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1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’O S S E RVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt LXXI e année, numéro 23 (3.636) Cité du Vatican mardi 9 juin 2020 Compassion pour le monde Angelus du 7 juin et intention de prière du mois pages 3 et 8 DANS CE NUMÉRO Page 2: Audience générale du 3 juin. Appel pour les Etats-Unis. Pages 4 et 5: 50 e anniversaire de la promulga- tion du Rite de la consécration des vierges: Message du Pape et histo- rique par Donatella Coalova. Page 6: Lettre aux prêtres de Rome. Page 8: Message vidéo au mouvement Thy Kingdom Come. Page 9: Le récit, le mot de l’année: Quand mon fils m’emmena à l’église, par Mary Karr. Page 10: Message du Pape au Centre Astalli. Nouvelles normes pour les contrats publics du Saint-Siège. Pa- ge 11: Informations. Page 12: Lettre au président de Colombie. Pardon et réconciliation, par Marcelo Figueroa. «Sacré-Cœur de Jésus», vitrail de la cathédrale Notre-Dame de l'Assomption (ancienne grande mosquée) de Cordoue en Espagne

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L’O S S E RVATOR E ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

Unicuique suum

EN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

LXXIe année, numéro 23 (3.636) Cité du Vatican mardi 9 juin 2020

Compassion pour le monde

Angelus du 7 juinet intention de prière du mois

pages 3 et 8

DANS CE NUMÉROPage 2: Audience générale du 3 juin.Appel pour les Etats-Unis. Pages 4 et5: 50e anniversaire de la promulga-tion du Rite de la consécration desvierges: Message du Pape et histo-rique par Donatella Coalova. Page 6:Lettre aux prêtres de Rome. Page 8:Message vidéo au mouvement ThyKingdom Come. Page 9: Le récit, lemot de l’année: Quand mon filsm’emmena à l’église, par Mary Karr.Page 10: Message du Pape au CentreAstalli. Nouvelles normes pour lescontrats publics du Saint-Siège. Pa-ge 11: Informations. Page 12: L e t t reau président de Colombie. Pardon etréconciliation, par Marcelo Figueroa.

« S a c ré - C œur de Jésus», vitrail de la cathédrale Notre-Dame de l'Assomption (ancienne grande mosquée) de Cordoue en Espagne

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page 2 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 9 juin 2020, numéro 23

Audience générale du 3 juin

Il ne faut pas avoir peurde discuter avec Dieu

Chers frères et sœurs, bonjour!Il y a une voix qui retentit à l’improviste dansla vie d’Abraham. Une voix qui l’invite à en-treprendre un chemin qui semble absurde:une voix qui le pousse à se déraciner de sapatrie, des racines de sa famille, pour allervers un nouvel avenir, un avenir différent. Ettout cela sur la base d’une promesse, dans la-quelle il faut seulement avoir confiance. Etavoir confiance dans une promesse n’est pasfacile, il faut du courage. Et Abraham eutconfiance.

La Bible est muette sur le passé du premierpatriarche. La logique des choses laisse sup-poser qu’il adorait d’autres divinités; peut-êtreétait-ce un homme savant, habitué à scruter leciel et les étoiles. En effet, le Seigneur lui pro-met que sa descendance sera nombreuse com-me les étoiles qui constellent le ciel.

Et Abraham part. Il écoute la voix de Dieuet se fie à sa parole. Cela est important: il sefie de la parole de Dieu. Et avec son départnaît une nouvelle manière de concevoir la re-lation avec Dieu; c’est pour cette raison que lepatriarche Abraham est présent dans les gran-des traditions spirituelles juive, chrétienne etislamique comme le parfait homme de Dieu,capable de se soumettre à Lui, même quandsa volonté se révèle difficile, voire même in-compréhensible.

Abraham est donc l’homme de la Parole.Quand Dieu parle, l’homme devient le récep-teur de cette Parole et sa vie le lieu où celle-cidécide de s’incarner. Il s’agit d’une grandenouveauté dans le chemin religieux de l’hom-me: la vie du croyant commence à se conce-voir comme vocation, c’est-à-dire comme ap-pel, comme lieu où se réalise une promesse; etil n’agit pas tant dans le monde sous le poidsd’une énigme, mais avec la force de cette pro-messe, qui un jour se réalisera. Et Abrahamcrut à la promesse de Dieu. Il crut et il partit,sans savoir où il allait — c’est ce que dit laLettre aux hébreux (cf. 11, 8). Mais il eut con-fiance.

En lisant le livre de la Genèse, nous décou-vrons qu’Abraham vécut la prière dans la fidé-

lité incessante à cette Parole, quise présentait périodiquement surson chemin. En synthèse, nouspouvons dire que dans la vied’Abraham, la foi devient histoire.La foi devient histoire. Plus en-core, Abraham, avec sa vie, avecson exemple, nous enseigned’ailleurs ce chemin, cette routesur laquelle la foi se fait histoire.Dieu n’est plus seulement vudans les phénomènes cosmiques,comme un Dieu lointain, quipeut susciter la terreur. Le Dieud’Abraham devient «monDieu», le Dieu de mon histoire

Appel lors du salut aux pèlerins anglophones

Le racisme est un péché qui ne peut être toléré

A l’issue de l’audience générale, le Pape a lancéun appel à la suite des désordres sociaux qui ontlieu actuellement aux Etats-Unis:

Chers frères et sœurs des Etats-Unis, je suisavec une grande préoccupation les désordressociaux douloureux qui ont lieu dans votrepays ces jours-ci, à la suite de la mort tragiquede M. George Floyd.

Chers amis, nous ne pouvons pas tolérer nifermer les yeux sur tout type de racisme oud’exclusion et prétendre défendre le caractèresacré de chaque vie humaine. Dans le mêmetemps, nous devons reconnaître que «la vio-lence des dernières nuits est autodestructriceet autolésioniste. On ne gagne rien avec laviolence et on perd beaucoup».

Je m’unis aujourd’hui à l’Eglise de SaintPaul et Minneapolis, et de tous les Etats-Unis, en priant pour le repos de l’âme deGeorge Floyd et de toutes les autres person-nes qui ont perdu la vie à cause du péché duracisme. Prions pour le réconfort des familleset des amis accablés, et prions pour la récon-

ciliation nationale et la paix à laquelle nousaspirons. Que Notre-Dame de Guadalupe,Mère de l’Amérique, intercède pour tous ceuxqui travaillent pour la paix et la justice dansvotre terre et dans le monde.

Que Dieu vous bénisse tous, ainsi que vosfamilles.

personnelle, qui guide mes pas, qui nem’abandonne pas; le Dieu de mes jours, lecompagnon de mes aventures; le Dieu Provi-dence. Je me demande et je vous demande:avons-nous cette expérience de Dieu? «MonDieu», le Dieu qui m’accompagne, le Dieu demon histoire personnelle, le Dieu qui guidemes pas, qui ne m’abandonne pas, le Dieu demes jours? Avons-nous cette expérience? Ré-fléchissons-y un peu.

Cette expérience d’Abraham est témoignéeégalement par l’un des textes les plus origi-naux de l’histoire de la spiritualité: le Mémo-rial de Blaise Pascal. Ce dernier commenceainsi: «Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieude Jacob, non des philosophes et des savants.Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix.Dieu de Jésus Christ». Ce mémorial, écrit surun petit parchemin, et retrouvé après sa mortcousu à l’intérieur d’un vêtement du philoso-phe, n’exprime pas une réflexion intellectuellequ’un homme savant comme lui peut conce-voir sur Dieu, mais le sentiment vivant, expé-rimenté, de sa présence. Pascal note même lemoment précis où il sentit cette réalité, l’ayantfinalement rencontrée: le soir du 23 novembre1654. Ce n’est pas le Dieu abstrait ou le Dieucosmique, non. C’est le Dieu d’une personne,d’un appel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, deJacob, le Dieu qui est certitude, qui est senti-ment, qui est joie.

«La prière d’Abraham s’exprime d’ab ordpar des actes: homme de silence, il construit,à chaque étape, un autel au Seigneur» (Caté-chisme de l’Eglise catholique, n. 2570). Abrahamn’édifie pas un temple, mais il dissémine lechemin de pierres qui rappellent le passage deDieu. Un Dieu surprenant, comme lorsqu’illui rend visite dans la figure de trois hôtes,que lui et Sarah accueillent avec attention etqui leur annoncent la naissance de leur filsIsaac (cf. Gn 18, 1-15). Abraham avait centans, et sa femme quatre-vingt-dix, plus oumoins. Et ils crurent, ils eurent confiance enDieu. Et Sarah, sa femme, conçut un enfant.A cet âge! Voilà qui est le Dieu d’Abraham,notre Dieu, qui nous accompagne.

Ainsi, Abraham devient un proche de Dieu,également capable de discuter avec Lui, maistoujours fidèle. Il parle avec Dieu et discute.Jusqu’à l’épreuve suprême, quand Dieu luidemande de sacrifier son propre fils Isaac, lefils de sa vieillesse, l’unique héritier. Abrahamvit alors la foi comme un drame, comme mar-cher à tâtons dans la nuit, sous un ciel cettefois-ci privé d’étoiles. Et cela nous arrive trèssouvent à nous aussi, de marcher dans l’ob-scurité, mais avec la foi. Dieu lui-même arrê-tera la main d’Abraham déjà prête à frapper,car il a vu sa disponibilité vraiment totale (cf.Gn 22, 1-19).

Frères et sœurs, apprenons d’Abraham, ap-prenons à prier avec foi: écouter le Seigneur,marcher, dialoguer jusqu’à discuter. N’ayonspas peur de discuter avec Dieu! Je vais mêmedire quelque chose qui pourra sembler unehérésie. Souvent, j’ai entendu des gens qui medisaient: «Vous savez, il m’est arrivé cela et jeme suis mis en colère contre Dieu» — «Tu aseu le courage de te mettre en colère contreDieu?» — «Oui, je me suis mis en colère» —«Mais il s’agit d’une forme de prière». Carseul un enfant est capable de se fâcher avecson père et ensuite de le rencontrer à nou-veau. Apprenons d’Abraham à prier avec foi,à dialoguer, à discuter, mais toujours disposésà accueillir la parole de Dieu et à la mettre enpratique. Avec Dieu, nous apprenons à parlercomme un enfant avec son père: à l’écouter, àrépondre, à discuter. Mais en étant transpa-rents, comme un enfant avec son père. C’estainsi qu’Abraham nous enseigne à prier.M e rc i .

A l’issue de l’audience générale, le Pape a saluéles pèlerins francophones:

Je salue cordialement les personnes de lan-gue française. Alors que nous sommes entrésdans le temps liturgique ordinaire, nous som-mes appelés, à l’exemple d’Abraham, à mar-cher quotidiennement en présence de Dieu, àdemeurer à l’écoute de sa Parole, toujoursprêts à l’accueillir et à la mettre en pratique.Que Dieu vous bénisse.

Départ d'Abraham (József Molnár, Galerie nationale hongroise)

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numéro 23, mardi 9 juin 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 3

Angelus du 7 juin

Aux côtés des populationsqui souffrent encore du virus

Chers frères et sœurs, bonjour!L’Evangile d’a u j o u rd ’hui (cf. Jn 3, 16-18), fêtede la Très Sainte Trinité, montre — avec lelangage synthétique de l’apôtre Jean — le mys-tère de l’amour de Dieu pour le monde, sacréation. Dans le bref dialogue avec Nico-dème, Jésus se présente comme celui quimène à son accomplissement le plan salvifiquedu Père en faveur du monde. Il affirme:«Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné sonFils unique» (v. 16). Ces paroles servent à in-diquer que l’action des trois Personnes divines— Père, Fils et Saint-Esprit — est entièrementun unique dessein d’amour qui sauve l’huma-nité et le monde, c’est un dessein de salutpour nous.

Dieu a créé le monde bon, beau, mais aprèsle péché, le monde est marqué par le mal etpar la corruption. Nous, hommes et femmes,sommes pécheurs, tous, Dieu pourrait doncintervenir pour juger le monde, pour détruirele mal et châtier les pécheurs. En revanche, Ilaime le monde, malgré ses péchés; Dieu aimechacun de nous, même quand nous sommesdans l’erreur et nous éloignons de Lui. Dieule Père aime tellement le monde que, pour lesauver, il donne ce qu’il a de plus précieux:son Fils unique, qui donne sa vie pour leshommes, ressuscite, retourne au Père et, avecLui, envoie l’Esprit Saint. La Trinité est doncAmour, entièrement au service du monde,qu’elle veut sauver et recréer. Aujourd’hui, enpensant à Dieu le Père et Fils et Saint-Esprit,nous pensons à l’amour de Dieu! Et il seraitbeau que nous nous sentions aimés. «Dieum’aime»: tel est le sentiment d’a u j o u rd ’hui.

