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1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’O S S E RVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt LXXI e année, numéro 41 (3.653) Cité du Vatican mardi 13 octobre 2020 Une présence plus incisive des femmes dans l’Eglise Appel du Pape à l’Angelus et intention de prière pour octobre page 3 DANS CE NUMÉRO Page 2: Audience générale du 7 octobre. Page 4: Messe du Pape pour la gendarmerie. Discours à l’Inspectorat de la sécurité publique du Vatican. Pa- ge 5: Audience au Cercle de Saint-Pierre. Page 6: Message à la congrégation de Saint-Michel Archan- ge. Page 7: Audience à la Garde suisse. Message au Conseil consultatif féminin du Conseil pontifical de la culture. Page 8: Audience à Moneyval. Réflexion sur la chasteté, par Giorgia Salatiello. Page 9: L’en- cyclique «Fratelli tutti» vue de Jérusalem, par Fran- cesco Patton. Page 10: La bibliothèque d’Ivan IV le Terrible, par Lucio Coco. Page 11: Informations. Pa- ge 12: Les médecins du Pape au XIII e siècle.

1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR E ROMANO...l’égarement au cours duquel il constate «n’être pas meilleurs que ses pères» (1 R 19, 4). Dans l’âme

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    L’O S S E RVATOR E ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

    Unicuique suum

    EN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

    LXXIe année, numéro 41 (3.653) Cité du Vatican mardi 13 octobre 2020

    Une présence plus incisivedes femmes dans l’Eglise

    Appel du Pape à l’Angeluset intention de prière pour octobre

    page 3

    DANS CE NUMÉROPage 2: Audience générale du 7 octobre. Page 4:Messe du Pape pour la gendarmerie. Discours àl’Inspectorat de la sécurité publique du Vatican. Pa-ge 5: Audience au Cercle de Saint-Pierre. Page 6:Message à la congrégation de Saint-Michel Archan-ge. Page 7: Audience à la Garde suisse. Message auConseil consultatif féminin du Conseil pontifical dela culture. Page 8: Audience à Moneyval. Réflexionsur la chasteté, par Giorgia Salatiello. Page 9: L’en-cyclique «Fratelli tutti» vue de Jérusalem, par Fran-cesco Patton. Page 10: La bibliothèque d’Ivan IV leTerrible, par Lucio Coco. Page 11: Informations. Pa-ge 12: Les médecins du Pape au XIIIe siècle.

  • page 2 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 13 octobre 2020, numéro 41

    Audience générale du 7 octobre

    Il faut des chrétiens courageux face aux puissantsChers frères et sœurs, bonjour!Nous reprenons aujourd’hui les catéchèses surla prière, que nous avons interrompues pourpasser à la catéchèse sur la sauvegarde de lacréation, et maintenant nous reprenons; etnous rencontrons l’un des personnages lesplus passionnants de toute l’Ecriture Sainte: leprophète Elie. Il transcende les frontières deson époque et nous pouvons déceler sa pré-sence également dans certains épisodes del’Evangile. Il apparaît aux côtés de Jésus, avecMoïse, au moment de la Transfiguration (cf.Mt 17, 3). Jésus lui-même fait référence à sa fi-gure pour accréditer le témoignage de Jean-Baptiste (cf. Mr 17, 10-13).

    Dans la Bible, Elie apparaît à l’i m p ro v i s t e ,de façon mystérieuse, provenant d’un petit vil-lage tout à fait marginal (cf. 1 R 17, 1); et à lafin, il sortira de scène, sous les yeux du disci-ple Elisée, sur un char de feu qui le conduitau ciel (cf 2 R 2, 11-12). Il s’agit donc d’unhomme sans origine précise, et surtout sansbut, enlevé au ciel: c’est pourquoi son retourétait attendu avant l’avènement du Messie,comme un précurseur. Ainsi l’on attendait leretour d’Elie.

    L’Ecriture nous présente Elie comme unhomme à la foi limpide: dans son nom même,qui pourrait signifier «Yahvé est Dieu», estcontenu le secret de sa mission. Il en sera ain-si tout au long de sa vie : homme intègre, in-capable de compromis mesquins. Son symboleest le feu, image de la puissance purificatricede Dieu. Il sera le premier à être mis à dureépreuve, et demeurera fidèle. Il est l’exemplede toutes les personnes de foi qui connaissentles tentations et les souffrances, mais qui netrahissent pas l’idéal pour lequel elles sontnées.

    La prière est la sève qui alimente constam-ment son existence. C’est pourquoi c’est l’undes personnages les plus chers à la traditionmonastique, au point que certains l’ont élucomme père spirituel de la vie consacrée àDieu. Elie est l’homme de Dieu, qui s’élèveau rang de défenseur du primat du TrèsHaut. Et pourtant, lui aussi est contraint à semesurer avec sa propre fragilité. Il est difficilede dire quelles expériences lui furent les plusutiles: avoir vaincu les faux prophètes sur lemont Carmel (cf. 1 R 18, 20-40), ou bienl’égarement au cours duquel il constate«n’être pas meilleurs que ses pères» (1 R 19,4). Dans l’âme de celui qui prie, la consciencede sa faiblesse est plus précieuse que les mo-

    ments d’exaltation, quand il semble que la vieest une chevauchée de victoires et de succès.Dans la prière il arrive toujours ceci: des mo-ments de prière qui nous élèvent, nous don-nent de l’enthousiasme, et des moments deprière ou nous ressentons de la douleur, del’aridité, de l’épreuve. La prière est ainsi: selaisser porter par Dieu et se laisser frapperaussi par de mauvaises situations et égalementpar les tentations. C’est l’une des réalités quel’on retrouve dans de nombreuses autres voca-tions bibliques, également dans le NouveauTestament, pensons par exemple à saint Pierreet à saint Paul. Même leur vie était ainsi: desmoments d’exaltation et des moments d’abat-tement, de souffrance.

    Elie est l’homme de la vie contemplative et,dans le même temps, de la vie active, préoccu-pé par les événements de son temps, capablede se dresser contre le roi et la reine aprèsqu’ils ont fait tué Nabot pour s’emparer de savigne (cf. 1 R 21, 1-24). Combien avons-nousbesoin de croyants, de chrétiens zélés, quiagissent face à des personnes qui ont des res-ponsabilités de direction avec le couraged’Elie, pour dire: «Cela ne va pas! Cela est unassassinat!». Nous avons besoin de l’espritd’Elie. Il nous montre qu’il ne doit pas yavoir de séparation dans la vie de celui quiprie: on se tient devant le Seigneur et l’on vaà la rencontre de ses frères auxquels Il nousenvoie. La prière ce n’est pas se renfermeravec le Seigneur pour se maquiller l’âme :non, cela n’est pas la prière, c’est une fausse

    prière. La prière est une confrontation avecDieu et se laisser envoyer pour servir nosfrères. Le banc d’essai de la prière est l’amourconcret pour le prochain. Inversement, lescroyants agissent dans le monde après s’ê t retus et avoir prié; autrement, leur action estimpulsive, elle est privée de discernement,c’est une course effrénée sans but. Lescroyants se comportent ainsi, ils commettentde nombreuses injustices, parce qu’ils ne sesont pas présentés devant le Seigneur pourprier, pour discerner ce qu’ils doivent faire.

    Les pages de la Bible laissent supposer quela foi d’Elie a elle aussi connu un progrès: luiaussi a grandi dans la prière, il l’a affinée peuà peu. Le visage de Dieu est devenu pour luiplus clair le long du chemin. Jusqu’à atteindreson point culminant dans cette expérience ex-traordinaire, quand Dieu se manifeste à Eliesur le mont (cf. 1 R 19; 9-13). Il se manifestenon pas dans la tempête impétueuse, non pasdans le tremblement de terre ou dans le feudévorant, mais dans «le bruit d’une brise lé-gère» (v. 12). Ou mieux encore, une traduc-tion qui reflète bien cette expérience: dans uncourant de silence sonore. Ainsi se manifesteDieu à Elie. C’est à travers ce signe humbleque Dieu communique avec Elie, qui à ce mo-ment est un prophète en fuite qui a égaré lapaix. Dieu va à la rencontre d’un homme fati-gué, un homme qui pensait avoir échoué surtous les fronts, et avec cette brise légère, avecce courant de silence sonore, il fait revenir lecalme et la paix dans son cœu r.

    Telle est l’histoire d’Elie, mais elle sembleécrite pour nous tous. Certains soirs, nouspouvons nous sentir inutiles et seuls. C’estalors que la prière viendra frapper à la portede notre cœur. Nous pouvons tous saisir unpan du manteau d’Elie, comme son discipleElisée a saisi la moitié du manteau Et mêmesi nous avions commis des erreurs, ou si nousnous sentions menacés et effrayés, en revenantdevant Dieu avec la prière, la sérénité et lapaix reviendront aussi comme par miracle.C’est ce que nous enseigne l’exemple d’Elie.

    A l’issue de l’audience générale, le Pape a saluéles fidèles francophones:Je suis heureux de saluer les personnes delangue française. Demandons par l’i n t e rc e s -sion de Notre-Dame du Rosaire la grâced’être des hommes et des femmes intègres etdignes de foi, afin que, dans la prière, le Sei-gneur rejoigne chacun de nous dans sa vie etlui donne la paix et la sérénité. Que Dieuvous bénisse!

  • numéro 41, mardi 13 octobre 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 3

    Angelus du 11 octobre

    Personne n’est exclu de la maison de DieuChers frères et sœurs, bonjour!Avec le récit de la parabole du banquet de noces,dans le passage évangélique d’a u j o u rd ’hui (cf. Mt22, 1-14), Jésus trace le projet que Dieu a conçupour l’humanité. Le roi qui «fit un festin de no-ces pour son fils» (v. 2) est l’image du Père qui aprévu pour toute la famille humaine une merveil-leuse fête d’amour et de communion autour deson Fils unique. A deux reprises, le roi envoie sesserviteurs appeler les invités, mais ceux-ci refu-sent, ils ne veulent pas aller à la fête car ils ontd’autres choses auxquelles penser: les champs etles affaires. Souvent, nous faisons nous aussi pas-ser nos intérêts et les choses matérielles avant leSeigneur qui nous appelle — et qui nous appelle àune fête. Mais le roi de la parabole ne veut pasque la salle reste vide, car il souhaite donner lestrésors de son royaume. Alors, il dit aux servi-teurs: «Allez maintenant aux carrefours et tousceux que vous trouverez, appelez-les» (v. 9). C’estainsi que Dieu se comporte: quand on lui opposeun refus, au lieu d’abandonner, il relance et il in-vite à appeler tous ceux qui sont aux carrefoursdes routes, sans exclure personne. Personne n’estexclu de la maison de Dieu.

    Le terme original utilisé par l’évangéliste Mat-thieu fait référence aux limites des routes, c’est-à-dire aux points où les rues de la ville se terminentet où commencent les chemins menant à la cam-pagne, en dehors de la ville, où la vie est précaire.

