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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Mercredi 21 juillet 2010 ALEXANDER AVERIN PAUL DUVERNET SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Les jeunes artistes sur le « qui-vive » Art contemporain 63 expositions attirent ce mois-ci à Moscou une nouvelle génération de créateurs venus du monde entier SUITE EN PAGE 3 SUITE EN PAGE 5 Personne ne sait au juste combien d’indépendants travaillent en Russie. Une chose est sûre : le nombre de consultants et d’intérimaires grimpe à toute allure. Le groupe français teste actuellement son train pendulaire sur les voies ferrées russes en prévision de son exploitation sur la ligne reliant Saint-Pétersbourg à Helsinki. Polina Greus, jeune chercheuse en économie à l’Université d’État de Moscou, est devenue artisan- te textile indépendante par ha- sard en entrant dans un maga- sin de jouets. Elle est tombée sur une petite annonce proposant des cours de fabrication de pou- pées. Venue pour acheter quel- que chose à son fils, elle est res- sortie avec un abonnement à l’atelier indiqué. Aujourd’hui, il lui faut deux semaines environ pour fabriquer une poupée, en travaillant de 9 à 17 h. Enceinte de son deuxème enfant, Polina trouve que son activité de tra- vailleur indépendant complète agréablement ses revenus. « Ce n’est qu’une toute petite fraction de mon salaire à l’uni- Les travailleurs indépendants ont le vent en poupe Train pendulaire : le projet d’Alstom sur les rails Emploi La crise change le marché Transport La grande vitesse s’installe L’expert Ilia Kramnik s’inter- roge sur le refus du Kremlin d’intervenir pour stopper la vio- lence au Kirghizstan. Plus de trains pour préserver la justice sociale, ou plus de voi- tures pour rerspecter la liberté individuelle... la Russie n’a pas encore trouvé sa voie. PAGE 8 PAGE 8 Mollesse en Asie Centrale Bien commun ou liberté DÉBATS ET OPINIONS Medvedev n’est pas revenu des États-Unis les poches vides malgré l’affaire des espions. Réchauffement PAGE 2 PAGE 7 Rédemption nordique L’archipel des îles Solovki a tiré un trait sur son passé tragique et devient une destination touristi- que très prisée. Le groupe français a avalé un gros concurrent local et se pose d’un coup en numéro 2 sur le marché laitier russe. PAGE 4 Selon Alstom Transport, les es- sais réalisés jusqu’à une vitesse de 120 km/h se sont révélés concluants. Reste encore à tes- ter la grande vitesse (220 km/h) sur les voies ferrées russes. Invités à couvrir l’événement par la compagnie des chemins de fer russe (RJD), les médias locaux ne se sont pas fait prier pour re- layer l’information auprès de la population. Ce train pendulaire, nettement plus rapide que le ma- tériel classique, va permettre de réduire la durée du trajet de 5h30 aujourd’hui à 3h50 dès qu’il en- trera en exploitation, c’est-à-di- re en décembre de cette année. OLGA RAZUMOVSKAYA THE MOSCOW TIMES « En franchissant la frontière » de l’artiste méxicaine Daniela Edburg, évoque l’absurdité des barrières nationales. versité, dit Polina. Le travail indépendant est aussi une façon de m’exprimer ». Selon Denis Strebkov, sociolo- gue à la Haute École d’Écono- mie, parmi les 70 millions d’ac- tifs en Russie, ils sont aujourd’hui 500 à 600 000 indépendants à temps plein, soit trois fois plus qu’avant la récession de 2008. Cette proportion de 1% des tra- vailleurs qui considèrent que leur source principale de reve- nus vient du travail indépen- dant est minuscule par rapport aux 30% enregistrés aux États- Unis et en Europe. Selon la Haute École d’Économie ; 50% de tous les indépendants à plein temps gangnent jusqu’à 660 euros par mois, 30% entre 650 et 1300 euros. Enfin, 20% ga- gnent davantage. Beaucoup se définissent comme des « artis- tes libres ». EMMANUEL GRYNSZPAN SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI La seconde édition de la biennale des jeunes intègre l’effervescente création russe dans la scène internationale et favorise le dialogue de centaines d’artistes entre eux. Sasha Shchednov, 22 ans, débar- que un peu impressionné de Vo- ronej, pour participer parmi 600 autres artistes, russes comme étrangers, à cette biennale inti- tulée « Qui-vive ».Venu avec un simple sac à dos et une grosse SUITE EN PAGE 12 pile d’autocollants – de sa créa- tion – il ne rate aucun vernissa- ge et s’efforce de lier connais- sance avec autant de congénères que possible. Au vu d’un duo d’artistes allemands aux visages reliés par des fils, exécutant une chorégraphie complexe, il lâche, goguenard : « Ils sont très beaux, mais je ne vois pas bien où ils veulent en venir ». Pourtant, les autocollants d’inspiration dadaïste que Sasha colle un peu partout dans les rues ne coulent pas de source eux non plus. À l’école du Bolchoï Après 10 ans passés dans l’école de danse du célèbre ballet, la jeune danseuse Michelle Willems loue une pédagogie sévère mais qui porte ses fruits. P 10 Rolin prend le train Embarqué à bord du Transsibérien, l’écrivain nous confie à quel point la Russie l’a influencé. P 11 Danone change la donne VOSTOCK-PHOTO PHOTOXPRESS WILLIAM BRUMFIELD « Track Store », une création de Zara Alexandrova. SVETOZARA ALEKSANDROVA/YOUNGART.RU DANIELA EDBYRG/THE ATOMICS//YOUNGART.RU

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Mercredi 21 juillet 2010 Sasha Shchednov, 22 ans, débar- que un peu impressionné de Vo- ronej, pour participer parmi 600 autres artistes, russes comme étrangers, à cette biennale inti- tulée « Qui-vive ». Venu avec un simple sac à dos et une grosse SUITE EN PAGE 12 Medvedev n’est pas revenu des États-Unis les poches vides malgré l’affaire des espions. Le groupe français a avalé un gros concurrent local et se pose d’un coup en numéro 2 sur le marché laitier russe. PAGE 8

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Ce supplément de douze pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 21 juillet 2010

ALEXANDER AVERIN

PAUL DUVERNETSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les jeunes artistes sur le « qui-vive »Art contemporain 63 expositions attirent ce mois-ci à Moscou une nouvelle génération de créateurs venus du monde entier

SUITE EN PAGE 3 SUITE EN PAGE 5

Personne ne sait au juste combien d’indépendants travaillent en Russie. Une chose est sûre : le nombre de consultants et d’intérimaires grimpe à toute allure.

Le groupe français teste actuellement son train pendulaire sur les voies ferrées russes en prévision de son exploitation sur la ligne reliant Saint-Pétersbourg à Helsinki.

Polina Greus, jeune chercheuse en économie à l’Université d’État de Moscou, est devenue artisan-te textile indépendante par ha-sard en entrant dans un maga-sin de jouets. Elle est tombée sur

une petite annonce proposant des cours de fabrication de pou-pées. Venue pour acheter quel-que chose à son � ls, elle est res-sortie avec un abonnement à l’atelier indiqué. Aujourd’hui, il lui faut deux semaines environ pour fabriquer une poupée, en travaillant de 9 à 17 h. Enceinte de son deuxème enfant, Polina trouve que son activité de tra-vailleur indépendant complète agréablement ses revenus.« Ce n’est qu’une toute petite fraction de mon salaire à l’uni-

Les travailleurs indépendants ont le vent en poupe

Train pendulaire : le projet d’Alstom sur les rails

Emploi La crise change le marché Transport La grande vitesse s’installe

L’expert Ilia Kramnik s’inter-roge sur le refus du Kremlin d’intervenir pour stopper la vio-lence au Kirghizstan.

Plus de trains pour préserver la justice sociale, ou plus de voi-tures pour rerspecter la liberté individuelle... la Russie n’a pas encore trouvé sa voie.

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Mollesse en Asie Centrale

Bien communou liberté

DÉBATS ET OPINIONS

Medvedev n’est pas revenu des États-Unis les poches vides malgré l’affaire des espions.

Réchauffement

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Rédemption nordique

L’archipel des îles Solovki a tiré un trait sur son passé tragique et devient une destination touristi-que très prisée.

Le groupe français a avalé un grosconcurrent local et se pose d’un coup en numéro 2 sur lemarché laitier russe.

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Selon Alstom Transport, les es-sais réalisés jusqu’à une vitesse de 120 km/h se sont révélés concluants. Reste encore à tes-ter la grande vitesse (220 km/h)

sur les voies ferrées russes. Invités à couvrir l’événement par la compagnie des chemins de fer russe (RJD), les médias locaux ne se sont pas fait prier pour re-layer l’information auprès de la population. Ce train pendulaire, nettement plus rapide que le ma-tériel classique, va permettre de réduire la durée du trajet de 5h30 aujourd’hui à 3h50 dès qu’il en-trera en exploitation, c’est-à-di-re en décembre de cette année.

OLGA RAZUMOVSKAYATHE MOSCOW TIMES

« En franchissant la frontière » de l’artiste méxicaine Daniela Edburg, évoque l’absurdité des barrières nationales.

versité, dit Polina. Le travail indépendant est aussi une façon de m’exprimer ». Selon Denis Strebkov, sociolo-gue à la Haute École d’Écono-mie, parmi les 70 millions d’ac-tifs en Russie, ils sont aujourd’hui 500 à 600 000 indépendants à temps plein, soit trois fois plus qu’avant la récession de 2008. Cette proportion de 1% des tra-vailleurs qui considèrent que leur source principale de reve-nus vient du travail indépen-dant est minuscule par rapport aux 30% enregistrés aux États-Unis et en Europe. Selon la Haute École d’Économie ; 50% de tous les indépendants à plein temps gangnent jusqu’à 660 euros par mois, 30% entre 650 et 1300 euros. En� n, 20% ga-gnent davantage. Beaucoup se dé� nissent comme des « artis-tes libres ».

EMMANUEL GRYNSZPANSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La seconde édition de la biennale des jeunes intègre l’effervescente création russe dans la scène internationale et favorise le dialogue de centaines d’artistes entre eux.

Sasha Shchednov, 22 ans, débar-que un peu impressionné de Vo-ronej, pour participer parmi 600 autres artistes, russes comme étrangers, à cette biennale inti-tulée « Qui-vive ». Venu avec un simple sac à dos et une grosse SUITE EN PAGE 12

pile d’autocollants – de sa créa-tion – il ne rate aucun vernissa-ge et s’efforce de lier connais-sance avec autant de congénères que possible. Au vu d’un duo d’artistes allemands aux visages reliés par des � ls, exécutant une chorégraphie complexe, il lâche, goguenard : « Ils sont très beaux, mais je ne vois pas bien où ils veulent en venir ». Pourtant, les autocollants d’inspiration dadaïste que Sasha colle un peu partout dans les rues ne coulent pas de source eux non plus.

À l’école du BolchoïAprès 10 ans passés dans l’école de danse du célèbre ballet, la jeune danseuse Michelle Willems loue une pédagogie sévère mais qui porte ses fruits.

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Rolin prend le trainEmbarqué à bord du Transsibérien, l’écrivain nous confie à quel point la Russie l’a influencé.

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02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO International

L’heure reste au réchauffement malgré les espions

Relations bilatérales Les intérêts des deux pays se rejoignent

BEN ARISBUSINESS NEW EUROPE

Rapprochés par la crise mondiale et les défis géopolitiques, Moscou et Washington préfèrent taire leur divergences pour débrider les échanges économiques et technologiques.

Le président russe Dmitri Med-vedev n’est pas rentré les poches vides de sa tournée aux États-Unis en juin dernier. Des entre-prises américaines misant sur le secteur de la haute technologie en Russie – l’essence même de la volonté de modernisation de ce pays – lui ont dit ou con� rmé leur intention d’y engager d’im-portants investissements.La Russie pourrait ainsi sceller un partenariat avec la société Cisco Systems. Ce concepteur de réseaux informatiques américain prévoit d’investir plus d’un mil-liard de dollars dans le parc tech-nologique de Skolkovo, dont Moscou voudrait faire l’équiva-lent de la Silicon Valley dans les environs de la capitale.« Je con� rme effectivement que notre société est en pourparlers à propos du projet Skolkovo », a déclaré Alexander Palladin, un porte-parole de Cisco Systems Russie. « Les détails sont actuel-lement examinés au siège de la société aux États-Unis ».Depuis sa prise de fonctions, M.Medvedev s’efforce de condui-re une révolution tranquille pour faire entrer la Russie dans le vingt-et-unième siècle. La tâche nécessite de profondes réformes s’attaquant notamment à des problèmes aussi solidement en-racinés que la corruption et une bureaucratie écrasante.

Avant son voyage, M.Medvedev avait, lors du Forum économi-que annuel du Kremlin à Saint-Pétersbourg, fortement critiqué le rôle dominant de l’État dans l’économie : « Les gens pensent souvent que c’est la personne qui récolte les pommes qui fait le plus gros du travail, mais en réa-lité, la tâche cruciale revient à celui qui plante le pommier », avait-il déclaré dans son discours du 18 juin dernier. « L’État ne doit pas systématiquement ré-colter seul les pommes. Dans une économie libre, il y a toujours des personnes capables de le faire mieux et plus vite ». Élément clé de la reconstruction

de l’image de la Russie sur la scène internationale, la visite américaine a donné lieu un ac-cueil des plus chaleureux à Washington. Le Président Ba-rack Obama est lui aussi dési-reux d’actionner le bouton du « redémarrage » de la relation américano-russe.Les deux pays ont abandonné la diplomatie des bruits de bot-tes pour se recentrer sur leurs intérêts économiques partagés : ce sont désormais les affaires qui dictent l’ordre du jour. La preu-ve en est fournie par la décision de M. Medvedev de commencer sa tournée par une étape de plu-sieurs jours en Californie où il a, entre autres, ouvert un comp-te Twitter et reçu un iPhone 4G

de la part de Steve Jobs, le PDG de Apple.À Washington, les deux chefs d’État ont signé un éventail d’ac-cords dans les domaines de la sécurité, du commerce et de la coopération intergouvernemen-tale. Mais on retiendra surtout le geste du Président Obama qui s’est engagé à soutenir ferme-ment la candidature de la Rus-sie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), un dossier vieux de dix-sept ans. Toutefois, juste après le départ de M.Medvedev pour le sommet du G20 au Canada, un événe-ment est venu ternir l’éclat de sa tournée, avec l’annonce de l’arrestation de onze personnes accusées d’espionnage sur le ter-ritoire américain pour le comp-te de la Russie. Washington et Moscou ont aus-sitôt cherché à minimiser le scan-dale en affirmant qu’il n’aurait aucune incidence sur les rela-tions entre les deux gouverne-ments. Certains commentateurs n’ont pas tardé à prétendre que les arrestations avaient été or-chestrées dans les cercles washingtoniens par un groupus-cule hostile aux efforts de rap-prochement avec Moscou entre-pris par M.Obama. Pour autant, une avalanche de gros titres dignes de la Guerre froide, au moment où M.Medve-dev arrivait à Toronto pour la conférence du G20, ne semble pas devoir entamer le prestige nettement en hausse de la Rus-sie. Timothy Ash, économiste en chef au sein de la Royal Bank of Scotland, estime « évident » que les intérêts de la Russie et de l’Amérique « sont actuellement sur la même ligne ».

l’amélioration des relations russo-américaines », a déclaré le ministè-re des Affaires étrangères russe.Pour Moscou, l’incident d’espion-nage est désormais clos. Selon Le Kremlin, les liens entre Washing-ton et Moscou pourraient même en ressortir raffermis. Les dix agents arrêtés aux États-Unis ont été sou-mis, à leur retour, à un interroga-toire des services secrets russes.À Washington, le chef de cabinet du Président Obama, Rahm Ema-nuel, a indiqué que l’arrestation des espions « lance un signal clair, non seulement à la Russie mais aux autres pays qui voudraient es-sayer [d’envoyer secrètement des agents], que nous les surveillons ».

