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1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’O S S E RVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt LXXI e année, numéro 18 (3.631) Cité du Vatican mardi 5 mai 2020 Le 14 mai Le 14 mai journée journée de prière de prière et de jeûne et de jeûne Regina cæli du 3 mai page 3 DANS CE NUMÉRO Page 2: Audience générale du 29 avril. Lettre au monde des journaux de rue. Page 4: Réflexion sur «Querida Amazonia», par Fernando Chica Arellano. Le premier diacre permanent autochtone ordonné au Brésil. Page 5: La contrefaçon de médicaments en Afrique, par Giulio Albanese. Page 6: Entretien avec le père Giraud sur l’après-pandé- mie, par Luca Possati. Page 7: Message du Conseil pontifical pour le dialogue interre- ligieux pour le ramadan et Id al-Fitr. Journée de prière proposée par le Haut-comité pour la fraternité humaine. Page 8: Le rêve d’Yvette, par Gianluca Palma. Page 9: In- formations. Page 10: François institue la Fondation vaticane Jean-Paul I er.

1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR E ROMANO · par les gens» (Mt 5, 13). Il existe donc un mé-pris qui est de notre faute, quand nous per-dons le goût du

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Page 1: 1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR E ROMANO · par les gens» (Mt 5, 13). Il existe donc un mé-pris qui est de notre faute, quand nous per-dons le goût du

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L’O S S E RVATOR E ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

Unicuique suum

EN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

LXXIe année, numéro 18 (3.631) Cité du Vatican mardi 5 mai 2020

Le 14 maiLe 14 maijournéejournée

de prièrede prièreet de jeûneet de jeûne

Regina cæli du 3 maipage 3

DANS CE NUMÉROPage 2: Audience générale du 29 avril. Lettre au monde des journaux de rue. Page 4:Réflexion sur «Querida Amazonia», par Fernando Chica Arellano. Le premier d i a c repermanent autochtone ordonné au Brésil. Page 5: La contrefaçon de médicaments enAfrique, par Giulio Albanese. Page 6: Entretien avec le père Giraud sur l’après-pandé-mie, par Luca Possati. Page 7: Message du Conseil pontifical pour le dialogue interre-ligieux pour le ramadan et Id al-Fitr. Journée de prière proposée par le Haut-comitépour la fraternité humaine. Page 8: Le rêve d’Yvette, par Gianluca Palma. Page 9: In-formations. Page 10: François institue la Fondation vaticane Jean-Paul Ie r.

Page 2: 1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR E ROMANO · par les gens» (Mt 5, 13). Il existe donc un mé-pris qui est de notre faute, quand nous per-dons le goût du

page 2 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 5 mai 2020, numéro 18

Audience générale du 29 avril

Que cessent les persécutionscontre les chrétiens

Chers frères et sœurs, bonjour!Avec l’audience d’a u j o u rd ’hui, nous concluonsle parcours sur les Béatitudes évangéliques.Comme nous l’avons écouté, dans la dernière,on proclame la joie eschatologique des persé-cutés pour la justice.

Cette béatitude annonce le même bonheurque la première: le royaume des Cieux appar-tient aux persécutés tout comme il appartientaux pauvres d’esprit; nous comprenons ainsiêtre arrivés au terme d’un parcours unitairequi s’est déroulé dans les annonces pré-cédentes.

La pauvreté d’esprit, les larmes, la douceur,la soif de sainteté, la miséricorde, la purifica-tion du cœur et les œuvres de paix peuventconduire à la persécution à cause du Christ,mais cette persécution à la fin est une causede joie et de grande récompense dans lescieux. Le sentier des Béatitudes est un chemi-nement pascal qui conduit d’une vie selon lemonde à celle selon Dieu, d’une existenceguidée par la chair — c’est-à-dire par l’égoïsme— à celle guidée par l’Esprit.

Le monde, avec ses idoles, ses compromiset ses priorités, ne peut approuver ce typed’existence. Les «structures du péché»1, sou-vent produites par la mentalité humaine, siéloignées de l’Esprit de vérité que le monde

ne peut recevoir (cf. Jn 14, 17), ne peuventque rejeter la pauvreté ou la douceur ou enco-re la pureté et déclarer la vie selon l’Evangilecomme une erreur ou un problème, donccomme quelque chose à marginaliser. C’est ceque pense le monde: «ceux-là sont des idéalis-tes ou des fanatiques...». C’est ce qu’ilsp ensent.

Si le monde vit en fonction de l’argent, qui-conque démontre que la vie peut se réaliserdans le don et dans le renoncement devientgênant pour le système de l’avidité. Ce terme«gênant» est un mot-clé, car le seul témoigna-ge chrétien, qui fait tant de bien à tant degens parce qu’ils le suivent, gêne ceux qui ontune mentalité mondaine. Ils le vivent commeun reproche. Quand la sainteté apparaît etque la vie des fils de Dieu émerge, dans cettebeauté il y a quelque chose de gênant qui ap-pelle à une prise de position: soit se laisser re-mettre en question et s’ouvrir au bien, soit re-fuser cette lumière et durcir le cœur, allantjusqu’à l’opposition et l’acharnement (cf. Sg2, 14-15). Cela est curieux et cela attire l’atten-tion de voir que, dans les persécutions desmartyrs, l’hostilité croît jusqu’à l’acharnement.Il suffit de voir les persécutions du siècle der-nier, des dictatures européennes: comment onarrive à l’acharnement contre les chrétiens,

contre le témoignage chrétien et contre l’hé-roïcité des chrétiens.

Mais cela montre que le drame des persécu-tions est également le lieu de la libération del’assujettissement au succès, à la vaine gloireet aux compromis du monde. De quoi se ré-jouit celui qui est rejeté par le monde à causedu Christ? Il se réjouit d’avoir trouvé quelquechose qui vaut plus que le monde entier. Eneffet, «que sert donc à l’homme de gagner lemonde entier, s’il ruine sa propre vie?» (Mc 8,36). Quel avantage y a-t-il?

Il est douloureux de rappeler que, en cemoment, il y a de nombreux chrétiens quisouffrent de persécutions dans diverses ré-gions du monde, et nous devons espérer etprier pour que leurs afflictions cessent au plustôt. Ils sont nombreux: les martyrs d’au-j o u rd ’hui sont plus nombreux que les martyrsdes premiers siècles. Nous exprimons notreproximité à nos frères et sœurs: nous sommesun unique corps, et ces chrétiens sont lesmembres sanglants du corps du Christ qui estl’Eglise.

Mais nous devons faire attention aussi à nepas lire cette béatitude dans une perspectivede victimisme, d’auto-commisération. En effet,le mépris des hommes n’est pas toujours syno-nyme de persécution: précisément peu après,Jésus dit que les chrétiens sont «le sel de lat e r re », et met en garde contre le danger de«s’affadir», autrement le sel «n’est plus bon àrien qu’à être jeté dehors et foulé aux piedspar les gens» (Mt 5, 13). Il existe donc un mé-pris qui est de notre faute, quand nous per-dons le goût du Christ et de son Evangile.

Il faut être fidèles au sentier humble desbéatitudes, parce que c’est celui qui conduit àêtre du Christ, et non du monde. Il vaut lapeine de rappeler le parcours de saint Paul:quand il pensait être un juste, il était de faitun persécuteur, mais quand il découvrit êtreun persécuteur, il devint un homme d’a m o u r,qui affrontait joyeusement les souffrances dela persécution qu’il endurait (cf. Col 1, 24).

L’exclusion et la persécution, si Dieu nousen accorde la grâce, nous configurent auChrist crucifié et, en nous associant à sa pas-sion, elles sont la manifestation de la vie nou-velle. Cette vie est la même que celle duChrist, qui pour nous, hommes, et pour notresalut, fut «méprisé et abandonné par les hom-mes» (cf. Is 53, 3; Ac 8, 30-35). Accueillir sonEsprit peut nous conduire à avoir tantd’amour dans le cœur que l’on offre sa viepour le monde sans faire de compromis avecses tromperies et en acceptant son refus. Lescompromis avec le monde sont un danger: lechrétien est toujours tenté de faire des com-promis avec le monde, avec l’esprit du monde.

Lettre au monde des journaux de rue

Une ressource pour les pauvres et les sans-abri

Nous publions ci-dessous le texte de lalettre — rendue publique le 27 avril —que le Pape a écrite le mardi 21 «aumonde des journaux de rue».

D.S.M., 21 avril 2020La vie de millions de personnes,dans notre monde déjà aux prisesavec tant de défis difficiles à affron-ter et opprimées par la pandémie, achangé et est mise à dure épreuve.Les personnes les plus fragiles, lesinvisibles, les personnes sans loge-ment risquent de payer le prix leplus fort.

Je désire alors saluer le mondedes journaux de rue et surtout leursvendeurs qui sont pour la plupart des sans-abri, des personnes gravement marginalisées, auchômage: des milliers de personnes qui, dans le monde entier, vivent et ont un travail grâce àla vente de ces journaux extraordinaires.

En Italie, je pense à la belle expérience de Scarp de’ tenis, le projet de la Caritas qui permet àplus de 130 personnes en difficulté d’avoir un revenu et, grâce à celui-ci, l’accès aux droits decitoyenneté fondamentaux. Pas seulement. Je pense à l’expérience des plus de 100 journaux derue du monde entier, qui sont publiés dans 35 pays différents et dans 25 langues différentes etqui garantissent un travail et un revenu à plus de 20.500 sans-abri dans le monde. Depuis denombreuses semaines, les journaux de rue ne sont pas vendus et leurs vendeurs ne peuvent pastravailler. Je désire alors exprimer ma proximité aux journalistes, aux bénévoles, aux personnesqui vivent grâce à ces projets et qui, en cette période, se prodiguent avec tant d’idées innovatri-ces. La pandémie a rendu votre travail difficile, mais je suis certain que le grand réseau desjournaux de rue du monde recommencera plus fort que jamais. Se tourner vers les plus pau-vres, en ces jours, peut nous aider tous à prendre conscience de ce qui nous arrive réellement etde notre véritable condition. Mon message d’encouragement et d’amitié fraternelle s’adresse àvous tous. Merci pour le travail que vous faites, pour l’information que vous donnez et pourles histoires d’espérance que vous racontez.