    C’est à cette humanité des carrefours que le roi dela parabole envoie ses serviteurs, dans la certitudede trouver des gens prêts à s’asseoir à table. C’estainsi que la salle du banquet se rempli d’«ex-clus», de ceux qui sont «dehors», de ceux quin’avaient jamais semblé dignes de participer à unefête, à un banquet de mariage. Le maître, le roi,dit même aux messagers: «Appelez tout le mon-de, bons et méchants. Tous!» Dieu appelle aussiles méchants. «Non, je suis méchant, j’en ai faittellement…». Il t’appelle: «Viens, viens, viens!».Et Jésus allait déjeuner avec les publicains, quiétaient des pécheurs publics, c’était les méchants.Dieu n’a pas peur de notre âme blessée par tantde méchanceté, car il nous aime, il nous invite. Etl’Eglise est appelée à rejoindre les carrefours d’au-j o u rd ’hui, c’est-à-dire les périphéries géographi-ques et existentielles de l’humanité, ces lieux enmarge, ces situations où campent et vivent deslambeaux d’humanité sans espérance. Il s’agit dene pas se contenter des voies confortables et habi-tuelles de l’évangélisation et du témoignage decharité, mais d’ouvrir les portes de nos cœurs etde nos communautés à tous, car l’Evangile n’estpas réservé à quelques élus. Même ceux qui sonten marge, même ceux qui sont rejetés et mépriséspar la société, sont considérés par Dieu commedignes de son amour. Il prépare son banquetpour tous: justes et pécheurs, bons et méchants,intelligents et incultes. Hier soir, j’ai réussi à télé-phoner à un vieux prêtre italien, missionnaire de-puis sa jeunesse au Brésil, mais travaillant tou-jours avec les exclus, avec les pauvres. Et il vitcette vieillesse en paix: il a consumé sa vie avecles pauvres. Telle est notre Mère l’Eglise, tel est lemessager de Dieu qui va aux carrefours des che-mins.

    Toutefois, le Seigneur pose une condition: por-ter l’habit de noces. Et nous revenons à la para-bole. Quand la salle est pleine, le roi arrive et sa-lue les invités de la dernière heure, mais il voitl’un d’eux sans l’habit de noces, une sorte de ca-pe que chaque invité a reçu en cadeau à l’entrée.Les gens venaient comme ils étaient habillés,comme ils pouvaient s’habiller, ils ne portaientpas d’habits de gala. Mais à l’entrée, on leur don-nait une sorte de cape, un cadeau. Cet homme,ayant refusé le don gratuit, s’est exclu tout seul:le roi ne peut donc rien faire d’autre que le mettredehors. Cet homme a accepté l’invitation, mais ila ensuite décidé qu’elle ne signifiait rien pour lui:il était une personne autonome, il n’avait aucundésir de changer ou de laisser le Seigneur le chan-ger. L’habit de noces — cette cape — symbolise lamiséricorde que Dieu nous donne gratuitement,c’est-à-dire la grâce. Sans la grâce, on ne peut pasfaire un pas en avant dans la vie chrétienne. Toutest grâce. Il ne suffit pas d’accepter l’invitation àsuivre le Seigneur, il faut être disponible pour unchemin de conversion, qui change le cœur. L’ha-bit de la miséricorde, que Dieu nous offre sanscesse, est un don gratuit de son amour, c’est pré-cisément la grâce. Et il demande d’être accueilliavec étonnement et joie: «Merci, Seigneur, dem’avoir fait ce don».

    Que la Très Sainte Vierge Marie nous aide àimiter les serviteurs de la parabole évangéliquepour sortir de nos schémas et de nos vues étroi-tes, en annonçant à tous que le Seigneur nous in-vite à son banquet, pour nous offrir la grâce quisauve, pour nous offrir son don.

    A l’issue de l’Angelus, le Pape a ajouté les parolessuivantes:Chers frères et sœurs!Je désire exprimer ma proximité aux populationsfrappées par les incendies qui dévastent tant derégions de la planète, ainsi qu’aux bénévoles etaux pompiers qui risquent leur vie pour éteindreles feux. Je pense à la côte ouest des Etats-Unis,en particulier à la Californie, et je pense égale-ment aux régions centrales d’Amérique du Sud, à

    la zone du Pantanal au Paraguay, aux rives dufleuve Paraná, à l’Argentine. De nombreux incen-dies sont causés par la sécheresse persistante, maisceux provoqués par l’homme ne manquent pas.Que le Seigneur soutienne ceux qui souffrent desconséquences de ces catastrophes et nous rendeattentif à la sauvegarde de la création.

    J’ai apprécié qu’entre l’Arménie et l’Azerbaïd-jan un cessez-le-feu pour motifs humanitaires aitété établi, en vue de parvenir à un accord de paixplus large. Bien que la trêve se démontre trop fra-gile, j’encourage sa reprise et j’exprime ma partici-pation à la douleur pour la perte de vies humai-nes, pour les souffrances endurées, ainsi que pourla destruction des habitations et des lieux deculte. Je prie et j’invite à prier pour les victimes etpour tous ceux dont la vie est en danger.

    Hier, à Assise, a été béatifié Carlo Acutis, ungarçon âgé de quinze ans, amoureux de l’Eucha-ristie. Il ne s’est pas contenté d’un immobilismeconfortable, mais il a saisi les besoins de sontemps, car il voyait le visage du Christ dans lesplus faibles. Son témoignage indique aux jeunesd’a u j o u rd ’hui que le vrai bonheur se trouve enmettant Dieu à la première place et en le servantchez nos frères, en particulier les derniers. Un ap-plaudissement pour le nouveau jeune bienheureuxmillennial!

    Je voudrais rappeler l’intention de prière quej’ai proposée pour ce mois d’octobre, qui ditainsi: «Prions pour que les fidèles laïcs, en parti-culier les femmes, participent davantage aux insti-tutions de responsabilité de l’Eglise». Car aucund’entre nous n’a été baptisé prêtre ou évêque:nous avons tous été baptisés laïcs et laïques. Leslaïcs sont les protagonistes de l’Eglise. Au-j o u rd ’hui, il est nécessaire d’élargir les espacesd’une présence féminine plus incisive dans l’Egli-se, et d’une présence laïque, bien sûr, mais ensoulignant l’aspect féminin, car généralement lesfemmes sont mises de côté. Nous devons promou-voir l’intégration des femmes dans les lieux oùl’on prend des décisions importantes. Prions afinque, en vertu du baptême, les fidèles laïcs, en par-ticulier les femmes, participent davantage dans lesinstitutions de responsabilité de l’Eglise, sanstomber dans les cléricalismes qui annihilent lecharisme laïc et qui détériorent également le visa-ge de notre Sainte Mère l’Eglise.

    Dimanche prochain, 18 octobre, la Fo n d a t i o nAide à l’Eglise en détresse promeut l’initiative:«Pour l’unité et la paix, un million d’enfants réci-tent le Rosaire». J’encourage cette belle manifes-tation à laquelle participent des enfants du mon-de entier, qui prieront spécialement pour les situa-tions critiques causées par la pandémie.

    Je vous salue tous, Romains et pèlerins de di-vers pays: familles, groupes paroissiaux, associa-tions et fidèles individuels. Je souhaite à tous unbon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas deprier pour moi. Bon déjeuner et au revoir!

    Intention de prière pour octobre

    Plus de responsabilitéspour les femmes

    dans l’Eglise

    L’intention de prière du mois d’octobre con-tenue dans la vidéo du Réseau mondial deprière du Pape diffusée sur le site www.the-popevideo.org, vise à «élargir les espacespour une présence féminine plus incisivedans l’Eglise». «Personne n’a été baptiséprêtre ni évêque», affirme au début le Pape,en expliquant que «nous avons tous étébaptisés laïcs». Et à ce propos, il observeque les «laïcs, hommes et femmes, sont lesprotagonistes de l’Eglise». Une présence quitoutefois, devrait mettre davantage «l’accentsur la présence féminine car les femmes sontgénéralement laissées de côté». D’oùl’exhortation du Pape Bergoglio à prier afin«qu’en vertu du baptême, les fidèles laïcs,en particulier les femmes, participent plusaux instances de responsabilité de l’Eglise,sans tomber dans un cléricalisme qui annihi-lerait le charisme des laïcs».

    La vidéo s’ouvre sur deux femmesachètant «L’Osservatore Romano», un jour-nal où les femmes ont leur place et offrentleur contribution à la réflexion et au débatsur les thèmes de la foi et du magistère, endialogue avec la société. Pour cette raison,le journal du Saint-Siège a été choisi comme«témoin» pour la vidéo qui a pour thème:«Des femmes dans des postes de responsa-bilité dans l’Eglise». Défilent ensuite des vi-sages de femmes qui travaillent au Vatican,se passant des copies du journal. La vidéo,réalisée en collaboration avec le dicastèrepour les laïcs, la famille et la vie, met enscène des femmes dans des postes de direc-tion au Saint-Siège, dans les médias du Va-tican et dans les bureaux de la Curie romai-ne et se conclut par la demande de Françoisde «promouvoir l’intégration des femmesdans les divers lieux où se prennent les déci-sions importantes».

  • page 4 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 13 octobre 2020, numéro 41

    Messe du Pape pour la gendarmerie

    Votre autorité est dans le serviceDans l’après-midi du samedi 26 septembre, le PapeFrançois a célébré la Messe à l’autel de la Chaire dela basilique vaticane, pour le corps de la gendarmeriedu Vatican, à l’occasion de la fête de leur patron,saint Michel Archange. Voici l’homélie improvisée parle Pape.Les lectures de ce dimanche nous parlent de laconversion. La conversion du cœur; conversionqui veut dire «changer de vie», c’est-à-dire que lecœur qui n’est pas sur le bon chemin trouve unbon chemin.

    Mais ce n’est pas seulement notre conversion:c’est aussi la conversion de Dieu. «Si le méchantse détourne de sa méchanceté — avons-nous en-tendu dans la première lecture — pour pratiquerle droit et la justice, il sauvera sa vie. Il a ouvertles yeux et s’est détourné de ses crimes. C’est cer-tain, il vivra, il ne mourra pas» (Ez 18, 27-28). Leméchant se convertit. Disons-le plus simplement:le pécheur se convertit et Dieu se convertit aussipour lui au pécheur. La rencontre avec Dieu, laconversion, est des deux côtés; tous deux cher-chent à se rencontrer. Le pardon n’est pas seule-ment d’aller là-bas, de frapper à la porte et de di-re: «Pardonne-moi», et on te répond à l’inter-phone: «Je te pardonne. Va-t’en!». Le pardon esttoujours une étreinte de Dieu. Mais Dieu marche,comme nous marchons pour nous rencontrer.

    Tel est le pardon de Dieu, la façon de se con-vertir. «Mais moi, comment irai-je à Dieu? Je suistellement pécheur!». C’est cela que Dieu veut:que tu ailles, que tu ailles à Lui. Qu’a fait le pèredu fils prodigue? — celui qui s’en est allé avecl’argent et qui a dépensé sa fortune dans le vice.Qu’a fait son père? Quand il a vu son fils revenir— parce que le fils avait senti qu’il devait retour-ner chez son père; il devait y retourner par néces-sité, mais le fils a quand même fait le pas —, lepère, qui était sur la terrasse, est descendu tout desuite et il est allé à la rencontre de son fils. Il nel’a pas attendu à la porte en le pointant du doigt,il l’a serré dans ses bras! Et quand le fils a parlépour demander pardon, cette étreinte lui a ôté lesparoles de la bouche. C’est cela la conversion.C’est cela l’amour de Dieu. C’est un chemin derencontre réciproque.

