX et X).

Comme dans le protocole de Sandy nous remarquons qu’Amélie a tendance à mettre

l’accent sur la dimension subjective de son propre vécu notamment pour expliquer ses

réponses lors de l’enquête (Pl. I, II, IV, V et VI). Nous avons mentionné précédemment (pour

Sandy) qu’il s’agit du recours à certains éléments de la réalité interne comme défense contre

l’émergence d’autres éléments de cette réalité interne. Par ailleurs son protocole met aussi en

évidence une labilité des réactions émotionnelles en rapport avec la qualité chromatique des

planches, planche I elle dit « un papillon […] il a l’air seul, il est sombre », nous pouvons

penser qu’il y a un lien entre le côté sombre de la planche et la solitude.

Concernant les facteurs spécifiques, nous notons que (comme pour Sandy) son

protocole présente un G % élevé (75 %) signifiant un souci de maîtrise du matériel et surtout

41 Les réponses Clob témoignent d’une grande réceptivité à tout ce qui est émotions pénibles. 42 Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte.

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une nécessité de mainmise sur les désirs et de contrôle des émergences pulsionnelles

considérées comme dangereuses.

Nous pouvons relever aussi un F % élevé (75 %) qui met en évidence une mise à

distance des aspects affectifs, ainsi qu’un renforcement des limites.

Le TRI est introversif pur ce qui signifie qu’Amélie peut facilement se laisser absorber

dans son propre imaginaire et que son monde interne imaginaire prend le pas sur la réalité

extérieure. Les sujets dont le TRI est introversif pur sont des personnes centrées sur

elles-mêmes.

Dans le protocole d’Amélie il y a une absence de réponses couleurs, il semble pourtant

qu’elle ne soit pas indifférente à ce stimulus puisqu’elle réagit aux planches compactes noires

(Pl. I et IV) en voyant de la solitude, ainsi qu’à la planche II pour laquelle elle voit de la joie

(déplacement de la violence du rouge vers un sentiment de joie). En revanche elle ne réussit

pas à donner de réponse à la planche III (choc au rouge), qui est aussi une planche rouge

invitant à la représentation de relations.

Nous terminerons cette étude par le protocole de Cynthia. Concernant les

manifestations hors réponses, nous notons comme pour Amélie la présence de blocages

associatifs aux planches I, II, VIII et X où elle termine ses réponses par « c’est tout ». Nous

relevons aussi l’utilisation de commentaires tels que : « je ne me dépêche pas ? » (Pl. I) ou

« je dis au hasard, c’est dur » (Pl. II), ceux-ci peuvent permettre au sujet une mise à distance

de représentations gênantes.

Dans les réponses nous remarquons un anonymat des personnes humaines ainsi qu’une

absence d’action, tout semble figé. Malgré un nombre moyen de réponses, de nombreuses

persévérances sont présentes (beaucoup de réponses masques, animal, feuilles), celles-ci

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témoignent d’une lutte contre une implication projective ressentie comme dangereuse

(procédés marquant l’inhibition).

Les déterminants sont dominés par l’apparition de réponses formelles (F % = 80 %),

signant comme pour Sébastien et Amélie, une mise à distance des aspects affectifs.

Les réponses « pars pro toto » (élargissement d’un seul détail à tout l’ensemble sans

tenir compte des autres détails) sont assez fréquentes (Pl. I : « un scarabée, pour les

crochets ») et montrent l’incapacité à désagréger les ensembles perçus d’une façon sommaire

et schématique. Cette façon d’élaborer des réponses peut être en lien avec une difficulté dans

la construction d’une forme bien délimitée. Cynthia semble avoir une grande difficulté à

trouver des formes bien délimitées et ceci est mis en évidence par la présence de neuf

mauvaises formes.

Par ailleurs l’utilisation fréquente des lacunes présentes aux planches I, II, VII et IX,

vient renforcer cette hypothèse d’une fragilité des limites pouvant être en lien, comme nous

l’avons vu précédemment avec une carence dans la relation au premier objet.

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Conclusion

Notre postulat de départ, dans ce travail de recherche était que la dyslexie ne se

limitait pas à un trouble du langage écrit, et qu’elle était en lien avec un trouble plus large de

la perception, ainsi qu’avec une difficulté dans la mise en place des relations objectales.

Nous avons pu montrer au moyen du Rorschach qu’Amélie, Cynthia, Sandy et

Sébastien présentaient des difficultés d’analyse du matériel, ainsi que de mise en relation des

différents éléments. Une tendance à la « synthèse abusive » semble confirmer une difficulté à

passer au stade analytique. Nous avons mis en évidence un fort attachement au réel (nombre

élevé de déterminants formels et peu de réponses) pouvant traduire un souci de maîtrise du

matériel. Au travers de nos observations, nous avons remarqué une attitude plutôt réservée

dans la relation, ainsi que des difficultés dans la projection de relations.

L’étude de la relation à l’imago maternelle a permis de dégager une insécurité dans la

relation à l’objet précoce, celle-ci étant en lien avec une enveloppe corporelle poreuse et

fragile.

L’analyse de la représentation de soi ainsi que des mécanismes de défense nous a

permis de comprendre qu’Amélie, Cynthia, Sébastien et Sandy présentaient, chacun à leur

façon, des failles dans les limites de leur corps propre. Ceci traduit ainsi une fragilité du moi

et permet de mieux comprendre cette difficulté à construire des relations et ainsi à accéder à

l’apprentissage de la lecture, qui se fait dans une situation de relation asymétrique entre un

élève et un adulte possédant le savoir.

Dans notre pratique de COP, nous pensons avoir un rôle à jouer dans l’aide à

l’adaptation et à la réussite scolaire des élèves. Par notre spécificité de psychologue, nous

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devons accompagner l’élève dans son adaptation tant sur le plan du travail que sur le plan

affectif. Nous avons en effet comme préoccupation de considérer le jeune non seulement en

tant qu’élève mais en tant que sujet vivant aussi à l’extérieur du champ scolaire.

Les pratiques pédagogiques nécessitent d’être adaptées aux caractéristiques

personnelles des élèves, autrement la formation à l’autonomie risque d’être compromise.

Dans ce cadre là, ce travail de recherche sur la dyslexie a été intéressant à plusieurs

titres :

- D’une part, il a participé à l’accroissement de notre compréhension de la spécificité

de la relation du sujet dyslexique à son environnement.

- D’autre part, en tant que COP, nous pouvons nous intéresser à la démarche

pédagogique adoptée par les établissements scolaires et par les enseignants accueillant des

élèves dyslexiques. Il peut être mis en place pour l’élève dyslexique un projet d’accueil

individualisé (PAI), dans lequel nous avons certainement un rôle à jouer.

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Références Bibliographiques

Ouvrages

Anzieu, D., & Chabert, C. (1997). Les Méthodes projectives (11è éd.). Paris : PUF.

Beizmann, C. (1966). Livret de cotation des formes dans le Rorschach. Paris :

Editions du Centre de Psychologie appliquée.

Bergeret, J. & coll. (1998). Psychologie pathologique théorique et clinique (7e éd.).

Paris : Masson.

Bénony, H., & Chahraoui, K. (1999). L’entretien clinique. Paris : Dunod.

Binswanger, L. (1998). Le problème de l’espace en psychopathologie. Toulouse :

Presses universitaires du Mirail (PUM).

Bonnelle, M. (2002). La Dyslexie en médecine de l’enfant. Marseille : Solal.

Chabert, C. (1983). Le Rorschach en clinique adulte. Interprétation

psychanalytique. Paris : Dunod.

Chabert, C. (1987). La psychopathologie à l’épreuve du Rorschach. Paris : Dunod.

Fernandez, L., & Catteeuw, M. (2001). La Recherche en psychologie clinique.

Paris : Nathan.

Jumel, B. (2005). Comprendre et aider l’enfant dyslexique. Paris : Dunod.

Laplanche, J., & Pontalis, J.-B. (1967). Vocabulaire de la psychanalyse (1re édition

« Quadrige »). Paris : PUF.

Minkowski, E. (1995). Le temps vécu. Paris : PUF.

Mucchielli, R., & Bourcier, A. (1963). La Dyslexie maladie du siècle. Paris :

Editions Sociales Françaises.

Rausch de Traubenberg, N. (1990). La Pratique du Rorschach (6è éd.). Paris : PUF.

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Winnicott, D. (1970). Processus de maturation chez l’enfant. Développement affectif

et environnement. Paris : Payot.

Chapitres d’ouvrage

Valdois, S. (2000). Pathologies développementales de l’écrit. In M. Kail & M.

Fayol. Le langage en développement au-delà de trois ans. (p. 247-273). Paris : PUF.

Articles de journal

Fijalkow, J. (2002). Dyslexie : Le retour. VEI Enjeux, 126, 148-165.

Habib, M., Robichon, F., & Démonet, J. F. (1996). Le singulier cerveau des

dyslexiques. La Recherche, 289, 80-85.

Habib, M. (2002). Bases neurologiques des troubles spécifiques d’apprentissage.

Réadaptation, 486, janvier 2002, 16-28.

Valdois, S. (2002). Approche cognitive des dyslexies développementales.

Réadaptation, 486, janvier 2002, 29-31.

Textes officiels

Ministère de l’Education Nationale : rapport de J.-C. Ringard. « A propos de

l’enfant dysphasique et de l’enfant dyslexique ». Juillet 2000.

Circulaire du 31-1-2002 : « Mise en œuvre d’un plan d’action pour les enfants

atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit », BOEN n°6 du 7-2-2002.

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Annexe 1 : Autorisation chefs d’établissements

Université de Provence (Aix-Marseille I)

Centre de Formation des Conseillers d’Orientation Psychologues

Madame, Monsieur,

Dans le cadre de mon année de formation et en raison de mon rattachement au CIO

de……………………., je me permets de vous solliciter pour effectuer une étude sur le thème

de la dyslexie auprès de certains élèves de votre établissement. Le but de cette étude étant de

parvenir à une meilleure compréhension des difficultés d’adaptation que peuvent rencontrer

les élèves dyslexiques en milieu scolaire.

Cette recherche va consister à une investigation psychologique à l’aide d’un entretien

et d’un test. La fréquence des entrevues sera de deux séances dont la durée sera environ d’une

heure chacune.

Je soussigné(e).………………………………………………………………., Principal(e) du

collège……………………………., autorise…………………………………………………...

à mener cette recherche au sein de mon établissement.

Fait à.……………………………………, le …………………………….en deux exemplaires.

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Annexe 2 : Lettre de consentement

Université de Provence (Aix-Marseille I)

Centre de Formation des Conseillers d’Orientation Psychologues

Madame, Monsieur,

Dans le cadre de mon année de formation et en raison de mon rattachement au CIO

de…………………….., je me permets de vous solliciter pour la participation de votre enfant

………………………………………………….à une étude que j’effectue sur le thème de la

dyslexie. Le but de cette étude étant de parvenir à une meilleure compréhension des difficultés

d’adaptation que peuvent rencontrer les élèves dyslexiques en milieu scolaire.

Cette recherche va consister à participer à une investigation psychologique à l’aide

d’un entretien et d’un test. La fréquence des entrevues sera de deux séances dont la durée sera

environ d’une heure chacune.

Je, soussigné(e) .………………………………………., déclare accepter, librement, et

de façon éclairée, de laisser mon enfant……………………………………………. participer

comme sujet à cette recherche.

