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    Chronique de Nol

    Commentaire :

    Proposition de citation :

    Rachel Christinat, Cadeaux de Nol au sein ducouple : passion ou poison ?,

    DroitMatrimonial.ch dcembre 2014

    Newsletter dcembre 2014

    Couple

    Cadeaux de Nol au sein du couple : passion ou poison ?

    Rachel Christinat

    Introduction

    La magie de Nol opre mme au sein de certains couples fragiles, qui semblent oublier cette priode de lanne leurs diffrends profonds, la routine devenant touffante, les vicesde lautre ou les remarques insidieuses du quotidien, rongeant pourtant leur relation. Nousignorons si les prsents quils schangent en fin danne dtiennent le pouvoir de raviver lapassion qui autrefois les unissait. Nos comptences nous permettent uniquement derappeler ici le sort des biens changs Nol en cas de sparation et de constater que cescadeaux peuvent se rvler rellement empoisonns.

    Les consquences dune rupture sur les cadeaux changs ainsi que les fondements

    juridiques de la rflexion divergent selon les liens ayant uni les deux tres. Nous

    examinerons ainsi successivement cinq situations, savoir celles des amis intimes (II), desconcubins (III), des fiancs (IV), des poux (V) et, finalement, des partenaires enregistrs (VI).Nous commencerons toutefois par rappeler quelques principes rgissant la donation (I).

    I. Quelques considrations sur la donation

    La validit des donations constitue la premire question rsoudre dans cetteproblmatique. Le donateur doit avoir la capacit de disposer et le donataire celle derecevoir (A). Ensuite, une charge ou une condition peut grever la donation (B). Il fautfinalement dterminer si la magie de Nol implique que les cadeaux reus cette occasionsont dfinitivement acquis au donataire ou non (C).

    A. Capacit de disposer et capacit de recevoir par donation

    Conformment la disposition gnrale de lart. 12 CC, la capacit de disposer estconditionne lexercice des droits civils (art. 13 CC). Lart. 240 al. 1 CO confirme cette rgleen matire de donation, de sorte que, en principe, seule une personne capable dediscernement, majeure et dont aucune curatelle ne restreint la capacit de disposer peutprocder une donation. Quelques limitations existent toutefois1:

    Lauteur remercie chaleureusement le Professeur Olivier Guillod de sa relecture attentive et de sesremarques constructives.

    1 PIERRE TERCIER/PASCAL G.FAVRE, Les contrats spciaux, 4

    ed., Genve, Zurich, Ble 2009, N 1800 ss.

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    Lart. 240 al. 1 in fineCC rserve les restrictions drivant du rgime matrimonial oudu droit des successions . Ainsi, des tiers pourraient contester la donation,

    indpendamment de la rupture des parties. Le conjoint (en cas de cadeau fait dans lecadre dune relation adultre) peut demander la runion (art. 208 CC) et la rduction(art. 220 CC) de libralits, les hritiers rservataires du donateur peuvent requrir la

    runion et la rduction (art. 522, 527 et 528 CC) Le mariage et le partenariat enregistr privent les parties du droit de disposer

    librement du logement de famille (art. 169 CC et 14 LPart). Les donations dpassant les cadeaux dusage opres par un dbiteur recherch par

    une procdure dexcution force sont rvocables (art. 286 LP). En outre, le dbiteursoumis un concordat ne peut plus disposer librement de ses actifs (art. 298 LP).

    Le donataire doit donc garder en mmoire que des tiers pourraient contester la donationindpendamment de la rupture des parties.

