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Les éditions des JOURNAUX OFFICIELS LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Entreprendre autrement : l’économie sociale et solidaire Patrick Lenancker Jean-Marc Roirant Janvier 2013

2013 05 Economie Sociale Solidaire

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economie social

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  • Les ditions des JOURNAUX OFFICIELS

    LES AVIS DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Entreprendre autrement : lconomie sociale

    et solidaire

    Patrick Lenancker Jean-Marc Roirant

    Janvier 2013

    LES AVIS DU CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

    Direction de linformation lgale

    et administrativeaccueil commercial :

    01 40 15 70 10

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    No 41113-0005 prix : 12,90 eISSN 0767-4538 ISBN 978-2-11-120909-1

    CONSEIL CONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL9, place dIna 75775 Paris Cedex 16 Tl. : 01 44 43 60 00 www.lecese.fr

    Lconomie sociale et solidaire (ESS) - mutuelles, coopratives, associations, fondations - saffirme

    comme une conomie dutilit sociale, forte de valeurs, de pratiques propres et de statuts qui en

    dfinissent le primtre, au service de lintrt collectif et de la cohsion sociale.

    Lavis du CESE, aprs avoir rappel limportance de la structuration du dialogue social dans lESS,

    formule ses propositions sur la ncessaire modernisation du modle coopratif afin de faciliter la

    reprise dentreprises - saines ou en difficults - par leurs salaris.

    Le CESE fait galement un certain nombre de propositions destines favoriser la structuration

    locale des acteurs territoriaux de lESS, particulirement en imaginant des modes de financement

    originaux.

    -:HSMBLB=WU^U^V:

  • 2013-05

    NOR : CESL1100005X

    Lundi 28 janvier 2013

    JOURNAL OFFICIEL DE LA RPUBLIQUE FRANAISE

    Mandature 2010-2015 Sance du 22 janvier 2013

    Question dont le Conseil conomique, social et environnemental a t saisi par lettre du Premier ministre en date du 11 octobre 2012. Le bureau a confi la commission temporaire la prparation dun avis sur Entreprendre autrement : l'conomie sociale et solidaire. Le bureau a dsign MM. Patrick Lenancker et Jean-Marc Roirant comme rapporteurs.

    ENTREPRENDRE AUTREMENT : LCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

    Avis du Conseil conomique, social et environnemental

    prsent par MM. Patrick Lenancker et Jean-Marc Roirant, rapporteurs

    au nom de la commission temporaire

  • 2 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Sommaire

    Synthse de lavis ___________________________ 5

    Avis ________________________________________ 9Introduction 9

    Lconomie sociale et solidaire : un champ conomique redcouvrir 9

    La place de lconomie sociale et solidaire 9 Au plan national 9 Sur le plan europen 11

    Des origines de lESS la vision actuelle de lUnion europenne 11

    des formes dauto-organisation face la rvolution industrielle 11

    Lconomie sociale et solidaire, et la notion dentrepreneuriat social 13

    La vision europenne 13 Quelles perspectives pour lESS ? 15

    Le primtre de lESS 15 Le dialogue social au sein de lESS 16

    Un secteur qui a dj fait lobjet de prconisations rcentes de la part du conseil conomique, social et environnemental 18

    Les avis rcents du CESE 18 Concilier lapproche franaise de lESS

    avec la logique communautaire 19 La contribution de lESS aux activits conomiques

    et notamment lconomie de proximit 20 LESS, acteur important de la sant

    et du bien tre de la population 20 LESS et les jeunes 21

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 3

    Les travaux des conseils conomiques, sociaux et environnementaux rgionaux (CESER) 22

    Amliorer la visibilit de lESS en rgions 22 dvelopper des outils de financement

    et daccompagnement adapts 23 Rechercher et favoriser les synergies sur les territoires 23 intensifier une gestion sociale exemplaire et innovante 24

    Moderniser le modle coopratif pour faciliter la reprise dentreprises par leurs salaris 24

    Un modle dancrage des activits et des emplois sur le territoire 25

    une gouvernance tourne vers la prennit des entreprises 25

    La rsilience du modle coopratif 25 Un modle qui ne doit pas tre rserv

    aux entreprises en difficult 26 Les facteurs cls de russite

    et les limites des reprises dentreprises en difficult 26 Les freins lever 26

    Une solution pertinente pour la transmission dentreprises saines 28

    un enjeu au niveau national 28 Les facteurs cls de russite

    des reprises/transmissions dentreprises en bonne sant 29 Les volutions ncessaires 30

    De nouveaux modles de dveloppement et de croissance 32

    Les nouvelles formes dentrepreneuriat coopratif 32 Les groupes coopratifs 33

    Favoriser le dveloppement local de lESS 34 LESS : un champ conomique structurant

    pour le dveloppement des territoires 34 Complmentarit entre dveloppement de lESS

    et dveloppement des territoires 34 des disparits rgionales 34 LESS dans lOutre-mer 35

  • 4 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Favoriser la structuration des acteurs territoriaux de lESS 36

    Mieux reconnatre les chambres rgionales de lconomie sociale et solidaire 36

    Les employeurs de lESS dans les territoires 37 vers une meilleure reconnaissance

    de la fonction des ttes de rseau 37 Les outils du dveloppement de lESS :

    contractualisation et financement 38 Structurer une politique en faveur du dveloppement

    de lESS via la contractualisation entre les pouvoirs publics et les acteurs 38

    Mieux soutenir lconomie sociale et solidaire 40

    Conclusion 42

    Dclaration des groupes ___________________ 44

    Scrutin ___________________________________ 62

    Annexes _______________________________________ 64

    Annexe n 1 : composition de la commission temporaire __________________ 64

    Annexe n 2 : liste des personnes auditionnes ___________________________ 67

    Annexe n 3 : table des sigles ____________________________________________ 70

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 5

    ENTREPRENDRE AUTREMENT : LCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

    Synthse de lavis1

    des millions de Franais sont concerns par lconomie sociale et solidaire (ESS).

    38 millions de personnes sont protges par une mutuelle adhrente la Fdration nationale de la mutualit franaise ;

    21 000 entreprises coopratives emploient prs dun million de salaris ;

    45 % de Franais adhrent une association et plus d1,8 million de salaris uvrent aux cts de 16 millions de bnvoles.

    LESS est prsente dans la quasi totalit des secteurs dactivits : action sociale, offre de soin, sport et loisirs, ducation et formation, banques et assurances, agriculture, industrie, construction, logement social, distribution, artisanat

    Forte de valeurs, de pratiques et de statuts qui lui sont propres, lESS se revendique comme une conomie part entire : ni substitutive de laction publique et du service public, ni curative des drives dun modle conomique en crise. Elle saffirme comme une conomie dutilit sociale au service de lintrt collectif et de la cohsion sociale.

    Le CESE se flicite de la concertation engage par le gouvernement dans le cadre de la prparation dun projet de loi destin reconnaitre, structurer et dvelopper lESS dans notre pays.

    Quelles perspectives pour lESS ?Notre assemble considre que ce sont les statuts qui dfinissent le primtre de lESS.

    Ceux-ci reprennent en effet des valeurs communes (entreprises de personnes et non de capitaux, solidarit entre membres, gouvernance dmocratique, impartageabilit de la proprit collective) et spcifiques (non lucrativit pour les associations, les mutuelles et les fondations ; lucrativit encadre et rglemente pour les coopratives). Par consquent, le CESE estime que linstauration dun label ou dispositif volontaire de reconnaissance ne prsente pas de rel intrt.

    de mme, il rappelle limportance du dialogue social au sein de lESS et recommande que :

    il ny ait aucune confusion entre le systme de gouvernance et les institutions reprsentatives du personnel et que celles-ci voient leurs prrogatives respectes ;

    les textes issus de la ngociation daccords multi-professionnels reoivent une valeur normative, ce qui passe notamment par une clarification de la reprsentativit des employeurs ;

    les organisations syndicales soient prsentes dans les instances institutionnelles de reprsentation de lESS, du type Conseil suprieur de lconomie sociale et solidaire, et quelles soient galement associes aux procdures dattribution et dvaluation des financements publics comme tous les autres acteurs de lESS concerns.

    1 Lensemble du projet davis a t adopt au scrutin public par 125 voix contre 22 et 18 abstentions (voir le rsultat du scrutin en annexe).

  • 6 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Moderniser le modle coopratif pour faciliter la reprise dentreprises par leurs salaris

    un modle considrer au-del de la reprise dentreprises en difficult pour rpondre lenjeu de transmission de PME saines

    Le CESE estime que la reprise dentreprises par les salaris ne doit pas tre rserve

    aux entreprises en difficult et que le modle coopratif, dont les SCOP, peut apporter plus

    globalement une solution lenjeu de la transmission de PME saines.

    dans tous les cas, lanticipation, le temps de prparation du projet collectif et laccs aux

    financements sont des facteurs dcisifs en vue de la russite dune telle reprise.

    Dans le cas dentreprises en difficult :

    cette formule doit tre utilise avec prudence en privilgiant un vritable

    accompagnement des salaris repreneurs ;

    la formation des mandataires judiciaires et des tribunaux de commerce doit leur

    permettre de mieux prendre en compte lintrt de cette solution ;

    le CESE invite les partenaires sociaux en lien avec les pouvoirs publics faire

    voluer, pour les cas de projets collectifs, le dispositif daide la reprise ou la

    cration dentreprise (ARCE) et celui du rgime de garantie des salaires (AGS)

    pour permettre aux salaris repreneurs de mobiliser plus rapidement leur apport

    financier ;

    lorsquun projet de reprise dune entreprise dfaillante par les salaris apparat

    conomiquement viable, ceux-ci doivent se voir accorder un droit de reprise

    prfrentiel.

