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« La femme est l’avenir de l’homme » disait Aragon. Mais en aura-t-elle le choix ? 2013 n’aura pas été de tout repos pour les femmes. Alors que certaines se battent pour garder leurs droits, d’autres se pavanent à moitié nues dans des clips vidéo. Entre les partisantes d’un retour en arrière et celles qui ne voient leur succès que dans l’hypersexualisation, le monde féminin semble se désagréger doucement, mais sûrement. Fort heureusement, tout n‘est peut-être pas perdu ! La femme s’impose désormais à la tête d’entreprises cotées en bourse et (même) en politique. Deux poids, deux mesures qui placent 2014 sous le signe des mises au point. Par Camille Baud, Vianne De Jalras, Morgane Ruiz et Janik Semedo Sois femme et tais toi d emain, les femmes devront-elles faire face à des sociétés moins permissives ? Voici une question qui nous ramène bien des années en arrière, mais qu’il faut désormais se poser. À la surprise générale, y compris celle des Espagnols, le gouvernement de Mariano Rajoy tente depuis le 20 décembre de supprimer le texte de loi autorisant l’IVG jusqu’à 14 semaines de grossesse. Si ce projet passe, l’Espagne sera l’un des pays européens le plus sévère en la matière. Une initiative qui laisse sans voix, politiques et associations féministes euro- péennes qui se disent « choquées que l’on puisse priver la femme d’un tel droit ». Désormais, en accord avec le texte, une femme enceinte pourra avorter en invo- quant « un dommage psycholo- gique ou un viol». Se met alors en place un parcours du com- battant. Plusieurs rendez-vous obligatoires avec deux médecins, un psychologue et une assistante sociale, ce qui au total, prend plus d’un mois si ce n’est plus, avant d’avoir le feu vert. Une nébuleuse administrative qui rappelle l’obs- curantisme franquiste et signe un terrible retour en arrière de plus de 30 ans. La malformation du fœtus n’est même plus un cas Déchue, porn ou patronne, quel visage aura la femme de 2014 ? Le 14 avril dernier plus de 200 lycéennes nigériannes ont été enlevées par le groupe islamistes Boko Haram. Depuis le mouvement #bringbackourgirls est mondial. pouvant justifier l’avortement, ce que la loi post-franquiste de 1985 autorisait. Pourtant cet exemple de « retour en arrière » n’est pas un cas isolé. En Espagne, cette loi anti-avortement, illustre la crise identitaire du Parti populaire de Mariano Rajoy. Mais dans d’autres pays, le recul des droits des femmes dans la société n’est pas dû qu’aux décisions politiques et mascu- lines. En Turquie par exemple, cela relève de la volonté d’une minorité féminine. En octobre dernier, quatre femmes députés de l’AKP, parti conservateur musulman de l’actuel premier ministre Tayep Recip Erdogan, se sont présentées voilées à l’assemblée nationale. En 1999, une députée avait été expulsée de l’hémicycle pour la même raison. Le pays fait face à un recul inattendu. Il y a 91 ans, Atatürk, fondait la République de Turquie et imposait un pays laïc où tout signe religieux ostentatoire était interdit dans la sphère publique. Un fait surprenant pour beau- coup d’Européens qui ont longtemps assimilé la Turquie à un pays très conservateur. Pourtant, les femmes turques, ont le droit de vote depuis 1930. Les Françaises, elles, n’ont ce droit que depuis 1944, soit 14 ans plus tard. « L’islamisme et l’islam le plus dur pro- gressent depuis vingt ans, presque partout dans le monde et notamment en Turquie », précise Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l’Express. « Fort heureuse- ment, il ne s’agit pas là d’un phénomène irréversible mais il faudra plus d’une généra- tion pour que cela s’inverse à nouveau ». La France n’est pas première de la classe quant au droit des femmes. Aujourd’hui, notre pays ne semble pas vou- loir donner le bon exemple. En mars dernier, le Sénat a adopté le projet de loi de Manuel Valls réformant les scrutins locaux. Le texte est cependant amputé de sa prin- cipale disposition, la création d’un binôme homme-femme pour les élections cantonales. Il ne reste plus qu’à espérer que le nouveau gouverne- ment pense à appuyer le pro- jet et ainsi amener la France vers un sans-faute question égalité Homme/Femme. « A long terme, la femme de demain devrait avoir des droits plus complets et surtout plus solides ! », ajoute Chris- tophe Barbier. Une vision utopique ? Un slogan lors d’une manifestation pro-IVG à Paris Miley Cyrus lors d’un concert à Vancouver Hillary Clinton le 23 octobre 2012 à Austin, Texas Crédit Photo : Sami Soussi Cc By-Nc 2.0, Stephen Brashear Pour Associated Press Et Epa/Shawn Thew AP/Sunday Alamba 4 Le Trendsetter Le Trendsetter 5 SOCIÈTÉ femmes SOCIÈTÉ femmes

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« La femme est l’avenir de l’homme » disait Aragon.

Mais en aura-t-elle le choix ? 2013 n’aura pas été de tout

repos pour les femmes. Alors que certaines se battent pour garder leurs droits, d’autres

se pavanent à moitié nues dans des clips vidéo. Entre les partisantes d’un retour

en arrière et celles qui ne voient leur succès que dans

l’hypersexualisation, le monde féminin semble se désagréger

doucement, mais sûrement. Fort heureusement, tout n‘est

peut-être pas perdu ! La femme s’impose désormais à la tête d’entreprises cotées en

bourse et (même) en politique. Deux poids, deux mesures qui placent 2014 sous le signe des

mises au point.Par Camille Baud, Vianne De Jalras,

Morgane Ruiz et Janik Semedo

Sois femme et tais toidemain, les femmes devront-elles faire face à des sociétés moins permissives ? Voici une question qui nous ramène bien des années en

arrière, mais qu’il faut désormais se poser. À la surprise générale, y compris celle des Espagnols, le gouvernement de Mariano Rajoy tente depuis le 20 décembre de supprimer le texte de loi autorisant l’IVG jusqu’à 14 semaines de grossesse. Si ce projet passe, l’Espagne sera l’un des pays européens le plus sévère en la matière. Une initiative qui laisse sans voix, politiques et associations féministes euro-péennes qui se disent « choquées que l’on puisse priver la femme d’un tel droit ». Désormais, en accord avec le texte, une femme enceinte pourra avorter en invo-quant « un dommage psycholo-gique ou un viol». Se met alors en place un parcours du com-battant. Plusieurs rendez-vous obligatoires avec deux médecins, un psychologue et une assistante sociale, ce qui au total, prend plus d’un mois si ce n’est plus, avant d’avoir le feu vert. Une nébuleuse administrative qui rappelle l’obs-curantisme franquiste et signe un terrible retour en arrière de plus de 30 ans. La malformation du fœtus n’est même plus un cas

Déchue, porn ou patronne,quel visage aura la femme de 2014 ? Le 14 avril dernier plus de 200 lycéennes

nigériannes ont été enlevées par le groupe islamistes Boko Haram. Depuis le mouvement #bringbackourgirls est mondial.

pouvant justifi er l’avortement, ce que la loi post-franquiste de 1985 autorisait.Pourtant cet exemple de « retour en arrière » n’est pas un cas isolé. En Espagne, cette loi anti-avortement, illustre la crise identitaire du Parti populaire de Mariano Rajoy. Mais dans d’autres pays, le recul des droits des femmes dans la société n’est pas dû qu’aux décisions politiques et mascu-lines. En Turquie par exemple, cela relève de la volonté d’une minorité féminine. En octobre dernier, quatre femmes députés de l’AKP, parti conservateur musulman de l’actuel premier ministre Tayep Recip Erdogan, se sont présentées voilées à l’assemblée nationale. En 1999, une députée avait été expulsée de l’hémicycle pour la même raison. Le pays fait face à un recul inattendu. Il y a 91 ans, Atatürk, fondait la République de Turquie et imposait un pays laïc où tout signe religieux ostentatoire était interdit dans la sphère publique. Un fait surprenant pour beau-coup d’Européens qui ont longtemps assimilé la Turquie à un pays très conservateur. Pourtant, les femmes turques, ont le droit de vote depuis 1930. Les Françaises, elles, n’ont ce droit que depuis 1944, soit 14 ans plus tard. « L’islamisme et l’islam le plus dur pro-gressent depuis vingt ans, presque partout dans le monde et notamment en Turquie », précise Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l’Express. « Fort heureuse-

ment, il ne s’agit pas là d’un phénomène irréversible mais il faudra plus d’une généra-tion pour que cela s’inverse à nouveau ». La France n’est pas première de la classe quant au droit des femmes. Aujourd’hui, notre pays ne semble pas vou-loir donner le bon exemple. En mars dernier, le Sénat a adopté le projet de loi de Manuel Valls réformant les scrutins locaux. Le texte est cependant amputé de sa prin-cipale disposition, la création d’un binôme homme-femme pour les élections cantonales. Il ne reste plus qu’à espérer que le nouveau gouverne-ment pense à appuyer le pro-jet et ainsi amener la France vers un sans-faute question égalité Homme/Femme. « A long terme, la femme de demain devrait avoir des droits plus complets et surtout plus solides ! », ajoute Chris-tophe Barbier. Une vision utopique ?

