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MARDI 17 MAI 2016 20H MAISON DE LA RADIO - STUDIO 104

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MARDI 17 MAI 2016 20H

MAISON DE LA RADIO - STUDIO 104

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MAÎTRISE DE RADIO FRANCESOFI JEANNIN DIRECTRICE MUSICALE

CORINE DUROUS PIANOSOFI JEANNIN et MARIE-NOËLLE MAERTEN* DIRECTION

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PROGRAMME

César Franck Les danses de Lormont La chanson du Vannier Premier sourire de mai (9 minutes environ)

Gabriel Fauré Le ruisseau, opus 22 (4 minutes environ)

Cécile Chaminade Les pêcheurs Les feux de la Saint-Jean (8 minutes environ)

Entracte (5 minutes environ)

Isabelle Aboulker* Boule de suif (45 minutes environ)

› Ce concert sera diffusé ultérieurement sur France Musique.

› Retrouvez la page facebook de la Maîtrise de Radio France et consultez le site sur

maisondelaradio.fr.

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« Il faut convenir aussi que le Lido de Venise ne peut pas soutenir lacomparaison avec l’admirable colline couverte de grands arbres et de bellesfabriques qui vient finir à la Garonne par des falaises déchirées au-dessus duvillage de Lormont ». Stendhal en 1838 ne connaissait pas le monumentalPont d’Aquitaine qui relie depuis 1967 Lormont et Bordeaux, mais la ville natalede Richard II d’Angleterre avait su le séduire, comme elle séduira MarcelineDesbordes-Valmore, voisine à Lormont du peintre Goya. « Aux coteaux deLormont j’avais légué ma cendre ; Lormont n’a pas voulu d’un fardeau siléger ; son ombre est dédaigneuse, au malheur étranger ; dans la barque in-certaine il faut donc redescendre » écrivait dans ses Élégies la poétesse douai-sienne. Admirée en dépit de son instruction limitée par Balzac, Vigny (« le plusgrand esprit féminin de notre temps »), Lamartine, Hugo, Baudelaire (« elletrace des merveilles ; jamais un poète ne fut plus naturel »), Verlaine (« fluideet audacieuse ») ou plus tard Aragon, Marceline Desbordes-Valmore est unefigure prémonitoire du romantisme, ayant inauguré les vers de onze syllabes(les endécasyllabes) et le répertoire des romances sans paroles. Cantatrice,comédienne, poétesse et femme de lettres, dont les écoliers ont longtempsappris Les Roses de Saadi, et dont le poème Les séparés avait été popula-risé en 1997 par Julien Clerc (« N’écris pas »), elle donna à César Franck en1883, un quart de siècle après sa mort, l’occasion d’un chant aux harmoniesvoluptueuses : Les Danses de Lormont, extraites des Six duos à voix égalespouvant être chantés en chœur avec accompagnement de piano.

Comme tous les enfants de Douai, Marceline Desbordes-Valmorepourrait recevoir le surnom «chti» de « Vint’d’osier », en référence aux géantsdouaisiens de procession Gayant dont le « ventre » est fait de ce bois de saule,mais c’est dans Le Chemin des Bois d’André Theuriet (1867) que Franck apuisé La Chanson du Vannier et son hommage à l’osier. Dernier de ces Sixduos à voix égales de 1883, elle répond aux mélodies qu’Edouard Lalo, Rey-naldo Hahn ou Jules Massenet avait également composées sur les vers bu-coliques de Theuriet, maire de Bourg-La-Reine dont la statue trône encoreaujourd’hui au cœur de la ville.

Cinq années plus tard, en 1888, César Franck surnommé par sesélèves et disciples le « Pater Seraphicus », empruntait à Victor van Wilder sonPremier sourire de mai. Né comme Franck dans le « plat pays », Wilder étaitun musicographe (ainsi appelait-on les musicologues) spécialiste de Mozartet de Beethoven, dont les traductions françaises des œuvres de Richard Wagneravaient grandement contribué à leur diffusion dans les salons de Liège ou deParis.

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Contrairement à Duparc, Chausson, d’Indy, Pierné, Tournemire ouVierne, Gabriel Fauré ne faisait pas partie de ce qu’on appelait « la bande àFranck », surnom des héritiers musicaux du « Pater Seraphicus ». Élève deCamille Saint-Saëns et de Gustave Lefèvre, Fauré s’est imposé comme l’undes plus grands maîtres du chant français. En témoigne notamment Le Ruisseaupour deux voix, délicieuse ondulation sonore de 1881 qui suit les méandresde ce poème anonyme. Cette année-là, tout semblait sourire au trentenaireFauré qui fonda en compagnie de Franck, Saint-Saëns, Massenet, Duparc, etde quelques autres la Société Nationale de Musique. Il devint en même tempsorganiste de l’église Saint-Sulpice à Paris, et son maître Saint-Saëns s’ap-prêtait à le présenter à la fille de la cantatrice Pauline Viardot, Marianne, dontil tombera éperdument amoureux. En composant Le Ruisseau, il ignorait quela rupture prochaine de leurs fiançailles, et le spleen profond qui s’en suivra,feraient de lui « le flot éploré qui tristement suit son cours » en voyant s’éloi-gner « la fleur solitaire ».

Héritière elle aussi de Camille Saint-Saëns, mais aussi d’EmmanuelChabrier, de Benjamin Godard et de l’ami de la famille Georges Bizet qui l’ap-pelait « mon petit Mozart », Cécile Chaminade s’imposa autant comme com-positrice que comme pianiste, laissant à sa mort un catalogue de plus de centsoixante œuvres. « Elle me rappelle Chopin » aurait dit Franz Liszt de cettepionnière à qui son premier professeur avait déclaré : « Dans la bourgeoisie,les filles sont destinées à être épouses et mères ». Cela ne l’empêchera pasde triompher en 1888 avec la création à Marseille de son ballet Callirhoë, età Anvers la même année avec sa symphonie lyrique Les Amazones. LaGrande Guerre aura malheureusement raison de son succès européen, et CécileChaminade délaissera les récitals de piano pour écrire parcimonieusement,s’éteignant dans l’oubli à Monte-Carlo en 1944 à l’âge de 86 ans. Troisièmede ses Poèmes évangéliques de 1903, Les Pêcheurs viennent d’un recueild’Édouard Guinand dont Debussy (dans L’Enfant prodigue), mais aussi Godardet sa consœur Mel Bonis se sont inspirés. Quant à Armand Silvestre, dontChaminade empruntait en 1895 Les Feux de la Saint-Jean, son nom est as-socié à de nombreux mélodistes dont la liste (Massenet, Fauré, Bizet, Lalo,Delibes, Viardot, Duparc, Chausson, Caplet, Hahn, Schmitt, Castillon, Lili Boulanger,Jongen, Leoncavallo, César Cui…) est son plus grand titre de gloire. Il futaussi un ami proche de Guy de Maupassant, qui lui avait dédié sa nouvelle LaToux...