En tant qu’investigateur principal, je m’engage à mener cette recherche selon les

dispositions éthiques et déontologiques, à protéger l’intégrité physique, psychologique et

sociale de tous les participants tout au long de la recherche et à assurer la confidentialité des

informations recueillies.

Liberté du sujet : Le consentement peut être retiré à tout moment sans donner de

raison et sans encourir aucune responsabilité ni conséquence.

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Information du sujet : Le sujet a la possibilité d’obtenir des informations

supplémentaires concernant cette étude auprès de moi-même, et ce dans les limites des

contraintes du plan de recherche.

Garantie de confidentialité des informations : Toutes les informations concernant le

sujet seront conservées de façon anonyme et confidentielle.

Déontologie et éthique : Je m’engage à préserver absolument la confidentialité et le

secret professionnel pour toutes les informations concernant le sujet (titre I, articles 1, 3, 5 et

6 et titre II, articles 3, 9 et 20 du Code de déontologie des psychologues – France).

Fait à ……………………………, le …………………………………, en deux exemplaires.

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Annexe 3 : Notes d’entretien

Entretien avec Amélie (le 9-5-2005)

- Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu changerais dans le monde ? « Bonne

question ! Mes frères, ils sont chiants ». Q. « vingt-deux et vingt ans ». Q. « Ils sont trop

protecteurs ». Q. « Les mentalités des gens, le racisme ».

- Chez toi ? « Tout ». Q. « De tête, de corps ».

La famille

- D’après toi est-ce que tu juges ton entourage familial comme stable ? « Oui ».

- Est-ce que tu le ressens comme rassurant ? « Oui ». Q. « En cas de souci, je peux demander,

je me sens en sécurité ».

- Quelle est la profession de tes parents ? « Mon père est facteur. Ma mère ne travaille

pas, avant elle avait un petit boulot au black dans une pizzeria ».

- Tu m’as dit que tu avais deux frères, vivent-ils à la maison ? « Non, j’avais douze ans quand

le grand est parti, l’autre est parti il y a deux ans ». Q. « En Auvergne, où sont mes grands-

parents ».

- Comment est-ce que tu t’entends avec eux ? « Bien ».

- Duquel te sens-tu le plus proche ? « Du grand. L’autre est con et immature ». Q. « Il est plus

posé ».

- Auquel de tes parents penses-tu ressembler le plus ? « Aux deux. C’est physiquement ? J’ai

le caractère de ma mère et le physique de mon père ».

- En ce moment duquel es-tu le plus proche ? « De ma mère. Mon père est timide, il parle pas

beaucoup ».

- Est-ce que tu penses qu’il s’est passé des choses difficiles, particulières, dans ta famille qui

ont été perturbatrices pour toi ? « Le divorce de mon oncle ». Q. « Le frère de ma mère. Ma

tante l’a jeté et j’ai plus vu mes cousins ». Q. « Je les ai revu récemment, maintenant ça va

mieux ».

La scolarité

- Est-ce que tu te rappelles si tu aimais l’école maternelle ? « Oui ».

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- Comment ça se passait ? Quels sont tes souvenirs comme ça spontanément ? Qu’est-ce que

tes parents t’en ont dit ? « Ma mère m’a dit que je voulais y aller quand elle emmenait mes

frères ».

- Est-ce que tu aimais les activités ? « Je me rappelle pas ». Q. « Je n’ai aucun souvenir ».

- As-tu des souvenirs du CP ? « Oui. De la tête de la prof. Elle était âgée, à l’écoute ».

- Comment tu te sentais à l’école ? « C’était pas pareil, j’en avais marre, j’avais du mal à

suivre ».

- A partir de quand as-tu commencé à avoir des difficultés ? « Du CE1 ».

- Est-ce que tu te rappelles de tes difficultés en lecture ? « Oui c’était difficile ». Ou peut-être

d’autres difficultés ? « La mémoire ça allait, je lisais les leçons et je les savais. En dictée,

ouf ».

- Comment a été la réaction de tes parents face à ces difficultés ? « Au départ on pensait que

j’étais fainéante. C’est l’instit du CP qui s’en ait rendue compte ». Q. « J’ai pris rendez-vous

chez un orthophoniste ».

- De ton enseignant ? « Si tu n’arrivais pas à suivre, ils te laissaient de côté ». Q. « En CM1 ».

- Quels étaient tes difficultés selon toi ? « L’écriture et l’orthographe ». Tes atouts ? « Le

calcul ».

- Est-ce que c’était difficile, est-ce que parfois tu te sentais humilié ? « Je me sentais pas

comprise, je me disais que j’étais pas comme les autres ».

- Tes camarades de classe, est-ce qu’ils se moquaient de toi ? Est-ce que certains t’aidaient ?

« Ils s’en foutaient, il n’y avait pas de moqueries. C’est plus tard au collège qu’on m’a aidé ».

- Est-ce que tu as redoublé une classe ? « Oui le CM1 ». Pourquoi, selon toi ? « J’avais plus

envie de travailler, je faisais des efforts et cela ne servait à rien, j’étais découragée ». Est-ce

que tu penses que ça t’a été profitable ? « Non, j’avais les mêmes difficultés ». Q. « J’ai

encore un peu de difficultés en lecture, je confonds les mots ». Q. « Par exemple tableau et

bateau. Aussi en écriture, je confonds le « e » et le « a », je sais jamais où il faut les placer ».

- Aujourd’hui, quelles sont tes matières préférées ? « Les maths ». Celles que tu n’aimes pas ?

« Le français ».

- En cours quels sont tes problèmes, expliques moi tes difficultés, donne moi des exemples ?

« Quand on me demande de lire j’ai peur de me tromper. Quand je parle pour un exposé, je

confonds les mots. J’ai des bouffées de chaleur. Je fais des crises d’angoisse ». Q. « J’ai des

maux d’estomac. Lorsque j’ai revu ma tante ça m’a fait la même réaction ». Q. « En anglais,

c’est une catastrophe car le « e » et le « a » se suivent souvent, je ne sais jamais ». Q. « À

l’oral c’est mieux ».

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- Comment est-ce que tu décrirais la différence entre maintenant et à l’époque du primaire ?

« C’est toujours un peu pareil, mais j’arrive mieux à repérer mes fautes maintenant ».

- Quelles choses ont changées ? « Je sais pas ».

- Si tu devais parler de la scolarité à des enfants qui ne connaissent pas, qu’est-ce que tu leur

dirais ? « Que c’est intéressant les cours car on apprend beaucoup de choses, mais il faut

s’accrocher ».

La dyslexie

Le diagnostic

- Quand ? « En CE1 ».

- Qui ? « C’est l’instit, celle du CP ». Q. « Les profs s’échangeaient les notes. Je suis passée

au CE1 alors que je n’avais pas le niveau ».

-Comment ? « Je suis allée voir un orthophoniste ». Q. « Deux à trois fois par semaine ».

- Est-ce que tu te souviens des tests auxquels on t’a soumis ? « Non ».

- Le fait d’avoir mis un nom sur tes difficultés qu’est ce que cela a changé pour toi, pour tes

parents ? « Rien ». Q. « J’étais quand même soulagée ».

- Est-ce qu’il y a d’autres personnes dyslexiques dans ta famille ? « Mes frères. Mon grand

frère est dyslexique et dysorthophonique ». Q. « Il invente des mots. Il fait beaucoup de

fautes. Il a fait des progrès à l’armée quand il écrivait des lettres à sa copine. Mon autre frère

est fainéant. Il voyait son frère sauter des cours, alors il faisait exprès, mais il a quand même

une légère dyslexie ». Q. « Non. Ma mère, peut-être ».

- Est-ce que tu connais un autre élève dyslexique ? « Personne ».

La rééducation

- Fréquence ? « Du CE1 à la 6e ».

- Durée ? « Trente minutes ».

- Type d’exos faits ? « Je me rappelle plus. Des petites phrases mémo-techniques. Par

exemple pour différencier le s et le c. Pour le s, c’est serpent, si c’est pas serpent alors c’est le

c ».

- Est-ce que cela t’a permis de faire des progrès ? « J’en ai eu marre. Au bout d’un moment ça

n’avançait plus ».

- Autres types de prise en charge ? « Non ».

- A ton avis qu’est-ce qu’il faudrait faire pour aider les élèves dyslexiques ? « Ne pas les

enfoncer. Prendre le temps de s’adapter à eux ».

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- Toi, qu’est-ce que tu donnerais comme conseil aux enseignants ? « Eviter de punir pour rien.

J’étais toujours punie ».

- Comment tu expliquerais les difficultés que te pose ta dyslexie ? « Une gêne dans la parole,

je dois toujours réfléchir avant de parler. J’ai besoin de réfléchir ».

- Est-ce que certains enseignants t’ont aidé ? « Ma prof de français de la 6e à la 4e. Elle me

poussait, elle me disait accroche toi car elle connaissait la dyslexie. Elle me forçait à lire

devant les autres. Pour les devoirs, mes copines me relisaient avant les profs. J’écrivais en

abrégé les devoirs ».

- Quelles différences tu perçois entre toi et les autres élèves qui ne sont pas dyslexiques ? « Ils

ont beaucoup plus de facilité en cours, et dehors pour les métiers ».

- Avantages ? « Aucun ».

- Est-ce que tu penses avoir du mal à te repérer dans l’espace ? Droite/Gauche ? « Je confonds

la droite et la gauche. Je suis droitière mais je ne sais pas de quel côté prendre mon stylo. Je

suis ambidextre ».

- Dans le temps ? « Dans le vocabulaire, par exemple demain et hier ».

- Est-ce que des fois tu oublies des choses ? « Beaucoup ». Q. « Mes rendez-vous chez le

kiné ».

- Difficultés de concentration ? « Non. On apprend à se concentrer. Par exemple j’écoute pas

ceux qui sont à côté, sinon j’écris ce qu’ils sont en train de dire ».

-Est-ce que tu as du mal à t’organiser pour l’école, faire ton sac, tes devoirs, ranger ta

chambre, etc… ? « Non. Pour chaque cours, j’ai un cahier de différente couleur ».

-Est-ce que parfois tu te dis qu’il faudrait que le monde fonctionne autrement pour que ce soit

plus simple pour toi ? « Non. On est peu à être dyslexique, je vois pas pourquoi ça

fonctionnerait autrement ».

La santé

Allure générale : Physiquement, Amélie est par certains aspects assez féminine, ses cheveux

mi-longs sont teints en blond et par d’autres plutôt masculine, elle porte des vêtements larges

et son téléphone portable autour du cou. Bien qu’elle revête un style assez sportif, Aurélie

semble tout de même soucieuse de son apparence physique.

- Est-ce que tu as des problèmes de santé ? « J’ai une scoliose ». Q. « Je vois un kiné depuis

trois ans ».

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- Des troubles du sommeil ? « Depuis deux ans, des insomnies. Quand je commence à être

fatiguée je vais me coucher mais je tourne dans le lit ». Q. « Je pense à tout. Je suis épuisée le

matin ».

- Des troubles de l’appétit ? « Des fois je saute des repas ou je mange pour quatre ».

- En sport quels sont tes atouts ? Tes difficultés ? « J’en fais pas ».

