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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Le politologue Dmitri Trenine voit un assouplissement dans la diplomatie russe, causé par la nécessité de modernisation. Le spécialiste des médias Alexeï Pankine estime que la domina- tion totale du Kremlin sur la télévision, utile un temps, doit à présent cesser. PAGE 8 PAGE 8 Moscou sensible à l’effet Obama Qui étouffe la presse libre ? Renaissance juive Mercredi 16 juin 2010 PAGE 3 PAGE 5 Stations de skis contre séparatisme caucasien Medvedev veut construire cinq stations de ski pour revitaliser une économie caucasienne totalement déprimée par le terrorisme. Chaos dans le « Bio » PAGE 4 PHOTOXPRESS Recette : l’okrochka Révolution de studio Une soupe d’été tradition- nelle contre les maux cita- dins : manger sain et frais sans prendre de poids Mosfilm, l’incubateur à chef-d’oeuvres du 7ème art passe à l’ère digitale P.12 P.10 VERONIKA DORMAN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI IRINA FILATOVA / ANDY POTTS AVEC MOSCOW TIMES ET MOSCOW NEWS Echenoz, Sallenave, Fernandez et leurs confrères roulent sur les traces de Blaise Cendrars et de sa « Prose du Transsibérien ». Un voyage surprenant, émouvant, parfois même cocasse. Le 28 mai, les passagers au dé- part de la gare de Iaroslavl ont dû se frayer un chemin à travers une foule compacte et inhabi- tuelle amassée sur le quai. C’est qu’on n’embarque pas une dé- légation d’écrivains français sans y mettre les formes. Au son d’une fanfare militaire et dans une nuée de ballons bleu-blanc-rou- ge lâchés par des enfants chan- tant à tue-tête une chanson po- pulaire, le Transsibérien des écrivains quittait la capitale pour un périple de 20 jours. Dans le cadre d’une opération croisée des chemins de fers russes et français (année France-Russie oblige), les plumitifs ont emboî- té le pas à leur illustre prédéces- seur Blaise Cendrars, de Mos- cou à Vladivostok, à l’assaut de la Russie profonde. Littérature 15 écrivains français traversent le continent de Moscou à Vladivostok à bord du Transsibérien SUITE EN PAGE 11 SUITE EN PAGE 3 Les accusations sans fondement portées contre Moscou et Ma- drid par le patron de la Fédéra- tion anglaise de football, lors d’une conversation enregistrée à son insu, ont desservi la can- didature de son pays et braqué les projecteurs sur celle de la Russie. Lord Triesman avait insinué que l’Espagne et la Russie se seraient entendues sur le trucage de mat- ches dans le cadre de la Coupe du monde qui se dispute en Afri- que du Sud, en échange d’un abandon de la candidature es- pagnole à l’organisation du tour- noi de 2008. Le président de la Football Association (FA), dont les commentaires ont paru dans la presse britannique, a été contraint de démissionner du poste qu’il occupait également comme président du comité de la candidature de l’Angleterre, et la FA a envoyé des lettres d’ex- cuses à Moscou et Madrid. Mais ce ne sera probablement pas suf- fisant pour réparer les dégâts causés à la candidature anglai- se. Et vu que la bataille pour la sélection du pays d’accueil de 2018 devait se dérouler entre l’Angleterre et la Russie, le scan- dale place d’office la Fédération russe en position de favori. La « remarquable » candidature russe La Russie a déposé sa candida- ture, que le président de la Fé- dération internationale a quali- fiée de « remarquable », en proposant 13 villes de sa partie européenne pour l’organisation du tournoi. À la clé : la construc- tion de plusieurs stades moder- nes. À l’heure actuelle, seul le stade de Loujniki à Moscou cor- respond aux normes requises, même si les installations qui sont en cours de réalisation pour l’Olympiade de 2013 à Kazan et les Jeux Olympiques d’hiver 2014 à Sotchi font également partie de ce grand projet. Des villes comme Kaliningrad, Yaroslavl, Saransk et Sotchi, où la passion pour le football se développe à grands pas, accueilleront des ins- tallations de premier plan. Le rêve mondial du football russe se rapproche Sport Un scandale profite à la candidature de Moscou pour la Coupe du monde en 2018 ou en 2022 La candidature russe propose 13 villes d’accueil pour la Coupe du Monde DÉBATS ET OPINIONS Bonduelle craque pour le Kouban Le groupe agro-alimentaire français a installé il y a six ans une usine dans le sud de la Russie. Ses cadres relatent les défis qu’ils y ont relevés et leur plaisir de vivre dans le Kouban, sur les bords de la mer Noire. L’écrivain et poète Blaise Cendrars a été inspiré par un voyage qu’il a fait à bord du Transsibérien alors qu’il n’avait que 17 ans ELENA LOUBINETS SPÉCIALEMENY POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Présent sur le marché russe de- puis 16 ans, Bonduelle y a ouvert au bout de dix ans son unique usine à Dinsk près de Krasno- dar, la capitale du Kouban. L’éta- blissement fournit un quart de la production totale des légumes en conserve de cette région connue comme le grenier de la Russie. Trois Français travaillent au sein de la direction de l’usi- ne, à Novotitarovsk, non loin de la capitale régionale. SUITE EN PAGE 7 Sur les traces de Cendrars EPSILON VLADIMIR ANOSOV PHOTOXPRESS PHOTOXPRESS PHOTOXPRESS Les juifs russes ont désor- mais l’embarras du choix pour pratiquer leur religion. À condition toutefois de résider dans une grande ville. La mode de l’alimentation saine fait rage en Russie, mais aucune réglementation ne distingue le vrai du faux « bio ». ANDREY ZVEZDENKOV

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La mode de l’alimentation saine fait rage en Russie, mais aucune réglementation ne distingue le vrai du faux « bio ». Les juifs russes ont désor- mais l’embarras du choix pour pratiquer leur religion. À condition toutefois de résider dans une grande ville. Medvedev veut construire cinq stations de ski pour revitaliser une économie caucasienne totalement déprimée par le terrorisme. Mercredi 16 juin 2010 La Russie a déposé sa candida- ture, que le président de la Fé- PAGE 4 P.10

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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Le politologue Dmitri Trenine voit un assouplissement dans la diplomatie russe, causé par la nécessité de modernisation.

Le spécialiste des médias Alexeï Pankine estime que la domina-tion totale du Kremlin sur la télévision, utile un temps, doit à présent cesser.

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Moscou sensible à l’effet Obama

Qui étouffe la presse libre ?

Renaissance juive

Mercredi 16 juin 2010

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Stations de skis contre séparatisme caucasien

Medvedev veut construire cinq stations de ski pour revitaliser une économie caucasienne totalement déprimée par le terrorisme.

Chaos dans le « Bio »

PAGE 4

PHOTOXPRESS

Recette : l’okrochka

Révolution de studio

Une soupe d’été tradition-nelle contre les maux cita-dins : manger sain et frais sans prendre de poids

Mosfilm, l’incubateur à chef-d’oeuvres du 7ème art passe à l’ère digitale

P.12

P.10

VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

IRINA FILATOVA / ANDY POTTSAVEC MOSCOW TIMES ET MOSCOW NEWS

Echenoz, Sallenave, Fernandez et

leurs confrères roulent sur les

traces de Blaise Cendrars et de

sa « Prose du Transsibérien ». Un

voyage surprenant, émouvant,

parfois même cocasse.

Le 28 mai, les passagers au dé-part de la gare de Iaroslavl ont dû se frayer un chemin à travers une foule compacte et inhabi-tuelle amassée sur le quai. C’est qu’on n’embarque pas une dé-légation d’écrivains français sans y mettre les formes. Au son d’une fanfare militaire et dans une nuée de ballons bleu-blanc-rou-ge lâchés par des enfants chan-tant à tue-tête une chanson po-pulaire, le Transsibérien des écrivains quittait la capitale pour un périple de 20 jours. Dans le cadre d’une opération croisée des chemins de fers russes et français (année France-Russie oblige), les plumitifs ont emboî-té le pas à leur illustre prédéces-seur Blaise Cendrars, de Mos-cou à Vladivostok, à l’assaut de la Russie profonde.

Littérature 15 écrivains français traversent le continent de Moscou à Vladivostok à bord du Transsibérien

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Les accusations sans fondement

portées contre Moscou et Ma-

drid par le patron de la Fédéra-

tion anglaise de football, lors

d’une conversation enregistrée

à son insu, ont desservi la can-

didature de son pays et braqué

les projecteurs sur celle de la

Russie.

Lord Triesman avait insinué que l’Espagne et la Russie se seraient entendues sur le trucage de mat-ches dans le cadre de la Coupe du monde qui se dispute en Afri-que du Sud, en échange d’un abandon de la candidature es-pagnole à l’organisation du tour-noi de 2008. Le président de la Football Association (FA), dont

les commentaires ont paru dans la presse britannique, a été contraint de démissionner du poste qu’il occupait également comme président du comité de la candidature de l’Angleterre, et la FA a envoyé des lettres d’ex-cuses à Moscou et Madrid. Mais ce ne sera probablement pas suf-fisant pour réparer les dégâts causés à la candidature anglai-se. Et vu que la bataille pour la sélection du pays d’accueil de 2018 devait se dérouler entre l’Angleterre et la Russie, le scan-dale place d’office la Fédération russe en position de favori.

La « remarquable » candidature russeLa Russie a déposé sa candida-ture, que le président de la Fé-

dération internationale a quali-fiée de « remarquable », en proposant 13 villes de sa partie européenne pour l’organisation du tournoi. À la clé : la construc-tion de plusieurs stades moder-nes. À l’heure actuelle, seul le stade de Loujniki à Moscou cor-respond aux normes requises, même si les installations qui sont en cours de réalisation pour l’Olympiade de 2013 à Kazan et les Jeux Olympiques d’hiver 2014 à Sotchi font également partie de ce grand projet. Des villes comme Kaliningrad, Yaroslavl, Saransk et Sotchi, où la passion pour le football se développe à grands pas, accueilleront des ins-tallations de premier plan.

Le rêve mondial du football russe se rapprocheSport Un scandale profite à la candidature de Moscou pour la Coupe du monde en 2018 ou en 2022

La candidature russe propose 13 villes d’accueil pour la Coupe du Monde

DÉBATS ET OPINIONS

Bonduelle craque pour le KoubanLe groupe agro-alimentaire

français a installé il y a six ans

une usine dans le sud de la

Russie. Ses cadres relatent les

défis qu’ils y ont relevés et leur

plaisir de vivre dans le Kouban,

sur les bords de la mer Noire.

L’écrivain et poète Blaise Cendrars a été inspiré par un voyage qu’il a fait à bord du Transsibérien alors qu’il n’avait que 17 ans

ELENA LOUBINETSSPÉCIALEMENY POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Présent sur le marché russe de-puis 16 ans, Bonduelle y a ouvert au bout de dix ans son unique usine à Dinsk près de Krasno-dar, la capitale du Kouban. L’éta-blissement fournit un quart de la production totale des légumes en conserve de cette région connue comme le grenier de la Russie. Trois Français travaillent au sein de la direction de l’usi-ne, à Novotitarovsk, non loin de la capitale régionale.

SUITE EN PAGE 7

Sur les traces de Cendrars

EPSILON

VLADIMIR ANOSOV

PHOTOXPRESS PHOTOXPRESSPHOTOXPRESS

Les juifs russes ont désor-mais l’embarras du choix pour pratiquer leur religion. À condition toutefois de résider dans une grande ville.

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02LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO International

Faites des blinis, pas la guerre !

Les activiés de Rossotroudnitchestvo prouvent que le Proche-Orient reste une région géopolitique prioritaire pour l’influence russe

Dans l’air humide d’une chaude soirée méditerranéenne, des 4x4 de luxe ralentissent et se garent le long du trottoir d’une rue ani-mée, ornée de lilas et de bou-gainvilliers roses. « Bystreï ! [dé-pêche-toi] », crie une gamine à son père. « Ya seïtchas ! [j’arri-ve] », répond-il, avec un lourd accent oriental. Main dans la main, ils courent vers un bâtiment de cinq étages et s’engouffrent dans une salle en sous-sol. Ici, loin des chan-tiers bruyants de Beyrouth en plein essor, ce concert d’un grou-pe folklorique russe paraît pres-que surréaliste : « Les bouleaux se dressent dans un silence en-sommeillé. Et la neige tombe dans la lumière dorée ». La douce mélodie de l’accordéon et de la guitare jette un voile de mélan-colie sur le public. En 60 années d’existence, le Cen-tre de Russie pour la Science et la Culture de Beyrouth s’est transformé, passant d’une école de langue et de ballet à tous les étages pendant la journée, à un centre de loisirs et de fêtes le soir ; mais quand la guerre re-prend, il sert aussi d’abri contre les bombes pour les Russes de la capitale libanaise. La communauté russe de Bey-routh a grandi toute seule, après avoir été à l’origine liée aux pè-lerins orthodoxes qui, pendant des siècles, se sont rendus à pied à Jérusalem, certains s’arrêtant là où se situe aujourd’hui le Liban. Cette communauté a reçu le renfort d’officiers blancs, venus avec l’armée d’occupation fran-çaise dans les années 1920, pour travailler en tant que topogra-phes. Dès les années 1930, ils étaient près de 3 000 Russes blancs à vivre dans la ville, or-ganisant notamment un bal russe annuel, tandis que les Soviéti-ques offraient des bourses aux communistes libanais.

L’approche de MedvedevIl y a du nouveau. Afi n de ren-forcer le pouvoir diminué de la Russie dans le monde et promou-voir la langue et la culture rus-ses, le président Medvedev a fondé, il y a deux ans, une agen-ce fédérale, Rossotroudnitches-tvo (collaboration russe). Le fi -

Néanmoins, Ekaterina Soki-rianskaïa, de l’Organisation Non Gouvernementale « Memo-rial », reste sceptique sur les sommes investies dans ces Cen-tres pour la Science et la Cultu-re au Proche-Orient. Selon elle, cet argent serait plus utile à cer-taines républiques de la Fédé-ration de Russie : « Je n’ai ja-mais vu de palais de la culture à Grozny ou Nazran. Les en-fants de Tchétchénie et d’In-gouchie ne voient pas les Rus-ses danser des ballets ou chanter des opéras : ils pensent que tous les hommes russes por-

tent des uniformes et pa-trouillent dans les rues ».

Au Proche-Orient comme à la maison«Je pense que les Russes ont la possibilité d’égaler les Améri-cains et les Français en terme d’infl uence culturelle au Liban» estime Leena Saïdi, une produc-trice de films documentaires. «Nos cultures et nos valeurs sont largement similaires. La princi-pale barrière reste la langue. Ce sont les Libanais qui sont allés étudier en Russie dans les an-nées 80 et 90 qui continueront à

former le coeur de la commu-nauté russophile»Les 10 000 Russes de la diaspora et les 10 000 Libanais qui ont étu-dié dans les universités soviéti-ques dans les années 1980 et 90 attendent beaucoup de la promes-se de Moscou de régler leur prin-cipal problème au Liban, la sé-curité. Le rôle traditionnel de la Russie dans les pays arabes - vente d’armes et ingénierie indus-trielle – n’a pas disparu. En quête de soutien militaire et de contrats, le président libanais Michel Su-leiman s’est rendu à Moscou en février. À cette occasion, Medve-dev a déclaré que la sécurité mon-diale et régionale était « le sujet le plus brûlant » dans les négo-ciations russo-libanaises.

Une histoire communeLa première vague d’émigrés rus-ses fuyant la révolution bolche-vique a formé le noyau de la clas-se professionnelle de Beyrouth. La Société topographique des officiers blancs dessinait des car-tes du Liban pour l’armée fran-çaise. L’un d’entre eux, Alexan-dre Serov, était le fils d’un célèbre peintre russe, Valentin Serov. Sa famille vit toujours dans la même maison ottomane que dans les années 1940, non loin de l’Université américaine de Beyrouth (UAB).

Représentation à l’étrangerGrigori Seroff, qui préfère l’an-cienne transcription de son nom, enseigne l’architecture à l’UAB et peint de magnifi ques aquarel-les de paysages ruraux et urbains libanais. L’année dernière, Vla-dimir Poutine a décerné à Seroff et à son épouse française Florence des médailles pour leur contribution à la promotion de la culture russe au Liban. « À Moscou, j’ai expliqué à tous qu’après 80 ans de vie à Bey-routh, je suis resté 100% russe, mais je suis aussi devenu 100% libanais », plaisante Seroff.

Un nouveau rôle ?Les étudiants de l’Université américaine de technologie au Liban ont célébré le Jour des étu-diants, fête traditionnelle russe, en récitant des poèmes de Pou-chkine et la Maslenitsa, la fête de la chandeleur, en se gavant de blinis. « Il ne faut pas se faire d’illusions, la Russie ne réglera pas les confl its au Proche-Orient en enseignant le ballet ou en pré-parant des blinis », conclut Ko-jokine. « Mais c’est le début de la restauration de son infl uence dans la région ».

International Le Kremlin mise sur la « puissance douce » pour regagner un peu de l’influence que la Russie a perdue au Proche-Orient

L’expansion de Rossotroudnitchestvo La coopération par le biais de

l’enseignement à distanceAfin d’aider des professeurs de russe tels que Marina Yermilo-va-Sarieddine, Rossotroudnit-chestvo est en train d’élaborer un programme d’enseignement à dis-tance financé par Gazprom. Les professeurs russes auraient la possibilité d’enseigner aux étu-diants étrangers sans quitter leurs salles de cours de Moscou ou Saint-Pétersbourg. L’agence finance également des programmes d’échanges pour 400 étudiants de divers pays, en espé-

rant atteindre le chiffre de 3 000 d’ici à deux ans. « La Russie et les États-Unis ont cessé leur compé-tition militaire au Proche-Orient », dit Sergueï Vorobiev, un attaché culturel à l’ambassade de Rus-sie au Liban. « La course reprend, avec les États-Unis et la France, mais sur le terrain de la culture et de l’économie désormais ». Vorobiev ajoute qu’une étude ré-cente dans 50 pays a montré que c’est au Liban que l’attitude est la plus positive envers la Russie.

