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1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’O S S E RVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt LXX e année, numéro 14 (3.576) Cité du Vatican mardi 2 avril 2019 Construire des ponts pour semer l’espérance R e n c o n t re et fraternité ANDREA MONDA M oins de deux mois après la signature du Document sur la fra- ternité humaine du 4 février à Abou Dabi, le Pape, à travers son voyage au Maroc, manifes- te sa volonté de donner une suite concrète à ces prémisses et à ces promesses. Dès son arrivée dans ce pays d’Afrique du nord, en parlant sur l’esplanade de la Tour de Hassan, François a affirmé la nécessité d’avoir «le courage de la rencontre et de la main tendue»; seul ce courage peut réaliser la construction de ponts «qui demande à être vé- cue sous le signe de la convi- vialité, de l’amitié et de la fra- ternité». L’année 2019 est celle de la fraternité pour le Pape, comme il l’a laissé entendre dans le message urbi et orbi de Noël dernier, et de la rencon- tre, ce dernier thème étant en réalité toujours cher à Fran- çois. «Etre chrétien, ce n’est pas adhérer à une doctrine, ni à un lieu de culte, ni à un groupe ethnique. Etre chrétien c’est une rencontre», a-t-il af- firmé dimanche dans la cathé- drale de Rabat, en s’adressant aux prêtres, aux religieux, aux personnes consacrées et au conseil œcuménique des Egli- ses, peut-être le discours le plus dense parmi ceux qu’il a prononcés au cours de ces deux jours. Un passage qui ré- vèle le cœur de la pensée de François et, en filigrane, ren- voie à l’épisode de la rencontre entre Jésus et la samaritaine dans le quatrième Evangile, et à l’introduction de Deus Cari- tas est de Benoît XVI: «A l’ori- gine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation déci- sive». On devient donc chrétien non par prosélytisme, mais parce que l’on reconnaît avoir «été aimés et rencontrés»; être chrétiens, c’est «se savoir par- donnés et invités à agir de la même manière que Dieu a agi avec nous». Voilà pourquoi la culture de la rencontre, qui se concrétise dans le dialogue Voyage du Pape au Maroc pages 4 à 10 DANS CE NUMÉRO Page 2: Audience générale du 27 mars. Le Pape remet une médaille à sœur Maria Concetta Esu. Page 3: Vatican: Des normes à l’avant-garde pour la protection des mineurs, par Andrea Tornielli. Page 11: Le Pape lance le projet international Scholas Occurentes. Page 12: Discours au Capitole. Page 13: Afrique, migrants et finance, par Giulio Albanese. Pages 14 et 15: Informations. Créances de Turquie. Visite en Roumanie. Note du directeur. Page 16: Célébration pénitentielle à Saint-Pierre SUITE À LA PAGE 11

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L’O S S E RVATOR E ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

Unicuique suum

EN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

LXXe année, numéro 14 (3.576) Cité du Vatican mardi 2 avril 2019

Construire des ponts pour semer l’esp éranceR e n c o n t reet fraternité

ANDREA MONDA

Moins de deux moisaprès la signature duDocument sur la fra-

ternité humaine du 4 février àAbou Dabi, le Pape, à traversson voyage au Maroc, manifes-te sa volonté de donner unesuite concrète à ces prémisseset à ces promesses.

Dès son arrivée dans ce paysd’Afrique du nord, en parlantsur l’esplanade de la Tour deHassan, François a affirmé lanécessité d’avoir «le couragede la rencontre et de la maintendue»; seul ce courage peutréaliser la construction deponts «qui demande à être vé-cue sous le signe de la convi-vialité, de l’amitié et de la fra-ternité». L’année 2019 est cellede la fraternité pour le Pape,comme il l’a laissé entendredans le message urbi et orbi deNoël dernier, et de la rencon-tre, ce dernier thème étant enréalité toujours cher à Fran-çois. «Etre chrétien, ce n’estpas adhérer à une doctrine, nià un lieu de culte, ni à ungroupe ethnique. Etre chrétienc’est une rencontre», a-t-il af-firmé dimanche dans la cathé-drale de Rabat, en s’a d re s s a n taux prêtres, aux religieux, auxpersonnes consacrées et auconseil œcuménique des Egli-ses, peut-être le discours leplus dense parmi ceux qu’il aprononcés au cours de cesdeux jours. Un passage qui ré-vèle le cœur de la pensée deFrançois et, en filigrane, ren-voie à l’épisode de la rencontreentre Jésus et la samaritainedans le quatrième Evangile, età l’introduction de Deus Cari-tas est de Benoît XVI: «A l’ori-gine du fait d’être chrétien, iln’y a pas une décision éthiqueou une grande idée, mais larencontre avec un événement,avec une Personne, qui donneà la vie un nouvel horizon etpar là son orientation déci-sive».

On devient donc chrétiennon par prosélytisme, maisparce que l’on reconnaît avoir«été aimés et rencontrés»; êtrechrétiens, c’est «se savoir par-donnés et invités à agir de lamême manière que Dieu a agiavec nous». Voilà pourquoi laculture de la rencontre, qui seconcrétise dans le dialogue

Voyage du Pape au Marocpages 4 à 10

DANS CE NUMÉROPage 2: Audience générale du 27 mars. Le Pape remet une médaille àsœur Maria Concetta Esu. Page 3: Vatican: Des normes à l’a v a n t - g a rd epour la protection des mineurs, par Andrea Tornielli. Page 11: Le Papelance le projet international Scholas Occurentes. Page 12: Discours auCapitole. Page 13: Afrique, migrants et finance, par Giulio Albanese.Pages 14 et 15: Informations. Créances de Turquie. Visite en Roumanie.Note du directeur. Page 16: Célébration pénitentielle à Saint-Pierre

SUITE À LA PA G E 11

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page 2 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 2 avril 2019, numéro 14

La nourriture n’est pas une propriété privéeChers frères et sœurs, bonjour!

Nous commençons aujourd’hui à analyser ladeuxième partie du «Notre Père», celledans laquelle nous présentons nos besoins àDieu. Cette deuxième partie commence parun mot qui a le parfum du quotidien: lepain.

La prière de Jésus part d’une demandepressante, qui ressemble beaucoup à l’im-ploration d’un mendiant: «Donne-nous no-tre pain quotidien!». Cette prière vientd’une évidence que nous oublions souvent,c’est-à-dire que nous ne sommes pas descréatures autosuffisantes, et que nous avonsbesoin de nous nourrir tous les jours.

Les Ecritures nous montrent que pourbeaucoup de personnes, la rencontre avec

Jésus s’est réalisée à partir d’une demande.Jésus ne demande pas des invocations raffi-nées, au contraire, toute l’existence humai-ne, avec ses problèmes les plus concrets etquotidiens, peut devenir une prière. Dansles Evangiles, nous trouvons une multitudede mendiants qui supplient d’obtenir la li-bération et le salut. Certains demandent lepain, d’autres la guérison; certains la purifi-cation, d’autres la vue; ou encore qu’unepersonne chère puisse revivre... Jésus nepasse jamais avec indifférence à côté de cesdemandes et de ces douleurs.

Jésus nous enseigne donc à demander auPère notre pain quotidien. Et il nous ensei-gne à le faire unis à tant d’hommes et defemmes pour qui cette prière est un cri —souvent gardé à l’intérieur — qui accompa-

gne l’anxiété de chaque jour. Combien demères et combien de pères, aujourd’hui en-core, vont dormir avec le tourment de nepas avoir suffisamment de pain le lendemainpour leurs propres enfants! Imaginons cetteprière récitée non pas dans la sécurité d’unappartement confortable, mais dans la pré-carité d’une pièce où l’on s’adapte, où man-que le nécessaire pour vivre. Les paroles deJésus prennent une force nouvelle. L’oraisonchrétienne commence par ce niveau. Cen’est pas un exercice pour ascètes; il part dela réalité, du cœur et de la chair de person-nes qui vivent dans le besoin, ou qui parta-gent la condition de ceux qui n’ont pas lenécessaire pour vivre. Pas même les plusgrands mystiques chrétiens ne peuvent faireabstraction de la simplicité de cette deman-de. «Père, fais que pour nous et pour tous,il y ait aujourd’hui le pain nécessaire». Et«pain» vaut également pour l’eau, les médi-caments, la maison, le travail... Demander lenécessaire pour vivre.

Le pain que le chrétien demande dans laprière n’est pas «mon», mais il est «notre»pain. Jésus le veut ainsi. Il nous enseigne àle demander non seulement pour nous-mê-

Le Pape remet une médaille à sœur Maria Concetta Esu

Une vie «consumée» au service des enfants africains

de saint-Joseph de Genoni. Et pourquoi est-ce que je fais cela?

Sœur Maria Concetta a 85 ans, et depuispresque 60 ans elle est missionnaire enAfrique, où elle accomplit son service de sagefemme. Un applaudissement. Je l’ai connue àBangui, quand je suis allé ouvrir le jubilé dela miséricorde. Là-bas, elle m’a raconté quedans sa vie elle a aidé des milliers d’enfants ànaître. Quelle merveille! Ce jour-là, elle étaitvenue du Congo en canoé — à 85 ans — p ourfaire des courses à Bangui.

Ces jours derniers, elle est venue à Romepour une rencontre avec ses sœurs, et au-j o u rd ’hui elle est venue à l’audience avec sasupérieure. J’ai alors pensé profiter de cetteoccasion pour lui donner un signe de recon-naissance et lui dire un grand merci pour sontémoignage!

Chère sœur, en mon nom et en celui del’Eglise, je te remets une distinction. C’est unsigne de notre affection et de nos remercie-ments pour tout le travail que tu as accompliparmi tes sœurs et frères africains, au servicede la vie, des enfants, des mères et des famil-les.

Par ce geste qui t’est destiné, j’entends éga-lement exprimer ma reconnaissance à tous les

missionnaires, hommes et femmes, aux prê-tres, aux religieux et aux laïcs, qui sèment lasemence de Dieu dans toutes les parties dumonde. Chers missionnaires, votre travail estgrand. Vous «consumez» votre vie en semantla parole de Dieu à travers votre témoigna-ge... Et, dans ce monde, vous ne faites pas laune des journaux. Vous ne faites pas partiedes nouvelles dans les journaux. Le cardinalHummes, qui est le responsable de l’épisco-pat brésilien, de toute l’Amazonie, va souventvisiter les villes et les villages de l’Amazonie.Et chaque fois qu’il arrive là-bas — il me l’alui-même raconté — il va au cimetière et rendvisite aux tombes des missionnaires; dontbeaucoup sont morts jeunes à cause de mala-dies contre lesquelles il n’avaient pas d’anti-corps. Et il m’a dit: «Tous ceux-là méritentd’être canonisés», car ils ont «consumé» leurvie dans le service.

Chers frères et sœurs, sœur Maria Concet-ta, après ce rendez-vous, vous retournerez enAfrique dans les prochains jours. Accompa-gnons-la par la prière. Et que votre exemplenous aide tous à vivre l’Evangile là où noussommes.

Merci, ma sœur! Que le Seigneur te bénis-se et la Vierge te protège. SUITE À LA PA G E 4

«Elle a aidé à naître» des milliersd’enfants: l’«émerveillement» pour leservice rendu comme sage femme parsœur Maria Concetta Esu, religieuseitalienne missionnaire en Afrique, aété souligné par le Pape lors del’audience générale du mercredi 27mars, sur la Place Saint-Pierre. Auterme de la catéchèse sur le NotrePère, et après avoir salué les diversgroupes linguistiques présents,François a appelé auprès de lui cettereligieuse âgée pour lui remettre lamédaille Pro ecclesia et Pontifice,en prononçant les paroles suivantes.

Chers frères et sœurs,Nous avons aujourd’hui la joied’avoir avec nous une personneque je désire vous présenter. Ils’agit de sœur Maria ConcettaEsu, de la congrégation des Filles

mes, mais pour toute lafraternité du monde. Sil’on ne prie pas de cettemanière, le «Notre Pè-re» cesse d’être une priè-re chrétienne. Si Dieuest notre Père, commentpouvons-nous nous pré-senter à Lui sans nousprendre par la main?Nous tous. Et si, entrenous, nous nous volonsle pain qu’Il nous don-ne, comment pouvons-nous nous dire ses en-fants? Cette prière con-tient une attitude d’em-pathie, une attitude desolidarité. Dans mafaim, je sens la faim desmultitudes, et alors jeprierai Dieu, tant queleur demande ne sera

pas exaucée. Jésus éduque ainsi sa commu-nauté, son Eglise, à présenter à Dieu les né-cessités de tous: «Nous sommes tous tes en-fants, ô Père, aie pitié de nous!». Et à pré-sent, cela nous fera du bien de nous arrêterun peu pour réfléchir aux enfants qui ontfaim. Pensons aux enfants qui sont dans despays en guerre: les enfants affamés du Yé-men, les enfants affamés de Syrie, les en-fants affamés de tant de pays où il n’y a pasde pain, au Soudan du Sud. Pensons à cesenfants et, en pensant à eux, récitonsensemble, à haute voix, la prière: «Père,donne-nous aujourd’hui notre pain quoti-dien». Tous ensemble.

Le pain que nous demandons au Seigneurdans la prière est le même que celui qui, unjour, nous accusera. Il nous reprochera de nepas avoir eu l’habitude de le rompre avec ce-lui qui est proche de nous, de ne pas avoireu l’habitude de le partager. C’était un painoffert pour l’humanité et, en revanche, il aseulement été mangé par certains: l’amour nepeut pas supporter cela. Notre amour nepeut pas le supporter; et l’amour de Dieu nepeut pas, lui non plus, supporter cet égoïsme

AUDIENCE GÉNÉRALE DU 27 MARS

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numéro 14, mardi 2 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 3

Etat de la Cité du Vatican et Curie romaine

Des normes à l’a v a n t - g a rd epour la protection des mineurs

ANDREA TORNIELLI

Le motu proprio sur la protection des mi-neurs et des personnes vulnérables, la nou-velle loi pour l’Etat de la Cité du Vaticanétendue également à la Curie romaine, et leslignes directrices pastorales — trois docu-ments tous signés par le Pape François —suivent d’un peu plus d’un mois la rencon-tre de février dernier, qui a réuni à Rome lesprésidents des conférences épiscopales dumonde entier, et en constituent d’une certai-ne manière un premier fruit.

Il s’agit de lois, de normes et d’indica-tions très spécifiques, surtout pour les desti-nataires: elles concernent en effet le seul

Etat du Vatican, où travaillent un grandnombre de prêtres et de religieux, mais il ya très peu d’enfants. Bien qu’ayant été pen-sés et rédigés pour une réalité unique aumonde, où la plus haute autorité religieuseest également le souverain et le législateur,ces trois documents contiennent des indica-tions exemplaires, qui tiennent compte desparamètres internationaux les plus avancés.