Les tombes des victimes de l’attentat terroriste de Pâquesen l’église Saint Sebastian’s, Negombo, Sri Lanka, 19 avril 2019

SUITE À LA PA G E 3

Page 3: 1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR E ROMANO · par les gens» (Mt 5, 13). Il existe donc un mé-pris qui est de notre faute, quand nous per-dons le goût du

numéro 18, mardi 5 mai 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 3

SUITE DE LA PA G E 2

Cela — refuser les compromis et suivre la rou-te de Jésus Christ — est la vie du Royaumedes cieux, la plus grande joie, la véritable ré-jouissance. De plus, dans les persécutions, il ya toujours la présence de Jésus qui nous ac-compagne, la présence de Jésus qui nous con-sole et la force de l’Esprit qui nous aide à al-ler de l’avant. Ne nous décourageons pasquand une vie cohérente avec l’Evangile attireles persécutions des gens: l’Esprit nous sou-tient sur cette voie.

1. Cf. Discours au participants au séminairesur les «Nouvelles formes de fraternité solidaire,d’inclusion, d’intégration et d’innovation», 5 fé-vrier 2020: «L’idolâtrie de l’argent, l’avidité,la corruption, sont autant de “structures dup éché” — comme les définissait Jean-Paul II —produites par la “mondialisation de l’indiffé-re n c e ”».

A l’issue de l’audience générale, le Pape a adresséle salut suivant aux pèlerins francophones:

Je suis heureux de saluer les personnes delangue française. En célébrant saint Josephtravailleur, le 1er mai prochain, je confie à lamiséricorde de Dieu toutes les personnes frap-pées par le chômage dû à la pandémie actuel-le. Que le Seigneur soit la Providence de tousceux qui sont dans le besoin et nous incite àleur venir en aide! Que Dieu vous bénisse!

Audience généraledu 29 avril

Regina cæli du 3 mai

Collaboration internationale pour les traitementset les vaccins contre le covid-19

Chers frères et sœurs, bonjour!Le quatrième dimanche de Pâques, que nouscélébrons aujourd’hui, est dédié à Jésus BonPasteur. L’Evangile dit: «Les brebis écoutentsa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacu-ne par son nom, et il les fait sortir» (Jn 10,3). Le Seigneur nous appelle par notre nom,il nous appelle car il nous aime. Mais, ditencore l’Evangile, il y a d’autres voix, à nepas suivre: celles des étrangers, des voleurs etdes brigands qui veulent le mal des brebis.

Ces différentes voix résonnent en nous. Ily a la voix de Dieu, qui parle doucement à laconscience, et il y a la voix tentatrice qui in-cite au mal. Comment reconnaître la voix duBon Pasteur de celle du voleur, comment dis-tinguer l’inspiration de Dieu de la suggestiondu malin? On peut apprendre à discerner cesdeux voix: elles parlent en effet deux languesdifférentes, c’est-à-dire qu’elles ont des fa-çons opposées de frapper à la porte de notrecœur. Elles parlent différentes langues. De lamême façon que nous savons distinguer unelangue d’une autre, nous pouvons aussi dis-tinguer la voix de Dieu et la voix du malin.La voix de Dieu n’oblige jamais: Dieu sep ro p o s e , il ne s’impose pas. En revanche, lamauvaise voix séduit, assaillit, contraint: ellesuscite des illusions éblouissantes, des émo-tions alléchantes, mais passagères. Au débutelle flatte, elle nous fait croire que nous som-mes tout-puissants, mais ensuite elle nouslaisse avec un vide intérieur et elle nous ac-cuse: «Tu ne vaux rien». La voix de Dieu, enrevanche, nous corrige, avec beaucoup de pa-tience, mais elle nous encourage toujours,nous console: elle alimente toujours l’esp é-

rance. La voix de Dieu est unevoix qui a un horizon, en revan-che la voix du mauvais te con-duit à un mur, elle te conduitdans un coin.

Une autre différence: la voixde l’ennemi détourne du présentet veut que nous nous concen-trions sur les craintes de l’avenirou sur les tristesses du passé —l’ennemi ne veut pas le présent—: il fait réapparaître les amertu-mes, les souvenirs des torts su-bis, de celui qui nous a fait dumal… tant de mauvais souve-nirs. Au contraire, la voix deDieu parle au présent: «Mainte-nant tu peux faire du bien,maintenant tu peux exercer lacréativité de l’amour, maintenanttu peux renoncer aux regrets etaux remords qui tiennent toncœur prisonnier». Il nous ani-me, il nous fait avancer, mais ilparle au présent: maintenant.

Et encore: les deux voix suscitent en nousdes questions différentes. Celle qui vient deDieu sera: «Qu’est-ce qui me fait du bien?».En revanche, le tentateur insistera sur une au-tre question: «Qu’est-ce que j’ai envie de fai-re?». De quoi ai-je envie: la mauvaise voixtourne toujours autour du moi, de ses pul-sions, de ses besoins, du tout et tout de suite.Elle est comme les caprices des enfants: toutet maintenant. La voix de Dieu, en revanche,ne promet jamais la joie au rabais: elle nousinvite à dépasser notre moi pour trouver levrai bien, la paix. Rappelons-nous: le mal nedonne jamais la paix, il suscite d’abord de lafrénésie et ensuite il laisse de l’amertume.C’est le style du mal.

Enfin, la voix de Dieu et celle du tentateurparlent dans des «environnements» différents:l’ennemi privilégie l’obscurité, la fausseté, lecommérage; le Seigneur aime la lumière dusoleil, la vérité, la transparence sincère. L’en-nemi nous dira: «Ferme-toi en toi-même, per-sonne ne te comprend ni ne t’écoute, ne faispas confiance!». Le bien, au contraire, invite às’ouvrir, à être limpides et confiants en Dieuet dans les autres. Chers frères et sœurs, encette période tant de pensées et de préoccupa-tions nous conduisent à nous renfermer surnous-mêmes. Faisons attention aux voix quiparviennent à notre cœur. Demandons-nousd’où elles viennent. Demandons la grâce dereconnaître et de suivre la voix du Bon Pas-teur, qui nous fait sortir de l’enclos de l’égoïs-me et qui nous conduit aux pâturages de lavraie liberté. Que la Vierge Marie, Mère duBon conseil, oriente et accompagne notre dis-cernement.

A l’issue du Regina cæli, le Pape a ajouté lesparoles suivantes:

Chers frères et sœurs, on célèbre aujourd’huila journée mondiale de prière pour les vocations.L’existence chrétienne est entièrement et tou-jours une réponse à l’appel de Dieu, danschaque état de vie. Cette journée nous rappel-le ce que dit un jour Jésus, c’est-à-dire que lechamp du Royaume de Dieu demande beau-coup de travail, et qu’il faut prier le Père pourqu’il envoie des ouvriers travailler dans sonchamp (cf. Mt 9, 37-38). Sacerdoce et vie con-sacrée exigent courage et persévérance; et sansla prière on n’avance pas sur cette route. J’in-vite chacun à invoquer du Seigneur le don de

bons ouvriers pour son Royaume, en ayant lecœur et les mains disponibles à son amour.

Encore une fois, je voudrais exprimer maproximité aux malades du covid-19, à ceuxqui se consacrent à leur soin et à tous ceuxqui, d’une manière ou d’une autre, souffrent àcause de la pandémie. Dans le même temps,je désire soutenir et encourager la collabora-tion internationale qui est à l’œuvre à traversdiverses initiatives, pour répondre de manièreadaptée et efficace à la grave crise que nousvivons. En effet, il est important de réunir lescapacités scientifiques, de manière transparen-te et désintéressée, pour trouver des vaccins etdes traitements et garantir l’accès universelaux technologies essentielles qui permettent àchaque personne contaminée, dans toutes lesparties du monde, de recevoir les soins médi-caux nécessaires.

J’adresse une pensée particulière à l’asso cia-tion «Meter», promotrice de la journée natio-nale pour les enfants victimes de la violence,de l’exploitation et de l’indifférence. J’encou-rage les responsables et les opérateurs à pour-suivre leur action de prévention et de sensibi-lisation des consciences aux côtés des diffé-rentes agences éducatives. Et je remercie lesenfants de l’association qui m’ont envoyé uncollage avec des centaines de marguerites colo-riées par eux. Merci!

Mai a commencé depuis peu, c’est le moismarial par excellence, au cours duquel les fi-dèles aiment visiter les sanctuaires consacrés àla Vierge Marie. Cette année, à cause de la si-tuation sanitaire, nous nous rendrons spiri-tuellement dans ces lieux de foi et de dévo-tion, pour déposer dans le cœur de la SainteVierge nos préoccupations, nos attentes et nosprojets pour l’a v e n i r.

Et puisque la prière est une valeur univer-selle, j’ai accueilli la proposition du haut-co-mité pour la fraternité humaine afin que, le 14mai prochain, les croyants de toutes les reli-gions s’unissent spirituellement pour une jour-née de prière, de jeûne et d’œuvres de charité,afin d’implorer Dieu d’aider l’humanité à sur-monter la pandémie du coronavirus. Rappe-lez-vous: le 14 mai, tous les croyants ensem-ble, les croyants des différentes traditions,pour prier, jeûner et faire des œuvres de chari-té.

Je souhaite à tous un bon dimanche. S’ilvous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.Bon déjeuner et au revoir.