ANNA NEMTSOVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La Russie veut de nouveau se

faire entendre au Proche-Orient.

Au Liban, elle ne vient pas, cette

fois, armée de kalachnikovs,

mais de blinis et de ballets.

nancement de l’agence a augmenté d’au moins 50% l’an dernier. Cette année, l’État a in-vesti 424 millions d’euros dans divers programmes humanitai-res et les salaires des employés des 72 centres culturels de par le monde. Plutôt que de repartir

à zéro, on mise sur les diasporas russes existantes, en s’adaptant aux particularités et intérêts de poches de culture russe aussi peu connues que celle de Beyrouth. Selon le vice-président de l’agen-ce, Mikhaïl Kojokine, le Proche-Orient est une région géopoliti-que prioritaire pour l’infl uence russe. Le Centre russe de Damas compte 500 étudiants, et celui de Tel-Aviv organise des concours d’écriture pour les jeunes de l’im-mense diaspora russe d’Israël. L’année dernière, l’agence a inau-guré un nouveau centre russe à Amman, en Jordanie.

Nombre d’Arabes éduqués à Moscou voient d’un bon œil le retour de la présence russe au Proche-Orient

Timides progrès au sommetrusso-européen de Rostov

Les relations entre l’Union euro-péenne et la Russie ont traversé des moments difficiles et une lon-gue période de morosité, attei-gnant leur nadir en août 2008 pendant la guerre entre la Rus-sie et la Géorgie. Mais la crise économique qui a causé des ré-percussions dans le monde en-tier force les uns et les autres à rechercher des débouchés com-merciaux pour sortir de leur si-tuation d’endettement actuelle.

Le président de l’UE Herman Van Rompuy a déclaré aux jour-nalistes, à l’issue de la réunion, que le bloc de 27 membres veut devenir un partenaire privilégié de la Russie pour une Europe plus compétitive et diversifi ée. Van Rompuy a ajouté qu’à la dif-férence des Américains, les Euro-péens sont habitués à travailler dans cette voie. « Avec la Russie, nous n’avons pas besoin de re-demarrer à zéro. Nous voulons juste une « avance rapide », a-t-il précisé, faisant référence à la « remise à zéro » des relations entre Moscou et Washington l’an dernier. Avec des pertes affichant des cen-taines de milliards de pétro-dol-lars, le rythme des réformes en Russie a ralenti au cours de ces

dernières années et l’État a com-mencé à exclure activement cer-tains investissements des sec-teurs considérés comme stratégiques pour l’économie. Mais après une chute impres-sionnante du cours du pétrole, l’économie s’est arrêtée brusque-ment, plaçant le Kremlin devant un gros défi cit budgétaire. La crise a également convaincu le gouvernement russe qu’il n’a pas d’autre choix que de diver-sifi er l’économie, basée actuel-lement sur les ressources natu-relles. Pas d’autre choix donc que d’entreprendre de profondes ré-formes et d’attirer les capitaux étrangers. « La Russie va s’écrouler si l’on ne modernise pas sa structure sociale et son économie », a dé-

claré le président russe Dmitri Medvedev aux membres de la chambre supérieure du Parle-ment la veille du sommet. « Nous n’avons pas d’alternative. Si nous ne parvenons pas à nous moder-niser, le pays va s’effondrer et l’économie va se dégrader ». Le changement de direction était déjà en cours l’année dernière, mais sa nécessité est apparue en-core plus nettement lors du som-met UE-Russie. Le Kremlin a adopté cette année une nouvel-le politique, pragmatique et res-pectueuse des investissements étrangers, selon ce qu’on a pu apprendre concernant le docu-ment normatif élaboré par le mi-nistre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. La nouvelle ap-proche du gouvernement russe

propose de former « des allian-ces pour la modernisation » avec au moins 14 États membres de l’UE comme partenaires de la Russie. Les principaux membres de l’UE ont réévalué leurs relations avec la Russie. L’Allemagne a depuis longtemps été le « meilleur ami » de la Russie au sein de l’Union. En ce qui concerne la France, le renouveau de l’amitié entre les deux pays est plus récent. De-puis le changement de gouver-nement en Pologne, un nouveau climat s’est instauré entre Var-sovie et le Kremlin, et une évo-lution semblable se dessine à Londres, également tentée par un rapprochement. Reste les États baltes, irréductibles adver-saires. Mais leurs problèmes éco-nomiques les ont contraints à plus de pragmatisme dans leurs relations avec la Russie. Quant aux pays de l’Europe du Sud, ils ont fait appel à Moscou avant tout le monde pour tenter d’at-tirer les capitaux. Le sommet s’est déroulé sous le

thème de la « modernisation des relations », et la main de parte-naire tendue par le Kremlin été rapidement saisie par les diri-geants de l’UE. Les objectifs du programme de modernisation portent notamment sur le ren-forcement de la primauté du droit, la lutte contre la corrup-tion, l’amélioration du climat d’investissement en Russie et un soutien pour favoriser l’adapta-tion à la réglementation techni-que européenne. Lilit Gevorgyan, analyste chez Global Insight, constate que « La Russie souhaite se présenter en partenaire dynamique offrant des possibilités lucratives pour les entreprises de l’UE, en mettant particulièrement l’accent sur la modernisation. Aucun point à l’ordre du jour n’a amené à un accord contraignant, mais ce n’était pas le but. Le sommet de-vait mettre un terme au climat d’hostilité entre l’Est et l’Ouest et permettre de construire une relation de travail entre l’UE et la Russie ».

BEN ARISBUSINESS NEW EUROPE

Les Russes n’ont pas obtenu de

régime sans visa pour l’Europe

et la « modernisation des

relations », thème de la

rencontre, reste pour l’instant

au niveau des intentions.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

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Société

Elles vous doublent allègrement en empruntant la voie opposée, ou grillent les feux rouges, vous obligeant à écraser violemment la pédale du frein pour éviter une collision. Mais il y a du changement dans l’air. La patience des Moscovi-tes, qu’on pensait infi nie, sem-ble avoir des limites... Voilà que les conducteurs lambda s’en-fl amment pour la bizarre mode des seaux en plastique bleus. Ils les scotchent sur le toit de leurs véhicules pour singer les mil-liers d’arrogants hauts fonction-naires et leurs impérieux gyro-phares. Dans le monde sans pitié des années 1990, les voitures de luxe pouvaient faire ce qu’elles vou-laient, puisque 200 roubles glis-sés à un policier vous tiraient d’affaire. Le code de la route a fi ni par être oublié, et le résultat, c’est que la Russie affiche aujourd’hui les pires statistiques en matiè-re de sécurité routière : environ 200 000 accidents de la route ont coûté la vie à 31 000 per-sonnes en 2009, selon le minis-tère de l’Intérieur. Mais ne noir-cissons pas le tableau outre mesure. Une tendance positive se fait jour car les conduites agressi-ves laissent la place à des ma-nières plus humaines. Il arrive désormais - ô miracle ! - que des conducteurs vous laissent sortir d’une route secondaire ou

Transports Ton univers impitoyable

Révolte populaire contre les gyrophares

s’arrêtent devant un piéton tra-versant sur un passage clouté. On n’eût imaginé pareille bien-veillance cinq ans plus tôt.La classe moyenne tolère de moins en moins ceux qui en-freignent les règles. L’indigna-tion a atteint son comble quand, en mai dernier, une Mercedes S600 équipée d’un gyrophare et grillant un feu dans le cen-tre de Moscou a percuté une BMW. La voiture fautive appar-tenait au sénateur et oligarque Suleiman Kerimov. La police a commencé par nier l’accident puis la culpabilité de la Mer-cedes. Mais quand plusieurs témoins ont posté des images sur l’In-ternet, une vague de protesta-tions publiques s’est soldée par la comparution d’un homme au tribunal, qui fut condamné à une amende de... 2,40 euros. La révolte prend parfois une tournure cocasse. Une vidéo postée sur l’Internet montre un individu coiffé d’un seau bleu « attaquant » une voiture avec gyrophare en montant sur son toit, juste devant le Kremlin. C’est la classe moyenne en ac-tion. Les conducteurs sont l’une des forces politiques de base les mieux organisées du pays. Ils ont déjà mis sur pied des ma-nifestations massives contre le prix de l’essence, les tarifs d’im-portation et la corruption des agents de la circulation. Ils de-viennent de plus en plus actifs dans leurs revandications contre l’élite des gyrophares. Aussi étrange que cela puisse paraître, aujourd’hui, la démo-cratie en Russie porte un seau bleu sur la tête !

Ben Aris est rédacteur en chef de Business New Europe.

mier ministre estime que la Rus-sie peut se targuer d’une vaste expérience dans l’organisation de compétitions sportives inter-nationales, notamment dans le domaine du football. Chouvalov a refusé de préciser le montant des crédits affectés à la mise en place de l’infras-tructure et les détails du budget proposé pour la compétition. Ce-pendant, Alexey Sorokine, le di-recteur général de l’Union russe de football, a déclaré que l’ar-gent qui sera débloqué par la Russie « satisfera la FIFA ». Le ministre du Sport, du touris-me et de la politique de jeunes-se Vitaly Moutko considère que l’enveloppe prévue « est compa-rable au budget de l’Allemagne pour l’organisation de la Coupe du monde » en 2006. Mais cer-tains experts estiment que la Rus-sie pourrait avoir besoin d’un budget supérieur : « l’Allemagne possédait déjà une infrastructu-re plus développée et n’a pas eu à effectuer d’implorants travaux d’aménagement », explique l’ana-lyste Andreï Rojkov. La Russie prévoit de construire 16 stades dans 13 villes, notam-

Moscou se voit en capitale du footballforcé la position de la Russie » dans la compétition. Sauf que les travaux de Sotchi ne sont pas en avance sur le calendrier...La construction des sites olym-piques est actuellement estimée à 12 milliards de dollars. Le man-que d’hôtels et de stades pour-rait paradoxalement donner un avantage à la Russie, car l’un des objectifs de la Fifa est de développer les infrastructures

destinées au ballon rond dans le monde entier. Parmi les autres prétendants à l’organsation de la Coupe du

monde en 2018 ou en 2022, fi gu-rent l’Angleterre, les États-Unis, l’Australie et les candidatures communes de l’Espagne et du Portugal, ainsi que des Pays-Bas et de la Belgique. Le comité exé-cutif de la Fifa choisira les pays hôtes pour 2018 et 2022 lors d’un vote à Zurich le 2 décembre pro-chain.

Juifs russes et fiers de l’êtreReligion Estimée à 400 000 membres, la communauté juive renoue avec ses racines

KARINA YOFFEESPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les juifs russes ont désormais

l’embarras du choix pour

pratiquer librement leur religion

et vivre selon les préceptes de

la torah. À condition de résider

dans les grandes villes.

Ana Sorokina, une jeune femme de 33 ans aux yeux bruns inten-ses et les cheveux cachés par un foulard, baisse la tête pour réci-ter sa prière du Shabbat qui inaugure la journée de repos pour tous les juifs de la planète. C’est un rituel pour cette Mos-covite qui a redécouvert ses ra-cines juives avec une grande fer-veur, ces dernières années. Bien qu’elle ne soit pas juive ortho-doxe, Sorokina respecte la ca-cherouth et enseigne le yiddish dans plusieurs universités rus-ses, tout en étant membre de di-verses associations juives, dont le e-club, un groupe pour les 25-45 ans qui veulent explorer le mode de vie juif dans le cadre des dîners de Shabbat, des re-traites et des projets sociaux. « Je suis ce que l’on appelle une ‘néo-yiddishiste’ », dit Sorokina, « je suis très loin des orthodo-xes, mais je mène une vie plei-nement juive ».On estime à 400 000 le nombre de juifs en Russie (2 millions selon les chefs religieux juifs or-thodoxes), et nombreux sont ceux qui profi tent de leur liber-té de culte nouvellement acqui-se. Au Centre culturel judaïque de Nikitskaïa (CCJ), à Moscou, les enfants et les retraités ap-prennent l’hébreu, tandis que des conférences, des lectures et des cours couvrent tous les aspects du judaïsme. Selon la directrice du centre, Réguina Yoffe, l’inté-rêt est tel que les candidats à l’adhésion sont sur des listes d’at-

tente. Le CCJ compte actuelle-ment 10 000 membres. De nombreux juifs russes ont en-core un rapport ambigu avec la religion après 70 ans d’athéisme forcé et un taux élevé de maria-ges mixtes. Mais ils sont égale-ment curieux de leur apparte-nance, une partie de leur identité ayant été longtemps dis-simulée de peur et de honte. Maria Mourachova, 26 ans, a grandi dans un foyer athée typique, avec une mère juive et un père russe non juif, qui se dé-fi nissaient comme membres de l’intelligentsia soviétique avant tout. Voulant approfondir ses racines juives, elle a fait un voyage parrainé en Israël. Aujourd’hui installée à Moscou, elle travaille au CCJ : « En tant que juive, il est fondamental pour moi de faire en sorte que des co-religionnaires qui ne sont pas af-filiés ou qui ont peur de cette

étiquette juive, puissent se sen-tir fi ers d’être juifs en Russie », dit-elle.À Moscou, Saint-Pétersbourg et une poignée d’autres grandes vil-les, la communauté juive est fl o-rissante. Les restaurants kacher, les synagogues, les yeshivas (éco-les religieuses) sont omnipré-sents, et même les employeurs sont sensibles aux besoins par-ticuliers des juifs pratiquants. Mais partout ailleurs, c’est une autre histoire. Arrivé en 2004 à Tomsk, une ville de 500 000 habitants en Sibérie occidentale, le rabbin Levi Ka-minetski fut étonné d’y décou-vrir une communauté juive ato-misée là où elle avait prospéré jadis, parmi les exilés de la Rus-sie tsariste et les marchands qui pourvoyaient à leurs besoins. Kaminetski, membre du Habad, un mouvement international has-sidique dédié à la diffusion du

judaïsme, a entrepris de recons-truire la synagogue principale de la ville, fonder un centre com-munautaire et des écoles. Mais sur 15 000 âmes, il n’en voit que 500 pour les grandes fêtes, le nombre de pratiquants réguliers étant bien moindre. « Il n’y a rien eu pendant 80 ans », explique-t-il. « Mais l’annihilation n’a pas été totale. Les traditions se trans-mettaient encore dans le cercle familial ». Kaminetski assure que son objectif principal n’est pas de faire en sorte que tout le monde devienne pratiquant, mais que chacun se sente juif, en dé-couvrant les traditions et en par-ticipant aux fêtes. Pour autant, tous les nouveaux voisins de Kaminetski n’appré-cient pas ses efforts. La synago-gue, encore en construction, a été vandalisée plusieurs fois à coup de pierres et de graffitis antisé-mites.

Nombreux sont ceux qui profitent de leur liberté de culte nouvellement acquise

Des résultats moyens sur le terrain

La Russie n’a jamais vraiment brillé sur la scène du football mondial. L’Union soviétique n’a fait son apparition en Coupe du monde qu’en 1958, et depuis, sa sélection a disputé une demi-fi-nale qu’elle a perdue (contre l’Al-lemagne), ayant par ailleurs at-teint les quarts de finale à trois

reprises seulement.La meilleure perfor-

mance soviétique date de la de-mi-finale de 1966, avec une 4ème place. Depuis la fin de l’URSS, la Russie a été éliminée au 1er tour à deux reprises, en 1994 et en 2002, et n’a même pas réussi à se quali-fier en 1998 ni lors de la dernière Coupe du monde en 2006. Pour-tant, avec un solde 64 buts mar-qués contre 44 encaissés, elle se classe au 10ème rang mondial.

[email protected]

fr.rbth.ru/lettres

Les travaux nécessités par la candidature russe contrastent avec une Angleterre déjà garnie de stades de renommée mondia-le, comme Wembley, Old Trafford et Anfi eld. C’est pourquoi le pré-sident de la Fédération interna-tionale (Fifa) Sepp Blatter a qualifi é la candidature de l’An-gleterre comme « la plus facile » à soutenir, et celle de la Russie, de « remarquable ».

Bon pour les affaires L’organisation de la phase fi na-le de la Coupe du monde en 2018 ou en 2022 va stimuler le déve-loppement de l’infrastructure sportive et touristique en Rus-sie, a déclaré le vice-premier mi-nistre Igor Chouvalov. « Cela re-présente des opportunités immenses pour les entreprises. C’est ce qu’on appelle les infras-tructures connexes : les hôtels et les services urbains », a com-menté Igor Chouvalov lors de la présentation de la candidature russe. Chargé de superviser la candi-dature de son pays, le vice-pre-

SUITE DE LA PAGE 1 ment à Moscou, Saint-Péters-bourg, Kaliningrad, Rostov-sur-le-Don, Sotchi, Samara et Nijni-Novgorod. Selon Ro-jkov, la construction d’un stade coûte entre 70 et 300 millions de dollars. Le Premier ministre Vladimir Poutine a déclaré l’année der-nière que l’accueil de la Coupe du monde était « une mission nationale ». En réalité, la Rus-sie compte réaliser les travaux néces-saires en matière de transport et d’infrastructures sportives, même si sa candidature n’est pas retenue, a affirmé Igor Chouvalov. Moutko considère que l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi « a ren-

ITAR-TASS

WWW.FIFA.COM

Archavine, Pa-

vlioutchenko et

Pogrebniak, trois

stars du foot russe

EFIM GROSMAN_PHOTOXPRESS

BEN ARISSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Rien n’est plus désagréable à

Moscou que l’infernale

circulation automobile. Aux

incessants bouchons s’ajoute

l’arrogance des grosses berlines

coiffées de gyrophares.

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04LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

EN BREF

L’entreprise d’État RosAtom se livre à une grosse offensive com-merciale afin de susciter des partenariats avec des acteurs occidentaux. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a mordu à l’hameçon début juin en signant avec RosAtom un accord portant sur les procédés avancés de traitement des com-bustibles usés, sur la gestion des déchets et sur les systèmes nu-cléaires du futur. EDF et Ros-Atom sont sur le point de si-gner un mémorandum de coopération visant à commer-cialiser ensemble des réacteurs nucléaires dans des pays tiers.