Quand Jésus affirme que le Père a donnéson Fils unique, nous pensons spontanémentà Abraham et à l’offrande de son fils Isaac,dont parle le livre de la Genèse (cf. 22, 1-14):voilà la «mesure sans mesure» de l’amour deDieu. Et pensons également à la façon dontDieu se révèle à Moïse: plein de tendresse,miséricordieux, plein de pitié, lent à la colèreet riche de grâce et de fidélité (cf. Ex 34, 6).La rencontre avec ce Dieu a encouragé Moïse,qui, comme le raconte le livre de l’Exo de,n’eut pas peur de s’interposer entre le peupleet le Seigneur, en lui disant: «Oui, c’est unpeuple à la nuque raide, mais pardonne nosfautes et nos péchés, et fais de nous ton héri-tage» (v. 9). Et c’est ce qu’a fait Dieu en en-voyant son Fils. Nous sommes fils dans le Fils

avec la force de l’Esprit Saint! Nous sommesl’héritage de Dieu!

Chers frères et sœurs, la fête d’a u j o u rd ’huinous invite à nous laisser à nouveau fascinerpar la beauté de Dieu; beauté, bonté et véritéinépuisable. Mais également beauté, bonté etvérité humble, proche, qui s’est faite chairpour entrer dans notre vie, dans notre his-toire, dans mon histoire, dans l’histoire dechacun de nous, pour que chaque homme etfemme puisse la rencontrer et avoir la vie éter-nelle. Et cela est la foi: accueillir Dieu-Amour,accueillir ce Dieu-Amour qui se donne dans leChrist, qui nous fait vivre dans l’Esprit Saint;se laisser rencontrer par Lui et avoir confianceen Lui. Telle est la vie chrétienne. Aimer, ren-contrer Dieu, chercher Dieu; c’est Lui quinous cherche le premier, c’est Lui qui nousrencontre le premier.

Que la Vierge Marie, demeure de la Trinité,nous aide à accueillir avec le cœur ouvertl’amour de Dieu, qui nous remplit de joie etdonne un sens à notre chemin dans ce monde,en l’orientant toujours vers l’objectif qu’est leCiel.

A l’issue de l’Angelus, le Saint-Père a prononcéles paroles suivantes:

Chers frères et sœurs, je vous salue tous, ro-mains et pèlerins: fidèles, familles et commu-nautés religieuses. Votre présence sur la placeest également le signe qu’en Italie, la phaseaiguë de l’épidémie a été surmontée, mêmes’il reste la nécessité — mais attention, necrions pas victoire avant, ne crions pas victoiretrop vite! — de suivre avec attention les nor-mes en vigueur, parce que ce sont les normesqui nous aident à éviter que le virus ne sepropage. Grâce à Dieu, nous sortons du plusgros de la crise, mais toujours avec les pres-criptions que nous donnent les autorités. Maismalheureusement, dans d’autres pays — jepense à certains — le virus provoque encore denombreuses victimes. Vendredi dernier, dansun pays, une personne est morte chaque mi-nute! Cela est terrible. Je désire exprimer maproximité aux populations, aux malades et àleurs familles, et à tous ceux qui en prennentsoin. Soyons proches à travers notre prière.

Le mois de juin est consacré de façon parti-culière au Cœur du Christ, une dévotion quiunit les grands maîtres spirituels et les person-nes simples du peuple de Dieu. En effet, le

Cœur humain et divin de Jésus est la source àlaquelle nous pouvons toujours puiser la misé-ricorde, le pardon, la tendresse de Dieu. Nouspouvons le faire en nous arrêtant sur un pas-sage de l’Evangile, en sentant qu’au centre dechaque geste, de chaque parole de Jésus, aucentre se trouve l’amour, l’amour du Père quia envoyé son Fils, l’amour de l’Esprit Saintqui est en nous. Et nous pouvons le faire enadorant l’Eucharistie, dans laquelle cet amourest présent dans le sacrement. Alors notrecœur aussi, peu à peu, deviendra plus patient,plus généreux, plus miséricordieux, à l’imagedu Cœur de Jésus. Il y a une antique prière —je l’ai apprise de ma grand-mère — qui disaitainsi: «Jésus, fais que mon cœur ressemble autien». C’est une belle prière. «Rends moncœur semblable au tien». Une belle prière,simple, pour prier en ce mois. Voulez-vousque nous la récitions ensemble maintenant?«Jésus, que mon cœur ressemble au tien».Encore une fois: «Jésus, que mon cœur res-semble au tien».

Je souhaite à tous un bon dimanche. J’allaisdire «un bon et chaud dimanche». Un bondimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas deprier pour moi. Bon déjeuner et au revoir.

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page 4 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 9 juin 2020, numéro 23

Message pour le 50e anniversaire de la promulgation du Rite de la consécration des vierges

Femmes de miséricordeexpertes en humanité

«Ce qui se passe dans le monde vous ébranle: ne fermez pas les yeux et ne fuyez pas; traversez ladouleur et la souffrance avec délicatesse; persévérez dans l’annonce de l’Evangile de la vie en plénitudepour tous». C’est ce qu’a écrit le Pape François dans un message, en date du dimanche 31 mai etdiffusé lundi 1er juin, à l’occasion du 50e anniversaire de la promulgation du Rite de la consécrationdes vierges. Le Saint-Père se réfère à la pandémie du covid-19, qui a contraint la Congrégation pourles instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique à renvoyer la rencontre internationaleconvoquée pour fêter cet anniversaire. Voici le texte du message du Pape:

Chères sœurs!1. Il y a cinquante ans, la Sacrée Congréga-tion pour le culte divin, par mandat de saintPaul VI, promulguait le nouveau Rite de laConsécration des Vierges. La pandémie toujoursen cours nous a obligés à reporter la réunioninternationale convoquée par la Congrégationpour les instituts de vie consacrée et les socié-tés de vie apostolique qui était prévue pourcélébrer cet important anniversaire. Je souhai-te cependant m’associer à vos actions de grâcepour ce «double don du Seigneur à son Egli-se» — comme vous l’avait dit saint Jean-Paul II à l’occasion du 25e anniversaire —: le

(Ap 22, 17), pour demeurer dans la force don-née par sa réponse: «Oui, je viens bientôt!»(Ap 22, 20). Cette visite de l’Epoux est l’hori-zon de votre cheminement ecclésial, votre but,la promesse à accueillir chaque jour. Ainsi,«vous pourrez être des étoiles qui guident lechemin du monde» (Benoît XVI, Discours auxparticipants au congrès de l’Ordo Virginum, 15mai 2008).

Je vous invite à relire et à méditer les textesdu Rite, dans lesquels résonne le sens de votrevocation: vous êtes appelées à faire l’exp érien-ce et à témoigner que Dieu, dans son Fils,nous a aimés le premier, que son amour est

«La parabole des vierges» (Codex Purpureus Rossanensis)

Rite renouvelé et un Ordo fi-delium «restitué à la commu-nauté ecclésiale» (D i s c o u rsaux participants à la conféren-ce internationale de l’Ordo vir-ginum, 2 juin 1995).

Votre forme de vie trouvesa source première dans leRite, elle a sa configurationjuridique dans le canon 604du Code de droit canonique,et depuis 2018 dans l’Ins-truction Ecclesiae Sponsaeimago. Votre appel met enlumière la richesse inépuisa-ble et multiforme des donsde l’Esprit du Ressuscité quifait toutes choses nouvelles(cf. Ap 21, 5). Elle est en mê-me temps un signe d’esp é-rance: la fidélité du Pèremet, encore aujourd’hui,dans le cœur de certainesfemmes le désir de se consa-crer au Seigneur dans la vir-ginité vécue dans leur envi-ronnement social et culturelordinaire, enracinée dansune Eglise particulière, à travers une forme devie ancienne et en même temps nouvelle etmo derne.

Accompagnées par les évêques, vous avezapprofondi la spécificité de votre forme de vieconsacrée en faisant l’expérience que la consé-cration constitue un Ordo fidelium particulierdans l’Eglise. Vous avancez dans cette voie etcollaborez avec les évêques pour qu’il y aitdes parcours sérieux de discernement des vo-cations et de formations initiale et continue.Le don de votre vocation s’exprime, en effet,dans la symphonie de l’Eglise qui se construitlorsqu’elle peut reconnaître en vous des fem-mes capables de vivre le don de la sororité.

2. Cinquante ans après le Rite rénové, jevoudrais vous dire: n’éteignez pas la prophétiede votre vocation! Vous êtes appelées, nonpar votre propre mérite mais par la miséricor-de de Dieu, à faire briller dans votre existencele visage de l’Eglise, Epouse du Christ, quiest vierge parce que, bien que composée depécheurs, elle garde la foi intacte, conçoit etfait croître une humanité nouvelle.

Avec l’Esprit, avec toute l’Eglise et chaqueauditeur de la Parole, vous êtes invitées à vousabandonner au Christ et à lui dire: «Viens!»

pour tous et a la force de transformer les pé-cheurs en saints. En effet, «le Christ a aimél’Eglise, il s’est livré lui-même pour elle, afinde la rendre sainte en la purifiant par le bainde l’eau baptismale, accompagné d’une paro-le» (Ep 5, 25-26). Votre vie révélera la tensioneschatologique qui anime toute la création,qui propulse toute l’histoire et naît de l’invita-tion du Ressuscité: «Lève-toi, mon amie, matoute belle, et viens!» (Ct 2, 10; Origène, Ho-mélies sur le Cantique des cantiques II, 12).

3. L’homélie proposée par le Rite de consé-c ra t i o n vous exhorte: «Aimez tous les hom-mes, avec une préférence pour le plus dému-nis» (n. 13, annexe 3). La consécration vousréserve à Dieu sans vous rendre étrangères aumilieu dans lequel vous vivez et dans lequelvous êtes appelées à donner votre témoignageà la façon de la proximité évangélique (cf. Ec-clesiae Sponsae Imago, nn. 37-38). Par cetteproximité spécifique avec les hommes et lesfemmes d’a u j o u rd ’hui, votre consécration vir-ginale aide l’Eglise à aimer les pauvres, à re-connaître les pauvretés matérielles et spirituel-les, à aider les plus fragiles et les plus dému-nis, ceux qui souffrent de maladies physiqueset mentales, les petits et les personnes âgées,

ceux qui risquent d’être rejetés comme des dé-chets.

Soyez des femmes de miséricorde, des exper-tes en humanité. Des femmes qui croient «aupouvoir révolutionnaire de la tendresse et del’affection» (Exhortation apostolique Evangeliigaudium, n. 288). La pandémie nous enseigne«qu’il est temps de supprimer les inégalités,de guérir l’injustice qui mine la santé de toutel’humanité!» (Homélie de la Messe de la Divinem i s é r i c o rd e , 19 avril 2020). Ce qui se passedans le monde vous ébranle: ne fermez pas lesyeux et ne fuyez pas; traversez la douleur et lasouffrance avec délicatesse; persévérez dansl’annonce de l’Evangile de la vie en plénitudepour tous.

La Prière de consécration, invoquant pourvous les dons multiformes de l’Esprit, vousdemande de vivre dans une casta libertas(cf. Rite de la Consécration des vierges, n. 24).Que ce soit là votre style relationnel, afind’être signes de l’amour sponsal qui unit leChrist à l’Eglise, vierge, mère, sœur et amie

de l’humanité. Par votre bienveillance(cf. Ph 4, 5), tissez des trames de relations au-thentiques qui permettront de délivrer lesquartiers de nos villes de la solitude et del’anonymat. Soyez capables de p a r re s i a , maiséloignez la tentation du bavardage et du com-mérage. Ayez la sagesse, l’ingéniosité et l’au-torité de la charité pour résister à l’a r ro g a n c eet prévenir les abus de pouvoir.

