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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Le programme nucléaire ira- nien divise, y compris à Mos- cou. Deux experts russes dé- battent de l’utilité de mettre en place de nouvelles sanctions. Le président Lech Kaczynski est mort dans un accident d’avi- on en Russie en se rendant à la commémoration d’une autre tragédie. Quel avenir pour les relations russo-polonaises ? PAGE 8 PAGE 9 Sanctions : pour ou contre ? REVUE DE PRESSE La tragédie polonaise La minorité russe ne s’est pas mêlée à la révolution Mardi 27 avril 2010 PAGE 2 PAGE 6 Industrie automobile Un oligarque parie sur la voiture « low cost » hybride Début avril, la fusée « Soyuz » a emmené sur la Station spa- tiale internationale (ISS) trois nouveaux astronautes : deux Russes et une Américaine. Mais la coopération russo-américai- ne est en pleine reconfiguration, au moment où la NASA fait face au désengagement de l’État fé- déral, alors que Moscou retrou- ve ses ambitions spatiales. Internet : Facebook a de la concurrence en Russie – celle des sites locaux Réseaux sociaux PAGE 5 Espace : la Guerre froide est finie, la course aussi WWW.NASA.GOV Les États-Unis s’appuient sur la coopération avec la Russie pour l’exploration spatiale : l’heure n’est plus à la compétition, mais à la répartition des tâches. Secrets culinaires Le Cirque de Nikouline Les traditions méconnues de la cuisine russe : des spécialités de terroir riches d’histoire et de saveurs L’une des troupes russes les plus réputées entame une grande tournée française P.12 P.10 PAUL DUVERNET SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ELENA LOUBINETS SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI KEVIN O’FLYNN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Moscou peine à convertir ses pétrodollars en hautes technologies. Mais au moins le lieu du mariage forcé entre scientifiques et oligarques a-t-il déjà été trouvé. La future technopole russe agite les cerveaux au ministère des Fi- nances. Il s’agit d’assembler le plus beau bouquet de rabais fis- caux pour attirer les investis- seurs. D’après les premières fui- tes du ministère, un florilège sans précédent est à l’étude : jusqu’à 10 années de dispense fiscale ! Sans oublier un accès privilégié aux appels d’offres de l’État. La Commission pour la modernisa- tion de l’économie auprès du Kremlin voit grand. L’État ac- cepterait de se passer de toute une décennie de revenus en taxes foncières et impôts sur les béné- ces, sans parler des abattements consentis sur les charges sala- riales. Car il s’agit d’attirer des scientifiques qui ont depuis 20 ans massivement choisi d’émi- grer en Occident, où leurs com- pétences sont rétribuées par des salaires bien supérieurs à ceux offerts par les instituts de recher- che et les rares entreprises de haute technologie russes. Attirer les cerveaux est l’un des principaux défis de la future technopole moscovite. « Des bons salaires ne suffisent pas », esti- me Olga Ouskova, présidente de NAIRIT, un syndicat d’entrepri- ses du secteur de l’innovation. « Il faut également de bonnes conditions et la formation d’un creuset où hommes d’affaires et scientifiques peuvent se mêler de manière informelle pour échan- ger des idées, autour d’un café par exemple ». Quoi de mieux qu’un campus ? C’est ce qu’a du se dire Dmitri Medvedev lorsqu’il a choisi de loger la technopole dans l’immédiat voisinage de la future grande école de commer- ce de Skolkovo. Une école sup- posée rivaliser avec les plus pres- tigieuses universités mondiales du genre. 370 hectares offerts aux « start-up » (apparemment les capitaux étrangers seraient éga- lement les bienvenus) dans une zone verte proche du quartier des super-riches russes, à l’ouest de la capitale. Sur ce point, Olga Ouskova est moins convaincue. « Il faut trois éléments pour une technopole réussie : le plus important est la proximité d’une université scien- tifique, ce qui n’est pas le cas de Skolkovo. Ensuite, il faut une in- frastructure adéquate, des abat- tements fiscaux, une bureaucra- tie minimale et enfin, point fondamental, il est crucial que le coût des logements et des bu- reaux soit très abordable pour attirer les start-up ». Technopole sur Moskva Cité des sciences La Russie, en quête d’innovations pour diversifier son économie, veut sa « Silicon Valley » LA SUITE EN PAGE 4 LA SUITE EN PAGE 7 LA SUITE EN PAGE 2 Un vigneron d’origine bordelaise a relevé le double défi de révolutionner les techniques viticoles russes et le goût des consommateurs locaux. Si les mentalités et le marché du vin évoluent en Russie, les Fran- çais y sont pour quelque chose. Dans un climat pourtant froid, on produit aujourd’hui un cru de bonne qualité, et en quantité suffisante pour satisfaire envi- ron un tiers de la demande in- térieure. Les vins secs ont pra- tiquement supplanté les vins fortifiés sur le marché. Même les tonneaux sont produits en Rus- sie grâce aux Français, dans la République d’Adyguée, à partir de chêne du Caucase. La province de Krasnodar (an- ciennement Kouban), l’un des sites du sud de la Russie qui ac- cueilleront en 2014 les Jeux Olympiques de Sotchi, est consi- déré comme la principale région productrice de vin russe. Ce n’est pas un hasard. Le phénomène remonte à quel- ques années, lorsque des établis- sements vinicoles décidèrent d’investir à la fois dans la ma- tière première, en achetant des vignobles, et dans la production. C’est pendant cette période qu’est née l’habitude d’inviter des spé- cialistes étrangers. Et les meilleurs dans le domaine sont encore les Français. Franck Duseigneur, responsable de la vinification de la société russe « Château Le Grand Vos- tock », et Gaëlle Brulon, son épouse, ont été parmi les pre- miers à participer à ces nouveaux projets communs franco-russes dans la région de Krim à Kou- ban. Le couple, qui vit depuis déjà sept ans au cœur de cette loca- lité, donne des consultations à ses confrères russes. « En 2003, j’ai rencontré en Provence où je travaillais dans une cave, un consultant de Bordeaux qui par- ticipait au projet Château Le GrandVostock », raconte Franck Duseigneur. « Il nous a proposé de venir à Kouban pour gérer l’exploitation, construire la cave et restructurer les vignes. Les ter- roirs nous étaient inconnus, le projet nous semblait stable du point de vue financier et les am- bitions en matière de qualité étaient avérées. » L’homme par qui la bonne vigne prend pied Viticulture Un Bordelais ouvre la Russie aux techniques françaises Franck Duseigneur travaille dans la région de Kouban depuis 7 ans DÉBATS ET OPINIONS La technopole sera située à proximité immédiate de la grande école de commerce Skolkovo ALEXEI FILIPPOV_ITAR-TASS Russes au Kirghizstan VLADIMIR ANOSOV RG EPSILON KONSTANTIN STOUKALOV

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Internet : Facebook a de la concurrence en Russie – celle des sites locaux Un vigneron d’origine bordelaise a relevé le double défi de révolutionner les techniques viticoles russes et le goût des consommateurs locaux. La minorité russe ne s’est pas mêlée à la révolution Moscou peine à convertir ses pétrodollars en hautes technologies. Mais au moins le lieu du mariage forcé entre scientifiques et oligarques a-t-il déjà été trouvé. Distribué avec PAUL DUVERNET PAGE 8 P.10

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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Le programme nucléaire ira-nien divise, y compris à Mos-cou. Deux experts russes dé-battent de l’utilité de mettre en place de nouvelles sanctions.

Le président Lech Kaczynski est mort dans un accident d’avi-on en Russie en se rendant à la commémoration d’une autre tragédie. Quel avenir pour les relations russo-polonaises ?

PAGE 8

PAGE 9

Sanctions : pour ou contre ?

REVUE DE PRESSELa tragédie polonaise

La minorité russe ne s’est pas mêlée à la révolution

Mardi 27 avril 2010

PAGE 2 PAGE 6

Industrie automobileUn oligarque parie sur la voiture « low cost » hybride

Début avril, la fusée « Soyuz » a emmené sur la Station spa-tiale internationale (ISS) trois nouveaux astronautes : deux Russes et une Américaine. Mais la coopération russo-américai-ne est en pleine recon� guration, au moment où la NASA fait face au désengagement de l’État fé-déral, alors que Moscou retrou-ve ses ambitions spatiales.

Internet : Facebook a de la concurrence en Russie – celle des sites locaux

Réseaux sociaux

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Espace : la Guerre froide est finie, la course aussi

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Les États-Unis s’appuient sur la coopération avec la Russie pour l’exploration spatiale : l’heure n’est plus à la compétition, mais à la répartition des tâches.

Secrets culinaires

Le Cirque de Nikouline

Les traditions méconnues de la cuisine russe : des spécialités de terroir riches d’histoire et de saveurs

L’une des troupes russes les plus réputées entame une grande tournée française

P.12

P.10

PAUL DUVERNETSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

ELENA LOUBINETSSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

KEVIN O’FLYNNSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Moscou peine à convertir ses pétrodollars en hautes technologies. Mais au moins le lieu du mariage forcé entre scientifiques et oligarques a-t-il déjà été trouvé.

La future technopole russe agite les cerveaux au ministère des Fi-nances. Il s’agit d’assembler le plus beau bouquet de rabais � s-caux pour attirer les investis-seurs. D’après les premières fui-tes du ministère, un � orilège sans précédent est à l’étude : jusqu’à 10 années de dispense � scale ! Sans oublier un accès privilégié aux appels d’offres de l’État. La Commission pour la modernisa-tion de l’économie auprès du Kremlin voit grand. L’État ac-cepterait de se passer de toute une décennie de revenus en taxes foncières et impôts sur les béné-� ces, sans parler des abattements consentis sur les charges sala-riales. Car il s’agit d’attirer des scienti� ques qui ont depuis 20 ans massivement choisi d’émi-

grer en Occident, où leurs com-pétences sont rétribuées par des salaires bien supérieurs à ceux offerts par les instituts de recher-che et les rares entreprises de haute technologie russes.

Attirer les cerveaux est l’un des principaux défis de la future technopole moscovite. « Des bons salaires ne suffisent pas », esti-me Olga Ouskova, présidente de NAIRIT, un syndicat d’entrepri-

ses du secteur de l’innovation. « Il faut également de bonnes conditions et la formation d’un creuset où hommes d’affaires et scienti� ques peuvent se mêler de manière informelle pour échan-

ger des idées, autour d’un café par exemple ». Quoi de mieux qu’un campus ? C’est ce qu’a du se dire Dmitri Medvedev lorsqu’il a choisi de loger la technopole dans l’immédiat voisinage de la future grande école de commer-ce de Skolkovo. Une école sup-posée rivaliser avec les plus pres-tigieuses universités mondiales du genre. 370 hectares offerts aux « start-up » (apparemment les capitaux étrangers seraient éga-lement les bienvenus) dans une zone verte proche du quartier des super-riches russes, à l’ouest de la capitale. Sur ce point, Olga Ouskova est moins convaincue. « Il faut trois éléments pour une technopole réussie : le plus important est la proximité d’une université scien-ti� que, ce qui n’est pas le cas de Skolkovo. Ensuite, il faut une in-frastructure adéquate, des abat-tements � scaux, une bureaucra-tie minimale et enfin, point fondamental, il est crucial que le coût des logements et des bu-reaux soit très abordable pour attirer les start-up ».

Technopole sur MoskvaCité des sciences La Russie, en quête d’innovations pour diversifier son économie, veut sa « Silicon Valley »

LA SUITE EN PAGE 4

LA SUITE EN PAGE 7

LA SUITE EN PAGE 2

Un vigneron d’origine bordelaise a relevé le double défi de révolutionner les techniques viticoles russes et le goût des consommateurs locaux.

Si les mentalités et le marché du vin évoluent en Russie, les Fran-çais y sont pour quelque chose. Dans un climat pourtant froid, on produit aujourd’hui un cru de bonne qualité, et en quantité suffisante pour satisfaire envi-ron un tiers de la demande in-térieure. Les vins secs ont pra-

tiquement supplanté les vins forti� és sur le marché. Même les tonneaux sont produits en Rus-sie grâce aux Français, dans la République d’Adyguée, à partir de chêne du Caucase.La province de Krasnodar (an-ciennement Kouban), l’un des sites du sud de la Russie qui ac-cueilleront en 2014 les Jeux Olympiques de Sotchi, est consi-déré comme la principale région productrice de vin russe. Ce n’est pas un hasard.Le phénomène remonte à quel-ques années, lorsque des établis-sements vinicoles décidèrent d’investir à la fois dans la ma-tière première, en achetant des

vignobles, et dans la production. C’est pendant cette période qu’est née l’habitude d’inviter des spé-cialistes étrangers. Et les meilleurs dans le domaine sont encore les Français. Franck Duseigneur, responsable de la vini� cation de la société russe « Château Le Grand Vos-tock », et Gaëlle Brulon, son épouse, ont été parmi les pre-miers à participer à ces nouveaux projets communs franco-russes dans la région de Krim à Kou-ban. Le couple, qui vit depuis déjà sept ans au cœur de cette loca-lité, donne des consultations à ses confrères russes. « En 2003,

j’ai rencontré en Provence où je travaillais dans une cave, un consultant de Bordeaux qui par-ticipait au projet Château Le Grand Vostock », raconte Franck Duseigneur. « Il nous a proposé de venir à Kouban pour gérer l’exploitation, construire la cave

et restructurer les vignes. Les ter-roirs nous étaient inconnus, le projet nous semblait stable du point de vue � nancier et les am-bitions en matière de qualité étaient avérées. »

L’homme par qui la bonne vigne prend pied

Viticulture Un Bordelais ouvre la Russie aux techniques françaises

Franck Duseigneur travaille dans la région de Kouban depuis 7 ans

DÉBATS ET OPINIONS

La technopole sera située à proximité immédiate de la grande école de commerce Skolkovo

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02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro international

Russes et Américains liés à jamais dans l’espaceSuitE DE LA PAGE 1

L’Amérique s’appuie de plus en plus sur le programme spatial fé-déral russe. Les priorités de leur propre programme n’étant plus les mêmes, les États-Unis vont désormais recourir entièrement à la Russie pour propulser leurs astronautes dans l’espace. La NASA a depuis toujours dis-posé d’un plus gros budget que l’Agence spatiale russe et travaillé sur un plus grand nombre de pro-grammes. Mais le Président Ba-rack Obama a cassé le rêve d’un retour sur la Lune. Si la Russie et les États-Unis se considèrent aux avant-postes de l’exploration de l’espace, leur po-sition dominante sera contestée dans les dix prochaines années par l’Inde et la Chine. Le gouvernement russe a consi-dérablement augmenté son bud-get spatial qui, selon Eurocon-sult, représentait 2,8 milliards de dollars en 2009, en augmentation de 40% pour chacune des cinq dernières années. Pour l’instant, les États-Unis vont compter uniquement sur le pro-gramme russe, car la navette spa-tiale se retire au musée. La NASA a signé un contrat de 306 millions de dollars avec l’Agence spatiale fédérale russe (« Roskosmos ») pour que les as-

tronautes américains puissent se rendre à la Station spatiale in-ternationale jusqu’en 2012. Alors que certains ont du mal à s’habituer à cette passation de pouvoirs, d’autres soutiennent le nouvel esprit de coopération, très différent du début de la course à l’espace, à l’époque où les vols étaient stimulés par la Guerre froide. L’Amérique tout entière vécut comme un choc le lancement du premier spoutnik dans la série des satellite soviétiques en 1957, puis l’envoi du premier homme,

Au lendemain des sanglantes émeutes (82 morts) qui ont se-coué la capitale kirghize le 7 avril dernier, la minorité russe poin-tait timidement le nez dehors pour observer les stigmates de 48 heures de pillages : rues jonchées de débris et des éclats de verres des centaines de vitrines brisées. Mais les Russes ne se mêlaient pas à la foule des milliers de Kir-ghizes assemblés sur la place cen-trale, écoutant les harangues des leaders de l’opposition. Dans leur immense majorité, ils partagent les problèmes des Kirghizes, mais évitent s’occuper des questions politiques. Cela ne les empêche pas d’avoir, en privé, des opinions bien trempées. « C’est une bonne chose que [l’ex-président] Bakiev ait été chassé du pouvoir. Il n’a

dans l’espace, Youri Gagarine, en 1961. Les conquêtes spatiales de l’URSS poussèrent les États-Unis à redoubler d’efforts et à multi-plier les exploits, qui culminèrent en 1969 avec le débarquement sur la Lune où l’astronaute Neil Armstrong vit, dans le premier pas hésitant qu’il y fit, « un pas de géant pour l’humanité ». La Journée du Cosmonaute, le 12 avril, célebre le premier vol spa-tial de Gagarine. En 2009, Gaga-rine a été choisi pour incarner le « Héros du XXe siècle ». Le 50e anniversaire de son exploit sera

De quelques mythes vivacesC’est peut-être parce qu’on leur a si souvent menti que les Rus-ses adorent les secrets et les com-plots. Et l’espace a toujours été un des domaines privilégiés pour tous ceux qui ont une imagination fertile. Lorsque la chienne Laïka a été envoyée sur orbite, les scienti-fiques savaient parfaitement qu’el-le ne reviendrait pas vivante sur Terre. Mais ils se sont bien gar-dés de le dire aux Soviétiques. Ils n’ont jamais fait mention non plus des autres cosmonautes à quatre pattes qui ont péri dans la course

à l’espace avant elle. Le scientifique Alexander Sere-brov a démystifié de nombreuses « vieilles lunes » relatives à l’ex-ploration spatiale, en particulier celles qui ont trait aux premiers « alunissages ». Il adore expliquer pourquoi le drapeau américain planté sur le sol lunaire ondulait en l’absence de vent dans l’espa-ce. Mais ce que Serebrov préfè-re, c’est s’amuser à convaincre du contraire les Russes qui affirment que les Américains... ne sont ja-mais allés sur la Lune !

coopération spatiale franco-russeEn juin 2010, La Russie et la Fran-ce vont signer des contrats pour la livraison de 14 fusées russes « Soyouz ». A l’aide de ces fu-sées, la France envisage de met-tre sur orbite des satellites depuis sa base de lancement de Kourou,

en Guyane. Le projet est déjà en-tré dans sa phase concrète de réalisation et l’équipement au sol a déjà été installé à 90%. Des travaux d’essai sont en cours, auxquels participent près de 130 spécialistes russes.

commémoré en 2011, proclamée année du Cosmonaute russe. En Russie aussi, l’abandon du programme de vol spatial habité américain vers la Lune a causé une grande déception. Car c’est ce programme, baptisé « Constel-lation », qui avait poussé le gou-vernement russe à engager son projet de nouveau lanceur. À l’époque, il s’agissait d’offrir une réplique à Constellation, mais pa-radoxalement, le projet russe n’était pas jugé à la hauteur du programme américain, dont il est aujourd’hui appelé à prendre la relève en quelque sorte. La Russie doit elle aussi élabo-rer des stratégies précises en ce qui concerne son programme spa-tial, et non pas céder à l’ambi-tion de multiplier les objectifs. « La Russie doit repenser ses prio-rités », estime Valery Kaboussov, l’ancien directeur adjoint d’« Energiya », la société russe des fusées et de l’espace. « Nous devons redéfinir nos objectifs. Je pense que nous devons réfléchir avant de nous lancer dans de nou-veaux vols habités ». L’annulation du programme Constellation survient à un mo-ment où la Russie et les États-Unis redoutent la Chine et l’In-de, qui ont investi des fonds considérables dans leurs propres programmes spatiaux. Les

Chinois ont effectué un troisième lancement de leur vaisseau spa-tial Shenzhou VII et leur premiè-re sortie extravéhiculaire en 2008, tandis que l’Inde planifie son pre-mier vol habité pour 2014.