    Et sur ce point, je voudrais souligner: un cœurqui est toujours ouvert à la rencontre avec Dieu —c’est cela, la conversion, être ouvert à la rencontreavec Dieu —, quel est le modèle? Le modèle, c’estcelui de l’Evangile, du riche, du pauvre, le mo-dèle c’est Jésus Christ. Il est sorti à notre rencon-tre. Nous avons entendu la seconde lecture:«Ayez en vous les dispositions qui sont dans leChrist Jésus: Le Christ Jésus, ayant la conditionde Dieu — Jésus était Dieu —, ne retint pas jalou-

    sement le rang qui l’égalait à Dieu — à savoir, res-ter là —. Mais il s’est anéanti, prenant la conditionde serviteur, devenant semblable aux hommes.[…] Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à lamort, et la mort sur la croix» (Ph 2, 5-8).

    Le chemin de la conversion, c’est de s’a p p ro -cher, c’est la proximité, mais une proximité quiest service. Et ce mot fait que je m’adresse à vous,chers frères gendarmes. Chaque fois que vousvous approchez pour servir, vous imitez JésusChrist. Chaque fois que vous faites un pas pourmettre de l’ordre, pensez que vous êtes en trainde rendre un service, que vous faites une conver-sion qui est un service. Et de la manière dontvous le ferez, vous ferez du bien aux autres. Etc’est pourquoi je tiens à vous remercier. Votre ser-vice est une double conversion: votre conversion— comme celle de Jésus Christ —, abandonner vo-tre confort, abandonner… «Je vais servir»; et l’au-tre conversion, celle de l’autre, qui ne se sent paspuni d’emblée, mais écouté, rétabli, avec l’humili-té de Jésus. Ainsi, Jésus vous demande d’ê t recomme Lui: forts, disciplinés, mais humbles etserviteurs.

    Une fois, j’ai entendu un homme âgé qui disaità propos de son fils qui criait après ses enfants:«Mon fils n’a pas compris que, chaque fois qu’ilcrie après ses enfants, il perd son autorité». Votreautorité est dans le service: mettre des limites, fai-re en sorte que les choses se fassent, mais dans leservice, dans la charité, dans l’amabilité. Et c’estune grande vocation qui est la vôtre. Pour moi, ceserait une grande tristesse si quelqu’un me disait:«Non, votre corps de la gendarmerie,… ce sontdes salariés, des employés, qui font leurs horaireset qui ne sont pas intéressés…». Non, non. Cen’est pas le chemin pour se convertir et faire seconvertir les autres. Votre chemin est celui du ser-vice, comme le père qui va trouver son fils, com-me le frère qui voit quelque chose et qui dit:«Non, cela ne se fait pas, cela ne va pas». Tel estle chemin, mais dit avec le cœur, dit avec humili-té, dit avec proximité.

    Dans l’Evangile, la Bible dit que Jésus étaittoujours avec les pécheurs, avec les malfaiteursmême, mais ils se sentaient proches de Jésus, ilsne se sentaient pas jugés. Mais Jésus n’a jamaisdit un mensonge. Non: «La vérité est celle-ci, lechemin, est celui-ci». Mais il le disait avec amabi-lité, il le disait avec le cœur, il le disait comme unf r è re .

    Merci pour votre service. Merci, parce que jevois que votre service va sur ce chemin. Parfois,quelqu’un peut glisser un peu, mais dans la vie,qui ne glisse pas? Tout le monde! Mais nous nousrelevons: «Je n’ai pas bien agi, mais mainte-nant…». Toujours reprendre ce chemin pour laconversion des personnes aussi pour notre propreconversion. Dans le service, on ne se trompe ja-mais, parce que le service est amour, il est charité,il est proximité. Le service est le chemin que Dieua choisi en Jésus Christ pour nous pardonner,pour nous convertir.

    Merci pour votre service et allez de l’avant,toujours avec cette proximité humble mais forteque nous a enseignée Jésus Christ. Merci.

    Le discours de François à l’Inspectorat de la sécurité publique du Vatican

    Un signe de la collaboration fructueuseentre l’Italie et le Saint-Siège

    «Un chemin sous le signe de la collaborationfructueuse entre l’Italie et le Saint-Siège»: c’estainsi que le Pape a défini les 75 ans d’activité del’Inspectorat de la sécurité publique du Vatican, enrecevant — dans la matinée du 28 septembre,dans la salle Paul VI — les dirigeants, lesfonctionnaires et les agents, avec leurs familles.

    Chers frères et sœurs!Je suis heureux de rencontrer la grande famillede l’Inspectorat de la sécurité publique du Vatican,qui célèbre le 75e anniversaire de son institu-tion. Je vous salue tous affectueusement: diri-geants, fonctionnaires, agents, ainsi que vos fa-milles. J’adresse mes pensées respectueuses àMadame la ministre de l’intérieur, que je re-mercie pour ses paroles, ainsi qu’au chef de lapolice. Et je voudrais vous remercier égalementparce cela a été beau pour moi d’entrer dans lasalle, avec la nostalgie de l’automne de BuenosAires [le Pape fait ici référence à une partitionde musique jouée par l’orchestre de la police].M e rc i !

    En faisant mémoire de la fondation de cetInspectorat, il vient spontanément de remercier

    le Seigneur pour ces 75 années d’histoire etpour l’œuvre de tant d’hommes et de femmesde la police d’Etat italienne. Dans le sillage dulien profond qui existe entre le Saint-Siège etl’Italie, ils ont accompli avec compétence etpassion une mission qui trouve son originedans les Accords du Latran en 1929. En effet,en ratifiant la naissance de l’Etat de la Cité duVatican, ces accords prévoyaient un régimeparticulier pour la place Saint-Pierre, avec unlibre accès pour les pèlerins et les touristes etsous la surveillance des autorités italiennes.

    Si l’on regarde en arrière, on voit que l’origi-ne de l’Inspectorat de la sécurité publique duVatican est situé dans un contexte de précaritéet d’urgence nationale, lorsque les forces politi-ques et sociales étaient engagées dans la reprisedémocratique. C’est en mars 1945 que s’estconcrétisé le projet de donner une autonomieet une configuration juridique à ce service dela police. Le ministère de l’intérieur, guidé parle président du conseil des ministres, IvanoeBonomi, institua le Bureau spécial de la sécurité

    SUITE À LA PA G E 5

  • numéro 41, mardi 13 octobre 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 5

    Le Pape encourage le Cercle de Saint-Pierre dans le service envers les nouveaux pauvres frappés par la pandémie

    Un cœur qui voit, des mains qui fontIl y besoin d’un «cœur qui voit et des mains quifont» pour lutter contre «les effets de la pandémie»qui «seront terribles»: ce sont les paroles de Françoisaux membres du Cercle de Saint-Pierre reçus enaudience dans la matinée du vendredi 25 septembre,dans la salle Clémentine, à l’occasion de la remiseannuelle du Denier de Saint-Pierre recueilli dans leséglises de Rome pour la charité du Pape.

    Chers membres du Cercle de Saint-Pierre,bienvenus!Je remercie le nouveau président de l’asso ciation,le marquis Niccolò Sacchetti, pour les aimablesparoles qu’il m’a adressées, et je lui souhaite toutle bien possible pour cette nouvelle charge.

    Votre devise est: «Prière – Action – Sacrifice».Ces mots représentent les trois principes-char-nières sur lesquels se fonde la vie de l’asso ciation.Lors de notre rencontre de l’année dernière, j’aicentré ma réflexion sur le premier: la prière(cf. Discours aux membres du Cercle de Saint-Pierre,19 février 2019). Cette année, en revanche, je vou-drais m’arrêter sur l’action.

    La pandémie, avec l’exigence de la distancia-tion interpersonnelle, vous a demandé de repenserles modalités concrètes des œuvres caritatives quevous réalisez au quotidien en faveur des pauvresde Rome. Aux besoins des personnes que vousservez habituellement, s’est ajoutée la nécessité derépondre aux urgences de nombreuses familles,qui se sont trouvées du jour au lendemain en dif-ficultés économiques. Et il ne faut pas s’effrayer:il y en aura encore, encore et encore, car les effetsde la pandémie seront terribles.

    A une situation exceptionnelle, nous ne pou-vons pas donner une réponse habituelle, mais uneréaction nouvelle, différente, est demandée. Pourcela, il faut avoir un cœur qui sache «voir» lesblessures de la société et des mains créatives dansla charité à l’œuvre. Un cœur qui voit et desmains qui font. Ces deux éléments sont impor-tants afin qu’une action caritative puisse être tou-jours féconde.

    En premier lieu, il est urgent d’identifier lesnouvelles formes de pauvreté dans la ville en rapi-de transformation. La pauvreté, d’ordinaire, estpudique il faut aller la découvrir là où elle est…Les nouvelles formes de pauvreté, vous le savezbien, sont nombreuses: pauvretés matérielles, pau-

    vretés humaines, pauvretés sociales. C’est à nousque revient la tâche de les voir avec les yeux ducœur. Il faut savoir regarder les blessures humainesavec le cœu r, pour «prendre à cœur» la vie del’autre. Ainsi, ce dernier n’est plus seulement unétranger qui a besoin d’aide mais, avant tout, unfrère, un frère mendiant d’amour. Et c’est seule-ment quand nous prenons quelqu’un à cœur, quenous pouvons répondre à cette attente. C’est l’ex-périence de la miséricorde: m i s e r i - c o r - d a re , donnerson cœur aux miséreux.

    Notre monde, comme l’observait saint Jean-Paul II il y a quarante ans, «ne laisse pas de pla-ce, semble-t-il, à la miséricorde» (Enc. Dives inm i s e r i c o rd i a , n. 2). Chacun de nous est appelé àchanger de cap. Et c’est possible si nous nouslaissons toucher personnellement par la puissance

    tentifs et prêts à répondre avec audace aux be-soins des pauvres. Ne vous lassez pas de deman-der cette grâce à l’Esprit Saint dans la prière per-sonnelle et communautaire.

    Je vous remercie parce que vous êtes l’e x p re s -sion concrète de la charité du Pape qui prendsoin des pauvretés de Rome. Des pauvres et despauvretés. Et je vous suis reconnaissant pour leDenier de Saint-Pierre que vous recueillez chaqueannée dans les églises de la ville et que vous m’of-frez aujourd’hui.

    Je vous confie, ainsi que vos proches et toutesles personnes que vous assistez quotidiennement,à Marie, Salus Populi Romani, et à l’i n t e rc e s s i o ndes saints patrons de Rome, Pierre et Paul. Et jevous demande de continuer à prier pour moi.M e rc i .

    publique «San Pietro».Ainsi se renforça et devint plus efficace le servi-

    ce rendu depuis longtemps par les forces de poli-ce sur la place Saint-Pierre et dans les zones limi-trophes du Vatican. L’occupation de Rome parles troupes allemandes en 1943 avait créée denombreuses difficultés et préoccupations: le pro-blème s’était posé du respect par les soldats alle-mands de la neutralité et de la souveraineté de laCité du Vatican, ainsi que de la personne duPape. Pendant neuf mois, la frontière entre l’Etatitalien et la Cité du Vatican, tracée sur les pavésde la place Saint-Pierre, avait été un lieu de ten-sions et de craintes. Les fidèles ne pouvaient pasaccéder facilement à la basilique pour prier, etainsi un grand nombre y renonçait.