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page 4 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 5 mai 2020, numéro 18

Réflexion sur l’exhortation apostolique «Querida Amazonia»

Ecoutons le crides peuples autochtones

FERNAND O CHICA ARELLANO*

A près de trois mois de la publication del’exhortation apostolique post-synodaleQuerida Amazonia (2 février), par la-

quelle le Pape François offrait ses réflexions etses préoccupations relatives au parcours dedialogue et de discernement représenté parl’assemblée spéciale du synode des évêques,qui s’est déroulée en octobre dernier et dontle thème était: «Amazonie: nouveaux cheminspour l’Eglise et pour une écologie intégrale»,continuent de retentir les cris des peuples au-tochtones comme leçon lumineuse qui nousenseigne à respecter l’environnement dans le-quel nous vivons.

Cet anniversaire, qui tombe précisément aumoment où le monde entier affronte la pandé-mie liée au covid-19, nous permet de nous ar-rêter sur la capacité des peuples autochtones,dont nous devrions d’une certaine façon nousinspirer, de vivre en harmonie avec eux-mê-

mes, avec la nature et avec les autres êtres hu-mains.

L’Amazonie est la plus grande forêt pluvia-le du monde, elle occupe environ huit mil-lions de kilomètres carrés et constitue l’un deslieux les plus importants de biodiversité de laplanète. Selon les données du Fonds interna-tional pour le développement agricole (FIDA),les gardiens de ces biens sont surtout les peu-ples autochtones qui occupent environ 45%du bassin amazonien, en vivant de la chasse,de la cueillette et de la pêche. On compte en-viron 420 communautés autochtones qui par-lent 86 langues et 650 dialectes.

Bien qu’ils soient les plus exposés aux ef-fets des changements climatiques par rapportà n’importe quel autre peuple du monde, ilsont développé des styles de vie durables,adaptés aux terres qu’ils habitent et, grâceleur ample connaissance traditionnelle, ilsjouent un rôle crucial dans la gestion des res-sources naturelles. En outre, les systèmes ali-

mentaires autochtones produisent une nourri-ture riche et leur approche à la production ali-mentaire durable peut devenir fondamentalepour affronter le besoin mondial de nourritu-re. Comme l’a affirmé le Pape, les peuples au-tochtones sont un cri vivant en faveur de l’es-pérance. Ils nous rappellent que nous, lesêtres humains, avons une responsabilité parta-gée dans le soin de la “maison commune”[...]. La terre souffre et les peuples originelsconnaissent le dialogue avec la terre, savent cequ’est écouter la terre, voir la terre, toucher laterre. Ils connaissent l’art de bien vivre enharmonie avec la terre» (Discours aux partici-pants à la IVe réunion du Forum des peuples au-tochtones, 14 février 2019).

Au cours des siècles, les communautés au-tochtones ont été expropriées de leurs terreset de leurs essources, devenant souvent l’objetde discriminations en raison de leur mode devie. A l’échelle mondiale, elles représentent 6pour cent de la population et 18 pour centdes populations vivant dans des conditions depauvreté. Pour protéger leurs droits, le 13 sep-tembre 2017, l’assemblée générale des Nationsunies a adopté la Déclaration des droits despeuples autochtones, qui établit un cadre uni-versel de référence pour la survie, la dignité etles droits de ces dernières dans le monde en-tier. En particulier, la Déclaration, bien quen’ayant pas valeur d’obligation, a eu le mérited’établir le droit des peuples autochtones à nepas être soumis à l’assimilation forcée ou à ladestruction de leur culture, à ne pas être ex-pulsés de leurs territoires et a recommandé, encas de violations, un dédommagement sousformes de restitutions ou de compensations dela part des gouvernements.

Le FIDA est l’organisme du pôle romain desNations unies qui vante une longue expérien-ce de travail avec les peuples originaires et quia soutenu diverses initiatives à cet égard, prin-cipalement en Asie et en Amérique latine, enpermettant aux communautés autochtones departiciper à la définition de stratégies pourleur développement et de poursuivre leurs ob-jectifs à travers le renforcement des organisa-tions et des governance lo cales.

Le magistère du Pape François a toujoursconsacré une attention particulière à l’Amazo-nie et à ses peuples. Déjà dans l’encycliqueLaudato si’, l’Evêque de Rome rappelle «cespoumons de la planète pleins de biodiversitéque sont l’Amazonie et le bassin du fleuveCongo, ou bien les grandes surfaces aquifèreset les glaciers» (n. 38). Parmi les thèmes étu-

Le premier diacre permanent autochtone ordonné dans l’Alto Solimões au Brésil

Toucher la réalité

EGIDIO PICUCCI

Le diocèse de l’Alto Solimões, qui s’étenddans la partie la plus occidentale del’Amazonie brésilienne, dans un triangle

coincé entre la Colombie et le Pérou, a enfinrécolté récemment l’un des premiers fruitsd’une évangélisation plus que centenaire. Cesdernières semaines, a été ordonné le premierdiacre autochtone permanent: il s’appelle An-telmo Pereira Angelo, et il appartient à la tri-bu Tikuna, la plus grande du Brésil. L’o rd i n a -tion a eu lieu dans l’église Saint-Françoisd’Assise, à Belem do Solimões, le village co-nsidéré comme le centre spirituel de la tribu,par l’évêque xavérien, Mgr Adolfo Zon Perei-ra.

Les frères mineurs capucins d’Ombrie tra-vaillent depuis 1909 dans cet immense diocèse(131.600 km2 avec une population de 216.000habitants, dont 38% d’autochtones). Ils tra-vaillent depuis de nombreuses années pourl’implantation de l’Eglise au sein de la tribu,qui, bien qu’elle ait accueilli certains élémentsde la culture occidentale, n’a pas renoncé auxcaractéristiques tribales, comme la langue, lesfêtes et autres particularités que les mission-naires contribuent à maintenir vivantes, ycompris à travers un festival qui a redonné del’élan et en a entrainé d’a u t re s .

Certaines de ces traditions ont été évidem-ment intégrées dans le rite de la consécrationdiaconale, comme les chants, les danses, lescolliers faits de graines, de dents d’animaux,de coquillages, d’escargots, ainsi que les bra-celets faits de fibres végétales et d’une nattepréparée par les femmes avec l’écorce du pal-mier Capinuri dont on obtient un tissu fi-breux — le tururi — qui est également utilisépour les vêtements de forme circulaire, sym-bole typique de protection contre toutes lesforces de la nature. On peut parler d’un «artamazonien» qui non seulement développe lescapacités créatives des enfants et des adultes,mais qui a fait de l’artisanat un bien de pro-duction. «Le diocèse, composé de huit parois-ses et de 250 communautés — a dit l’évêque —,est entre les mains des laïcs: les catéchistes, lesresponsables des communautés, pour lesquels

il existe une formation spécifique, organisentla catéchèse, réalisent la préparation aux sa-crements, animent la liturgie de la Parole. Etils sont proches des gens aussi dans les be-soins concrets: par exemple, ils s’imposent destaxes pour faire face aux difficultés que peu-vent connaître les membres de la communau-té. Sans les laïcs, il n’y aurait pas d’Eglise enAmazonie. Depuis que j’ai été nommé évêquede l’Alto Solimões, en 2015, je réfléchis beau-coup sur le sens de la réalité de la premièreévangélisation. Ce n’est que maintenant que jecomprends le contenu des livres que j’ai luslorsque j’étudiais la théologie. La premièreévangélisation a un point de départ fonda-mental: être présent. Il est impossible de se-mer l’Evangile sans ce premier fait: être pré-sent, toucher la réalité. Ce n’est qu’en tou-chant la réalité que nous pouvons écouterDieu nous parler. Le problème est de trouverparmi ces gens des personnes prêtes à se dé-penser pour le Seigneur». La réponse quel’évêque attend pourrait venir de quelquesjeunes filles qui se préparent à une forme devie consacrée «amazonienne». Ce serait ungrand fruit du synode sur l’Amazonie et laréalisation du désir du Pape: une Eglise au vi-sage amazonien qui requiert la présence stablede dirigeants mûrs et dont l’autorité est recon-nue, «qui connaissent les langues, les cultures,l’expérience spirituelle et la manière de vivreen communauté dans des lieux différents, touten laissant place à la multiplicité des donsque l’Esprit Saint sème en chacun».

diés au cours du dernier sy-node et dans l’exhortationapostolique Querida Amazo-nia, la question de l’e n v i ro n -nement revêt une importanceparticulière dans la lignée del’écologie intégrale dont par-le tant le Saint-Père et qu’ilconsidère comme indissolu-blement liée aux dimensionshumaines et sociales. Cetteécologie intégrale est insépa-rable de la notion de biencommun qui consiste à s’en-

SUITE À LA PA G E 5

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numéro 18, mardi 5 mai 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 5

Ecouter le cri des peuples autochtonesSUITE DE LA PA G E 4

La contrefaçon de médicaments en Afrique

L’engagement d’un continenten défense de la santé

GIULIO ALBANESE

J essica Osita est une jeune fille nigérianequi a perdu son frère à la suite de l’admi-nistration de médicaments contrefaits. Il

s’agit d’un véritable fléau national dans sonpays. Il suffit de penser que, selon les don-nées 2016 de l’Organisation mondiale de lasanté (OMS), un tiers des 126 millions de mé-dicaments contrefaits séquestrés dans les portsafricains étaient destinées au Nigéria. Bienque très jeune, Jessica, avec quatre autres jeu-nes de son âge (Promessa Nnalue, NwabuakuOssai, Adaeze Onuigbo et Vivian Okoye), amis au point une app pour smartphone, enutilisant un software open source du Massa-chusetts Institute of Technology (MIT) capabled’identifier les faux médicaments, en utilisantle code barre pour vérifier son authenticité etsa date de péremption.