En novembre 2013, la chorale normande Sac d’Ado avait créé l’ora-torio Une fille qu’on appelle Boule de suif d’Isabelle Aboulker, d’après la célèbrenouvelle de 1879 de Guy de Maupassant, saluée par Flaubert comme « unchef d’œuvre ». La partition, dédiée à Franck Penitzka, fondateur en 2002 de

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cet ensemble vocal, fit ensuite le tour de la France, avant d’être reprise en2016 par la Maîtrise de Radio France. Maupassant dresse dans Boule de Suifun contraste édifiant entre la généreuse prostituée donnant son pain puis soncorps afin de sauver d’égoïstes bourgeois pleins de préjugés. Cette nouvelleavait déjà inspiré de nombreux artistes, en particulier au cinéma avec desadaptations directes du Russe Mikhaïl Romm en 1934 ou du Français Chris-tian-Jacque en 1945 avec Micheline Presle dans le rôle-titre, mais aussi indi-rectes avec Stagecoach (La Chevauchée Fantastique) de John Ford,Mademoiselle Fifi de Robert Wise, Oyuki la Vierge de Kenji Mizoguchi ouShangaï Express de Josef van Sternberg (même s’il s’en est toujours défendu)avec Marlene Dietrich.

Pour Isabelle Aboulker : « Le choix d’un livret d’opéra est toujoursdélicat, surtout si l’ouvrage est destiné à de jeunes adultes ou à des adoles-cents (interprètes et public). La nouvelle de Guy de Maupassant Boule de suif,parue en 1880, contient les éléments essentiels à la conduite de mon travail, à saréalisation et à sa finalité : 1870, la France est vaincue et occupée. Les Prus-siens entrent dans Rouen. Les analogies avec l’histoire contemporaine sontnombreuses, offrant aux chefs de chœur et aux enseignants de multiplessources de réflexion et d’analyse : Aux notables prêts à plier devant la forceet à collaborer avec l’occupant s’oppose une jeune femme, une prostituéecourageuse, généreuse et patriote. C’est uniquement à partir du texte origi-nal qu’a été conçu le livret, certaines coupures ayant cependant été néces-saires pour garder à l’ouvrage le rythme et la dynamique qu’imposait la miseen musique de la nouvelle de Maupassant».

Fançois-Xavier Szymczak

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LIVRETSCésar Franck Les danses de Lormont Poursuivant les nouéesDe nos chansonsDe main en main nouéesDansons ! dansons !

Nous sommes de Lormont les blanches demoisellesLa brise nous soulève et nous porte en avantOn dirait qu’à nos pieds la danse met des aillesPour nous jeter au vent, pour nous jeter au vent.

Poursuivant les nouéesDe nos chansonsDe main en main nouéesDansons ! dansons !

Avec sa grande voix, la mer nous accompagne,La mer qui bat la grêve et qui rompt les roseauxEn nous voyant d’en bas planer sur la montagne,Nous prend pour des oiseaux.

Regardez, regardez la montagne enflammée,C’est Lormont qui s’allume au coucher du soleil,Regardez, sur son front tourner la ronde aiméeComme un cercle vermeil, comme un cercle vermeil.

Poursuivant les nouéesDe nos chansonsDe main en main nouéesDansons ! dansons !

La chanson du Vannier Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.

Brins d'osier, vous serez le lit frêle où la mère Berce un petit enfant aux sons d'un vieux couplet :L'enfant, la lèvre encor toute blanche de lait, S'endort en souriant dans sa couche légère.

Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.

Vous serez le panier plein de fraises vermeilles Que les filles s'en vont cueillir dans les taillis. Elles rentrent le soir, rieuses, au logis, Et l'odeur des fruits mûrs s'exhale des corbeilles.

Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.

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Vous serez le grand van où la fermière alerte Fait bondir le froment qu'ont battu les fléaux, Tandis qu'à ses côtés des bandes de moineaux Se disputent les grains dont la terre est couverte.

Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.

Lorsque s'empourpreront les vignes à l'automne, Lorsque les vendangeurs descendront des coteaux, Brins d'osier, vous lierez les cercles des tonneaux Où le vin doux rougit les douves et bouillonne.

Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.

Brins d'osier, vous serez la cage où l'oiseau chante, Et la nasse perfide au milieu des roseaux, Où la truite qui monte et file entre deux eaux, S'enfonce, et tout à coup se débat frémissante.

Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.

Et vous serez aussi, brins d'osier, l'humble claie Où, quand le vieux vannier tombe et meurt, on l'étend Tout prêt pour le cercueil. - Son convoi se répand, Le soir, dans les sentiers où verdit l'oseraie.

Brins d'osier, brins d'osier, Courbez-vous assouplis sous les doigts du vannier.

Premier sourire de Mai Au premier sourireDu soleil de Mai, L’air que l’on respireS’est comme embaumé ;

Et frileux encoreD’un hiver si dur, Le printemps arboreSon drapeau d’azur

Le grillon s’éveilleDans les blés fluetsOù la brune abeilleCherche les bleuets.

Et sous les pétalesDes pavots ouverts, Déjà les cigalesDonnent leurs concerts.

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Essayant leurs ailes,Les insectes d’or, Vers les fleurs nouvellesPrennent leur essor

Et tout fier d’écloreLes papillons blancsNés depuis l’auroreVont roder aux champs

Sur la terre et l’onde, Aux baisers du jour, Court de par le mondeUn frisson d’amour.

Gabriel FauréLe ruisseau op.22Au bord du clair ruisseaucroît la fleur solitaire, Dont la corolle brilleau milieu des roseaux ; Pensive, elle s’inclineet son ombre légère Se berce mollementsur la moire des eaux.

Ô fleur, ô doux parfum,lui dit le flot qui passe, À mes tendres accentsta tristesse répond ! À mon suave élanvient marier ta grâce. Laisse-moi t’entraînervers l’océan profond !

Mais il l’entoure en vainde sa douce caresse, Cette flottante imageaux incertains contours, Se dérobe au baiserhumide qui l’oppresse, Et le flot éplorétristement suit son cours !