4. En la solennité de Pentecôte, je désirebénir chacune d’entre vous, ainsi que les fem-mes qui se préparent à recevoir cette consécra-tion et toutes celles qui la recevront dansl’avenir. «L’Esprit Paraclet est donné à l’Egli-se comme le principe inépuisable de sa joied’épouse du Christ glorifié» (Saint Paul VI,Ex. ap. Gaudete in Domino, n. 41). Signes del’Eglise Epouse, puissiez-vous toujours êtredes femmes de la joie, à l’exemple de Mariede Nazareth, femme du Ma g n i f i c a t , mère del’Evangile vivant.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 31 mai 2020,solennité de Pentecôte

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numéro 23, mardi 9 juin 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 5

Epouses du ChristLes vierges consacrées dans l’histoire chrétienne

Donatella Coalova

«Les vierges sont les fleurs qui ont éclos surl’arbre de l’Eglise, ce sont des pierres précieu-ses et des joyaux de grâce, joie de la vie, objetde louange et d’honneur, don intègre et inal-téré de Dieu, reflet de la sainteté du Seigneur,portion élue du troupeau du Christ» écrivaitsaint Cyprien, évêque et martyr, (210-258),dans son traité Sur le comportement des vierges,l’un des nombreux témoignages sur la consi-dération dans laquelle étaient tenues, dansl’Eglise des premiers siècles, les femmes qui sedonnaient entièrement à Dieu. Les spécialistesattestent de manière unanime que jusqu’au IVe

siècle, l’émission du propositum virginitatis,c’est-à-dire la décision de consacrer au Christla propre virginité, ne comportait aucune célé-bration liturgique particulière.

Après l’Edit de Constantin en 313, l’Egliseacquit un rôle spécifique et une physionomiejuridique dans la société civile et le statut desvierges consacrées s’organisa et s’institutionna-lisa lui aussi peu à peu. Des sources littérairesde la deuxième moitié du IVe siècle décriventle rite sobre, mais suggestif, de la consécrationdes vierges. A partir du Ve siècle nous possé-dons également des documents liturgiquesavec les textes eucologiques des antiques sa-cramentaires (le Leoniano ou Ve ro n e s e , le Gela-siano, le G re g o r i a n o ): ils transmettent tous laprière de consécration Deus, castorum corpo-rum, comme sommet d’un rite liturgique degrande beauté et intensité. La consecratio virgi-num apparaît ensuite dans le pontifical roma-no-germanique et, peu à peu, dans tous lespontificaux suivants. Jusqu’à celui deJean XXIII de 1962, même si à cette période lerite n’était, dans les faits, presque plus utilisé.

C’est précisément pour cette raison que leConcile Vatican II décida de redécouvrir ce ri-che héritage du passé, en recommandant, aunuméro 80 de la Constitution sur la sainte li-turgie Sacrosanctum concilium: «Le rite de laconsécration des vierges, qui se trouve dans lepontifical romain, sera soumis à révision».Pour mettre en pratique cette résolution à la-quelle les pères conciliaires étaient parvenusavec 2447 oui et seulement 4 non, la SainteCongrégation pour le culte divin, sur mandatde Paul VI, promulgua le 31 mai 1970 l’O rd oconsecrationis virginum et avec le rite fut égale-ment rétabli l’Ordo virginum. Le 29 septem-bre 1980 fut publiée la version officielle ita-lienne intitulée «Consécration des Vierges».Dans les p ra e n o t a n d a , c’est-à-dire dans lespréambules de l’editio typica de 1970, il est spé-cifié que «peuvent être consacrées aussi bienles vierges qui ont choisi la vie monastique(moniales), que les vierges qui vivent dans lemonde (mulieres vitam saecularem agentes)».Les qualités demandées aux vierges laïquespour la consécration sont «qu’elles n’aient ja-mais été mariées et n’aient jamais vécu publi-quement dans un état contraire à la chasteté;que par l’âge, la prudence, une vie moraleéprouvée et selon le sentiment de tous, ellesdonnent confiance dans le fait qu’elle persévé-reront dans une vie chaste et consacrée au ser-vice de l’Eglise et du prochain; qu’elles soientadmises à la consécration par l’évêque ordinai-re du lieu». Ces femmes, dans leur contexteordinaire de vie, dans leur communauté diocé-saine rassemblée autour de l’évêque, sans êtreinscrites à un institut de vie consacrée, sedonnent pour toujours au Seigneur avec la«sainte intention» qu’est le lien sacré avec le-quel elles assument l’engagement de la virgi-nité dans la sequela du Christ. Elles ne portentpas de signes extérieurs, si ce n’est l’anneaureçu pendant le Rite de consécration, comme

symbole de l’alliance sponsale avec le Christ;elles subviennent à leurs besoins grâce à leurtravail et chacune suit une propre règle de vie,élaborée en accord avec son évêque. En Italie,les premières consécrations dans l’Ordo virgi-num furent célébrées à Rome en 1973. Le dio-cèse de Vicence eut rapidement des vocationset organisa les premiers congrès nationaux,grâce à l’engagement de don Pietro Ruaro etde Luciana Cortiana, à qui on doit égalementla publication d’un feuillet d’information inti-tulé Sponsa Christi à caractère diocésain, maisenvoyé à ceux qui le demandent.

En 1983 fut promulgué le nouveau Code dedroit canonique, qui consacre le canon 604 àl’Ordo virginum: «A ces formes de vie consa-crée s’ajoute l’ordre des vierges qui, exprimantle propos sacré de suivre le Christ de plusprès, sont consacrées à Dieu par l’évêque dio-césain selon le rite liturgique approuvé, épou-sent mystiquement le Christ Fils de Dieu etsont vouées au service de l’Eglise. Afin degarder plus fidèlement leur propos et d’ac-complir par une aide mutuelle un serviced’Eglise conforme à leur propre état, les vier-ges peuvent s’associer entre elles».

On trouve ensuite des références à l’O rdovirginum dans le Catéchisme de l’Eglise catho-lique, paragraphe n. 924; dans l’exhortationapostolique post-synodale de 1996 Vita conse-c ra t a , aux paragraphes 7 et 42; dans l’i n s t ru c -tion de la Congrégation pour les instituts devie consacrée et les sociétés de vie apostoliquepubliée en 2002, Repartir du Christ, au para-graphe 5. Deux textes du magistère entière-ment consacrés à ce type particulier de voca-tion ont récemment été publiés: le 25 mars2014, a paru la note pastorale de la Commis-sion épiscopale pour le clergé et la vie consa-crée de la conférence épiscopale italienne sur«L’Ordo virginum dans l’Eglise en Italie»; le4 juillet 2018, la Congrégation pour les insti-tuts de vie consacrée et les sociétés de vieapostolique a publié l’instruction EcclesiaeSponsae Imago. Les femmes qui se sentent ap-pelées à cette vocation sont toujours plusnombreuses. En Italie, les consacrées de l’O r-do virginum étaient 330 dans 81 diocèses en2005; 450 dans 109 diocèses en 2010; 554 dans117 diocèses en 2015. Elles sont actuellement690 dans 119 diocèses. Les vierges consacréesitaliennes élisent tous les deux ans le «groupede liaison» qui travaille au service de la com-

munion entre toutes et qui publie périodique-ment la «Feuille de liaison». En ce moment,le groupe est formé par Giuseppina Avolio,Maria Calvi, Silva De Luca, Adele Gatti. Ledélégué de la conférence épiscopale italiennepour l’Ordo virginum en Italie est Mgr OscarCantoni, évêque de Côme. Des statistiques de2016, approximatives par défaut, estimaient àplus de cinq mille la présence des vierges con-sacrées dans le monde, un nombre en crois-sance permanente.

«Rendez l’amour infini du Christ par votreamour total et exclusif» dit saint Jean-Paul II,le 2 juin 1995, aux participantes au premiercongrès international de l’Ordo virginum.«Aimez-le, comme il désire être aimé, dansl’aspect concret de la vie: “Si vous m’aimez,vous garderez mes commandements” (Jn 14,15; cfr. 14, 21). Aimez-le comme il convient àvotre condition sponsale: en assumant ses mê-mes sentiments (cf. Ph 2, 5); en partageantson style de vie fait d’humilité et de mansué-tude, d’amour et de miséricorde, de service etde joyeuse disponibilité, de zèle inlassablepour la gloire du Père et le salut du genre hu-main». Et le Pape Benoît XVI, le 15 mai 2008,au cours du deuxième rassemblement interna-tional de l’Ordo virginum, recommandait:«Faites en sorte que votre personne irradietoujours la dignité du fait d’être épouse duChrist, exprime la nouveauté de l’existencechrétienne, et l’attente sereine de la vie future.Ainsi, par votre vie droite, vous pourrez êtredes étoiles qui orientent le chemin du monde.Le choix de la vie virginale, en effet, est unrappel du caractère transitoire des réalités ter-restres et une anticipation des biens à venir.Soyez des témoins de l’attente vigilante et ac-tive de la joie, de la paix, qui est propre à quis’abandonne à l’amour de Dieu. Soyez pré-sentes dans le monde et cependant en pèleri-nage vers le Royaume».

Pour les cinquante ans de la promulgationde l’Ordo consecrationis virginum, la Congréga-tion pour la vie consacrée avait invité les fem-mes consacrées à Rome pour une rencontreinternationale, mais l’initiative a été annulée àcause de l’épidémie en cours. Afin de célébrerl’événement, l’Ordo virginum d’Italie a toute-fois organisé une veillée de prière à distancedans l’après-midi du dimanche 31 mai, aucours de laquelle chaque région a été repré-sentée par une vierge consacrée.

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numéro 23, mardi 9 juin 2020 L’OSSERVATORE ROMANO pages 6/7

Lettre aux prêtres de Rome

Prophètes d’un nouvel avenirLe Pape appelle les prêtres de Rome à «annoncer etprophétiser l’avenir», en rappelant que la phase del’après-pandémie exige courage, discernement et espérancepour «instaurer un temps toujours nouveau: le temps duSeigneur». François s’adresse directement au clergé de sondiocèse — que, cette année, précisément à cause de la crisesanitaire, il n’a pas pu rencontrer au cours du carême —dans une lettre publiée dans l’après-midi du samedi 30mai.

Chers frères,En ce temps pascal, je pensais vous rencontrer et cé-lébrer ensemble la Messe chrismale. Une célébrationà caractère diocésain n’étant pas possible, je vousécris cette lettre. La nouvelle phase que nous com-mençons nous demande sagesse, clairvoyance et enga-gement commun, de manière à ce que tous les effortset les sacrifices faits jusqu’à présent n’aient pas étévains.

Au cours de ce temps de pandémie, beaucoupd’entre vous ont partagé avec moi, par poste électro-nique ou au téléphone, ce que signifiait cette situa-tion imprévue et déconcertante. Ainsi, sans pouvoirsortir ni avoir un contact direct, vous m’avez permisde connaître «de première main» ce que vous étiez entrain de vivre. Ce partage a nourri ma prière, dans denombreux cas pour rendre grâce du témoignage cou-rageux et généreux que je recevais de vous; dansd’autres, c’était la supplique et l’intercession confiantedans le Seigneur qui tend toujours sa main (cf. Mt14, 31). Bien qu’il ait été nécessaire de maintenir ladistanciation sociale, cela n’a pas empêché de renfor-cer le sens d’appartenance, de communion et de mis-sion qui nous a aidé à faire en sorte que la charité, enparticulier avec les personnes et les communautés lesplus désavantagées, ne soit pas mise en quarantaine.J’ai pu constater, dans ces dialogues sincères, que ladistance nécessaire n’était pas synonyme de repli oude fermeture sur soi qui anesthésie, qui endort etéteint la mission.

Encouragé par ces échanges, je vous écris parceque je veux être plus proche de vous pour accompa-gner, partager et confirmer votre chemin. L’esp érancedépend également de nous et demande que nousnous aidions à la conserver vivante et active; une es-pérance contagieuse qui se cultive et se renforce dansla rencontre avec les autres et qui, comme don et de-voir, nous est donnée pour construire la nouvelle«normalité» que nous désirons tant.