    Pour dvelopper les transmissions dentreprises saines, il convient, pour le CESE :

    dinstaurer, pour les socits commerciales, un droit dinformation des salaris sur

    tout projet de cession ;

    en labsence de transmission familiale, que les salaris disposent, aprs lobligation

    dinformation, dun droit de reprise dans un dlai raisonnable au cours duquel

    cdants et salaris repreneurs examinent les conditions de transmission ;

    dans le cas spcifique de fonds prdateurs, le CESE recommande lapplication

    dun droit de reprise prfrentiel aux salaris repreneurs ;

    de crer un statut transitoire de SCOP damorage, permettant un portage

    temporaire, avec dtention majoritaire du capital par des associs extrieurs

    pendant une priode limite de 5 10 ans, avec droits proportionnels, le temps

    que les salaris puissent racheter les parts ncessaires la dtention majoritaire

    du capital.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 7

    un changement dchelle des moyens financiers

    Si le CESE se flicite que la Banque publique dinvestissement dispose dun compartiment spcialement ddi au financement de lESS, il conviendra den suivre

    attentivement les dveloppements.

    Il convient aussi :

    que le rle des banques coopratives soit renforc en matire de prts, de renforcement des fonds propres et de garanties en appui aux salaris crateurs-repreneurs ;

    dorienter lpargne salariale vers un fonds ddi aux reprises et transmissions dentreprises par les salaris ;

    dencourager la cration dun fonds spcialis dans la reprise dentreprises comme en italie.

    de nouveaux modles de dveloppement et de croissance

    Au-del des volutions qui ont dj men la cration des SCIC (Socits coopratives dintrt collectif) et au dveloppement des CAE (Coopratives dactivits et

    demploi), le CESE propose un modle permettant de consolider et accompagner la

    croissance externe des SCOP : le groupe coopratif. Cette volution juridique devrait

    permettre dlargir la notion de salaris associs lensemble du groupe dans le cas

    des relations entre SCOP.

    Favoriser le dveloppement local de lESSLe dveloppement de lESS et celui des territoires, mtropolitains comme ultramarins

    sont complmentaires.

    Favoriser la structuration des acteurs territoriaux de lESS

    Pour le CESE, une meilleure reconnaissance des chambres rgionales de lESS (CRESS) est un pralable. Pour ce faire, il convient de :

    simplifier et harmoniser le fonctionnement et les missions des CRESS : soutien au dveloppement conomique, promotion et sensibilisation lESS, observation des acteurs et remonte des donnes. Le CESE nest pas favorable une transformation des CRESS en chambres consulaires ;

    dassurer la prsence des CRESS dans le troisime collge des conseils conomiques, sociaux et environnementaux rgionaux (CESER) ;

    dfinir les modalits permettant dassocier dans les CRESS les organisations syndicales au dveloppement de lESS sans substitution aux instances de ngociations sociales.

  • 8 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Le CESE recommande la participation de plein droit des syndicats demployeurs de lESS dans tous les CCREFP et les CESER (premier collge).

    Les CRESS doivent sappuyer sur des rseaux associatifs, mutualistes et coopratifs solides et donc contribuer la pleine reconnaissance des prrogatives de ceux-ci.

    Les outils du dveloppement de lESS : financement et contractualisation

    Le CESE engage : structurer une politique en faveur du dveloppement de lESS via la

    contractualisation entre les pouvoirs publics et les acteurs. LESS doit tre prise en compte dans llaboration des contrats de projets tat/rgions et ces dernires doivent intgrer lESS dans leurs documents stratgiques ;

    encourager les cooprations entre les acteurs conomiques dun mme territoire en favorisant la structuration de dynamiques locales de dveloppement de lESS sous des formes souples.

    Enfin le CESE appelle mieux soutenir lESS par : lutilisation dune partie de lpargne rglemente et de lassurance-vie, ainsi

    que par la cration de nouveaux effets levier grce la Banque publique dinvestissement ;

    la mobilisation de tous les outils financiers solidaires ;

    laccs privilgi la commande publique comme le permettent dsormais les textes communautaires ;

    la scurisation de la subvention comme modle de financement des activits associatives en clarifiant les relations contractuelles entre associations et collectivits.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 9

    Avis

    Introduction Entreprendre autrement : telle est la conviction des acteurs de lconomie sociale et

    solidaire (ESS) de plus en plus prsente dans notre environnement conomique, crant de la richesse en mettant lhumain au cur de lactivit.

    LESS a, en 2012, t renforce par la cration dun ministre dlgu ddi, auprs du ministre de lconomie et des finances. Le Conseil conomique, social et environnemental se flicite de ce que le gouvernement ait retenu le principe dune concertation approfondie et suffisamment en amont dans le cadre de la prparation dun prochain projet de loi destin reconnatre, structurer et dvelopper lESS.

    Paralllement aux travaux du Conseil suprieur de lconomie sociale et solidaire, notre assemble a t sollicite pour tablir une synthse de ses recommandations issues davis rcents intressant directement le dveloppement et la promotion de lESS. Le Premier ministre a galement souhait nous consulter sur les deux questions suivantes :

    quelles conditions une modernisation du modle coopratif et une volution du droit des salaris pourraient contribuer faciliter la reprise dentreprises - en difficult ou non - par leurs salaris ?

    sur quelles institutions et quels acteurs pourraient sappuyer llaboration et la mise en uvre dune politique de dveloppement local de lESS ? Quels dispositifs de concertation et de contractualisation pourraient aider cette laboration et cette mise en uvre ?

    il est toutefois apparu notre assemble quaborder ces importantes questions ncessitait au pralable de mieux dfinir la nature et le champ de lESS afin que celle-ci, forte de ses valeurs et pratiques, soit reconnue pleinement comme un secteur conomique qui agit en complmentarit des autres formes ou systmes de lconomie.

    Les acteurs de lESS contribuent ainsi aux mutations ncessaires pour surmonter la crise systmique quaffronte notre socit et pour promouvoir un dveloppement durable.

    Lconomie sociale et solidaire : un champ conomique redcouvrir

    La place de lconomie sociale et solidaire

    Au plan nationalSans quils en aient toujours conscience, des millions de citoyens de notre pays, en

    mtropole et Outre-mer, sont quotidiennement concerns par lESS.

  • 10 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Ainsi, en France :

    38 millions de personnes sont protges par une mutuelle adhrente la Fdration nationale de la mutualit franaise (FNMF). Elles emploient 76 000 personnes et animent un rseau de 2 500 services de soins et daccompagnement mutualistes ;

    21 000 entreprises coopratives emploient prs dun million de salaris dans tous les secteurs dactivit. Prs de 24 millions de membres font vivre la gouvernance dmocratique des entreprises coopratives ;

    45 % des Franais adhrent une association et prs de 16 millions dentre eux sont des bnvoles. Par ailleurs, avec plus d1,8 million de salaris, les associations reprsentent 85 % de lemploi de lESS.

    Le poids socio-conomique de cet ensemble est aujourdhui trs significatif puisquil pse entre 7 et 10 % du PiB selon les sources.

    Une prsence dans tous les secteurs

    LESS est prsente dans la quasi-totalit des secteurs dactivit. Elle a souvent dfrich des besoins mergents, devenus depuis des marchs part entire : de la prvoyance au tourisme de masse en passant par laide domicile. Elle se trouve aujourdhui tout particulirement prsente, de manire non exhaustive :

    dans laction sociale (63 % du total des emplois de ce secteur) avec notamment laide aux personnes ges, aux personnes handicapes physiques ou mentales, la petite enfance ou encore aux sans-abris ;

    dans les deux composantes du secteur de la sant : la protection sociale et loffre de soins. La mutualit est le premier oprateur de complmentaire sant avec 56,3 % en 2011 de cotisations complmentaires sant perues ;

    dans le sport et les loisirs (56 % des emplois de ce secteur) et dans la culture (29 %) ;

    dans lducation et la formation, lESS reprsente prs de 19 % des emplois (quivalents temps plein) et 39 % des organisations et entreprises denseignement ou de formation ;

    dans la banque et lassurance o elle est galement un acteur majeur avec 30 % des emplois du secteur ;

    dans les filires agricoles, des agriculteurs adhrent au moins une cooprative agricole ; celles-ci fournissent matriels, semences et animaux et achtent, transforment et commercialisent les productions de leurs associs cooprateurs agriculteurs ; elles reprsentent 40 % de lagroalimentaire en France et plus de 160 000 salaris ;

    dans la distribution avec les coopratives de consommateurs ou encore les groupements de commerants ;

    dans de nombreuses activits de production, y compris dans lindustrie, la construction et les services, notamment via les 2 050 Socits coopratives et participatives (SCOP) et Socits coopratives dintrt collectif (SCiC) ;

    dans lartisanat, o lon dnombre 432 coopratives dartisans, en particulier dans les secteurs de la boucherie, du btiment, du meuble, de lartisanat dart ou des transports par taxis ;

    dans le logement social travers 170 coopratives dHLM qui produisent chaque anne plus de 6 000 logements.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 11

    La dynamique de lESS

    Avec une moyenne de 55 000 crations nettes dassociations par an entre 2000 et 2010 selon lObservatoire national de lESS, la dynamique associative reste trs forte dans notre pays. Concernant les fondations, un pic a t constat en 2008 (52 crations) - ce qui concide avec lentre en vigueur de nouveaux statuts en 2007 - le rythme habituel de crations au cours des dix dernires annes tant de lordre de la vingtaine.

    Sous le double impact des directives europennes et du ncessaire regroupement dans une dmarche de rationalisation, le nombre des mutuelles sest stabilis autour de 800 dont 500 relevant du Livre ii du Code de la Mutualit. Elles animent galement un rseau de prs de 2 500 services et tablissements sanitaires, sociaux et mdico-sociaux ; ils taient 1 000 en 1995.

    Les coopratives ont montr leur rsilience face la crise : leur chiffre daffaires a progress de 5,1 % depuis 2009 et le socitariat des cent premires coopratives a augment passant de 22 24 millions depuis 2008. Cette dynamique concerne des secteurs aussi divers que les coopratives de commerants dtaillants, les coopratives artisanales, les SCiC notamment dans le secteur des nergies renouvelables, etc. Les socits coopratives et participatives taient, la fin de lanne 2011, au nombre de 2 046 (1 910 SCOP et 136 SCiC) et regroupaient plus de 42 200 salaris. depuis 2001, leur nombre a progress de 542 units (+ 36 %) et leurs salaris de prs de 8 700 (+ 26 %).