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SOCIÈTÉ femmes SOCIÈTÉ femmes

En attendant, deux modèles s’aff rontent : celui des retours en arrière et celui de l’hyper-sexualisation. Importé des Etats-Unis, ce phénomène côtoie les jeunes générations et inquiète femmes et hommes. Néo-féminisme hérité de la diva de la pop Madonna ou commercialisation de l’image de la femme soumise à l’industrie musicale ?

La femme libérée est-elle une salope ?miley Cyrus, Rihanna ou encore

Lady Gaga utilisent l’hyper-sexualisation comme arme commerciale. Tenues sexy et poses lascives, elles sont devenues les maîtresses de la pro-vocation. Derrière leurs images sulfureuses, quel message veulent-elles envoyer? Sont-elles des femmes objets, vic-times de l’industrie musicale et de la sur-médiatisation ou maîtrisent-elles leur image ? Selon Jean Blairon, il s’agi-rait «d’un désir d’émancipation et d’affi rmation». Porter des culottes en latex ou des porte-jarretelles est un moyen de clamer haut et fort que l’on est maître de son corps. Ce phé-nomène s›inscrit « dans la lignée du complexe sexe-culture-pub », affi rme l’écrivain. L’image de ces stars de la provoc’ est devenue tellement indissociable de leur musique et de leurs ventes d’albums qu’il est diffi cile de croire qu’elles

envie d’émancipation. Nous vivons « dans une société où nous sommes forcés, à quelque niveau que ce soit, à quelque échelon que ce soit, de se prostituer d’une manière ou d’une autre » déclare Jean Blairon. Une maladroite tentative de s’affi rmer en tant que femme.

Who run the world ? Girls !i l n’y a aucun doute : le monde de demain sera plus complexe que jamais pour les femmes. Leur destin semble, par de nombreux aspects incertains. Pourtant à travers le monde,

des individus se lèvent. Dans tous les domaines, ils se dressent pour montrer aux sceptiques, aux oubliées et aux découragées que l’évolution est possible.Le 12 juillet dernier, Malala Yousoufzai, 16 ans, pre-nait la parole à la tribune de l’ONU. La plus jeune nominée pour un prix de Nobel de la paix a reçu une standing ovation de plu-sieurs minutes. Et pour cause : Malala est une res-capée des talibans pakista-nais. Dans son pays, depuis l’âge de 13 ans, elle élève la voix et ouvre la voie. Son combat est pourtant simple. Que les fi lles, au même titre que les gar-çons, puissent avoir accès à l’éducation. « Les extré-mistes ont peur des livres et des stylos », expliquait-elle, « le pouvoir de l’édu-cation les eff raie. » Elle, n’a pas peur. Malgré une ten-tative d’assassinat à la sortie de son école, l’enjeu est trop grand. « Le développement ne peut passer que par les femmes », assure Michèle Vianès, présidente de l’ONG Regards de Femmes qui luttent pour promou-voir la parité politique et professionnelle en France et dans le Monde. Malala sait qu’elle n’est pas seule. Depuis plusieurs années, des femmes se démarquent dans des domaines qui leur étaient jusque-là inaccessibles. Dans le milieu des aff aires, par exemple, où Mary Barra a été nommée, en janvier dernier, à la tête du plus grand constructeur automobile des Etats-Unis, General Motors. Car il en faut désormais plus pour arrêter les femmes. « L’évo-lution est lente et diffi cile », commente Julia Mouzon, prési-dente de Femmes et Pouvoir, « mais nous pouvons inspirer les femmes dans leur carrière. Afi n qu’elles puissent faire un

souhaitent uniquement incarner la femme libre et forte.Ces artistes du trash ne sont que des produits dans un monde de commercialisation. Leur but est de se « démar-quer des autres, d’où cette surenchère de transgression » sou-ligne Jean Blairon. Pour pouvoir survivre dans cet univers où la concurrence fait rage, ces femmes se livrent à la «pros-titution occasionnelle», de la vient le phénomène de la Pop-Porn. Qui sera la plus «hot», la plus aguicheuse? Tout tourne autour de cette question. En attendant certains chanteurs surfent sur la vague et n’hésitent pas à s’adresser aux femmes en des termes plus que douteux. Robin Th incke dans Blur-red line chante « tu es un animal, bébé c’est dans ta nature, laisse-moi te libérer ». Ou encore Juicy J et Justin Bieber, qui répètent dans leur musique Lolly « elle aime ma sucette, elle veut embrasser le bout ». Une chanson qui masque à peine le vrai sens du morceau : la fellation.Sexualité, nudité et démesure : Miley Cyrus, Rihanna et bien d’autres encore sont des objets de désirs. Les jeunes fi lles les admirent et voient en elles une certaine désobéissance, qui les attire. Un comportement qui à la fois dégrade l’image de la femme, mais en même temps, peut être vu comme une

��� vrai choix, notamment vers l’ambition ». Mais là où tout devient possible, c’est en politique. Angela Merkel, Alenka Bratusek, Dilma Roussef, Michelle Bache-let,… Toutes ces femmes gouvernent des nations. « Des personnalités comme Aminata Touré, première ministre du Sénégal, ont permis des avancés incroyables en terme d’éga-lité », assure Michèle Vianès. Pourtant elle nuance : « il y a de plus ne plus de femmes à des postes à très hautes respon-sabilités, mais elles n’ont pas toujours l’objectif d’améliorer les choses ». À l’opposé, la présidente de Regards de Femmes pré-cise qu’il ne faut pas lutter contre les inégalités par des clichés. « Il y a des hommes très féministes », reprend-t-elle, « comme le président Philippin, Benigno Aquino III, qui s’est beaucoup

exprimé à l’ONU Femme et a vraiment montré son engagement ».Les mots de Barack Obama prononcés lors de son discours sur l’état de l’union le 28 jan-vier 2014, résonnent encore : « Aujourd’hui, les femmes représentent envi-ron la moitié de la main-d’œuvre mais elles gagnent toujours 77 cents quand les hommes gagnent un dol-lar. C’est mal, et en 2014, c’est embarrassant ». La parité homme-femme est devenue une priorité pour de nombreux pays. En France, une application mobile à l’initiative de la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a été lancée il y a quelques semaines. Elle permet aux femmes d’éva-luer leurs compétences et de se coacher pour ne plus avoir peur de se com-parer aux hommes et de vouloir le même salaire. Enfi n, le 3 janvier 2014, par décret du président François Hollande, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a été créé. Fai-

sant de la parité une priorité et un enjeu. Beaucoup d’éléments sont en jeu. Et tous défi niront la femme de demain, ces droits et ses choix. Si certains protagonistes craignent un retour en arrière irréversible pour l’avenir du « deuxième sexe », l’optimisme semble de mise. Alors, déchue, porn ou patronne, quel modèle dominera 2014 ? �

1/ Auteur du livre « Hyper-sexualisation des enfants»

2/ Titre d’une chanson de Beyonce

Le 14 avril dernier plus de 200 lycéennes nigériannes ont été enlevées par le groupe islamistes Boko Haram. Depuis le mouvement #bringbackourgirls est mondial. AP/Sunday Alamba

Le 13 septembre dernier, Nina Davuluri est élue Miss America. Après son couronnement, un fl ot de commentaires racistes a envahi les réseaux sociaux.

No women no drive ? En Arabie Saoudite, les femmes n'ont pas le droit de conduire. En signe de protestation, certaines n'ont pas hésité à enfreindre la loi en se fi lmant au volant.

Beyonce, Jennifer Garner ou encore Condoleezza Rice se sont engagées pour la campagne Ban Bossy. Le but ? Bannir le terme «bossy» qui se traduit par autoritaire. Une expression péjorative utilisée pour défi nir une femme qui a du pouvoir. «Dire à une fi lle qu’elle est “bossy” l'empêche de se voir comme une leader et infl uence la manière dont les autres la traitent.» Bien dit Queen B !

Son acharnement lui a valu le respect de la classe politique.

Que ce soit pour promouvoir le mariage homosexuel ou pour se défendre face aux attaques

racistes, Christiane Taubira aura marqué l’année politique.