    Finalement, Rome fut libérée le 4 juin 1944,mais la guerre laissa des blessures profondes dansles consciences, des décombres dans les rues, lapauvreté et des souffrances dans les familles. Telest le fruit de la guerre. Les Romains, et les pèle-rins qui pouvaient se rendre dans la capitale, ac-couraient toujours plus nombreux à Saint-Pierre,également pour exprimer leur gratitude au Pape

    SUITE DE LA PA G E 4

    Discours à l’Inspectorat de la sécurité publique du Vatican

    Pie XII, proclamé «defensor Civitatis». Le nouveaubureau de la police d’Etat auprès du Vatican étaitainsi en mesure de répondre de manière adaptéeaux nouvelles exigences et de rendre un serviceimportant à l’Italie comme au Saint-Siège.

    A partir de l’institution de ce bureau, qui eutd’autres noms avant celui d’a u j o u rd ’hui, un che-min s’est ouvert sous le signe de la collaborationfructueuse entre l’Italie et le Saint-Siège, et entrel’Inspectorat et les organismes du Vatican prépo-sés à l’ordre public et à la sécurité du Pape. Bienque les scénarios nationaux et internationaux, ain-si que les exigences de la sécurité, aient changé,l’esprit avec lequel les hommes et les femmes del’Inspectorat ont accompli leur travail apprécién’a pas changé.

    Chers fonctionnaires et agents, je vous remerciebeaucoup pour votre précieux service, qui se ca-ractérise par le zèle, le professionnalisme et l’es-prit de sacrifice. J’admire surtout la patience dontvous faites preuve à l’égard de personnes de pro-venances et de cultures différentes et — p ermettez-moi de le dire — à l’égard des prêtres! Ma recon-naissance s’étend également à votre engagementpour m’accompagner lors de mes déplacements àRome et lors de mes visites dans des diocèses ou

    communautés en Italie. Un travail difficile, quirequiert discrétion et équilibre, pour faire en sorteque les itinéraires du Pape ne perdent pas leur ca-ractère spécifique de rencontre avec le Peuple deDieu. Encore une fois, je vous suis reconnaissantde tout cela.

    Puisse l’Inspectorat de la sécurité publique du Va-tican continuer d’œuvrer selon sa lumineuse his-toire, en sachant tirer de celle-ci des fruits nou-veaux et abondants. Je suis certain que travaillerdans ce lieu représente pour vous un rappel cons-tant à des valeurs plus élevées: ces valeurs humai-nes et spirituelles qui, chaque jour, doivent êtreaccueillies et dont il faut témoigner. Je forme levœu que vos efforts, souvent accomplis avec sacri-fices et risques, soient animés par une foi chré-tienne vivante: elle est le trésor spirituel le plusprécieux, que vos familles vous ont confié et quevous êtes appelés à transmettre à vos enfants.

    Que le Seigneur vous récompense comme luiseul sait le faire. Que votre patron saint MichelArchange vous protège et que la Vierge Marieveille sur vous et sur vos familles. Et que ma bé-nédiction vous accompagne aussi. Et s’il vousplaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

    de la miséricorde de Dieu. Le lieuprivilégié pour faire cette expé-rience est le sacrement de la ré-conciliation. En présentant au Sei-gneur nos pauvretés, nous sommesenveloppés par la miséricorde duPère. Et c’est cette miséricordeque nous sommes appelés à vivreet à donner. Elle vient toujours deDieu, pour nous et pour les au-t re s .

    Après avoir vu les plaies de laville où nous vivons, la miséricor-de nous invite à avoir «de l’imagi-nation» dans les mains. C’est ceque vous avez fait en ce temps depandémie, et tellement! Ayant ac-cepté le défi de répondre à une si-tuation concrète, vous avez suadapter votre service aux nou-veaux besoins imposés par le vi-rus. J’aime également rappeler unpetit-grand geste que le groupe dejeunes du Cercle a accompli en-vers les membres plus âgés: unetournée d’appels téléphoniquespour voir si tout allait bien etpour leur tenir un peu compagnie.C’est l’imagination de la miséri-c o rd e .

    Je vous encourage à continuervos œuvres de charité avec enga-gement et avec joie, toujours at-

  • page 6 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 13 octobre 2020, numéro 41

    Message du Pape pour le centenaire de l’approbation canonique de la congrégation de Saint-Michel Archange

    A l’écoute des enfants et des jeunesexclus par la société

    Une exhortation à poursuivre «les œuvres en faveurdes enfants» et des jeunes «pauvres et abandonnés»a été adressée par le Pape à la congrégation deSaint-Michel Archange qui célèbre le centenaire deson approbation canonique. Nous publions ci-dessousle texte du message envoyé en cette circonstance ausupérieur général et rendu public le dimanche 27septembre, dans lequel François rappelle le lien entrele fondateur — le bienheureux polonais BronislaoMarkiewicz — et don Bosco.

    Au père Dariusz Wilk, C.S.M.A.supérieur général de la congrégation

    de Saint-Michel ArchangeJe désire m’unir spirituellement à vous et à vosconfrères, en vue du centenaire de l’a p p ro b a t i o nde votre congrégation que vous vous apprêtez àcélébrer par une année jubilaire. Cette circonstan-ce significative m’offre la possibilité de m’unir àvotre action de grâce au Seigneur pour les mer-veilles qu’Il a accomplies à travers l’œuvre de vo-tre institut. En même temps, je souhaite vous en-courager à continuer avec conviction, joie et unefidélité renouvelée sur le chemin tracé par votrefondateur, le bienheureux Bronislao Markiewicz.De même que le grain de moutarde de l’Evangile,jeté en terre, pousse et devient un grand arbre etune demeure pour les oiseaux du ciel (cf. Lc 13,18-19), ainsi l’œuvre de ce prêtre zélé du diocèsede Przemyśl, semée tout d’abord dans la terre dePologne, continue de porter des fruits, à traversvotre service, dans de nombreux pays sur les dif-férents continents.

    La Providence divine a planté cette semencedans la vie du père Markiewicz, qui l’a toutd’abord cultivée à travers son expérience de viereligieuse dans la congrégation salésienne et danssa relation amicale et directe avec saint Jean Bos-co. Revenu d’Italie en Pologne comme premiersalésien, il a continué les semailles à travers lesœuvres au profit des enfants pauvres et abandon-nés, en rassemblant autour d’eux des hommes etdes femmes, collaborateurs du premier noyau desbranches masculine et féminine des futures con-grégations de Saint-Michel Archange. Il est morten 1912, quelques années avant que l’institut reli-gieux, qu’il avait tant désiré, ne soit officiellementapprouvé, le 29 septembre 1921 par celui qui étaitalors l’archevêque de Cracovie, Mgr Adam StefanSapieha. Toutefois, l’héritage spirituel du fonda-teur a été vécu avec ardeur apostolique par ses filsau cours de ces 100 ans, et ils l’ont adapté avecsagesse à la réalité et aux nouvelles urgences pas-torales, même au prix du don suprême de leurvie, comme en témoigne le martyre de vos bien-heureux Ladislao Błądziński et Adalberto Niery-chlewski.

    Votre charisme, plus que jamais actuel, se ca-ractérise par l’attention aux enfants pauvres, or-phelins et abandonnés, dont personne ne veut etqui sont souvent considérés comme le rebut de lasociété. Tout en me félicitant de tout ce que vousavez fait pendant ces décennies en faveur de l’en-fance abandonnée, je vous invite à poursuivreavec un enthousiasme renouvelé votre engage-ment éducatif auprès de ceux que souvent person-

    ne ne veut accueillir ni défendre, à travers les éco-les, les oratoires, les maisons familiales, les foyersd’accueil et les autres institutions d’aide et de for-mation. L’éducation humaine et chrétienne, sur-tout à l’égard des pauvres et dans les lieux où,pour différentes raisons, elle fait défaut et n’estpas suffisamment garantie par la société, est leplus grand don qu’a u j o u rd ’hui encore vous êtesappelés à offrir aux enfants et aux jeunes aban-donnés. Ils ont sans cesse besoin de formateursqui les guident avec amour paternel et bontéévangélique dans leur croissance humaine et reli-gieuse. A cet égard, j’aime rappeler les paroles parlesquelles votre fondateur résumait sa mission:«Je voudrais recueillir des millions d’enfants or-phelins de toutes les nations et de toutes les racespour les conduire à Dieu» (Lettre à mère Isabelle,11 avril 1910, in: Epistulae, V, p. 91).

    A u j o u rd ’hui, les plus démunis ont non seule-ment le visage de ceux qui vivent dans le dénue-ment matériel, mais qui sont souvent esclaves desconditionnements modernes et des dépendances.C’est pourquoi votre institut est appelé à consa-crer tous ses soins et son attention aux jeunes etaux réalités sociales exposées au danger du mal etde l’éloignement de Dieu. Un autre domained’apostolat important que vous cultivez et que jevous exhorte à poursuivre, est la pastorale à tra-vers la parole imprimée. La Maison d’édition Mi-chalineum et les deux périodiques: Tempérance etTravail et Qui est comme Dieu, ne sont pas seule-ment l’héritage de votre fondateur, mais ils consti-tuent de précieux moyens de communication so-ciale qui, adaptés aux exigences actuelles et enri-chis de la technologie moderne, peuvent rejoindreun grand nombre de personnes, produisant des

    et abattre les murs de l’indifférence. Sur le che-min d’une fidélité renouvelée au charisme, nemanquez pas de faire référence aux paroles qui aucours de ces cent ans ont éclairé le chemin de vo-tre congrégation méritoire: le cri victorieux desaint Michel Archange, «Qui est comme Dieu!»,qui préserve l’homme de l’égoïsme et le principede «Tempérance et travail», qui indique les moda-lités à suivre dans la réalisation de votre charisme.Une cohérence de vie s’inspirant de ces valeursrendra votre œuvre apostolique crédible et atti-rante, suscitant également de nouvelles vocations.Dans cette perspective, je souhaite que votre fa-mille religieuse puisse poursuivre la diffusion del’apostolat de saint Michel Archange, puissantvainqueur des puissances du mal, en y voyant unegrande œuvre de miséricorde pour l’âme et pourle corps.

    Que votre adhésion fidèle au Christ et à sonEvangile resplendisse dans les différents domainesde votre service ecclésial. Que la Sainte Vierge etl’Archange Michel vous protègent et soient desguides sûrs sur le chemin de votre congrégation,afin qu’elle puisse mener à leur terme tous sesprojets de bien. Avec ces vœux, en vous assurantde mon souvenir dans la prière pour chacun devous et pour les initiatives de votre année jubilai-re, je vous donne de tout cœur ma Bénédiction,que j’étends volontiers à ceux que vous rencontrezdans votre apostolat quotidien.

    Fait à Rome, à Saint-Jean-de-Latran,le 29 juillet 2020

    fruits de bien dans l’esprit et laconscience des gens.