Voir aussi notre revue de la presse russe en PAGE 9.

Espions démasqués et échangésDix agents travaillant pour les ser-vices de renseignement extérieurs russes ont été inculpés, le 27 juin dernier, « d’avoir comploté comme agents secrets aux États-Unis pour le compte de la Fédération de Rus-sie », neuf d’entre eux étant éga-lement accusés de blanchiment d’argent.Ces dix agents « dormants » ont été expédiés à Vienne par les États-Unis dans le cadre d’un échange d’espions entre les deux pays, le premier depuis la fin de la Guerre froide. Moscou a de son côté libéré quatre individus déte-nus depuis longtemps « pour des contacts présumés avec les ser-vices de renseignement occiden-taux ». « Cette action a été accom-plie dans le contexte général de

Barack Obama s’est engagé à soutenir la candidature de la Russie auprès de l’OMC.

BEN ARIS, TIM GOSLINGSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La Russie tente de se frayer un passage sur le continent noir et affronte la forte concurrence des pays occidentaux, mais aussi des asiatiques en quête de ressources naturelles.

ALEXEI NIKOLSKY, ALENA CHECHEL, MAXIM TOVKAYLO VEDOMOSTI

Le coup d’envoi de la nouvelle union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan a été donné le 6 juillet dernier. Mais plusieurs questions essentielles restent en suspens.

Matières premières Rivalités internationales Douanes L’Eurasie passe au libre-échange

Moscou joue des coudes en Afrique

Le groupe français Total a déjà manœuvré pour faire échouer un projet du pétrolier russe Loukoil en Ouganda. Le russe discute avec le gouvernement local depuis le début de cette année pour déve-lopper cinq champs pétroliers près du lac Albert. Loukoil sem-ble avoir de bonnes chances de décrocher l’affaire. Les entrepri-ses russes béné� cient désormais d’un solide soutien du Kremlin. L’Ouganda négocie parallèlement l’achat de six avions de chasse Su-30 MK2. Un troc avions contre pétrole arrangerait bien Kampa-la, qui n’a pas les 300 millions de dollars nécessaires. Troc que Total n’est pas en mesure de propo-ser. Les sociétés russes sont déjà bien ancrées dans l’économie africai-

ne. Loukoil travaille sur quatre projets en Afrique contre trois pour le géant d’Etat Gazprom . Les métallurgistes russes Rusal, Norilsk Nickel et Evraz exploi-tent déjà des mines dans plusieurs pays africains. Le � ot des inves-tissements directs russes a connu un léger tarissement à cause de la crise, mais reprend cette année, comme en témoigne l’achat par Severstal de 16,5% de Core Mi-ning avec une option sur une part de 44% supplémentaire. Ce grou-pe panafricain possède des gise-ments de minerai de fer au Gabon et en République démocratique du Congo Brazzaville. La banque HSBC a publié le 30 juin dernier un rapport assez alar-miste sur l’avenir des entreprises occidentales en Afrique. En forme de mise en garde : si les sociétés occidentales commencent à in-vestir et créer des entreprises sur des marchés à évolution rapide, elles courent un vrai risque de se retrouver hors jeu. Certaines éli-tes politique formées à Moscou pendant la décolonisation gar-dent une grande estime pour le « grand frère » russe, bien qu’il

ait été pratiquement absent du continent pendant 20 ans.L’Afrique a attiré un total de 88 milliards de dollars d’investisse-ments en 2008. Chinois et Indiens se montrés les plus agressifs en investissant respectivement 14,4 et 16,7 milliards de dollars. En comparaison, l’Afrique ne repré-sente que 2% des investissements

russes à l’étranger (4 milliards de dollars) contre 10% pour les chinois. Avec l’émergence des appétits chinois et indiens pour les ma-tières premières africaines, le continent noir devient un terrain de batailles féroces entre multi-nationales anxieuses d’assurer leur base minérale.

Marché commun des grincheux

On a ignoré jusqu’au dernier mo-ment si la nouvelle union pour-rait fonctionner au grand com-plet, car ce n’est que la veille de l’accord que le président biélo-russe Alexandre Loukachenko a annoncé la rati� cation des trai-tés relatifs au code douanier. La principale revendication de Minsk était le maintien des avan-tageux tarifs russes à l’exporta-tion vers le Belarus du pétrole et des produits pétroliers. Loukachenko a � ni par taire la question des taxes sur le pétro-le importé de Russie, en se limi-tant à dire que « toute union entre les États proches et frater-nels est faite pour le bien de ceux-ci. On avisera par la suite ». L’économie biélorusse dépend très fortement des livraisons énergétiques à des prix bien in-férieurs au marché. Autre question à l’origine des di-vergences mais résolue en faveur

de Minsk : la Russie a accepté de maintenir les taxes actuelles sur les voitures importées de l’étranger par des particuliers. Ces tarifs préférentiels vont res-ter en vigueur au moins jusqu’au 1er juillet 2011. Les Biélorusses paient des taxes beaucoup plus faibles que les Russes, car le Kremlin veut protéger son in-dustrie automobile, tandis que Minsk (comme Astana côté Ka-zakhstan) n’a plus rien à défen-dre sur ce terrain. La rati� cation du Code doua-nier ne signi� e pas que la Bié-lorussie a renoncé à ses reven-dications. Les différends existent toujours, indique Alexei Portans-ky de l’École des Hautes Études en Sciences économiques : « Ils ont convenu entre eux que le mo-ment était mal choisit économi-quement pour une dispute avec la Russie ». Par ailleurs, le règlement de l’union douanière est conforme aux exigences de l’Organisation mondiale du Commerce et le groupe de travail conjoint conti-nue ses démarches en vue de l’ad-hésion à l’OMC. Mais Moscou se réserve désormais le droit d’ac-céder en solo à l’organisation, laissant ses compères de l’union se débrouiller tout seuls.

MILLIARDS DE DOLLARS Commerce entre la Russie et les États-Unis de janvier à avril 2010. Le commerce avec la France s’élè-ve à 6,25 milliards de dollars.

Taux de croissance du commerce entre la Russie et les États-Unis par rapport 2009. Les échanges avec la France ont bondit de 37,9%

5,43

10,1%

CHIFFRES CLÉS

Les deux pays délaissent la diplomatie des bruits de bottes et se concentrent sur leurs intérêts économiques

Diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

L’Afrique n’attire pour l’instant que 1,5% des investissements directs russes.

SOURCE : SERVICE FÉDÉRAL DES DOUANES RUSSES

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

03Société

NATALYA KRAINOVATHE MOSCOW TIMES

Le contrat de mariage s’impose bien plus lentement en Russie qu’en Occident. La faute en incombe au romantisme des Russes, mais aussi au schéma patriarcal de la famille.

Contrat et contrariétésMariage Les contrats prénuptiaux entrent difficilement dans les mœurs

Les indépendants ont le vent en poupe

Nikolaï Dolgopolov

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La Russie était absente de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Céder avec aussi peu de

talent face aux Slovènes, mais en ayant fait une belle brin-gue la veille du match retour dans les bars de Moscou, il n’y avait que notre équipe natio-nale pour le faire. Pourtant, elle avait tout pour elle : le cé-lèbre entraîneur hollandais Hiddink au riche palmarès, d’excellents joueurs comme Archavine, d’énormes primes promises avec une générosité toute russe pour la seule qua-li� cation. Et une élimination à l’arrivée…C’est pourquoi de nombreux Russes, croyez-le ou non, sup-portaient la France. Zidane, Henry, Anelka, vos gars sont devenus un peu nos gars aussi. Ils sont Européens - les Rus-ses les comprennent - qui plus est de France, ce pays que les Russes ont toujours aimé.

Et puis les vôtres et les nôtres attendent toujours un miracle. Parfois il advient. Mais par-fois la fortune tourne le dos. Et nous avons pleuré ensem-ble les Bleus, qui ont marqué leur premier et unique but dans la seconde mi-temps du dernier match. Vous n’étiez pas dans le groupe mortel mais avez, comme nous, signé vous-mêmes votre arrêt de mort.Cela dit, le foot a un avantage. La condamnation ou la sanc-tion n’est pas dé� nitive. Ne res-tent que des remords de la conscience et des cicatrices sur le cœur. Et à chaque fois tout recommence à zéro. Notre ma-gni� que gardien de buts Lev Iachine et votre extraordinai-re buteur Juste Fontaine regar-deront, l’un des cieux, l’autre de sa résidence, la renaissance de nos équipes. Nous avons ap-pelé à l’aide un autre Hollan-dais, Advokaat, tandis que vous avez sollicité Blanc : vous avez toujours été réticents à l’inva-sion étrangère. Un seul objec-tif : participer à la Coupe de monde de 2014, au Brésil, et avant cela, en 2012, à la Coupe d’Europe, en Pologne et en Ukraine. Avec un tel amour po-pulaire pour le ballon rond et la masse de talents qui nais-sent parmi nous, c’est tout à fait réalisable. La période où l’on se couvre la tête de cen-dres et se lamente est termi-née. Au travail, les amis. J’ai failli écrire « camarades ».

SOUVENIRS, SOUVENIRS...

Football : nous avons compati à vos souffrances

Les indépendants ont aussi ten-dance à être des « êtres noctur-nes » car ils travaillent souvent à partir de l’après-midi et jus-que tard dans la nuit, notent les sociologues. Ce n’est pas la seule différence observée entre la Russie et l’Occident. Les tra-vailleurs indépendants dans ce pays sont 22% à l’être totale-ment, alors que 44% continuent à occuper un poste à plein temps, selon l’étude de Strebkov pu-bliée l’année dernière par la

Ce n’est qu’au moment de divor-cer qu’Ekaterina, une experte en marketing de 28 ans originaire de Moscou, a signé un contrat de mariage avec son mari. Il s’agissait de partager l’apparte-ment qu’ils avaient acheté avec son argent à elle, mais dont ils étaient propriétaires tous les deux. Son conjoint a � ni par lui laisser la totalité de l’apparte-ment, dénouement heureux après des semaines d’inquiétude. « Quand tout va bien, on ne pense pas à ce genre de choses », consta-te la jeune femme.Selon les statistiques officielles, sur 1,2 millions de couples rus-

ses qui se sont mariés en 2009, 25 000 seulement, soit 2%, ont signé des contrats stipulant les conditions d’une séparation de biens. Pourtant, 58% des maria-ges russes tournent au divorce.Les contrats vont à l’encontre de la mentalité conservatrice russe, dans laquelle n’entre guère la conclusion d’un marché autour d’affaires de cœur. L’accord pré-nuptial place les conjoints sur un pied d’égalité, ce qui est totale-ment inacceptable dans le sché-ma patriarcal de la famille russe, comme l’explique Kirill Podya-chev, sociologue : « Le mariage est une soumission complète de la femme à l’homme. Le devoir de la femme est de céder en tout à son mari. Les Russes considè-rent que l’amour et le contrat de mariage sont incompatibles ».Le système législatif n’a intro-duit le concept de contrat de ma-riage qu’en 1966. À l’époque so-viétique, il n’y en avait nul besoin,

Les citadins plus inciinés au contratSUR 1 000 PERSONNES INTERROGÉES À MOSCOU, SAINT-PÉTERSBOURG, EKATERINBOURG ET NOVOSSIBIRSK, UNE LARGE MAJORITÉ SE SONT DÉCLARÉES FAVORABLES À LA DIVISION DES BIENS PAR CONTRAT.

ce une question qui avait jusque-là peu de chances de se poser. En cinq ans, le nombre de mariages à contrats a été multiplié par quatre, soit de 5000 en 2005 à 25 000 en 2009.

[email protected] larussiedaujourdhui.fr/lettres

des mariages en Russie finissent par un divorce.

58%LE CHIFFRE - CLÉ

Nikolaï Dolgopolov est vice – président de l’AIPS (presse sportive) et rédacteur en chef adjoint de Rossiyskaïa Gazeta.

Parfois la fortune nous tourne son dos. Et nous avons pleuré ensemble la défaite des Bleus

En outre, les sociologues obser-vent que les couples faisant appel à un avocat avant d’échan-ger leurs vœux n’appartenaient à aucune catégorie d’âge ou so-ciale précise. Toutefois, la législation est en-core imparfaite car elle ne cou-vre que les droits de propriété, indique l’avocate Olessia Iermo-lenko. En Occident, ces contrats répartissent aussi les tâches mé-nagères, les pensions alimen-taires et les droits de visite auprès des enfants. Le cabinet d’Olessia rédige des contrats de mariage qui peuvent être signés après l’union. Les affaires � uctuent en fonc-tion des saisons, avec une aug-mentation en mars, avril, août et septembre. Les couples ma-riés pensent souvent aux contrats après les fêtes, particulièrement le Nouvel An, quand l’abus de vodka fait tourner les relations familiales... au vinaigre.

parce que les gens ne possédaient pas grand-chose à contester en cas de divorce. Mais aujourd’hui, alors que le niveau de vie aug-mente, de plus en plus de cou-ples ont intérêt à régler à l’avan-

SUITE DE LA PAGE 1Haute école d’économie en coo-pération avec freelance.ru. En outre, 18% des étudiants, 8% des entrepreneurs et 5% des femmes au foyer exercent di-vers métiers complémentaires en indépendants. Mais cette liberté a un prix : l’instabilité des revenus. Même si un projet rapporte beaucoup, les délais de paiement peuvent être longs et les indépendants craignent d’être lésés par leurs partenaires. Contrairement à la France, où les indépendants sont généralement considérés

comme des « auto-entrepre-neurs » sachant quels impôts et charges sociales leur incom-bent, les indépendants russes ont du mal à légaliser leur ac-tivité. Ils sont peu nombreux à payer leurs impôts, ou à savoir que le système � scal leur per-met de n’être taxés qu’à un taux de 6%. « Même si de nombreux indépendants craignent les autorités � scales, la plupart ne se déclarent pas, précise Stre-bkov. Cette peur se nourrit du refus des Russes de perdre du temps avec la bureaucratie ».

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Polina Greus, avec une poupée de sa création.

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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

EN BREF

Quatre hôtels Ibis et un Novo-tel vont bientôt s’ajouter au parc d’Accor en Russie. Ils se-ront tous construits dans des grandes villes de province et to-taliseront 750 chambres. Les institutions � nancières BERD et IFC ont annoncé la semaine dernière leur participation dans la construction de ces hôtels gérés par Accor pour un grou-pe d’investisseurs turc. Les deux banques ont conjointement levé 50 millions d’euros, dont 5,4 millions pour l’acquisition d’une part minoritaire dans le projet, le reste étant � nancé par l’emprunt. Accor estime que la gamme la plus prometteuse en Russie est Ibis parce qu’elle n’a pas de concurrent dans le seg-ment bon marché. Opérateur sans être propriétaire, Accor travaille sur 25 projets supplé-m e n t a i r e s e n R u s s i e . Aujourd’hui, le groupe exploi-te déjà huit hôtels pour un total de 1 840 chambres.

Christophe de Margerie a con� é à Vladimir Poutine que Total convoite désormais une part de 25% dans un futur projet GNL en plus de Chtokman, dans le-quel Total est déjà engagé à hauteur de 25% avec Gazprom. Total repasse à l’offensive en se portant acquéreur d’une part entre 20 et 25% dans le projet GNL de Yamal (Grand Nord russe). Le gisement gazier en question, Tambeïskoïe-Sud, est contrôlé à 51% par Novatek, plus important groupe gazier indépendant russe. Le gisement contient 1200 milliards de m3 de gaz, ce qui équivaut à huit années d’exportations de gaz russe vers l’Europe au rythme actuel. Total a fondé l’an passé une coentreprise sur un autre gisement gazier avec Novatek, dans lequel Gazprom détient 19%. Les 21% restants appar-tient à Guennadi Timtchenko, l’actionnaire principal du né-gociant pétrolier Gunvor.