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Cécile Chaminade Les Pêcheurs Sur la barque fragileQue le pilote agileDirige loin du portChaque pêcheur Balance ses filets en silenceTandis que le Christ dort. Mais bientôt la tempête mugitEt sur leur tête, Éclate en grondements ;Et la barque éperdueSemble à jamais perdueAu sein des éléments.Au cœur des hommes passe Un effroi qui les glace, Sinistre avant-coureurEt leur voix en détresseVers le Christ qu’elle presseJette un cri de terreurAlors Jésus se dresse, Regarde avec tendresse ; Ses disciples aimés, Sur la barque qui pencheIl étend sa main blanche, Sur la barque il étend sa main blancheEt les flots sont calmés !

Les feux de la Saint-JeanCoupant l’horizon d’un sillage, Aussi loin qu’atteignent nos yeux, Là-bas, de village en village, S’allument des bûchers joyeux. De la nuit déchirant les voilesEt du sein de l’ombre émergeantOn dirait que qu’il pleut des étoiles, Ce sont les feux de la Saint-Jean.C’est la fête des cœurs dans le printemps qui passe, Courons aux feux de la Saint-Jean.

Ne laissez pas le vent en disperser la cendre Ni les troupeaux en fouler les débris. Gardez cette poussière et ces rameaux flétrisComme on garde un souvenir tendre.Dans cette belle nuit, Dans cet air embaumé, Autour de ces feux clairs bien des cœurs ont aiméNe laissez pas le vent en disperser la cendre !Là-bas sont les feux de la Saint-JeanCourons aux feux de la Saint-Jean !

Coupant l’horizon d’un sillageAussi loin qu’atteignent nos yeuxLà-bas, de village en village S’allument des bûchers joyeux. De la nuit déchirant les voilesEt du sein de l’ombre émergeantOn dirait que qu’il pleut des étoiles, Ce sont les feux de la Saint-Jean.C’est la fête des cœurs dans le printemps qui passe, Courons aux feux de la Saint-Jean

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Isabelle Aboulker Boule de suif

Boule de suif, petite, ronde de partout, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareilsà des chap’lets de courtes saucisses. Boule de suif, petite, ronde de partout, avec la peau lui-sante et tendue, Une poitrine énorm’ qui saillait sous sa robe. Boule de suif, petite, ronde de partout…

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Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d’armées en déroute avaient traversé la ville. Leshommes avaient la barbe longue et sale, en guenilles, et ils avançaient d’une allure molle, sansdrapeau, sana régiment. Leurs chefs, guerrier de circonstance, nommés officiers pour leurs écuset la longueur de leurs moustaches, parlaient d’une voix retentissante discutaient plans de cam-pagne, et prétendaient soutenir seuls la France agonisante sur leurs épaules de fanfarons. LesPrussiens allaient entrer dans Rouen, disait-on.

Parlé sur la musique Les derniers soldats venaient enfin de traverser la Seine pour gagner Pont-Audemer par Saint-Sever et Bourg-Achard…et, marchant après tous, le général, désespéré, nepouvant rien tenter avec ces loques disparates, s’en allait à pied, entre deux officiers d’ordon-nance.

La vie semblait arrêtée les boutiques étaient closes, la rue muette. Quelque fois, un habitant, in-timidé par ce silence, filait rapidement le long des murs. L’angoisse de l’attente faisait désirer lavenue de l’ennemi.

Dans l’après-midi du jour qui suivit le départ des troupes françaises quelques ulhans, sortis onne sait d’où traversèrent la ville avec célérité. Puis, un peu plus tard, une masse noire descenditde la côte Sainte-Catherine, tandis que deux autres flots envahisseurs apparaissaient par lesroutes de Darnetal et de Boisguillaume. Et par toutes les rues voisines, l’armée allemande arri-vait déroulant ses bataillons qui faisaient sonner les pavés sous leur pas dur et rythmé. À chaqueporte des petits détachements frappaient, puis disparaissaient dans les maisons. C’était l’occu-pation après l’invasion. Le devoir commençait pour les vaincus de se montrer gracieux avec lesvainqueurs.

Parlé sans musique Enfin, comme les envahisseurs, bien qu’assujettissant la ville à leur inflexiblediscipline, n’avaient accompli aucune des horreurs que la renommée leur faisait commettre toutle long de leur marche triomphale, on s’enhardit, et le besoin du négoce travailla de nouveau lecoeur des commerçants du pays. Quelques-uns avaient de gros intérêts engagés au Havre quel’armée française occupait, et ils voulurent tenter de gagner ce port en allant par terre à Dieppeoù ils s’embarqueraient. On employa l’influence des officiers allemands dont on avait fait laconnaissance, et une autorisation de départ fut obtenue du général en chef. Donc, une grandediligence à quatre chevaux ayant été retenue pour ce voyage, et dix personnes s’étant fait ins-crire chez le voiturier, on résolut de partir un mardi matin, avant le jour, pour éviter tout rassem-blement.

Depuis quelque temps déjà la gelée avait durci la terre, et le lundi, vers trois heures, de grosnuages noirs venant du nord apportèrent la neige qui tomba sans interruption pendant toute lasoirée et toute la nuit. À quatre heures et demie du matin, les voyageurs se réunirent dans lacour de l’hôtel de Normandie, où l’on devait monter en voiture. Ils étaient encore pleins de som-meil, et grelottaient de froid sous leurs couvertures.

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Dans la voiture, on se regardait curieusement, à la triste clarté de cette aurore. Tout au fond aumeilleurs places, sommeillaient, en face l’un de l’autre, Monsieur et Madame Loiseau, des mar-chands de vins en gros de la rue Grand Pont. Ancien commis d’un patron ruiné dans les affaires,Loiseau avait acheté le fonds et fait fortune. Il vendait à très bon marché de très mauvais vins auxpetits débitants des campagnes et passait parmi ses connaissances et ses amis pour un friponmadré, un vrai Normand plein de ruses et de jovialité.

Parlé sur la musique Sa femme, grande, forte, résolue, avec la voix haute et la décision rapide,était l’ordre et l’arithmétique de la maison de commerce, qu’il animait par son activité joyeuse.

Parlé sans musique À côté d’eux se tenait, plus digne, appartenant à une caste supérieure, M.Carré-Lamadon.

M. Carré-Lamadon, homme considérable, posé dans les cotons, propriétaire de trois filatures, of-ficier de la Légion d’honneur M. Carré-Lamadon, membre du Conseil général. Mme Carré-Lama-don, beaucoup plus jeune que son mari toute petite, toute mignonne, toute jolie, pelotonnéedans ses fourrures, et regardait d’un air navré l’intérieur lamentable de la voiture.

