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10 VOIX D’AFRIQUE - « C’est votre charisme de nous aider à vivre ensemble. » Le matin, à l’eucharistie célé- brée en la paroisse de Notre-Dame Limite qui fêtait le même jour le 50 ème anniversaire de sa fondation, Mgr Pontier, évêque de Marseille, devant une assemblée multiraciale et polyglotte, formula cette demande aux Missionnaires d’Afrique chargés de la paroisse depuis 25 ans: « Qu’il y ait encore des Pères Blancs ! C’est votre charisme de nous aider à vivre ensemble ». « L’injustice ne m’inspire que de l’horreur » L’après-midi, nous nous som- mes retrouvés une centaine de per- sonnes à N.-D. de la Garde afin de rendre grâce à Dieu pour tout ce que nous avons reçu depuis 150 ans. Guy Vuillemin, M. Afr., avait sélectionné des paroles du cardi- nal Lavigerie qui nourrissent nos convictions missionnaires. Ainsi, de son entrevue avec l’émir Abd el Kader, Mgr Lavigerie se rappelle ce qu’il a ressenti face à ce musul- man sincère : « Je n’oublierai jamais l’entrevue que j’ai eue avec l’émir». À propos de popula- tions vivant d’autres rites Mgr Lavigerie a une conviction : « J’ai cherché à leur témoigner que je les aimais véritablement, sans dis- tinction de rite ni de nationalité ». Devant les atrocités de l’esclava- ge, il réagit: « Je suis un homme, l’injustice envers d’autres hom- mes ne m’inspire que de l’hor- reur ». Sr Françoise Dartigues (SMNDA) évoque alors la grande figure de Mère Marie-Salomé entrée profondément dans les vues du cardinal Lavigerie mais qui, poussée par l’Esprit, ose lui résis- ter avec insistance, persuadée que À Marseille, le 28 avril 2019, la célébra- tion des 150 ans de nos deux Instituts (Pères Blancs – Sœurs Blanches) fondés par le Cardinal Lavigerie a mis en valeur notre esprit de famille. En frères et sœurs unis de cœur et de pensée, nous avons rendu grâce pour l’héritage transmis par le Cardinal Lavigerie et Mère Marie Salomé. Jubilé à Marseille 150 ans de départs pour l’Afrique depuis Marseille Recueillement près de Ste Véronique : c’est de là que sont partis en bateau bien des missionnaires vers l’Afrique.

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10 VOIX D’AFRIQUE -

« C’est votre charisme

de nous aider

à vivre ensemble. »

Le matin, à l’eucharistie célé-brée en la paroisse de Notre-DameLimite qui fêtait le même jour le50ème anniversaire de sa fondation,Mgr Pontier, évêque de Marseille,devant une assemblée multiracialeet polyglotte, formula cettedemande aux Missionnairesd’Afrique chargés de la paroissedepuis 25 ans: « Qu’il y ait encore

des Pères Blancs ! C’est votrecharisme de nous aider à vivreensemble ».

« L’injustice ne m’inspire

que de l’horreur »

L’après-midi, nous nous som-mes retrouvés une centaine de per-sonnes à N.-D. de la Garde afin derendre grâce à Dieu pour tout ceque nous avons reçu depuis 150ans. Guy Vuillemin, M. Afr., avait

sélectionné des paroles du cardi-nal Lavigerie qui nourrissent nosconvictions missionnaires. Ainsi,de son entrevue avec l’émir Abd elKader, Mgr Lavigerie se rappellece qu’il a ressenti face à ce musul-man sincère : « Je n’oublieraijamais l’entrevue que j’ai eueavec l’émir». À propos de popula-tions vivant d’autres rites MgrLavigerie a une conviction : « J’aicherché à leur témoigner que jeles aimais véritablement, sans dis-tinction de rite ni de nationalité ».Devant les atrocités de l’esclava-ge, il réagit: « Je suis un homme,l’injustice envers d’autres hom-mes ne m’inspire que de l’hor-reur ».

Sr Françoise Dartigues

(SMNDA) évoque alors la grandefigure de Mère Marie-Saloméentrée profondément dans les vuesdu cardinal Lavigerie mais qui,poussée par l’Esprit, ose lui résis-ter avec insistance, persuadée que

À Marseille, le 28 avril 2019, la célébra-tion des 150 ans de nos deux Instituts (PèresBlancs – Sœurs Blanches) fondés par leCardinal Lavigerie a mis en valeur notre espritde famille. En frères et sœurs unis de cœuret de pensée, nous avons rendu grâce pourl’héritage transmis par le Cardinal Lavigerie etMère Marie Salomé.

Jubilé à Marseille

150 ans de départs

pour l’Afrique depuis Marseille

Recueillement près de Ste Véronique : c’est de là que sont partis en bateau bien des missionnaires vers l’Afrique.

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VOIX D’AFRIQUE - n° 123 juin 201911

Mgr Lavigerie désire que l’Évangi-le doit continuer sa course enAfrique subsaharienne. Le désir dela rencontre de l’autre transmis parLavigerie selon les témoignages quiont suivi, a porté des fruits.