Dans le motu proprio, le seul des trois tex-tes pour lequel la signature du Pape étaitindispensable, François exprime dessouhaits, parmi lesquels celui que «mûrisseen tous la conscience du devoir de signalerles abus aux autorités compétentes et decoopérer avec elles dans les activités de pré-vention et de lutte», affirmant ainsi un prin-cipe important.

Le fait que le Pape ait aussi décidé de si-gner personnellement la Loi CCXCVII et leslignes directrices — des textes qui, en soi,auraient pu être promulgués respectivementpar la Commission pour l’Etat et par le Vi-caire de la Cité du Vatican — indique la va-leur que l’on veut donner à ces normes.

Le premier des trois documents est lanouvelle loi, dont le premier article contientune définition précise et large de la catégo-rie des «adultes vulnérables» assimilés auxmineurs: «Est vulnérable toute personne enétat d’infirmité, de déficience physique oupsychique, ou de privation de la liberté per-sonnelle qui de fait, même occasionnelle-ment, en limite la capacité de com-préhension ou de volonté ou, en tous cas,de résistance à l’outrage».

Les nouveautés les plus significatives dutexte sont nombreuses.

La première concerne le fait que désor-mais, tous les délits relatifs à l’abus sur des

aussi parmi le personnel diplomatique auservice des nonciatures, exercent la fonctiond’officier ministériel (plus de 90% des per-sonnes travaillant au Vatican ou pour leSaint-Siège) seront sanctionnés en cas denon-dénonciation.

Une nouveauté supplémentaire significati-ve est représentée par l’institution de la partdu Gouvernorat, dans le cadre de la Direc-tion vaticane de santé et d’hygiène, d’unservice d’accompagnement pour les victimesd’abus, qui sera coordonné par un expertqualifié. Les victimes auront donc quelqu’unà qui s’adresser pour trouver de l’aide, rece-voir une assistance médicale et psycholo-gique, être informées de leurs droits et de lafaçon dont les faire valoir. Une nouveautéégalement en ce qui concerne la sélection etl’embauche du personnel du Gouvernorat etde la Curie romaine: l’aptitude du candidatà interagir avec des mineurs devra être véri-fiée.

Enfin, les lignes directrices pastoralespour le vicariat de la Cité du Vatican peu-vent apparaître comme un document bref, sion les compare à des textes analogues decertaines conférences épiscopales, mais ilfaut rappeler qu’il n’y a que deux paroissesau Vatican et que les mineurs qui y habitentne sont que quelques dizaines. Les lignesdirectrices s’adressent aux prêtres, aux dia-cres et aux éducateurs du pré-séminaireSaint Pie X, aux chanoines, aux curés et auxvicaires des deux paroisses, aux religieux etreligieuses qui résident au Vatican, comme à«tous ceux qui œuvrent, à quel titre que cesoit, individuel ou associé, à l’intérieur de lacommunauté ecclésiale du vicariat de la Citédu Vatican». On spécifie, par exemple, queces personnes doivent «être toujours visiblesaux autres lorsqu’elles sont en présence demineurs», qu’il est sévèrement interditd’«instaurer un rapport préférentiel avec unmineur en particulier, de s’adresser à un mi-neur de manière offensante ou d’adopterdes comportements inadaptés ou sexuelle-ment allusifs, de demander à un mineur degarder un secret, de photographier ou de fil-mer un mineur sans le consentement écritde ses parents». Et bien d’autres choses en-c o re .

Le vicariat de la Cité du Vatican a désor-mais l’obligation de signaler au promoteurde justice toute information sur un abus qui«n’est manifestement pas infondée», en éloi-gnant à titre de précaution l’auteur présumédes abus de ses activités pastorales. Quicon-que sera déclaré coupable d’abus «sera des-titué de ses fonctions» au Vatican. S’il s’agitd’un prêtre, toutes les normes canoniquesdéjà en vigueur interviennent ensuite.

A ces documents venant d’être publiés,comme annoncé à la fin du sommet de fé-vrier, suivront la publication de la part de laCongrégation pour la doctrine de la foid’un vademecum anti-abus pour l’Egliseuniverselle, et la création de mécanismespour aider les diocèses manquant de per-sonnel qualifié à affronter ces cas.

Le pas accompli par François est doncclair et sans équivoque: «La protection desmineurs et des personnes vulnérables faitpartie intégrante du message évangéliqueque l’Eglise et tous ses membres sont appe-lés à diffuser dans le monde».

Trois textespromulgués par le Pape

A un mois de la conclusion de la rencontre surla protection des mineurs, qui s’est déroulée auVatican du 21 au 24 février — une rencontrefortement voulue par le Pape François — ontété publiés, le vendredi 29 mars, troisdocuments de grande importance quirépondent à l’exigence d’actes concretsmanifestée par le peuple de Dieu en affrontantla plaie des abus sur les mineurs. Le directeur«ad interim» de la salle de presse du Saint-Siège, Alessandro Gisotti, spécifie qu’il s’agitdu premier pas important à la suite du sommetdes conférences épiscopales et il rappelle quel’initiative avait déjà été annoncée enconclusion des travaux. De manière

significative, les trois documents — la loi sur laprotection des mineurs dans l’Etat de la Citédu Vatican, le motu proprio qui en étend lesnormes à la Curie romaine et les lignesd’orientation pour le vicariat de la Cité duVatican, que l’on trouvera sur le sitewww.vatican.va — sont signés par le Pape. Cetensemble d’actes renforce la protection desmineurs à travers le renforcement de l’a p p a re i llégislatif. François souhaite que — égalementgrâce à ces normes qui concernent l’Etat de laCité du Vatican et la Curie romaine — mûrissechez toutes les personnes la conscience quel’Eglise doit toujours être davantage unemaison sûre pour les enfants et pour lespersonnes vulnérables.

mineurs, non seulement ceuxde nature sexuelle, mais aus-si les mauvais traitementspar exemple, seront «d’officepassibles de poursuites»,c’est-à-dire même en l’absen-ce de dénonciation d’une desparties. La seconde nouveau-té consiste en l’intro ductiond’une prescription de vingtans qui prend effet, «en casd’outrage à un mineur, àpartir de sa dix-huitième an-née accomplie». Il vaut lapeine de rappeler que l’onne parle pas ici de lois cano-niques, mais de lois pénalesde l’Etat de la Cité du Vati-can où, le Code Rocco pro-mulgué en Italie pendant la

période fasciste n’ayant jamais été adopté,est encore en vigueur le Code pénal Zanar-delli, qui prévoyait pour ce type de délitsdes prescriptions jamais supérieures à quatreans à compter de l’accomplissement du délitlui-même.

Une autre nouveauté significative concer-ne l’obligation de dénonciation et la sanc-tion pour l’officier ministériel qui omet designaler aux autorités judiciaires vaticanesles abus dont il a eu connaissance, à l’ex-ception du sceau sacramentel, c’est-à-dire lesecret inviolable de la confession. Cela si-gnifie que tous ceux qui, au sein de l’Etat etpar extension de la Curie romaine, mais

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page 4 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 2 avril 2019, numéro 14

Rencontre avec le peuple, les autorités et les représentants de la société civile et du corps diplomatique

Dialogue et collaborationcontre les fondamentalismes

Dans la matinée du samedi 30 mars, le Papes’est rendu en voyage apostolique au Maroc. Ason arrivée, François a rencontré la population,les autorités, la société civile et le corpsdiplomatique, sur l’esplanade de la TourHassan. A cette occasion, il leur a adressé lediscours suivant:

Majesté,Altesses royales,distinguées autoritésdu royaume du Maroc,membres du Corps diplomatique,chers amis Marocains,As-Salam Alaikoum!

Je suis heureux de fouler le sol de ce paysriche de beautés naturelles multiformes, gar-dien de vestiges de civilisations antiques ettémoin d’une histoire fascinante. Je voudraisavant tout exprimer ma sincère et cordialegratitude à Sa Majesté Mohammed VI, pourson aimable invitation et pour le chaleureuxaccueil qu’au nom de tout le peuple maro-cain, il m’a réservé tout à l’heure, en parti-culier pour les aimables paroles qu’il m’aa d re s s é e s .

Cette visite est pour moi un motif de joieet de gratitude parce qu’elle me permet toutd’abord de découvrir les richesses de votreterre, de votre peuple et de vos traditions.Gratitude qui se transforme en une impor-tante opportunité pour promouvoir le dialo-gue interreligieux et la connaissance réci-proque entre les fidèles de nos deux reli-gions, alors que nous faisons mémoire —huit cents ans après — de la rencontre histo-rique entre saint François d’Assise et le sul-tan al-Malik al-Kamil. Cet événement pro-phétique manifeste que le courage de la ren-contre et de la main tendue est un chemin

de paix et d’harmonie pour l’humanité, làoù l’extrémisme et la haine sont des facteursde division et de destruction. Aussi, je for-me le vœu que l’estime, le respect et la col-laboration entre nous contribuent à appro-fondir nos liens de sincère amitié, afin depermettre à nos communautés de préparerun avenir meilleur pour les nouvelles géné-rations.

Ici sur cette terre, pont naturel entrel’Afrique et l’Europe, je souhaite redire lanécessité d’unir nos efforts, pour donnerune nouvelle impulsion à la constructiond’un monde plus solidaire, plus engagédans l’effort honnête, courageux et indispe-nsable d’un dialogue respectueux des riches-ses et des spécificités de chaque peuple etde chaque personne. C’est là un défi quenous sommes tous appelés à relever, surtouten ce temps où on risque de faire des diffé-

rences et de la méconnaissance réciproquedes motifs de rivalité et de désagrégation.

Il est donc essentiel, pour participer àl’édification d’une société ouverte, plurielleet solidaire, de développer et d’assumerconstamment et sans faiblesse la culture dudialogue comme chemin à parcourir; la col-laboration comme conduite; la connaissanceréciproque comme méthode et critère (cf.Document sur la fraternité humaine, AbuDhabi, 4 février 2019). C’est ce chemin quenous sommes appelés à parcourir sans ja-mais nous fatiguer, pour nous aider à dépas-ser ensemble les tensions et les incom-préhensions, les masques et les stéréotypesqui conduisent toujours à la peur et à l’op-position; et ainsi ouvrir le chemin à un es-prit de collaboration fructueux et respec-tueux. Il est en effet indispensable d’opp o-ser au fanatisme et au fondamentalisme lasolidarité de tous les croyants, ayant commeréférences inestimables de notre agir les va-leurs qui nous sont communes. Dans cetteperspective, je suis heureux de pouvoir visi-ter dans un moment l’Institut Mohammed VI

pour les imams, les prédicateurs et prédicatrices,voulu par Votre Majesté, dans le but defournir une formation adéquate et sainecontre toutes les formes d’extrémisme, quiconduisent souvent à la violence et au terro-risme et qui, en tout cas, constituent une of-fense à la religion et à Dieu lui-même. Noussavons en effet combien une préparation ap-propriée des futurs guides religieux est né-cessaire, si nous voulons raviver le véritablesens religieux dans les cœurs des nouvellesgénérations.

Ainsi donc, un dialogue authentique nousinvite à ne pas sous-estimer l’importance dufacteur religieux pour construire des pontsentre les hommes et pour affronter avec suc-cès les défis précédemment évoqués. Dansle respect de nos différences, la foi en Dieunous conduit, en effet, à reconnaître l’émi-nente dignité de tout être humain, ainsi queses droits inaliénables. Nous croyons queDieu a créé les êtres humains égaux endroits, en devoirs et en dignité et qu’il les aappelés à vivre en frères et à répandre lesvaleurs du bien, de la charité et de la paix.Voilà pourquoi, la liberté de conscience et laliberté religieuse — qui ne se limitent pas àla seule liberté de culte mais qui doiventpermettre à chacun de vivre selon sa propreconviction religieuse — sont inséparablementliées à la dignité humaine. Dans cet esprit, ilnous faut toujours passer de la simple tolé-

Audience générale du 27 marsSUITE DE LA PA G E 2

de ne pas partager le pain.Un jour, il y avait une grande foule devant

Jésus; c’était des gens qui avaient faim. Jésusdemanda si quelqu’un avait quelque chose, etil n’y eut qu’un enfant disposé à partager sesprovisions: cinq pains et deux poissons. Jésusmultiplia ce geste généreux (cf. Jn 6, 9). Cetenfant avait compris la leçon du «Notre Pè-re»: que la nourriture n’est pas une propriétéprivée — mettons-nous cela dans la tête: lanourriture n’est pas une propriété privée —,mais une providence à partager, avec la grâcede Dieu.

Le vrai miracle accompli par Jésus ce jour-là n’est pas tellement la multiplication — quiest vrai —, mais le partage: donnez ce quevous avez et je ferai un miracle. Lui-même,en multipliant ce pain offert, a anticipé l’o f f rede sa personne dans le pain eucharistique. Eneffet, seule l’Eucharistie est en mesure de ras-sasier la faim d’infini et le désir de Dieu quianime chaque homme, également dans la re-cherche du pain quotidien.

A l’issue de l’audience générale, le Saint-Père asalué les groupes francophones suivants:

De France: Groupe de prêtres du diocèsede Cambrai, avec Mgr Vincent Dollmann;groupe de pèlerins du diocèsse d’Angers; fa-culté de droit canonique de l’institut catho-lique de Paris; lycée De Couasnon, de Dreux;lycée du Sacré-Cœur, d’Aix-en-Provence; éco-le Massillon, de Paris; centre Madeleine Da-niélou, de Rueil-Malmaison; collège Sainte-Croix, de Chateaugiron; collège Notre-Damede Bury, de Margenoy; collège De Maillé, deParis; collège La Croix, de Saint-Marceau;collège Saint-Joseph, de Grenelle.

Je suis heureux de saluer les pèlerins venusde France et d’autres pays francophones. Jesalue en particulier les prêtres du diocèse deCambrai, avec leur évêque Mgr Dollmann,les membres de la faculté de droit canoniquede Paris, les pèlerins d’Angers, ainsi que lesnombreux jeunes venus de Paris, Rueil-Mal-maison, Dreux, Aix-en-Provence, et d’a u t re slieux. Que la prière du Notre Père nous aideà demander le pain quotidien pour tous. Etque dans la recherche du pain quotidien,nous puissions témoigner que seule l’Eucha-ristie est susceptible de rassasier la faim d’in-fini et le désir de Dieu présents en chaquehomme. Que Dieu vous bénisse!

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numéro 14, mardi 2 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 5

rance au respect et à l’estime d’autrui. Car ils’agit de découvrir et d’accueillir l’a u t redans la particularité de sa foi et de s’enrichirmutuellement de la différence, dans une re-lation marquée par la bienveillance et la re-cherche de ce que nous pouvons faireensemble. Ainsi comprise, la construction deponts entre les hommes, du point de vue dudialogue interreligieux, est appelée à se vi-vre sous le signe de la convivialité, de l’ami-tié, et plus encore de la fraternité.