    En votre année jubilaire, puis-se chacun de vous se mettre do-cilement à l’écoute de l’EspritSaint et se laisser façonner parLui pour renouveler la commu-nion fraternelle nécessaire envue d’une mission toujours plusféconde. Ne vous lassez pas devous mettre à l’écoute du «cri»que les enfants et les jeunes sansdéfense portent gravés dans leurregard, en devenant pour euxdes porteurs d’espoir et d’a v e n i r.N’oubliez pas que «Jésus veutque nous touchions la misèrehumaine, que nous touchions lachair souffrante des autres. Il at-tend que nous renoncions àchercher ces refuges personnelsou communautaires qui nouspermettent de nous maintenir àdistance du nœud du drame hu-main, afin que nous acceptionsvraiment d’entrer en contactavec l’existence concrète des au-tres et que nous connaissions laforce de la tendresse» (Exhort.ap. Evangelium gaudium, n. 270).En vivant ainsi, vous serez devrais témoins du Christ et desdéfenseurs des hommes. Lestemps actuels ont besoin de per-sonnes consacrées qui sachentregarder toujours davantage lesnécessités des derniers et qui necraignent pas de mettre en actele charisme de leur institut dansles hôpitaux de campagne mo-dernes.

    Pour atteindre cet objectifapostolique, il faut être deshommes de communion, dépas-ser les frontières, créer des ponts

    Le Guerchin, «Saint Michel archange» (1664)

  • numéro 41, mardi 13 octobre 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 7

    Audience aux nouvelles recrues de la Garde suisse pontificale

    Les jeunes doivent éviter le risque du «saccage» spirituelAu j o u rd ’hui, de nombreux jeunes courent le risqued’un «“saccage” spirituel... lorsqu’ils suivent desidéaux et des modes de vie qui répondent seulement àdes désirs et à des besoins matériels». C’est ce qu’adit le Pape François aux nouvelles recrues de laGarde suisse pontificale, reçues en audience avec leursfamilles dans la matinée du vendredi 2 octobre, dansla salle Clémentine.

    Monsieur le commandant,Monsieur le chapelain,Chers officiers et membres de la Garde suisse!Je suis heureux de vous rencontrer à l’occasion devotre jour de fête. J’adresse un salut cordial auxnouvelles recrues qui, suivant l’exemple de beau-coup de leurs compatriotes, ont choisi de consa-crer un temps de leur jeunesse au service du Suc-cesseur de Pierre. La présence de vos familles ex-prime l’attachement des catholiques suisses au

    Saint-Siège, comme aussil’éducation morale et le bonexemple avec lesquels les pa-rents ont transmis généreuse-ment à leurs enfants la foichrétienne et le sens du servicegénéreux du prochain. Monsalut reconnaissant s’a d re s s eaussi aux représentants de laFondation pour la Garde suis-se pontificale.

    Cette journée m’offre l’o cca-sion de rappeler le passé illus-tre de votre Corps. On pense,en particulier, au «Sac de Ro-me» qui a vu les gardes suisses défendre coura-geusement le Pape jusqu’à donner leur vie. Quele souvenir de cet événement puisse évoquer envous le danger d’un «saccage» spirituel. Dans lecontexte social actuel, beaucoup de jeunes cou-rent le risque de se faire piller l’âme lorsqu’ils sui-vent des idéaux et des modes de vie qui répon-dent seulement à des désirs et à des besoins maté-riels.

    Mon vœu est que votre séjour à Rome consti-tue un temps favorable pour utiliser au mieuxtout le positif que cette ville peut vous offrir. Elleest riche d’histoire, de culture et de foi. Profitezdonc des occasions qui vous sont offertes pouraugmenter votre bagage culturel, linguistique etspirituel. Le temps que vous passerez ici est unmoment unique de votre existence: puissiez-vousle vivre dans un esprit de fraternité, en vous ai-dant les uns les autres à mener une vie riche desens et joyeusement chrétienne.

    Que le serment que vous allez prêter après-de-main soit aussi un témoignage de fidélité à votre

    vocation baptismale, c’est-à-dire au Christ quivous appelle à être des hommes et des chrétiensacteurs de votre existence. Avec son aide, et avecla force de l’Esprit Saint, vous affronterez sereine-ment les obstacles et les défis de la vie. N’oubliezpas que le Seigneur est toujours à vos côtés: jevous souhaite de tout cœur de toujours en ressen-tir la présence consolante.

    Je profite de cette occasion pour renouvelerl’expression de ma reconnaissance envers tout leCorps de la Garde suisse pontificale. Et je vousremercie non seulement pour ce que vous faites —qui est beaucoup — mais aussi pour la manièredont vous le faites. Sainte Thérèse de Calcutta di-sait qu’à la fin de la vie nous ne serons pas jugéssur toutes les choses que nous avons faites, maissur tout l’amour que nous aurons mis dans ceschoses.

    Je vous assure de ma prière à toutes vos inten-tions. Et vous aussi, s’il vous plaît, priez pourmoi. Je vous donne, de tout cœur, à chacun, laBénédiction apostolique.

    Message au Conseil consultatif féminin du Conseil pontifical de la culture

    Les femmes protagonistes d’une Eglise en sortie

    «A travers l’écoute et l’attention qu’elles manifestent àl’égard des besoins des autres, et avec une capacitéprononcée de soutenir des dynamiques de justice dansun climat de «chaleur domestique», dans les diversmilieux sociaux dans lesquels celles-ci œuvrent», les«femmes sont les protagonistes d’une Eglise ensortie». C’est ce qu’a souligné le Pape François dansun message aux participantes à un séminaire en ligne(«webinar»), qui s’est déroulé dans l’après-midi dumercredi 7 octobre à l’initiative du Conseil consultatifféminin du Conseil pontifical de la culture.

    Chères amies,Je suis heureux de vous adresser un salut cordial,vous qui formez le Conseil consultatif féminin duConseil pontifical de la culture, à l’occasion duséminaire «Les femmes lisent le Pape François: lectu-re, réflexion et musique», composé par une série derencontres qui commence, cette fois-ci, par lethème «Evangelii gaudium».

    Votre congrès d’a u j o u rd ’hui permet égalementde mettre en lumière la belle nouveauté que vousreprésentez au sein de la curie romaine; pour lapremière fois, un dicastère interpelle un groupede femmes, en les faisant devenir les protagonistesdes projets et des lignes culturelles qu’il dévelop-pe, et pas seulement pour s’occuper de questionsféminines. Votre conseil consultatif est composéde femmes engagées dans divers secteurs de la viesociale et porteuses de visions culturelles et reli-gieuses du monde qui, bien que différentes, con-vergent vers l’objectif de travailler ensemble dansun respect réciproque.

    Pour votre parcours de lecture, vous avez choisitrois de mes écrits: l’exhortation Evangelii gau-dium et, ensuite, l’encyclique Laudato si’ et le Do-

    cument sur la fraternité humaine pour la paix mon-diale et la coexistence commune; des écrits consacrés,respectivement, aux thèmes de l’évangélisation, dela création et de la fraternité. Ce sont des choixsignificatifs, dans lesquels se reflète l’esprit duconseil consultatif, une riche diversité qui sait tra-vailler en cherchant dans le dialogue les pointsd’accord et d’entente.

    Il faut également noter le fait que le congrèsest placé sous l’enseigne d’une grande femme,proclamée docteur de l’Eglise en 2012: sainte Hil-degarde de Bingen. Elle aussi, comme saint Fran-çois d’Assise, a composé un hymne harmonieuxdans lequel elle chante et loue le Seigneur de etdans la création. Hildegarde unifie la connaissan-ce scientifique et la spiritualité; et depuis milleans — en vraie maîtresse — elle lit, commente, créeet enseigne aux femmes et aux hommes. Elle abrisé le moule de son époque, qui empêchait lesfemmes d’étudier et d’entrer dans une biblio-thèque et, en tant qu’abbesse, elle le demandeégalement pour ses consœurs. Elle apprend lechant et elle compose de la musique, qui pour el-le était une vague capable de la conduire vers lehaut, jusqu’à Dieu. Pour elle, la musique n’étaitpas seulement art ou science, elle était égalementl i t u rg i e .

    A présent, avec cette rencontre, vous voulezcréer un dialogue entre intellect et spiritualité, en-tre unité et diversité, entre musique et liturgie,avec un objectif fondamental, c’est-à-dire l’amitiéet la confiance universelles. Et vous le faites avecune voix féminine qui veut aider à guérir, dans unmonde malade. Votre parcours de lecture pourraoffrir une vision particulière sur le thème de laconfrontation sociale et culturelle comme contri-bution à la paix, car les femmes ont le don d’ap-

    porter une sagesse qui sait panser les blessures,pardonner, réinventer et renouveler.

    Dans l’histoire du salut, c’est une femme quiaccueille le Verbe; et ce sont également les fem-mes qui conservent la petite flamme de la foidans la nuit obscure, qui attendent et qui annon-cent la Résurrection. La réalisation joyeuse etprofonde de la femme est centrée sur ces deux ac-tes: accueil et annonce. Les femmes sont les pro-tagonistes d’une Eglise en sortie, à travers l’écouteet l’attention qu’elles manifestent à l’égard des be-soins des autres, et avec une capacité prononcéede soutenir des dynamiques de justice dans unclimat de «chaleur domestique», dans les diversmilieux sociaux dans lesquels celles-ci œu v re n t .Ecoute, méditation, action aimante: ce sont leséléments constitutifs d’une joie qui se renouvelleet se communique aux autres, à travers le regardféminin, dans la sauvegarde de la création, dansla gestation d’un monde plus juste, dans la créa-tion d’un dialogue qui respecte et valorise les dif-f é re n c e s .

    Je vous souhaite d’être des porteuses de paix etde renouveau. Je vous souhaite d’être une présen-ce qui, avec humilité et courage, sait comprendreet accueillir la nouveauté et engendrer l’esp éranced’un monde fondé sur la fraternité. Je vous ac-compagne dans mon souvenir priant à Dieu, et jevous demande, s’il vous plaît, de le faire égale-ment pour moi. Merci!

    Fait à Rome, à Saint-Jean-de-Latran,le 1er octobre 2020,

    Mémoire de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

    FRANÇOIS

  • page 8 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 13 octobre 2020, numéro 41

    Audience à Moneyval

    Non à l’idolâtrie de l’a rg e n tet à la dictature de l’économie

    Un nouvel appel à destiner les dépenses pour lesarmes au développement des pays et à réagircontre l’idolâtrie de l’argent et la dictature del’économie a été lancé par le Pape François lorsde la rencontre avec le comité d’experts duConseil de l’Europe (Moneyval), reçus enaudience dans la bibliothèque privée, dans lamatinée du jeudi 8 octobre.

    Chers frères et sœurs,Je vous souhaite la bienvenue à l’occasion devotre visite, en qualité d’experts du Conseil del’Europe pour l’évaluation des mesures contrele recyclage et le financement du terrorisme.Je remercie le président de l’autorité d’infor-mation financière pour ses paroles courtoises.

    Le travail que vous accomplissez en relationavec ce double objectif me tient particulière-ment à cœur. En effet, il est étroitement lié àla protection de la vie, à la coexistence paci-fique du genre humain sur la terre et à une fi-nance qui n’opprime pas les plus faibles et lesindigents: tout est lié.