Je vous écris en pensant à la première communautéapostolique, qui vécut également des moments deconfinement, d’isolement, de peur et d’incertitude.Cinquante jours passèrent entre l’immobilité, la fer-meture et l’annonce naissante qui aurait changé leurvie pour toujours. Les disciples, alors que les portesdu lieu où ils se trouvaient étaient closes, par crainte,furent surpris par Jésus qui «se tint au milieu d’eux;il leur dit: “Paix soit à vous!”. Ce disant, il leur mon-tra ses mains et son côté. Les disciples furent remplisde joie à la vue du Seigneur. Il leur dit encore unefois: “Paix soit à vous! Comme le Père m’a envoyé,moi aussi je vous envoie”. Cela dit, il souffla sur euxet leur dit: “Recevez l’Esprit Saint”» (Jn 20,19-22).Laissons-nous nous aussi surprendre!

«Toutes portes étant closes par crainte, là où se trou-vaient les disciples» (Jn 20, 19)

A u j o u rd ’hui comme hier, nous sentons que «lesjoies et les espoirs, les tristesses et les angoisses deshommes de ce temps, des pauvres surtout et de tousceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs,les tristesses et les angoisses des disciples du Christ,et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve échodans leur cœur» (Gaudium et spes, n. 1). Comme nousconnaissons bien tout cela! Nous avons tous entendules chiffres et les pourcentages qui nous assaillaientjour après jour; nous avons touché du doigt la dou-leur de notre peuple. Ce qui arrivait ne concernaitpas des données lointaines: les statistiques avaient desnoms, des visages, des histoires partagées. En tantque communauté presbytérale nous n’avons pas étéétrangers à cette réalité et nous ne sommes pas restés

à regarder par la fenêtre; trempés par la tempête quifaisait rage, vous vous êtes ingéniés pour être présentset accompagner vos communautés: vous avez vu leloup arriver et vous n’avez pas fui et n’avez pas aban-donné le troupeau (cf. Jn 10, 12-13).

Nous avons souffert de la disparition brutale deproches, de voisins, de paroissiens, de confesseurs, depoints de référence de notre foi. Nous avons vu lesvisages inconsolables de ceux qui n’ont pas pu êtreauprès de leur proches pour leur dire adieu dansleurs dernières heures. Nous avons vu la souffrance etl’impuissance des opérateurs sanitaires qui, à bout deforce, s’épuisaient en d’interminables journées de tra-vail, soucieux de répondre à autant de demandes.Nous avons tous ressenti l’insécurité et la peur destravailleurs et des bénévoles qui s’exposaient quoti-diennement pour que les services essentiels soient as-surés; et également pour accompagner et prendre soinde ceux qui, à cause de leur exclusion et de leur vul-nérabilité, subissaient encore davantage les consé-quences de cette pandémie. Nous avons écouté et vules difficultés et les désagréments du confinement so-cial: en particulier la solitude et l’isolement des per-sonnes âgées; l’anxiété, l’angoisse et le sentiment denon-protection face à l’incertitude du travail et du lo-gement; la violence et la détérioration des relations.La peur ancestrale de la contamination est revenuefrapper avec force. Nous avons également partagé lespréoccupations angoissantes de familles entières quine savent pas quoi mettre dans leurs assiettes la se-maine suivante.

Nous avons fait l’expérience de notre propre vulné-rabilité et de notre impuissance. Comme le fouréprouve les vases du potier, nous avons été mis àl’épreuve (cf. Si 27, 5). Bouleversé par tout ce qui sepassait, nous avons ressenti de manière amplifiée laprécarité de notre vie et des engagements apostoli-ques. Le caractère imprévisible de la situation a misen lumière notre incapacité de coexister et de nousconfronter avec l’inconnu, avec ce que nous ne pou-vons pas diriger ou contrôler et, comme tous, nousnous sommes sentis confus, apeurés, sans défense.Nous vivons également cette colère saine et nécessairequi nous pousse à ne pas baisser les bras face aux in-justices et qui nous rappelle que nous avons été rêvéspour la Vie. Comme Nicodème, la nuit, surpris parceque «le vent souffle où il veut, tu entends sa voix,mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va: «Commentcela peut-il arriver?»; et Jésus nous a répondu: «Tu esmaître en Israël et tu ignores ces choses?» (cf. Jn 3,8-10).

La complexité de ce qui devait être affronté ne to-lérait pas de recette toute faite ou de réponses de ma-nuel; elle demandait beaucoup plus que de simplesexhortations ou discours édifiants, incapables des’enraciner et d’assumer consciemment tout ce que lavie concrète exigeait de nous. La douleur de notrepeuple nous faisait mal, ses incertitudes nous frap-paient, notre fragilité commune nous dépouillait detoute fausse complaisance idéaliste ou spiritualiste,ainsi que de toute tentative de fuite puritaine. Person-ne n’est étranger à tout ce qui arrive. Nous pouvonsdire que nous avons vécu communautairement l’heure despleurs du Seigneur: nous avons pleuré devant la tombede son ami Lazare (cf. Jn 11, 35), devant la fermeturede son peuple (cf. Lc 13, 14; 19, 41), dans la nuitobscure du Gethsémani (cf. Mc 14, 32-42; Lc 22, 44).C’est également l’heure des pleurs du disciple devant lemystère de la Croix et du mal qui frappe tant d’inno-cents. Ce sont les pleurs amers de Pierre après le re-niement (cf. Lc 22, 62), ceux de Marie-Madeleine de-vant le sépulcre (cf. Jn 20, 11).

Nous savons que dans ces circonstances, il n’estpas facile de trouver le chemin à suivre, et les voixqui diront tout ce que l’on aurait pu faire face à cetteréalité inconnue ne manqueront pas non plus. Nosmanières habituelles de nous mettre en relation, d’or-ganiser, de célébrer, de prier de convoquer et mêmed’affronter les conflits ont été modifiées et mises endiscussion par une présence invisible qui a transforménotre quotidien en adversité. Il ne s’agit pas seule-ment d’un fait individuel, familial, d’un groupe socialdéterminé ou d’un pays. Les caractéristiques du virus

font disparaître les logiques selonlesquelles nous étions habitués àdiviser ou classer la réalité. Lapandémie ne connaît pas d’adjec-tifs, de frontières et personne nepeut penser s’en sortir tout seul.Nous sommes tous touchés et con-cernés.

Le discours d’une société de laprophylaxie, imperturbable et tou-jours prête à la consommation aété mis en discussion, révélant lemanque d’immunité culturelle etspirituelle face aux conflits. Unesérie de vieux et de nouveaux pro-blèmes et d’interrogations (queb eaucoup de régions pensaient dé-passés et considéraient commequelque chose du passé) ont occu-pé l’horizon et l’attention. Desquestions qui ne trouveront pasune réponse simplement avec la ré-ouverture des diverses activités; ilsera plutôt indispensable de déve-lopper une écoute attentive maispleine d’espérance, sereine mais te-nace, constante mais pas anxieuse,qui puisse préparer et aplanir lesroutes que le Seigneur nous appel-le à parcourir (cf. Mc 1, 2-3). Noussavons qu’on ne ressort pas pareilsqu’avant des épreuves et des expé-riences douloureuses. Nous devonsêtre vigilants et attentifs. Le Sei-gneur lui-même, à son heure cru-

gique et de donner une nouvelle signification à l’his-toire et aux événements. Tout temps est adapté à l’an-nonce de la paix, aucune circonstance n’est privée desa grâce. Sa présence au milieu du confinement et desabsences forcées annonce, pour les disciples d’hiercomme pour nous aujourd’hui, un jour nouveau ca-pable de mettre en discussion l’immobilité et la rési-gnation et de mobiliser tous les dons au service de lacommunauté. Avec sa présence, le confinement estdevenu fécond, donnant vie à la nouvelle communau-té apostolique.

Disons-le avec confiance et sans peur: «Où le pé-ché s’est multiplié, la grâce a surabondé» (Rm 5, 20).Ne craignons pas les situations complexes dans les-quels nous nous trouvons, car là, au milieu de nous,le Seigneur est présent; Dieu a toujours accompli lemiracle d’engendrer de bons fruits (cf. Jn 15, 5). Lajoie chrétienne naît précisément de cette certitude. Aumilieu des contradictions et de l’incompréhensibleque nous devons affronter chaque jour, submergés etmême étourdis par tant de mots et de connections, secache la voix du Ressuscité qui nous dit: «Paix àvous!».

Il est réconfortant de prendre l’Evangile et de con-templer Jésus au milieu de son peuple, alors qu’il ac-cueille et embrasse la vie et les personnes telles qu’el-les se présentent. Ses gestes donnent corps au trèsbeau chant de Marie: «Il a dispersé les hommes aucœur superbe. Il a renversé les potentats de leurs trô-nes et élevé les humbles» (Lc 1, 51-52). Il a lui-mêmeoffert ses mains et son côté blessé comme un cheminde résurrection. Il ne cache pas et ne dissimule passes plaies; il invite même Thomas à toucher du doigtcomment un côté blessé peut être source de Vie enabondance (cf. Jn 20, 27-29).

En diverses occasions, en tant qu’accompagnateurspirituel, j’ai pu être témoin du fait que «la personnequi voit les choses comme elles sont réellement selaisse transpercer par la douleur et pleure dans soncœur, elle est capable de toucher les profondeurs dela vie et d’être authentiquement heureuse. Cette per-sonne est consolée, mais par le réconfort de Jésus etnon par celui du monde. Elle peut ainsi avoir le cou-rage de partager la souffrance des autres et elle cessede fuir les situations douloureuses. De cette manière,elle trouve que la vie a un sens, en aidant l’autre danssa souffrance, en comprenant les angoisses des autres,en soulageant les autres. Cette personne sent que

l’autre est la chair de sa chair, elle ne craint pas des’en approcher jusqu’à toucher sa blessure, elle com-patit jusqu’à se rendre compte que les distances ontété supprimées. Il devient ainsi possible d’accueillircette exhortation de saint Paul: «Pleurez avec quipleure» (Rm 12, 15). Savoir pleurer avec les autres,c’est cela la sainteté!» (Exhort. ap. Gaudete et exsulta-te, n. 76).

«“Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous en-voie”. Cela dit, il souffla sur eux et leur dit: “Recevezl’Esprit Saint”» (Jn 20, 21-22).

Chers frères, en tant que communauté presbytéralenous sommes appelés à annoncer et prophétiser l’ave-nir, comme la sentinelle qui annonce l’aurore qui ap-porte un nouveau jour (cf. Is 21, 11): ou celui-ci seraquelque chose de nouveau, ou il sera plus, beaucoupplus et pire que d’habitude. La Résurrection n’est passeulement un événement historique du passé à rappe-ler et à célébrer; elle est davantage, bien davantage:c’est l’annonce du salut d’un temps nouveau qui re-tentit et apparaît déjà aujourd’hui: «Déjà il apparaît,ne l’apercevez-vous pas?» (cf. Is 43, 19); c’estl’a d - v e n i re que le Seigneur nous appelle à construire.La foi nous permet d’avoir une imagination réaliste etcréative, capable d’abandonner la logique de la répé-tition, du remplacement ou de la conservation; ellenous invite à instaurer un temps toujours nouveau: letemps du Seigneur. Si une présence invisible, silen-cieuse, expansive et virale nous a mis en crise et nousa bouleversés, laissons cette autre Présence discrète,respectueuse et non envahissante nous appeler à nou-veau et nous enseigner à ne pas avoir peur d’a f f ro n t e rla réalité. Si une présence impalpable a été en mesurede bouleverser et de renverser les priorités et les agen-das mondiaux apparemment inamovibles qui étouf-fent et dévastent tant nos communautés et notre sœurla terre, ne craignons pas que ce soit la présence duRessuscité qui trace notre parcours, qui ouvre les ho-rizons et qui nous donne le courage de vivre ce mo-ment historique et particulier. Une poignée d’hommeapeurés a été capable de commencer un courant nou-veau, annonce vivante du Dieu avec nous. N’ayez paspeur! «La force du témoignage des saints, c’est d’ob-server les béatitudes et le critère du jugement der-nier» (Exhort. ap. Gaudete et exsultate, n. 109).