« Nous sommes un peu jaloux de la Chine », reconnaît Lissov. « Ils ont un programme très précis et peuvent aller très loin ».

PAuL DuVErnEtSpécialement pour la ruSSie d’aujourd’hui

Les 140 000 russes ethniques (20% de la population de bichkek et 9,1% de celle du pays) restent à l’écart de la vie politique mais n’en pensent pas moins.

rien fait pour le pays et après le bain de sang, il a montré son vrai visage », assène Vladislav Anto-nov, un entrepreneur individuel de 45 ans. Vladislav assure ne pas avoir peur pour lui ni pour les siens. « Les événements actuels n’ont aucune base ethnique. C’est la pauvreté et la corruption qui sont en cause. » Son quartier, éloi-gné du centre, n’a pas du tout été touché par les pillages. L’avenir ? « Je pense que l’opposition sera plus honnête. Ils ont bien vu qu’on pouvait perdre tout en deux jours quand on est trop gourmand », conclut-il. Une opinion loin d’être partagée par tous. Alla Komaro-va, une négociante en cosméti-ques élevant seule ses deux en-fants de 13 et 17 ans, se dit outragée au vu des ravages oc-casionnés par la révolution. « L’opposition a rassemblé des milliers de bons à rien provin-ciaux, nourris et payés pour semer la zizanie et réaliser leurs objec-tifs politiques », dit-elle à voix basse pour que les activistes de l’opposition inondant les rues du centre ne l’entendent pas. Alla ne se sent pas en sécurité. Elle ha-bite à deux pas du siège du gou-

vernement, où ont eu lieu les af-frontements. « Je n’aurais jamais cru que les armes parleraient. J’étais en train de faire les cour-ses quand j’ai entendu tirer tout près. Pendant deux nuits, nous avons entendu les pillards tout détruire au rez-de-chaussée de notre immeuble. » Cette frayeur n’a fait qu’augmenter son senti-ment d’être à la merci de politi-ciens peu scrupuleux. « Bakiev n’était pas un ange, mais l’oppo-sition est encore pire. Ils s’allient les uns contre les autres et ma-nipulent les gens peu éduqués pour faire des coups de force. » Se sent-elle plus particulièrement vulnérable du fait d’être russe ? « Oui, parce que je ne parle pas le kirghize. Beaucoup ne m’aiment pas à cause de ça. Mais je ne l’ai pas appris à l’école. Ici, à Bich-kek, la plupart des gens parlent le russe. » Chose curieuse, Alla n’est guère disposée à faire des efforts pour mieux s’intégrer, et elle avoue que ses enfants ne par-lent pas kirghize non plus « car ils sont allés au collège français et n’ont pas envie de vivre ici plus tard. » Pour l’émigration, ce n’est pas gagné : « Aucun pays n’a envie

d’accueillir une femme désargen-tée avec deux enfants », se plaint Alla. Elle veut partir, affirme-t-elle, « parce que l’Etat ne m’a ja-mais aidée. Je reçois une pension alimentaire risible de mon ex-mari et n’ai perçu aucune aide pour obtenir un logement. Com-ment pourrais-je être patriote dans de telles conditions ? » Vladislav Antonov est, lui, fier de son passeport. « Ma patrie est ici, j’aime ce pays, sa culture », se fé-licite-t-il chaudement, même s’il ne parle pas davantage la langue kirghize. « Elle ne m’a pas été en-seignée à l’école », se justifie Vla-dislav. Encore ce même paradoxe.

Il est vrai que le Kirghizstan est (avec le Kazakhstan) le seul pays d’Asie centrale à accorder au russe le rang de langue officielle. « Je n’ai jamais eu à remplir des for-mulaires en kirghize. Ils sont tous en russe », se réjouit-il. Pour Vla-dislav, ce qui compte, c’est que la tolérance soit préservée. « Il n’y a pas de nationalisme ici, contrai-rement aux pays voisins [Tadji-kistan, Ouzbékistan, Turkménis-tan], où les autorités empoisonnent la vie des Russes. En plus, les Kirghizes sont solidaires et res-pectent leurs aînés, contrairement à ce qu’on voit en Russie. » Vladislav a tout de même tenté,

dans le passé, de retourner dans la patrie de ses ancêtres. « J’ai essayé de m’installer à Koursk en 2002, mais avec mes papiers kirghizes, je n’ai pas pu trouver de travail. À plusieurs reprises je me suis fait traiter de “ cul noir ” [l’expression raciste russe visant les nouveaux immigrés venus des anciennes républiques de l’URSS]. Tout ça à cause de mon passeport et de mes che-veux noirs. J’ai pourtant du sang russe et un nom typique », en-rage-t-il. L’expérience lui a com-plètement fait passer l’envie d’émigrer. « Ma mère patrie, c’est le Kirghizstan ! »

Le Parlement kirghize, cœur battant de la révolution.

Américains et russes font désormais face à la concurrence chinoise

La révolution vue de loin, vécue de près

Kirghizstan la minorité russe regarde passer l’orage

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

03Société

KiriLL PriVALoVspécialement pour la russie d’aujourd’hui

Elle a participé à tous les événements majeurs de la dernière décennie concernant la France à moscou. Aujourd’hui, irène Zaïontchec, poursuit une autre et triple mission.

Il y a cinq ans, la vie de Ioulia Solovieva n’était en rien diffé-rente de celle de n’importe quel-le jeune femme active, venue de province pour se lancer dans une carrière à Moscou. « J’avais l’im-pression de vivre dans une cage », raconte la jeune femme, déten-due, dans sa maison à Goa, as-sise en lotus. « Nous fumions ci-garette sur cigarette, constamment stressés. Je n’imaginais pas éle-ver des enfants dans cet environ-nement moscovite agressif ». À l’instar de milliers d’autres Russes insatisfaits, elle a pris la route de la province indienne de Goa comme avant elle la géné-ration des hippies. Partie pour un voyage en Inde, elle n’est ja-

Irène Zaïontchec a été pendant 12 ans interprète de l’Ambassa-deur de France en Russie. Elle y a aidé les présidents, les premiers ministres, les ministres et les am-bassadeurs à mieux comprendre les « réalités russes ». Depuis, elle est restée vivre et travailler à Moscou en rejoignant les rangs des « Français russes » pour de-venir l’un des membres les plus en vue de leur communauté.« J’ai actuellement trois casquet-tes », raconte Irène Zaïontchec. « Je suis Présidente du SAMU Social Moskva. Je participe à un journal pour les francophones de ce pays. Je suis consultante du Club France, qui regroupe des hommes d’affaires français en Russie ». Elle parle russe sans le moindre accent. C’est « ce que Dieu vou-lait » pour Irène Zaïontchec, comme disaient autrefois les no-bles émigrés. Elle est en effet des-cendante d’une ancienne famille aristocratique russe dont la no-blesse remonte au moins au mi-lieu du XVe siècle. « Mes ancê-tres Zaïontchec se sont mis au service de la Russie, à commen-cer par le général de division Jo-seph Zaïontchec », explique Irène. « La vie de celui-ci pour-rait faire l’objet de plusieurs ro-mans d’aventure… Imaginez-vous un général de l’armée polonaise, mon aïeul, qui a com-battu à la fin du XVIIIe siècle

Les trois casquettes d’irène ZPortrait ancienne interprète auprès de l’ambassade de France, elle travaille aujourd’hui dans l’humanitaire

Expatriation hier c’était Katmandou, aujourd’hui c’est Goa. le rêve d’une vie paisible captive de plus en plus de russes surmenés

sous le drapeau des insurgés de Tadeusz Kosciuszko. Ses trou-pes ont été vaincues par l’armée du tsar. Il a participé à la défen-se de Varsovie contre les Prus-siens. Après la reddition de la capitale, il a fui en Galicie et a été fait prisonnier de guerre par les Autrichiens. Après avoir re-trouvé la liberté, il est parti en France où il est entré au service de l ’armée française en 1795…»Irène de poursuivre : « Notre fa-mille a vécu à Saint-Pétersbourg, où mon grand-père était méde-cin militaire. Il a été envoyé dans le Caucase. Par la suite, tous mes proches ont quitté Batoumi pour

Constantinople, sauf mon grand-père qui a été exécuté par les bolcheviks. Nous nous sommes installés dans le sud de la Fran-ce où je suis née. » Ayant tra-vaillé plusieurs années au mi-nistère français des Affaires étrangères, Irène Zaïontchec n’a pourtant jamais fait partie du corps diplomatique. Née à Can-nes, elle a fait ses études à l’uni-versité d’Aix-en-Provence et s’est finalement installée à Nice, tra-vaillant pour le Quai d’Orsay et les Nations Unies. C’est pour-quoi elle n’a eu aucun mal à res-ter à Moscou à la fin de son nou-veau contrat. « Être en Russie avec des papiers

d’employée d’ambassade était une chose, c’est maintenant une tout autre histoire », précise Irène : « la première chose que rencontre un Français venu à Moscou sans papiers diploma-tiques, c’est l’arbitraire adminis-tratif. ‘Bureaucratie’ est certes un mot d’origine française, mais la bureaucratie russe, cupide et im-pudente, n’a probablement pas d’équivalent dans le monde. Si l’étranger ne sait pas donner de pots-de-vin bien ‘gras’, il ne tien-dra pas longtemps en Russie… Au début, j’avais l’impression que chaque fonctionnaire de Moscou dont dépendait mon titre de sé-jour en Russie ne s’intéressait

qu’à ce qu’il y avait dans ma poche ».Le leitmotiv d’Irène est le sui-vant : « Hâtez-vous de faire le bien ». Elle est heureuse, car elle a réussi à mettre en œuvre ses principes. Elle dirige aujourd’hui le SAMU Social, une organisa-tion non gouvernementale à vo-cation philanthropique dont les effectifs sont modestes, à peine 20 employés et des bénévoles. Les ressources financières de l’ONG proviennent essentiellement de dons privés. Quelques « briga-des », chacune constituée de trois personnes – un médecin, un psy-chologue et un chauffeur – font le tour des lieux les plus sordi-des de Moscou : gares ferroviai-res et routières, centres commer-ciaux… Selon le SAMU Social, près de 8 000 enfants vivent dans les rues de la capitale. « Nous essayons d’aider tous les jeunes que nous pouvons, sans faire appel à la police et sans les amener aux centres d’accueil des orphelins. Non ! Souvenez-vous des paroles de l’écrivain Mikhaïl Boulgakov : on agit « non par la force, mais par la douceur »... Nous mettons en place une pre-mière aide pour ces jeunes gens perdus et nous essayons de les ramener, si ce n’est sur la bonne voie, au moins celle de la léga-lité. Car la majeure partie de nos protégés n’ont aucun papier, ce qui les prive complètement de tout droit. Nous leur obte-nons des passeports, nous ten-tons de les réinsérer. Ceux qui ont des familles convenables, nous les renvoyons chez eux. Nous leur proposons une pre-mière aide médicale et essayons de nouer des relations de confiance. Si un jeune t’écoute et te croit, alors il peut encore être sauvé. »

Les russes se plaisent tellement à Goa qu’on a pu observer un « baby boom » dans leur communauté !

irène Zaïontchec est chevalier de l’ordre de l’Amitié des peuples et chevalier de la Légion d’honneur

En brEF

L’agence américaine WACAP, spécialisée dans l’adoption d’enfants russes, a vu sa licen-ce suspendue après un incident survenu début avril. Les parents adoptifs d’un garçon russe de sept ans l’ont placé dans un avion, direction Moscou, avec une lettre dénonçant des trou-bles psychiques qui les obli-geaient à se séparer de l’enfant. L’affaire a fait grand bruit en Russie, où l’opinion demande un durcissement des règles d’adoption par des parents étrangers. 1 600 enfants russes ont été adoptés l’an dernier par des parents américains.

moins d’adoptions d’enfants russes ?

Les amateurs de ballet russe pourront bientôt satisfaire leur passion dans... les salles de ci-néma. Dans le cadre de l’Année Croisée France-Russie 2010, le théâtre du Bolchoï a décidé d’établir un pont vidéo en di-rect depuis Moscou. Les spec-tateurs pourront vivre sur grand écran plusieurs spectacles à partir du 26 septembre pro-chain. Un responsable du Bol-choï a précisé que 200 salles de cinéma françaises pourront ainsi diffuser en direct les ima-ges (et le son) du « Lac des cy-gnes », de « Casse-Noisette », « Coppelia », « Don Quichotte » et « Giselle ». Un test a déjà été effectué avec succès le 31 mars dernier avec la représentation des « Flammes de Paris » dans 150 salles de plusieurs villes de France et d’Europe.

Le bolchoï descend dans les salles obscures

Aller simple pour l’Indemais rentrée à la maison. L’exo-de russe vers ce pays prend la dimension d’une tendance. Le nouveau mode de vie séduit, avec ses promesses d’existence paisi-ble, quand les journées de tra-vail courtes, les massages et le yoga remplacent les tracas de la vie urbaine. Des vols charter quo-tidiens à bas prix transportent des milliers de Russes vers Goa, cette ancienne colonie portugai-se réputée pour ses plages et son ambiance décontractée.Le mari de Solovieva, Timofeï, préfère décrire la vague russe qui déferle sur Goa comme un mou-vement d’« élévation spirituel-le » plutôt qu’une fronde d’« ob-jecteurs de croissance », selon la formule consacrée en Occident. Les deux enfants du couple sont nés à Goa, un fils Om, et une fille Uma, comme la femme du dieu Shiva. Il y a déjà deux Uma dans une communauté russe en ex-pansion - et en plein « baby boom » ces dernières années.Comme beaucoup de leurs com-patriotes, les Soloviev ont monté leur propre affaire. « Quand nous

avons créé un centre de retraite de yoga russe il y a cinq ans, le concept était inédit à Goa. Nom-bre de nos amis, et d’amis de nos amis, nous ont suivis ici ». Des dépliants en russe agrafés au tronc des palmiers proposent séances de yoga ou de massage, musique indienne traditionnelle et cours de danse pour les visi-teurs. Alla Duhl a découvert qu’elle pouvait vivre en Inde avec 500 dollars par mois, même en louant un atelier d’artiste et une cham-bre dans une maison avec un jar-din tropical. « Peut-être qu’une Française trouverait cet endroit peu confortable, mais nous avons l’habitude des bus bondés et des rues sales, et nous nous sentons comme chez nous à Goa », ex-plique Alla.L’an dernier, 80 000 Russes se sont envolés pour Goa. Cet af-flux inquiète les Indiens. Un nombre croissant de touristes restent au-delà des limites du visa. Au début du mois de fé-vrier, les autorités indiennes ont limité les visas à un mois, au lieu

AnnA nEmtSoVAspécialement pourla russie d’aujourd’hui

Les moscovites fuient en masse la frénésie de leur ville pour se réfugier à Goa en quête d’une vie plus agréable. mais l’invasion russe crée des remous sur les plages de l’océan indien.

de trois ou six comme avant. Selon l’ambassade de l’Inde à Moscou, 1 400 Russes ne sont pas rentrés chez eux l’an dernier. « Certains ont même brûlé leur passeport russe pour rompre tout lien avec la mère patrie ».Sanjeet Jha, président de l’As-sociation des Indiens en Russie

note que l’Inde a raccourci la durée des visas pour les Euro-péens également. Il ajoute que certains individus liés aux atten-tats terroristes de Mumbai avaient utilisé des visas touris-tiques pour séjourner longue-ment dans le pays. « Les règles ont changé pour tout le monde,

pas seulement les Russes », dit-il. En rentrant dans le froid russe, les adeptes de l’Inde rapatriés cherchent à préserver leur shan-ti. Les clubs de yoga se multi-plient dans les grandes villes de Russie. Si l’expatriation n’a pas marché, reste qu’on peut faire de l’Inde son métier !

