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Actualités pharmaceutiques n° 543 février 2015 12 Mots clés - anesthésique gazeux ; codéine sirop ; oxygène ; plaie ; protoxyde d’azote ; suture Keywords - codeine syrup; inhalational anaesthesia; nitrous oxide; oxygen; suture; wound ordonnance commentaire © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.11.019 La prise en charge d’une blessure avec suture chez l’enfant Un enfant porteur d’une plaie au niveau de l’arcade sourcilière a été conduit aux urgences où il a inhalé un mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote afin que sa lésion puisse être suturée. À l’officine, des explications concernant le traitement prescrit et la cicatrisation de la plaie sont données aux parents. Managing of a wound with suture at the child. A child with a wound on the superciliary arch was taken to A&E where he was given an equimolar mixture of oxygen and nitrous oxide in order for his wound to be stitched. The pharmacist may be required to give advice regarding the prescribed treatment and wound healing. L es plaies bénignes sont fré- quentes et sont souvent la conséquence d’accidents domestiques. Même dénuées de gravité, elles doivent la plupart du temps être suturées. Profil du patient Paul F. est un enfant âgé de 8 ans qui se présente à l’officine avec ses parents pendant la garde. Il est 23 h 30 et le petit garçon sort des urgences pédiatriques où il a dû se faire recoudre l’arcade sourcilière après être tombé, en chahutant avec sa sœur, sur le coin de la table du salon. Il a pleuré et beau- coup saigné. Ses parents l’ont conduit aux urgences mais, heu- reusement, la plaie était sans gra- vité. Les infirmières lui ont fait respirer un gaz le temps que le médecin effectue la suture. Ses parents racontent que Paul n’arrêtait pas de rire… Ils présen- tent l’ordonnance délivrée à l’hô- pital (figure 1). Recevabilité de l’ordonnance L’ordonnance émane d’un médecin spécialiste. Elle est datée, signée et sécurisée, elle est donc recevable. Explications La mère de l’enfant s’interrogeant sur le gaz qui a été utilisé lors de l’anesthésie, il est important d’expli- quer ce qu’est le méopa. F Le méopa est un mélange équimolaire d’oxygène et de pro- toxyde d’azote qui a obtenu l’auto- risation de mise sur le marché (AMM) en 2001 et dont l’adminis- tration peut être réalisée par un médecin ou une infirmière. Il permet une analgésie de surface et une anxiolyse, parfois associée à une euphorie après trois minutes d’inha- lation. Une sédation consciente est obtenue, c’est-à-dire un état de © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS © 2014 Published by Elsevier Masson SAS Françoise COUIC-MARINIER a, * Docteur en pharmacie François PILLON b Pharmacologue *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Couic-Marinier). a 5 rue Aristide-Maillol, 87350 Panazol, France b 17 bd de Brosses, 21000 Dijon, France Figure 1. Prescription dans le cadre de la prise en charge d’une plaie suturée. © Elsevier Masson

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Actualités pharmaceutiques

• n° 543 • février 2015 •12

Mots clés - anesthésique gazeux ; codéine sirop ; oxygène ; plaie ; protoxyde d’azote ; suture

Keywords - codeine syrup; inhalational anaesthesia; nitrous oxide; oxygen; suture; wound

ordonnancecommentaire

© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.11.019

La prise en charge d’une blessure avec suture chez l’enfantUn enfant porteur d’une plaie au niveau de l’arcade sourcilière a été conduit aux urgences

où il a inhalé un mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote afin que sa lésion

puisse être suturée. À l’officine, des explications concernant le traitement prescrit et la

cicatrisation de la plaie sont données aux parents.

Managing of a wound with suture at the child. A child with a wound on the superciliary arch was taken to A&E where he was given an equimolar mixture of oxygen and nitrous oxide in order for his wound to be stitched. The pharmacist may be required to give advice regarding the prescribed treatment and wound healing.

L es plaies bénignes sont fré-quentes et sont souvent la conséquence d’accidents

domestiques. Même dénuées de gravité, elles doivent la plupart du temps être suturées.

Profi l du patientPaul F. est un enfant âgé de 8 ans

qui se présente à l’officine avec ses parents pendant la garde. Il est 23 h 30 et le petit garçon sort des urgences pédiatriques où il a dû se faire recoudre l’arcade sourcilière après être tombé, en chahutant avec sa sœur, sur le coin de la table du salon. Il a pleuré et beau-coup saigné. Ses parents l’ont

conduit aux urgences mais, heu-reusement, la plaie était sans gra-vité. Les infirmières lui ont fait respirer un gaz le temps que le médecin ef fectue la suture. Ses parents racontent que Paul n’arrêtait pas de rire… Ils présen-tent l’ordonnance délivrée à l’hô-pital (figure 1).

Recevabilité de l’ordonnance L’ordonnance émane d’un médecin spécialiste. Elle est datée, signée et sécurisée, elle est donc recevable.

Explications La mère de l’enfant s’interrogeant sur le gaz qui a été utilisé lors de l’anesthésie, il est important d’expli-quer ce qu’est le méopa.