Au printemps, Angelina Jolie annonçait avoir subi une double mastectomie. Les raisons ? Une anomalie génétique qui l’exposait à un risque très élevé de cancer. Un choix courageux pour le sex-symbol d'Hollywood !

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6 Le Trendsetter Le Trendsetter 7

SOCIÈTÉ femmes

« Il n’y a pas de mode si elle ne descend pas dans la rue ». Coco Chanel ne croyait pas si bien dire. La mode n’appartient pas seulement aux créateurs, mais surtout à ceux qui la portent. En 2014, les accessoires les plus Instagramés sont les must have et madame (presque) tout le monde dicte les «do» et les «don’t» du savoir s’habiller. La mode serait-elle devenue une démocratie ? Par Mitia Bernetel, Chloë Fage et Manon Garrigues

ashion Week Haute Couture Printemps-été 2014.

Dior et Chanel, les deux garants historiques du chic français,

présentent des sneakers sur leurs podiums. Cet OVNI, quoiqu’étonnant,

a bien suivi les règles de l’art. Brodée de milliers de sequins chez Raf

Simons ou toute de dentelle vêtue pour Karl Lagarfeld, la basket couture est une parfaite réinterprétation de son

homologue urbain. Mais si les infl uences s’entrechoquent, c’est la temporalité qui

étonne. En eff et, les sneakers sont arrivées aux pieds des it girls bien avant d’être

estampillées double C. Le photographe Pier Guido Grassano se souvient : « Les fi lles à

baskets ont commencé à attirer les photographes en marge de la Fashion Week de février 2013 ».

Aussi, un an plus tard, les modèles sportswear ont grimpé jusqu’au panthéon de la mode : la Haute

Couture. Cette surprenante conquête témoigne d’une tendance plus profonde. Les podiums ne sont plus les principaux trend setters.

La révolution est en marche,sneakers aux pieds !Plusieurs phénomènes sont en cause : la mondialisation des tendances avec les communautés sur le web ainsi que la disparition des saisons dans l’industrie du vêtement. Le réchauff ement climatique rentre en jeu, certes, mais les objectifs commerciaux aussi. Car les collections doivent se vendre de Dubaï à Stockholm. Ces facteurs transforment le schéma d’infl uence de la mode traditionnellement vertical. « Avant, les prescripteurs venaient de la Haute Couture et les tendances descendaient des podiums, maintenant c’est plutôt horizontal. Ce sont les blogs, les nouvelles icônes, les marques internationales qui sont vecteurs de tendances » explique Jean-Philippe Evrard, directeur du bureau de tendance Martine Leherpeur. C’est presque comme si les Françaises avaient coupé leurs jupes dans les années 60 avant même que la créatrice Mary Quant n’invente sa version mini. Ces « vrais gens » deviennent leaders d’opinion et acquièrent une aura jusqu’alors propre à Anna Wintour. Le créateur autodidacte Simon Porte Jacquemus est devenu la coqueluche des modeuses à coup de happenings et de défi lés décalés. Il incarne la mode populaire et accessible. Il ne défi le pas sur de vrais podiums et choisit ses mannequins dans la rue. Il n’a pas de formation de couturier non plus. Et pourtant, le Who’s Next,

salon référence des tendances, a repris ses codes pour son édition du printemps. L’industrie de la mode prend (enfi n) en compte la vox populi.Pas de doute, l’e-shop infi ni que représente Internet y est aussi pour quelque chose. Nous prenons enfi n en main la destinée de nos dressings en créant notre propre univers, en hiérarchisant nous même nos inspirations via les réseaux sociaux. Le facteur partage et les communautés Internet nous rapprochent des acteurs de la mode. Et cela nous donne de plus en plus envie de les toucher du doigt. Les magazines l’ont bien compris d’ailleurs. Dans la presse féminine, le nombre de visuels de street

Caroline Brasch à la sortie du défi lé Chloé Automne-Hiver 2014

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styles concurrence fortement les séries mode. « Leur importance s’est accrue et ils refl ètent une diversifi cation des infl uences stylistiques facilitées par les réseaux sociaux sur Internet » constate Frédéric Godart, sociologue de la mode. Les blogueurs ont également contribué à ce rapprochement et leurs admirateurs le leur rendent bien. La star des blogueuses Garance Doré a même été récompensée

8 Le Trendsetter Le Trendsetter 9

MODE infl uences

It Parade

par le prestigieux CFDA Fashion Award. Ces nouvelles stars du web, élues par les votes du public, bouleverseraient l’échiquier fashion. Sauf que l’identifi cation est une mécanique fondamentale de la mode et ne date pas d’hier.

Le phénomène des street styles ouquand la mode vient de la rueLes internautes sont de plus en plus nombreux à s’inspirer des looks de rue. Scott Schuman, photographe et auteur du blog référence Th e Sartorialist, a propulsé les street styles sur le devant de la scène. La Parisienne au coin de sa rue

devient un modèle pour les lectrices du monde entier en mal de style. Et le hipster californien, entre autres, inspire les adeptes du look bobo décontracté. Mais ce n’est pas un phénomène nouveau. « Les street styles datent des années 60 et leur infl uence s’est accrue au fur et à mesure de l’évolution technologique. L’infl uence de ces looks urbains a explosé avec le numérique » explique

le sociologue Frédéric Godart. Les marques exploitent désormais le fi lon du streetwear et créent de plus en plus de collections inspirées des styles urbains. « C’est un phénomène très «post-moderne» d’individualisation massive, rendu possible par la technologie, la production de masse et une plus grande tolérance vestimentaire. La production à bas coût et la croissance des classes moyennes rendent la mode plus accessible » poursuit-il. Le phénomène se professionnalise si bien qu’un nouveau métier pointe le bout de son nez : dénicheur de talents...modesques. Ce capteur de tendances dégaine son appareil photo pour immortaliser un look, une attitude. Des clichés commandés par les marques pour créer des collections populaires et accessibles, adaptées à une clientèle qui fabrique elle-même son style. Le repérage de look est devenu un métier à part entière. Un phénomène illustré par la stratégie d’Asos.com, leader anglais de la vente en ligne, et ses scouts, “toujours prêts” à shooter des styles pointus. Leur mission ? Repérer dans la rue ou à la sortie des défi lés des personnes à l’allure originale et maîtrisée qui deviendront l’inspiration principale des collections vendues sur le e-shop référence. Un job 2.0 qui rentre dans le processus d’ horizontalisation des tendances.

It girls, mannequins, blogueurs :les trend setters nouvelle génération La mode populaire inspire également les marques de luxe qui s’intéressent de plus en plus aux « vrais gens ». Des personnes au style unique qui incarnent les nouveaux prescripteurs de tendances. Aussi, des photographes de mode shootent les looks dans la rue, à la sortie des défi lés ou du métro, et les envoient aux marques. Le trottoir se transforme en podium, les personnes lambda en muses modesques. Pier Guido Grassano, photographe pour les Vogue et Glamour italiens, doit répondre aux besoins des marques. « La demande des magazines est grandissante. En ce moment, ils veulent du cuir, du denim et des imprimés. Des tendances que l’on voit sur les mannequins, les It girls de notre époque ». Les superstars Cara Delevin-gne et Karlie Kloss génèrent des modes de manière presque instantanée. Ming Xi et Caroline Brasch, moins connues mais tout autant stylées, sont égale-ment trend setteuses. Elles sont admirées pour leur

créativité, leur capa-cité à expérimenter la mode. Les blogueuses comme Susie Lau ou Chiara Ferragni ne sont pas en reste. Elles ont

autant de fans que les tops. Les raisons d’une telle popularité ? Des looks soignés et une mise en scène digne d’un shooting de Vogue. Elles peuvent dire merci à leur photographe !En quelques années, la rue est devenue le nouveau terrain de jeu des photographes et des marques dési-reuses de capter l’air du temps, de ressentir les besoins d’une époque de plus en plus créative et connectée.

Le web, meeting point entre marques et modeusesMais comment parler de ces street tendances sans mentionner la superpuissance des réseaux sociaux. Eh oui, pourquoi ce sweat Kenzo nous fait-il de l’œil ? Tout simplement parce qu’il a été bombardé sur la Toile en l’espace de quelques mois dès sa sor-tie. Retweetée, taguée, commentée, cette pièce a été omniprésente sur les réseaux sociaux au point de créer diff érentes communautés fans du produit. Et qui dit communautés dit potentiels acheteurs.