Ses voisins, le comte et la comtesse Hubert de Bréville, portaient un des noms les plus ancienset les plus nobles de la Normandie. La fortune des Bréville, toute en biens-fonds, atteignait, di-sait-on, cinq cent mille livres de revenu. Par un hasard étrange, toutes les femmes se trouvaientsur le même banc; et la comtesse avait encore pour voisines deux bonnes soeurs qui égrenaientde longs chapelets en marmottant des Pater et des Ave. En face des deux religieuses, un hommeet une femme attiraient les regards de tous : L’homme, bien connu, était Cornudet le démoc, laterreur des gens respectables. La femme, une de celles appelées galantes, était célèbre par sonembonpoint précoce qui lui avait valu le surnom de Boule de suif.

Boule de suif, petite, ronde de partout, avec des doigts bouffis, étranglés aux phalanges, pareilsà des chap’lets de courtes saucisses ; Boule de suif, petite, ronde de partout avec une peau lui-sante et tendue, une poitrine énorme qui saillait sous sa robe.Boule de suif Sa figure était unepomme rouge, un bouton de pivoine prêt à fleurir; et là-dedans s’ouvraient, en haut, deux yeuxnoirs magnifiques, ombragés de grands cils épais qui mettaient une ombre dedans; en bas, unebouche charmante, meublée de quenottes luisantes et microscopiques.

Aussitôt qu’elle fut reconnue, des chuchotements coururent parmi les femmes honnêtes, et lesmots de «prostituée», de «honte publique» furent chuchotés si haut qu’elle leva la tête. Alors ellepromena sur ses voisins un regard tellement provocant et hardi qu’un grand silence aussitôtrégna, et tout le monde baissa les yeux à l’exception de Loiseau, qui la guettait d’un air émous-tillé.

LE PANIER

La voiture allait si lentement qu’à dix heures du matin on n’avait pas fait quatre lieues, quand ladiligence sombra dans un amoncellement de neige, et il fallut deux heures pour la dégager. gran-dissait, troublait les esprits; et aucune gargote, aucun marchand de vin ne se montraient.

Vers une heure de l’après-midi, Loiseau annonça que décidément il se sentait un rude creuxdans l’estomac. Tout le monde souffrait comme lui depuis longtemps; et le violent besoin demanger, augmentant toujours, avait tué les conversations. Boule de suif, à plusieurs reprises, sepencha comme si elle cherchait quelque chose sous ses jupons. Enfin, à trois heures, commeon se trouvait au milieu d’une plaine interminable, sans un seul village en vue, Boule de suif, sebaissant vivement, retira de sous la banquette un large panier couvert d’une serviette blanche.

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Elle en sortit d’abord une petite assiette de faïence, une fine timbale en argent. Puis une vasteterrine dans laquelle deux poulets entiers, tout découpés, avaient confit sous leur gelée; et l’onapercevait encore dans le panier d’autres bonnes choses enveloppées, des pâtés, des fruits,des friandises, les provisions préparées pour un voyage de trois jours, afin de ne point toucher àla cuisine des auberges. Quatre goulots de bouteilles passaient entre les paquets de nourriture.Elle prit une aile de poulet et, délicatement, se mit à la manger avec un de ces petits pains qu’onappelle «Régence» en Normandie.

Tous les regards étaient tendus vers elle. Puis l’odeur se répandit, élargissant les narines, faisantvenir aux bouches une salive abondante avec une contraction douloureuse de la mâchoire sousles oreilles. Le mépris des dames pour cette fille devenait féroce, comme une envie de la tuer oude la jeter en bas de la voiture, dans la neige, elle, sa timbale, son panier et ses provisions.

Mais Loiseau dévorait des yeux la terrine.

Il dit : «À la bonne heure, Madame a eu plus de précaution que nous. Il y a des personnes quisavent toujours penser à tout.»

«Si vous en désirez, Monsieur ? C’est dur de jeûner depuis le matin.»

«Ma foi, franchement, je ne refuse pas, je n’en peux plus. A la guerre comme à la guerre, n’est-ce pas, Madame ? Dans des moments comme celui-là, on est bien aise de trouver des gens quivous obligent.»

Il avait un journal, qu’il étendit pour ne point tacher son pantalon, et sur la pointe d’un couteautoujours logé dans sa poche, il enleva une cuisse toute vernie de gelée, la dépeça des dents, puisla mâcha avec une satisfaction si évidente qu’il y eut dans la voiture un grand soupir de détresse.Alors Boule de suif, rougissante et embarrassée, balbutia en regardant les voyageurs restés àjeun : « Mon Dieu, si j’osais offrir à ces messieurs et à ces dames … » On hésitait, personnen’osant la responsabilité du « oui ». Mais le comte trancha la question : « Nous acceptons avecreconnaissance ».

Les bouches s’ouvraient et se fermaient sans cesse, avalaient, mastiquaient, engloutissaient fé-rocement.

On ne pouvait manger les provisions de cette fille sans lui parler. Donc on causa, avec réserved’abord, puis, comme elle se tenait fort bien, on s’abandonna davantage. On s’entretint de laguerre, naturellement. Et Boule de suif raconta comment elle avait quitté Rouen.

J’ai cru d’abord que je pourrais rester. J’avais ma maison pleine de provisions, et j’aimais mieuxnourrir quelques soldats que m’expatrier je ne sais où. Mais quand je les ai vus, ces Prussiens,ce fut plus fort que moi! Ils m’ont tourné le sang de colère; et j’ai pleuré de honte toute la jour-née. Puis il en est venu pour loger chez moi; alors j’ai sauté à la gorge du premier. Ils ne sont pasplus difficiles à étrangler que d’autres! Et je l’aurais terminé, celui-là, si l’on ne m’avait pas tiréepar les cheveux.

Il a fallu me cacher après ça. Enfin, quand j’ai trouvé une occasion, je suis partie, et me voici.

On la félicita beaucoup.

Elle grandissait dans l’estime de ses compagnons qui ne s’étaient pas montrés si courageux. Le panierétait vide. À dix on l’avait tari sans peine, en regrettant qu’il ne fût pas plus grand. La conversation conti-nua quelque temps, un peu refroidie néanmoins depuis qu’on avait fini de manger.

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L’AUBERGE

Des petits points de feu parurent en avant sur la route. C’était Tôtes. On entra dans le bourg, etdevant l’hôtel du Commerce on s’arrêta. La porte s’ouvrit. Un bruit bien connu fit tressaillir tousles voyageurs: c’étaient les heurts d’un fourreau de sabre sur le sol. Aussitôt la voix d’un Allemandcria quelque chose.

Bien que la diligence fût immobile, personne ne descendait, comme si l’on se fût attendu à êtremassacré à la sortie. Alors le conducteur apparut, tenant à la main une de ses lanternes, quiéclaira subitement jusqu’au fond de la voiture les deux rangs de têtes effarées, dont les bouchesétaient ouvertes et les yeux écarquillés de surprise et d’épouvante.