Bond en avant pour la chaîne hôtelière Accor

Total a� che un immense appétit pour le GNL russe

Les entreprises qui embauchent des spécialistes étrangers pour travailler en Russie ne seront plus obligées de faire une re-quête auprès des autorités pour obtenir les quotas de permis de travail et de visa. La nouvelle réglementation n’oblige plus à soumettre des diplômes prou-vant la quali� cation des can-didats. Ces nouvelles règles s’appliquent uniquement si l’employeur est une entreprise russe ou une � liale locale d’une société étrangère, et le salaire annuel de l’employé dépasse les 51 000 euros. Les permis de tra-vail et les visas seront accordés pour une durée maximale de trois ans, alors qu’actuellement ils sont délivrés pour un an seu-lement.

Règles simpli-fi ées pour lesexpatriés

Le groupe Danone change la donne

NATALIA FEDOTOVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Après une décennie de présence et d’observation sur le marché, le groupe agro-alimentaire français a pris d’assaut l’industrie laitière russe en rachetant son concurrent local Unimilk.

Le rachat par Danone le mois dernier de la compagnie laitière Unimilk a braqué les projecteurs sur l’une des sociétés les plus ren-tables et les plus compétitives du secteur agroalimentaire russe. Le pays offre un très vaste marché avec plus de 142 millions de consommateurs. Mais en restant l’un des plus complexes de l’éco-nomie, le secteur de la transfor-mation alimentaire est aussi l’un des plus sous-développés dans le pays. La Russie importe toujours près de 40% de ses produits alimen-taires et jusqu’à 60% des stocks des supermarchés moscovites sont alimentés par l’importation. Avec l’acquisition que vient de réaliser Danone, c’est une véri-table « guerre du lait » qui s’an-nonce, car après cette transac-tion, il ne reste plus que deux grands groupes sur le marché lai-tier. Danone va maintenant se re-trouver face à Wimm-Bill-Dann, le plus gros producteur de pro-duits laitiers du pays. Au cours des dix dernières années, le géant français de l’agro-alimentaire avait tenté de prendre le contrô-le de Wimm-Bill-Dann, mais n’a

pu aller au-delà de 18,6% du ca-pital. L’acquisition du concurrent Uni-milk signi� e un renoncement aux ambitions sur Wimm-Bill-Dann. Danone devrait logiquement re-vendre sa participation dans ce groupe mais refuse de s’exprimer sur ce point. En attendant, Wimm-Bill-Dann affirme être prêt à ra-cheter ses propres parts. « Nous serions heureux de reprendre la participation de Danone », ex-plique Sergueï Plastinine, prési-dent du Conseil de surveillance, « mais pour l’instant nous igno-rons les intentions du groupe français ». La guerre va donc inéluctable-ment éclater entre les deux géants du marché russe. Mais pas tout de suite, car la croissance du sec-teur est telle que la progression de la demande en produits lai-tiers va dépasser la capacité de production des deux groupes. Il y a largement assez de place pour tout le monde. L’année dernière, les ventes de Danone en Russie arrivaient en neuvième place en volume des ventes, mais après l’acquisition d’Unimilk, la Russie va devenir le deuxième plus grand marché européen du groupe, derrière l’Es-pagne. La crise de 2008 a durement frap-pé l’économie russe, mais le sec-teur du commerce de détail n’en a pas vraiment pâti. Grâce aux mesures prises par le gouverne-ment pour soutenir la consom-mation et un plan de relance mas-

sif, aucune grande entreprise russe n’a fait faillite. Les revenus réels en Russie ont continué à augmenter en 2009. En effet, les chaînes de supermarchés forte-ment présentes en province, comme Magnit, ont fait des bé-né� ces record et n’ont presque pas connu de ralentissement dans les ventes. Le principal change-ment dans la consommation, ce fut le passage des produits im-portés à prix élevés vers des pro-duits de fabrication locale meilleur marché. C’est l’une des raisons principales qui ont pous-sé Danone à racheter Unimilk. Pour Pavel Isaev, membre du conseil d’administration d’Uni-milk, « il y a de fortes chances que la société française devienne le leader du marché des produits laitiers dans la CEI et surtout en Russie, même si, aujourd’hui, elle ne contrôle que 21% du marché russe ».

La Russie pourrait dépasser les États-Unis pour l’exportation du blé d’ici à neuf ans, affirme à La Russie d’Aujourd’hui le président de l’Union céréalière russe Ar-kadi Zlotchevski. Si, en 2002, les exportations de blé se limitaient à cinq millions de tonnes, ce chif-fre est aujourd’hui multiplié par six (30 millions de tonnes) et continue de croître.C’est un vrai retournement de si-tuation. L’URSS dépendait en-tièrement des importations de blé et vendait son pétrole, son gaz et son or pour nourrir ses propres citoyens. Les chefs du Parti com-muniste passaient souvent d’un extrême à l’autre : tantôt ils dis-cutaient sur le détournement de rivières pour l’irrigation des champs de coton d’Asie centrale, tantôt ils plantaient du maïs un

Aval probable des autorités russes

Pour être effective, la fusion doit en-core recevoir l’approbation du Ser-vice anti-monopole russe, ce qui est loin d’être toujours évident. La déci-sion sera rendue publique en août, mais le patron du service a déjà te-nu des propos encourageants. Globalement, l’acquisition semble avoir été bien accueillie par les sour-cilleuses autorités russes, ce qui ne fut pas le cas lors de la tentative sur Wimm-Bill-Dann. Selon le pre-mier Vice-Premier ministre Viktor Zoubkov, cette fusion est le signal que le marché agro-alimentaire rus-se s’ouvre complètement aux inves-tissements étrangers. L’officiel s’est aussi félicité que Da-

none apporte au secteur russe son immense expérience : « C’est un bon projet qui nous aidera à mo-derniser le secteur de l’industrie nationale de la transformation ali-mentaire ».Unimilk a été créé en 2002 et re-groupe des actifs industriels sur les territoires russe, ukrainien et biélorusse. Son catalogue de pro-duits comprend des marques bien connues sur les marchés de l’ex-URSS, comme « Bio Balance ». Unimilk appartenait jusque-là pres-que exclusivement à ses dirigeants. Seuls 10% du groupe sont détenus par le fonds de capital-investisse-ment chinois CIPEF.

VLADISLAV KOUZMITCHEVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Moscou restitue massivement les terres à l’agriculture (de 42 millions d’hectares au début des années 2000 jusqu’à 48 millions aujourd’hui) et investit dans l’infrastructure.

À l’Est, un nouveau grenier du mondeAgriculture La Russie ambitionne de devenir le premier exportateur mondial de blé

peu partout. Selon les pronostics de l’Institut de recherche sur le marché agricole national, en 2019, la Russie pourra récolter environ 125 millions de tonnes de blé, dont 45-50 millions de tonnes seront exportées (les ex-portations annuelles des États-Unis s’élevant à environ 30 mil-lions de tonnes). Cependant, en raison des intempéries, le minis-tère de l’Agriculture russe a dû revoir à la baisse ses prévisions concernant la récolte brute de blé pour l’année en cours, soit 85 millions de tonnes (contre 108 millions il y a deux ans). Mais même ce chiffre-là dépasse lar-gement le niveau de consomma-tion en Russie (72-73 millions de tonnes). Les pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient sont les principales cibles du blé russe. D’ailleurs, comme le remarquent les experts, la Russie a presque fait disparaître le blé français du marché égyptien. Les principaux concurrents du blé russe sur ses marchés traditionnels sont les États-Unis, l’Union européenne (UE) et le Canada. Selon Zlot-chevski, l’UE importe seulement

chevski. Selon lui, on utilise sou-vent en Europe des compléments alimentaires différents, qui per-mettent de fabriquer du pain même à base de blé de basse qua-lité. Les catégories supérieures

sont utilisées dans la production des pâtes et de la pâtisserie. « La Russie a du blé de toutes quali-tés et nous sommes capables de répondre à toute demande », af-� rme Zlotchevski.

500 000 tonnes/an de blé russe. La Russie exporte essentielle-ment du blé de catégorie 4, soit du blé alimentaire de basse qua-lité. « C’est la plus demandée sur le marché mondial », précise Zlot-

Principaux importateurs et exportateurs de céréales

Yahourts et desserts Produits laitiers traditionnels

Russie RussieFrance France

PART DE MARCHÉ DES PRINCIPAUX ACTEURS EN VOLUME

Wimm-Bill-Dann

Molvest

autres

Unimilk Danone

Consommation de produits

laitiers en 2009(en kg/personne)

md d’eurosVolume des ventes prévu à l’issue de la fusion de Danone et Unimilk en 2013.

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SOURSE : UNIMILK

Agroalimentaire L’acquisition d’un concurrent russe place le groupe français en position de force dans la « guerre du lait »

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

05économie

Le ministre des Finances se batseul contre tous

bEn AriSBusiness new europe

Sa défense du libéralisme économique combinée avec une grande rigueur budgétaire ont fait de l’indéboulonnable Alexeï Koudrine le souffre-douleur du gouvernement.

Alstom teste son train pendulaire en Russie

Sa proposition, faite à la mi-juillet, de relever l’âge de la re-traite pour combler le déficit de la caisse des pensions, a provo-qué la colère et les insultes de la part de l’opposition comme de la majorité. Quelques dépu-tés de la Douma ont même pro-mis de lui « arracher la tête », après sa proposition, devant la Chambre basse du Parlement, de garder le contrôle sur les dé-penses de l’ État pour réduire le déficit budgétaire à moins de 3% du produit intérieur brut d’ici à 2013. Depuis près d’une dizaine d’an-nées, Alexeï Koudrine, ministre

des Finances, se bat, parfois tout seul, pour le libéralisme écono-mique, en prônant la prudence budgétaire. Sa position s’est avé-rée judicieuse, car la somme de 600 milliards de dollars qu’il a réussie à maintenir dans la ré-serve fédérale lui a permis de sauver l’économie russe de l’ef-fondrement l’année dernière. Mais il lui reste encore moult batailles à mener. Koudrine insiste sur le fait que, pour avoir des effets à long terme, la grande mission de mo-dernisation de la Russie doit être soutenue par l’investissement privé. « Si nous soutenons la demande avec des plans de relance consi-dérables, cela ne pourra soute-nir la croissance qu’à court terme Et au bout de deux ou trois ans, cette politique va a au contrai-re ralentir la croissance écono-mique », a déclaré le ministre à l’agence Reuters. « Cela va pro-

voquer de l’inflation, l’augmen-tation du taux de change, celle des emprunts de l’État et donc une réduction des prêts aux en-treprises. Il nous faut de la sorte réduire le déficit au cours des prochaines années ». Le mois dernier, la prudence de Koudrine était déjà critiquée par les dirigeants politiques. Le Pre-mier ministre Vladimir Poutine a annoncé que le budget natio-nal serait basé sur le prix du baril de pétrole, qui s’élèverait à 75 dollars, suggérant ainsi que les retraites et les salaires al-laient augmenter dans un ave-nir proche.

Conçu pour s’incliner dans les courbes de façon à compenser la force centrifuge, le train pen-dulaire se situe entre les trains à grande vitesse classiques et les trains traditionnels. Il peut rou-ler à 220km/h sur des voies nor-males. Chaque rame comporte 7 wagons pour une capacité tota-le de 344 passagers. Alstom a livré quatre trains baptisés « Al-legro » à la RJD et espère convaincre les Russes d’équiper d’autres lignes en trains pendu-laires de sa marque. Mais le directeur d’Alstom en Russie, Patrick Pascal, se veut prudent. « Il est encore trop tôt pour dire sur quelles lignes nous

allons pousser nos projets. Vous savez qu’en Russie, il faut d’abord faire ses preuves. Ce qui est im-portant pour nous, c’est de réus-sir avec Allegro ».Astom n’est pas le seul à convoi-ter l’immense marché russe. RJD exploite le plus vaste réseau ferré du monde (85 500km) après celui des États-Unis et est courtisé par deux autres constructeurs : l’al-lemand Siemens et le canadien Bombardier. Pressé de renouve-ler une flotte vieillissante, RJD est aussi très demandeur de nou-velles technologies occidentales. « Il y a beaucoup de place sur ce marché », assure Patrick Pas-cal. « Il y en a pour Siemens, pour nous, voire pour Bombardier ». Et d’ajouter avec réalisme : « si

l’on nous offrait tout le marché russe, nous n’aurions pas les moyens de satisfaire une telle de-mande ». Alstom a bien avancé en acqué-rant une part de 25% dans Trans-MachHolding, le principal constructeur russe pour une somme non dévoilée. Le groupe français a déjà remporté un contrat de 450 millions d’euros pour la livraison de 200 locomo-tives EP20. Siemens n’est pas en reste, puisqu’il a déjà vendu ses trains rapides Sapsan à RJD, qui sont exploités sur la principale ligne du pays, Moscou – Saint-Péter-sbourg, et doit dans les prochains mois démarrer son exploitation sur la ligne Moscou – Nijni-No-

vgorod. En outre, le géant alle-mand a conclut la semaine der-nière un accord d’une valeur de 2,2 milliards d’euros pour la li-vraison de 240 trains Siemens Desiro sur 10 ans. Une nouvelle qui n’angoisse pas Patrick Pascal : « à la différence de Siemens, nous nous sommes alliés àun très gros partenaire industriel, TransMachHolding. Un partenaire d’une telle taille peut causer quelques lenteurs, mais en revanche, nous bénéfi-cions de capacités industrielles plus solides. En outre, Siemens exploite des techniques en fin de vie alors que nous allons construi-re avec TransMachHolding des locomotives utilisant les derniè-res technologies ».

bEn AriSBusiness new europe

Le président russe Dmitri medvedev a annoncé que le Kremlin comptait réduire de 80% le nombre d’entreprises dites « stratégiques », inaccessibles jusque-là aux étrangers.

investissements Moscou abaisse le bouclier

Portes ouvertes aux capitaux étrangers

« Je compte réduire de 4/5ème la liste des entreprises stratégiques. Je viens de signer un décret à cet effet aujourd’hui », a déclaré Med-vedev dans son discours du 18 juin au Forum économique de Saint-Pétersbourg. Avec ce renversement de position, le Kremlin tente de transformer la Russie en une destination at-trayante pour les investisseurs étrangers. Ceux-ci étaient sou-mis à d’importantes restrictions dans 42 secteurs industriels de-puis 2007, en vertu de la loi des secteurs stratégiques. À l’époque, le gouvernement était « enivré par les prix du pétrole », affirme Jim O’Neill, directeur de recherche chez Goldman Sachs. L’État ne voyait pas la nécessité d’autori-ser les investissements étrangers dans les secteurs clés de l’écono-mie. Du coup, la Russie enregis-tre une piètre performance en ma-tière d’investissements directs étrangers (IDE) comparé aux autres pays du BRIC. (Brésil, Rus-sie, Inde et Chine).Mais la crise de 2008 a brutale-ment révélé des faiblesses struc-turelles de l’économie, qui s’est contractée de 7,9% en 2009, ren-versant de manière spectaculai-re la tendance à la croissance de plus de 6% par an des cinq an-nées précédentes. La loi sur les secteurs stratégiques fut finale-ment adoptée, après une bataille de quatre ans entre les factions libérales et conservatrices au sein du gouvernement. Les li-béraux ont perdu : initiale-ment, il y avait 295 entrepri-ses opérant dans 42 secteurs, et les investissements étran-gers dans ces compagnies étaient limités à 25%, à moins d’obtenir une autorisation spé-ciale du gouvernement. « Guerman Gref, le ministre du Développement écono-mique et Alexeï Koudrine, le ministre des Finances de l’époque, insistaient tous les deux sur le fait que la liste ne devait com-prendre que 16 entrepri-ses », rapporte Chris Weafer, le responsable de stratégie chez

UralSib. « Cependant, les lobbyis-tes et les puissants bureaucrates du secteur industriel ont finale-ment réussi à obtenir ce qu’ils souhaitaient ». En réalité, Medvedev ne fait que réaliser les promesses qu’il avait déjà faites à la fin de 2009. Le nombre d’entreprises stratégiques sur la liste a baissé, passant de 208 à 41. Par ailleurs, 71 entre-prises fédérales unitaires (celles qui gèrent et exploitent les actifs d’État) ont été liquidées, ce qui fait que le nombre total d’entre-prises stratégiques sur la liste s’établit à 159.Comme l’affirment les analystes de Rye, Man & Gor Securities, parmi les entreprises les plus at-trayantes qui ont été rayées de la liste, il y a de nombreuses socié-tés spécialisées dans le transport et les infrastructures, notamment 14 aéroports et 22 ports mariti-mes. Ils devraient être vendus par l’État à partir de novembre.Malgré la réduction du nombre de sociétés « interdites », la qua-si-totalité des plus grandes en-treprises russes restent sur cette liste – et en particulier celles du secteur pétrolier, gazier et ban-caire. Les investisseurs qui souhaitent acquérir les parties les plus sa-voureuses de l’économie russe, telles que Gazprom, Rosneft ou Sberbank, seront obligés de sol-liciter l’autorisation du gouver-nement russe.