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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro économie

En brEF

Vladimir Poutine a donné son feu vert le 13 avril pour l’ac-quisition par le groupe français Sanofi-Aventis de 74% du la-boratoire d’insuline Bioton Vos-tok, situé à Oriol dans l’ouest de la Russie. Le premier minis-tre russe s’est félicité du fait quel le troisième groupe phar-maceutique mondial participe à la modernisation de l’indus-trie russe. Le patron de l’agen-ce antimonopole Igor Artemiev, qui a supervisé la transaction, a assuré que les Français inves-tiront plusieurs centaines de millions d’euros dans le labo-ratoire afin de produire des se-ringues pour injection d’insu-line. Le montant de l’acquisition n’a pas été dévoilé.

La voie est libre pour Sanofi

Vladimir Poutine a signé le 30 mars un décret permettant de fournir des garanties d’ État sur les obligations émises par les sociétés privées engagées dans la levée de fonds pour des grands projets infrastructurels. La décision concerne directe-ment deux groupes français qui ont déjà des contrats en poche. Il s’agit de Vinci, qui construit avec un partenaire russe une section de l’autoroute Moscou - Saint-Pétersbourg (un projet à 1,6 milliards d’euros financé pour un bon tiers par l’ État russe). L’autre groupe est Bouygues, qui participe à la construction d’une rocade avec un consortium de sociétés euro-péennes (Hochtief, Strabag et Egis). Un projet estimé à 5,4 milliards d’euros qui doit être achevé en 2015.

Partenariats Public - Privé : c’est parti !

bEn AriSBusiness new europe

La crise a placé un point d’orgue sur l’activité de capital-invsetissement. Phénomène paradoxal, alors que c’est en russie que ce secteur offre les meilleures performances.

Finance Le secteur du capital-investissement reste largement sous-développé en russie par rapport à l’europe

Ces terres fertiles en placements mais laissées en friche

Richard Sobel, chef de Alfa Ca-pital Partners, travaille et inves-tit en Russie depuis 1991. Au bout d’une vingtaine d’années, il fait toujours référence au secteur du capital-investissement comme à un marché « jeune ». Le secteur russe du « private equity » a décollé pendant les

années du boum économique. Avant la crise, la Russie pouvait se vanter de 40 milliards de dol-lars de fonds de capital-inves-tissement, selon Michael Calvey de Barings Vostok Capital Ma-nagement. Sur cette somme, près de 5 mil-liards de dollars étaient consti-tués par des fonds institution-nels. Le reste, c’était l’argent des oligarques, investi dans un sec-teur différent de celui où ils avaient fait fortune. En 2007, les oligarques sont devenus plus so-phistiqués et se sont mis à em-baucher leurs propres gestion-naires de fonds. Cependant, la crise a touché les

plus riches et l’argent des oli-garques s’est évaporé. Le fonds de Sobel possède 611 millions de dollars d’actifs sous gestion. La plupart des actifs sous ges-tion restants appartient désor-mais aux institutions financiè-res comme la SFI, ou la BERD. « Le marché du capital investis-sement russe est certes jeune, mais à chaque cycle il se renfor-ce », explique Sobel. « Le ralen-tissement actuel était prévisible ... et l’extrémité des cycles de la Russie exacerbe ces flux ». Pour la plupart des sociétés et des fonds, 2009 a été une année de survie. « Même si votre en-treprise restait rentable, la ges-

tion des remboursements des det-tes devenait très ardue », ajoute Sobel. « Toutefois, la plupart des banques étaient prêtes à négo-cier une restructuration. Il y a eu relativement peu de ventes forcées ». Certains gestionnaires de fonds ont pensé qu’ils étaient capables de dénicher de bonnes affaires en pleine crise financière. Les va-lorisations ont bien résisté au dé-part, car les propriétaires étaient réticents à vendre. Mais lorsque l’argent liquide a commencé à se raréfier, certains propriétaires ont changé leur fusil d’épaule. « En 2009 nous avons vu les va-lorisations des fonds descendre lentement au début, puis com-mencer à chuter très vite », ex-plique Sobel. Aujourd’hui, le pire de la crise économique est passé, et les in-vestisseurs reviennent. KPMG prévoit, selon un rapport récent,

cité des sciences La russie veut construire sa « silicon Valley »

technopole sur moskvaSon scepticisme est compréhen-sible. La Russie n’en est pas à sa première tentative de création de technopoles. Toutes les pré-cédentes ont échoué. Toutes se sont transformées en espaces de bureaux standard, car la deman-de existe en la matière, ce qui n’est pas le cas des produits de l’innovation russe. Olga Ouskova souligne que les critères devront être très judi-cieusement définis pour la sélec-tion des projets admis à Skolk-ovo. Sinon, « le creuset de l’innovation pourrait se trans-former aussitôt en paradis fiscal à domicile. » Les bureaux ont été envahis par les entrepreneurs copinant avec les officiels, tan-dis que les innovateurs sont res-tés à la porte…La sélection des start-up invi-tées à Skolkovo sera opérée par la Commission pour l’innovation, directement placée sur l’autori-té de Dmitri Medvedev. Ce der-nier a nommé fin mars l’oligar-que Viktor Vekselberg (Renova

Group) comme directeur du pro-jet. C’est lui qui s’attachera à at-tirer et présélectionner les pro-jets. Ce choix n’est pas un hasard. Vekselberg est précisément le premier oligarque à convertir ses pétrodollars (il est actionnaire du pétrolier TNK-BP) en nou-velles technologies, appliquées à ses projets dans les nanotech-nologies en coopération avec Oerlikon. L’homme d’affaires su-pervisera également le finance-ment de la technopole, tandis que le prix Nobel de physique Jau-rès Alfiorov dirigera le panel scientifique. Dans l’industrie informatique, l’initiative du Kremlin fait naî-tre des espérances. Pour Vladis-lav Martynov, président de la di-vision ex-URSS chez SAP (n°1 de la conception de logiciels en Europe), Skolkovo a de bonnes chances d’être l’incubateur de l’innovation. « Il faut dire qu’on part de très bas », précise Mar-tynov. « En Russie, l’investisse-ment dans les technologies de l’information ne représente que 1% du PIB contre 3% en Chine

et au Brésil. Aux Etats-Unis, ce taux est de 6% ! Je pense que grâce à Skolkovo, il remontera cette année en Russie. »Bien que les Russes aient depuis longtemps envoyé des déléga-tions en Californie pour étudier la Silicon Valley, modèle de tou-tes les technopoles, on voit aujourd’hui plus de différences que de ressemblances. Le Prési-dent Dmitri Medvedev aurait pu choisir pour son implantation une région au climat stimulant, comme la station balnéaire de Sotchi sur les bords de la mer Noire, ainsi que le suggéraient certains experts. Mais non, ce parc technologique sera situé à proximité de la capitale. Les oli-garques russes, vivement encou-ragés à s’intéresser au projet Skolkovo, n’ont pas nécessaire-ment besoin d’aller aussi loin que la Californie pour voir à quoi res-semble une technopole. Leurs lieux de villégiatures se situent en effet à un petit parcours de golf de Sophia Antipolis, la ré-ponse française à la Silicon Val-ley…

VLADiSLAV KouZmichEVLa russie D’auJourD’Hui

Entretien Le patron de Microsoft russie, nikolaï prianichnikov, voit grand

« Nous considérons la Russie comme un marché stratégique »

quels sont les axes d’activité prio-ritaires pour microsoft en russie ?La création de centres de for-mation continue pour la popu-lation. En trois ans, nous comp-tons former un million de personnes. Le deuxième axe est le soutien aux entreprises inno-vantes. Microsoft leur offre gra-tuitement des logiciels. Ce pro-gramme couvre déjà 1 000 sociétés russes. Le troisième axe est le centre technologique que nous avons ouvert à Moscou.

Est-ce que microsoft va participer à la « Silicon Valley » russe ?Pour le moment, nous n’avons pas reçu de propositions concrè-tes. Ce projet n’est pas aussi fa-cile à réaliser qu’on peut le pen-ser. Le secteur de la création informatique actuel est très com-plexe et les sociétés choisissent le lieu de conception des pro-duits prioritairement en fonction de la présence de ressources pro-fessionnelles qualifiées, de mé-thodes et de processus métier dans le domaine.

Le gouvernement devrait-il pren-dre des mesures particulières ?Le fait que Dmitri Medvedev ait lancé la modernisation de l’éco-nomie russe est très positif. Mais il reste à analyser l’évolution des dépenses d’informatisation pré-vues par le budget fédéral.

que pensez-vous du marché de l’informatique (it) et de la lutte contre le piratage ?Le niveau du piratage a baissé et le marché IT s’élargit, même s’il reste loin derrière les mar-chés développés. Il est important que des sociétés IT naissent et prospèrent en Russie et que tou-tes les entreprises investissent davantage dans ce secteur. Si l’on analyse la structure du marché IT russe, on s’aperçoit que l’équi-

pement représente 80% tandis que les services et les logiciels ne pèsent que 20%. Dans les pays développés, ces trois segments sont équivalents.

Est-il exact que les informaticiens russes sont très doués ?Les Russes sont doués, mais peu nombreux sont ceux qui savent comment faire des affaires et tirer profit de leurs dons. D’une façon générale, les informaticiens sont des techniciens qui savent écrire un code, créer un logiciel, mais ne savent pas créer une en-treprise. Le second problème se situe dans le refus de recourir à l’externalisation. Souvent, les spécialistes IT russes pensent qu’ils sont les plus malins et qu’ils réussiront à tout faire tout seuls. Et au final, la qualité et le nombre de produits sont infé-rieurs à ceux de leurs collègues qui externalisent.

Avez-vous noté une amélioration du climat d’affaires depuis votre arrivée sur le marché russe ?On constate une amélioration générale du climat d’affaires, ainsi que des signes de bonne volonté de la part du gouverne-ment. Mais il reste beaucoup à faire pour améliorer la transpa-rence et les lourdeurs bureau-cratiques.

Le marché russe : en progrès mais peut mieux faire.

AFFAirES À SuiVrE

hELiruSSiA 2010, SALon DES inDuStriES DE L'héLicoPtèrEDu 20 au 22 Mai 2010CroCus expo, MosCou

Conférence franco-russe sur la collaboration dans la construc-tion et l'exploitation d'hélicop-tères, avec des ateliers sur les normes d'aviation américaines et européennes, ainsi que sur les innovations. Ce salon accueillera un pavillon français.

http://www.helirussia.ru ›

pour en saVoir pLus, notre sitewww.fr.rbth.ru

que le volume des fusions et ac-quisitions va atteindre 70 mil-liards de dollars. Toutefois, le même rapport précise qu’il fau-dra cinq ans avant que le record de 2007 ne soit atteint de nou-veau. Cette année-là, les fonds investis s’étaient élevés à 125 mil-liards de dollars. « Faire une liste des risques, aux-quels vous serez confronté en Russie, c’est facile », poursuit Sobel. « Ils y sont tous - tous les risques, auxquels vous pouvez penser. Donc, vous ne pouvez pas avoir de mauvaises surprises. »De quoi dissuader n’importe qui d’investir. Mais Sobel souligne que les risques sont grassement récompensés. L’investissement dans le capital-risque russe a rapporté 7,2%, 24,1% et 15,6% au cours des trois, cinq et dix dernières années respectivement, ce qui en fait le marché le plus performant du monde.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

05internet

DEniS tErEKhoVspÉcialement pour la russie d’aujourd’hui

Google, Facebook, twitter font craquer les internautes dans le monde entier. Sauf en russie où « runet » possède ses propres codes. Les géants y ont raté leur entrée.

internet ces réseaux sociaux russes qui tiennent tête aux géants

Le pays où Facebook et Google mordent la poussière

« Mais c’est impossible ! Com-ment se fait-il que Facebook ait si peu de succès en Russie ? » Voilà ce qu’on a pu entendre au forum Communication on Top de Davos, qui s’est déroulé dans la foulée du Forum économique mondial. L’une des discussions les plus pas-sionnées portait en effet sur les communications Internet et no-tamment sur l’expérience russe. Nombre d’experts étrangers de la publicité et du marketing ont dé-couvert que les sites Internet les plus populaires dans les pays oc-cidentaux occupaient des posi-tions fort modestes dans un pays où « l’autre voie » de la Russie, invoquée comme un mantra par les conservateurs slavophiles rus-ses, s’est pour une fois concréti-sée. Le domaine de l’Internet est évidemment considéré comme un produit occidental.

Dans la seconde moitié de février, le Département d’État américain a envoyé à Moscou les directeurs de grands groupes de la « nou-velle économie » comme Ebay et Twitter. Officiellement, cette vi-site avait pour but de chercher à utiliser les sites Internet pour améliorer les relations entre la Russie et les États-Unis. Les ex-perts furent unanimes à remar-quer que la vraie raison de cette visite n’avait rien à voir avec la politique, estimant qu’en réalité, il s’agissait d’une tentative de pé-nétration de l’Internet russe pour s’y imposer à terme. Mais on ne saute pas dans un train en mar-che.Actuellement, le paysage Internet russe est le suivant. L’attention des internautes se partage essen-tiellement entre deux réseaux so-ciaux, Vkontakte et Odnoklass-niki , l esquels comptent respectivement 60 millions et 45 millions d’utilisateurs. L’audien-ce de ces sites est très fortement concentrée dans la tranche d’âge des 20 à 35 ans. Les plus jeunes internautes préfèrent le site Vkon-takte et les plus âgés, Odnoklas-sniki. Pour information, les modèles oc-cidentaux sur lesquels ces projets

ont été calqués sont des milliers de fois moins fréquentés. Le site russe de Facebook (dont Vkon-takte a copié jusqu’à l’interface) compte 600 000 utilisateurs. Y a-t-il un nombre d’utilisateurs rus-ses statistiquement significatif dans le réseau Classmates.com (dont Odnoklassniki est l’équiva-lent russe) ? La question reste ouverte.En ce qui concerne les journaux intimes en ligne ou les blogs, tout est également différent en Russie. Le site Twitter, plébiscité dans le monde entier, n’a pu y rassembler pour le moment qu’entre 80 000 et 100 000 usagers. Avec 2 mil-lions de blogs russes dont un mil-lion de blogs actifs, LiveJournal.com est désormais le principal hé-bergeur de blogs en Russie. Cette popularité est la cause et non la conséquence du fait qu’il a été ra-cheté par la société russe SUP. Le Président Dmitri Medvedev a d’ailleurs suivi la tendance en ouvrant son blog sur LiveJournal. Et si l’on ajoute à cela les milliers de blogs d’adolescents sur LiveIn-ternet et les groupes rassemblant des milliers de personnes sur Blogs.Mail.ru, il apparaît claire-ment que le secteur russe des blogs connaît une effervescence aussi

L’internet russe connaît une efferverscence largement indépendante des grands sites mondiaux

exceptionnelle qu’indépendante. Même l’omniprésent Google n’a pu s’imposer en Russie. La pre-mière position est occupée de très loin par le moteur de recherche national Yandex. En effet, 80% des pages de démarrage en Rus-sie sont réparties entre les mo-teurs de recherche Yandex et Ram-bler, ou encore le site de messagerie Mail.ru.Y a-t-il une voie spécifiquement russe pour l’Internet ? Difficile à dire. Cette situation est en partie due au fait que les géants de l’In-ternet ont longtemps négligé la Russie, rangée parmi les pays du tiers-monde. Ils s’imaginaient que si leurs sites étaient populaires chez eux, ils le seraient d’office sur le territoire de l’ex-bloc so-viétique. Personne n’a pensé à po-sitionner ses sites. Personne n’a pensé au contexte local. D’ailleurs, Twitter « ne parle toujours pas russe ». Et MySpace a fini par fermer son bureau de Moscou.À la fin de l’année passée, j’ai donné une consultation d’expert pour une importante agence in-ternationale de consulting stra-tégique. L’un de ses clients (l’un des grands réseaux sociaux) vou-lait comprendre comment « pren-dre le dessus sur le réseau Vkon-takte » et devenir leader de l’Internet russe. Le seul conseil pratique que j’ai pu donner était d’acheter le site Vkontakte. Car il

n’existe actuellement aucun moyen de rassembler un auditoi-re aussi fourni ex-nihilo. Tout nouveau réseau social créé en Russie ou dans n’importe quel autre pays doit considérer que les utilisateurs ont déjà plusieurs comptes sur différents réseaux. Qu’est-ce qui leur ferait créer un compte de plus ? Pourquoi rete-nir un nouveau duo « nom d’utilisateur/mot de passe » ? Surtout si ce nouveau ré-seau vous parle dans une langue étrangère.Selon des données diffé-rentes, il y a entre 35 et 40 millions d’internautes en Russie, soit plus de 30% des plus de 16 ans. Presque 100% de ces personnes ont des pages dans des réseaux sociaux ou des blogs. C’est justement pour cet auditoire que se battent les plus grandes mar-ques mondiales dont les budgets publicitaires et de marketing évo-luent d’une année sur l’autre en faveur de l’Internet et des médias sociaux. En Russie, le succès ap-partiendra à ceux qui compren-dront les premiers que l’Internet local ne ressemble pas à l’Inter-net mondial. Ceci vaut aussi bien pour le support de communica-tion que pour le contenu.Au forum Communication on Top de Davos, j’ai présenté des dia-positives d’un homme ivre au vi-sage couvert de boue, puis d’un

LiveJournal - twitter mamba - match

Professionali - Linkedin

LiveJournal est le plus populaire des outils de réseaux sociaux et de microbloggage à tous les ni-veaux de l’administration. Depuis que le Président Dmitri Medvedev a créé le sien sur LiveJournal, la mode est aux blogs chez les gou-verneurs, maires et ministres.