    A linverse, la validit de la donation effectue par un mineur, respectivement par unepersonne dont la capacit de disposer est limite en raison dune curatelle, est conditionneau consentement de son reprsentant lgal (art. 19a CC). Quelques exceptions assouplissentcette restriction pour les mineurs puisque certains biens chappent au contrle des pre etmre de lenfant ou de son tuteur (les considrations suivantes concernent galement cettedernire hypothse, par renvoi des art. 327bet 327cal. 1 CC). Le mineur peut effectivementdisposer librement des libralits reues si le donateur a prcis que les pre et mre nepourraient pas les utiliser ainsi que des revenus des libralits dont le montant est plac sur

    un carnet dpargne ou intrts (art. 321 CC). De mme, lenfant dispose du produit de sontravail et de ses fonds professionnels (art. 323 CC). Finalement, il est libre relativement auxbiens de sa proprit et ceux dont ses reprsentants lgaux le laissent librement disposer2,

    tels son argent de poche et les biens quil acquiert grce celui-ci.

    Finalement, la personne incapable discernement ne peut offrir que des prsents dusage(art. 240 al. 2 CO). La donation devrait se faire par lintermdiaire du reprsentant lgal,pouvant effectuer uniquement des prsents usuels (art. 304 al. 3 CC pour le mineur et412 al. 1 CC concernant les pouvoirs du curateur). En pratique toutefois, la personne peutremettre directement un cadeau un tiers Nol. Tant que le prsent demeure usuel, le

    reprsentant lgal ne devrait pas sy opposer et exiger la restitution.

    La capacit de recevoir du donataire est rgie par lart. 241 CO, qui sarticule en deux temps.Le premier alina reprend le principe gnral de lart. 19 al. 2 CC3en soumettant dabord lacapacit de conclure un contrat de donation en qualit de donataire (et non la capacit derecevoir)4 la seule exigence du discernement, indpendamment de lge du bnficiaire.Seules les donations purement gratuites, soit dpourvues de toute contre-prestation entrent

    2 CR CO I-BADDELEY, art. 240, N 2.

    3 Confirm par les art. 305 al. 1 CC concernant les mineurs et 407 CC relativement aux personnes sous

    curatelle.4 La note marginale de lart. 241 CC est trompeuse car cette disposition ne rgit pas la capacit de recevoir en

    gnral mais sapplique uniquement la capacit de conclure le contrat de donation. Pour plus de dtails,

    se rfrer CR CO I-BADDELEY, art. 241, N 1 ss et les rfrences cites. Selon cet auteur, la jouissance desdroits civils suffit pour recevoir des donations ; seule la capacit de conclure des contrats de donation

    requiert le discernement du donataire.

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    en ligne de compte5. Le second alina de lart. 241 CO confre ensuite un droit de vto aureprsentant lgal dune personne capable de discernement, mais prive de lexercice des

    droits civils. Selon le texte, la donation est non avenue ou rvoque ds que lereprsentant lgal dfend de laccepter ou ordonne la restitution . Dans la premirehypothse, la donation est donc nulle de sorte quelle ne dploie aucun effet juridique. Cette

    disposition trouve sa ratio legis dans la protection de la personne dpourvue de lexercicedes droits civils contre tout lien de dpendance envers le donateur6.

    La donation avantageant en principe le donataire, la capacit de discernement est largementadmise alors que lexamen du caractre purement gratuit de lacte doit tre rigoureux7.

    Le donataire incapable de discernement agit par lintermdiaire de son reprsentant lgalpour conclure un contrat de donation (art. 19 al. 1 CC)8.

    B. Donation soumise charge ou condition

    Des conditions ou des charges peuvent grever la donation (art. 245 al. 1 CO). Lart. 91 CCinstaure dailleurs une condition potestative spciale en cas de rupture des fianailles(infra IV). Cette contribution ne traite pas des charges grevant une donation, car elles neposent pas de difficult particulire dans lhypothse dune rupture.