Dmitri medvedev remplit sa promesse de libéraliser l’économie.

budget L’apôtre de la rigueur encaisse les coups sans broncherLa Russie connaît actuellement une reprise économique stable, mais sa croissance reste cepen-dant assez timide. Et avec le prix du pétrole qui se maintient à plus de 70 dollars par baril, il y aurait une tentation d’augmen-ter les dépenses, surtout que les élections à la Douma (2011), et à la présidence (2012) appro-chent. Miser sur 75 dollars par baril de pétrole irait à l’encontre des prévisions très prudentes obser-vées ces dernières années. N’ayant pas réussi à convaincre les députés, Koudrine a donc fait une dernière offre pour décou-rager les attentes le mois der-nier, en tentant de fixer la limi-te à 70 dollars par baril. Mais cela n’a pas marché non plus. Malgré tout, le ministre conti-nue son combat. Il a à nouveau averti, la semaine dernière, que les réserves du gouvernement se-raient réduites à zéro par le dé-ficit d’ici à la fin de l’année. C’est pourquoi le pays a besoin d’agir d’une façon significative sur le niveau de la dette pour couvrir les déficits au cours des prochai-nes années. Avec un déficit égal à 5,4% du PIB cette année, le gouvernement prévoit de retirer 1.4 trillions de roubles (soit 45 milliards de dol-lars) du fonds de réserve et d’em-prunter 1,1 trillion de roubles pour le couvrir. Ce fonds représentant près de 40 milliards de dollars à la fin juin, la Russie aura donc besoin d’emprunter pour financer son déficit au cours des trois années à venir, avec pour objectif de ra-mener le déficit à 2,9% du PIB d’ici à 2013. Koudrine a averti que cela va représenter plus du double du coût la dette de l’État, à savoir 19 milliards de dollars d’ici à 2012. « À partir de l’année pro-chaine, c’est uniquement en em-pruntant qu’on pourra pour cou-vrir le déficit », a affirmé le ministre des Finances à la Cham-bre basse. « Le coût de la dette passera de 280 milliards de rou-bles cette année à 587 milliards de roubles en 2012, même si nous réduisons le déficit à 2% d’ici à 2013 ». Le dirigeant du Parti commu-niste Guennadi Ziouganov a fait part de ses objections populis-tes habituelles. Il a accusé Kou-drine de saboter le programme de modernisation du Président Dmitri Medvedev. En soulignant que c’est aux dépenses publi-ques de définir la voie à choisir, Ziouganov a déclaré qu’« à la place du président, je lui aurais arraché les oreilles et la tête ».

investissements : les chiffres clés

part de l’état dans les com-pagnies cotées

baisse des iDE en 2009

16%

sociétés désormais accessibles

167

40%

Les 600 milliards de dollars qu’il a mis de côté ont sauvé l’économie russe de l’effondrement en 2009

SuitE DE LA PAGE 1

Alexeï Koudrine (au centre) a déclenché une polémique en proposant de relever l’âge de la retraite.

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06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro économie

oLGA KALAShniKoVAThe Moscow TiMes

En vue de l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 2014, moscou a dû mettre en place un classement rigoureux pour les hôtels, les plages et les stations de ski.

Les hôtels montrent patte blanche

tourisme Grand ménage dans les étoiles

nouvelle méthode prend en compte tous les critères possi-bles et propose cinq catégories. Les catégories des hôtels seront évaluées par un comité spécial, composé de représentants de l’Agence fédérale du tourisme et d’autres ministères. Le classement sera payant, et la certification obligatoire devrait coûter moins que la « classifica-tion volontaire » qui, selon les données de l’Agence russe de droit et d’information judiciaire, coûte actuellement environ 1 500 dollars pour des hôtels à trois ou quatre étoiles avec moins de 100 chambres. Obtenir un statut correct dans la nouvelle grille ne sera pas à la portée de tous. « Les nombreux hôtels situés dans des bâtiments anciens seront contraints d’in-vestir des fonds considérables dans la reconstruction et l’équi-pement supplémentaire pour ob-tenir le nombre d’étoiles qu’ils désirent », indique Evguenia Toutchkova, consultante immo-bilière. De leur côté, les pouvoirs publics devront veiller à ce que le processus de classification ne soit pas entaché de corruption.

Les hôteliers russes n’achèteront plus leurs étoiles sur le marché aux puces. Le ministère du Tou-risme a déclaré le 29 juin que l’obtention de la certification pour les complexes hôteliers se-rait obligatoire et non plus « vo-lontaire » comme c’était le cas jusqu’ici.La Russie compte 471 hôtels cer-tifiés, soit seulement 10% du chif-fre total. À Moscou, seuls 31 hô-tels possèdent des étoiles.Principal problème : l’absence de normes internationales. Tren-te systèmes nationaux de clas-sification d’hôtels existent, et aucune homogénéisation n’est en vue, se désole Sergueï Kor-neev, membre de l’Union russe de l’industrie touristique. Moscou a choisi de s’inspirer des systèmes européens et délaissé la classification soviétique. La

bEn AriSbusiness new europe

En raison des taux d’intérêt à deux chiffres proposés par les banques, l’accession à la propriété reste onéreuse pour les ménages russes, confrontés à une procédure tatillonne.

Crédit : le parcours du combattant

immobilier La classe moyenne russe prête à emprunter, mais...

Victoria Sherbakova voulait dé-ménager à Moscou pour donner à sa fille un meilleur avenir. Âgée de 3 ans et malvoyante, la peti-te Sasha n’avait pas la possibi-lité de se faire soigner dans la capitale sans y résider. « Les hô-pitaux de Moscou sont les meilleurs, mais il faut habiter la ville même pour y avoir accès », raconte Sherbakova, 36 ans. « Nous avons donc décidé de re-venir dans la capitale », expli-que cette femme, médecin dans une clinique privée moscovite. Il y a quelques années, elle avait décidé avec son mari de démé-nager en banlieue à la recherche d’une meilleure qualité de vie. L’époux travaille dans la même clinique et le couple gagne 4 000 euros par mois - soit près de qua-tre fois la moyenne nationale. Mari et femme faisaient quoti-diennement la navette par le train de banlieue pour se rendre

au travail. Ils n’imaginaient pas que les soucis de santé les condui-raient à revenir à Moscou.Se refusant à louer, ils se sont donc mis en quête d’un appar-tement à acheter, ce qui fut assez facile. Trouver l’argent fut beau-coup moins évident : bonjour les tracasseries bureaucratiques. Sherbakova a eu de la chance, car sa clinique était en règle en

ce qui concerne les papiers ad-ministratifs de ses employés (chose rare) et se disait prête à fournir au couple tous les docu-ments nécessaires pour prouver ses revenus. De nombreuses en-treprises travaillent encore « au noir » en Russie et ne déclarent officiellement qu’une infime par-tie du salaire de leurs employés dont une partie est payée par vi-

rement bancaire, le reste étant versé en espèces pour éviter les impôts. Cela pose des problèmes souvent insurmontables pour les acheteurs de biens immobiliers, car ils ne peuvent fournir de preuves officielles et réelles de leurs revenus. Ensuite, Sherbako-va s’est lancée à la recherche d’un crédit immobilier libérant la somme sollicitée en l’espace d’un mois. Son choix s’est arrêté sur Kreditmart, le seul courtier en crédit russe, qui revend des hy-pothèques à une dizaine de ban-ques commerciales du secteur.Pour l’achat d’un appartement en Russie, l’accompte demandé par les banques reste également une étape délicate à négocier. Dans le cas de Sherbakova, la société de prêt, qui appartient à l’État, demandait un accompte de 40% sur un prêt 153 000 euros. « Nous avons réussi à mettre de côté environ la moitié de cette somme, et comme nous tra-vaillons dans le milieu médical, et que nous avons la possibilité de gagner de l’argent supplémen-taire, ce n’était pas très compli-qué de réunir le reste », assure Sherbakova. « L’immeuble a été construit en 1970 et nous avons un concierge et un jardin d’en-fants à proximité. C’est parfait pour Sasha », poursuit-elle. « Bien sûr, l’appartement n’a que deux pièces et est beaucoup plus petit que notre ancienne résiden-ce. Le trajet jusqu’à mon travail me prend plus de temps main-tenant, mais Sasha peut être soi-gnée dans un bon hôpital ».

Les taux d’intérêts oscillent entre 16 et 20% contre 3% en France.

un nouveau projet promet la création de 400 000 emplois, la construction d’un complexe pétrolier en tchétchénie et plusieurs de stations de ski.

nAbi AbDuLLAEVThe Moscow TiMes

Le Premier ministre Vladimir Poutine a dévoilé le 6 juillet der-nier un ambitieux programme de développement pour la ré-gion du Caucase du Nord. Mais il s’est montré discret sur la façon dont le gouvernement compte lutter contre la corrup-tion généralisée et le népotisme qui étouffent le développement des entreprises et sont un obs-tacle à l’équilibre de cette ré-gion instable. Dans son discours, le chef du-gouvernement a annoncé des in-vestissements de 27 milliards de dollars dans le développement du Caucase du Nord, ce qui per-mettra de créer 400 000 emplois

dans la région au cours des dix prochaines années. « Le chômage chronique est sans doute la plus grande et la plus grave catastrophe sociale et psy-chologique du Caucase du Nord », a déclaré Poutine, pré-cisant qu’un cinquième de la po-pulation de la région ne peut pas trouver d’emploi.Après plusieurs années d’un calme relatif, une série d’atten-tats l’an dernier a fait revenir le Caucase du Nord au rang de problème numéro un du Kremlin. Alexandre Khloponine, nommé à la tête du district fédéral de la région par le Président Dmi-tri Medvedev cette année, a pro-posé au cabinet de Poutine le mois dernier un vaste program-me de développement pour la région sur 15 ans. Le Premier ministre a déclaré qu’un réseau de stations de ski – le projet favori de Khloponi-

ne – va s’étendre « de la mer Caspienne à la mer Noire ». « Ces stations pourront accueillir jusqu’à 100 000 touristes à la fois et permettront de créer environ 160 000 emplois dans la région », a indiqué Poutine, qui a qualifié ce plan de « projet économique réaliste et vivant », précisant qu’il pourra également attirer les in-vestisseurs privés russes et étran-gers. Jusqu’à présent, les investisseurs privés étrangers étaient réticents quant à l’idée de s’impliquer fi-nancièrement dans le Caucase du Nord, où les forces de l’ordre et les militants islamistes s’af-frontent presque tous les jours, dans une sorte de guérilla de fai-ble intensité. Poutine a annoncé que 65 mil-lions de dollars seraient alloués au projet de construction des sta-tions de ski cette année. Une raffinerie de pétrole, ouver-te récemment par la compagnie

d’État Rosneft en Tchétchénie, fera de cette république de Cau-case du Nord un nouveau cen-tre de l’industrie pétrolière russe, selon le Premier ministre. La raf-finerie devrait entrer en service en 2014, et le gouvernement pré-voit d’investir 550 millions de dollars dans ce projet, a-t-il dé-claré. Le gouvernement compte éga-lement donner des garanties d’État pour un maximum de 70% des prêts relatifs aux projets de développement dans le Caucase du Nord, ce qui va coûter 200 millions de dollars au budget fé-déral, a estimé Poutine. Le Premier ministre russe a ajou-té que cette région devrait faire partie d’un corridor de transport intercontinental, reliant l’Euro-pe aux États du golfe Persique et aux pays d’Asie centrale. Dans ce but, le port maritime de Makhatchkala, la capitale du Da-guestan, va devenir une plaque

tournante du transport naval russe. En fixant ces objectifs am-bitieux, Poutine a minimisé les problèmes de la sécurité dans la région, affirmant que les militants sont en train de « dégénérer » en bandes criminelles, dont « le temps est compté ». Il a égale-ment affiché sa méfiance envers la société civile. Il s’est attaqué une nouvelle fois aux groupes de défense des droits de l’homme, qui critiquent souvent sa politi-que dans le Caucase du Nord. « Nous avons besoin d’un dialo-gue constant et substantiel avec les organismes de défense des droits de l’homme », a dit le Pre-mier ministre. « Évidemment, parmi eux, il y a un grand nom-bre de personnes qui reçoivent un financement de l’étranger ». Politique à part, Moscou mise in-déniablement sur le développe-ment économique pour neutra-liser l’agitation qui profite du marsame actuel.

Du pétrole et des stations de skicaucase Les autorités russes tentent de faire repartir l’économie sinistrée par la guerre et la corruption

poutine a minimisé les problèmes de la sécurité dans la région, affirmant que les militants sont en train de « dégénérer » en bandes criminelles, dont « le temps est compté »

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

07Régions

NATALYA FEDOTOVASPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une série d’explosions dans des mines de charbon sibériennes ont rappelé les conditions de travail déplorables des mineurs, encouragés à prendre des risques.

STEFANIA ZINILA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Des pèlerins à la recherche de sérénité et des voyageurs attirés par des destinations alternatives, voire mystiques, visitent chaque été les Îles Solovki, autrefois lieu de terreur.

KEVIN O’FLYNNRADIO FREE EUROPE/RADIO LIBERTY

La « roulette » et le « bandit manchot » ont été bannis de Russie. Seule une zone résiste, sur la côte de la mer d’Azov, où un casino se dresse... dans l’isolement total. Enquête.

Prime au rendement égale mépris du danger

Reportage Des mines de charbon meurtrières

Mine à ciel ouvert de Kedrovski, non loin de la ville de Kemerovo.

Valery Kozelskikh est mainte-nant retraité avec une grande carrière de mineur derrière lui. Il a passé 34 ans de sa vie sous la dure terre de Sibérie, dans un endroit très sombre : Raspads-kaïa - la plus grande mine de charbon en Russie. Un trou noir qui est aussi le gagne-pain de toute une région.En Russie, être mineur, c’est hé-réditaire. Kozelskikh a perdu son neveu âgé de 21 ans dans un ac-cident à la suite d’un coup de grisou en 2002. « Après cette tra-gédie, nous avions peur de re-descendre dans la mine. Mais peu à peu, on s’y habitue », dit-il.La catastrophe qui s’est produi-te dans la mine de Raspadskaïa le 8 mai dernier a coûté la vie à 90 mineurs. Elle a remis en ques-tion la sécurité dans les mines russes et, plus précisément, cel-les des environs de Kemerovo. Située dans la région du Kouz-bass, l’un des plus importants bassins charbonniers du monde, la mine de Raspadskaïa fournis-sait près de 10 % du charbon à coke en Russie. Désormais, elle est fermée pour une durée indé-terminée. Une étude réalisée

Mineurs de Kemerovo conduits à la mine en autobus.

