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1964 L' Ommegang n°42 - Juin 2017 Trimestriel - n° d'agrément : P914556 - Bureau de dépôt : 4099 Liège X Expéditeur : MdC, rue d'Orléans, 2 - 6000 Charleroi MdC MdC asbl A m i c a l e S p a d o i s e d e s A n c i e n s d O u t r e - M e r

1964 L' Ommegang...1964 L' Ommegang n 42 - Juin 2017 Trimestriel - n d'agrément : P914556 - Bureau de dépôt : 4099 Liège X Expéditeur : MdC, rue d'Orléans, 2 - 6000 Charleroi

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1964L' Ommegang

n°42 - Juin 2017Trimestriel - n° d'agrément : P914556 - Bureau de dépôt : 4099 Liège X

Expéditeur : MdC, rue d'Orléans, 2 - 6000 Charleroi

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2 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

N’AYEZ PAS PEUR ! N’ayez pas peur ... de visiter notre site www.memoiresducongo.be après les changements opérés sous l’onglet “vidéos”. Mais qu’est-ce que ce site, qu’est-ce qu’un on-glet ? Si ce sont des questions que vous vous posez, si vous n’êtes pas à l’aise lorsque vous vous retrouvez devant un ordinateur ou une

tablette, ne manquez pas d’avoir recours au “reverse men-toring”. Qu’est-ce ? C’est le monde des générations à l’envers ... un mentorat inversé. En effet, faites appel à vos enfants ou petits-enfants, ces jeunes “digital native”, pour vous familiariser avec l’internet et toutes ces nouveautés qui l’accompagnent. Trouvez un jeune, un mentor, qui vous apprendra à commu-niquer, à utiliser les réseaux sociaux, à vous connecter sur notre site web. Vous y découvrirez les nombreux onglets, têtes de chapitre, qui vous guideront dans votre recherche. L’onglet “Historique” vous apprendra les objectifs de notre association, vous déclinera les statuts, les réalisations et les perspectives. L’onglet “Revues” vous permettra de lire ou relire nos magazines déjà parus, l’onglet “Vidéos” vous offrira de regarder nos documentaires, les conférences données dans le cadre des “Mardis de MdC”, les reportages réalisés et, surtout, les témoignages recueillis par nos équipes.

Chaque semaine, un témoignage inédit est présenté mais aussi diffusé dans le monde entier grâce à Internet ! Dans le “reverse mentoring”, il n’y a ni élève, ni prof, il y a un mentor et un “mentee” : soyez donc pour vos amis, vos parents, vos connaissances soit l’un, soit l’autre et ... vous resterez branché !

■ Paul Vannès

Editorial MÉMOIRES DU CONGO et du Ruanda-Urundi asblPériodique trimestriel - Agrément postal : BC 18012N° 42 - Juin 2017Editeur responsable : Paul Vannès. Coordonnateur : Fernand HesselCorrectrice : Françoise DevauxMaquette et mise en page : New Look CommunicationNouveau comité de rédaction provisoire(responsabilité thématiques entre parenthèses) : Guido Bosteels (textes en néerlandais), André de Maere d'Aertrycke (histoire coloniale), Marc Georges (santé), Fernand Hessel (éducation), Françoise Moehler-De Greef (culture), Jean-Pierre Sonck (défense), Pierre Van Bost (économie) .

Dépôt des articlesLes articles sont reçus chez Fernand Hessel, Vieux château, rue Michoel, 220 - 4845 Sart-lez-Spa [email protected] Conseil d’administrationPrésident : Roger Gilson. Vice-Président : Guido Bosteels.Administrateur-délégué : Paul Vannès. Trésorier : Guy Dierckens.Secrétaire : Nadine Evrard. Administrateurs : Patricia Van Schuylenbergh, Marc Georges, Fernand Hessel, José Rhodius, Guy Lambrette représentant aussi le CRAOM. C.B.L.-A.C.P., représentée par Thierry Claeys Boùùaert.

Siège socialavenue de l’Hippodrome, 50 - B-1050 [email protected]

Siège administratifrue d'Orléans, 2 – B 6000 Charleroi. Tél. 00 32 (0)71 33 43 73Numéro d’entreprise : 478.435.078Site public : www.memoiresducongo.orgBIC : BBRUBEBBIBAN : BE95 3101 7735 2058

SecrétariatSecrétaire : Andrée Willems

Cotisations 2017Membre adhérent : 25 €. Cotisation de soutien : 50 €Cotisation d’Honneur : 100 €. Cotisation à vie : 1.000 €Les membres adhérents reçoivent d’office la revue.

Compte bancaire de Mémoires du Congo(Pour les revues TamTam, Contacts, Nyota et Cercle Luxembourgeois, voir les comptes bancaires de chaque association partenaire page 46).BIC : BBRUBEBB - IBAN : BE95 3101 7735 2058Ne pas oublier la mention “Cotisation 2017” ou “abonnement”. Les dames, sont priées, lors des versements, de bien vouloir utiliser le nom sous lequel elles se sont inscrites comme membres.

Fichier d’adressesSi vous changez d’adresse, merci de nous communiquer vos nouvelles coordonnées. Merci également de communiquer l’adresse de toute personne intéressée à devenir membre de Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi ou à s’abonner à la revue.

Simple abonnement à la revuePour recevoir la revue, il suffit de virer 25 € au compte de l’association avec mention de l’adresse et de l’année.

PublicitéTarifs sur demande, auprès du siège administratif

CopyrightLes articles sont libres de reproduction dans des publications poursuivant les mêmes buts que la revue source, moyennant mention du numéro de la revue et de l’auteur de la revue source, et envoi d’une copie de la publication à la rédaction.

© 2017 Mémoires du Congo et du Ruanda Urundi

SommaireMémoires du Congo et du Ruanda-UrundiPériodique n° 42 - Juin 2017Editorial 2Echos des Mardis 3Echos du Forum 5Industrialisation du Congo 7En camion ! 14Kin-La-Double 16Tintin à Lubudi 21L'amour tchanté à Tchanturlette 24Memoirs 27Désenclavement 29Associations : calendrier 2017 31Ommegang 32Tam-Tam - ARAAOM 35Contacts - ASAOM 38Nyota - CRAA 41Royal cercle luxembougeois de l'Afrique des Grands Lacs 44Afrikagetuigenissen 47UROME-KBUOL 48Bibliographie 50

En couverture : Stanleyville, 24 novembre 1964, jonction entre les éléments de l’Ommegang et de Dragon Rouge. © Collection 1er Bataillon Parachutistes.

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3Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Vie de l'association

Spécial 15e anniversaire de notre association

Prix à payer pour chaque manifestation : 30 €. (Le 26 août : gratuit pour les enfants de moins de 8 ans, 15 € de 8 à 12 ans.) A virer sur le compte de MdC - IBAN : BE45 3630 0269 1889 - BIC : BBRUBEBB

Date limite pour le paiement : 30 septembre et 15 août. Seul le paiement vaut inscription définitive.

Mardi 10.10.17 : Journée académique10h00 : accueil et café10h30 : 15 ans en images.11h00 : M. Herman De Croo “Les relations Belgique-Congo de 1960 à nos jours.”12h30 : Moambe14h30 : Visite de chantier du “Musée Royal de l’Afrique Centrale”.

Dimanche 26.08.17 : BBQ à LovervalAllée Saint Hubert, 5 (parking devant l’église).

10h00 : Accueil 11h00 : visite du parc arboré de 17 hectares de l’INDL. Guide : Henri Coppens, sylviculteur en charge du domaine et ancien du Collège St-François de Sales/Imara.13h00 : Apéritif musical13h30 : Porchetta, poussins grillés et salades de saison15h30 : Les Tambourinaires du Burundi16h30 : Charriot de desserts et cafés.

La journée la plus animée fut sans conteste le mardi 18 avril 2017, ce qui lui vaut d’ouvrir cette double page. Le CRAOM et MDC s’étaient alliés pour participer à la projection de Congo, les berges d’un fleuve

de Philippe Lamair, présent en personne pour préciser l’esprit selon lequel il avait réalisé son film. C’est dire que le public, fort nombreux, fut à la fête. Retourner sur les terres et les berges que nous avons arpentées est toujours un moment privilégié.

Sans oublier que les mardis ne sont pas seulement consacrés à la nourriture spirituelle, mais aussi à la gastronomie congolaise. Chaque Mardi, le chef Hof-man vient mettre en place se batterie pour servir une succulente moambe, comme au temps où le vieux Musée voisin, actuellement en complète réno-vation, accueillait encore les visiteurs. Beau moment de fraternisation entre deux cercles animés de la même pas-sion, du passé et de l’avenir. ■ Photos © Fernand Hessel

ÉCHOS DES MARDISBien reçue par les lecteurs, la rédaction poursuit l’expérience qui consiste à épingler les communications les plus significatives faites lors des rendez-vous mensuels de Mémoires du Congo à l’auditorium du MRAC à Tervuren, mieux connus sous l’appellation de Mardis de Mémoires du Congo, aux fins d’informer les lecteurs qui n’ont pas eu le loisir d’y participer.

PAR FERNAND HESSEL ET PAUL VANNÈS

Philippe Lamair précisant l'esprit dans lequel il a réalisé son film “Congo, les berges d'un fleuve”

Madame la Comtesse Geneviève Ryckmans, toujours passionnée par le Congo

Notre boutique, ouverte en marge des Mardis

L'auditoire attentif à l'exposé de Philippe Lamair

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4 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Vie de l'association

De Mme Langlet, venue ra-conter sa vie de broussarde aux côtés de son territorial de mari ; de M. Filée, pas-sionné d’aviation, venu nous entretenir sur le rôle décisif

des hydravions belges engagés sur le lac Tanganyika pour empêcher l’ennemi d’entrer sur le territoire du Congo belge, entrée dans l’histoire comme la seule victoire explicite de la Belgique durant la Grande Guerre ; de Mme de Mahieu venue expliciter la différence entre la vie religieuse là-bas et celle d’ici. ■

Réalisé par Daniel Lainé et David Geoffrion, le film nous amène à bord du train Hi-rondelle qui parcourt encore de nos jours les 1.600 km qui séparent Lubumbashi

d’Ilebo. Il lui faut trois longues se-maines, mais en compensation il laisse largement le temps aux passagers et aux riverains d’échanger et aux mamas de vendre leurs marchandises. Plaisir que nous avons perdu sur nos voies de communications européennes où

le TGV règne en maître et où avoir le temps est un luxe qui n’est plus réservé qu’aux seniors. Dernier train avant le nouveau en préparation avec l’appui de la BM. Au passage, M. Cayron nous entretint de sa carrière à l’UMHK et à la Gécamines, tandis que Mme Im-berechts évoqua les traités et accords qui fondèrent l’EIC. ■

Grâce au témoignage de l’ambassadeur honoraire V.C. Nys qui a une longue expérience du centre de l’Afrique et au documentaire réalisé par J. Bitagoye et P.

Capitolin sur le héros de l’indépen-dance du Burundi, assassiné en 1961.Katanga oblige, J. de Brassinne de la Buissière, grand spécialiste de la matière, nous entretint de l’ONUC, la première opération de l’ONU au Congo. ■

Mardi 14 février 2017

Cocktail de témoignages et d’informations

Mardi 14 mars 2017

Le dernier train du Katanga

Mardi 9 mai 2017

Burundi à la une

Le programme des Mardis 14/11 et 12/12 sera annoncé dans notre édition de septembre et sur notre site web : www.memoiresducongo.be

L'hydravion belge Short 827

Mausolée du Prince Rwagasore, assassiné en 1961

Le train Hirondelle

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5Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Vie de l'association

220 (13.01.17)

L’entrée dans un nouveau millésime offre à l’AD une bonne occasion de remercier tous ceux qui investissent leur temps de loisir dans la bonne marche de MDC, tous bénévoles, tous animés de la passion de l’Afrique centrale. Quelques invités permettent du reste d’y replonger un bref mo-ment : M. Husson, accompagné de sa fille, passé de la CMB à l’édition de livres, entre autres sur le Kasaï ; M. Lambo, fils de fonctionnaire de la territoriale ; Mme De Ridder, ancienne de Stanleyville ; M. Leblanc, sorti de l’école secondaire de Stanleyville et devenu cardiologue. ■

221 (27.01.17)

M. Bosteels aborde la délicate question des relations entre les dix établisse-ments scientifiques belges, dont le MRAC, avec le Gouvernement, surtout que la secrétaire d’Etat appartient à un parti qui n’a pas le culte de l’unité du patrimoine national. La dispersion de celui-ci entre les deux communautés n’est pas un danger imaginaire. La fin des travaux de rénovation du MRAC, prévue pour l’été 2018, coïncidant avec le départ à la retraite de l’actuel DG, il est important pour MDC de se bien positionner pour l’avenir et de veiller au respect du passé colonial de la Belgique. ■

ÉCHOS DU FORUMParallèlement aux temps forts des Mardis de Mémoires du Congo, la rédaction poursuit le relevé des points importants abordés lors des réunions bimensuelles dans le cadre du Forum. Une rectification s’impose ici quant au lieu où se tient ce dernier : le CAPA, contrairement à ce qui a été écrit dans le numéro précédent, n’est pas le sigle de Commonwealth Association of Polytechnics in Africa, mais plus simplement l’abréviation de Centre d’Accueil pour Africains, créé pour héberger les Congolais qui ont participé à l’Expo 58, comme l‘a fait aimablement remarquer Patricia Van Schuylenbergh, Chef du service scientifique Histoire et politique (au MRAC).

PAR FERNAND HESSEL ET PAUL VANNÈS

A tous les membres de “Sous les palmes”

(en dissolution)

Le présent numéro de notre magazine est envoyé gracieusement à tous les

membres de “Sous les palmes”,

anciennes élèves de l’Institut Marie-José/Tuendelee d’E’ville/Lubumbashi.

Dans le numéro suivant (septembre) les pages Brève

Histoire des associations seront consacrées à Sous les palmes, en reconnaissance

de son engagement dans la sauvegarde

mémorielle du passé africain de

la Belgique.

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6 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

222 (10.02.17)

Une figure incontournable du Forum est incontestablement José Rhodius, issu d’une famille qui peut s’enorgueillir d’avoir un grand passé au Congo belge (deuxième à partir de la droite sur la photo). Parmi les nombreuses facettes de sa personna-lité, il en est deux dont le Forum peut se réjouir, c’est d’une part l’admiration pour les Jésuites qui l’ont formé et d'autre part les vieux livres qu’il déniche dans les bro-cantes et dont il traite par le menu quand vient le temps dans le rituel bimestriel de la lecture de José. La bibliographie de la revue lui fait la part belle. ■

Calendrier des prochains forums 2017

Juin : 30Septembre : 1, 15 & 29

Octobre : 13 & 27Novembre 10 & 24Décembre : 8 & 22

223 (24.02.17)

Les débatteurs du Forum, dont le nombre oscille entre 20 et 30 par réunion, sans compter les invités, ont été invités à re-pérer les phrases clés des témoignages qui sont mis progressivement sur le site www.memoiresducongo.be, à raison d’un par semaine, et de les remettre à Yves de Campos, en charge d’en tenir le registre. La série des témoignages a été ouverte par l’illustre pédagogue congolais qui a pour nom Ekwa-bis-Sisal.

Ces phrases-clés doivent permettre au vidéaste Daniel Depreter de confection-ner des capsules à diffuser sur Youtube. C’est assez dire que MDC est décidé de valoriser ses abondantes archives. Nadine Watteyne est chargée de faire rapport sur la fréquentation du site. A l’image la photo de la couverture du livre-interview que le prof. Clémentine Nzuji consacra au Père Ekwa. ■

224 (10.03.17)

Le nombre de livres qui paraissent sur le Congo ne connaît pas de répit. Ils font la preuve que le Congo est res-té chevillé à beaucoup de cœurs. La crainte que la veine se tarisse après le 50e anniversaire de l’indépendance, qui avait marqué un pic, est loin de se confirmer. Il y a d’abord les anciens coloniaux qui veulent léguer à leur

descendance un recueil de souvenirs, mais il y a aussi des monographies rédigées par des spécialistes, tels le nouveau Vleurinck Elisabethville, 50 ans d’histoire, que Baudouin Peeters des éditions Dynamedia est venu annoncer, le nouveau Antippas sur Kolwezi, la traduction anglaise du De Weerd sous le titre de Congo Free State. ■

225 (24.03.17)

Parmi les habitués du Forum les Ka-tangais sont généralement majoritaires. C’est à croire que l’UMHK a eu un effet de fidélisation sur ses enfants. Il en est d’autres bien sûr de Stanleyville, de Luluabourg, de Bukavu et de Léopold-ville. Il s’y trouve des passionnés pour l’un ou l’autre domaine. Telle Emily Beauvent qui porte une grande attention à la culture swahilie, pas uniquement la langue mais surtout les vestiges de

la civilisation qui s’est répandue dans tout l’est africain, sans fonder d’état. Fuyant l’anathème d’esclavagisme, les tenants revendiquaient une ascendance paternelle arabe, voire persane. Leurs mosquées se réclament de la même architecture. Ainsi la mosquée d’Isangi, aujourd’hui en ruine, avait des traits communs avec celles de la côte orien-tale où Emily visita de nombreux sites archéologiques.. ■

Vie de l'association

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7Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Economie

A la fin du 19e siècle, avec la révolution industrielle, les industries européennes requirent de plus en plus de matières premières et, pour écouler leurs productions, elles cherchèrent à se créer de nouveaux marchés. C'est dans cette optique que le roi Léopold II souhaitait une colonie pour la Belgique qui était à l'époque une des nations les plus industrialisées au monde. Le roi se fit octroyer, à titre privé, par la communauté internationale un vaste territoire au cœur de l’Afrique : l'Etat Indépendant du Congo. Ces terres, dont on ne connaissait rien et que personne ne voulait, se révélèrent plus tard être extrêmement riches.

L'INDUSTRIALISATIONDU CONGO (1)

PAR PIERRE VAN BOST

L’Etat Indépendant du Congo tira ses premiers revenus de la mise en valeur sommaire et rudimentaire des produits de cueillette et de l’ivoire en particulier. Mais Léopold II veilla à la mise en place de tout un programme de développement agricole et industriel. Des expéditions

furent organisées pour étudier le potentiel économique du pays. Dès 1890, le géo-logue Jules Cornet, attaché à l’expédition Bia-Francqui (1891-1893), mit en évidence le “scandale géologique” katangais ap-portant la preuve que son sous-sol était immensément riche.

En 1903, des prospections effectuées en Ituri découvrirent des alluvions aurifères et, à la même époque, on trouva le pre-mier diamant du Congo. La présence au Katanga de gîtes d’oxyde d’étain, appelé cassitérite, fut également révélée au début du 20e siècle (images 1, 2 et 3). La forêt congolaise qui couvre près de la moi-tié du territoire et caractérisée par une grande variété d'essences constituait une richesse naturelle pouvant fournir des bois aux usages les plus divers (image 4). De même, le potentiel agro-économique de ce pays équatorial était énorme, permettant d'envisager l'établissement de cultures industrielles de grandes plantations de

caféiers, de palmiers à huile ou d'arbres à caoutchouc (image 5). Mais pour mettre en valeur ces richesses, il fallait amener à pied d'œuvre tout un équipement industriel et, pour ce faire, il fallait disposer de voies de communication. Une des premières tâches de l’Etat fut donc de veiller à la construction de chemins de fer, de pistes, de routes et à l’aménagement des voies navigables (image 6).Pour équiper le pays en voies de communi-cation et en industries, il fallait de l'argent, beaucoup d'argent. L'Etat Indépendant du Congo n'ayant pas les moyens financiers, Léopold II fit appel à des capitaux privés

pour financer l'occupation et l'équipement du pays. A titre de garantie et de rémuné-ration des capitaux engagés, l'Etat concéda aux bailleurs de fonds des «privilèges», allant jusqu'à la pleine propriété de vastes domaines. Disposition économique astu-cieuse de Léopold II, l'Etat se fit remettre un nombre d'actions de dividende égal au nombre d'actions de capital émises, ce qui lui permettait ainsi d'encaisser la moitié des bénéfices réalisés par ces so-ciétés. L'Etat signa avec ces entreprises des Conventions ou Chartes définissant les droits et devoirs des deux parties. Les compagnies à charte étaient des états dans l'état; elles avaient le pouvoir de prélever les impôts en travail et d'organiser une force de police. Cela poussa certaines sociétés, dont l'Abir et l'Anversoise, de triste mémoire, à abuser de ce pouvoir et à commettre des actes condamnables qui entachèrent l'œuvre de Léopold II (voir carte).Deux holdings ont financé des entreprises au temps de l’Etat Indépendant du Congo : la Compagnie du Congo pour le Commerce

Image 1 Des prospections systématiques mirent en évidence d'énormes richesses, dans différentes régions du pays. Lorsqu’on prospecte une région, on commence par en établir la carte géologique. Si on a reconnu des indices de minéralisation intéressants, on fait un levé géologique détaillé du gisement avec des travaux de surface (tranchées et petits puits). (Photo UMHK)

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8 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

et l’Industrie, la C.C.C.I., et la Compagnie du Katanga, fondées respectivement en 1887 et 1891, toutes deux à l’initiative d’Albert Thys, officier d’ordonnance du roi Léopold II. Ces deux holdings furent puissamment soutenus financièrement dans leur action par la banque d’Outremer, constituée en 1898 par les principaux collaborateurs du Roi. Cet établissement financier créa des dizaines d’entreprises au Congo et, en 1900, il tint sur les fonds baptismaux le Comité Spécial du Katanga, le C.S.K., qui fut le moteur du développement industriel et économique de cette province. Le Groupe Empain, constitué en 1892 par Edouard Empain, intervint également au Congo en 1902 pour la construction des Chemins de Fer du Congo Supérieur aux Grands Lacs Africains, le C.F.L. Le Groupe Empain allait ensuite s'investir dans différents secteurs : transport, minier, immobilier, agricole, industriel et commercial. Un troisième groupe interviendra ensuite, avec de puissants moyens : la Société Gé-nérale de Belgique. Celle-ci, à l’initiative du roi Léopold II, participa en 1906 à la création de trois grandes compagnies co-loniales, l’Union Minière du Haut-Katanga, la Forminière et le chemin de fer du Bas-Congo au Katanga. En 1928, en absorbant

la Banque d’Outremer, la Société Générale s’assura du contrôle de la C.C.C.I., de la Compagnie du Katanga et donc du C.S.K., devenant ainsi le plus puissant groupe financier opérant au Congo Belge. D’autres sociétés ont été constituées à l'époque de l'E.I.C., dont la Compagnie du Lomami (1898), la Belgika (1899), la Compagnie du Kasaï (1901) et bien d’autres.

