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CDS 164 CDSDG 15 F bis Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN COMMISSION SUR LA DIMENSION CIVILE DE LA SECURITE LA BATAILLE DES CŒURS ET DES ESPRITS : REPONDRE AUX CAMPAGNES DE PROPAGANDE A L’ENCONTRE DE LA COMMUNAUTE EURO-ATLANTIQUE RAPPORT Witold WASZCZYKOWSKI (Pologne) Rapporteur, Sous-commission sur la gouvernance démocratique

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CDS164 CDSDG 15 F bisOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION SUR LA DIMENSION CIVILE DE LA SECURITE

LA BATAILLE DES CŒURS ET DES ESPRITS : REPONDRE AUX CAMPAGNES DE PROPAGANDE A L’ENCONTRE DE LA

COMMUNAUTE EURO-ATLANTIQUE

RAPPORT

Witold WASZCZYKOWSKI (Pologne)Rapporteur,

Sous-commission sur la gouvernance démocratique

www.nato-pa.int 10 octobre 2015

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TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION....................................................................................................................1

II. ANALYSE DE LA POLITIQUE D’INFORMATION DE LA RUSSIE.........................................1

A. LA MAINMISE SUR LES MEDIAS NATIONAUX...........................................................2B. LES POLITIQUES D’INFORMATION DE LA RUSSIE DANS L’ETRANGER

PROCHE ET AU-DELA.................................................................................................41. LE CADRE THEORIQUE ET INSTITUTIONNEL.................................................42. LES TACTIQUES ET LES INSTRUMENTS.........................................................5

III. LA REPONSE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE.................................................10

IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS........................................................................14

BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................18

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« Après tout, comment pouvons-nous savoir que deux et deux font quatre ? Ou que la gravitation exerce une force ? Ou que le passé est immuable ? Si le passé et le monde extérieur n’existent que dans l’esprit et si l’esprit est susceptible de recevoir des directives. Alors quoi ? »

George Orwell, 1984

I. INTRODUCTION

1. La portée et l’intensité du « pouvoir de conviction » qu’exerce la Russie sur ses voisins et au-delà sont le signe que les opérations d’information représentent pour le Kremlin les principaux instruments de sa politique sécuritaire et étrangère. Les campagnes d’information qui ont accompagné – et en fait précédé – l’agression contre la Géorgie en 2008 et contre l’Ukraine en 2014 n’étaient pas simplement une façon de préparer le terrain dans la perspective de l’effort militaire, mais bien tout l’inverse. De la même manière que les pays européens ont, ces dernières années, considérablement réduit leur dépendance à l’égard des hydrocarbures russes, il est plausible que Moscou fasse de plus en plus usage de sa machine à propagande pour réaliser ses ambitions en matière de politique étrangère.1

2. La campagne offensive, menée par la Russie pour recueillir la sympathie et l’adhésion des populations des pays voisins et au-delà, a pris la communauté euro-atlantique au dépourvu. Si les ressources occidentales en matière économique et d’information sont nettement plus importantes que celles de la Russie, la machine d’information russe affiche une certaine supériorité de par son professionnalisme, son absence de scrupules et de considérations éthiques, ainsi que l’homogénéité de son message et de son discours. Moscou exploite avec talent le pluralisme de la scène médiatique du monde libre et le fait que les gouvernements occidentaux ont peu de contrôle sur les médias de leurs pays. Les cadres juridiques des médias mis en place dans les pays euro-atlantiques ont pour but d’instaurer des conditions d’égalité entre les organes d’information, détenus le plus souvent par des intérêts privés. L’Occident est donc mal armé pour résister à l’invasion informationnelle d’une puissance extérieure. L’explosion de l’utilisation des médias sociaux fournit à la Russie de nouvelles voies pour influencer les populations et les personnalités politiques des pays visés.

3. Le présent rapport comporte trois volets. Dans un premier temps, il examine les stratégies et les méthodes d’information/de désinformation employées par la Russie, afin d’évaluer l’ampleur du défi. Ensuite, il donne une vue d’ensemble des mesures et initiatives lancées par la communauté euro-atlantique et d’autres institutions pour faire face à cette situation. Enfin, il propose des idées bien précises qui pourraient être utiles pour accroître la capacité de résistance des pays euro-atlantiques face à des actions futures de propagande.

II. ANALYSE DE LA POLITIQUE D’INFORMATION DE LA RUSSIE

4. La présente section consistera à analyser la politique d’information de la Russie en examinant les méthodes employées par le Kremlin pour contrôler la scène médiatique intérieure du pays. Elle étudiera également la façon dont les autorités russes ont élaboré leur discours et les outils qu’elles utilisent pour exercer leur « pouvoir d’influence » sur les pays de l’étranger proche et ceux situés plus à l’ouest.

1 Avec un PIB inférieur à celui de l’Italie ou du Brésil, une population en baisse (143 millions) et une armée conventionnelle toujours en cours de réforme, la Russie s’appuie de plus en plus, depuis quelque temps, sur le principal atout qui lui reste, à savoir son vaste arsenal nucléaire. La machine à propagande russe est également devenue une autre arme importante dans la politique étrangère du pays.

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A. LA MAINMISE SUR LES MEDIAS NATIONAUX

5. Il faut savoir que l’unification de l’espace médiatique russe au service des intérêts du Kremlin n’est pas un fait nouveau. Le phénomène a été amorcé dans les années 90. Même avant l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, le Kremlin et les oligarques russes avaient mené une campagne médiatique remarquable qui avait permis à Boris Eltsine de remporter miraculeusement l’élection présidentielle de 1996 contre son adversaire communiste. Ensuite, Vladimir Poutine s’est hissé à la tête du pays avec la volonté claire de mettre en place un « pouvoir vertical » qui ne rencontrerait aucune opposition, d’assujettir progressivement tous les acteurs importants – notamment le parlement, les gouverneurs des régions, les partis politiques, le système judiciaire et les empires oligarchiques russes – et de les placer sous le contrôle du Kremlin.

6. Sa première priorité a toutefois été de mettre sous sa coupe les chaînes de télévision nationales, qui représentent la principale source d’information pour plus de 80 % des Russes (Orttung et Walke, 2013). Déjà en tant que premier ministre d’Eltsine, M. Poutine utilisait avec succès les compétences des technologues de la politique, expression désignant la version russe des spin doctors (ou manipulateurs des médias) qui disposent d’énormes moyens financiers et administratifs et ont accès aux grandes chaînes de télévision. Ces technologues ont réussi à faire de M. Poutine – qui était un personnage politique presque inconnu en Russie – l’homme politique le plus populaire du pays, et ce en l’espace de quelques mois. La couverture médiatique de sa guerre contre la Tchétchénie a été exclusivement progouvernementale (contrairement à celle de la première guerre de Tchétchénie, en 1994-96). Peu après son élection en tant que président, Vladimir Poutine et les hommes d’affaires auxquels il était lié (comme par exemple Yuri Kovalchuk, propriétaire de la banque Rossiya) ont pris le contrôle des grandes chaînes de télévision nationales, dont ORT/Channel One et NTV, qui auparavant appartenaient respectivement aux oligarques Boris Berezovsky et Vladimir Gusinsky. Le rachat en 2001 de la chaîne pro-opposition NTV a au fond marqué la fin des médias libres en Russie. Depuis que le président Poutine est au pouvoir, le classement de la Russie par Freedom House s’est progressivement détérioré : depuis 2005, cette organisation indépendante d’observation des libertés classe le pays dans la catégorie « non libre ».

7. Aujourd’hui, pour préserver un semblant de démocratie, le pouvoir russe autorise certains médias pro-opposition de petite taille à exercer leurs activités (par exemple la chaîne de télévision Dozhd et la station de radio Ekho Moskvy), mais leur couverture territoriale est limitée, leurs équipes de journalistes et de rédacteurs sont constamment harcelées par les autorités et font régulièrement l’objet d’attaques de déni de service sur Internet. Pour ce qui est de la presse écrite et des supports médias en ligne, la diversité est plus grande, mais les opposants au gouvernement n’y sont pas plus à l'abri. Six journalistes d’investigation du célèbre journal d’opposition Novaya Gazeta, dont Anna Politkovskaya, ont été assassinés depuis 2001 et il est fort possible que ce journal suspende prochainement sa version papier. Lors d’un forum des médias qui a eu lieu en avril 2014 à Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a déclaré qu’internet était un « projet de la CIA » et qu’il devait être contrôlé. Une loi anti-blogs impose un contrôle strict des sites de bloggeurs enregistrant plus de 3 000 visiteurs par jour. Les autorités russes ont par ailleurs accès aux informations personnelles des utilisateurs d’internet. Les sites des opposants au régime (particuliers ou organisations) sont régulièrement la cible de cyberattaques. Le gouvernement a récemment opéré des changements de direction au sein du portail d’information Lenta.ru et du géant des médias sociaux VKontakte, qui ont un grand succès en Russie.

8. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme et de protéger les enfants russes contre les atteintes aux bonnes mœurs, la législation russe sur les médias autorise le Kremlin à censurer les journalistes et les propriétaires de médias, et à engager des poursuites à leur encontre. Les réglementations permettent à l’Etat de limiter le contenu des programmes télévisés, des films,

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des livres et des représentations publiques. Certains médias occidentaux (comme par exemple les émissions radio de Voice of America) sont interdits et exclus des programmes russes de diffusion par câble et par satellite. La popularité croissante des programmes en langue russe de la BBC (6,9 millions d’auditeurs en 2014, soit plus du double qu’avant la crise ukrainienne) a poussé la Douma à adopter discrètement en octobre 2014 un texte qui limitera les participations étrangères dans les médias russes à 20 % d’ici 2017. Par conséquent, en l’espace de deux ans, les Russes vont prendre le contrôle de la quasi-totalité des médias étrangers présents dans le pays.

9. Pour maintenir la popularité du président à un haut niveau, les grands médias russes se font les complices de ses opérations publicitaires telles que ses démonstrations ostentatoires de virilité ou de machisme (par exemple lorsqu’il est aux commandes d’un avion-citerne en train d’éteindre un incendie de forêt, ou qu’il participe annuellement à des conférences télévisées pré-orchestrées aux côtés de « gens ordinaires »). Les personnalités d’opposition sont interdites d’antenne sur toutes les grandes chaînes de télévision du pays. Il est fréquent également que les opposants soient présentés comme des traîtres et des êtres immoraux dans les documentaires de propagande (comme par exemple « Anatomy of protest »). Les rassemblements de l’opposition sont décrits de manière dépréciative, souvent en s’attachant à des détails sans importance qui donnent l’impression que les protestataires sont extrêmement radicaux. En revanche, les actualités susceptibles de porter préjudice au Kremlin – par exemple la gravité de la situation économique de la Russie ou la décision de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye condamnant la Russie à verser 50 milliards de dollars d’indemnités aux anciens actionnaires de la société Ioukos – ont été passées sous silence par les médias dominants, qui les ont à peine évoquées.

10. Un constat intéressant est que les journaux et les débats politiques télévisés ont enregistré en Russie un net regain d’intérêt depuis le début du conflit en Ukraine. La durée des journaux télévisés a également beaucoup augmenté : pour citer un exemple, « Vesti », le principal bulletin d’information de la chaîne de télévision Rossiya-1, durait en moyenne 45 minutes avant le conflit, contre 70-75 minutes aujourd’hui. Le contenu des journaux télévisés russes est en outre de plus en plus axé sur les événements se produisant à l’étranger, notamment en Ukraine. Une récente étude réalisée en mars 2015 avec le financement de l’UE a montré que « Vesti » consacre plus de 35 % de son temps d’antenne à l’Ukraine, contre seulement 1,3 % aux questions relatives à la société russe. L’audience des journaux télévisés s’est également accrue au sein de la jeune population russe, qui n’était auparavant pas intéressée par les programmes d’information. Les jeunes générations ne sont donc pas épargnées elles non plus par la politique. A l’époque de l’annexion illégale de la Crimée, la populaire émission quotidienne pour enfants « Bonne nuit, les petits » faisait dire à l’un de ses nounours qu’il voulait rejoindre l’armée pour défendre les frontières de la Russie. Un autre jour, cette émission se moquait des manifestations de rue (Ennis, 2015).

11. Le lavage de cerveau qui est imposé continuellement à la population russe depuis l’arrivée au pouvoir de M. Poutine a atteint un tel niveau que les Russes installés devant leur poste de télévision en sont venus à accepter des histoires grotesques et absurdes, comme par exemple la soi-disant découverte par Vladimir Poutine de deux urnes de Grèce antique lors d’une plongée dans les fonds de la mer Noire, un événement qui a évidemment été filmé. De nombreux Russes trouvent normal que le président Poutine explique en détail, comme il l’a fait récemment, comment les forces spéciales du pays ont, sous son commandement, mené à bien l’occupation et l’annexion de la Crimée. Par cette déclaration, le président admet n’avoir pas dit la vérité lorsqu’il avait déclaré, début 2014, que la présence en Crimée de ceux que l’on appelait les hommes en vert n’avait rien à voir avec la Russie. Prononcés par un homme politique en Occident, de tels mensonges exposeraient son auteur à des problèmes, mais dans le cas de M. Poutine, sa popularité n’en a nullement été affectée. Il est donc important de comprendre qu’une grande part de la population russe est sourde aux types d’arguments considérés par les

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Occidentaux comme logiques et objectifs. Selon Paul Goble, éminent spécialiste de la Russie, la campagne de désinformation du Kremlin a apparemment trouvé un terrain fertile sur le territoire national car elle joue sur les émotions très anciennes du peuple russe et permet à la société d’oublier ses préoccupations politiques et économiques plus immédiates (Goble, 2014). Après des années de manipulation délibérée des médias en vue de faire taire toute voix discordante, la société russe est aujourd’hui très réceptive à la rhétorique gouvernementale, y compris à l’idée d’un complot de l’Occident contre la patrie russe, organisé dans le voisinage immédiat de la Russie.

B. LES POLITIQUES D’INFORMATION DE LA RUSSIE DANS L’ETRANGER PROCHE ET AU-DELA

1. LE CADRE THEORIQUE ET INSTITUTIONNEL12. Bien que la Russie n’ait curieusement pas fait mystère de son intention d’utiliser l’information comme un instrument de politique étrangère, la communauté euro-atlantique n’a pas prêté toute l’attention requise aux documents clés de la politique nationale russe, à savoir la Revue de la politique étrangère russe de 2007, la Stratégie de sécurité nationale de la Russie de 2009, et le Concept de politique étrangère de 2013. On trouve dans ces documents l’énoncé suivant de la politique à mener dans le secteur des médias : « La principale tâche de la Russie est de mener des campagnes d’information efficaces partout où nous détectons des menaces réelles envers les intérêts de la Russie, en maintenant une large adhésion du public concernant l’orientation de la politique étrangère du pays ». Par voie de conséquence, « la Russie mettra au point des moyens d’information efficaces pour influencer l’opinion publique à l’étranger, renforçant le rôle des médias russes dans l’environnement médiatique international tout en leur fournissant le soutien essentiel de l’Etat », et « prendra les mesures nécessaires pour éradiquer les informations représentant des menaces pour sa sécurité et sa souveraineté ». Les documents précités recommandent en outre de limiter le nombre de programmes étrangers et d’étendre la présence des médias russes à l’étranger.

13. Selon l’analyse effectuée par le Centre d’excellence de l’OTAN pour la communication stratégique, la Russie n’essaie pas simplement de s’assurer que sa voix est entendue dans les pays de l’ancien bloc soviétique et au-delà : elle a au contraire placé le volet informationnel au cœur de sa réflexion stratégique ainsi que de ses activités diplomatiques et militaires. Ainsi, les hommes en vert – comme on les appelle, autrement dit les forces spéciales russes – qui étaient présents en Crimée et dans le Donbass ne se contentaient pas de mener des opérations militaires traditionnelles, mais ils participaient également à une mission de communication, en collaborant avec les représentants des médias russes pour les aider à fournir des images qui corroborent la version russe des événements en Ukraine.

14. La Russie poursuit par ailleurs ses efforts pour simplifier ses mécanismes de communication, afin de livrer un message stratégique parfaitement uniforme. Il semblerait que les représentants des trois principales chaînes de télévision tiennent une réunion hebdomadaire avec l’administration présidentielle. Ces réunions sont présidées par l’un des hauts fonctionnaires de l’administration (Centre d’excellence de l’OTAN, 2014). La Russie a également renforcé son rayonnement médiatique international en créant RT (TV) et l’agence multimédia Sputnik (qui comprend également une radio). Cette agence est dirigée par Dmitri Kisselev, alias « le tsar de la propagande en Russie ». Pour préserver et élargir l’influence politique et culturelle de la Russie sur ses voisins, l’organe Rossotrudnichestvo (incluant l’Agence fédérale de la Communauté des Etats indépendants, les Compatriotes vivant à l’étranger et la Coopération humanitaire internationale) a été créé en 2008. Le fonds Gorchakov et la fondation Russkiy Mir sont également des éléments importants de la machine à propagande du Kremlin.