Laissons-nous surprendre encore une fois par leRessuscité. Que ce soit Lui, à partir de son côté bles-sé, signe de combien la réalité devient dure et injuste,

à nous pousser à ne pas nous détourner de la réalitédure et difficile de nos frères. Que ce soit Lui à nousenseigner à accompagner, soigner et panser les blessu-res de notre peuple, non par la crainte, mais avecl’audace et la prodigalité évangélique de la multipli-cation des pains (cf. Mt 14, 15-21); avec le courage,l’attention et la responsabilité du samaritain (cf. Lc10, 33-35); avec la joie et la fête du pasteur pour sabrebis retrouvée (cf. Lc 15, 4-6); avec l’étreinte récon-ciliatrice du père qui connaît le pardon (cf. Lc 15, 20);avec la piété, la délicatesse et la tendresse de Mariede Béthanie (cf. Jn 12, 1-3); avec la mansuétude, lapatience et l’intelligence des disciples missionnairesdu Seigneur (cf. Mt 10, 16-23). Que ce soient lesmains pleines de plaies du Seigneur qui consolentnos tristesses, qui réveillent notre espérance et quinous poussent à chercher le Royaume de Dieu au-de-là de nos refuges habituels. Laissons-nous surprendreégalement par notre peuple fidèle et simple, si sou-vent éprouvé et déchiré, mais aussi visité par la misé-ricorde du Seigneur. Que ce peuple nous enseigne àfaçonner et tempérer notre cœur de pasteur avec ladouceur et la compassion, avec l’humilité et la ma-gnanimité de la résistance active, solidaire, patiente etcourageuse, qui ne reste pas indifférente, mais qui dé-ment et démasque tout scepticisme et fatalisme. Com-me on peut apprendre de la force du peuple fidèle deDieu qui trouve toujours le moyen de secourir etd’accompagner celui qui est tombé! La Résurrectionest l’annonce que les choses peuvent changer. Lais-sons que Pâques, qui ne connaît pas de frontières,nous conduise créativement dans les lieux où l’esp é-rance et la vie sont en train de combattre, où la souf-france et la douleur deviennent un espace propice à lacorruption et à la spéculation, où l’agressivité et laviolence semblent être l’unique issue.

En tant que prêtres, fils et membres d’un peuplesacerdotal, il nous revient d’assumer la responsabilitépour l’avenir et de le projeter comme frères. Mettonsentre les mains blessées du Seigneur, comme offrandesainte, notre fragilité, la fragilité de notre peuple, cel-le de l’humanité tout entière. Le Seigneur est Celuiqui nous transforme, qui se sert de nous comme dupain, qui prend notre vie entre ses mains, nous bénit,nous fractionne, nous partage et nous donne à sonpeuple. Et laissons-nous oindre avec humilité par lesparoles de Paul, afin qu’elles se diffusent comme unehuile parfumée dans les divers lieux de notre ville etréveillent ainsi l’espérance discrète que de nombreu-ses personnes — tacitement — conservent dans leurcœur: «Nous sommes pressés de toutes parts, maisnon pas écrasés; ne sachant qu’espérer, mais non dé-sespérés; persécutés, mais non abandonnés; terrassés,mais non annihilés. Nous portons partout et toujoursen notre corps les souffrances de mort de Jésus, afinque la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dansnotre corps» (2 Co 4, 8-10). Participons avec Jésus àsa passion, notre passion, pour vivre également avecLui la force de la résurrection: certitude de l’amourde Dieu capable d’émouvoir les entrailles et de sortiraux carrefours des routes pour partager «la Bonnenouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la déli-vrance et aux aveugles le retour à la vue, rendre la li-berté aux opprimés, proclamer une année de grâce duSeigneur» (cf. Lc 4, 18-19), avec la joie que tous peu-vent participer activement avec leur dignité de fils duDieu vivant.

Toutes ces choses, que j’ai pensées et ressenties aucours de ce temps de pandémie, je désire les partagerfraternellement avec vous, pour qu’elles nous aidentsur le chemin de la louange au Seigneur et du serviceà nos frères. J’espère qu’elles nous serviront à touspour «aimer et servir davantage».

Que le Seigneur Jésus vous bénisse et que la SainteVierge vous protège. Et, s’il vous plaît, je vous de-mande de ne pas oublier de prier pour moi.

Fr a t e r n e l l e m e n t ,

Rome, à Saint-Jean-de-Latran,le 31 mai 2020, solennité de Pentecôte

Mosaïque du Bon Pasteur au Mausolée de Galla-Placidiaà Ravenne (425-450)

ciale, pria pour cela: «Je ne te prie pas de les retirerdu monde, mais de les garder du Mauvais» (Jn 17,15). Exposés et frappés personnellement et commu-nautairement dans notre vulnérabilité et fragilité etdans nos limites, nous courons le grave risque denous retirer et de continuer à «ruminer» la désolationque la pandémie nous présente, ainsi que de nousexaspérer dans un optimisme illimité, incapables d’ac-cepter la dimension réelle des événements (cf. Exhort.ap. Evangelii gaudium, nn. 226-228).

Les heures d’épreuve font appel à notre capacité dediscernement pour découvrir quelles sont les tenta-tions qui menacent de nous emprisonner dans une at-mosphère de désarroi et de confusion, pour ensuitenous faire tomber dans des habitudes qui empêche-ront nos communautés de promouvoir la vie nouvelleque le Seigneur veut nous donner. Il existe différentestentations, typiques de notre époque, qui peuventnous aveugler et nous faire cultiver certains senti-ments et attitudes qui ne permettent pas à l’esp érancede stimuler notre créativité, notre ingéniosité et notrecapacité de réponse. Celles-ci vont du fait de vouloirassumer honnêtement la gravité de la situation, maisen cherchant à la résoudre seulement par des activitésde remplacement ou palliatives en attendant que toutrevienne à la «normalité», en ignorant les blessuresprofondes et le nombre de personnes qui sont tom-bées pendant cette période; jusqu’à rester plongésdans une certaine nostalgie paralysante du passé ré-cent, qui nous fait dire que «rien ne sera plus commeavant» et qui nous rend incapables d’inviter les autresà rêver et à élaborer de nouvelles routes et de nou-veaux styles de vie.

«Jésus vint et se tint au milieu d’eux; il leur dit:“Paix soit à vous!”. Ce disant, il leur montra ses mainset son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vuedu Seigneur. Il leur dit encore une fois: “Paix soit àvous!”» (Jn 20, 19-21).

Le Seigneur n’a pas choisi ou cherché une situationidéale pour apparaître dans la vie de ses disciples.Nous aurions certainement préféré que tout ce quis’est passé ne soit pas arrivé, mais cela est arrivé; etcomme les disciples d’Emmaüs, nous pouvons nousaussi continuer à murmurer attristés le long de la rou-te (cf. Lc 24, 13-21). En se présentant au Cénacle dontles portes étaient closes, au milieu de l’isolement, dela peur et de l’insécurité dans lesquels ils vivaient, leSeigneur a été en mesure de transformer toute lo-

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page 8 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 9 juin 2020, numéro 23

Message vidéo au mouvement Thy Kingdom Come

Investir sur la santé, le travailet la lutte contre les inégalités

Afin que les chrétiens soient davantage uniscomme «témoins de miséricorde pour l’humanitédurement éprouvée», le Pape François a priédans un message vidéo enregistré en soutien aumouvement Thy Kingdom Come, voulu parl’archevêque de Canterbury, Sa Grâce JustinWelby, comme appel à l’unité. Nous publions ci-dessous le texte du message vidéo pontifical qui aété retransmis le 31 mai, comme partie du serviceliturgique du primat de la Communionanglicane, à l’occasion de la solennité de laPentecôte.

Chers frères et sœurs,Je m’unis avec joie à l’archevêque Justin Wel-by et à vous tous pour partager ce que je por-te dans mon cœur. C’est la Pentecôte: nousrappelons le jour où l’Esprit de Dieu est des-cendu avec puissance. Depuis ce jour, la viede Dieu s’est répandue parmi nous, nous ap-portant une espérance nouvelle, une paix etune joie jusque-là inconnues. A la Pentecôte,Dieu a contaminé le monde par la vie. Com-me tout cela se heurte à la contaminationmortelle qui infecte la terre depuis des mois!Il est alors plus que jamais nécessaire au-j o u rd ’hui d’invoquer l’Esprit Saint, afin qu’ildéverse la vie de Dieu, l’amour, dans noscœurs. En effet, pour que l’avenir soit meil-leur, notre cœur doit devenir meilleur.

Le jour de la Pentecôte, des peuples quiparlaient différentes langues se rencontrèrent.Ces derniers mois, au contraire, on nous de-mande d’observer les mesures justes et néces-saires pour rester à distance. Mais nous pou-vons mieux comprendre, en nous, ce que lesautres ressentent. Nous avons en commun lapeur et les incertitudes. Il est nécessaire de ré-conforter les nombreux cœurs accablés. Jep ense à ce que Jésus disait quand il parlait del’Esprit Saint: il utilisait un mot particulier,P a ra c l e t , c’est-à-dire C o n s o l a t e u r. Beaucoupd’entre vous ont éprouvé sa consolation, cettepaix intérieure qui nous fait nous sentir aimés,cette douce force qui donne toujours du cou-rage, même dans la douleur. L’Esprit nousdonne la certitude de ne pas être seuls, maissoutenus par Dieu. Très chers amis, ce quenous avons reçu, nous devons le donner: noussommes appelés à diffuser la consolation del’Esprit, la proximité de Dieu.

Comment faire? Pensons à ce que nous ai-merions avoir maintenant: réconfort, encoura-gement, quelqu’un qui prenne soin de nous,quelqu’un qui prie pour nous, qui pleure avecnous, qui nous aide à affronter nos problèmes.Voilà, tout ce que nous voudrions que les au-tres fassent pour nous, faisons-le pour eux (cf.

Mt 7, 12). Nous voulons être écoutés? Ecou-tons. Nous avons besoin d’encouragement?Encourageons. Nous voulons que quelqu’unprenne soin de nous? Prenons soin de ceuxqui n’ont personne. Nous avons besoin d’es-pérance pour demain? Donnons de l’esp éran-ce aujourd’hui. Aujourd’hui, nous assistons àune tragique famine de l’e s p é ra n c e . Combien deblessures, combien de vides non comblés,combien de douleur sans consolation! Deve-nons alors les interprètes de la consolation del’Esprit, transmettons l’espérance et le Sei-gneur ouvrira de nouvelles voies sur notrechemin.

J’ai envie de partager quelque chose préci-sément sur notre chemin. Comme j’aimeraisqu’en tant que chrétiens, nous soyons encoredavantage et plus ensemble des témoins de mi-s é r i c o rd e pour l’humanité durement éprouvée.Demandons à l’Esprit le don de l’unité, parceque nous ne répandrons la fraternité que sinous vivons comme des frères entre nous.Nous ne pouvons pas demander à l’humanitéd’être unie si nous empruntons des cheminsdifférents. Alors, prions les uns pour les au-tres, sentons-nous responsables les uns des au-t re s .

L’Esprit Saint donne sagesse et conseil. Ences jours, invoquons-le sur ceux qui sont ap-pelés à prendre des décisions délicates et ur-gentes, afin qu’ils protègent la vie humaine etla dignité du travail. Que l’on investisse danscela: dans la santé, le travail, l’élimination desinégalités et de la pauvreté. Nous avons plusque jamais besoin d’un regard plein d’huma-nité: on ne peut pas recommencer à couriraprès des succès personnels sans se soucier deceux qui sont laissés-pour-compte. Et même sic’est ce que beaucoup feront, le Seigneurnous demande de changer de route. Le jourde la Pentecôte, Pierre a dit avec la parrhésiede l’Esprit: «Convertissez-vous» (Ac 2, 8),c’est-à-dire changez de direction, faites demi-tour. Nous avons besoin de recommencer àmarcher vers Dieu et vers notre prochain: nonpas séparés, non pas anesthésiés face au crides oubliés et de la planète blessée. Nousavons besoin d’être unis pour faire face auxpandémies qui sévissent: celle du virus, maisaussi la faim, les guerres, le mépris de la vie,l’indifférence. Ce n’est qu’en marchant ensem-ble que nous irons loin.

Chers frères et sœurs, vous diffusez l’an-nonce de vie de l’Evangile et vous êtes un si-gne d’espérance. Je vous remercie de toutcœur. Je demande à Dieu de vous bénir et àvous de prier pour qu’il me bénisse. Merci.