- Qu’est-ce que tu aimes comme sport ? « Le basket, le tennis, le foot ». Q. « J’aime bien

regarder à la télé ».

Les rapports sociaux

- Comment tu t’entends avec ta mère, avec ton père ? « Très bien avec ma mère. Avec mon

père j’ai pas de conversation, il est timide ». Q. « Il parle de son travail, du sport ».

- Est-ce que tu es proche d’eux ? « Oui ». Par rapport à tes frères et sœurs ? « C’est pareil ».

- Est-ce qu’on t’aide pour tes devoirs ? « Non, mais avant ma mère m’aidait ».

- Comment t’entends tu avec tes professeurs ? « Plutôt bien. Avec tous ».

- Avec les autres élèves ? « Je me sens plus mûre ».

- Est-ce que tu as des amis ? Est-ce que tu en as peu, beaucoup ? « Peu ». Q. « Ma meilleure

amie habite en Auvergne, c’est comme ma sœur. Je la connais depuis toujours, elle a l’âge de

mon grand frère ».

- Ce sont de vrais amis ou juste des copains ? Depuis combien de temps les connais tu ?

« Depuis le collège. Ce sont de vrais amis ». Q. « On parle, on reste ».

- Quels sont tes loisirs ? (Week-end, vacances). « J’aime bien rester à la maison ». Q. « À

l’ordinateur, regarder la télé. En Auvergne je fais du vélo. On fait les fous ».

- Est-ce que tu es déjà parti sans tes parents, en colo, par exemple ? Comment ça s’est passé ?

« Avec une classe de collège. À Venise l’année dernière en 4e. Ça s’est bien passé ».

- Est-ce que tu as un objet porte bonheur, auquel tu tiens beaucoup ? « Un médaillon que mon

ex m’a donné ». Q. « Il y a deux ans, ça été un peu difficile ».

- Peut-être un animal ? « Le chien de mes grands parents, un malinois ».

- Est-ce que tu as un endroit à toi ? Où tu te réfugies par moment, pour être tranquille ? « Ma

chambre. En Auvergne je vais dehors ».

- Tu te décrirais comme solitaire ou plutôt comme quelqu’un qui aime être entouré ? « Je suis

Gémeaux alors j’ai deux facettes, j’aime être entourée et j’aime être seule ».

Le projet

- Comment te vois tu plus tard ? « Je me vois pas plus tard et je cherche pas à le savoir ».

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- Quand tu étais plus petite qu’est-ce que tu voulais faire plus tard ? « Entrer dans la police,

depuis toute petite. Peut-être que je passerai le concours ».

- Quel choix d’orientation as-tu fait ? « Je cherche un stage en mécanique moto ». Q. « Car

cet été j’en ai fait avec mon frère. J’ai fait aussi un stage en coiffure et un en esthétique ». Q.

« J’ai pas trop aimé l’esthétique car il n’y a pas beaucoup de massages. J’ai préféré la

coiffure. J’aime bien aussi la menuiserie ». Q. « L’odeur et travailler le bois ».

- Comment tu vis cette orientation ? « Je suis très stressée par ma situation, car je ne sais pas

ce que je vais faire. Je voulais devenir kiné, mais en étant en 3e PP je peux pas ».

- Selon toi quels sont tes atouts et tes défauts et s’accordent-ils avec ce choix ? « Pour la

mécanique, j’ai pas d’idée des atouts que j’ai. Par rapport à la dyslexie j’ai peur de confondre,

de ne pas mettre la durite au bon endroit. Pour la menuiserie, j’ai ma patience. J’ai appris à en

avoir, mais j’ai aussi peur de placer les pièces au mauvais endroit ».

- Est-ce que tes copains se dirigent vers les mêmes études que toi ? « Beaucoup dans la

coiffure ». Q. « Ma meilleure amie est secrétaire dans un hôpital ».

- A qui t’identifies-tu ? A qui aimerais-tu ressembler ? « A mon grand frère ». Q. « Il est

mécanicien ». Q. « L’autre travaille dans une usine d’aluminium, il fait des fenêtres en

PVC ».

Divers

- Selon toi est-ce que le fait de ne pas accéder à la lecture et à l’écrit comme les autres

engendrent certaines difficultés particulières? « On a partout besoin de lire et d’écrire, c’est un

grand handicap partout ».

- Je te demande de me répondre spontanément :

- Si je te dis chat, quelle image te viens dans la tête ? « Le chat de ma tante ».

- Si je te dis locomotive ? « Le train. En face de chez moi, il y en a un qui passe tout le

temps ».

- Si je te dis accident ? « L’accident que j’ai eu sur l’autoroute quand j’avais un mois. Ma

mère me l’a raconté. Des fois j’ai des flashes ».

- Si je te dis exprimer ? « Un gros panneau de STOP ».

- Est-ce que tu as l’image du mot écrit dans la tête ? Ou l’image de l’objet ? « L’image de

l’objet ».

-Comment fais-tu pour apprendre l’orthographe d’une liste de mots, est-ce que tu as une façon

particulière de faire ? « Je l’écris plusieurs fois, plein de fois ». Q. « Ça m’arrive après de

refaire des fautes ».

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- Est-ce que tu as du mal à t’exprimer ? « Oui. Je dois réfléchir avant de trouver le mot ». Q.

« C’est à l’oral et à l’écrit ».

- Maintenant je voudrais aborder avec toi quelques domaines où tu devras me répondre sans

réfléchir, c'est-à-dire spontanément. Si une question te mets mal à l’aise tu n’es pas obligée de

me répondre.

- Quels sentiments, quelles émotions tu ressens en ce moment ? « Je me sens… Je trouve pas

le mot, je dois réfléchir. Un peu énervée pour mes frères qui s’occupent un peu trop de ma

vie ». Q. « Mon copain a vingt-trois ans, avant il sortait avec plein de filles, et mon grand

frère a peur qu’il fasse pareil avec moi. Il est sérieux ».

- Quelles craintes et peurs tu ressens en ce moment ? « J’ai peur d’être jugée par les autres,

qu’on se trompe sur ma personnalité. Quand je marche dans la rue, j’ai l’impression qu’on me

regarde bizarrement ». Q. « C’est avec les gens que je ne connais pas ».

- Quels désirs et quelles choses tu souhaites en ce moment ? « De partir de Marseille, la cité,

le bruit ». Q. « En Auvergne avec mon copain dans deux ans ».

- Quels souvenirs récents ou d’enfance te reviens à l’esprit maintenant ? « Pas grand-chose

qui vient. Des retrouvailles de famille en Auvergne, j’étais petite, c’était joyeux ».

- Enfin, je voudrais te demander d’associer cinq mots au mot dyslexie. « Handicap, chiant,

que ça ».

- Est-ce que tu as quelque chose dont on n’aurait pas parlé à ajouter ? Est-ce que tu veux

revenir sur quelque chose ? « Non ».

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Entretien avec Cynthia (le 10-5-2005)

- Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu changerais dans le monde ? « C’est dur…

Les gens, ils sont agressifs ».

- Dans ta famille ? « Le caractère de mon père, il fait toujours la tête ».

- Chez toi ? « Rien ».

La famille

- D’après toi est-ce que tu juges ton entourage familial comme stable ? « Oui ».

- Est-ce que tu le ressens comme rassurant ? « Oui ».

- Quelle est la profession de tes parents ? « Ma mère est secrétaire et mon père gardien de

copropriété ».

- As-tu des frères et sœurs ? Vivent-ils à la maison ? Quel âge ont-ils ? « Un vrai frère de

quinze ans, un demi-frère de vingt-quatre ans et une demi-sœur de vingt-sept ans ».

- Comment est-ce que tu t’entends avec eux ? « Bien avec tous. Un peu moins avec mon frère

de quinze ans, il m’embête et ça fini en bagarre ».

- Est-ce que tu penses que tu peux ou pourras compter sur eux ? « Oui ».

- Duquel te sens-tu le plus proche ? « De mon grand frère ». Q. « Je le vois souvent par

rapport à ma sœur. Je m’entends bien ».

- Auquel de tes parents penses-tu ressembler le plus ? Pourquoi ? « Ma mère. Elle est

différente de mon père, elle n’a pas le même caractère. J’ai les mêmes idées qu’elle ».

- En ce moment duquel es-tu le plus proche ? « Ma mère. Mon père travaille beaucoup et je le

vois pas souvent ».

- Est-ce que tu penses qu’il s’est passé des choses difficiles, particulières, dans ta famille qui

ont été perturbatrices pour toi ? « Rien de spécial ».

La scolarité

- Est-ce que tu te rappelles si tu aimais l’école maternelle ? « Je crois que j’aimais bien ».

Comment ça se passait ? Quels sont tes souvenirs comme ça spontanément ? Qu’est-ce que

tes parents t’en ont dit ? « Je revois les photos du carnaval, où j’étais joyeuse ».

- Est-ce que tu aimais les activités : le dessin, le chant, les jeux, etc… ? « J’ai pas de souvenir,

je faisais du vélo dans la cour ».

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- As-tu des souvenirs du CP ? « Oui quand la prof me faisait lire à haute voix. J’aimais pas la

maîtresse, elle me disait que j’étais curieuse et que c’était pas bien ».

- Comment tu te sentais à l’école ? A partir de quand as-tu commencé à avoir des difficultés ?

« Au CP ».

- Est-ce que tu te rappelles de tes difficultés en lecture ? « Quand je lis dans ma tête, ça va, ça

passe plus vite, c’est pour moi, je stresse pas. A voix haute, c’est difficile, je déteste ». Peut-

être d’autres difficultés ? « En orthographe ».

- Comment a été la réaction de tes parents face à ces difficultés ? « Ma maman m’aidait

beaucoup, elle avait envie que j’arrive à lire ».

- De ton enseignant ? « Le maître ne réagissait pas ».

- Et des autres membres de la famille ? « J’ai une cousine dyslexique ». Q. « Elle a trente-

deux ans. Ça m’encourage, elle travaille, elle a réussi ses études, elle me dit des noms

d’acteur qui sont dyslexiques pour m’encourager ».

- Quels étaient tes atouts, selon toi ? « Ma maman me dit que j’ai de l’imagination ». Q.

« J’écris des histoires ».

- Est-ce que tu as redoublé une classe ? « Le CE2 ». Pourquoi, selon toi ? « J’étais pas forte ».

Est-ce que tu penses que ça t’a été profitable ? « Ça a servi à rien. C’était une mauvaise école.

À partir du CM1 j’ai changé d’école ».

- Est-ce que c’était difficile, est-ce que parfois tu te sentais humilié ? Tes camarades de classe,

est-ce qu’ils se moquaient de toi ? « Un jour j’avais lu, j’avais peur qu’on se moque de moi,

mais c’était bien passé, donc je lisais ». Est-ce que certains t’aidaient ? « Ma meilleure

amie ». Q. « Elle me soufflait les mots ».

- Aujourd’hui, quelles sont tes matières préférées ? « La musique, l’espagnol ». Celles que tu

n’aimes pas ? « L’anglais ».

- En cours quels sont tes problèmes, expliques moi tes difficultés. « Je change des mots. Je lis

la première lettre et j’en vois un autre. J’ai des mauvaises notes en dictée à cause de la

conjugaison et des auxiliaires ».

- En français, comment ça se passe ? « Ça va ».

Ses camarades lui apportent son sac.

- Et en maths ? « Les tables de multiplication, j’arrive pas à les apprendre ».