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15. S’agissant du contenu, Moscou a mis au point une rhétorique stratégique générale qui s’adresse à la fois à la population russe et à celle de l’étranger proche. Contrairement à ce qui se passait à l’époque soviétique, ce discours présente une base idéologique moins affirmée et séduit un public large opposé à l’Occident, au libéralisme et à la mondialisation. L’anti-américanisme est un élément clé de ce discours, dont le but est d’élever un mur entre les Etats-Unis et l’Europe. Presque toutes les notions bannies de la pensée dominante occidentale y sont précisément incluses. De façon assez paradoxale, cette rhétorique loue tout autant l’héritage des tsars de Russie que celui des communistes. Peter Pomerantsev et Michael Weiss, éminents spécialistes de la Russie, appellent cela une « approche idéologique à géométrie variable », qui combine tout naturellement des points de vue de droite (comme par exemple l’intolérance à l’égard de l’homosexualité ou des mouvements islamistes) avec des idées de gauche axées sur l’opposition au capitalisme de type américain.

16. Aussi surprenant que cela paraisse, les partisans d’extrême gauche de Vladimir Poutine n’ont pas de problème avec le fait que les hauts responsables russes et leurs « copains » oligarques aient accumulé des fortunes colossales, ni avec le fait que le gouvernement réprime régulièrement les militants écologiques internes et essaie de contrôler internet. De leur côté, les admirateurs d’extrême droite de M. Poutine semblent fermer les yeux sur certaines actions du Kremlin, comme par exemple l’asile accordé à Edward Snowden ou l’utilisation d’une rhétorique glorifiant le passé communiste du pays. Un autre élément symptomatique est que les partisans de Poutine – à l’intérieur comme à l’extérieur de la Russie – ne voient apparemment pas de contradiction entre le discours antinazi des autorités russes en Ukraine et le fait que le Kremlin entretienne des amitiés avec un certain nombre de mouvements d’extrême droite en Europe. MM. Pomerantsev et Weiss en concluent que si la rhétorique du Kremlin séduit autant de gens différents, c’est parce que « le Poutinisme offre au public ce qu’il espère y trouver ».

17. Cette rhétorique s’appuie également plus ou moins sur le concept dit d’eurasisme, qui a été diffusé par des idéologues comme Lev Gumilev et, plus récemment, par le très controversé Alexandre Douguine. Selon les partisans de l’eurasisme, la Russie représente le noyau d’une nouvelle civilisation qui se définit par la culture et les valeurs orthodoxes slaves. Elle serait soi-disant plus spirituelle et honnête que l’Occident mercantile et décadent. Les idéologues précités préconisent la création, sous la direction de la Russie, d’un empire eurasien composé, au grand minimum, des territoires de l’ex-Union soviétique. L’extrémisme impérialiste et le chauvinisme affichés par Douguine ne permettent pas au Kremlin d’adopter officiellement le concept d’eurasisme, mais l’idée d’un « monde russe » (Russkyi Mir) lancée par le président Poutine rappelle bon nombre des principes de la philosophie douguienne. Le « monde russe » désigne une communauté beaucoup plus vaste que la seule Russie, incluant les millions de citoyens de l’ex-Union soviétique qui, selon le Kremlin, se seraient, au début des années 90, « réveillés dans un autre pays » contre leur gré.

18. Ces populations, appelées compatriotes, ne parlent pas nécessairement le russe en tant que première langue, mais elles ont des liens culturels, historiques et psychologiques avec la Russie. Moscou se sent donc responsable vis-à-vis d’elles et considère généralement que ces compatriotes sont opprimés par leurs gouvernements et ont besoin de l’aide de la Russie. Le discours du Kremlin suggère également que les nouveaux pays qui se sont formés dans la région de l’étranger proche étaient plus riches lorsqu’ils faisaient partie de l’Union soviétique. Moscou prétend que l’indépendance ne leur a apporté que pauvreté, corruption et émigration, ainsi qu’un asservissement de rigueur à l’égard des Etats-Unis ayant impliqué la nécessité de combattre à leurs côtés dans le cadre des opérations dirigées par l’OTAN.

2. LES TACTIQUES ET LES INSTRUMENTS

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19. Il est important de noter que la campagne d’information, manifestement réussie, menée par la Russie dans le cadre de son conflit avec l’Ukraine est le fruit de nombreuses années d’incessantes préparations, à analyser ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas en se basant sur les réussites et les erreurs passées. Pour citer un exemple, la chaîne de télévision Russia Today s’intéressait à l’origine à l’actualité de la Russie ainsi qu’à la position russe sur différentes questions internationales et s’adressait à un public extérieur varié. N’attirant plus beaucoup de spectateurs, la chaîne a changé de nom – pour un plus neutre RT – et a adopté une ligne éditoriale beaucoup moins centrée sur la Russie et plus axée sur les grands sujets internationaux, à l’instar de chaînes comme CNN ou BBC World. Or, contrairement aux chaînes précitées – dont le but est de rendre compte des faits et de présenter des points de vue différents en vue d’établir la vérité objective – la chaîne RT a mis au point sa propre méthode qui est devenue l’approche type de la Russie à l’égard de l’actualité, où plusieurs tactiques différentes sont mises en œuvre.

20. Premièrement, cette méthode nie l’existence d’une vérité objective et sous-estime l’importance des preuves tangibles. Par exemple, au lieu d’essayer de convaincre le public de la version avancée par la Russie pour expliquer le crash du vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines, les organes d’information russes ont envahi l’espace médiatique avec toutes sortes de théories du complot (depuis celle de l’intervention d’un avion de combat ukrainien qui aurait visé un avion russe dans lequel se serait trouvé M. Poutine, jusqu’à la thèse surnaturelle selon laquelle tous les passagers de l’avion étaient déjà morts lorsqu’ils ont décollé d’Amsterdam). Très peu de faits – pour ainsi dire – ont été présentés pour étayer ces théories. Souvent, ce sont par exemple des éléments insignifiants, tels qu’un tweet envoyé par un obscur contrôleur aérien, qui sont utilisés. L’objectif de cette méthode est de semer la confusion dans l’esprit du public et de diluer la « version occidentale » des événements en la faisant apparaître comme l’une des nombreuses versions existantes. Cette méthode, qui est apparemment plus efficace que de prouver la validité d’une théorie particulière, marque clairement l’abandon de la philosophie de la propagande soviétique, qui présentait laborieusement les événements internationaux sous un jour unique teinté d’idéologie marxiste-léniniste.

21. Deuxièmement, les médias russes contrôlés par l’Etat ont souvent pour pratique de prendre un fait établi ou une information légitime, puis de manipuler le contexte et de tirer des conclusions complètement farfelues. Par exemple, rendant compte d’une émission suédoise sur l’éducation sexuelle des enfants, les médias russes ont conclu que l’Europe était atteinte de perversité sexuelle ; ou encore, indiquant qu’un des leaders de l’opposition russe, Alexeï Navalny, avait étudié à Yale, les médias ont prétendu que c’était la « preuve » qu’il était un agent de la CIA (Pomerantsev et Weiss, 2014).

22. Troisièmement, les médias russes interviewent presque exclusivement des personnes que l’on pourrait considérer comme des interlocuteurs arrangeants. A titre d’exemple, les reportages sur la situation en Ukraine montrent constamment des populations soi-disant opprimées qui subissent les atrocités commises par les « nationalistes » ukrainiens. Lors de la révolution de Maïdan, les médias russes se sont intéressés exclusivement au petit nombre de manifestants appartenant aux organisations nationalistes Secteur droit et Svoboda. De manière générale, ces médias utilisent indifféremment et régulièrement les termes « ultra-nationalistes », « russophobes », « antisémites », voire « pronazis » pour décrire les membres du gouvernement ukrainien. Or, ces allégations nient complètement des vérités flagrantes comme le fait que les élections législative et présidentielle en Ukraine ont été remportées haut la main par les partis modérés, que de nombreux membres des forces armées et du gouvernement ukrainiens sont en premier lieu russophones, ou que les juifs ukrainiens occupent de nombreux postes de haut rang en Ukraine, et notamment celui de président du Parlement.