L’annexion par la Belgique procura au Congo l’assistance technique et les apports de fonds nécessaires à son développement. La politique économique du gouvernement colonial s’assigna comme premiers objec-tifs de mettre en place une infrastructure technique appropriée afin de développer la production des matières premières, d’organiser des transports performants et d’assurer une rémunération attrayante aux capitaux belges et étrangers investis dans la constitution d’entreprises. La guerre 1914-1918 retarda la mise en exécution de ce plan de développement qui ne fut effectivement entrepris qu’à partir de 1921. Pendant la période 1921-1929, de grands investissements ont été réalisés au Congo Belge. A partir de 1929, le Congo Belge eut à subir les affres de la crise économique

qui dura plusieurs années. Cette crise fut l’occasion de remettre en question la politique économique au Congo, trop tributaire de ses exportations. Tout en admettant que seuls les Européens étaient en état de concevoir, d’organiser et de gérer les grandes entreprises de trans-port, minières, agricoles et d’élevages, il apparut qu’une agriculture indigène, aidée techniquement et financièrement, pourrait jouer un rôle non négligeable dans l’éco-nomie du pays et lui assurer même une quasi autarcie alimentaire. Ainsi naquit le concept des paysannats indigènes. Hélas, une fois encore la guerre vint interrompre le développement harmonieux de ce plan.

Pendant la guerre 1940-1945, le Congo, coupé de la Belgique, se mit au service des puissances alliées pour leur apporter une aide la plus complète possible dans le domaine économique et entra dans une économie de guerre. Le Congo poussa ses productions pour répondre aux demandes des alliés. D’autre part, le Congo, coupé de ses fournisseurs habituels, compensa ces pertes en créant des industries de transformation permettant de satisfaire aux besoins locaux : industries alimentaires, textiles, chimiques et de la construction.

Economie

Carte foncière de 1905 montrant les étendues des terres concédées à des compagnies à charte, publiée

dans Le Mouvement Géographique du 17/12/1905.

1. Le Domaine de la Couronne. Attribué au Roi par décret du 8/3/1896.

2. La Société pour le Commerce du Haut-Congo, coproprié-taire en indivision avec la Compagnie pour le Commerce et l'Industrie et la Compagnie du Chemin de Fer du Congo des 150.000 hectares accordés en paiement des études préa-

lables à la construction du chemin de fer.3. L'Anglo-Belgian India Rubber (Abir) fondée le 6/8/1892.

4. La Société Anversoise de Commerce au Congo, fondée le 2/8/1892

5. La Compagnie des Chemins de Fer du Congo Supérieur aux Grands Lacs Africains constituée le 4/1/1902 et

qui reçut 4 millions d'hectares en échange de la construction de chemins de fer.

6. La Compagnie du Lomami fondée le 5/7/1898.7. La Compagnie du Katanga fondée le 17/4/1891. Proprié-

taire d'un tiers du territoire katangais à exploiter en compte commun avec l'Etat par le Comité Spécial du Katanga.8. La Compagnie du Kasaï constituée le 31/12/1901 par

l'Etat et quatorze sociétés privées (13 belges et 1 hollan-daise) pour la mise en valeur du District du Kasaï.

9. Le Comptoir Commercial Congolais fondé le 26/2/1898.

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9Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Image 2L’ivoire fut le premier produit exportable du Congo. Les en-treprises faisaient du troc avec les indigènes, leur échangeant des armes et de l’alcool contre de l’ivoire et du caoutchouc. Collection P. Van Bost

Image 3Le caoutchouc représenta un revenu important pour l’E.I.C. Pour se procurer du caoutchouc, l’Etat imposa aux Congolais un impôt en nature, consistant en une certaine quantité de latex. Voici un chef indigène apportant au poste de l’Etat la contribution de son village. Le Rail au Congo Belge, Ch. Blanchart

Image 4 La forêt congolaise constitue une richesse naturelle pouvant fournir une grande variété d'essences. Ici, abattage d’un limba dans la forêt du Mayumbe. F. Pierot, Lumière sur l'Afrique belge, 1958

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Ces industries continuèrent à se développer dans la période de l’après-guerre. Cette économie de guerre ne se fit pas sans mal. Le personnel tant européen qu’indigène fut soumis à rude épreuve. Les cadres européens ne purent être relevés pendant de longues années et les effectifs congolais, soumis à des exigences sans cesse renouvelées, travaillaient dans des conditions particulièrement dures et le matériel utilisé sans ménagement s’usait sans qu’on puisse le remplacer. Après cinq années d’efforts intensifs et continus, les hommes étaient éreintés et le matériel à la limite de l’usure.

Après la reprise progressive, en 1946, des relations entre la Belgique et sa colonie, il fallut avant tout restaurer et moderniser l’appareil économique du Congo. Divers projets de renouvellement et d’expansion envisagés, tant par le secteur privé que par le secteur public, devaient être coordonnés pour en assurer la réalisation et l’efficacité. Ce fut l’objet du «Plan Décennal pour le Développement économique et social du Congo Belge», que le ministre des Colonies, Pierre Wigny, présenta au Parlement en 1948 et qui visait une répartition judicieuse

et raisonnée des investissements à réali-ser au Congo dans tous les domaines. Le programme du Plan était de structurer l’économie intérieure, d’inclure les indigènes dans les cycles économiques, de créer et d’améliorer l’équipement économique de base. Le Plan consacrait aussi des sommes importantes au progrès social de la masse de la population congolaise, notamment pour améliorer l’alimentation, le logement, l’enseignement, la santé et l’hygiène, l’ap-provisionnement en eau potable et autres commodités domestiques.

Les capitaux nécessaires pour les inves-tissements prévus par le secteur public étaient estimés à l’origine à quelque 25 milliards de francs, mais la conjoncture exceptionnellement favorable des années de l’après-guerre permit de les porter à 51 milliards en 1957. Ces investissements furent totalement supportés par la Colonie, au prix d’une augmentation démesurée de sa dette publique qui passa entre 1950 et fin 1958 de 3.700 millions à 34.588 millions de francs.

Economie

Image 6. Une des premières tâches de l'Etat fut d'aménager les voies navigables, de construire des chemins de fer et des routes. Ici, au bac de Yangambi, la route traverse la voie d'eau. (1956) Collection Ch. Blanchart.

Image 5 Le climat tropical convenait pour l'établissement

de grandes plantations. Ici, une palmeraie naturelle aménagée. Ill. Congolaise, 1925

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Le coût global de tous les investissements privés dépassa les 85 milliards. Une bonne partie de ces investissements était réalisée par autofinancement, c’est-à-dire que tous les bénéfices des sociétés n’étaient pas exportés comme dividendes, mais qu’une part importante était réinvestie au Congo.Au cours de l’époque coloniale, le sec-teur privé fut donc le grand animateur de l’essor économique du pays, en prenant

à sa charge 70 % des investissements. Le secteur public finança l’amélioration de l’infrastructure économique et sociale de base, laissant à l’initiative privée le domaine direct de la production. Grace à une assistance technique dyna-mique et à des apports de capitaux, l'éco-nomie congolaise se développa considé-rablement et les Congolais ont largement profité de cette expansion économique

en voyant leur niveau de vie s'améliorer significativement. Le mouvement d’expansion poursuivi depuis la fin de la guerre par le commerce extérieur global a été stoppé en 1958 et le Congo entra dans une nouvelle récession, l’ère des excédents budgétaires était close. Ce dernier facteur aurait influencé les responsables belges quant à la décision d’abandonner le Congo en 1960.

Toute production exige de la main-d'œuvre, mais, au Congo, son recrutement fut un problème épineux au début de la colonisa-tion. Le pays était peu peuplé et souvent les hommes disponibles furent réquisitionnés pour assurer des services de portage. De plus, l'indigène était peu enclin à travail-ler pour les Européens, préférant vivre du produit de ses chasses, aussi fallut-il utiliser une certaine contrainte pour le mettre au travail. C'est ainsi que l'Etat In-dépendant s'octroya le droit de recruter des travailleurs et exigea des chefs de villages qu'ils fournissent des contingents de travailleurs pour exécuter des travaux d'utilité publique comme le portage, la construction de routes ou de chemins de fer. Quant aux entreprises privées, elles purent longtemps compter sur la bienveil-lance de l'Administration qui intervenait auprès des chefs pour qu'ils désignent des «volontaires» pour aller travailler chez les Blancs (image 8).

Le manque de main-d'œuvre locale obli-gea les entreprises à faire appel à de la main-d’œuvre étrangère recrutée dans les colonies voisines ou dans d'autres ré-gions du Congo. Le recrutement à distance demanda la mise sur pied de toute une organisation. Il fallut déplacer, acclimater, loger, soigner, cette main-d’œuvre. Les recrues devaient satisfaire aux critères de sélection et passer une visite médicale, elles étaient vaccinées ainsi que leur famille,

Image 7. Le manque de main-d'œuvre locale obligea souvent les entreprises coloniales à chercher des ouvriers dans des régions éloignées de leur exploitation. Ainsi pour la construction du Chemin de Fer du Congo, on

engagea même un contingent d'ouvriers chinois. Ill. Congolaise 1937.

Image 8. Pour la construction du réseau de la Compagnie des Grands Lacs, on fit appel à des ouvriers spécialisés originaires des colonies du golfe de Guinée. La masse des travailleurs était formée en partie de volontaires, en partie de travailleurs recrutés en vertu du décret sur les travaux d'utilité publique. Une vue du chantier de la construction du premier tronçon Stanleyville-Ponthierville. Le Rail au Congo Belge, Tome 1.

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avant d'entreprendre le voyage vers leur lieu de travail. Ces déplacements sur des centaines de kilomètres se faisaient en étapes soit à pied en caravanes, soit, si possible, par chemin de fer, voie fluviale ou transports routiers. Il fallait prévoir des gîtes d’étapes et veiller à la nourriture. Arrivées à destination, les recrues séjour-naient un certain temps dans un camp d’acclimatation. Malgré ce luxe de précau-tions, la mortalité était au début importante, tant pendant le voyage que pendant la période d’acclimatation (images 7 et 9). Les travailleurs n’étaient certainement pas sélectionnés en fonction de leurs qualifications professionnelles, ils n’en possédaient pas. Les entreprises durent former le personnel dont elles avaient besoin. Par la suite, elles se chargèrent de la formation professionnelle des enfants de leurs ouvriers, créant ainsi un noyau de main-d'œuvre stable.

Les travailleurs touchaient une part de leur rémunération en objets d'échange ou en numéraire, suivant les disponibilités, et une autre part sous forme d'une ration alimentaire. L’idée d’octroyer une partie de la rémunération en nature était d’assurer l’alimentation aux travailleurs et à leur fa-mille déplacés vers des centres industriels et miniers situés dans des régions où l’agri-

culture était insuffisamment développée. Comme, souvent, les populations locales ne pouvaient fournir les vivres nécessaires pour nourrir le personnel des entreprises, celles-ci organisèrent des cultures, des plantations et des élevages.

Tous les employeurs construisirent des habitations convenables pour leurs travail-leurs et leur famille. Des services médicaux comprenant des hôpitaux, des dispensaires, des maternités et des orphelinats, prodi-guèrent des soins médicaux gratuits aux ouvriers, aux membres de leur famille et même aux indigènes non employés et qui vivaient dans le voisinage de l’exploitation. Des consultations de nourrissons étaient organisées dans les camps des travail-leurs. Des œuvres sociales se chargèrent de l’éducation de la femme au foyer et organisèrent des distractions pour tous : activités sportives et fêtes populaires.

Pour protéger les travailleurs congolais, une législation sociale fut élaborée dès le début de l’E.I.C. et systématiquement améliorée pour devenir la plus progressiste de l’Afrique noire. C’est ainsi que se forma progressivement un monde de travailleurs congolais : ou-vriers de plantations, de mines ou d’usines, travailleurs de sociétés de transport ou

d’établissements commerciaux, formant en 1959, un groupe important d'un million cent-dix mille individus.

Le développement industriel du Congo, tel qu'il était en 1960, était l'œuvre d'un petit groupe d'Européens, Belges pour la plupart, mais sans oublier les 15% d'étrangers de toutes nationalités. C'étaient des gens cou-rageux abattant mille besognes dans des conditions souvent très difficiles, appelant à faire preuve de créativité, d'ingéniosité, d'esprit d'initiative, de débrouillardise et d'autonomie fonctionnelle. Ce résultat, ils l'ont obtenu grâce à la collaboration d'une main-d'œuvre indigène importante qu'ils formèrent et dirigèrent avec humanité.

A suivre ■

Economie

Image 9. L'Union Minière du Haut-Katanga débuta son

exploitation avec du personnel recruté en Rhodésie. A l'époque, ces travailleurs devaient effectuer de longs

trajets à pied pour se rendre au lieu de leur travail. Document UMHK.

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14 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Expéditions premières

A l’initiative du ministre des Colonies Rubbens, le commandant de réserve Louis Brondeel est chargé d’entreprendre un raid Belgique-Congo. Le but de sa mission est de démontrer que la traversée par voie de terre vers le Congo Belge n’est pas réservée aux voitures de grand tourisme, mais qu’elle peut être effectuée par des camions poids lourds. Le 17 janvier 1934, une voiture et deux camions Dodge stationnent sur la place de Brouckère. Une foule de curieux les entoure.

EN CAMION !

PAR JEAN-PIERRE SONCK

Atreize heures, les par-ticipants du raid Bel-gique-Congo quittent Bruxelles vers le sud de la France. Ils doivent rejoindre Port Vendre où les véhicules em-barqueront vers l’Algé-rie. Le raid est annoncé par le quotidien L’Echo

d’Alger qui précise que la croisière trans-saharienne prendra la direction du Congo Belge et suivra l’itinéraire suivant : Alger, Reggane, Bidon V, Gao, Kano, lac Tchad, Fort Lamy, Bangassou, Stanleyville, Irumu, Bukavu et Kitega. L’équipe est placée sous le commandement de Louis Brondeel et se compose du docteur Storms, méde-cin de l’expédition, du cinéaste Charles Dekeukeleire, de l’opérateur de prises de vues François Rents, de Paul Neu-ray, journaliste à La Nation Belge et de chauffeurs-mécaniciens expérimentés. Le ravitaillement en eau, vivres, carburant, huile, pneumatiques, pièces de rechange et outils, a été soigneusement préparé. Chaque véhicule emporte une pelle, une pioche, une hache, 300 mètres de corde et

un treillis en cas d’enlisement. Les camions Dodge sont réputés pour leur robustesse, leur suspension et la puissance de leur moteur. La route de 450 km qui relie Alger à La-ghouat ne présente pas de difficultés, mais la progression sur les 6.500 km restants pour atteindre la frontière du Congo Belge s’effectue sur des pistes à peine tracées. Les parcourir avec des camions chargés relève de l’exploit. Quelques sportifs de haut niveau ont réussi la traversée du désert en voiture de tourisme dont le Prince de Ligne. Le désert du Sahara n’est pas uniformément composé de sable. On y rencontre des terrains rocheux, des regs et des ergs. Les régions rocheuses se rencontrent surtout au Hoggar où les montagnes arides s’élèvent jusqu’à 3.000 mètres d’altitude. Les regs sont des plateaux couverts de gravier et la progression y est facile. L’erg est une vaste étendue de sable dans laquelle le vent forme des dunes. Un réservoir d’essence supplémentaire a été installé sur chaque véhicule, car les postes de ravitaillement sont fort éloignés l’un de l’autre. Les autorités françaises prévoient l’envoi de secours lorsque les

automobilistes restent trop longtemps en route entre deux postes, mais il faut prévoir une importante réserve d’eau au cas où l’on s’égare. La ration individuelle est de cinq litres par jour.Le nord du Sahara est une région parcou-rue de pistes assez bonnes jalonnées par des pierres mises en tas. Celles-ci sont

Les véhicules prêts au départ

Le Cdt Brondeel pose devant un des camion Dodge transfomés.

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15Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

fort fréquentées. Leur surface prend un profil à ondulation régulière comparable à la tôle ondulée. Entre Adrar et Reggane, séparés de 140 km, le convoi rencontre un autobus en panne sur la piste. Le chauffeur est parti à pied chercher des secours à Reggane. L’arrivée des véhicules de l’ex-pédition belge sauve les passagers d’une

mort probable. Plus les participants du raid s’enfoncent vers le sud, plus le tracé devient incertain, car les jalons de la voie du Tannesrouft disparaissent. Tous les cinquante kilomètres, il y a un fût d’es-sence vide appelé Bidon 1, 2, 3 et ainsi de suite. Le plus connu est Bidon 5 qui a fait beaucoup parler de lui. A l’origine, ils

indiquaient qu’une réserve d’eau avait été enterrée. Quand le convoi du comman-dant Brondeel parvient en plein Sahara, le seul repère de la direction à suivre est la trace des véhicules qui l’ont précédé sur la piste. La nuit, les traces de pneus se perdent facilement et au bout de quelques heures, les véhicules sont bloqués dans du sable mou. Louis Brondeel est paré à toutes éventualités. Au cas où il s’égare, il progresse à la boussole, à la lumière des étoiles ou selon la position du so-leil. Les difficultés s’amenuisent lorsque l’expédition belge parvient à Gao sur le fleuve Niger. La traversée de l’Afrique Occidentale Française, de la Nigérie britannique et de l’Afrique Equatoriale Française présente peu de difficultés. Les pistes sont bien entretenues, mais il faut rouler prudemment. A son arrivée à Bangassou, le commandant Brondeel expédie un télégramme à SM Albert Ier. Le roi lui répond en félicitant les partici-pants de l’expédition. L’entrée au Congo Belge s’effectue par le poste-douanier de Monga, une simple barrière en bois avec une pancarte marquée Douane et un drapeau belge près de la frontière. Le rythme de la progression s’accélère et l’expédition rejoint Buta après avoir traversé plusieurs rivières en bac. Elle s’arrête au camp militaire et reçoit l’aide nécessaire pour poursuivre sa route vers Stanleyville. L’accueil est chaleureux. Le commandant Brondeel, revêtu de l’uniforme colonial confectionné à Bruxelles, est félicité par les autorités de la province. Il poursuit sa route vers Bukavu et traverse une partie du Burundi jusqu’au Tanganyika. Après quelques jours de repos, l’expédition prend le chemin du retour par un itinéraire un peu différent et rejoint Bruxelles. En trois mois et demi, elle a parcouru 26.457 ki-lomètres.

Tout au long du parcours, Paul Neuray a pris des notes qui paraîtront dans une série d’articles dans La Nation Belge. Le cinéaste Charles Dekeukeleire et l’opéra-teur de prises de vues François Rents ont mis à profit chaque halte pour filmer le paysage et les habitants. Charles Dekeu-keleire en tire le film Terres brûlées en 1934, pour lequel il reçoit en 1935 le Prix du Gouvernement au titre de meilleur film belge de l’année. Les photos insérées proviennent de L’Avenir belge. ■

La voiture Dodge occupée par le Cdt Brondeel arrive à Tamanrasset dans le Hoggar

Réception à Bukavu. Le Cdt Brondeel en uniforme colonial

Le commandant Brondeel et ses collaborateurs à Bruxelles

Rencontre avec des Touaregs dans le Hoggar

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passage, j’ai constaté que J.-G. Domergue exportait, avec succès, ses fades et gluantes effigies de midinettes parisiennes : c’était l’événement artistique de la saison).A l’autre extrémité de la ville, les buildings administratifs, sobres et modernes, se dressent dans un grand vide. Léopold II sur son cheval de bronze y a plus de place qu’à Bruxelles.Mais on ne sait où est le véritable centre de cette ville sans visage, sans style, sans unité ; où donc sont le cœur et la vie de cette ville ? Mais a-t-elle un cœur, et y vit-on vraiment ?Il n'y a pas un seul banc public ; pas de flânerie possible... Mais c'est, jeune homme, que nous ne sommes pas ici pour flâner !La population est d'âge à peu près uni-forme : des adultes, des hommes dans la force de l'âge – pas de vieillards et pas de jeunes gens. Et ils ne vivent pas ici : ils n'y ont point de racines, ils sont là seulement pour produire et leur activité

Les sous-titres qui introduisent les différents chapitres ont été ajoutés pour permettre au lecteur de mieux en identifier a priori le contenu.

Le centre commercial et administratif

Léopoldville est une ville confortable, luxueuse même, ce qui fait croire aux coloniaux qu’elle est belle. En fait, elle est informe, parce que c’est une très grande ville, qu’à l’origine on a pensée petite, ou plutôt, que l’on a été incapable de penser ou de prévoir. Construite entre le fleuve et la Cité indigène, elle n’a pu trouver d’extension qu’en longueur, et ainsi a pris l’aspect d’un boyau, démesurément étiré, et dépourvu d’épaisseur. C’est un inter-minable boulevard jalonné de buildings alternant avec des terrains vagues. Ici se greffe le centre des affaires, plus loin, le centre commercial.