Intention de prière du Pape pour le mois de juin

Compassion pour le monde

La vidéo du Réseau mondial de prière du Pa-pe pour le mois de juin est riche de scènesd’actualité. On y voit défiler des images depersonnes hospitalisées dans des salles d’hôpi-taux, des infirmier(e)s et des médecins en pre-mière ligne pour tenter de les soigner et de lesguérir. La pensée va immédiatement à l’u rg e n -ce sanitaire provoquée par le covid-19. Dansce contexte, l’intention du Pape pour le moisde juin est encore plus significative: «Com-passion pour le monde».

Toute la vidéo est axée autour du Cœur deJésus auquel est traditionnellement consacré lemois de juin: «Prions afin que ceux qui souf-frent trouvent des parcours de vie, en se lais-sant toucher par le Cœur de Jésus», demandeFrançois tandis que l’on voit des personnes

portant des masques sur le visage qui, malgréle coronavirus, n’ont jamais cessé de travailler:les agents de la santé dans les salles d’hôpi-taux, les «riders» qui vont à vive allure en vé-lo et à moto pour livrer des paquets et de lanourriture à domicile, et les employés des sec-teurs des transports et de la distribution.

«De nombreuses personnes — observe lePape — souffrent à cause des graves difficultésqu’elles traversent». Pour cela, ajoute-t-il,«nous pouvons les aider en les accompagnantsur un chemin plein de compassion, qui trans-forme la vie des personnes et qui les rappro-che du Cœur du Christ, qui nous accueilletous dans la révolution de la tendresse». Lavidéo est diffusée à travers le site internetwww.thep op evideo.org.

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numéro 23, mardi 9 juin 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 9

Ecouter des histoires et les raconter nous met en relation à travers la narration

Quand mon fils m’emmena à l’égliseMARY KARR*

«A près que Dieu s’est fait histoire,chaque histoire humaine est, en uncertain sens, l’histoire divine. Dans

l’histoire de chaque homme le Père revoitl’histoire de son fils» (Pape François).

Pendant les quarante premières années dema vie, j’ai été athée, et je me suis donc tou-jours sentie comme une sorcière dans n’imp or-te quelle église où l’on me traînait — surtoutquand j’étais petite, par mes voisins. Je suisfrappée de lire dans le message du Pape sur lanarration que chaque histoire humaine possè-de «une dignité inviolable», et que le Père, de

pacts de balles sur lesmurs de ma cuisine. Avrai dire, moi non plusje ne me sentais pas tel-lement en sécurité chezmoi.

Ne vous méprenezpas. Mes parentsn’étaient pas des mons-tres. Je les adorais et ilsm’aimaient du mieuxqu’ils pouvaient. Maistous deux étaient tour-mentés par de terriblesdémons — mon père parcelui de la deuxièmeguerre mondiale et mamère par deux enfantsperdus et plus de cinqmaris, dont j’ai apprisl’existence quand j’avaisune vingtaine d’années.Tous deux buvaientpour oublier leur dou-leur, une habitude quine faisait que les rendreencore plus confus etd é p re s s i f s .

«Le mal s’insinuedans l’histoire», écrit le Saint-Père. Et ainsi,les chrétiens utilisent souvent les récits bibli-ques pour exclure les personnes que Jésus dé-sire le plus que nous accueillions. Dans monesprit d’enfant, j’ai assimilé la piété teintée dereproches de nos voisins à toute la religion —même avec Dieu et Jésus, et tout le reste. Ain-si, instinctivement, je rejetais tout récit de foi,précisément quand j’avais le plus soif de sonaide.

De plus, les récits étaient difficiles à digé-rer. Qui donc pouvait croire qu’à une époque,une arche a réussi à contenir un couple detous les animaux, ou qu’une mer s’est ouvertepour que des esclaves puissent fuir leurs op-presseurs? Je n’arrivais certainement pas àcroire que les doux auraient jamais reçu la ter-re en héritage. Entraînée à la Messe par unecompagne d’école, je trouvais la statue de Ma-rie si bienheureuse et parfaite — elle n’avaitpas même un pore dilaté! — que je pensaisqu’elle devait me trouver véritablemento dieuse.

Mais le corps massacré cloué à la croix —celui-là me semblait réel. Il exerçait sur moiune fascination presque pornographique. Quecette grotesque souffrance privée soit exhibéeen public me sidérait. De plus, m’apitoyer surmoi-même m’avait rendue sensible aux per-sonnes blessées. Je n’arrivais tout simplementpas à regarder un Jésus crucifié sans me sentirsuffoquer. Mais je ne croyais certainement pasqu’il était revenu! Aucun être humain clouéde la sorte à une croix ne pouvait se relever etpréparer une grillade sur la plage pour sesamis. Impossible. En aucun cas.

Nous nous racontons des histoires pour vi-vre, a écrit l’essayiste américaine Joan Didion.Avec l’évolution de la technologie pour parta-ger et conserver les informations, les récits ontsans aucun doute façonné le câblage même denotre cerveau. Mais toute grande œuvre litté-raire commence par un être humain — dans lasolitude de son voyage — qui veut sortir ettrouver une autre créature qui pense commelui.

La littérature la plus antique, comme parexemple l’Odyssée, contenait toutes les entre-prises humaines. Ce poème ne servait pas seu-lement à distraire, mais il expliquait aussi lesusages religieux et décrivait l’histoire; il trans-mettait la religion et l’éducation civique, laphilosophie et le droit, des instantanés de la

vie quotidienne. Aujourd’hui, d’autres techno-logies ont cet honneur — des recueils de texteset de photographies, des documents et desjeux vidéo. Mais au centre de la façon dontnous nous connaissons les uns les autres —gravé en nous et intégré dans notre f i r m w a re— se trouve la narration. Quand nous racon-tons des histoires, nous n’entrons pas simple-ment dans la tradition de Shakespeare etd’Eschyle ou des prophètes comme saint Paul,mais nous entrons également en relation avecnos ancêtres assis dans les grottes à dessinerdes bisons sur les parois, nous entrons en rela-tion avec toute notre famille humaine, commele souligne le Saint-Père.

Quand j’étais jeune mère et une écrivaineen difficulté, le fait de boire et de me droguercommença à gâcher la vie de mon enfant.Pour arrêter de boire, on m’envoya dans unsous-sol, où les autres alcooliques et toxico-manes semblaient des fainéants et des per-dants — pas des personnes que j’aurais voulufréquenter. Il m’a fallu user de tout mon sang-froid pour ne pas m’enfuir et entrer dans lepremier bar, parce que j’avais une terrible en-vie de whisky. Mais j’ai pris un verre en plas-tique rempli de café et — malgré ma répulsion— j’ai commencé à écouter. Le résultat a étémagique. Chaque visage a commencer à s’épa-nouir en s’ouvrant comme un tournesol. Com-bien de difficultés ils avaient tous!

Le médecin, John Avery, spécialiste de dé-pendances au New York Hospital de Manhat-tan, me dit par la suite que la consolation quej’avais commencé à éprouver avait un fonde-ment physiologique. Quand nous écoutons lesrécits des personnes — en particulier de cellesavec lesquelles nous avons partagé les mêmesaventures — nous produisons une hormoneappelée ocytocine, «l’hormone du bonheur».Nos niveaux de cortisol et d’adrenaline — leshormones du stress — baissent. De fait, l’o cy-tocine est ce que sécrètent les mères quand el-les allaitent au sein. Cela nous aide à entreren relation les uns avec les autres et à noussentir moins seuls. Cela réduit l’anxiété etpeut transformer comme par magie des étran-gers désespérés en une tribu pleine d’a m o u r.Quand Joan Didion a écrit «nous nous racon-tons des histoires pour vivre», elle voulaitsans aucun doute dire que nous obtenons en

SUITE À LA PA G E 10

John Everett Millais «The Boyhood of Raleigh» (1870)

fait, nous regarde tous et voit son Fils Jésus —véritablement une bonne nouvelle pour uneceinture noire du péché comme moi.

J’ai grandi dans une famille difficile, degrands buveurs et athées convaincus, mais leslivres que j’y ai trouvés — qui étaient étrangesdans la Bible belt ouvrière texane où je suisnée — m’ont d’une certaine façon sauvée, enme mettant en relation avec d’autres créaturessouffrantes à travers la narration. Je ne croyaispas en Dieu, mais une part de moi pensait vé-ritablement que Winnie the Pooh était dansles bois à attendre son ami Christopher Ro-bin, et qu’un jeune écuyer du nom de Mous-tique serait devenu roi en extrayant une épéed’une pierre — destin qu’il accomplit unique-ment par hasard. (Tout comme c’est souventpar hasard que nous réalisons le rêve particu-lier de Dieu pour chacun de nous). Ces récitsme redonnait de l’espoir quand j’en man-quais.

J’étais une enfant susceptible et studieuse,maladroite et pleurnicheuse. Je vivais dans unquartier difficile et j’étais assez mal embou-chée pour m’attirer quelques gifles, jusqu’à ceque mon père m’encourage à commencer àmordre quiconque cherchait à me dominer.«Montre-lui les dents, petite», disait-il. Unede mes morsures laissait un signe durable,même sur la plus grosse des brutes. Et les ci-catrices que j’ai laissées sont restées dans lesannales de ce que l’on racontait dans le quar-tier au sujet de mon caractère sauvage. Je ju-rais comme un charretier, même toute petite —mes parents trouvaient amusant que je lancedes jurons. J’entends encore Madame Perryqui, de sa véranda, agitait sa serpillière dansma direction et disait: «De ta bouche sortentdes serpents et des lézards, Mary Karr». Maisquand je lui répondais que je n’en avais rien àfaire, je mentais.

Cela m’importait peu, et me blessait, quandles autres enfants disaient que nous aurionstous été en enfer, bien que je ne croyais pasqu’un tel endroit existe. Simone Weil a ditqu’il n’y a pas de souffrance sans douleur —une certaine forme de mépris public, ou d’hu-miliation. Même si nos voisins ne nous évi-taient pas de façon évidente — ils nous lais-saient participer à leurs rencontres de baseballet répondaient quand nous leur adressions laparole — la majorité des adultes ne permettaitpas à leurs enfants de jouer dans notre cour.Comment leur en vouloir? Il y avait des im-

e ré c i tE M O T D E L’ANNÉEl

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page 10 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 9 juin 2020, numéro 23

L’encouragement du Pape au Centre Astalli

Des réponses courageusesau défi des migrations

Le drame des réfugiés est tou-jours prioritaire dans les intentionset dans les attentions du Pape Fran-çois, qui est «spirituellement prochepar la prière et par l’affection»d’eux tous, les exhortant «à avoirconfiance et espérance dans unmonde de paix, de justice et de fra-ternité entre les peuples». Ce sontles sentiments exprimés par le Papedans un message envoyé au direc-teur du Centre Astalli de Rome, lepère jésuite Camillo Ripamonti, àl’occasion de la présentation duRapport annuel 2020, dans lequelle Service des jésuites pour les réfu-giés (Jrs) en Italie décrit les servi-ces, les activités et les données sta-tistiques sur les personnes assistéesau cours de la dernière année.

«Je désire vous exprimer — écritle Pape — ma sincère satisfaction,ainsi qu’aux collaborateurs et auxbénévoles pour le courage avec le-quel vous affrontez le “défi” des mi-grations, en particulier en ce mo-ment délicat pour le droit d’asile,étant donné que des milliers de per-sonnes fuient les guerres, les persé-cutions et les graves crises humani-taires». En effet, le rapport soulignequ’en cette période caractérisé au

niveau planétaire par l’urgence ducoronavirus, les vies des migrants etdes réfugiés sont des «vies suspen-dues», la «très grave crise sanitaire»ayant mis en discussion les compor-tements, «les relations et la visionde l’avenir» et les politiques migra-toires ayant aggravé «la précarité devie, l’exclusion et l’irrégularité, ren-dant la société tout entière plus vul-nérable».

Les bénévoles du Jrs ont rencon-tré vingt-mille personnes au coursde 2019, onze mille seulement à Ro-me: un exemple d’«amour frater-nel» qui, souligne François dansson message, devrait «susciter unengagement renouvelé dans la so-ciété pour une culture authentiquede l’accueil et de la solidarité». Eneffet, à l’égard du «phénomène mi-gratoire complexe» — conclut le Pa-pe, en renouvelant son encourage-ment personnel au Centre Astalli età ceux qui collaborent avec lui —une «sage ouverture» est nécessaire,qui favorise «des interventions desoutien adaptées» et qui témoigne«des valeurs humaines et chrétien-nes qui sont à la base de la civilisa-tion européenne».