- Et en anglais ? « Je suis pas forte. En 5e, la prof. faisait pas cours. Cette année j’ai une

meilleure prof., ça va mieux ». Et à l’oral ? « J’en fais pas ».

- Comment est-ce que tu décrirais la différence entre maintenant et à l’époque du primaire ?

« Ça va mieux en orthographe, je fais plus attention à ce que j’écris ».

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- Quelles choses ont changées ? « Rien ». Q. « Ma maman me dit que je progresse en

lecture ». Q. « Je lis un peu, quand je bloque, j’arrête. Je suis contente quand je fais une

phrase sans me tromper ». Q. « Jamais sans ma fille ».

- Si tu devais parler de la scolarité à des enfants qui ne connaissent pas, qu’est-ce que tu leur

dirais ? « Que c’est dur ».

La dyslexie

Le diagnostic

- Quand ? Quelle classe ? « En 6e ».

- Qui ? « L’infirmière a parlé de la dyslexie et je suis allée la voir. J’ai fait des tests ». Q.

« J’ai du lire, écrire, montrer des images avec des points ».

- Comment ? « Je suis aussi allée voir un docteur à la Timone ».

- Est-ce que tu te souviens des tests auxquels on t’a soumis ? « J’ai fait beaucoup de tests ».

Q. « Les mêmes que l’infirmière ».

- Comment on te l’a expliqué ? Qu’est ce que l’on t’a dit ? « Ils m’ont expliqué ce qu’était la

dyslexie. Au début j’avais peur ». Q. « Que je n’y arrive jamais ».

- Est-ce que tu penses que quelque chose a changé à ce moment là ? Le fait d’avoir mis un

nom sur tes difficultés qu’est ce que cela a changé pour toi, pour tes parents ? « Rien ». Q.

« J’étais contente que l’infirmière s’occupe de moi ». Q. « J’étais avec un (cherche le mot)

orthophoniste en CE2 pendant deux ans. J’ai arrêté. En 5e j’ai recommencé ». Q. « Un autre,

une fois ou deux par semaine pendant une heure ».

- Est-ce qu’il y a d’autres personnes dyslexiques dans ta famille ? « Que ma cousine ».

- Est-ce que tu connais un autre élève dyslexique ? « Deux garçons et une fille ».

- Est-ce que vous en avez parlé ? « Non, on n’en parle pas ».

- Quels sont ses problèmes à lui /elle ? « Je les connais pas ».

La rééducation

- Type d’exos faits avec l’orthophoniste? « Il me faisait lire des mots qui n’existent pas. Après

des textes et des exercices sur les terminaisons ».

- Est-ce que cela t’a permis de faire des progrès ? « Pas pour l’orthographe, surtout en lecture

pour comprendre ».

- Autres types de prise en charge ? « Non ».

- A ton avis qu’est-ce qu’il faudrait faire pour aider les élèves dyslexiques ? « Je sais pas ».

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- Toi, qu’est-ce que tu donnerais comme conseil aux enseignants ? « Je sais pas ». Q. « De ne

pas me faire lire devant les autres. Que les profs me laissent plus de temps, en français ne pas

faire attention aux fautes ».

- Comment tu expliquerais les difficultés que te pose ta dyslexie ? « Je sais pas ».

- Quelles différences tu perçois entre toi et les autres élèves qui ne sont pas dyslexiques ?

« Pas de différences ». Avantages et inconvénients ? « Non ». Q. « Je me pose pas la

question ».

- Est-ce que tu penses avoir du mal à te repérer dans l’espace ? (sur un plan, dans le collège,

gauche/ droite…). « Dans l’espace ça va. Je confonds la droite et la gauche. Si j’indique le

chemin à quelqu’un il faut que je réfléchisse avant ».

- Dans le temps ? « Non ».

- Est-ce que des fois tu oublies des choses ? « Un peu mais c’est pas vraiment important ».

- Difficultés de concentration ? « Ça va ».

- Est-ce que tu as du mal à t’organiser pour l’école, faire ton sac, tes devoirs, etc… ? « Non, je

suis bien organisée ».

- Est-ce que parfois tu te dis qu’il faudrait que le monde fonctionne autrement pour que ce soit

plus simple pour toi ? « Non ».

La santé

Allure générale : Cynthia m’apparaît plutôt coquette et féminine dans son apparence

physique : elle porte beaucoup de bijoux et un peu de maquillage sur les yeux.

- Est-ce que tu as des problèmes de santé, des troubles du sommeil, des troubles de l’appétit ?

« Depuis toute petite, j’ai du mal à m’endormir. Je me couche tard, je laisse la télé allumée,

j’ai pas sommeil, mais je suis fatiguée, surtout le matin ».

- En sport quels sont tes atouts ? Tes difficultés ? « Je suis en 4e VTT, on fait du VTT le

mercredi après-midi. Je pars la semaine prochaine avec la classe à Nîmes ».

- Qu’est-ce que tu aimes comme sport ? « Le VTT, le hand-ball, tous les sports ». Et tes

parents ? Frères et sœurs ? « Mon père aime le foot, mon frère le foot et il fait du

taekwondo ».

Les rapports sociaux

- Comment tu t’entends avec ta mère, avec ton père ? « Bien avec ma mère. C’est difficile

avec mon père, des fois quand il arrive le soir j’ai pas envie de rester ». Q. « Il rigole quand

même, mais il fait la tête ensuite ». Est-ce que tu es proche d’eux ? « Oui ».

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Par rapport à tes frères et sœurs ? Qu’est-ce qu’ils en disent eux ? « Je me sens plus proche de

mon grand frère ».

- Est-ce qu’on t’aide pour tes devoirs ? Qui ? « Ma mère m’aide toujours ». Q. « Pour les

leçons à apprendre, les exercices que je fais avec elle. Elle aide aussi mon frère qui ne fait

rien ».

- Comment t’entends tu avec tes professeurs, avec les autres élèves ? « Bien ».

- Est-ce que tu as des amis ? « Oui ». Est-ce que tu en as peu, beaucoup ? « Pas mal ». Ce sont

de vrais amis ou juste des copains ? « Des copines comme ça ». Depuis combien de temps les

connais-tu ? « J’ai une copine depuis quatre/cinq ans et un copain depuis la maternelle, il est

dans ma classe ». Q. « Avec les garçons car les filles font des histoires ».

- Quels sont tes loisirs ? (Week-end, vacances) « Je sors en ville avec mes copines. Je reste à

la maison ». Q. « De l’ordinateur, je regarde la télé ».

- Est-ce que tu pratiques une activité sportive ? Une activité artistique ? Ou autre chose ?

« J’ai fait de la gym pendant cinq ans ». Q. « C’est quand j’avais sept/huit ans. J’ai arrêté car

la prof nous faisait faire de la danse ».

- Qu’est-ce que tu aimes faire chez toi ? « Ecouter de la musique ». Ou en vacances ? « Je vais

à Bandol chez ma grand-mère. Je vais dans un club, on fait des sports d’eau ». Q. « Les deux

mois d’été ». Q. « Elle est décédée. C’était le 25 février 2004. Elle était handicapée des

jambes ».

- Est-ce que tu es déjà parti sans tes parents, en colo, par exemple ? « Oui en colo ». Comment

ça s’est passé ? « Bien. Je suis contente de partir la semaine prochaine ».

- Est-ce que tu as un objet porte bonheur, auquel tu tiens beaucoup ? « Non ». Peut-être un

animal ? « Non ».

- Est-ce que tu as un endroit à toi ? Où tu te réfugies par moment, pour être tranquille ? « Ma

chambre, je reste souvent dedans ».

- Tu te décrirais comme solitaire ou plutôt comme quelqu’un qui aime être entouré ? « Ça

dépend des fois, les deux ».

Le projet

- Comment te vois tu plus tard ? « Je sais pas ».

- Quand tu étais plus petite qu’est-ce que tu voulais faire plus tard ? « Maîtresse, jusqu’en 6e.

Maintenant infirmière ». Q. « Ma sœur est infirmière, elle m’a emmené, ça m’a plu ». Q.

« Mon frère travaille à la SNCM ». Q. « Il travaille dans les machines ».

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- Quel choix d’orientation as-tu fait ? « J’ai pas réfléchi. Peut-être le BEP carrières sanitaires

et sociales ».

- Selon toi quels sont tes atouts et tes défauts et s’accordent-ils avec ce choix ? « Pour

infirmière, j’aime parler avec les gens, mais j’aime pas les piqûres ».

- Est-ce que tes copains se dirigent vers les mêmes études que toi ? « J’ai des copines qui

veulent être puéricultrices et mon copain chirurgien ».

- Est-ce qu’il y a quelque chose à laquelle tu as du renoncé ? « Non ».

- Que veulent faire tes frères et sœurs ? « Mon frère est au lycée hôtelier ». Q. « Il fait de la

cuisine et de la pâtisserie. Il est en stage à St-Tropez pendant un mois. Je le vois pas et je suis

bien contente ».

- A qui t’identifies-tu ? A qui aimerais-tu ressembler ? « À quelqu’un de bien ». Q.

« Personne de particulier ». Q. « Peut-être à ma sœur car elle est belle ».

Divers

- Selon toi est-ce que le fait de ne pas accéder à la lecture et à l’écrit comme les autres

engendrent certaines difficultés particulières? « Non ».

- Je te demande de me répondre spontanément :

Si je te dis chat, quelle image te viens dans la tête ? « Un chat ».

Si je te dis locomotive ? « Une locomotive ». (Rigole)

Si je te dis accident ? « Une voiture qui fait un accident, qui s’écrase ».

Si je te dis exprimer ? « Je pense à rien ».

- Est-ce que tu as l’image du mot écrit dans la tête ? Ou l’image de l’objet ? « L’image de

l’objet ».

- Comment fais-tu pour apprendre l’orthographe d’une liste de mots, est-ce que tu as une

façon particulière de faire ? « Je les écris plusieurs fois ». Q. « Je refais parfois des fautes ».

- Est-ce que tu as l’impression que certains mots ont plus de sens que d’autres mots pour toi ?

« Non ». Je reformule la question. « Ça dépend des fois ».

- Est-ce que tu as du mal à t’exprimer ? « Non ». Est-ce qu’il t’arrive de ne pas réussir à

trouver tes mots et d’autres viennent à leur place ? « Des fois ça m’arrive de dire un autre

mot ».

- Est-ce que ces mots qui viennent à leur place sont proches de ceux oubliés (dans la forme ou

le sens) ? « Oui il a un rapport, dans le sens ».

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- Maintenant je voudrais aborder avec toi quelques domaines où tu devras me répondre sans

réfléchir, c'est-à-dire spontanément. Si une question te mets mal à l’aise tu n’es pas obligée de

me répondre.

- Quels sentiments, quelles émotions tu ressens en ce moment ? « Je suis bien, j’ai pas de

problèmes ».

- Quelles craintes et peurs tu ressens en ce moment ? « J’aime pas avoir d’histoires dans le

collège ». Q. « Avec des filles, à cause des garçons, pour une bêtise ».

- Quels désirs et quelles choses tu souhaites en ce moment ? « Avoir la belle vie. Avoir un

bon travail, une maison, un mari, des enfants ».