Les Solovki sont imprégnées d’un sentiment de calme et de compréhension presque surnaturels.

quelques mois avant l’explosion avait révélé à quel point ce gi-sement était devenu une vérita-ble bombe à retardement sou-terraine au contact des brusques émanations de méthane qui s’y multipliaient.Pendant tout le mois de mai, à la place des mineurs émergeant de la mine dans la nuit, ce sont leurs proches qui s’en dégageaient, lors de veillées où ils brûlaient à la mémoire des morts des bougies dont la lumière perçait à peine les ténèbres. Des mineurs en co-lère ont même attaqué la police locale avec des pierres, selon l’agence Reuters, et 28 d’entre eux ont été arrêtés par les forces de l’ordre. Il suffit de marcher dans une des rues de Kemerovo pour se faire une idée de l’économie locale, ou de ce qu’il en reste. Nombre des bâtiments de la ville semblent ne pas avoir été restaurés depuis plu-sieurs décennies. Les principales industries manufacturières ont fermé dans les années 90, et les habitants locaux sont devenus encore plus dépendants des mines de charbon. Or, la production charbonnière du Kouzbass n’a pas été affectée par la crise économique mondia-le. Au cours des deux premiers mois de 2010, elle a augmenté de 17%. Mais les mineurs ne voient pas d’amélioration de leurs condi-tions de travail et ils ont fait ma-nifesté leur indignation en des-cendant... dans la rue cette fois. En 1991, Kozelskikh s’était déjà

rendu à Moscou pour rencontrer les responsables gouvernemen-taux au nom de ses collègues. Aujourd’hui, 19 ans après, il re-garde les dernières manifestations à la télévision. « L’attitude envers le travail des mineurs doit chan-ger dans les administrations. L’ex-traction du charbon est une ac-tivité très lucrative, et la direction devrait en tenir compte lors du calcul des salaires », estime Ko-zelskikh.« Les mineurs font toujours de leur mieux pour respecter le plan

de production : c’est dans leur in-térêt, car leur rémunération se compose du salaire mensuel et des primes, qui dépendent direc-tement de la réalisation du plan ». Les bonus peuvent doubler les salaires, explique-t-il. Salaires qui varient entre 500 et 1 000 euros par mois. Selon les experts du secteur, la tendance à forcer la production pour accroître les pri-mes favorise les catastrophes. Une chose est certaine : ne pas atteindre l’objectif � xé se tra-duit par des pénalités � nanciè-res pour les mineurs. L’un d’eux, Boris Refko, a récemment décla-ré à Radio Free Europe que dans son travail, il est dans l’obliga-tion de violer systématiquement les règles de sécurité au nom du rendement dont dépendent les primes.Malgré les tragédies, génération après génération, les mineurs du Kouzbass continuent à descen-dre sous terre. Evgueni, le � ls de Kozelskikh, est mineur, et n’en-visage pas d’autre avenir pour son propre � ls : « Je veux que lui aussi devienne mineur. C’est un vrai travail d’homme, honnête et stable ».

Le « Las Vegas russe » peine à convaincre les fous du jeu

Trois heures de route défoncée sur des chemins tortueux pour arriver de la ville la plus proche jusqu’à cet avant-poste solitaire, au milieu d’une steppe aride. Les visiteurs se déplacent sur des planches en bois jetées par-des-sus des crevasses, parmi des pal-miers � uorescents. Un bâtiment, trapu et moche, est festonné de lumières criardes. Deux chiens errants sont roulés en boule à l’entrée, cherchant refuge contre le vent hurlant de la mer d’Azov. Bienvenue au Las Vegas russe !Iouri Pojarov est le directeur de l’Oracle, premier site de jeu légal construit depuis qu’une loi an-ti-casinos a exilé les salles de jeux et les machines à sous dans quatre zones spéciales, aux con� ns de la Russie. Depuis son ouverture, raconte-t-il, Oracle accueille entre 150 et 400 per-sonnes par jour, des gens du coin et d’ailleurs. L’an dernier, les parieurs russes ont été choqués d’apprendre que les jeux d’argent ne seraient plus autorisés dans la majeure par-tie du pays. L’interdiction a ré-duit au chômage des centaines de milliers d’employés de casi-nos et menacé de priver les cof-fres de l’État d’un milliard de dollars de taxes. Vladimir Pou-tine a invoqué un impératif moral qui évitera aux familles modestes de perdre leurs der-niers kopeks. En échange, le Kremlin a désigné des zones de jeu légales dans l’extrémité est du pays, à Kaliningrad, dans l’Altaï en Sibérie et sur la côte de la mer d’Azov. Le plan doit injecter des revenus dans des régions déprimées tout en sau-vant le reste du pays. Néanmoins, un an plus tard, les investisseurs restent sceptiques. Azov City, à l’embouchure du Don dans le sud de la Russie, est la seule zone qui ait réussi à lan-cer un casino.La société Royal Time affirme qu’un second casino devrait ouvrir cet été, et un troisième avant la � n de l’année, assortis d’hôtels et d’un parc aquatique. Même si certains visiteurs ne parviennent pas à imaginer une ville champignon s’élever au mi-lieu de ce terrain vague, les lo-caux gardent espoir. Ludmilla, du village voisin, dit que sa mai-son n’aurait toujours pas l’élec-tricité, ne fussent les exigences d’Oracle en matière d’infrastruc-tures. « C’est bien pour nous », se réjouit-elle. « Ils nous ont donné le gaz, l’électricité, l’eau. Nous avons du chauffage au gaz maintenant. Mes � ls ne vont pas au casino et disent qu’ils n’y iront jamais. Ils ont peur de se faire aspirer par le jeu ».

Les îles Solovki vous offrent la rédemptionVoyage Le célèbre archipel de la mer Blanche tire un trait sur le goulag et devient une destination touristique

Il semble qu’une étrange atmos-phère règne dans ces îles et s’em-pare de l’âme du visiteur. Serait-ce parce qu’aux Solovki, le voyageur s’identi� e aux destins, parfois tragiques, de tous ceux qui y ont vécu au � l des siècles, souvent contre leur volonté ? Les lointaines Solovki attirèrent l’at-tention de l’homme dès les temps les plus reculés : de nombreuses traces laissées par des pêcheurs et des chasseurs de passage et plus de 30 mystérieuses construc-tions en forme de labyrinthe en embellissent le paysage. Peut-être s’agissait-il de lieux de culte où les païens antiques accom-plissaient leurs rites propitiatoi-res, comme le soutiennent la plu-part des archéologues. Dans un pays où c’est le plus souvent au bon sens qu’il faut se � er dans le choix de l’endroit où s’arrêter pour passer la nuit, il est très conseillé d’emporter son sac de couchage et sa tente. Un beau matin, j’ai pris le large dans le brouillard, à bord d’un bateau se dirigeant vers le nord. Sous

une couverture, j’ai sombré dans un profond sommeil réparateur. Quand je me suis réveillée, j’étais déjà sur une île ! Sept jours aux Solovki, c’est exactement ce qu’il me fallait ! Je n’ai pas ménagé mes efforts : longues randonnées à pied, ex-cursions organisées, promenades en bateau et des dizaines de ki-lomètres parcourus à vélo tout-terrain. Aucun doute, les Solovki sont une destination ultra-touristi-que : bondées le week-end et même bruyantes pendant les fêtes. En août, par exemple, lors

du Festival de la chanson à texte, la Grande Solovetski se retrou-ve envahie par une foule d’auteurs-interprètes barbus qui racontent en chantant les his-toires du passé pendant que les pèlerins récitent des psaumes et prient. Vous seriez comme loi sidéré de voir à quel point le microcosme des Solovki est imprégné d’un sentiment de calme et de com-préhension presque surnaturels, typiquement nordiques, capables de tranquilliser les tempéraments méridionaux les plus agités... comme le mien !

Des ermites aux touristesSur une carte, l’archipel Solovki (également nommé Solovetski) ressemble à une simple poignée de cailloux éparpillés dans la mer Blanche, tout près du Cercle po-laire arctique. Ces îles ne furent habitées qu’à partir du XVème siècle, à l’origi-ne par des anachorètes. L’archipel devint rapidement un important centre spirituel, culturel et écono-mique du nord de la Russie et le

resta pendant plus de 500 ans. Devenu riche, le monastère des So-lovki participa au XVIIIème siècle à des opérations de défense de la partie occidentale de la mer Blan-che et continua de remplir cette fonction significative d’avant-pos-te militaire pendant près de deux cents ans, jusqu’à ce qu’il soit fer-mé par les bolcheviques. De centre spirituel, il devint en 1922 le pre-mier goulag soviétique.

Bienvenue au casino d’Azov City !

Le secteur du charbon n’a pas été touché par la crise, mais la condition des mineurs ne s’est pas améliorée

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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro Débats et opinions

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PARTENAIRES MédIA

lA RuSSIE d’AujOuRd’huI ENTEND oFFRIR DES INFoRMATIoNS NEUTRES ET FIABLES PoUR UNE MEILLEURE CoNNAISSANCE DE LA RUSSIE.

Sondage effectué par le Centre Levada auprès de 1 600 Russes entre le 2 et le 5 juillet dernier. Une autre question fai-sant partie du même sondage révèle que 59% des personnes fai-sant partie de l’échan-tillon étaient au courant du scandale des espions Russes contre 41% qui n’en avaient pas du tout entendu parler.

Espions ou manipulation ?LES ruSSES Sont mAjoritAirEmEnt D’AccorD AVEc LE préSiDEnt mEDVEDEV pour EStimEr quE L’AFFAirE DES ESpionS ESt unE proVocAtion AméricAinE.

SonDAGEUn bien commUn qUi ne profite à personne

aveU de mollesse en asie centrale

maxime troudolioubov

vedomosti

ilia Kramnik

RiA Novosti

L’écrivain Friedrich Dür-renmatt, se livrant à une parabole, a comparé les systèmes politiques aux

moyens de transport. Dürrenmatt fait coexister deux pays : dans le premier, celui de la justice, tout le monde se déplace en train ; dans le second, celui de la liber-té, on ne circule qu’en voiture. Puisqu’au pays du chemin de fer, c’est la justice qui gouverne, on trouve obligatoirement une gare devant chaque immeuble, devant chaque porte. La marche à pied y est interdite car les uns se dé-placent plus rapidement que les autres, ce qui est considéré comme injuste. La prolifération des stations et des gares ralen-tit donc la circulation des trains et des tramways au point que les gens se voient obligés de passer d’un wagon à l’autre ou de mar-cher sur les toits des trains pour arriver à bon port. Au bout du compte, le pays est bloqué. Au pays de la liberté et des automo-biles, ce sont les accidents qui deviennent le fléau national. Le code de la route – une atteinte à la liberté - n’y est en effet pas plus respecté par les autorités que par les citoyens. À chacun son véhicule, et les embouteilla-ges deviennent terribles. Du coup, ici aussi, tout se bloque. La morale de cette histoire est

Les événements survenus au Kirghizstan dans le sillage du coup d’État d’avril 2010 ont mobilisé

l’attention du monde entier. En Russie et dans les républiques de l’ex-URSS, cette attention est amplifiée par le fait que ces trou-bles constituent la première épreuve sérieuse traversée par l’Organisation du Traité de sé-curité collective (OTSC), candi-date au rôle de principale orga-nisation militaire de l’espace postsoviétique et principal contrepoids à l’OTAN.Le renforcement de l’OTSC a permis à l’organisation de se convertir ces dernières années en un bloc militaire à part entière sous le leadership de Moscou. Il s’agit d’un des principaux suc-cès russes dans le domaine de la politique étrangère, et constitue l’une de ses priorités absolues. La mise en place de l’OTSC a été longue et douloureuse. Le traité signé en 1992 sur les rui-nes de l’URSS est resté lettre morte pendant de longues an-nées. Après 2000, au moment où la Russie commençait à restau-rer son influence sur l’Asie cen-trale, le traité a pris une forme concrète. Sur la base de ce do-cument, une organisation dotée d’une structure permanente a vu le jour en 2002. Cette époque était caractérisée par la rivalité d’in-fluence entre la Russie et les États-Unis sur l’Asie centrale où, après 2001, des bases américai-nes appuyant les activités du contingent de l’OTAN en Afgha-nistan ont été déployées.L’influence et la réputation de l’OTSC et de la Russie, en tant que leader de cette organisation, constituent un actif politique de premier plan. Par contraste, la réaction à la catastrophe huma-

pour 1 000 à Moscou), nous al-lions atteindre à notre tour les niveaux des autres peuples libres. Dans les pays d’Europe les plus développés, la norme est en effet de 600 voitures pour 1 000 habi-tants. Mon raisonnement était naïf. Quand le monopole des chemins de fer russe a mis en service les trains à grande vitesse, nous avons découvert que la justice en tant que principe était toujours d’ac-tualité. En Russie, la demande en trains est énorme. Dès que leur fréquence diminue, la mémoire génétique de nos concitoyens re-prend le dessus et le modèle de comportement propre au désar-

nitaire kirghize laisse perplexe en raison de sa mollesse. En effet, la Russie s’est limitée à renforcer son contingent déjà présent au Kirghizstan, sans lever le petit doigt pour mettre fin au massacre de la population ouzbèke (bilan officiel : 313 morts mais 2000 selon d’autres sour-ces, NDLR). Ni même pour dé-clarer de façon claire et nette son intention de défendre la popu-lation russe, également menacée (en sous-entendant par Russes les ressortissants de la Républi-que socialiste fédérative sovié-tique et leurs descendants), ce qui a beaucoup choqué en Rus-sie. Pourtant, l’OTSC possède les moyens nécessaires afin de mener des opérations de paix. À l’heu-re actuelle, le renforcement des forces collectives de déploiement rapide en Asie centrale se pour-suit. Ces forces comprennent dix bataillons : trois russes, deux ka-zakhs, les autres pays de l’OTSC étant représentés par un ba-taillon chacun. Il convient tou-tefois de relever l’attitude par-ticulière dans cette affaire des Biélorusses, qui refusent d’en-voyer leurs troupes où que ce soit au-delà de leur territoire. Au total, les forces collectives comptent près de 4 000 hommes. La composante aéronautique (10 avions et 14 hélicoptères) est dé-ployée au Kirghizstan, sur la base aérienne militaire russe de Kant. Ces forces ont été formées dans le but de remplir des missions multiples, avant tout pour répri-mer les attaques de mouvements terroristes et radicaux, ce qu’el-les peuvent mener à bien de façon tout à fait correcte. L’uti-lisation opportune de ces forces, avec l’accord du gouvernement provisoire du Kirghizstan (qui de toute évidence ne contrôle pas le pays) et des autres pays mem-bres de l’OTSC, permettrait au moins de réduire l’ampleur de

Un pays a autant besoin de liberté que de justice, l’une ne doit pas exclure l’autre

Le courrier des Lecteurs, Les opinions ou dessins des rubriques “débats et opinions” et “perspectives” pubLiés dans ce

suppLément représentent divers points de vue et ne refLètent pas nécessairement La position de La rédaction de La russie d’aujourd’hui ou de rossiyskaya Gazeta. merci d’envoyer vos

commentaires par courrieL : LAruSSiEDAujourDhui.Fr

la violence, à défaut d’y mettre définitivement un terme. Car il n’est pas exclu que les pays frontaliers du Kirghizstan et la Russie elle-même se voient en-traînés dans une guerre sembla-ble à celle d’Afghanistan en cas d’aggravation du conflit.Bien entendu, on peut compren-dre la réticence des autorités rus-ses à prendre des mesures radi-cales. En acceptant le rôle d’arbitre dans les affaires de ses voisins, proches ou lointains, la Russie n’a jamais obtenu d’avan-tages : au contraire, de telles ini-tiatives lui ont apporté maints ennuis. Il est donc évident que dans la situation actuelle, Mos-cou n’acceptera de mener des opérations militaires qu’en bé-néficiant du consensus interna-tional le plus large possible. Dans l’idéal, avec le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU.Toutefois, une prudence aussi louable peut s’avérer lourde de conséquences. La réputation de leader dans une région sensible et explosive s’acquiert au prix d’une détermination sans faille et de la ferme volonté de défen-dre ses intérêts et les principes de coexistence déclarés. Si la Russie ne possède pas cette dé-termination, d’autres préten-dants ne tarderont pas à se pré-senter afin de prendre sa place.