RosAtom fait du

plat aux français

Le groupe français a pris la dé-cision d’ouvrir à l’automne pro-chain une nouveau bureau à Moscou pour relancer ses ven-tes de téléphones portables sur le marché russe. Ces dernières années, l’offre Alcatel dans les magasins russes s’était faite très modeste, avec un assortiment réduit au segment bas de gamme. Alcatel prévoit de trou-ver des accords avec les deux des trois principaux opérateurs (MTS et Megafon). Les experts estiment qu’en suivant une stra-tégie réaliste, le groupe peut es-pérer atteindre une part de mar-ché de 4%. Actuellement, il n’en occupe que 1% mais se main-tient grâce à la forte demande dont sont l’objet les téléphones bon marché.

Alcatel repart

à l’assaut du

marché russe

NATALIA FEDOTOVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’ère des magasins vides tombe

progressivement dans l’oubli et

les Russes commencent à être

plus vigilants sur la qualité des

produits qu’ils consomment.

La mode est désormais à la

nourriture saine. Le problème,

c’est que les rayons des

magasins sont envahis

d’aliments qui n’ont souvent de

« diététique » que le nom.

Un habitant de l’URSS atterris-sant dans un banal supermar-ché de notre époque penserait à coup sûr que les forces de l’au-delà ont décidé de le récompen-ser subitement en l’envoyant au paradis. Les magasins alimen-taires soviétiques offraient une réalité déprimante : viande en conserve, laitue de mer et pel-meni douteux. Obtenir un bout de saucisson, même le moins cher, relevait de l’exploit.Désormais, les amateurs de bonne chère sont gâtés. Mais tout a un prix : les problèmes de santé et de poids ont aussi fait leur apparition. En prenant conscien-ce des conséquences néfastes de l’abondance, les Russes s’inter-rogent de plus en plus sur ce qu’ils consomment. « À cause de mon surpoids, mon cœur ressem-blait à un biceps de culturiste. Les médecins m’ont dit que si je ne perdais pas des kilos im-médiatement, il ne tiendrait pas », raconte Ivan Boutman, an-cien sportif, aujourd’hui chef de département d’une banque mos-covite. « J’ai dû passer à des pro-duits allégés en matières gras-ses ». Selon les données du départe-ment de la Santé de Moscou, 38% des Moscovites souffrent de surcharge pondérale. Deux fois plus qu’il y a douze ans. D’autres chiffres interpellent aussi : 48% des décès en Rus-sie sont dus à des infarctus, 37% à des congestions cérébrales.

L’univers chaotique du « Bio »Alimentation Les pouvoirs publics russes tardent à réglementer le segment de l’alimentation diététique

« Maintenant le matin je ne mange que des yoghourts. C’est vrai que je dépense beaucoup plus en nourriture », ajoute Bout-man.

Le marché de l’alimentation saine : en plein devenirLe directeur du Partenariat non commercial pour le développe-ment de l’agriculture écologique et biologique, Andreï Khodous, remarque qu’une tendance est en train de se former : l’intérêt pour la production nationale. « La demande pour les produits bio importés est en baisse, elle est en hausse pour les produits rus-ses. Par conséquent, la produc-tion nationale pour le marché intérieur augmente elle aussi », note Khodous.

Les études de l’Institut de l’agri-culture biologique montrent que pour l’heure, le marché des pro-duits bio en Russie reste très mo-deste : 60 millions d’euros. « De nombreux produits se font pas-ser pour bio, les emballages por-tent les mentions éco, bio, natu-rel, etc., ce qui permet au produc-teur d’augmenter ses prix à l’uni-té et attirer le consommateur », prévient Lidia Seryoguina, direc-trice du site Seryoguina.ru. « Il n’y a pas encore de critères rigoureux, imposés à tous », dit Andreï Khodous, « la part de l’alimentation pseudo-saine at-teint les 60-70% dans certains segments. En réalité les produits sains ne représentent pas plus d’1% de l’offre alimentaire glo-bale ».Le changement des habitudes alimentaires concerne pour l’ins-tant surtout les habitants des grandes villes. La province est à la traîne. Mais le changement se profi le à l’horizon. Le service fé-déral de surveillance et de dé-fense des droits des consomma-teurs, prévoit d’introduire des normes sur l’alimentation saine afi n de donner aux producteurs et aux consommateurs les repè-res nécessaires. Malgré un rythme de croissance encore lent, le potentiel de dé-veloppement du marché de l’ali-mentation saine en Russie est si-gnifi catif. À titre de comparaison : aux États-Unis, le marché des emballages portant l’indication « organique » a augmenté de 19,3% en 2007, et de 9,4% en 2008. En Russie, on commence à faire la réclame de la vie équi-librée, et le pays devrait suivre la tendance générale, si les pro-ducteurs parviennent à assurer un niveau convenable de quali-té et de prix. « J’ai fi ni par comprendre qu’un changement de régime à lui tout seul ne résoudra pas mon pro-blème de poids. Il faut impéra-tivement changer de mode de vie », conclut Ivan.

De nombreux produits se font

passer pour éco, bio, naturel,

etc., ce qui permet au produc-

teur d’augmenter ses prix !

PAUL DUVERNETSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le géant américain Yum! (Pizza

Hut, KFC, Long John Silver’s,

etc.) a racheté 100% des actions

de la chaîne russe Rostik’s-KFC.

La multinationale de la

restauration rapide ajoute ainsi

la Russie à sa collection de 37

000 restaurants dans 110 pays.

Le Kremlin n’aime pourtant pas trop voir des secteurs entiers pas-ser sous domination étrangère. Il y avait deux exceptions : la bière et le tabac, dominés depuis plusieurs années par de grands groupes étrangers. Désormais, il faudra y ajouter le secteur de la restauration rapide - une autre « mauvaise habitude » abandon-née aux capitaux occidentaux. En mettant la main sur la prin-cipale enseigne de restauration rapide russe, Yum! vient ainsi chatouiller son rival de toujours, le géant mondial McDonald’s qui, en Russie comme ailleurs, avale

Règne américain sur le fast-food Restauration rapide Le secteur passe entièrement sous domination étrangère en Russie

des parts de marché les unes après les autres. En réalité, Yum! était déjà parte-naire de Rostik’s depuis 2005, date à partir de laquelle le suf-fi xe « KFC » fut adjoint à l’en-seigne. Le leader mondial de la restauration rapide à base de viande de volaille avait longtemps caressé l’idée de démarrer à par-tir de zéro sur le marché russe, avant de réaliser les difficultés liées à la recherche d’emplace-ments idoines et la cherté de l’im-mobilier commercial. Du coup, le développement organique de-venait moins attractif que l’ac-quisition du concurrent local. C’est ainsi que Yum! a axé sa stra-tégie sur une absorption progres-sive de Rostik’s. Le géant améri-cain signa un contrat avec les actionnaires de la société russe, lui donnant, pour la modique somme de 15 millions de dollars, les droits de la marque Rostik’s. Yum! a, au cours des années sui-vantes, fourni pour des services fi nanciers à son partenaire russe

pour 30 millions de dollars et avait pris une option sur 100% de Rostik’s, option qui n’a été réa-lisée qu’au tout dernier moment (en janvier dernier, les actionnai-res de la marque russe n’ex-cluaient pas que Yum! puisse re-noncer à l’acquisition). Rostik’s KFC compte 161 res-taurants (dont 107 franchises). Son chiffre d’affaires a atteint 147,3 millions d’euros en 2009, versement des franchises com-pris. La direction annonce une addition moyenne de 4,7 euros et sans plus de détails fi nanciers. Deuxième chaîne de restaura-tion rapide en Russie derrière McDonald’s, Rostik’s voit sa va-leur estimée entre 150 et 200 mil-lions de dollars. L’entreprise a été fondée en 1993 par Rostislav Ordovski-Tanaïe-vsli-Blanco, un l’homme d’af-faires d’origine russe né au Ve-nezuela. Cet homme au profi l et au passé inhabituels est avec McDonald’s le précurseur de la restauration rapide en Russie,

ayant ouvert son premier res-taurant en 1990. Un facteur qui a dû peser dans la décision américaine, c’est la très bonne tenue du marché. Alors que le secteur de la res-tauration dans son ensemble plongeait en 2009 en raison de la crise, le segment de la restau-ration rapide affichait pour sa part une croissance de 15%, selon la Fédération russe des Hôtels et Restaurants. L’appétit des Rus-ses n’a pas échappé aux concur-rents. Leader incontesté, McDo-nald’s possède 245 restaurants en Russie et table sur 45 ouver-tures en 2010. Burger King a ouvert cette année un établisse-ment à Moscou, tandis que l’en-seigne Subway se répand comme une traînée de poudre à travers le pays en passant de 18 à 32 restaurants en quelques mois. Un sondage réalisé par l’institut VTsIOM en février dernier ré-vèle que la popularité de ce type de restaurant reste très impor-tante en Russie et que sa clien-

tèle n’est pas du tout la même qu’en Occident. Selon le sonda-ge, 19% des Russes fréquentent régulièrement les établissements de restauration rapide. Le por-trait-type de l’habitué du « fast-food » est le suivant : un jeune homme âgé de 18 à 24 ans vi-vant dans un grand centre ur-bain, occupant un emploi bien payé et possédant un diplôme universitaire.

Fast food, tabac, bière : le Kremlin laisse le contrôle aux étrangers.

Les raisons invoquées pour la fréquentation d’un « fast food » sont les contraintes de temps (37%) puis les bas prix (10%). Curieusement, les femmes se di-sent attirées par la nourriture elle-même (29%) ainsi quepar l’atmosphère des restau-rants (22%). C’est dire si l’ima-ge de la restauration rapide en Russie est meilleure qu’en Eu-rope.

fr.rbth.ru/expert

Cette statistique inquiétante des maladies cardio-vasculaires a stimulé l’intérêt pour la nour-riture saine. La moitié des Rus-ses cherchent désormais à ache-ter des produits écologiques,

selon un sondage réalisé par la compagnie Nielsen à l’automne 2009. Qui plus est, 75% des Rus-ses préfèrent acheter des pro-duits russes, qu’ils considèrent plus sains, assure Dwight Wat-

son, directeur de Nielsen Rus-sie. Dans les supermarchés de Mos-cou, on trouve aujourd’hui des sachets de salade avec des in-grédients inhabituels ; des yo-ghourts faisant baisser le cho-lestérol ou encore des produits laitiers avec 0% de matières gras-ses ; des produits bio, qui amé-liorent la fl ore intestinale, font baisser les taux de glucose dans le sang ou réduisent les risques de diabète. Le groupe français Danone est naturellement sur les rangs avec un produit « sain » : des laitages de la marque « Danakor » dont la consommation quotidienne, assure le producteur, permettra de réduire de 10% le niveau de cholestérol, en trois semaines.

En réalité, les produits véritablement sains ne représentent pas plus d’1% de l’offre alimentaire globale

ANATOLY TIPLYASHIN_ FOTOIMEDIA

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

05

Économie

EN BREF

L’Exposition nationale russe, inaugurée le 11 juin par Vladi-mir Poutine et François Fillon, a révélé au public parisien les principales innovations russes. Parmi les exposants, le holding Soukhoï et la Snecma présen-taient le nouveau moyen cour-rier SuperJet-100. AvtoVaz et Renault ont affiché des projets automobiles. Enfin Total et Transneft ont montré leurs in-novations dans l’acheminement gazier.

Nicolas Sarkozy et Dmitri Med-vedev se rencontreront le 19 juin dans le cadre du 14ème Forum économique internatio-nal de Saint-Pétersbourg (17 au 19 juin). Les signatures de nombreux contrat sont atten-dues lors du Forum, le plus im-portant pour les investisseurs étrangers. Parmi les accords at-tendus, celui entre EDF et Ros-Atom. Le géant français de l’électricité envisage de com-mercialiser des centrales nu-cléaires avec son nouveau par-tenaire dans des pays tiers. Gaz de France pourrait aussi fi na-liser un accord de participation au gazoduc Nord Stream.

Innovations

franco-russes

Sarkozy à

St-PétersbourgMedvedev chausse ses skis pour combattre le séparatisme

TIM GOSLINGBUSINESS NEW EUROPE

Pour redonner du tonus à une

économie caucasienne ravagée

par le terrorisme et la gabegie,

le Kremlin mise sur l’or blanc.

Un défi risqué qui va nécessiter

des sommes colossales.

Le Président Medvedev veut construire cinq stations de ski de première classe dans le Cau-case du Nord, un programme qui s’inscrit dans le cadre du déve-loppement d’une région engluée dans la violence. 11,9 milliards d’euros devraient être ainsi in-vestis dans ce projet pharaoni-que d’ici 2020. Le Kremlin n’am-bitionne pas moins que de rivaliser avec les meilleures sta-tions de sport d’hiver européen-nes. Le quotidien Kommersant rap-porte que l’investissement total à engager représente le double du budget des Jeux Olympiques d’hiver 2014 de Sotchi. L’opéra-tion sera supervisée par le re-présentant du président russe dans la région fédérale du Cau-case du Nord, Alexandre Khlo-ponine. Le journal Moscow Times s’est entretenu sur ce projet avec l’expert Rostislav Mourzagoulov. Ce dernier affirme que le déve-loppement des stations de ski sera alimenté par des fonds pri-vés, l’État se concentrant essen-tiellement sur le contrôle des as-pects organisationnels et réglementaires. Mourzagoulov a même donné des noms, précisant que Allianz, JP Morgan et Mor-gan Stanley se sont déjà enga-gés dans le programme, aux côtés d’autres investisseurs de Russie, des États-Unis, de pays euro-péens et du Moyen-Orient. Selon un consultant, la Sberbank se-

Industrie automobile La reprise des ventes suspendue au soutien de l’ État

Le Kremlin maintient la prime à la casse

rait également impliquée. Khloponine a indiqué que le gou-vernement n’injectera pas plus de 13% du total des dépenses, et cet argent sera utilisé pour la construction de l’infrastructure routière et l’équipement. Son ad-joint, Maxim Bilalov, attend un retour sur investissement dix ans après le lancement du projet. Le Caucase du Nord traverse ac-tuellement une vague de violen-ce sans précédent. Les attaques contre la police, les militaires et les fonctionnaires locaux sont devenus une réalité quotidienne

de cette région. Sans parler des-deux guerres séparatistes en Tchétchénie. Le développement de l’économie de ces régions est indissociable de la lutte contre le terrorisme.Mais tout reste à faire. Attirer à la fois des investisseurs et des touristes relève de la gageure.A l’heure actuelle, on connaît déjà l’emplacement des futures stations. Il s’agit de Matlas (Da-guestan), Mamison (Ossétie du Nord), Arkhyz (République de Karatchaïévo- Tcherkessie), La-go-Naki (République d’Adygea)

L’automobile russe a beaucoup plus souffert de la crise que les autres secteurs industriels. Pour venir en aide aux constructeurs, l’État a lancé un programme spé-cial des « primes à la casse » qui marche si bien qu’il a été décidé de le prolonger. La Russie est du coup devenue l’un des rares pays d’Europe où la production auto-mobile redémarre. Les ventes de voitures russes ont connu une augmentation en avril pour la première fois depuis oc-tobre 2008, car c’est précisément en avril dernier que le program-me des « primes à la casse » a été lancé. La production automobile russe a progressé de 52,7% sur l’an-née pour la période allant de jan-vier à avril. Celle des voitures de marques étrangères a augmenté de 66,8% sur l’année, tandis que la production automobile natio-nale est en hausse de 40,9%. Plus de 200 000 prêts ont été accor-dés et 65 000 voitures ont déjà

BEN ARISBUSINESS NEW EUROPE

Suivant l’exemple des

Occidentaux, Moscou a alloué

262 millions d’euros l’année

dernière pour subventionner les

crédits destinés à stimuler les

ventes de voitures russes.

été vendues grâce au program-me. « La raison de l’extension du pro-gramme des primes à la casse est liée au succès qu’a eu la pre-mière étape de ce programme, qui devait normalement se ter-miner à la fi n du mois de juin », indique Elena Sakhnova, ana-lyste de VTB Capital. « L’expé-rience internationale montre que les ventes vont chuter de façon spectaculaire si le gouvernement suspend ce genre d’aides. C’est pourquoi le Kremlin a décidé de réallouer les fonds des autres programmes budgétaires pour soutenir les producteurs natio-naux, qui ont tout juste commen-cé à sortir la tête de l’eau ». La Russie a produit 1,65 mil-lions de véhicules en été 2008, ce qui lui a permis de devancer l’Allemagne pour devenir pen-dant une brève période le plus grand marché automobile en Eu-rope. Cependant le secteur automo-bile russe a enregistré la pire contre-performance de tous les pays européens en 2009 avec une production annuelle en baisse de 60%, à 595 000 véhicules. Selon l’Association des entreprises européennes, le volume global devrait atteindre 1,4 millions d’unités cette année.

Station de Krasnaïa Poliana. La création de nouvelles stations devrait créer 160 000 emplois

MIKHAÏL LVOVSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les marques de voitures

françaises souffrent d’un déficit

d’image autant basé sur des

mythes que sur la réalité. Cela

n’empêche pas la Logan de faire

un tabac dans le bas de gamme.