F Le méopa est un mélange

équimolaire d’oxygène et de pro-

toxyde d’azote qui a obtenu l’auto-risation de mise sur le marché (AMM) en 2001 et dont l’admini s-tration peut être réalisée par un médecin ou une infirmière. Il permet une analgésie de surface et une anxiolyse, parfois associée à une euphorie après trois minutes d’inha-lation. Une sédation consciente est obtenue, c’est-à-dire un état de

© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS

© 2014 Published by Elsevier Masson SAS

Françoise COUIC-MARINIERa,*

Docteur en pharmacie

François PILLONb

Pharmacologue

*Auteur correspondant.Adresse e-mail :

[email protected] (F. Couic-Marinier).

a5 rue Aristide-Maillol, 87350 Panazol, France

b17 bd de Brosses, 21000 Dijon, France

Figure 1. Prescription dans le cadre de la prise en charge d’une plaie suturée.

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conscience modifié couplé à un maintien de la vigilance et des réflexes laryngés.

F Les indications du méopa sont les gestes superficiels provoquant des douleurs modérées : ponctions veineuses, lombaires, myélo-gramme, petite chirurgie cutanée, pansements, sondage vésical…

F Les contre-indications sont

rares : hypertension intracrânienne, altération de l’état de conscience non évaluée, pneumothorax, bulles d’emphysème, distension gazeuse abdominale et fracture des os de la face.

F Les effets indésirables sont

peu courants et réversibles en quelques minutes : nausées et vomissements, malaise, dysphonie, euphorie, excitation et agitation, sédation plus profonde mais avec conservation des réflexes laryngés.

F Le méopa est utilisé chez l’enfant

de plus de 4 ans car la méthode nécessite une coopération active du patient. Le taux de succès chez l’en-fant de moins de 3 ans est plus faible car les concentrations alvéolaires minimales efficaces sont supé-rieures à celles des enfants plus âgés.

F L’administration du méopa

nécessite une prescription médi-

cale nominative écrite dans le dos-sier du patient.

F Après l’évaluation du compor-

tement du patient et de sa coopé-

ration, ou suite à une tentative de soin n’ayant pas aboutie, la technique peut être proposée à l’enfant et à ses parents. Les effets du méopa et la réalisation du geste doivent être expliqués. Cette explication se vou-dra rassurante et mettra en exergue les actions analgésiques que l’ad-ministration du gaz procure à l’en-fant, mais elle portera aussi sur les effets indésirables et les limites de la technique. L’obtention du consentement des parents est obli-gatoire.

F Le système dispense un mélange

équimolaire oxygène-protoxyde

d’azote dont le pourcentage est de 50/50, ce qui prévient toute erreur de manipulation et d’hypoxie acciden-telle. Le protoxyde d’azote est un gaz incolore, insipide, non irritant et de saveur douceâtre très discrètement sucrée. Il présente un avantage : une pharmacocinétique particuliè-rement rapide. Très peu soluble dans le sang et les tissus, il est très vite capté et franchit rapidement la barrière alvéolocapillaire pour diffu-ser dans l’ensemble des secteurs de l’organisme. Il ne se combine avec aucun tissu organique. Il est transporté dans le plasma unique-ment sous forme dissoute. Sa faible liposolubilité explique sa puissance anesthésique réduite. En raison d’une pénétration rapide dans le cerveau, le début de l’action sur-vient après quelques inspirations. L’effet analgésique est d’intensité variable selon l’état psychique des patients. Le protoxyde d’azote agirait au niveau des récepteurs morphi-niques, soit directement, soit en libérant des médiateurs opiacés, et stimule la sécrétion des endo-morphines. Son effet dure tant que l’inhalation se poursuit. Le pic de l’action analgésique est obtenu après trois à cinq minutes d’inha-lation. Non métabolisé ou trans-formé par l’organisme, il est éliminé inchangé, avec une ces sation rapide des effets en l’espace de deux à trois minutes y compris après une administration prolongée.

Analyse du traitement  F Codenfan® : la codéine est un

alcaloïde naturel, dérivé de la mor-phine, elle-même extraite à partir du “pavot à opium”, Papaver somni-ferum, classé comme antalgique opioïde de niveau II par l’Organisa-tion mondiale de la santé (OMS). L’analgésie est due à la transforma-tion de la codéine en morphine. Les effets sont les suivants : antalgie par action spinale et supra-spinale,

contraction des muscles lisses, stimulation du centre des vomisse-ments et sédation.

F Biseptine® : la chlorhexidine est un antibactérien cationique dérivé des biguanides, solubilisé dans l ’alcool éthylique ; elle est ici associée à du chlorure de benzal-konium.

Eff ets indésirables  F Codenfan® : vertiges, somno-

lence, nausées, vomissements, troubles digestifs, constipation, réactions allergiques cutanées ou respiratoires.

F Biseptine® : réactions aller-giques, irritation, ulcération de la peau (si le produit est laissé sous un pansement occlusif).

Suivi du traitement  Un examen visuel de la plaie lors du changement de pansement est indispensable plusieurs fois pas jour. Si les parents observent la moindre trace de pus ou de suinte-ment, ils doivent en aviser immédia-tement le médecin traitant.Les traitements doivent être menés à leur terme.