À côté du cocher se tenait, en pleine lumière, un officier allemand, un grand jeune homme ex-cessivement mince et blond, serré dans son uniforme comme une fille en son corset, et portantsur le côté sa casquette plate et cirée qui le faisait ressembler au chasseur d’un hôtel anglais. Ilinvita en français d’Alsacien les voyageurs à sortir, disant d’un ton raide: «Foulez-vous descen-dre, Messieurs et Dames?»

On entra dans la vaste cuisine de l’auberge, et l’Allemand, s’étant fait présenter l’autorisation dedépart signée par le général en chef et où étaient mentionnés les noms, le signalement et la pro-fession de chaque voyageur, examina longuement tout ce monde, comparant les personnes auxrenseignements écrits.

Puis il dit brusquement: «C’est bien», et il disparut. Alors on respira. On avait faim encore; le sou-per fut commandé. Enfin on allait se mettre à table, quand le patron de l’auberge parut lui-même.Il demanda: «Mademoiselle Elisabeth Rousset ?» Boule de suif tressaillit, se retourna: «C’estmoi. Mademoiselle, l’officier prussien veut vous parler immédiatement. À moi? Oui, sivous êtes bien Mlle Elisabeth Rousset. «Elle se troubla, réfléchit une seconde, puis déclara car-rément: «C’est possible, mais je n’irai pas ».Un mouvement se fit autour d’elle; chacun discutait,cherchait la cause de cet ordre. Le comte s’approcha :

«Vous avez tort, vous avez tort Madame, car votre refus peut amener des difficultés considéra-bles, non seulement pour vous, mais même pour tous vos compagnons. Il ne faut jamais résis-ter aux gens qui sont les plus forts. Cette démarche assurément ne peut présenter aucun danger:c’est sans doute pour quelque formalité oubliée.»

Tout le monde se joignit à lui, on la pria, on la pressa, on la sermonna, et l’on finit par la convain-cre. Elle dit enfin: «C’est pour vous que je le fais, bien sûr!» La comtesse lui prit la main: «Et nousvous en remercions.» Elle sortit. On l’attendit pour se mettre à table. Au bout de dix minutes ellereparut, soufflant, rouge à suffoquer, exaspérée. Elle balbutiait: «Oh la canaille! La canaille!» Touss’empressaient pour savoir, mais elle ne dit rien; et, comme le comte insistait, elle répondit avecune grande dignité: «Non, cela ne vous regarde pas, je ne peux pas parler.»

Comme on avait décidé qu’on partirait à huit heures le lendemain, tout le monde se trouva dansla cuisine ; mais la voiture, dont la bâche avait un toit de neige, se dressait solitaire au milieu dela cour, sans chevaux et sans conducteur

On ne trouvait pas le cocher. On chercha en vain celui-ci dans les écuries, dans les fourrages,dans les remises. A la fin on le découvrit dans le café du village attablé fraternellement avec l’or-donnance de l’officier. Le comte l’interpella: «Ne vous avait-on pas donné l’ordre d’atteler pourhuit heures? Ah bien oui, mais on m’en a donné un autre depuis… Lequel? De ne pasatteler du tout. Qui vous a donné cet ordre?

Ma foi! le commandant prussien. Pourquoi?- Je n’en sais rien. Allez lui demander. On medéfend d’atteler, moi je n’attelle pas. Voilà. C’est lui-même qui vous a dit cela? Non, Mon-

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sieur : c’est l’aubergiste qui m’a donné l’ordre de sa part. Quand ça? Hier soir, comme j’al-lais me coucher.» Les trois hommes rentrèrent fort inquiets. Alors on voulut voir l’officier. Le comtelui envoya sa carte, où M. Carré-Lamadon ajouta son nom et tous ses titres. Le Prussien fit ré-pondre qu’il admettrait ces deux hommes à lui parlé quand il aurait déjeuné, c’est-à-dire vers uneheure. On achevait le café quand l’ordonnance vint chercher ces messieurs.

Les trois hommes montèrent et furent introduits dans la plus belle chambre de l’auberge, où l’offi-cier les reçut, étendu dans un fauteuil, les pieds sur la cheminée, fumant une longue pipe de porce-laine, et enveloppé par une robe de chambre flamboyante, dérobée sans doute dans la demeureabandonnée de quelque bourgeois de mauvais goût. Il ne se leva pas, ne les salua pas, ne les re-garda pas. Il présentait un magnifique échantillon de la goujaterie naturelle au militaire victorieux.

Au bout de quelques instants il dit enfin: «Qu’est-ce que fous foulez?» Le comte prit la parole:«Nous désirons partir, Monsieur. Non. Oserai-je vous demander la cause de ce refus?Parce que che ne feux pas. Je vous ferai respectueusement observer, Monsieur, que votre gé-néral en chef nous a délivré une permission de départ pour gagner Dieppe, et je ne pense pasque nous ayons rien fait pour mériter vos rigueurs. Che ne feux pas... foilà tout... Fous pou-fez tescentre.» S’étant inclinés tous les trois, ils se retirèrent. L’après-midi fut lamentable. On necomprenait rien à ce caprice d’Allemand. Comme on allait se mettre à table, l’aubergiste repa-rut et, de sa voix graillonnante, il prononça : «L’officier prussien fait demander à Mlle ElisabethRousset si elle n’a pas encore changé d’avis.»Boule de suif resta debout, toute pâle; puis, de-venant subitement cramoisie, elle eut un tel étouffement de colère qu’elle ne pouvait plus parler.Enfin elle éclata : «Vous lui direz à cette crapule, à ce saligaud, à cette charogne de Prussien, quejamais je ne voudrai; vous entendez bien, jamais, jamais, jamais !»

Le gros aubergiste sortit. Alors Boule de suif fut entourée, interrogée, sollicitée par tout le mondede dévoiler le mystère de sa visite. Elle résista d’abord; mais l’exaspération l’emporta bientôt: «Cequ’il veut ?... ce qu’il veut ?... Il veut coucher avec moi!» Personne ne se choqua du mot, tantl’indignation fut vive. C’était une clameur de réprobation contre ce soudard ignoble, un souffle decolère, une union de tous pour la résistance, comme si l’on eût demandé à chacun une partiedu sacrifice exigé d’elle.

On dîna néanmoins lorsque la première fureur fut apaisée; mais on parla peu: on songeait. Alorson conspira. On prépara longuement le blocus, comme pour une forteresse investie chacunconvint du rôle qu’il jouerait, des arguments dont il s’appuierait, des manœuvres qu’il devraitexécuter. On régla le plan des attaques, les ruses à employer et les surprises de l’assaut pour for-cer cette citadelle vivante à recevoir l’ennemi dans sa place.