    Sur le plan europenOn recensait, en 2009, plus de 207 000 coopratives dans lunion, principalement en

    agriculture, dans le commerce de dtail, le logement et lintermdiation financire, dans lindustrie, la construction et les services ; cest--dire que lensemble du spectre conomique tait couvert. 4,7 millions salaris taient employs dans les coopratives qui regroupaient 108 millions de cooprateurs.

    de leur ct, les mutuelles de sant et dassistance fournissent des services sociaux, mdicaux sociaux et de soins de sant 230 millions de citoyens europens. Les mutuelles exerant lactivit dassurance (vie et non vie incluant lassurance complmentaire) dtiennent 26 % des parts du march dans lunion pour 150 millions dadhrents et emploient plus de 300 000 personnes.

    Enfin, en 2010, les associations employaient 8,6 millions de personnes et comptaient dans leur rang 50 % de la population de lunion.

    Des origines de lESS la vision actuelle de lUnion europenne

    des formes dauto-organisation face la rvolution industrielleLutilisation de lexpression conomie sociale est apparue au XiXe sicle paralllement

    lessor du capitalisme industriel. Cette conomie sociale recouvrait des initiatives diverses, dinspiration laque ou religieuse, prises pour amliorer la condition ouvrire avec, pour dnominateur commun, linnovation sociale et la recherche dun progrs conomique partag par tous. Citons, par exemple, le patronage venant au secours des

  • 12 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    pauvres, la prvoyance contre les consquences de la maladie, de linvalidit, de la vieillesse

    et du dcs sous forme de socits de secours mutuel ou encore la cration des caisses

    dpargnes. dans le milieu rural, se sont dvelopps le mutualisme et la coopration agricole

    (cration de groupements de producteurs la fin du XiXe sicle pour des achats communs ;

    dveloppement de caisses solidaires locales favorisant la cration de coopratives laitires

    et vinicoles, pour ragir notamment la crise du phylloxra).

    Cette priode est aussi celle des premiers textes fondateurs. Paralllement la

    lgalisation des syndicats professionnels ouvriers et patronaux, ces textes se substituent

    progressivement linterdiction de coalition institue par la loi Le Chapelier de 1791.

    y Les mutuelles.

    La lgalisation des socits de secours mutuel sous le Second Empire en 1852 marque une premire tape de leur reconnaissance.

    Celle-ci est nanmoins insuffisante et il faudra attendre la Charte de la mutualit vote

    en 1898 pour que les mutualistes puissent mener librement leurs activits et se regrouper. Cette charte constituera le principal cadre rglementaire jusquau lendemain de la seconde

    guerre mondiale et la mise en place simultane de la scurit sociale et dun Code de la

    Mutualit (Ordonnance du 19 octobre 1945 portant statut de la mutualit).

    Rform en 2001 afin notamment de se mettre en conformit avec les directives

    europennes dassurances, le Code de la Mutualit raffirme dans son article L-111-1 les

    spcificits des mutuelles : elles sont des personnes morales de droit priv but non lucratif.

    Elles mnent notamment au moyen de cotisations verses par leurs membres, et dans lintrt de

    ces derniers et de leurs ayants-droit, une action de prvoyance, de solidarit et dentraide . Les

    dispositions lgislatives du code distinguent les activits mutualistes : le Livre i traite des

    rgles gnrales, le Livre ii fixe les rgles des oprations dassurances et de capitalisation et

    le Livre iii est consacr la prvention, laction sociale et la gestion des ralisations sanitaires

    et sociales.

    y Les coopratives.

    La loi du 24 juillet 1867 permettant aux socits dadopter un statut capital variable a fourni le cadre juridique autorisant les associs entrer et sortir librement du capital dans le

    respect des principes coopratifs.

    En 1947, la loi portant statut de la coopration prcise lobjet de ces socits de faon large puisquil sagit de contribuer la satisfaction des besoins et la promotion des activits

    conomiques et sociales de leurs membres ainsi qu leur formation. Les coopratives exercent

    leur action dans toutes les branches de lactivit humaine . Cette loi formalise juridiquement

    un certain nombre de principes coopratifs parmi lesquels : le principe dmocratique une

    personne-une voix , la double qualit des membres, la libre adhsion, limpartageabilit

    des rserves, etc.

    Rpondant des besoins dinnovation et de dveloppement des coopratives, cette

    loi a connu des complments ultrieurs, en 1978 avec la loi (actualise depuis) portant statut des SCOP, en 1987 avec lintroduction des certificats coopratifs dinvestissement, en

    1992 (cration de part intrt prioritaire) ou plus rcemment avec la cration en 2001 des

    socits coopratives dintrt collectif (SCiC), coopratives multi-socitaires qui permettent

    notamment une plus grande implication des collectivits locales.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 13

    y Les associations.

    La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat dassociation pose le principe de la libert dassociation dont la valeur fondamentale reconnue par les lois de la Rpublique sera solennellement confirme par la dcision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 (un statut particulier dassociations prvaut en Alsace-Moselle : les associations y sont soumises la loi de 1908, dont le rgime a t actualis en 2003).

    La loi de 1901 consacre ainsi le droit de deux ou plusieurs personnes [mettre] en commun, dune faon permanente, leurs connaissances ou leur activit dans un but autre que de partager des bnfices . Cette dfinition large permet de couvrir la diversit des activits associatives et pose la non-lucrativit comme un principe fondamental.

    Pour clbrer le centenaire de cette loi de libert, ltat a sign en 2001 une Charte des engagements rciproques avec le mouvement associatif organis au sein de la Confrence permanente des coordinations associatives. Si ce texte na pas vritablement t suivi deffets, il tablit nanmoins certaines bases des relations entre ltat et les associations qui mriteraient dtre revues et amliores.

    y Les fondations.

    Enfin, la loi du 23 juillet 1987 sur le dveloppement du mcnat est loccasion de dfinir les fondations dont le but est laffectation irrvocable de biens, droits ou ressources la ralisation dune uvre dintrt gnral et but non lucratif . Celles-ci sinscrivent donc dsormais comme la quatrime famille du champ de lconomie sociale.

    Lconomie sociale et solidaire, et la notion dentrepreneuriat social

    Certains acteurs - dessence principalement associative - ont merg dans les annes 1980 en mettant en avant la notion dconomie solidaire. ils insistaient notamment sur limplication des usagers, sur la diversification des sources de financement et sur une attention particulire aux territoires. Si ladjonction du terme solidaire est venue complter celui dconomie sociale regroupant des organisations en raison de leurs statuts, aujourdhui, la notion dentrepreneuriat social, ou dentreprises sociales, est utilise sans rfrence statutaire, ce qui est porteur de confusions. M. Henry Nogus explique ainsi que la diversit des termes utiliss (conomie dite alternative , quaternaire , solidaire , sociale ) permet de dsigner une conomie hybride, au carrefour de lconomie marchande, non marchande et de lconomie non montaire.

    Ces nouvelles acceptions comportent le risque de restreindre ce secteur la seule conomie de la rparation. Forte des valeurs et pratiques qui lui sont propres, lESS se revendique comme une conomie part entire : ni substitutive de laction publique et du service public, ni curative des drives dun modle conomique en crise. Elle saffirme comme une conomie dutilit sociale et au service de lintrt collectif et de la cohsion sociale.

    La vision europenneLa Commission aborde lconomie sociale au sein de sa dG entreprises et industrie

    dans lunit Small Business Act - petites et moyennes entreprises et par sa dG march intrieur et services , au travers dune initiative dite initiative pour lentreprenariat social

  • 14 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    et enfin par les fonds dinvestissements solidaires . Lentreprenariat social fait partie de sa

    feuille de route inscrite dans lActe pour le March unique.

    Au dbut de la dcennie 1990, la Commission a soumis au Conseil des rglements

    pour ltablissement de statuts europens des trois composantes de lconomie sociale

    (mutuelles, associations, coopratives), tous trois accompagns de trois propositions de

    directives visant amliorer la consultation, linformation et la participation des salaris.

    En 2003, le statut de la cooprative europenne tait adopt. Le sort des deux autres

    statuts (mutuelles et associations) a t renvoy plus tard . La Commission europenne

    a mme fini par retirer en mars 2006 les propositions de statut de mutuelle europenne et

    celui de lassociation.

    Si le statut europen des coopratives reste largement perfectible, son existence est une

    avance concrte pour lESS en Europe. Le CESE a dj eu loccasion de prendre fortement

    position en faveur du statut de lassociation europenne (Pour un statut de lassociation

    europenne, rapporteur : M. Jean-Marc Roirant, communication du CESE de juin 2008).

    Le CESE ritre son souhait de voir ce statut europen exister aussi bien pour les associations que pour les mutuelles et les fondations qui en sont galement toujours

    dpourvues. Au-del de la dimension symbolique de cette reconnaissance, la

    question des statuts a une forte incidence sur le dveloppement des structures de

    lESS.

    depuis 2011, la Commission a publi deux communications (au Conseil, au Parlement,

    au Comit conomique et social et au Comit des rgions) destines, la premire, valuer

    les besoins des PME de lunion, la seconde, en date du 25 octobre 2011, portant linitiative

    Pour lentrepreneuriat social : construire un co systme pour promouvoir les entreprises

    sociales au cur de lconomie et de linnovation sociale (COM (2011) 682 final).

    Cette initiative affirme vouloir fonder une socit plus inclusive et se propose de

    dfinir lentrepreneuriat social selon sa finalit plutt que par son statut. Elle vise aussi

    positionner lentrepreneuriat social dans le march unique en promouvant ce type

    dentreprise, qui pourrait en particulier tre ligible des financements flchs. Pour

    autant, la dfinition ce stade est fluctuante. Elle peut tre restrictive en ne ciblant que les

    populations les plus vulnrables. Elle inclut ou non les entreprises de lESS selon les textes.

    En revanche, elle reconnait que lentreprise sociale doit avoir un objectif social qui prime

    sur lconomique, ce qui lintgrerait dans les principes fondateurs de lconomie sociale et

    solidaire.

    Pour le CESE, cette approche sappuie sur une vision banalisant les spcificits statutaires et les contraintes quelles induisent.

    dailleurs, celles-ci ont t reconnues par une rcente dcision de la CJCE

    en septembre 2011 (relative au rgime fiscal des coopratives italiennes). Cet arrt

    conforte la thse soutenue par la France selon laquelle une cooprative nest pas dans

    une situation comparable celle dune socit commerciale, du fait des spcificits de son

    fonctionnement : une drogation fiscale nest donc pas ncessairement une aide dtat,

    contrairement la position de la Commission, et ce quelle que soit leur taille.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 15

    Quelles perspectives pour lESS ?