- Quels souvenirs récents ou d’enfance te reviens à l’esprit maintenant ? « Avec ma cousine,

une histoire dans la famille, je l’ai plus vu pendant quatre/cinq ans. Des fois je repense à ce

qui s’est passé ».

- Enfin, je voudrais te demander d’associer cinq mots au mot dyslexie. « Problème, difficulté,

mémoire, je trouve plus de mot ». Q. « J’apprends les leçons et je les retiens pas ».

- Est-ce que tu as quelque chose dont on n’aurait pas parlé à ajouter ? Est-ce que tu veux

revenir sur quelque chose ? « Non ».

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Entretien avec Sébastien (le10-5-2005)

Sébastien est très surpris de ma première question, il a un peu de mal à se laisser aller

à imaginer ce qu’il changerait dans le monde. Après un petit moment de silence il me répond

que dans le monde il changerait « la pauvreté », puis « l’environnement ». Dans sa famille, il

hésite puis me dit : « ma sœur », enfin en ce qui le concerne il modifierait « l’écriture »,

…« la dyslexie ».

La famille

Sébastien juge son entourage familial comme stable et le ressent comme rassurant.

La profession de son père est « chef d’atelier » et celle de sa mère « assistante maternelle ».

Ses parents vivent ensemble.

Sébastien a deux sœurs, l’une a vingt et un ans et vit la semaine à Montpellier où elle étudie

l’italien ; sa seconde sœur a treize ans et est scolarisée dans le même collège que Sébastien en

classe de 4e. Enfin Sébastien a un petit frère âgé de cinq ans.

Sébastien ne semble pas bien s’entendre avec sa sœur de treize ans, il dit qu’elle l’énerve,

mais ne souhaite pas me donner plus de détails. Il se sent plus proche de sa grande sœur et

pense pouvoir compter sur eux, leur faire confiance.

Concernant les évènements difficiles de sa vie qui auraient pu le perturber, il a quelques

difficultés à répondre et suite aux quelques exemples que je lui donne il mentionne des

déménagements mais qui ne l’ont pas perturbé puisque dit-il « c’est mieux ici qu’à

Marseille ». Je lui demande pourquoi et il me répond : « parce que les profs savaient pas ce

que c’était la dyslexie ».

La scolarité

Sébastien pense n’avoir jamais aimé l’école et n’a pas de souvenirs de l’école maternelle. En

revanche il se rappelle que le CP était « très difficile », ses difficultés concernaient

l’apprentissage de la lecture, « quand j’essayais de lire mes parents s’énervaient ».

Il m’explique qu’il a changé trois fois de maîtresse au CP et que c’est la dernière qui lui a

appris à lire.

A la question « comment tu te sentais à l’école ? », Sébastien a du mal à me répondre, il se

rappelle surtout de ses problèmes à la maison. Ses difficultés concernent, selon lui la lecture

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et l’écriture. Il me dit « en écriture de pire en pire, je m’énervais, mais en lecture ça allait

mieux ».

Sébastien me confie que son père est dyslexique, il avait les mêmes difficultés à l’école et il

me dit que peut-être son grand-père l’était aussi, ils l’ont vu en regardant des lettres qu’il avait

écrites. Son père n’a pas été diagnostiqué comme dyslexique, mais pense l’être et ceci depuis

que la difficulté de son fils a été mise en évidence par l’orthophoniste alors qu’il avait dix ans.

Apparemment sa mère, ses frères et sœurs n’ont pas de problèmes en lecture et en écriture.

Son atout selon lui c’est qu’il « s’accroche plus ».

Sébastien semble avoir beaucoup souffert d’humiliation, il me raconte qu’en CE1 le maître

balançait son cahier par la fenêtre, le montrait à toute la classe, lui faisait copier des pages ou

le mettait au coin, il lui donnait beaucoup de punitions.

Il ne se rappelle pas que ses camarades de classe se soient vraiment moqués de lui, ni qu’ils

l’aient aidé. C’est essentiellement sa mère qui l’aidait, il me dit avoir passé beaucoup de

temps avec elle à faire ses devoirs. Il était meilleur en autodictée, à ma demande il m’explique

qu’il a du mal à photographier les mots, qu’il doit les apprendre et que ses meilleures notes

étaient 12/20, pour cela il commençait à préparer ses dictées deux semaines à l’avance avec sa

mère.

Sébastien n’a jamais redoublé.

Ses matières préférées sont les arts plastiques, il n’aime pas le sport, sauf l’équitation, il aime

le contact avec le cheval. Je lui demande si ses sœurs ou ses parents pratiquent le sport, il me

répond que non.

Concernant ses difficultés en français :

- En orthographe, il connaît les règles, mais « les appliquer c’est autre chose… c’est pas

automatique ».

- En lecture, il lit lentement et en s’arrêtant.

- Il a du mal à retenir et me dit être souvent obligé de lire plusieurs fois.

Il ne me dit rien des mathématiques.

A la question « comment est-ce que tu décrirais la différence entre maintenant et l’époque du

primaire ? » il me répond spontanément : « l’horreur et le un peu mieux ». Il me dit qu’il n’a

toujours pas envie d’y aller, mais moins qu’au primaire.

Pour lui les choses qui ont changé sont « les trucs qui se mettent en place comme le tiers

temps, les dictées à trous … la reconnaissance ».

Je lui demande si des choses ont changé chez ses parents, il me dit qu’ils sont « plus

cléments ».

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Enfin à la question « si tu devais parler de la scolarité à des enfants qui ne connaissent pas

l’école, qu’est-ce que tu leur dirais ? », il me répond, là encore spontanément : « je dirais tu

changeras vite d’avis ». Je lui demande à quoi sert l’école selon lui et il répond « pas grand

chose », il m’explique ensuite que « les vecteurs par exemple ça ne lui servira à rien ».

Le diagnostic

Sa dyslexie a été diagnostiquée alors qu’il avait dix ans et était en CM1, suite à son

déménagement. Lorsqu’il était à Marseille il allait déjà voir une orthophoniste mais qui

n’avait pas posé ce diagnostic.

Après avoir fait des tests avec son orthophoniste il est allé à Montpellier faire des tests avec le

docteur Cheminal qui est le médecin référent de l’académie de Montpellier.

Sébastien ne se rappelle pas des tests qu’on lui a fait passer, ni de la manière dont on lui a

expliqué sa dyslexie.

Sébastien me parle d’un autre élève dyslexique qui se trouve dans sa classe et avec lequel il

n’a pas parlé de leurs difficultés communes. Il me dit que cet élève a « une difficulté plus

importante, mais que lui il le vit bien, il est pas stressé ».

La rééducation

Sébastien a arrêté la rééducation depuis un an, parce qu’il pensait « que ça allait », il me

confie qu’il en avait marre.

Il avait deux à trois séances par semaine. Sa prise en charge s’est étalée du CP à la moitié de

son année de 4e.

Il pense que ça l’a aidé à faire des progrès concernant la vitesse de lecture et l’orthographe.

Il est aussi allé consulter une psychomotricienne qui l’a aidé pour l’écriture.

Il me dit n’être allé voir personne d’autre alors que par la suite il me parlera de la

psychologue.

Il ne sait pas trop ce qu’on pourrait faire pour aider les élèves dyslexiques, il me dit « on sait

pas comment être sans, on vit avec ».

Il ne sait pas non plus quels conseils donner aux enseignants.

A la question « comment expliquerais-tu les difficultés que te pose la dyslexie ? », il répond

« si on n’écrit pas, pas de problèmes ». Suite à mes sollicitations, il me dit qu’à l’oral il a de

bonnes notes, comme en récitation où il a eu 18/20. Il aime bien avoir des bonnes notes et il

me confie que sa grande sœur a eu la meilleure note au brevet des collèges, il ajoute « alors

moi quand j’ai de mauvaises notes ! ».

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Sébastien pense que son professeur de français l’a aidé, par contre il a du mal à me dire

comment, il mentionne les dictées préparées au lieu des dictées habituelles données aux autres

et le fait que ce professeur connaît la dyslexie.

A ce moment de l’entretien, la CPE du collège nous interrompt un moment pour lui apporter

un contrôle de mathématiques auquel il a eu 5/20. La CPE le complimente parce qu’elle et

son professeur de mathématiques trouvent qu’il a fait d’énormes progrès notamment dans la

présentation. J’aurais préféré que notre rencontre ne soit pas interrompue d’autant que

Sébastien semblait très déçu de ce résultat, qui malgré les encouragements restait en effet

assez décevant.

Je lui ai dit que j’étais désolée de cette intrusion, puis nous avons un peu parlé de cette

interrogation et nous avons repris le cours de notre entretien.

Sébastien m’a confirmé qu’il avait du mal à se repérer dans l’espace et qu’il lui arrivait de

confondre la droite et la gauche, il avait d’ailleurs quelques difficultés en géométrie, mais

n’était pas sûr que ce soit lié. Il lui arrive aussi d’oublier des rendez-vous, d’arriver en retard

ou de confondre des dates, il a donc quelques difficultés à se repérer dans le temps.

A la question « est-ce que des fois tu oublies des choses ? » il me répond « oui, tout le

temps » et il pense avoir quelques soucis d’attention et de concentration.

En revanche il me dit ne pas avoir de mal à s’organiser et ne pense pas que le monde devrait

fonctionner autrement pour que ce soit plus simple pour lui.

La santé

Allure générale : Sébastien est habillé de façon très classique. Pendant l’entretien il se tient à

distance du bureau, semble avoir des difficultés à s’exprimer, il ne construit pas de phrases et

ne développe pas ses réponses. Très souvent il se contente de me donner un mot ou de

répondre oui. Cet entretien est marqué par un grand nombre de moments de silence et je

remarque que souvent Sébastien a besoin de mes sollicitations ou de mon aide (exemples)

pour répondre aux questions.

En revanche, je remarque que son expression s’améliore au cours de l’entretien et que parfois

il utilise un vocabulaire assez évolué tel que « clément », « lecture saccadée ».

Sébastien donne l’impression d’un élève sérieux, posé et ayant un profil correspondant à un

niveau supérieur à celui de CAP.

L’ambiance générale : Très marquée par ces moments de silence, d’hésitation et cette position

de recul.

Sébastien me dit n’avoir aucun problème de santé, si ce n’est de l’asthme.

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Rapports sociaux

Sébastien s’entend très bien avec son père et sa mère et c’est sa mère qui l’aide dans son

travail.

De manière générale il s’entend bien avec ses professeurs et par contre, certains élèves sont

jaloux et ne comprennent pas qu’on l’aide.

Il n’a pas énormément d’amis au collège, il en a plus en dehors de l’établissement.

Concernant ses loisirs, il joue à la Playstation, fait du skate, mais juste un peu dans la rue,

regarde la télévision et va chez ses amis. Il lui arrive de faire de la pâtisserie avec sa mère et

ne semble pas avoir d’activité particulière avec son père.

Sébastien est déjà parti en colonie sans ses parents, il y va tous les étés pendant un mois et

retrouve des amis des années passées. Ces séparations d’avec le milieu familial semblent ne

pas lui poser de soucis puisqu’il dit « ça me fait du bien ».

Sébastien a un chien auquel il tient beaucoup et dont il s’occupe, il n’a pas d’endroit dans

lequel il se réfugie et se voit plutôt comme une personne solitaire, puisqu’il passe de longs

moments seul à jouer à la Playstation.