Aussitôt à table, on commença les approches. On cita des exemples anciens: Judith et Holo-pherne, Cléopâtre faisant passer par sa couche tous les généraux ennemis, et les y réduisant àdes servilités d’esclave. On cita toutes les femmes qui ont arrêté des conquérants, fait de leurcorps un champ de bataille, un moyen de dominer, une arme, qui ont vaincu par leurs caresseshéroïques des êtres hideux ou détestés, et sacrifié leur chasteté à la vengeance et au dévoue-ment. Boule de suif ne disait rien.

Au moment où l’on servit le potage, l’aubergiste reparut, répétant sa phrase de la veille: «L’offi-cier prussien fait demander à Mlle Elisabeth Rousset si elle n’a point encore changé d’avis.»Boule de suif répondit sèchement : «Non, Monsieur.» Le déjeuner fut tranquille. On donnait à lagraine semée la veille le temps de germer et de pousser ses fruits. La comtesse proposa de faireune promenade dans l’après-midi; alors le comte, comme il était convenu, prit le bras de Boulede suif, et demeura derrière les autres, avec elle.

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«Donc, vous préférez nous laisser ici, exposés comme vous-même à toutes les violences qui suivraientun échec des troupes prussiennes, plutôt que de consentir à une de ces complaisances que vous avezeues si souvent en votre vie?».

Boule de suif ne répondit pas. Aussitôt rentrée, elle monta chez elle et ne reparut plus. L’inquiétude étaitextrême. Qu’allait-elle faire? Si elle résistait, quel embarras ! L’heure du dîner sonna; on l’attendit en vain.L’aubergiste, entrant alors, annonça que Mlle Elisabeth Rousset se sentait indisposée, et qu’on pouvaitse mettre à table. Tout le monde dressa l’oreille. Le comte s’approcha de l’aubergiste, et, tout bas: « Cay est? Oui. » Par convenance. il ne dit rien à ses compagnons, mais il leur fit seulement un léger signede la tête. Aussitôt un grand soupir de soulagement sortit de toutes les poitrines. Une allégresse parutsur les visages. Loiseau cria: «Saperlipopette! je paye du champagne si l’on en trouve dans l’établisse-ment.» Et l’on ne dormit que très tard, assurément, car des filets de lumière glissèrent longtemps sousles portes. Le champagne a ses effets-là ; il trouble, dit-on, le sommeil.

ÉPILOGUE

Le lendemain, un clair soleil d’hiver rendait la neige éblouissante. La diligence, attelée enfin, attendaitdevant la porte, tandis qu’une armée de pigeons blancs, rengorgés dans leurs plumes épaisses, avecun oeil rose, taché, au milieu, d’un point noir, se promenaient gravement entre les jambes des six che-vaux, et cherchaient leur vie dans le crottin fumant qu’ils éparpillaient. Le cocher, enveloppé dans sapeau de mouton, grillait une pipe sur le siège, et tous les voyageurs radieux faisaient rapidement em-paqueter des provisions pour le reste du voyage. On n’attendait plus que Boule de suif. Elle parut. Ellesemblait un peu troublée, honteuse, et elle s’avança timidement parmi ses compagnons, qui, tous, d’unmême mouvement, se détournèrent comme s’ils ne l’avaient pas aperçue. Le comte prit avec dignitéle bras de sa femme et l’éloigna de ce contact impur. Puis on se précipita dans la voiture, où elle ar-riva seule, la dernière et reprit en silence la place qu’elle avait occupée pendant la première partie dela route. On semblait ne pas la voir, ne pas la connaître; mais Mme Loiseau, la considérant de loin avecindignation, dit à mi-voix à son mari: «Heureusement que je ne suis pas à côté d’elle.» La lourde voi-ture s’ébranla, et le voyage recommença.

Au bout de trois heures de route, Loiseau ramassa ses cartes: «Il fait faim», dit-il. Alors sa femme at-teignit un paquet ficelé d’où elle fit sortir un morceau de veau froid. Elle le découpa proprement partranches minces et fermes, et tous deux se mirent à manger. «Si nous en faisions autant», dit la com-tesse. On y consentit et elle déballa les provisions préparées pour les deux ménages. Boule de suif,dans la hâte et l’effarement de son lever, n’avait pu songer à rien; et elle regardait, exaspérée, suffo-quant de rage, tous ces gens qui mangeaient placidement. Personne ne la regardait, ne songeait àelle. Elle se sentait noyée dans le mépris de ces gredins honnêtes qui l’avaient sacrifiée d’abord, reje-tée ensuite, comme une chose malpropre et inutile.

Alors elle songea à son grand panier tout plein de bonnes choses qu’ils avaient goulûment dévorées.À ses deux poulets, à ses pâtés, à ses poires. À ses deux poulets, à ses bouteilles de Bordeaux. Et safureur tombant soudain, comme une corde trop tendue qui casse, elle se sentit prête à pleurer. Elle fitdes efforts terribles, se raidit, avala ses sanglots comme les enfants; mais les pleurs montaient, lui-saient au bord de ses paupières. Et bientôt deux grosses larmes, se détachant des yeux, roulèrent len-tement sur ses joues.

D’autres les suivirent plus rapides coulant comme les gouttes d’eau qui filtrent d’une roche, et tombantrégulièrement sur la courbe rebondie de sa poitrine. On fuyait plus vite, la neige étant plus dure; etjusqu’à Dieppe, pendant les longues heures mornes du voyage, Boule de suif pleurait toujours;et parfois un sanglot, qu’elle n’avait pu retenir, passait, entre deux couplets, dans les ténèbres.

« Vous lui direz à cette crapule, à ce saligaud, à cette charogne de prussien, que jamais je ne vou-drai, vous entendez bien, jamais ! jamais ! jamais ».

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SOFI JEANNIN directionNée à Stockholm, Sofi Jeannin étudie le chant et le piano en Suède.

1995 : poursuit ses études au CRR de Nice avec Bertrand Dutour de Salvert(direction de chœur) et à l’Académie Royale de Musique de Stockholm(musicologie).

2003 : lauréate de la bourse Lavoisier, entre au Royal College of Music de Londresafin d’étudier la direction de chœur auprès de Paul Spicer.

2005 : est recrutée par le Royal College of Music Junior Department et l’ImperialCollege en tant que chef de chœur et professeur de technique vocale.

2005 : fait ses débuts avec les London Voices en tant que mezzo-soprano. Obtientla médaille de la Worshipful Company of Musicians de Londres.