Connue sous le nom de FD Detector ( Fa k eDrug Detector), l’app a eu un succès signifi-catif, au point que les jeunes filles de l’écolesecondaire «Reina Pacis» d’Onitsha, dansl’Etat nigérian d’Anambra, ont remporté en2018 la médaille d’or au World TechnovationChallenge de la Silicon Valley à San Francis-co, aux Etats-Unis. L’app, conçue par la trèsjeune équipe nigériane appelée «Save aSoul», n’est toutefois pas unique en son gen-re. Il y a en effet également, toujours enAfrique, l’m P e d i g re e , développée au Ghana parBright Simons, qui a reçu de nombreuses ré-compenses. Parmi celles-ci, le N e t e x p l o ra t e u r,Grand Prix de l’U N E S C O. Sans parler deFranck Verzefé, un Camerounais de 26 ans,qui a développé True-Spec, un instrument quiutilise l’intelligence artificielle pour permettreà des pharmacies, des hôpitaux et des labora-toires d’établir l’authenticité d’un médica-ment. Expert en nanotechnologie et bioinfor-matique, au cours de ses études universitaires,il a découvert que le bilan des victimes provo-quées par des médicaments contrefaits repré-sentait une véritable catastrophe pour

l’Afrique. Tr u e - S p e c est un dispositif portablequi, en moins de 20 secondes, est en mesurede vérifier l’authenticité d’un médicament.Cette technologie permet à l’utilisateur d’éco-nomiser de l’argent, et de créer une base dedonnées pour évaluer le véritable impact demédicaments périmés ou faux et de recueillir,classer et analyser systématiquement des don-nées précises, fiables et de qualité pourl’Afrique.

Selon l’OMS, le chiffre d’affaires des médica-ments contrefaits au niveau mondial est esti-mé aux alentours de 200 milliards de dollarspar an. Il s’agit d’un thème brûlant si l’onconsidère qu’un médicament sur dix dans lespays à bas ou moyen revenu est altéré ou fal-sifié. De ce point de vue, l’Afrique subsaha-rienne est la région géographique où ce quel’on appelle les «fake drugs» sont le plus ré-pandues: 42% des cas détectés au niveaumondial. C’est ce qu’observe l’OMS, qui a ré-cemment lancé de nouvelles alarmes sur la cir-culation de médicaments contrefaits ou qui nerespectent pas les standards qualitatifs établispar les normes internationales. Bien que sur lecontinent africain, il soit encore difficile deparvenir à une comptabilisation exacte desmédicaments contrefaits en circulation, onconsidère que le pourcentage est compris en-tre 30 et 60 pour cent du total sur le marché.L’enquête conduite récemment par la LondonSchool of Hygiene and Tropical Medicinepour l’OMS, estime que les médicaments con-trefaits contre la malaria pourraient provoquer116.000 morts supplémentaires chaque annéeen Afrique sub-saharienne, entraînant un coûtpour les patients et les systèmes médicaux na-tionaux s’élevant en moyenne à 38,5 millionsde dollars par an. En 2015, une étude publiéepar l’American Society of Tropical Medicineand Hygiene a estimé que plus de 122.000 en-fants âgés de moins de cinq ans ont perdu lavie en raison de médicaments contre la mala-ria de mauvaise qualité. Cette activité lucrati-ve implique les mafias d’Extrême et du

Moyen-Orient qui continuent de sévir avechabileté, bien qu’il y ait eu au cours des der-nières années des opérations de police, notam-ment au niveau international, avec la partici-pation d’Interpol, pour traquer les fabricantset les trafiquants de ces fake drugs.

Le problème de fond est que ces faux médi-caments sont soumis aux normes sur la con-trefaçon des produits. En d’autres termes, lesresponsables de ce business encourent lessanctions prévues pour un simple délit écono-mique, c’est-à-dire, paradoxalement, au mêmetitre que la falsification de sacs griffés. Selonl’Institut de Recherche Anti-Contrefaçon deMédicaments (IRACM), le commerce des«fausses pillules» dépasse vingt-cinq fois letrafic de drogue. En ce qui concerne le volu-me d’affaires. D’après la même source, tandisque le trafic d’héroïne rapporte en moyenne20.000 dollars pour 1.000 dollars investis, lemême investissement dans la falsification d’unmédicament «blockbuster» (c’est ainsi quesont définis les médicaments dont le chiffred’affaires s’élève, au niveau mondial, à plu-sieurs centaines de milliers de dollars par an)engendre un profit qui va de 250.000 à450.000 dollars, jusqu’à vingt fois plus que letrafic d’héroïne. A ce propos, il faut quoi qu’ilen soit signaler l’initiative entreprise par le lé-gislateur togolais qui, en 2015, a introduitdans le Code de procédure pénale, à l’é g a rddes trafiquants de médicaments contrefaits,une peine de vingt ans de réclusion et le paie-ment de 50 millions de francs C FA (76.200 eu-ro s ) . Mais il faudra attendre encore longtempsavant qu’apparaisse de façon stable une plate-forme continentale véritablement communesur ce thème. Les 17 et 18 janvier derniers, parexemple, devaient avoir lieu à Lomé, au Togo,la rencontre de sept chefs d’Etat décidés à ac-croître le niveau de lutte contre ce fléau silen-cieux à travers l’élaboration de stratégies effi-caces, en instaurant des mécanismes de colla-boration entre leurs gouvernements. En réali-té, il s’est agi d’un sommet réduit de moitié,étant donné qu’il n’y avait que trois présidentseffectivement présents dans la capitale togolai-se: l’hôte de la rencontre, Faure Gnassingbé,et ses homologues ougandais et sénégalais,respectivement Yoweri Museveni et MackySall; tandis que Niger, Congo et Ghana ontété représentés pour l’occasion par leurs res-pectifs ministres de la santé. Sur la suggestionde la Brazzaville Foundation, ont été quoiqu’il en soit signés une déclaration politiqueet un accord-cadre ayant une obligation juri-dique, première étape d’un programme plusvaste dans l’intention d’impliquer prochaine-ment également d’autres gouvernements ducontinent pour garantir l’accès à des médica-ments sûrs et efficaces. A l’avenir, beaucoupdépendra toutefois de la participation de lasociété civile dans son ensemble. Le témoi-gnage des jeunes filles nigérianes de l’équip e«Save a Soul», est symptomatique du désir derachat d’un continent qui revendique sondroit à la santé.

gager de façon concrète en réduisant les iné-galités et en promouvant le respect des droitshumains fondamentaux dans une société danslaquelle prévaut la culture du rejet, surtout àl’égard des plus pauvres et vulnérables.

Il devient donc significatif de soulignerque, si la sauvegarde des personnes et desécosystèmes sont liés, les forêts, ressourcesaussi fragiles que nécessaires, représentent unerichesse non pas à exploiter, mais avec laquel-le il faut entrer en communion de façon béné-fique. A cet égard, Benoît XVI avait déjà dé-noncé «la destruction de l’environnement del’Amazonie et les menaces contre la dignitéhumaine de ses populations» (Discours auxjeunes, São Paulo, 10 mai 2007). Les peuplesautochtones, qui ont maintenu une relationstable avec l’environnement, sont considéréscomme un obstacle à un certain type de déve-loppement économique qui ne tient pascompte des conséquences sur l’e n v i ro n n e m e n t .A ce propos, le Successeur de Pierre soulignedans l’exhortation apostolique Querida Amazo-nia: «La sagesse des peuples autochtonesd’Amazonie encourage la protection et le res-pect de la création, avec la conscience clairede ses limites, interdisant d’en abuser. Abuser

de la nature c’est abuser des ancêtres, desfrères et sœurs, de la création et du Créateur,en hypothéquant l’avenir. Les autochtones,quand ils restent sur leurs territoires, ce sontprécisément eux qui les préservent le mieux»(n. 42).

En conclusion, les peuples originaires, àl’égard desquels nous sommes d’une certainefaçon débiteurs, ont toujours démontré êtrerésilients et en mesure de s’adapter aux chan-gements, tout en maintenant leur unité etidentité. Il est donc indispensable de recon-naître les institutions autochtones non seule-ment en multipliant les paroles, mais surtout,en mobilisant des fonds pour assurer qu’ellespuissent participer de façon adéquate auxprocessus de décisions qui les touchent, tantau niveau national qu’international. Instaurerdes partenariats respectueux de la diversité etun dialogue ouvert et inclusif avec les com-munautés autochtones est indispensable afinqu’elles deviennent les protagonistes de leurpropre développement et qu’elles mettent auservice de l’humanité tout entière leurs systè-mes de connaissance.

*Observateur permanent du Saint-Siège auprèsde la FAO, du FIDA et du PA M

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Entretien avec Gäel Giraud sur les perspectives économiques et internationales

Risques et opportunitésde l’après-pandémie

LUCA PO S S AT I

Quelle économie nous attend après la pandé-mie du coronavirus? Dire que le monde ne se-ra plus le même est au fond une banalité. Levéritable problème est de comprendre quelsrisques et quelles opportunités nous attendentet si nous saurons les affronter de façon soli-daire et cohérente. Nous en avons parlé avecle père jésuite Gäel Giraud, économiste, direc-teur de recherches au CNRS (Centre nationalde la recherche scientifique) et auteur de l’ou-vrage Illusion financière, (Editions de l'Atelier,2014), abordant le thème de la transition éco-logique.

En ce moment de grave urgence sanitaire, un faitapparaît nettement: le monde occidental se trouveface à un défi immense et imprévu. Cette crise ré-vèle toutes les faiblesses du système de vie quis’est développé, en particulier après la deuxièmeguerre mondiale, aux Etats-Unis et en Europe.Le vrai problème à présent est de comprendrecomment en sortir et quel scénario nous attend.

La crise à laquelle nous sommes confrontésétait prévisible: les épisodes précédents du co-ronavirus de 2002, 2013, le H5N1, le H1N1, lesavertissements répétés de l’OMS auraient dûnous alerter. La Corée du Sud, Taïwan et leVietnam étaient préparés et ont pratiqué dèsle début un dépistage systématique, distribuédes masques... et n’ont pas eu besoin de seconfiner. L’une des raisons pour lesquellesl’Occident a été pris de court, c’est que nosautorités publiques n’écoutent plus vraimentla communauté scientifique. Ce qui est vrai,malheureusement, au sujet du dérèglementécologique, se vérifie aujourd’hui avec la pan-démie. Peut-être devrions-nous prendre aumoins autant au sérieux les préconisations del’OMS, du GIEC et de l’IPBES que celles duFMI?