    Le CESE insiste sur deux points qui sont essentiels pour la bonne comprhension de ses propositions : dune part, la dfinition du primtre de lESS et, dautre part, ce qui concerne le dialogue social au sein de lESS.

    Le primtre de lESSLconomie sociale et solidaire est une forme dorganisation dactivits humaines,

    fonde sur la solidarit collective et la dmocratie, sappuyant sur lefficience conomique de ses moyens, qui assure la production, la distribution, lchange et la consommation des biens et des services. Elle contribue lexpression dune citoyennet active et participe la prosprit individuelle et collective. Elle intervient dans tous les domaines conomiques, sociaux, socitaux et environnementaux.

    Les entreprises de lconomie sociale et solidaire sont dfinies, dabord, par les statuts juridiques quelles adoptent et qui sont lexpression du contrat fondamental qui lie les parties agissantes en fixant la loi commune librement accepte.

    Cela comprend :

    les mutuelles relevant du code de la mutualit et les mutuelles dassurance ;

    les coopratives ;

    les associations ;

    les fondations.

    Comme pour tout secteur vivant, dautres types de structures sont venus sy greffer : les entreprises se rclamant de lconomie solidaire (qui mettent en avant la citoyennet conomique pour favoriser des relations conomiques plus quilibres et mieux rgules) et celles de linsertion par lactivit conomique (qui comprend des socits commerciales bien que la majorit des organismes de liAE soit des associations).

    de son ct, la Commission europenne, dans des textes de nature diffrente (initiative, rglement) a donn son tour des dfinitions des entreprises sociales, centres sur lconomie de la rparation.

    Pour autant, le CESE estime que lapproche par le statut conserve toute sa pertinence et prconise que cette dernire soit retenue pour dfinir le primtre de lESS.

    Pour les entreprises commerciales revendiquant leur appartenance lESS, notre assemble recommande que le projet de loi sur lESS indique prcisment que ces

    entreprises doivent intgrer dans leurs propres statuts les valeurs et caractristiques

    de lESS prcises ci-dessous :

    Certaines de ces valeurs sont communes toute lESS ; dautres sont plus spcifiques certains secteurs.

    Les valeurs ou caractristiques communes :

    des entreprises de personnes et non pas de capitaux ;

    la solidarit entre les membres ;

    la gouvernance dmocratique ;

  • 16 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    limpartageabilit de la proprit collective ;

    lindpendance vis--vis des pouvoirs publics.

    Les valeurs ou caractristiques spcifiques :

    la non lucrativit pour les associations, les mutuelles et les fondations.

    La non lucrativit nest pas linterdiction de faire des bnfices ou des excdents de gestion.

    la lucrativit encadre et rglemente pour les coopratives.

    Cela signifie que lexcdent ralis est, prioritairement affect la prennit et au dveloppement du projet dentreprise (renforcement des fonds propres, investissements, ristournes aux membres, exprimentations, innovation sociale).

    En conclusion, le CESE considre que ce sont les statuts qui dfinissent le primtre de lESS. Par consquent, notre assemble estime que linstauration dun label ou

    dispositif volontaire de reconnaissance ne prsente pas un rel intrt. Au-del des

    questionnements sur les modalits dattribution, de retrait et de rvision dun label,

    la labellisation comporterait galement un risque : celui de ltatisation du secteur.

    En revanche, le CESE souligne limportance de faire vivre les statuts, les dynamiser ou les moderniser si ncessaire. Dans un esprit de transparence, le CESE recommande la

    publication de documents de type bilan socital ou rapport de gestion ou alors

    la gnralisation de procdures du type rvision cooprative.

    Le dialogue social au sein de lESS

    La situation existante

    il ny a pas de rgles spcifiques au dialogue social dans lESS. Ce sont les rgles gnrales du dialogue social dans le secteur priv, codifies dans le code du travail, qui sappliquent, compltes par les dispositions conventionnelles existantes.

    Le dialogue social dans lESS revt des formes varies selon la taille des entreprises dans chacune des branches professionnelles concernes. Le caractre htrogne des acteurs de lESS impose de considrer ce secteur dans toutes ses ralits et dans toute sa diversit.

    Prs de 80 % des entreprises de lESS emploient moins de 10 salaris. Ce sont donc les Conventions collectives nationales (CCN) de branches qui organisent majoritairement le dialogue social qui peut tre, comme partout ailleurs, constructif ou difficile et mme dans une situation de blocage, selon les cas.

    La plupart des CCN de lESS prvoit des mesures de financement en faveur du paritarisme.

    Dans les petites structures, o il ny a peu ou pas de prsence syndicale, le Conseil tient rappeler que la gouvernance dmocratique na aucunement vocation se

    substituer au rle des organisations syndicales.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 17

    Le CESE considre que la formation des dirigeants, professionnels ou bnvoles, au dialogue social et la ngociation sociale est absolument indispensable et doit

    tre largement dveloppe. La question du dveloppement de la formation des dirigeants bnvoles doit saccompagner dune rflexion sur son financement et

    donc sur lorigine des fonds mobiliss, sans amputer ceux ddis la formation des

    salaris.

    Enfin, il existe depuis plusieurs annes un dialogue social transversal entre lunion de syndicats et groupements demployeurs reprsentatifs dans lconomie sociale (uSGERES) et les confdrations syndicales reprsentatives. Ce dialogue a abouti la signature de 5 accords multi-professionnels entre luSGERES et certaines confdrations syndicales. deux de ces accords ont t tendus. Ces textes donnent aux branches un cadre daction que celles-ci dclinent leur tour. Laccord sur la formation professionnelle contient une clause normative pour toutes les branches rattaches luSGERES, savoir des taux plancher de contribution des employeurs la formation professionnelle continue suprieurs aux obligations lgales, quelle que soit la taille de lentreprise.

    Les positions du CESE

    Le CESE considre quau regard des valeurs portes par lESS, les entreprises qui en font partie se doivent dappliquer pleinement le Code du travail et les conventions

    collectives qui les concernent.

    Le Conseil souligne l'importance et la ncessit dun dialogue social de qualit au niveau des branches professionnelles dont le dveloppement doit se poursuivre.

    Le Conseil demande quil ny ait aucune confusion, au sein des entreprises de lESS, entre le systme de gouvernance, aussi dmocratique soit-il, et les Institutions

    reprsentatives du personnel (IRP) qui, bien videmment, doivent pouvoir exercer

    leurs prrogatives de manire indpendante, pleine et entire.

    Le CESE prend acte de lexistence daccords multi-professionnels et recommande qu lavenir, sans toutefois interfrer ni se substituer la ngociation des branches

    professionnelles, secteurs professionnels et entreprises de lESS, ces textes

    dorientations puissent avoir une valeur normative.

    Pour cela, il est ncessaire de clarifier les acteurs, les domaines, les champs de comptence et prrogatives des diffrentes instances de ngociations sociales au sein de lESS, ce qui permettrait de lever les situations de blocage lies aux questions de reprsentativit des employeurs de l'ESS et permettre ainsi la reprise de ngociations, dans lintrt de tous, entreprises et salaris.

  • 18 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Cela ncessite que la question de la reprsentativit des employeurs de lESS et de leurs fdrations, notamment dans certaines instances paritaires nationales et

    rgionales de concertation ou de gestion, soit traite dans le cadre plus gnral des

    critres de reprsentativit des organisations patronales.

    De mme, les organisations syndicales doivent tre prsentes dans les instances de reprsentation, du type Conseil suprieur de lconomie sociale et solidaire.

    Les organisations syndicales doivent galement tre associes aux procdures dattribution et dvaluation de lutilisation des financements publics, comme tous

    les autres acteurs de lESS concerns.

    De manire plus gnrale, le CESE souhaite que les entreprises de lESS sinscrivent dans une logique de progrs social et que les pouvoirs publics, quand ils sont

    impliqus (agrment daccords sociaux, financement), intgrent eux-aussi cette

    perspective.

    En particulier, le Conseil demande aux entreprises de lESS de marquer des progrs notamment en matire de :

    qualit des emplois et amlioration des conditions de travail ;

    respect des chelles de rmunrations (au sens du Code du travail salaires + rgime indemnitaire), y compris celles concernant les dirigeants ;

    galit professionnelle femmes/hommes ;

    respect de toutes les normes du dialogue social et des prrogatives des institutions reprsentatives du personnel.

    Un secteur qui a dj fait lobjet de prconisations rcentes de la part du conseil conomique, social et environnemental

    Les avis rcents du CESE

    Sans remonter au rapport du Conseil conomique et social sur Les entreprises de lconomie sociale de novembre 1986 (rapporteur : M. Georges davezac), notre assemble a dj eu loccasion, au cours de ces dernires annes, de souligner limportance et lutilit conomique et sociale des activits de lESS, soit loccasion davis spcifiquement ddis telle ou telle de ses familles, soit dans des travaux dont lESS en constituait un volet.

    dans son avis Vers une mondialisation plus juste (rapporteur : M. Alain deleu, fvrier 2005), notre assemble soutenait la valorisation de la diversit des formes dorganisation conomique et, plus prcisment, les propositions de lOrganisation internationale du travail (Oit) qui visent encourager les valeurs et les principes coopratifs : adhsion volontaire et ouverte tous, pouvoir dmocratique exerc par les membres,

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 19

    participation conomique des membres, formation et information. [...] De mme, les associations et les mutuelles qui appartiennent au secteur de lconomie sociale incluent, elles aussi, dans leur objet la responsabilit sociale dans lorganisation du travail tout autant que dans la rponse aux besoins de leurs adhrents .

    Concilier lapproche franaise de lESS avec la logique communautaire

    Lapplication de ce principe gnral rencontre des difficults certaines au niveau de lunion europenne.