Nombre de pesonnages politiques russes ont une expérience du blog supérieure à celle du président. Les journaux en ligne des gouver-neurs de Permski kraï et de la ré-gion de Kirov connaissent une po-pularité égale à celle du chef du Kremlin.

Depuis quelque temps, le site de rencontre international Match.com a bloqué l’accès des Russes à la création de comptes. Son administration motive cette dé-cision par le fait que les utilisa-teurs de ce pays font beaucoup trop d’annonces à caractère pu-blicitaire. Mamba, un site de rencontre rus-se populaire, a décidé que si l’on ne pouvait pas endiguer l’inva-sion de la publicité, il fallait donc la gérer. Mamba s’est donc lancé dans la création de projets pu-blicitaires spéciaux. D’autres ré-seaux populaires russes ont choi-si la même stratégie, comme le site Odnoklassniki.

Le réseau Linkedin, populaire par-mi les hommes d’affaires occi-dentaux, a une version russe qui s’appelle Professionali.ru. Malgré sa jeunesse et son nombre d’utili-sateurs modeste (450 000), il est

allé, du point de vue des affaires, beaucoup plus loin que son mo-dèle. Le site Professionali.ru est devenu un instrument de recher-che de nouveaux partenaires, de discussions sur des projets, etc.

de comptes survkontakte.ru

comptes sur facebook.com

600 000

60mln

jeune homme vêtu d’un pantalon de sport blanc et de baskets pour un mariage, puis d’un mystérieux monstre marin à tête de poulpe et, enfin, d’un dessin d’ours bran-dissant les pattes. « Vous savez qui c’est ? », ai-je demandé. La salle a éclaté de rire. « Ce sont des per-sonnages parmi les plus populai-res de l’Internet russe : voici Tchoumazik, Témoin de Friazino, Ktulkhu et Medved. Ils ont des millions de fans. Comment pen-sez-vous conquérir l’Internet russe si vous ne les connaissez pas ? ».

Denis Terekhov est directeur et partenaire de l’agence « Reseaux Sociaux »

bEn AriSBusiness new europe

Deux entrepreneurs concoctent une vaste bibliothèque payante destinée à séduire un marché de 65 millions d’usagers dans l’ex-urSS. ne reste plus qu’à trouver les fonds !

E-commerce les conditions très difficiles du commerce sur l’internet russe ne laissent la place qu’aux projets les plus ambitieux

Une « start-up » Internet promet d’éliminer le piratage

En Occident, il est difficile de faire rapidement d’un site inter-net une réussite commerciale. En Russie, c’est encore plus comple-xe. Le Britannique Simon Dun-lop et son associé russe Alexei Ostroukhov ont pourtant la foi. Leur idée est de lancer une pla-teforme de téléchargement de musique, de livres et de films, en répondant à la demande poten-tielle de 65 millions de clients en ligne à travers toute l'ex-Union Soviétique. Selon Dun-lop, il n'y a que cinq personnes dans tout le pays qui ont inves-ti dans les TMT (technologies, médias et télécommunications).

Vu que seul un Russe sur quatre possède un compte bancaire, et que les possesseurs d’une carte de crédit sont encore moins nom-breux, comment faire payer un

tel service ? D’autant que le pi-ratage est loin d’avoir disparu... du coup, aucune grande maison de disque ne veut investir le moindre kopek.

Pourquoi jouer aux Don Qui-chotte ? Parce que l’Internet russe présente d’immenses pers-pectives et connaît une crois-sance exponentielle. Le site littéraire bookmate.ru a déjà été lancé et sa plateforme de télé-chargement des films sera opérationnelle l'an prochain. Et le site musical phare zvooq.ru suivra dans quelques mois, ce qui sera un moment crucial pour l'entreprise. Dunlop et Ostroukhov n’ont pas l’air d’être les mieux armés pour l’aventure. Ostroukhov n’a pas vraiment fait d'études : il est tombé amoureux de l'informa-tique au début des années 1990, peu après la chute du Rideau de fer, et est aussitôt devenu « hacker ». Dans les années 1990, une compagnie britannique le démasque et le persuade de se joindre à son équipe de lutte contre les pirates pour les gran-des sociétés. Il n'avait que 17 ans à l'époque, et actuellement,

il est l'un des informaticiens les plus expérimentés du pays.Dunlop a une histoire tout aussi originale. En 1992, il fut envoyé à Moscou par la société britan-nique Lonrho avec le tout pre-mier conteneur de cigarettes Marlboro légalement importé, et avait pour mission d'établir en Russie une société de distri-bution. Il lui a fallu une semai-ne pour vendre toute la mar-chandise et obtenir des commandes nécessitant 60 autres conteneurs. Au cours des années qui suivirent, il aida la compagnie Philip Morris à développer le commerce de dis-tribution de cigarettes, qui re-présente plusieurs milliards de dollars. Le concept du site zvooq.ru, c'est de déplacer tout le contenu tex-tuel, musical et vidéo du disque dur de l'ordinateur sur le ser-veur, en se débarrassant de tout intermédiaire technologique. Chacune des trois plateformes

de téléchargement possède des dizaines de milliers de titres qu'on peut choisir d'écouter, de regarder ou de lire. « Ce n'est pas un magasin de musique en ligne dans le sens traditionnel du terme. Il s'agit plutôt d'une bibliothèque où vous payez l'en-trée, et une fois que vous êtes à l'intérieur, vous pouvez y rester aussi longtemps que vous le sou-haitez et prendre tout ce que vous voulez », résume Dunlop. Celui-ci espère désormais séduire les grandes maisons de disque internationales, qui n’ont pas encore établi une stratégie cohérente pour venir à bout du piratage. « Le site sera une ré-volution pour l'industrie de la musique, car les labels musicaux auront pour la première fois un moyen légal de distribuer et pro-mouvoir leurs produits dans l’ex-URSS. Les artistes sont ravis, car avec ce site nous démocratisons le commerce mu-sical ».

Les fournisseurs de contenu payant évitent encore le marché russe

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06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro économie

niKitA AFAnASYEVspécialement pour la russie d’aujourd’hui

mikhaïl Prokhorov convoite la niche occupée par renault et son compère Avtovaz (Lada), à l’image des constructeurs chinois, allemands et italiens. Place à un véhicule hybride : l’« Eco ».

un oligarque parie sur la voiture « low cost » hybride

industrie automobile une révolution se prépare sur le marché des voitures à moins de 9 000 euros, chasse gardée de lada

L’oligarque Mikhaïl Prokhorov a présenté son nouveau projet au premier ministre et au prési-dent russes. Le constructeur de camions de Saint-Pétersbourg, Yarovit, y sera le partenaire du groupe « ONEXIM ».Le prix de la voiture qui en sor-tira serait de l’ordre 8 888 euros. Le véhicule devrait être équipé

d’un groupe-moteur hybride. Et il n’est pas exclu qu’en plus des accumulateurs soit prévu un système à essence ou au gaz naturel dont les ressources ont récemment augmenté de près d’un tiers en Russie grâce à une nouvelle technologie d’extrac-tion du gaz de houille.Prokhorov a l’intention d’inves-tir dans ce projet jusqu’à 100 mil-lions d’euros, sans compter la création de l’outil industriel. Le lancement de la production des voitures de classe C (10 000 unités par an au départ) est prévu pour 2012 . Selon le ministre de l’Industrie, Victor Khristenko, le retour sur investissement sera atteint à partir de 600 000 véhi-cules vendus.Présenté sous le nom d’ « Eco »,

le nouveau véhicule hybride at-teindra une vitesse maximale de 120 km/h et la puissance du mo-teur sera de 70 chevaux.L’ambition de Prokhorov, qui vise à promouvoir en Russie une véritable voiture électrique, éton-ne les experts : l’exploitation d’un tel véhicule repose sur un réseau et une infrastructure développés, comprenant notam-ment des stations service de recharge dédiées. En outre, de nombreux pays envisagent pour les propriétaires de voitures électriques des réductions subs-tantielles sur les autoroutes à péage et dans les parkings, ainsi qu’une baisse des taxes de trans-port. Rien de tel n’est prévu en Russie. Autre défi : la maintenan-ce technique et l’entretien, qui

Êtes-vous encore optimiste à pro-pos de l’économie russe ?Je suis toujours optimiste pour le court terme. D’ici un an, nous pou-vons nous attendre à une baisse de l’inflation et du chômage, avec une monnaie stable et une crois-sance de 5%. Dans cinq ans, la Russie va de-voir faire face à de nouveaux défis. Il y aura un déficit démographi-que. Le système de retraite va subir une sévère pression, le prix des carburants va chuter si Shell continue à développer ses champs pétrolifères et nos ressources na-turelles vont perdre leur rôle pré-dominant dans l’économie mon-diale.

que pensez-vous du programme de modernisation préconisé par le Président medvedev ?Cette modernisation est l’une des tâches les plus importantes. Notre éternelle dépendance envers les ressources naturelles ne permet-tra plus au pays de fonctionner. Nous devons être prêts à relever de nouveaux défis.Ma préoccupation majeure en ce qui concerne la Russie est que nous perdons du temps alors qu’il faut aller de l’avant pour être plus ambitieux, plus ouverts, plus créa-tifs et mieux préparés à prendre des risques. Nous avons besoin de ce changement pour devenir concurrentiels à l’échelle mondia-le. Dans les années à venir, notre principal avantage compétitif résidera dans nos ressources hu-maines, pas nos ressources natu-relles.

Pensez-vous que la tendance à na-tionaliser de plus en plus de sociétés en russie nuise à l’économie ?Je crois qu’il s’agit ici d’une évo-lution naturelle. Depuis 2004, la diversification économique est principalement promue par l’État qui a soutenu un certain nombre de « champions nationaux », dont les résultats n’ont finalement pas été particu-lièrement impressionnants. Je ne doute pas que des sociétés d’État

Optimisme et réalisme

vont être privatisées dans les trois années à venir.

ce grand jeu n’est-il pas réservé à de très gros investisseurs ?Les marchés financiers russes continuent à se développer et ont connu dans le passé une grande volatilité. Si vous comparez les marchés russe et chinois en 2000, le retour sur capital investi est de 700% en Russie contre 170% en Chine. Malheureusement, si le marché chinois a eu une crois-sance stable sans subir de fac-teurs de stress, le marché russe a eu des hauts et des bas significa-tifs. Les investisseurs de taille moyenne doivent être patients et adopter une politique d’investis-sement à long terme.

Pourquoi les étrangers entreraient-ils sur un marché aussi opaque ? Les marges sont plus élevées ici qu’en Chine. Plus de 80% de notre production de bière est sous contrôle étranger. Le secteur ban-caire ne connaît aucune restric-tion. Ces secteurs sont plus petits que celui de nos ressources natu-relles, voila pourquoi les gens en parlent moins. Mais il y a beau-coup d’exemples de réussites de groupes étrangers.Nombreux sont les hommes d’af-faires étrangers qui pensent que les règles du jeu sont plus claires en Chine qu’en Russie : ils préfè-rent donc se lancer dans le busi-ness en Chine.Voilà la différence. Le problème de la Russie, c’est que le pays compte beaucoup de groupes d’in-térêt différents et que les règles du jeu y sont moins claires. Ce n’est donc pas une question de corruption ou de non-corruption de l’État, mais plutôt de défini-tion claire des règles.

Fondateur de la principale banque d’investissement russe, ruben Vardanian se définit comme un incurable optimiste qui a aussi son franc-parler.

AnAStASiA DmitriEVAspécialement pour la russie d’aujourd’hui

Entretien le patron de troika dialog souligne les potentialités du marché russe

ruben Vardanian, troika Dialog

marché obligataire moscou achève son « road show » aux quatre coins du monde

Dans le sillage du géant RusAl, c’est au tour du groupe d’aqua-culture « Rousskoïe More » (Mer Russe) d’aborder la bourse avec une cible à 170 millions de dol-lars. Cette année, plus de 20 mil-liards de dollars devraient être levés par des sociétés russes ac-tives dans les domaines les plus divers, à la faveur d’introduc-tions en bourse (IPO). Le secteur de la consommation est en poin-te, avec Kopeïka (distribution) et Protek (pharmacie) qui cher-chent à lever respectivement 500 et 400 millions de dollars tous deux sur le marché russe. Ko-peïka affiche un chiffre d’affai-res de 2 milliards de dollars en 2009 et offrira une entrée à son capital vers la fin de l’année afin

Dix ans après la grosse frayeur financière de 1998, la Russie re-vient sur le marché internatio-nal de la dette avec une offre qui devrait séduire les investisseurs. Le ministère des Finances a dé-marré le 13 avril à Francfort la présentation de son placement d’euro-obligations, bouclé le 21 avril à New York. Ce premier em-prunt visait à lever entre 3 et 5 milliards de dollars. Les experts s’attendent à ce que les émissions souveraines russes totalisent 10 milliards de dollars cette année. La conjoncture est idoine pour la Russie, avec un fort rebond de

PAuL DuVErnEtspécialement pour la russie d’aujourd’hui

PAuL DuVErnEtspécialement pour la russie d’aujourd’hui

Après une décennie d’absence, moscou revient sur le marché de la dette, à la recherche de 5 milliards de dollars. il s’agit de combler un déficit budgétaire creusé par le plan de relance massif en réponse à la crise.

IPO : avis de raz-de-marée cette année

Les emprunts russes font leur retour en fanfare sur le marché

d’alléger son endettement. Non moins attendue est l’entrée du moteur de recherche Yandex à la bourse Nasdaq de New York. En vendant entre 10 et 15% de ses parts, Yandex espère trouver le moyen de résister à l’attaque du géant américain Google.Côté ressources naturelles, Po-lyus Zoloto, n° 1 russe du sec-teur aurifère, envisage de lever des fonds à Hong Kong où il es-père trouver 555 millions de dol-lars contre une part de 5,7% de son capital. Mais le clou pour-rait bien être l’arrivée sur les marchés étrangers de Transneft. Le monopole d’État des oléoducs, voit déjà une minuscule portion de son capital s’échanger à Mos-cou, et il n’a plus d’autres sour-ces de financement que la bour-se. Les rumeurs d’une future introduction enflent de semaine en semaine.

la croissance. « Nous nous atten-dons à un succès », a affirmé la banque d’investissement Renais-sance Capital, sur la même ligne que le consensus des analystes. « Le coût de l’emprunt sera cer-tainement moins cher que la moyenne. » La banque table sur un rendement compris dans une fourchette de 4,375% et 4,625% par an. Pour faire oublier les mésaven-tures passées, la Russie fait va-loir que son taux d’endettement souverain extérieur est très conservateur comparé à la plu-part des pays développés, avec seulement 2,3% du PIB. « Avec un niveau de dette domestique de 5,4% du PIB, la Russie est également mieux placée que ses pairs émergents », remarque Re-naissance Capital.Le ministère des Finances allè-che les investisseurs en mettant en avant que la Russie a affiché une très solide croissance de 6% en moyenne sur la décennie de 1999 à 2008. Les réserves en de-vises du pays ont été multipliées

par 35 dans le même temps, tan-dis que la vieille dette soviétique a été totalement liquidée. Tou-tefois, le ministère avertit les investisseurs que des risques si-gnificatifs pèsent sur son pro-gramme d’euro-obligations. Ils sont bien connus de tous : ce sont les fluctuations importantes du cours du pétrole, les chocs éco-nomiques extérieurs et la dépré-ciation du rouble comme facteurs

ne peuvent être assurés de façon cohérente que dans des centres agréés. Et la création d’un réseau de garages demandera d’impor-tants investissements supplémen-taires. Les experts soulignent d’autres points faibles du projet. « Deux ans, c’est un délai trop court pour la création d’une automobile, même avec des technologies in-novantes », remarque Pavel Lya-menkov, adjoint au directeur des ventes du concessionnaire « GK Torgmach. « En outre, les seuls frais de construction de la pla-te-forme automobile s’élèvent à près d’un milliard de dollars, sans parler des autres éléments du vé-hicule, de l’organisation de la fa-brication, des tests et des ajus-tages correspondants. »

de risque majeurs. Avec un cours du baril de pé-trole dépassant désormais les 80 dollars, loin au-dessus des 58 dollars calculés pour le budget russe, les risques à moyen terme paraissent faibles. Les pétrodol-lars vont à nouveau remplir les coffres de l’État, qui prévoit de revenir dès 2012 à un déficit bud-gétaire très raisonnable de 3% du PIB.

Le succès de cette émission d’euro-obligations paraissait acquis

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

07régions

Viticulture Quelques aventuriers misent sur l’introduction des techniques viticoles françaises dans une contrée hostile au bon vin...