La conférence internationale sur les droitsdes minorités religieuses dans le monde isla-mique, qui a eu lieu à Marrakech en janvier2016, s’est penchée sur cette question. Et jeme réjouis qu’elle ait permis de condamnertoute utilisation instrumentale d’une religionpour discriminer ou agresser les autres, ensoulignant la nécessité de dépasser le con-cept de minorité religieuse, au profit de ce-lui de citoyenneté et de la reconnaissance dela valeur de la personne, qui doit revêtir uncaractère central dans tout ordonnancementjuridique.

Je considère aussi comme un signe pro-phétique la création de l’Institut œcumé-nique Al Mowafaqa, à Rabat en 2012, parune initiative catholique et protestante auMaroc, Institut qui veut contribuer à pro-mouvoir l’œcuménisme ainsi que le dialogueavec la culture et avec l’islam. Cette louableinitiative traduit le souci et la volonté deschrétiens vivant dans ce pays de construiredes ponts pour manifester et servir la frater-nité humaine.

Ce sont tous des parcours qui arrêteront«l’instrumentalisation des religions pour in-citer à la haine, à la violence, à l’extrémismeet au fanatisme aveugle et mettront fin àl’utilisation du nom de Dieu pour justifierdes actes d’homicide, d’exil, de terrorisme etd’oppression» (Document sur la fraternité hu-maine, Abou Dabi, 4 février 2019).

Le dialogue authentique que nous vou-lons développer nous conduit aussi à tenircompte du monde dans lequel nous vivons,notre maison commune. Ainsi la conférenceinternationale sur les changements climati-ques, COP22, qui s’est tenue ici même auMaroc, a témoigné, une fois encore, de laprise de conscience par de nombreux paysde la nécessité de protéger la planète sur la-quelle Dieu nous a placés pour vivre et decontribuer à une véritable conversion écolo-gique pour un développement humain inté-gral. Je salue toutes les avancées accompliesdans ce domaine et je me réjouis de la miseen œuvre d’une véritable solidarité entre lespays et les peuples, afin de trouver des solu-tions justes et durables aux fléaux qui me-nacent la maison commune, ainsi que la sur-vie même de la famille humaine. C’estensemble, dans un dialogue patient et pru-dent, franc et sincère, que nous pouvons es-pérer trouver des solutions adéquates, pourinverser la courbe du réchauffement globalet pour réussir à éradiquer la pauvreté(cf. Encyclique Laudato si’, n. 175).

Egalement, la grave crise migratoire à la-quelle nous sommes confrontés aujourd’hui,est pour tous un appel pressant à rechercherles moyens concrets d’éradiquer les causesqui obligent tant de personnes à quitter leurpays, leur famille, et à se retrouver souventmarginalisées, rejetées. De ce point de vue,toujours ici au Maroc, en décembre dernier,la conférence intergouvernementale sur lePacte mondial pour une migration sûre, or-donnée et régulière a adopté un documentqui entend être un point de référence pourtoute la communauté internationale. En mê-me temps, il est vrai que beaucoup reste en-core à faire, surtout parce qu’il faut passerdes engagements pris avec ce document, aumoins au niveau moral, à des actions con-

crètes et, notamment, à un changement dedisposition envers les migrants, qui les con-sidère comme des personnes, non commedes numéros, qui en reconnaisse dans lesfaits et dans les décisions politiques lesdroits et la dignité. Vous savez combien j’aià cœur le sort, souvent terrible, de ces per-sonnes, qui, en grande partie, ne laisseraientpas leurs pays s’ils n’y étaient pas con-traints. J’espère que le Maroc, qui avec unegrande disponibilité et une délicate hospita-lité a accueilli cette conférence, voudra con-tinuer à être, dans la communauté interna-tionale, un exemple d’humanité pour les mi-grants et les réfugiés, afin qu’ils puissentêtre, ici, comme ailleurs, accueillis avec hu-manité et protégés, qu’on puisse promouvoirleur situation et qu’ils soient intégrés avecdignité. Quand les conditions le permet-tront, ils pourront décider de retourner chezeux dans des conditions de sécurité, respec-tueuses de leur dignité et de leurs droits. Ils’agit d’un phénomène qui ne trouvera ja-mais de solution dans la construction debarrières, dans la diffusion de la peur del’autre ou dans la négation de l’assistance àtous ceux qui aspirent à un légitime mieux-être pour eux-mêmes et pour leurs familles.Nous savons aussi que la consolidationd’une véritable paix passe par la recherche

de la justice sociale, indispensable pour cor-riger les déséquilibres économiques et lesdésordres politiques qui ont toujours été desfacteurs principaux de tension et de menacepour l’humanité tout entière.

Majesté et honorables autorités, chersamis! Les chrétiens se réjouissent de la placequi leur est faite dans la société marocaine.Ils ont la volonté de prendre leur part àl’édification d’une nation solidaire et pros-père, en ayant à cœur le bien commun dupeuple. De ce point de vue, l’engagementde l’Eglise catholique au Maroc, dans sesœuvres sociales et dans le domaine de l’édu-cation à travers ses écoles ouvertes aux élè-ves de toute confession, religion et origine,me semble significatif. Aussi, en rendantgrâce à Dieu pour le chemin parcouru, per-mettez-moi d’encourager les catholiques etles chrétiens à être ici, au Maroc, des servi-teurs, des promoteurs et des défenseurs dela fraternité humaine.

Majesté, distinguées autorités, chers amis!Je vous remercie une fois encore, ainsi quetout le peuple marocain, pour votre accueilsi chaleureux et pour votre aimable atten-tion. Shukran bi-saf!

Que le Tout-Puissant, clément et miséri-cordieux, vous protège et qu’il bénisse leMaroc! Merci.

Pour un avenir de paix à JérusalemAppel signé par le Pape et le roi

Nous publions le texte de l’appel pour Jérusalemque le Pape François et le roi du Maroc ontsigné dans l’après-midi du samedi 30 mars, aupalais royal de Rabat.

APPEL DE SA MAJESTÉ LE ROI MOHAMMED VIET DE SA SAINTETÉ LE PAPE FRANÇOIS

SUR JÉRUSALEM /AL Q ODS ACHARIFVILLE SAINTE

ET LIEU DE RENCONTRE

A l’occasion de la visite au Royaume du Ma-roc, Sa Sainteté le Pape François et Sa Majes-té le roi Mohammed VI, reconnaissant l’unici-té et la sacralité de Jérusalem / Al QodsAcharif et ayant à cœur sa signification spiri-tuelle et sa vocation particulière de Ville de laPaix, partagent l’appel suivant:

«Nous pensons important de préserver laVille sainte de Jérusalem / Al Qods Acharif

comme patrimoine commun de l’humanité et,par-dessus tout pour les fidèles des trois reli-gions monothéistes, comme lieu de rencontreet symbole de coexistence pacifique, où secultivent le respect réciproque et le dialogue.

Dans ce but, doivent être conservés et pro-mus le caractère spécifique multi-religieux, ladimension spirituelle et l’identité culturelleparticulière de Jérusalem / Al Qods Acharif.

Nous souhaitons, par conséquent, que dansla Ville sainte soient pleinement garantis lapleine liberté d’accès aux fidèles des trois reli-gions monothéistes et le droit de chacune d’yexercer son propre culte, de sorte qu’à Jérusa-lem / Al Qods Acharif s’élève, de la part deleurs fidèles, la prière à Dieu, Créateur detous, pour un avenir de paix et de fraternitésur la terre».

Rabat, le 30 mars 2019

S.M. le roi Mohammed VI S.S. le Pape Fr a n ç o i sAmir al Mouminine

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Dans l’après-midi du samedi 30 mars, le Papes’est rendu au siège de la Caritas diocésaine deRabat pour rencontrer les migrants. Au coursde la rencontre, il a prononcé le discourssuivant:

Chers amis,Je suis heureux d’avoir cette possibilité devous rencontrer au cours de ma visite auRoyaume du Maroc. Il s’agit pour moid’une nouvelle occasion de vous exprimer àtous ma proximité, et avec vous affronterune grande et grave blessure qui continue àdéchirer le début de ce XXIe siècle. Blessurequi crie vers le ciel. Et c’est pourquoi nousne voulons pas que l’indifférence et le silen-ce soient notre parole (cf. Is 3, 7). Encoreplus quand on relève qu’il y a de nombreuxmillions de réfugiés et d’autres migrants for-cés qui demandent la protection internatio-nale, sans compter les victimes de la traite etdes nouvelles formes d’esclavage aux mainsd’organisations criminelles. Personne nepeut être indifférent devant cette souffrance.

Je remercie Mgr Santiago pour ses motsd’accueil et pour l’engagement de l’Egliseau service des migrants. Merci aussi à Jack-son pour son témoignage; merci à voustous, migrants et membres des associationsqui sont à leur service, venus ici cet après-midi pour nous trouver ensemble, pour ren-forcer les liens entre nous et continuer ànous engager pour garantir des conditionsde vie digne pour tous. Et merci aux en-fants! Eux sont l’espérance. Pour eux, nousdevons lutter, pour eux. Ils ont droit, droità la vie, droit à la dignité. Luttons poureux. Tous nous sommes appelés à répondreaux nombreux défis posés par les migrationscontemporaines, avec générosité, rapidité,sagesse et clairvoyance, chacun selon sespropres possibilités (cf. Message pour lajournée mondiale du migrant et du réfugié,2018).

Il y a quelques mois s’est déroulée, ici auMaroc, la conférence intergouvernementalede Marrakech qui a entériné l’adoption duPacte mondial pour une migration sûre, or-donnée et régulière. «Le Pacte sur les mi-grations constitue un important pas enavant pour la communauté internationalequi, dans le cadre des Nations unies, affron-te pour la première fois au niveau multilaté-ral le thème dans un document d’imp ortan-ce» (Discours aux membres du Corps diploma-tique accrédité près le Saint-Siège, 7 janvier2019).

Ce Pacte permet de reconnaître et deprendre conscience qu’il «ne s’agit pas seu-lement de migrants» (cf. le Thème de laJournée mondiale du migrant et du réfugié2019), comme si leurs vies étaient une réali-té étrangère ou marginale, qui n’aurait rienà voir avec le reste de la société. Comme sileur qualité de personne avec des droits res-tait «en suspens» à cause de leur situationactuelle; «effectivement un migrant n’est pasplus humain ou moins humain en fonctionde sa situation d’un côté ou de l’autre d’unef ro n t i è re » 1.

Ce qui est en jeu, c’est le visage que nousvoulons nous donner comme société et lavaleur de toute vie. Des pas en avant nom-breux et positifs ont été faits dans différentsdomaines, spécialement dans les sociétés dé-veloppées, mais nous ne pouvons pas ou-blier que le progrès de nos peuples ne peutpas se mesurer seulement par le développe-ment technologique ou économique. Il dé-pend surtout de la capacité de se laisser re-muer et toucher par celui qui frappe à laporte et qui avec son regard discrédite etprive d’autorité toutes les fausses idoles quihypothèquent la vie et la réduisent en escla-vage; idoles qui promettent un bonheur illu-soire et éphémère, construit aux marges de

la réalité et de la souffrance des autres.Comme devient déserte et inhospitalière uneville quand elle perd la capacité de la com-passion! une société sans cœur… une mèrestérile. Vous n’êtes pas des marginaux, vousêtes au centre du cœur de l’Eglise.

J’ai voulu offrir quatre verbes — a c c u e i l l i r,protéger, promouvoir et intégrer — afin queceux qui veulent aider à rendre plus concrè-te et réelle cette alliance puissent avec sages-se s’impliquer plutôt que se taire, secourirplutôt qu’isoler, édifier plutôt qu’abandon-n e r.

Chers amis, je voudrais redire ici l’imp or-tance que revêtent ces quatre verbes. Ilssont comme un cadre de référence pourtous. En effet, nous sommes tous impliquésdans cet engagement — de façons diverses,mais tous impliqués — et nous sommes tousnécessaires pour garantir une vie plus digne,sûre et solidaire. J’aime penser que le pre-mier volontaire, assistant, sauveteur, amid’un migrant est un autre migrant qui con-naît personnellement la souffrance du che-min. On ne peut pas penser des stratégiesde grande portée, capables de donner la di-gnité, en se limitant à des actions d’assistan-ce envers le migrant. C’est quelque chosed’incontournable, mais d’insuffisant. Il estnécessaire que vous, migrants, vous voussentiez les premiers protagonistes et gérantsdans tout ce processus.

Ces quatre verbes peuvent aider à réaliserdes alliances capables de dégager des espa-ces où accueillir, protéger, promouvoir et in-tégrer. En définitive, des espaces où donnerde la dignité.

«En considérant la situation actuelle, ac-cueillir signifie avant tout offrir aux migrantset aux réfugiés de plus grandes possibilitésd’entrée sûre et légale dans les pays de des-tination» (Message Journée mondiale du mi-grant 2018). L’élargissement des canaux mi-gratoires réguliers est de fait un des objec-tifs principaux du Pacte mondial. Cet enga-gement commun est nécessaire pour ne pasaccorder de nouveaux espaces aux «mar-chands de chair humaine» qui spéculent surles rêves et sur les besoins des migrants.Tant que cet engagement ne sera pas pleine-ment réalisé, on devra affronter la pressanteréalité des flux irréguliers avec justice, soli-darité et miséricorde. Les formes d’expul-sion collective, qui ne permettent pas unegestion correcte des cas particuliers, ne doi-

Rencontre au siège de la Caritas

Protéger les droits et la dignitédes enfants migrants

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Visite à l’institutMohammed VI

Dans l’après-midi du samedi 30mars, le Pape François a visitél’institut Mohammed VIpour la formation de prédicateurs etguides religieux d’un islam modéréet tolérant

vent pas être acceptées. Par contre les par-cours de régularisation extraordinaires, sur-tout dans le cas de familles et de mineurs,doivent être encouragés et simplifiés.

P ro t é g e r veut dire assurer la défense «desdroits et de la dignité des migrants ainsi quedes réfugiés, indépendamment de leur statutmigratoire» (ibid.). En regardant la réalitéde cette région, la protection doit être assu-rée avant tout le long des routes migratoi-res, qui sont souvent, hélas, des théâtres deviolence, d’exploitation et d’abus en tousgenres. Ici aussi il apparaît nécessaire deporter une attention particulière aux mi-grants en situation de grande vulnérabilité,aux nombreux mineurs non accompagnés etaux femmes. Il est essentiel de pouvoir ga-rantir à tous une assistance médicale, psy-chologique et sociale adéquate pour redon-ner dignité à qui l’a perdue au cours duchemin, comme s’y consacrent avec dévoue-ment les opérateurs de cette structure. Etparmi vous, il y en a qui peuvent témoignercombien sont importants ces services deprotection, pour donner une nouvelle espé-rance aux migrants, aussi longtemps qu’ilsséjournent dans les pays qui les ont ac-cueillis.