Chronobiologie du traitement (sauf indication médicale contraire)

F Codenfan® : forme réservée à l’enfant de plus d’un an. La poso-logie usuelle est de 0,5 à 0,75 mg/kg/prise, soit, pour un enfant de 25 kg, de 12,5 à 17,5 mg/prise, toutes les six à huit heures. En cas de douleurs résistantes, les prises peuvent n’être espacées que de quatre heures, sans dépasser six prises par jour et un maximum de 6 mg/kg/jour, soit 150 mg/jour.

F Biseptine® : l’application doit être effectuée une à deux fois par jour sans diluer le produit. Il n’est pas nécessaire de rincer. Tout flacon entamé doit être utilisé rapi-dement. En effet, dès son ouverture, un flacon d’antiseptique peut être

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Déclaration d’intérêts 

Les auteurs déclarent ne pas

avoir de confl its d’intérêts en

relation avec cet article.

ordonnancecommentaire

contaminé par des germes. La  présentation en spray réduit ce risque. Il convient de ne jamais utili-ser successivement plusieurs anti-septiques sans opérer un rinçage abondant car ils peuvent être incompatibles. Les antiseptiques ne stérilisent pas, ils permettent juste de réduire, pour un temps, le nombre de micro-orga-nismes.

Signes d’alerte Il est nécessaire de solliciter un avis médical en cas :• d’infection (si la plaie devient

purulente) ;• d’hématome ;• de nécrose des tissus ;• de désunion cutanée ;• de survenue d’une cicatrice

pathologique.

Ce qu’il ne faut surtout pas oublier de préciserSi une douleur, une sensation de chaleur et une rougeur persistent au niveau de la plaie au-delà de deux ou trois jours malgré une désin-fection bien conduite, il convient de consulter immédiatement.Biseptine® est incompatible avec les

savons : il est primordial de rincer abondamment ces derniers avant d’utiliser l’antiseptique.

Conseils associés concernant la codéine  Si l’enfant présente une toux pro-ductive, la codéine peut empêcher l’expectoration.La posologie prescrite doit être bien respectée, tout surdosage pouvant provoquer des effets très graves. Une uti l isation prolongée de codéine peut entraîner une dépen-dance, voire un syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement. Cet antidouleur peut être associé à d’autres antalgiques de niveau infé-rieur comme le paracétamol. Pour éviter les problèmes de consti-pation liés à ce traitement, diffé-rentes règles hygiéno-diététiques peuvent être envisagées : manger à heures régulières, respecter un apport suffisant de fibres (pain complet, riz ou pâtes complets, haricots secs, lentilles, soja, petits pois, artichauts, amandes, pru-neaux, figues…), maintenir une acti-vité physique régulière et, l’une des mesures les plus importantes, boire suffisamment d’eau pendant et entre les repas (au minimum 1,5 litre par jour).

Après l’ablation des fi lsAprès l’ablation des fils, les parents de Paul reviennent à l’officine avec une nouvelle ordonnance (figure 2). Pour que la cicatrice ne soit pas trop apparente, quelques conseils peu-vent leur être donnés.

F Le processus de réparation

des lésions tissulaires comprend

deux étapes :

• une phase de cicatrisation pro-fonde pendant laquelle les tissus dermiques se régénèrent, en for-mant des bourgeons charnus (riches proliférations en vaisseaux et en cellules) ; ce processus s’apparente à une inflammation et doit être régulé par des interven-tions médicales s’il est trop

intense ;• une phase superficielle au cours

de laquelle l’épiderme se referme à partir des bords de la plaie.

Bien cicatriser demande du temps. Si la “blessure” a été profonde, cette fermeture aboutit à la répara-tion de l’épiderme. Cette cicatrice s’améliorera et se remodèlera, mais il ne sera possible de juger de son état que plusieurs mois après sa formation.

F Dans certains cas, rares, de

vrais problèmes de cicatrisation

interviennent :

• certains troubles du métabolisme du collagène peuvent entraîner une réparation anormale, lente, ou des cicatrices atrophiques en “papier à cigarette” ;

• des troubles de l’état général, comme la malnutrition, freinent le processus ;

• la station alitée prolongée est susceptible de générer des plaies chroniques ou des escarres ;

• une mauvaise circulation peut entraîner des ulcères de jambe et des plaies qui cicatrisent difficile-ment ;

• enfin, certaines personnes ont tendance à présenter des cica-trices en relief, qui ressemblent à des bourrelets lisses, qui ne s’améliorent pas spontanément. Ces cicatrices sont dites “ché-loïdes” et seraient dues à une “cicatrisation excessive”.

Il convient de conseiller de masser quotidiennement la cicatrice, de surveiller l’apparition d’une rétrac-tion ou d’une anomalie (cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes). De même, il est important d’empê-cher l’enfant d’exposer la cicatrice au soleil et, donc, de la protéger avec un écran total pendant un an afin d’assurer une bonne cicatrisation. w

Figure 2. Prescription suite à l’ablation des fi ls.

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