Ilia Kramnik est expert mili-taire auprès de RIA Novosti.

roi de l’après-guerre ressurgit : ils prennent d’assaut les toits des trains. En cas de perturbations, il ne leur vient même pas à l’es-prit de demander aux Chemins de fer un dédommagement. Dürrenmatt le visionnaire ne soupçonnait pas que ses scénarii absurdes puissent se réaliser et encore moins que trains et voitu-res puissent s’arrêter de circuler simultanément dans un même pays. Il est aujourd’hui impossi-ble de savoir vers quel modèle tend la société russe, celui de la liber-té ou celui de la justice. Pour jouir d’une véritable liberté, il faut en effet non seulement des voitures, mais aussi des routes. Pour béné-ficier de la justice, il faut des trains qui respectent les horaires. Après l’effondrement de l’URSS, la construction des routes et l’or-ganisation des transports en com-mun sont passées de mode. Après des décennies de vie en commu-nauté, la société russe a éprouvé un désir de propriété privée. À chacun son espace propre, sa mai-son, sa voiture. Dans le monde, la voiture est le moyen le plus simple de s’affirmer. L’affirmation de soi par la propriété est égale-ment importante pour les fonc-tionnaires qui considèrent la pro-duction du bien commun comme un fardeau. L’argent destiné au bien « commun » est extorqué aux oligarques au motif qu’il convient de les forcer à la res-ponsabilité sociale. Quant au bud-get de l’État, il sert à tout sauf à bâtir quelque chose pour la so-ciété. Le conflit profond entre le commun et le privé n’est toujours pas résolu et explique les diffi-cultés rencontrées dans le déve-loppement des transports en com-mun. Ces problèmes disparaîtront dès que ce qui est « commun » cessera de n’être « à personne ».

simple : un pays a autant besoin de liberté que de justice, l’une ne doit pas exclure l’autre.Bloqué dans les embouteillages moscovites, je m’en suis souvenu plus d’une fois en me disant que nous formions tout de même une nation libre et qu’en choisissant la liberté avec nos 200 voitures pour 1 000 habitants (presque 300

La Russie n’a pas levé le petit doigt pour tenter de mettre fin aux violences contre la population ouzbèke

soURce: LevAdA

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro

09Persprectives

Préparé parVeronika Dorman

Lu DAnS LA PrESSEl’échange inégal : quatre espions contre dix clowns

le feuilleton d’espionnage qui s’est achevé par un échange d’agents secrets sur le tarmac de l’aéroport de Vienne a sus-cité autant de colère que de rire. À Moscou, on a d’abord crié à la provocation, avant de s’interroger sur le professionnalisme des es-pions qui n’ont même pas réussi à se faire accuser d’espionnage par le tribunal américain.

LE SLiP DE jAmES bonDEkaterina DeevaMoskoVsky koMsoMolets

on échAnGE ?Andreï Vladimirovitogi

AGEntS AnonYmESVedoMosti

La voiture, la maison et les comp-tes en banque, telle était l’occu-pation principale de nos agents. Ils faisaient des rapports, bien sûr, mais de telle manière qu’après sept ans de filature on manquait de preuves tangibles pour les ac-cuser d’espionnage. Doit-on reprocher aux inculpés de s’être passionnés pour les af-faires et les parterres de fleurs ? Plus personne ne travaille pour des idéaux. Mais c’est quand mê-me vexant. C’est comme si James Bond avait ouvert sa super-valise pour n’y trouver qu’un slip et du poulet enrobé dans de l’alu.

Il y a des raisons de se réjouir : les deux parties ont fait preuve d’un esprit d’ouverture et d’une ca-pacité de s’entendre incroyables. L’échange d’espions montre que la relance des relations russo-améri-caines est un fait. Chacun est obli-gé de faire de sérieux compromis, d’aller contre ses principes, parfois contre sa propre loi. Mais le jeu en vaut la chandelle. Ce n’est pas le scénario d’un grand thriller, cer-tes, plutôt une parodie comique. Mais la comédie, c’est mieux qu’un film de guerre. Au moins quand il s’agit des relations entre deux puissances atomiques.

La reconnaissance en janvier der-nier de la propriété russe sur l’égli-se St-Nicolas de Nice, et l’achat au printemps du terrain de Météo France à Paris pourraient relan-cer le sinistre feuilleton des « em-prunts russes ». Compte tenu de ces nouveaux développements, l’AFIPER (Association fédérative internationale des porteurs d’em-prunts russes), qui représente quelque 400 000 porteurs de ti-tres obligataires russes d’avant 1917, ne renonce pas aux possi-bilités d’une action en justice pour tenter de récupérer une partie des biens de ses mandants. Mais contre qui et auprès de qui ? Les tribunaux français, y com-pris le Conseil d’État, tout en re-connaissant le droit des person-nes spoliées à se plaindre, n’examinent plus leurs plaintes. La Justice s’appuie sur l’accord diplomatique franco-russe de 1996 réglant la question des det-tes antérieures à 1945 (voir enca-dré). Les associations de porteurs, qui n’ont pas été consultées, cri-tiquent notamment le montant de la « soulte » compensatoire. Elles n’ont pas été suivies par la Cour européenne des droits de l’hom-me qui, en mai 2001, a estimé qu’un épargnant devait assumer les risques inhérents à tout pla-cement financier. Il ne reste aux porteurs de titres qu’à se tourner vers les tribunaux russes, mais sans appui diplomatique français, car l’accord de 96 l’empêche et permet aux tribunaux russes de renvoyer les plaintes aux fran-çais…C’est là que l’affaire de St-Nico-las peut permettre à ces associa-tions de rebondir car la Justice française a reconnu que la Fédé-ration de Russie était propriétai-re de la cathédrale de Nice, construite sous les tsars. Le Tri-bunal de Grande Instance de Nice a rejeté l’argument de l’Associa-tion cultuelle de cette ville qui uti-lise la cathédrale depuis 1923. Son bail arrivé à terme, elle voulait faire reconnaître son titre de pro-priété au motif de l’occupation durable du bien. Pour les porteurs, l’intérêt est dans la reconnaissan-ce par un tribunal français d’un litige sur une question de proprié-té antérieure à 1917, car si les det-tes d’avant 1945 entre France et

Le ministère des Affaires étran-gères soupçonne les États-Unis d’avoir choisi « élégamment » le moment pour arrêter les espions : la fin de la visite de Medvedev à Washington, pour en gâcher l’im-pression et ralentir la relance. Sans aucun doute, il y a des gens dans l’« establishment » américain qui sont hostiles à la Russie et ne veulent pas d’une relance des re-lations. Il se peut que le scandale ait été organisé par eux, mais très mal préparé. De toute évidence, l’affaire est aussi préjudiciable à l’administration d’Obama qu’à cel-le de Medvedev.

natalia GevorkyanspécialeMent pour

la russie d’aujourd’hui

François PerreaultspécialeMent pour

la russie d’aujourd’hui

avant tout. Des jeunes et des moins jeunes, et des plus jeunes du tout dansent le tango, cette danse su-perbe où l’erreur est impossible. Aucune envie de continuer sa course. En revanche, tracer dans l’air cet élégant zigzag avec son talon et s’appuyer sur la main at-tentive du partenaire…Les uns dansent le tango-light, de manière approximative, les autres exécutent chaque pas avec zèle et exactitude. Tout est par-fait et totalement froid. Et tout à coup, un couple d’un certain âge apparaît sur la piste. Lui est vêtu de noir, elle de blanc. Ils s’emboîtent, main dans la main, comme les détails d’un mécanis-me parfaitement ajusté. S’immo-bilisent pour quelques instants, puis… Je ne comprends plus ce qui se passe. Leurs mouvements ont la retenue des rythmes d’un siècle passé. Elle le touche sans le tou-cher. Sa tête à lui est légèrement inclinée vers le bas, vers elle. Une impression d’improvisation dans chaque mouvement. Tu te figes, parce qu’on est train de te raconter une histoire, et ce récit discret contient tellement de passion, que ça te met mal à l’aise, tu ne voulais pas épier cette vie étrangère. Ces deux-là sont comme seuls sur les quais, avec leurs propres souvenirs, leur his-toire. Deux corps qui ont trouvé et n’ont jamais perdu l’harmonie, qui ont survécu à la vanité de l’impecca-bilité et ont acquis cette classe qui transforme une série de mou-vements en essence du tango. C’était la danse d’un amour iné-puisé, d’une attraction réciproque qui a résisté au temps. Cela ne s’apprend pas. Et il faut le danser ici, dans le soleil cou-chant et au couchant de la vie, qui se reflètent tristement dans la Seine rose et grise.

s’agit simplement de jeunes rus-ses vaguement majeures en habit traditionnel moscovite.On entend très mal avec cette mauvaise musique impulsée par un DJ prétendument « interna-tional ». L’affiche le dit berlinois, c’est à coup sûr un Allemand de la Volga. Sirotant leurs cocktails à vingt euros, matant les filles jusqu’au torticolis, les trois héros seront néanmoins rapidement identifiés dans une foule à forte prédominance féminine.Qu’on vous présente Macha, Ksioucha et Dacha, 18 ans aux fraises, qui viennent s’asseoir à leurs côtés : minijupes fluos, ma-quillage à la truelle, talons hima-layens – un classique du genre. Le sabir russo-anglais du sextuor est incompréhensible, la discus-sion, périlleuse, mais les bouteilles de champagne soviétique qui s’ac-cumulent sur la table délient les langues. La légère ivresse se trans-forme en monstrueuse murge. Champagne et cocktails, la messe était dite : notre trio de choc n’aura pas remarqué le départ des belles, qui se sont esbignées à l’heure du premier métro.Rien de tel cependant qu’une fac-ture de bar pour dégriser Jean-Pierre, qui connaît davantage le cours du rouble. De toute façon, les ronflements de Grégoire indi-quent qu’il a oublié jusqu’à la cou-leur de l’euro. Notre vaillant ami s’acquitte donc de la douloureu-se, non sans grimacer. Mais que sont 700 euros, quand on vient de passer une belle soirée ?

tout à coup tu te retrou-ves seule, parce que c’est l’été, les amis sont partis en vacances, Paris s’est

vidée, et toi, tu croules sous le travail, qui n’a que faire de l’été. Cette accalmie inattendue, qui coïncide avec celle de la ville arrachée à sa course folle, est l’espace créatif, affranchi des rendez-vous professionnels et autres obligations personnelles, dont tu rêves toute l’année. Tu deviens plus attentive aux détails du paysage parisien al-légé par l’été. Le jogging du soir sur les quais de la Seine se transforme en aventure. Plus besoin de musi-que dans les oreilles, cette cloi-son sonore entre toi et la rumeur pesante de la ville. La cité s’apai-se et tu commences à entendre sa résonance. Les sons du tango retentissent plus fort. Il suffit de descendre des quais supérieurs vers la Seine. Plus près de l’eau. On y tangue dans le soleil couchant. Hallucinant ! En chaussures à talon et en baskets, en jupettes et en jeans, dos nu ou vêtu d’un simple t-shirt. Peut-être que grâce à Bertolucci, le tango à Paris est différent, surchargé émotionnellement. Ou alors ce n’est que moi qui l’entends de la sorte. À Moscou, dans le parc Neskout-chny, on danse la salsa, le rock n’roll ou les danses de salon, et parfois même des danses popu-laires. Avec toute l’énergie de la jeunesse et le sentiment joyeux d’avoir un public. Quel que soit le rythme de la musique, tu sens le tempo de l’époque. Les adul-tes passent en souriant, ou s’ar-rêtent pour applaudir. À Paris, chacun danse pour soi. Et ça se voit. Les gens sortent sur la piste im-provisée pour se faire plaisir

depuis le temps, ça fait plaisir. Exilé depuis un petit moment dans la capitale russe, l’ami

Jean-Pierre reçoit enfin la visi-te de quelques potes parisiens en mal d’exotisme. L’arrivée de Grégoire et de Thierry, c’est l’occasion de s’en-canailler un peu dans les tripots de luxe de la capitale. Encore faut-il que les deux touristes s’adaptent un tant soit peu aux codes de conduite locaux.La première soirée aura donc été un échec. Les tongues (de marque) de Grégoire, si elles lui valent moult compliments dans l’Hexagone, procurent au contraire un haut-le-c œur aux videurs. Le t-shirt (griffé) de Thierry, tout autant.Rendez-vous est donc pris le len-demain dans les chics boutiques de la ruelle Stolechnikov, his-toire de faire bonne figure et quelques emplettes. Paré d’une chemise (d’un mauvais goût sans nom), Thierry est irrésistible. Les chaussures croco à bouts poin-tus siéent à Grégoire à la per-fection.La deuxième soirée sera la bonne. La neuvième discothè-que les accepte. Jean-Pierre est acclimaté, les deux autres un peu moins. « Tant de prostituées de 15 ans, c’est étonnant ! », lâche Grégoire, l’ œil tournant comme un stroboscope. Une er-reur de débutant rapidement corrigée par notre vieil ami : il

cES SAcréS FrAnçAiS

cES SAcréS ruSSES

le tango des vieux amants

Voyage au bout de la nuit

Russie ne sont plus exigibles, pourquoi la propriété d’un bien immobilier de l’État russe d’avant 1917 lui serait-elle reconnue, alors que ses obligations ne le seraient pas ? Si l’association n’obtient pas gain de cause, demandera-t-elle la saisie du terrain de Météo Fran-ce acquis par la Russie ? Moscou arguerait qu’il y avait de quoi rem-bourser les petits porteurs depuis longtemps.

Natalia Gevorkyan, correspon-dante à Paris du journal Kom-mersant.

François Perreault est expatrié à Moscou depuis quatre ans.

une décision de justice redonne espoir aux centaines de milliers de porteurs français spoliés en 1918 par un décret de Lénine, qui ne reconnaissait plus les « dettes tsaristes ».

Dimitri DE KochKo la russie d’aujourd‘hui

Emprunts russes : vers une relance de l’affaire ?

justice la russie reconnue propriétaire de la cathédrale de nice

Au lendemain de la révolution, Lénine avait signé un décret ne reconnaissant plus les « dettes tsaristes ».

La somptueuse cathédrale orthodoxe de nice a été consacrée en 1912.