« C’est pourquoi ma femme et moi avons décidé de venir tra-vailler sur ce projet exception-nel. J’avais à l’époque 26 ans. Je descends d’une famille de vigne-rons français ayant vécu en Al-gérie. J’ai appris ce qu’est le vin et comment le produire pendant mes études à l’ENITA de Bor-deaux, ainsi qu’au cours de mon expérience professionnelle en Provence. Gaëlle, ma femme, vient de Paris ; nous avons fait nos études ensemble ».La cave de Kouban qui a accueilli le couple Duseigneur a été créée à l’image d’un château français dans la région de Krim, au sud de la province de Krasnodar. À ce jour, elle possède 500 hectares de vignes adultes et 35 hectares de vignes jeunes. Les pieds pour les nouvelles plantations ont été importés de la pépinière françai-se Mercier. On y cultive également des cépages russes et géorgiens, ainsi que des hybrides. Le merlot de Bordeaux pousse ainsi à proxi-

mité du Rkatsiteli géorgien et du Krasnostop russe. « Nous avons non seulement dû acclimater les plants et les technologies aux conditions russes, mais également nous adapter nous-mêmes », se souvient Franck Duseigneur. « Kouban, malgré sa végétation splendide, ne ressemble pas aux paysages français. Le climat et les terroirs y sont différents. Le cycle végétatif est plus court qu’en France et les contrastes sont plus forts : au printemps et en autom-ne, les jours chauds et froids al-ternent brusquement ».À Kouban, qui promettait des possibilités illimitées, tout n’a pas été aussi facile que prévu, tempère Franck Duseigneur. Car au début des années 2000, les lois changeaient souvent et la sé-curité des investissements n’était pas garantie par les autorités lo-cales. « Nous sommes en effet venus en Russie avec le désir de reproduire exactement ce qu’on faisait en France, dit Franck Du-seigneur. De plus, on a dû faire face à l’inertie d’un secteur blo-

qué par les vestiges de l’écono-mie contrôlée. On a dû attendre longtemps pour mettre les inno-vations en route ».Les spécialistes français ont su non seulement aider leurs col-lègues de Kouban à améliorer la qualité de leur produits, mais également à changer la réputa-tion du vin russe. Aux yeux de nombreux consommateurs, c’était le vin le moins cher, le plus banal. Et pour cause. En Euro-pe, les vins secs sont les plus de-mandés. En URSS, la première place était traditionnellement réservée aux vins fortifiés. Dans la province de Krasnodar, où l’on cultive la moitié des vi-gnes russes, la part des vins for-tifiés était de 70%, les 30% res-tants revenant aux vins secs. De nos jours, la situation a beau-coup changé : les vins de table naturels représentent 90%, contre 10% de vins fortifiés. « On a essayé de nous convain-cre que les Russes aimaient les vins forts et sucrés à cause du climat froid », se souvient Franck, « mais selon moi, l’origine du vin fortifié et doux en Russie tient à un manque de ressources et de maîtrise technologique plutôt qu’à une adaptation des produits à la région. En rajoutant de l’al-cool, vous les stabilisez et en les sucrant vous masquez l’acidité. Ainsi, vous obtenez une soupe aux fruits alcoolisée, qu’on peut boire, mais qui n’a rien à voir avec leur homologues catalans ou portugais. Nous avons réussi à faire changer d’avis les pro-ducteurs de vin locaux ».L’usine de la région de Krim où sont produits les vins a été conçue par le célèbre architecte français Philippe Mazières. Les équipe-ments ont également été impor-tés de France. « Au Château Le Grand Vostock, on a recréé pour la première fois pour les Russes les technologies de production

des bordeaux et bourgognes. On a pu créer des marques propres. Les technologies françaises ont été appliquées en partie pour la culture des vignes et la vendan-ge, pour la fixation des taux de sucre et d’acidité, ainsi que pour les subtilités du traitement de la matière première », dit Franck.Actuellement, Gaëlle, son épou-se, contrôle la qualité des pro-duits. Lui s’occupe pour sa part de la gestion quotidienne des tra-vaux dans les vignes et à l’usine. Depuis 2006, en plus de cette ac-tivité, on lui a proposé la gestion de la totalité du projet. Les spé-cialistes français jouissent dé-sormais d’une liberté totale et

ont le droit de prendre les déci-sions finales.Les autorités locales ont égale-ment soutenu le projet. Elles ont organisé toute une campagne de promotion de la culture de la boisson dans les media. Un pro-gramme de soutien des vigne-rons locaux sous forme de sub-ventions, locales et fédérales, a été mis en place et il fonctionne depuis déjà deux ans. Des fonds sont également consentis pour l’acquisition d’équipements de pointe et pour la plantation de vignes. Les vignerons français restent plutôt optimistes. « Le secteur s’oriente vers la qualité. Les vins

de Kouban sont déjà vendus dans les plus grands restaurants et boutiques de Moscou et de Saint-Petersbourg, ce qui n’était pas le cas avant », affirme M. Dusei-gneur. « Mais nous sommes convaincus que les producteurs français eux-mêmes viendront vendre plus de vins en Russie, car il y a de belles perspectives. En effet, dans certains segments de produits haut de gamme, la concurrence des vins français par les vins russes et étrangers est encore faible ».

« nous avons du acclimater à la russie les plants, les tech-nologies... et nous-mêmes ! » raconte Franck Duseigneur

chriStophEr pALASpécialement pour la ruSSie d’aujourd’hui

Le Grand nord russe, c’est bien plus qu’un lieu de répit naturel. on sait désormais que cette vaste région va jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Réserves d’oxygène contre réserves de carboneEnvironnement une récente étude révèle que les forêts boréales russes ont une importance clé dans l’équilibre planétaire

Les scientifiques ont compris que les magnifiques forêts russes, décor de tous les contes populai-res, retiennent des quantités énor-mes de carbone qu’elles ne relâ-chent pas dans l’atmosphère. Une étude récente a révélé que la moitié du carbone mondial est stockée sur terre, dans la région du permafrost, dont les deux tiers sont en Russie. Mélange fabuleux de conifères et de sapins recou-vrant d’anciens glaciers, les forêts boréales seraient la meilleure dé-fense de notre planète. La forêt retient le carbone, mais la défo-restation risque de le libérer. « Cela veut dire que cette zone est très vulnérable », dit l’un des auteurs de l’étude, Josep Cana-dell. « Si le permafrost fond, nous dégagerons 10% de plus de car-bone par an pendant plusieurs siècles, plus que ce que nous en-visagions. Réduire d’autant nos émissions coûtera beaucoup d’ar-gent, mais les dommages seront

encore plus importants si nous ne le faisons pas. » Selon les prévisions actuelles, la planète se réchauffant de 3 à 4 degrés d’ici un siècle, les tempé-ratures des régions boréales vont augmenter de 8 à 12 degrés et 90% du permafrost devraient fon-dre, libérant du coup le carbone dans l’air. Une autre étude a montré que la région abrite 1 672 milliards de tonnes métriques de carbone or-ganique, à plusieurs mètres de profondeur, soit presque 50% des stocks estimés de carbone sou-terrain.Sebastiaan Luyssaert, biologiste à l’Université d’Anvers, expliquait dans un article publié en 2008 dans la revue Nature que les fo-rêts anciennes continuent d’ac-cumuler le carbone, contrairement à ce que l’on croit. Même si les incendies et les insectes en dé-truisent des milliers d’hectares, elles retiennent plus de carbone que les catastrophes naturelles n’en libèrent.« Raison de plus pour protéger les forêts boréales russes », qui ab-sorbent 500 millions de tonnes de carbone par an, ou 1/5 de l’ab-sorption sur la planète, souligne Canadell, directeur exécutif du Global Carbon Project, basé à Canberra. « Il faut garder le plus de carbo-

ne possible dans les forets main-tenant », insiste Luyssaert : « si nous voulons éviter des proces-sus irréversibles comme la fonte du permafrost ou l’inversion des courants océaniques, nous devons absolument contrôler nos émis-sions au cours des prochaines dé-cennies ».

« Les forêts boréales lointaines ne semblent pas réellement me-nacées à l’heure actuelle », assu-re Nigel Roulet, un spécialiste des cycles du carbone à l’université McGill de Montréal. « Nous n’ex-ploitons qu’une infime partie des ressources de ces zones. Mais je suis convaincu que la pression va augmenter à mesure que le cli-mat se réchauffe et que le travail devient plus facile dans ces ré-gions. En outre, ces ressources vont gagner en valeur à mesure que les autres s’épuiseront. Il est donc important de fixer des lois dès aujourd’hui. »C’est ce qu’ont fait trois provin-ces canadiennes et le gouverne-ment fédéral, s’engageant à pro-téger la moitié de la région boréale du pays (1 006 000 km²) et gérer l’autre moitié de maniè-re à minimiser les émissions de carbone. Mais aucune loi de ce genre n’existe en Russie. Des 4,6 millions de km² de forêts boréales russes, l’abattage est in-terdit sur seulement 620 000km², et limité sur 934 000 km², selon Anatoli Chvidenko, un ancien fo-restier russe qui dirige désormais l’Institut international d’analyses de systèmes appliqués en Autri-che. Le long des frontières avec la Finlande et la Chine, qui ont un grand appétit pour le bois de construction, les restes des incen-

dies volontaires représentent la moitié de la moisson légale. Selon la loi russe, une zone protégée qui a brûlé (les gros troncs sont gé-néralement intacts) peut être ex-ploitée commercialement. « Il ne faut pas attendre de lois restrictives importantes sur l’abat-tage en Russie dans un futur pro-che », acquièsce Olga Krankina, une écologiste forestière de l’uni-versité d’Oregon. « Dans la me-sure où les espaces protégés sont déjà très vastes, il est plus impor-tant pour le gouvernement de faire respecter les règles existantes, y compris dans les forêts où l’abat-tage commercial est autorisé ».

Forêts boréales de l’hémisphère nord

SuitE DE LA PAGE 1

convertir les vignerons russes au goût français

La région de Krasnodar

chiFFrES à rEtEnir

4,6 millions de km² : c’est la surface des forêts boréales rus-

ses, où l’abattage est interdit sur seulement 620 000 km², mais li-mité sur 934 000 km²

500 millions de tonnes de car-bone : c’est le

volume absorbé chaque année par par les forêts boréales russes

La forêt boréaleC’est une région biogéographique nordique subarctique dans laquel-le la flore est principalement com-posée de sapins et autres conifè-res à feuilles persistantes.

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diaporama à consulter sur www.fr.rbth.ru

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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro Débats et opinions

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La majorité des Russes estiment que le véritable pouvoir politique est équitablement réparti entre Medvedev et Poutine (51% des per-sonnes interrogées). 28% des sondés considèrent que la totalité du pouvoir est entre les mains de Poutine et 13%, entre celles de Medvedev. Selon une majorité de Russes (55% ), Dmitri Medvedev

poursuit essentiellement la ligne politique de Vladimir Poutine, 24% pensent qu’il la poursuit entière-ment, et 14% sont persuadés qu’il change progressivement l’orientation générale du pays. Ils ne sont que 3% à croire que Medvedev mène une poli-tique entièrement nouvelle. Sondage réalisé en mars 2010 par le Centre Levada.

Le tandem est là pour longtempsLA mAjorité DES ruSSES pEnSEnt quE Dmitri mEDVEDEV Et VLADimir poutinE Vont touS DEux pourSuiVrE LEur cArrièrE poLitiquE Au-DELÀ DE L’éLEction préSiDEntiELLE DE 2012.

SonDAGES

intégration, oui isolement, non.

un nécessaire durcissement

de la necessité des sanctions contre l’iran

Sergueï markedonovSPÉCIALEMENT

POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Evseev Vladimir

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’attention des hommes politiques et des experts du monde entier se focalise aujourd’hui sur la Répu-blique islamique d’Iran. Avec la guerre d’Afghanistan et l’intermi-nable conflit israélo-palestinien, le programme nucléaire iranien s’est retrouvé en tête des grands sujets de politique internationale. Cependant, la « question iranien-ne » est beaucoup plus large et complexe que le désir de possé-der une « bombe nucléaire isla-mique ».D’un côté, l’Iran reste « l’expor-tateur de la révolution islamique » qui soutient nombre de groupe-ments terroristes à caractère isla-miste. C’est aussi un ennemi achar-né des États-Unis et d’Israël. Téhéran souhaite avoir un rôle do-minant non seulement parmi les chiites, mais également dans le monde islamique dans son ensem-ble. Il en découle un soutien po-litique et financier du Hezbollah chiite comme du Hamas sunni-te. D’un autre côté, l’Iran reste l’un des pays les plus démocratiques du monde islamique, à l’excep-tion de la Turquie laïque. On y or-ganise régulièrement des élections présidentielles et parlementaires qui donnent lieu à une vraie concurrence et dont le résultat final n’est pas pré-déterminé. Il n’est donc pas simple de dresser un tableau cohérent et non linéai-re du pays. Sans l’Iran, impossible de résou-dre les problèmes du Proche-Orient (Liban, Palestine, Irak) et de la sécurité en Afghanistan, en Asie centrale et dans le Caucase. La réalisation de cet objectif passe par la prise de conscience du fait que la politique de Téhéran n’est pas uniquement basée sur une idéologie. L’Iran associe à l’agres-sivité et au triomphalisme de ses gouvernants, des éléments de prag-matisme et de retenue. La Répu-blique islamique a montré à de nombreuses reprises que ses inté-rêts nationaux étaient pour elle plus importants que la pureté re-ligieuse. Les relations fructueuses entretenues pendant des années entre Téhéran et Erevan le prou-

La raison officielle des sanctions américaines contre Téhéran est de contrer le développement me-naçant de son programme nu-cléaire et son soutien à de nom-breuses organisations terroristes. Mais à l’origine, le véritable motif de ces sanctions résidait dans le fait que l’Iran avait commencé à ouvrir son secteur énergétique aux investissements étrangers, ce qui menaçait les intérêts des États-Unis. En 1996, les mesu-res ont pris la forme d’un « Pacte de sanctions contre l’Iran et la Lybie », qui limitait les investis-sements étrangers dans ces pays et établissait des sanctions contre les entreprises qui tenteraient d’enfreindre les restrictions.Quand elle a renoncé à conce-voir sa propre arme nucléaire, la Libye a été, de fait, libérée des sanctions américaines. Celles-ci ont été maintenues contre l’Iran et le délai de validité de ces pé-nalités économiques a été pro-longé une nouvelle fois en mars 2010 par Barack Obama.L’opinion assez répandue, selon laquelle les sanctions américai-nes contre l’Iran seraient trop clémentes, ne correspond pas à la réalité. Tout d’abord, ce genre d’action est entrepris dans le cadre du concept de sanctions ciblées qui prévoit de focaliser la pression sur le régime en place, en limitant ainsi les effets néfas-tes sur le niveau de vie de la po-pulation locale. Deuxièmement, les grandes compagnies étran-gères comme Total (France), Royal Dutch /Shell (Angleterre, Hollande, États-Unis), Lukoil (Russie), Statoil (Norvège) et Repsol (Espagne) ont dû quitter le marché iranien (et y cesser toute activité).Certes, le déploiement de sanc-tions contre l’Iran va à l’encon-tre du droit international. Mais Washington a su obtenir une lé-gitimité de la part de l’Union Européenne et du Conseil de Sé-curité de l’ONU, lequel a impo-sé des sanctions internationales contre l’Iran.On peut juger de l’efficacité des

vent. Pour l’Arménie, l’Iran (comme la Géorgie) constitue pratiquement une deuxième « fenêtre sur le monde » dans le contexte du blo-cus turco-azerbaïdjanais. Autre exemple intéressant qui il-lustre les contradictions de la po-litique iranienne : celui des rela-tions entre Moscou et Téhéran. La capitale iranienne dit et répète que le radicalisme religieux au Nord-Caucase russe est non pas chiite, mais salafiste et sunnite. En même temps, les groupements islamis-tes radicaux soutenus par l’Iran (comme le Hezbollah) considèrent que la Tchétchénie fait partie du « Djihad mondial » et font des ex-trémistes religieux du Nord-Cau-case des « militants pour la Foi ». C’est bien cela qui rend la coopé-ration stratégique entre Téhéran et Moscou problématique.La politique extérieure de l’Iran est donc complexe. Sous la rhé-torique belliqueuse se cachent des raisons pragmatiques. Le recours exclusif à une politique de sanc-tions ne peut donc être efficace

car il existe à l’intérieur du pays un consensus sur le désir d’indé-pendance géopolitique. L’idée qui unit conservateurs et libéraux mo-dérés, c’est de faire du pays une superpuissance régionale. La pres-sion extérieure (américano-euro-péenne, ou celle des États-Unis, de la Russie et de l’UE collective-ment) risque surtout de cimenter les Iraniens sur une base d’idéo-logie patriotique. Donc, la straté-gie, qui consisterait à intégrer l’Iran dans des projets internatio-naux majeurs, sera plus efficace. La reconstruction de l’Afghanis-tan semble l’objectif le plus actuel et le plus évident. Une telle « in-tégration » permettrait d’un côté de mieux contrôler les agissements de l’Iran et de l’autre, de stimuler des transformations internes.

Sergueï Markedonov, politolo-gue, spécialiste du Caucase.

sanctions contre l’Iran à la lectu-re des rapports du Fonds moné-taire international, selon lesquels le système bancaire et la circula-tion financière de la République Islamique d’Iran ont été fortement affectés. En même temps, l’écono-mie iranienne n’est pas tombée en ruines. C’est essentiellement dû au fait que la recette annuelle des exportations pétrolières de Téhé-ran s’élève à 65 milliards de dol-lars environ. En outre, le gouver-nement iranien a pris de nombreuses mesures qui ont per-mis de rendre son économie plus autosuffisante et moins vulnéra-ble vis-à-vis de l’extérieur.Bien entendu, il n’est pas de sanctions qui pourraient empê-cher l’Iran de se doter de la bombe atomique, si les politi-ciens iraniens décident de sui-vre cette voie. Mais les sanctions peuvent réduire considérable-ment les moyens de l’élite reli-gieuse locale, qui s’assure la loyauté des Iraniens en redistri-buant les bénéfices pétroliers

sous forme de produits alimen-taires et de consommation cou-rante pour les couches sociales les plus démunies. Car c’est bien le pétrole qui assure la stabilité du régime iranien. En cas de ré-duction considérable de ses ex-portations, ce qui est inévitable dans un contexte de sanctions internationales, Téhéran sera obligé de chercher des voies de conciliation avec les pays occi-dentaux. Par conséquent, un dur-cissement des sanctions contre l’Iran est nécessaire. Mais on doit proposer en même temps à Té-héran des arguments financiers, économiques et politiques qui prendraient en considération son rôle historique dans Le Grand Proche-Orient.