    Comme je l’ai écrit dans l’exhortation apos-tolique Evangelii gaudium, je considère néces-saire de repenser notre relation à l’a rg e n t(cf. n. 55). En effet, dans certains cas, il sem-ble que l’on ait accepté la prédominance del’argent sur l’homme. Parfois, pour accumulerdes richesses, on ne contrôle pas sa provenan-ce, les activités plus ou moins licites qui sontà son origine et les logiques d’exploitation quipeuvent lui être sous-jacente. Ainsi, il arriveque dans certains milieux l’on touche de l’a rg e n tet que l’on se salisse les mains de sang, du sangde nos frères. Ou bien encore, il peut arriverque des ressources financières soient destinéesà semer la terreur, pour affirmer l’hégémoniedu plus fort, du plus violent, de celui qui sa-crifie la vie de son frère sans scrupules pouraffirmer son propre pouvoir.

    Saint Paul VI proposa que soit constitué,avec l’argent employé dans les armes et dansd’autres dépenses militaires, un fonds mondialpour venir en aide aux plus déshérités (Lett.enc. Populorum progressio, n. 51). J’ai repriscette proposition dans l’encyclique Fratelli tut-ti, en demandant que, plutôt que d’investirsur la peur, sur la menace nucléaire, chimiqueou biologique, l’on utilise ces ressources «envue d’éradiquer une bonne fois pour toutes lafaim et pour le développement des pays lesplus pauvres, de sorte que leurs habitants nerecourent pas à des solutions violentes outrompeuses ni n’aient besoin de quitter leurspays en quête d’une vie plus digne» (n. 262).

    Le magistère social de l’Eglise a souligné lecaractère erroné du «dogme» néolibéraliste(cf. ibid., n. 168) selon lequel l’ordre écono-mique et l’ordre moral seraient si disparates etsi étrangers l’un à l’autre, que le premier nedépendrait en aucune manière du second(cf. Pie XI, Lett. enc. Quadragesimo anno,n. 190). En relisant cette affirmation à la lu-mière des temps actuels, on constate que«l’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32,1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable ver-sion dans le fétichisme de l’argent et dans ladictature de l’économie sans visage et sans unbut véritablement humain» (Exhort. ap.Evangelii gaudium, n. 55). En effet, «la spécu-lation financière, qui poursuit comme objectifprincipal le gain facile, continue de faire desravages» (Lett. enc. Fratelli tutti, n. 168).

    Les politiques contre le blanchiment d’ar-gent et de lutte contre le terrorisme consti-tuent un instrument pour surveiller les flux fi-nanciers, permettant d’intervenir là où appa-

    raissent ces activités irrégulières, voire mêmecriminelles.

    Jésus a chassé les marchands du temple(cf. Mt 21, 12-13; Jn 2, 13-17) et il a enseignéque l’«on ne peut pas servir Dieu et la riches-se» (Mt 6, 24). En effet, quand l’économieperd son visage humain, on ne se sert pas del’argent, mais on sert l’a rg e n t . Il s’agit de l’uneforme d’idolâtrie contre laquelle nous sommesappelés à réagir, en reproposant l’ordre ration-nel des choses qui reconduit au bien commun(cf. saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae,I-II, q. 90, a.), selon lequel «l’argent doit ser-vir et non gouverner!» (Exhort. ap. Evangeliigaudium, n. 58; cf. Const. past. Gaudium etspes, n. 64; Lett. enc. Laudato si’, n. 195).

    vernorat a soumis les organisations de bénévo-lat et les personnes juridiques de l’Etat de laCité du Vatican à l’obligation de signalisationd’activités suspectes à l’Autorité d’informationf i n a n c i è re .

    Chers amis, je vous renouvelle ma gratitudepour le service que vous accomplissez, je leconsidère ainsi: un service, et je vous remercie.Les organismes sur lesquels vous veillez, sontau service de la protection d’une «financepropre», dans le cadre de laquelle on empê-che aux «marchands» de spéculer dans cetemple sacré qu’est l’humanité, selon le des-sein d’amour du Créateur. Merci à nouveau,bon travail et n’oubliez pas de prier pourmoi.

    Réflexion sur la chasteté dans l’Eglise

    Sacralité du corps et don de soi

    GIORGIA SA L AT I E L L O

    Nous sommes tous habitués à parler de lachasteté des religieux et des religieuses, quiest l’un des trois vœux que ceux-ci pronon-cent avec la pauvreté et l’obéissance, et àl’identifier avec la virginité. Même pour lesprêtres, qui vivent le célibat, on utilise le con-cept de chasteté, en soulignant ainsi le dé-vouement total à Dieu et à son peuple, quiimplique la renonciation à toute forme de

    conjugalité. D’autre part, cependant, égale-ment pour le mariage on se réfère à la chaste-té des conjoints et de leurs relations, caractéri-sées par un amour non possessif, mais récipro-quement oblatif.

    Apparaît alors une interrogation qui est sé-mantique, mais également profondément liéeà l’existence concrète: que signifie la chastetési elle peut être appliquée à des situations sidifférentes entre elles? Ne risque-t-on pas delui attribuer une portée tellement ample quecela la rend équivoque au moment où onl’utilise en relation avec des états si clairementdistincts? La réponse à cette interrogationdoit, selon l’avis de l’auteure, s’articuler enprenant en considération au moins deux ni-veaux qui, bien que liés, sont toutefois dis-tincts et méritent chacun une attention parti-c u l i è re .

    En premier lieu, la chasteté rappelle qu’ilfaut souligner la sacralité du corps, des fem-mes et des hommes, qui ne doit jamais êtreréduite à un objet amplifié, car elle exprimel’inviolable intériorité de la personne qui nepeut pas faire abstraction de celui-ci dans laréalisation d’elle-même et de sa propre voca-tion. C’est-à-dire qu’il s’agit d’une vision uni-taire et intégrée de la femme et de l’homme,éloignée aussi bien du matérialisme réductifque du spiritualisme désenchanté, en opposi-tion à tout dualisme, antique ou récent. On aimmédiatement à l’esprit les Exercices spirituelsde saint Ignace de Loyola, dans lesquels lecorps, avec sa matérialité concrète et son pas-sage du mouvement au calme, participe acti-

    Lorenzo Lotto, «Allégorie de la chasteté» (1505 env.) SUITE À LA PA G E 9

    En application de ces princi-pes, la législation vaticane a misen œuvre, également récemment,plusieurs mesures sur la transpa-rence dans la gestion de l’a rg e n tet pour lutter contre le blanchi-ment et le financement du terro-risme. Le 1er juin dernier a étépromulgué un Motu Propriopour une gestion plus efficacedes ressources et pour favoriserla transparence, le contrôle et laconcurrence dans les procéduresd’adjudication des contrats pu-blics. Le 19 août dernier, une or-donnance du président du gou-

  • numéro 41, mardi 13 octobre 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 9

    L’encyclique «Fratelli tutti» vue de Jérusalem

    Pour faire mûrirune culture de la paix

    FRANCESCO PAT T O N *

    «Homo homini lupus», c’est-à-dire «l’hommeest un loup pour l’homme» remonte à Plaute(As i n a r i a III-IIe siècle av. J.C.). C’est une idéequi traverse l’histoire et qui est cycliquementreproposée par divers penseurs. Au XVIIe c’estle philosophe Thomas Hobbes (Léviathan,1651) qui la reprend en expliquant que la na-ture humaine est fondamentalement égoïste etqu’il y a une «guerre de tous contre tous»dans chaque milieu social et économique. Aune époque plus récente, Samuel PhillipsHuntington a parlé de «choc des civilisa-tions», sur une base culturelle et religieuse.

    Pour François d’Assise, en revanche, l’idéefondamentale est une autre et, en continuanta utiliser le latin, nous pourrions dire «homohomini frater», l’homme est un frère pourl’autre homme et il est appelé à apprendre àdevenir le frère de chaque autre homme. C’està cette pensée évangélique, avant même d’ê t refranciscaine, que se rattache le Pape Françoisdans sa nouvelle encyclique Fratelli tutti, re-prenant une expression qui se trouve dans lesEcrits du saint, que ce soit dans les Ad m o n i -tions (VI, 1: FF 155), ou dans la Première règle(XXII, 33: FF 61).

    Dans une étude d’il y a quelques années,Carlo Paolazzi, qui a suivi la dernière éditioncritique des Ecrits de François d’Assise, a misen lumière le fait que le Poverello n’utilise ja-mais la parole ennemi pour faire référence àl’autre, mais uniquement à son propre moiégoïste. Pour François, l’ennemi n’est jamaisface à nous, mais en nous! En face, il y a no-tre frère: qui est tel même quand il s’agitd’une personne qui professe une autre religion(comme le sultan), qui est tel égalementquand il s’agit de l’adversaire et du brigand,qui est tel également quand il s’agit du pauvreet du lépreux (socialement exclu), qui est telégalement quand il s’agit de chaque créatureanimée et inanimée. Et pour François, le frèreest un don de Dieu et la modalité d’entrer enrelation avec lui est celle de l’accueillir avecbienveillance (Première Règle VII, 14: FF 26),pour vivre une forme de fraternité qui a uncaractère universel et pour que s’élève la lou-ange à Dieu à travers la symphonie du cos-mos.

    C’est à partir du prisme de la relation fra-ternelle, dont la rencontre entre saint Françoiset le sultan est la réalisation extrême, radicale,et donc la plus inclusive, que le Pape Françoisrelit la situation actuelle, pour saisir toutd’abord la «crise» de la fraternité à tous lesniveaux, de celui personnel à celui social, éco-nomique, communicatif, politique et religieux.Ensuite, après avoir traité la partie critique, leSaint-Père passe à la phase de proposition etdécline le principe de fraternité dans tous cesdomaines, en reprenant aussi bien la réflexionbiblique que le magistère de ses prédécesseurset en offrant une vision ample et organiquedes conséquences que la perspective de la fra-ternité offre au chemin des personnes, aumonde de l’économie, de la politique et de lacommunication, à la résolution des conflits, àla spiritualité, à l’Eglise et au dialogue interre-ligieux.

    Il rappelle de manière particulièrement si-gnificative la rencontre entre saint François etle sultan Malik al-Kamil, qui a eu lieu en sep-tembre 1219 à Damiette en Egypte, en pleinecinquième croisade, et à son actualisation enfévrier 2019 à Abou Dhabi, à l’occasion duhuitième centenaire de cette rencontre, quandle Pape François et le grand imam d’Al Ahzar,

    Ahmad al-Tayyeb, ont signé le document surla fraternité humaine pour la paix mondiale etla coexistence commune.

    Ce document est lui-même un geste de fra-ternité et de paix, outre qu’une contributionspécifique de deux des responsables religieuxactuels faisant le plus autorité face aux par-cours et aux processus de paix, à une époqueoù l’on accuse trop facilement les religions, enparticulier monothéistes, de fomenter la vio-lence (en oubliant les horreurs quantitatives etqualitatives commises au XXe siècle par les di-vers régimes athées et antireligieux). La con-tribution des croyants, hommes et femmes, àla construction d’un monde fraternel et quitend à la paix est fondamentale au niveaumondial, car la majeure partie de l’humanitétrouve un sens à la vie à partir d’une référencereligieuse et transcendante.