    En cas de condition suspensive (art. 151 ss CO), la donation nest pas excute tant que lacondition ne sest pas ralise, bloquant ainsi le transfert de proprit9. A linverse, ladonation est valablement excute en cas de condition rsolutoire (art. 154 CO), mais laralisation dun vnement la rend caduque, ce qui implique la restitution du bien donn. Ladoctrine discute des effets ex nunc10ou ex tunc11de la ralisation de cette condition. Lenjeu

    de la controverse rside dans lobligation ou non du donataire dindemniser le donateur des

    bnfices engendrs par le bien avant la ralisation de la condition. Lart. 152 al. 3 CO frappede nullit les actes de disposition effectus avant la ralisation de la condition. Les tiers debonne foi ne doivent cependant pas restituer lobjet. Dans ce cas, le dbiteur doitindemniser lautre partie au contrat.

    Les conditions doivent tre licites et conformes aux murs (art. 20 CO) et ne peuvent pasconstituer un engagement excessif (art. 27 CC)12. De mme, elles ne doivent rendre lecontrat de donation ni nul ni excessif au sens des deux dispositions prcites. En principe, ladonation en tant que telle est nulle (art. 20 CO). Toutefois, si le contrat avait t licite sans la

    clause dnonciable et si les deux parties avaient souhait le conclure sans la condition, seule

    cette dernire est frappe de nullit, de sorte que la donation demeure valable (art. 20 et157 CO). En lien avec cette chronique de Nol, TERCIER/FAVRE/ZEN-RUFFINENjugent contrairesaux murs les conditions relatives ltat matrimonial (clauses de clibat, de viduit, deslection matrimoniale !) en tout cas lorsquelles sont dictes par des mobiles

    5 CR CO I-BADDELEY, art. 241, N 11 ss.

    6 TERCIER/FAVRE, N 1805.

    7 CR CO I-BADDELEY, art. 241, N 5.

    8 CR CO I-BADDELEY, art. 241, N 16 ss.

    9 CR CO I-BADDELEY, art. 245, N 13 et 15 ; TERCIER/FAVRE, N 1881.

    10

    CR CO I-BADDELEY, art. 245, N 15 et rfrences cites.11 TERCIER/FAVRE, N 1883.

    12 CR CO I-BADDELEY, art. 245, N 6 ; TERCIER/FAVRE, N 1881.

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    rprhensibles tels que le racisme ou la jalousie 13. Peut-on dduire de cette citation quuncadeau offert condition que lautre consente un souhait du donateur est contraire aux

    murs ? Cette interrogation ne trouve aucune rponse gnrale. Un examen concret dechaque condition est ncessaire. Les motifs du donateur instaurer la condition en questionsont dterminants. Ainsi, lorsque le donateur tente dexercer une pression sur le donataire,

    le contrat est nul.

    En matire de condition suspensive, tel serait par exemple le cas dune partie offrant uncadeau dpassant les usages condition que le donataire consente une pratique sexuelle.En revanche, si le donateur saisit loccasion des ftes de fin danne pour offrir un cadeau audonataire si une condition survient sans vouloir profiter de la situation en exerant unecertaine pression, la condition nous semble valable. Nous pouvons ainsi imaginer

    lhypothse dune partie proposant lautre de lui offrir une voiture pour Nol si celle-ciaccepte de stablir chez le donateur, impliquant pour elle une prolongation de sesdplacements. De mme, une condition suspensive grevant des cadeaux hors du commun

    mais empreints de signification pour le donateur se justifie selon nous si la conditionconcerne lengagement. Ainsi, le donateur pourrait offrir des joyaux de famille au donataire, condition que le couple se marie.

    A notre sens, les conditions rsolutoires sont moins problmatiques, notamment lorsque lescadeaux dpassent les usages en raison du lien amoureux qui unit les parties. Il ne paratdonc ni excessif ni contraire aux murs de prvoir quune rupture ou quun adultreentranerait la restitution de certains prsents offerts Nol.