    Plusieurs travaux du Conseil ont ainsi abord la question de la lgislation europenne devant faire converger des approches sensiblement diffrentes selon les pays. Cette ncessit de reconnatre lintrt gnral dans les services sociaux tait ainsi prsente dans le rapport Amnagement du territoire, services publics et services au public (rapporteur : M. Jean-Alain Mariotti, janvier 2006) qui faisait valoir que les services des mutuelles, rendus par des associations, des entreprises dconomie sociale sont dans lincertitude .

    Cette incertitude est nouveau souligne dans lavis Quel cadre juridique europen pour les services sociaux dintrt gnral ? (rapporteur : M. Frdric Pascal, avril 2008) qui proposait de faire ressortir clairement les enjeux et les lacunes des textes europens existants [...] afin de couvrir de faon cohrente le champ de tous les services sociaux dintrt gnral , jugeant dailleurs souhaitable que les exigences du droit communautaire soient intgres aux dbats nationaux au moment de la conception des rformes lgislatives, afin den valuer correctement les effets potentiels . Paralllement, la communication Pour un statut de lassociation europenne (rapporteur : M. Jean-Marc Roirant, juin 2008) aborde galement les statuts de la socit cooprative europenne et celui de la mutuelle europenne.

    Quant la communication Pour une participation active de la socit civile aux consultations publiques europennes (rapporteure : Mme Evelyne Pichenot, mai 2009), elle plaidait en faveur de ladoption dun statut de lassociation europenne, avec mise en place dune labellisation, conformment aux propositions rcemment formules par la communication Pour un statut de lassociation europenne , ainsi que de statuts de fondation et de mutuelle .

    Puis la contribution du CESE au rapport de synthse du CES europen sur La mise en uvre de la stratgie de Lisbonne et son avenir aprs 2010 (rapporteur : M. Georges de La Loyre, septembre 2009) prconisait son tour la mise en place dun statut dassociation europenne dune part, et de mutuelle europenne, dautre part .

    Cette ide se retrouve dailleurs galement dans lavis Quelles missions et quelles organisation de ltat dans les territoires ? (rapporteure : Mme Jacqueline donnedu, novembre 2011) qui montrait toute limportance de promouvoir un statut de lassociation europenne afin de reconnatre la place des associations dans le dialogue civil territorial mais aussi, trs concrtement, la ncessit de pallier les rductions des subventions europennes et de plusieurs conseils gnraux aux associations engages auprs des plus dmunis .

  • 20 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    La contribution de lESS aux activits conomiques et notamment lconomie de proximit

    Lavis du CESE sur La comptitivit : enjeu dun nouveau modle de dveloppement (rapporteur : Mme isabelle de Kerviler, octobre 2011) considrait que lamlioration de la gouvernance des entreprises et une plus grande association des salaris, sous toutes ses formes, auraient un effet positif. il prcisait qu titre dexemple, par son mode de gouvernance original et son large champ daction, lconomie sociale et solidaire contribue la cohsion sociale qui est un facteur de comptitivit .

    Cet avis mettait galement laccent sur le poids conomique de lESS en rappelant que 60 % des dpts sont confis aux coopratives et mutuelles du secteur de la banque et des assurances qui pourraient mettre en place des indicateurs afin de montrer la part des fonds qui est rinvestie localement au bnfice de lconomie de proximit .

    Le rapport sur Lconomie de proximit, une rponse aux dfis majeurs de la socit franaise (rapporteur : M. Pierre Martin, septembre 2010), accordait dj une place significative lconomie sociale mme si lconomie de proximit englobe un champ dactivit plus large que lESS (artisanat, professions librales, services publics de proximit...). il avanait ainsi que lconomie de proximit fonctionne et exprime toute sa vitalit lorsquelle met en place des formes coopratives de travail , ces dernires permettant de mieux rsister la concurrence des grandes entreprises et de mieux rsister aux crises conomiques .

    Le Rapport annuel sur ltat de la France (rapporteurs : MM. Andr-Jean Gurin et Yves Zehr, dcembre 2011) abondait dans le mme sens associant, parmi les atouts de notre pays, de petites entreprises de lconomie de proximit rpondant aux besoins quotidiens de la population et contribuant lattractivit et la vitalit des territoires, notamment ruraux, ainsi que dun tissu dense, diversifi et dynamique dorganismes uvrant dans le champ de lconomie sociale et solidaire .

    Lavis sur La transmission des PME artisanales, commerciales, industrielles et de services (rapporteure : Mme Franoise vilain, dcembre 2004), quant lui, pointait limportance conomique de cet enjeu et mettait dj laccent sur les inconvnients des dcisions trop tardives en la matire et sur lintrt dy associer les salaris : Au del de lindispensable information qui doit leur tre fournie tout au long du processus, y compris dans les petites entreprises, il peut tre souhaitable de favoriser leur implication, ventuellement en leur ouvrant la possibilit de participer au capital, voire dans certains cas en tudiant, avec eux, la possibilit de reprendre lentreprise. De nombreux exemples attestent que la reprise par les salaris, par exemple par transformation en SCOP, est trop souvent sous-estime voire ignore .

    Soulignant les avantages de la transmission au personnel (bonne connaissance de lentreprise, motivation...), cet avis proposait alors d ouvrir les possibilits de formation offertes aux salaris, linstar du rcent accord relatif la formation professionnelle, aux repreneurs dentreprises ds lors quils ont identifi un projet de reprise valid .

    LESS, acteur important de la sant et du bien tre de la population

    Le rle des mutuelles est tout dabord frquemment soulign pour sa contribution la protection sociale en gnral comme cest le cas dans lavis sur Le financement de la protection sociale (rapporteure : Mme Anne duthilleul, dcembre 2007) ou encore dans

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 21

    celui sur La protection sociale : assurer lavenir de lassurance maladie (rapporteur : M. Bernard Capdeville, juillet 2011).

    Lavis sur La mdecine du travail (rapporteur : M. Christian dellacherie, fvrier 2006) soulignait galement le rle que pourrait jouer le mouvement mutualiste dans des secteurs dlaisss par la mdecine du travail, comme lducation nationale.

    Lavis Seniors et cit (rapporteure : Mme Monique Boutrand, mars 2009) abordait par ailleurs la question de loffre de logements adaptables en soulignant le rle des mutuelles dans les montages financiers complexes ncessaires aujourdhui dans ce domaine.

    Ce rle tait galement voqu dans lavis La dpendance des personnes ges (rapporteurs : Mme Monique Weber et M. Yves vrollet, juin 2011) la fois pour les actions de prvention que pour soutenir et accompagner les aidants ( il importe, par des campagnes dinformations cibles, par exemple linitiative des mutuelles ou des organismes complmentaires, de lutter contre les strotypes de genre et le sentiment de culpabilit des personnes ).

    La prise en charge des personnes ges tait dailleurs dj au cur de lavis sur Les services la personne (rapporteur : M. Yves vrollet, novembre 2008) qui faisait suite celui sur Le dveloppement des services la personne adopt en janvier 2007. il portait ainsi une attention particulire la qualit de lemploi et la professionnalisation des intervenants dans ce secteur, notamment en harmonisant progressivement le niveau des droits des salaris et en prconisant, pour les personnes qui ne souhaitent pas travailler temps partiel, lintgration au sein dune mme structure dactivits diffrentes pour accrotre le temps de travail et diversifier les tches .

    LESS et les jeunesSoulignant la mconnaissance des mtiers de lconomie sociale, lavis sur Lemploi des

    jeunes (rapporteur : M. Jean-Baptiste Prvost, septembre 2012) recommandait lintgration de formations sur les modles dentreprenariat coopratif dans les enseignements en gestion dentreprise .

    La contribution cet avis de la dlgation lOutre-mer du CESE (rapporteures : Mmes Pierrette Crosemarie et Marie-Alice Mdeuf-Andrieu) mettait galement en avant que les potentialits de lESS pour lactivit, lemploi, la cohsion sociale, doivent tre valorises et encourages. Les associations des Outre-mer sont particulirement dynamiques, leurs activits sinscrivant dans lutilit sociale mais aussi, avec lensemble des acteurs de lESS, dans des activits conomiques porteuses davenir (le logement par exemple) .

    Par ailleurs, la communication sur La sant des femmes (rapporteure : Mme dominique Hnon, juillet 2010) proposait dinstaurer une politique cohrente dinformation et de matrise de la fcondit et soulignait cette occasion que linformation sur lensemble des mthodes contraceptives, leur accs et leur prise en charge devrait galement tre renforce dans le cadre dun partenariat entre les mutuelles tudiantes et les centres de planification familiale .

    Cette place des mutuelles tudiantes et de la couverture complmentaire tudiante tait galement voque dans lavis Droits formels-droits rels : amliorer le recours aux droits sociaux des jeunes (rapporteur : M. Antoine dulin, juin 2012) de mme que dans celui sur Les enjeux de la prvention en matire de sant (rapporteurs : MM. Jean-Claude Etienne et Christian Corne, fvrier 2012).

  • 22 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Ce dernier prconisait notamment que la prvention par les pairs, plus efficace et mieux cible, doit tre privilgie. Les associations qui mobilisent les jeunes en ce sens et les mutuelles tudiantes, dont cest en partie le rle, doivent tre soutenues et leur action favorise . il regrettait aussi le doublement de la taxe spciale sur les conventions dassurance (tSCA) ayant des consquences pour lensemble des organismes dassurance maladie complmentaire, notamment pour les mutuelles tudiantes, vritables actrices de sant et de prvention, dont le rgime tait dj fortement fragilis et dont la disparition constituerait un vritable prjudice pour les tudiants . Notre assemble recommandait donc dexonrer de la tSCA tout contrat visant assurer un jeune en formation.

    Enfin, lavis sur Laccueil des jeunes dans les centres de vacances et de loisirs (rapporteur : M. dominique Forette, juin 2000) soulignait que la contrepartie du dsengagement vident de ltat dans ces activits devait tre notamment compens par un financement des associations et des mouvements nationaux pour les aider dans leur fonctionnement. Les aspects demploi et de formation y taient dvelopps et il tait rappel que bien souvent le dveloppement de la vie associative cre la fois des activits bnvoles et professionnelles, le bnvolat ne devant pas se substituer de vrais emplois, quils soient prennes ou occasionnels .