Au début des années 90, les Rus-ses ont soudain eu les moyens d’importer des voitures étrangè-res. Obnubilés par les marques de luxe, ceux qui le pouvaient se jetaient sur les plus presti-gieuses : Mercedes, BMW, Audi, Volvo. Une autre catégorie de consommateurs s’est rapidement formée : les amateurs de japo-naises. Ces dernières n’étaient pas considérées comme « pres-tigieuses », mais on les savait fi a-bles. Enfi n, la troisième catégo-rie : les américaines, pour les amateurs d’exotisme et de puis-sance. Les interminables limou-sines font désormais partie in-tégrante du paysage moscovite. Peugeot, Renault ou Citroën ne rentrent dans aucune de ces ca-tégories. Autre grosse lacune : les constructeurs français ne proposent pas de 4x4, une énor-me portion du marché russe. Ces véhicules puissants sont très aimés en Russie, en tant que symboles de masculinité... et bien pratiques aussi pendant les

Automobile Les constructeurs en mal d’un créneau bien défini

Tourisme alpin Les investisseurs étrangers sont courtisés pour développer les loisirs dans le Caucase

Les françaises n’ont pas la cote sur les routes russes

res les plus vendues sur le mar-ché russe. Mais est-elle bien fran-çaise ? Elle ne ressemble pas à ses compatriotes. Ni par son prix, ni par ses formes utilitaires, ni par l’ascétisme de sa partie tech-nique. La Logan s’insère dans un créneau habituellement oc-cupé par les japonaises et co-réennes de petite et moyenne gamme sur le marché russe. Ces dernières auraient pu garder le contrôle de ce segment en évi-tant toute prétention. La Logan se veut une voiture bon marché, pratique, pour des automobilis-tes qui se moquent des apparen-ces. Les acheteurs ne lui deman-dent qu’une chose : qu’elle roule bien.

et Elbrouz (République de Ka-bardino-Balkarie). En ressuscitant l’industrie tou-ristique autrefois fl orissante dans le Caucase du Nord, le program-me prévoit aussi la création de pas moins de 160 000 emplois grâce à dix millions de visiteurs attendus chaque année, ce qui équivaut au nombre de touris-tes qui affluent dans les monta-gnes autrichiennes chaque hiver. C’est dire si les autorités n’ont pas peur des gros chiffres.Le projet est déjà critiqué par les représentants du secteur de

tourisme, selon RIA Novosti. « Il est peu probable qu’on atteigne ces chiffres, même après la construction des nouveaux aé-roports », selon un expert cité par Kommersant. Le PDG de Hôtels Azimut, Alexander Ge-nedelsman, souligne aussi la brièveté de la saison touristique en Russie, et la crainte de voir la plupart des hôtels en projet, qui auront coûté près de six mil-liards de dollars, rester vides pendant la plus grande partie de l’année. L’exubérant président tchétchè-ne Ramzan Kadyrov a ajouté son grain de sel en annonçant l’in-tention de son gouvernement de construire un grand domaine skiable dans la gorge d’Argoun au sud-est de la république, un ancien bastion militaire. Kady-rov reste en l’occurrence dans le droit fi l du projet de dévelop-pement du tourisme en Tchét-chénie qu’il avait révélé en jan-vier. Selon lui, la gorge d’Argoun, l’une des régions les plus pitto-resques (et les plus explosives...) de la république, située à la fron-tière avec la Géorgie, serait un endroit idéal pour accueillir une station de ski. Une de plus.

Pour en savoir plus, notre sitewww.fr.rbth.ru

Popularité comparée des modèles

C’est le coût de la construction de cinq stations de ski, y compris les infrastructures de transport.

MILLIARDS D’EUROS

11,9

Comment le marché va-t-il évo-luer ? Le style « original » des françaises va-t-il devenir un han-dicap ou un atout ? Sont-elles condamnées à la même niche ? Par ailleurs, les producteurs français ont maintenu des prix élevés, non seulement pour les voitures, mais aussi pour le ser-vice après-vente. Le coût reste un critère décisif dans le choix d’une voiture. Des prix bas sont capables de faire des merveilles. Et là, il faut noter qu’un modè-le français a réussi à atteindre les sommets de popularité. Il s’agit de la Renault Logan, as-semblée à Moscou. A un prix va-riant entre 8 000 et 11 000 euros, elle est devenue l’une des voitu-

" Les françaises sont répu-tées moins fiables que les allemandes. La force des

françaises, c’est leur design qui at-tire une clientèle d’esthètes. Elles sont en bonne position dans les classes A et B.

PAROLES D’EXPERTS

Ivan Bontchev RESPONSABLE SECTEUR CHEZ ERNST & YOUNG

David PavlovRESPONSABLE DU SECTEUR OCCASIONS AU

SEIN DU GROUPE MAJOR

" Les françaises apparaissent souvent trop féminines aux russes. Le confort, une

belle ligne et la sécurité sont des valeurs avant tout féminines. Les hommes recherchent l’agressivité, le dynamisme, la puissance.

six mois de neige et de boue.Le handicap d’image est diffi-cile à récupérer sur un marché très conservateur. Même si elles sont souvent plus chères, les al-lemandes, japonaises et coréen-nes dépassent largement les ven-tes des françaises. Ces dernières ont toutefois trou-vé une niche au tournant des an-nées 2000, lorsque le marché russe a explosé. Aujourd’hui, les automobilistes russes ne sont plus uniquement des passionnés capables de parler de mécani-que pendant des heures. Les fem-mes sont arrivées. Elles raison-nent sans les vieux préjugés et n’ont pas besoin de savoir com-ment marche une voiture.

AVTOSTAT (JANVIER 2010)

LE CHIFFRE-CLÉ

GETTY_FOTOBANK

RIA

NO

VO

STI

Page 6: 2010_06_LF_all_new

06LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

GUY NORTONBUSINESS NEW EUROPE

Au sein du secteur bancaire

russe, Alfa a la réputation d’être

capable de résister aux

secousses financières les plus

violentes. Mais son agressivité

lui vaut aussi maints ennemis.

Alors que le reste du secteur fi -nancier mondial est en train de se débattre avec les séquelles de la crise économique de l’an der-nier, Alfa Bank a déjà repris la route de la croissance grâce à une politique associant la réduc-tion rigoureuse des coûts, le dis-cernement dans les prêts et le recouvrement des créances. Propriété de l’oligarque Mikhaïl Fridman, la banque est le seul grand établissement fi nancier à avoir survécu à la grande crise de 1998 pour devenir par la suite la plus grande banque commer-ciale privée du pays. Elle a failli s’effondrer lors de la crise de l’année dernière. Les créances douteuses avaient at-teint 10% du portefeuille de prêts total en avril 2009 - environ qua-tre fois la moyenne du secteur et le pire résultat de toutes les banques de Russie, selon une en-quête effectuée à l’époque par la Banque Centrale.

Finance Le PDG explique sa stratégie du « pas de cadeau »

En effet, tandis que les autorités évoquaient la possibilité très pro-bable d’une « deuxième vague » de la crise fi nancière, le prési-dent d’Alfa Bank Piotr Aven avait officiellement affirmé qu’il s’at-tendait à accumuler jusqu’à 30 % de créances douteuses - le double des prévisions officielles et un volume suffisant pour dé-clencher un effondrement total du système bancaire russe. Le PDG actuel d’Alfa Bank Ed Kaufman a eu un parcours assez sinueux au cours des 18 derniers mois. L’un des meilleurs ban-quiers du marché, il a choisi d’abandonner sa carrière stable à UBS pour prendre le contrôle d’Alfa, convaincu par le plus gros salaire jamais proposé à Mos-cou, selon certaines rumeurs. Kaufman est plutôt optimiste en ce qui concerne l’implosion fi -nancière récente : « Lorsque j’ai rejoint Alfa, ma mission était d’intégrer entièrement l’activité d’investissement bancaire dans une plate-forme bancaire uni-verselle. En 2009, notre banque a eu la meilleure année avec le doublement de son chiffre d’af-faires par rapport à 2008 et 50% de plus par rapport à 2007 ». Cela ne veut pas dire qu’Alfa Bank n’a pas connu de période

Russie. En mars 2009, la banque a exigé que les entreprises ap-partenant à l’oligarque Oleg De-ripaska – qui fut un temps l’hom-me le plus riche de la Russie - remboursent plus de 1 milliard de dollars sous forme de prêts, sous peine d’être confrontées à la faillite. Deripaska, qui était proche du Kremlin à l’époque, venait juste de négocier un mo-ratoire de paiement avec ses autres créanciers. Alfa savait bien qu’elle jouait avec le feu. Certains hommes d’affaires étaient obligés de s’exi-ler pour avoir contesté le statut des favoris du Kremlin. La prouesse d’Alfa lui a valu une réprimande de la part du prési-dent russe Dmitri Medvedev, sur-tout que le Kremlin s’efforçait de contenir l’effondrement total du système bancaire à cause de l’insolvabilité. Medvedev a dé-claré alors que la crise n’était pas le meilleur moment pour jouer à « l’égoïsme d’entrepri-se ». « Nous ne pouvons pas sa-crifi er l’avenir d’entreprises en-tières et l’emploi de milliers de travailleurs pour satisfaire les ambitions d’un établissement de crédit précis », a alors déclaré le président. Pourtant, le pari a été gagné. Deripaska a adopté un programme de remboursement et Alfa a donc eu gain de cause. Et tandis que les créances dou-teuses ont continué à augmen-ter dans le secteur bancaire, cel-les d’Alfa sont restées au niveau de 10%. Faire preuve de fermeté en Rus-sie peut causer des ennuis, mais les partenaires occidentaux d’Al-fa Bank ont apprécié sa façon d’agir. La banque a toujours été ponctuelle avec ses partenaires occidentaux et s’est distinguée des autres grandes banques rus-ses après la débâcle économique de 1998 par son engagement à rembourser entièrement ses obli-gations étrangères à temps. La capacité d’Alfa à respecter ses engagements n’a fait que ren-forcer sa réputation sur les mar-chés internationaux de crédit. Alors que l’Europe et l’Améri-que sont confrontées à une crise croissante de la dette, la banque russe a allègrement émis un em-prunt obligataire de 600 millions de dollars sur cinq ans pour les investisseurs au début de l’ année. Cet argent lui a permis de re-trouver la croissance. Alfa, explique son patron, n’a pas l’intention de se donner plus d’importance qu’elle ne peut en avoir : « Nous ne cherchons pas à être la plus grande banque d’in-vestissement en Russie, mais celle de l’investissement le plus ren-table, qui minimise les coûts et les risques ».

MICHAEL MALYKHINERIMMA AVSHALOUMOVA VEDOMOSTI

Monter sa propre affaire avec le

soutien de l’État est en vogue

en Russie. Mais les experts sont

sceptiques : la viabilité d’une

entreprise établie avec l’argent

d’autrui ne va pas de soi.

Pour monter une affaire au plus fort de la crise, Natalia Dovgal, une habitante de Saint-Péters-bourg âgée de 30 ans, a investi avec ses partenaires 12 000 rou-bles au total. En un an, le chif-fre d’affaires de leur société, « City Gifts », spécialisée dans la vente des souvenirs et les réa-lisations publicitaires graphi-ques, a dépassé 5 millions de rou-bles. Natalia explique : « Je voulais créer ma propre entre-prise depuis très longtemps. Après avoir travaillé dans la pu-blicité pendant quatre ans, j’ai décidé de monter une agence moi-même ». Le déclic est venu de son ancien employeur... qui a mis la clé sous la porte pour cause de crise. Les jeunes entre-preneurs comme Natalia sont à la fois nombreux et trop rares.

Abondance de candidats...Le service « [email protected] » a enregistré une hausse considé-rable de l’intérêt que les inter-nautes vouent à l’entrepreneu-riat. La fréquence d’apparition de la question « Comment mon-ter sa propre entreprise ? » dans la base de données du service a augmenté de 62% au cours de l’année dernière. Selon l’analyse, plus de 300 000 requêtes ont été faites et les in-ternautes les plus actifs font par-tie de la tranche d’âge 19-25 ans. L’analyse a également montré que ce sont les fi lles qui s’intéressent le plus à cette question (58,77% du nombre total de requêtes sur ce sujet). Selon les estimations des analystes du portail Web, les questions les plus fréquemment posées par les internautes concer-nent l’ouverture d’un café ou d’un restaurant, car près d’un dixiè-

Entrepreneurs Pour les jeunes générations, le salut ne se trouve plus dans le salariat

Quand la crise stimule la création d’entreprises

me des futurs entrepreneurs veu-lent ouvrir une société spéciali-sée dans la restauration. Le salon de coiffure, l’agence de voyage, la boutique de vêtements et la pharmacie arrivent en deuxième et troisième positions par ordre de popularité. Les hommes, quant à eux, s’intéressent plutôt aux questions liées à l’ouverture d’un magasin de pièces détachées pour automobile, une station de lava-ge ou un cabinet de conseil juri-dique. Une étude intitulée « In-dice de développement des petites entreprises » affirme qu’en 2009, le nombre de Petites et Moyennes Entreprises russes a bondi de 9,3%. Un tiers de ces PME ont été créées grâce aux subventions de l’État. « L’accrois-sement du nombre d’entrepre-neurs ne signifi e pas que ce sec-teur de l’économie est en train de connaître une amélioration », tempère Alexandre Chamray, auteur de l’étude. Le chiffre d’af-faires total des PME a en effet diminué de 9,7% !

... Mais peu d’élusDans la cadre de sa stratégie de soutien à l’emploi en 2010, le mi-nistre de la Santé et du Déve-loppement social s’appuie sur-tout sur une nouvelle stimulation de l’entrepreneuriat. Le vice-mi-nistre Maxime Topiline a exigé des régions russes au début de l’année un changement radical de stratégie. Au lieu d’orienter les chômeurs vers le travail tem-poraire, les régions devront les encourager à créer leur entre-prise, en leur accordant un ca-pital initial de 58 800 roubles par personne, majoré du même montant pour chaque personne embauchée. Cette mesure a déjà profi té à 127 600 chômeurs en 2009, et cette année, on compte soutenir 174 400 nouveaux en-trepreneurs. Selon Chamray, la plupart des petites entreprises créées grâce aux subventions fé-dérales risquent toutefois de s’avérer peu rentables car leurs entrepreneurs novices ne pren-nent pas de risques fi nanciers.

Entreprises favorites des novices

Business préféré En %*

Café, restaurant 10,56Salon de beauté 1,82Agence de voyage 1,80Magasin de vêtements 1,37Salon de coiffure 1,12Pharmacie 0,93Épicerie 0,91Magasin des pièces détachées pour automobile 0,82Bureau de prêteur sur gages 0,80Magasin de produits chimiques ménagers 0,66

*En fonction du pourcentage du nombre de requêtes des internautes

Durant l’année 2009, le nombre de Petites et Moyennes Entreprises

russes a bondi de 9,3%.

TIM GOSLINGBUSINESS NEW EUROPE

La croissance des crédits à la

consommation a connu un coup

d’arrêt l’an dernier, brutalement

freinée par des taux d’intérêt

sur une période de six mois

ayant atteint un record de 80%,

à la limite de l’absurde.

Le 1er juin dans l’après-midi, une longue queue se forme de-vant l’un des magasins de la chaî-ne Svyaznoï (sorte de Darty russe), en plein centre de Mos-cou. Passeports à la main, les clients déposent des demandes de crédit à la consommation pour acheter, qui un nouveau télépho-ne portable, qui un appareil photo numérique. Cette scène n’aurait guère pu être observée il y a encore douze mois. La queue, s’il y en avait eu une, eût été beaucoup plus courte, et les demandeurs du crédit - plus

Les banques prêtent pour des achats plus modestes

Crédit à la consommation La crise a modifié les habitudes

fébriles de se voir sèchement éconduits. Mais aujourd’hui, les consommateurs ont repris confi ance. Les banques ont adou-ci leurs exigences. Les crédits à la consommation ont pratique-ment atteint le niveau de deman-de des années d’avant la crise. Les taux d’intérêt sont redescen-dus aux alentours de 50%, un niveau certes très élevé. Les car-tes de crédit sont un phénomène récent en Russie et le nombre de cartes émises par les principales chaînes de magasins connaissent une croissance exponentielle. En-viron un tiers des achats effec-tués dans les enseignes d’élec-troménager sont réalisés à l’aide d’un crédit. Michael Toutch, directeur des opérations de Svyaznoï, se ré-jouit de voir son programme de crédit monter en puissance, avec une croissance de 20 à 25% at-tendue en 2010. Par ailleurs, tout

comme en 2007, 65% des deman-des de crédit dans ses magasins sont acceptées, contre seulement 35% l’an dernier. Un succès qui s’explique par le fait que les opérateurs bancai-res, partenaires d’enseignes comme Svyaznoï, sont sortis des difficultés et considèrent que les emprunteurs sont désormais en mesure de rembourser les prêts. Alexeï Levtchenko, patron de Renaissance Credit (troisième sur le marché russe) se rappelle avoir gelé tous les nouveaux prêts en septembre 2008. Aujourd’hui, la situation de la banque s’est sta-bilisée et celle-ci a même ache-té 14 fi liales de la Barclays Bank à la fi n du mois de mai pour re-lancer son développement. Le potentiel du marché russe de la consommation ne fait guère de doute. Les dépenses des mé-nages atteignent près de la moi-tié du Produit intérieur brut

(PIB), mais la plupart des achats sont effectués en espèces. Les em-prunts des consommateurs ne représentent que 8% du PIB. Toutch reconnaît que les règles du jeu ont changé à Svyaznoï après la crise. Bien que le volu-me des crédits passant par ses magasins cette année soit en très forte hausse, le nombre d’unités qu’il vend a augmenté de 27% seulement. Le résultat, c’est une baisse de la taille moyenne des prêts de 12% environ. En d’autres termes, le Russe moyen achète davantage de téléphones porta-bles, ou de caméras numériques, mais il choisit des modèles moins chers. Un point sur lequel Toutch et Levtchenko sont d’accord, c’est que la confi ance des consomma-teurs est loin d’être entièrement revenue. Or cette confi ance est l’élément clé pour que la Russie puisse revenir aux forts taux de croissance précédant la crise. « Il est très difficile de calculer le degré de la crainte », considère Levtchenko. « Elle jouera pro-bablement un rôle de moins en moins important, mais elle est encore fortement présente dans les esprits. La reprise, c’est logi-que, ne démarre pas comme une Ferrari ».