A l’autre bout, le centre administratif ; dans un coin, il y a la gare et la cathédrale (pour qu’on ne confonde pas, on a doté cette dernière d’un clocher surmonté d’une croix). Puis, un peu partout, il y a des banques, qui par leur style et leur majesté semblent être les véritables cathédrales. Léo : une jachère plantée de banques.Dans le quartier des magasins, si les épi-ceries sont bien achalandées, les rares librairies, par contre, ne débitent guère plus de littérature que celles-là. Comme je m’enquérais de plusieurs ouvrages fonda-mentaux d’ethnologie, d’art ou d’histoire africains, je me faisais rétorquer inva-riablement : “Oh ! pour cela vous devez vous adresser en Europe !” Comme si, sur place, on pouvait s’intéresser à l’Afrique !Du reste, ce n’est pas la seule chose dont il faut se passer. Il est difficile ici d’entendre tant soit peu de bonne musique ; ou de contempler un morceau de bonne peinture (mais il y a des expositions : lors de mon

Histoire coloniale

Neveu de Pierre Ryckmans, illustre gouverneur général du Congo de 1934 à 1946, et cousin d’André Ryckmans, fils tout autant illustre du même gouverneur général et qui périt le 17 juillet 1960 sous les balles des soldats rebellés de la Force publique, Pierre E. Ryckmans décide en 1956 de visiter le Congo belge, la capitale aussi bien que les villages de brousse, alors qu’il est encore étudiant à l’UCL. Il en relate l’aventure dans un unique article paru dans la Revue générale belge (qui deviendra la Revue générale) en septembre 1958, sous le titre de Léopoldville, blanche et noire, où perçent déjà la lucidité et la sévérité dont il fera preuve dans ses écrits sur la Chine, sous le pseudonyme de Simon Leys. De cet article, seule en paraîtra la première partie sur Léopoldville, pour une raison restée inexpliquée mais à laquelle la plume acerbe de l’auteur ne doit sans doute pas être étrangère. A l’occasion de son décès, la Revue générale a republié intégralement l'article en 2016. Ce texte, essentiel pour notre revue qui a pris le parti d’ouvrir ses colonnes à la critique de la colonisation – afin de mieux persuader les détracteurs inconditionnels de l’épopée coloniale belge de la vérité qu’elle recherche dans ses articles à décharge de celle-ci –, est ici reproduit dans son intégralité, en deux livraisons successives.

PAR PIERRE E. RYCKMANS alias SIMON LEYS

LÉO-LA-DOUBLE

LÉOPOLDVILLE, BLANCHE ET NOIRE (1/2)

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17Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

est orientée en fonction de leur retour chez eux, en Europe. De là le caractère artificiel, presque inhumain, de cette ville, qui n'en est pas une. Ce n'est qu'un vaste bureau, un comptoir, une espèce de lieu d'escale, où les hommes ne restent que pour un temps, où ils n'ont rien amené d'eux-mêmes, rien de gratuit, rien de beau, rien d'essentiel. Ils ne sont ici que pour un certain terme, dont chaque instant est exploité de manière à fournir un maxi-mum de rendement. Pour ce qui est de vivre vraiment, on y songera en Europe.Léopoldville est divisée en deux cités : celle des blancs et celle des noirs.

Le cloisonnement est strict : pas un évolué noir n'habite la ville européenne. De leur côté, les Européens ne mettent guère les pieds dans la cité indigène. Ils se hasardent à peine le long de la grande avenue qui la traverse de part en part, ou se promènent au marché, en touristes, à la recherche de couleur locale. Dès la tombée de la nuit, l'accès de la cité indigène leur est d'ailleurs interdit. (En effet les expéditions nocturnes, elles, auraient plus d'amateurs ; du reste, l'interdiction a été tournée : le client ne pouvant aller à la marchandise, la marchandise vient à lui. Les prostituées noires attendent, nombreuses, dans les

coins d'ombre du quartier commerçant qui sépare la ville européenne de la cité...). L'honnêteté et l'objectivité devraient m'obli-ger à saluer ici la grande ville européenne active et prospère, en pleine expansion sur une terre où, il n'y a pas si longtemps, régnaient en tyrans absolus le soleil, les fièvres et la forêt ... Mais, pour savoir cela, et pour l'écrire, il ne m'était pas nécessaire d'aller en Afrique. Je n'écris pas ce que je sais, mais ce que l'Afrique m'a fait ressen-tir : et en l'occurrence, de Léopoldville, il ne me reste qu'une vision dominant et estompant toutes les autres, celle des deux cités séparées. Quelles que soient les causes ou même les justifications de cette séparation (il ne m'appartient pas de les juger), comment se délivrer jamais de l'obsédante image d'un somptueux ghetto pour blancs, d'où chaque soir se retire la population des travailleurs et employés noirs, regagnant leur ville, cette mer de taudis, qui encercle de sa misère l'îlot fleuri des Européens ?

La cité indigèneHypnotisé par l'autre cité, j'allais y flâner souvent. Je tâchais de multiplier les contacts avec les Africains. Mais restant toujours sur ma faim, une inquiétude me tenaillait. Comme Fabrice del Dongo qui, pour le

Port de Léopoldville. © Congopress C. Lamote

Quartier commercial de Léopoldville © Congopress. H. Goldstein

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18 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Histoire coloniale

restant de ses jours, devait se demander si, réellement, il avait bien assisté à la ba-taille de Waterloo, je ne voulais pas avoir à douter plus tard d'avoir été en Afrique. Et, dès Matadi, j'avais flairé le danger, celui de me laisser tout naturellement, par la force des choses, enfermer dans une Europe d'outre-mer. (Dans la suite de mon voyage, en brousse, ce péril-là fut bien conjuré : les hasards de l'auto-stop, le vagabondage solitaire, et puis les longues marches par les sentiers indigènes, les étapes dans les villages noirs, se chargèrent de me mettre en contact direct avec l'Afrique.)Il n'y avait qu'une solution : aller vivre dans la Cité indigène. Je fis part de ce désir à un évolué dont j'avais fait la connais-sance : il y répondit selon mes vœux, en m'invitant à passer quelques jours chez lui. Me voilà, enfin, entrant pour de bon dans l'Afrique urbaine.Après la ville européenne, et ses rubans de macadam où ne se croisent que des voitures rapides et luxueuses, entrer dans la Cité indigène, et s'immerger dans sa foule grouillante, c'est prendre un bain d'humanité.

Au pied des palmiers impassibles, dressés dans leur raideur poussiéreuse, s'accroupit l'amoncellement des cases : et c'est une prolifération d'agglomérats de tôles, de planches, morceaux de caisses et chaumes pourris qui abrite tout un monde, vivant à moitié en plein air. Entassés les uns sur les autres, les artisans imperturbables travaillent à leurs petits métiers, les phi-losophes palabrent, les vieillards font la sieste, les enfants tout nus se roulent dans le sable, les femmes font mijoter de grosses marmites sur des feux de bois.

Dans les chemins taillés à angle droit, qui font des trouées à travers ce chaos d'en-clos, de cases, d'échoppes, la foule lente coule sans but dans une fanfare de cris et une gloire de couleurs. Dans la lumière blanche, éclatent les grandes taches que font les pagnes et les madras des femmes, avec des dissonances triomphantes. Les odeurs mélangées de la sueur, des parfums de traite, du manioc pourri, des fumées de feux de bois, des égouts sta-gnants à ciel ouvert, s'exacerbent sous le soleil.

Et puis, plus haut, plus fort que les mille voix mêlées, cris des marchands, discus-sions des badauds, querelles, appels, rires aigus des femmes autour des fontaines, il y a le hurlement monotone de la musique des bars : chaque bar de la cité possède un lot d'une demi-douzaine de mauvais disques sud-américains ou pseudo-africains qu'il fait meugler inlassablement. La violence supplée à l'usure ; ainsi, jour et nuit, sans un instant de trêve, cette clameur martelée de rythmes emplit obstinément l'espace.

Et malgré toute cette violence – violence de la couleur, de la lumière, de la chaleur, des odeurs, des bruits –, la foule africaine présente, dans sa nonchalance, une har-monie inconnue de l'Europe. Une foule d'Europe n'est jamais qu'un attroupement d'individus affrontés, où chacun lutte avec entêtement pour frayer sa route solitaire. Tandis qu'une foule d'Afrique a quelque chose d'unanime, comme une houle de l'océan. Et la dignité souple des femmes en longs pagnes achève d'y conférer la grâce.La misère de la vieille Cité indigène n'a pas un aspect totalement inhumain, par

Vue aérienne des dernières extensions de la cité de Léopoldville. © Congopress, H. Goldstein.

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la fantaisie même avec laquelle elle s'étale sous les palmiers. Par contre, la nouvelle Cité, où habite mon ami, est figée dans la laideur et la pauvreté des habitations bon marché construites en série. Ici, c'est le moule banal et nu : des blocs qui s'alignent à la queue leu leu, sur deux rangs, se faisant vis-à-vis. Un univers de tôle et de ciment. Et le provisoire, devenu définitif, a coupé ses ailes à l'espérance.

La visite chez un autochtoneJ'entre dans la maison de mon hôte - appelons-le Joseph N..., - j'entre dans sa vie même. Le décor est réduit à sa plus simple expression : soudé à celui de ses voisins, son logement a quatre pièces, deux étages, tout résonnant des bruits d'à côté ; sol de ciment, un petit escalier de fer ; murs blanchis à la chaux ; accroché dans un coin, un calendrier publicitaire et une image pieuse ; une table et quatre chaises, dans la salle commune.

Dans la cuisine, un fourneau et une éta-gère avec de la vaisselle en fer blanc. À l'étage, sous les tôles brûlantes du toit, une chambre à coucher, un réduit et le “salon” : celui-ci est éclairé par deux lucarnes étroites, percées trop haut, et meublé de deux fauteuils se faisant bêtement vis-à-vis

de part et d'autre d'une petite table. Ni eau ni électricité. Sentiment de vide absolu : pas de livres, aucun bibelot (même laid, du moment qu'il fût personnel !). Joseph, très simplement, me fait partager sa vie quotidienne.

Sa pauvreté d'abord, que j'ai vécue jusqu'à la saturation. Saturation du perpétuel or-dinaire de riz au pili-pili, agrémenté le dimanche d'un peu de viande bouillie et servi dans cette vaisselle de fer peinturlurée de laides fleurs ; saturation par l'enva-hissement des bruits, cette musique des bars, qui finit par vous coller au cerveau, jusque dans le sommeil. Saturation de la promiscuité, de la laideur et de l'anonymat, dans cette banlieue où s'entassent les machines-à-habiter, trop exiguës.

Un jour que nous étions cinq à table, comme il ne possédait que quatre chaises, il dut partager pour moitié une chaise avec sa femme. Et ainsi, ils mangeaient leur soupe, l'un à côté de l'autre, mais se tournant à moitié le dos, pour conserver leur équilibre. Cette image de dénue-ment matériel n'aurait pas comporté tant d'amertume, si je n'avais su de quel dé-nuement et quelle solitude intérieure elle s'accompagnait.

La femme congolaiseSa femme était quasiment une primitive (et quelle autre femme aurait-il pu trouver ?). La première fois qu'elle m'a vu, lorsque je suis entré dans la maison, elle a reculé lentement, sans me quitter du regard ; puis s'est immobilisée, à bonne distance, muette, me regardant avec les grands yeux fixes d'un animal de brousse, qui se fige avant de bondir en fuite. Joseph lui parle en kikongo de cette voix que l'on prend pour amadouer un animal familier auquel on doit faire admettre progressivement la présence d'un étranger; elle baisse la tête, se tortille, et me regarde par en des-sous. Puis soudain, légère sur ses pieds nus, elle s'enfuit. Et je ne devais guère la voir durant ce bref séjour que comme une apparition furtive, drapée dans ses grands pagnes rouges et bleus, avec, à ses oreilles, l'éclat de bijoux, fer blanc de chez Sarma, qui, sur elle, devenaient parure sauvage et royale. L'odeur de son parfum violent et vulgaire flottait sur son passage ; quelquefois, j'entendais derrière le mur ses interminables bavardages avec la voisine, entrecoupés de rires aigus. À table, elle se hâtait de manger, m'observant à la dérobée, puis disparaissait prestement.Joseph me parle d'elle ; il l'a choisie parce qu'elle est belle et qu'elle est sage, parce

Ouverture solennelle de la 3e année académique de l'Université Lovanium à Kimwenza en 1956. Photo Makula, Congopresse.

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Histoire coloniale

qu'elle n'est pas dépensière, et qu'au village il connaît sa famille de longue date – des gens dignes et qui ont des traditions. Il s'applique à lui apprendre toutes sortes de choses : à cuisiner dans la maison sur le fourneau, plutôt que dehors, sur son petit feu de bois. A parler français.Mais en fait, il n'a de commun avec elle que ce qu'il a pu lui enseigner à force de patience.

La condition d’évoluéIl vit profondément seul. Seul avec ses rêves avortés, avec les ambitions qui fer-mentent en lui et le rongent comme un acide, avec son amertume qui s'accroît de jour en jour.L'immense aventure si riche d'espérance, commencée le jour où, enfant, il avait quitté son village pour aller à l'école et qui l'avait porté après ses études moyennes, puis sa formation para-universitaire, jusqu'à l'emploi qu'il exerce maintenant dans une administration, a tourné court et s'est terminée ici. Il a définitivement quitté le rivage de son enfance, et, pour gagner l'autre rive, fascinant mirage, il a abandonné tout son bagage, rompu ces liens obscurs et nourriciers qui sont tissés entre un homme et son passé.

Mais maintenant, le voilà coupé des siens, privé de toutes ses racines, en dérive, sans avoir pu atteindre cet autre monde apparu en rêve, en marge duquel sa vie va s'écouler dorénavant sans issue.

Sa faim, toujours déçue, est aussi tous les jours ravivée : il a, pour lui rappeler sa condition, le spectacle quotidien de ce paradis où les autres, les blancs seuls, connaissent la liberté et la considération, la richesse et le pouvoir. C'est chez eux, c'est pour eux qu'il travaille tous les jours. Et tous les soirs, il retrouve sa petite cage de ciment dans la ville noire. Tous les soirs, il se retrouve devant le mur.Et ceci éclaire cette préoccupation exclusive qui possède tous les évolués d'Afrique : l'action politique. Joseph, ses amis, tant d'autres encore, rencontrés dans la suite, étaient tous animés d'une ardente ambition faite à la fois d'un sentiment de respon-sabilité vis-à-vis de la masse congolaise, mais surtout d'une violente aspiration à une auto-détermination individuelle.L'action politique est pour eux la seule forme d'action, l'activité humaine par excellence, car elle leur apparaît comme l'unique moyen de modifier leur condi-tion, d'avoir barre sur leur propre desti-née. C'est la seule porte entrebâillée, qui leur permette l'espoir de poursuivre cette marche, commencée lorsqu'ils ont quitté le village natal, et maintenant stoppée dans une situation de dépendance, ressentie comme une humiliation permanente.Par cette voie seule, ils peuvent redevenir présents au monde en agissant sur lui. Cesser d'être menés comme des enfants dont les actes ne sont qu'un jeu sans im-portance, auquel les adultes n'accordent guère qu'un sourire pour toute attention.

Devenir des hommes libres dont il faut tenir compte.Mais c'est ainsi que le critère d'efficacité politique régit de manière absolue toutes leurs activités, le choix de leurs études. La culture, comme telle, ne les intéresse en rien. Ils en sont d'ailleurs complètement démunis ; mais en même temps, ils ont une étonnante soif d'une certaine forme de culture : il ne s'agit en aucune manière de cette curiosité gratuite, seule féconde, mais de la rage obstinée d'hommes en-fermés, cherchant le levier qui fera sauter les barreaux et permettra de déboucher à la lumière.Une faim insatiable les habite, appuyée sur toute la force de leur volonté ; si seu-lement tout le savoir qui nous constitue, nous autres blancs, pouvait se traduire en formules imprimées, quand bien même la somme en formerait une montagne de livres ; cette montagne, ils seraient de taille à l'avaler. La clef ! La clef ! Qu'on leur livre donc le Sésame qui nous ouvre toutes les portes, au nom duquel nous habitons cette cité dorée sur une terre qui n'est pas la nôtre ...

Ils lisent comme on laboure un champ : obstinément. Ils se nourrissent de tout ce qu'ils peuvent trouver. (Joseph avait ramené de son bureau un exemplaire abîmé du Code colonial, qu'il avait appris à peu près par cœur, un vieux manuel d'économie politique et quelques revues dépareillées.) A suivre ■

Le Gouverneur Général L. Pétillon inaugure la statue de Stanley. © Congopress, H. Goldstein, 1956

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Petite histoire

Le lecteur avide de bandes dessinées ne se préoccupe pas nécessairement de l’analyse génétique de l’œuvre. Il se contente de prendre plaisir à se plonger dans l’aventure. Le dessinateur par contre, devant sa feuille blanche, est obligé de se triturer les méninges pour inventer une histoire. Certains, comme Hergé, féru d’authenticité, prennent soin de se documenter et d’interroger des témoins, ce qui fut le cas pour Tintin au Congo, car l’auteur, à l’instar de Léopold II, n’eut pas le loisir d’en arpenter les pistes. Il n’est pas exclu cependant que notre grand dessinateur n’ait eu vent de la peu courante aventure relatée ci-après.

TINTIN A LUBUDI ?

PAR EMILY BEAUVENT

Le 3 novembre 1928, Sidonie Descamps- Godard, ainsi que ses deux filles, Christiane 10 ans et Josée 5 ans, se rendirent au magasin Mallel afin d'y acheter un cadeau d'anniver-saire pour Charles Des-camps, leur mari et père.

On pouvait trouver un peu de tout au magasin Mallel, de la boîte de sardines aux cotonnades, en passant par le sucre ou le whisky, comme c'était souvent le cas au Congo, et surtout en brousse.

Alors que la nuit commençait à tomber, Moshe Mallel proposa de reconduire tout ce petit monde à la maison. C’était sans compter avec une locomotive re-morquant des wagons chargés de sacs de ciment, roulant tous feux éteints sur une voie en légère pente. Ce qui devait arriver arriva, le mécanicien Honoré

Gongo n'eut pas le temps d'actionner le système de freinage ou le fit trop tardivement. La collision fut inévitable et la voiture fut entraînée sur la voie ferrée sur une distance d’environ 158 mètres. Les fillettes, assises à l'arrière, furent éjectées sous le choc, le corps de leur mère ayant fait bouclier. Sido-nie resta un pied et une jambe coin-cés dans la voiture et son calvaire fut interminable. Le serviteur indigène Moke fut blessé également. Quant au conducteur, Moshe Mallel, il s'en sortit quasi indemne.

L’affaire fut jugée par le tribunal d’Eli-sabethville, le 6 décembre 1930, Salin, Sooghen et de Lannoy, juges, Sohier, procureur général, avocats Van der Mersch pour l’appelant et Jamar pour les intimés. Le jugement fut on ne peut plus catégorique : “Lorsqu’un train tamponne une automobile à un passage à niveau non gardé, la nuit, que le train n’est pas

éclairé et qu’il roule à une trop grande vitesse, que le passage à niveau n’est pas visible de la route dans la courbe qui précède, que les abords du passage à niveau ne sont ni débroussaillés ni dégagés, que le conducteur de l’auto-mobile ne commettait pas d’excès de vitesse et qu’il n’est pas établi qu’il a entendu les signaux d’avertissement de la locomotive, le conducteur n’a pas de part de responsabilité dans l’accident. Cette responsabilité incombe entière au chemin de fer seul.”

L’affaire était sans doute trop belle pour un Bruxellois en quête d’anecdotes amusantes pour son Tintin au Congo. Voyons ce que nous en dit François-Mi-chel van der Mersch : “Comme toujours avec Hergé – que j'ai pisté longuement et de près pour mon livre La Révolu-tion Belgique (Racine, 2000, pp. 58, 72, 106 et 511) – réalité et fiction sont intimement mêlées, difficiles à séparer.”

Vers 1930, Hergé, Georges Rémy (RG) pour l’état civil, débutait dans la bande dessinée et ne savait pas encore qu’il en deviendrait un des plus grands gé-nies. On peut imaginer qu’il fut tout naturellement incité par le quotidien catholique bruxellois Le vingtième siècle, à promener son reporter Tintin au Congo Belge qui tenait alors une place importante dans l’imaginaire populaire. Ce faisant, il contribuait en plus à éveiller des vocations auprès des lecteurs du supplément hebdomadaire Le Petit Vingtième. La Belgique recrutait à tout va pour sa colonie.

Véhicule de Moshe Mallel, accidenté à Lubudi.

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Le principe de la bande dessinée était d’un gag par page. Ne connaissant rien de la colonie belge, de son propre aveu, mais avide de précision et prompt à coller à l’actualité, le dessinateur ne tardera sans doute pas à être informé de l’affaire surréaliste dans laquelle un train conduit par un Noir a été condamné en justice pour avoir heurté la voiture d’un Blanc au passage à niveau de Lubudi (Katanga).

Hergé n’en retient que la collision, qu’il situe quelque part sur la ligne Matadi-Kinshasa. Il vient d’acquérir à Matadi la fameuse Ford T à bord de laquelle il accomplira l’essentiel de ses exploits en terre congolaise et qui illustrera la couverture de l’album dans ses différentes éditions. Et fera l’ob-jet d’un timbre officiel en 2001. Dans l’album il rend Tintin indirectement responsable de la collision, pour être resté bloqué dans les rails à l’arrivée du train. Celui-ci s’empresse du reste de présenter ses excuses : « Je suis désolé, croyez-le bien. » Rien dans les trois pages consacrées à l’anecdote ne permet en outre de détecter une prise de position politique de l’auteur ni une mise en cause de l’administration coloniale, fût-elle implicite; et certainement pas de la part des enfants qui formaient le lectorat premier.