    Les travaux des conseils conomiques, sociaux et environnementaux rgionaux (CESER)

    trs proccups, par nature, du dveloppement conomique local, du maintien ou du dveloppement de lemploi et de la cohsion sociale dans les territoires, les CESER ne pouvaient videmment pas se montrer indiffrents la place occupe par lconomie sociale et solidaire dans leurs rgions respectives et il nous a sembl lgitime de les voquer ici.

    des avis, rapports, tudes, forums ou colloques spcifiquement ddis lESS ont pu ainsi tre plus particulirement recenss dans dix rgions de mtropole et dOutre-mer au cours des cinq dernires annes. il est possible de synthtiser les principales proccupations et les propositions qui ressortent de ces travaux de la manire suivante.

    Amliorer la visibilit de lESS en rgionsLa promotion de ce secteur peut dabord seffectuer en soutenant des actions

    dinformation et de communication - en particulier en direction des jeunes - et, le cas chant, en appuyant la mise en place dun observatoire rgional de lESS.

    Les plans ou schmas rgionaux de dveloppement de lconomie sociale et solidaire peuvent aussi jouer un rle trs important pour faire connatre les actions et les dispositifs existants, envisager leur approfondissement et initier de nouvelles mesures en faveur de lESS.

    Lintgration au plan rgional des formations professionnelles des modules de formation spcifiques lESS est galement voque (cf. Lconomie sociale et solidaire : un secteur conomique part entire en Midi-Pyrnes, avis du CESER Midi-Pyrnes, juin 2007).

    Cette action ne va dailleurs pas sans questionnement sur les finalits de laction des acteurs de lESS : Peut-on leur confier des missions qui relvent normalement de ltat ou des collectivits locales ? (cf. Lconomie sociale en Auvergne , colloque du CESER dAuvergne, janvier 2007) ; au del de la fourniture de biens et de services un meilleur

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 23

    cot , linsistance doit tre parfois mise sur leurs capacits en matire dinnovation sociale et de rponse des besoins sociaux ou finalit humaine non fondamentalement couverts par lintervention publique classique ou par lconomie de march (Cooprer pour entreprendre autrement dans lconomie sociale et solidaire, avis du CESER dAquitaine, mars 2006).

    dvelopper des outils de financement et daccompagnement adapts

    Les conseils rgionaux sont ainsi incits organiser une concertation plus approfondie avec les banques coopratives afin dchanger sur les problmatiques de financement de lESS. de mme, les socits de capital-risque mises en place par certaines rgions, les experts-comptables ou encore les rseaux consulaires (chambres de commerce et dindustrie, chambres des mtiers) doivent-ils tre sensibiliss accueillir plus positivement les projets de cration ou de reprise dentreprises sous forme de SCOP.

    dune manire plus gnrale, il est souhait que les entreprises de lESS puissent prtendre, de la mme faon que les autres entreprises, aux aides conomiques de droit commun. Les rgions sont galement invites tre proactives dans la mise en uvre des clauses dinsertion dans les marchs publics rgionaux (cf. Plan rgional de dveloppement de lconomie sociale et solidaire, avis du CESER de Picardie, octobre 2009).

    La ncessit dune prennisation des emplois associatifs, via leur professionnalisation et le soutien la trsorerie des associations semblent galement tre une constante. toutes les structures locales de lESS en appellent aussi une simplification des procdures de demande des aides publiques et une harmonisation des pratiques administratives des diffrents niveaux de collectivits locales (communes, EPCi, dpartements, rgion) tout en favorisant la stabilit des financements par des conventions pluriannuelles.

    Les chambres rgionales - les CRESS - apparaissent dailleurs souvent comme le niveau adquat pour organiser tout un panel daccompagnement des porteurs de projets.

    Enfin, cet accompagnement peut galement prendre la forme dune aide la gouvernance - notamment pour les administrateurs lus - en prvoyant, par exemple, des facilits accrues en matire daccs la formation (cf., par exemple, le projet dcole des dirigeants de lESS voqu dans lavis du CESER de Franche-Comt sur lconomie sociale et solidaire, dcembre 2010).

    Rechercher et favoriser les synergies sur les territoirestout ce qui permet de mettre davantage en contact les diffrents acteurs de lconomie

    rgionale - acteurs de lESS ou non - va dans le bon sens en permettant la diffusion des bonnes pratiques . Cela peut prendre la forme de Ples de dveloppement territoriaux en ESS (Les ressorts du dynamisme de lconomie sociale et solidaire dans la rgion des Pays-de-la-Loire : lexemple des services de proximit, avis du CESER des Pays-de-la-Loire, mars 2012) ou de clusters territoriaux dinnovation conomique et sociale (Lconomie sociale en Bretagne : pour une rgion comptitive et solidaire, forum du CESER de Bretagne, dcembre 2006).

    une autre dmarche de cette nature peut consister, par exemple, inclure un volet sur le dveloppement de lESS dans les contrats de pays ou envisager lchelle dun territoire plus restreint que celui [de la rgion], par exemple lchelle dun pays en milieu rural ou dun quartier dune agglomration (cf. Les entreprises de lconomie sociale en Basse-Normandie, CESER de Basse-Normandie, octobre 2005).

  • 24 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    intensifier une gestion sociale exemplaire et innovanteLe dveloppement de la gestion prvisionnelle des emplois et des comptences

    est encourag, de mme que la facilitation de la mobilit professionnelle des salaris leur permettant dvoluer entre diffrentes structures de lESS ou vers les autres acteurs conomiques (et, plus largement, de scuriser leurs parcours professionnels, notamment dans le secteur de laide domicile). La cration de groupements demployeurs ou les stages daccueil rciproques sont souvent cits.

    La volont de rduire la prcarit dans certains pans demplois de lESS passe naturellement par le souhait dun effort de formation des personnels et un dveloppement de la validation des acquis de lexprience (vAE).

    Paralllement, est reconnue la ncessit d agir sur les conditions de travail et le temps de travail, rendre les mtiers plus attractifs et renforcer le dialogue social ( Les services aux personnes domicile : emplois et services de qualit pour une Lorraine innovante et solidaire , avis du CESER de Lorraine, mars 2007).

    Enfin, cette gestion sociale conduit une redfinition de la rpartition des rles entre bnvoles et salaris, ce qui revient revaloriser le statut de bnvole en le reconnaissant, envisager de crer un crdit dheures et, enfin, sensibiliser plus particulirement les jeunes (cf. Limpact de lconomie sociale dans lconomie globale de la Martinique, tude du CESER de la Martinique, octobre 2004).

    Moderniser le modle coopratif pour faciliter la reprise dentreprises par leurs salaris

    La transmission dune entreprise est une tape importante, souvent difficile russir, car elle dpend non seulement de facteurs conomiques (prix de cession, financement du projet, poursuite des contrats, etc.) mais galement de facteurs humains (relation de confiance entre le cdant, le repreneur et les quipes, maintien des comptences cls, etc.).

    La transmission dentreprises est galement un enjeu majeur pour lemploi en France, car le nombre de PME et de salaris concerns est important. OSEO a estim, en 2005, 55 000 le nombre de transmissions annuelles reprsentant 331 000 emplois.

    Confronts aux difficults conomiques dans les territoires, les acteurs conomiques et les pouvoirs publics prennent de plus en plus conscience des atouts du modle coopratif, de lenjeu de disposer dun outil qui encourage les personnes entreprendre et se regrouper pour gagner leur mancipation conomique et de garder les centres de dcision sur les territoires, notamment dans le secteur de lindustrie.

    dans cette ligne, le maintien de ces activits et emplois pourrait tre facilit par un dveloppement des reprises et transmissions par les salaris.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 25

    Un modle dancrage des activits et des emplois sur le territoire

    Socits de personnes se distinguant des socits de capitaux, les entreprises coopratives, tous secteurs confondus, participent lancrage des activits et des emplois sur le territoire tout en tant, pour un certain nombre, dans des stratgies de dveloppement international. Chaque cooprateur est li selon la rgle de la double qualit, par un double rapport dassociation et dactivit et participe la gestion dmocratique de lentreprise. Cette gouvernance favorise la prennit des entreprises.

    dans les SCOP galement, prennit et rsilience des entreprises dcoulent des principes de gouvernance des salaris associs, dont lintrt porte tout particulirement sur le dveloppement durable de leurs activits et de leurs emplois sur le territoire.

    une gouvernance tourne vers la prennit des entreprisesLes SCOP sont des Socits anonymes (SA) ou des Socits responsabilit limite

    (SARL). Leur spcificit vient du fait que les salaris en dtiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Les dcisions stratgiques sont donc prises au plus proche de lentreprise, en assemble gnrale ou en conseil dadministration, sur le principe dun associ gale une voix, quel que soit le nombre de parts dtenues. Ce statut prvoit galement la rpartition du rsultat annuel de lentreprise : 16 % minimum mis en rserve, 25 % minimum verss aux salaris sous forme de complment de salaire ou de participation, et 33 % maximum verss aux associs sous forme de dividendes.

    En pratique, la fin 2011, sur 42 250 salaris des SCOP, 22 230 sont associs de leur cooprative (rapport dactivit 2008-2011 - CG SCOP).

    Sur les dix dernires annes (2001-2011), les crations de SCOP se sont rparties ainsi :

    cration dune nouvelle entreprise (ex nihilo) : 73,9 % ;

    transmission dentreprises saines : 14,4 % ;

    reprise dentreprises en difficult : 8,1 % ;

    transformation dassociations : 3,6 %.

    La rsilience du modle coopratifLimpartageabilit des rserves est un principe cl qui privilgie une gestion sur le long

    terme, avec un objectif de transmission aux gnrations futures. En moyenne 40 45 % des rsultats sont mis en rserve pour lentreprise. Le taux de prennit 3 ans des SCOP est gal 71 % contre 66 % pour lensemble des entreprises franaises (selon liNSEE). Sur une priode plus longue, fin 2010, 27 % des SCOP ont plus de vingt ans dexistence contre 18 % des entreprises en France.

  • 26 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Un modle qui ne doit pas tre rserv aux entreprises en difficult

    Lactualit rcente met en lumire plusieurs exemples dentreprises en difficult et leur

    transformation en SCOP. La commission temporaire a, cet gard, entendu la prsentation

    dun exemple de reprise russie, celle de La fonderie de lAisne .