Ce n’est donc pas seulement une histoire de ten-dances inspirées par la rue. Floriane Pelletier, en charge du pôle média du groupe Dagobert, parle d’une véritable « nouvelle stratégie marketing ». Les marques se plient désormais aux nombreuses habi-tudes liées aux réseaux sociaux, elles adaptent leurs contenus pour les rendre plus attractifs auprès des internautes. « Photos et vidéos à l’appui, le produit est exposé de manière plus « quali » » affi rme la spé-cialiste. Rien de tel pour mettre en avant un produit phare ou booster les ventes. C’est dans cette dyna-mique que se développent depuis quelques années déjà diff érentes plateformes comme Pinterest. Le réseau aux 70 millions d’abonnés constitue une véritable banque d’images, classées par catégories (mode, graphisme, beauté…) que l’on collecte selon ses envies. Un mur d’inspirations 2.0 en somme ! Et une aubaine pour les marques en quête d’interac-tions avec leurs clientèles. Les réseaux sociaux de ce type ont bien fl airé le fi lon. Pour générer du profi t, ils monétisent la visibilité des marques. S’ajoutent à cela les sites qui facilitent l’achat en ligne, les shop-pings personnalisés ou encore les newsletters qui ciblent mieux que jamais les consommatrices. Le rapprochement de la mode avec ses clientes n’est défi nitivement pas à sens unique, il profi te aussi grandement aux enseignes.

Le blog : panneau publicitaire idéal ?Les blogueuses, reines de la com´ sur Internet, sont encore et toujours en première ligne. Avec leur audience, elles regroupent à elles seules des milliers d’internautes et donc diff érents groupes d’acheteurs. Punky B, le blog de Betty ou la Revue de Kenza sont autant de mines d’or pour les enseignes en quête d’une clientèle fi dèle. « Le compte Instagram du blog de Betty compte 550 300 followers, soit quasiment le même nombre que celui de Versace, c’est bien une infl uence non négligeable ! » commente Floriane Pel-letier, spécialiste médias. Le Graal pour les grandes maisons ? Imaginer des collaborations avec ces modeuses dont les séries limitées partent en quelques clics. Un comble lorsque l’on sait qu’il y a encore quelques années le milieu de la mode se targuait d’un certain snobisme. Les co-créations témoignent d’une évolution straté-gique du marketing. Les blogueuses sont un maillon clé de cette machine bien rodée qu’elles manient à merveille. Mais pour combien de temps encore les réseaux sociaux et les plateformes continueront à infl uencer la mode et ses ressorts économiques ? Le sociologue Frédé-ric Godart a son idée sur le sujet : « Probablement encore pour quelques années, mais les évolutions tech-nologiques rapides de ces derniers temps laissent pré-sager des changements massifs. Les Google Glass, par exemple, risquent de remanier certaines de ces tech-niques marketing. » Mais une chose est sûre, les marques n’ont jamais été aussi puissantes qu’aujourd’hui. �

Ces pièces mises en avant par les marques sont imaginées pour devenir des must have. Peu chers et au style marquant,

ces it produits s’arrachent dans le monde entier.

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« Les street styles datent des années 60 et leur infl uence s’est accrue au fur et à mesure de l’évolution technologique. »

Karlie Kloss à la sortie du défi lé Balmain Automne-Hiver 2014

Le pull Kenzo Le sweat fait rugir de plaisir

toute une communauté. Avec plus de 33 000 posts sur le hastag #Kenzotiger, il est à présent l’étendard

de la maison et un véritable succès populaire.

La coque Moschino Pour son premier défi lé pour Moschino, Jérémy

Scott imagine une collection Macdonald’s. Pour asseoir

son buzz, il rend disponible immédiatement une coque d’iPhone cornet de frite. La

Fashion Week n’a jamais connu une telle explosion de calories !

La banane Jacquemus

Non content d’être la nouvelle succès story mode, Jacquemus se marketise. Le jeune créateur signe un petit sac tout rond, tout rose en association avec Lancôme,

une it banane en puissance…

La Stan Smith

Adidas soigne ses classiques. La tennis

best seller Stan Smith lancée en 1960 a fait son grand come-back cette année. La marque avait stratégiquement arrêté sa production en 2012 pour créer le manque,

pari réussi !

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10 Le Trendsetter Le Trendsetter 11

MODE infl uences

Les tendances sont pen-sées et prévues deux ans avant leur sortie sur le marché. Ce sont les bureaux de style qui

proposent aux industriels l’étude de diff é-rents univers», explique Olivier Echaude-maison, creative director de Guerlain. De l’automobile à l’électroménager en passant par les cosmétiques, des phénomènes res-sortent. Ils sont analysés par les groupes comme Nelly Rodi ou encore Peclers qui suggèrent des mouvances esthétiques, par-fois insolites. Si certaines se démocratisent et deviennent de véritables phénomènes de société, d’autres au contraire sont fur-tives, voire marginales. De l’utilisation de cellules humaines au hair painting, l’année 2013 a vu émerger des pratiques étonnantes. Décryptage de ces beauty tendances.

LA BIOLOGIE AU SERVICE DE LA COSMÉTOLOGIE

L’univers de la cosmétique ouvre le champ

des possibles. Elle se sert désormais de cel-lules humaines comme matériau de base à l’élaboration de produits et de pratiques esthétiques. Si certaines de ces utilisations sont déjà répandues, d’autres débarquent tout juste sur le marché. Alors que Kim Kardashian a fait émerger la nouvelle lubie du lift ing de vampire, les crèmes à base de spermidine ou de placenta semblent, elles aussi, envahir le paysage cosméto.

BELLE À SANG POUR SANG A l’heure où les séries comme Vam-pire Diaries, Th e Gates ou encore Being Human attirent les mordus de sang, les vampires se tournent vers les pratiques esthétiques en espérant attirer le plus grand nombre d’adeptes. Si l’usage du sang dans la lutte contre le vieillissement cutané n’est pas inconnu du monde médi-

cal, le terme « Vampire Lift » fait, quant à lui, l’objet d’une nouvelle tendance beauté depuis l’été 2013. Adoptée par Kim Kar-dashian ou encore Bar Refaeli, la technique consiste à se réinjecter son propre sang, prélevé au niveau du bras sous forme de plasma riche en plaquettes (PRP), dans le visage. Objectifs visés : le renouvelle-ment des cellules, la stimulation de pro-duction de fi bres collagènes mais aussi la réduction de cicatrices dues à l’acné. Nou-velle lubie ou révolution esthétique ? Le "Vampire Lift " convaincra t-il le grand public? "Ce n’est que de l’autotransfusion", indique Joël Rivière, directeur de la poly-clinique d’Equeurdreville-Hainneville dans la Manche. "Cette pratique est déjà bien répandue mais sa visée anti-âge est novatrice. Elle est intéressante puisque l’aug-mentation de l’hémoglobine, après injection, multiplie les globules rouges et apporte ainsi une bonne oxygénation des tissus. D’où l’ef-fet « coup de jeune ». Toutefois, l’intérêt est très limité puisque les bienfaits ne durent pas au-delà de quelques jours."

Miroir, miroir, comment être la plus belle ? De la peau aux cheveux, l’insolite tire son épingle du jeu. Entre

colorations acidulées, crèmes à base de sperme ou placenta et lifting sanguinolent, la beauté n’en fait qu’à sa tête.

Par Marie Blanchet, Clémence Guillossou, Alix Lerebours et Marine Simon.

SOIS BIO ET TEINS-TOI

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BEAUTÉ insolites

��� DU SPERME DANS NOS CRÈMES

Si certaines tendances insolites attirent les consommatrices, d’autres interpellent. D’après les travaux de 2009 de Tobias Eisen-berg et Frank Madeo, deux chercheurs suisses à l’université de Gaz et plus récem-ment ceux de Jacques Philippe Moulinoux publiés fi n 2013, la spermidine, une molé-cule présente dans le sperme, pourrait être l’anti-âge le plus répandu dans les années à venir. Alors que les deux universitaires ont prouvé son effi cacité dans le renouvelle-ment cellulaire, le scientifi que a démontré son pouvoir inhibiteur sur la prolifération de cellules cancéreuses. Si l’idée d’enduire son visage de fl uide biologique pour contrer les eff ets du temps semble peu ragoutante, il faut savoir que la spermidine est pour-tant déjà présente dans certains de nos cos-métiques. La gamme Skins Science, une

marque du groupe L’Oréal, a été la pre-mière sur le marché à faire entrer la spermi-dine dans sa composition. De nombreuses marques ont ensuite pris le même chemin et depuis peu, le salon esthétique Grace-ful Services de New-York propose même à ses clientes des soins du visage à base de ce composant. Une pratique qui devrait être saluée par Tobias Eisenberg et Frank Madeo pour qui la molécule est en quelque sorte « le Graal sacré contre le processus de vieillissement des cellules. »