Quel sera le coût social de la pandémie? Quel se-ra l’impact le plus immédiat de l’urgence surl’économie réelle (entreprises, familles, etc.) et surle marché du travail?

Une fois ratée la phase initiale de dépista-ge, le confinement était indispensable, sansquoi la plupart des pays aurait connu des cen-taines de milliers de morts. Mais il provoqueun effondrement inédit qui frappe à la foisl’offre et la demande: plus de la moitié del’industrie et des services sont à l’arrêt dans laplupart des pays européens. Et 80% du bâti-ment. Cela va provoquer des faillites en chaî-ne de la part des entreprises qui n’ont pas as-sez de trésoreries pour survivre, et une graveprécarité pour les familles modestes. Les esti-mations de pertes de PIB varient selon les paysmais il est certain que ce sera beaucoup plusgrave qu’en 2009 et probablement au moinsaussi grave qu’en 1929, sauf si nous trouvionstrès vite des antiviraux qui mettent fin rapide-ment à la crise sanitaire. L’emploi va être du-rement touché: au cours des dernières semai-nes, les Etats-Unis ont connu des dizaines demillions de chômeurs supplémentaires. L’Eu-rope devrait souffrir un peu moins grâce aufait que certains pays, comme en Espagne, ontinterdit temporairement les licenciements.Mais cela suppose que l’Etat prenne en char-ge les 3/4 des salaires à verser, comme c’est lecas en Angleterre, en Irlande, au Danemark.Après le confinement, la plus grande questionéconomique sera de permettre aux Européensde retrouver du travail. Enfin, les plus vulné-rables, les sans-abris, les réfugiés, les popula-

tions du quart-monde ris-quent d’être littéralementabandonnés. Heureuse-ment, des chrétiens semobilisent: à Rome, leCentre Astalli continuede servir à manger auxréfugiés. A Paris, ce sontdes milliers de repas quel’on sert chaque jour auxsans-abri au lycée catho-lique Stanislas. Par ail-leurs, le Portugal a régu-larisé tous ses réfugiéspour les protéger et l’Al-lemagne réfléchit à un re-venu de base universeltemp oraire.

L’idée que nous occidentauxavons du capitalisme chan-gera-t-elle après la pandé-mie? Si c’est le cas, com-ment? Sommes-nous en

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train d’assister au retour de l’Etat social? Repe-nsera-t-on la relation entre Etat et marché?

Nous découvrons combien nos chaînes devaleur internationales sont fragiles: au-j o u rd ’hui, si 30% des salariés d’une entreprisene peuvent plus travailler, c’est toute l’e n t re -prise qui est à l’arrêt. Et si cette entreprise faitpartie d’une chaîne d’approvisionnement «àflux tendus», sans stocks, ni redondance,alors, c’est toute la chaîne qui est interrom-pue. Cela pourrait provoquer des ruptures dechaînes alimentaires ou en médicaments dansles semaines qui viennent dans certaines mé-tropoles. Or il y aura d’autres épidémies: lecovid19 peut devenir une maladie saisonnièresi le virus mute pendant l’hiver austral dansles pays du Sud; le réchauffement climatiqueet la destruction de la biodiversité provoquentl’extension de nombreuses pandémies tropica-les. Nous devons tirer les leçons de cette ca-tastrophe et réduire notre dépendance auxchaînes d’approvisionnement internationales.Cela signifie relocaliser, réindustrialiser le sudde l’Europe, y compris la France. Et c’est unebonne nouvelle car cela crée des emplois.

Par ailleurs, nous comprenons que, sans unsystème hospitalier public puissant, aucuneéconomie (capitaliste ou non) ne peut résisterà un tel virus. Privatiser la santé est un non-sens face à un virus: en effet, les plus modes-tes n’auront pas les moyens de se payer uneprotection médicale et contamineront tout lemonde lors de la prochaine épidémie. A re-bours de l’obsession de privatisation du mon-de qui domine depuis 40 ans, nous décou-vrons donc combien il est important d’avoirun système sanitaire public en bon état pourtous. Ce qui exige que tout le monde paie sesimpôts, par exemple, mais aussi que l’on cessede croire que toute dépense publique est unpéché. Il faut rappeler que l’idée selon laquel-le l’austérité budgétaire permet d’assainir uneéconomie n’a aucun fondement scientifique:elle repose sur une fausse analogie entre unménage et un pays. Dans un pays, les dépen-ses des uns sont les revenus des autres; quandl’Etat se met à dépenser moins, tout le mondes’appauvrit. Et aujourd’hui, nous constatonsque cela nous coûte beaucoup de vies.

Il est évident que nos systèmes de santé n’étaientpas préparés. Comment devons-nous repenserl’idée de santé publique?

Face aux pandémies virales, afin d’éviter leconfinement, il faudra pratiquer la stratégiemise en œuvre avec succès, jusqu’à présent, enExtrême-Orient: dépister systématiquement etdès le début, mettre en quarantaine ceux quisont positifs, distribuer des masques à tous. Ilfaudra d’ailleurs dépister (des échantillonsaléatoires) pour pouvoir sortir du confinementdans quelques semaines. Sinon, ce derniern’aura servi à rien. A moyen terme, un payscomme l’Italie a pris de nouveau consciencede la fragilité de son système de santé surl’ensemble de son territoire, mais plus encoreau Sud. Ensuite, les Européens ont trop sou-vent pris l’habitude d’aller aux urgences hospi-talières dès qu’ils ont un petit bobo. Il faut re-valoriser le médecin généraliste: c’est lui quiest au centre du dispositif sanitaire et quioriente les patients en fonction de leurs patho-logies. Enfin, il faut revaloriser les professionsd’infirmier(e)s et d’aide-soignant(e)s. Pendantma formation jésuite, j’ai été aide-soignantdans un hôpital: je sais que le personnel hos-pitalier est constitué de héros et de saints quifont des miracles tous les jours, même lorsqu’iln’y a pas de pandémie. C’est la «sainteté desclasses moyennes» dont parle le Pape Fran-çois. En France, 87% des aide-soignant(e)s,90% des infirmier(e)s et 46% des médecinssont des femmes… Mais nos sociétés, surtoutles médias, ont tendance à mépriser ces mé-tiers héroïques. Tout comme les métiers deceux qui, en ce moment même, permettent ànos pays de continuer de vivre, en dépit duconfinement: les caissières, les éboueurs, lesmanœuvres et journaliers de l’agriculture, lesmanutentionnaires des eaux usées, les livreurs,etc. Sans oublier les instituteurs et les ensei-gnants qui tentent de raviver à distance cheznos enfants confinés le goût d’apprendre àconnaître le monde étrange que nous leuravons préparé.

La Chine a été l’épicentre de la pandémie. Toute-fois, le système chinois se révèle — tout au moinsen apparence — très dynamique: la plupart desentreprises ont recommencé à travailler et le tauxde mortalité est descendu à zéro. Cela signifie-t-ilquelque chose pour nous les occidentaux? Y aura-t-il un changement dans les équilibres entre lemonde occidental et la Chine après cette urgence?

La Chine va essayer de profiter de cette cri-se et de la manière catastrophique dont le

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Message pour le ramadan et Id al-Fitr (1441 H. / 2020 A.D.)

Chrétiens et musulmansprotéger ensemble les lieux de culte

Chers frères et sœurs musulmans,Le mois de ramadan est si central dans vo-

tre religion qu’il vous est particulièrementcher au niveau personnel, familial et social.C’est un moment de guérison spirituelle et decroissance, de partage avec les pauvres, de raf-fermissement des liens avec vos proches et vosamis.

Pour nous, vos amis chrétiens, c’est aussiun moment favorable pour resserrer davanta-ge nos relations avec vous, en vous apportantnos salutations et en vous rencontrant à cetteoccasion et, quand cela est possible, en parta-geant avec vous un i f t a r. Le ramadan et ‘Id al-

Fitr sont donc une occasion spéciale pour fa-voriser la fraternité entre chrétiens et musul-mans. Dans cet esprit, le Conseil pontificalpour le dialogue interreligieux vous adresse àtous ses vœux priants et ses chaleureuses féli-citations.

Dans le sillage de notre tradition, les pen-sées que nous souhaitons partager avec vouscette année concernent la protection des lieuxde culte.Comme nous le savons tous, les lieux de culterevêtent une place importante dans le christia-nisme et dans l’islam, mais aussi dans les au-tres religions. Pour les chrétiens comme pour

les musulmans, les églises et les mosquéessont des espaces réservés à la prière, que celle-ci soit personnelle ou communautaire. Ellessont construites et décorées de manière à fa-voriser le silence, la réflexion et la méditation.Elles définissent aussi un espace où chacunpeut revenir au plus profond de lui-même, fa-vorisant l’expérience de Dieu dans le silence.Ainsi, le lieu de culte de toute religion est«une maison de prière» (Isaïe 56, 7).

Les lieux de culte sont aussi des lieuxd’«hospitalité spirituelle», des lieux où descroyants d’autres religions peuvent se retrou-ver lors de cérémonies particulières, commeles mariages, les funérailles et autres activitéscommunautaires. Tout en participant à cesévénements en silence, et dans le respect desobservances religieuses des croyants de cettereligion particulière, ils goûtent égalementl’hospitalité qui leur est accordée. Ce type decoutume constitue un témoignage privilégiéde ce qui unit les croyants, sans diminuer ounier ce qui les distingue.