Le PDG d’Alfa Bank Ed Kaufman

Alfa Bank ou l’instinct de survie

La fermeté d’Alfa lui a causé des ennuis, mais les partenaires occidentaux apprécient sa rigueur

difficile. Kaufman fut contraint de licencier un cinquième de son personnel l’an dernier. C’était la campagne la plus controversée de recouvrement de créances parmi les banques de Russie. L’insistance avec laquelle Alfa demande à être payée rapide-ment a suscité l’irritation de cer-tains entrepreneurs infl uents en

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EVGENY EGOROV_ FOTOIMEDIA

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

07

Régions

Les Français dirigent les princi-pales branches : l’agronomie, les fi nances, la production. Issu d’une famille de paysans de père en fi ls, l’agronome en chef Jean-Michel Besse est arrivé en Russie il y a six ans. Son collègue Samuel Coupri, le directeur exécutif ad-joint à la production, est venu quatre ans plus tard, après trois ans passés en Ukraine. « Ma femme Natalia est ukrai-nienne, de culture proche de celle de Kouban ; nous n’avons donc pas eu de problèmes d’adapta-tion linguistique », commente Sa-muel Coupri. Il persévère dans sa préférence pour les pelmeni par rapport au borchtch de Kou-ban. Néanmoins, en vrai cosa-que, Samuel ne demeure pas en ville. Il possède une maison dans une stanitsa (village cosaque) et a planté son propre potager sur quelques centaines de mètres carrés. En rentrant du travail, il s’occupe de ses légumes. « Je suis adepte des produits sains, et c’est bon aussi pour ma pratique de la langue. On bavarde par-des-sus la palissade avec le voi-sin ».Les spécialistes français n’ont pas beaucoup de temps libre. La période d’activité intense à la conserverie commence dès le mois de mai, avec le début de la sai-son des haricots rouges. Puis mû-rissent les petits pois, et les mois-sons durent jusqu’en octobre, jusqu’à ce que le maïs soit mis en boîte. Toute la matière pre-mière est produite ici, à Dinsk, sur 6 000 hectares d’espaces loués. Les 50 agronomes tra-vaillant sous les ordres de Jean-Michel Besse gèrent 3 300 hec-tares de terrains , de la préparation des sols aux se-mailles jusqu’à la récolte. L’en-semencement se fait en plusieurs étapes pour que l’usine soit pour-vue en matière première durant toute la saison. L’usine de Novotitarovsk comp-

est surveillé de près, du choix des semences au produit fi ni. En 24 heures, tournant à plein, la conserverie traite 200 000 ton-nes de marchandise. « Le plus gros problème pour nos techniciens avait d’abord été l’im-portation de pièces de rechange pour l’équipement de l’usine, en raison des formalités à la fron-tière », raconte Samuel Coupri. « Heureusement que les liens entre la Russie et L’Europe se sont resserrés. Nous avons élargi la production et ne travaillons plus seulement pour le marché russe, mais pour toute l’ex-URSS. Ce sont les mêmes normes pour tous, y compris la France ». « Nous avons eu aussi des diffi-cultés pour réunir toutes les conditions nécessaires à la pro-duction d’un produit conforme

à nos exigences de qualité », ex-plique Jean-Michel Besse. « Le sol de Kouban contient de bon-nes réserves d’eau, les terres sont riches en matières organiques, mais elles sont lourdes et vaseu-ses. Il faut des tracteurs puissants pour les travailler. En plus, à cause du passage brutal entre l’hiver et l’été, on ne peut pas ga-rantir de moisson sans irriga-tion ». Les spécialistes de Bonduelle l’admettent volontiers : le choix géographique a été dicté en par-tie par la politique d’investisse-ment attractive et le soutien du pouvoir local. La conserverie de Kouban a été construite en un temps record. En juin 2003, la première pierre était posée, en octobre de la même année, un accord était signé avec l’admi-

nistration de la région. Un an plus tard, l’usine était inaugurée. En 2005, la production de la fi liale russe de l’entreprise française avait augmenté de 40%. Jean-Michel concède que « bien sûr, les problèmes d’ordre admi-nistratif surgissent. C’est très compliqué d’enregistrer en Rus-sie des variétés étrangères. Il nous a fallu trois ans pour inscrire nos variétés de pois et maïs au regis-tre national. Ils doivent repasser à nouveau tous des tests très com-plexes. Mais nous comprenons aussi que nous sommes des in-vités, et ne pouvons pas mettre les pieds sur la table. C’est une manière de défendre les intérêts des producteurs locaux. Mais là aussi les choses s’arrangent et la Russie vient à notre rencon-tre ».

L’usine Bonduelle exporte dé-

sormais dans les autres pays

de l’ex-URSS. Mêmes normes

de qualité pour tous !

te deux chaînes de fabrication des conserves. Tout est automa-tisé, au détail près : l’achemine-ment de la matière première, la séparation des épis de maïs et des cosses de pois, le battage du grain. Les machines remplissent les boîtes de légumes, les stérili-sent, forment les palettes. Les principaux équipements techno-logiques sont fournis par la fi rme GERICO. Le contrôle de qualité est mené par le laboratoire cen-tral de l’usine, tout le processus

Le choix géographique de l’usine a été dicté en partie par une politique régionale attractive pour les investisseurs

OLGA CHAMINAEXPERT ONLINE

Un schéma original est

actuellement testé pour

encourager les entreprises

agricoles individuelles et tirer

un trait final sur les kolkhozes.

« Novaïa Derevnia », ou « Villa-ge nouveau » : c’est le nom de l’ambitieux projet qu’accueille l’oblast d’Oulianovsk (900 km à l’est de Moscou). Youri Chevt-chenko, directeur de l’entreprise « Agropark-Management » et Edouard Vyrypaev, copropriétai-re de RTM, sont les moteurs der-rière cette première expérience de « Village nouveau » dans la région de Novomalyklinsk : 28 habitations, 20 mini-fermes, trois usines de conditionnement de la viande (capacité : 10 000 tonnes par an), de fabrication d’aliments combinés pour le bétail et de pro-duits laitiers, le tout complété par des bâtiments administra-tifs et de service. Douze familles se sont déjà installées, mais le nombre de candidatures s’élève à 18 500, soit 180 candidats pour une place. Il s’avère cependant que 70% des postulants sont plus motivés par l’accès au logement que par le développement de l’agriculture...Pour autant, les promoteurs ne doutent pas du succès de leur entreprise. Le gouverneur d’Oulianovsk, Sergueï Morozov, a d’ailleurs estimé que le projet devrait permettre de créer 20 000

Repeupler les campagnes russesAgriculture La région d’Oulianovsk tente d’attirer les classes moyennes en zone rurale

emplois dans la région, d’aug-menter le salaire moyen et de ré-soudre le règlement de divers problèmes sociaux, comme la sé-curité agro-alimentaire et la modernisation de la sphère sociale ; il devrait enfi n favori-ser « la formation d’une classe moyenne à travers la création d’entreprises familiales ». Le pro-jet est novateur parce qu’il parie sur l’agriculteur individuel dans une culture rurale encore embourbée dans les schémas kolkhoziens et sovkhoziens.Le modèle économique implique

que les investisseurs prennent en charge la construction des in-frastructures et des exploitations agricoles, pour les revendre en-suite aux propriétaires particu-liers dont les paiements seront échelonnés sur cinq à dix ans. Autre possibilité : construire des mini-fermes dans les agglomé-rations voisines du « Village nou-veau ». Dans ce cas, l’agriculteur souscrit un emprunt auprès de Rosselkhozbank (le crédit agri-cole russe), cautionné par les in-vestisseurs qui fi nancent la réa-lisation de la ferme. Ensuite,

L’exploitant a l’option de s’émanciper de l’entreprise gestionnaire

Les deux hommes s’investissent beaucoup dans la formation des cadres russes. Jean-Michel se dit « convaincu que nous pourrions collaborer sur des projets d’éle-vage, de développement de la culture en serre, coopérer plus activement dans la recherche agronomique. Nous essayons de présenter la France à nos collè-gues russes. Nous les emmenons dans des exploitations agricoles, dans des usines Bonduelle à l’étranger. Ils ont pu observer le travail des services agronomiques français. Nous transmettons cha-que jour notre savoir-faire aux habitants de Kouban, apprenons aux agronomes du coin à régler de nombreux problèmes de ma-nière autonome ».Jean-Michel Besse et Samuel Coupri admettent que depuis qu’ils travaillent à Kouban, ils ne se sont pas seulement inté-grés dans la vie russe, mais ont appris à l’aimer. Samuel est fas-ciné par les musées locaux et la fantastique couleur nationale co-saque, alors que Jean-Michel s’est pris de passion pour le ballet russe. Et ce dernier de préciser : « Même si j’ai toujours une paire de bot-tes en caoutchouc dans ma voi-ture, presque tous les dimanches je mets un costume et nous al-lons, ma petite fi lle Naomi et moi, au théâtre de Krasnodar. J’ai été ébahi de découvrir de tels théâ-tres si loin de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Ce fut une immen-se surprise pour moi ! »

pendant les cinq à dix années suivantes, en travaillant au moins quatre heures par jour, l’exploi-tant reçoit 388 euros par mois de la part des investisseurs, jusqu’à remboursement complet du prix de la ferme. Ses revenus peuvent augmenter jusqu’à 1 162 euros mensuels, et l’exploitant a l’option de s’émanciper de l’en-treprise gestionnaire pour se mettre à son compte. Il est aussi libre de quitter le « Village nou-veau » à tout moment, avec des indemnités correspondantes à ce qu’il a investi dans l’acquisition de la ferme. L’activité des agriculteurs du « Village nouveau » est contrô-lée par l’entreprise gestionnaire, qui assure le suivi du cycle de production et de distribution, ainsi que l’entretien des exploi-tations. Les investisseurs n’ont pas inventé ce type d’unions agri-coles, qui existent déjà en Eu-rope et aux États-Unis. Mais ils se heurtent à un certain nombre de difficultés locales. Par exem-ple, l’absence d’agriculteurs et de spécialistes qualifi és. Le di-recteur général du holding agri-cole « Altyn », Valery Pokorniak, estime que le succès d’un tel pro-jet repose sur trois composantes essentielles : une sélection rigou-reuse et juste des candidats, des conditions claires et transparen-tes de contrat et de transfert de la propriété, ainsi qu’un système efficace d’achat de la production des exploitants.

GUY NORTONBUSINESS NEW EUROPE

La société danoise Novo Nordisk

va aider l’industrie pharma-

ceutique russe à fabriquer des

médicaments contre une

maladie qui touche sept millions

de personnes en Russie.

La visite de Dmitri Medvedev au Danemark à la fi n du mois d’avril a servi de cadre à la si-gnature d’un accord entre le président de Novo Nordisk, Lars Rebien-Sørensen, et le gouver-neur de la région de Kalouga, Anatoly Artamonov. Il s’agit de construire une usine de fabri-cation d’insuline dans la région de Kalouga, située à 200 km au sud de Moscou. Le projet à plu-sieurs étapes porte dans un pre-mier temps sur l’édifi cation de l’unité de production, représen-tant un investissement compris entre 80 et 100 millions de dol-lars. L’usine emploiera plus de 225 personnes pour produire des doses d’insuline sous forme de cartouches ou de stylos pré-remplis. « La construction et l’extension progressive de l’usi-ne sur plusieurs années permet-tront d’assurer une bonne qua-lité de production, le transfert durable de technologies et la formation des employés lo-

Industrie pharmaceutique Bientôt une usine à Kalouga pour produire de l’insuline

Diabète : les Danois ont une solution

caux », estime Sørensen. La ré-gion de Kalouga fournira l’in-frastructure nécessaire (routes et services publics).

Une véritable épidémie Environ trois millions de Rus-ses suivent actuellement un trai-tement contre le diabète. Selon les estimations de la Fondation internationale du diabète, près de sept millions de Russes auraient besoin d’un traitement contre cette maladie. Les ven-tes des médicaments de Novo Nordisk ont explosé sur les mar-chés des pays BRIC (Brésil, Rus-sie, Inde, Chine). La population de ces pays s’enrichit, vit plus longtemps et fait moins d’exer-cice. Le diabète y est en hausse et pourrait affecter 174 millions de personnes en 2030, contre 113 millions aujourd’hui. Selon Sergey Tsyb, le directeur du département de bio-ingénie-rie du ministère russe de l’In-dustrie et du Commerce, l’usine de Novo Nordisk s’inscrit dans les plans du gouvernement qui consistent à encourager l’intro-duction de technologies inno-vantes dans l’industrie pharma-ceutique en Russie. L’accord est aussi une victoire personnelle pour Artamonov, qui ambition-ne de créer un complexe phar-maceutique dans sa région.

Bonduelle craque pour le KoubanSUITE DE LA PAGE 1

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08LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Débats et Opinions

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PARTENAIRES MÉDIA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES POUR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE.

Les hommes trompent plus souvent leur conjoint (ou l’avouent plus sou-vent) que les femmes (28% contre 17%). L’infidélité est très répandue au-delà de 40 ans (32%) et elle

augmente proportionnellement aux revenus... Les personnes ayant des enfants trompent leur conjoint deux fois plus souvent que celles qui n’en ont pas (26% contre 13%).

Infi délité à la russe

LES HOMMES MARIÉS SONT PLUS INFIDÈLES QUE LES FEMMES ET LES PERSONNES

SANS EMPLOI RÉAGISSENT MOINS BIEN AUX ÉCARTS DE LEUR CONJOINT QUE CELLES

QUI ONT UN TRAVAIL STABLE, SELON UN RÉCENT SONDAGE DE SUPERJOB.RU.

SONDAGES

QUI ÉTOUFFE LA PRESSE LIBRE ?

MOSCOU SENSIBLE À L’EFFET OBAMA

Alexeï

PankineTHE MOSCOW TIMES

Dmitri

TrenineTHE MOSCOW TIMES

Le 3 mai 2010, à l’occasion de la Journée mondiale de la presse libre, l’association internationale « Reporters

sans frontières » a publié une liste de 40 « prédateurs de la presse libre ». Le Premier ministre russe Vladimir Poutine se trouve sur cette liste. La façon dont l’honorable orga-nisme justifi e ce choix a des airs de remise de médaille : « La ‘ver-ticale du pouvoir’, formule qui ré-sume sa politique de reconstruc-tion d’un État fort après les années de confusion et de dilu-tion de l’autorité sous Boris Eltsine, a traversé toutes les com-posantes de la société. La presse n’y a pas échappé... Les télévi-sions nationales parlent d’une seule voix ».Je suis persuadé que l’auteur de ces lignes a été infl uencé par un livre événement qui vient tout juste d’être publié. Dans « Non pas grâce à... mais en dépit de », l’ancien ministre de l’Énergie nu-cléaire, Evgueni Adamov, décrit la façon dont le banquier et fon-dateur de NTV, Vladimir Gous-sinski, a réagi quand Adamov a refusé de l’aider à résoudre les problèmes de sa banque « Most » aux dépens des entreprises du secteur nucléaire, au lende-main de la crise fi nancière d’août 1998 : « Tu crois que tu vas res-ter longtemps à ton poste ? Tu vas être embarqué tout à l’heure par le FSB… Tu ne fi niras pas ta jour-née ici… Je vais te démontrer le pouvoir des média ! ». D’après l’ancien ministre, il était question de 100 millions de dollars. « Il n’y avait pas de logique à impli-quer les médias dans cette affai-re, alors que le FSB allait m’em-mener de toute façon. Mais cela n’a pas effleuré l’esprit

Les soldats de l’OTAN mar-chant au pas sur la Place Rouge lors de la journée de la Victoire. Moscou, au

prix d’un compromis, négociant un accord avec la Norvège, met-tant ainsi un terme au différend vieux de 40 ans qui portait sur la frontière maritime entre les deux pays. Le spectacle du Pre-mier ministre Vladimir Poutine posant le genou à terre devant le mémorial de Katyn, là-même où des officiers polonais furent tués sur ordre du régime stalinien. Ce ne sont là que quelques aperçus de l’image d’une Russie bien-veillante que l’hebdomadaire New Europe a brossée dernièrement. Pour autant, le tableau appelle immédiatement trois questions : tout cela est-il bien réel ? Pour-quoi ce changement ? Et com-ment réagir à la nouvelle politi-que étrangère russe ?Le nouveau ton adopté par Mos-cou, plus particulièrement à l’égard des États-Unis, a été amorcé l’an dernier. Mais aujourd’hui, le soutien du Kremlin à l’adoption d’une qua-trième vague de sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies contre l’Iran, apporte une substance bien réelle à ce chan-gement. Qui plus est, la renon-ciation aux revendications ter-ritoriales dans l’Arctique — enjeu du différend avec la Norvège — constitue une énorme concession de la part de Moscou.Un document interne émanant du ministère des Affaires étran-gères, et selon toute vraisemblan-

mesures de contrôle de l’ORT visaient moins la liberté de la presse ou les journalistes de ces chaînes que leurs propriétai-res, Vladimir Goussinski et Boris Berezovski. En fait, l’objectif était de reprendre le contrôle de l’État. Je suis sur ce point d’accord avec les auteurs de la liste.Je suis également d’accord avec « Reporters sans frontières » sur le fait que la période où « les té-lévisions nationales parlent d’une seule voix » s’éternise. Ayant vain-cu le système de la « télévision des oligarques » incompatible avec la liberté de la presse, Pou-tine n’a pas su, ou plutôt n’a pas eu le courage, de le remplacer par un système indépendant. Mais il est probable que chaque dirigeant a sa mission et ses ressources. Il appartient au Président Medve-dev de faire un nouveau pas vers la création de conditions favora-

ce authentique, est paru dans l’édition russe de l’hebdomadai-re américain Newsweek du 10 mai. Il montre qu’aujourd’hui, le Kremlin fait de ses relations avec les États-Unis et l’Europe sa priorité. Plus rien à voir avec ce que l’on a pu observer lors du défi lé de la journée de la Victoi-re de 2007 sur la Place Rouge, où Poutine, alors président, com-parait la politique de son homo-logue américain George W.Bush à celle du Troisième Reich ; rien à voir avec la reprise, toujours en 2007, des patrouilles aérien-nes russes de bombardiers stra-tégiques le long de la côte nor-végienne ainsi qu’au-dessus de l’Atlantique nord et dans les Ca-raïbes ; rien à voir enfi n avec l’al-locution à la Nation du prési-dent Dmitri Medvedev qui, le 5 novembre 2008 — au lendemain de l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis — menaçait de déployer des mis-siles Iskander à courte portée aux abords de Kaliningrad.Quatre facteurs ont plus parti-culièrement contribué à ce revi-rement positif : la guerre en Géorgie en 2008, la crise écono-mique mondiale, le facteur Obama et la montée en puissan-ce constante de la Chine.La guerre en Géorgie a révélé la rapidité avec laquelle les rela-tions avec les États-Unis pou-vaient se dégrader, allant pres-que jusqu’à faire renaître la Guerre froide, laissant la Russie isolée et en position générale de faiblesse. La crise économique a détruit les illusions d’une crois-sance soutenue, ainsi que l’or-gueil retrouvé de la Russie.De son côté, l’administration

Poutine a détruit la télé des oligarques, mais il n’a pas su ou eu le courage de la remplacer par un système indépendant

LE COURRIER DES LECTEURS, LES OPINIONS OU DESSINS DES RUBRIQUES “DÉBATS ET OPINIONS” ET “PERSPECTIVES” PUBLIÉS

DANS CE SUPPLÉMENT REPRÉSENTENT DIVERS POINTS DE VUE ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT LA POSITION DE LA RÉDACTION

DE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI OU DE ROSSIYSKAYA GAZETA.MERCI D’ENVOYER VOS COMMENTAIRES PAR COURRIEL : [email protected].