La voiture accidentée à Lubudi n’opéra que comme détonateur de l’aventure. Et comme Hergé n’avait pas pour ha-

bitude de copier, la Chrysler 6, quatre portes, décapotable, la voiture moderne la plus vendue au monde à l’époque, n’a qu’une vague ressemblance avec la Ford T immatriculée 1385. De plus sous le crayon d’Hergé ce fut la loco-motive qui trinqua et non la voiture. La seule blessure fut la petite bosse, sur le crâne d’un petit passager.

Notons en passant qu’avec la décolo-nisation Tintin au Congo n’échappera pas à la sur-correction morale chère aux détracteurs de la colonisation de l’Afrique subsaharienne. Hergé ne reniera rien mais refusera de mettre l’histoire au goût du jour. «C’était en 1930, expliquera-t-il à Numa Sadoul en 1975. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l'époque : les nègres sont de grands enfants, heureusement pour eux nous sommes là... Je les ai dessinés, ces Afri-cains, d'après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l'époque, en Belgique.»

Le Congo d’aujourd’hui n’est pas loin d’accepter le point de vue d’Hergé, allant jusqu’à publier la bande dessinée dans les colonnes de ses journaux, et faisant dire à un de ses ministres de la culture que Tintin au Congo faisait partie du patrimoine congolais. Les ateliers spécialisés en souvenirs du Congo et les étals où ils sont mis en vente en fournissent la preuve, pour le plus grand plaisir des touristes.■

Notes complémentaires

Sur la cimenterie de LubudiLa CIMENKAT est parmi les créations les plus anciennes qui ont accompagné l'industrie du cuivre et le développe-ment des constructions des centrales hydroélectriques devant desservir le traitement du minerai, sans oublier l’édification des maisons destinées au logement des cadres et des travailleurs, de même que des bureaux destinés à l’administration. Sa création remonte à 1922. Outre la couverture des besoins de la société minière elle-même, la Cimenterie du Katanga couvrira tous les secteurs d'activité de la province et des deux Kasaï.

Sur le réseau ferroviaire du KatangaComme le Congo lui-même malgré sa vastitude avait besoin d’un chemin de fer pour se développer et s’ouvrir au marché mondial, comme le fit remar-quer si judicieusement Stanley, le Ka-tanga avait besoin de rails pour prendre son élan. La Compagnie de chemin de fer du Katanga (CFK) fut créée le 11 mars 1902 par Robert Williams en partenariat avec l’État indépendant du Congo. Elle reliait le Lualaba (Bu-kama) à la frontière de la Rhodésie (Sakania). En 1952, elle fusionna avec la Société de chemin de fer Léopold-ville- Katanga-Dilolo pour constituer la Compagnie de chemin de fer du Katan-ga-Dilolo-Léopoldville, KDL en sigle.

Petite histoire

Planche extraite de Tintin au Congo, Editions Casterman, 1946.

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Quelques dates qui sonnent comme d’éclatantes victoires sur le sous-dé-veloppement :- Sakania–Elisabethville, actuellement

Lubumbashi (241,7km), le 1er octobre 1910 ;

- Elisabethville–Ruashi (15,2km), le 1er novembre 1910 (embranchement) ;

- Lubumbashi–Jadotville, actuellement Likasi (140,5 km), le 15 juin 1913 ;

- Likasi - Kamatanda Jonction– Tenke - Tshilongo (114,3km), le 15 juillet 1914 ;

- Tshilongo - Lubudi 89,4km), le 1er avril 1918 ;

- Lubudi - Bukama, (114,4km), le 22 mai 1918 ;

- Kamatanda Jonction - Mines de Kambove, (29,6km), le 15 juin 1913 (embranchement) ;

- Kambove-Mines de Kamfundwa (8,9km), en 1924 (embranchement)  ;

- Likasi - Panda-Kakontwe, (6,6km), en 1928 (embranchement).

Sur les sources de l’articleLes familles Descamps et Mallel qui ont accepté de livrer leur témoignage sur ce fait divers aux conséquences pour le moins inédites.L’aide de François-Michel van der Mersch a été déterminante pour les liens de l’accident de Lubudi avec Hergé, les minutes du procès et les documents. De plus celui-ci a permis de comprendre comment le récit conduira à la mise en cause du système colonial, une fois que l’album aura quitté les mains des enfants pour celui des adultes, et que Georges Rémy sera de mieux en mieux perçu, sous le couvert de l’humour, comme un témoin de son temps.Jo Mallel : “Mon père à Lubudi a fondé la 'Maison Moïse Mallel'. Il a été un des créateurs de la ville avec M. Porte, directeur de Cimenkat. Il y a créé les premières plantations de pommes de terre à Moukabikasari en 1937. Par la suite, son cousin Abram Habib a démar-ré la première minoterie à Moukoula-koulou. Enfin, voilà un peu d'histoire.

Aujourd'hui, plus rien n'existe...”François-Michel van der Mersch : “En juillet 1928, le roi Albert et la reine Elisabeth visitent le Katanga. C’est au cours de ce voyage royal que Moshe Mallel aurait piloté le roi au plateau du Biano dans sa propre voiture ... celle de l’accident quatre mois plus tard.”

Christiane Cornu-Descamps, petite-fille de Sidonie : “Charles Descamps, mon grand-père, partit travailler dès 1926 pour la Cimenkat à Lubudi. La même année, son épouse Sidonie Godard ainsi que ses deux filles, Christiane (Maman) et Marie-José le rejoignirent. Lorsque la famille arriva à Lubudi le directeur était un certain M. Lariel, in-génieur chimiste. M. Porte le remplaça plus tard, pendant ou après la guerre.”

Que tous soient ici remerciés pour leur collaboration, aussi sympathique que précieuse.

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répliquai-je narquois. Amédée n’est pas gâté par son physique : de petite taille, rondouillard, claudiquant légèrement, il corrige son handicap par une bonhomie naturelle. Serviable, toujours sur la brèche, très actif malgré ses septante-deux ans, il dirige en bon père de famille le cercle qu’il a fondé voilà bientôt vingt ans. Son franc-parler légendaire doublé d’un sens de l’humour incomparable lui vaut la sympathie des Evillois. Ingénieur mé-canicien dans une importante société de la place, la Cofoka, il fut contraint à l’âge de cinquante ans d’arrêter ses activités à la suite d’un grave accident professionnel.

Grâce à un carnet d’adresses diversifié dans les milieux les plus en vue, ceux parmi les Evillois qui ont recours à ses introductions pour obtenir soit une faveur soit régler un litige ont souvent obtenu

En ce mois de mai 1953, le déjeuner qui réunit la Chambre de Commerce d’Elisabethville et la délé-gation Fabrimétal belge et luxembourgeoise à l’hôtel Léo II se termine. Celle-ci est composée de repré-sentants de la métallurgie, dont Cockerill, Ougrée Ma-

rihaye, l’Arbed, Boël, les forges de Clabecq ainsi que quelques sidérurgistes comme : T.M.T., Tubes de la Meuse, Magotteau, Eloi, Cuivre et Zinc, etc.Toutes ces usines sont représentées au Congo belge dans les différentes pro-vinces dont le Katanga par des sociétés spécialisées dans la vente ex-stocks des aciers telles que : Jouret, Procongo, Unag, Synkin, membres avec bien d’autres de la Chambre de Commerce, dont je suis

le délégué responsable du bon dérou-lement de l’accueil. Après le discours de circonstance de M. Volter, président de la délégation, l’assemblée se disloque lentement et les participants quittent la salle du restaurant sous le regard attentif d’Alberto Simonini, l’excellent maître d’hôtel du Léo II. Au moment de traverser la palmeraie qui jouxte la salle de res-taurant, un nom bien ronflant accordé à une cour de 200 m² où croissent à ciel ouvert une vingtaine de vieux palmiers, je suis harponné par Amédée Perée, le président du club wallon d’“Amon nos autes”, qui se prélasse dans un des fauteuils et me lance “Corvée terminée, hein ! Tes pèlerins de la saison sèche sont sur le départ ?” “Ces pèlerins, comme tu les qualifies, ont fait l’objet de ta part de nombreuses fréquentations. J’espère que ta pêche correspond à tes espérances”

Culture

Sous un titre qui fleure bon la Wallonie et la culture d’antan, voici un joyeux intermède moins lourd à porter que l’industrialisation du Congo et plus facile à saisir que la résistible fraternisation entre les Noirs et les Blancs, au temps des colonies. Intermède imprégné d’une philosophie du bonheur.

PAR PAUL ROQUET

L’AMOUR TCHANTE A TCHANTURLETTE

De gauche à droite Hugon, Hanquet, Lequeux, Roquet, Decortis, Pajeot, Hugo, Bastin.

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L’AMOUR TCHANTE A TCHANTURLETTE

satisfaction. Sous des dehors paterna-listes de bon-papa gâteau, il est attentif à l’actualité du Congo en général et à la vie sociale au Katanga en particulier. Récemment, il a reçu la visite d’une reli-gieuse en quête de subsides pour financer l’agrandissement des locaux de la Kafubu, un home pour enfants délaissés, créé par le C.E.P.S.I. en 1946.

Il a promis de trouver l’aide nécessaire. La visite de la délégation Fabrimétal au Katanga lui a permis de récolter quelques dons auprès des membres, mais il compte bien ne pas s’arrêter à ces résultats qu’il estime insuffisants pour tenir sa promesse. Quand il se déplace, Perée ne pilote pas sa rutilante voiture américaine Mercury, il laisse cet exercice à Lambert, son chauf-feur noir en qui il a toute confiance, un Lunda qu’il a engagé à l’âge de 10 ans comme boy “lavadaire” et qu’il a fini par adopter comme son propre fils. Il lui a même appris le wallon liégeois qu’il maîtrise parfaitement. Les deux hommes, le noir et le blanc, font régulièrement l’attraction du public, lorsqu’ils engagent intentionnellement un dialogue. Perée s’exprime en Kiswahili

et Lambert en wallon. Le succès est ga-ranti, l’ironie moqueuse du blanc mariée à l’humour génique du congolais est un cocktail détonnant. Pour le vingtième anniversaire de son cercle, une idée taraude depuis belle lurette l’esprit imaginatif de Perée. Il veut produire à E’ville un spectacle théâtral, une ancienne œuvre lyrique légère qui a pour nom “L’amour tchante à Tchanturlette”.

Son frère aurait tenu dans cette opé-rette un des rôles principaux, celui de garde-barrière d’un passage à niveau lors d’une représentation à Liège dans la salle du Trianon en 1927. Projet utopique certes, jugé irréalisable par la plupart des membres du cercle, le succès de l’œuvre qui date des années 1920 étant jugé inapte à attirer un public aujourd’hui. Mais le président est tenace, il veut fêter un anniversaire de manière originale, de plus, il se dit que le montant de la vente des billets d’entrée lui permettra de tenir sa promesse d’aide financière à l’œuvre sociale pour les enfants délaissés de la Kafubu. Il n’hésite pas, il décide et se fait en-voyer la partition de cette composition

musicale wallonne. Premier objectif : il faut dénicher et circonvenir sur place la dizaine de bénévoles, femmes et hommes susceptibles de s’exprimer en wallon, de pousser la chansonnette et de pos-séder quelques dispositions pour jouer la comédie en public. Il a la chance de disposer de l’appui inconditionnel de Valérie, la fille du valeureux liégeois, L. Hanquet, directeur général de la société “Cuivre et Zinc” à Elisabethville. L’idée un peu folle de Perée emballe la jeune femme d’autant qu’elle a suivi des cours d’art dramatique pendant ses études de droit à l’université de Liège. Elle se proclame “régisseur” et s’estime capable de tenir le rôle féminin principal. Le duo entreprend ensuite de convaincre Mme Pageot, une Namuroise dont l’époux travaille au B.C.K. et dont on dit qu’elle possède une jolie voix. Le professeur de français enseignant à l’athénée d’E’ville, Emile Lequeux, Ardennais et célibataire, capable d’intéresser un auditoire, est la troisième victime consentante. Tombe-ront ensuite dans les filets et dans l’ordre le jeune couple Hugon, de joyeux lu-rons liégeois qui gèrent ensemble une pharmacie de la place. M. Bastin, agent commercial vedette de la Congo-Motor, originaire de Spa et ami des Hugon. Le Liégeois Jean Decortis, chef de la voie au B.C.K. et à l’aube de la pension se présente spontanément pour tenir le rôle principal de garde-barrière. Le Congolais Lambert n’a pas le choix, il tiendra le rôle obscur du souffleur. Il manquait encore un acteur. Amédée Perée jeta son dévolu sur moi, qui refusai par scrupule vis-à-vis de la clientèle plurilingue de ma société. J’étais Belge avant d’être Wallon, même si j’étais né sur les bords de la Meuse liégeoise. Je ne connaissais que quelques mots dans la langue de mes parents. Mais Amédée balaya mes arguments prétendant que le rôle qu’il me proposait dans l’opérette était celui d’un fils de châtelain désargenté, jeune snob qui ne daignait s’exprimer que dans un français pédant et châtié... et qu’il ne chantait pas ! Je finis par céder.L’aura de Perée dans sa ville fit le reste. Il ne fut pas long à trouver des sponsors : l’agence de voyages Dumoulin, la Sabena, la B.C.B., VAP (Victoria Aiglon Parrein), Elakat, le Bon Marché, Cophaco, la Pek, Glastone, Desclée, Fourny, Jouret, Ama-

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Culture

susceptibles d’éveiller des souvenirs heu-reux chez certains de nos lecteurs, que par ailleurs elle met en évidence l’aide financière apportée par des associations à des œuvres caritatives, ainsi que l’entente cordiale régnant entre les différentes nationalités européennes, sans oublier l’harmonie belgo-congolaise, j’ai fini par la rédiger, estimant qu’elle avait sa place dans notre revue. Quelques photos, arrachées à l’album de souvenirs témoignent du plaisir qu’une troupe d’acteurs amateurs était capable de se donner et de donner en partage.

Je voudrais terminer en soulignant qu’à mon avis il n’y avait pas d’apartheid pur et dur entre Belges et Congolais en 1953 au Katanga mais une convention tacite de cultiver un voisinage heureux, dans le respect des us et coutumes de chaque communauté, avec le progrès pour objectif commun. Blancs et Noirs auraient voulu tracer une longue voie dont les passages à niveaux lèveraient les barrières raciales et laisseraient la place à l’amour entre les hommes. Un amour qui chante comme à Tchanturlette. L’avenir hélas ! ne fut pas celui qui avait été rêvé. ■

to et d’autres. La publicité payante de ces firmes figurerait dans les pages du programme du spectacle. Afin de flatter le public multiculturel de la capitale du Cuivre, où on s’en doute ne résidaient pas que des Wallons, des intermèdes musicaux sont programmés entre chaque acte de l’opérette, dont l’exhibition d’un chanteur italien amateur, le fleuriste Dino Simbaldi, qui interprètera Funiculi- Funicula et les trois sœurs Kominos, qui se produiront dans une sarabande grecque nationale, le sirtaki.

En prélude du spectacle, les petits chan-teurs à la croix de cuivre de Joseph Kiwele feront revivre les aubades du cuivre du Katanga ancestral. Les autorités religieuses acceptèrent de louer la salle du Collège des Pères Salésiens pour que puissent s’y dérouler les répétitions et pour que la scène soit aménagée en temps voulu dans le décor théâtral adéquat. Un assemblage entièrement construit en bois et démontable en partie. Il devait représenter l’ensemble d’un passage à niveau ferroviaire avec sa barrière rou-lante, son entrée pour piétons, le cagibi du garde-barrière et l’entrée d’une salle d’attente de gare de village. M. Boucher, un ensemblier et fabricant de meubles très réputé à Elisabethville, en serait le maître d’œuvre bénévole.

L’intrigue de l’œuvre est simple. Guidé par une curiosité maladive, à l’affût permanent de ragots, commérages, confidences des villageois et même de voyageurs de pas-sage trop confiants, Jean-Louis, le facétieux garde-barrière de la gare de Tchantur-lette, en place depuis de nombreuses années, manipule avec délectation, malice et ambiguïté, le ramassis événementiel qui fait l’actualité du village. L’arrivée intempestive à Tchanturlette d’Aurore Libois, la très affriolante épouse d’un notaire liégeois, venue négocier l’achat du petit château local en vente depuis belle lurette, perturbe la quiétude du bourg et trouble la paix des ménages.

La curiosité de Jean-Louis est à son comble. Pour corser la tempête qui s’annonce, le fils du châtelain dont les mœurs de libertin constituent le sujet de prédilec-tion du garde-barrière, tombe amoureux d’Aurore. Une aubaine pour la négocia-trice ! Voilà mis en place les éléments d’un bouleversement local dont les re-tournements de situation se termineront comme dans toutes les histoires d’amour, laisser Tchanturlette tchanter à nouveau. J’ai hésité à écrire cette page de mon passé congolais. Mais comme elle com-prend la citation de nombreux noms de personnes et d’entreprises oeuvrant en 1953 au Katanga et à Elisabethville

Roquet et Pajeot

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27Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

L’objectif principal de l’étude est de comprendre comment les processus de décolonisation qui ont culminé avec les indépendances de la République Démocratique du Congo, de l’Algérie, de l’Angola, du Mozambique, de la Guinée-Bissau, du Cap-Vert et de São Tomé-et-Principe sont remémorés, inter-prétés et vécus actuellement en Europe par les descendants de la génération qui a joué un rôle ou a assisté à ces événements. La structure multiculturelle des sociétés européennes contemporaines résulte, en grande partie, des processus de décolonisation et ne peut être com-

Memoirs est un projet de recherche euro-péen qui offre une vision innovante de l’histoire européenne contemporaine à par-tir de ses héritages coloniaux. Ces héri-tages constituent un élément commun aux

identités des États-nations du continent, même si l’Europe a développé diffé-rents modèles coloniaux : les variantes russe, turque, nordique et de l’Europe centrale ainsi que le modèle d’outremer, propagé par le Portugal et l’Espagne

lors de la première modernité, et plus tard par la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas. Memoirs analyse les legs du modèle d’expansion ultramarin du colonialisme européen, au Portugal, en France et en Belgique comme autant d’éléments indispen-sable à la compréhension du continent aujourd’hui.Son caractère novateur se traduit par la question suivante, jamais posée à l’échelle européenne : quel est l’im-pact, aujourd’hui sur le continent, du transfert de mémoire de la fin de la période coloniale dans ses multiples dimensions ?

Recherche internationale

Le projet de recherche portant sur les postmémoires de la fin de la période coloniale mené à partir de l’Université de Coimbra a déjà fait l’objet de nombreux échanges entre l’asbl Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi et le Centre d’études sociales de l’Université de Coimbra en charge de la recherche internationale. Quelques membres du Forum ont même été interviewés par le chercheur belge. La revue a estimé qu’il était utile que les responsables eux-mêmes donnent de leur action la définition la plus fine, laquelle a de plus ici valeur d’appel à collaboration. Elle leur cède volontiers la parole.

PAR MARGARIDA CALAFATE RIBEIRO ET FABRICE SCHURMANS

MEMOIRS

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28 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

prise que par un regard postcolonial. Memoirs prétend ainsi démontrer que le colonialisme ne finit pas avec celui qui l’a pratiqué ou imposé ou avec celui qui en a souffert les conséquences.

Les concepts sous-jacents au projet sont : la mémoire, le transfert intergénération-nel de mémoire et la postmémoire. La postmémoire renvoie à une relation avec le passé qui advient aussi bien par la connaissance historique que par un fort investissement subjectif, manifeste dans les récits de famille dans lesquels l’imagination d’un passé non vécu devient l’espace privilégié pour la construction des identités et de la mise en scène interculturelle, aussi bien à l’intérieur de l’Europe que dans le contexte plus large des relations Nord-Sud.

Memoirs prétend ouvrir de nouvelles perspectives sur la mémoire collective européenne postcoloniale par l’analyse d’entretiens des descendants de ceux qui ont vécu ces processus de déco-lonisation, et qui ont grandi et vivent aujourd’hui en France, en Belgique et au Portugal, mais également par l’étude des manifestations publiques et des œuvres artistiques de mémoire intergénérationnelle.

En étudiant les cas français, portugais et belge, il s’agit de développer une approche comparative qui aborde la perception actuelle que l’Europe a d’elle-même et de la position historique du continent dans le monde. De ce point de vue, le projet tend à devenir un cadre de référence pour de futures études portant sur d’autres contextes nationaux. Pour faire face à la complexité de sa problématique, Memoirs se veut inter-disciplinaire, et réunit des spécialistes en études littéraires et culturelles, en études artistiques, en histoire, en socio-logie, en anthropologie, et en relations internationales.

Memoirs vise à maximiser l’impact de ses résultats par des publications électroniques en libre-accès ainsi que par une exposition qui reflètera les multiples aspects des représentations de la postmémoire et qui, nous l’espérons, favorisera un dialogue Nord-Sud. ■

Institution d’accueil

Le Centre d’Études Sociales (CES) est une institution de recherche et d’études supérieures en sciences sociales et

humaines de l’Université de Coimbra. Son équipe de chercheurs inclut des sociologues, des

économistes, des juristes, des anthropologues, des chercheurs en sciences de l’éducation, des philologues

et des spécialistes en études culturelles, des architectes, des ingénieurs, des géographes, des historiens et des

médecins. Le CES accueille environ 450 doctorants dans les 12 programmes doctoraux thématiques dont il est

coresponsable. Actuellement, le CES abrite six projets ERC ainsi qu’une soixantaine d’autres projets et expertises, avec

des financements nationaux ou internationaux. Le financement de la part du Conseil européen de la

recherche (ERC) s’opère dans le cadre du programme communautaire quadriennal de recherche et d’innovation

Horizon 2020 de l’Union européenne.