P ro m o u v o i r, signifie assurer à tous, mi-grants et autochtones, la possibilité de trou-ver un milieu sûr où se réaliser intégrale-ment. Cette promotion commence avec lareconnaissance que personne n’est un dé-chet humain, mais que chacun est porteurd’une richesse personnelle, culturelle et pro-fessionnelle qui peut apporter beaucoup devaleur là où il se trouve. Les sociétés d’ac-cueil en seront enrichies si elles savent valo-riser au mieux la contribution des migrants,en prévenant tout type de discrimination ettout sentiment xénophobe. L’a p p re n t i s s a g ede la langue locale, comme véhicule essen-tiel de communication interculturelle, seravivement encouragé, de même que touteforme positive de responsabilisation des mi-grants envers la société qui les accueille, ap-prenant à y respecter les personnes et lesliens sociaux, les lois et la culture, pour of-frir ainsi une contribution renforcée au dé-veloppement humain intégral de tous.

Mais n’oublions pas que la promotionhumaine des migrants et de leurs famillescommence aussi par les communautés d’ori-gine, là où doit être aussi garanti, avec ledroit d’émigrer, celui de ne pas être con-traints à émigrer, c’est-à-dire le droit detrouver dans sa patrie des conditions quipermettent une vie digne. J’apprécie et j’en-

courage les efforts des programmes de co-opération internationale et de développe-ment transnational dégagés d’intérêts parti-sans, où les migrants sont impliqués commeles principaux protagonistes (cf. D i s c o u rsaux participants au forum international sur«migration et paix», 21 février 2017).

I n t é g re r veut dire s’engager dans un pro-cessus qui valorise à la fois le patrimoineculturel de la communauté qui accueille etcelui des migrants, construisant ainsi unesociété interculturelle et ouverte. Nous sa-vons qu’il n’est pas du tout facile d’e n t re rdans une culture qui nous est étrangère —aussi bien pour qui arrive que pour qui ac-cueille —, de nous mettre à la place de per-sonnes très différentes de nous, de compren-dre leurs pensées et leurs expériences. Ainsi,souvent, nous renonçons à la rencontre avecl’autre et nous élevons des barrières pournous défendre (cf. Homélie pour la Journéemondiale du migrant et du réfugié, 14 janvier2018). Intégrer demande donc de ne pas selaisser conditionner par les peurs et parl’ignorance.

Ici il y a un chemin à faire ensemble,comme de vrais compagnons de voyage, unvoyage qui nous engage tous, migrants etautochtones, dans l’édification de villes ac-cueillantes, plurielles et attentives aux pro-cessus interculturels, des villes capables devaloriser la richesse des différences dans larencontre de l’autre. Et dans ce cas aussi,beaucoup parmi vous peuvent témoignerpersonnellement combien un tel engage-ment est essentiel.

Chers amis migrants, l’Eglise reconnaît lessouffrances qui jalonnent votre chemin et el-le en souffre avec vous. En vous rejoignantdans vos situations si diverses, elle tient àrappeler que Dieu veut faire de nous tousdes vivants. Elle désire se tenir à vos côtéspour construire avec vous ce qui est le meil-leur pour votre vie. Car tout homme a droità la vie, tout homme a le droit d’avoir desrêves et de pouvoir trouver sa juste placedans notre «maison commune»! Toute per-sonne a droit à un avenir.

Je voudrais encore exprimer mes remer-ciements à toutes les personnes qui se sontmises au service des migrants et des réfugiésdans le monde entier, et aujourd’hui parti-culièrement à vous, opérateurs de la Caritas,qui avez l’honneur de manifester l’amourmiséricordieux de Dieu à tant de nos frèreset sœurs au nom de toute l’Eglise, ainsi qu’àtoutes les associations partenaires. Vous sa-vez bien et vous faites l’expérience que pourle chrétien «il ne s’agit pas seulement demigrants», mais c’est le Christ lui-même quifrappe à nos portes.

Que le Seigneur, qui durant son existenceterrestre a vécu dans sa propre chair la souf-france de l’exil, bénisse chacun de vous,vous donne la force nécessaire pour ne pasvous décourager et pour être les uns pourles autres «un port sûr» d’accueil.

M e rc i .1 Discours de S.M. le roi du Maroc à laConférence intergouvernementale sur les mi-grations, Marrakech, 10 décembre 2018.

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Rencontre avec le clergé, les religieux et le Conseil œcuménique des Eglises

Levain de fraternitéDans la matinée du dimanche 31 mars, le Pape arencontré dans la cathédrale Saint-Pierre, de Rabat, leclergé, les religieux, les religieuses et le Conseilœcuménique des Eglises. Après le salut d’un prêtre etd’une religieuse, le Pape a prononcé le discourssuivant.

Chers frères et sœurs,Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer. Jeremercie spécialement le père Germain et sœurMary pour leurs témoignages. Je tiens aussi à sa-luer les membres du Conseil œcuménique desEglises, qui manifeste visiblement la communionvécue ici, au Maroc, entre les chrétiens de différen-tes confessions, sur le chemin de l’unité. Les chré-tiens sont un petit nombre dans ce pays. Mais cet-te réalité n’est pas, à mes yeux, un problème, mê-me si elle peut parfois s’avérer difficile à vivre pourcertains. Votre situation me rappelle la question deJésus: «A quoi le règne de Dieu est-il comparable,à quoi vais-je le comparer? […] Il est comparableau levain qu’une femme a pris et enfoui dans troismesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte aitlevé» (Lc 13, 18.21). En paraphrasant les paroles duSeigneur nous pourrions nous demander: à quoiest comparable un chrétien sur ces terres? A quoi

l’on a de produire et de susciter changement, éton-nement et compassion; par la manière dont nousvivons comme disciples de Jésus, au milieu de cel-les et ceux dont nous partageons le quotidien, lesjoies, les peines, les souffrances et les espoirs(cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium etspes, n. 1). Autrement dit, les chemins de la mis-sion ne passent pas par le prosélytisme. S’il vousplaît, ils ne passent pas par le prosélytisme! Rap-pelons-nous Benoît XVI: «L’Eglise ne grandit paspar prosélytisme, mais par attraction, par le témoi-gnage». Non, ils ne passent pas par le prosélytismequi conduit toujours à une impasse, mais par notremanière d’être avec Jésus et avec les autres. Ainsile problème n’est donc pas d’être peu nombreuxmais d’être insignifiants, de devenir un sel qui n’aplus la saveur de l’Evangile — c’est ça le problème!—, ou une lumière qui n’éclaire plus rien (cf. Mt 5,13-15).

Je pense que la préoccupation surgit quandnous chrétiens, nous sommes harcelés par la pen-sée de pouvoir être signifiants seulement si noussommes une masse et si nous occupons tous les es-paces. Vous savez bien que la vie se joue avec lacapacité que nous avons de «lever» là où nousnous trouvons et avec qui nous nous trouvons.

Paul VI dans son encyclique Ecclesiam suam:«L’Eglise doit entrer en dialogue avec le mondedans lequel elle vit. L’Eglise se fait parole; l’Eglisese fait message; l’Eglise se fait conversation»(n. 67). Affirmer que l’Eglise doit entrer en dialo-gue ne relève pas d’une mode — a u j o u rd ’hui c’estla mode du dialogue, non, il ne dépend pas de ce-la —, encore moins d’une stratégie pour accroître lenombre de ses membres, non ce n’est pas non plusune stratégie. Si l’Eglise doit entrer en dialogue,c’est par fidélité à son Seigneur et Maître qui, de-puis le commencement, mu par l’amour, a vouluentrer en dialogue comme un ami et nous inviter àparticiper à son amitié (cf. Conc. œcum. Vat. II,Const. dogm. Dei Verbum, n. 2). Ainsi, comme dis-ciples de Jésus Christ, nous sommes appelés, de-puis le jour de notre baptême, à faire partie de cedialogue de salut et d’amitié, dont nous sommes lespremiers bénéficiaires.

En ces terres, le chrétien apprend à être sacre-ment vivant du dialogue que Dieu veut engageravec chaque homme et chaque femme, quelle quesoit sa condition de vie. Un dialogue que, par con-séquent, nous sommes invités à réaliser à la maniè-re de Jésus, doux et humble de cœur (cf. Mt 11,29), avec un amour fervent et désintéressé, sanscalculs et sans limites, dans le respect de la libertédes personnes. Dans cet esprit, nous trouvons desfrères aînés qui nous montrent le chemin, parceque, par leur vie, ils ont témoigné que cela est pos-sible, une «mesure haute» qui nous défie et nousstimule. Comment ne pas évoquer la figure desaint François d’Assise qui, en pleine croisade, estallé rencontrer le sultan al-Malikal-Kamil? Et com-ment ne pas mentionner le bienheureux Charles deFoucault qui, profondément marqué par la viehumble et cachée de Jésus à Nazareth, qu’il ado-rait en silence, a voulu être un «frère universel»?Ou encore ces frères et sœurs chrétiens qui ontchoisi d’être solidaires avec un peuple jusqu’audon de leurs propres vies? Ainsi, quand l’Eglise, fi-dèle à sa mission reçue du Seigneur, entre en dialo-gue avec le monde et se fait conversation, elle partici-pe à l’avènement de la fraternité, qui a sa sourceprofonde non pas en nous, mais dans la Paternitéde Dieu.

Ce dialogue de salut, comme consacrés, noussommes invités à le vivre avant tout comme uneintercession pour le peuple qui nous a été confié.Je me souviens d’une fois, parlant avec un prêtrequi se trouvait comme vous sur une terre où leschrétiens sont une minorité, il me racontait que laprière du «Notre Père» avait acquis en lui un échospécial parce que, en priant au milieu de person-nes d’autres religions, il ressentait avec force lesparoles «donne-nous aujourd’hui notre pain de cejour». La prière d’intercession du missionnairepour ce peuple, qui d’une certaine manière luiavait été confié, non pas pour l’administrer mais

pour l’aimer, le conduisait à prier cette prière avecun ton et un goût spécial. Le consacré, le prêtreporte à son autel, dans sa prière la vie de ses com-patriotes et maintient vivante, comme à travers unepetite brèche dans cette terre, la force vivifiante del’Esprit. Comme il est beau de savoir que, en di-vers lieux de cette terre, dans vos voix, la créationpeut implorer et continuer à dire: «Notre Père».

C’est donc un dialogue qui devient prière et quenous pouvons réaliser concrètement tous les joursau nom «de la “fraternité humaine” qui embrassetous les hommes, les unit et les rend égaux. Aunom de cette f ra t e r n i t é déchirée par les politiquesd’intégrisme et de division, par les systèmes deprofit effréné et par les tendances idéologiques hai-neuses, qui manipulent les actions et les destinsdes hommes» (Document sur la fraternité humaine,Abou Dabi, 4 février 2019). Une prière qui ne faitpas de distinction, ne sépare pas et ne marginalisepas, mais qui se fait l’écho de la vie du prochain;prière d’intercession qui est capable de dire auPère: «Que ton Règne vienne». Non pas par la vio-lence, non pas par la haine, ni par la suprématieethnique, religieuse, économique, etc., mais par laforce de la compassion déversée sur la Croix pourtous les hommes. C’est l’expérience vécue par lamajorité d’entre vous.

Je remercie Dieu pour ce que vous avez fait,comme disciples de Jésus Christ, ici au Maroc, entrouvant chaque jour dans le dialogue, dans la col-laboration et dans l’amitié, les instruments poursemer avenir et espérance. Ainsi vous démasquez

et réussissez à mettre en évidence toutes les tentati-ves d’utiliser les différences et l’ignorance pour se-mer la peur, la haine et le conflit. Parce que noussavons que la peur et la haine, nourries et manipu-lées, déstabilisent et laissent spirituellement sansdéfense nos communautés.

Je vous encourage, sans autre désir que de ren-dre visible la présence et l’amour du Christ quis’est fait pauvre pour nous pour nous enrichir de sap a u v re t é (cf. 2 Co 8, 9): continuez à vous faire pro-ches de ceux qui sont souvent laissés de côté, despetits et des pauvres, des prisonniers et des mi-grants. Que votre charité se fasse toujours active etsoit ainsi un chemin de communion entre les chré-tiens de toutes les confessions présentes au Maroc:

Vous tous, vous êtes des témoins d’une his-toire qui est glorieuse parce qu’elle est une his-toire de sacrifices, d’espérance, de lutte quoti-dienne, de vie consumée dans le service, de co-nstance dans le travail fatigant, parce que touttravail est à la sueur du front. Mais permettez-moi de vous dire aussi: «Vous n’avez pas seule-ment à vous rappeler et à raconter une histoireglorieuse, mais vous avez à construire une grandeh i s t o i re ! Regardez vers l’avenir — fréquentez l’ave-nir — où l’Esprit vous envoie» (Exhort apost.post-syn. Vita consecrata, n. 110), pour continuer àêtre un signe vivant de cette fraternité à laquellele Père nous a appelés, sans volontarisme ni rési-gnation, mais comme des croyants qui savent

Visite au centrerural des servicesso ciaux

Le Pape a salué frère Jean-Pierre Schumacher, survivant du massacre des moines de Tibhirine

puis-je le comparer? Il est comparable à un peu delevain que la mère Eglise veut mélanger à unegrande quantité de farine, jusqu’à ce que toute lapâte ait levé. En effet, Jésus ne nous a pas choisiset envoyés pour que nous devenions les plus nom-breux! Il nous a appelés pour une mission. Il nousa mis dans la société comme cette petite quantitéde levain: le levain des béatitudes et de l’amourfraternel dans lequel, comme chrétiens, nous puis-sions tous nous retrouver pour rendre présent sonRègne. Et ici me vient à l’esprit le conseil quesaint François a donné à ses frères, quand il les aenvoyés: «Allez et prêchez l’Evangile: et si c’estnécessaire, aussi avec les paroles»

Cela signifie, chers amis, que notre mission debaptisés, de prêtres, de consacrés, n’est pas déter-minée particulièrement par le nombre ou par l’es-pace que nous occupons, mais par la capacité que

Même si apparemment cela ne peut pas apporterd’avantages tangibles ou immédiats (cf. Exhort.apost. Evangelii gaudium, n. 210). Parce qu’ê t rechrétien, ce n’est pas adhérer à une doctrine, ni àun lieu de culte, ni à un groupe ethnique. Etrechrétien c’est une rencontre, une rencontre avec Jé-sus Christ. Nous sommes chrétiens parce que nousavons été aimés et rencontrés et non pas parce quenous sommes des fruits du prosélytisme. Etre chré-tien, c’est se savoir pardonnés, se savoir invités àagir de la même manière dont Dieu a agi avecnous, puisque «à ceci, tous reconnaîtront que vousêtes mes disciples: si vous avez de l’amour les unspour les autres» (Jn 13, 35).