Obama, en redéfi nissant la po-litique étrangère des États-Unis, a écarté les pricipales sources de friction dans les relations Rus-sie-Occident, à savoir la perspec-tive de l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie, les rapports privilégiés avec le pré-sident géorgien Mikheil Saakas-hvili, ainsi que le déploiement d’un dispositif stratégique anti-missile en Europe centrale. M.Obama a également fait preu-ve d’un véritable respect et d’une volonté d’ouverture sincère à l’égard de la Russie.

Pour fi nir, dans la mesure où la Chine a gagné en confi ance et en assurance, l’ombre qu’elle fait planer au-dessus de la Russie s’est étendue et épaissie.Face à cette situation, les diri-geants russes entrevoient à la fois de nouveaux dangers et de nou-velles chances. Le retard du pays, non seulement par rapport à l’Occident, mais également à cer-taines puissances émergentes, conduit au besoin de moderni-ser l’assise technologique de la Russie. Mais où trouver l’argent nécessaire à cet objectif ?

Le nouveau défi à relever en po-litique étrangère consiste à ca-naliser les ressources ainsi offer-tes pour les mettre au service de la modernisation du pays. Ce qui implique de meilleures relations avec les États-Unis en particu-lier, et avec le monde occidental en général.Les obstacles ne manquent pas. Le pouvoir russe a une concep-tion trop étroite de la moderni-sation pour qu’elle donne les ré-sultats voulus. Sans l’existence d’un pouvoir judiciaire indépen-dant, sans des droits de proprié-

té garantis, sans un coup d’ar-rê t à l a c o r r u p t i o n , l a modernisation souhaitée par M.Poutine n’ira nulle part. Le danger réside dans l’incapacité à créer l’environnement com-mercial, politique et juridique approprié pour pouvoir en tirer quelque profi t.D’une manière générale, le monde occidental a bien ac-cueilli la nouvelle ligne de conduite de la Russie. M.Obama, de son côté, a fait parvenir au Congrès un accord de coopéra-tion avec la Russie portant sur l’énergie nucléaire. Dans le même temps, l’Union européen-ne a offert à la Fédération un « partenariat pour la moderni-sation », les deux parties se mon-trant désireuses de voir enfi n la Russie rejoindre l’Organisation mondia le du Commerce (OMC).Ce point est effectivement cru-cial. On ne saurait mieux pré-parer le terrain de la moderni-sation qu’en adhérant à l’OMC. Une fois cette étape franchie, il conviendra de parvenir à un sta-tut commercial permanent pour les échanges de la Russie avec les États-Unis, ainsi qu’à des me-sures pratiques en direction d’une zone de libre échange pa-neuropéenne entre l’Union euro-péenne, la Russie, l’Ukraine ainsi que d’autres pays. Du côté de l’Europe, la meilleure façon d’ap-porter une aide efficace à la mo-dernisation russe serait de pro-céder à l’abolition progressive du régime des visas avec la Fé-dération.

Dmitri Trenine est directeur du Centre Carnegie à Moscou.

bles au développement de la pres-se indépendante en Russie. Ce sera pour lui plus facile car la réforme des médias s’est faite toute seule : grâce au développe-ment rapide de l’Internet, l’uni-vers médiatique a radicalement changé au cours de la dernière décennie. Dans ces conditions, le contrôle des médias traditionnels a beaucoup moins d’importance qu’avant, ce qui favorise l’exer-cice de la liberté.Pour notre part, nous observe-rons les progrès de Medvedev à travers l’œil de « Reporters sans frontières », tout en espérant que l’association sera aussi compré-hensive vis-à-vis des problèmes de nos dirigeants qu’elle l’a été cette année.

Alexeï Pankine, rédacteur en chef du magazine « Stratégies et pratique de l’Édition »

de mon interlocuteur: J’ai pu ob-server à cette occasion la tour-nure d’esprit de ceux qu’on ap-pelle les oligarques », poursuit Adamov, qui décrit ensuite en dé-tail la guerre médiatique enga-gée contre lui.C’est le type de chantage et de racket médiatique appliqué par de nombreux média russes sous Eltsine que les « Reporters sans frontières » décrivent de façon critique.Il me semble que la chasse de Pou-tine contre la chaîne NTV et les

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

09

Perspectives

Préparé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSE« FLOTILLE DE LA PAIX » : LA PRESSE N’Y VOIT PAS D’HUMANITAIRE

La dénonciation d’une opéra-tion politique pro-Hamas dans la presse russe contraste avec le ton plus nuancé de Vladimir Pouti-ne, pour qui l’attaque de la flotille par l’armée israélienne « dans des eaux neutres » exige « un exa-men particulier ». « Nous avons toujours appelé à la levée du blo-cus » (de Gaza), a aussi rappelé le Premier ministre.

L’EUROPE AVEUGLE DEVANT

LA STRATÉGIE DU HAMAS

Ioulia LatyninaTHE MOSCOW TIMES

LA BOUCLE INFERNALE

DU PROCHE-ORIENT

Fedor LoukianovGAZETA.RU

COMMENT ISRAËL A PERDU LA

BATAILLE DE L’IMAGE

Vladimir BeiderOGONËK

L’objectif des activistes n’était pas d’apporter de l’aide humanitaire à Gaza, mais d’accumuler des ca-davres. Il y avait 700 personnes à bord. Bien sûr, beaucoup étaient du Hamas, mais il y avait aussi des Européens. Dans un monde où les terroristes se font exploser dans le métro, c’est incroyable qu’il res-te tant d’idiots prêts à défendre le premier qui gémit « je suis une victime ». C’est ça le pire : la flot-tille était destinée à exploiter la sympathie mal placée de défen-seurs des droits de l’homme cré-dules, pions volontaires de la nou-velle stratégie des militants.

La transgression consciente d’un blocus militaire est un acte poli-tique qui n’a rien à voir avec une mission humanitaire. Le nom-bre de défenseurs des droits de l’homme et de provocateurs poli-tiques pourrait être établi par une enquête impartiale. Qui n’aura pas lieu, puisque ni les Israéliens, ni les pro-palestiniens n’y ont intérêt. À terme, c’est Israël qui risque de perdre le plus. En perdant le sou-tien international, le pays va se re-fermer sur lui-même pour sa sur-vie, tandis que les pays arabes, sentant de la sympathie extérieu-re, vont renforcer la pression.

Mais quelle est donc la date pré-cise du premier vol effectué par un aviateur russe ? Les histo-riens et spécialistes continuent de se disputer. Le 24 mai 1910, l’aviateur Yakov Gakkel réussit un vol à Gatchnia, non loin de Saint-Pétersbourg, sur un appa-reil baptisé Rossia A. Un peu auparavant, des vols avaient déjà été effectués par Mikhaïl Efi mov, non sur le territoire russe actuel, mais en Ukraine (Odessa et Kiev). Et en février de la même année, le Tsar Nicolas II avait par oukase ordonné la création de la fl otte aérienne russe, dont la tâche était de former officiers et pilotes à la commande d’aé-roplanes. Il s’agissait aussi de constituer un parc d’appareils destinés à l’armée et à la fl otte. Le monde était alors en proie à une furieuse passion pour tout ce qui touchait à la conquête des airs. La France se trouvait au cœur de cet engouement mon-dial, grâce en particulier à Blé-riot et son héroïque traversée de la Manche, qui fi t grand bruit aux quatre coins de la planète. Les plus ardents adeptes hexa-gonaux n’avaient alors de cesse que de démontrer les prouesses d’une aviation qui progressait à un rythme effarant. Ce fut l’un d’entre eux, Georges Legagneux, qui effectua le 15 septembre 1909 le tout premier vol sur territoire russe, six mois avant les autoch-tones. Il épata la bonne société russe rassemblée non loin du centre de Moscou, avec son bi-

La suite ? Rien de nouveau. En ré-pondant aux provocations du Ha-mas, Israël déclencha, en 2008, la guerre de Gaza. Le Hamas portait les coups en se cachant au cœur de la population, et les défenseurs des droits de l’homme accusèrent Israël d’avoir volontairement pris pour cible des civils. L’ONU créa une commission d’enquête qui, s’appuyant sur les témoignages du Hamas, condamna Israël. Avec la flottille, une fois de plus, les combattants se sont servis de ci-vils pacifistes comme bouclier. La commission de l’ONU enquête dé-jà sur « les crimes d’Israël »...

Natalia GevorkyanSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

François PerreaultSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

craignait sincèrement que je puis-se ne pas le reconnaître.C’est totalement différent de voir les gens célèbres en dehors d’une réception, d’un festival ou d’une conférence de presse. Naturels et détendus. Dans leur vie privée de tous les jours. Ils sont comme tout le monde, heureusement, sans si-gnes d’arrogance, vêtus sans excès, et cherchant davantage à se fon-dre dans la foule qu’à s’en démar-quer. Les Parisiens, si j’en juge par mes observations, sont dis-crets. Impossible que j’aie recon-nu Bruce Willis, et pas eux ! Mais pas un regard insistant, pas un commentaire dans le dos, aucune demande d’autographe, aucun geste superfl u de leur part... Mais avec Tim Roth, j’ai craqué. Mon collègue, ayant saisi mon re-gard malicieux, hurla, à travers les ondes musicales qui déferlaient de tous côtés :- Natacha, nous ne sommes pas en train de travailler là, pas vrai ? Nous dînons juste. Nous ne som-mes pas des paparazzis !Honteuse, j’ai rangé le portable avec lequel j’étais sur le point de photographier mon acteur bien-aimé. Il dînait en grande compa-gnie. Quand il s’est levé pour aller dans le fond du restaurant, il de-vait immanquablement passer de-vant moi. Je n’ai pas pu résister et lui ai fait un immense sourire. Il a ôté ses lunettes noires, s’est légèrement incliné et m’a rendu mon sourire. Je voulais déjà ouvrir la bouche pour dire quelque chose, mais au dernier moment je me suis mordu la langue... Mon collègue a ri de bon cœur. Il ne s’attendait pas à ce que je cra-que pour un acteur. Mais il y avait de la musique, la ville chantait, et ne pas sourire dans une telle ambiance eût été tout bonnement impossible. Surtout s’il y a quelqu’un, qui n’est pas n’impor-te qui, à qui sourire.

pas situé de l’autre côté de Jean-Pierre. Le va-et-vient incessant de la bouteille cessera néanmoins après quelques minutes : face à l’arrivée des contrôleurs, c’est tout le wagon qui se met en branle. Dans un jeu du chat et de la sou-ris sans subtilité, la moitié du wagon dépourvue de billets prend les jambes à son cou, et évite l’amende en passant au wagon suivant. Jean-Pierre, qui a perdu son billet dans l’aventure, sera ainsi le seul à acquitter les 200 roubles requis, sous le regard hi-lare des habitués de l’omnibus.Ayant retrouvé de nouveaux voi-sins (la canne à pêche du vieillard de droite est un poil contrarian-te), Jean-Pierre peut enfi n admi-rer le paysage en tentant de main-tenir son équilibre. Mais sa position est précaire : il doit dé-sormais faire face à la cohorte de vendeurs itinérants qui s’annon-ce à tour de rôle, le bousculant d’un coup de hanche. Notre ami n’a pas très bien compris à quoi servait l’étrange appareil à dix roubles (un dénoyauteur de pom-mes, si son russe ne l’a pas trahi), mais l’objet a connu un franc suc-cès. L’aiguiseur de couteau uni-versel également, même si durant la démonstration, Jean-Pierre a failli y perdre un œil. Mais toute bonne chose a une fi n : les 150 kilomètres ont été avalés en moins de quatre heures ; voilà déjà les faubourgs de Tver à l’ho-rizon. Quel dommage que la réunion de travail soit déjà terminée !

La vie d’un correspondant étranger se distingue par la quantité de collègues qui viennent, passent,

font un saut à Paris, et bien sûr, appellent. - Natacha, je suis de passage en allant à Strasbourg, j’ai à peine deux heures. On dîne ? Tu es où ?- Retrouve-moi place des Vos-ges. J’y suis. C’est la Fête de la musique. Tu as de la chance, on s’entend à peine !Mon collègue me demande où je suis exactement.- À la terrasse du restaurant, juste derrière Tim Roth. En général, je suis assez indif-férente aux célébrités qu’il n’est pas rare de croiser dans le Ma-rais. Et je ne collectionne pas ces rencontres. Mais parfois, c’est intéressant.Ioko Ono. Nous faisions nos courses dans la même boutique. Elle est reconnaissable au pre-mier coup d’œil, même si les an-nées ont fait leur travail. Elle achetait avec panache, cher et beau. Jean-Paul Gaultier mar-chait au petit matin rue des Francs-Bourgeois. Rien ne tra-hissait le couturier à la mode : un jogging, des baskets, un blou-son. Il souriait à tous les pas-sants. Bruce Willis, avec sa dé-marche si caractéristique, discutait à mi-voix avec une jolie femme. Patricia Kaas, aussi belle dans la vie que sur scène et à l’écran, une femme élégante et fragile, avec un visage triste. J’ai été frappée par le réalisa-teur Leos Carax. Nous nous sommes mis d’accord au télé-phone pour une interview, l’heu-re, le lieu, et tout à coup il me dit : « Je vais vous dire comment vous allez me reconnaître. Je serai accompagné de deux chiens presque identiques ». Le réalisateur mondialement connu

Appelé, dans le cadre de ses activités profes-sionnelles, à sortir de Moscou, Jean-Pierre ne

pouvait pas ne pas profi ter de l’occasion : au diable la voiture, il fallait bien essayer au moins une fois les trains de banlieue, les fameux « electritchki ».Cette mission à Tver, à 150 ki-lomètres au nord de Moscou, était l’occasion idéale. Snobant les collègues motorisés, notre homme fonce à la gare de Le-ningrad, direction les guichets.Les premières minutes sont pé-rilleuses : il faut laisser le temps au cerveau de déchiffrer la masse humaine agglutinée devant les comptoirs, et risquer (avec l’épaule droite, pour les droitiers) un mouvement subtil mais mus-clé et régulier, afi n de ne pas re-culer face aux babouchkas ex-périmentées qui dominent outrageusement la compétition avec un calme olympien. Le billet est en poche et le train peut s’ébranler. Malheureuse-ment, Jean-Pierre n’aura pas eu la chance d’avoir une place as-sise ; mais il aura trouvé 10 cm2 sur lesquels poser un pied, entre l’entrée du wagon et la premiè-re rangée de sièges en bois. L’autre panard a, lui, trouvé appui sur l’énorme sac plasti-que négligemment déposé au sol par une grand-mère surchargée. L’ivrogne appuyé sur notre ami ne serait pas si dérangeant, si son collègue éthylique n’était

CES SACRÉS FRANÇAIS

CES SACRÉS RUSSES

Sourire discret à Tim Roth

Le bonheur est sur les rails

plan de marque Voisin. Le site de ce premier vol (Khodynka) est resté jusqu’à aujourd’hui un lieu d’exposition d’aéroplanes divers.Aucun expert ne conteste l’im-portance de l’effort réalisé par Legagneux pour introduire l’aviation en Russie. S’il est une chose sur laquelle l’ensemble des acteurs de l’aviation russe s’ac-corde, c’est sur la nécessité de fêter dignement ce centenaire,

alors que le gouvernement n’a rien prévu jusqu’ici. Au terme d’une orageuse conférence de presse le 26 mai dernier à Mos-cou, une lettre ouverte a été en-voyée au Premier ministre Vla-dimir Poutine, lui demandant d’apporter son soutien à cette initiative.Un anniversaire que le gouver-nement russe ne manque en re-vanche jamais de marquer, c’est

celui de la participation de l’es-cadrille Normandie-Niemen au combat contre les forces nazies pendant la Seconde Guerre mon-diale. Plusieurs vétérans de l’es-cadrille ont été invités à défi ler le 9 mai dernier sur la Place Rouge à Moscou lors des céré-monies commémorant le 65ème anniversaire de la victoire des Al-liés sur le nazisme. Ce moment fort de l’alliance franco-russe dans les airs a commencé lors-

que quatorze pilotes et 58 méca-niciens français basés au Liban rejoignirent le territoire soviéti-que 12 novembre 1942 via l’Irak et l’Iran. Le baptême du feu eut lieu peu après lors de la décisive bataille de Koursk début 1943. Sergueï Kramarenko, un « as » de l’armée de l’air soviétique, s’en souvient avec émotion : « Ils ont magnifi quement combattu, avec une belle discipline, malgré le

fait qu’ils aient essuyé de lour-des pertes. Ils furent parmi les premiers à voler sur des [chas-seurs] Yak-1, un modèle qu’ils ont très vite maîtrisé », raconte cet homme de 87 ans décoré du titre de Héros del’URSS.