2006 : premier enregistrement en tant que chef d’orchestre pour la BBC. SofiJeannin dirige la création britannique de Consolation I d’Helmut Lachenmann.

2006 : professeur de direction de chœur au Conservatoire d’Évry.

2008 : nommée directrice musicale de la Maîtrise de Radio France. Responsableartistique et pédagogique de 180 élèves, elle crée de nombreuses pièces pourchœur à voix égales et collabore avec les plus grands chefs.

2009 : début d’une collaboration régulière avec l’Académie de Paris.

2010 : dirige pour la première fois l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Faitses débuts avec le Stockholm Concert Orchestra pour la célébration du mariagede la Princesse Victoria de Suède.

2012 : dirige pour la première fois l’Orchestre National de France.

2013 : dirige le Chœur de chambre Saint Jacob de Stockholm dans Figurehumaine de Poulenc.

2014 : dirige pour la première fois le Chœur de Radio France.

2015 : crée le Cantique des trois enfants dans la fournaise de Philippe Hersant. Estnommée directrice musicale du Chœur de Radio France. Conserve la directionmusicale de la Maîtrise de Radio France.

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MARIE-NOËLLE MAERTEN directionSe forme au sein des Petits chanteurs de Valenciennes. Études aux conservatoiresde Valenciennes (chant et violon), puis de Lille (classe de Claire Marchand).Soprano à la Maîtrise de Radio France, la Maîtrise Notre-Dame de Paris, lesDemoiselles de Saint-Cyr et l’Ensemble vocal Intermezzo, avant de se tourner versla direction de chœur.

2008 : créé l’ensemble vocal La Bonne Chanson avec La Musique de Léonie,structure proposant stages, concerts et créations pour le plus grand nombre.

2011 : fonde la Maîtrise de Léonard à Saint-Jean-de-Braye.

2015 : nommée directrice musicale adjointe de la Maîtrise de Radio France aprèsy avoir occupé les fonctions de chef de chœur assistant, conseillère aux études etdéléguée pédagogique.

Assure de nombreux stages de formation et conseille les maîtrises en création enFrance. Régulièrement appelée à diriger des œuvres pour chœur de jeunes oud’adultes.

CORINE DUROUS pianoCommence sa carrière en tant que chef de chant à l’Opéra de Nantes, puisau Centre d’études musicales supérieures de Toulouse. Lauréate de la Fon-dation Yehudi Menuhin.

2003 : nommée chef de chant à l’Opéra national de Paris et à la Maîtrise deRadio France. Pianiste du chœur de chambre Les Éléments, avec lequel elleenregistre trois disques (Diapason d’or, « Choc » du Monde de la musique, 10de Répertoire, ffff de Télérama…). Invitée au Théâtre du Châtelet, au Théâtredes Champs-Élysées, à l’Opéra-Comique, au Grand Théâtre de Genève, àl’Opéra de Bordeaux, Montpellier, Monte-Carlo…

Travaille avec des chefs tels que Pinchas Steinberg, Marc Minkowski, JamesConlon, Georges Prêtre, Kent Nagano, Christophe Rousset… Se produit ré-gulièrement en récital avec Sandrine Piau et Teodora Gheorghiu. Directriceartistique d’enregistrements du Quatuor Debussy, de l’Ensemble JacquesModerne, des Solistes de l’Opéra de Paris, de François-Xavier Roth…

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MAÎTRISE DE RADIO FRANCE1946 : fondation de la Maîtrise de la Radiodiffusion française par Henry Bar-raud, Maurice David et Pierre Capdevielle. Marcel Couraud est le premier chefde la Maîtrise.

1952 : première tournée (Allemagne), qui sera suivie de nombreux autresconcerts à l’étranger.

1953 : Jacques Jouineau prend la tête de la Maîtrise, qu'il dirigera pendant unquart de siècle avant Henri Farge (1979), Michel Lasserre de Rozel (1984),Denis Dupays (1989), Toni Ramon (1998).

1959 : à Gubbio, exécution des Petites Liturgies de la Présence divine deMessiaen.

1975 : fin de l'ORTF, naissance de Radio France. La Maîtrise s'appelle dés-ormais Maîtrise de Radio France.

1993 : première audition de Pu wijnuev we fyp de Xenakis par Radio France,un exemple de création parmi d'autres.

2007 : inauguration, à Bondy, du second site de la Maîtrise.

2008 : Sofi Jeannin devient directrice musicale de la Maîtrise.

Depuis 2009 : participe à chaque édition du Festival de Radio France-MontpellierLanguedoc Roussillon.

2011 : création de Dona Nobis Pacem d’ Esa-Pekka Salonen écrit pour laMaîtrise de Radio France.

2013 : inauguration de l'auditorium Angèle et Roger Tribouilloy. Célébration ducentenaire de Benjamin Britten sous la direction de Sofi Jeannin et «Fête des50 ans» de la Maison de la Radio en présence du Président de la République.

2014 : inauguration de l’Auditorium de Radio France avec Noye’s Fludde de BenjaminBritten qui réunit, aux côtés de la Maîtrise et des musiciens de l’Orchestre National deFrance, un orchestre d’élèves de conservatoires, un chœur amateur de parents d’élèvesde la Maîtrise et des salariés de Radio France.

2015 : création de trois opéras pour enfant, de Markéas, Aboulker et Joubert, duCantique des trois enfants dans la fournaise de Philippe Hersant (commande deRadio France - création mondiale) et de à l’orient de tout de Bruno Ducol (commandede Radio France - création mondiale). Tournée en France et en Suisse avec Les petitesliturgies d’Olivier Messiaen.

Consulter le site de la Maîtrise de Radio France sur maisondelaradio.fr

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MAÎTRISE DE RADIO FRANCESofi Jeannin directrice musicaIe

Salomé AddaEniola AdekanyeSarah AffreingueEl Hakim Ahamada Junior AlexandreAdèle ArnaudNadir-Vassili AssouabJade AtilemileLydia AtoutZoé BackHarisai BalasubramaniamJean-Obed BellegardeMaya Ben Ahmed JeleffNawel BernaouiLoïc BernardShéryl BertrandLouise BittarLaure BohainGrâce BoimeMaud BonnafousRémi BorelEve-Anna BothamySolel BothamyMonia BouadlaTamara BouazizThaïry BouazizSidi Mohamed BouazzaMya BouderhemAmine BoughanemMarwa BoughanemEliott BourgueColine BrevotAthêna BrisseRoman BrunnerBasile BuffinVirgile CabusSlohan CapitolinElvire CasabielheAlexia ChampouretLéa ChampouretTimothée Chedal anglayOcéane ChiZoé CholletLaura CianciMaéva ColellaAndrélia CombaDoriane CombaryJean Baptiste Costa Delgado de Almeida Bintou CoulibalyIndy CourcetAnna CurielLou DalquierRithna DaurinKanoumahDembelePauline DemiansAnjali DenisSimon Der HaroutiounianFatim Diaby