PLACENTA MANIALa folie biologique ne semble pas s’arrêter là. Le placenta, depuis longtemps ingéré par certaines femmes après l’accouchement pour profi ter des vitamines et nutriments qu’il contient, se retrouve désormais dans

nos salles de bain. S’il est à la fois assainissant et hydratant, c’est aussi un reconstituant tis-sulaire très puissant puisqu’il est, entre autre, composé d’acide hyaluronique. "Les indus-tries pharmaceutiques achètent directement le placenta aux maternités", commente Joël Rivière, directeur général de la polyclinique d’Equerdreville-Hainneville. "C’est un compo-sant effi cace mais pas révolutionnaire." Selon un sondage MyVoucherCodes.co.uk, 45% des Britanniques de plus de 30 ans inquiètes des eff ets du temps, seraient prêtes pour un test. Un acte qu’ont déjà franchi Victoria Bec-kham, Jennifer Lopez ou Tom Cruise. Tandis que pullulent les soins au placenta dans les salons d’esthétiques, les gammes grand public se démocratisent elles aussi. La marque Pla-zan a même créé une gamme entière de pro-duits à partir de cette nouvelle trouvaille. Et si le corps humain était devenu la première source d’approvisionnement de produits cos-méto ? Une question qui laisse Olivier Echau-demaison, creative director de Guerlain, quelque peu dubitatif : « Puisque nous obte-nons les mêmes résultats avec du synthétique, je ne vois pas pourquoi nous devrions avoir recours à l’utilisation de cellules humaines. »

COMME UN HAIRDE CANDY CRUSH

Mais qu’en est-il de nos cheveux ? Depuis quelques années, notre chevelure et même nos poils pubiens sont les premières victimes de nos artistes capillaires. Les tendances s’af-folent allant du hair make up aux colora-tions phosphorescentes sur les podiums. De quoi satisfaire les imaginations les plus folles. Les jeux de couleurs ou de textures traduisent une volonté d’extravagance et d’émancipa-tion. Une chose est sûre : les désirs et les envies évoluent "Il n’y a pas que la chanson Happy de Pharell Williams qui réfl ète la quête du bon-heur", confi rme PeclersPa-ris, bureau de tendance. Notre chevelure aussi. Les visages et les corps s’animent. On se fait du bien avec de la cou-leur, de la lumière et de la chaleur. Cela sonne le retour d’un ton épicu-rien. » Un engouement capillaire, traduit par les créations de Charlie Le Mindu et les colorations Bleach.

UN POIL COLORÉLa peinture pour cheveux, alias hair pain-ting, est la tendance capillaire du moment. Elle consiste à colorer notre crinière avec les pigments les plus fl ashies possibles. A

base de craie non toxique, la pâte colo-rante, que l’on peut réaliser soi-même, per-met de teindre notre chevelure de façon éphémère selon nos goûts. L’innovation se trouve dans la multitude de coloris pro-posés : du noir corbeau à l’orange méca-nique en passant par la couleur phare de cette saison : le rose. Et pour plus d’extra-vagance, on peut utiliser des pochoirs, que l’on peut faire soi-même. Jean-Marie Contreras, coloriste, nous en parle : "La tendance ce sont les eff ets marqués dans la coiff ure. C’est en fait un graphisme sur cheveux. On met plusieurs teintes sur une même mèche." Une mode originale mais qui se veut éphémère pour le profession-nel : "C’est plus un "délire". Cela ne durera qu’un été je pense. Elle touche une cible en particulier ,une saison, un univers. Elle veut revendiquer une identité et casser les codes d’une société très codifi ée."

FLASHDANCE STYLEPeur du noir ? La solution : les colora-

tions phosphorescentes. Apparues sur le catwalk lors de la fashion week de

janvier dernier, cette trouvaille est-elle en passe de devenir le

futur accessoire à la mode ? Bleu, jaune, ou encore rose

fl uos, autant de nuances qui illuminent sa vie

et surtout ses nuits. Le créateur déjanté de cette innovation n’est autre que Char-lie Le Mindu, coif-feur haute couture. Destiné à l’origine aux "freaks" comme il les appelle, le "créaffeur" espère une commerciali-

sation rapide de son produit : "Je suis très

fi er de mon œuvre. J’es-saie de la faire signer par

L’Oréal. Il y a un marché potentiel qui peut aller bien

au-delà du monde de la nuit." Une nouvelle invention, nécessi-

tant d’être adaptée au grand public selon le spécialiste du cheveu Jean-Marie

Contreras, "la Haute Couture pousse à l’ex-trême une création pour passer un message. Mais dans les salons, elle est réinterpré-tée de manière créative et plus sobre. On ne fera pas des teintures uniformes, mais juste localisées." Autant d’artifi ces qui promettent un été haut en couleurs. �

Vampire lift :Docteur Véronique Gassia, dermatologue, 23 allées

Charles de Fitte 31 300 Toulouse.

Centre Morpholife, médecine régénérative, esthétique et anti-âge,15 rue du Colonel Driant, 75 001 Paris.

Docteur Nguyen, clinique Saint-Roch, 99 avenue Saint-Roch, 83 000 Toulon.

Produits à base de spermidine :Uniquement disponible sur le site internet du groupe L’Oréal : Crème Bioforskning,

Skinscience, 126 €, www.skinscience.com

Produits à base de placenta :Les cosmétiques estampillés crèmes à base de placenta sont souvent d’une

composition douteuse. Le placenta humain est présent dans de nombreux produits puisque les industries pharmaceutiques rachètent directement les cellules aux

maternités et l’utilisent ensuite dans la composition de leurs gammes adaptées.

Hair Pochoir :Kit pour cheveux avec pochoirs, 10,53 €, www.Asos.fr.

Kit de 12 craies colorantes pour cheveux, 3,34 €, www.Amazon.fr

Laques colorées, 2,99€,www.Colourxtreme.co.uk

Prête à tout pour être belle ?

Au Japon, deux nouvelles tendances cosmé-tiques font fureur : le soin à la bave d’escargot ou

au venin de serpent. Utilisé comme anti-ride, le venin de serpent est sollicité pour ses vertus anesthésiantes. Quant à la bave d’escargot, son usage serait tout aussi effi cace, mais son application beaucoup moins facile. Pour bénéfi cier de ces bienfaits, il convient de disposer lesdits mollusques vivants sur son visage. En rampant, leur bave se dépose sur la peau et fait disparaître cel-lules mortes et autres brûlures. Un geste beauté aux étonnantes facultés hydratantes et tonifi antes.

Mais si à la simple énonciation de ces produits vos poils (colorés) se sont hérissés, pas de

panique. Ces produits de beauté ne sont disponibles qu’au Japon.

Où lestrouver ?

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BEAUTÉ insolites

S i je savais comment on faisait, dès demain j’ouvrirais une maison de disques », la réponse du musicologue Olivier

Julien est cocasse, mais évidente. Faire un tube n’est pas une science exacte. Mais alors, quels sont les bons ingrédients pour obtenir l’équation parfaite  ?

Génération chaises musicalesLe monde dans lequel nous vivons peut-il expliquer comment une chanson se hisse au rang de tube ? D’abord, il faut rappeler qu’un tube, c’est un énorme succès commercial avant tout. « En anglais, on parle de « hit », ce qui veut dire frapper. Il faut frapper fort avec une mélodie qui rentre dans la tête, que cha-cun peut fredonner très facilement et avec un texte

simple », voilà la règle d’or à respecter pour avoir du succès selon Nicolas Jorand, compositeur indépen-dant et membre du groupe Anima. Mais revenons 40 ans plus tôt. Si dans les années 70, on vivait, s’habillait et écoutait de la musique disco, genre prédominant à cette époque, quel est le courant majeur aujourd’hui ? Les grands artistes de cette période fl orissante tels que Ray Charles, Stevie Wonder ou encore James Brown véhiculaient des messages à travers leurs créations. Ils fédéraient et ont permis de faire évoluer les mœurs et donc la société. Alors, quels messages avons-nous à faire passer dans notre société actuelle ? Mondia-lisation, globalisation, crise économique, chômage ; voilà les mots qui résonnent sans arrêt autour de nous.

Hit machines ?

Get Lucky, Happy, Papaoutai… Quelle

est la recette pour que ces titres cartonnent

autant ? Y-a-t-il une formule magique

pour faire un tube ? Nous avons tenté de

percer le mystère. Par Céline Coelho, Anna Outy

et Emlyn Tisba

Daft PunkSi depuis 1993 le duo Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo n’a sorti que 4 albums, son succès est désormais planétaire !

Alors, Olivier Julien, musicologue à L’Université Paris-Sorbonne (Paris IV), se réfère à Jacques Attali pour expliquer comment le contexte infl uence la création musicale : « la musique est la bande audible des vibra-tions et des signes qui font la société ».