Locomotives doréesEn 1880, Alexandre III propose des titres cautionnés en or à Paris pour financer ses chemins de fer. Après la défaite de 1871, la France recher-che des alliés solides. En 1888, qua-tre emprunts de 500 millions de francs or sont émis et couverts. Ils seront suivis de bien d’autres grâce à l’alliance franco-russe. Par patrio-tisme, autant que par intérêt pour des obligations qui garantissent une bonne rente. Ils sont 1,6 million de porteurs à avoir acquis pour 12 mil-liards de francs or en 1914 (soit 19 milliards d’euros actuels). Selon le professeur Vladlen Sirotkine, spécia-liste des avoirs russes à l’étranger, en 1914, le ministère russe des Fi-nances a retiré en urgence les avoirs de Berlin pour les placer à Paris. Mais on ignore toujours où est cet or. Selon le professeur, les Roma-nov ont expédié des lingots, via le Japon, en France et en Angleter-re. C’est cet or qui a servi de mon-

naie d’échange à Gorbatchev pour conclure un accord avec Londres et indemniser dès 1986 les porteurs anglais d’emprunts russes… La Révolution d’octobre 1917 avait poussé le nouveau pouvoir à signer la paix de Brest-Litovsk et à ver-ser 47,5 tonnes d’or aux Allemands. Or pris par les Français après 1918. Après déduction anglaise, il avait été confié « provisoirement » à la France par le Traité de Versailles et n’a jamais été restitué à la Russie. Pendant la guerre civile, le chef des armées blanches de l’Est, l’amiral Koltchak, a envoyé au moins 11 ton-nes d’or à des banques françaises. Selon Sirotkine, les autorités fran-çaises disposaient en 1923 « d’au moins 93,5 tonnes d’or » qui leur auraient permis d’indemniser les pe-tits porteurs. Une autre voie a été choisie : faire retomber la responsa-bilité sur les « bolcheviques au cou-teau entre les dents ».

L’accord de 96La France et la Russie ont signé l’accord du 26 novembre 1996 pour régler « définitivement » le contentieux. Le document pré-voit non pas un remboursement mais la compensation des créan-ces réciproques entre les deux pays et le versement par la Rus-sie d’une « soulte » (une diffé-rence) de 400 millions de dol-lars. Ainsi, les dettes des institutions et des banques françaises vis-à-vis de la Russie sont aussi prises en charge de fait par de l’argent destiné aux petits porteurs fran-çais d’emprunts russes (25 mil-liards d’euros, selon l’APFER). La Russie a renoncé à demander la restitution des 47 tonnes de Brest-Litovsk. Les Français ont pris la responsabilité de régler les contentieux en France. La fa-çon dont s’est passé le recense-ment des ayants-droit en est un.

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.rbth.rucommuniqué DE roSSiYSKAYA GAZEtADiStribué AVEc LE FiGAro culture10

JEAn-Eric DESALmEspécialement pour la russie d’aujourd’hui

Les plus beaux discours ne pourront rendre compte de l’effervescence russe avec autant de fidélité que les images exposées à la maison européenne de la photographie.

Des clichés et des signes de libertéExposition un vaste panorama de la photographie russe actuelle exposé à paris

Le stalinisme et ses héritiers avaient tenté de réduire l’en-tité géopolitique et l’homme russes à un seul corps. L’expo-sition « Photographie de la nou-velle Russie, 1990-2010 », panorama de la photo contem-poraine russe, nous montre des réalités totalement opposées. Sur le versant documentaire, on retiendra entre autres Serguei

Tchilikov et son odyssée à tra-vers les « régions », entre 1993 et 1995, efficace exploration d’une Russie s’étendant bien au- delà de Moscou et souvent iné-dite. Igor Mukhin, le très proli-fique photographe de la jeunesse urbaine russe, sensibi-lise à l’intrusion brutale du ca-pitalisme dans la société post-soviétique. On s’arrêtera aussi sur les té-moignages poignants des guer-res récentes menées par la Fé-dération de Russie (Boris Koudriavov, « Miroir de la guer-re », Grozny, 1996), mais aussi simplement sur les visages et les corps de dizaines de femmes, d’hommes (et de nombreux en-fants) dans les sobres portraits

boris Koudriavov « Le miroir de la guerre », cliché pris à Grozny.

Parfaire ses entrechats à l’école du bolchoï

Portrait une Française parmi les russes

mAurEEn DEmiDoFFspécialement pour la russie d’aujourd’hui

michelle a intégré l’école du bolchoï à sept ans. En dix ans, cette danseuse française russophone s’est parfaitement intégrée à la culture chorégraphique russe.

Le dos bien droit, la nuque dé-gagée et les pieds en première position, Michelle Willems danse comme elle respire. Le goût de son art lui est venu toute peti-te, après avoir assisté à un bal-let classique. En sortant de la salle de spectacle, c’était déci-dé : elle serait danseuse. S’en-suit une rencontre décisive avec son premier professeur de danse, Katia Anapolskaïa, qui lui pro-pose de la montrer au Bolchoï. Un rêve inouï pour cette jeune Française.Alors que les conditions d’ad-mission dans la prestigieuse école requièrent le passage de trois examens pour évaluer les aptitudes (écarts, positions, « en-dehors »), la morphologie selon les critères du Bolchoï (« lon-gues jambes, longs bras, petite tête ») et le style, Michelle Willems est invitée à faire une démonstration devant un pro-fesseur, lors d’un cours avec des enfants de son âge. « Mon inté-gration au Bolchoï ne s’est vrai-ment pas passée de façon habi-tuelle », raconte-t-elle. « J’ai échappé aux trois examens d’en-trée et on m’a prise directement en deuxième année ». Débutent alors dix années d’in-ternat pour l’unique Française de l’école, considérée très vite comme russe par les enseignants et les élèves. À dix sept ans, la jeune danseuse s’est aguerrie, et adaptée à la psychologie des professeurs sans se laisser inti-mider ni par leurs méthodes pé-dagogiques, ni par la discipline de l’école : « Pour que tu tra-vailles davantage, les Russes te disent que tu n’as pas le niveau. Certains professeurs nous ont beaucoup fait pleurer mais ils nous aiment et ils sont durs pour nous forcer à donner le meilleur de nous-mêmes. Je préfère mille

fois être grondée qu’ignorée ; j’aurais l’impression de ne pas intéresser », explique Michelle.En janvier 2010, à l’occasion du Gala Pestov organisé pour le ju-bilé du grand professeur, Michel-le Willems est choisie pour dan-ser avec le corps de ballet, sur la scène du Bolchoï, la Valse des fleurs de Casse-noisette. Les bal-lets dont les scénarios mettent en scène des enfants sont autant de chances pour les élèves de

participer à des spectacles. Mi-chelle rapporte comment elle a « également dansé au Kremlin dans le Corsaire de Grigorovitch dont la chorégraphie offre des rôles pour petites filles. J’étais en quatrième année et j’en garde un souvenir étrange car j’ai failli rater mon entrée en me prenant les pieds dans les fils du décor ».En répétition, il faut compren-dre et mémoriser rapidement sous peine d’être écartée du spectacle. La vitesse de travail reste une marque distinctive de l’école russe, qui peut mettre en place un ballet en un temps très court. « Nous avons monté la Valse des fleurs en une semaine, c’est seulement sept jours de ré-pétition avant la scène », expli-que la jeune Française. Et d’ajouter : « Danser sur la scène du Bolchoï [nouvelle scène], c’est beaucoup de joie, de trac et la tristesse que tout se termine ra-pidement ». Le regard parfois critique sur les chorégraphies jugées trop académiques, la jeune danseuse se réjouit de voir des mises en scène plus contemporaines in-vestir la scène du Bolchoï, à l’instar de l’Opéra de Paris. Elle

aspire à des rôles de soliste et à un large répertoire pour dan-ser des adagios et surtout des œuvres de caractère, qu’elle af-fectionne particulièrement. Michelle Willems terminera ses études dans deux ans, en sa-chant qu’elle ne pourra pas tra-vailler au Bolchoï, car elle n’est pas de nationalité russe. Luci-de, elle confie qu’elle « ne le re-grette pas vraiment car au Bol-choï il y a beaucoup de talent, jusque dans le corps de ballet, donc il est très difficile de de-venir soliste. Dans un autre théâtre, les danseurs ont certai-nement plus de chance d’y par-venir. Le diplôme du Bolchoï ne m’ouvrira pas toutes les portes mais c’est un diplôme presti-gieux, qui comptera ».

« Grand » théâtreLe Théâtre du Bolchoï (« Grand Théâtre » en russe) incarne mieux qu’aucune autre institution le sens du faste des Russes. Il fut construit en 1824, brûla en 1853 puis fut reconstruit avec une capa-cité portée à 2 000 places et une très vaste scène accueillant dès lors les grandes vedettes inter-nationales. On y privilégie depuis toujours les voix très puissantes et les danseurs au physique athléti-que. Fermé en 2005 pour travaux, le théâtre devrait rouvrir en 2011. Une « nouvelle scène » un peu plus petite accueille actuellement les spectacles du répertoire. « Le diplôme du bolchoï ne m’ouvrira pas toutes les portes mais

c’est un diplôme prestigieux, qui comptera ».

« Danser sur la nouvelle scène du bolchoï, c’est beaucoup de joie, de trac et la tristesse que tout se termine rapidement ».

de familles en noir et blanc, réa-lisés par Vladimir Mishukov.Du côté des « plasticiens », au sens large du terme, la poésie dé-licate d’un Leonid Tishkov, créant un personnage qui promène un énorme croissant de lune incan-descent dans la ville et jusque dans son lit, ou encore le collec-tif AES+F, mettant sans conces-sion en scène certains rapports de domination et d’aliénation in-hérents à toute société, sont autant de signes d’une liberté et d’une impertinence qui n’ont rien à envier aux artistes du monde autrefois dit « libre ».

ÎLES SoLoVKi - mErVEiLLES Du norD DE LA ruSSiEdu 2 au 16 août au centre de russie pour la science et la culture à parisCette exposition photo présente la beauté de l’archipel des Solovki, si-tué dans la mer Blanche arctique, à proximité du cercle polaire. Elle fera découvrir un patrimoine natu-rel, historique et spirituel unique, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle offrira aux visiteurs des clichés des magnifiques pay-sages et du célèbre monastère des îles – lieu de pèlerinage pour les Russes et destination privilégiée des touristes étrangers (après avoir accueilli le Goulag - voir notre arti-cle par ailleurs). La création de ce monastère, il y a plus de cinq cents ans, dans les conditions difficiles du Grand Nord, a donné naissance à un patrimoine exceptionnel.

www.russiefrance.org, ›www.infos-russes.com ›

JEunE Art ruSSE19-23 août 2010, CaNNESMusique, traditionnelle et clas-sique, et peinture au program-me de ce festival mettant en contact de jeunes artistes rus-ses et la création locale can-noise. Avec la participation de l’Ensem-ble chorégraphique Moïsseïev et de l’Ensemble Folkorique Les Gousliars.

À L’AFFichE DE L’AnnéE croiSéE 2010

tous les détails sur notre siteLAruSSiEDAuJourDhui.Fr

« pour que tu travailles plus, on te dit que tu n’as pas le niveau. certains professeurs nous font pleurer mais ils nous aiment. ils sont durs pour nous forcer à donner le meilleur de nous-mêmes »

maison européenne de la photographie, jusqu’au 29 août.

www.mep-fr.org

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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

11Culture

VERONIKA DORMANLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Olivier Rolin connaît la Russie depuis longtemps. À bord du train des écrivains Blaise Cendrars, il raconte comment ce pays ne cesse de le fasciner.

La Russie et vous, c’est une vielle histoire…Elle a commencé il y a 25 ans. En 1985, un éditeur a décidé de m’envoyer en Russie pour en tirer un livre (En Russie, Quai Voltai-re 1987). C’était encore l’Union soviétique, un pays que l’on connaissait mal. J’ai appris le russe sur le pouce, juste de quoi me débrouiller. Je suis parti deux fois, seul, d’abord en hiver : Le-ningrad, Moscou, le Transsibérien. Puis en été, autour de la mer Noire. Je voulais voir de quoi était fait le quotidien des Russes.

Ce n’était que la première de vos in-nombrables aventures russes ?Je n’ai jamais cessé de revenir de-puis. À Leningrad pour une revue ; à la fac d’Irkoutsk, pour animer un séminaire sur la poé-sie française ; à Tomsk pour par-ler de Port-Soudan. Puis Vladi-vostok, le Kamtchatka, Magadan pour voir l’endroit où l’on débar-quait les déportés de la Kolyma. J’ai passé une quinzaine de jours dans le grand nord, dans l’estuai-re du � euve Khatanga, pour écri-re une série pour Le Monde sur un type qui extrayait des mam-mouths de la glace. C’est la Si-bérie qui m’a toujours fasciné le plus, ses terrae incognitae, et la charge de douleur qu’elle porte.

Justement, que représente pour vous, ancien révolutionnaire de la gauche radicale, le Goulag ?Si je suis allé à Magadan, c’est parce que j’avais lu Chalamov et Evguenia Ginzbourg. Pour moi, le Goulag est une des grandes bornes tragiques du XXème siè-cle. Même si je suis français, c’est mon histoire. Dans ma jeunesse j’ai été très révolutionnaire, sous la forme un peu absurde du maoïsme. Nous étions beaucoup dans ces mouvements, mais nom-breux aussi à nous désengager. Nous nous sommes auto-dissous en 1973, et c’est ce qu’on a fait de mieux, à peu près à l’époque de la parution en Europe de l’Ar-chipel du Goulag. Notre raison première était notre désenchan-tement, nous devenions crétins en demeurant des militants fa-natiques. Ce constat a coïncidé

« Le Goulag est essentiel à ma constitution intellectuelle »

Portrait L’écrivain Olivier Rolin se livre à l’occasion d’un voyage à bord du Transsibérien

Pelevine, que je suis très fier d’avoir publié. La mitrailleuse d’argile (Seuil, 1997) est un très grand livre qui a eu beaucoup d’éclat. L’auteur que j’aime vrai-ment, que j’aurais aimé rencon-trer, c’est Tchékhov. Les grands écrivains russes sont parfois ef-frayants. Je n’ai jamais eu une envie folle de discuter avec Dos-toïevski. Tolstoï est terri� ant à sa façon. Les grands Russes par-lent souvent du peuple, mais ils en étaient assez éloignés. Alors que pour Tchékhov, le peuple n’est pas une abstraction.

Vous dirigez depuis un an un pro-gramme littéraire en Russie…« Aimer la littérature ». Avec l’aide du Centre culturel, tous le deux mois, pendant une semai-ne, à Moscou, Saint-Pétersbourg et Ekaterinbourg, je présente un écrivain français, qui lit et com-mente un écrivain qu’il aime dans la littérature française. Emma-nuel Carrère a lu Romain Gary, Pierre Michon à présenté Victor Hugo, Jean-Christophe Bailly a lu des poètes modernes. J’avais moi-même essuyé les plâtres en lisant des textes de Cha-teaubriand.

Vous venez de recevoir le prix Paul Morand de l’Académie française, vous y attendiez-vous ?Je l’ai appris en me réveillant à Oulan-Oude. J’étais stupéfait. Au-delà de l’aspect matériel (45 000 euros), c’est un honneur. Je ne vais pas faire de fausse modestie. Que des gens reconnaissent votre tra-vail, c’est extrêmement � atteur. Mais comme a dit Dominique Fer-nandez, je me suis toujours moqué de l’Académie française. C’est vrai. Et je continuerai.

Olivier Rolin, le mot au poingNé le 17 mai 1947 à Boulogne-Billancourt, Olivier Rolin a passé son enfance au Sénégal. Diplômé de philosophie et littérature, nor-malien, il a été membre dirigeant de la Gauche prolétarienne et chef de sa branche armée, la Nouvelle Résistance populaire. Grand voya-geur, il est surtout écrivain et es-sayiste, journaliste à ses heures

perdues, et éditeur de longue da-te aux éditions du Seuil. Son qua-trième roman, Port-Soudan (Seuil 1997) a remporté le prix Femina, mais son plus grand succès à ce jour reste Tigre en papier (Seuil 2002), où il revient sur ses rêves et désenchantements de jeune ré-volutionnaire. Il vient de publier Bakou, derniers jours (Seuil).

avec le surgissement massif du Goulag sur la scène intellectuel-le française. J’ai engagé alors une ré� exion un peu mélancolique sur la révolution en général, russe mais aussi française, ce qu’il y avait de grand et de sinistre dans son histoire, à partir de mon ex-périence personnelle et de Solje-nitsyne. Le Goulag est essentiel à ma constitution intellectuelle.