    Vivant à Jérusalem et ayant la possibilité delire l’encyclique du Pape François de ce pointde vue spécial, je crois que ce texte, précisé-ment parce qu’il place au centre la vision del’autre comme frère et qu’il s’adresse à tous etpas seulement aux chrétiens, peut égalementnous aider à faire mûrir une culture de lapaix, à comprendre la valeur du dialoguedans la résolution des conflits et pour condui-re à la réconciliation entre les peuples (et ausein des peuples) en guérissant des blessureshistoriques, profondes et prolongées. Nousavons vu, au cours de ces années, la collabo-ration chrétienne entre chrétiens et musul-mans, à Alep, pour aider les enfants et les jeu-nes à surmonter le traumatisme de la guerre.Nous voyons le climat fraternel qui s’est créédans nos écoles entre chrétiens et musulmans,en particulier dans notre petite école de mu-sique de Jérusalem, le «Magnificat», où sontréunis ensemble professeurs et étudiants juifs,chrétiens et musulmans.

    Ce sont des petits signes, mais qui gardentvivante l’espérance, qui «nous parle d’une réa-lité qui est enracinée au plus profond de l’ê t rehumain, indépendamment des circonstancesconcrètes et des conditionnements historiquesdans lesquels il vit» (Fratelli tutti, n. 55).vement aux expériences de l’esprit qui par-

    vient à la méditation et, de celle-ci, à la con-templation des mystères du Chist.

    En deuxième instance, mais avec une im-portance qui n’est pas moindre, la chastetémet en évidence la capacité du don de soi,qui est la forme suprême de l’amour, commeréponse personnelle à cet amour que chacunreçoit de Dieu. Ce don de soi, bien évidem-ment, se réalise sous des formes différentesdans la consécration, dans le sacerdoce etdans le mariage, mais à la racine, il y a la mê-me volonté de ne pas garder jalousement poursoi ce que l’on a reçu.

    Ce n’est qu’en apparence que de ces consi-dérations peut naître un nivellement uniformi-sé qui efface les particularités des divers étatsde vie, qui répondent à des appels de Dieubien précis, qui ne peuvent pas être homolo-gués. En réalité, la vocation commune à lachasteté naît du baptême identique et celui-cise configure comme la réponse d’un sujet quiest pleinement conscient et responsable de sapropre dignité de fils ou de fille de Dieu. En-fin, l’attention à la chasteté, partagée dans sesdifférentes réalisations, invite, d’une part, à enassumer de manière toujours plus mûre lacause personnelle et, de l’autre, elle peut con-tribuer à créer de nouvelles formes de com-munion et de collaboration entre ceux qui vi-vent dans des états différents.

    Dans cette perspective, le don du sacerdoceet de la consécration peut être redécouvert etvalorisé et deviennent plus claires les parolesdu Pape François qui, dans Amoris laetitia,place au centre de sa réflexion la beauté et lasainteté du mariage chrétien, malgré toutes leslimites de la faiblesse humaine.

    SUITE DE LA PA G E 8

    Congrégation pour les causes des saints

    P ro m u l g a t i o nde décrets

    Il 29 septembre, le Pape François a autori-sé la Congrégation pour les causes dessaints à promulguer les décrets suivants:

    — le miracle, attribué à l’intercesson de lavénérable servante de Dieu Gaetana Tolo-meo, dite Nuccia, fidèle laïque; née le 10avril 1936 à Catanzaro (Italie) et morte aumême endroit le 24 janvier 1997;

    — le martyre des serviteurs de Dieu Fran-cisco Cástor Sojo López et 3 compagnons,prêtres de l’association séculière des prêtresouvriers diocésains; tués en haine de la foi,en Espagne, entre 1936 et 1938;

    — les vertus héroïques de la servante deDieu Francisca de la Conception PascualDoménech, fondatrice de la congrégationdes sœurs franciscaines de l’Immaculée;née le 13 octobre 1833 à Moncada (Espa-gne) et morte au même endroit le 26 avril1903;

    — les vertus héroïques de la servante deDieu María Dolores Segarra Gestoso, fon-datrice des sœurs missionnaires du Christprêtre; née le 15 mars 1921 à Melilla (Espa-gne) et morte à Grenade (Espagne) le 1ermars 1959.

    Réflexion sur la chasteté

  • page 10 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 13 octobre 2020, numéro 41

    La bibliothèque d’Ivan IV le Terrible

    A la recherchedu trésor disparu

    LUCIO CO CO

    On raconte qu’à l’occasion du mariageavec Ivan III de Russie, dans la dotapportée par Sophie Paléologue, niècedu dernier empereur de Byzance, Constan-tin XI, se trouvait également un nombre im-portant de livres grecs, miraculeusement épar-gnés lors du sac de la ville quand elle fut pri-se par les Turcs en 1453. Il est probable que cepremier fonds de livres constitua le noyau dela bibliothèque d’Ivan IV le Terrible (+1584),neveu d’Ivan III Va s i l ’evič, et tsar de toutes lesRussies, à partir de 1547. La bibliothèque re-présente à ce jour l’une des énigmes archéolo-giques les plus difficiles à résoudre. En effet,face aux divers témoignages qui en attestentla réalité et l’existence, demeure le fait qu’il nereste aucune trace d’elle et, malgré les effortsdes chercheurs en vue d’en trouver des vesti-ges et des reliques, comme si elle avait dispa-ru dans la nature, elle semble se soustraireégalement aux enquêtes les plus méticuleuseset minutieuses.

    Le premier à parler de ce trésor disparu futMaxime le Grec (connu aussi sous le nom deMaksim Grek, +1566), un moine du montAthos qui arriva à Moscou en 1518 chargéprincipalement de traduire certaines œu v re sdes Pères de l’Eglise et d’amender les livres li-turgiques et canoniques. En effet, dans unelettre adressée à Vassili III Ivanovič, le pèred’Ivan I V, qui avait été le promoteur de cetteinitiative culturelle, il parle «de livres enfer-més dans un entrepôt qui, pendant de nom-breuses années, n’avaient été d’aucune utilitéà personne» et «d’un trésor constitué d’ouvra-ges n’étant plus conservés dans des écrinspouvant illuminer un grand nombre» (cité parN.N. Zarubin, La bibliothèque d’Ivan le Terri-ble, Herder 1993).

    Ce témoignage est renforcé également parla Narration sur Maksim Grek (début du XVIIesiècle), qui relate l’invitation du moine athoni-te à Moscou de la part du souverain Vassili,«qui l’introduisit dans sa bibliothèque impé-riale et lui montra une quantité innombrablede livres grecs», devant laquelle le religieux«fut saisi de stupeur, source de nombreusesréflexions, en raison de l’étendue si vaste de lacollection et, devant le pieux Seigneur, il juraque pas même parmi les Grecs il n’avait vuune si grande quantité de livres précieux».L’existence de cette L i b e re j a [Bibliothèque],terme russe repris du latin L i b e r, est égalementconfirmée par la Chronique du bourgmestre deRiga, Franz Nyenstädt (+1622), qui rapportele compte-rendu du pasteur Wettermann qui,en 1565-1566, avait pu voir divers ouvrages enlangue grecque, latine et juive, «prélevésd’une pièce murée de la bibliothèque impéria-le». Sur la base de ces références égalementen dehors de la Russie, s’étaient répandus desbruits sur l’existence de la bibliothèque. Cebruit avait probablement été alimenté égale-ment par le prince Andrej Kurbskij, considérécomme une personne très au fait des ques-tions concernant la Russie. Celui-ci avait étél’ami de Maksim Grek et d’Ivan le Terrible,avant d’en devenir l’opposant et d’é m i g re rdans le royaume polonais-lituanien et il estprobable que ce soit précisément lui qui aitfait circulé la nouvelle au-delà des frontièresde la Russie. Par exemple, au cours de ces an-

    vres d’autres langues y étaient rassemblés etconservés. Par exemple, I.Ja. Stelleckij(+1949), l’un des animateurs les plus actifs desrecherches de la «Librairie» du tsar au coursdes premières décennies du XXe siècle, n’avaitaucun doute sur le fait qu’à Moscou, bien ca-chés, devaient se trouver les manuscrits grecset latins apportés par Sophie Paléologue, aux-quels devaient être ajoutés d’autres ouvragesapportés par les fonctionnaires et princes rus-ses qui, au cours du temps, s’étaient rendusen Occident ou à Constantinople. En ce quiconcerne l’estimation du nombre de livres quila composaient, Zarubin fournit une liste de154 livres, «liés au nom d’Ivan Groznyj». Ils’agit d’une liste dans laquelle manque le no-yau grec-latin autour duquel se serait forméepar la suite la bibliothèque. Une nouveautéimportante dans la reconstruction de sa com-position originelle intervint en 1822 avec ladécouverte de l’Index anonyme des livres de labibliothèque d’Ivan Groznyj, réalisée parChristoph Dabelow, professeur à l’universitéde Dorpat en Estonie. Cet Index fut publié en1834, sur la base de la transcription reçue parChristoph Dabelow, par le chercheur alle-mand Walther Clossius, qui y ajouta égale-ment une traduction russe de la même liste.I.Ja. Stelleckij, cité auparavant, estimait qu’ils’agissait d’une «copie de l’inventaire de la bi-bliothèque rédigé par le pasteur Wettermann»(A.A. Amosov) lorsqu’il avait transité par lepalais impérial aux alentours de 1565/1566, cequi est confirmé également par le fait que letexte remonte probablement «à la dernièremoitié du XVIe siècle» (T. Pàroli).

    C’est l’Index lui-même, dans un bref préam-bule, qui informe que la bibliothèque conte-nait «environ huit cents volumes, que le tsar

    avait en partie achetés et en partie reçus endon. Ils étaient pour la plupart grecs, mais ily avait également de nombreux ouvrages la-tins. J’ai vu certains de ces livres latins». Suitalors une liste d’œuvres qui comprend lesHistoires de Tite-Live, le De Republica de Ci-céron, les Vies des douze Césars de Suétone,puis Tacite, Salluste, Virgile. Tandis que par-mi les manuscrits grecs, sont citées les œu v re sde Polybe, Aristophane, Pindare, Athanase.La découverte de ce texte est assurément fon-damentale pour reconstruire la bibliothèqued’Ivan Groznyj. Toutefois, malgré les recher-ches assidues, dans les archives municipalesde Parnau, qui se sont étendues ensuite aucours des années également à Dorpat, la villeoù Dabelow enseignait, personne n’a jamaisréussi à retrouver ce document. Son existencedemeure entourée de mystère, de même que ledestin de la bibliothèque d’Ivan Groznyj resteune énigme. Certains ont en effet avancé l’hy-pothèse qu’elle a été «détruite dans l’un desgrands incendies de Moscou en 1571, ou en1611», d’autres pensent qu’elle «a été pilléepar les Polonais au Temps des troubles»(1568-1613), d’autres en revanche pensentqu’elle existe toujours et qu’elle est «conser-vée dans l’un des souterrains secrets duKremlin de Moscou, où elle se trouverait au-j o u rd ’hui encore» (Zarubin). Toutefois, mal-gré diverses campagnes de fouilles, qui se sontdéroulées également récemment et non seule-ment dans la capitale russe, le lieu de cette bi-bliothèque n’a pas encore été retrouvé. Il restele mystère d’une bibliothèque qui a disparu etqui, précisément pour cette raison, continuede fasciner, si possible, plus encore que ne lefont déjà celles existantes et réelles.