Coordonnées

Si vous ou vos descendants désirez participer au projet, veuillez prendre contact avec :

Margarida Calafate Ribeiro, Chercheuse principale (Études portugaises, Études culturelles)

[email protected] ou Fabrice Schurmans, Chercheur,

(Études francophones, Études culturelles)[email protected]

Site du projet Memoirs : memoirs.ces.uc.pt (cliquez sur le menu en français)

Centro de Estudos SociaisUniversidade de Coimbra - Colégio de S. Jerónimo

Apartado 3087 - 3000-995 Coimbra - PortugalT: +351 239 855 570

Fax : +351 239 855 [email protected]

Recherche internationale

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tous trois mariés, l’agent sanitaire céliba-taire et mes parents. Imaginez l’émoi de mes parents, de ma mère surtout, de se retrouver aussi isolée. Je crois pourtant qu’ils ont passé trois années heureuses “en brousse”.Moi je devais rester à Bukavu et me retrou-vais à l’internat du collège Notre Dame de la Victoire (actuellement collège Alfagiri). A chaque vacance scolaire, je prenais l’avion (à Kamembe/Shangugu), le plus souvent un DC3 Sabena, avec un groupe d’élèves de la région, pour rejoindre Kindu ou Kalima, les aérodromes les plus proches, où nous attendaient nos parents.

Nous rejoignions alors Pangi par une route de terre à travers l’épaisse forêt tropicale et je me souviens avoir ressenti, lors des premiers trajets, cette impression oppres-sante d’enfermement, lorsqu’à chaque tournant de la route, on se retrouvait face à cette forêt impénétrable qui la bordait. Nous sommes restés 3 ans à Pangi, de 1955 à 1957. Mon père ne s’occupait pas seulement des travaux du bois : seul agent des Travaux Publics (TP), il avait tous types de travaux à sa charge. Il a par exemple construit plusieurs bâtiments : la prison,

Longue marche vers le poste d’affectationMes parents, ma sœur Nelly (6 ans) et moi (11 ans) avons donc embarqué le 5 juin 1951 à Anvers sur l’Elisabethville et ce n’est, selon l’usage, qu’après le passage de l’Equateur que mon père a appris son affectation au service des travaux publics de Bukavu, plus précisément comme contremaître à l’atelier de menuiserie. Débarqués à Lobito, le train (à bois) nous a emmenés en 3 jours, à travers l’Angola, jusqu’à Dilolo. Train encore jusqu’à Kolwe-zi, ensuite alternance de train et voiture via Kamina et Kabalo jusqu’à Albertville (actuelle Kalemie) et enfin bateau, le Ba-ron Dhanis si je me souviens bien, pour rejoindre Uvira en passant par Kigoma au Tanganyika Territory. Là, mon oncle Célestin, en poste à Usumbura, nous attendait pour nous conduire à Bukavu via le célèbre escarpement de Kamanyola.

Polyvalence du colonialDès son arrivée à Bukavu, mon père fut affecté comme contremaître à l’atelier de menuiserie du gouvernement. Il y fabri-quait les charpentes, les meubles et les boiseries nécessaires pour les maisons et les bureaux de l’Etat. Quelques fois par an il allait à Bunyakiri à 100 km sur la route Bukavu-Stanleyville (Kisangani), derrière le Kahuzi, pour plusieurs jours pour re-constituer le stock de bois de l’atelier.

Après un premier terme de 3 ans dans ce cadre enchanteur, au retour de congé en 1955, mon père a été muté à Pangi, chef-lieu du territoire du même nom en pleine forêt du Maniema, à environ 150 km de Kindu et de Kalima dans l’autre sens. A l’époque, Bukavu comptait plus de 1.500 habitants blancs et environ 25.000 africains et Pangi abritait en tout 9 adultes : l’admi-nistrateur de territoire (AT), l’administrateur territorial adjoint (ATA) et le comptable,

Témoignage

Isidore Willame, père de l’auteur du témoignage, menuisier-ébéniste de profession, est arrivé au Congo belge en 1951 comme agent contractuel de la colonie et y a travaillé jusqu’en 1962 : de 51 à 54 à Bukavu, de 55 à 57 à Pangi (Maniema) et de 58 à 62 de nouveau à Bukavu et à Shangugu (Ruanda). Il a rejoint en Afrique ses frères ainés, Célestin et Winand, partis bien avant lui. Célestin a fait une carrière de territorial au Burundi de 1928 jusqu’en 1962 et Winand, arrivé en 1931 pour l’UMHK, n’a quitté le Katanga qu’en 1970. Le présent article se veut hommage du fils à son père.

PAR JEAN-CLAUDE WILLAME*

DÉSENCLAVEMENT

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30 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

un cercle pour “évolués”, une nouvelle maison pour l’ATA et divers hangars. Dans ses attributions il y avait aussi la supervision de l’entretien des routes du territoire. Et dans ce cadre, sa grande fierté était d’avoir construit un pont, ou du moins les assises d’un pont Algrain sur la rivière Mandala, dernier obstacle sur une nouvelle route pour rejoindre Pangi à Kindu.

Pont sur la Mandala (1956)Cette route, voulue par les villageois eux-mêmes pour les désenclaver et exporter leurs produits vers Kindu avait été ou-verte et construite par les riverains. Elle raccourcissait le trajet de Pangi à Kindu de plusieurs dizaines de km. Il restait ce-pendant un obstacle important : la rivière Mandala, à environ une centaine de km de Pangi, sur laquelle il fallait lancer un pont pour remplacer le vieux pont de lianes jusque-là utilisé.

Pour édifier cet ouvrage, mon père a sé-journé pendant plusieurs semaines dans le village près de la rivière. Il habitait dans un gîte de pisé construit à son intention par les villageois : une seule pièce de 3 x 4 m environ avec une “barza” et une case annexe de plusieurs m2 qui servait de salle de douche : au-dessus d’un pédiluve en

terre, un seau, suspendu à une branche et percé de multiples trous servait de douche, froide bien sûr, mais si bonne le soir après le boulot. J’ai eu l’occasion de rejoindre mon père pendant les vacances scolaires et de vivre plusieurs jours avec lui, complètement isolés au milieu d’un village murega. Les soirées étaient agré-mentées par les chants et les danses des villageois autour d’un grand feu.Mon père était seul européen avec une équipe de travailleurs congolais et l’aide de villageois coopératifs. A l’occasion de mes séjours sur le chantier, j’ai pu participer à quelques travaux d’aménagement des pentes d’accès aux travaux du pont. Je me souviens entre autres avoir descendu sur la rive de la rivière, au moyen d’un tirefort attaché à une souche, une énorme bétonnière. Il fallait en effet beaucoup de ciment pour couler les colonnes de

support du tablier dans des fûts sans fond empilés les uns sur les autres. Je n’étais pas présent lors de l’inauguration de ce pont par les autorités, mais je sais que ce fut une grande fête, surtout pour les villa-geois, car la route et le pont desservaient toute une région fortement enclavée et leur ouvraient de nouvelles perspectives de développement.

Et maintenant encore, 60 ans après, je reste émerveillé du travail accompli par ces hommes, sans autre source d’énergie que leurs mains et leurs outils, mais avec une telle confiance en eux et dans l’avenir qu’ils pouvaient réellement déplacer des montagnes. ■

1956 Ancien pont de lianes avec à l'avant-plan le constructeur du nouveau, Isidore Willame

Le pont tout neuf prêt à être inauguré

* Bio express

Né à Evere en 1940, arrive au Congo belge en 1951.

Humanités gréco-latines à Bukavu. De 58 à 65 : études de médecine à

Lovanium et Louvain. De 65 à 70 spécialisation en

pneumologie à Lovanium et Louvain.Coopérant au Zaïre au Centre de dépistage de la tuberculose de

Kinshasa, puis au Bureau national de la tuberculose de 71 à 90.

Coopérant au Burundi de 91 à 95. 1996-2000 : expert de l'OMS

pour coordonner la lutte contre la tuberculose dans les pays francophones d'Afrique. Marié à Betty De Backer,

enseignante en biologie de 65 à 90 à Kinshasa, qui lui donne deux enfants,

Philippe et Yannick.

Témoignage

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Vie des associationsCalendrier des manifestations de 2017

Pour toute insertion ou correction, téléphoner au 0496 20 25 70 ou écrire à [email protected]

2017 Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc.

ABC (Alliance belgo-congolaise - Kinshasa) : 00 243904177421 - [email protected]

AFRIKAGETUIGENISSEN : [email protected]

AKIMA (Amicale des anciens du Kivu, du Maniema et d’Albertville) : 02 375 12.42 - akima @outlook.be

AMI-FP-VRIEND Limburg – Hasselt

AMI-FP-VRIEND West-Vlaanderen : 059 800 681 ou 0497 726 088 4 G 5 AF 1 F 5 F 3 F 7 F 5 V - 21 E 6 P 16 E 4 B 8 F 11-15 E 8 T

APKDL (Amicale des Pensionnés des réseaux ferroviaires Katanga-Dilolo-Léopoldville) : 04 253 06 47 4 AC 3 BW 16 J 12 J 2 ou 9 J

ARAAOM (Assoc. royale des anciens d’Afrique et d’outre-mer de Liège) : 04 867 41 94 29 F 16 M 26 AB 23 L 8 Q 8 L 17 D

ASAOM (Amicale Spadoise des Anciens d’Outre-Mer de Spa) : 0477 75 61 49 22 AB 23 L 25 E 8 L

BOMATRACIENS (Les Bomatraciens et les amis du Bas-Fleuve) 02 772 02 11 - [email protected]

COMPAGNONS DE L’OMMEGANG

CONGORUDI (Association royaledes anciens du Congo belge et du Ruanda-Urundi) : 02 511 27 50 23 G 18 A

CRAA (Cercle royal africain des Ardennes de Vielsalm) : 080 21 40 86 8 M 18 AW 10 M 18 E

CRAOCA - KKOOA (Cercle royal des anciens officiers des campagnes d’Afrique) : 0494 60 25 65 27 A 21 E

CRAOM – KRAOK (Cercle royal africain d’outre-mer) FONDÉ EN 1889 - WWW.CRAOM.BE 11 G24 C

16 B 28 C 18 KC

CRNAA (Cercle royal namurois des Anciens d’Afrique) : 061 260 069 22 AB

CCTM (Cercle de la Coopération technique militaire)

FRABELCO (Fraternité belgo-congolaise - Belgïe-Congo Verbrorderd) [email protected] 21 AB

KKVL (Koninkelijke koloniale vereniging van Limburg) : 011 22 16 09 21 D 11 B 8E 17 E 7 B

LA MAISON AFRICAINE : 02 649 50 15 - [email protected]

MAN (Musée africain de Namur) 081 23 13 83 - [email protected] 18 A

MANONO Jean Thiriar 02 653 20 15

MDC (Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi) : 02 649 98 48 13 O27 0

10 O24 014 K

10 O24 014 K

7 O21 018 K

5 O19 09 K

2 O16 030 O13 K

26 V 1 O15 029 O

10 J13 O27 010 K

10 O24 014 K

8 O22 012 K

MOHIKAAN (DE) (Vriendenkring West-Vlaanderen) 059 26 61 67 - [email protected] 8 C 30 N 15 B 29 D

NIAMBO : 02 375 27 31 21 AB 26 P 18 P 15 Q 21 PQ 17 PQ 20 JV 24 P 19 P

N’DUKUS na Congo : 02 346 03 31 - 02 251 18 47 - 02 652 58 33 23 G 21 P30 P

1 P

OS AMIGOS DO REINO DO CONGO (Retrouvailles luso-congolaises) Fernâo Ferro – Seixal, Portugal 10 J

REÜNIE CONGO-ZAÏREVRIENDEN : 09 220 69 93 27 J AGL

RCLAGL (Royal cercle luxembourgeois de l'Afrique des grands lacs) 24 A

SIMBA (Société d’initiatives montoises des Belges d’Afrique : 0475 42 25 29 19 AW 10 G

URCB (Union Royale des Congolais de Belgique) 15 U

URFRACOL (Union Royale des Fraternelles Coloniales) 27 A 21 E

UROME (Union Royale belge pour les pays d’Outre-Mer) : www.urome.be 14 M 14 A

VÎS PALETOTS (Association du personnel d’Afrique de l’UMHK) 02 354 83 31 22 AW

VOKDO (Vriendenkring van Oud Kolonialen van Diest en Omstreken)

CODES : A = assemblée générale. B = moambe. C = déjeuner-conférence. D = bonana. E = journée du souvenir/de l'amitié, hommage. F = gastronomie. G = cocktail /apéro. H = fête de la rentrée. I = invitation. J = rencontre annuelle. K = projections. L = déjeuner de saison (printemps/automne). M = Conseil d’administration. N = fête anniversaire. O = forum. P = activité culturelle/historique. Q = excursion ludique. R = Office religieux. S = activité sportive. T = fête des enfants. U = réception. V = barbecue. W = banquet/déjeuner/lunch. X = conférence-expo. Y = jubilé. Z = biennale.

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32 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

OMMEGANG

Après quatre années d'indépendance, ca-ractérisées par une situation politique tourmentée, la Répu-blique Démocratique du Congo est troublée par une insurrection née au Kwilu et qui se propage ensuite au

Kivu. La jacquerie s'étend et très rapide-ment les rebelles, qui se qualifient de "Simba", occupent la moitié du territoire national. Début août 1964, ils font de Stanleyville la capitale d'une République Populaire.Face à cette situation anarchique, Paul-Hen-ri Spaak, ministre des Affaires étrangères, en accord avec les autorités congolaises, décide de renforcer l'assistance technique militaire déjà sur place en mettant des équipages de la Force aérienne belge à la disposition de l’aviation congolaise et puis en envoyant des équipes dites "logis-tiques" pour soutenir les Forces armées gouvernementales. Le ministre Paul-Henri Spaak désigne également le colonel BEM Fréderic Vandewalle auprès du Premier ministre congolais Moïse Tshombe. Ce dernier charge le colonel Vandewalle de constituer une Brigade qui aura pour mission de reconquérir le territoire tombé aux mains des rebelles.La 5e Brigade mécanisée se forme à Kami-na, l'ancienne base métropolitaine belge, au prix des plus grandes difficultés et est prête au mouvement le 1er novembre 1964. Organisée en colonnes très mo-biles, elle comprend soixante-six officiers et sous-officiers recrutés au sein de la Force terrestre belge, trois cent cinquante mercenaires, des unités en majorité katan-gaises rentrées d'Angola et de Rhodésie

ainsi que des unités de l'Armée Nationale Congolaise. Elle pourra compter sur un appui aérien direct de quelques chasseurs bombardiers et hélicoptères.Elle est équipée d'un armement, d'un char-roi et d'équipements des plus hétéroclites, ce qui fait dire au colonel Vandewalle : “Ici, j'ai l'impression de commander l'Om-megang” (allusion au cortège folklorique bruxellois). Cette appellation fut de suite adoptée et c'est ainsi qu'on parlera dé-sormais des colonnes de l'Ommegang. La colonne principale gagne par rail, par air ou par route le centre de Kongolo, point de départ de l'offensive vers Stanleyville distante de 850 Km. Le 1er novembre 1964, la première partie de la 5e Brigade, commandée par le lieute-nant-colonel Liégeois et baptisée "Lima 1", entame sa progression vers Kindu. De suite, il faut se rendre à l’évidence : les rebelles massacrent les colons ainsi que de nombreux Congolais avec une sauvagerie innommable.

La rédaction poursuit son petit tour des associations, en appui au Calendrier des manifestations des cercles de mémoire de la vie des Belges en Afrique centrale, mis à jour de numéro en numéro. En ces années de commémoration de la Grande Guerre, elle réserve la priorité aux associations d’inspiration militaire.

PAR LEON DE WULF

Brève histoire des cercles d’anciens d’outre-mer

A l’avant-plan le colonel Vandewalle, commandant de la 5me Brigade MécaniséeDe profil le colonel Closset, officier opérations . A l’arrière-plan le commandant Verdickt, officier renseignements. © Collection Compagnon Jacques Brassinne de la Buissière.

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33Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Aussi le commandant de "Lima 1" im-pose à sa colonne un rythme soutenu, progressant même de nuit. Ce faisant il bouscule plusieurs embuscades, empê-chant les rebelles de se rétablir sur d’autres positions. La colonne atteint Kindu le 5 novembre. De Kongolo à Kindu, “Lima 1” aura sauvé plus de trois cents otages. Durant deux semaines un pont aérien, assuré par les équipages belges de la FATAC et des Américains de l’USAF, amène à Kindu des renforts de troupes, de véhicules et de munitions. “Lima 1” se voit ainsi renforcée par “Lima 2”, commandée par le lieutenant-colonel Lamouline.

Le 19 novembre, l'Ommegang au complet s'ébranle vers Stanleyville. Après plu-sieurs combats avec les rebelles, divers franchissements et pas mal de péripéties, ces éléments atteignent Lubutu le 22 no-vembre à quelque deux cents kilomètres de Stanleyville.

Au même moment d'autres colonnes reprennent également d’autres régions sous contrôle des rebelles. La colonne dite du “Nord”, partie de Gemena, atteint Lisala à la fin de septembre. Elle occupe Bumba le 16 octobre et arrive à Paulis le 9 décembre en ayant assuré l'évacuation d'un millier d'étrangers.La colonne “Tshuapa” reprend Boende le 24 octobre puis Ikela le 6 novembre, tandis que celle dénommée “opération Kivu” progresse de Bukavu vers le nord. Elle atteindra Bunia en décembre.

Ces différentes colonnes passent aux ordres de la 5e Brigade mécanisée le 9 novembre 1964. Il faut donc entendre par Ommegang l'ensemble des colonnes qui ont opéré sur le territoire de la RDC entre le 1er juin 1964 et le 1er juin 1965. La 5e Brigade mécanisée, qui comptera jusqu'à dix mille hommes, représente fin 1964 la force la plus importante du Congo.

Début novembre, le gouvernement de la République Populaire sent l'étau se res-serrer. Aux abois, il donne ordre d'arrêter tous les Belges et tous les Américains.

Cette situation amène, le 9 novembre, les gouvernements belge et américain à envisager, avec l'accord du gouvernement de Léopoldville, une opération aéroportée sur Stanleyville. La décision d’exécution sera finalement prise le 14 novembre.

A la 5e Brigade, les ordres relatifs à la reconquête de Stanleyville sont donnés à Lubutu le 23 novembre.

A 17h30, l'imposant cortège de l'Omme-gang quitte la ville. La progression a lieu de nuit et plusieurs accrochages avec les rebelles provoquent des morts et des blessés dans les rangs de l'Ommegang.Le 24 novembre à 06h00, les Paras-com-mandos belges de l'opération "Dragon Rouge", transportés par C-130 américains, sautent sur Stanleyville. La jonction entre l'Ommegang et l'opération aéroportée se fait à hauteur du camp Ketele à 10h00. Suite à la coordination entre les deux commandements, des zones de respon-sabilité distinctes sont définies.

Le sauvetage des otages est organisé jusqu'à 45 Km de Stanleyville par des éléments de l'Ommegang appuyés par des blindés légers. Plus de deux cents otages sont sauvés de la sorte et s'ajoutent aux rescapés de l'hôtel Victoria libérés par les parachutistes.Le 26 novembre, l'opération aéropor-tée “Dragon Noir” est menée sur Paulis. Cependant, la pression internationale s’exerce sur la Belgique et oblige les Pa-ras-commandos à quitter le Congo le 28 novembre.

Toutefois, les rebelles occupent toujours la rive gauche du fleuve Congo et un franchissement d’assaut est effectué le 27 novembre par un détachement de “Lima 2”. Ils y découvrent des dizaines d'otages assassinés, tous affreusement mutilés. D'autres otages sont heureusement sau-vés et ramenés sur la rive droite. Dans la soirée les tirs de harcèlement reprennent à partir de la rive gauche et s'intensifient les jours suivants.Le bilan des seules opérations sur Stan et Paulis est plus que positif. Elles permirent de libérer 2.375 expatriés retenus en otage ainsi que des milliers de Congolais.Après le départ des Para-commandos les rebelles reprennent du poil de la bête. Les positions de la 5e Brigade en bordure de la ville européenne sont harcelées en permanence à partir des cités toujours aux mains des rebelles. Suite à cette pression continue, la 5e Bri-gade décide de nettoyer successivement les cités “Belge I”, “Mangobo” et “Bruxelles” puis de créer une tête de pont sur la rive gauche et de s'y maintenir. Les opérations à Stanleyville reprennent le 3 décembre et les cités de la rive droite sont nettoyées

Tableau des cercles déjà traités

1 CRAOM (MDC 31)2 UROME (MDC 32)3 ABC (MDC 33)4 CONGORUDI (MDC 34)5 OS AMIGOS (MDC 35)6 AFAC (MDC 37)7 CRNAA (MDC 38)8 RCAGOM (MDC 40)9 CRAOCA (MDC 41)10 OMMEGANG (42)

Le lieutenant-colonel Liégeois, commandant de la Colonne “Lima 1” .© Collection Compagnon Jacques Brassinne de la Buissière.

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de toute présence rebelle puis occupées par un bataillon katangais. Le 5 décembre un nouveau franchissement du fleuve est exécuté avec le 5 Commando qui s'empare du camp “Prince Charles” et de la cité “Belge II”.L'Ommegang poursuit sa tâche car il reste des centaines d'otages aux mains des rebelles dans le nord-est. Paulis, re-tombé aux mains des rebelles après le départ des Para-commandos, est repris le 9 décembre au prix de la mort du major Genis, commandant de l’opération “Nord”, et de son adjoint le lieutenant Glorieux, le lieutenant Passager étant, lui, sérieusement blessé. Les opérations se poursuivent durant l'année 1965 et se terminent par le bouclage des frontières est et nord-est du Congo.