Vladimir Evseev est chargé de recherche à l’Académie des Sciences de Russie.

La pression extérieure des sanctions risque surtout de cimenter les Iraniens sur une base d’idéologie patriotique.

Les sanctions peuvent réduire consirérablement la capacité de l’élite religieuse à s’assurer la loyauté des Iraniens

Si la tension autour de l’Iran at-teignait son apogée et si un conflit militaire éclatait entre les États-Unis et ce pays, 38% des person-nes interrogées estiment que la Russie devrait intervenir comme médiateur et chercher à obtenir un règlement pacifique du con-flit. Elles sont 24% à penser que la Russie ne devrait pas se mêler au conflit, et une proportion équiva-

lente (23%) à suggérer que Moscou devrait louvoyer entre Washington et Téhéran pour préserver ses pro-pres intérêts. Un petit nombre de sondés (4%) considèrent qu’il faut soutenir l’Iran et ils sont presque autant (3%) à se prononcer pour un soutien envers les États-Unis (8% des personnes sollicitées n’ont pas pu ou n’ont pas souhaité répon-dre).

La menace iranienne aux yeux de l’opinion publique russeLEVADA-cEntrE A mEné En mArS 2010 DEux EnquêtES AuprèS D’un GroupE DE 1 600 pErSonnES âGéES DE 18 AnS Et pLuS, rEpréSEntAtiVES DE LApopuLAtion ruSSE. iL LEur A été DEmAnDé cE qui conStituAit À LEurS YEux LA mEnAcE LA pLuS SériEuSE pour LA Sécurité DE LA ruSSiE.

Deux experts russes en rela-tions internationales s’expriment sur les mesures envisagées pour contraindre l’Iran à abandonner son programme d’enrichissement de l’uranium. Leur divergence de vues reflète l’hésitation du Kremlin à s’associer au durcisse-ment des sanctions prôné par les Occidentaux.

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Les Débats et OpInIOns ne refLètent pas nécessaIrement La pOsItIOn De La réDactIOn De rOssIyskaya Gazeta et De La russIe D’aujOurD’huI. ce suppLement, DIstrIbué avec Le

fIGarO, est éDIté et pubLIé par rOssIyskaya Gazeta (russIe).mercI D’envOyer vOs cOmmentaIres par cOurrIeL : [email protected].

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

09Perspectives

Préparé parVeronika Dorman

Lu DAnS LA PrESSEkatyn : le lien tragique entre la Pologne et la russie.

le président lech kaczynski et de nombreux membres de l’élite polonaise ont péri dans un ac-cident d’avion, en se rendant à katyn pour commémorer les of-ficiers polonais exécutés par sta-line. Cette nouvelle tragédie, sur-chargée symboliquement, rend incertain l’avenir des relations russo-polonaises, qui semblaient avoir pris un nouveau tour.

nouVELLE KAtYnÉditorialVedomosti

LA mALéDiction ruSSEAndrei KolesnikovPolit.ru

Du PoLitiquE Et DE L’humAinAndreï LipskynoVaïa gazeta

C’est une nouvelle épreuve pour les peuples polonais et russes. C’est l’un des épisodes les plus déchirants de l’histoire de leurs re-lations tragiques. Le malheur peut rapprocher mais peut diviser à ja-mais. Le sentiment anti-russe en Pologne peut être ravivé et s’ac-centuer, et le gouvernement russe peut succomber à la tentation de se vexer à nouveau. Il y un risque que nous nous tournions le dos définitivement, mais une chance aussi pour une réconciliation his-torique. Pour surmonter le symbo-lisme sinistre du passé, il faut être patient et attentionné.

Dans une logique diabolique, c’est comme si la catastrophe était sur-venue pour convaincre les plus in-différents et les plus obtus de la réelle tragédie que fut le massa-cre de Katyn. Les relations entre la Pologne et la Russie vont-elles s’améliorer ? Les faits parlent en ce sens. Mais, d’un autre côté, Ka-tyn est devenue pour la seconde fois dans l’histoire un lieu de tré-pas massif de Polonais sur la terre russe. Et chez nous, la tragédie n’a pas dégrisé tout le monde, « on ne va pas non plus s’excuser pour le brouillard », peut-on entendre ici ou là.

Sur le terre-plein inondé de so-leil, tout est prêt pour le « mee-ting ». Des bancs alignés pour les invités d’honneur, vétérans et assortiment de fonctionnaires lo-caux. Le monument au maréchal Tchouïkov, le général glorieux de la 62e armée qui a tenu le siège de Stalingrad avant de marcher sur Berlin, et dans laquelle ont servi tous les anciens combat-tants présents aujourd’hui, est flanqué de deux cadets en uni-forme et orné de fleurs. Un or-chestre militaire répète. Pour ce jubilée – les 65 ans de la Victoi-re – des lycéens venus de Volgo-grad, Riazan, Koursk, Odessa, prennent place sous une bande-role rouge : « PERSONNE N’EST O U B L I É , R I E N N ’ E S T OUBLIÉ ».S’il y a un élément fédérateur de tous les Russes, sacré et sur-chargé émotionnellement, c’est bien le sacrifice du peuple en-tier dans la Seconde Guerre mondiale, ou « Grande Guerre patriotique », et la victoire hé-roïque de l’URSS sur les nazis. Leur souvenir a été activement entretenu et célébré avec pana-che pendant 65 ans, et c’est peut-être le seul chapitre de l’histoire du XXe siècle que tout écolier russe connaisse vraiment. Tout le monde en Russie peut enton-ner une marche militaire ou une chanson patriotique. Chaque ville a sa flamme au soldat inconnu. Et chaque école son lot de ma-nifestations annuelles.Les discours exaltés se succè-dent, ponctués de poèmes lus par les élèves, et conduits par le très emphatique directeur de l’éta-blissement, Boris Mogerman, qui remercie au nom de l’assemblée « ceux sans qui nous ne serions pas là ». En réponse, Edouard Pertsov, bardé de décorations, salue les écoliers et les ensei-gnants : « Vous faites une gran-de œuvre ! Vous semez la bonne mémoire de notre armée héroï-que dans le cœur des jeunes, et élevez de véritables patriotes. À vous les jeunes, nous passons le flambeau. Il est temps pour nous de partir, et pour vous de vivre,

Nous n’avons pas l’habitude que notre pouvoir réagisse de manière adéquate. Et pourtant : un deuil national décrété à temps ; une parfaite coordination entre enquê-teurs russes et polonais ; l’annula-tion immédiate du régime des vi-sas pour les familles des victimes. Et puis il y a ce que l’on ne peut pas simuler par stratégie diploma-tique. La télévision, qui présente toujours nos deux leaders comme une paire de machos insensibles, a montré pour la première fois des hommes sincèrement bouleversés, affligés, compatissant avec l’im-mense malheur d’un peuple.

natalia GevorkyansPéCialement Pour

la russie d’aujourd’hui

François PerreaultsPéCialement

Pour la russie d’aujourd’hui

rendre visite, de Moscou, avec ses amis. Ils m’ont prévenue qu’ils al-laient manger des huîtres dans un bar à Montparnasse. J’ai pro-mis de les rejoindre. Cette joyeu-se bande, quel spectacle ! L’un avec un piercing, l’autre avec un « tunnel » dans le lobe, le troisiè-me avec un tatouage... Dans le Marais ou à Bastille, ils ont l’air de parfaits autochtones. Ici, parmi les habitués de ce restaurant tra-ditionnel, on aurait dit des extra-terrestres. À mon arrivée, la compagnie ba-riolée s’était déjà installée sur la terrasse spacieuse, mais mal chauffée, alors qu’il y avait des tables vide à l’intérieur. Un cou-ple de Français sympathiques, d’un certain âge, s’était joint à eux. Je compris plus tard que la direc-tion du restaurant avait cherché à se protéger contre l’invasion des extraterrestres en déclarant que toutes les tables étaient réservées. Les Français, arrivés en même temps, avaient essayé de défen-dre les Russes. On finit par leur concéder la terrasse. Pour remer-cier les Français de leur soutien, les jeunes les invitèrent à dîner.Maintenant, ils débattaient en riant de la différence entre le Pla-teau Prestige et le Plateau Royal. - Ils ne vous ont pas trop effrayés, mes jeunes ? demandai-je. - Vous pensez ! Notre petit-fils res-semble exactement à ça.- Mais ceux-là sont russes. Et s’ils se saoulaient et commençaient à faire n’importe quoi ?La dame, parée d’un merveilleux collier de perles, sourit : « Il n’y a que nous qui ayons pris du vin pour l’instant. Eux sont à l’eau et au coca... »

a plus), les brochettes japonaises (une heure d’attente) et la soupe aigre-douce (seulement demain), Jean-Pierre opte pour les sushis de saumon. Côté bière, entre la Leffe (dont le fût doit être chan-gé) et la Blanche (on n’en a plus), notre camarade choisira finale-ment une bonne vieille Simiorka – il faut bien encourager le com-merce local.La discussion agréable permet d’oublier l’attente. De toute évi-dence, les douze serveuses (j’en avais oublié deux, à droite) sont en rodage, tout comme les quatre cuisiniers vaguement japonisants, originaires de Kirghizie, les six femmes de ménage originaires du Tadjikistan et l’okhranik origi-naire du ministère de l’Intérieur. La patience a payé. Voilà les mets qui arrivent, dans l’ordre habi-tuel : les sushis sont servis en même temps que le cheese-cake du dessert, tandis que la petite soupe miso vient, elle, au moment où Jean-Pierre termine le gâteau, avec la seconde bière qu’il avait commandée à l’arrivée des sushis. Son Amante a reçu en premier la soupe, mais puisqu’il n’y avait fi-nalement plus de sushis, elle a dû attendre un peu avant de recevoir les makis californiens, portés dis-parus mais visiblement retrouvés, qui feront passer le café servi avec la soupe. Repus, heureux, le couple se re-tire pour une nuit torride qui n’aura cependant pas lieu : c’est vrai qu’il avait quand même une drôle de tête, ce saumon.

« Tu veux savoir à quoi ressem-ble une Française ? Regarde, cel-le-là qui est pressée sous son pa-rapluie, toute menue, nerveuse, insaisissable. Une Française ty-pique. » Manque de pot, c’est moi qui passais rue de Grenel-le. Je courais justement à la conférence de presse du Russe qui venait de prononcer ces mots. Je soulevai mon parapluie en riant. Au comble de l’éton-nement, il s’écria : « Natacha ?... et moi qui faisais de toi une pure Française…»Mon concitoyen peut parfois se méprendre, s’il ne reconnaît pas un visage familier. Mais en réa-lité, il est fort rare aujourd’hui qu’on nous confonde avec d’autres. Il est encore bien trop tôt pour parler du charme dis-cret de la bourgeoisie russe. C’est réservé au futur lointain. En at-tendant, le cri à travers tout le terminal 2E de Roissy -« Eh Zina, t’as trouvé ton sac ? » - reste notre marque déposée. Et la paire de Louboutin aux pieds ne trompe personne. Alors que la gamine tire sa mère par la manche : « Maman, crie pas » Les enfants sont différents. Notre jeunesse se fond totale-ment dans la foule parisienne. Elle ressemble par son compor-tement, son pas assuré, les mus-cles du visage détendus, une né-gligence dans l’accoutrement. Les adultes n’ont pas cette ex-pression et ça ne changera pas. Pas plus qu’ils ne possèdent cette facilité de communiquer, même lorsqu’il possèdent parfaitement la langue.. Un jour, mon fils est venu me

Deux semaines qu’il est à Mos-cou, et Jean-Pierre n’a toujours pas savouré les plaisirs de la gas-tronomie locale. Mais ce soir, c’est l’occasion ou jamais d’in-viter la vaporeuse Miroslava, dont les faux cils battent au rythme des passages de notre ami à travers le bureau.Jean-Pierre a choisi Sushimaki, dont la publicité assure qu’il s’agit du centième restaurant ja-ponais à ouvrir ce mois-ci. Dès l’entrée, un premier obstacle : il faut passer l’épreuve de l’okhra-nik, personnage patibulaire à la fois sécurité et porte-manteau. Impossible de passer sans lais-ser son perfecto : Jean-Pierre vide ses poches, et c’est donc les mains pleines qu’il accompagne son Envoûtante dans la salle sombre où l’on diffuse en bou-cle la finale Miss Hong-Kong de l’année dernière. Une dizaine de couples occupe déjà les lieux, dans une confi-guration russe : madame et mon-sieur, côte-à-côte sur la banquet-te, se roulent des galoches tandis que les chaises qui leur font face sont inutiles. Le tête-à-tête à la russe, c’est plutôt un gauche-à-droite. Après 20 minutes d’attente, l’une des dix serveuses de l’établisse-ment (qui compte trente cou-verts) estime qu’il est l’heure de s’enquérir du choix de nos tour-tereaux. Après avoir hésité entre les makis californiens (on n’en

cES SAcréS FrAnçAiS

cES SAcréS ruSSES

de l’art de reconnaître les russes de loin

de l’art d’éviter certains restaurants à sushi...

VEroniKA DormAnsPéCialement Pour la russie d’aujourd’hui

ciment du patriotisme russe, le récit de la guerre aux enfants par les vétérans est un moment incontournable. une rencontre à fort contenu émotionnel pour que le souvenir se perpétue.

notre victoire, c’est la mémoire !

reportage les vétérans de la seconde guerre mondiale retournent à l’école

guidés par la mémoire et l’amour de la Patrie. »

Leçons de courageCe sentiment est inculqué mé-thodiquement depuis cinquante ans à tous les élèves de l’école n°479 du nom du Maréchal Tchouïkov. En guise de cours d’éducation civique, « des leçons de courage » sont dispensées par des vétérans, des héros nationaux et autres spécialistes patriotes. « Les leçons de courage nous ap-prennent que nous devons être comme eux, intrépides. C’est dif-ficile, mais il faut essayer », dis-serte Pacha, 13 ans, qui n’aime pas beaucoup toutes ces solen-nités, car « on n’a pas vraiment le temps de discuter ». Ces ate-liers se tiennent dans le musée militaire de l’école, fondé dans les années 1970 : plus de 500 m² dédiés aux combats dans la Grande Guerre patriotique, aux sièges, aux batailles. Exposition de photos, d’armes, de lettres, de documents, d’uniformes, de car-tes et de maquettes, c’est la gran-de fierté de l’école. Ce jour de fête est l’occasion d’inaugurer une nouvelle salle, « le Hall de la mémoire », entièrement consa-cré à Stalingrad, et d’alourdir les poitrines de cinq vétérans d’une énième médaille commé-morative. Contrairement à Pacha, la plu-part des élèves participent de bon cœur au cérémonial. « Ils ne sont pas obligés de venir, c’est leur

choix », assure Lidia Petrovna, professeur d’anglais, en embras-sant d’un œil satisfait une salle comble. Le clou du programme - un spectacle dans la plus pure tradition scolaire soviétique - : des images d’archives projetées en toile de fond, accompagnées au piano, tandis que collégiens et lycéens dansent, chantent et récitent la guerre et le sacrifice, le courage et l’amour de la Pa-trie. Au premier rang, les vété-

rans fredonnent des airs qui, pour eux, ne sont pas du folklore. De temps en temps, ils sont sollici-tés pour raconter une anecdote. « Ces fêtes pour nous, c’est l’oc-casion de nous rappeler notre jeu-nesse. Nous étions comme ces adolescents sur scène. Nous écou-tions cette même musique, nous dansions, et nous partions au combat en chantant ces mêmes mélodies », commente, émue, Ma-rina Faustova, née en 1922, ra-diotélégraphiste à Stalingrad. En coulisses, Ania, Dacha, Ksioucha, de jolies fillettes de douze ans, sont surexcitées par le succès de la représentation : « Les vétérans sont venus nous écouter et nous

raconter leurs histoires. Ils nous apprennent des tas de choses. Nous sommes fiers d’eux. » Elles ont chacune un arrière grand-pè-re qui a fait la guerre. « Moi, j’ai appris aujourd’hui qu’un vétéran, ça sait nager », s’émerveille Macha, à qui Marina Faustova vient d’expliquer comment les soldats s’entraidaient pour tra-verser des rivières. « C’est impor-tant de se souvenir », concluent-elles en chœur. Elles le voudraient, qu’elles ne pourraient pas oublier. L’histoi-re de la Seconde Guerre est au cœur de l’enseignement scolaire et des discours identitaires de la Russie post-soviétique. Des concours de rédaction régionaux et nationaux sont organisés tous les ans. « Vous n’imaginez pas les mots que les jeunes trouvent pour parler de la guerre », s’ex-clame Rasim Aktchourine, le di-recteur du Centre d’éducation militaire et patriotique au mi-nistère de l’Éducation, « ce n’est pas vrai que notre jeunesse est indifférente à son passé. Il faut juste travailler avec elle, lui consacrer du temps. »Après les festivités à l’école, les vétérans vont se retrouver dans un restaurant, pour lever leur verre à la mémoire de leur vic-toire et se souvenir, pour la 65e fois, de leur héroïque jeunesse. En toute simplicité, loin des dé-filés pompeux sur la Place Rouge, où la plupart d’entre eux n’ont d’ailleurs pas été conviés.

L’histoire de la Seconde Guerre mondiale est au coeur de l’enseignement scolaire.

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« il est temps pour nous les vétérans de partir et de passer aux jeunes le flambeau de la mémoire »

Natalia Gevorkian, correspon-dante à Paris du journal Kom-mersant.