23. Quatrièmement, la machine d’information russe a, à de nombreuses reprises et sans aucun scrupule, falsifié des preuves et diffusé de grossiers mensonges. L’exemple le plus notoire est le

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récit complètement inventé par la chaîne russe Channel One d’un garçon de trois ans ayant été torturé et crucifié par des soldats ukrainiens dans un jardin public de Slovyansk, information soi-disant corroborée par des témoins oculaires. Le faux message Facebook d’un « médecin » imaginaire a en outre été cité comme preuve des atrocités commises par les nationalistes ukrainiens à Odessa. Un autre exemple est celui de l’élection présidentielle en Ukraine. Le jour en question, les principaux médias russes ont indiqué que le leader de l’organisation Secteur droit était en tête des suffrages, en montrant en guise de preuve une version piratée du site web de la Commission électorale ukrainienne. En réalité, le leader de Secteur droit a enregistré 0,7 % des voix. Ces récits inventés de toutes pièces montrent souvent les mêmes personnes dans des situations différentes (par exemple, une femme jouant tour à tour le rôle d’une réfugiée à Donetsk, d’une habitante d’Odessa, d’une militante en Crimée, d’une manifestante anti-Maïdan et d’une mère de soldat) (StopFake, 2014). Il est fréquent également que les médias russes utilisent des photos ou des vidéos des guerres en Syrie, au Kosovo et en Tchétchénie en prétendant qu’elles ont été prises dans l’est de l’Ukraine. Une longue queue à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne a été présentée comme une file de réfugiés ukrainiens tentant de trouver asile en Russie. L’utilisation éhontée de ces méthodes a même conduit certains journalistes de RT à démissionner en signe de protestation.

24. Cinquièmement, RT et d’autres chaînes russes invitent souvent de soi-disant respectables experts occidentaux pour commenter l’actualité internationale. Si l’on examine de plus près l’expérience de ces prétendus experts, il n’est pas rare de découvrir que ces personnes sont soit complètement inconnues dans le milieu universitaire, soit réputées pour leurs opinions controversées, par exemple la négation de l’existence de l’Holocauste.

25. Enfin, pour produire plus d’impact psychologique sur le public, les médias russes contrôlés par l’Etat ont recours à des techniques visuelles qui seraient jugées contraires à la déontologie en Occident. Par exemple, les reportages commencent fréquemment par des images choquantes de corps mutilés ou de rues recouvertes de sang, le tout sur fond musical dramatique. Ces scènes sont souvent diffusées sans véritablement avertir au préalable les téléspectateurs. La chaîne de télévision russe LifeNews (souvent surnommée LieNews par ses détracteurs) se spécialise en particulier dans les images de ce type prises sur les zones de combat en Ukraine. Les grands médias russes n’hésitent pas non plus à couvrir des actes ignobles qui constituent clairement des violations du droit international, comme par exemple la scène des séparatistes pro-russes forçant des soldats ukrainiens faits prisonniers à traverser les rues de Donetsk en subissant les agressions physiques et les brimades de la foule.

26. L’efficacité des méthodes employées par les médias russes officiels est encore renforcée par toute une série d’autres pratiques relevant également du pouvoir de conviction, qui sont dirigées ou coordonnées par les autorités russes. Quelques-unes de ces pratiques sont décrites ci-après.

27. Trolling (ou déclenchement de polémiques) : Le Kremlin emploie une armée de sympathisants qui postent quotidiennement sur les portails d’information et les médias sociaux les plus populaires le plus de commentaires possibles dans lesquels ils critiquent l’Occident et l’opposition démocratique en Russie, tout en faisant les louanges de Vladimir Poutine et de sa politique. Ces sympathisants ont pour tâche de créer et de gérer plusieurs comptes Facebook et Twitter, et de tromper le plus d’internautes possible. Les journalistes d’investigation de Novaya Gazeta ont découvert à Saint-Pétersbourg une « usine à trolls » comptant quelque 250 employés. Cette « usine » a récemment été portée à la connaissance du public lorsque l’une de ses salariés, Lyudmila Savchuk, a intenté un procès contre son employeur en l’accusant de sous-rémunération et de violations diverses du code du travail. La fabrique a proposé à la plaignante de la dédommager, ce qui constituait de fait une reconnaissance de sa propre existence (Dolgov, 2015). Un troll doit poster entre 50 et 100 messages au moins par jour dans différentes langues. Un exemple représentatif de l’efficacité de ces trolls est fourni par le journal

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britannique The Guardian, dont les modérateurs du site web ont indiqué en mai 2014 qu’ils ne parvenaient pas à endiguer les vagues de trolls postant sans relâche de la propagande pro-Poutine dans les commentaires des articles consacrés à l’Ukraine. Ces modérateurs ont reconnu qu’ils étaient « submergés par un flot d’utilisateurs incroyablement hostiles et agressifs […] postant des messages extrêmement tendancieux, pro-Kremlin et opposés à l’Occident, qui semblent recopiés d’un modèle tant leurs contenus sont répétitifs » (Elliot, 2014).

28. Exploitation des communautés compatriotes : Le concept de « monde russe » évoqué plus haut implique que les autorités russes entretiennent la communication avec l’ensemble des communautés russophones, pour exploiter les possibilités qu’offrent ces communautés d’accroître la dissémination des informations, attitudes et comportements souhaités par le Kremlin. La Stratégie de sécurité nationale de la Russie de 2009 inclut un chapitre sur la culture qui prévoit le maintien d’un espace d’information commun pour toutes les populations russophones. Les pays où vivent d’importantes minorités russes ne cessent de lutter contre l’influence exercée par le Kremlin. Dans des pays comme la Lettonie, où les russophones représentent environ un tiers de la population nationale, les chaînes de télévision et les organisations financées par l’Etat russe (comme par exemple le Fonds de soutien aux compatriotes) y sont actives depuis longtemps et apportent leur soutien aux initiatives locales, par exemple le référendum de 2012 qui visait à faire du russe la seconde langue officielle du pays, mais qui a été un échec. Les récents sondages réalisés en Lettonie montrent que la situation en Ukraine suscite des avis très différents parmi la population, la plupart des russophones s’opposant aux sanctions contre Moscou et approuvant l’annexion illégale de la Crimée par la Russie (Luxmoore, 2015). Cela dit, il est important de ne pas stigmatiser l’ensemble des populations russophones vivant en dehors de la Russie car elles sont, dans une large mesure, victimes de la propagande et autres moyens utilisés par Moscou pour exercer son influence. Pour empêcher que ces populations ne se retrouvent davantage assujetties et pour les inciter à se sentir plus proches de leurs pays de résidence, des stratégies globales et prudentes doivent être déployées, notamment en leur proposant des sources d’information alternatives en langue russe qui combinent qualité et présentation attrayante.

29. Infiltration des ONG : En favorisant, finançant et, dans de nombreux cas, dirigeant l’activité des ONG à l’étranger, le Kremlin espère accroître son pouvoir d’influence. Les autorités russes exploitent le fait que dans les pays occidentaux, les ONG et les groupes de réflexion sont faciles à créer et à financer, et échappent souvent à l’attention des services de renseignement. La Russie est largement suspectée d’allouer des fonds à des ONG, médias et groupes de réflexion. Le Centre européen d’analyse géopolitique, installé en Pologne, aurait récemment reçu des aides financières du Kremlin. Le nombre d’ONG soutenues financièrement par la Russie est particulièrement élevé dans la région de l’étranger proche. Selon le groupe Re:Baltica, installé à Riga et spécialisé dans le journalisme d’investigation, 20 organisations lettones ont reçu de l’argent de la Russie (plus précisément de la fondation Russkiy Mir) depuis 2012. Ce chiffre aurait plus que doublé depuis cette date.

30. Mise en avant d’une version déformée de l’histoire : Lors de la session de printemps de l’AP-OTAN qui a eu lieu à Vilnius en 2014, la Commission sur la dimension civile de la sécurité a été informée du soutien apporté par la Russie à des publications pseudo-historiques visant à déprécier et déformer l’histoire de pays comme la Lituanie. Dans ces publications, par exemple, le Grand-Duché de Lituanie est présenté essentiellement comme un Etat bélarussien. L’Etat ukrainien y est également dévalorisé et le pays décrit comme une pseudo-nation incapable de se gouverner seule. Les autorités russes continuent de financer des études mensongères qui nient que le massacre à Katyn de quelque 22 000 citoyens polonais ait été perpétré par le NKVD (police politique) sur ordres de Staline. Ces travaux pseudo-scientifiques, dont le but est d’entamer le respect qu’ont les individus et les nations pour leur propre Etat, sont ardemment défendus, malgré leur caractère clairement mensonger. Dans le contexte du conflit avec l’Ukraine, les « historiens » russes pro-gouvernementaux ont découvert des preuves que la