Après la Se-conde Guerre

mondiale, l’irruption de la Guerre froide a poussé les

Soviétiques à engouffrer des moyens fi nanciers et scientifi ques considérables pour constituer une aviation militaire capable de rivaliser avec celles des pays capitalistes. Avec un premier test lors de la Guerre de Corée, au cours de laquelle le même Ser-gueï Kramarenko a abattu 15 avions américains à bord de son MiG-15 en deux ans, dans le pre-mier duel d’avions à réaction de l’histoire.L’aviation russe n’avait alors plus rien à envier à personne. Aero-fl ot possèdait la première fl otte du monde. Les chasseurs Soukhoï et MiG se vendaient comme des petits pains aux alliés du Pacte de Varsovie. Aujourd’hui, vingt ans après la fi n de la Guerre froide, la Rus-sie revient frapper à la porte européenne pour relancer une industrie aéronautique lourde-ment handicapée par deux dé-cennies de sous-investissement dans le secteur. Et c’est la Fran-ce qui, de nouveau, lui ouvre la porte, avec la fourniture de mo-teurs et de systèmes avioniques du SuperJet 100. Premier avion russe de conception résolument post-soviétique (à l’inverse des concurrents Tu-204 et An-148), l’appareil développé par Soukhoï « est à 30% français », selon l’aveu formulé par le ministre de l’Industrie russe Viktor Khris-tenko le 31 mai dernier. Cet avion régional d’une centaine de pla-ces « est le plus français de tous les avions russes », toujours selon le ministre. « Cette coopération avec les Français constitue une excellente référence pour les pro-jets à venir. C’est pourquoi les fournisseurs français ont de très bonnes chances d’entrer dans notre projet d’avion moyen cour-rier MS-21 ». Cet appareil mis au point par Irkut n’existe en-core que sur le papier mais Mos-cou espère déjà en faire un concurrent des Airbus et Boeing qui règnent sur ce segment. Irkut, qui reçoit déjà des pièces de Tha-lès et Sagem pour ses chasseurs Su-30MK, est sur le point de si-gner avec un autre groupe fran-çais, Zodiac Aerospace, pour des systèmes destinés au MS-21. Mais Viktor Khristenko ne s’ar-rête pas là : « Nous espérons que les groupes français accepteront de partager les risques liés au projet et deviendront nos parte-naires ». Trouvera-t-il des grou-pes français assez audacieux pour quitter le navire Airbus et rejoindre la barque russe ?

Natalia Gevorkyan, correspon-dante à Paris du journal Kom-mersant.

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

La Russie fête actuellement le

centenaire de son aviation. La

France, qui a joué un rôle clé

lors des premiers vols russes et

pendant la Seconde Guerre

mondiale, est encore présente

pour une nouvelle aventure.

PAUL DUVERNETSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD‘HUI

« Les fournisseurs français ont de très bonnes chances d’entrer dans notre projet d’avion MS-21 »

L’impulsion est venue d’un impétueux aviateur français qui, le premier, survola en 1909 le territoire russe

Un siècle Un siècle d’aviationd’aviationen communen commun

Aéronautique De la naissance à la relance avec l’aide de la France

Le SuperJet-100 de Soukhoï, ici accompagné par des chasseurs du

même constructeur, est pour un tiers composé de pièces françaises

Quelques-uns des pilotes de la fameuse escadrille française Nor-

mandie-Niemen, qui a combattu aux côtés des pilotes soviétiques

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COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

10

Cinéma

Trois réalisateurs mal aimés de

la critique française - Luc

Besson, Claude Lelouch et

Michaël Cohen - sont à l’affiche

du festival de cinéma de Moscou

(MIFF).

Peu de grandes stars au program-me du MIFF qui démarre demain, mais des fi lms au profi l discret. Luc Besson présidera le jury pour une sélection de 15 œuvres, dont Ça commence par la fi n, de Mi-chaël Cohen, qui s’est fait étriller par la critique parisienne à sa sortie fi n mai. En ouverture du MIFF, que patronne Nikita Mikhalkov, la projection du der-nier Claude Lelouch : Ces amours-là, dont la presse ne s’est pas en-core emparée puisqu’il ne sortira que le 10 septembre. L’invitation de ces trois person-nalités du cinéma français par

Les pariahs sont làMikhalkov n’est pas un hasard. Une chose les réunit : le désa-mour de la presse. Besson et Le-louch ont toujours affiché le plus grand mépris pour la critique (qui le leur rend bien), abrités qu’ils sont derrière d’incontestables succès au box-office. Pour Cohen, dont la carrière démarre, tout reste à faire côté public. Quant à Mikhalkov, il vient de parvenir à mettre la critique et le public d’accord contre lui. Le MIFF est un festival de série « A » comme Cannes, Venise ou Berlin, mais il arrive un peu tard dans la saison. Il reste pour cette raison boudé par les grandes pro-ductions et souffre d’être infi ni-ment moins médiatisé que ses pairs. La présence de Besson à Moscou n’est sans doute pas étrangère à la sortie prochaine de son dernier opus : Les Aven-tures extraordinaires d’Adèle Blanc-sec, dont la projection clô-turera le festival.

VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La plupart des films russes sont

sonorisés séparément. Les

acteurs réenregistrent leur texte

en studio, alors que les bruits

d’ambiance sont intégralement

recréés par des bruiteuses.

À chaque image fi lmée, corres-pond une séquence sonore. Des pas rapides ou fatigués dans la forêt ou sur des graviers, le frot-tement du tissu, une gifl e, les sabots d’un cheval sur la place Rouge, une porte mal huilée… Recréer ces bruits, telle est la fonction du studio de bruitage de Mosfilm, où tous les sons d’ambiance sont enregistrés sé-parément. Dans les couloirs, on parle avec admiration des « ma-giciennes » qui tiennent les lieux.

« Nous travaillons toutes ici de-puis plus de quarante ans », confi e Irina Kislova, une vielle dame tirée à quatre épingles. Depuis des décennies, elles vien-nent se plonger dans l’obscuri-té de leur boîte à bruits : une grande salle remplie d’accessoi-res et équipée d’un écran géant. Pendant la projection d’une sé-quence, les bruiteuses, en syn-chronisation parfaite avec l’ima-ge, « font du bruit ». Au sol : du pavé, différents parquets et car-relages, tôle, galets, gravier, terre battue ; aux murs : des portes de tailles et d’ancienneté diver-ses, des fenêtres, des loquets, des robinets, une baignoire, des ri-deaux ; les placards sont rem-plis de chaussures, tissus, et ob-jets improbables, ramassés dans quelque grenier ou décharge. « Une vraie kalachnikov ne fera

jamais le bon bruit », explique Faïna Ianpolskaïa, en heurtant un palier et un gros cadenas pour imiter la mitraillette. « Et essayez d’enregistrer en prise directe le bruissement d’aile du papillon ou le glissement de la soie ! »Dissimulés par une vitre teintée, les ingénieurs du son mixent ces créations sonores, sans jamais vraiment savoir à l’aide de quel

VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le studio Mosfilm, qui a donné

au monde des centaines de

chefs-d’œuvre, est à l’image du

cinéma russe : à la pointe de la

technique, mais en manque

d’idées cinématographiques.

Compter le nombre de fi lms réa-lisés et produits entre les murs du studio Mosfi lm est une ga-geure. Nommer tous les grands maîtres qui y ont travaillé re-viendrait à dresser une antho-logie exhaustive du cinéma soviétique. Du Cuirassé Potem-kine d’Eisenstein et Pychka de Romm, au Ciel pur de Tchoukhraï, Oncle Vania de Kontchalovski, et Solaris de

Tarkovski, Mosfilm tient une place d’honneur dans le patri-moine cinématographique mon-dial. Fondé en 1924, son atelier expérimental est devenu, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le premier studio total d’Europe, centre de créa-tion et société de production à la fois. L’URSS a entraîné dans sa chute la puissante industrie cinéma-tographique nationale, agoni-sante dans les années 1990. Ce n’est qu’au tournant du siècle que le cinéma russe a commen-cé à retrouver ses esprits, alors que Mosfi lm subissait une mo-dernisation totale. « Il n’y a pas un secteur qui ait échappé à une mise à niveau drastique », ex-plique Karen Chakhnazarov, le

p r é s i d e n t d e M o s f i l m . « Aujourd’hui, nous sommes à la pointe de la modernité, et n’avons rien à envier aux grands studios occidentaux ». Néan-moins, la production annuelle ne dépasse pas, depuis le début de la crise, les 40-50 fi lms. De plus, « le cinéma russe actuel ne génére pas d’idées artistiques aussi puissantes que le cinéma soviétique », déplore Chakhna-

Chakhnazarov,

une vie à Mosfi lm

Mosfilm, c’est sa maison. Avant d’en prendre la direction en 1998, Karen Chakhnazarov (né en 1952 à Krasnodar), y a fait ses armes : assistant d’abord, scénariste et réalisateur ensuite. En 1983, il est consacré par le public et la criti-que pour sa comédie musicale vi-revoltante, Nous sommes du Jazz, qui raconte les difficiles débuts du jazz dans l’URSS des années 1920. Son dernier film, La salle n°6, une adaptation intimiste de la nouvelle éponyme de Tchékhov, est une ré-flexion artistique sur l’internement psychiatrique. Chakhnazarov a treize films à son actif en tant que réalisateur.

zarov. Et même s’il y a incon-testablement de jeunes réalisa-teurs très talentueux, on ne peut encore parler véritablement de nouvelle vague. Les différents studios d’enregis-trement et de mixage (dont, par exemple, une salle de 6 300 mè-tres cube qui peut accueillir un orchestre de 150 musiciens), ont été conçus par des spécialistes européens et équipés des outils technologiques les plus en poin-te. Ce qui a permis une diversi-fication au-delà du cinéma. « 50% de notre activité, c’est l’en-registrement d’albums de musi-que », précise Andreï, un ingé-nieur du son. Le joyau décoratif de Mosfi lm,

c’est la reconstitution d’un quar-tier de Moscou fi n XIXe-début XXe : rues pavées, façades de pierre et de bois, réverbères et enseignes d’époque. Le plateau « Vieux Moscou » a servi, depuis 2004, de décor dans plus de 40 fi lms, se transformant en Saint-Pétersbourg, Tbilissi, Copenha-gue, ou n’importe quelle ville his-torique au besoin. Le seul ennui, c’est qu’un gratte-ciel élevé de l’autre côté de la rue oblige aux plans bas ou aux trucages. Au-delà de sa modernité, ce qui fait l’unicité et la suprématie du studio moscovite dans un sec-teur devenu très compétitif, ce sont ses fonds. Notamment, plus de 400 000 pièces de vêtements et d’uniformes militaires, selon les estimations de Sergueï Plo-khov, chef du département des costumes et accessoires. Dans ces cavernes d’Ali Baba, des di-zaines de milliers objets, toutes époques confondues, sont réper-toriés. Les stars absolues de la brocante luxuriante, se sont les véhicules rétro : les Rolls Royce de 1913, BMW 321 de 1928, Pac-kard de 1937 et autres bus et tracteurs de collection. Les voi-tures, objets et costumes les plus célèbres sont exposés dans le musée du studio, et ne servent plus aux tournages, tandis que n’importe qui peut louer à la journée un costume de pirate, de garde rouge ou de tsarine. Ça arrondit les fi ns de mois. Le fonds le plus précieux d’en-tre tous, c’est évidemment la fi l-mothèque elle-même, que Mos-film n’a jamais acceptée de vendre, même au plus fort d’une crise, à l’inverse d’autres grands studios tels que Lenfi lm ou le Studio Gorki. À l’heure qu’il est, ces fi lms sont numérisés, sous-titrés en anglais, et mis à la dis-position du public pour quel-

ques euros, à l’unité ou au forfait, dans une vidéothèque virtuelle (www.cinema.mosfi lm.ru). En ce moment, l’argent public manque. C’est pourquoi Mosfi lm produit surtout des séries télé-visées, qui bénéfi cient de fi nan-cements privés. Mais ce sont des projets d’envergure, « pas de la soupe », insiste Chakhnazarov, qui engagent autant de moyens qu’un long-métrage.« L’industrie du cinéma est re-construite », se félicite Chakh-nazarov. Ne reste plus qu’à re-trouver des producteurs aisés et des réalisateurs talentueux. Idéa-lement, dans le même lot.

objet ou de quelle partie du corps les bruiteuses ont imité la glace brisée ou la mâchoire qui cra-que sous un coup de poing. « Pour un bruit de porte, il faut parfois superposer dix sons, et sans se servir d’une porte, mais d’une grille, d’un bout de bois et d’une vieille chaise », raconte Faïna, en exhibant une veine abîmée au-dessus du genou : Tarkovski avait voulu refaire 20 prises pour une scène de gifl e. À l’heure de la numérisation gé-néralisée, les bruiteuses tiennent tête aux ordinateurs : « Jamais le son émis par une machine ne sera aussi vivant que celui que nous arrachons à nos objets ».

PAUL DUVERNETSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

« Nous sommes à la pointe de la modernité.Nous n’avons rien à envier aux studios occidentaux »

Révolution de studioRévolution de studioCinéma Les Studios Mosfilm passent à l’ère numérique pour survivre dans un environnement de plus en plus concurrentiel

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Le « vrai son » de la kalachnikov

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

11

Culture

Nicolaï

DolgopolovSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

C’est à Roland Garros que s’est jouée la Grande Révolution. Mon Dieu, que nous étions pau-

vres... non, misérables, nous les Russes, sur la terre battue fran-çaise, dans la deuxième moitié des années 1980 ! Aujourd’hui, nos joueurs réservent sans sour-ciller des suites luxueuses dans des hôtels cinq étoiles, sans oublier d’installer à côté maman, papa, et le personnel d’encadre-ment. À l’époque, je dénichais pour nos stars des appartements très modestes. Les francs alloués par l’État soviétique couvraient à peine les frais. Quant aux in-demnités journalières (dont j’ai honte de révéler le montant), nos maîtres de la raquette les économisaient pour des achats de première nécessité : t-shirts, shorts, pantalons, parapluies, batteries de voitures, médica-ments, collants… Tout, en fait, car tout était en déficit chez nous. Beaucoup de nos fi lles et gar-çons traversaient la frontière avec des malles pleines de nour-riture. Si la douane les confi s-quait, ils jouaient à Paris avec le ventre presque vide. Le plus souvent, les douaniers baissaient les yeux, et dans les chambret-tes de nos champions, ça sentait la soupe lyophilisée, les conser-ves de poisson et la saucisse. Il est même arrivé que Yannick Noah vienne à notre aide. Pour combattre le racisme, il organi-sait, avec sa mère, des tournois de bienfaisance. Qui était mieux placé pour y participer que les Soviétiques ? En récompense de notre bonne volonté, le logement et la nourriture étaient gratuits, et des francs étaient distribués avec tact, sous forme d’argent de poche. Tous les ressortissants d’URSS faisaient des efforts, et jouaient des parties exemplai-res, en leur âme et conscience. Mais pourquoi une telle pauvre-té, alors que déjà à cette époque-là, on payait grassement pour une simple participation à de prestigieux tournois ? C’est que les joueurs étaient obligés de donner tout l’argent des prix remportés à leur patrie. De re-tour à la maison, tous les gains, l’argent de poche, les revenus, étaient versés à la caisse du Co-mité du sport. Situation absur-de que celle de ces gens qui ga-gnaient pas mal d’argent, mais étaient condamnés à la portion congrue sous forme d’indemni-tés journalières.

SOUVENIRS, SOUVENIRS...

À mes amis Yannick Noah et Roland Garros !

C’est là qu’est advenue la Gran-de Révolution de 1988 à Roland-Garros. En se frayant avec assu-rance un chemin vers le haut du classement, la jeune Natacha Zvereva a annoncé, pendant le tournoi, qu’elle ne comptait don-ner à personne son prix, c’est-à-dire son revenu. J’ai soutenu l’ac-te de la jeune révolutionnaire dans mon journal de jeunesse, enhardi par la Perestroïka, qui s’est vendu, grâce à cela, à 21 mil-lions d’exemplaires. Une tempê-te s’est levée : l’indignation des fonctionnaires et des organes d’État soviétiques se heurtait à la rafale de soutien de toute l’hu-manité progressiste, la presse française en tête, évidemment, défendant, cela va de soi, les droits de l’homme. Natacha est arrivée jusqu’en fi nale, où elle a cédé devant l’implacable Alle-mande Steffi Graf. Mais il n’était plus question de sport. Le bar-rage de l’austérité avait été percé. Un an après, l’exemple de la jeune Biélorusse serait suivi par Andreï Tchesnokov. Le capitaine Chamil Tarpicht-chev a soutenu cet élan pécu-niaire tout à fait légitime des joueurs. Installés dans mon bu-

reau, nous célébrions la premiè-re victoire fi nancière des nôtres. Mon ami remarqua : « Si on nous laisse vivre correctement, les gars peuvent remporter et Roland Garros, et la Coupe de la Fédé-ration, et même la Coupe Davis. À condition qu’on les laisse tran-quilles ». J’ai répondu que le futur n’était pas loin, quand nos joueurs ne gagneraient plus seu-lement pour la patrie, mais pour eux-mêmes. À ce moment-là, un coup de fi l de Moscou annonça à Chamil que son premier fils venait de naître. Nous nous som-mes précipités à l’aéroport, et avant de monter dans l’avion, le superstitieux Chamil me dit ré-solument : « Tu vois, les étoiles convergent. Nous allons prendre la Coupe Davis aux Français eux-mêmes ». L’avenir montra qu’il ne s’était pas trompé !

Nikolaï Dolgopolov est le rédac-teur en chef adjoint de Rossiys-kaïa Gazeta. Il fut correspon-dant à Paris de la Komsomols-kaïa Pravda entre 1987 et 1993.

Le futur n’était pas loin, quand nos joueurs ne gagneraient plus pour la patrie, mais pour eux-mêmes.