Les premières équipes dites “logistiques”, recrutées en septembre, terminent leur engagement de trois mois et sont rempla-cées à partir de la mi-décembre. Le com-mandement de la 5e Brigade passe à ce moment-là sous responsabilité congolaise.Au cours de l’ensemble des opérations menées durant cette période d’un peu plus de douze mois, les pertes des colonnes de la 5e Brigade s'élèvent à 76 tués (deux officiers et trois sous-officiers belges, vingt et un mercenaires et cinquante Congolais) ainsi que 87 blessés (trois officiers et trois sous-officiers belges, trente et un merce-naires et une cinquantaine de Congolais).

Quand en 1974 les vétérans de ces opéra-tions terrestres et aéroportées décident de se constituer en association, ils reprennent le nom “Ommegang” et choisissent de s'appeler entre eux “Compagnons”, ex-pression de leur volonté de voir la fra-ternité des armes transcender le grade et la fonction.Voilà comment se constitua l'A.S.B.L. “Les Compagnons de l'Ommegang”. D'emblée l'association ouvre ses rangs à tous les participants des opérations humanitaires armées réalisées depuis 1960 en Afrique centrale et par la suite aux autres mis-sions et opérations extérieures effectuées

dans un cadre national ou international. Dans ce souci d'ouverture, en 2006, l'As-semblée Générale décide de modifier la dénomination légale de l'association qui devient : “Association belge des Vétérans et Compagnons de l'Ommegang (A.S.B.L.)”.

L'appellation “Les Compagnons de l'Om-megang” demeure la dénomination abré-gée de l'association.Ceci exprime un légitime devoir de reconnaissance à l'égard des membres fondateurs et Vétérans des Opérations Ommegang, Dragon rouge et Dragon noir. ■

Progression de l’Ommegang vers Stanleyville. (Photo J. Brassinne).

A droite le lieutenant-colonel Lamouline, commandant de la Colonne “Lima 2”.© Collection Compagnon Jacques Brassinne de la Buissière.

Brève histoire des cercles d’anciens d’outre-mer

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35Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

La mémoire de nos membres n’étant plus ce qu’elle était, quand on avait dix-huit ans et que l’on buvait à pleines gorgées l’aventure coloniale ou postcoloniale, il appartient à la présidente, informée par la commission des fêtes, de resservir régulièrement le programme de nos activités, avec ce bémol que les changements sur une aussi longue période ne sont pas forcément exclus. Quand tous les membres seront dotés d’une adresse électronique la communication se fera sans peine et sans frais.

Association Royale des Anciens d’Afrique et d'Outre-Mer de Liège

N° 142

PROGRAMME SEMESTRIEL

Votre présidente com-munique donc, pour la seconde fois cette année, le programme concocté par la commission et approuvé par le conseil, tel qu’actualisé à ce jour, avec les inévitables vides

pour ce qui est de certaines dates. Il pourrait paraître superflu d’insis-ter encore et toujours sur l’esprit de participation qui doit animer chaque membre de l’association. Il ne faut pas que le cercle devienne l’apanage de quelques privilégiés, toujours les mêmes, finissant de faire de l’ARAAOM un club d’amis et non plus un cercle de

mémoire, perpétuant une série de ma-nifestations fondamentales. Un cercle ne peut donner sa pleine mesure que si tous les membres s’impliquent dans ses activités. Bien sûr nous comptons dans nos rangs des membres qui ont perdu de leur mobilité d’antan. Ceux-là ont des excuses. Mais il s’en trouve trop qui se contentent de lire la revue. Loin de nous l’idée de dédaigner leur cotisation, bien au contraire chaque cotisation est vitale pour la trésorerie du cercle. Nous tentons seulement de mettre en garde contre les risques d’un désintéressement, qui pourrait devenir fatal. ■

PAR ODETTE FRANCOIS-EVRARD

Programme de l’ARAAOM – 2017-1808.08.17 : escapade à Sart-lez-Spa ; apéritif offert par Fernand Hessel à

Vieux château et lunch au chalet du Pont de Belheid.Fin septembre : cueillette de pommes dans le verger des Heins à Polleur,

en fonction du degré de mûrissement.08.10.17 : déjeuner d’automne à la Pitchounette à Tiège.

29.10.17 : journée du Souvenir, avec dépôt d’une gerbe à Cointe, suivi d’un déjeuner aux Waides (35 €).

17.12.17 : banquet de Bonana, avec homard (45 €) ou turbotin (35 €)Janvier 2018 : Choucroute aux Waides.

Mars : AG-Moambe aux Waides.Mai : déjeuner de printemps à la Pitchounette à Tiège.

Juin : Convivio à Lisbonne.Auxquels s’ajouteront quelques visites et spectacles,

selon les possibilités et les opportunités.L’ARAAOM recommande vivement à ses membres de prendre part aux activités

culturelles et festives de l’AP/KDL et de Niambo.

CoordonnéesNB : Les modalités de réservation et de payement restent les mêmes que celles énoncées à la page 36 de la revue

MDC n°39. Les voici en bref :Compte à créditer :

BE69 0000 8325 3278 de l’ARAAOMNuméros à appeler :

- 04 227 74 74 (Odette Vieilvoye) - 0486 83 88 76 (Jo Bay)

- 0486 74 19 48 (Odette François.-Evrard)Toujours préciser ses choix s’il y a lieu.

Chaque activité fera l’objet en temps utile d’un rappel par lettre ou par mail, précisant les dates et les contenus des activités et réactivant la totalité du programme semestriel, en ce compris celui des cercles amis (Niambo et AP/KDL).

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36 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Comme on le lira ci-après l’assemblée générale annuelle connut cette année un grand malheur qui handicapa sérieusement son bon déroulement et plongea les membres présents dans une réflexion sur la fragilité de la vie. C’était le 26 mars 2017 aux Waides.

Pendant que la secrétaire procède à l’enregistrement des présences, qui ne dé-passent guère la vingtaine, comme en témoignent les photos ci-dessous, la présidente demande une minute de silence pour

Jean Viatour qui nous a quittés. Elle salue ensuite la présence du président de l’AP/KDL, Luk Dens. Vu l’absence prolongée et inquiétante du vérifica-teur des comptes, André Gilman, la trésorière fait un rapport succinct du compte d’exploitation. Grâce aux bé-néfices réalisés lors de nos différentes manifestations, les comptes de l’as-sociation ne présentent pas de mali.

Malheureusement force est de consta-ter une diminution du patrimoine de 679,50 euros, les recettes étant quasi consommées par la seule revue.La présidente, inquiète de ne pas voir apparaître le vérificateur des comptes, estime utile d’appeler sa fille. A sa stu-péfaction elle apprend le décès tout récent d’André Gilman. La consterna-tion gagne tous les rangs. En lieu et place de la présidente, submergée par l’émotion, le vice-président demande à l’assistance de se lever et de consacrer une minute de silence en hommage et en remerciement au défunt.Le programme, tel que réalisé et tel que prévu, est ensuite passé en revue, mais l’ambiance brusquement plom-

bée n’incite guère à l’enthousiasme. En dépit de l’absence du vérificateur des comptes, le quitus est accordé au conseil d’administration. Et pour pa-rer au plus pressé, deux nouveaux administrateurs sont cooptées sur le champ, à savoir Jeannot Traen, épouse de Claude Bartiaux, et Louis Despas. Leurs fonctions et tâches seront préci-sées lors de la prochaine réunion du conseil, fixée au 2 mai qui suit.

Le nouvel organigramme qui sortira de cette dernière se présente aujourd’hui comme suit : Odette François-Evrard, présidente et déléguée UROME ; Fer-nand Hessel, vice-président et rédaction en chef du Tam-Tam ; Odette Vieilvoye, trésorière et registre des membres ; Louis Despas, rapportage et rédac-tion du Tam-Tam ; Albert Demoulin, porte-drapeau ; Jeannot Traen, mo-numents et fêtes ; Jo Bay, commission des fêtes. Le vérificateur des comptes reste à désigner.

Le programme des fêtes fait l’objet d’une publication en page précédente. La présidente insiste pour que l’ARAAOM participe en sus au programme de Niambo, aussi varié qu’alléchant. ■

© Photos Fernand Hessel

Vie de l'association

COUP DUR à L’AG 2017

PAR FERNAND HESSEL

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37Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Toujours à la recherche de sujets susceptibles de retenir l’attention de ses lecteurs liégeois, la rédaction a eu vent de l’existence à Stanleyville, au temps des colonies, d’un perron à l’identique du perron liégeois. Le rédacteur de service s’est mis sans délai à la recherche du précieux monument, en puisant à toutes les sources possibles. Il en rapporta le constat que voici.

Culture belgo-congolaise

PAR LOUIS DESPAS

Le Perron liégeois a disparu !

Si le Torê de Lubumbashi continue à décorer non sans prestance une des pelouses du zoo de la ca-pitale katangaise, ce que certains de nos lecteurs, même lushois, ignoraient, il n’en va pas de même

pour une autre réalisation congolaise d’inspiration liégeoise.Notons en passant que le Torê katangais est la réplique exacte de son frère liégeois, pour avoir été coulé dans le même moule, ce que l’on ignorait lors de la rédaction de l’article y consacré dans le n°41. Voilà une erreur historique réparée.La Cité ardente et les Liégeois sont très attachés à leurs statues et à leurs mo-numents. Un des plus anciens de ces monuments et le plus renommé est sans conteste le Perron. Se dressant fièrement, dans toute sa majesté et sa fine élégance, au cœur de la cité, sur la place du Mar-ché, face à l’Hôtel de ville et à proximité du Palais de justice, il est l’emblème de la ville et le symbole de l’autorité des princes-évêques qui s’y sont succédé ainsi que des libertés et des privilèges qu’ils accordèrent à la Cité. Chaque ban de la principauté qui a eu le privilège de pouvoir dresser un perron en garde jusqu’à ce jour le vestige précieux, même si toutes les libertés sont aujourd’hui acquises pour tous.C’est le sculpteur Jean Del Cour, né à Hamoir, qui, en 1693, conféra au Perron liégeois son aspect définitif, tel que nous le connaissons de nos jours, à la différence près que, souffrant de la pollution et des intempéries, le marbre original a été au cours des années soustrait au monument pour être remplacé par des copies en béton, en pierre de taille ou en fonte.

A cela s’ajoute que Liège, toujours avide de rayonner de par le monde, a permis à son perron d’engendrer un frère jumeau, au cœur de la forêt vierge africaine. Deux photos, datées de 1953 et de 1958 reproduites ci-contre nous en procurent une preuve irréfutable. On ignore tout de ce monument mystérieux entouré de palmiers : son emplacement précis, sa date de construction, le nom de son initiateur, la raison de sa présence à Stanleyville/Kisangani (selon toute vraisemblance). Nos nombreuses recherches effectuées tous azimuts n’ont apporté à ce jour au-cun résultat tangible. Or ce n’est certes pas faute d’avoir accepté d’emprunter le parcours du combattant : archives de la ville de Liège, Musée africain de Tervuren, nombreuses investigations poussées, menées tambour battant par une équipe de chercheurs bénévoles et zélés, que nous nous empressons de remercier. Force nous est de conclure

que le jumeau du perron liégeois à Ki-sangani a bel et bien disparu du paysage et des mémoires, si tant est que c’est là qu’il fut érigé.Mirage ou réalité ? Réalisation d’un rêve d’un colonial liégeois nostalgique de sa ville natale et peut-être démantelé par les rebelles lors de leur prise du pou-voir dans la Province orientale ? Nous sommes contraints de nous contenter de supputations. A l’heure actuelle nul ne peut apporter de réponse au mystère qui reste entier et l’on espère un jour trouver un Hercule Poirot qui résoudra les secrets de l’énigmatique sosie du Perron liégeois.

Vu la carence d’information sur la question, le présent article se veut également appel à collaboration. Toute nouvelle information fera l’objet d’une insertion avec mention de la source dans le prochain numéro. ■

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et, de préférence, en bonne compa-gnie. Les curistes, appelés localement “bobelins”, suivent des prescriptions strictes déterminées au cas par cas par les médecins spadois.

A cette époque, on ne prend quasi-ment pas de bains d’eau minérale, on l’ingurgite. C’est la crénothérapie. La cure spadoise du 18e siècle comprend 3 obligations : boire de l’eau minérale, pratiquer des activités physiques et s’amuser. Pour occuper tout ce beau monde, on organise toute une série

Amicale Spadoise des Anciens d’Outre-Mer

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Depuis plus d’un siècle, Spa est une ville chère au cœur des anciens d’Afrique. Les raisons historiques ne manquent pas. C’est la ville que choisit la Reine Marie-Henriette, épouse de Léopold II, pour en faire sa résidence principale et la meilleure écurie pour ses chevaux. Les mauvaises langues prétendaient que c’est parce qu’elle préférait ses chevaux à son auguste monarque. Elle y fit construire un palais et siégea même au sein du conseil communal. Le palais servira ensuite d’hôtel aux coloniaux en rupture de Congo. Et de manière générale beaucoup d’anciens, résidents ou simples vacanciers, eurent pour Spa une affection particulière. Le cercle colonial, devenu cercle d’outre-mer après 1960, y vit le jour en 1948. C’est pourquoi “Contacts” soutient la candidature de Spa à l’UNESCO. Qui mieux que la coordonnatrice du projet peut en préciser les raisons et l’état d’avancement ? Voici donc son éclairage.

Spa parmi les grandes

Spa, dont l’étymologie latine signifie “fontaine jaillissante” (sparsa fon-tana), a acquis au fil du temps une renommée internationale au point de donner aujourd’hui son nom à l’appellation

générique des centres et des bains de remises en forme. Au côté d’autres villes d’eaux européennes, Spa représente le premier modèle d’une destination touristique et sa gestion a conduit à l’émergence et au développement des voyages et du tourisme européens.

C’est la venue du tsar Pierre le Grand en 1717 qui lance véritablement la mode de la cure à Spa. L’écho de sa guérison, attestée officiellement par le médecin du tsar, fait le tour des cours européennes et provoque un véritable engouement pour le petit bourg ardennais. La seconde moitié du 18e siècle est le premier âge d’or de Spa. On y vient sous prétexte de cure, mais il s’agit surtout de s’y montrer

de passe-temps agréables : jeux de hasard, concerts, courses de chevaux, bals, déjeuners champêtres, prome-nades aménagées ... Par ailleurs, l’eau de source est déjà embouteillée et expédiée dans toute l’Europe : Hollande, Allemagne, Italie, Angleterre, Russie, Espagne et bien d’autres. Au milieu du 19e siècle, dif-férents éléments socio-économiques vont changer radicalement la cure thermale spadoise.

L’aristocratie fait place à la bourgeoisie, la villégiature remplace le séjour mon-dain et la balnéothérapie supplante la crénothérapie : les cures par baignades prennent ainsi le pas sur la cure par boisson. L’urbanisme suit cette évolu-tion et, sur le modèle allemand, Spa se dote de l’infrastructure indispensable à une ville thermale digne de ce nom. On peut citer entre autres : nouvel établissement des bains, promenoir, rénovation des bâtiments des sources principales, lac de plaisance, kiosques à musique, voûtement de la rivière.

PAR ANNE PIRARD

N° 138

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39Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Vie de l’association

Projet d’inscription sur la liste du Patrimoine Mondial de l’U.N.E.S.C.O. (Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture).

C’est le deuxième âge d’or de Spa. L’installation de la reine Marie-Hen-riette renforce encore le prestige de la ville qui est le phare touristique de la Belgique, avec Ostende. Toutefois, la suppression définitive des jeux de hasard en 1902, puis les deux guerres mondiales briseront ce bel élan.

Dans la seconde moitié du 20e siècle, l’eau minérale est essentiellement em-bouteillée par la société Spa-Mono-pole. L’établissement des bains, géré par la même société, pratique surtout le thermalisme social en constante augmentation jusqu’au milieu des années 70.Les meilleures choses ayant une fin, 1993 marque la suppression du rem-boursement de ces cures par la Sé-

curité Sociale. Un arrêt brutal dont le thermalisme spadois aura du mal à se remettre. En 2004, les nouveaux thermes sont inaugurés sur la colline d’Annette et Lubin, en pleine nature. Œuvre des architectes Strebelle et Drèze, ils incarnent le renouveau du thermalisme. On y pratique toujours la balnéothérapie classique, mais aussi le thermoludisme qui allie la détente au bien-être, tout en étant accessible à tous.Aujourd’hui, le thermalisme est toujours présent dans la vie spadoise et ainsi forte de son passé fascinant, Spa se tourne vers l’avenir. Un avenir encore et toujours lié à son patrimoine thermal, raison pour laquelle Spa brigue une inscription sur la “Liste du patrimoine mondial” de l’UNESCO.

Quelle meilleure façon de conjuguer passé & avenir ?En synergie avec 11 autres villes ther-males européennes, Spa s’est engagée à démontrer au monde qu’elle mé-rite ce prestigieux label. Les autorités communales, aidées par la Région wallonne, travaillent à la constitution d’un dossier de candidature le plus solide possible. Le groupe “Great Spas of Europe” réunit des villes d’Alle-magne, de France, du Royaume-Uni, de la République Tchèque, d’Italie et d’Autriche. Ensemble, elles souhaitent être reconnues non seulement au tra-vers de leurs monuments mais aussi à travers leur “genius loci” ou “esprit du lieu”. Cela, il n’est pas possible de le toucher du doigt mais seulement de le vivre.

Entre bien-être, repos, nature et amu-sements, le temps ne s’écoule pas dans les villes thermales comme dans le reste du monde. ■

© Photos Fernand Hessel

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40 Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Depuis plusieurs années, l’ARAAOM (Liège) et l’ASAOM (Spa) ont convenu de deux activités communes, le déjeuner de printemps et le déjeuner d’automne. L’organisation incombe à l’ASAOM puisque par tradition les deux activités gastronomiques ont lieu à la Pitchounette à Tiège, appartenant anciennement à Sart-lez-Spa et présentement à Jalhay.

En 2017, le déjeuner de printemps se déroula le 30 avril 2017. La journée fut particulièrement printanière, et, n’eût été un petit vent frisquet, l’apéritif aurait pu se prendre en terrasse. C’était la première activité du nouveau comité de l’ASAOM. Un gros

effort avait été consenti pour drainer un maximum de convives vers le restaurant où comme à l’accoutumée était dressée la longue table. Ils furent 36 dont 11 du cercle liégeois. Quand la salle d’accueil se fit trop étroite pour caser tout le monde, l’assemblée prit place à la grande table pour un déjeuner qui s’avérera finement concocté par José Servais, le maître des

lieux et membre de l’ASAOM, et contri-buera à sa manière à l’ambiance qui ne tarda pas à monter en puissance.L’extraordinaire fut surtout que pas moins de 6 présidents et présidents d’honneur avaient tenu à être de la partie. Le nouveau président de l’ASAOM se fit un plaisir de les remercier et de les féliciter pour leur sens de la famille belgo-africaine, plus que jamais nécessaire en ces temps où tous les cercles perdent en chemin l’un membre après l’autre. Le premier à être congratulé fut le président refondateur du cercle luxembourgeois, Roland Kirsch, venu d’Arlon, accompagné de sa femme qui retrouva plusieurs bonnes connais-sances qui ont le Katanga en partage.

L’initiative d’Arlon mérite le respect des cercles d’anciens qui se lamentent trop souvent de leur manque d’avenir. Réussir à relancer un cercle, le RCAGOM, à l’arrêt depuis des années, dans un esprit de grande ouverture, relève de la perfor-mance. La réouverture est fixée au 24 juin 2017. Il salua ensuite la présence d’Odette François-Evrard, la présidente de l’ARAAOM, à la tête d’une forte délé-gation, qui n’eut malencontreusement pas l’occasion de présenter son programme pour 17-18 (voir page 35). Le président de la Fraternité belgo-africaine, Michel Faeles, venu de Bruxelles, fut le troisième à être congratulé. Vint enfin le tour du président de CALOULU, Jean-Pierre de Caluwé, association regroupant les anciens du collège St-Louis de Luluabourg ; ce dernier était accompagné de deux membres : André Deville et José Mathot, descendu des hauteurs de La Reid toute proche et devenu sur ces entrefaites membre de l’ASAOM. Et enfin furent salués les pré-sidents d’honneur : Claude Bartiaux, de l’AP/KDL, et René Dubois, de l’ASAOM, parmi les plus fidèles en province de Liège. Chaque président fit un bref laïus sur la vie de son cercle.Le président de l’ASAOM évoqua enfin le projet – un peu fou – de réunir en 2018 dans la salle d’apparat du Casino de Spa les délégations de tous les cercles de Belgique. L’étude de faisabilité est en cours avec les autorités spadoises. ■

Vie de l’association

Déjeuner de printemps

PAR FERNAND HESSELP

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41Mémoires du Congo n°42 Juin 2017MdCMdCasbl

Le moins que l’on puisse dire est que la famille a bien mérité de la patrie.Nous lisons qu’en 1950 le jeune couple est à bord de l’Albertville pour le passage de l’équateur et le début d’une grande aventure coloniale. Alphonse prend du service dans la territoriale, au titre d’administrateur de territoire adjoint, à Madimba et dans les environs, de 50 à 56. En 57 il est élevé au grade d’administrateur territorial, et en 1959 il est muté à la zone annexe de Kimwenza,

Cercle Royal Africain des Ardennes

VIELSALM

Cette fois c’est à un défunt qu’est consacrée la rubrique Portrait. Rose Parmentier a accepté d’évoquer son mari et d’ouvrir son album familial, sur l’insistance de la rédaction qui a estimé que la figure d’Alphonse méritait d’être évoquée tant a été grand le rôle qu’il a joué au Congo, à la Territoriale d’abord, à la Coopération belge ensuite.

Hommage à Alphonse Parmentier

Alphonse a vu le jour à Sart-Lierneux en 1927 et restera jusqu’à la fin de ses jours très attaché à son terroir natal. Ce besoin de racines ne l’empêchera pas pour autant de faire deux longs séjours au Congo.