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Crimée faisait partie depuis longtemps de la Russie, bien qu’elle n’ait été intégrée à l’Empire russe qu’à la fin du XVIIIe siècle – soit un siècle environ après Kyiv – et que les Russes ne soient devenus le premier groupe ethnique de la péninsule qu’après la déportation des Tatars de Crimée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les prétendus historiens du Kremlin ont également fourni des preuves « scientifiques » de concepts tels que celui de la Novorossiya (Nouvelle Russie). Vladimir Poutine a par ailleurs refusé de condamner le pacte Molotov-Ribbentrop, et donc marqué sa différence par rapport à la rhétorique qui était en vigueur du temps de Mikhaïl Gorbatchev et de Boris Eltsine. Paradoxalement, en même temps qu’elles ravivent l’interprétation stalinienne de l’histoire, les autorités russes continuent d’accuser leurs voisins occidentaux de « réécrire et falsifier l’histoire ». De surcroît, quiconque critique les actions des Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale (comme par exemple l’occupation des pays voisins et la violence exercée) est taxé de « fasciste ». L’intolérance de la Russie à l’égard de toute critique du régime stalinien se reflète dans la décision du ministère russe de la Culture d’interdire la projection du film Enfant 44 qui, inspiré du célèbre roman de Tom Rob Smith, critique le caractère répressif du pouvoir stalinien. Le motif avancé pour justifier l’interdiction est que le film « déforme les faits historiques ainsi que les interprétations des événements survenus avant, pendant et après la grande guerre patriotique » (c’est-à-dire la Seconde Guerre mondiale). Un autre exemple de la révision de l’histoire par la Russie est le documentaire intitulé Le Pacte de Varsovie : pages déclassifiées, qui a été diffusé récemment sur la chaîne de télévision Rossiya-1. Selon ce documentaire, l’invasion de la Tchécoslovaquie par les Soviétiques en 1968 répondait à une volonté « d’aider » la population locale à empêcher le « renversement illégal par les armes du gouvernement » par des groupes radicaux tchèques ayant des liens avec l’Occident et l’OTAN (Bigg, 2015).

31. Renforcement de l’empreinte russe dans l’espace médiatique étranger. Malgré les difficultés que connaît l’économie russe depuis quelques années, le Kremlin a considérablement accru son financement des médias contrôlés par l’Etat qui ciblent les publics étrangers. Le budget annuel de la chaîne de télévision RT, qui s’élevait à 300 millions de dollars en 2014, devrait augmenter de plus de 40 % en 2015 (Malgin, 2014). En plus de l’anglais, cette chaîne diffusera en allemand, français, espagnol et arabe. Selon ses dires, RT compterait 700 millions de spectateurs dans plus de 100 pays. Elle serait également le réseau d’information le plus représenté sur YouTube avec des chaînes spécifiques pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, ainsi qu’en langue espagnole, arabe et russe. Chaque chaîne adapte son contenu à son public. Ainsi, au Royaume-Uni, RT a vivement soutenu la cause de l’indépendance de l’Ecosse (Nelson, 2015). Le service d’information multimédia/radio Sputnik a vu son financement augmenter jusqu’à 140 millions de dollars. Son objectif est de produire 800 heures de programmes par jour, et de diffuser dans 30 langues, 130 villes et 30 pays (Denisenko, 2015). La radio Hobby, en Pologne, est un exemple de l’extension du réseau Sputnik. Cette petite station peu connue, installée dans la banlieue de Varsovie, a été sauvée de la faillite par de l’argent russe. Elle a accepté, en échange, de retransmettre Voice of Russia de l’agence Sputnik. Pour ce qui est de la presse occidentale, les autorités russes ont pris l’habitude d’ajouter à des journaux comme le New York Times ou le Daily Telegraph des suppléments au design sophistiqué (The Economist, 2015, 21 mars).

32. Les médias russes occupent une place prépondérante dans l’ancien bloc soviétique, où une grande partie de la population comprend le russe. Les plateformes contrôlées par l’Etat – notamment Russia 24, NTV, Channel One et RTR (Russiya-1), ainsi que le géant russe des médias sociaux VKontakte – dominent l’espace médiatique de la Communauté des Etats indépendants. Ces plateformes ont également du succès dans les Etats baltes. Les sondages montrent que les personnes exposées de façon régulière aux télévisions russes sont plus susceptibles de soutenir les politiques du Kremlin.

33. Pour être efficaces dans les pays occidentaux, les médias russes ont dû adopter d’une certaine manière, la terminologie occidentale. Des plateformes comme la radio Voice of Russia et

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la chaîne de télévision RT utilisent un vocabulaire spécifique qui respecte les sentiments généralement acceptés et rarement remis en cause, comme par exemple : « le pouvoir de Poutine et du Kremlin repose sur le choix du peuple », « les Russes ont le droit d’être patriotes », ou « le gouvernement veut une Russie riche et libre ». Le Kremlin joue par ailleurs sur les motivations diverses des différents groupes sociaux occidentaux. Ainsi, les médias exploitent souvent la peur des pertes financières des entrepreneurs, la peur de l’imprévisible des hommes politiques, et la peur de la guerre des pacifistes. De très nombreux messages ont par ailleurs été diffusés pour expliquer aux experts pourquoi les modèles occidentaux ne peuvent être transplantés en Ukraine et pourquoi les pays occidentaux n’ont pas suffisamment de connaissance ni d’expérience pour mettre fin aux tensions actuelles dans l’est de l’Europe (Darczewska, 2014).

34. Utilisation de la culture comme instrument de politique étrangère . Une autre pratique courante des autorités russes consiste à recruter des cinéastes, des artistes et des célébrités (par exemple Anna Netrebko) pour promouvoir et justifier les politiques de la Russie à l’égard de ses voisins. Ce type de propagande repose sur l’hypothèse selon laquelle les gens ont tendance à être plus réceptifs aux points de vue et aux idées lorsqu’ils sont émis par leurs personnalités favorites. Les ambassades de Russie dans les pays de l’étranger proche font quant à elles la promotion des arts russes : concerts de musique, stars du théâtre et chanteurs de variétés, tels que Oleg Gazmanov et Joseph Kobzon, dont les spectacles glorifient l’ex-Union soviétique et mettent en valeur les attitudes impérialistes. Les productions télévisées et cinématographiques russes et soviétiques, soi-disant apolitiques, ont envahi les chaînes de télévision des pays de « l’étranger proche » : elles sont facilement disponibles, peu coûteuses et permettent de cultiver la nostalgie du passé soviétique.

35. Toutes ces tactiques assurent l’efficacité des politiques d’information de la Russie. Selon le très respecté Centre Levada, un organisme russe effectuant des études sociologiques, pas moins de 67 % des Russes pensent que l’escalade du conflit en Ukraine est due aux nationalistes ukrainiens, 6 % qu’elle est le fait de la mafia et 2 % seulement que la responsable est la Russie. Corroborant la thèse selon laquelle les médias russes contrôlés par l’Etat seraient devenus l’un des principaux instruments de sa politique nationale, le président Poutine a, quelques jours seulement après l’annexion de la Crimée, remis à 300 journalistes, réalisateurs, rédacteurs et présentateurs de télévision l’Ordre du mérite pour la Patrie, en remerciement de leurs services rendus pour assurer la couverture médiatique des actions de la Russie en Ukraine.

III. LA REPONSE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

36. La réponse de la communauté euro-atlantique à la guerre de l’information menée par la Russie a été jusqu’ici peu homogène. Les pays limitrophes de la Russie ont été, à plusieurs occasions, contraints d’intervenir après que des informations mensongères totalement inacceptables ont été diffusées par les médias russes. En mars et avril 2014 respectivement, les autorités lituaniennes et lettones ont restreint la retransmission de certaines chaînes de télévision russes pendant une période de trois mois en raison des informations inexactes et haineuses qui y étaient diffusées au sujet des deux Etats baltes. En avril 2015, la Lituanie a de nouveau interdit d’antenne la chaîne de télévision russe RTR, au motif qu’elle tenait des propos d’incitation à la haine contre l’Ukraine. En juillet 2015, le Conseil national polonais de radio et télédiffusion a décidé d’engager une procédure de retrait des autorisations dont bénéficiait la radio Hobby, qui diffusait les émissions de la nouvelle agence russe Sputnik. Il arrive parfois que les chaînes de télévision russes reçoivent des amendes plutôt que d'être fermées : la chaîne First Baltic, contrôlée par le Kremlin, a dû verser 3 600 euros pour avoir déclaré que lors de l’agression militaire soviétique en Lituanie le 13 janvier 1991, les Lituaniens se sont entretués. Les Etats baltes ont également interdit de territoire un certain nombre de propagandistes, technologues de la politique et célébrités russes connus pour leurs déclarations impérialistes.