Conscient du contexte dans lequel vous êtes ap-pelés à vivre votre vocation baptismale, votre mi-nistère, votre consécration, chers frères et sœurs, ilme vient à l’esprit cette parole du saint Pape

que le Seigneur nous précède toujours et ouvredes espaces d’espérance là où quelque chose ouquelqu’un semblait perdu.

Que le Seigneur bénisse chacun de vous, et àtravers vous les membres de toutes vos communau-tés. Que son Esprit vous aide à porter des fruits enabondance: des fruits de dialogue, de justice, depaix, de vérité et d’amour pour qu’ici, sur cetteterre aimée de Dieu, grandisse la fraternité humai-ne. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pourmoi. Merci.

[Quatre enfants viennent à côté du Pape]. Fran-çois dit: «Voici l’avenir! Le présent et l’avenir!»

Et maintenant, mettons-nous sous la protectionde la Vierge Marie, en récitant l’Angelus.

l’œcuménisme de la charité.Qu’elle puisse être aussi unchemin de dialogue et decoopération avec nos frères etsœurs musulmans et avectoutes les personnes de bon-ne volonté. La charité, spé-cialement envers les plus fai-bles, est la meilleure oppor-tunité que nous avons pourcontinuer à travailler en fa-veur d’une culture de la ren-contre. Qu’elle soit enfin cechemin qui permette d’a l l e r,sous le signe de la fraternité,vers les personnes blessées,éprouvées, empêchées de sereconnaître membres del’unique famille humaine.Comme disciples de JésusChrist, dans ce même espritde dialogue et de coopération, ayez toujours àcœur d’apporter votre contribution au service de lajustice et de la paix, de l’éducation des enfants etdes jeunes, de la protection et de l’accompagne-ment des personnes âgées, des faibles, des porteursde handicap et des opprimés.

Je vous remercie encore tous, frères et sœurs,pour votre présence et pour votre mission ici auMaroc. Merci pour votre présence humble et dis-crète, à l’exemple de nos anciens dans la vieconsacrée, parmi lesquels je veux saluer la doyen-ne, sœur Ersilia. A travers toi, chère sœur, j’a d re s s eun salut cordial aux sœurs et aux frères âgés qui,en raison de leur état de santé, ne sont pas pré-sents physiquement mais sont unis à nous par lap r i è re .

Dans la matinée du dimanche31 mars, le Pape s’est rendu en visiteau centre rural des services sociaux deTémara, géré par les Filles de lacharité, qui offre divers services à lapopulation locale, dontl’alphabétisation des adultes, lesoutien scolaire des enfants, unecantine, une maternelle, uneassistance psychologique et des soinsmédicaux pour les adultes.

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page 10 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 2 avril 2019, numéro 14

Messe au complexe sportif Prince Moulay Abdallah

Compassion et miséricordeLa Messe célébrée au complexe sportif PrinceMoulay Abdallah, dans l’après-midi dudimanche 31 mars, a été le dernier rendez-vousavant le départ du Maroc. A cette occasion, lePape François a prononcée l’homélie suivante:

«Comme il était encore loin, son pèrel’aperçut et fut saisi de compassion; il cou-rut se jeter à son cou et le couvrit de bai-sers» (Lc 15, 20).

C’est de cette manière que l’Evangilenous place au cœur de la parabole qui mon-tre l’attitude du père en voyant son fils reve-nir: touché au plus profond, il ne le laissepas arriver à la maison, alors qu’il le sur-prend en courant à sa rencontre. Un enfantregretté et attendu. Un père ému lorsqu’il levoit revenir.

Mais cela n’a pas été le seul moment oùle père a couru. Sa joie serait incomplètesans la présence de son autre fils. C’estpourquoi il sort aussi à sa rencontre pourl’inviter à participer à la fête (cf. v. 28).Mais, il semble que le fils aîné n’ait pas ap-précié les festivités de bienvenue, que celalui ait coûté de supporter la joie du père; ilne salue pas le retour de son frère et dit:«ton fils que voilà» (v. 30). Pour lui, sonfrère demeure perdu, parce qu’il l’a déjà ou-blié dans son cœu r.

Dans son incapacité à participer à la fête,non seulement il ne reconnaît pas son frère,mais il ne reconnaît pas non plus son père.Il préfère la situation d’orphelin à la frater-nité, l’isolement à la rencontre, l’amertume àla fête. Non seulement il lui est difficile decomprendre et de pardonner à son frère,mais il ne peut pas non plus accepterd’avoir un père capable de pardonner, prêt àattendre et à veiller afin que personne nereste dehors; en définitive, un père capablede ressentir de la compassion.

Sur le seuil de cette maison le mystère denotre humanité semble se manifester: d’uncôté, il y a la fête pour le fils retrouvé, et,de l’autre, un certain sentiment de trahisonet d’indignation provoqué par la fête de sonretour. D’un côté l’hospitalité pour celui quia fait l’expérience de la misère et de la souf-france, et qui en était même arrivé à sentiret à vouloir se nourrir de ce que mangeaientles porcs; de l’autre, l’irritation et la colèrepour le fait d’avoir donné une telle accoladeà qui n’en était pas digne ni la méritait.

Ainsi, une fois de plus, est mise en lumiè-re la tension vécue dans nos peuples et noscommunautés, et aussi en nous-mêmes. Unetension qui depuis Caïn et Abel nous habiteet que nous sommes invités à regarder en fa-ce: qui a le droit de rester parmi nous,

d’avoir une place à nos tables et dans nosassemblées, dans nos préoccupations et nosoccupations, sur nos places et dans nos vil-les? Cette question fratricide semble conti-nuer à résonner: Est-ce que je suis le gar-dien de mon frère? (cf. Gn 4, 9).

Sur le seuil de cette maison apparaissentles divisions et les affrontements, l’a g re s s i v i -té et les conflits qui frappent toujours auxportes de nos grands désirs, de nos luttespour la fraternité et pour que toute person-ne puisse faire l’expérience dès maintenantde sa condition et de sa dignité de fils.

Mais dans le même temps, sur le seuil de

forcée ou la marginalisation silencieuse.C’est seulement si, chaque jour, nous som-mes capables de lever les yeux vers le ciel etde dire Notre Père, que nous pourrons entrerdans une dynamique qui nous permet denous regarder et de prendre le risque de vi-vre, non pas comme des ennemis, mais com-me des frères.

Le père dit à son fils aîné: «Tout ce quiest à moi est à toi» (Lc 15, 31). Et il ne seréfère pas seulement aux biens matérielsmais au fait de participer aussi à son amourmême et à sa propre compassion. C’est l’hé-ritage et la richesse les plus grands du chré-tien. Pour que, plutôt que de nous évalueret de nous classifier à partir de notre condi-tion morale, sociale, ethnique ou religieuse,nous puissions reconnaître qu’il existe uneautre condition, que personne ne pourrasupprimer ni détruire puisqu’elle est purdon: la condition d’enfants aimés, attenduset célébrés par le Père.

«Tout ce qui est à moi est à toi», égale-ment ma capacité de compassion, nous ditle Père. Ne tombons pas dans la tentationde réduire notre appartenance de fils à unequestion de lois et d’interdictions, de de-voirs et de conformités. Notre appartenanceet notre mission ne naîtront pas de volonta-rismes, de légalismes, de relativismes oud’intégrismes mais de personnes croyantesqui supplieront tous les jours, avec humilitéet constance: que ton Règne vienne surnous.

La parabole évangélique présente une finouverte. Nous voyons le père prier son filsaîné d’entrer et de participer à la fête de lamiséricorde. L’Evangéliste ne dit rien sur ladécision que celui-ci a prise. Se sera-t-iljoint à la fête? Nous pouvons penser quecette fin ouverte a été écrite pour que

SUITE À LA PA G E 11

chaque communauté, chacun de nous, puis-se l’écrire avec sa vie, avec son regard et sonattitude envers les autres. Le chrétien saitque dans la maison du Père, il y a beaucoupde demeures, seuls restent dehors ceux quine veulent pas prendre part à sa joie.

Chers frères, chères sœurs, je veux vousremercier pour la manière dont vous rendeztémoignage de l’Evangile de la miséricordeen ces lieux. Merci pour les efforts réalisésafin que vos communautés soient des oasisde miséricorde. Je vous encourage à conti-nuer en faisant grandir la culture de la misé-ricorde, une culture dans laquelle personnene regarde l’autre avec indifférence ni ne dé-tourne le regard quand il voit sa souffrance(cf. Lett. ap. Misericordia et misera, n. 20).Continuez auprès des petits et des pauvres,de ceux qui sont exclus, abandonnés etignorés, continuez à être des signes de l’ac-colade et du cœur du Père.

breuses; les situations qui peuvent nousconduire à nous affronter et à nous divisersont indiscutables. Nous ne pouvons pas lenier. La tentation de croire en la haine et enla vengeance comme moyens légitimes d’as-surer la justice de manière rapide et efficace,nous menace toujours. Mais l’exp ériencenous dit que la seule chose qu’apportent lahaine, la division et la vengeance, c’est detuer l’âme de nos peuples, d’emp oisonnerl’espérance de nos enfants, de détruire etd’emporter avec elles tout ce que nous ai-mons.

C’est pourquoi Jésus nous invite à regar-der et à contempler le cœur du Père. C’estseulement à partir de là que nous pourrons,chaque jour, nous redécouvrir frères. C’estseulement à partir de ce vaste horizon, capa-ble de nous aider à dépasser nos logiques àcourte vue qui divisent, que nous serons enmesure de parvenir à un regard qui ne pré-tend pas clore ni abandonner nos différen-ces en cherchant éventuellement une unité

cette maison brillera entoute clarté le désir duPère, sans élucubrationsni excuses qui lui enlè-vent de la force: le désirque tous ses enfantsprennent part à sa joie;que personne ne vivedans des conditions in-humaines, comme le jeu-ne fils, ni en orphelin,dans l’isolement oul’amertume comme le filsaîné. Son cœur veut quetous les hommes soientsauvés et parviennent àla connaissance de la vé-rité (cf. 1 Tm 2, 4).

Certes, les cir-constances qui peuventnourrir la division et laconfrontation sont nom-

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numéro 14, mardi 2 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 11

Le Pape lance le projet international Scholas Occurentes

Les jeunesprotagonistes de paix

Rencontre et fraternité

Voir «l’enthousiasme des jeunes de paysaussi différents, qui ont fait ces derniersmois l’expérience de Scholas», suscite tou-jours de l’émerveillement: des garçons et desfilles du Portugal, du Panama, de Roumanieet d’Italie, qui «ont fait l’expérience de ladouleur, comme ceux du service de pédia-trie de l’hôpital Fatebenefratelli de Milan; etd’autres qui ont fait une expérience de silen-ce, de contemplation et de formation avecles moniales âgées du monastère des béné-dictine de Pistoia». C’est ainsi que le prési-dent de la Fondation Scholas Occurrentes,José María del Corral, raconte à «L’O sser-vatore Romano» le climat de fraternité et departage qui a marqué la rencontre du PapeFrançois avec les jeunes, qui s’est dérouléedans l’après-midi du 21 mars, au siège ro-maine de Scholas à Trastevere. L’occasion aété l’inauguration du projet international«En programmant pour la paix», auquelont également participé des experts d’infor-matique.

José María del Corral dit qu’il a été émuen voyant le Pape qui dialoguait avec lesjeunes. «Nous atteignons notre sixième an-niversaire comme organisation internationale— explique-t-il — même s’il y a plus de vingtans que nous travaillons pour affronter cul-turellement de manière nouvelle, différente,le changement éducatif». José María delCorral souligne que les efforts pour pour-suivre le programme de Scholas viennent de

tout ce que l’on a semé dans le monde. «Lajoie de voir des fruits aussi forts, aussi inte-nses et aussi différents», nous pousse à nousexclamer que «six années ne sont rien pourautant de fruit. Six années ne sont rien pourautant de lieux». Sans aucun doute, ajoutele président, «je crois que cette difficilecombinaison éducative entre quantité etqualité, a fait comprendre aux jeunes que cesont eux les protagonistes du changement,parce que celui-ci se fait du bas vers lehaut». Comme l’a également dit le Pape, àScholas les jeunes ont un avenir, ils ontcompris qu’ils sont maintenant présents.

Il est significatif que «dans le domainetechnologique, le défi de cette année est quesoixante millions de jeunes, à travers la pla-teforme inaugurée par le Pape, se retrouve-ront ensemble pour la première fois pourprogrammer la paix». Et il est beau, souli-gne José María del Corral, que ce soit Fran-çois lui-même qui ait lancé la première lignede cette plateforme.

L’objectif de l’initiative est de permettre àdes millions de jeunes d’apprendre à pro-grammer dans une optique éthique, en s’en-gagent pour la recherche de la paix. En ef-fet, en se reliant au voyage apostolique àPanama de janvier dernier — où il avait ren-contré un groupe local de jeunes de Scholas— le Pape a inauguré en vidéo-conférence le«Hub tecnológico scholas», au nouveausiège de ce pays d’Amérique centrale. Ils’est ensuite mis en liaison avec d’autres jeu-nes des nouveaux sièges de Scholas, à com-mencer par Cascais au Portugal, où sera cé-lébrée la prochaine J M J. Le président de laRépublique, Marcelo Rebelo de Sousa étaitégalement présent en vidéo-conférence. Celaa ensuite été le tour de la Roumanie, où lePape se rendra en mai prochain. Le ministredes affaires étrangères, avec le recteur et leprésident du sénat de l’Ecole nationaled’études politiques et administratives ontparticipé à la liaison. Le Pape est ensuiteentré en liaison avec Milan, où l’attendaientdes jeunes victimes de harcèlement. Dans cedomaine seront réalisés des programmes deformation artistique en tant qu’i n s t ru m e n tde guérison. De cette manière, la méthodo-logie de Scholas s’ajoute à l’engagementpour la protection de la santé publique: àMilan, et ce n’est pas un hasard, est née unecollaboration avec le service de pédiatrie del’hôpital Fatebenefratelli. Une liaison a en-fin eu lieu en direct avec Pistoia, où s’élèvele monastère des bénédictines de Santa Ma-ria degli Angeli, qui accueillera un siège deScholas.