« Il m’avait ouvert une porte,

celle du questionnement. »

Tout d’abord, celui de Bachir, nonvoyant, ancien élève de RaphaëlDeillon, à Ghardaïa. « C’est un privi-lège de pouvoir parler. Je suis icipour dire ma reconnaissance.L’Algérie, entre 1992 et 1999, traver-sait une période très difficile. Le pre-mier contact avec les Pères Blancs sesitue quand j’ai voulu intégrer le

On a marché en procession

vers la staue de Ste Véronique

sur la socle de laquelle on lit :

« Aux missionnaires partis de cehaut lieu pour annoncer laBonne Nouvelle de Jésus-Christà nos frères les hommes dumonde entier »

Près de cette plaque le provin-

cial des M. Afr. nous fit écou-

ter le vent. Il soufflait fort le

jour-là ! Il dit :« Comme lemistral, signe de l’Esprit,envoyait les missionnaires deFrance en Afrique, l’harmat-tan, signe de l’Esprit, envoieaujourd’hui les missionnairesd’Afrique en Europe ».

Mgr Aveline nous a exortés

:

« Poursuivez votre zèlemissionnaire, humblementmais résolument... Vous nousdonnez de comprendre com-bien la Mission c’est aimer,servir, demander l’hospitali-té… Vous nous donnez ce soirde vivre la catholicité de l’É-glise comme un signe... Larobe du Christ sans couturen’est pas encore assez bario-

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lycée de Ghardaïa. Le professeurd’anglais de l’époque, Raphaël, unPère Blanc, a pris mon poinçonalors que je n’en avais qu’un et j’ailu ce qu’il venait de m’écrire : « Jesuis ton nouveau professeur d’an-glais. J’ai appris un peu le braille.N’hésite pas à me dire si je fais desfautes ». Il m’avait ouvert une porte,celle du questionnement. Les gensme disaient : « Est-ce qu’on aessayé de te parler religion ? -Jamais! » Au contact des PèresBlancs j’ai su que la foi en Dieu eten l’homme ne se résume pas à desrites ; elle est dans chaque pas quenous faisons, dans chaque actionque nous accomplissons. Elle finitpar faire partie de nous-mêmes.

« Vous vous êtes battues

pour libérer les femmes. »

Le témoignage de Sr Béatrice

Dala des Sœurs de l’Annonciationde Bobo-Dioulasso va alors débu-ter par un refrain repris avec joiepar les « dioulaphones » présentsdans l’assemblée « Ne be Ala walinyuma lon a yé ko ba kè né yé »…

« Notre Congrégation a été fon-dée en 1948 par un évêque Mis-sionnaire d’Afrique, Mgr AndréDupont, originaire de Lille. Trèsvite, il a confié sa jeuneCongrégation aux S.M.N.D.A. quil’ont accompagnée jusqu’à sonautonomie en 1968. Notre petittémoignage se veut une action degrâce au Seigneur pour la vie des« Sœurs Blanches » comme nousaimons les appeler. Merci auSeigneur pour leur mission dansnos pays d’Afrique. Elles ont quit-té leur pays, leur famille au risquesouvent de leur vie pour venir cheznous où la plupart de nos villesn’avaient ni électricité, ni télépho-ne, ni routes bitumées, ni voitures.Nous avons vu en elles des fem-mes consacrées qui se sont don-nées pour le service des Africains.

Leur principale préoccupation étaitl’évangélisation et le développe-ment de la personne, surtout lapromotion féminine. Elles étaient

vraiment toutes à tous, attentives àl’écoute des gens surtout des pluspauvres. Elles sillonnaient nosroutes, allant de village en village,mangeant simplement ce qu’onleur servait. Elles ont su s’intégrer,se mélanger aux gens sans distinc-tion de religion, pour annoncer lemessage évangélique dans lerespect de l’autre et de sa culture.Elles parlaient couramment noslangues maternelles … Très vite,elles ont ouvert des centres ména-gers pour apprendre aux femmes etaux jeunes filles la couture et lacuisine. Elles ont ouvert desCentres de préparation au mariagepour les fiancés. Elles se sont fai-tes infirmières, enseignantes, caté-chistes infatigables sur les routes,de jour comme de nuit. Sans parlerdu grand combat qu’elles ont livrépour libérer la femme burkinabè

aux prises avec les coutumes demariage. Oui, vous vous êtes bat-tues pour libérer les femmes et leurpermettre de faire leur choix d’épouses libres. « Ani tyé, Barkawusgo » (Merci !)