La musique refl ète ce que nous sommesC’est dans cette même idée que Nicolas Jorand explique que, « la musique, c’est un peu comme la loterie de nos jours ». On vit dans une génération d’artistes « kleenex » : on existe un temps sur le marché musical jusqu’à ce que quelqu’un d’autre vienne prendre notre place ». Mais alors, pour tenter de percer le marché musical, y-a-t-il une stratégie ?

Daft Punk,Pharrell Williams, Stromae...

( L a v i e e s t p o p ! )

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CULTURE musique

Quand le marketing écrit la partitionIl fut un temps où l’écoute de la musique s’accompagnait de rituels bien précis. Aller chez le disquaire, passer des heures à fouiller les bacs dans l’espoir de dénicher la perle rare pour enfi n tomber sur le vinyle qui devien-dra une pièce de collection. Mais, avec la démocrati-sation du CD et l’explosion des formats digitaux, la musique est devenue un réel produit de consomma-tion. « La musique aujourd’hui est un prétexte, ce n’est plus qu’un marché. » explique Nicolas Jorand. C’est au début des années 80 que le CD, disque compact, voit le jour et rend le vinyle complètement obsolète. D’après Olivier Julien, musicologue, « on considère qu’il y a une nouvelle ère qui s’est ouverte dans les années 80 avec l’explosion de MTV qui a permis une vente énorme de disques ». C’est à ce même moment qu’apparaît la notion de bien de consommation. Mais voilà, le CD s’est rapidement fait détrôner par le téléchargement sur internet.

Le disque a perdu de son attrait Le caractère si particulier de la musique a, quant à lui, disparu. D’après le jeune compositeur, « nous sommes dans l’ère de la superfi cialité. Un tube qui marche c’est une intro extrêmement courte, un refrain qui arrive au bout de 45 secondes maximum. Aujourd’hui dans notre société de consommation, on ne va pas s’attarder sur quelqu’un. Soit ça nous plaît, soit on zappe et on passe à autre chose. Tout est établit pour accrocher les gens, pour les hypnotiser. Nous sommes dans la consomma-tion pure et dure. » L’industrie musicale a donc évolué, en même temps que nos modes de consommation des produits culturels. « On zappe plus. Les supports tech-niques sont pratiquement faits pour ça : la molette de l’ipod, les playlists. Finalement on écoute de la musique par liste » selon Peter Szendy, philosophe et musico-logue à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense. A cela s’ajoute l’importance de la vidéo, nécessaire à l’identité d’un artiste. Car maintenant, tout le marke-ting autour d’un groupe ou d’un leader, semble avoir bien plus de poids que la musique elle-même. Le clip, la mise en scène, sont autant de facteurs qui apportent un crédit nécessaire à son image. « L’écoute musicale est devenue indissociable d’un accompagnement vidéo. », conclu le musicologue.

A qui le tour ?Mais il y a aussi les tubes que l’on n’a pas vu venir. La recette n’est donc pas toujours exacte. Les ingrédients

L’avènement de l’électronique n’étaiten rien prédestinéLa French Touch a su séduire le public anglo-saxon, un véritable exploit, quand on sait que les artistes français ne percent pratiquement jamais à l’étranger. Finalement, nous décidons de l’ascension d’une musique. Rien ne présage réellement si le public va adhérer ou non à un titre. L’opportunité peut se créer, avec succès ou infortune. Entre nos mains, nous avons la destinée d’une chanson, reste à savoir si le hasard la hissera en haut des charts. Pour Peter Szendy, « si la chance se dessine, si une musique quelle qu’elle soit peut se connecter métonymiquement avec une époque, une tendance peut voir le jour. » Des mouvements ont émergé alors que l’on ne l’avait pas prévu. Les tubes s’associent naturellement avec un événement, une émotion ou un contexte mais il n’y a pas de science exacte et encore moins de recette miracle. �

qui agrémentent une musique, dans le but d’en faire un carton, peuvent se révéler inattendus. Si l’on évoque les trois titres les plus vendus en 2012, rien n’avait présagé un tel succès. Trois inconnus ont débarqué sur les ondes et sur nos Ipod, sans que l’on s’en rende compte. Il n’y a aucun point commun entre Gotye («Somebody that I used to know»), Carly Rae Jepsen («Call me maybe») et le coréen Psy («Gangnam Style»). D’après Olivier Julien, si l’on essaie d’interpréter ces phénomènes sur le plan de l’évolution du monde, « pour la première fois sur le marché international, aucune de ces musiques n’a été produite aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. » Depuis quelques temps, le marché mondial de la musique subit un basculement.Replongeons-nous à la fi n des années 90. Quand la French Touch a éclaté, avec Daft Punk par exemple, la musique électronique était encore marginale. Alors, est-ce le hasard, la chance, ou un ingrédient secret qui explique aujourd’hui son succès populaire ? Le musicologue considère même le genre, à l’époque où il s’est révélé, comme « un marché confi dentiel ».

TOP 5 des tubes qui ont enfl ammé la France en 2013

« NNNNOOOOOOUUUUSSSSS SSSSOOOOMMMMMMMEEES DDAAAANNNNSSS L’ÈRE DE LA SUPERFICIALITE. UN TUBBEEE QQQQQQUUUUIIII MMMMMAAAARRRRCCCCHHHEEE C’EESSSTTTT UUUNNE INTRO COURTE, UN REFRAIN

QUI AAARRRRRRRRRRIIIIVVVVEEEEE AAAAUUUU BBBBOOOUUUTT DDEE 4444555 SSSECONDES MAXIMUM.»Nicolas Jorand, Compositeur indépendant et membre du groupe Anima

StromaeLe 2 avril dernier, le chanteur s’est lancé dans la mode avec une ligne de vêtements signé “Mosaert”, l’anagramme de son nom. Inspiré de son look décalé, la collection est disponible chez Colette.

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Pharrell WilliamsEntre son clip de 24 heures réalisé par We are from L.A et son célèbre Buffalo Hat signé Vivienne Westwood, vendu 32 000 euros aux enchères, l’artiste rend tout le monde Happy.

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CULTURE musique CULTURE musique

D’après une étude du Crédoc, le volume de consommation par personne est aujourd’hui trois fois supérieur à celui de 1960. Mais les Français prennent petit à petit la mesure du phénomène : l’observatoire ObSoCo indique

qu’en 2012, 55% d’entre eux souhaitaient optimiser leur consommation. Cette résolution s’explique par des facteurs à la fois économiques et écologiques. La baisse du pouvoir d’achat et la précarité obligent à se tourner vers de nouvelles façons de consommer. Parallèlement, une conscience citoyenne « verte » a émergée. Tout commence donc par la nécessité de donner une seconde vie aux objets du quotidien.

Sortir les vêtements de la poubelleFondée en 1984 par Pierre Duponchel, le Relais donne une seconde vie aux vêtements. Avec 15 968 conte-neurs, soit la moitié des points de collecte existants en France, elle est la première des 200 entités hexagonales.

Consommer moins? consommer mieux?

Pourquoi pas les deux. Recycler est une pratique de plus

en plus exploitée, pour ne pas dire une

tendance de fond bien ancrée. Focus sur trois

initiatives qui ont de l’avenir : le Relais, l’Upcycling, et les

Ateliers du Bocage.Par Géraldine Richard,

Mélodie Raymond & Mathilde Fabbro

Illustrations : Ioana Seidita

Poubelle la vie�! Un nouveau destin pour nos objets

«  Au début des années 80, j’étais ingénieur et béné-vole chez Emmaüs. Conscient des enjeux de société, j’ai décidé de quitter mon travail pour lancer le Relais, avec pour objectif la création d’emplois », confi e Pierre Duponchel. 30 ans plus tard, plus de 2 200 postes ont été créé, dont 60% en CDI. Le tri, entièrement eff ec-tué en France via 14 centres, est au cœur de l’action du Relais puisque c’est l’activité qui embauche le plus. Mais son projet va bien au-delà d’une simple considération économique, en visant l’emploi il s’est inscrit sans le vouloir dans une démarche écologique avant-gardiste.

Une fi lière au fort potentiel de développement« 700 000 tonnes de vêtements sont collectables chaque année en France, et pourtant nous n’en collectons « que » 160 000 ! », explique le président. En grande partie parce que les gens ont du mal à se séparer de leurs vêtements, auxquels ils accordent souvent une valeur sentimen-tale. Et lorsqu’ils décident de vider leurs armoires, le premier réfl exe est de se diriger vers la poubelle. L’uti-lisation des conteneurs de tri est un geste encore mal répandu au sein de la population. Pour le fondateur de l’association, l’évolution de la fi lière passe donc par le développement de nouveaux points de collectes, mais aussi par l’éducation des citoyens. Il est aidé en cela par écoTLC, un organisme privé qui œuvre à l’amélioration de cette fi lière. Né il y a 6 ans. écoTLC détermine les besoins fi nanciers des collec-teurs, puis recueille une contribution annuelle auprès de ceux qui mettent sur le marché français du textile, du linge de maison, et des chaussures. Lauriane Tiard, en charge de la communication chez écoTLC indique qu’avec 5000 adhérents (95% des metteurs en marché), la taxe rapporte jusqu’à 14 millions d’euros par an.