    Viktor Michajlovic Vasnecov,Ivan IV le Terrible (XVIe siècle)

    nées (1561), le hyérodiacre Iao-kim qui, en tant que moine,avait pris le nom d’Isaïe, étaitarrivé à Moscou de la Moldavieou de la Lituanie dans le but devisionner les manuscrits de la bi-bliothèque impériale pour pré-parer l’édition de la Bible et deslectures de l’Evangile et il avaitinformé de ce projet Ivan Groz-nyj en personne. Toujours poursuivre les traces de cette biblio-thèque, il s’était rendu plus tardà Moscou en 1600, chargé par lecardinal de Saint-Georges, legrec uniate Petros Arcudios(+1633) qui, dans une lettre demars 1601, informait le noncepontifical en Pologne, ClaudioRangoni, que ses recherchesavaient été infructueuses. Toute-fois, Petros Arcudios ne devaitpas être entièrement persuadé deson insuccès, étant donné que,en 1662/1663, l’un de ses élèves,Paisios Ligarides, métropolite deGaza, adressait au tsar AlexisMichajlovič (+1676) une missivepour être autorisé à consulter lesmanuscrits grecs et latins de labibliothèque impériale.

    Ce qui a occupé les cher-cheurs n’a pas été uniquement lefait de retrouver cette biblio-thèque, mais également d’en dé-finir l’entité et d’établir quels li-

  • numéro 41, mardi 13 octobre 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 11

    L’OSSERVATORE ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

    Unicuique suumEN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

    Cité du Vaticanredazione.francese.or@sp c.vaw w w. o s s e r v a t o re ro m a n o .v a

    ANDREA MONDAd i re c t e u r

    Giuseppe Fiorentinov i c e - d i re c t e u r

    Jean-Michel Couletrédacteur en chef de l’édition

    Rédactionvia del Pellegrino, 00120 Cité du Vatican

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    Audiencesp ontificales

    Le Saint-Père a reçu en audience:

    1er o c t o b reS.E. M. ARMIN LA S C H E T, ministreprésident du Land de Rhénaniedu nord-Westphalie (Républiquefédérale d’Allemagne), avec sonépouse et sa suite.S.Em. le cardinal MARC OU E L L E T,préfet de la Congrégation pour lesévêques;S.Exc. Mgr EDUARD O MARIATAU S S I G , évêque de San Rafael( A rg e n t i n e ) .

    5 octobreLeurs Excellences NN.SS.:

    — AD OLFO TITO YLLANA, arche-vêque titulaire de Montecorvino,nonce apostolique en Australie;

    — NICOLAS HENRY MARIE DE-NIS THEVENIN, archevêque titulai-re d’Eclano, nonce apostolique enRépublique arabe d’Egypte; délé-gué du Saint-Siège auprès de laLigue des Etats arabes.

    Curiero m a i n e

    Nominations

    Le Saint-Père a nommé:

    29 septembrela professeure FABIOLA GIANOTTI,directrice générale du «Conseil eu-ropéen pour la recherche nucléai-re» (Cern) à Genève (Suisse):membre ordinaire de l’Académiepontificale des sciences.

    Née à Rome (Italie) le 29 octo-bre 1960, elle a été chercheuse etest actuellement directrice du«Conseil européen pour la recher-che nucléaire» (Cern) à Genève,ainsi que membre de nombreuxcomités scientifiques internatio-naux et du comité de consultationdu secrétaire général des Nationsunies.

    1er o c t o b reMgr GIULIO SEMBENI, jusqu’àprésent official de la secrétaireried’Etat, section affaires générales:chef de bureau au sein de la Con-grégation pour les Eglises orien-tales.

    Etat de la Cité du Vatican

    Collège épiscopal

    Représentationp ontificale

    Nomination

    Le Saint-Père a nommé:

    29 septembre

    S.Exc. Mgr WOJCIECH ZAŁUSKI,archevêque titulaire de Dioclezia-na, jusqu’à présent nonce aposto-lique au Burundi: nonce aposto-lique en Malaisie et au Timororiental et délégué apostolique auBrunei Darussalam.

    Erection de diocèse

    29 septembre

    Le Saint-Père a érigé au rang dediocèse la prélature territoriale deSicuani (Pérou) et en a nommépremier évêque S.Exc. Mgr PEDROALBERTO BU S TA M A N T E LÓPEZ,jusqu’à présent évêque-prélat.

    Né le 9 janvier 1965 à Cotapara-co, Recuay, diocèse de Huaraz,province ecclésiastique de Trujillo,Pérou, il a été ordonné prêtre le 7décembre 1992. Elu évêque-prélatde Sicuani le 10 juillet 2013, il areçu l’ordination épiscopale le 15août suivant.

    Vi c a r i a tap ostolique

    Nomination

    Le Saint-Père a nommé:

    29 septembre

    S.Exc. Mgr ROBERTO BERGAMAS-CHI, S.D.B., évêque titulaire d’Am-bia, jusqu’à présent vicaire aposto-lique d’Awasa: vicaire apostoliquede Gambella (Ethiopie).

    Le Pape relance le Pacte éducatif mondial

    La rencontre promue par le Saint-Père pour que lemonde s’engage «pour et avec» les jeunes, se tiendra enmodalité virtuelle le 15 octobre prochain. Le Pape serale premier à s’exprimer à travers un message vidéo.

    Le thème de l’éducation est un thème central du pon-tificat, car «éduquer est un acte d’espérance» a plusieursfois répété François.

    Au terme de son intervention, le Pape proposera àtoutes les personnes de bonne volonté d’adhérer au«Pacte éducatif mondial» qui vise à générer un change-ment pour que l’éducation soit créatrice de fraternité, dejustice et de paix. Une exigence rendue encore plus ur-gente par l’actuelle pandémie de coronavirus.

    Le message sera commenté à distance par la directricegénérale de l’Unesco, Audrez Azoulay, mais aussi parles responsables de la Congrégation pour l’éducation ca-tholique qui a organisé la rencontre, dédiée spécifique-

    ment au monde académique. Premiers destinataires dumessage du Pape, de jeunes étudiants réagiront égale-ment. Dans le monde, 216.000 écoles catholiques, fré-quentées par plus de 60 millions d’élèves, ainsi que 1.750universités catholiques, rassemblant plus de 11 millionsd’étudiants, sont rattachées à la Congrégation pourl’éducation catholique. Comme le prouve l’interventionde la directrice de l’Unesco, le Pacte éducatif mondialne se limite pas aux institutions éducatives et académi-ques. Dans la conviction que l’engagement éducatif doitêtre partagé par tous, il implique les représentants desreligions, des organismes internationaux et des différen-tes institutions humanitaires, du monde académique,économique, politique et culturel. Le 9 janvier dernier,le Pape avait d’ailleurs invité les ambassadeurs accrédi-tés près le Saint-Siège à prendre part à l’initiative.( w w w. e d u c a t i o n g l o b a l c o m p a c t . o rg )

    Nominations

    Le Saint-Père a nommé:

    30 septembreS.Exc. Mgr BEJOY NICEPHORUSD’CRUZE, O.M.I., jusqu’à présentévêque du diocèse de Sylhet (Ban-gladesh): archevêque métropolitainde Dhaka (Bangladesh).

    1er o c t o b reS.Exc. Mgr JUA N CARLOS CÁRDE-NAS TO R O, jusqu’à présent évêquetitulaire de Nova et auxiliaire del’archidiocèse de Cali (Colombie):évêque de Pasto (Colombie).

    Né à Cartago (Colombie) le 31mai 1968, il a été ordonné prêtre le6 septembre 1997. Le 26 juin 2015 ila été nommé évêque titulaire deNova et auxiliaire de l’archidio cèsede Cali, et a reçu l’ordination épis-

    copale le 25 juillet suivant. Le 15mai 2019 il a été élu secrétaire géné-ral du Conseil épiscopal latino-amé-ricain (CELAM).

    Démissions

    Le Saint-Père a accepté la démis-sion de:

    30 septembreS.Em. le cardinal PAT R I C K D’ROZA-R I O, C.S.C., qui avait demandé à êtrerelevé de la charge pastorale de l’ar-chidiocèse métropolitain de Dhaka(Bangladesh).

    1er o c t o b reS.Exc. Mgr JULIO ENRIQUE PRAD OBOLAÑOS, qui avait demandé à êtrerelevé de la charge pastorale du dio-cèse de Pasto (Colombie).

    Nominations

    Le Saint-Père a nommé:

    29 septembre

    S.Em. le cardinal KEVIN FARRELL etS.Exc. Mgr FILIPPO IANNONE: res-pectivement président et secrétairede la Commission des matières ré-servées. Il a également nommémembres de la Commission LL.EE.NN.SS. FERNAND O VÉRGEZ ALZAGAet NUNZIO GALANTINO ainsi que lepère JUA N ANTONIO GU E R R E R O, S.J.

    1er o c t o b re

    Mgr ALEJANDRO W. BUNGE, prélat-auditeur du Tribunal de la Rote ro-

    maine: président du Bureau du tra-vail du Siège apostolique.

    Né le 21 novembre 1951 à BuenosAires, Argentine, il a été ordonnéprêtre le 23 décembre 1978 pour lediocèse de San Isidro.

    Le professeur PA S Q UA L E PASSALAC-Q UA , professeur de droit du travail àla faculté de droit de l’université deCassino et du Latium méridional:directeur du Bureau du travail duSiège apostolique.

    Né le 15 juillet 1968 à Naples,Italie, il a exercé diverses fonctionsdans le secteur du droit du travailet est membre de l’Association ita-lienne du droit du travail et de lasécurité sociale (Aidlass).

  • page 12 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 13 octobre 2020, numéro 41

    MEDICUS PA PA E - XIIIe SIÈCLE

    Armoise et gras de chèvreComment naît et se transforme la figure de l’archiatre au cours des siècles

    LUCIO CO CO

    La première information connue concer-nant un médecin qui accompagnait lePape est celle à propos d’un certain Or-so, «médecin et domestique» de Nicolas Ier(858-867), même si en raison de l’époque loin-taine à laquelle on fait référence, il est légiti-me de douter de l’identité et de la charge quilui est attribuée, étant à cette époque «incon-nus les domestiques présents à la cour des Pa-pes, ainsi que les médecins de ces temps»,écrit de manière sensée Gaetano Marini dansson Degli archiatri pontifici [Des archiatres pon-tificaux].

    Au tournant du nouveau millénaire se pré-sente la figure de Sylvestre II (999-1003), dansle siècle Gerbert d’Aurillac en Auvergne qui,avant d’arriver à Rome et de monter sur lachaire de Pierre, avait été deux fois abbé deBobbio et ensuite évêque de Reims et arche-vêque de Ravenne. Ce dernier fut très portésur les questions de mathématiques et de mé-decine et il considérait, comme Isidore de Sé-ville, que l’étymologie de «médecine» dérivaitde modus, c’est-à-dire manière, règle, mesure,