    Les facteurs cls de russite et les limites des reprises dentreprises en difficult

    La condition ncessaire, certes non suffisante, la russite dune reprise dentreprise

    en difficult en SCOP est avant tout la viabilit conomique du projet. dans le cas dune

    entreprise en difficult, les salaris peuvent sassocier et proposer une reprise dans le cadre

    dune procdure de redressement judiciaire. Aprs dcision de liquidation judiciaire dune

    socit, les salaris peuvent reprendre leur entreprise en rachetant tout ou partie des actifs.

    Pour le CESE, cependant, la formule de la reprise par les salaris doit tre utilise avec une certaine prudence dans la mesure o les conditions du march simposent

    ces entreprises comme aux autres. Le risque pour les salaris repreneurs est rel :

    ils simpliquent financirement alors quils sont dans une priode dinstabilit

    professionnelle.

    Lanticipation et le temps de prparation du projet collectif sont un autre facteur

    dcisif en vue de la russite de la reprise en SCOP faisant suite une liquidation. il convient

    dviter que la reprise par les salaris ne se rduise, en quelque sorte, ntre que loption

    de la dernire chance . il est regrettable de constater que cette opration est souvent

    effectue trop tardivement : les clients ont disparu ou nont plus confiance, les salaris et les

    comptences sont disperss, note le rapport de M. vercamer (Lconomie sociale et solidaire,

    entreprendre autrement pour la croissance et lemploi, avril 2010).

    Le CESE fait siennes les constatations du rapport dinformation du Snat (Les coopratives conomiques : un atout de redressement conomique, un pilier de lconomie

    sociale et solidaire, rapporteure : Mme Marie-Nolle Lienemann, juillet 2012) : Au

    total, lide de favoriser les conditions dune reprise dentreprise en apportant aux

    salaris un appui qui anticipe sur les risques de liquidation constitue assurment une

    voie privilgier car une action prventive est toujours plus efficace et moins chre

    quune action rparatrice .

    Les freins lever

    Lidentification des premiers signaux de difficults est primordiale, pour amorcer les

    mutations ncessaires, ds lors que le facteur temps est dterminant. ce titre, il est noter

    que lisolement du chef dentreprise dans les tPE est encore plus prjudiciable en priode

    de difficults. Laccompagnement de proximit du chef dentreprise devrait tre renforc au

    moment de ces tapes critiques de difficults conomiques et de ncessaire restructuration.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 27

    Plus globalement concernant lensemble des entreprises, ds les premiers signaux des difficults dune entreprise, et plus forte raison en cas de mise en redressement judiciaire, un appui aux salaris pourrait tre opr par des organismes agrs, agissant aux cts des reprsentants de syndicats et leur demande, pour sensibiliser les salaris aux diffrentes possibilits de poursuite et/ou reprise dactivit.

    La reprise dentreprises en difficult par les salaris peut se distinguer dune reprise par un investisseur externe, en raison de la nouveaut quelle reprsente pour les salaris en la matire et de son mode de financement particulier. cet gard, les auditions auxquelles la commission temporaire a procdes ont montr quune attention particulire serait porter la formation/sensibilisation des mandataires judiciaires autant qu celles des tribunaux et commissaires au redressement productif ayant connatre de ces affaires. une meilleure connaissance du modle SCOP permettrait de mieux prendre en compte les opportunits quil reprsente lors de procdures collectives, pour notamment minimiser la priode dinactivit et permettre la leve de capital en utilisant les dispositifs et outils existants.

    un obstacle majeur, relve le rapport vercamer, rside dans linsuffisance des apports financiers mobilisables par les salaris.

    LAide la reprise ou la cration dentreprise (ARCE), verse par Ple Emploi et finance par luNEdiC, est le plus souvent celle qui permet de runir les fonds ncessaires. Celle-ci est actuellement conditionne un licenciement effectif du salari suivie de son inscription Ple Emploi. ds lors, dans les cas de reprise dune entreprise dfaillante par les salaris, la liquidation devient une tape incontournable faisant que la reprise seffectue au stade le plus ultime.

    il conviendrait donc de trouver avec les partenaires sociaux un dispositif beaucoup plus anticipatif qui serait actionn ds la constatation par le tribunal de commerce, des difficults de lentreprise sous forme, par exemple, dune procdure dalerte. Ainsi, ds lors que des salaris prsentent un plan de reprise cohrent, un prt relais taux zro serait accord chacun des salaris associs. Lorganisme prteur et notamment les banques de lESS ou, dfaut, un fonds ddi la reprise-transmission seraient rembourss par la subrogation du versement de lARCE ou dun financement spcifique dont les partenaires sociaux dfiniraient les modalits en lien avec les pouvoirs publics.

    Par ailleurs, en cas de liquidation, une meilleure ractivit du rgime de garantie des salaires (AGS) pourrait permettre aux salaris de percevoir les salaires et indemnits de licenciements afin que ceux qui le souhaitent soient en mesure de les mobiliser pour reprendre lentreprise.

    Le CESE invite les partenaires sociaux et les tribunaux de commerce en lien avec les pouvoirs publics finaliser ce nouveau dispositif dencouragement la reprise

    dentreprise par les salaris. Il faudra sassurer de la scurisation de lensemble

    des acteurs de ce dispositif. Une garantie sur les fonds apports par les salaris

  • 28 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    investisseurs devra tre mise en place et rendue effective au mme titre que pour les

    fonds dinvestissements.

    Par ailleurs, lorsque les salaris ont dpos un projet de reprise de leur entreprise dfaillante qui rpond aux conditions de viabilit conomique, le CESE recommande

    quun droit de reprise prfrentiel soit accord aux salaris repreneurs.

    Une solution pertinente pour la transmission dentreprises saines

    un enjeu au niveau national lheure actuelle, 48 000 entreprises indpendantes de 10 100 salaris (dont plus

    de 10 000 entreprises industrielles) sont diriges par des entrepreneurs de plus de 55 ans. Autrement dit, le nombre de transmissions dentreprise va inluctablement augmenter avec le dpart en retraite de la gnration des baby-boomers, sachant que le dpart en retraite du dirigeant est la cause dune cession dentreprises sur deux en France (Baromtre 2011 de la transmission de PME en France - tude Observatoire CNCFA EPSiLON).

    Par ailleurs, une tude ralise pour le compte de la direction gnrale des entreprises en 2008 rvle que 10 % des entreprises cder, notamment dans le secteur industriel, ferment faute de repreneur (Risques et opportunits de la transmission des entreprises - MiNEFE - KPMG Entreprises).

    dans ce contexte, la problmatique de la transmission des entreprises saines est un enjeu national, auquel les SCOP peuvent apporter une solution, notamment en labsence de transmission familiale, laquelle, selon OSEO, reprsente 7 % des cas de reprises.

    Faciliter cette transmission aux salaris est donc bien une voie pertinente, ce que la Commission europenne relve dans une communication sur la promotion des socits coopratives en Europe (com. 2004 18) : Les salaris ont un intrt particulier la viabilit de leur entreprise et ont souvent une bonne connaissance du domaine dactivit dans lequel ils travaillent. Cependant, il leur manque souvent lassise financire et lassistance ncessaire pour reprendre et grer une entreprise. La prparation attentive et progressive des transferts aux salaris, organiss sous la forme dune cooprative de travailleurs, peut amliorer les taux de survie . La Commission a invit les tats membres mettre en place un cadre pour faciliter la transmission dentreprises aux salaris sur la base des meilleures pratiques nationales en vigueur dans lunion.

    La prsentation devant la commission du cas pratique de la transmission de la socit tribu Conseil a ainsi permis de juger des conditions runir pour assurer la russite dune telle opration.

    Tous les secteurs conomiques peuvent constituer le champ de la transmission dentreprises aux salaris. Ds lors que la priorit doit tre donne des projets

    conomiquement viables et que lESS participe dune certaine complmentarit

    avec les autres formes entrepreneuriales, aucune raison ne prside valablement

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 29

    une vision restrictive et particulirement dfensive et ce, dautant que notre pays

    a besoin daccroitre la comptitivit des entreprises et de combattre un chmage

    proccupant.

    Les facteurs cls de russite des reprises/transmissions dentreprises en bonne sant

    La reprise dune entreprise saine suppose, pour tre russie, une dmarche anticipatrice, informative et la formation des diffrents protagonistes internes et externes.

    Amliorer lanticipation et linformation des salaris en amont et leur donner la possibilit de proposer un projet de reprise.

    donner du temps aux projets conomiquement viables est une priorit dautant que les spcialistes de la transmission estiment que ce processus se prpare idalement entre trois et cinq ans lavance. Or, plus de la moiti des transmissions ne sont pas planifies par les cdants et sont prpares moins dun an avant lopration selon OSEO.

    Par ailleurs, il nest pas rare que des changements de stratgie interviennent de la part de certains groupes se sparant dactivit rentables et promises un dveloppement ultrieur, par exemple pour se recentrer sur leur cur de mtier.

    Lobligation dune information des salaris sur tout projet de cession de leur entreprise doit tre mise en pratique sans pour autant engager de facto le cdant. Actuellement, cette information est dlivre partiellement et ne concerne que les entreprises de plus de 50 salaris (article L-2323-19 du Code du travail) pour lesquelles le comit dentreprise est inform et consult sur les modifications de lorganisation conomique et juridique de lentreprise, notamment en cas de cession.

    Parcellaire, linformation est aussi souvent dispense trop tardivement. Porter remde cette situation supposerait, selon le CESE, damliorer pour les socits

    commerciales, le droit dinformation des salaris sur tout projet de cession de leur

    entreprise.

    Cette obligation dinformation privilgie sexercerait, outre le comit dentreprise, auprs des dlgus du personnel dans les structures employant moins de 50 salaris et directement auprs des salaris dans les entreprises comptant moins de 11 salaris. Cette information doit comporter les lments ncessaires pour que les salaris puissent prendre leur dcision de proposer un projet de reprise ainsi que des procdures de confidentialit afin de ne pas compromettre tout autre projet de cession de lentreprise.

    dans le cas o il ny aurait pas de projet de transmission familiale, les salaris disposent aprs lobligation dinformation dun droit de reprise dans un dlai raisonnable, par exemple de 3 mois.