    C. A Nol, prsomption de donation inconditionnelle ?

    Lchange de valeurs au sein du couple Nol survit-il dans tous les cas une ventuellerupture ? Le transfert dune chose cette occasion appartient certes aux usages de latradition chrtienne. Ce constat fonde-t-il nanmoins une prsomption en faveur de la

    donation ? Premirement, distinguer une donation (art. 239 ss CO) dun prt usage(art. 305 ss CO) peut savrer dlicat. En principe la donation ne se prsume pas et la partiequi linvoque en supporte le fardeau de la preuve 14. Toutefois, le contexte dans lequel lactesinscrit influence cette analyse15. Le Tribunal fdral a notamment jug que la remise debijoux dans le cadre dun mariage constitue en principe une donation entre les conjoints16.Sil sagit en revanche de joyaux de famille que lpoux remet son pouse, le prt usage,respectivement la donation sous rserve de la condition rsolutoire de la sparation ou dudivorce, prvaut. Partant, nous prsumons que la remise dun bien loccasion de Nolquivaut une donation et non un prt, moins que le donateur manifeste clairement unevolont diffrente ou que le donataire de bonne foi doive dduire du type de bien quil sagitdun prt usage, notamment parce quil est destin demeurer dans la famille dudonateur.

    La seconde tape de ce raisonnement consiste dterminer si la donation est supposeinconditionnelle ou si, au contraire, des circonstances peuvent laisser supposer lexistence

    13 TERCIER/FAVRE, N 1881.

    14

    SJ 1980 429.15 TERCIER/FAVRE, N 1785.

    16 ATF 85 II 70.

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    dune condition. A notre sens, lampleur du prsent dtermine la solution. En effet, ledonataire de cadeaux usuels ne peut pas dduire quune condition grve les donations sans

    aucune prcision du donateur, supportant le fardeau de la preuve. Les considrationsdcrivant la notion de cadeau ordinaire en matire de fianailles (infra IV) sappliquent icipar analogie. En rsum, lampleur des prsents svalue objectivement, mais aussi en

    fonction de la situation financire et des habitudes des parties. Par consquent, les cadeauxusuels changs Nol sans autre rserve manifeste constituent des donations dpourvuesde condition, moins que le donateur en manifeste la volont contraire.

    La situation se complexifie en cas de cadeau hors du commun. A notre avis, lintensit desliens du couple revt une certaine importance. Lorsque les parties se frquententintimement depuis peu ou que le couple prsente des signes de fragilit, une certaine

    incertitude quant la durabilit de la relation rgne. Aussi, celui qui offre un cadeauextraordinaire dans ces circonstances doit composer avec la possibilit dune rupture.Partant, le donataire ne devrait pas supposer lexistence dune condition rsolutoire sans

    manifestation de la volont du donateur en ce sens. En revanche, la situation napporteaucune aide lorsquune personne offre un cadeau grandiose son amoureux , sans que larelation ne prsente de signe de fragilit. Chaque partie doit alors dmontrer ce quelleinvoque (art. 8 CC). Le fait que le donateur remette une chose ayant une valeur sentimentaleparticulire ses yeux connue de lautre (objet de famille par exemple) constitue le seul caso nous estimons quune donation avec condition rsolutoire en cas de rupture pourraitprvaloir, sans que le donateur ne lexprime. En effet, le donataire de bonne foi pourraitdduire des circonstances que le donateur refuserait de se sparer de ce bien en cas derupture. Dans tous les cas, les rgles affrentes au fardeau de la preuve sappliquentpleinement dans toutes ces situations, de sorte que chaque partie doit dmontrer les faits

    quelle allgue (art. 8 CC). Les considrations mises ci-dessus ne constituent donc que desindices que les parties pourraient invoquer en cas de litige.

    La possibilit de rvoquer les donations faites Nol sans condition en cas de rupture trouvedes rponses diffrentes selon les liens unissant les parties. Cette hypothse est parconsquent examine individuellement dans chaque cas trait ci-dessous (infraII VI).