Sans doute que dès l’adolescence il a dû en rêver, car le diplôme des humanités gréco-latines, achevées à Stavelot, en poche, il prit le chemin d’Anvers pour s’inscrire à l’INUTOM, voie obligée pour une car-rière de prestige dans l’administration du Congo belge. Une fois conquis le précieux diplôme universitaire il ne s’attarda plus en Belgique, mais prit tout de même le temps d’épouser l’élue de son cœur, Rose Jacob, née à Heusy en 1929. Aucun des deux ne compte d’ascendants au Congo, ni de parents prêts à les y accueillir. Le couple n’y laissa pas non plus de descendants, au terme de son double séjour. Mais, fait remarquable, il y donna en l’espace de cinq ans la vie à quatre enfants, tous nés à la cli-nique de Kisantu : Michèle en 1951 qui fera carrière dans l’enseignement, Jean-Pierre en 1953 qui s’investira dans l’hôtellerie, Chantal en 1954 qui se spécialisera en éducation physique et Dominique en 1955 qui fera également carrière en éducation physique. Ces derniers ont gratifié jusqu’à ce jour la famille Parmentier-Jacob de 10 petits-enfants et 12 arrière-petits-enfants.

et est en même temps adjoint du bourg-mestre de Léopoldville. Il connaît alors, aux dires de Rose, une période difficile, car les incidents se multiplient depuis le 4 janvier 1959. Pour raison de scolarisation des enfants, Rose rentre quelques mois avant l’indépendance, et Alphonse finit par la rejoindre, sans doute marqué par l’effondrement rapide de l’édifice colonial construit avec tant d’amour par quelques milliers de Belges, secondés par un certain nombre d’expatriés d’autre nationalité. Les cloches de l’indépendance s’étant à peine tues que la Force publique sur laquelle reposaient tous les espoirs d’une transition harmonieuse répand la terreur dans tout le pays et déconstruit en quelques mois tout l’édifice colonial.Loin de ce désastre, le couple se retrou-va plus vite que prévu sur ses terres sal-miennes où Alphonse entama une carrière de 22 ans dans le secteur des assurances pendant que Rose, armée de son diplôme de régente ménagère, se lança de son

PAR FERNAND HESSEL & HERMAN RAPIER

N° 170

1984. Alphonse en visite chez un chef coutumer1955, Le couple et ses trois premiers enfants

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côté dans une carrière d’enseignante. Le couple songeait sans doute à poursuivre ainsi jusqu’à la retraite, mais c’était sans tenir compte du passé colonial d’Alphonse, qui fit qu’il fût rappelé au Congo, deve-nu le Zaïre, en 1982, plus précisément à l’Ambassade de Belgique à Kinshasa, au titre de ministre-conseiller en charge de la coopération belge. C’était un poste que l’on aurait eu tort de refuser bien qu’il ne s’annonçât pas de tout repos ; il y avait encore des centaines de coopérants à gérer et des milliards de francs belges à dépenser avec pertinence pour le développement du Zaïre. Alphonse occupa la fonction avec talent, mettant de la dureté là où il le fallait et de la souplesse là où elle était génératrice de résultats. Rose ne garde pas un bon souvenir de sa dernière année, qui a mis prématurément fin au terme de deux ans en cours. Mais le regret fut de courte durée, car un an après le départ Mobutu mettait fin unilatéralement à la coopération belge (le triste 24 juin 1990, qui plongea le pays dans une récession sans pareille.A son retour, Alphonse refusa, et cela pour des raisons familiales, de reprendre encore du service à l’Administration générale de la Coopération au Développement (AGCD) à Bruxelles, et décida d’entamer sa retraite, largement méritée, sur les terres qui lui étaient chères. Il mourut à Vielsalm en 2000.

Et depuis, Rose, devenue chef de famille, est la fidèle gardienne de sa mémoire, très sollicitée par ses descendants de trois générations, tous quelque peu intrigués par les reliques congolaises qui ne font jamais défaut dans la maison d’aventuriers

de l’épopée coloniale et postcoloniale. Le CRAA lui souhaite longue vie et forme le voeu de la rencontrer le plus souvent possible à ses manifestations. ■

© Photos album familial

Histoire de l’association

Malgré le temps poisseux, le comité était au grand complet dans la salle habituelle du restaurant. Le bourgmestre de Vielsalm, qui tient

à suivre les activités de sa commune de près, était de la partie. En dehors des membres du CA, les autres étaient clairsemés. Heu-reusement Didine Petitjean, la veuve de

notre regretté Jules Voz, était de la partie, ce qui permit à l’assemblée de la coopter sur le champ comme administratrice. Herman Rapier, notre précieux secrétaire-trésorier avait préparé minutieusement les docu-ments, si bien que les comptes purent être entérinés sans contestation, d’autant que le vérificateur, Paul Chauveheid, ne

manqua pas d’en assurer la bonne tenue. Le président, Freddy Bonmariage, mit l’occa-sion à profit pour rappeler que l’an prochain le CRAA fêterait son 90e anniversaire et qu’il seyait de conférer à l’événement un lustre particulier. De plus il rompit une lance pour que nos rencontres reçoivent un contenu plus culturel. ■

L’AG ordinaire au Contes de Salme

L'AG du CRAA en date du du 18 mars 2017 Le déjeuner consécutif à l'AG.

2009. La prymade Parmentier portée par Rose à ses 80 ans

1984. Panne lors de la traversée du Kivu 1985. Escapade à Malulu

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Les anciens d’Afrique centrale, et à fortiori les mordus de la culture africaine, sont impatients de découvrir la nouvelle mouture de leur musée de prédilection et de référence. Ils suivent au jour le jour l’évolution des travaux et se réjouissent de chaque nouvelle avancée.

La rénovation complète est entrée dans sa phase finale : les travaux de rénovation et de modernisation seront terminés cet été. Après son lifting bien nécessaire, le bâtiment muséal originel abritera l’exposition per-

manente. La restauration des vitrines historiques est presque terminée et la nouvelle scénographie quasiment prête. La liaison souterraine reliant le bâtiment muséal et le pavillon d’accueil, destinée à accueillir les expositions temporaires et les rencontres et conférences, est en voie d’achèvement.

La nouvelle cour intérieure entièrement réaménagée avec sa salle de musique et un beau dégagement vitré amenant la lumière dans le sous-sol, à l’issue de la jonction avec le centre d’accueil. La photo laisse présager de la luminosité qui vous accueillera dans le musée rénové. Les grandes vitres du rez-de-chaussée, longtemps occultées, ont également retrouvé leur fonction première d’éclai-rage naturel. La finition peut commencer : mise en place des appareils techniques et de la signalisation. Le nouveau pavillon d’accueil (réception, shop et cafétéria) est presque terminé, bel ouvrage doté

d’une façade vitrée pourvue d’une protection solaire et de grands châssis coulissants. Le parachèvement est en cours : jardiniers et paysagistes s’attèlent aux travaux d’aménagement des abords pour sertir au mieux le nouveau joyau dans son écrin de verdure. La récep-tion provisoire du bâtiment muséal et du pavillon d’accueil prévue pour la rentrée permettra d’entamer l’aména-gement des expositions temporaire et permanente et d’opérer le retour des pièces de la collection.

Après le retour de la pirogue en 2016, ce fut au tour de l’éléphant et de la girafe de réintégrer leurs quartiers à Tervuren, le 21 avril dernier. Les deux animaux sont revenus comme ils étaient partis, car on ne peut les restaurer qu’à leur emplacement définitif. Ils seront fin prêts à accueillir les premiers visiteurs à l’été 2018Visite du chantier avec MdC le 10/10/2017 (voir programme page 3). ■

Remerciements à la Régie des Bâtiments pour le prêt des photos.

Histoire d’une rénovation

MRAC : le point

PAR FRANCOISE MOEHLER

Retour de l’éléphant (21 avril 2017)

Nouvelle cour intérieure (24 mars 2017)

Retour de la girafe (21 avril 2017)

Aménagement de l’espace entre le musée et le pavillon de verre (19 mai 2017)

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ROYAL CERCLE LUXEMBOURGEOIS

DE L’AFRIQUE DES GRANDS LACS

L’assemblée générale appelée à refonder le cercle luxembourgeois (ex-RCAGOM) n’ayant pas encore était convoquée, les deux pages retenues dans la revue d’accueil de Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi sont consacrées à un sujet unique, comme dans la précédente livraison, consacrée à Moanda. La revue n’est pas encore à même de faire état d’un nouveau titre, d’un nouveau logo, d’un nouveau comité, d’un agenda… Ce sera, c’est l’espoir de la nouvelle équipe en gestation, pour le n°3 de septembre 2017.

Marcelle Charlier à l’honneur

La personnalité prise sous la loupe, mieux connue sous le nom de son mari, appartient à la famille Guil-laume. Née en 1933, elle porte rivée au corps son appartenance luxembour-geoise, plus particulière-

ment arlonaise. La demeure où elle passe aujourd’hui sa retraite méritée est sise sur la place Léopold à Arlon, le cœur de la capitale de la province du Luxembourg. On lira plus loin dans l’article que le terme de retraite ne s’adapte pas exactement au cas de celle que tout Arlonais connaît sous le nom de Madame Charlier, encore moins celui de vieux jours, comme le peuple a coutume d’appeler le troisième temps de la vie, tant ses engagements sont encore innombrables.

Il suffit d’aligner les multiples engage-ments passés et présents de Marcelle pour réaliser que nous sommes en présence d’une femme d’exception : éduquée sous la férule exigeante d’un père dont elle est restée très admira-tive ; formée au prestigieux Institut Marie-José fréquenté par toutes les filles bien nées d’Elisabethville et d’ailleurs ; agent administratif au journal l’Essor du Katanga – IMBELCO, qui lui donnait le privilège de vivre au cœur de l’actualité;

pratiquant le hockey comme sport et le bridge comme détente; épouse active depuis 1957 dans la bijouterie, aux côtés de son mari à Luluabourg ; mère d’Annick qui deviendra avec les années sa meilleure compagne ; victime de la zaïrianisation en 1973 et partant contrainte de repartir à zéro en Belgique ; commerçante en bijouterie en Belgique ; veuve dès 1975 à la suite de l’accident de train de son mari ; res-tauratrice à La Bourse et aux Arcades à Arlon où l’on servait à l’occasion une excellente moambe, établisse-

ments qu’elle acquerra et agrandira pour former un complexe en vue ; politicienne en “bleu” à la commune d’Arlon comme à la province, jusqu’à occuper le poste de présidente du CPAS et de présidente du Conseil provincial (voir cordon portée par Marcelle sur la photo) de 2002 à 2008 ; fondatrice ou dirigeante de nombreuses associa-tions dont l’Amicale Massonnet (plus de 600 membres) qui lui tient le plus à cœur et démontre sa fibre sociale ; toujours conseillère aujourd’hui à la commune arlonaise malgré son âge respectable ...C’est trop pour une seule femme, dira-t-on, et c’est pourtant de part en part la simple vérité. Tant d’engagements, recommencements et défis ne peuvent s’expliquer que par une passion à toute épreuve, qui ne l’a jamais abandonnée, pour le bonheur de tous ceux qui ont eu la chance de la connaître.

PAR ROLAND KIRSCH

N° 2

Hockey féminin à Lubumbashi en 1950Marcelle Charlier portant fièrement le cordon de présidente du Conseil provincial

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Marcelle a déjà 11 ans quand elle ap-prend à connaître ses parents, dont elle a vécu séparée à cause de la guerre ; grâce à elle, ceux-ci furent parmi les premiers à pouvoir revenir dans la mère-patrie, en 1946. Ils y repartent la même année et réalisent le périple aérien à bord d’un vieux Juncker, ré-cupéré de l’armée allemande.Le Congo n’était pas une terra incognita pour la famille. Celle-ci totalisait déjà pas mal d’années sous les tropiques : son grand-père maternel Noël, parti en 1907 pour une carrière dans le Chemin de fer du Bas-Congo, figure parmi les pionniers. Son père était actif à Jadotville à l’ELAKAT. C’est du reste lors de la rencontre des deux sur le pont d’un bateau de la CMB en 1928, que les deux familles scelleront leur union par un mariage, qui sera conclu en 1932 et donnera naissance à Marcelle en 1933.

A leur retour à Elisabethville les parents n’ont d’autre choix que d’inscrire leur fille à l’institut Marie-José où elle fera, comme toutes les anciennes, beaucoup de connaissances avec qui le contact n’est pas rompu jusqu’à ce jour. Sui-vront quelques années à Léopoldville, pour parfaire ses études, dont elle ne garde pas un souvenir transcendant.Puis c’est l’heureux retour à Eli-sabethville. Montrant déjà tous les signes d’une femme active, engagée et indépendante, parallèlement à une carrière au journal l’Essor du Congo - IMBELCO, Marcelle ne tardera pas à entrer au club de hockey de l’UMHK, qui avait pour nom le Lubumbashi Hockey Club. Elle signait ses articles relatifs aux performances du club sous le pseudonyme de Bilulu, peu indicatif de la dureté du sport. Comme le club vit en parallèle avec celui des Aiglons, masculin celui-là, elle tombe sous le

charme à 20 ans de Jean-Pierre Charlier, qui deviendra son mari. Il fallut pour-tant qu’elle patientât, car la famille tenait à ce que toutes les sommations soient accomplies avant de concéder l’accord. En 1955 les jeunes amoureux purent enfin convoler en justes noces, à Elisa-bethville.

Le mari étant spécialiste en gravure et bijouterie, il fonde une bijouterie à Luluabourg, dans la grande avenue de la ville où se situent l’hôtel Atlan-ta, l’imposant building Immo-Kasaï, le palais provincial, la résidence du gouverneur, la statue de Léopold II. Marcelle l’y rejoindra en 1957. Les Char-lier cumuleront assez vite la bijouterie et l’agence de voyages COGEAIR et SABENA, sans oublier l’aéroclub qui éveilla de nombreuses vocations de pilote et où Jean-Pierre connut un crash à cause d’un apprenti.

A côté de la joie de donner la vie à son unique fille, le couple connaîtra pas mal d’épreuves douloureuses : troubles liés à l’indépendance en 1960 pendant lesquels les expatriés s’étaient retranchés dans l’Immo-Kasaï, le fusil à portée de main ; la guerre tribale entre Lulua et Baluba qui eut de fâcheuses retombées sur la ville, en 1961 ; le ré-gime mobutien régulièrement tracassier vis-à-vis des Belges, avec en particulier de sérieux problèmes pour le mari contraint de regagner la Belgique avant terme (voir à ce sujet l’excellent article de Christan Van Herck dans l’édition luxembourgeoise du journal l’Avenir du 28.02.2017) ; coup de grâce de la zaïrianisation de la bijouterie et perte de tout son contenu, avec obligation pour Marcelle de regagner la Belgique, pour toujours.

Assez vite Marcelle rebondit, dans le commerce d’une part et dans la politique communale et provinciale d’autre part. Si au plan commercial elle se contente aujourd’hui d’administrer ses biens immobiliers, tout en ayant conservé un magnifique appartement s’ouvrant sur la place Léopold, elle reste active dans la gestion de sa commune natale comme conseillère, sans oublier son investissement continu dans une chorale. Et cultive les nombreuses amitiés qu’elle a nouées tout au long de ces décennies.

Impressionnante carrière, pour le plaisir personnel de l’action et pour le bien de tous ! ■

Vie de l’association

Poignée de main royale à Arlon

Le RCAGOM devant le monument Léopold II à Arlon en 2003, avec des délégués d'Ostende, de Bruges, de Charleroi, de Bruxelles, de Verviers et de Liège

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Nécrologie

C’est avec grande tristesse que nous portons à la connaissance de nos membres le décès de :pour l’ARAAOM : Alfred Viatour (à 93 ans) et André Gilman (à 76 ans) ;pour l’ASAOM : Nelly Paquay, épouse Förster (à 83 ans)pour le CRAA : Yves Bruart (à 74 ans)Nous présentons aux familles éprouvées nos condoléances émues.

Réalisations internes

- 18.03.17 : CRAA AG & Déjeuner au Contes de Salme ;- 26.03.16 : ARAAOM AG & Moambe aux Waides à Liège ;- 30.04.16 : ASAOM & ARAAOM Déjeuner de printemps à la Pitchounette.

Réalisations externes

Participation aux forums et aux journées de MDC (fh). Participation à certaines activités de Niambo (ARAAOM)Participation à l’AG du CRNAA (fh), de MDC (fh)Participation aux rencontres de l’APKDL (ofe), du MOHIKAAN (fh).

Projets internes et externes

- 10.06.17 : Os Amigos Convivio à Lisbonne ;- 14.06.17 : UROME AG, au CPA à Bruxelles ;- 25.06.17 : ASAOM Journée de l’Amitié (Souvenir)- 08.08.17 : ARAAOM Escapade à Sart-lez-Spa.

Dispositions communes aux trois cercles

- La cotisation annuelle ordinaire pour les trois associations est de 25 €, à partir de l’exercice 2017. La cotisation d’honneur est de 50 €, avec citation dans la revue. Toute majoration de la cotisation, comme tout don ou legs, sera reçue avec reconnaissance. La revue cesse d’être envoyée aux retardataires dès le troisième trimestre de l’exercice en cours et un ultime rappel leur est adressé.

- Les membres sont instamment priés de communiquer leur adresse électronique au secrétariat.

- Chaque membre est invité à collaborer à la rédaction de la revue, tant du tronc commun que des pages partenaires propres.- Les articles signés n’engagent que leur(s) auteur(s).

- Tous les articles sont libres de reproduction et de diffusion, moyennant mention de la revue-source (titre et numéro) et du nom de l’auteur/des auteurs.

Membres d’honneur

ARAAOM : M. Luk Dens, président de l’AP/KDL

ASAOM : M. et Mme Voisin-Kerff ; le Dr Vétérinaire et Mme Craenen-Hessel.

ADMINISTRATION

Présidente et UROME : Odette François-EvrardVice-président : Fernand HesselTrésorière : Odette Vieilvoye

Secrétaire : Louis DespasMonuments : Jeannette TraenFêtes : Jo Bay & Jeannette TraenVérificateur des comptes : à désignerPorte-drapeau : Albert DemoulinTam-Tam : Rédaction, MdC, NLC et SNEL : Fernand Hessel : [email protected]é de Louis DespasSiège : rue du Laveu, 97, 4000 Liège ; tél. 04 253 06 43 ou 0486 74 19 48 ; odfranç[email protected] Trésorerie : tél. 04 227 74 74 : [email protected] Membres au 31 décembre de l’année écoulée : 94Compte : BPOTBEB1 – BE69 0000 8325-3278

Président : Fernand HesselVice-président : José WelterTrésorier et archiviste : Reinaldo de Oliveira

Secrétaire & porte-drapeau : Françoise Devaux, assistée de Michèle KerffVérificateur des comptes : à désignerAutres membres : René Dubois (président d’honneur), Joseph Heins, André Voisin (Past-Président et UROME) ;Revue Contacts : (Rédaction, MdC, NLC, SNEL) : Fernand Hessel [email protected]; téléphone : 0496 20 25 70 : 087 77 68 74 ;Siège : ASAOM, Vieux château, rue François Michoel, 220, 4845 Sart-lez-Spa (Jalhay).Membres au 31 décembre de l’année écoulée : 74Compte : GKCCBEBB - BE90 068-0776490-32

Président : Freddy BonmariageVice-président : Guy Jacques de DixmudeSecrétaire et trésorier : Herman Rapier

rue Commanster, 6 - 6690 [email protected] : tél. 080 21 40 86Porte-drapeau et fêtes : Denise PirotteVérificateur des comptes : Paul ChauveheidAutres membres : Pierre Cremer, Didine Voz-PetitjeanRevue (rédaction, MDC, NLC et SNEL) et UROME : Fernand Hessel : [email protected] Siège : Freddy Bonmariage, Grande Hoursinne, 366997 Érezée ; tél. 086 40 12 59 ou 0489 41 79 05 - [email protected] au 31 décembre de l’année écoulée : 55Compte : BE35-0016-6073-1037

Président refondateur : Roland KirschAG de refondation : 24.06.17

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Vie des associations

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Afrikagetuigenissen

Dit jaar herdenken wij de Limburgse franciscaan, pater Placied Tempels, vader en pionier van de Bantoefilosofie, die in 1977, veertig jaar geleden, overleden is.Zijn diepe overtuiging hield in en zin : ”Het christendom is bekwaam een Bantoe-beschaving te bezielen gelijk het de Westerse beschaving heeft bezield.”

Ofwel komt er een chris-telijke Bantoe-bescha-ving, ofwel komt er niets anders dan een opper-vlakkige europeanise-ring die het Bantuisme vermoordt. Er is geen

andere uitweg.” Deze zware woorden staan te lezen in het boek “Bantoe- Filosofie” dat pater Franciscaan Pla-cied Tempels in 1946 liet verschijnen. Dit boek zou een mijlpaal worden in de ontwikkeling van een Afrikaans filosofisch denken en ook grote in-vloed hebben op de wijze waarop de missionering in Afrika werd beoe-fend en waarop ook vandaag nog het christendom in Afrika wordt beleefd.

In dit boek vinden we de neerslag van de evolutie die zich in de geest van de auteur na tien jaar missiewerk heeft voorgedaan. Na enige jaren had hij teleurgesteld ervaren dat het gods-dienstonderricht zoals hij het aanvan-kelijk “volgens het boekje” gaf, gegrond op de klassieke westerse ideeën, moei-lijk in de geesten doordrong.

Onder druk van zijn twijfel over de vraag of hij wel op de goede weg was, stapte pater Tempels af van zijn klassiek doctrinair onderwijs. Hij streefde ernaar de Afrikaan als mens te doorgronden. Door met de mensen te praten en hen te ondervragen, door hun zegswijzen en spreekwoorden te analyseren, peilde hij naar de diepe roerselen in de Afrikaanse ziel.