Le projet

Sébastien n’a pas facilement répondu à la question « comment te vois-tu plus tard ? », après

quelques exemples il m’a dit « avec une moto ». Quand il était petit il voulait devenir pâtissier

ou cuisinier et maintenant il souhaite toujours devenir pâtissier. A un moment il a envisagé de

devenir mécanicien pour les motos en raison de son asthme.

Son choix d’orientation est donc le CAP pâtisserie, c’est un choix qu’il a fait tout seul et il vit

bien cette orientation.

Sébastien n’arrive pas à donner ses atouts et ses défauts, mis à part son asthme.

Ses copains se dirigent eux aussi vers un CAP. Il ne sait pas vers quelle profession se dirige sa

grande sœur, par contre il est très amusé de me répondre qu’en ce qui concerne sa petite sœur

« on lui dit de devenir flic, comme elle se mêle de ce qui ne la regarde pas ».

Divers

Dans cette dernière partie Sébastien a passé beaucoup de questions pour lesquelles il ne

trouvait pas de réponses, il est vrai que l’entretien était long et peut-être commençait-il à

manquer d’attention ?

Il n’a donc pas su dire s’il avait l’image du mot écrit dans la tête ou celle de l’objet. Pour

apprendre une liste de mots il m’a dit qu’il avait du mal à photographier les mots et qu’il

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devait les apprendre, mais ne m’a pas expliqué comment. Il n’a pas l’impression que certains

mots ont plus de sens pour lui que d’autres.

Par contre il a des difficultés à s’exprimer, il ne trouve pas ses mots et d’autres viennent à la

place, ces mots lui semblent être proches. Il pense qu’il n’arrive pas à avoir les mots écrits

dans la tête.

L’exercice que je lui propose le met un peu en difficulté, je sens une certaine réticence, mais il

finit par s’y prêter.

Concernant un sentiment il me dit « ça va, sinon je savais en maths que cela ne serait pas

mieux ». Sébastien a plus de mal à trouver une crainte ou une peur et me parle de son asthme

qui maintenant ne posera pas de problème, puisque m’explique-t-il « la psychologue en a

parlé au pneumologue et c’est réglé ».

Pour le désir il évoque son envie d’avoir le brevet, « pour avoir le CAP … pour avoir une

moto ».

Sébastien ne trouve pas de souvenirs.

Enfin, les cinq mots qu’il associe au mot dyslexie sont : dysgraphie, dysorthographie,

angoisse, mauvaises notes, être crispé.

Fin de l’entretien

Sébastien n’a rien de particulier à ajouter et il me paraît assez content d’avoir participé à cet

entretien.

75

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Entretien avec Sandy (le10-5-2005)

Le premier exercice que je propose à Sandy et qui consiste à s’imaginer ce que l’on

pourrait changer dans le monde semble lui plaire. Néanmoins, elle mettra un certain temps

avant de se lancer dans une première réponse.

Concernant le monde elle me répond : « être respecté où on va », elle m’explique qu’il y a des

quartiers où on ne l’est pas et qu’il « faudrait pas que ça existe des meurtres, viols… ». Dans

sa famille elle ne voit pas ce qu’elle pourrait changer et après un temps de réflexion me

répond : « j’sais pas ». Enfin en ce qui la concerne, elle me dit : « être normale…pas avoir la

dyslexie…travailler mieux au collège…c’est tout ».

La famille

Sandy ressent son entourage familial comme stable et rassurant. Son père est routier et sa

mère aide ménagère. Elle ne voit son père que le week-end, puisqu’il a conservé son travail à

Nancy, région dont ils sont originaires. Sandy et sa famille ont déménagé il y a trois ans et

dans ce déménagement elle a perdu sa meilleure amie.

Elle a deux frères, l’un âgé de dix-sept ans est en CFA, l’autre de neuf ans est scolarisé en

CE2. Sandy a aussi une demi sœur de vingt et un ans issue d’un premier mariage du père qui

est d’origine algérienne et plus âgé que la mère. Sa sœur ne vit pas avec eux, elle vit à Paris et

Sandy ne la voit pas souvent.

Concernant l’entente avec ses frères elle me répond : « des jours ça va, des jours non…on

s’engueule pour des bêtises, surtout avec mon grand frère ». Elle pense se sentir plus proche

de son grand frère, mais hésite, elle dit « peut-être ».

Elle a confiance en ses frères et sœurs.

Elle s’entend plus avec son père qu’avec sa mère et pense ressembler à son père, mais avec un

point d’interrogation.

Sandy ne pense pas qu’il se soit passé des évènements qui auraient pu être perturbateurs pour

elle. Elle me répond non, puis reste pensive un moment avant de me redire non.

La scolarité

Sandy dit avoir de bons souvenirs de l’école maternelle, elle aimait y aller et sa mère lui a

raconté qu’elle est la seule de la fratrie à ne pas avoir pleuré.

A la question « as-tu des souvenirs du CP ? », elle me répond : « c’était normal, moins

marrant que la maternelle, pas mal aussi ».

76

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Elle me dit avoir peu de souvenirs de ses difficultés et m’explique que « c’est quand on lisait,

je devais pas savoir certains mots ».Elle se rappelle que c’est au CE2 que certaines difficultés

l’ont dérangée, en dictée et en lecture. Je m’étonne qu’elle n’ait pas eu de difficultés avant ce

à quoi elle répond : « on ne lisait pas souvent…surtout à partir du CE2 ». Elle ne se rappelle

pas avoir eu d’autres difficultés.

Je lui demande, ensuite, « quelle a été la réaction de ses parents face à ces problèmes ? », elle

me dit que sa mère l’aidait, lui expliquait l’énoncé.

Je reprends avec elle les difficultés dont elle se rappelle, à savoir concernant la lecture, les

dictées, les énoncés et la langue. En revanche elle me dit qu’elle réussissait en mathématiques,

qu’elle était forte en dessin et en technologie, dans ce qui est manuel.

Je lui demande si il lui est arrivé de se sentir humiliée, elle réfléchit et me dit : « en sixième

les profs demandent de lire devant tout le monde. Un élève s’est moqué d’un autre, ça

arrive…et on se sent coupable ».

Je continue en lui demandant si certains élèves l’ont déjà aidée, elle me dit que oui et je lui

demande si elle a un souvenir précis. Elle se rappelle qu’en sixième elle faisait certains

devoirs avec une copine et que cette année elle révise avec une amie.

Sandy a redoublé sa sixième, en raison selon elle du français, « j’étais trop mauvaise ». A la

question « est-ce que tu penses que ça t’a été profitable ? » elle répond « peut-être un peu ». Je

lui demande comment elle a vécu ce redoublement, elle me répond : « pas bien…mais comme

j’ai déménagé ça a été ».

Les matières préférées de Sandy sont le français, le dessin, la musique et les mathématiques

parce qu’elle aime bien la « prof ». La matière qu’elle « déteste » est l’anglais.

En français ses difficultés concernent surtout les dictées, la lecture et en rédaction elle me dit

que ça va. En mathématiques elle n’arrive pas à se souvenir des leçons, l’exercice qui lui pose

le plus de problème c’est les divisions, sinon elle dit bien arriver en géométrie.

A la question sur la différence entre maintenant et avant elle me dit : « je préfère maintenant,

avant on se moquait, maintenant personne », je lui demande « qu’est-ce que tu veux dire par

on se moquait ? » et elle répond : « la prof en a puni un …certains sont jaloux … mais une

copine l’a défendu ».

Enfin, si elle devait parler de ce qu’est l’école, la scolarité à des enfants qui ne connaissent

pas, elle leur dirait : « c’est pour notre bien … avoir un métier ».

77

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Le diagnostic

Sandy a du mal à me dire si sa dyslexie lui a été diagnostiquée en CE2 ou en CM2. Elle

m’explique qu’elle est allée chez l’orthophoniste, cette démarche a été encouragée par sa

maîtresse et on lui a fait passer des tests. Elle se rappelle que chez la première orthophoniste

ce n’était pas bien parce qu’elle ne la faisait pas lire, alors que la seconde si.

Tout comme Sébastien elle a rencontré le docteur Cheminal qui lui a fait passer certains tests,

dont elle a du mal à me parler, elle ne s’en rappelle pas vraiment. Sandy me dit qu’elle a

cherché dans le dictionnaire pour comprendre ce qu’était la dyslexie, je lui demande de

m’expliquer ce qu’elle en a compris et elle me répond : « j’ai un stock dans la tête et tout est

mélangé ».

A la question « est-ce que le fait de savoir que tu étais dyslexique a changé quelque chose

pour toi, elle me dit : « je me demandais comment j’allais faire plus tard…dans mon

métier…si je pouvais faire des études ? ».

A la question « est-ce que ça a changé quelque chose pour tes parents ? », sa réponse est : « ça

allait mieux après parce que je savais ce que j’avais ».

Sandy m’apprend que son petit frère a eu quelques problèmes lui aussi avec l’apprentissage

de la lecture, « il lisait à l’envers », mais il a été tout de suite pris en charge et « maintenant ça

va ». Apparemment ses parents n’ont pas eu de difficultés similaires, elle me dit que sa mère

était forte à l’école, qu’elle trouve toutes les réponses à « qui veut gagner des millions » et

que son père était « moyen ».

Sandy connaît d’autres élèves dyslexiques, puisqu’il y en avait quatre autres dans sa classe

l’année passée. Elle n’en a pas parlé avec eux, selon elle « ils s’en foutaient ». Elle sait aussi

qu’il y a une fille en troisième, mais elle me dit qu’elle ne sait pas si elle l’est vraiment. Je lui

demande de me parler des difficultés que ces quatre autres élèves avaient, elle répond « des

difficultés partout…ils ne voulaient rien faire. Les autres…un essayait de se battre, des fois il

y arrivait ».

La rééducation

Depuis l’âge de dix ans, Sandy est suivie par l’orthophoniste à raison d’une fois par semaine.

Une amie de sa mère est aussi venue l’aider. Sandy pense que ces séances chez

l’orthophoniste lui ont permis de faire des progrès, « surtout depuis qu’on est ici ». Suite à

une question concernant ses résultats scolaires, Sandy me dit que « ça va…sauf en anglais et

en maths, bof ».

78

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Aux questions concernant ce que nous pourrions faire pour aider les élèves dyslexiques, ainsi

qu’à celles concernant un éventuel conseil à donner aux professeurs, elle me répond qu’elle ne

sait pas.

A la question : « comment tu expliquerais les difficultés que te pose ta dyslexie ? », elle me

dit : « il y a des problèmes dans les matières…des trous de mémoire… les syllabes, les lettres

qui vont pas…certains ne savent pas faire la différence entre les lettres, confondent les

mots ».

Sandy ne se rappelle pas avoir été aidée par certains enseignants.

A la question sur les différences qu’elle perçoit entre elle et les autres élèves non dyslexiques,

elle dit : « je suis dégoûtée quand ils ont des bonnes notes et pas moi, quand le prof de

français demande quelque chose ils ont les idées plus vite que moi ». Je lui demande si elle

aussi il lui arrive d’avoir des bonnes notes, ce à quoi elle répond avec une certaine fierté (un

large sourire) qu’elle a eu une bonne note en anglais à un devoir maison.

Sandy me dit ne pas avoir de problème à se repérer dans l’espace, ni dans le temps. Elle ne se

trompe pas entre la gauche et la droite, est bien organisée.