    II. Amis intimes

    Ni la loi ni la jurisprudence ne confrent de statut particulier aux amis intimes, qui ne sontpas concubins, de sorte que les dispositions gnrales sur la donation rgissent ce cas de

    figure. Aussi, nous renvoyons le lecteur aux considrations y relatives concernant ladlimitation entre la donation et le prt ainsi que lexistence dune condition grevant ladonation (supraI). La sparation du couple est-elle un motif de rvocation de la donation

    dfaut de condition rsolutoire ? Lart. 249 CO nonce trois situations dans lesquelles ledonateur peut rvoquer (droit formateur 17 ) ses donations, que nous examinonssuccessivement.

    Une infraction pnale grave commise par le donataire contre le donateur ou lun de sesproches fonde la premire cause de rvocation (ch. 1). En loccurrence, une rupture en tantque telle ne constitue videmment pas une infraction pnale. Cette hypothse ne peut se

    17 CR CO I-BADDELEY, art. 249, N 1 ; TERCIER/FAVRE, N 1873.

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    concrtiser que si le couple se spare cause de linfraction, qui doit constituer un crime ouun dlit18.

    La deuxime cause de rvocation existe si le donataire a gravement failli aux devoirs que laloi lui impose envers le donateur ou sa famille (ch. 2). Sagissant uniquement de devoirs

    familiaux que la loi consacre19

    , des amis intimes ne peuvent pas rvoquer de cadeaux deNol sur cette base.

    Finalement, le donateur peut rvoquer sa donation lorsque le donataire nexcute pas, sanscause lgitime, les charges grevant la donation (ch. 3). Cette hypothse pourrait se ralisermais ne dcoulerait pas de la rupture des parties. A cet gard, nous avons mentionn que larupture fonderait une condition rsolutoire et non une charge. Nous nexaminons donc pascette cause puisquelle outrepasse le strict cadre de cette chronique de Nol.

    Lexercice du droit de rvocation ainsi que les effets de celle-ci ne prsentant pas departicularit en lien avec le sujet trait, nous ne les examinons pas dans cette chronique.

    Nous nous contentons ainsi de rappeler que la rvocation de la donation annule ce contrat20(les auteurs discutent quant aux effets ex nuncou ex tuncde la rvocation). Le donatairedoit restituer son enrichissement lors de la rvocation (art. 249 CO). Bien que le donateur ne

    puisse pas ouvrir une action en revendication, la restitution se fait gnralement en nature.Sil a alin le bien, le donataire doit restituer la valeur dalination ou la valeur au jour dela naissance du droit, si ce montant est infrieur la valeur dalination 21.

    III. Concubins

    Aucun principe particulier, issu de la loi ou de la jurisprudence, ne rgit les concubins qui ne

    sont pas fiancs. Par consquent, les considrations concernant les amis intimes (supra II)sappliquent mutatis mutandis cette hypothse.

    IV. Fiancs

    Lart. 91 CC rgit spcialement le sort des prsents en cas de rupture des fianailles nonconscutive au dcs de lun des fiancs. Le lgislateur a toutefois limit le champdapplication de la disposition aux prsents dpassant les cadeaux dusage, cartant ainsi lamajorit des cadeaux que soffrent des fiancs. Pour ceux-ci, les considrations gnrales surla donation (supra I) et celles relatives aux amis intimes (supra II) sont pertinentes. Lescadeaux dusage sont les prsents usuellement offerts lors doccasions gnrales telles que

    Nol ou particulires au couple (notamment anniversaire, promotion professionnelle ouobtention dun titre), avec une certaine rciprocit (non pas dans la valeur patrimoniale maisdans la frquence). Les circonstances de lespce, notamment la situation financire desparties ainsi que leurs habitudes, dterminent ce qui est usuel pour le couple en cause.

    Selon lart. 91 CC, les ex-fiancs peuvent demander la restitution des cadeaux quils se sontchangs durant leurs fianailles (et pas avant celles-ci selon nous, afin dviter que des

    18 CR CO I-BADDELEY, art. 249, N 11.

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    CR CO I-BADDELEY, art. 249, N 14.20 CR CO I-BADDELEY, art. 251, N 25 ; TERCIER/FAVRE, N 1877.