Nouvelles normes pour l’adjudicationdes contrats publics du Saint-Siège

et de la Cité du Vatican

Pour assurer la transparence, le con-trôle et la concurrence dans les pro-cédures d’adjudication des contratspublics du Saint-Siège et de l’Etatde la Cité du Vatican, le Pape Fran-çois a promulgué — au moyen de lapublication le lundi 1er juin dans«L’Osservatore Romano» quotidienitalien — un Motu proprio qui en-trera en vigueur le 30 juin.

Le document — explique le com-muniqué de la salle de presse duSaint-Siège — est le fruit d’un tra-vail effectué en synergie et coordon-né par la secrétairerie d’Etat, entreles différents organismes de la curieromaine, dont le conseil pour l’éco-nomie, le secrétariat pour l’écono-mie, l’administration du patrimoinedu Siège apostolique et le gouver-norat de l’Etat de la Cité du Vati-can.

Il s’agit d’un code unique, quidépasse la réglementation actuelle-ment en vigueur au sein de certainsorganismes individuels et qui s’ap-plique à présent à toutes les institu-tions dépendant du Saint-Siège etde l’Etat de la Cité du Vatican. Laréglementation s’inscrit dans la lé-gislation internationale la plus avan-cée en la matière. Le principe inspi-

rateur du nouveau texte est la dili-gence du bon père de famille, quidésire une gestion efficace etéthique de ses propres ressources,qui favorise dans le même temps latransparence, le contrôle et un trai-tement équitable de concurrenceréelle entre ceux qui désirent établirun rapport économique avec les ins-titutions concernées.

Quand mon fils m’emmena à l’église

partie ce réconfort de poudre ma-gique en entrant en relation les unsavec les autres à travers la narra-tion.

Au début de mon retour à la so-briété, j’ai commencé à pratiquer laprière centrante — non pas pour«trouver Dieu» mais pour soulagerune vie de dépression et d’anxiété.Ainsi, j’ai lu toujours plus d’œu v re smonastiques chrétiennes d’auteurscomme Thomas Merton et le grandmoine cistercien Thomas Keating,de vénérée mémoire. Et alors que jetrouvais une sorte de communautéparmi les sobres et un peu de calmeen moi, mon fils me demanda del’emmener à l’église «pour voir siDieu est là». A l’époque, il avaithuit ou neuf ans, ainsi, je lui mis unnœud papillon et nous nous som-mes mis en route.

Je dois dire que je me suis sentievraiment folle et bizarre d’aller à laMesse: une femme divorcée, ex-toxicomane, au milieu de toutes cesfamilles sur leur trente-et-un. Je neconnaissais pas les règles — quandse lever et ce que dire. Mon fils al-lait au catéchisme et moi je m’as-seyais au fond, avec une pile de de-voirs à corriger (je suis enseignante)et du lait.

C’est alors qu’arriva la chose laplus étrange. Au cours de la prièredes fidèles, les personnes commen-cèrent à réciter leurs intentions.Comme j’étais assise au fond, jen’arrivais à voir aucun visage, maisje pouvais entendre toute les voix.Une jeune femme à la voix trem-blante dit «pour l’intervention surla tumeur de notre enfant», et la

congrégation répondit: «Seigneur,prends pitié de nous». Sur le bancderrière, une main de femme s’ap-puya sur l’épaule de cette mère et jesentis un nœud à la gorge. Unhomme âgé pria, en rendant grâceparce que sa petite-fille était rentréesaine et sauve d’une mission au Sal-vador, et un homme de l’autre côtéde la nef lui fit un signe d’a p p ro b a -tion en levant le pouce vers le haut.En écoutant les espérances et lescraintes simples de ces personnes, jesentis la carapace dure autour demon cœur se dissoudre. J’entendaisdes petits fragments d’histoires bel-les et nobles, racontées par des per-sonnes que je n’avais pas encorere n c o n t r é e s .

Ce ne furent pas les extraordinai-res récits de la liturgie qui me fasci-nèrent — ceux-là arrivèrent de nom-breuses années plus tard. Ce furentles cœurs débordant d’amour despersonnes penchées sur leurs sem-blables, et à la fin, également surmon fils et sur moi. Leurs histoiresme conduisirent aux Ecritures, et —enfin — au baptême. A présent,l’Esprit Saint a réécrit mon histoire.La maison de mon enfance n’estpas seulement un lieu cruel dont labrutalité m’avait traumatisée jusqu’àme détruire —, même si cela est enpartie vrai. Elle a été aussi un lieuqui m’a été donné pour pratiquerl’amour patient et disponible enversmes parents, insufflé dans moncœur quand j’ai été conçue dans lesein de ma mère. C’est une histoireque je peux raconter.

*Née à Groves au Texas en 1955, elleest écrivaine et poète et a remporté denombreux prix littéraires

SUITE DE LA PA G E 9

Administrateurap ostolique

Nomination

Le Saint-Père a nommé:

1er juin

S.Exc. Mgr EVERARDUS JOHANNESDE JONG, évêque titulaire de Ca-riana et auxiliaire de Roermond(Pays-Bas): administrateur aposto-lique «ad nutum Sanctae Sedis»de l’ordinariat militaire pour lesPa y s - B a s .

Démission

Le Saint-Père a accepté la démis-sion de:

1er juin

S.Exc. Mgr JOSEPH MARIA PU N T,qui avait demandé à être relevé dela charge d’administrateur aposto-lique «ad nutum Sanctae Sedis»de l’ordinariat militaire pour lesPa y s - B a s .

E re c t i o nde province

ecclésiastique

30 mai

Le Saint-Père a érigé la provinceecclésiastique de P o i n t e - N o i re(République du Congo), élévantle diocèse en question au rangd’Eglise métropolitaine, lui assi-gnant comme Eglises suffrageantesles diocèses de Dolisie et Nkayi, eta nommé premier archevêque mé-tropolitain S.Exc. Mgr MIGUELANGEL OL AV E R R I ARRONIZ, S.D.B.,actuellement évêque de Pointe-N o i re .Le Saint-Père a érigé la provinceecclésiastique d’Owando (Répu-blique du Congo), l’élevant aurang d’Eglise métropolitaine, luiassignant comme Eglises suffra-geantes les diocèses d’Impfondo etOuesso, et a nommé premier ar-chevêque métropolitain S.Exc.Mgr VICTOR ABAGNA MOSSA, jus-qu’à présent évêque du mêmesiège.

Représentationp ontificale

Nomination

Le Saint-Père a nommé:

1er juin

S.Exc. Mgr GI O VA N N I D’AN I E L L O,archevêque titulaire de Paestum,jusqu’à présent nonce apostoliqueau Brésil: nonce apostolique enFédération russe.

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numéro 23, mardi 9 juin 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 11

L’OSSERVATORE ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

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Collège épiscopalNominations

Le Saint-Père a nommé:

26 mai

S.Exc. Mgr MARK ST UA R T ED-WA R D S , O.M.I.: évêque de WaggaWagga (Australie), le transférant dusiège titulaire de Garba et de lacharge d’auxiliaire de l’archidio cèsede Melbourne (Australie).

Né à Balikpapan, archidiocèse deSamarinda en Indonésie, le 14 juin1959, il s’est transféré en 1962 enAustralie. Il a été ordonné prêtre en1986 à Melbourne. Nommé auxiliai-re de l’archidiocèse de Melbourne etdans le même temps évêque titulairede Garba le 7 novembre 2014, il a re-çu l’ordination le 17 décembre sui-vant. Au sein de la conférence épis-copale d’Australie, il est membre ducomité pour l’éducation catholique.

le père GONZALO ARTURO BR AV OSALAZAR, du clergé du diocèse deValparaíso, (Chili) jusqu’à présentcuré de la paroisse «El Salvador delMundo» à La Matriz - Valparaíso etdoyen de la faculté ecclésiastique dethéologie de l’université pontificalecatholique de Valparaíso: évêque deSan Felipe (Chili).

Né à Valparaíso (Chili) le 30 dé-cembre 1962, il a été ordonné prêtrele 12 octobre 1997.

le père JULIO ESTEBAN LARROND OYÁÑEZ, du clergé de l’archidio cèsede Santiago du Chili (Chili), jusqu’àprésent curé de la paroisse «NuestraSeñora de Lourdes» et vicaire épis-copal de la zone sud de Santiago:évêque auxiliaire de l’archidio cèsemétropolitain de Santiago du Chili(Chili), lui assignant le siège titulaireépiscopal de Magarmel.

Né à Santiago du Chili (Chili) le23 août 1959, il a reçu l’o rd i n a t i o nsacerdotale le 12 décembre 1992.

le père LÁSZLÓ KEREKES, du clergéde l’archidiocèse d’Alba Iulia (Rou-manie), jusqu’à présent curé de laparoisse Bienheureux Eusèbe, à Târ-gu Secuiesc: évêque auxiliaire del’archidiocèse d’Alba Iulia (Rouma-nie), lui assignant le titre épiscopalde Tharros.

Né le 23 juillet 1968 à Ghelinţa(Gelence), archidiocèse d’Alba Iulia(Roumanie), il a été ordonné prêtrele 16 mai 1993 dans sa paroisse d’ori-gine.

27 mai

le père JE O VÁ ELIAS FERREIRA, duclergé de l’archidiocèse de Brasília(Brésil), jusqu’à présent vicaire géné-ral et curé de «Nossa Senhora deNazaré» à Planaltina-D F: évêque dudiocèse de Goiás (Brésil).

Né le 24 août 1961 à Sobral, dio-cèse de Sobral, Etat de Ceará (Bré-sil), il a été ordonné prêtre le 30 no-vembre 1991 et incardiné dans l’ar-chidiocèse de Brasília.

le père CÉLIO DA SI LV E I R A CALIXTOFI L H O, du clergé de l’archidio cèsede São Sebastião do Rio de Janeiro(Brésil), jusqu’à présent curé de«Nossa Senhora de Fátima», dans levicariat épiscopal suburbain: évêqueauxiliaire de l’archidiocèse métropo-litain de São Sebastião do Rio deJaneiro (Brésil), lui assignant lesiège titulaire épiscopal de Segia.

Né le 8 mai 1973 à Passos, diocèsede Guaxupé, Etat du Minas Gerais(Brésil), il a été ordonné prêtre le 28septembre 2002 et a été incardinédans l’archidiocèse de São Sebastiãodo Rio de Janeiro.

29 mai

S.Exc. Mgr ORLAND O ROA BARBO-SA, jusqu’à présent évêque d’Espinal(Colombie): archevêque métropoli-tain de l’archidiocèse d’Ibagué (Co-lombie).

Né à Cali (Colombie) le 4 juillet1958, il a été ordonné prêtre le 6 dé-cembre 1984 pour l’archidio cèsed’Ibagué. Le 12 mai 2012, il a éténommé évêque titulaire de Nasbincaet auxiliaire d’Ibagué. Il a reçu l’or-dination épiscopale le 28 juillet sui-vant. Le 30 mai 2015 il a été nomméévêque d’Espinal.

le père OVIDIO GIRALD O VELÁS-QUEZ, du clergé du diocèse de LaDorada - Guaduas (Colombie), jus-qu’à présent directeur national duRéseau pour la nouvelle évangélisa-tion (SINE): évêque de Barrancaber-meja (Colombie).

Né à Montebonito, diocèse de LaDorada - Guaduas (Colombie), le 27janvier 1963, il a été ordonné prêtrele 18 février 1989, et incardiné dansle diocèse de La Dorada - Guaduas.

30 mai

S.Exc. Mgr JESÚS CASTRO MARTE:évêque du diocèse de Nuestra Seño-ra de la Altagracia en Higüey (Ré-publique dominicaine) le transférantdu siège titulaire de Giufi et de lacharge d’évêque auxiliaire de Saint-D omingue.

Né le 18 mars 1966 à Guerra, ar-chidiocèse de Saint-Domingue, il aété ordonné prêtre le 13 juin 1995 eta été incardiné dans l’archidio cèsede Saint-Domingue. Le 1er juillet2017 il a été nommé évêque et or-donné le 26 août suivant.

le père MICHAEL KALU UKPONG, duclergé d’Umuahia, jusqu’à présentchancelier du diocèse d’Umuahia(Nigéria) et curé de St. Theresa’s

Audiencesp ontificales

Le Saint-Père a reçu en audience:

26 mai

S.Em. le cardinal ANGELO BEC-C I U, préfet de la Congrégationpour les causes des saints.