La valorisation du textile au Relais Seulement 50% des vêtements collectés sont revendus en l’état. Une partie dans les boutiques « Ding Fring » qui répondent à un objectif social simple : s’habiller correctement et pas cher. L’autre partie est destinée aux trois antennes Relais africaines, où le marché de la fri-perie est très répandu. Les marges réalisées servent à développer des initiatives dans les rizières et le tou-risme (Madagascar), l’apiculture (Burkina Faso), et la ���

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CONSO planèteCONSO planète

culture maraichère (Sénégal). Les 50% restants sont recyclés dans le cadre de la production de chiff ons d’essuyage, ou de matières premières. En refusant la fatalité du chômage et de la misère, Pierre Duponchel a bâti un projet tourné vers l’humain et la planète. Pour apporter votre pierre à l’édifi ce, rendez-vous sur www.lafi bredutri.fr et découvrez les points de collecte les plus proches de chez vous.

L’Upcycling : créativité astucieuseQu’on se rassure, l’upcycling, n’est pas encore un de ces termes tarabiscotés. Il signifi e « recycler vers le haut. » Bon ok, dis comme ça, vous le trouvez encore bizarre. Outre le mot, le phénomène s’est propagé sur toute la planète. L’upcycling est une tendance qui consiste à récupérer des matériaux ou des objets pour les rendre aussi esthétiques que pratiques. Remettre à neuf ce que l’on croyait archaïque: top. Mais le rendre beau: tellement mieux.

Homemade pour soi…Là où plus d’un d’entre nous se verrait jeter ou recy-cler des produits (la nuance est immense, on vous

l’accorde), d’autres préfèrent leur imaginer une autre utilité et le tout en beauté. Contrairement au recyclage, la transformation upcycling ne nécessite pas de pro-cessus chimique. L’amélioration du produit passe par l’innovation de l’usage et par la dimension artistique. Ainsi, nombreux sillonnent ce mouvement éco res-ponsable. Dans le vaste atelier de Laurence Sourisseau, le concept est innovant. Situé dans le 11ème arrondis-sement de Paris, l’Etablisienne regroupe savoir-faire, créativité et praticité. Cet atelier dépôt-vente propose un large éventail de possibilités, notamment rénover ou fabriquer des meubles et des objets. L’endroit allie la location d’un espace de bricolage et d’outils, à la for-mation d’apprentis : cours et stages à la carte. «Je tra-vaille avec des designers, des tapissiers, des ébénistes et bien d’autres professionnels.» raconte la créatrice. En collaboration avec Marie Prenat, créatrice d’objets en matériaux recyclés,  «Les p’tits dej’ créatifs Talalilala» s’inscrivent dans la démarche du Do it yourself  éla-boré. «On peut faire des vases avec des ampoules, ou des coussins avec des pulls. Les gens sont de plus en plus intéressés par ce qui est fait main» explique Laurence. Si l’intérêt est vif,  le réemploi contribue grandement au développement durable.

…Ou pour les autres Gaspiller : telle est la hantise de Véronic Durand. Fon-datrice de la boutique Pirouette, au cœur de Nantes, la jeune femme ouvre en 2013 sa jolie caverne d’Ali baba écolo. Nait ainsi le premier espace français exclusive-ment dédié à l’upcycling. De la mode à la décoration en passant par le petit mobilier, Véronic travaille avec une cinquantaine de créateurs, dans leur majorité des locaux. Des clients « entre 16 et 100 ans », Pirouette séduit toutes les tranches sociales par son originalité. Ses sélections ? «Il faut que le produit soit beau, utile et qu’il interpelle. Je suis en éveil constant sur le réem-ploi. Je travaille avec des gens impliqués qui ont cette fi bre en eux.» Dons, déchèteries, consommation per-sonnelle, vide greniers: tous les moyens sont bons pour la récupération. Et l’artiste Cicia Hartmann l’a bien compris. Celle qui attend parfois des années une pièce manquante pour un projet plutôt que d’acheter, crée à partir de déchets plastiques. « Je réalise des objets décoratifs, des personnages, des fl eurs. » Des jouets dis-tribués à des enfants dans des pays en voie de dévelop-pement. Un « mur végétal » réalisé avec plus de 20 000 bouchons, le recycl’art de Cicia étonne et passionne. Les issues à la surconsommation sont fl orissantes, et comme la plasticienne le dit si bien « on ne peut plus dire que nous ne sommes pas informés quant aux bien-faits du recyclage ».

Faire du neuf avec du vieuxQue faire lorsque son téléphone décide de rendre l’âme ? Ou si l’on décide juste qu’il est temps de le changer? 37%* des Français le stockent dans leur cimetière d’ob-jets (généralement un tiroir oublié). Avouons-le : rare-

ment utile. Le pire serait bien sûr qu’il fi nisse au fond des océans. Heureusement, des centres de recyclage et de remise en état de nos vieux mobiles ont vu le jour. L’initiative la plus signifi cative  en termes de volume comme de visée sociale s’appelle les Ateliers du Bocage.Filière d’Emmaüs, ces ateliers existent depuis 1992. Spécialistes du recyclage, l’opération téléphones por-tables débute en 2003. Une centaine d’employés trie chaque jour des milliers d’appareils dans les locaux des deux Sèvres. Et les possibilités de réemploi sont vastes : « avec trois téléphones usagés, on peut en faire deux en bon état » explique Jacques, un réparateur. De cette manière, environ 45% des téléphones récol-tés trouvent une seconde vie. Le reste est revendu à des entreprises de recyclage.

Objectif emplois En 2012, ils ont reçus 637 000 téléphones, une quan-tité faramineuse lorsqu’on sait que mille téléphones représentent un emploi pour un mois. Sur une soixan-taine d’employés, 12 sont en emplois d’insertion et 2 en emplois adaptés. Cette aspiration solidaire est la deuxième facette d’une entreprise hors du commun. «  Je me retrouve dans l’humanisme des Ateliers, ils m’ont aidé et maintenant j’ai un peu l’impression d’aider les autres», confi e Laurent, employé sur le site. Depuis 10 ans les Ateliers ont créé plus de 100 CDI, dont la moi-tié après une insertion. 

 Que deviennent les téléphones ? Une partie est envoyée par les opérateurs qui les font réparer aux Ateliers avant de les revendre d’occasion. La SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) a ainsi des contrats avec Orange, SFR, ou encore Bouygues. Vous comprenez mieux quel sort est réservé à votre vieux téléphone une fois renvoyé. « Ce n’est pas la première fois que je rends mon téléphone mais je ne m’étais jamais posé la question, c’est vrai », avoue Claude, interrogée dans une boutique Orange.Les Ateliers organisent aussi leurs propres collectes. Après réparation, ils revendent les mobiles à un tiers du prix d’origine, en parfait état de marche et de nou-veau garantis. De toutes les gammes, pour toutes les bourses, ils sont proposés lors de braderies Emmaüs, au profi t de l’association, ou directement dans les bou-tiques solidaires des Ateliers. Dans ce cas le prix du téléphone permet de faire tourner l’entreprise mais aussi de soutenir des programmes solidaires. Comme AdB Solidatech, qui fournit un équipement informa-tique à des associations sélectionnées, ou Clic Vert en Afrique** qui a pour objectif de réduire la frac-ture numérique sur ce continent tout en préservant l’environnement. De A à Z, les Ateliers multiplient les bonnes initia-tives, pour Laurent « cela prouve que succès et bonne conscience ne sont pas incompatibles. » �

*Les chiff res cités sont extraits d’une enquête Credoc.** ateliers-du-bocage.fr/fr/nosprogrammes/international