    21 CR CO I-BADDELEY, art. 251, N 30 et rfrences cites la note 46.

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    personnes ne se fiancent que pour obtenir plus facilement la restitution de donationsextraordinaires). Ainsi, ils sont dispenss de prouver que la rupture de leur engagement

    constituait une condition rsolutoire grevant leurs donations 22et ce, mme pour lescadeaux de Nol dpassant ce qui est usuel.

    Les deux fiancs peuvent exiger la restitution. De ce fait, laction en restitution appartientgalement au fianc ayant rvoqu sa promesse de mariage unilatralement 23. Les hritiersne se subrogent pas aux droits du fianc dfunt, de sorte que le dcs de lun des fiancs estune exception laction en restitution des prsents24. Dans ce cas, les hritiers fondent leursventuelles revendications sur lenrichissement illgitime (art. 62 ss CO) et sur la rvocationde la donation (art. 249 ss CO). En revanche, les hritiers peuvent poursuivre le procsouvert par le fianc dcdant en cours dinstance25.

    Lart. 91 al. 2 CC droge galement lart. 249 CO en prvoyant que la restitution rpondaux dispositions relatives lenrichissement illgitime si la rptition en nature estimpossible. Quadvient-il de la plus-value en cas de rptition en nature ? Si elle estconjoncturelle, le fianc contraint la restitution du bien ne peut pas rclamerdindemnisation. Si, linverse, elle rsulte dactes entrepris par le fianc tenu restitution,le renvoi de lart. 91 al. 2 CC aux articles rgissant lenrichissement illgitime commandelapplication par analogie de lart. 65 CO26. Partant, il peut obtenir une indemnisation pourses impenses ncessaires et, condition quil ait t de bonne foi au moment o il a engagdes frais, ses impenses utiles27. Il ne peut en revanche pas rclamer le remboursement deses dpenses somptuaires, mais peut exercer un droit de reprise pour autant que lexercice

    de celui-ci nendommage pas lobjet (art. 65 al. 2 CO). Le fianc obtenant la restitution de lachose supporte la moins-value conjoncturelle. Si la moins-value rsulte de la consommation,de la dtrioration lie lutilisation de lobjet ou dune destruction partielle, le critre

    dterminant rside dans la bonne foi du bnficiaire28.

    V. Epoux

    Les rgles gnrales applicables la donation sappliquent galement aux poux,notamment quant la non-ralisation dune condition (art. 245 CO) et la rvocation(art. 249 CO). Dans cette dernire hypothse, notons que lart. 249 ch. 2 CO pourrait trouverapplication mais le divorce et a fortiori la sparation des poux ne suffisent pas ralisercette condition29. En effet, une grave violation des devoirs est ncessaire. Ainsi, la ruptureen tant que telle nest pas une cause de rvocation des donations.

    Dans le cas o la donation est valable, des questions peuvent cependant survenir si lasparation des poux entrane la dissolution et la liquidation de leur rgime matrimonial. Siles poux taient unis sous le rgime de la participation aux acquts, tous les biens quils

    22 BSK ZBG I-HUWILER, N 3 ; BRGI-WYSS/BRGI-WYSS, 220 ; CR CC I-PAPAUX VAN DELDEN, N 2 ; WERRO, N 200.

    23 CR CC I-PAPAUX VAN DELDEN, art. 91, N 7 et rfrences cites.

    24 CPra Actions-BOHNET, art. 91 N 4 ; CR CC I-PAPAUX VAN DELDEN, N 8.

    25 CPra Actions-BOHNET, art. 91 N 7.

    26 BSK ZBG I-HUWILER, N 7 ; CR CC I-PAPAUX VAN DELDEN, N 11.

    27

    CR CO I-CHAPPUIS, art. 65, N 4.28 CR CC I-PAPAUX VAN DELDEN, N 11.