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37. En ce qui concerne les pays occidentaux, les Etats-Unis sont apparemment les seuls à avoir adopté une démarche ferme à l’égard de la propagande du Kremlin. Lors de sa récente visite dans ce pays, la présente Commission a été informée par un représentant du Broadcasting Board of Governors de la volonté de cette agence de donner de l’impulsion à la politique mondiale d’information des Etats-Unis. Les organes d’information soutenus par les Etats-Unis – notamment Voice of America et Radio Free Europe/Radio Liberty – prévoient pour 2015 une audience de 215 millions de personnes et diffuseront leurs programmes en 61 langues, avec un budget de 742 millions de dollars. La réforme du financement par l’Etat de la radio et télédiffusion a été lancée récemment sur proposition du président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés, Ed Royce (républicain, Californie), et du chef de file de la minorité, Eliot Engel (démocrate, New  York). L’objectif de cette réforme est de simplifier les mécanismes administratifs et d’optimiser l’utilisation des fonds disponibles. Dans le cadre de la loi sur le soutien à la liberté de l’Ukraine, la commission des relations étrangères du Sénat américain a octroyé une aide de 10 millions de dollars par an sur une période de trois ans pour combattre la propagande russe en Ukraine, en Géorgie et en République de Moldova. Les Etats-Unis ont en outre créé le Programme Edward R. Murrow pour les journalistes, qui investit dans les jeunes professionnels du journalisme afin de leur apprendre comment favoriser la construction d’une société libre et démocratique, et de les former pour qu’ils puissent lutter contre la propagande.

38. Il convient également de noter que le gouvernement néerlandais a alloué 500 000 euros du Fonds européen pour la démocratie à l’élaboration d’une étude de faisabilité sur le thème : « Que faire face au manque de pluralisme dans la sphère médiatique russophone ? ». La principale recommandation de cette étude, publiée en juillet 2015, est la création d’une plateforme de distribution multimédia en langue russe pour toute la région. Cette plateforme permettrait d’accroître la disponibilité et l’accessibilité de contenus informatifs nuancés et pluralistes, ainsi que de contenus non informatifs de qualité (fictions, documentaires et divertissements). Elle garantirait également une meilleure coordination des sommes versées par les donateurs. Son budget, alimenté à la fois par des fonds publics et privés, serait d’un précieux soutien pour assurer l’indépendance des médias en langue russe.

39. En réaction à cette étude, les ministres néerlandais et polonais des Affaires étrangères ont annoncé en juillet 2015 la création d’une agence d’information en langue russe destinée à contrer la propagande de la Russie. Cette structure fournira aux médias russophones d’Europe orientale et de Russie des contenus pouvant être utilisés pour la télévision, la radio et internet. Une conférence des donateurs sera organisée à Varsovie en septembre, et une réunion de suivi aura lieu ultérieurement à La Haye. Cette agence devrait entrer en service en 2015, et d’autres pays de l’UE devraient adhérer au projet (Rettman, 2015).

40. L’Allemagne a mis sur pied une initiative pour former les journalistes des pays Baltes. L’agence Deutsche Welle s’est par ailleurs engagée à concevoir des programmes d’information et de divertissement en langue russe qui seront diffusés dans ces mêmes pays (Troianovski, 2015).

41. S’agissant des réponses apportées par les différents pays, il est important de faire état des efforts de lutte contre la propagande russe déployés par les pays d’Europe orientale non membres de l’UE/l’OTAN mais ayant des aspirations européennes. Dans ces pays, le pouvoir russe diffuse toutes sortes de messages de propagande, dont certains absurdes (par exemple en prétendant que si leur pays adhère à l’UE, « tout le monde deviendra homosexuel », et que les bureaucrates de Bruxelles « leur interdiront de garder des animaux autour de leurs maisons », une perspective dramatique pour des pays dont la population est majoritairement rurale). Compte tenu de l’ampleur de l’influence exercée par la Russie, ces pays sont dans l’obligation de prendre des mesures radicales pour s’en prémunir. En juillet 2014, les autorités ukrainiennes ont interdit

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l’accès à leurs réseaux câblés à 14 chaînes de télévision russes, en les accusant « d’inciter les citoyens ukrainiens à la haine et à la discorde ». L’Ukraine est même allée jusqu’à créer sa propre cyberarmée de volontaires, qui ont pour tâche de débusquer les informations mensongères diffusées par les médias et les trolls russes.

42. En République de Moldova, les médias contrôlés par le pouvoir russe exercent une influence considérable. La délégation moldave auprès de l’AP-OTAN a fait savoir à l’Assemblée que les sondages d’opinion réalisés dans le pays montrent qu’une majorité de Moldaves ont tendance à approuver l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, bien que le pays connaisse lui-même le problème du séparatisme soutenu par les Russes. Ces tendances au sein de l’opinion publique ne sont pas sans lien avec la prédominance des chaînes de télévision russes dans la sphère de l’information. Face à ce problème, les autorités moldaves ont pris certaines mesures, notamment la suspension des émissions de la chaîne Rossiya-24 et l’imposition d’amendes aux organes d’information locaux qui retransmettaient des reportages mensongers des médias russes. Les autorités moldaves ont également interdit l’entrée sur leur territoire à plusieurs journalistes travaillant pour des médias en lien avec le Kremlin. Le gouvernement moldave a récemment exprimé son soutien à un projet de loi visant à modifier le code audiovisuel national, afin d’interdire en République de Moldova tous les journaux d’information et contenus analytiques provenant de Russie. Selon ce texte, les médias moldaves n’auraient plus la possibilité de diffuser des informations ou des programmes assimilés provenant de pays (y compris la Russie) n’ayant pas ratifié la Convention européenne de 2002 sur la télévision transfrontière, qui fixe des normes internationales pour les retransmissions.

43. En Géorgie, le sentiment pro-occidental est profondément ancré dans la population. Les politiques d’information mises en œuvre par la Russie dans ce pays sont donc plus subtiles et mettent l’accent sur la prétendue futilité, voire le danger, des aspirations euro-atlantiques du pays. Moscou essaie de convaincre les Géorgiens qu’il est insensé de résister à leur grand et puissant voisin du nord, d’autant que l’OTAN n’acceptera soi-disant jamais l’adhésion de la Géorgie. Les liens économiques ainsi que culturels/religieux entre la Géorgie et la Russie sont également mis en avant. La mouvance ultra-conservatrice et anti-occidentale n’est pas très développée en Géorgie, mais elle est visible. Les représentants de cette mouvance utilisent certains organes d’information, ONG et partis politiques pour promouvoir ce qu’ils appellent l’idéologie eurasienne, qui est l’opposé de ce qu’ils présentent comme le libéralisme décadent de l’Occident. L’Institut eurasien de Tbilissi est souvent décrit comme un groupe de réflexion dont le programme est clairement anti-OTAN et anti-américain. Il est communément admis en Géorgie que ces organisations « eurasistes » sont directement ou indirectement soutenues par Moscou. Suite à l’agression du pays par la Russie en 2008, les opérateurs de télévision par câble géorgiens ont arrêté de retransmettre les chaînes de télévision fédérales russes. La situation a cependant évolué ces dernières années, puisque ces chaînes sont aujourd’hui disponibles sur le territoire géorgien. Selon une enquête réalisée en mai 2015 par l'Institut National Démocratique (NDI), 20 % des Géorgiens regardent les informations et les actualités sur des chaînes étrangères. Parmi elles, les chaînes fédérales russes (Channel 1 à 38 %, RTR à 30 %, et Rossiya-1 à 18 %) sont les plus populaires. Cela dit, parmi les 80 % de personnes ayant répondu que la Russie a une grande ou une certaine influence sur la Géorgie, 76 % estiment que cette influence est négative. Le gouvernement géorgien actuel n’a pas pris de mesures radicales pour limiter l’influence des chaînes de télévision russes ou restreindre les activités des organisations « eurasistes », peut-être parce qu’il a confiance dans le fait que le sentiment pro-occidental qui règne au sein d’une majorité de la population géorgienne n’est pas vraiment menacé.

44. Face aux politiques d’information offensives de la Russie, l’Alliance a engagé un certain nombre d’actions. Parmi les plus importantes, la section Presse et médias de la division Diplomatie publique de l’OTAN est intervenue de façon proactive et transparente pour présenter les actions et les motivations de l’OTAN, montrant que les actions engagées par cette dernière

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en réaction à l’évolution de la situation en matière de sécurité ont un caractère défensif et qu’elles sont proportionnées et conformes aux engagements internationaux des Alliés. La section Presse et médias s’est fixée comme priorité de réfuter les informations mensongères et les mythes propagés par la Russie au sujet de l’Alliance en présentant des faits et des vérités. Les organes officiels russes – notamment le ministère des Affaires étrangères, la Mission de la Russie auprès de l’OTAN et le ministère de la Défense – ont participé à une campagne de propagande acharnée contre l’OTAN, avec l’aide de radiodiffuseurs d’Etat dotés de solides moyens financiers. En écho à l’ampleur et à l’intensité de cette campagne menée contre l’OTAN, la section Presse et médias a enregistré en 2014 une hausse de 400 % des demandes d’information des médias sur la crise en Ukraine et les relations OTAN-Russie (ainsi que du nombre de corrections et de démentis) par rapport à 2013, et la tendance ne cesse de s’accroître. Cette section a en outre créé un portail web intitulé OTAN-Russie   : Mise au point , qui fournit des explications, discours, interviews, déclarations de démentis, photos et vidéos pour rétablir la vérité. L’objectif de ce portail est de réfuter les principales allégations de la Russie, comme par exemple : « l’OTAN et ses dirigeants tentent d’encercler la Russie » ou « le cas du Kosovo et de la Crimée sont identiques ». Il est intéressant de noter qu’en mai 2015, la Mission permanente de la Fédération de Russie auprès de l’OTAN a riposté à ce portail en publiant une page intitulée  Russia-NATO: facts and myths (Russie-OTAN : faits et mythes).