Quelle est votre relation à la littéra-ture russe ?Je ne connais pas très bien la lit-térature contemporaine. Sauf

Olivier Rolin avait déjà pris le Transsibérien lors de son premier voyage en Russie, en 1986, jusqu’à Khabarovsk.

SVETLANA ALEKSEEVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’attachement à maison de campagne est tel que même au cœur de l’été, nombreux sont ceux qui ne vont pas plus loin. La datcha est plus que jamais enracinée dans la culture russe.

C’est un exode rituel. Les voitu-res s’extirpent des grandes vil-les chargées de jeunes et de moins jeunes, de chats et de chiens, de vieux vêtements, frigos, matelas et tout ce qui peut servir loin de la civilisation. On fuit la pollu-tion et la grisaille pour un re-tour à la nature hebdomadaire.

Rien ne vaut la datcha pour se remettre au vert !

Loisirs Les Russes plébiscitent leur résidence secondaire De préférence pendant la belle saison. Qu’est-ce qu’une datcha tradi-tionnelle ? Un lopin de 600 m2, situé entre 50 et 200 km du do-micile urbain, avec quelques buissons, des pommiers et un po-tager, une maison en bois sans téléphone ni eau courante, et des toilettes à l’extérieur. Il est vrai que pendant la dernière décen-nie, de fastueuses résidences se-condaires ont été érigées dans les secteurs à datchas, avec des colonnades, balustrades et autres fastes, mais ces constructions n’ont plus rien à voir avec les datchas traditionnelles. Pour « l’homo sovieticus », la dat-cha était sa propriété privée dans un pays où celle-ci était niée. C’était le seul moyen d’échapper momentanément au contrôle total sur la société. « J’étais à la datcha » justi� ait une longue ab-sence, une sorte d’émigration in-terne. La datcha met aussi du baume sur les chamailleries familiales, c’est le lieu du consensus. Elle

offre un bouquet d’activités qui met tout le monde d’accord. « Nous allons à la datcha », et tout est dit. Le mari plante des clous, la femme des tomates, les enfants et les chiens sont lâchés en liberté... La datcha nourrit aussi ses oc-cupants, ce qui n’était pas rien à l’époque soviétique où le dé� -cit chronique de produits dans le commerce était compensé par les légumes récoltés sur son lopin de terre et mis en bocaux (voir la recette en p.12). Les concom-bres marinés à la maison ou la con� ture faite avec les framboi-ses du jardin restent imcompa-rablement plus savoureux que ce que l’on achète en magasin. C’est aussi le lieu idéal du rituel des brochettes (chachlik), la dé-gustation de viande prisée dans toute l’ex-URSS. Et comme le chachlik, c’est meilleur en grou-pe, il fournit une bonne raison d’inviter des amis. La vie à la datcha est telle qu’on ne se rend pas compte qu’il est déjà temps... de retourner en ville.La datcha, c’est le ballon d’oxygène des citadins russes.

Comme son illustre prédéces-seur John le Carré, Alexandre Zviaguintsev est un homme de terrain. Procureur général ad-joint de Russie, il met en scène dans un « thriller » volumineux et foisonnant un monde terri-� ant qu’il connaît bien. Sélec-tion naturelle présente une fresque de la Russie des années 90, où se succèdent trahisons, attentats, rapts, assassinats et tra� cs en tout genre, orches-trés par d’anciens apparatchiks du parti ou d’ex-agents du KGB reconvertis dans des af-faires véreuses. C’est ce pays que retrouvent le héros Skif et ses compagnons, lorsque, après des années de guerre en Afgha-nistan et en Serbie, ils débar-quent clandestinement chez eux et découvrent une nouvel-le Russie : renouveau religieux, voitures de luxe, SDF, vieillards et enfants abandonnés ; une Russie « devenue un peu pute, qui couche avec n’importe qui contre des billets verts ». Ici, la sélection naturelle ne répond pas aux lois darwiniennes, mais à celles d’une ma� a affairiste qui livre une lutte impitoyable pour une place dans la curée permise par l’incurie des poli-tiques. Ce n’est pas le plus fort qui survit, mais le plus corrom-pu et le plus veule.Skif se lance à la recherche de sa femme Olga, avec laquelle il a passé tout juste un mois en Afghanistan où elle était venue le rejoindre sur le front. Une petite � lle est née. Olga est de-venue présentatrice vedette à la télévision et, croyant Skif mort, a épousé un homme de main de son père. Skif se trouve très vite confron-té aux assauts d’un clan ma-fieux inspiré par son propre beau-père, surnommé le Python, en raison de son insatiable ap-pétit d’argent et de pouvoir. Skif, le loup solitaire, dépositaire des valeurs d’honneur et de probi-té des cosaques, se lance dans un nouveau combat pour re-construire, en dépit du chaos ambiant, sa propre vie. « Tant qu’il y aura des gens comme Skif... la nation russe survivra. Tous ceux qui la dénigrent, la corrompent et la pillent � ni-ront par se briser contre l’hom-me russe, comme les vagues de la mer contre les rochers » dira l’Inquisiteur, général du FSB qui porte la voix de l’auteur. D’une écriture très cinémato-graphique, Sélection naturelle a donné lieu à une série télé-visuelle à succès en Russie.

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Un « thriller russe » en noir sur blanc

ÉDITIONS DES SYRTESTRADUIT PAR ANTONINA ROUBICHOU-STRETZ

Je suis allé à Magadan parce que j’avais lu Chalamov. Le Goulag est une borne tragique du XXe siècle.

Je ne suis pas un grand admirateur de Dostoïevski, je n’aime ni son style ni ses idées. Alors que Tolstoï est un peintre remarquable, le plus grand romancier de l’histoire de la littérature.

Diaporama surlarussiedaujourdhui.fr

Christine Mestre

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12 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.RBTH.RUCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Culture

RECETTE

Concombre masqué contre « œil de Moscou »

Je suis captivée par le scandale brûlant de cet été caniculaire : le cercle des espions russes dor-mants coincés aux États-Unis. Empêtrés dans de beaux draps jusqu’au cou, ces hommes et ces femmes ont été capables d’ac-complir la tâche difficile de se faire passer pour des Américains ordinaires (mais quid de leurs en-fants ?) pendant dix ans, et ça, ça m’impressionne. Je n’y serais ja-mais arrivée, moi. Malgré deux décennies en tant qu’Américaine à Moscou, je ne me ferais jamais passer pour une Russe, sauf peut-être en cuisine, où je peux exécuter une imitation un tant soit peu crédible. L’été est calme à Moscou et le moment idéal pour des projets culinaires ambitieux. Je n’ai pas à aller loin pour trouver de l’ins-piration. D’énormes bocaux de 5 litres, des brassées d’aneth, de feuilles de chêne et de mûres, et des montagnes de concombres sont au premier plan de tous les étalages sur le marché : c’est la saison du cornichon malossol !L’art de la conserve est arri-vé en Russie de Chine, via les turco-mongols. Aujourd’hui, les concombres marinés font autant partie de la culture culinaire rus-se que la vodka. D’ailleurs, ces deux aliments de base font sou-

Jennifer Eremeeva SPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

vent équipe pour ouvrir l’appé-tit pendant la longue étape des hors-d’œuvre. Le malossol est aus-si un accompagnement classique de nombreux plats traditionnels, comme le bœuf Stroganoff. Et ce que le malossol est au début d’un dîner, la saumure ou « rassol » l’est au lendemain matin : pour de nombreux Russes, c’est le meilleur remède à la gueule de bois. La période de pousse en Russie est brève mais intense, surtout pen-dant les nuits blanches, quand le soleil ne se couche jamais. Voilà des conditions idéales pour faire pousser des concombres. À cette époque de l’année, ils sont bon marché, abondant et dispo-nibles à tous les coins de rue. Le problème, c’est qu’une fois cueillis, les concombres périssent vite. Pour quel type de conservation opter ? Mon bon ami et connaisseur en concombres marinés, Zachary, 8 ans, trouve que les cornichons au vinaigre sont trop acides. Voici une solution à ce problème : des malossols demi-sel, de loin la conservation la plus simple à pré-parer, qui préserve le croquant du concombre fraîchement cueilli, en ajoutant le piquant de l’aneth, du sel et de l’ail. La préparation est très simple, mais il faut absolument s’assurer que tous vos ustensiles sont stérilisés !

Ingrédients :5 litres d’eau2-3 kilos de petits concombres2 grosses bottes d’aneth frais1 tasse de gros sel (casher ou marin)15 gousses d’ail coupées en fines tranches5 clous de girofle1 cuiller à thé de graines de mou-tarde1 cuiller à thé de graines de co-riandreDes feuilles vertes de chêne, cas-sis ou cerise, si disponibles. Sinon, remplacez par de l’estragon ou de la coriandre frais5 feuilles de laurier1/8 de tasse de poivre en grainsNB : si vous aimez vos cornichons un peu épicés, ajoutez du raifort ou quelques petits piments épé-pinés.

Préparation :Nettoyez et stérilisez tous les usten-siles, récipients et surfaces. Lavez-vous les mains.Préparez les concombres : lavez-les soigneusement, enlevez ceux qui sont abîmés, et coupez les bouts.

Plongez-les dans un large saladier d’eau glacée.Portez à ébullition les 5 litres d’eau et dissolvez-y le sel. Vous avez vo-tre saumure. Laissez refroidir jusqu’à température ambiante.Placez une botte d’aneth au fond d’une mijoteuse puis disposez les concombres, bien serrés, à la verticale.Versez la saumure tiède sur les concombres, jusqu’à les recouvrir complètement. Ajoutez la moitié des ingrédients sur les concombres. Pla-cez une seconde couche de concom-bres par-dessus et ajoutez le reste des ingrédients.Versez le reste de la saumure sur les concombres, assurez-vous qu’ils sont bien recouverts.Recouvrez la mijoteuse avec un tor-chon puis placez-la sur des cales en bois, ou sur une étagère en fer forgé pour que l’air puisse circuler sous la mijoteuse.Les malossols seront prêts dans deux jours !

Pour la grande majorité des ar-tistes sélectionnés, il s’agit de leur première participation à une biennale d’envergure inter-nationale. Le génie des organi-sateurs est de ne pas s’être contenté de proposer une série d’expositions, aussi passionnan-tes soient-elles, mais d’en avoir fait un vaste forum informel d’échanges entre les jeunes ar-tistes. Une amusante aventure interculturelle, sociale, mais pas intergénérationnelle. Bien sûr, les adultes du monde de l’art, les curateurs, les collectionneurs ont � nancé, encadré, sélection-né, donné leur avis. Mais l’ef-fervescence venait du mélange des jeunes. Certains s’angois-saient de savoir si tel ou tel ponte du milieu était passé de-vant son œuvre et avait lâché un commentaire élogieux. Dans leur majorité, les artistes étrangers ont pro� té de l’occa-sion pour découvrir Moscou. L’atmosphère de chaleur et de liberté totale a surpris la plu-

Carrefour de la jeune création

part. Parfois des questions sub-sistent. « On trouve très peu d’œuvres questionnant directe-ment la sexualité, et la repré-sentation du corps reste rare, comme si les organisateurs avaient peur de quelque chose », s’étonne Guillaume Le Moine, venu de Lyon pour présenter « Un nouveau Monde », disque

de silicium lithographié par fais-ceaux d’électrons, associant technologies et utopie.Y a-t-il eu une autocensure ? « Pas du tout », rétorque Daria Kamychnikova, l’un des deux principaux commissaires d’ex-position de la biennale. « Les seuls critères sont la qualité des œuvres et l’âge des artistes

[moins de 35 ans]. Nous avons choisi une grande part des œu-vres [avec Daria Pyrkina, l’autre commissaire principal], et nous avons aussi choisi des commis-saires d’exposition chargés de sélectionner leurs propres artis-tes ». Daria reste vague sur ses critères. « J’ai retenu ceux qui incarnaient le mieux le rejet des frontières [la frontière étant le thème général de la biennale] ». A-t-elle dû faire face, parado-xalement, à des limites ? « Seu-lement financières », assure Daria. « Nous avons juste refu-sé quelques installations pour des questions budgétaires ». La semaine des vernissages est terminée, et Sasha s’apprête à regagner sa provinciale Voronej où il a irrité les autorités avec une série de collages humoristi-ques mettant en scène Vladimir Poutine. Sasha ne s’en fait pas. Grâce à la biennale, il est rentré dans la grande famille cosmo-polite des artistes. Il salue chau-dement ses nouveaux amis et les invite à revenir dans deux ans, pour la prochaine biennale.

Autoportrait visuel du couple franco-autrichien JANA und JS.

NORA FITZGERALDSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les parodies de Lénine ne choquent plus les Russes. Mais ajoutez le Christ au postiche, et le portrait s’avère criminel. Les intégristes s’appuient sur les tribunaux dans leur guerre contre la liberté artistique.

Le commissaire d’exposition le plus respecté du milieu de l’art contemporain, Andreï Erofeïev, et l’ancien directeur du musée Andreï Sakharov, Youri Samo-dourov, l’ont appris à leurs dé-pens. À l’issue d’un long procès aux accents surréalistes qui s’est achevé la semaine dernière, les deux hommes ont été reconnus coupables d’incitation à la haine. Parmi les œuvres incriminées � -guraient entre autres un Mickey déguisé en Jésus et une icône de la Vierge recouverte de caviar. Ces œuvres faisaient partie de l’ex-position « Art interdit-2006 », conçue par Erofeïev et Samo-dourov pour dénoncer la censu-re exercée sur l’art.Le procureur avait requis trois ans d’emprisonnement. Les ac-cusés ont � nalement écopé d’une amende de 9 000 euros au total. Certains pensent que le Kremlin est intervenu en leur faveur, pour leur épargner l’incarcération.À la veille du verdict, les deux conservateurs ont fait l’objet d’un déluge de témoignages de sympathie. Un groupe d’artistes russes, dont des avant-gardistes de renom tels que Ilya et Emilia Kabakov, Erik Boulatov et Vla-dimir Yankilevski, ont adressé une lettre ouverte au Président Dmitri Medvedev a� n qu’il in-

La liberté artistique en jeu Art contemporain La Justice inflige des amendes à deux commissaires d’exposition

tervienne pour « mettre un terme aux persécutions ». « Un verdict de culpabilité serait une senten-ce à l’encontre de l’ensemble de l’art moderne russe, et un pas supplémentaire vers l’instaura-tion d’une censure ouverte ou masquée », ont-ils écrit. L’exposition « Art interdit-2006 » présentait une vingtaine d’œu-vres, dont des parodies d’images religieuses, cachées par des pan-neaux. Les visiteurs étaient contraints de monter sur un es-cabeau et de regarder à travers un judas : tout un symbole sou-lignant la difficulté actuelle d’ex-

poser des œuvres dé� ant la mo-rale dominante. Des militants religieux et un groupe ultra na-tionaliste contre-attaquèrent aussitôt en portant plainte.Andreï Erofeïev compte parmi une poignée de conservateurs russes de grand talent et de re-nommée internationale. Il a su attirer l’attention de directeurs de musées et de collectionneurs internationaux sur des artistes comme le collectif « Blue Noses », adepte de la farce provocante parodiant Pouchkine, Poutine ou le Christ. Mais la position très ouverte de ce commissaire d’ex-

position lui a valu des ennemis dans les milieux officiels. Il a déjà été limogé de son poste de conser-vateur à la prestigieuse galerie Tretiakov.Avant le verdict, le collection-neur américain d’art contempo-rain russe Mark Kelner, avait prévenu : « Il faut être naïf pour considérer la politique et l’art comme deux choses séparées en Russie. Si Erofeïev et Samodou-rov sont reconnus coupables, une épée de Damoclès sera suspen-due au-dessus de quiconque s’avise de susciter la moindre controverse ».

Cette installation pour l’exposition « art interdit » souligne la difficulté de défier la morale dominante.

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