A cet égard, il vaut la peine de rappeler ceque le Pape François a dit lorsqu’il s’est renduen visite à la mosquée Heydar Aliyev, à Bakou(Azerbaïdjan) le dimanche 2 octobre 2016:«Nous rencontrer dans l’amitié fraternelle ence lieu de prière est un grand signe, un signequi manifeste cette harmonie que les religionspeuvent construire ensemble, à partir des rela-tions personnelles et de la bonne volonté desresp onsables».

Dans le cadre des récentes attaques perpé-trées contre des églises, des mosquées et dessynagogues par des personnes malintention-nées qui semblent percevoir les lieux de cultecomme une cible privilégiée de leur violenceaveugle et insensée, il convient de noter quele Document sur la fraternité humaine pour lapaix mondiale et la coexistence commune, signépar le Pape François et le grand imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, le 4 février 2019, àAbou Dhabi, déclare: «La protection deslieux de culte — temples, églises et mosquées— est un devoir garanti par les religions, parles valeurs humaines, par les lois et par lesconventions internationales. Toute tentative

La visite du Pape à la mosquée «Heydar Aliyev» de Bakou, en Azerbaïdjan (2 ottobre 2016)

Proposée le 14 mai par le Haut-comité pour la fraternité humaine

Une journée de prièrede jeûne et d’œuvres de miséricorde

Une journée de prière, de jeûne etd’œuvres de miséricorde, qui sera célé-brée le jeudi 14 mai par tous les hom-

mes et les femmes «croyants en Dieu, le créa-teur»: telle est la proposition lancée par leHaut-comité pour la fraternité humaine à tousles responsables religieux et aux personnesdans le monde entier pour invoquer «d’uneseule voix le Seigneur», afin qu’il protègel’humanité, l’aide à surmonter la pandémie ducovid-19, lui redonne sécurité, stabilité, santéet prospérité, en rendant les relations plus fra-ternelles.

Institué pour accomplir les objectifs du Do-cument sur la fraternité humaine pour la paixmondiale et la coexistence commune — signé parle Pape François et par le grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, à Abou Dhabi, le 4février 2019 — le comité est composé de repré-sentants des trois grandes religions monothéis-tes (chrétiens, musulmans et juifs) et a récem-ment inclus parmi ses membres également unefemme, la Bulgare Irina Bokova, ancienne di-rectrice générale de l’Organisation des Na-

tions unies pour l’éducation, la science et laculture» (UNESCO).

«Notre monde — explique un communiquédiffusé par le comité samedi 2 mai — se trou-ve, aujourd’hui, face à un grave danger quimenace la vie de millions de personnes dansle monde entier, à cause de la rapide propaga-tion du coronavirus. Tout en confirmant l’im-portance du rôle de la médecine et de la re-cherche scientifique dans la lutte contre cettepandémie, nous n’oublions pas de nous adres-ser à Dieu, le Créateur, dans cette grave cri-se». D’où l’invitation à «toutes les personnes,partout dans le monde, à s’adresser à Dieu enpriant, en observant le jeûne et en faisant desœuvres de miséricorde, chacun là où il setrouve selon sa religion, sa croyance, ou sadoctrine», en vue de mettre fin à cette pandé-mie; afin qu’Il «nous sauve de ce malheur,qu’il inspire les savants à trouver un remèdesusceptible de vaincre cette pandémie» et qu’il«libère le monde des répercussions sanitaires,économiques et humanitaires de la diffusionde cette grave contagion».

Cette année aussi, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux(CPDI) a envoyé à la communauté islamique le traditionnel message devœux (qui porte la date du 17 avril) à l’occasion du mois de ramadan —commencé le 23 avril dernier — et d’Id al-Fitr (1441 H. / 2020 A.D.), lafête qui le conclut. Diffusé le vendredi 1er mai, le texte avait été préparéavant la diffusion de la pandémie du covid-19, et réfléchit sur le thème durespect et de la protection des lieux de culte. «C’est pourquoi — a expliqué

le, importante et significative pour nos amis musulmans, bien que, commecela a été le cas avec Pâques pour nous, pour eux aussi, elle revêt cette an-née une signification particulière à cause de la pandémie». Il s’agit doncd’un ramadan vécu dans «une dimension plus intérieure, parce que l’aspectcommunautaire ne peut être célébré». Et à ce propos, il a relancé ce que «lePape François, dans cette situation difficile, nous a appelés à diffuser»,c’est-à-dire «la “contagion de l’e s p é ra n c e ”», en exhortant «les différents res-

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dans une note le cardinalcombonien Miguel AngelAyuso Guixot — je désire,en tant que président duCPDI, ajouter le vœu quechrétiens et musulmans,unis dans un esprit de fra-ternité, fassent preuve desolidarité à l’égard de l’hu-manité si durement éprou-vée, et adressent leursprières au Dieu tout-puis-sant et miséricordieux, pourqu’il étende sa protectionsur tout être humain, afinque ces moments si difficilespuissent être surmontés».Du reste, a expliqué lecardinal dans un entretienaccordé à Vatican News, ils’agit d’une fête «essentiel-

ponsables religieux à pro-mouvoir l’unité, la solida-rité et la fraternité, pourqu’à partir de ce moment,nous puissions tous nousrelever en étant meilleursque ce que nous étions au-paravant et aider nos so-ciétés à être prêtes à chan-ger tout ce qui est nécessai-re, en ne suivant pas seule-ment les lois de l’économieet du profit». Nous pu-blions ci-dessous le texte dumessage du CPDI, signépar le cardinal-président etpar le secrétaire du dicas-tère, Mgr Indunil Kodi-thuwakku JanakaratneKankanamalage.

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SUITE DE LA PA G E 7

d’attaquer les lieux de culte ou de les menacerpar des attentats, des explosions ou des dé-molitions est une déviation des enseignementsdes religions, ainsi qu’une claire violation dudroit international».

Convaincus des efforts déployés par lacommunauté internationale à différents ni-veaux pour la protection des lieux de cultedans le monde, nous espérons que notre esti-me mutuelle, notre respect et notre coopéra-tion contribueront à accroître les liens d’amitiésincère et permettront à nos communautés desauvegarder les lieux de culte pour assureraux générations à venir la liberté fondamenta-le de professer leurs propres croyances.

Avec une estime renouvelée et nos fraternel-les salutations, nous vous transmettons, aunom du Conseil pontifical pour le dialogueinterreligieux, nos vœux amicaux pour unmois de ramadan fructueux et un joyeux ‘Ida l - F i t r.

Messagepour le ramadan

Le rêve d’Yv e t t e

Entre violences et espérancesl’histoire vraie d’une femme venue du Cameroun

GIANLUCA PALMA

Sans vouloir exagérer, ni faire appel auxgrands noms de l’histoire de l’activismepour les droits civils et sociaux, si le

siècle dernier nous a offert des personnagescomme Martin Luther King et Rosa Parks, latroisième décennie du XXIe siècle pourrait enfaire tout autant. La différence est que cettehistoire ne commence pas dans l’Alabama desrévoltes afro-américaines, mais là-bas, sur lecontinent africain, au-delà des frontières de laMéditerranée, dans un petit centre rural de41.000 habitants dans le département de Le-kié, 30 kilomètres au nord de la capitaleYaoundé, au centre du Cameroun.

C’est là, dans cette partie de l’Afrique cen-trale, que le 28 janvier 1985 est née YvetteSamnick, qui a grandi dans une famille plutôtaisée, sa mère étant assistante sociale et sonpère financier. Mais malgré les privilèges éco-nomiques dont bénéficiait Yvette — t i t u l a i red’un master dans un domaine d’études affé-rentes aux sciences politiques à l’universitéYaoundé II — , sa vie a été une lutte incessan-te contre la soumission et les mauvais traite-ments, qui n’ont pas changé, et ont mêmepeut-être empirés, du Cameroun à l’Italie. Pe-tite fille, elle vivait au milieu des conflits entreson père et ses différentes femmes. Sa mèreétait maltraitée devant ses yeux et devant toutle village si elle osait s’opposer aux ordres decet homme. Mais sa fuite en Calabre n’o f f remême pas la liberté à Yvette, presque séques-trée à la maison par son ancien compagnon etcontrolée par sa belle-mère.

«La violence a toujours fait partie intégran-te de ma vie, parce que je l’ai absorbée quoti-diennement. A cause de mon père, je ne sa-vais pas ce qu’était une relation normale avecun homme», raconte Yvette dans le livre Per-ché ti amo [Pourquoi je t’aime] (Cosenza, Lui-gi Pellegrini Editore, 2019, 142pp, 15,00 eu-ros). Un regard décidé, un caractère fort, s’ex-primant couramment dans un italien recher-ché et impeccable, elle était certainement la

plus courageuse parmi sesnombreux demi-frères et de-mi-sœurs. Ou certainementcelle qui craignait le moinsl’arrogance de son père auto-ritaire, qui, en effet, commeelle le rappelle dans le livre,la craignait parce qu’il étaitimpossible de la plier et de lasoumettre comme il le faisaitavec les autres femmes de lafamille. Plus elle se rebellait,plus l’agressivité de ses frèresse déchaînait contre elle. Elleétait fouettée quand elle osaitdéfendre sa mère. Des mau-vais traitements «tellement ré-pétés que pendant plusieursjours, je ne réussissais mêmepas à m’asseoir. Aujourd’huiencore, j’en porte des signessur le corps».

Mais Yvette ne se tait paset se dote de l’arme la pluspuissante. Elle étudie, réussità s’émanciper et, après avoirobtenu un premier master,décide de partir pour l’Italie,où son cousin Bonaventure,«Boni», avait déjà obtenu unmaster. Ainsi, en octobre2014, elle arrive à Cosenza,grâce à une bourse d’étudepour la faculté de sciencespolitiques à l’université deC a l a b re .