Zo kwam hij ertoe de diepgewortelde opvattingen en wijsheid van de Bantoe te doorgronden. Voor wie nog niet vertrouwd is met deze materie komen we nog even op het uitgangspunt van deze filosofie terug : wat telt in het Bantoe-bewust-zijn omtrent het wereldbeeld zijn niet dingen, “dat wat is”, zoals bij ons, maar levenskracht. Deze vitale kracht is de onzichtbare werkelijkheid van alles wat bestaat. Zij is in stijgende mate tegenwoordig in de ‘dode’ natuur, in de planten, de die-ren en de mensen, maar daarna ook in de wereld van de geesten en ten slotte in de godheid. In dit denksysteem bekleedt de mens natuurlijk een cen-trale plaats. Waar het op aan komt is het verwerven, het behouden en overdragen van levenskracht.

Ouderdom, ziekte, bijvoorbeeld impli-ceren een afname van kracht, terwijl een goed leider bekwaam is om kracht te vermeerderen. Al wie enigszins met het inlandse leven in Afrika vertrouwd is, weet ook dat een persoon, zelfs al is hij overleden, bekwaam wordt geacht om de levenskracht van iemand anders te beïnvloeden.

Wil de prediking van het christendom vaste voet onder de grond hebben in Afrika, betoogde Tempels, dan moet zij aansluiten bij deze denkwereld. Meer nog : “Het christendom is bekwaam een christelijke Bantoe-beschaving te bezielen, gelijk het de westerse beschaving heeft bezield”, leest men woordelijk in zijn boek.

Het was geen kleinigheid dat deze jonge missionaris op eigen houtje het traditionele gevestigde missio-neringswerk zo maar in vraag ging stellen, niet zonder daaraan een for-mele aansporing te koppelen om tot een grondige bijsturing over te gaan.Laten we grif erkennen dat indien de toenmalige overheden de goede idee hadden gehad om de toekomstige kolonialen beter vertrouwd te maken met de specifieke denkwereld van de Bantoe, zij beter voorbereid zouden zijn geweest om de cultuurschok te verwerken die hen wachtte. Zo had-den wellicht heel was spanningen, misverstanden en onheil voorkomen kunnen worden. ■

Pater Placied Tempels

DOOR GUIDO BOSTEELS

La traduction française de cet article se trouve sur notre site www.memoiresducongo.be

Siège : Jan van Ruusbroeclaan 15, 3080 Tervuren

N° 13

Karakteristiek portret van Pater Placied Tempels (Met dank aan Kadoc, Leuven)

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UROME-KBUOLUnion Royale belge pour les pays d’Outre-Mer

Koninklijke Belgische Unie voor Overzeese Landen

Mais, de toute évidence, ceux-ci ne ré-sultaient pas de la volonté de Léopold II. Incrédule face aux accusations, il institua une commission d’enquête internatio-nale indépendante pour faire toute la lumière à ce sujet. Il n’hésita pas à publier au Journal Officiel de l’EIC le rapport pourtant accablant de la commission d’enquête. Les responsables des abus les plus criants furent poursuivis et des mesures de redressement prises. Quand, en 1908, l’Etat belge reprit la propriété personnelle du Roi, il continua à réprimer impitoyablement les abus. Si, lors de la reprise du Congo par la Belgique, la philosophie du système n’était pas abordée, c’est parce que le fait colonial, partie intégrante de l’air du temps et de l’histoire de l’Europe, n’était mis en cause par personne, même pas par les esprits les plus progressistes de l’époque, comme Emile Vandervelde par exemple.

Colonisation exemplaire

La Belgique a été la seule puissance coloniale à avoir développé un pro-gramme de développement cohérent et progressif pour sa colonie : réseau de communications ; investissement sur place des revenus fiscaux de grands projets capitalistes dans l’infrastructure ; développement d’une agriculture non seulement autosuffisante mais même exportatrice ; réseau d’hôpitaux et de dis-pensaires pour soins médicaux gratuits ; éradication de maladies endémiques ;

La colonisation belge,unique en son genre

Déjà l‘acquisition du Congo par le Roi Léopold II a été unique en son genre. Elle n’était pas le résultat d’une conquête suivie d’une oc-cupation armée, mais elle fut l’aboutissement d’une diplomatie subtile. L’Etat

Indépendant du Congo sera d’ailleurs immédiatement reconnu par les puis-sances de l’époque.

De tous ses actes, il apparaitra d’em-blée que Léopold II voulait mettre en place un Etat modèle avec un traitement convenable de la population indigène, dans l’esprit du temps, bien entendu. Il s’attacha à mettre fin aux razzias es-clavagistes et aux guerres intertribales. Les pouvoirs de potentats locaux, qui très souvent opprimaient leur propres sujets et participaient activement à la traite, furent circonscrits. La Pax Belgi-ca, instaurée déjà à l’époque de l’EIC, fut maintenue jusqu’à l’indépendance du Congo.On ne peut toutefois nier que l’exploi-tation des ressources du Domaine de la Couronne fut fondée sur le travail forcé, imposé de façon outrancière par certains agents. Cette exploitation sau-vage fût limitée dans le temps et dans l’espace (1/10 du territoire) et les revenus n’étaient pas destinés à l’enrichissement personnel du Roi mais au financement de grands travaux en Belgique. Tout cela n’empêche que les excès commis durant cette période ont entaché l’histoire de l’Etat Indépendant du Congo.

Siège de l’associationrue de Stassart-Straat, 20-22, 1050 Bruxelles-Brusselwww.urome.be

Contact : Robert Devriese, rue du Printemps, 96 1380 [email protected]

Président : Renier NijskensAdministrateur délégué : Robert DevrieseComité exécutif permanent (CEP)Guido Bosteels, André de Maere d’Aertrycke, Robert Devriese, William De Wilde, Renier Nijskens, André Schorochoff, Paul Vannès, Jos Ver Boven, Françoise Verschueren, André Voisin.Conditions d’adhésion1) agrément de l’AG2) payement de la cotisation annuelle, à raison de 0,25 € par membre de l’association, avec minimum de 50 € /an.Compte bancaire BE54 2100 5412 0897Code BIC : GEBABEBBFilm Congo : BE08 0359 6532 1813.Pages de l’UROME dans MDCEditeur : Robert DevrieseRédaction des articles non signés, liaison avec MDC, NLC et photos : Fernand HesselAdresse technique : [email protected] : Les articles sont libres de reproduction moyennant mention de la source et de l’auteur (voir au bas de chaque page).

1 ABC-Kinshasa2 ABIA3 AFRIKAGETUIGENISSEN4 AMI-FP-VRIEND5 AP/KDL6 ARAAOM7 ASAOM8 BOMATRACIENS9 CCTM10 CONGORUDI11 CRAA12 CRAOM

13 CRAOCA14 CRNAA 15 FBC16 MAN17 MDC18 N’DUKUS19 NIAMBO20 SIMBA21 URFRACOL22 VIS PALETOTS

Membres de l’Urome

PAR ROBERT DEVRIESE

N° 7

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Monument MIANIà Rovigo (Italie)

(photo tirée de l’Illustration congolaise, recommandée par la photothèque de MDC).

Giovanni Miani (1810 – 1872), auteur d’un opéra qui lui valut les éloges de Rossini, initiateur d’une Histoire universelle de la musique qui le ruina, se retrouva explorateur en Egypte, à la recherche des sources du Nil, vers la fin des années 1860. Abandonné par sa caravane à quelques jours seulement du lac Albert , il est doublé par Speke et Grant venus du sud, et par Baker venu de Khartoum. Rétabli d’une ma-ladie, il se remet en route à l’appel de Schweinfurth, traverse ce qui sera pour un temps l’enclave du Lado, et atteint l’Uele en 1872. Il s’arrête au passage chez Mbunza, le célèbre chef Mangbetu, et chez Bakengai, grand chef Zande. Sur le retour, il meurt fin 1872, à quelques heures de marche de Niangara. Ses restes furent ramenés en deux temps à Rovigo, sa ville natale, en 1880 et 1881. Une statue y fut érigée à sa mémoire en 1931.

éducation progressive de la population. Il est souvent reproché à la Belgique de n’avoir pas été capable de former une élite indigène, contrairement aux autres pays colonisateurs. Cette accusation est parfaitement injuste et malhonnête. En 1960 le Congo était le pays le plus al-phabétisé de l’Afrique Noire et comptait 2 universités. (*)

Exploitation ?

La période d’exploitation fondée sur le travail forcé a déjà été abordée ci-dessus. Il est toutefois regrettable que, bien que limitée dans le temps et dans l’espace, celle-ci continue à occulter jusqu’à ce jour, les réalisations absolument remarquables de la Belgique en Afrique centrale.

Après la reprise du Congo par la Belgique en 1908, l’accusation d’exploitation, dans le sens de dépouillement, est totalement infondée. La colonie s’autofinançait. Les ressources étaient exclusivement réser-vées à la mise en valeur de la colonie ; les impôts perçus des grandes sociétés étaient intégralement investis sur place dans le développement de l’infrastructure.

La colonisation du Congo fut certes une entreprise ayant des visées économiques et rapporta des bénéfices considérables à ceux qui s'y engagèrent. Mais l’Etat belge n’a pas bâti sa richesse sur l’exploitation du Congo. Bien avant d’acquérir le Congo, la Belgique était déjà la deuxième nation la plus industrialisée du monde, juste après l’Angleterre.L’apport de la colonie à l’économie belge était négligeable.

Jusqu’en 1908 le Congo avait rapporté à l’Etat belge 16 millions de francs or.

Entre 1908 et 1950 la Belgique a dépensé 259 millions de francs or dans la colo-nie. Dans cette même période le Congo rapportait à la Métropole 24 millions de francs or (7 milliards de FB). Ce revenu total de 42 années équivalait à 1/10 des dépenses annuelles de la Belgique. (*) ■

(*) Le Congo belge, au cœur du continent noir de Bernard Lugan dans La Nouvelle Revue d’Histoire.

Activités internes (principales)

17.02.17 : Rencontre Fons Peeters, Prof. Gembu Crispin, Frank Hye – Projet Aketi21.02.17 : Déjeuner de travail G. Gryseels (MRAC), R. Nijskens, R. Devriese09.03.17 : Comité exécutif permanent UROME. Réception remise distinction honorifique à André de Maere d’Aertrycke31.03.17 : CA UROME04.04.17 : Comité Film31.05.17 : Comité Film14.06.17 : AGS UROME.

Activités externes (principales)

21.02.17 : AG Fraternité Belgo – Congolaise10.03.17 : Déjeuner-conférence CRAOM.

Agenda trimestriel

Appel réitéré à collaborationChaque membre de l’UROME est prié d’apporter sa contribution à la recherche des monuments et autres vestiges relatifs à l’œuvre belge en outre-mer (avec photos légendées de bonne définition), en Belgique, en Afrique centrale et dans le monde, de même qu’à la défense de celle-ci. (par articles, lettres et mises à disposition de photos et autres documents)

Pierre tombale du soldat Bomjo Antoine, membre du Corps des Volontaires congolais engagé dans la Grande Guerre, tombé au champ d’honneur en

Belgique, en 1915 (Wilrijk, Schoonselhof)

Monument Miani à Rovigo, IC du 01.08.33

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50 MdCMdCasblMémoires du Congo n°41 Mars 2017 - B5

Bibliographie

F reddy Lejeune est né à Châtelet en 1892 et y décédé en 1949. Universi-taire de Louvain, il est aussi homme de lettres. Ce talent parcourt tout

son ouvrage. Le 10 août 1917, l’armée le charge d’organiser un transport d’armes et d’équipements destiné aux troupes belges en Afrique Orientale, engagées contre les Allemands. L’expédition traversera l’Afrique d’ouest en est, et l’auteur ne laisse jamais de la décrire avec un certain lyrisme, sans pour autant renoncer à la critique, comme la sous-capacité du rail par exemple. Du ss/Albertville il monte dans le train à Matadi pour Kinshasa, puis dans le bateau pour Stanleyville. Une fois le matériel débarqué, les trois officiers entament alors leur longue traversée de la forêt et de la savane, avec une grosse équipe de porteurs. Quand ils ne supportent plus la marche, ils prennent place dans des chaises à porteurs.

Après une odyssée de trois mois, les voilà enfin devant l’Océan Indien. Ils sont main-tenant en terre anglaise ou ex-allemande. Et Lejeune fait des comparaisons pas toujours agréables pour la colonie belge et la qualité des villes et campagnes anglaises qu’il dé-couvre. Les Anglais, après avoir mis en qua-rantaine les porteurs congolais, parce qu’ils considèrent avec un certain mépris la qualité de l’organisation sanitaire du Congo Belge, chargent nos Belges de faire des navettes de marchandises vers la Rhodésie. Mais la guerre se termine. Lejeune doit regagner la Belgique. Il voit en passant sur le Tanganyika les épaves des bateaux allemands que les Belges ont bombardés, avant d’entamer un autre long voyage, par train et bateau vers le Cap. Et enfin le retour via l’Angleterre, sans doute début 1919. Malgré sa qualité littéraire, le manque de précision quant aux itinéraires, dates… peut irriter.

José Rhodius

L a traduction anglaise de l’ouvrage de Guido De Weerd, déjà salué pour son grand intérêt lors de sa parution en français chez le même éditeur en 2015,

est plus que bienvenue. Voilà la quête de la vérité historique accomplie par le chercheur sur l’Etat indépendant du Congo servie dans la langue de ceux qui se sont le plus achar-nés sur l’œuvre de Léopold II. L’image de la couverture à elle seule résume la mauvaise foi de l’Angleterre vis-à-vis de la Belgique, laquelle n’a pas disparu un siècle après les faits : l’image truquée d’une paisible scène villageoise datée de 1892 où la poterie est remplacée par des crânes en 1904.On ne saurait assez insister sur la valeur de l’ouvrage dans toutes ses composantes : le génie de Léopold II à supputer l’importance

de l’Afrique centrale, la fondation d’un état sur les ruines de terres arrachées aux escla-vagistes, la défense des frontières contre les états européens toujours prêts à agrandir leurs propres acquisitions, la pacification in-térieure de peuplades et factions prêtes à en découdre avec l’envahisseur blanc, l’apport civilisateur de la part des missionnaires ; les comportements excessifs de certaines socié-tés commerciales et de certains pionniers, le transfert d’un Congo déjà bien développé à la Belgique, sans omettre d’argumenter contre les détracteurs parmi lesquels la presse in-ternationale joue un jeu peu reluisant.

Fernand Hessel

L es éditions Weyrich sont devenues en quelques années spécialistes des mo-nographies sur le Congo. Leurs livres sont autant d’albums que les anciens

d’Afrique centrale ont intérêt à mettre en bonne place dans leur bibliothèque, même si pour la plupart d’entre eux il ne s’agit plus que de lointains souvenirs.Georges Antippas de son côté est devenu, livre après livre, le spécialiste de la vie congo-laise sous tous ses aspects de la fin de la colonisation et du début de l’indépendance. Il parle en témoin oculaire et pour le plus grand plaisir du lecteur il a le don de trouver chaque fois la bonne illustration. Il s’agit cette fois, le titre est on ne put plus explicite, d’une ville qui a joué un rôle capi-tal dans l’exploitation minière du Katanga. Kolwezi reste inoubliable à tous ceux qui

l’ont pratiquée, comme résident ou comme touriste, d’autant que la période est anté-rieure aux guerres qui vont sérieusement en altérer le visage et la renommée. L’opus d’Antippas offre un bel exemple de la mon-tée en puissance d’une ville coloniale, sans occulter ses aspects paternalistes de la part de la société industrielle qui en était la maî-tresse, la fameuse Union Minière du Haut-Ka-tanga. Et du combat pour la survie après que Mobutu ait procédé à l’enterrement de l’UMHK en 1966.Un album de souvenirs qui n’a pas besoin de publicité pour appâter les connaisseurs.

Fernand Hessel

Lejeune, F., A travers l’Afrique ardente, De l’Atlantique à l’Océan Indien Desclée de Brouwer, Bruges-Paris, 1927 ; 176 pages ; 220 X 145, illustrations d’époque, couverture du peintre liégeois Mambour, qui a peint beaucoup de tableaux de femmes congolaises.

De Weerd, G., The Congo Free State, Dynamedia, 2017, 626 pages, 240x160 mm.Grand nombre de cartes, tableaux et illustrations, 30 €

Antippas, G., Kolwezi, Les années 50-70, Editions Weyrich Africa, 2017. 32 €

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B5 - Mémoires du Congo n°41 Mars 2017

I l aura fallu attendre longtemps et en par-ticulier le vingtième anniversaire de la mort du héros pour que paraisse sur le marché une biographie complète de Mo-

butu, ce qui ne s’explique qu’à moitié quand on sait combien prompts sont les éditeurs à produire des livres sur des hommes politiques à peine juchés sur le pavois et les auteurs à se mettre en ordre utile pour s’attribuer une part de marché. Jean-Pierre Langellier, ancien journaliste au Monde, vient combler heureusement ce vide. Peut-être fait-il œuvre de précurseur car on sait que les grandes figures de l’histoire, fussent-elles contestées, ne se révèlent que lentement ? Il est fort à parier cependant que l’opus ne fait qu’ou-vrir la marche vers la vérité historique d’un chef d’Etat qui a régné en maître sur un pays presque aussi vaste que l’Europe tout entière. Trente-deux longues années ou presque, au sommet de l’armée, de l’Etat, du parti, de la

gloire… et surtout de la nation congolaise qu’il a sans aucun doute contribué à forger, voilà un destin qui méritait bien un livre. Ceux qui ont partagé en tout ou en partie ce destin, comme entrepreneur ou coopérant, ont intérêt à l’acquérir, à le lire et à l’analyser.Langellier n’occulte aucune facette de la per-sonnalité de l’homme qu’il prend sous sa loupe, de sa fulgurante ascension en 1965 au sortir de la colonisation belge à son résistible retrait de la scène politique à partir de la Conférence nationale souveraine en 1991 et sa brusque disparition en 1997.Ecrit d’une plume alerte qui se trempe dans l’expérience du terrain et l’apport et les écrits d’autres observateurs, le livre se lit comme un roman historique.

Fernand Hessel

I l est intéressant de noter en passant, plus particulièrement pour les amateurs de paléoanthropologie, la parution d’un livre sur une science en évolution accé-

lérée, grâce à la découverte de plus en plus abondante de vestiges humains et aux tech-nologies de plus en plus aptes à établir les filiations. Celui-ci est de la main de Michel Brunet, professeur au Collège de France, que sa découverte sur les rives du lac Tchad des plus vieux os humains jamais trouvés a rendu célèbre. Cette poignée d’os, ne provenant pas tous du même squelette mais ayant permis de reconstituer un crâne homogène, est en-trée dans l’histoire sous le nom de Toumaï. La précieuse découverte a permis de faire un bond dans le passé de plusieurs millions d’années, repoussant l’origine de l’espèce humaine à plus de 7 millions d’années, ra-vissant la vedette à Lucy remontant à un peu plus que 3 millions d’années, et prouvant

une fois de plus, jusqu’à nouvel ordre, que nous sommes tous d’origine africaine où nos lointains ancêtres sont restés cantonnés pen-dant près de 5 millions d’années avant de se répandre sur la totalité de la planète, en pas-sant par le Moyen-Orient et par la péninsule ibérique. La richesse de l’étude de Brunet tient au fait qu’elle refait tous les cheminements des chercheurs depuis le 19e siècle jusqu’à nos jours, qu’il énonce toutes les hypothèses, sans omettre de livrer au passage ses propres convictions. Suivre par le texte le découvreur du plus ancien représentant de l’humanité connu à ce jour, à défaut de pouvoir l’obser-ver sur les sites de fouilles, ne peut apporter que du plaisir à quiconque s’intéresse à sa lointaine origine, fût-elle attestée par une poignée d’os. Le moins que l’on puisse en conclure est que la généalogie de notre espèce est des plus complexe.

Fernand Hessel

P endant la période coloniale, les colo-nisateurs se sont surtout intéressés à l’histoire de l’Afrique en laquelle ils prenaient une part importante, d’au-

tant que les documents sur les périodes pré-cédentes étaient le plus souvent de seconde main. Il y eut cependant sur le tard une géné-ration d’historiens belges qui prendront sous la loupe les premières afriques, titre, à la fois poétique et véridique, sous lequel le Jésuite Luc Croegaert publie son excellente synthèse des connaissances acquises chez Didier Hatier en 1965. Parmi ces chercheurs belges, qui ont pour nom Bal, Bontinck, Jadin et autres, un chercheur deviendra le spécialiste des anciens royaumes du centre de l’Afrique, Luc Vansina (1929-2017), qui a publié en 1965 à l’Université du Wisconsin, à laquelle il est resté attaché jusqu’à sa mort, un livre fonda-mental, sous le titre de The Kingdoms of the

Savanna en 1965, que J. Taminiaux traduira et que l’Institut de recherches économiques et sociales de l’Université de Lovanium publiera. Depuis les années soixante la recherche a fait on s’en doute des progrès substantiels mais la monographie de Jan Vansina n’en a pas perdu pour autant son fondamental intérêt. Les historiens africains n’ont pas manqué de relayer les chercheurs de la première des indépendances. On en apprend chaque jour un peu plus sur l’histoire du peuplement de ce continent d’où sont partis à deux reprises, les lointains ancêtres de l’espèce humaine. Document indispensable à quiconque s’inté-resse à ce qu’était le Congo avant Léopold II.

Fernand Hessel

Langellier J.-P., Mobutu,Perrin, 2017, 432 pages, 150 x 240mm, 24 €Quelques photos historiques de Mobutu en couleurs.‡

Brunet, M., Nous sommes tous des Africains, A la recherche du premier homme, Odile Jacob, 2016,224 pages, 145 x 220 mm, 24 €

Vansina, L., Les anciens royaumes de la savane, Université de Lovanium, IRES, 1965Traduction de l’œuvre originelle en anglais par J. Taminiaux.252 pages, 160 x 240 mm.

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