A la question « te dis-tu parfois qu’il faudrait que le monde fonctionne autrement pour que ce

soit plus simple pour toi ? », elle répond : « l’organisation…les examens, il faudrait que ce

soit plus facile ».

La santé

Sandy est habillée de façon classique, elle est en jogging, parce qu’elle a eu un cours de sport.

Durant l’entretien elle est assez souriante et semble prendre un certain plaisir dans cet

échange.

Je note certaines difficultés dans l’expression. La plupart du temps Sandy ne construit pas de

phrases et comme Sébastien elle répond par un mot ou deux, je suis souvent obligée de

compléter mes questions par d’autres pour développer un peu ses réponses ou pour mieux

comprendre ce qu’elle me dit.

Concernant d’éventuels problèmes de santé elle évoque deux de fractures, qu’elle s’est faite

en faisant du sport, une période dans son enfance (six ans) durant laquelle elle a eu des

plaques rouges partout, ainsi que de nombreux vomissements et douleurs dans le ventre au

cours de sa première sixième.

Elle aime le sport, avant son déménagement elle allait à la patinoire, elle a fait du théâtre et de

la gym quand elle était petite. Elle pense faire du basket l’année prochaine. Ses deux frères

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font du foot, sa sœur de la danse classique, sa mère est inscrite dans une salle de sport et son

père fait du judo.

Les rapports sociaux

Sandy m’explique que c’est sa mère qui l’aide pour le français et son père pour les

mathématiques et l’histoire- géographie.

Elle ne parle pas trop avec les professeurs, mais elle ne s’est jamais disputée avec eux. Elle

s’entend bien avec les autres élèves, elle dit qu’elle est dans une bonne classe « on s’entend

bien », qu’elle a beaucoup d’amies, quelques garçons et deux ou trois amies d’enfance.

Concernant ses loisirs elle me dit : « je sors avec mes parents le week-end…dans les

magasins… l’ordinateur, je regarde la télé…je dessine…j’écris des poèmes ». Quand elle est

en vacances elle part souvent, sinon elle voit ses copines, va à la patinoire, à la piscine, au

cinéma.

Sandy est déjà partie sans ses parents en voyage scolaire une semaine en sixième, cette

expérience s’est bien passé, mais ses parents lui ont manqué. Elle est aussi partie au ski avec

le collège, elle me confie qu’elle a dû appeler ses parents tous les jours. Elle a déjà l’habitude

que son père appelle tous les jours chez elle.

Sandy avait un objet auquel elle tenait, mais avant, « maintenant non », me dit-elle. Par contre

elle a eu un trèfle à quatre feuilles pour lui porter bonheur, mais elle l’a perdu. Elle a un

chinchilla.

Son endroit à elle est sa chambre, dans laquelle elle passe du temps seule. A la question « est-

ce que tu te décrirais plutôt comme une personne solitaire ou comme une personne qui aime

être entourée ?», elle me répond « plutôt qui aime être entourée ».

Le projet

Plus tard elle se voit esthéticienne. Elle se rappelle qu’avant elle voulait être styliste ou

dessinatrice de bandes dessinées, vers le CM2. Je lui demande pourquoi elle a changé d’avis

et elle me dit : « trop dur pour moi, obligée de changer de métier ». Je lui demande si elle

pense bien connaître le métier d’esthéticienne et elle m’apprend qu’elle a fait son stage en

institut et que ça lui a plu. Toujours suite à une question de ma part elle me dit que ce qui lui

plait c’est le « contact avec les gens … faire la beauté des gens ». Je lui demande si tout lui

plait dans ce métier et elle me répond que oui.

Son choix d’orientation est celui de la 3e d’insertion (3eI), puis du CFA pour faire un CAP

d’esthétique. Elle me dit qu’elle a fait son choix toute seule.

80

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Je lui demande comment elle vit cette orientation en 3eI, elle répond : « je suis contente…

c’est moi qui ai choisi car trop dur la troisième normale ».

Concernant ses atouts et ses défauts Sandy ne réussit pas à en trouver. Je n’insiste pas et lui

demande quels sont les choix d’orientation de ses amies, l’une de ses copines veut être

architecte et l’autre vétérinaire.

A la question « est-ce qu’il y a une chose à laquelle tu as dû renoncer dans ton orientation ? »,

elle répond « styliste » avec un air de regret.

Sandy pense s’identifier à personne, n’a pas de modèle précis.

Enfin elle sait que son grand frère veut être mécanicien, mais ne sait pas ce que veulent faire

son petit frère et sa sœur.

Divers

A la question « selon toi est-ce que le fait de ne pas accéder à la lecture et à l’écriture comme

les autres engendre certaines difficultés ? », elle répond : « quand je lis des fois je ne

comprends pas ».

Concernant la liste de mots, elle me répond que pour le mot « exprimer » elle voit le mot,

mais pour les autres elle voit les images. Pour apprendre l’orthographe d’une liste de mots,

elle m’explique qu’elle l’apprend, que sa mère lui en donne au hasard qu’elle écrit, puis elles

corrigent et elle les recopie, l’expérience est renouvelée plusieurs fois.

Elle pense que certains mots ont plus de sens que d’autres.

Elle me dit que « oui » elle a du mal à s’exprimer et qu’elle oublie des mots. Elle m’explique

que ça agace sa mère et que lorsqu’elle s’exprime mal elle lui fait répéter.

L’exercice consistant à me livrer un sentiment, une émotion qu’elle ressent à ce moment de

l’entretien la met en difficulté, elle réfléchit longtemps, elle me dit « j’sais pas », j’insiste un

peu puis elle finit par me dire : « parler à ma meilleure amie ». Concernant une crainte elle me

dit : « peur qu’il m’arrive quelque chose », pour les désirs elle dit qu’elle ne sait pas trop, puis

répond : « plus avoir de difficultés ». Par contre elle ne me donne pas de souvenir.

Sandy associe au mot dyslexie, les mots : problème, apprendre, lire, écouter, comprendre et

exprimer.

Fin de l’entretien

Sandy ne souhaite rien ajouter et n’a pas de questions à me poser, elle est d’accord pour me

revoir et faire les exercices d’imagination que je lui proposerai.

81

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Annexe 4 : Protocoles de Rorschach

Protocole d’Amélie (le 17-5-2005)

I « Ouah ! »

10’’

1.▲ « Un papillon. Je sais pas, il

a l’air seul, il est sombre ».

« Voilà ».

50’’

« C’est un paysage en

Auvergne dans un champ ».

Q. « C’est un papillon que

j’ai vu là-bas ». Q. « Ses

ailes, son corps ».

Eq.

Choc

G

F+

→ C’

A Ban

II - 10’’

2.▲ « Deux amis ensemble, ils

ont l’air joyeux, ils s’amusent

bien ensemble ».

« Voilà, je vois pas grand-

chose ».

45’’

« Je me suis vue au parc avec

une amie. J’étais au parc et on

s’amusait à se pousser ».

G

K

H

III Fronce les sourcils

10’’

« Je vois rien du tout ».

10’’

« Je vois rien ». 30’’

« Celle-là, toujours rien, je

vois vraiment rien là-

dessus ».

Choc

Refus

IV - 10’’

3.▲ « Un grand bonhomme, seul

aussi, euh… avec un handicap ».

40’’

« J’ai vu le personnage dans

la rue, il était seul ». Q. « Les

pieds, les bras, la tête ».

G

F+

H

V - 2’’

4. « Une paire de chaussure,

euh… je sais pas, du futur, on

dirait. »

« Voilà c’est tout ».

30’’

« Les chaussures, oui. » Q.

« Aux talons aiguilles de ma

mère. »

G

F+

Vêt

82

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VI - 3’’

5. « Un avion de chasse, il doit

être en mission ». Fronce les

sourcils.

« Voilà c’est tout ».

40’’

« Disons que j’en vois

beaucoup en Auvergne des

avions de chasse. Ces formes,

c’est presque une réplique de

certains avions ».

G

F+

→kob

Obj

VII - 3’’

6. « Deux statues d’ange ».

« Je vois pas grand-chose ».

30’’

« Ouais, euh… j’ai pensé à

des anges vu comme ils sont

placés, il y a beaucoup

d’anges qui, qui…je trouve

pas mes mots… qui sont sur

un pied ».

G

F+

Arch

VIII Regarde de partout.

10’’

7. « Un tigre qui a trouvé une

proie ».

« C’est tout ».

30’’

Attend un peu avant de

répondre.

Rose latéral « J’ai dit que

c’était un tigre, il est sur des

rochers, il a trouvé une

proie ».

D

F+

→kan

A

IX Fronce les sourcils.

5’’

8. « Un SDF, en train de pousser

un chariot, il est seul ».

« Voilà c’est tout ».

30’’

Vert latéral « Ouais, pour

moi le clochard, seul avec son

chariot, il est seul et puis…

non je sais pas ».

D

K

H

X Ouvre grand les yeux.

10’’

« Une grosse tache ».

« Voilà c’est tout ».

20’’

« Plein de grosses taches ».

« Voilà c’est tout ».

Refus

83

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Choix :

- I : « C’est le papillon que j’ai bien aimé, la campagne, le calme, de se retrouver seule de

temps en temps ».

- VIII : « Le tigre avec sa proie, c’est la nature, les grands mangent les petits ».

Rejet :

- IX : « Le clochard (tape du doigt dessus), ça me fait de la peine et puis voilà ».

- X : « Ces grosses taches, elle n’a pas une belle tête, j’aime pas ».

Psychogramme R : 8

Refus : 2 (III, X)

Temps total : 4’55

Temps par réponse : 37’’

Temps de latence moyen : 6’’30

G : 6 (75 %) F : 6 (6 +) A : 2 F % : 75 % (élargi:100 %)

D : 2 (25 %) K : 2 H : 3 F + % 100 % (élargi:100 %)

1→ kan Vêt : 1

1 → kob Obj : 1 A %: 25 %

1 → C’ Arch : 1 H %: 38 %

Ban : 1

T. Appr.: G 75 %, D 25 % Eq. Choc: 1 (I)

TRI: 2 K / 0 C Choc: 1 (III)

F. Compl.: 0 k / 0 E

RC % : 25 %

Choix : I, VIII Rejet : IX, X

84

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Protocole de Cynthia (le 23-5-2005)

I « Je ne me dépêche pas ? »

20’’

1.▲ « Un papillon ».

« Je dois dire plusieurs

choses ? »

2. « Un scarabée ».

« Je dois dire que des

animaux ? »

3. « Un masque ».

« C’est tout ». 57’’

« Un papillon, les ailes ».

Partie médiane entière. « Un

scarabée, pour les crochets ».

« Un masque, c’est l’ensemble,

la bouche et les yeux ».

Eq.

G

D

Gbl

Choc

F+

F+

F+

A Ban

A

Masque

II - 4’’

4.▲ « Euh… un chat ».

5. « Un oiseau ».

6. « Un clown ».

« Je dis au hasard, c’est dur ».

7. « Un visage ».

« C’est tout ».

35’’

« C’est l’ensemble, la

moustache, c’est que sa tête ».

« Le bec, les ailes ».

« Peut-être le tour des yeux,

c’est blanc ».

« Les yeux, le nez, la bouche ».

DG

Dbl

Gbl

Gbl

FE-

F+

F-

F-

A

A

H

Hd

III - 4’’

8. « Des personnes ».