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Dans la bouche de TritonEn 2014, le végétarisme est à l’honneur. Suite aux dérapages rencontrés dans l’alimentation industrielle et aux scandales des produits chimiques, la méfi ance ouvre la porte aux valeurs sûres. Ainsi, les algues détiennent une place fondamentale dans l’avenir de notre alimentation. Consommées depuis la nuit des temps par les pays asiatiques, elles sont longtemps restées loin de nos traditions européennes. Reconnues comme aliment comestible en France dans les années 50, ce n’est qu’aujourd’hui qu’elles commencent à se démocratiser. Complètes dans leurs apports nutritionnels variés (vitamines, protéines, oligo-éléments, etc.) les algues sont une incroyable source d’énergie. «En concentrant l’eau de mer qui lessive la terre des fonds marins et en pratiquant la photosynthèse du soleil, ces végétaux multiplient les bénéfi ces »souligne Régine Quéva, auteure de Magnésium, Algues et Santé publié chez Grancher Depot en 2013 et formatrice culinaire. Particulièrement riches en magnésium, elles régulent plus de 300 métabolismes dans le corps. Il est scientifi quement prouvé qu’elles confortent les défenses immunitaires. Contribuant à fi ltrer 40% de nos graisses alimentaires, les alginates

se placent comme régulateur majeur des cas de surpoids.Selon la formatrice «On est considérablement en retard, mais ce qui est magnifi que c’est qu’on a tout à inventer». Au-delà des grands Chefs tels que Roellinger ou Gagnière qui démocratisent peu à peu les algues dans leurs assiettes, il

s’agit maintenant d’apprivoiser les palais par des stages culinaires. «Les algues, le plancton ou l’agar agar sont vraiment mis à l’honneur cette année», appuie le jeune chef Clément Guillemot au Salon Omnivore 2014. Parmi les 800 variétés, nombre de recettes séduisent déjà les clients

locaux. Rillettes, tartares, salades chacun peut les cuisiner à sa sauce. Aujourd’hui, selon l’enquête Idealgue, 70% de la population française accepte de manger des algues si on leur montre comment les cuisiner. A l’image de Régine Quéva, devenez «végétacool »!

Produits, culture, consomma� on

Quelle mouche t’a piqué ? A l’heure où l’on aspire à faire corps avec les bienfaits de la nature, il n’est plus exclu de faire corps avec les insectes. Et oui, ces petites bêtes venues d’ailleurs pourraient bien fi nir dans nos assiettes. Dans une société qui voit sa population croître, il est inévitable de penser aux ressources alimentaires futures. Objectif : nourrir la planète et ses hommes, et surtout, la préserver. Face à la quantité de gaz à effets de serre émise par les bovins (18% des émissions mondiales selon la FAO), l’alternative entomophagie -soit le fait de manger des insectes-, 10 à 100 fois moins néfaste avec une empreinte carbone plus

intéressante, est essentielle. Gayanhé Jovet, militante chez les Jeunes Ecologistes et Greenpeace, confi rme que «vis-à vis de la dégradation actuelle de l’environnement, la société doit diversifi er ses sources d’approvisionnement». D’autant plus que ces petites bêtes, moins dangereuses que les grosses, sont aussi intéressantes nutritivement. Les insectes apportent quatre fois plus de protéines que le bœuf, sans pour autant être caloriques. Pauvres en matières grasse et en cholestérol, ils représentent une solution non négligeable face aux problèmes de malnutrition ou d’obésité. Il s’agit désormais de les faire accepter. Face à

la réticence de ce nouveau mode de consommation, les initiateurs du mouvement tels que Romain Fessard, premier à les avoirs commercialisés en France en 2010, incitent à bouleverser nos habitudes. Pour cela, il propose de les cuisiner à travers des plats traditionnels, pour remplacer les lardons, le bacon, ou encore les cacahuètes. Selon lui, «le dégoût que l’on peut en avoir se franchi à force d’en parler et par le fait de les voir se démocratiser dans les médias et grandes surfaces». Aujourd’hui, parmi les visiteurs présents sur l’évènement «So Food», 90% étaient tentés de goûter. Et vous ? Un petit ver pour la route ?

les bovins (18% des émissions mondiales selon la FAO), l’alternative entomophagie -soit le fait de manger des insectes-, 10 à 100 fois moins néfaste avec une empreinte carbone plus

en matières grasse et en cholestérol, ils représentent une solution non négligeable faceaux problèmes de malnutrition ou d’obésité. Il s’agit désormais de les faire accepter. Face à

médias et grandes surfaces».Aujourd’hui, parmi les visiteurprésents sur l’évènement «SoFood», 90% étaient tentés de goûter. Et vous ? Un petit ver pour la route ?

L’assiettenatureLes français sont géniaux. Surtout quand ils copient les concepts étrangers ! En 2014, ce mélange de cultures

fait émerger de nouveaux projets culinaires pour le meilleur... et pour le pire de nos papilles. Tour

d’horizon des neo food concepts du produit à l’assiette, en passant par la recette.

Par Clémence Guillerm et Raphaëlle Pascal

En clair 1 cuillère à café

d'algues en paillettes,

=6 bananes

+2 plaquettes de

chocolat.

0 calorie en prime !

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Un arrière goût d’antanFace au succès considérable de la série “Game of Thrones”, le retour de la cuisine médiévale en 2014 n’est pas étonnant. Outre les livres édités sur le sujet, les réseaux sociaux bourgeonnent

d’inspirations culinaires. Crème de marrons, légumes…mais surtout viandes oubliées. Sortez vos marmites, les lapins n’ont qu’à bien se tenir !

Des cocktails à croquerDepuis la création du «cronut »l’année dernière par le chef pâtissier français Dominique Ansel, la tendance est au mélange des recettes pour en créer une nouvelle. En guest star cette année : les cocktails solides. C’est dans les années 1800 que la première recette de cocktail à croquer aurait vu le jour en France. La «Gelée de

fl eur d’oranger au vin rosé de Champagne», créée par le cuisinier de Napoléon Bonaparte, était donc précurseur de l’année 2014 ! Le cocktail solide a le pouvoir de fasciner les gens tout en étant très facile à réaliser. Les plus complexes sont conçus par des grands barmen et font encore plus d’eff ets qu’une simple gelée aromatisée. Certains relèvent ainsi de

la mixologie moléculaire dont Thierry Hernandez, le barman de l’Hôtel Plaza Athénée, est l’un de ses meilleurs représentants. Il conseille d’ailleurs à qui viendrait pour la première fois de tester le Fashion Ice, mix entre un sorbet et un cocktail à base de gelée. Inventés par les français, les cocktails solides ont parcouru un long chemin.

Hervé This, le créateur de la gastronomie moléculaire mais aussi de la mixologie moléculaire, souligne : «Les cocktails solides contribuent au rayonnement de la gastronomie moléculaire française. De nombreux pays s’y mettent et c’est plaisant de voir que notre pays est toujours un exemple en terme de gastronomie !».

Sweet food is coming !Nutella Bar à Chicago ou cupcakeries à New York, le concept mono-produit fait fureur outre-Atlantique. En France, le phénomène arrive et un nombre impressionnant d’enseignes ont vu le

jour avec pour seul mot d’ordre : ne travailler qu’un seul et unique produit. Macarons, éclairs, tropéziennes, merveilleux, etc.

L’exemple le plus probant est sans nul doute la maison Ladurée qui perdure depuis de nombreuses années avec ses macarons. Aujourd’hui, même

les grands chefs pâtissiers s’y mettent. Alain Ducasse et Christophe Michalak se sont associés pour ouvrir Choux d’Enfer,

le premier kiosque à choux. Les deux chefs avaient envie de chambouler le paysage français de la pâtisserie. En plus de rester mono-produit, ils ont lancé le concept de la «sweet food » savant mélange de la «street food »et de la haute pâtisserie française. D’autres ont suivi le mouvement, à l’instar du Chef Christophe Adam (déjà investigateur de L’éclair de génie, une pâtisserie qui ne présente que des éclairs) qui a ouvert Adam’s, une boutique de snacking sucré, mais pas que.Avec les boutiques mono-produit, il est aujourd’hui possible de faire un tour du monde de la pâtisserie, rien qu’à Paris. La preuve que la France est toujours à l’aff ut des nouveautés, et ce, même en pâtisserie.

L’INTERVIEW

LE GREEN BUSINESSEn janvier dernier, Emilia Lombardo et Fabien Borgel ont ouvert leur bistrot 42 degrés qui propose une carte 100 % « raw food » et vegan.

Qu’est-ce quela raw food ?De la cuisine crue littéralement. Dans la pratique, les aliments sont cuits à 42°C maximum. Ainsi, ils gardent toutes leurs propriétés bénéfi ques pour la santé et restent savoureux.

Pourquoi avoir ouvert un restaurant comme 42 degrés ?Parce que nous n’avons pas envie d’être moralisateurs sur le végétarisme. Nous sommes des crudivoristes confi rmés et nous préférons montrer aux omnivores que cette alimentation est toute aussi délicieuse que le reste. La plupart promettent de revenir !Avez-vous une recette succès ?Le burger et le cheesecake sont très demandés. C’est assez drôle parce que ce ne sont pas vraiment des plats que les végétariens ont l’habitude de manger. La preuve que, bien travaillée, la cuisine vegan peut être tendance !

� Choux d’enferIntersection de la rue Jean Rey et du Quai Branly - 75015 ParisAdam’s21 rue Danielle Casanova 75001 Paris

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