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

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10 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro culture

présente l’étroite collaboration des maîtres russes (Boulatov, Steinberg, Poliakov) dans l’art de la porcelaine, et démontre une fois de plus que nos cultures sont dé-finitivement complémentaires. C’est ce que confirme aussi le pro-gramme musical, théâtral et lit-téraire du mois d’avril dans les centres régionaux français. Le Festival Pouchkine à l’Opéra de Lyon présente « Eugène Onégui-ne », « La Dame de Pique » et « Mazeppa » de Tchaïkovski. Strasbourg et Rosheim se sont mises au russe : semaine du ci-néma, soirées littéraires et musi-cales, journées de la cuisine russe. Le point d’orgue de cette pro-grammation est le spectacle « Le Rêve de l’oncle de Dostoïevski », mis en scène par l’immense Te-mour Tchekhidze, dans la plus pure tradition du théâtre psycho-logique russe. La troupe mer-veilleuse du Grand Théâtre dra-matique de Saint-Pétersbourg, guidée par ses coryphées, Alissa Freindlich et Oleg Bassilachvilli, présente un monde d’illusions et de leurres, aussi drôles que tragi-ques, comme toute vie humaine, en somme. Le mois de mai en Russie et en France promet d’être tout aussi riche en manifestations culturel-les dans l’une comme dans l’autre. Tous se dérouleront à l’aune de notre fête commune, les 65 ans de la victoire sur le nazisme. Pour la première fois dans notre his-toire d’après-guerre, les soldats français défileront sur la Place Rouge aux côtés des militaires russes, ceux d’autres pays de la CEI et du bloc antihitlérien. Pour nous rappeler que c’est grâce à cette victoire remportée ensem-ble que nos Muses parlent en chœur, haut et fort.

Elle avait pour titre « Pékin Amour Paris » : l’exposition iti-nérante des photographies de Charles Vapereau a été présen-tée pour la première fois dans la capitale française en 1894, à l’issue d’un voyage de 112 jours depuis la France jusqu’en Chine. Avec un peu d’imagination, on peut penser que le mot central, « amour », désigne Moscou, puis-que le périple du photographe passait forcément par l’Empire russe. Il va de soi que ce n’est qu’une présomption, mais elle est aussi agréable que vraisem-blable. Toujours est-il qu’en avril et mai, la collection de Vapereau effectue une tournée russe, de Perm dans l’Oural jusqu’à Ros-tov-sur-le-Don et Moscou. Si-multanément, le ballet de Lyon sillonne le pays avec « Giselle » revisitée par le Suédois Mats Ek, adulé du public russe. En avril également, trois expo-sition se font écho : à l’Hermi-tage de Saint-Pétersbourg, la « Collection de la Manufacture de Sèvres : XXe-XXIe siècles » ; à Moscou, « Paris vu par les peintres russes de la première partie du XXe siècle » ; et à Paris, « Nés en URSS, élevés en Fran-ce ». Tout le monde sait que la capitale française a attiré les peintres russes, avant et après la révolution de 1917. Ces expo-sitions d’artistes aussi célèbres que Chagal, Annenkov ou Sou-tine ne manquent pourtant pas de surprendre en ce qu’elles ré-vèlent de nouvelles dimensions dans leurs œuvres et prouvent que l’on pouvait être russe et français à la fois, et participer des deux cultures en unissant leurs richesses. La collection de Sèvres, véritable découverte,

biLLEt DE L’Amitié

En choeur, haut et fort !

reuse, Zakhar Prilepine s’efface ici devant son héros, Zakhar (qui porte son nom, en fait son pseu-donyme), faisant de nous les té-moins attendris de sa perception de la vie, de son bonheur d’autant plus vif que la mort lui fait pen-dant et qu’il n’est pas toujours donné de lui échapper. La vie palpite, elle bouillonne comme le sang dans la blessure ouverte. Et, tandis que le héros clame comme un leitmotiv son bon-heur, la mort veille, toujours prête à ravir la vie de l’adolescent in-souciant qui part à la guerre, de l’ivrogne frôlé par les roues du train, du conducteur distrait qui échappe à l’accident, du soldat qui tombe dans l’embuscade. Même si Le Péché s’appuie lar-gement sur des faits vécus par l’auteur, ce n’est pas pour autant un texte autobiographique. Plus qu’un prétexte pour mettre en scène son bonheur ou l’analyser, le choix de la fiction offre à Pri-lepine celui d’affirmer dans la prose et la poésie son goût de l’écriture et, par son travail d’écrivain, de « gagner un espa-ce inondé de soleil tiède et blond comme une bière, où est offerte à chacun une gloire de son vi-vant, où il est promis l’amour posthume peut-être pas éternel, mais suffisant pour qu’on ne l’oublie pas, ne serait-ce que le temps d’un repas funèbre. » Avec Le Péché, Zakhar Prilepi-ne peut être rassuré, il a déjà sa place au premier rang des écri-vains russes.

« Je me sentais heureux à la folie jusque dans mon som-meil. » Zakhar est heureux. N’allez surtout pas en déduire que la vie est belle ! la vie n’est pas belle, elle est précieuse, chaude et fragile comme un matin d’été avant le départ pour la guerre, comme la nuque duveteuse d’un enfant endor-mi, comme le sommeil de la femme qu’on aime.Le Péché est un « roman en nouvelles » qui retrace des mo-ments de la vie de Zakhar. Ici, l’enfance, avec ses jeux, la perte irréparable de l’ami, l’adoles-cence et les premiers émois amoureux ; là, le père de fa-mille comblé, plus loin encore, le célibataire trentenaire, sé-rieux compagnon de bouteille, tantôt videur de boîte de nuit, tantôt fossoyeur, soldat ou jour-naliste comme le fut en son temps l’auteur. Écrivain à la réputation sulfu-

chroniquE LittérAirE

Le bonheur de Zakhar

titrE : LE Péché

AutEur : Zakhar PriLEPinE

éditions dEs syrtEs

À L’AFFichE DE L’AnnéE croiSéE 2010

FoirE intErnAtionALE DE borDEAux8-17 mai, Parc dEs ExPositions dE BordEaux Lac, BordEaux La Foire internationale de Bor-deaux met le cap sur la Russie pour son édition 2010. Immersion assurée en territoire russe, entre opéra et fête populaire, gastrono-mie de luxe et artisanat tradition-nel, entre métropole branchée de Saint-Pétersbourg et nature sau-vage du Transsibérien… Pièce maîtresse du Pavillon russe, l’exposition « Voyage en Russie », orchestrée par l’Opéra national de Bordeaux.

http://www.foiredebordeaux.com ›

quAtrièmE éDition DE L’uniVErS DE LA créAtion du 30 avriL au 25 mai, châtEau du cLos Lucé, amBoisE

L’exposition met à l’honneur 25 maîtres d’art français et 14 arti-sans créateurs renommés de Mos-cou et Saint-Pétersbourg. Héri-tiers d’un savoir-faire ancestral, ces professionnels d’excellence as-socient la mémoire du geste aux techniques les plus innovantes. Facteur d’instruments de musi-que, tourneur sur bronze, feutrier ou plumassier, ces métiers parfois oubliés surprennent par la moder-nité des œuvres présentées.

http://www.vinci-closluce.com ›

« ruSSiE-ruSSiA » Au JArDin D'AccLimAtAtionJusqu'au 16 mai, Jardin d’accLimatation, Paris Le premier parc de loisirs pari-sien invite ses visiteurs, dans le cadre de l’Année France-Rus-sie 2010, aux nombreux spec-tacles qui se succèdent chaque jour sur sa grande scène en plein air : danses tsiganes ou cosa-ques, musiques de l’Oural ou de la Volga, orchestres folkloriques jouant des instruments tradition-nels (gusli, volynka et balalaïka), chœurs et chants populaires, cir-que et numéros de clowns.

http://www.jardindacclimatation.fr ›Pour En savoir PLus : notrE sitEwww.Fr.rbth.ru

mAurEEn DEmiDoFFsPéciaLEmEnt Pour La russiE d’auJourd’hui

Le célébrissime cirque nikouline de moscou arrive en France pour présenter son spectacle DAVAÏ, dont la bouffonnerie des clowns mikos constitue le clou.

Des numéros muets pour un humour spectaculaire

cirque L’une des troupes russes les plus réputées entame une grande tournée française

Pas de nez rouge, pas de coups de pied aux fesses, sous le chapi-teau du cirque Nikouline : les Mikos ne sont pas des clowns tra-ditionnels. Leur univers burles-que transporte les spectateurs dans un monde sans parole, com-posé uniquement de gestes et d’ex-pressions. Baptisés « les gentle-men de l’humour » au Festival du Cirque de Demain, les Mikos sont des bouffons qui tentent d’accep-ter le monde tel qu’il est et tel qu’il est perçu avec le regard de l’enfance qu’ils ont adopté. « Leur numéro est un apprentissage pour voir le monde autrement », expli-que Joëlle Berrebi, directrice de Balagan International. Les artistes puisent leur inspira-tion dans l’observation des faits et gestes quotidiens… le banal - un caprice d’enfant, la démarche d’un vieillard - est récupéré puis poussé à son paroxysme jusqu’à l’absurde. Les Mikos, c’est « l’art du dynamitage systématique des situations les plus invraisembla-blement anodines », résume Do-minique Mauclair, fondateur du Festival mondial du Cirque de De-main.Lorsque Nikolaï Bereza et Ser-gueï Davydov créent Les Mikos en 1991, ils sont rapidement re-joints par deux complices. Seul un des quatre clowns avait une formation artistique : les trois autres étaient ingénieurs ! Pourquoi Les Mikos ? Simple-ment parce que « leurs grand-mères étaient plus drôles que leurs grand-pères. Et les ini-tiales de leurs prénoms per-mettent de composer ce nom ».Depuis 1991, les rois de l’ab-surde ont sillonné la Russie, de Moscou à Vladivostok. Leurs spectacles se construi-sent et se renouvellent autour des deux personnages princi-paux : le premier est un esthè-te snob qui veut tout régenter, le second est un vieux clown sage, qui pardonne tout à tout le monde. Le troisième larron en-dosse un rôle différent et vient constamment s’interposer entre les deux rivaux pour que tout le monde s’entende.Tout au long du spectacle DAVAÏ, les clowns transmettent, à travers des thématiques universelles, la dimension culturelle russe : « Les clowns russes sont des porteurs d’âme qui véhiculent leurs tradi-tions », explique Madonna Bou-glione, qui a fait découvrir en France l’art du clown russe.

« Leur particularité est qu’ils ne donnent jamais l’illusion, ils ne font pas semblant, ils ne miment pas : ils font les choses. C’est la grande spécificité des clowns rus-ses », ajoute la grande dame du cirque. Maxime Nikouline, directeur de la troupe, nourrissait depuis long-temps le désir de faire connaître le cirque russe en France. L’année croisée France-Russie l’a motivé. Créé pour un public européen, le spectacle DAVAÏ est une œuvre inédite qui allie la technique cir-cassienne russe à la culture fran-çaise, un mélange, explique Emi-lie Corbier, chargée de projet, entre « une forte tradition et un nou-veau cirque épuré, des artistes au savoir-faire incroyable et d’autres qui tentent d’échapper aux contraintes techniques, la rencon-tre du monde des pleins et de celui des déliés ».

L’illustre troupe des Kovgar, considérée comme l’une des plus gran-des troupes de bascule de tous les temps

La petite histoire de nikoulineC’est le plus ancien cirque en dur de Russie, fondé par le grand artis-te Albert Salamonski le 20 octobre 1880. Nationalisé en 1919, le Cirque de Moscou (sous son ancien nom) devient le premier cirque d’État. Pendant la Seconde Guerre mon-diale, ses spectacles se poursuivent sans interruption et tournent en dé-rision l’ombre noire du fascisme. Au début des années 60, Youri Nikouline se rend célèbre dans son rôle de clown. En 1983, il est nom-mé producteur en chef du vieux Cirque de Moscou, dont la dernière

représentation sous sa forme tra-ditionnelle a lieu le 13 septembre 1985. Le bâtiment est ensuite dé-truit pour insalubrité (seule la fa-çade est préservée). Youri Nikouline prend la direction de l’établisse-ment et une ère nouvelle commen-ce pour le cirque du Boulevard Ts-vetnoï, avec une programmation rajeunie, plus innovante que jamais. En 1998, la direction générale du cirque, qui bénéficie du soutien de la Ville de Moscou, passe aux mains de Maxime Nikouline, le fils du « père » de la version moderne.

tournée du cirque :- à bordeaux du 8 au 16 mai- à Avignon du 22 au mai au 2 juin- à Paris le 12 juin (fête nationale

russe sur les Champs de Mars)- reprise de la tournée en sep-

tembre

Michail Chvydkoï est Comis-saire du Comité d’organisation pour la Russie de l’Année Fran-ce-Russie et ancien ministre de la Culture.

Préparé par christine mestre

mikhaÏl chvydkoÏ

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Plus d’infos sur www.balagan-international.info

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

11culture

Pouvez-vous décrire le mouve-ment des « Architectes de papier » en russie, l’ambiance sociale qui régnait à cette époque et ce contre quoi ces architectes luttaient ?L’architecture de papier était un genre d’architecture concep-tuelle en URSS dans les années 1980, il s’agissait de plans qui n’ont jamais vu le jour, de « pro-jets de projets ». Historique-ment, la formule « architecture de papier » était une expres-sion péjorative qui est apparue à la fin des années 1920 et dé-signait des idées absurdes éloi-gnées des exigences vitales. Pour nous, c’était l’occasion de présenter nos projets dans des concours internationaux à l’étranger en contournant les restrictions imposées par les censeurs soviétiques. Nous formions également un groupe de jeunes architectes utopiques diplômés de l’Institut d’Archi-tecture de Moscou.

De nombreux visiteurs étrangers ne connaissant pas Moscou aiment à se rendre au Café Pou-chkine, une demeure surdécorée transformée en restaurant à par-tir du début du XIXe siècle. Or tout y est factice. Le Café Pou-chkine est un pastiche tout droit sorti d’une célèbre chanson de Gilbert Bécaud. Il n’irritait guère les défenseurs du patrimoine ar-chitectural de Moscou, jusqu’au jour où son propriétaire s’est em-paré du bâtiment voisin pour y ouvrir un restaurant de cuisine fusion asiatique, en sacrifiant le style de la construction.Telle est, depuis une quinzaine d’années, la triste histoire du pa-trimoine architectural de Mos-cou, où l’on a vu des bâtiments historiques démolis, brûlés ou défigurés sans scrupules. Une exposition qui vient de se terminer au Musée d’architec-ture Schussev de Moscou a mis en opposition la capitale telle qu’elle apparaissait en 1993 et telle qu’elle est devenue. « Mos-cou a subi des changements d’une ampleur phénoménale », selon le conservateur Alexander Mozhayev.La Moscow Architecture Preser-vation Society (MAPS), une or-ganisation non gouvernementa-le créée par un groupe d’architectes et de journalistes, estime à plus de mille le nom-bre de bâtiments d’intérêt his-torique disparus au cours des

Le Kremlin renoue avec le grand écran

Halte à la défiguration de la capitalecinéma Les studios russes subventionnés à hauteur de 50 millions d’euros

Architecture Les Moscovites réalisent que la silhouette de leur ville change... pour le pire

Projet « matriochka » conçu par Avvakoumov en 2004.

norA FitZGErALDSpÉCIALEMENT pOUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

KEVin o’FLYnnSpÉCIALEMENT pOUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les « Architectes de papier », un groupe non conformiste né au temps de l’union soviétique, élaboraient à l’époque des projets condamnés à ne pas être réalisés. Aujourd’hui, c’est ce qui existe qui est menacé...

Au cours des deux dernières décennies, moscou a perdu plus de 1 000 bâtiments historiques. Les défenseurs du patrimoine peinent à se faire entendre des autorités.

Les « Architectes de papier » au secours des chefs d’œuvre en péril du vieux moscou

Entretien Iouri Avvakoumov milite contre la destruction du patrimoine architectural de la capitale russe

observez-vous un intérêt de plus en plus vif pour l’avant-gar-de russe ? En quoi les œuvres de ce mouvement sont-elles toujours d’actualité ?Dans les années 1980, j’étais le seul architecte qui revendi-quait l’utilisation des styles constructiviste et suprématiste dans mon travail. Récemment, lors d’un concours des plus beaux bâtiments de Russie, le premier prix fut décerné à une école d’enseignement général moscovite qui semble entière-ment d’influence constructivis-te. Si l’indéboulonnable maire de Moscou, Iouri Loujkov, ne s’y était pas opposé, Moscou serait aujourd’hui une ville constructiviste.

quel est l’état de l’architecture russe aujourd’hui ?Le secteur de la construction, en Russie comme partout ailleurs, est en crise, et ceci est une bonne chose ! Car la rapidité avec la-quelle les bâtiments historiques de Moscou sont rasés et rempla-cés par des centres commerciaux et des immeubles de bureaux pendant les années fastes de la promotion immobilière est sans précédent. Les architectes, comme l’a montré le dernier Fes-tival russe d’architecture, tra-vaillent maintenant davantage sur des projets sociaux.

deux dernières décennies, parmi lesquels plus de 200 monuments classés. Le mouvement pour la sauve-garde du patrimoine architectu-ral s’est fait connaître dans les années 1970 en s’opposant à la démolition à grande échelle du Moscou historique, avant de se joindre au combat des écologis-tes dans les années 1980. Il a lui-même livré un combat acharné en 2004, année maudite pour trois des bâtiments les plus en vue de Moscou, près du Kremlin : un feu détruisit la galerie d’ex-position « Manège » datant du XIXe siècle, tandis que la mu-nicipalité fit raser l’Hôtel Mos-kva ainsi que Voentorg, un grand magasin militaire édifié en 1910. Le groupe passa alors à l’action, lançant son site Internet Mos-kva.kotory.net, alias « Le Mos-cou qui n’existe plus », avant de créer « Archnadzor », qui regrou-pe divers mouvements de sau-vegarde disparates.