Le Pape a fait remarquer que, tout récem-ment, les jeunes de diverses villes du mondesont descendus dans la rue pour défendrel’environnement, pour défendre la terre. Eneffet, les jeunes ont un pouvoir inimagina-ble, ils sont créatifs, a encore dit le Pape, eninsistant sur la nécessité de s’appuyer surleur créativité et de ne pas les domestiquer.Il a ensuite lancé un avertissement: c’estbien de protester, de faire valoir ses propresraisons, mais la protestation à elle seule nesuffit pas, il faut construire. Et quand on

travaille pour faire quelque chose ensemble,pour construire, il est possible de commettredes erreurs. D’autre part, a fait remarquerFrançois, il vaut mieux commettre des er-reurs en faisant quelque chose plutôt que deles commettre en restant les bras croisés. Larencontre s’est conclue par un geste symbo-lique. Plusieurs jeunes ont rempli leurs bou-teilles d’eau bénite et les ont ensuite distri-buées à toutes les personnes présentes.«Que Dieu nous transforme en “eau vive”»a prié le Pape, qui a ensuite salué un par unles jeunes avant de rentrer au Vatican.

comme méthode, n’est pas une mode, ni unestratégie, mais une route que l’Eglise doit suivre«par fidélité à son Seigneur et Maître qui, dès ledébut, animé par l’amour, a voulu entrer en dia-logue comme ami et nous inviter à participer àson amitié». En restant fidèle à la mission reçueen entrant en dialogue, ou plutôt en «colloque»avec le monde dans lequel elle se trouve, selonl’expression d’Ecclesiam suam de Paul VI, l’Eglise«participe à l’avènement de la fraternité qui a sasource profonde non pas en nous, mais dans laPaternité de Dieu». Si l’on ne remonte pas àcette source profonde, la fraternité finit par êtreune parole vide, un concept réaffirmé par le Pa-pe dans l’homélie de dimanche: «C’est pourquoiJésus nous invite à regarder et à contempler lecœur du Père. C’est seulement à partir de là quenous pourrons, chaque jour, nous redécouvrirfrères. C’est seulement à partir de ce vaste hori-zon, capable de nous aider à dépasser nos logi-ques à courte vue qui divisent [...]. Pour que,plutôt que de nous évaluer et de nous classifierà partir de notre condition morale, sociale,ethnique ou religieuse, nous puissions reconnaî-tre qu’il existe une autre condition, que person-ne ne pourra supprimer ni détruire puisqu’elleest pur don: la condition d’enfants aimés, atten-dus et célébrés par le Père». Il y a une autrecondition, qui n’est pas celle de l’horizon étroitde la matérialité, comme l’a précisé le Pape dansla deuxième rencontre, consacrée aux migrants,de samedi au centre de la Caritas diocésaine:«Le progrès de nos peuples ne peut pas se me-surer seulement par le développement technolo-gique ou économique. Il dépend surtout de lacapacité de se laisser remuer et toucher par celuiqui frappe à la porte et qui avec son regard dis-crédite et prive d’autorité toutes les fausses ido-les qui hypothèquent la vie et la réduisent en es-clavage; idoles qui promettent un bonheur illu-soire et éphémère, construit aux marges de laréalité et de la souffrance des autres». Le Papepoursuit son voyage comme «serviteur de l’esp é-rance», en indiquant à l’homme la possibilitéd’un bonheur qui n’est pas illusoire, à recher-cher à la source originelle, qui réside dans le re-gard miséricordieux de Dieu le Père.

ANDREA MONDA

SUITE DE LA PA G E 1

Que le Miséricordieux et le Clément — com-me l’invoquent si souvent nos frères et sœursmusulmans — vous fortifie et rende fécondes lesœuvres de son amour.

En conclusion, après le salut de l’archevêque deRabat, le Pape a adressé les paroles suivantes auxpersonnes présentes:

A la fin de cette Eucharistie, je veux de nou-veau bénir le Seigneur de m’avoir permis d’ac-complir ce voyage pour être auprès de vous etavec vous, Serviteur de l’E s p é ra n c e .

Je remercie Sa Majesté le roi Mohammed VIpour son invitation, ainsi que les autorités ettoutes les personnes qui ont contribué au bondéroulement de ce voyage.

Merci à mes frères dans l’épiscopat, les arche-vêques de Rabat et de Tanger, ainsi qu’aux prê-tres, religieux et religieuses et à tous les fidèleslaïcs qui sont ici au Maroc, serviteurs de la vieet de la mission de l’Eglise. Merci à vous tous,chers frères et sœurs, pour ce que vous avez fait,afin de préparer ce voyage, et pour ce qu’il nousa été donné de partager dans la foi, l’esp éranceet la charité.

Avec ces remerciements, je voudrais de nou-veau vous encourager à persévérer sur le chemindu dialogue avec nos frères et sœurs musulmanset à contribuer ainsi à rendre visible cette frater-nité universelle qui trouve sa source en Dieu.Soyez ici les serviteurs de l’espérance dont lemonde a besoin.

Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pourmoi.

SUITE DE LA PA G E 10

Homélie lors de la Messe

loin, d’années de travailcaché. Il rappelle ensuiteque le Pape a terminé larencontre en disant quel’on recueille les fruits de

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page 12 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 2 avril 2019, numéro 14

Discours du Pape à l’administration capitoline de Rome

Pour une renaissance morale et spirituelle de la villeAu cours de la visite au Capitole, siège de lamairie de Rome, dans la matinée du mardi 26mars, le Pape François a prononcé un discoursà l’administration capitoline réunie dans lasalle Giulio Cesare. Nous publions ci-dessous lediscours prononcé par le Saint-Père.

Madame la maire,Mesdames et Messieurs les assesseurs etconseillers de la municipalité de Rome,éminentes autorités,chers amis!Je remercie Madame la maire pour son invi-tation appréciée et pour les aimables parolesqu’elle m’a adressées. Mes salutations cor-diales s’étendent aux assesseurs, aux conseil-lers municipaux, aux représentants du gou-vernement, aux autres autorités présentes età tous les citoyens romains.

Je désirais depuis longtemps venir au Ca-pitole pour vous rencontrer et vous expri-mer personnellement mes remerciementspour la collaboration apportée par les auto-rités de la ville à celles du Saint-Siège àl’occasion du jubilé extraordinaire de la Mi-séricorde, ainsi que pour la célébration d’au-tres événements ecclésiaux. En effet, pourque ceux-ci se déroulent de façon ordonnéeet avec succès, ils ont besoin de la disponi-bilité et du travail qualifié des administra-teurs de cette ville, témoin d’une histoirepluri-millénaire et qui, en accueillant lechristianisme, est devenue au cours des siè-cles le centre du catholicisme.

Rome est la patrie d’une conception ori-ginale du droit, modelée sur la sagesse pra-tique de son peuple et à travers laquelle ellea rayonné dans le monde avec ses principeset ses institutions. C’est la ville qui a recon-nu la valeur et la beauté de la philosophie,de l’art et, en général, de la culture produitepar la Grèce antique et qui l’a accueillie etintégrée au point que la civilisation qui en ajailli a été définie à juste titre de gréco-ro-maine. Dans le même temps, par une coïn-cidence qu’il est difficile de ne pas appelerdessein, c’est ici que les saints apôtres Pierreet Paul ont couronné leur mission par lemartyre, et leur sang, uni à celui de nom-breux autres témoins, s’est transformé en se-mence de nouvelles générations de chré-tiens. Ils ont contribué à donner à la villeun nouveau visage qui, même dans le déda-le des diverses vicissitudes historiques, avecleurs drames, leurs lumières et leurs ombres,resplendit aujourd’hui encore grâce à la ri-chesse des monuments, des œuvres d’art,des églises et des palais, le tout disposé demanière inimitable sur les sept collines, dontcelle-ci est la première.

Tout au long de ses près de 2800 ansd’histoire, Rome a su accueillir et intégrerdiverses populations et personnes provenantde tous les lieux du monde, appartenantaux catégories sociales et économiques lesplus variées, sans éliminer leurs légitimesdifférences, sans humilier ni anéantir leurscaractéristiques et identités respectives. Ellea su au contraire offrir à chacune d’elles ceterrain fertile, cet humus adéquat pour faireémerger le meilleur de chacune et former —dans le dialogue mutuel — de nouvellesidentités.

Cette ville a accueilli des étudiants et despèlerins, des touristes, des réfugiés et desmigrants provenant de toutes les régionsd’Italie et de nombreux pays du monde. El-le est devenue un pôle d’attraction et unecharnière. Une charnière entre le nord conti-nental et le monde méditerranéen, entre lescivilisations latine et germanique, entre les

prérogatives et les puissances réservées auxpouvoirs civils et celles propres au pouvoirspirituel. On peut même affirmer que, grâceà la force des paroles évangéliques, a été iciinaugurée cette distinction opportune, dansun respect réciproque et collaboratif pour lebien de tous, entre les autorités civiles et re-ligieuses, qui est plus conforme à la dignitéde la personne humaine et qui lui offre desespaces de liberté et de participation.

Rome est donc devenue un but et unsymbole pour tous ceux qui, la reconnais-sant comme capitale de l’Italie et centre ducatholicisme, se sont mis en marche vers ellepour en admirer les monuments et les tracesdu passé, pour vénérer la mémoire de sesmartyrs, pour célébrer les principales fêtesde l’année liturgique et pour les grandspèlerinages jubilaires, mais aussi pour ap-porter leur contribution au service des insti-tutions de la nation italienne ou du Saint-Siège.

C’est pourquoi, en un certain sens, Romeoblige le pouvoir temporel et le pouvoir spi-rituel à dialoguer constamment, à collaborerde manière stable dans le respect mutuel; etelle demande aussi d’être créatifs, tant pourtisser quotidiennement de bonnes relationsque pour affronter les nombreux problèmesque la gestion d’un patrimoine aussi im-mense comporte nécessairement.

La «ville éternelle» est comme un énormeécrin de trésors spirituels, historiques, artis-tiques et institutionnels et, dans le mêmetemps, le lieu habité par environ trois mil-lions de personnes qui y travaillent, étu-dient, prient, se rencontrent et mènent leurhistoire personnelle et familiale et qui repré-sentent, dans leur ensemble, l’honneur et lesefforts de tous les administrateurs, de tousceux qui s’engagent pour le bien communde la ville. Il s’agit d’un organisme délicat,qui nécessite des soins humbles et assidus etun courage créatif pour rester ordonné et vi-vable, pour que tant de splendeur ne se dé-grade pas, mais pour qu’à l’accumulationdes gloires passées on puisse ajouter la con-tribution des nouvelles générations, leur gé-nie spécifique, leurs initiatives et leurs bonsp ro j e t s .

Le Capitole, avec la coupole de Michel-Ange et le Colisée — que nous pouvons voird’ici — en sont, en un certain sens, les em-blèmes et — la synthèse. En effet, l’ensemblede ces vestiges nous dit que Rome possèdeune vocation universelle, porteuse d’unemission et d’un idéal capable de franchir lesmonts et les mers et d’être raconté à tous,proches et lointains, quel que soit le peupleauquel ils appartiennent, quelle que soit lalangue qu’ils parlent et quelle que soit lacouleur de leur peau. En tant que siège duSuccesseur de saint Pierre, elle est le pointde référence spirituel pour le monde catho-lique tout entier. C’est pourquoi l’on com-prend bien que l’Accord de révision duConcordat entre l’Italie et le Saint-Siège —dont nous célébrons cette année le 35e anni-versaire — affirme que «la République ita-lienne reconnaît la signification particulièreque Rome, siège épiscopal du SouverainPontife, a pour la catholicité» (art. 2 § 4).

Cette identité historique, culturelle et ins-titutionnelle particulière de Rome supposeque l’administration du Capitole soit en me-sure de gouverner cette réalité complexe endisposant des instruments réglementairesappropriés et de ressources suffisantes.

Mais, il est encore plus décisif que Romese maintienne à la hauteur de ses devoirs etde son histoire, qu’elle sache aussi, dans lesnouvelles circonstances d’a u j o u rd ’hui, être àla fois phare de civilisation et maîtressed’accueil, qu’elle ne perde pas sa sagesse quis’exprime dans la capacité d’intégrer et defaire en sorte que chacun se sente partici-pant à part entière d’un destin commun.

L’Eglise qui est à Rome veut aider lesRomains à retrouver leur sentiment d’appar-tenance à une communauté si particulièreet, grâce au réseau de ses paroisses, écoles etinstitutions caritatives, ainsi qu’à l’ample etremarquable engagement de ses bénévoles,elle collabore avec les pouvoirs civils et avectous les citoyens pour conserver à cette villeson visage le plus noble, ses sentimentsd’amour chrétien et de sens civique.

Rome exige et mérite la collaboration ef-fective, sage et généreuse de tous; elle méri-te que les citoyens particuliers comme les

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numéro 14, mardi 2 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 13

forces sociales et les institutions publiques, l’Eglise catho-lique et les autres communautés religieuses, tous se met-tent au service du bien de la ville et des personnes quil’habitent, spécialement de celles qui, pour différentes rai-sons, se trouvent marginalisées, presque écartées et ou-bliées ou qui font l’expérience de la maladie, de l’aban-don ou de la solitude.

Quarante-cinq ans sont passés depuis ce congrès intitu-lé: «Les responsabilités des chrétiens face aux attentes de cha-rité et de justice dans le diocèse de Rome», mieux connucomme le congrès «sur les maux de Rome». Il s’engagea àtraduire dans la pratique les indications du Concile Vati-can II et permit d’aborder, avec une plus grande conscien-ce, les situations réelles des périphéries urbaines, oùétaient arrivées des masses d’immigrés venant d’autres ré-gions d’Italie. Aujourd’hui, ces périphéries, ainsi qued’autres, ont vu l’arrivée, en provenance de nombreuxpays, d’un grand nombre de migrants qui fuyaient lesguerres et la misère, cherchant à reconstruire leur existen-ce dans des conditions de sécurité et de vie digne.

Rome, ville hospitalière, est appelée à affronter ce défihistorique dans le sillage de sa noble histoire, à employerses énergies à accueillir et à intégrer, pour transformer lestensions et les problèmes en opportunités de rencontre etde croissance. Que Rome, fécondée par le sang des mar-tyrs, sache tirer de sa culture, façonnée par la foi dans leChrist, les ressources de créativité et de charité nécessairespour surmonter les peurs qui risquent de bloquer les ini-

Les arrivées l’emportent sur les départs sur le continent

L’Afrique des migrantset le chantage de la finance

désire collaborer toujours plus et mieux au bien de la vil-le, au service de tous, en particulier des plus pauvres etdes personnes défavorisées, pour la culture de la rencon-tre et pour une écologie intégrale. Il encourage toutes sesinstitutions et structures, ainsi que toutes les personnes etles communautés qui s’y réfèrent, à s’engager activementpour témoigner de l’efficacité et du caractère attractifd’une foi qui se fait œuvre, initiative et créativité au servi-ce du bien.

C’est pourquoi je forme les meilleurs vœux pour quetous se sentent pleinement engagés en vue de cet objectifde confirmer avec la clarté des idées et la force du témoi-gnage quotidien les meilleures traditions de Rome et samission, et pour que cela favorise une renaissance moraleet spirituelle de la ville.