Il semble pourtant queplus de six mille kilomètresde distance ne suffisent pas àchasser les fantômes du passé. Yvette se re-trouve prisonnière d’une relation faite de vio-lence et d’insultes. Ce sont deux longues an-nées de désespoir où, au début — comme denombreuses femmes victimes de mauvais trai-tements —, elle a du mal à se rendre comptequ’elle est la victime et non la coupable. Dansla famille de son compagnon, derrière la pré-tention de revendiquer une prétendue supério-rité des blancs sur les noirs, se cache en réalitéla crainte face à l’esprit d’entreprise d’unefemme aussi intégrée dans le milieu universi-taire, avec trois masters en poche et de nom-breuses propositions d’emplois.

En effet, Yvette était sans aucun doute «dif-férente», mais pas des blancs. A l’inverse d’ungrand nombre de ces femmes nigériannes quiarrivent en Europe et finissent, prisonnièresde la traite, par travailler dans la rue, sans deréelles alternatives. «Un jour, sur le front demer de Rossano, dans la province de Cosen-za, alors que je me promenais avec mon com-pagnon», raconte-t-elle, un homme les arrêteet s’adresse à lui avec ces mots: «Dès que tuas fini avec elle, c’est mon tour».

La jeune femme camerounaise tombe elleaussi dans cette mentalité machiste et com-mence à haïr les femmes qui travaillent dansla rue: «Je pensais que notre mauvaise réputa-tion était de leur faute», admet-elle entre leslignes du livre. En réalité, elle découvre à quelpoint, en Europe, le phénomène de la prosti-tution est enraciné. Des femmes obligées devendre leur corps pour diverses raisons: certai-nes pour payer les dettes contractées pourleur voyage, d’autres rendues esclaves parceux qui promettent des papiers d’identité etdes permis de séjour. La même menace qu’ellereçoit de son compagnon et de sa belle-mère,

qui lui cachent ses papiers quand elle menacede s’en aller. Cette maison devient une prison.Tout contact extérieur est interdit, y comprisla participation au cours de formation pourmédiateurs culturels organisé par l’U N I C E F,qu’elle fréquente quand même en cachette.C’est ainsi qu’elle rencontre l’Association Ro-berta Lanzino et un avocat.

Grâce au soutien de ces derniers, des opéra-trices du centre Lanzino contre la violence etde l’entrepreneuse Cinzia Falcone, qui lui of-fre de travailler pour son association Animed,un soupirail s’entrouvre. Après de nombreuxdoutes, elle comprend qu’en abandonnant soncompagnon elle ne risque pas de perdre sonenfant, ni son permis de séjour. Elle dénoncel’homme, commence le processus et recon-quiert son indépendance.

Yvette Samnik collabore à présent avecl’UNCHR et avec le réseau D.i.Re au projetLeaving violence, living safe pour femmes mi-grantes demandant asile et pour les réfugiéesqui ont survécu à la violence. Avec les bénéfi-ces, elle lancera la nouvelle association came-rounaise de lutte contre la violence sur lesfemmes, dont la présidente est celle qui lui aenseigné à être une femme libre, malgré 25ans de mauvais traitements subis, sa mère. Unlien qui n’a jamais été coupé avec le Came-roun, où — se plaint Yvette — «nous les fem-mes nous étudions, en effet, mais il n’y a au-cune conscience de la gravité de la soumissionque nous subissons». C’est pourquoi, reven-dique-t-elle, «je me battrai pour que là aussi ily ait le droit de descendre dans la rue pourmanifester, comme le font librement les fem-mes européennes». Comme Martin LutherKing, Yvette a elle aussi son rêve. Qui sait sielle réussira à le réaliser.

Yvette Samnick

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numéro 18, mardi 5 mai 2020 L’OSSERVATORE ROMANO page 9

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Collège épiscopal Audiencesp ontificales

Le Saint-Père a reçu en audience:

24 avril

Leurs Eminences MM. les cardi-naux:

— MARC OU E L L E T, préfet de laCongrégation pour les évêques;

— LUIS FRANCISCO LADARIAFERRER, préfet de la Congrégationpour la doctrine de la foi;

— LUIS ANTONIO G. TAGLE,préfet de la Congrégation pourl’évangélisation des peuples.

Nominations

Le Saint-Père a nommé:

21 avril

Mgr ROBERT W. MARSHALL, duclergé du diocèse de Memphis(Etats-Unis d’Amérique), jusqu’àprésent vicaire général et curé de laCathedral of the Immaculate Con-ception de Memphis (Tennessee):évêque d’Alexandria (Etats-Unisd’Amérique).

Né le 17 juin 1959 à Memphis(Tennessee, Etats-Unis d’Amérique),il a été ordonné prêtre pour le cler-gé de Memphis le 10 juin 2000.

22 avril

S.Exc. Mgr FRANCISCO ANTONIOCEBALLOS ESCOBAR, C.S S.R., jusqu’àprésent évêque titulaire de Zarna etvicaire apostolique de Puerto Carre-ño (Colombie): évêque de Riohacha(Colombie).

Né le 4 mars 1958 à Génova, dio-cèse d’Armenia et département deQuindío (Colombie), il a été ordon-né prêtre le 29 juin 1985. Le 3 sep-tembre 2008, il a été nommé pro-vi-caire du vicariat apostolique dePuerto Carreño et le 10 juin 2010 vi-caire apostolique, recevant l’o rd i n a -tion épiscopale le 30 juillet suivant.

25 avril

S.Exc. Mgr LUIS JOSÉ RUEDA APA -R I C I O, jusqu’à présent archevêquemétropolitain de Popayán (Colom-

bie): archevêque métropolitain deBogotá (Colombie).

Né à San Gil, Santander, diocèsede Socorro y San Gil (Colombie), le3 mars 1962, il a été ordonné prêtrepour le clergé de son diocèse natalle 23 novembre 1989. Le 2 février2012, il a été nommé évêque deMontelíbano et a reçu l’o rd i n a t i o népiscopale le 14 avril suivant. Le 19mai 2018, il a été promu archevêquemétropolitain de Popayán.

S.Exc. Mgr LAMBERT BAINOMUGIS-HA, jusqu’à présent évêque titulairede Tacia montana et auxiliaire deMbarara (Ouganda): archevêquemétropolitain de Mbarara (Ougan-da).

Né le 12 juillet 1961 à Kashumba,alors diocèse de Mbarara (Ougan-da), il a été ordonné prêtre le 13 juil-

let 1991. Le 2 juillet 2005, il a éténommé évêque auxiliaire de l’a rc h i -diocèse de Mbarara et élu au siègetitulaire de Tacia montana. Il a reçul’ordination épiscopale le 1er o ctobresuivant. Le 13 novembre 2009 il aété nommé administrateur aposto-lique «sede plena et ad nutumSanctae Sedis» du diocèse de Hoi-ma, devenu sede vacante le 8 février2014, et a occupé cette charge jus-qu’au 29 février 2016. Au sein de laconférence épiscopale ougandaise, ilpréside la commission pour les affai-res juridiques et il est membre d’au-tres commissions.

Démissions

Le Saint-Père a accepté la démissionde:

22 avril

S.Exc. Mgr HÉCTOR SALAH ZU L E TA ,qui avait demandé à être relevé de lacharge pastorale du diocèse de Rio-hacha (Colombie).

25 avril

S.Em. le cardinal RUBÉN SALAZARGÓMEZ, qui avait demandé à être re-levé de la charge pastorale de l’ar-chidiocèse métropolitain de Bogotá(Colombie).

S.Exc. Mgr PAU L K. BA KY E N G A , quiavait demandé à être relevé de lacharge pastorale l’archidiocèse mé-tropolitain de Mbarara (Ouganda).

Curie romaine

Nominations

Le Saint-Père a nommé:

25 avril

MM. SJUR BERGAN, «Head of theDepartment of Higher Educationand History Teaching» auprès duConseil de l’Europe (Norvège-France); et GERALD M. CAT TA R O,professeur et «Executive Director»du «Center for Catholic SchoolLeadership Administration andPolicy» à la Fordham Universityde New York (Etats-Unis d’Amé-rique): consulteurs de la Congré-gation pour l’éducation catho-lique.

Représentationp ontificale

Nomination

Le Saint-Père a nommé:

25 avril

S.Exc. Mgr MICHAEL FRANCISCR O T T Y, archevêque titulaireélu de Lindisfarna, nonceapostolique au Burkina Faso:nonce apostolique au Niger.

Entretien avec Gaël Giraud

gouvernement Trump a géré la pandémie sur leterritoire américain, pour conquérir un leadershipmondial comme les Etats-Unis de Rooseveltl’avaient fait en 1945. Mais il faut le rappeler: c’estla Chine qui est à l’origine du problème et ellen’a pas fermé ses marchés d’animaux sauvages àWuhan et à Pékin en dépit des demandes répé-tées de l’OMS depuis plusieurs années; l’adminis-tration chinoise n’a pas transmis de manière trans-parente les informations dont disposaient certainsmédecins de Wuhan, ce qui a fait perdre untemps précieux à la communauté internationale;le nombre de victimes à Wuhan est sans doutedix fois supérieur aux chiffres officiels; au-j o u rd ’hui, l’économie chinoise tourne à 40%; l’Ita-lie a dû acheter à la Chine le matériel médicalqu’elle a mis à sa disposition. Ce n’était pas undon.

L’Union européenne se révèle toujours plus fragile.Nous assistons à une confrontation entre les pays dunord qui s’opposent aux «coronabonds» et ceux lesplus touchés par la pandémie qui les demandent.

Comment l’Europe sortira-t-elle de cette urgence? As-sistons-nous à la fin de l’Union européenne?