Aux activités éducatives et aux manifestations s’ajoutent des ini-tiatives juridiques pour changer les lois et inscrire des bâtiments sur des listes de monuments his-toriques. Certaines des proposi-tions auraient été retenues par la ville de Moscou.

Le mouvement de sauvegarde at-tire un grand nombre de béné-voles, des avocats, des architec-tes mais aussi des étudiants qui travaillant côte à côte. Il a ré-cemment touché une corde sen-sible en mettant sur pied un cor-tège funéraire derrière un faux cercueil, en direction du site d’un bâtiment historique de Moscou

qui n’existe plus. Cette manifes-tation fut réprimée par des uni-tés antiémeute tout au long de son parcours.Les villes provinciales sont éga-lement exposées à une promo-tion immobilière effrénée et à l’invasion des centres commer-ciaux. MAPS a récemment pro-duit un rapport sur Samara, une ville d’affaires qui présentait autrefois un mélange éclectique de styles architecturaux contras-tés, alliant de charmantes izba en bois à de beaux exemples de constructivisme.Selon le rapport, Samara était menacée de « destruction aussi dévastatrice que le bombarde-ment des villes européennes pen-dant la Seconde Guerre mon-diale ». En réponse, les autorités locales ont promis d’aider l’as-sociation à restaurer un bâtiment en bois du XIXe siècle : de quoi créer un précédent bienvenu dans la préservation du patri-moine architectural russe.

L’an dernier, alors que les films russes continuaient à céder les premières places du box-office aux blockbusters hollywoodiens, le ministère de la Culture avait été critiqué pour l’inefficacité de son soutien, certains films finan-cés par l’État n’étant même pas sortis sur les écrans. La leçon a été retenue. Parmi les produc-teurs bénéficiaires des subven-tions annoncées en mars : la com-pagnie « Trite » du réalisateur Nikita Mikhalkov, la société de production d’Igor Tolstounov, Art-Pictures, dont le réalisateur Fiodor Bondartchouk est l’un des cofondateurs ou encore Bazele-vs, de Timour Bekmambetov. En novembre 2008, le premier ministre Vladimir Poutine avait fustigé en ces termes le secteur cinématographique lors d’une réunion gouvernementale sur le sujet : « Il me semble que les pro-blèmes que connaît l’industrie du cinéma russe ne concernent pas le montant des fonds ou les avantages fiscaux dont elle bé-néficie. Le vrai problème, c’est la gestion de ses ressources, sa capacité de créer un produit compétitif pour conquérir le pu-blic russe et étranger ». Le gouvernement a décidé d’aug-menter le financement du sec-teur cinématographique de 55 %

en 2010. Le ministère de la Cultu-re dispose de 849 millions de rou-bles (21,6 millions d’euros) pour subventionner le cinéma pour enfants, le cinéma d’art et d’es-sai et le cinéma expérimental, 300 millions de roubles (7,6 mil-lions d’euros) étant par ailleurs réservés pour récompenser les films attirant plus d’un million de spectateurs. L’argent restant ira à la production de films ayant une « fonction sociale importan-te ». Ce système fonctionnera pendant deux ans, et par la suite, de nouveaux bénéficiaires seront choisis en fonction des critères approuvés. Pour l’attribution des aides, « nous devons nous concen-trer sur des critères précis, sans faire place à la subjectivité. Ces critères doivent être transparents pour tout le monde », a déclaré le vice-premier ministre russe Alexandre Joukov à l’agence In-terfax. Sont pris en compte les audien-ces en salle et à la télévision, la participation aux principaux fes-tivals de cinéma, les prix et les récompenses obtenus et l’expé-rience des sociétés de produc-tion. Mais les recettes du box-office ne seront pas retenues car le nombre de salles de cinéma varie au fil des années, a indiqué Oleg Ivanov, le directeur de la société Movie Research qui a éta-bli les critères de sélection. L’an dernier, les recettes pour 78 films produits en Russie ont représen-té 131 millions d’euros dans la Communauté des États indépen-dants (CEI), en baisse de 16,8 % par rapport aux 165,5 millions d’euros en 2008, selon les chif-fres du magazine Russian Film Business Today.

ALEX AniShYuKTHE MOSCOW TIMES

Finies les années de vaches maigres ! Les huit principaux producteurs du cinéma russe viennent d’obtenir de l’état une aide de 6,3 millions d’euros chacun pour mieux résister au cinéma américain.

Le coeur historique de moscou est défiguré par d’éternels chantiers.

biographieIouri Avvakoumov est architecte, artiste et conservateur. Né à Tiras-pol en 1957, il a obtenu en 1981 un diplôme de l’Institut d’Architecture de Moscou. Depuis 1982 il orga-nise des expositions d’art et d’ar-chitecture, auxquelles il participe également. Il est l’un des mem-bres fondateurs du groupe des « Architectes de papier » et il a créé en 1988 le studio AGITARCH.

quel est votre bâtiment préféré à moscou ? Mes bâtiments préférés à Mos-cou sont ceux qui risquent à présent d’être démolis : le « Monde des enfants » d’Alexeï Douchkine, l’imprimerie d’Ogo-nyok d’El Lissitzky, la Maison centrale des Artistes de Nikolay Sukoyan.

Pensez-vous que les russes de-vraient davantage se préoccuper de la conservation des bâtiments modernistes ?Je ne diviserai pas l’architecture en différents styles afin de déterminer ce qui doit être conservé et ce qui ne doit pas l’être... Les bâtiments devraient être conservés en tant que mo-numents de la culture matériel-

le et aussi pour la simple raison que toute destruction porte at-teinte à notre environnement. Le futur imaginé dans le roman de Ray Bradbury, « Fahrenheit 451 », c’est ce qui se déroule actuellement, à la différence près qu’en Russie ce ne sont pas les livres qui sont brûlés mais les immeubles.

qu’espérez-vous pour l’architectu-re et le paysage urbain de moscou au cours de la nouvelle décennie ?Il n’y a pas d’espoir d’améliora-tion, il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais. Mais je ne peux pas m’y résoudre. Je rêve que je vais me réveiller demain matin et que la banque qui, aujourd’hui, me cache la vue du Kremlin aura disparu...

Le Café pouchkine n’est qu’une reconstitution au nom d’un passé romantisé mais si peu respecté...

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12 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Gastronomie

RECETTE

Pelmeni : patience sibérienne

Voilà mon amie Suzanne qui me demande si j’ai une recette de pelmeni sibériens. Seule la plus grande ingénuité a pu lui met-tre en tête de se lancer dans une entreprise aussi éreintante ! « Mes filles avaient une nounou russe qui leur cuisinait d’extra-ordinaires raviolis à la viande », se justifie-t-elle, « et après son départ, nous n’avons rien trou-vé qu’elles aiment autant ». Je n’arrive pas à imaginer Su-zanne, une productrice de té-lévision intelligente, élégante et au sens artistique très déve-loppé, couverte de farine et de la farce à pelmeni des pieds à la tête. Ni qu’elle puisse consa-crer une journée et demie au processus. Pour dire les choses simplement, les pelmeni et Su-zanne ne semblent pas faits les uns pour l’autre. La vie de Su-zanne n’a rien à voir avec cel-le des femmes des anciennes tribus finno-ougriennes. Bien qu’elle soit très active, elle ne transporte pas ses provisions sur son dos. Peu lui importe que la pâte du ravioli dissimule l’odeur de la viande et n’attire pas les dangereux prédateurs

MAKSIM SIRNIKOVSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AJOURD’HUI

La cuisine russe est abusivement considérée comme monotone. En réalité, nombre de recettes n’ont simplement jamais franchi ses frontières... pour cause d’étrangeté !

Traditions Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es : la cuisine est une culture

La cuisine d’un peuple re� ète son territoire. Le terrtoire de la Russie est vaste mais sa terre peu fertile et la rigueur du climat en interdit la culture pendant la ma-jeure partie de l’année. En revanche, le pays a toujours été riche en forêts. Les forêts de feuillus et la taïga conifère pou-vaient fournir aux Russes le combustible nécessaire à l’utili-sation quotidienne de l’élément central d’une maison tradition-nelle russe, le poêle. Servant à la fois de chauffage et de four, le poêle russe a, selon les critères techniques modernes, un coeffi-cient de rendement très faible, qui ne dépasse pas 30%. Il est si vaste qu’un adulte peut y péné-trer, par exemple pour s’y laver pendant les grands froids.Pour atteindre la température nécessaire à la cuisson du pain, il faut y mettre au moins une dizaine de bûches, presque un arbre de petite taille. Mais quand un bon poêle est chaud, on peut y préparer en même temps plu-sieurs plats demandant une lon-gue cuisson, faire du pain et des tartes pour une grande famille. C’est justement ce lent refroidis-sement permettant de maintenir la chaleur à l’intérieur du four jusqu’à 8-12 heures après l’allu-mage, qui a permis aux Russes de créer leur cuisine nationale. La cuisine traditionnelle n’a jamais connu la cuisson à feu vif : tous les plats mijotent pen-dant des heures dans le four, sans

ajouts de graisse ou de beurre. C’est-à-dire dans leur propre jus.La soupe russe la plus connue et la plus populaire est sans aucun doute le chtchi. Les étran-gers ont du mal à en saisir la saveur. Ainsi, au XVIIe siècle, l’ambassadeur d’Italie à Moscou écrivait-il : « s’ils organisent un grand festin, ils préparent un

brouet avec de la nourriture et quelques feuilles de chou décou-pées. Si ce plat ne s’avère pas à leur goût, alors ils y ajoutent beaucoup de lait fermenté ». En fait, il existe plusieurs variantes du chtchi. Et le penchant natio-nal pour les soupes a fait que la cuisine russe en compte 115.La choucroute était le légume principal consommé pendant

l’hiver et le printemps, car elle se conservait facilement. De plus, ce mode de préparation du chou accroît la quantité de vitamines. L’oignon et l’ail sont également utilisés depuis la nuit des temps, à l’inverse de la salade verte qui n’a jamais eu de succès en Rus-sie où elle était considérée comme de « l’herbe ». D’une façon générale, la salai-son des légumes et des champi-gnons, et la fermentation lacti-que ou « aigrissement », est une partie importante de la cuisine russe. La saumure des cornichons et du chou a jadis joué dans notre cuisine nationale le même rôle que la sauce de soja dans les pays du Sud-Est asiatique. Il y eut une époque où l’on fai-sait beaucoup de salaisons de ca-nards et d’oies. Et les poissons les plus nobles sont encore aujourd’hui abondamment et dif-féremment salés. Dans « Domos-troï », un traité du XVIe-XVIIe siècle sur la morale et l’écono-mie domestique qui a marqué son temps, on trouve 10 métho-des de salaison du poisson. Et n’oublions pas le fameux caviar noir. Le lecteur contemporain sera probablement surpris d’ap-prendre qu’il y a quatre cents ans, dans certaines villes de l’Oural, pendant les années mai-gres on ajoutait du caviar d’es-turgeon séché à la farine en tant que substitut le moins cher. En� n, on utilise du poisson pour pré-parer des sortes de tourtes qui ne sont connues qu’en Russie : koulebiaka, rybnik, rasstiagaï. « On peut de tout faire une tourte », dit-on chez nous. Il y a une grande variété de farces, de types de pâtes et de tourtes pro-prement dites : ouvertes ou fermées, au fromage blanc doux ou aigre (vatrouchki), sucrées ou salées. La pâtisserie demeure le fer de lance de notre cuisine nationale. Il faut également mentionner les incontournables okrochka et botvinia, ces soupes froides à base de kvas de pain, la boisson nationale fabriquée avec du malt ou de la farine. Il semble que l’okrochka soit le seul plat lais-sant sceptiques - et c’est un euphémisme - les étrangers les plus intrépides. S’y accoutumer n’est pas chose aisée. Il vaut mieux y avoir trempé ses lèvres depuis sa plus tendre enfance avec le kvas préparé par mamie... Certains ont toutefois réussi à briser la barrière culinaire. Théophile Gautier, au terme d’un voyage en Russie au milieu du XIXe siècle, a conclu que le temps était un facteur clé pour apprécier la cuisine locale : « Après un séjour de quelques mois, on � nit par prendre goût aux ogourtzis, au kvas et au chtchi, le potage national russe... ».

Maksim Sirnikov est l’auteur de plusieurs ouvrages culinaires

TROIS GRANDS CHEFS FRANÇAIS JUGENT LA CUISINE RUSSE

Ils y ont goûté, mais ne se sont pas tous resservis...

Je pratique la cuisine russe en l’aménageant au goût français. J’essaye d’alléger les recettes tra-ditionnelles, en les affinant, débar-rassées de mayonnaise, de gras. Le champ n’est pas infini, mais il y a des choses intéressantes. Je fais une salade Olivier au saumon par exemple, ou une côtelette à la Kiev au foie gras. J’ai été surpris par la grande variété des soupes, chaudes, froides, acides, amères, à la betterave, au kvas. J’aime beau-coup le borchtch. Le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de culture gastronomique en Russie.

J’aime beaucoup la cuisine rus-se, je la respecte et ne suis pas chauvin. Je trouve qu’elle ressem-ble à la cuisine européenne dans son ensemble, et j’en suis souvent consommateur moi-même. Mon plat préféré est la soupe so-lianka. En ce moment, mon tra-vail consiste à imaginer des sandwiches et des salades « euro-péens », mais avec des produits typiquement russes. Je fais aus-si des expériences consistant par exemple à prendre le grand classi-que qu’est le pelmeni, et le fourrer au foie gras, qu’il faut importer.

La seule tradition gastronomique que la Russie ait jamais connue, c’est la cuisine française importée avant la Révolution puis perdue au temps de l’Union soviétique. Aujourd’hui, c’est une cuisine faite pour manger, pas pour déguster. Les plats les plus savoureux sont empruntés aux ex-républiques du sud. La cuisine russe obéit au concept du banquet. Les plats sont servis simultanément sur la table, on mange pendant des heu-res. D’où les salaisons, la viande cuite longuement. Mon plat préfé-ré, c’est le kholodets.

Kamel Benamar

CHEF DES RESTAURANTS VANIL ET BOLCHOÏ

PatrickChonavey

CRÉATEUR DE RECETTES

Ericle Provos

CHEF DU CARRÉ BLANC

Jennifer Eremeeva SPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

des forêts nordiques. Le climat dans lequel vit notre Londonienne de Suzanne n’est pas assez froid pour permettre la congélation instantanée, bonheur des ménagères sibériennes, qui se rassemblaient autour de l’ani-mal abattu pour former une chaî-ne d’assemblage à rendre jaloux Henry Ford : elles jonglaient avec la viande fraîche et la pâte sim-ple pour fabriquer des centaines de pelmeni délicieux, qu’elles en-fouissaient ensuite dans la neige, pour préserver instantanément leur fraîcheur et stocker des provi-sions pour le long hiver sibérien. Chère Suzanne, si tu peux faire une pause de deux jours dans ta vie frénétique, tu trouveras ci-des-sous la recette des pelmeni.Quant à vous, chères lectrices (ou chers lecteurs), suivez le dicton russe selon lequel, si vous avez décidé de vous donner tant de mal pour fabriquer des pelmeni, autant en faire beaucoup. Surtout, prenez votre temps, parce que les pelmeni ne supportent pas d’être bâclés. Et prenez exemple sur les villageoises sibériennes : embriga-dez quelques amis patients, et fai-tes-en une entreprise collective !

Ingrédients :Pour la pâte :750 g de farine1 cuiller à café de sel3 œufs entiers8 cl d’eau chaudePour la farce :250 g de bœuf250 g de porc1 oignon1 cuiller à soupe de selPoivre noir en grainsUne pincée de marjolaine ou des épices à votre goût (à noter que les pelmeni sibériens classiques ne sont pas épicés du tout, et le goût dépend de la garniture, alors que la version balte inclut de la marjolaine, et je pense que c’est une bonne idée).

Préparation :La pâte : mélangez la farine et le sel dans un grand saladier. Per-cez un puits et ajoutez les œufs et l’eau. Pétrissez la pâte sur une surface farinée jusqu’à ce qu’el-le devienne homogène. Couvrez avec un bol et laissez reposer une heure. Mélangez la viande, l’oignon, le sel et les épices à l’aide d’un ro-bot jusqu’à l’obtention d’une mas-

se homogène. Couvrez et laissez de côté. L’assemblage : utilisez un rouleau à pâtisserie. Roulez la pâte jusqu’à ce qu’elle devienne très fine, pas plus de 2 mm. En utilisant un moule à tarte-lettes ou un verre, découpez des dis-ques de 7 cm de diamètre environ. Au centre de chaque disque, placez une boulette de viande. Pliez le dis-que en demi-lune et enfermez la vian-de en pinçant les bords. Puis joignez les deux pointes du croissant et pin-cez encore pour former le ravioli final. La cuisson : portez à ébullition une grosse casserole d’eau salée. Ajoutez une cuiller à soupe d’huile, puis plon-gez les pelmeni, un par un, en veillant à ne pas trop remplir la casserole et à ce que les pelmeni ne collent pas les uns aux autres. Laissez cuire pen-dant 4-6 minutes, ou jusqu’à ce que les pelmeni remontent à la surface. Égouttez. Servir les pelmeni : les Sibériens les mangent avec du vinaigre acide et de la moutarde forte, les Russes de la Russie occidentale les enduisent de beurre fondu ou de crème fraîche. On sert souvent les pelmeni dans un bouillon. Dans ce cas, on les plonge cuits dans du bouillon chaud et on sert immédiatement.

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