Madame la maire, chers amis, au terme de mon inter-vention, je désire confier à la protection de Marie, SalusPopuli Romani et de ses saints patrons Pierre et Paul cha-cun de vous, votre travail et les propositions de bien quivous animent. Puissiez-vous être unis au service de cetteville bien-aimée, dans laquelle le Seigneur m’a appelé àexercer mon ministère épiscopal. J’invoque de tout cœursur chacun de vous l’abondance des bénédictions divineset je vous assure tous de mon souvenir dans la prière. Etvous, priez pour moi et, si certains d’entre vous ne prientpas, au moins qu’ils aient de bonnes pensées pour moi!Merci beaucoup!

tiatives et les par-cours possibles.Ceux-ci pourraientfaire prospérer laville, favoriser la fra-ternisation et créerdes occasions de dé-veloppement, tantcivique que culturel,tant économiqueque social. Rome,ville des ponts, ja-mais des murs!

Que l’on ne crai-gne pas la bonté etla charité! Elles sontcréatives et engen-drent une sociétépacifique, capablede multiplier les for-ces, d’affronter sé-rieusement les pro-blèmes et avecmoins d’angoisse,avec plus de dignitéet de respect pourchacun et de s’ou-vrir à de nouvellesoccasions de déve-lopp ement.

Le Saint-Siège

GIULIO ALBANESE

Le thème des migrations divi-se les esprits. Il suffit de lireles journaux pour s’en ren-

dre compte. Quiconque a vécu enAfrique — pensons, par exemple, ànos missionnaires et bénévoles —est conscient de la complexité duphénomène. A part les tradition-nels scénarios de guerre, on netrouve presque jamais une uniqueraison qui détermine l’abandon deson pays: personne n’est réfugiépar hasard.

En effet, la mobilité humaineest engendrée par une série de fac-teurs qui interagissent entre eux:persécutions politiques, religieuses,famines, exclusion sociale, viola-tions des droits humains... Autantde causes qui engendrent un étatd’insécurité et de précarité éten-dus. Selon les Global Trends duHaut-Commissariat des Nationsunies pour les réfugiés (HCNUR),en 2017, le continent africain a ac-cueilli 24,7 millions de migrants,contre les 14,8 millions enregistrésen 2000 au niveau mondial. Ilfaut souligner que, toujours la mê-me année, selon les sources desNations unies, 75 pour cent deceux qui, en Afrique sub-saharien-ne, ont décidé de migrer sont de-meurés à l’intérieur du continent.

En 2017, les cinq premières des-tinations migratoires intra-africai-nes (pays d’accueil par ordre dé-croissant) ont été l’Afrique duSud, la Côte d’Ivoire, l’O uganda,le Nigéria et l’Ethiopie (toutesplus d’un million de migrants). Lecas de l’Ouganda est particulier:avec une superficie inférieure àcelle de l’Italie, en 2017, il a ac-cueilli 1,4 millions de réfugiés,dont un grand nombre provenaitdu proche Soudan du Sud.

En outre, l’Afrique est égale-ment une destination migratoirepour 5,5 millions de personnes quiproviennent hors des frontières ducontinent, pour la majorité del’Asie. Il est donc évident qu’iln’est pas correct de parler, au-j o u rd ’hui, d’une invasion de l’Eu-rope provenant des rives africai-nes. Cela n’empêche pas que lescaractéristiques de la géopolitiqueafricaine accentuent la phénomé-nologie migratoire dans sonensemble. La crise en Libye en est

la confirmation éclatante, en dé-clenchant le mécanisme pervers dela traite des êtres humains.

La vexata quaestio pour de nom-breux gouvernements africains estquoi qu’il en soit représentée parla dette. Certains d’entre eux sontcontraints de vendre leur atoutsstratégiques (eau, pétrole, électrici-té, téléphonie, cacao, diamants...).Les responsabilités retombent icitant sur les classes dirigeantes lo-cales que sur les institutions finan-cières internationales, qui préten-dent que les concessions pour l’ex-ploitation des matières premières,ainsi que les privatisations (en par-ticulier le land grabbing, c’est-à-di-re l’accaparement des terrains dela part des entreprises étrangères)soient réalisées sans poser de con-ditions pour limiter la dette.

Une chose est certaine: au coursdes dix dernières années, on estpassé un peu partout en Afriquede ce que l’on appelle les crédi-teurs officiels (comme les gouver-nements, le Fonds monétaire inter-national, la Banque mondiale et laBanque africaine pour le dévelop-pement) aux sources privées decrédit (banques, fonds d’investisse-ment, fonds de private equity) et aulibre marché. Il s’agit, en substan-ce, d’une financiarisation de ladette qui a marqué le passage destraditionnels prêts, et d’autres for-mes expérimentées d’assistance fi-nancière, aux obligations tant pu-bliques que privées, à placer surles marchés ouverts. Il faut tenircompte du fait que les obligationsen question sont en devises étran-gères, presque toujours en dollarset donc soumises aux mouvementsdes taux de changes monétaires,presque toujours au détriment desmonnaies nationales africaines.Cela engendre un cercle vicieuxqui pourrait compromettre sérieu-sement le développement futur del’Afrique.

Un facteur d’espérance est re-présenté, quoi qu’il en soit, par lacréation de la zone de libre-échan-ge continentale, le 21 mars 2018,avec la signature de 44 pays afri-cains, dont 30 ont signé le proto-cole sur la libre circulation despersonnes. Ce qui prouve, commel’écrivait Pline l’Ancien, qu’«ExAfrica semper aliquid novi».

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page 14 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 2 avril 2019, numéro 14

Collège épiscopalNominations

Le Saint-Père a nommé:

22 mars

le père DIAMANTINO GUA P O AN-TUNES, I.M.C., jusqu’à présent su-périeur régional de l’institut Mis-sions de la Consolata au Mo-zambique et en Angola: évêquedu diocèse de Tete (Mozam-bique).

Né le 30 novembre 1966 à Al-bergaria dos Doze, dans le dis-trict de Leiria, au Portugal, il areçu l’ordination sacerdotale àFátima le 20 juillet 1994. Au Mo-zambique, il a été curé de diver-ses paroisses, conseiller provin-cial, vicaire épiscopal avant d’ê t renommé, en 2014, supérieur régio-nal de l’institut Missions de laConsolata au Mozambique et en

Angola et, en 2017, supérieur dela communauté angolaise.

25 mars

le père COSME R. ALMEDILLA,du clergé du diocèse de Talibon,jusqu’à présent curé de la parois-se de l’Enfant-Jésus à Ubay (Phi-lippines): évêque de Butuan(Philippines).

Né à Capayas, San Miguel,Bohol, diocèse de Talibon (Phi-lippines), le 27 septembre 1959, ila été ordonné prêtre pour le dio-cèse de Talibon le 4 août 1987. Ila été curé de plusieurs paroisseset a exercé différentes fonctionspastorales avant de devenir, en2015, assistant directeur pastoraldu diocèse de Talibon et, à partirde 2017, curé de l’Enfant-Jésus àUbay, Bohol (Philippines).

le père LEO M. DA L M A O, de laCongrégation des Fils du Cœurimmaculé de Marie, jusqu’à pré-sent conseiller et préfet généralde formation à la curie généralicede l’ordre à Rome: évêque prélatde la prélature d’Isabela (Philip-pines).

Né à Tagbilaran, Bohol (Phi-lippines), le 1er décembre 1969, ila été ordonné prêtre le 31 mai1997. Il a été co-président de l’as-sociation des supérieurs majeursreligieux des Philippines, (2013-2015) avant de devenir, en 2015,conseiller et préfet général deformation des missionnaires cla-rétains à la curie généralice de lacongrégation à Rome.

le père ALEXANDRE YI KY I BAZIÉ,du clergé de Koudougou (Burki-na Faso), jusqu’à présent vicairegénéral: évêque auxiliaire du dio-cèse de Koudougou (Burkina Fa-so), lui assignant le siège titulairede Gummi di Bizacena.

Né le 17 août 1960 à Ténado,Koudougou (Burkina Faso), il aété ordonné prêtre le 19 juillet1987 et incardiné dans le diocèsede Koudougou. Après avoir exer-cé les charges de vicaire paroissial,professeur de théologie, et recteurde séminaire dans son pays, il aété nommé administrateur parois-sial de Notre-Dame de Tourlande,dans le diocèse de Saint-Flour, enFrance (2010-2011); vicaire parois-sial de Saint-Géraud d’Aurillac etresponsable diocésain de la pasto-rale de la jeunesse dans le mêmediocèse (2011-2016); curé de Saint-Alphonse à Réo, à Koudougou(2016-2018). Depuis août 2018, ilétait vicaire général de Koudou-gou.

Démission

Le Saint-Père a accepté la démis-sion de:

23 mars

S.Em. le cardinal RICARD O EZ-Z AT I AN D R E L L O, S.D.B., qui avaitdemandé à être relevé de la char-ge pastorale de l’archidiocèse deSantiago du Chili (Chili).

O rdinariatp ersonnel

Nomination

Le Saint-Père a nommé:

26 mars

le père CARL REID, jusqu’à pré-sent doyen de toutes les paroissescanadiennes de l’ordinariat per-sonnel «The Chair of Saint Pe-ter» (Etats-Unis d’Amérique) etcuré d’une communauté du mê-me ordinariat dans la British Co-lumbia au Canada: ordinaire del’ordinariat personnel «Our Ladyof the Southern Cross» (Austra-lie).

Né le 14 décembre 1950, il aété ordonné diacre dans l’Angli-can Church au Canada en 1988et ministre dans la même juridic-tion, le 23 juin 1990. Il a été or-donné évêque suffragant pour lamême communion le 27 janvier2007. Après avoir été reçu dansla pleine communion de l’Eglisecatholique, le 26 janvier 2013, il aété ordonné prêtre de l’o rd i n a r i a tpersonnel The Chair of Saint Pe-ter aux Etats-Unis, devenant parla suite doyen de toutes les pa-roisses canadiennes de l’o rd i n a -riat et curé d’une communautédans la British Columbia.

Démission

Le Saint-Père a accepté la démis-sion de:

26 mars

Mgr HARRY ENTWISTLE, quiavait demandé à être relevé de lacharge pastorale de l’o rd i n a r i a tpersonnel «Our Lady of theSouthern Cross» (Australie).

Administrateur apostolique

Eglises d’O rientLe Saint-Père a donné son as-sentiment:

18 mars

au père YOUSSEF MAT TA , élucanoniquement par le synodedes évêques de l’Eglise patriar-cale d’Antioche des grecs-mel-kites à la charge d’a rc h e v ê q u ed’Akka (Israël).

Né le 3 décembre 1968 à Na-zareth (Israël), il a été ordonnéprêtre le 19 juin 1999 pour l’ar-chiéparchie d’Akka des grecs-melkites. Après avoir exercé dif-férentes fonctions dans son ar-chiéparchie et au Liban, il a étécuré de Saint-Georges à Ibilinde 2011 à 2013 et, à partir de2013, il a été coadjuteur de laparoisse de l’Annonciation àNazareth, jusqu’à ce qu’il soitélu archevêque d’Akka desgrecs-melkites par le synode desévêques de l’Eglise patriarcaled’Antioche des grecs-melkites,

réuni du 5 au 9 novembre der-niers à Raboueh, au Liban.

25 mars

au synode des évêques del’Eglise patriarcale d’Alexandriedes coptes qui a élu évêque deGuizeh (Egypte) S.Exc. MgrTOMA AD LY ZA KY, jusqu’à pré-sent administrateur apostoliquesede vacante de la même circo-nscription et évêque titulaire deCabasa.

Né à Minya (Egypte) le 5novembre 1966, il a été ordonnéprêtre le 20 avril 2001. Depuis2008, il était professeur d’Ecri-ture sainte et formateur au sé-minaire copte catholique duCaire, dont il est devenu le rec-teur jusqu’à ce que le Pape lenomme administrateur aposto-lique sede vacante de Guizehdes Coptes, l’élevant dans lemême temps au siège titulairede Cabasa.

Le Saint-Père a reçu en audience:

21 mars

S.E. Mme MARIE-LOUISE COLEI-RO PRECA, présidente de la Répu-blique de Malte, avec son épouxet sa suite.S.Em. le cardinal LUIS FRANCISCOLADARIA FERRER, préfet de laCongrégation pour la doctrine dela foi.S.E. M. OMER AHMED KERIMBERZINJI, ambassadeur de la Ré-publique d’Irak, en visite de con-gé.

M. CARLO MESSINA, directeur gé-néral de la Banca Intesa San Pao-lo.

22 mars

S.E. M. LÜTFULLAH GÖ KTA S , am-bassadeur de Turquie, à l’o ccasionde la présentation de ses Lettresde Créance.

23 mars

S.Em. le cardinal MARC OU E L L E T,préfet de la Congrégation pour lesévêques.

Nominations

Le Saint-Père a nommé:

18 mars

le père MILAN STIPIĆ, curé dela paroisse de la Transfigurationdu Seigneur à Jastrebarsko(Croatie): administrateur apos-tolique sede vacante de l’épar-chie de Križevci pour les fidè-les de rite byzantin (Croatie).

Né à Bosanski Novi, en Bos-nie et Herzégovine, le 28 dé-cembre 1978, il a été ordonnéprêtre pour l’éparchie deKriževci le 18 octobre 2003 et ila exercé la charge de curé àKa št et à Radatovići. En 2007,il est devenu archiprêtre et s’estoccupé de la pastorale pour lesfidèles grecs-catholiques enDalmatie. Depuis 2012, il étaitcuré à Jastrebarsko en Croatie.

23 mars

S.Exc. Mgr CELESTINO AÓSBR A C O, O.F.M. C A P., jusqu’à pré-sent évêque de Copiapó (Chi-li): administrateur apostolique«sede vacante et ad nutumSanctae Sedis» de l’archidio cè-se de Santiago du Chili (Chili).

Né à Artaiz, archidiocèse dePampelune (Espagne), le 6 avril1945, il a été ordonné prêtre le30 mars 1968. Nommé évêquede Copiapó le 25 juillet 2014, ila reçu l’ordination épiscopale le18 octobre suivant.

Démission18 mars

S.Exc. Mgr NI KO L A KEKIĆ, quiavait demandé à être relevé dela charge pastorale de l’é p a rc h i ede Križevci pour les fidèles derite byzantin (Croatie).

Audiences pontificales

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numéro 14, mardi 2 avril 2019 L’OSSERVATORE ROMANO page 15

L’OSSERVATORE ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

Unicuique suumEN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

Cité du Vaticane d . f r a n c a i s e @ o s s ro m .v a

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ANDREA MONDAd i re c t e u r

Giuseppe Fiorentinov i c e - d i re c t e u r

Jean-Michel Couletrédacteur en chef de l’édition

Rédactionvia del Pellegrino, 00120 Cité du Vatican

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Note du directeurJe prends acte de la décision li-bre et autonome de MadameScaraffia d’interrompre sa colla-boration avec «L’O sservatoreRomano» et de considérer com-me terminée sa direction defemmes église monde.