« Vous êtes et resterez

nos mamans, une part

de nous-mêmes. »

Les Sœurs Blanches ont été àl’origine de nos Congrégations.Elles nous ont aidées dans la for-mation de nos premières Sœurs.C’était un service gratuit.Humblement, sans chercher àrecruter pour leur propreCongrégation, elles ont accepté denous accompagner pour que desSœurs autochtones puissent prend-re la relève. C’est ainsi que, grâceau dévouement des SœursBlanches, trois congrégations bur-kinabè ont pu bénéficier d’unesolide formation. Nous, Sœurs del’Annonciation de Bobo-Dioulasso, nous vous restons trèsreconnaissantes. Vous nous avezaidées et vous continuez à soutenirnotre Congrégation. Vous êtes etresterez nos mamans, une part denous-mêmes. »

« Tout à tous,

une richesse »

Le témoignage de Chantal

Mullard de la « FamilleLavigerie » nous fait ensuite ren-dre grâce pour la grande richessequ’est le « Tout à Tous » transmispar Mgr Lavigerie. « Le groupe delaïcs de la « Famille Lavigerie »existe depuis environ 25 ans. Ilétait, au début, essentiellementcomposé de parents et amis desSœurs Blanches. Depuis 2005, il apris son visage actuel. Au fil desannées nous nous sommes impré-gnés de la vie du CardinalLavigerie et de Mère Marie-Salomé. Nous nous efforçons de

12 VOIX D’AFRIQUE -

Mgr Aveline et le P. Raphaël

Deillon en prière près de la statue

de Ste Véronique.

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vivre en appliquant la spiritualitéignacienne dans notre vie, notretravail, nos activités associatives.Nous sommes tous impliqués dansla vie paroissiale. À Marseille,nous avons fait une exposition surle 125ème anniversaire de l’aboli-tion de l’esclavage et la lutte anti-esclavagiste menée par le CardinalLavigerie. Nous l’avons présentéedans les aumôneries de collègespour sensibiliser les jeunes à l’es-clavage hier comme d’aujourd’-hui. Beaucoup y ont été très sensi-bles. En ce 150ème anniversaire,nous disons un grand Merci auxSœurs Blanches et aux PèresBlancs pour ce qu’ils nous permet-tent de vivre encore aujourd’hui. »

Geneviève, Petite Sœur deJésus, fit remarquer dans sontémoignage que leur fondatriceavait été formée par les SœursBlanches, et Colette Hamza,Xavière, rappela l’importance du« donner et recevoir », bien souli-gné dans cette pensée de leur fon-datrice « Tout accueillir pour toutépanouir ».

« La robe sans couture

du Christ n’est pas

encore assez bariolée. »

Mgr Aveline, évêque auxiliairede Marseille, nous a donné le der-nier témoignage : « L’Église de cediocèse est fortement marquée parles missionnaires à qui elle doit unegrande reconnaissance pour lesecours qu’elle lui apporte devantle danger de trop se regarder elle-même. Poursuivez votre zèle mis-sionnaire, humblement mais résolu-ment. Avec vous, nous apprenons ceque signifie la Mission de l’Égliseet nous recevons une intelligenceplus large de l’Evangile. Vous nousdonnez de comprendre combien laMission c’est aimer, servir, deman-der l’hospitalité… Vous nous don-nez ce soir de vivre la catholicité de

l’Église comme un signe plutôt quede chercher à faire nombre. La robedu Christ sans couture n’est pasencore assez bariolée… »

« L’harmattan, signe de

l’Esprit, envoie aujourd’hui

les Missionnaires d’Afrique

en Europe. »

Enfin nous avons marché enprocession vers la statue de SteVéronique sur le socle de laquelleon lit « Aux missionnaires partisde ce haut lieu pour annoncer laBonne Nouvelle de Jésus-Christ ànos frères les hommes du mondeentier ». Près de cette plaque,

Gérard Chabanon, Provincialdes M.Afr pour l’Europe, nous afait écouter le vent : il soufflait fortce jour-là ! « Comme le mistral,signe de l’Esprit, envoyait les mis-sionnaires de France en Afrique,l’harmattan, signe de l’Esprit,envoie aujourd’hui les missionnai-res d’Afrique en Europe ».

Marie José Blain, responsabledes SMNDA pour la France rappe-la à son tour ce que le cardinalLavigerie et Mère Marie-Salométenaient pour primordial dans lamission : « Rien ne se fait sans laprière. »

La célébration à Marseille des150 ans de nos deux congrégationsrestera en nos cœurs comme ungrand moment d’action de grâceainsi que les chants de louangerepris par la centaine de fidèlesvenus manifester qu’ils étaient euxaussi missionnaires.

Aux pieds de Notre-Dame de LaGarde qui a accompagné de sonregard tant de missionnaires ayant« passé la mer » pour apporter laBonne Nouvelle, les SMNDA etles M. Afr. ont pu alors entonnerensemble le traditionnel « SanctaMaria », leur hymne qui les unit :Marie a toujours veillé sur eux.

Srs. Françoise Dartigues,

Sr. Nicole Robion,

et P. Raphaël Deillon

13n° 123 juin 2019

Des participants venus écouter les nombreux témoignages

sur l’action des SMNDA et des Missonaires d’Afrique

N. D. de la Garde