Des hôpitaux en Saxe accueillent des maladesitaliens et français. Sur le terrain, il y a une énor-me solidarité entre Européens qui contraste avecla mentalité de comptables qui prévaut dans cer-taines classes dirigeantes et certaines administra-tions des Pays-Bas, d’Allemagne et à Bruxelles. Ilfaut émettre 1.000 milliards de c o ro n a b o n d s p ourfinancer la reconstruction écologique de l’Europ e,c’est une solution de bon sens. La France plaidedéjà, et elle a raison, pour l’annulation partielledes dettes publiques des pays d’Afrique très dure-ment touchés eux aussi par la pandémie. Mais ilva falloir aborder la question de l’annulation desdettes en Europe. Nous avions déjà des dettesprivées colossales avant la pandémie, maintenantles dettes publiques, elles aussi, vont s’e n v o l e r.Va-t-on essayer de les résorber avec des plansd’austérité ? Ils ont échoué pour la Grèce. Nousn’allons pas refaire les mêmes erreurs qu’il y a dixans et qui ont appauvri nos services publics no-tamment sanitaires. Reste alors deux solutions: le-ver encore des impôts ou bien... annuler ces det-tes. La Banque centrale européenne peut annuler

le remboursement des titres de dettes publiquesdes pays de la zone euro qu’elle détient dans sonbilan. Cela fait 2.000 milliards d’euros. Il n’y apas d’obstacle technique à cet allègement de det-te: seulement des tabous idéologiques.

La pandémie peut-elle marquer la fin de l’Union eu-ro p é e n n e ?

La désunion de l’Europe est le symptôme d’unedésunion générale entre Nations. Or, pour vain-cre le virus SARS-CoV-2 ainsi que toutes les autrespandémies qui risquent d’arriver, il faut impérati-vement nous coordonner à l’échelle internationa-le: le monde a vaincu la variole dans les années1970 quand tous les pays, sans exception, ont vac-ciné leur population. Si un seul avait failli, nousaurions encore des millions de morts chaque an-née à cause de la variole. Il en va de même pourle coronavirus et toutes les pandémies. Le défilancé à l’humanité aujourd’hui est de rompre avecune globalisation marchande dont nous mesuronsa u j o u rd ’hui la vulnérabilité, tout en apprenant àcoopérer à l’échelle planétaire pour les biens com-muns mondiaux, dont fait partie la santé.

SUITE DE LA PA G E 6

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page 10 L’OSSERVATORE ROMANO mardi 5 mai 2020, numéro 18

Approfondir la figure, la pensée et les enseignements du Pape de Vénétie

François institue la Fondation vaticane Jean-Paul Ier

Le Pape François, dans un Rescriptum ex audientiaSs.mi en date du 17 février 2020, a érigé la «Fonda-tion vaticane Jean-Paul Ier», conformément à la nor-me du Code de droit canonique et de la Loi fonda-mentale de l’Etat de la Cité du Vatican, répondantainsi à la proposition de créer un organisme destinéà approfondir la figure, la pensée et les enseigne-ments de son vénérable prédécesseur, le Pape Jean-Paul Ier — Albino Luciani (26 août 1978 - 28 septem-bre 1978) — et à promouvoir l’étude et la diffusionde ses écrits (cf. Statuts, art. 1).

Plus particulièrement, la Fondation se proposede:

— protéger et de préserver l’héritage culturel et re-ligieux légué par le Pape Jean-Paul Ier;

— promouvoir des initiatives telles que conféren-ces, rencontres, séminaires, sessions d’étude;

— instituer des prix et des bourses d’étude;— s’occuper de l’activité éditoriale à travers la pu-

blication tant des résultats de ses propres études etrecherches que des travaux de tiers;

— se proposer comme point de référence, en Italieet à l’étranger, pour ceux qui travaillent dans le mê-me domaine et avec les mêmes objectifs (Statuts,art. 2).

Dans le même temps, le Pape a nommé présidentde la fondation S.Em. le cardinal Pietro Parolin, se-crétaire d’Etat. Conformément à ce qui est établidans l’article 4, paragraphe 1 des Statuts, le prési-dent a nommé les membres du Conseil d’adminis-tration pour une durée de cinq ans en la personnede: Mme Stefania Falasca, qui assume également lerôle de vice-présidente de la Fondation; Son Emi-nence le cardinal Beniamino Stella; Mgr AndreaCelli; le père Davide Fiocco; Mme Lina Petri etM. Alfonso Cauteruccio.

En vue de l’accomplissement de ses activités, laFondation bénéficie d’un comité scientifique, com-posé de six membres, choisis parmi des personnali-tés aux compétences et aux expériences reconnues,mais pouvant être temporairement élargi en vued’initiatives, projets, études, recherches ou consulta-tions particuliers.

L’actualité du Pape Albino Luciani

PIETRO PAROLIN

En réponse à la proposition de créer un or-ganisme destiné à approfondir la figure, lapensée et les enseignements de Jean-Paul Ier

(26 août 1978 - 28 septembre 1978), le Saint-PèreFrançois a constitué le 17 février dernier la Fonda-tion vaticane Jean-Paul Ie r.

Le Pape Jean-Paul Ier a été et reste un point deréférence dans l’histoire de l’Eglise universelle,dont l’importance — comme l’avait observé Jean-Paul II — est inversement proportionnelle à la du-rée de son très court pontificat: «magis ostentusquam datus».

L’histoire d’Albino Luciani est celle d’un pas-teur proche du peuple, centré sur l’essentiel de lafoi et doté d’une extraordinaire sensibilité sociale.Son magistère est actuel. La proximité, l’humilité,la simplicité, l’insistance sur la miséricorde deDieu, l’amour du prochain et la solidarité en sontles traits saillants.

C’est un évêque qui a vécu l’expérience duConcile œcuménique Vatican II, il l’a appliquéeet, dans son bref pontificat, il a fait avancerl’Eglise le long des grandes voies indiquées parcelui-ci: la remontée aux sources de l’Evangile etun esprit missionnaire renouvelé, la collégialitéépiscopale, le service dans la pauvreté ecclésiale,la recherche de l’unité des chrétiens, le dialogueinterreligieux, le dialogue avec le monde contem-porain et le dialogue international, mené avecpersévérance et détermination, en faveur de la jus-tice et de la paix.

Je pense, par exemple, à ses audiences généra-les et à son insistance sur la pauvreté ecclésiale,sur la fraternité universelle et sur l’amour concretpour les pauvres: il voulait inclure parmi les pré-ceptes traditionnels de l’Eglise un commandementsur les œuvres de solidarité et il l’avait proposéaux évêques italiens.

Je pense à son appel à l’Angelus du 10 septem-bre 1978 en faveur de la paix au Proche-Orient,avec l’invitation à la prière adressée aux prési-dents des différentes confessions. Un appel qu’ilavait déjà exprimé dans son discours au corps di-plomatique prononcé le 31 août, dans lequel, s’af-franchissant des présomptions de protagonismegéopolitique, il définissait la nature et la particu-larité de l’action diplomatique du Saint-Siègedans une perspective de foi. Recevant ensuite lesplus de cent représentants des délégations inter-nationales présents à l’inauguration de son ponti-ficat, il avait souligné combien «notre cœur estouvert à tous les peuples, à toutes les cultures et àtoutes les races», en affirmant ensuite: «Nousn’avons certainement pas de solutions miraculeu-ses aux grands problèmes mondiaux, nous pou-vons néanmoins donner quelque chose de trèsprécieux: un esprit qui aide à résoudre ces pro-blèmes et les place dans la dimension essentielle,celle de l’ouverture aux valeurs de la charité uni-verselle... afin que l’Eglise, humble messager del’Evangile à tous les peuples de la terre, puissecontribuer à créer un climat de justice, de frater-nité, de solidarité et d’espérance sans lequel lemonde ne peut pas vivre». Ainsi, dans le sillagede la Constitution conciliaire Gaudium et spes,

comme dans de nombreux messages de saintPaul VI, il s’est placé dans la lignée de la grandediplomatie qui a donné de nombreux fruits àl’Eglise en se nourrissant de la charité.

Avec sa mort soudaine, cette histoire de l’Egliseau service du monde n’a pas été interrompue. Laperspective marquée par son bref pontificat n’apas été une parenthèse. Même si le gouvernementde l’Eglise de Jean-Paul Ier n’a pas pu se déployerdans l’histoire, il a néanmoins contribué — explevittempora multa — à renforcer le dessein d’une Egli-se proche de la douleur du peuple et de sa soif decharité.

A travers la cause de canonisation de Jean-Paul Ier l’acquisition des sources s’est aujourd’huiréalisée, entamant un travail de recherche et d’éla-boration importantes d’un point de vue historiqueet historiographique. Il est donc désormais possi-ble de rendre à nouveau mémoire comme il sedoit du Pape Luciani, afin que sa valeur histo-rique soit pleinement restituée dans les contingen-ces historiques traversées avec la rigueur analy-tique qui lui est due et d’ouvrir de nouvelles per-spectives d’étude sur son œu v re .

A cet égard, la création d’une nouvelle Fonda-tion ad hoc peut remplir comme il se doit la tâchenon seulement de préserver l’ensemble du patri-moine des écrits et de l’œuvre de Jean-Paul Ie r,mais aussi d’encourager l’étude systématique et ladiffusion de sa pensée et de sa spiritualité. D’au-tant plus motivées par la considération del’extraordinaire actualité de sa figure et de sonmessage.

Rescriptum ex audientia Sanctissimi

Le Saint-Père, au cours de l’audience accordée au soussigné cardinal-secrétaired’Etat le 10 février 2020, a institué la Fondation vaticane Jean-Paul Ie r, avec unepersonnalité juridique canonique et civile et un siège situé auprès de la sec r é t a i re r i ed’Etat.

L’objectif de la Fondation est la valorisation et la diffusion de la connaissance dela pensée, des œuvres et de l’exemple du Pape Jean-Paul Ie r.

La Fondation sera régie par les lois canoniques, par les lois en vigueur dans laCité du Vatican et par les Statuts annexes, approuvés par le Souverain Pontife etdevant être considérés comme parties intégrantes du présent acte.

Le Saint-Père François a également nommé, conformément et en application del’article 7 des Statuts, le président de la Fondation en la personne du soussigné se-crétaire d’Etat.

Du Vatican, le 17 février 2020

PIETRO cardinal PAROLINsecrétaire d’Etat de Sa Sainteté