9. « Un animal ».

« C’est dur, hein ? je sais pas,

franchement, je sais pas ».

44’’

« Deux personnages, la tête, les

jambes, les bras ».

« Juste le bas, juste la bouche

avec le nez ».

G

D

K

F-

H Ban

A

IV - 20’’

« Alors là ! »

34’’

10. « Peut-être des

chaussures »

« Des talons, et la forme de la

botte de l’Italie ».

Eq.

D

Choc

F+

Vêt

85

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Tient sa tête entre ses mains.

11. « Un arbre ».

« Je vois pas, alors là ! »

1’14

« Le tronc ».

Rép. Add. « Un museau de

chat, les traits sur les côtés ».

G

F+

Bot

V - 3’’

12. « Une chauve souris… une

chauve souris ».

Regarde tout, souffle.

« Je sais pas, c’est dur ».

50’’

« C’est l’ensemble, les grandes

ailes et les deux traits ».

G

F+

A Ban

VI Ouvre les yeux.

7’’

13. « Un animal… un

animal ».

14. « Des feuilles ».

« Je sais pas ».

49’’

NSRP. « Un animal à cause des

moustaches ».

NSRP. « Des feuilles, la

forme ».

DG

D

F-

A

Bot

VII - 8’’

15. « Alors, un masque,

euh… »

16. « Des personnes ».

« Je sais pas ».

50’’

« Un masque : c’est l’ensemble,

le creux des yeux et le blanc de

la bouche ».

« Deux bonhommes, les

visages ».

Gbl

D

F-

F+

Masque

H

VIII -10’’

Regarde de haut en bas.

17. « Plusieurs papillons ».

18. « Des animaux ».

19. « Peut-être des fleurs ».

« C‘est tout ».

50’’

Tiers inférieur. « Les couleurs,

les ailes ».

« Des animaux car 4 pattes ».

Tiers inférieur. « Des fleurs à

cause des couleurs ».

D

D

D

FC

F+

FC

A

A Ban

Bot

86

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IX « Euh… »

20’’

20. « Des animaux… des

animaux ».

21. « Peut-être des feuilles ».

49’’

NSRP. « Peut-être les narines ».

« A cause de la forme et de la

couleur ».

Eq.

DG

D

Choc

F-

CF-

A

Bot

X - 4’’

22. « Un masque ».

23. « Une moustache ».

(Sourit)

24. « Des araignées ».

25. « Des animaux ».

« C’est tout ».

34’’

« Les yeux, le nez et la

bouche ».

Vert central. « La forme ».

Bleu lat. « À cause pattes ».

Gris supérieur. « La bouche et

les petits pics ».

DblD

D

D

D

F-

F+

F+

F+

Masque

Hd

A Ban

A Ban

Choix

- X : « Celle-là, car il y a beaucoup de couleurs et de formes ».

- I : « Et celle-là, parce que ça fait bien un masque et un chat ».

Rejet

- IV : « Parce que c’était dur à trouver, j’aime pas. »

- VI : « Pareil ».

Psychogramme

R : 25

Refus : 0

Temps total : 8’12

Temps par réponse : 20’’

Temps de latence moyen : 10’’

87

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G: 4 (44 %) F: 20 (12+, 1±, 7-) A: 12 F %: 80 % (élargi 96 %)

Gbl: 4 Ad: 0 F + %: 63 % (élargi 65 %)

DG: 3

D: 12 (52 %) K: 1 H: 3 A %: 48 %

DblD: 1 Hd: 2 H %: 20 %

Dbl: 1 (4 %) FC: 2

CF: 1 Vêt: 1 Ban: 6

Masq: 3

FE: 1 Bot: 4

T. App.: G 44 %, D 52 %, Dbl 4 % Eq. Choc : 3 (I, IV, IX)

TRI : 1 K / 2 C Persévérance : 2 (Masque)

F. compl.: 0 k / 0.5 E

RC %: 36 %

Choix : X, I Rejet : IV, VI

88

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Protocole de Sébastien (le 17-5-2005)

I – 30’’

1.▼►▲ « Deux personnages

sur les côtés ».

Forme

Choc

D

F+

H

II – 1’

▼►▲ Intervention

2. « Dans le blanc un parapluie

qu’on met sur les glaces ».

Forme

Choc

Dbl

F-

Obj

III - 1’

3.▲ « Dans le rouge un nœud

papillon »

Intervention

Rouge et forme

Choc

D

F+

Obj Ban

IV - 1’30

▼►▲ « Rien »

Refus

V – 1’’

4.▲ « Une chauve souris »

(soulagement)

Forme

G

F+

A Ban

VI – 20’’

5. ▼►▲ « Une guitare »

Retire les côtés estompés

C’est le manche qui lui fait

penser à la guitare.

D

F+

Obj

VII – 1’

▼►▲ « Rien »

Rép. add. : Eléments du

milieu « On dirait deux

masques »

Refus

VIII – 2’’

6. ▲ « Deux caméléons »

Rose latéral. Forme et

couleur

D

F+

A

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IX – 4’’

7. ▼ « Un volcan en

éruption »

Orange : montagne, vert :

coulées de lave, rose : les gaz

(ne trouve pas le mot)

Forme et couleur

G

Kob

→C

Eruption

X - 32’’

« Rien »

Refus

Psychogramme

R : 7

Refus : 3 (IV, VII, X)

Temps de latence moyen : 25’’

G : 2 (29 %) F : 6 (5 +, 1 -) A : 2 F % : 86 % (élargi:86 %)

D: 4 (57 %) Kob 1 H: 1 F+ %: 83 % (élargi:83 %)

Dbl: 1 (14 %) 1→ C Erupt: 1

Obj: 3 A %: 29 %

H %: 14 %

Ban: 2

T. Appr.: G 29 %, D 57 %, Dbl 14 %

TRI: 0 K / 0 C Chocs: 3 (I, II, III)

F. Compl. : 1 k / 0 E Retournements : nombreux

RC % : 29 %

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Protocole de Sandy (17-5-2005)

I – 16’’

▲ « Une grosse tache qui

représente quelque chose. »

1. « Un masque…de monstre,

un truc comme ça, deux yeux,

une bouche, des oreilles et

voilà. »

« Un visage méchant, les

yeux, la bouche, les

oreilles »

Gbl

FClob

Masque

II – 13’’

▲ « Une tache un peu triste. Le

rouge ça fait triste pour moi. »

2. « On dirait un visage qui

pleure du sang. »

« Un visage triste, y avait du

rouge et du noir. Les yeux

parce qu’ils sont rouges, ils

pleurent du sang ».

Rem.

C

D/G

CF-

→kp

Hd/Sg

III – 10’’

3. « On dirait un taureau. Le

nez…il ressemble…. Il est en

colère on dirait. Voilà ».

« Les oreilles, les petits yeux

et le nez ».

Eq.

D/G

Choc

F-

A

IV – 7’’

4. « Un petit animal écrasé, tout

plat, comme un petit lapin qui

est tout sec ».

« La petite tête, les pattes,

les pattes arrière ».

« Un lapin mort ».

G

FE

A

V – 19’’

5. « On dirait un oiseau

déjà…..méchant, le noir c’est

pas très gai, c’est plutôt

méchant le noir ».

« Les ailes, les petites pattes,

la petite tête ».

G

Rem.

C

FClob

A Ban

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VI - 14’’

6. « On dirait un livre et une

tache au milieu du livre. Quand

on ouvre le livre, y a plein de

noir qui sort ».

« Un livre, une grosse tache.

C’est pareil des deux côtés.

On dirait qu’on a replié

quelque chose ». Rem. Sym.

Gbl

C’F-

Obj

VII – 7’’

7. « Ca ressemble à du papier

qui est brûlé et qui est taché et

voilà ».

« Du papier brûlé. On voit le

centre, là. C’est brûlé parce

qu’il y a beaucoup de noir là

tout au tour ».

G

FC’

Frgt

VIII – 14’’

8. « On dirait deux petits

animaux, car pattes, ils

marchent sur des couleurs…. et

…..ils ont l’air heureux ».

« Deux animaux, petites

têtes, petites queues, petites

pattes. Il y a un centre, ça été

replié et déplié » Rem. Sym.

D

F+

→kan

A Ban

IX - 11’’

9. « Beaucoup de couleurs. On

dirait aussi qu’on ouvre un

livre ».

« On dirait qu’on a replié la

feuille et redéplié, y a les

mêmes tâches des deux côtés ».

« Encore un livre, le centre,

les taches pareilles ».

« Y a de la joie, quand y a du

jaune toujours ».

Cn

Gbl

Rem.

Sym.

F-

Obj

X – 3’’

10. « Y a des couleurs. Ca

ressemble…, on voit deux yeux.

Y a de la joie, un peu de triste et

voilà ».

« De la joie et du triste ».

Taches jaunes : 2

Q. « La joie = jaune, bleu et

vert, la tristesse = le noir et

les taches rouges ».

Cn

D

F+

(Hd)

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Psychogramme

R : 10

Refus : 0

Temps de latence moyen : 11’’

G : 3 (80 %) F 4 (2 +, 2 -) A : 4 F % : 40 % (élargi:80 %)

Gbl : 3 1→Kp Hd/Sg 1 F+ % : 50 % (élargi:75 %)

D/G: 2 1 → Kan (Hd): 1

D: 2 (20 %) Cn 2 Frgt: 1 A %: 40 %

CF - 1 Obj: 2 H % : 10 %

FC’ 1 Masque : 1

C’F- 1 Ban: 2

FE 1

Fclob 2

T. Appr.: G 80 %, D 20 % Eq. Choc: 1 (III)

TRI : 0 K / 2,5 C Persév. : 1 (VI, IX)

F. Compl. : 0 k / 0,5 E Rem. Sym. : 1 (IX), 2 à l’enquête (VI, VIII)

RC % : 30 % Rem. C. : 2 (II, V)

93

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Résumé :

Dans ce travail de recherche, compte-tenu de l’existence de nombreux troubles

associés à la dyslexie, notre intérêt s’est porté sur la façon dont la personne dyslexique se

construit dans son rapport à l’environnement et quel type de relation elle entretient avec lui.

Nous nous sommes demandées si la dyslexie, qui est un trouble de l’apprentissage du

langage écrit convoquant la perception visuelle et auditive, n’était pas de ce fait un trouble

perceptif plus large.

Au travers des écrits de R. Mucchielli et A. Bourcier nous avons compris que les

personnes dyslexiques avaient des difficultés à prendre une distance nécessaire par rapport

aux choses perçues afin de construire des relations entre elles. Nous avons ainsi cherché à

savoir si la spécificité de la relation du sujet dyslexique à la lecture indiquait une spécificité

de l’organisation du moi par rapport à l’environnement et notamment dans la construction des

relations objectales.

Afin de vérifier nos hypothèses nous avons utilisé le matériel projectif de Rorschach

ainsi que l’entretien pour explorer la perception, la dimension relationnelle et l’organisation

du moi de quatre personnes dyslexiques.

Au terme de cette recherche et avec l’aide de plusieurs théories, nous avons compris

que ces personnes, en raison d’une fragilité de leurs propres limites couraient un risque à

entrer dans la relation.

Mots-clefs :

Dyslexie – Perception – Relation – Limites - Mécanismes de défense.