PHOTOGRAPHIE DE LA

NOUVELLE RUSSIE, 1991-2010

23 JUIN – 29 AOÛT 2010MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE, 5/7 RUE DE FOURCY, PARIS

Ce n’est qu’avec la Perestroïka qu’apparut enfin au grand jour l’art non officiel représenté par Alexander Abasa, Vladimir Mi-choukov, Vladimir Siomine, et sur-tout Igor Moukhine, qui se mon-tre particulièrement attentif à la dialectique entre les vestiges du communisme et l’émergence d’un capitalisme totalement débridé. L’exposition embrasse des artistes qui ne se définissent pas à pro-prement parler comme des pho-tographes. Les plus grands noms sont réunis pour la circonstance : Serguei Bra-tkov, Vladislav Mamychev-Monro, Oleg Kulik et le groupe AES+F.

www.mep-fr.org ›

FESTIVAL « VOICES »

4–9 JUILLET 2010VOLOGDA/ RUSSIE

Promouvoir un cinéma européen indépendant, jeune et créatif, dans une ville de la très lointaine province : tel est le défi de cet-te première édition du Festival VOICES. Au programme : une sélection d’une dizaine de longs métrages inédits en Russie, réa-lisés par des metteurs en scène européens.

www.voices-festival.org ›

À L’AFFICHE DE L’ANNÉE CROISÉE 2010

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITEWWW.FR.RBTH.RU

La plupart ne sont jamais venus en Russie, mais beaucoup en ont rêvé. Tous attendent que leur ac-cointance du pays et de ses es-paces infi nis, de littéraire devien-ne réelle.Au programme, les bibliothè-ques, universités, librairies, Al-liances françaises de Nijni-No-vgorod, Kazan, Ekaterinbourg, Novossibirsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, Oulan-Oude, et Vla-divostok, où les attendent les éternels amoureux de la Fran-ce, qui ne sont souvent jamais sortis de leur région d’origine. À chaque rendez-vous, quelques dizaines de lecteurs, parfois éru-dits, indéniablement curieux, ravis surtout de pouvoir serrer la main d’un écrivain qu’ils ne connaissent pas toujours, mais liront sans faute. Pourtant, l’émotion est surtout du côté des voyageurs français. « C’est dif-fi cile de vous dire ce que nous ressentons, à chaud. Le senti-ment de la rencontre est trop fort. Il se développera dans le temps, et prendra forme dans le souvenir », s’excuse Sylvie Germain devant les hôtes d’Irkoutsk qui la pressent de

s’exprimer sur ses impressions baïkaliennes. Ils voulaient la vraie Russie, loin des capitales. Ils l’ont eue. Cer-taines tables rondes ne manquent pas de surprendre. « C’est in-croyable ! Ils nous ont accusés de ne rien connaître de la Rus-sie que les ours et la vodka ! » s’emporte Dominique Fernandez, à l’issue d’un débat avec des lec-teurs. Pendant ce temps, Guy Goffette et Jean Echenoz étaient aux prises avec les habitués de la Maison des écrivains qui exi-geaient que l’on cesse d’utiliser des gros mots dans la littératu-re, parce que ça corrompt l’âme et l’esprit. Mais les villes et leurs hôtels ne sont que des haltes. La véritable aventure, c’est le che-min de fer. Deux semaines sur les rails, et les usages de la vie de train n’a plus de secrets pour eux. Instal-lés dans des compartiments confortables, les écrivains ont pris les habitudes des voyageurs des grandes lignes. Les soirées sont faites de promenades dans les couloirs, en chaussons, de dé-gustation joyeuse de vodka tiède, et de conversations intermina-bles sur le sens du voyage et de la littérature, dans la fumée

dense de cigarettes, entre deux wagons. « Je parcours le même chemin que les héros de mon Car-net de route imaginaire d’un combattant de la Légion tchè-que, qui s’est emparée du Trans-sibérien pendant la Première Guerre mondiale, explique Kris,

scénariste de BD, et je réalise un rêve de gosse ». « Tous les ma-tins, on met les montres à l’heu-re. Le train avance et le soleil retarde », écrivait nerveusement Cendrars dans sa Prose du Trans-sibérien. Il y a sept heures de dé-calage horaire entre Paris et Oulan-Oudé. Chaque nuit pas-sée sur les rails raccourcit un peu la journée qui suit. Ce qui ne l’empêche pas d’être longue et chargée. L’objectif de l’entrepri-se ne se réduit pas à présenter les écrivains français aux Rus-ses. Il s’agit aussi de les initier aux trésors lointains et insoup-

çonnés de la Russie des confi ns. « Ce voyage va changer ma vie. Je m’attendais à quelque chose de très protocolaire. Mais c’est une aventure géographique et humaine inouïe », s’émerveille Maylis de Kerangal, en escala-dant une colline qui surplombe les vastitudes verdoyantes de la région bouriate. L’immersion est assurée : l’après-midi est passé dans une famille de Vieux-Croyants, qui n’hésitent pas à ac-coutrer Danièle Sallenave et Do-minique Fernandez de costumes traditionnels pour jouer le rituel des épousailles, déclenchant l’hi-larité de leurs confrères français. De bonne foi, les écrivains et les journalistes qui les accompa-gnent, se prêtent à toutes les mises en scène, émerveillés comme des enfants face à un monde qu’ils découvrent. Cer-tes, ils auront vu quelque chose d’une autre Russie, et ils auront sans doute attrapé la maladie du voyage qui rongeait Blaise Cendrars. Le seul regret, c’est que pour comprendre pleine-ment le pays et ses habitants, il vaut mieux voyager en troisiè-me classe, mêlé au commun des voyageurs et aux senteurs de poulet fumé et de cornichons.

KIRILL PRIVALOVSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

RosSotroudnitchesvo, sorte

d’Alliance Française version

russe, a organisé le mois dernier

un festival-rencontre entre des

enfants russes et français pour

rapprocher les deux peuples.

« Sur le pont d`Avignon on y danse tous en rond...» Il n’était pas rare d’entendre cette chan-sonnette provençale, tout comme la langue russe, fi n mai dans les rues d’Avignon où se tenait le premier forum des enfants fran-co-russe. Après la chute de l’URSS qui entraîna la dispari-tion de la grande colonie inter-nationale de pionniers « Artek »,

Dialogue de la jeunesse sur le Pont d’Avignon

Festival Quand jeunes Français et Russes se rencontrent pour parler culture

en Crimée, et d’autres institu-tions de ce genre, il ne restait plus de lieux de rencontre pour les jeunes. C’est pourquoi les organisateurs se sont appliqués à faire de la place aux enfants des différen-tes régions de Russie et de Fran-ce. Il y avait des artistes en herbe du Daguestan, d’Orenbourg, de Grozny, de Voronej, de Nijni-No-vgorod et de Moscou. Les Avi-gnonnais, habitués à accueillir tous les ans le festival interna-tional de théâtre, étaient subju-gués par le professionnalisme des enfants. Et les Français n’étaient pas en reste, ayant en-voyé à Avignon un groupe de clowns et une chorale d’enfants de Lyon.

Le premier soir, une grande pa-rade à traversé la ville, en mu-sique, et entraîné tous ceux qui le voulaient à la soirée de gala qui inaugurait le festival, sur la place centrale de la ville. Le programme était chargé : des ateliers et des master-classes, des spectacles et des concerts, des pique-niques. Le ton était donné par la chanteuse Mireille Ma-thieu, la marraine du festival. Selon Farit Moukhametchine, le directeur de RosSotroudnitches-tvo, c’est en discutant avec elle

que l’idée de cette rencontre fran-co-russe est née. Mireille Mathieu donna une ré-ception en son nom au Palais des Papes, sans accepter pour autant de monter sur scène dans sa ville natale. Elle chanta seulement, a cappella, avec les enfants russes, son vieux tube « Tous les enfants chantent avec moi »… Et la ville entière reprit en choeur le refrain et ses vibrants « la la la ».

Le programme des enfants était chargé : des ateliers, des specta-

cles et des concerts sous les yeux de Mireille Mathieu

Des Vieux-Croyants accoutrent Sallenave et Fernandez en costumes traditionnels de mariage

Jean Echenoz, Patrick Deville et Olivier Rollin dans un village de Sibérie. Des vieux croyants les ont tancé sur la présence de gros mots

dans la littérature.

Regardez le diaporama surwww.fr.rbth.ru

SUITE DE LA PAGE 1

Sur les traces de Cendrars

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12LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.FR.RBTH.RU

COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Culture

RECETTE

L’okrochka ou la vie !

Mon beau mari russe souffre des excès de la semaine derniè-re. Il a trop mangé de mauvaise bouffe, bu beaucoup trop d’al-cool, il n’a pas fait assez d’exer-cice, et au boulot, il brûle la chandelle par les deux bouts. Soudain, il frappe du poing le comptoir de la cuisine et crie : « Kéfir et haltères ! » J’acquies-ce distraitement en ajoutant le kéfir à la liste des courses. Nous avons déjà les haltères. « Kéfir et haltères ! » est l’éter-nel cri de ralliement masculin du dimanche soir, de Kalinin-grad à Ioujno-Sakhalinsk. L’es-sentiel, c’est la santé, se disent-ils en se dirigeant vers la salle de sport en jogging de l’équipe olympique russe. Là, ils errent en regardant d’un air stupide les étranges machines, puis courent beaucoup trop vite sur le ta-pis de course pendant trois mi-nutes trente. À bout de souffle, ils attrapent des haltères beau-coup trop lourds pour un type qui fait deux fois leur taille, font un demi-mouvement, avant de les laisser retomber au sol avec un grognement. Ayant retrouvé leurs esprits, ils se dirigent, avec soulagement et résignation, vers la seule chose qui maintient en vie l’homme russe : le bania (sorte de sauna humide). L’enthousiasme initial pour un régime sain est aussi fragile. Les épouses sont encouragées à remplir la maison de fruits frais, légumes et kéfir, auquel on attribue, en Europe de l’Est,

Jennifer Eremeeva SPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

des pouvoirs supérieurs à la péni-cilline. Le problème, c’est que ce n’est pas goûteux, et les hommes russes n’ont pas été créés pour le supporter plus d’une journée. C’est aussi la durée réelle d’un ré-gime austère.C’est pourquoi j’ai pensé à l’okro-chka. Cette soupe froide estiva-le est traditionnellement prépa-rée avec du kvas, une boisson de blé fermentée, mais ça marche aussi avec du kéfir que l’on trou-ve plus facilement hors de Russie et d’Ukraine, et qui a l’avantage de représenter la moitié du dog-me kéfir + haltères.L’okrochka allie le croquant des lé-gumes frais, la viande et les œufs, pour une soupe à la fois rafraîchis-sante et nourrissante. Les recettes traditionnelles varient largement, ce qui rappelle leurs origines à ba-se de « mélangez tout ce qui reste dans le garde-manger ». Il existe aussi des préférences ré-gionales : certains utilisent la lan-gue de bœuf ou la saucisse pour la viande, d’autres le poisson fumé ou le jambon. Toutes les versions comportent des concombres frais, de la ciboulette, de l’aneth, des radis et des œufs durs.Faire suivre son régime à mon beau mari fut chose aisée avec cette version saine de l’okrochka : du kéfir allégé, du blanc de din-de à la place de la saucisse, et un seul jaune d’œuf au lieu de deux. Les légumes frais et l’aneth ont fait le reste, et je suis heureuse d’annoncer qu’il est fin prêt pour les haltères.

Ingrédients :

1 litre de kéfir (choisissez la te-neur en matière grasse qui vous convient)1 verre d’eau froide300 g de viande ou poisson, en dés1 concombre, pelé et égrainé, en dés6 radis, en dés4 ciboules finement hachées½ verres d’aneth frais1 cuiller à soupe de sucre1 cuiller à soupe de gros sel2 cuillers à soupe de moutarde de Dijon2 œufs durs

Préparation :

Faites cuire les œufs (17 minu-tes dans de l’eau bouillante salée), puis plongez-les dans un bol d’eau glacée, pour mieux séparer les blancs des jaunes. Enlevez la coquille, séparez les

blancs des jaunes, coupez les blancs en cubes et mettez de côté.Placez les jaunes dans un grand bol et ajoutez la moutarde, le sucre et le sel. Mélangez jusqu’à l’obtention d’une pâte. À l’aide d’un fouet, incorporez lente-ment le kéfir et l’eau à la pâte, en vous assurant que le mélange est homo-gène. (NB : à cet endroit des recettes traditionnelles, on ajoute une cuille-rée généreuse de crème fraîche. Pour des raisons d’économie, de calories et de matières grasses, j’ai sauté cette étape, sans que le résultat en souffre. Vous pouvez aussi ajouter du yaourt grec, aussi crémeux mais moins calo-rique que la crème fraîche). Ajoutez le reste des ingrédients et ré-frigérez pendant au moins deux heu-res avant de servir.

Découvrez d’autres variations surwww.fr.rbth.ru

MARIA TCHOBANOVSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’Institut de France se tranforme

du 15 juin au 4 juillet en un

musée miniature d’histoire de

l’Académie russe des Arts.

Des pièces d’archives, des pho-tographies et des œuvres d’art soulignent le rôle qu’ont joué de-puis trois cents ans les arts et sciences de France dans l’émer-gence de l’école académique et de l’art russes. La vraie surprise de cette expo-sition sera, selon le Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts Arnaud d’Hauteri-ves, le tableau monumental (3mètres par 4,5) du portraitiste français André Brouillet, récem-ment redécouvert par l’artiste russe Zourab Tsereteli, qui l’a fait restaurer à ses frais. La toile re-présente la visite de l’empereur russe Nicolas II à l’Académie française en compagnie du Pré-sident Français Félix Faure le 7 octobre 1896.

Portrait impérial à l’Institut de FranceExposition L’Académie des Beaux-Arts russe présente des pièces uniques à Paris

« Du point de vue artistique, ce n’est sans doute pas un chef-d’œuvre, mais c’est une page d’histoire, témoignage vivant d’une époque où la France était

véritablement tournée vers la Russie. André Brouillet suscitait un très grand respect parmi ses contemporains. Il est remarqua-ble que tous les personnages de

ce tableau énorme, le couple im-périal mis à part, aient accepté de poser spécialement pour le peintre », explique Arnaud d’Hauterives.

Arnaud d’Hauterives devant une toile monumentale du portraitiste français André Brouillet.

JOHN VAROLISPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Frustrées par un marché

intérieur de l’art contemporain

sous-développé et stagnant,

quelques galeries russes se

procurent des débouchés en

ouvrant des succursales en

Europe et aux États-Unis.

Depuis mars, deux galeries mos-covites ont ouvert en Occident, et au moins deux autres ont le même projet, rejoignant Orel Art à Paris. Cette dernière a été fon-dée en 2001 par la Russe Ilona Orel, qui présente de grands ar-tistes compatriotes, tels que Va-lery Kochliakov et le duo Komar et Melamid. C’était le premier espace de la capitale française à se spécialiser dans l’art russe. Huit ans plus tard, en 2009, Orel a ouvert une fi liale à Londres. Les fi liales étrangères de ces ga-leries ont pour ambition de pro-mouvoir l’art contemporain russe aux collectionneurs internatio-naux. Mais en s’implantant du-rablement à l’étranger, elles auront aussi la possibilité de tra-vailler efficacement avec des ar-tistes non russes, et de devenir à terme des acteurs de premier plan sur le marché de l’art internatio-nal. « Ouvrir un espace d’exposition en dehors de Moscou, telle est la nouvelle tendance parmi les jeu-nes galeries moscovites ambi-tieuses, qui se sentent à l’étroit ici : un groupe d’acheteurs ré-guliers réduit, peu d’artistes no-vateurs et dynamiques, et l’ab-sence d’une infrastructure aidant les galeries à se développer », ex-plique Marina Goncharenko, propriétaire de la galerie GMG,

Ouvrir boutique à l’Ouest

Art contemporain Les collectionneurs occidentaux d’art russe servis à domicile

qui envisage aussi une expan-sion à l’international. Le 15 mars, Art Kvartal est de-venue la première galerie de Moscou à ouvrir un espace en dehors du pays, en choisissant Phoenix, dans l’Arizona, à cause de la scène artistique particuliè-rement vibrante de cette métro-pole du Sud-Ouest des États-Unis qui attire les riches collectionneurs américains. « J’ai besoin d’une galerie aux États-Unis, parce que 70% de mes acheteurs à Moscou sont des étrangers, surtout des expats », dit Alexandre Charov, le proprié-taire. « Très peu de Russes achètent de l’art contemporain, et la plupart préfèrent les antiquités ou les ob-jets de luxe, voitures et yachts, parce qu’ils ont du mal à com-

prendre la valeur durable de l’art contemporain, et le fait qu’elle ne fera qu’augmenter avec le temps ».« La Russie, ce n’est pas que du gaz et du pétrole à l’export, et les beaux arts ont toutes leurs chances de devenir un produit d’exportation important et lu-cratif », soutient Charov, un homme d’affaires moscovite qui a fait fortune dans la négocia-tion de titres fi nanciers. « Je vois que les collectionneurs étrangers, et je parle de gens qui s’y connais-sent vraiment en art, ont une grande estime pour l’art russe ».La galerie Regina a inauguré un espace sur deux étages dans le quartier Fitzrovia de Londres, le 29 avril. Le site va « présenter l’art international le plus fasci-

nant et en même temps se concentrer sur les artistes recon-nus et émergents de Russie et d’Ukraine », commente son pro-priétaire Vladimir Ovtcharenko. « Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous avons choisi Lon-dres », explique-t-il. « D’abord, nous avons un groupe fantasti-que d’artistes russes que nous voulons montrer plus souvent au public international. Ensuite, de plus en plus de nos clients rus-ses et ukrainiens vivent à Lon-dres, et nous devons être là où ils sont, sinon, ils iront voir ailleurs ».La galerie Heritage de Moscou, qui se spécialise dans l’art des artistes émigrés des années 1920 et l’art contemporain, prévoit également d’ouvrir un espace à Londres en automne.

Exposition de Dubossarsky & Vinogradov à la Gallerie Orel. Paris, 2007

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