    29 ATF127III65c. 2a ;113II252,JT1988I92.

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    dtiennent sont prsums leur appartenir en coproprit (art. 200 al. 2 CC). Lpouxprtendant tre seul propritaire dun cadeau offert par son conjoint Nol supporte le

    fardeau de la preuve (art. 200 al. 1 CC). Toutefois, le fait quun objet ait t remis lautre loccasion des ftes de Nol constitue un indice trs fort en faveur de la donation et dutransfert de proprit. Les cadeaux de Nol sont comptabiliss dans les biens propres des

    poux puisquil sagit dacquisitions titre gratuit (art. 198 ch. 2 in fine CC). Lpoux quilinvoque a la charge de la preuve (art. 200 al. 3 CC). Si lpoux vend les prsents, en raisonou non de la rupture, les biens ainsi acquis demeurent des biens propres, mme si lpouxnutilise pas directement la somme ainsi rcolte pour acheter dautres biens (remploi ausens de lart. 198 ch. 4 CC). Les revenus produits par ces cadeaux deviennent en principe desacquts (art. 197 al. 1 ch. 4 CC), sauf si les poux y drogent conventionnellement (art. 199al. 2 CC).

    Lorsque le rgime de la sparation de biens unit les conjoints, tous les biens quilsdtiennent sont prsums leur appartenir en coproprit (art. 248 CC). Ainsi les rflexions

    voques ce sujet dans le rgime matrimonial de la participation aux acquts sappliquentgalement.

    VI. Partenaires enregistrs

    De la mme manire que les poux partageant le rgime de la sparation de biens, lespartenaires enregistrs sont prsums copropritaires de leurs biens, sauf preuve contraire(art. 19 LPart), moins quils naient drog conventionnellement cette prsomption(art. 25 LPart). Par consquent, les effets de la rupture sur les cadeaux changs par lespartenaires Nol ressortent des rgles sur la donation prcites (supra I). Comme cesdonations seront valables dans la plupart des cas, il sagira par consquent dexaminer le

    rgime des partenaires afin de dterminer le sort des cadeaux.

    Conclusion

    Ces quelques dveloppements dmontrent que les cadeaux changs au sein du couplepour Nol ne sont pas forcment acquis au bnficiaire en cas de rupture subsquente. Anotre sens, il convient dabord de dterminer si le cadeau tait usuel ou non au sein ducouple en cause. Dans laffirmative, le donateur ne peut obtenir la restitution que silparvient dmontrer que la sparation des parties constituait une condition rsolutoire ladonation. En cas de prsent hors du commun, les liens unissant les parties influencent la

    solution. Lart. 91 CC favorise effectivement les fiancs par rapport aux autres couplespuisquils ne doivent pas prouver lexistence de cette condition rsolutoire. Dans les autresrelations, leffet du caractre disproportionn du cadeau sur la bonne foi des parties est considrer selon la force des liens les unissant encore au moment des Ftes. Rappelons ausurplus que dautres dispositions lgales permettent des tiers dagir en rduction, enrapport ou en revendication en cas de donation excdant la normalit. Finalement, le rgimematrimonial des poux influence galement le sort de la valeur des cadeaux en cas dedissolution et de liquidation du rgime. Il en va de mme pour les partenaires enregistrs.

    De surcrot, le donataire peut encore tre inquit par des tiers indpendamment de touterupture si le donateur a enfreint les dispositions du rgime matrimonial, a ls la rserve de

    ses hritiers ou a excd ses droits dans le cadre dune procdure dexcution force.

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    Les ftes de Nol semblent parfois hors du temps. La magie scintillante de cette priodenest toutefois quphmre. Le retour la ralit peut tre douloureux au moment de la

    rupture, la fois pour le donateur ayant nglig la fragilit de son couple qui prouvera desdifficults rcuprer les cadeaux offerts son partenaire, et pour le donataire qui sera,dans certains cas, contraint de restituer des prsents ou leur valeur sans lavoir prvu au

    moment o il les a reus.

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