Anselme DiesseEliza DoumbouyaKaly DraginBéatrice DrameNesserine El HaimeurHana El KourdiShannice EloiseAstou EmileClarisse FauchetNoanh Feras-MontoutEmma FlandiLisa FlandiZoé FourayFlorestan GauthierAlexis GérimentStella-Amour GnagraCélia GolgevitPaloma Gomez OrozcoAna Carolina Grabowski - RomeroAnne GrangéBéatrice GrinfeldJeanne GuezennecJade Hadj SaidMouataz HamaneMayssae HamaneAhmed HamdaouiRyan Mohamed HamdaouiImad HanfouriAbdenago HasanNicolas HezelotValentine JacquetAlexandra Jospin-FajollesCamille JouanKeyla JubenotSolal KalfonKrishan KamalahasanFrancesca Kandem tagneNaïda KonePaulin LacomblezVerlaine LarmoyerHortense LaugéeOriane LeclereAuriane LegrandTiffany LemaitreChloé LéopardoGabriel LobaoMathilde LonjonAna MackenzieDjaëllyss MaitrelSabrina MaoucheAlexandra MaréchalleAnatole MarestFélix MarestEslène MarletFarah M'BarkiMaylisse MelasseInes MelloulLilya Menouer

Ivane MessaoudeneLéna MetivierMartin MexmeAya MohsanNelya MokhtariSolène MonebeneHannah Musso messaoudiShereine N'GokoJuliette NouailhetasLina OubekhtiSouhil OuchenirLudmila OumokraneHenri OzenneDora PaliniLouise Pélicier Andreas Perez-UrsuletAliénor PetiotLouise PidouxIndy PierreCoraly PoujolNirmal Prakash Kevin PuiuThaïs RaïManon RechElise RogerPauline RoginskyEloïse RouxAmbre RuizAssetou Samake Diana Sanchez MoreiraAlexandre SelvestrelIgor SemeziesAwa Sissako Liza SouaneOviya SoupramanianSalman SowMarie Louise SylvaArmand SztykgoldMael TalhaMaréva Tchouatcha Lucie TenetRosini ThevaneyanDjouma TouréEllie TurcatSimon Turner-LowitMailo Umumbu KiloloRoxane VincentEmma VucicManon XardelYasmine YahiaouiAli YesilkayaLahna ZaghiaSami ZaghiaLeonard ZeinySizwé Zulu-Guiraud

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AdministrateurJeanne Pariente

Coordinateur du site de BondyChristine Gaurier

Chargée de scolarité (Paris)Emeline Blanquart Potentier

Chargée de scolarité (Bondy)Claire Zalamansky

Régisseur du site de ParisAnna Pouillet

Régisseur attaché à l'encadrement (Paris)Alain Josset

Régisseurs du site de BondyMaxime Guilleron Salomé Oberlé

Chargées d’administration et de productionLéa Dao Van (Paris)Sarah Bouziri (Bondy)

Responsable de la promotionMarianne Devilléger

Responsable des activitéspédagogiquesMady Senga-Remoué

Responsable de la bibliothèque des formations musicalesMaud Rolland

BibliothécaireLaure Peny-Lalo

Responsable du service des moyenslogistiques de production musicaleNicolas Gilly

Responsable du parc instrumentalPatrice Thomas

AdministrationElisabeth Fouquet

Équipe pédagogiqueà Paris :

Chœur Anne-Claire Blandeau-Fauchet*Camille Bourrouillou*Victor Jacob*

Conseillère aux études,technique vocaleMarie-Laure Weill-Raynal

Technique Alexander Véronique Bartin*Véronique Marco*

Formation musicale Sylvie Beunardeau Emmanuelle Mousset

Technique vocaleAnne-Claire Blandeau-FauchetDominique MoatyGuillaume PéraultCamille Bourrouillou*

PianoKarine Delance Betty HovetteCima MoussalliJuliette Regnaud

Chef de chantCorine Durous

à Bondy :

Déléguée pédagogiqueAgathe Bioulès

Chef de choeur assistantMorgan Jourdain

ChœurCamille Bourrouillou*Victor Jacob*Sylvie Kolb*

Technique vocaleCécile Bonnet*Isabelle Briard Mélodie Millot Loreline MioneAnne Périssé

PianoCharlène FroëlichNaoko Fujiwara Jérémie Honnoré Madjid Mohia*

Formation musicaleIsabelle BriardCharlène FroëlichAnne-Laure Hulin*Sylvie Kolb*Loreline Mione*Cécile Rigazio*

Rythmique DalcrozeAnne Gabrielle Chatoux*

* enseignants non permanents

Directrice musicale adjointe Marie-Noëlle Maerten

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JEUDI 26 & VENDREDI 27 MAI 2016 20H30BASILIQUE-CATHÉDRALE DE SAINT-DENIS

Gustav MahlerSymphonie n° 3

Chœur de Radio France - Maîtrise de Radio France Orchestre Philharmonique de Radio France

Mihoko Fujimura mezzo-soprano

Sofi Jeannin chef de chœur

Mikko Franck direction

Coproduction Festival de Saint-Denis/Radio France - Places éventuellement disponibles

sur le site du Festival

MARDI 14 JUIN 19HBONDY - AUDITORIUM ANGÈLE ET ROGER TRIBOUILLOYConcert de fin d’année de la pré-Maîtrise

« Le cirque de sept lieues ou l’ogre de Barbarie »

Jean AbsilLe Cirque volant

Darius MilhaudUn peu de musiqueÀ propos de bottes

Maîtrise de Radio France

Marie-Noëlle Maerten direction

Entrée libre dans la limite des places disponibles.

Renseignements et réservations : 01 48 50 54 68 - ville-bondy

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Directeur de la musique et de la création culturelle à Radio France Michel Orier

Réalisation du programme de salle Direction de la musique

Impression Reprographie Radio France

SAMEDI 18 JUIN 11HMAISON DE LA RADIO - STUDIO 104Concert de fin d’année de la pré-Maîtrise

« Le cirque de sept lieues ou l’ogre de Barbarie »

Jean AbsilLe Cirque volant

Darius MilhaudUn peu de musiqueÀ propos de bottesMaîtrise de Radio France

Marie-Noëlle Maerten direction

Entrée libre dans la limite des places disponibles

Renseignements et réservations : 01 56 40 15 16 - maisondelaradio.fr