45. Le secrétaire général et le secrétaire général délégué de l’OTAN sont également intervenus sur les médias sociaux pour démentir les informations mensongères de la Russie. Tous deux s’expriment régulièrement devant les médias russes pour expliquer les actions de l’Alliance. Le chef du Bureau de l’information de l’OTAN à Moscou a lui aussi été très actif pour combattre la désinformation et a régulièrement participé à des émissions de la télévision russe. Le siège de l’OTAN accueille par ailleurs de façon régulière des groupes de journalistes russes, ukrainiens, géorgiens et moldaves à l’occasion de ses sommets et réunions ministérielles, et fournit le plus souvent possible des services d’interprétation/de traduction en russe et en ukrainien pour les événements et les documents OTAN. La section Presse et médias de l’OTAN entretient des contacts étroits avec d’autres organisations (comme l’UE) et partenaires par l’intermédiaire du réseau des « Amis de l’Ukraine », dans le but de coordonner les actions de riposte à la propagande russe. Cette section collabore en outre étroitement avec le service de presse du Grand Quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE), afin d’assurer la transmission d’informations transparentes sur les activités militaires de l’OTAN en organisant des conférences de presse et en publiant une liste actualisée des exercices de l’Alliance. Le SHAPE a également mis à disposition des images satellite montrant les activités des troupes russes à la frontière avec l’Ukraine. La division Diplomatie publique de l’OTAN a également intensifié ses efforts de soutien en faveur des instances médiatiques ukrainiennes.

46. En juillet 2014, la Lettonie a signé avec l'Allemagne, l'Estonie, l'Italie, la Lituanie, la Pologne et le Royaume-Uni un mémorandum d’entente pour créer à Riga le Centre d’excellence de l’OTAN pour la communication stratégique, dont le but est d’aider l’Alliance à améliorer ses capacités de communication stratégique. L’objectif de ce centre est de fournir une alternative au discours officiel russe sur la crise en Ukraine. En février 2015, Il a tenu une réunion de coordination pour évaluer les besoins du secteur de la sécurité au sens large de l’Ukraine, de la Géorgie et de la République de Moldova en matière de renforcement des capacités de communication stratégique. Cette initiative s’inscrit dans un projet de plus grande ampleur dont l’objectif est d’améliorer les capacités de communication stratégique des Alliés ainsi que des pays partenaires précités.

47. L’UE fournit déjà aux médias des pays de l'UE et au-delà des aides diverses, notamment des subventions et une assistance technique, dans le but d’assurer une programmation culturelle variée et une couverture plus large des affaires européennes. L’UE a également infligé des sanctions personnelles à l’encontre du propagandiste en chef de la Russie, Dmitri Kisselev.

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48. Inquiets de l’ampleur de la politique médiatique du Kremlin pendant le conflit avec l’Ukraine, les dirigeants européens ont décidé, lors du sommet de l’UE en mars 2015 à Bruxelles, de prendre des mesures énergiques pour être prêts à combattre cette propagande. L’UE a autorisé sa haute représentante pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, à établir d’ici juin  2015 un plan détaillé pour faire obstacle aux « campagnes de désinformation » de la Russie. Ce plan, mis au point avant le sommet de l’UE des 25-26 juin, ne paraît pas très ambitieux. L’accent y est mis sur le soutien accru aux médias indépendants du « voisinage oriental », la promotion des « valeurs européennes » et l’amélioration de la sensibilisation aux « activités de désinformation des acteurs extérieurs ». L’UE projette de redoubler d’efforts pour montrer aux populations de la région que les réformes qu’elle propose « peuvent, avec le temps, avoir des effets positifs sur leurs vies quotidiennes ». Le principal outil mis en œuvre – une unité de communication appelée East StratCom Team – apportera son aide aux délégations de l’UE des six pays du voisinage oriental (Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Géorgie, République de Moldova et Ukraine) et de la Russie elle-même. L’UE prévoit également de fournir une formation ciblée et un « renforcement des capacités » pour les journalistes du voisinage oriental.

49. Des propositions ont également été faites au sein de l’UE pour lancer une chaîne de télévision indépendante et de qualité en langue russe, qui s’adresserait aux russophones situés à la fois au sein des frontières de l’Union et en Russie. Selon le ministre letton des Affaires étrangères, Edgars Rinkēvičs, qui est également l’un des principaux partisans du projet, « cette chaîne européenne programmerait des divertissements ainsi que des bulletins d’information rigoureusement exacts sur le plan factuel, et ne serait aucunement un nouvel outil de propagande » (Gander, 2015). Cette chaîne serait pas conséquent très différente de la version russophone d’Euronews, qui est purement une chaîne d’information. Le projet a reçu jusqu’ici le soutien officieux de l'Allemagne, du Danemark, de l’Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, des Pays-Bas, de la Pologne, du Royaume-Uni, et de la Suède. Le plan d’action de l’UE de juin 2015 ne dit cependant rien de la création de nouveaux organes d’information en langue russe. On y lit néanmoins que « l’UE continuera d’apporter son soutien au niveau local aux médias indépendants, y compris ceux de langue russe, afin de s’assurer que les populations ont accès à des sources d’information alternatives dans leur propre langue » (Jozwiak, 2015).

50. Il est difficile de dire si une telle chaîne changerait véritablement les choses. La machine médiatique du Kremlin est si sophistiquée et si complexe qu’il serait extrêmement laborieux de créer un produit de qualité comparable. Si la volonté politique est absente, il sera compliqué de trouver un budget à long terme qui soit comparable, même de loin, à celui de la Russie dans ce domaine.

51. S’agissant des Nations unies, il est intéressant de noter qu’en mai 2015, sous la présidence de la Lituanie, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité une résolution sans précédent sur la protection des journalistes dans les zones de conflit. Ce texte appelle les Etats membres à garantir l’établissement des responsabilités pour les crimes commis à l’encontre des journalistes travaillant dans les zones de conflit. Il condamne en outre l’utilisation des médias et le déploiement – sous quelque forme que ce soit – d’une guerre de l’information pour justifier la violence ou fournir un prétexte à l’agression.

52. Si certains gouvernements occidentaux hésitent à prendre des mesures efficaces pour protéger leur espace d’information, des citoyens dynamiques prennent eux-mêmes les choses en main. En mars 2014, par exemple, un groupe de volontaires ukrainiens (notamment des journalistes, spécialistes du marketing, programmeurs, traducteurs et autres) ont créé le site web StopFake.org, dont le but est de repérer et de faire connaître au public les informations mensongères qui sont diffusées au sujet des événements en Ukraine. StopFake.org rétablit la vérité sur les photos et vidéos trafiquées et faussement attribuées. La page « Signaler un faux » du site permet aux visiteurs de signaler les cas d’informations déformées. Le site, devenu très populaire, a sérieusement mis à mal les efforts de la machine russe de désinformation.

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53. Un autre exemple est le projet Meduza, mis sur pied à Riga : ce journal et agrégateur de contenus d’information en langue russe a été lancé sur internet en octobre 2014, dans le but de fournir aux communautés russophones des informations objectives et non censurées. Ce portail enregistre aujourd’hui plus de 2,5 millions de vues par mois, dont 70 % en Russie. Il est géré en Lettonie par des journalistes russes qui ont dû fuir leur pays pour exercer leur métier. Pour être plus difficile à bloquer, Meduza est conçu pour une plateforme d’application mobile.

IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

54. Les politiques d’information du Kremlin ne sauraient être confondues avec les programmes légitimes mis en œuvre par la plupart des Etats pour améliorer leur image à l’étranger et faire connaître leur culture et leur langue au plus grand nombre. Il est inapproprié de comparer les pratiques russes avec celles des pays occidentaux, sous prétexte que tous les médias sont plus ou moins partiaux. Bien que certains médias de la communauté euro-atlantique manquent, il est vrai, d’objectivité idéologique, la grande caractéristique de l’espace médiatique occidental est la pluralité des points de vue et l’impossibilité de transmettre des informations qui soient de flagrants mensonges. Dans un pays démocratique, les méthodes cyniques employées par les médias pro-Kremlin seraient inadmissibles. Contrairement à ce qui se passe en Russie, dans les pays occidentaux, les médias ne sont pas mis au service de l’Etat pour atteindre certains objectifs de politique étrangère. Pour reprendre l’expression popularisée par MM. Pomerantsev et Weiss, le Kremlin utilise l’information comme une arme ; il a fait des médias un prolongement de facto de son armée ainsi que de ses services diplomatiques et de sécurité.