28 mai

S.Em. le cardinal LUIS FRANCIS-CO LADARIA FERRER, préfet de laCongrégation pour la doctrine dela foi;Leurs Excellences NN.SS.:

— ANTONIO DE LUCA, évêquede Teggiano-Policastro (Italie);

— ST E FA N O RU S S O, évêqueémérite de Fabriano-Matelica, se-crétaire général de la conférenceépiscopale italienne.

S.E. M. CARLOS ÁVILA MOLINA,ambassadeur du Honduras, en vi-site de congé.

30 mai

Leurs Eminences MM. les cardi-naux:

— MARC OU E L L E T, préfet de laCongrégation pour les évêques;

— LUIS ANTONIO G. TAGLE,préfet de la Congrégation pourl’évangélisation des peuples.

Parish: évêque auxiliaire du diocèsed’Umuahia (Nigéria), lui assignantle siège titulaire d’Igilgili.

Né le 15 décembre 1964 à Amaek-pu Ohafia, diocèse d’Umuahia (Ni-géria), il a été ordonné prêtre le 7août 1993, pour le clergé d’Umuahia.

31 mai

le père PAU L DAISUKE NARUI, S.V.D.,jusqu’à présent secrétaire pour lajustice et la paix à la curie généralicede la Société du Verbe divin (Verbi-tes) S.V.D., à Rome: évêque de Niiga-ta (Japon).

Né le 24 novembre 1973 à Iwaku-ra, diocèse de Nagoya, (Japon) il aémis ses vœux perpétuels chez lesVerbites le 9 mars 2000. Il a été or-donné prêtre le 10 mars 2001.

Le Saint-Père a uni «in personaepiscopi» le diocèse de Mont-Lau-rier (Canada) avec celui de Saint-Jé-rôme et a nommé dans le mêmetemps S.Exc. Mgr RAY M O N D POIS-SON, évêque de Saint-Jérôme, égale-ment évêque de Mont-Laurier (Ca-nada).

Né le 30 avril 1958 à Saint-Hya-cinthe, Québec, il a été ordonné prê-tre le 9 décembre 1983 pour le dio-cèse de Saint-Jean-Longueuil. Le 1er

mai 2012 il a été nommé évêque titu-laire de Gegi et auxiliaire de Saint-Jérôme et a reçu l’ordination épisco-pale le 15 juin suivant. Le 8 septem-bre 2015 il a été transféré au siège deJoliette. Le 18 mai 2018 il a été nom-mé coadjuteur de Saint-Jérôme et le21 mai 2019 il en est devenul’évêque, succédant par coadjuto-re r i e .

S.Exc. Mgr ALGIRDAS JUREVIČIUS,jusqu’à présent évêque titulaire deMateriana et auxiliaire de Kaunas(Lituanie): évêque de Telšiai (Litua-nie).

Né le 24 mars 1972 à Vievis, dio-cèse de Kaišiadoris (Lituanie), il aété ordonné prêtre le 26 décembre1996. Elu au siège titulaire de Mate-riana et nommé évêque de Kaunas le2 juillet 2018, il a reçu l’ordination le19 août de la même année. Au seinde la conférence épiscopale litua-nienne, il est responsable des ques-tions doctrinales de l’Eglise et a étéadministrateur apostolique de Kau-nas.

Démissions

Le Saint-Père a accepté la démissionde:

27 mai

S.Exc. Mgr EUGÈNE LAMBERTADRIAN RIXEN, qui avait demandé à

être relevé de la charge pastorale dudiocèse de Goiás (Brésil).

29 mai

S.Exc. Mgr CAMILO FERNAND OCASTRELLÓN PI Z A N O, S.D.B, qui avaitdemandé à être relevé de la chargepastorale du diocèse de Barrancaber-meja (Colombie).

30 mai

S.Exc. Mgr GREGORIO NICANORPEÑA RODRÍGUEZ, qui avait deman-dé à être relevé de la charge pastora-le du diocèse de Nuestra Señora dela Altagracia en Higüey (Républiquedominicaine).

1er juin

S.Exc. Mgr JOZEF MARIA PU N T, quiavait demandé à être relevé de lacharge pastorale du diocèse deHaarlem-Amsterdam (Pays-Bas).

S.Exc. Mgr JOHANNES WILLI-BRORDUS MARIA HE N D R I KS , jusqu’àprésent évêque coadjuteur du mêmediocèse, lui succède dans sa charge.

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page 12 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 9 juin 2020, numéro 23

Lettre au président colombien en la journée mondiale de l’e n v i ro n n e m e n t

On ne peut être sainssur une planète malade

«Tout est lié: le soin authentique de notre vie même et de nos relations avec la nature est inséparable de lafraternité, de la justice et de la fidélité envers les autres». En relançant les hashtags #LaudatoSi et#WorldEnvironmentDay à travers un tweet sur le compte @Pontifex, vendredi 5 juin, le Pape s’est uni auxcélébrations de la journée mondiale de l’environnement. A cette occasion, François a également envoyé auprésident de Colombie — le pays désigné cette année par l’ONU comme organisateur de la journée qui, enraison de la pandémie du covid-19 a pu se dérouler uniquement de façon virtuelle — la lettre que nouspublions ci-dessous.

que nous lance la mère terre. Je vous invitetous aussi à participer à l’année spéciale quej’ai annoncée pour réfléchir à la lumière de cedocument, et ainsi, tous ensemble, nous con-sacrer davantage à la sauvegarde et à la pro-tection de notre Maison commune, ainsi quede nos frères et sœurs plus fragiles et margi-nalisés de la société.

Je vous encourage dans ce devoir qui vousattend. Je suis certain que vos décisions etconclusions promouvront toujours l’édificationd’un monde toujours plus habitable et d’unesociété plus humaine, où nous trouvons tousnotre place et où personne ne soit aban-donné.

Et s’il vous plaît, je vous demande de prierpour moi. Que Jésus vous bénisse et que laSainte Vierge prenne soin de vous.

Du Vatican, le 5 juin 2020

FRANÇOIS

A S.E. M. Iván Duque Márquez,président

de la République de ColombieMonsieur le président,

Je suis heureux de m’adresser à vous, à tousles membres organisateurs ainsi qu’aux parti-cipants à la journée mondiale de l’e n v i ro n n e -ment, qui aurait dû être célébrée cette annéephysiquement à Bogota, mais qui, à cause dela pandémie du coronavirus, se tiendra sousforme virtuelle. Ce défi nous rappelle que faceà l’adversité, de nouveaux chemins s’o u v re n ttoujours pour rester unis en tant que grandefamille humaine.

La protection de l’environnement et le res-pect de la «biodiversité» de la planète sontdes thèmes qui nous concernent tous. Nousne pouvons prétendre être sains dans un mon-de qui est malade. Les blessures provoquées ànotre mère terre sont des blessures qui sai-gnent aussi en nous. La sauvegarde des éco-systèmes a besoin d’un regard vers l’a v e n i r,

qui ne se limite pas seulement à l’immédiat,ou qui cherche un gain rapide et facile; maisun regard qui soit préoccupé par la vie et quirecherche sa préservation au bénéfice de tous.

Notre attitude face à la situation actuelle dela planète devrait véritablement nous préoccu-per et faire de nous des témoins de la gravitéde la situation. Nous ne pouvons pas restermuets face au cri de douleur quand nousconstatons les coûts très élevés de la destruc-tion et de l’exploitation de l’écosystème. Cen’est pas le moment de continuer à regarderde l’autre côté, indifférents aux signes que no-tre planète est pillée et violée par la soif degain et très souvent au nom du progrès. Nousavons la possibilité d’inverser la marche et denous engager en vue d’un monde meilleur,plus sain, pour le laisser en héritage aux géné-rations futures. Tout dépend de nous, si nousle voulons vraiment.

Nous avons célébré récemment le cin-quième anniversaire de la Lettre encycliqueLaudato si’, qui rappelle l’attention sur le cri

Souvenir de la rencontre entre Jorge Mario Bergoglio et Kim Phúc

Pardon et réconciliation

MARCELO FIGUEROA

La sensibilité et l’attention du Pape Bergo-glio pour les terribles conséquences person-nelles et naturelles des armes de destruction

de masse, tant nucléaires que chimiques, ne sontpas récentes. Au cours du dernier voyage aposto-lique au Japon, dans son discours au Mémorialde la paix à Hiroshima (24 novembre 2019), leSaint-Père a dit: «Dans une unique supplication àDieu ainsi qu’à tous les hommes et femmes debonne volonté, au nom de toutes les victimes desbombardements et des expérimentations atomi-ques comme de tous les conflits, du fond ducœur élevons ensemble un cri: plus jamais laguerre, plus jamais le vacarme des armes, plus ja-mais tant de souffrances!».

A Buenos Aires, en 2009, au cours d’une froideet pluvieuse journée de printemps, a eu lieu unerencontre émouvante entre celui qui en était alors

le cardinal-archevêque, Jorge Mario Bergoglio etKim Phúc, la petite fille de la photo tristementcélèbre, qui courait nue dans la rue, le corps brûlépar le napalm lancé lors d’un bombardement auVietnam en 1972. La rencontre eut lieu dans le ca-dre d’un rassemblement de la CRECES (Comuniónrenovada de evangélicos y católicos en el EspírituSanto), dans le mythique stade Luna Park, enprésence de sept mille personnes. Avec d’a u t re sreprésentants œcuméniques, j’ai été témoin de cet-te rencontre et des paroles que Jorge Mario Ber-goglio prononça après avoir écouté le témoignagede conversion et de pardon de Kim Phúc:«Qu’est-ce qui a permis à Kim d’accomplir toutce chemin de purification? Cela a été de décou-vrir Jésus vivant. Purifions notre mémoire. Reve-nons à la Galilée de la première rencontre. Il estvivant et s’il est vivant, il est capable de changerla vie».

L’enfant de 9 ans sur cette photo qui a rempor-té le prix Pulitzer en avait 46 quand elle a racontéaux participants émus à cette rencontre son his-toire et son pèlerinage de douleur et de pardondu village de Trang Bàng, à une demi-heure deSaïgon, jusqu’à ce moment. Dans le silence dustade Luna Park, Kim Phúc a raconté son expé-rience quand, en 1988, elle rencontra le piloteaméricain qui avait ordonné le bombardement:«J’ai appris à pardonner à mes ennemis. Je con-naissais le pardon, mais ce jour-là, j’ai fait l’exp é-rience de la réconciliation». Dans son bref dis-cours, elle a ensuite ajouté: «Parfois, dans notrevie, il peut arriver quelque chose de terrible quipeut nous aider à être plus forts, même si cela faitbeaucoup souffrir. Le napalm provoque une dou-leur inimaginable. J’ai passé seize mois à l’hôpitalet j’ai subi dix-sept interventions. J’ai été plu-

sieurs fois sur le point de mourir. J’étais seule etisolée. Un jour, en regardant le ciel, j’ai demandé:«Dieu, es-tu vrai?». S’il te plaît, aide-moi. EtDieu a entendu ma prière. Aujourd’hui, j’ai beau-coup de cicatrices et de douleurs, mais mon cœurest serein. Ainsi, j’ai compris la valeur de la dou-leur, de ma souffrance: je pouvais aider les autres.J’ai commencé à aider les enfants victimes de laguerre dans le monde, avec sa violence et sonmanque d’amour. L’enfant que j’ai été est prête àdonner de nouvelles espérances. Ayant connu laguerre, j’ai pu comprendre la valeur de la paix.Ayant vécu la douleur, à présent, je connaisl’amour. Ayant vécu la pauvreté et le fait de nerien avoir, à présent, je comprends la valeur detout avoir. Ayant vécu dans la peur, à présent lecomprends la valeur de la foi et du pardon. Je mesuis rendue compte que je ne pouvais pas échap-per à cette photo, mais je pouvais l’utiliser pourla paix. L’enfant ne court plus, elle vole».

Onze ans se sont écoulés depuis cette rencon-tre. Je me souviens que, après le témoignage deKim devant un stade sans voix, les organisateursdemandèrent au cardinal Bergoglio de prier pourelle. Avant de le faire, en s’adressant à tous, il adit: «Voici un exemple vivant de la façon dont unchrétien sait pardonner et sait se réconcilier».