    Pendant ce dlai, au cours duquel cdants et salaris repreneurs examinent les conditions de transmission, aucune offre de reprise dun repreneur externe ne pourra intervenir.

    instituer un tel droit aux salaris na pas pour objet de porter atteinte la libert du cdant mais, tout au contraire, il est un moyen dtudier le plus en amont possible les volutions venir, augmentant les chances de russite de la cession.

  • 30 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    Un droit prfrentiel dans certains cas

    Se pose galement la question des fonds prdateurs envisageant la reprise dentreprises dans une logique purement spculative particulirement dvastatrice en termes de destruction demplois, de perte de savoir-faire et de dsindustrialisation des territoires.

    Dans ce cas, le CESE recommande que le droit dinformation des salaris se traduise par un droit de reprise prfrentiel, au mme titre que pour les entreprises dfaillantes

    auprs des tribunaux de commerce.

    La formation et laccompagnement des diffrents acteurs

    En raison de lattachement du dirigeant son entreprise qui peut le pousser retarder le moment de la cession et, du fait que la transmission aux salaris nest pas un processus habituel et familier, laccompagnement devrait en premier lieu concerner les cdants.

    cette difficult sajoute la barrire culturelle des salaris non encore impliqus dans la gouvernance des entreprises. La dmarche daccompagnement doit naturellement impliquer les salaris envisageant de diriger lentreprise sous son nouveau dispositif juridique et organisationnel mais galement de prvoir la formation de lensemble des ventuels futurs salaris-associs qui auront se familiariser de nouveaux modes de fonctionnement collectif et de nouvelles responsabilits. des financements spcifiques permettraient de vritablement mettre en uvre ces formations coopratives auprs du plus grand nombre.

    Au-del des cdants et des salaris, le CESE prconise que lensemble des ordres, organisations professionnelles, chambres consulaires, banques et

    rseaux daccompagnement (experts comptables, notaires, avocats) intgrent

    systmatiquement dans leurs outils la forme de transmission dentreprises aux

    salaris.

    un regard extrieur peut dailleurs savrer une garantie pour lanalyse du projet de transmission dans ses dimensions financires, conomiques, sociales ou techniques. Cette mobilisation seffectue au moment de la reprise mais laccompagnement savre ensuite galement dune grande utilit pendant un temps suffisamment long pour garantir la russite du projet sur la dure.

    Les volutions ncessaires

    Un statut transitoire de SCOP damorage : un nouvel lment structurant

    En pralable, il est bien entendu que, dans la majeure partie des situations de reprise-transmission, le statut SCOP est parfaitement adapt. Cependant, dans les cas de reprise dentreprises de taille significative et notamment dEti, lobligation pour les salaris de dtenir, demble, la majorit du capital social peut constituer un obstacle insurmontable.

    dans ces cas, ne disposant pas des capacits financires ncessaires, la limite de 50 % du capital est souvent un horizon trop difficile atteindre. Les fonds dinvestissements de ltat comme des collectivits ainsi que les fonds thiques pourraient examiner ces plans de reprise-transmission et apporter leurs concours sauf quils exigent un droit proportionnel leur prise de risque. Si aucun dentre eux ne souhaite tre majoritaire au capital, lassociation

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 31

    de plusieurs fonds permettrait, outre la rpartition du risque, dapporter la plus grande partie des fonds ncessaires mais ils ne le feront que si leur poids dans la gouvernance est proportionnel leur prise de risque. ds lors, le statut SCOP ne le permettant pas, certains projets ambitieux de par leur taille et le nombre des emplois concerns ne peuvent aboutir.

    Notre assemble propose de crer un statut transitoire de SCOP damorage, permettant un portage temporaire . Ce statut permettrait :

    la dtention majoritaire du capital par des associs extrieurs pendant une priode limite, par exemple de 5 10 ans. Le ou les investisseurs extrieurs interviennent ds le dpart avec la volont : de devenir minoritaire lissue de la priode transitoire ; de recevoir une juste rmunration pour le portage du capital quils ont ralis pendant la priode transitoire par application des articles 48 et 49 de la loi de 1978 ;

    la possibilit dattribuer des droits de vote proportionnels la dtention du capital leur permettant de disposer dune majorit temporaire durant la phase de transition ;

    le respect du fonctionnement des instances, conseil dadministration et assembles gnrales, pour les dcisions stratgiques de lavenir de lentreprise ;

    la mise en place de mesures de management de transition en accompagnement des salaris repreneurs ;

    lutilisation dun maximum des rsultats allous la participation aux salaris et de la Provision pour investissement (PPi) pour permettre aux salaris de racheter les parts ncessaires leur monte progressive au capital pendant toute la priode de statut transitoire sans aucune distribution des excdents.

    Le CESE insiste sur la ncessit dun accompagnement particulier des SCOP damorage sur toute la dure de la priode transitoire, ceci ncessitant des

    financements ddis en particulier pour les actions de conseil et formation la

    gestion de lentreprise.

    Un changement dchelle des moyens financiers

    La logique spcifique de rpartition des bnfices et leurs principes de gouvernance rendent les coopratives peu attractives pour les investisseurs financiers. de la mme faon, les SCOP sont confrontes la difficult daccs aux diffrents outils de financement et au crdit.

    Le CESE relve avec intrt que la Banque publique dinvestissement (BPI) devrait disposer dun compartiment spcialement ddi au financement de lESS. Il

    conviendra de suivre attentivement les futurs dveloppements qui rsulteront dun

    tel flchage , mme si celui-ci reste faible au regard du pourcentage reprsent par

    lESS au sein de lensemble des activits conomiques.

    Au-del, le rle des banques coopratives dj trs impliques dans le dveloppement des SCOP devrait tre renforc pour procurer des apports en fonds propres, consentir des prts aux taux attractifs et apporter des garanties. titre dexemple, on citera parmi les acteurs financiers majeurs SOCOdEN/ Scopinvest, idES, Crdit Coopratif, France Active, la NEF

  • 32 AviS du CONSEiL CONOMiQuE, SOCiAL Et ENviRONNEMENtAL

    il conviendrait cependant doprer un changement dchelle et dagir tant sur la collecte dpargne que sur la capacit financer les projets denvergure.

    cet gard, le CESE recommande lorientation doutils dpargne salariale vers un fonds ddi aux reprises et transmissions dentreprises aux salaris sous forme

    cooprative, selon des critres conomiques, sociaux et environnementaux, et

    notamment au bnfice de lemploi.

    Enfin, notre assemble encourage la cration dun fonds spcialis dans la reprise dentreprises limage de ce quil en est en Italie. Dans ce pays, des fonds mutuels

    destins au dveloppement coopratif existent depuis fort longtemps. En France, ce

    fonds pourrait, sagissant des reprises par les salaris, tre financ par un pourcentage

    des rsultats des coopratives, abond par les pouvoirs publics. Le couplage de

    ce fonds une fondation, pourrait tre le moyen de financer des programmes

    de sensibilisation, formation et daccompagnement la cration ou la reprise/

    transmission en SCOP et en SCIC. Cette recommandation mettrait en uvre, pour

    lconomie sociale, la proposition de lavis du CESE sur la comptitivit de la France

    (rapporteur : Mme Isabelle de Kerviler, octobre 2011) de crer un fonds national de soutien la cration-reprise dentreprises.

    De nouveaux modles de dveloppement et de croissance

    Les nouvelles formes dentrepreneuriat coopratifLe CESE tient souligner que dautres modles peuvent tre porteurs de dveloppement

    et demplois.

    Sur le modle des incubateurs qui se sont dvelopps particulirement dans le domaine des start-up fort contenu technologique, laccompagnement de jeunes pousses pourrait tre encourag par les collectivits locales, lexemple dAlterincub en Languedoc-Roussillon.

    Les CAE, Coopratives dactivits et demploi, permettent, quant elles, de regrouper et daccompagner des entrepreneurs dans un cadre collectif. une dfinition prcise du modle des CAE devrait permettre de consolider cette forme dentreprenariat et le statut de leurs membres entrepreneurs-salaris.

    Les SCiC, Socits coopratives dintrt collectif, sappuient sur le principe du multi socitariat, en permettant dassocier notamment, outre les salaris, les collectivits locales et les usagers. Elles trouvent un plein essor en particulier dans le secteur des nergies renouvelables et de la gestion des dchets, de lalimentation, de la sant et de la dpendance, du logement, etc. La coopration de travail sy dcline au sens large sur un territoire, pouvant occasionner des configurations judicieuses de pilotage public-priv. Pour les dvelopper pleinement, une adaptation du statut est ncessaire notamment en faisant une place plus large aux collectivits locales, actuellement limites 20 % du capital.

  • ENtREPRENdRE AutREMENt : L'CONOMiE SOCiALE Et SOLidAiRE 33

    Les groupes coopratifsComme tout autre modle dentreprise, les coopratives dont les SCOP doivent

    consolider leur structure pour atteindre un effet de taille en rponse aux marchs. Cet objectif sinscrit donc dans la logique de regroupement des PME menant la croissance du nombre dEti en France.

    de nombreuses SCOP se sont dveloppes partir dun produit - un territoire . Lexemple de la SCOP Chque djeuner est, a cet gard, probant. Le dveloppement de son produit dorigine a conduit lentreprise (troisime metteur mondial de titres collectifs) diversifier les formules, les dcliner et dpasser le cadre national en simplantant dans plus de dix pays. dautres exemples ont t fournis, notamment dans le domaine du btiment dans le cadre dacquisition dentreprises sur des mtiers complmentaires.

    Statutairement, ces croissances externes ne peuvent se faire quavec des filiales de droit commun, seule lentreprise mre tant de droit coopratif. Ces difficults statutaires peuvent tre considres comme autant de freins la poursuite de lextension des SCOP existantes et au dveloppement du modle coopratif au bnfice de lensemble des salaris.

    Notre assemble propose une volution juridique approprie la cration de toute forme de groupes coopratifs, en largissant la notion de salaris associs

    lensemble du groupe dans le cas des relations entre SCOP. Ainsi, le fait dtre salari

    associ dune SCOP permettrait dtre considr comme associ interne de toute

    autre SCOP du groupe ds lors quil y a i