55. Il n’est, par conséquent, pas juste de dire que les pays occidentaux dépensent collectivement plus que la Russie pour leurs politiques d’information. En unifiant sa machine médiatique, en homogénéisant son discours et en utilisant des astuces relativement peu coûteuses (par exemple en submergeant l’espace médiatique avec de nombreuses théories du complot, plutôt que de pratiquer un journalisme d’investigation, coûteux en temps et en argent), le Kremlin « en a pour son argent ». II a ainsi réussi à en persuader certains dans le monde libre que le conflit de 2008 entre la Russie et la Géorgie était la conséquence d’un comportement irresponsable de la part du gouvernement géorgien. Il a également plus ou moins réussi à convaincre de nombreux membres de la communauté internationale qu’aucune des parties au conflit Ukraine-Russie n’est entièrement coupable, que la « vérité se situe probablement quelque part au milieu », et que la Russie a peut-être des intérêts légitimes en Ukraine. Cette situation suffit à maintenir l’instabilité en Ukraine et à empêcher le pays de progresser vers l’intégration européenne.

56. Depuis le début des manifestations de l’Euromaïdan, un certain nombre d’études ont permis d’appréhender l’ampleur de la guerre de l’information qui est menée par la Russie. Il est temps aujourd’hui pour la communauté euro-atlantique d’agir. Celle-ci ne peut toutefois, pour des raisons morales et juridiques, réagir à la propagande russe en lui opposant un discours pro-occidental similaire. Un certain nombre d’actions concrètes doivent néanmoins être sérieusementenvisagées :

a. Elaborer un discours plus cohérent et établir une liste d’arguments réfutant les idées fausses propagées par Moscou, en reprenant le modèle du site OTAN-Russie   : Mise au point.

b. Renforcer davantage la Division Diplomatie publique de l’OTAN et les organes compétents de l’UE afin de pouvoir réagir rapidement aux cas les plus flagrants de désinformation. Même si les institutions et les médias euro-atlantiques ne parviendront pas forcément à réagir aux attaques médiatiques de la Russie avec la même rapidité – car les médias et les

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trolls pro-Kremlin se soucient rarement d’apporter des preuves –, il est nécessaire de continuer à fournir le plus souvent possible des réponses crédibles. La politique à l’égard des renseignements classifiés devrait être révisée, afin de permettre aux agents de la diplomatie publique d’utiliser les informations moins sensibles (telles que des images satellites) pour contredire des informations mensongères.

c. Créer des plateformes permettant aux membres de la communauté euro-atlantique d’échanger les meilleures pratiques nationales et de mettre en évidence les menaces éventuelles en matière de sécurité de l’information.

d. Réviser la législation de manière à renforcer les mesures répressives, par exemple en imposant des amendes en cas de discours haineux et de désinformation évidente. L’interdiction pure et simple d’antenne aux médias contrôlés par le Kremlin est une mesure radicale, qui produit parfois des effets contraires à ceux désirés. Cela dit, les pays soumis à des attaques excessives de la propagande russe ont toute légitimité à utiliser cette option pour assurer leur sécurité.

e. Encourager les principaux organes d’information internationaux à mettre au point un ensemble de normes journalistiques de haut niveau, et encourager les organisations mondiales indépendantes de surveillance à vérifier de quelle manière ces normes sont appliquées. Daniel Calingaert, premier vice-président de Freedom House, suggère de lancer une version russe de ProPublica ; implanté à Manhattan, cet organisme d’information indépendant, financé par des fonds privés et sans but lucratif, est dirigé par quelques-uns des plus éminents directeurs de rédaction américains. A une époque où le journalisme d’investigation est de plus en plus considéré comme un luxe, ProPublica diffuse des informations de qualité et mène des enquêtes, dans la plus pure tradition du journalisme américain et en respectant les normes les plus strictes de l’impartialité journalistique.

f. Soutenir les initiatives nationales et internationales d’information en langue russe, notamment le lancement d’une chaîne de télévision financée collectivement. Bien que ces initiatives, au vu des ressources financières disponibles, aient peu de chances de proposer des programmes de divertissement à la hauteur de ceux des grandes chaînes de télévision russes, cette dimension ne doit pas être négligée. La création d’une plateforme de distribution multimédia en langue russe pour toute la région, comme cela a été proposé par les gouvernements néerlandais et polonais sur la base d’une étude réalisée par le Fonds européen pour la démocratie, doit être encouragée et approfondie.

g. Revoir la législation en vue d’accroître la transparence du financement des médias, des ONG et des groupes de réflexion. Le fait, pour un organe d’information ou une ONG, de reconnaître qu’ils bénéficient d’un financement de la Russie ne doit pas être considéré comme un motif suffisant pour les dissoudre, mais cette information ne doit pas non plus être dissimulée.

h. Faire clairement la distinction entre les journalistes – pas toujours objectifs, il est vrai – et les propagandistes russes qui n’ont de cesse de déformer et de trafiquer l’information. Appliquer des sanctions individuelles sous forme de restrictions de déplacement aux propagandistes et technologues de la politique les plus actifs.

i. Imaginer des procédés innovants et peu coûteux, par exemple en recourant davantage à l’humour : une émission télévisée ou une rubrique dans un journal qui présenterait et ridiculiserait les cas les plus grossiers de falsification de l’information pourrait à la fois atteindre le but recherché et être un succès commercial. Les tactiques de communication devraient tenir compte des caractéristiques de certains interlocuteurs comme les nationalistes russes, agressifs (par exemple, les partisans de M. Jirinovski, qui sont sourds

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aux arguments concernant l’Etat de droit ou les valeurs démocratiques). Cependant, le simple rappel de la puissance économique et militaire de l’Occident, nettement supérieure à celle de la Russie, pourrait produire sur eux une forte impression.

j. Investir dans la recherche et la formation de personnel approprié, de façon à pouvoir reconnaître les trolls agissant sur internet et leurs attaques bien orchestrées, ainsi que les signaler et y faire face. Il est important de s’inspirer des dernières études réalisées concernant la mise au point d’algorithmes reconnaissant les types de comportements des trolls (The Economist, 30 avril 2015).

k. Aider au renforcement des capacités de pays comme l’Ukraine dans le domaine des communications stratégiques.

l. Tirer parti du fait que la propagande du pouvoir russe présente plusieurs facettes et s’adresse souvent à différents publics : soumettre par exemple aux sympathisants d’extrême gauche occidentaux des échantillons de la propagande ultra-conservatrice du Kremlin. Les procédés de propagande utilisés par la Russie ont parfois des effets non recherchés : lors des manifestations de l’Euromaïdan à Kyiv, les chaînes de télévision russes, s’adressant clairement à un public national, ont initialement diffusé des images montrant uniquement une poignée de personnes venant protester contre Ianoukovitch. Retransmises en Ukraine, ces informations mensongères (il y avait en fait des centaines de milliers de manifestants sur la place Maïdan) ont provoqué le ressentiment de la population ukrainienne et nui gravement à la réputation de la Russie.

m. Organiser des sondages pour mesurer régulièrement l’effet de la propagande russe sur les populations de l'espace euro-atlantique.

n. Encourager les représentants de la diaspora russe bien connus à exprimer leurs points de vue démocratiques.

o. Aider la communauté des historiens professionnels à fournir une réponse crédible aux théories pseudo-scientifiques qui glorifient le stalinisme, déprécient l’existence en tant qu’Etats souverains des voisins de la Russie et transforment les faits historiques.

p. Encourager les initiatives provenant du peuple telles que StopFake.org.

57. La lutte contre la guerre de l’information menée par la Russie devrait devenir la priorité numéro un de la communauté euro-atlantique. Les attaques de désinformation conduites par ce pays ont entraîné des pertes humaines, à la fois en Ukraine et en Russie (l’assassinat de Boris Nemtsov est largement attribué à l’atmosphère de haine suscitée par la propagande d’Etat). Ces campagnes ont pour but d’affaiblir, de démoraliser et de diviser l’Alliance. Elles visent également à saper le processus d’intégration européenne ou euro-atlantique des pays d’Europe orientale. Le rapporteur espère que le présent document aidera à mieux comprendre l’ampleur du défi. Il est nécessaire, dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, d’autoriser une sous-commission particulière ou un autre organe à suivre en permanence l’évolution de cette menace et à rendre régulièrement compte de cette question à l’Assemblée.

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