Avec nos meilleurs vœux,nous lui adressons nos sincèresremerciements pour le précieuxtravail accompli au cours de cesannées avec un grand engage-ment et dans une pleine liberté.

Au cours des quelques moisqui se sont écoulés depuis quej’ai été nommé directeur, j’ai ga-ranti à Madame Scaraffia et augroupe de femmes de la rédac-tion, la même totale autonomieet la même totale liberté qui ontcaractérisé le supplément men-suel depuis qu’il est né, enm’abstenant d’interférer de quel-que façon que ce soit dans laréalisation du supplément men-suel du journal et en me limi-tant à offrir ma contributionopportune (pour suggérer desthèmes et des personnes à inter-peller éventuellement) au juge-ment libre de Madame Scaraffiaet de la rédaction du supplé-ment.

Mon engagement n’a été enaucune manière celui d’affaiblirle mensuel femmes église monde,auquel a d’ailleurs été confirméintégralement le budget et ontété garanties la traduction et ladiffusion dans d’autres pays endépit de la nécessité générale delimiter les coûts de la Curie.

Mon engagement a été et de-meure celui de renforcer l’édi-tion quotidienne de «L’O sserva-tore Romano» (certainement pasen termes de concurrence, maisen termes de complémentaritéavec le supplément) comme ilest naturel et juste qu’il soit.

En aucun cas je n’ai sélection-né quelqu’un, que ce soit unhomme ou une femme, selon lecritère de l’obéissance. Au con-traire, en évitant d’i n t e r f é re ravec le supplément mensuel, j’aisollicité dans la réalisation duquotidien des confrontationsréellement libres, non pas cons-truites sur le mécanisme des unscontre les autres ou des groupesfermés. Et je l’ai fait précisé-ment sous le signe de l’ouvertu-re et de la parrhésie demandéepar le Pape François, dans lesparoles et dans le magistère du-quel nous nous reconnaissonstous.

Si, sur la base de l’actualitéecclésiale et culturelle, j’ai con-sacré l’attention à des thèmescomme celui de la pluralité etde la différence dans le monde

de l’Eglise, cela découle unique-ment du caractère central queces thèmes ont acquis, précisé-ment grâce au rôle des femmes.

Lundi 1er avril — pour ne citerqu’un exemple — se tiendradans les locaux de la rédactionune table ronde à partir de lapublication de l’essai, signé par17 théologiennes et intellectuel-les de renommée établie, intitulé«La voix des femmes» (éditionsPa o l i n e ) .

Quant à l’avenir du supplé-ment mensuel de «L’O sservato-re Romano», je peux assurerqu’il n’est pas remis en question.Et que son histoire ne s’inter-rompt donc pas, mais continue.Sans cléricalisme d’aucune sorte.

(L’OR du 28 mars 2019)

Lettres de Créancede l’ambassadeur de Turquie

Du 31 mai au 2 juin

Visite du Pape en Roumanie

Représentationp ontificale

Le Saint-Père a nommé:

26 mars

Mgr TYMON TYTUS CHMIELECKI,conseiller de nonciature: nonce apos-tolique en Guinée et au Mali, l’éle-vant dans le même temps au siège ti-tulaire de Tre Taverne, avec dignitéd’a rc h e v ê q u e .

Né à Toruń, en Pologne, le 29 no-vembre 1965, il a été ordonné prêtre le26 mai 1991. Entré au service diploma-tique du Saint-Siège le 1er juillet 1995,il a prêté service successivement dansles représentations pontificales enGéorgie, au Sénégal, en Autriche, enUkraine, au Kazakhstan, au Brésil età la section pour les relations avec lesEtats de la secrétairerie d’Etat.

Comme cela a déjà été annoncé, le Pape se rendra en Rou-manie du 31 mai au 2 juin, accueillant l’invitation du prési-dent, des autorités de l’Etat et de l’Eglise catholique locale.La salle de presse du Saint-Siège a rendu public le pro-gramme du voyage apostolique.

Le Pape partira de l’aéroport de Rome Fiumicino à 8h10,vendredi 31 mai. L’atterrissage est prévu à 11h00 à l’aérop ortinternational de Bucarest, où aura lieu l’accueil officiel. Im-médiatement après, le Pape se rendra au palais présidentielCotroceni, dans lequel se dérouleront la cérémonie de bien-venue, la visite de courtoisie au président de la Roumanie etdeux rencontres: celle avec le premier ministre et celle avecles autorités, la société civile et le corps diplomatique.

En début d’après-midi, le Pape est attendu au palais dupatriarcat, où aura lieu une rencontre privée avec le patriar-che. Il adressera ensuite un discours au synode permanentde l’Eglise orthodoxe roumaine. Un moment œcuméniquesuivra, avec la récitation commune du Notre Père dans lanouvelle cathédrale orthodoxe de Bucarest. Ensuite, le Paperejoindra la cathédrale catholique Saint-Joseph pour la célé-bration de la Messe.

La matinée du samedi 1er juin, François se rendra enavion dans la ville de Bacau et de là, en hélicoptère, il re-joindra le sanctuaire marial de Şumuleu Ciuc, où il célébre-ra la Messe. Dans l’après-midi, toujours en hélicoptère, lePape se rendra plus au nord à Iaşi. Dans cette ville, il visite-ra la cathédrale Sainte-Marie Reine et ensuite, sur l’esplana-de devant le palais de la culture, il présidera une rencontremariale avec la jeunesse et avec les familles. Dans la soirée,il rentrera à Bucarest.

Un autre déplacement marquera le dernier jour du voya-ge en Roumanie. Le Pape se rendra en avion à Sibiu et,dans l’aéroport de la ville située au cœur de la Transylvanie,il prendra un hélicoptère pour se rendre dans la proche villede Blaj, capitale spirituelle de l’Eglise gréco-catholique rou-maine. Là, dans le Champ de la liberté, il célébrera la divi-ne liturgie avec la béatification de sept évêques grecs-catho-liques martyrs.

Dans l’après-midi, avant de se rendre à l’aéroport de Si-biu, le Pape rencontrera la communauté Rom de Blaj. Ledépart pour Rome Ciampino est prévu à 17h30.

marié et a deux enfants. Titu-laire d’une maîtrise de théolo-gie et de philosophie de l’is-lam de l’université de Mar-mara, il a également obtenuun master en histoire des reli-

gions à la faculté de missiolo-gie de l’université pontificalegrégorienne. Il a exercé, entreautres, les fonctions suivan-tes: professeur de lycée àŞanlıurfa (1986); lecteur delangue arabe au centre cultu-rel arabe de Libye à Istanbul(1986-1988); journaliste free-lance à Istanbul (1986-1990);journaliste freelance à Rome(1990-1998); journaliste etcorrespondant en Italie pourla chaîne de télévision turqueNTV (1998-2011); journaliste etcorrespondant en Italie pourl’agence de presse turqueAnadolu Ajansı (2003-2011);conseiller et chef du bureaude presse du conseil des mi-nistres de la République deTurquie (2011-2014); conseilleret chef du bureau de pressede la présidence de la Répu-blique de Turquie (2014-2019).

Dans la matinée duvendredi 22 mars, lePape François a reçuen audience S.E. M.Lütfullah Göktas,nouvel ambassadeurde Turquie près leSaint-Siège, à l’o cca-sion de la présentationde ses Lettres deCréance.

Né le 16 décembre1963 à Balıklıçeşme/Biga (Turquie), il est

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page 16 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 2 avril 2019, numéro 14

Célébration pénitentielle dans la basilique Saint-Pierre

Le passage de la misère à la miséricordeLa confession «est le passage de la misère àla miséricorde». C’est ce qu’a rappelé lePape François dans l’homélie de lacélébration pénitentielle présidée dans l’après-midi du vendredi 29 mars, dans labasilique Saint-Pierre.

«Il ne resta seulement qu’elles deux: lamisère et la miséricorde» (In Joh. 33, 5).C’est de cette manière que saint Augustinresitue le final de l’Evangile que nous ve-nons d’entendre. Ceux qui étaient venuspour jeter des pierres à la femme ou pouraccuser Jésus vis-à-vis de la Loi sont par-tis. Ils sont partis, ils n’avaient pas d’au-tres intérêts. Jésus, au contraire, reste. Ilreste parce qu’elle est précieuse à sesyeux: cette femme, cette personne. Pourlui, avant le péché, il y a le pécheur. Moi,toi, chacun de nous, nous venons en pre-mier dans le cœur de Dieu: avant les er-reurs, les règles, les jugements, et avantnos chutes. Demandons la grâce d’un re-gard semblable à celui de Jésus, deman-dons d’avoir l’image chrétienne de la vie,qui voit le pécheur avec amour avant lepéché, celui qui a erré avant l’erreur, lapersonne avant son histoire.

«Il ne resta seulement qu’elles deux: lamisère et la miséricorde». Pour Jésus, cet-te femme surprise en adultère ne repré-sente pas un paragraphe de la Loi, maisune situation concrète dans laquelle s’im-pliquer. C’est pourquoi il reste là avec lafemme, restant le plus souvent en silence.Et en attendant il fait deux fois un gestemystérieux: il écrit parterre avec le doigt(Jn 8, 6.8). Nous ne savons pas ce qu’il aécrit, et peut-être ce n’est pas la chose laplus importante: l’attention de l’Evangileporte sur le fait que le Seigneur écrit.L’épisode du Sinaï vient à l’esprit, quandDieu avait écrit les tables de la Loi avecson doigt (cf. Ex 31, 18), comme fait àprésent Jésus. Par la suite, Dieu avaitpromis, par les prophètes, de ne plus écri-re sur des tables de pierre, mais directe-ment dans les cœurs (cf. Jr 31, 33), sur lestables de chair de nos cœurs (cf. Co 3,3).Avec Jésus, miséricorde de Dieu incarnée,le moment d’écrire dans le cœur del’homme est arrivé, de donner une espé-rance sûre à la misère humaine: de don-ner, non seulement des lois extérieuresqui laissent souvent Dieu et l’homme dis-tants, mais la loi de l’Esprit qui entredans le cœur et le libère. C’est ce qui ar-rive pour la femme qui rencontre Jésus etqui se remet à vivre. Et elle part pour neplus pécher (cf. Jn 8, 11). C’est Jésus qui,avec la force de l’Esprit Saint, nous libèredu mal que nous avons à l’intérieur, dupéché que la Loi pouvait entraver maisnon pas enlever.

Et cependant le mal est fort, il a unpouvoir séduisant: il attire, il fascine.Pour s’en détacher, notre engagement nesuffit pas, il faut un amour plus grand.On ne peut pas vaincre le mal sans Dieu:seul son amour redresse à l’intérieur, seu-le sa tendresse déversée dans le cœurrend libre. Si nous voulons être libérésdu mal, de la place doit être faite au Sei-gneur qui pardonne et qui guérit. Et il lefait surtout à travers le sacrement quenous sommes en train de célébrer. Laconfession, c’est le passage de la misère àla miséricorde, c’est l’écriture de Dieudans le cœur. A chaque fois, nous y li-sons que nous sommes précieux aux yeuxde Dieu, qu’il est Père et qu’il nous aimeplus que nous nous aimons nous-mêmes.

«Il ne resta seulement qu’elles deux: lamisère et la miséricorde». Elles seules.Combien de fois nous nous sentons seulset perdons le fil de la vie. Combien defois nous ne savons plus comment recom-mencer, oppressés par la difficulté denous accepter. Nous avons besoin de re-commencer mais nous ne savons pas àpartir d’où. Le chrétien naît du pardonqu’il reçoit au baptême. Et il renaît tou-jours de là: du pardon surprenant deDieu, de sa miséricorde qui restaure.C’est seulement en tant que pardonnésque nous pouvons repartir rassurés, aprèsavoir éprouvé la joie d’être aimés du Pèrejusqu’au bout. Des choses vraiment nou-velles en nous se produisent seulement àtravers le pardon de Dieu. Réécoutonsune phrase que le Seigneur nous a ditea u j o u rd ’hui à travers le prophète Isaïe:«Je fais une chose nouvelle» (Is 43, 19).Le pardon nous donne un nouveau dé-part, il fait de nous une créature nouvelle,il nous fait toucher du doigt la vie nou-velle. Le pardon de Dieu n’est pas unephotocopie qui se répète à l’identique àchaque passage au confessionnal. Rece-voir, par l’intermédiaire du prêtre, le par-don des péchés est une expérience tou-jours nouvelle, originale et inimitable. El-le nous fait passer du fait d’être seulsavec nos misères et nos accusateurs, com-me la femme de l’Evangile, au fait d’ê t rerelevés et encouragés par le Seigneur quinous fait repartir.

«Il ne resta seulement qu’elles deux: lamisère et la miséricorde ». Que faire pours’attacher à la miséricorde, pour vaincrela peur de la confession? Accueillons en-core l’invitation d’Isaïe: «Ne voyez-vouspas?» (Is 43, 19). Se rendre compte dupardon de Dieu. C’est important. Il seraitbeau, après la confession, de rester com-me cette femme, le regard fixé sur Jésusqui vient de nous libérer: non plus surnos misères, mais sur sa miséricorde. Re-garder le Crucifié et dire avec étonne-ment: «Voilà où sont allés finir mes pé-chés. Tu les as pris sur toi. Tu ne m’aspas pointé du doigt, tu m’as ouvert lesbras et tu m’as encore pardonné». Il estimportant de faire mémoire du pardon deDieu, de se rappeler sa tendresse, de sa-vourer de nouveau la paix et la libertédont nous avons fait l’expérience. Parceque c’est le cœur de la confession: nonpas les péchés que nous disons, maisl’amour divin que nous recevons et dontnous avons toujours besoin. Il peut nousvenir encore un doute: «se confesser nesert à rien, je fais toujours les mêmes pé-chés». Mais le Seigneur nous connaît, ilsait que le combat intérieur est dur, quenous sommes faibles et prêts à tomber,souvent récidivistes dans le mal. Et ilnous propose de recommencer à être desrécidivistes dans le bien et à faire de nousdes créatures nouvelles. Repartons alorsde la confession, redonnons à ce sacre-ment la place qu’il mérite dans la vie etdans la pastorale.

«Il ne resta seulement qu’elles deux: lamisère et la miséricorde». Nous aussi au-j o u rd ’hui nous vivons dans la confessioncette rencontre de salut: nous, avec nosmisères et notre péché; le Seigneur, quinous connaît, nous aime et nous libère dumal. Entrons dans cette rencontre, en de-mandant la grâce de la découvrir de nou-veau.