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Mercredi 4 février 2015 - 71 e année - N o 21788 - 2,20 € - France métropolitaine - www.lemonde.fr Fondateur : Hubert Beuve-Méry Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA ÉTATS-UNIS OBAMA PROPOSE DE TAXER LES MULTINATIONALES LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 5 UKRAINE : LE RISQUE D’UNE GUERRE OUVERTE LIRE PAGE 21 BARRIÈRE DE CORAIL LES RÉCIFS AUSTRALIENS SONT EN DANGER, L’UNESCO S’ALARME LIRE PAGE 5 CÔTE D’IVOIRE L’INFORTUNÉE VEUVE D’HOUPHOUËT- BOIGNY LIRE PAGE 11 NOTAIRES LE MEA CULPA D’EMMANUEL MACRON LIRE PAGE 8 S’ agit-il d’un pas de plus vers un accord entre la Grèce et ses créanciers ? Le changement de ton est en tout cas notable. Selon le Fi- nancial Times du 3 février, le ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, a présenté une nouvelle offre à la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne [BCE] et Fonds monétaire in- ternational). Il ne proposerait plus d’effacer une par- tie de l’énorme dette publique grecque, mais de… l’échanger contre des obligations d’un nouveau genre, qui permettraient d’en alléger le fardeau. Dans le détail, l’idée serait de remplacer les prêts accordés par les partenaires européens par des obli- gations indexées sur la croissance, et les obligations détenues par la BCE par des obligations « perpétuel- les ». Ces dernières ne sont jamais remboursées, mais continuent de produire des intérêts indéfini- ment – la BCE pourrait donc les revendre facilement à des investisseurs cherchant des placements de long terme, comme les fonds de pension. Certains économistes restent néanmoins scepti- ques quant à l’accueil que les partenaires européens d’Athènes réserveront à cette offre. p LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 6 Dans Les Jours d’avant, Karim Moussaoui, cinéaste prometteur de 38 ans, évoque avec délica- tesse les amours avortées de deux adolescents, tandis que la guerre civile déchire l’Algérie, au début des années 1990. Son film domine les sorties de la se- maine, marquées par la comédie Frank, où Michael Fassbender in- carne un rockeur masqué, le film d’horreur It Follows, et Amour fou, qui conte les derniers mois du poète et dramaturge alle- mand Heinrich von Kleist. p LIRE PAGES 14 À 17 EUROPE LA GRÈCE RENONCE À L’EFFACEMENT DE SA DETTE par marie charrel et cécile ducourtieux « Les Jours d’avant », ou l’éclosion d’un talent algérien CINÉMA LE REGARD DE PLANTU SCIENCE & MÉDECINE DES CHIMPANZÉS ET DES HOMMES SUPPLÉMENT ARGENT & PLACEMENTS SUPPLÉMENT Armer l’Ukraine ? L’Europe veut éviter l’escalade Un campement de l’armée ukrainienne, le 30 janvier, au nord-est de Donetsk. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Face à l’offensive des séparatistes dans l’est du pays, les Américains envisagent de fournir des armes défensives à Kiev Craignant une guerre ouverte avec la Russie, l’Allemagne et la France s’y opposent INTERNATIONAL LIRE PAGE 2 Juppé-Sarkozy : l’UMP se déchire face au Front national Alain Juppé s’est frontale- ment opposé à Nicolas Sarkozy, en affirmant qu’il voterait PS s’il était électeur dans le Doubs La position de M. Juppé accentue la fracture au sein de l’UMP. Il se démarque du « ni-ni », la ligne qui a prévalu jusqu’ici M. Sarkozy pourrait aller plus loin en préconisant la liberté de vote. Cette consi- gne n’interdirait pas aux électeurs UMP de voter FN Le front républicain est-il la bonne stratégie pour l’UMP ? Débat entre Jean- Luc Barré et Gérard Longuet FRANCE ET DÉBATS LIRE P. 6 ET 12

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Questions Internationales

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Mercredi 4 février 2015 ­ 71e année ­ No 21788 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert Beuve­Méry

Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA

ÉTATS-UNISOBAMA PROPOSEDE TAXER LES MULTINATIONALES→ LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 5

UKRAINE : LE RISQUE D’UNE GUERRE OUVERTE → L IRE PAGE 21

BARRIÈRE DE CORAIL LES RÉCIFS AUSTRALIENS SONT EN DANGER, L’UNESCO S’ALARME→ L IRE PAGE 5

CÔTE D’IVOIREL’INFORTUNÉE VEUVE D’HOUPHOUËT-BOIGNY→ LIRE PAGE 11

NOTAIRESLE MEA CULPA D’EMMANUEL MACRON → LIRE PAGE 8

S’ agit­il d’un pas de plus vers un accord entrela Grèce et ses créanciers ? Le changementde ton est en tout cas notable. Selon le Fi-

nancial Times du 3 février, le ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, a présenté une nouvelle offre à la « troïka » (Commission européenne, Banquecentrale européenne [BCE] et Fonds monétaire in­ternational). Il ne proposerait plus d’effacer une par­tie de l’énorme dette publique grecque, mais de… l’échanger contre des obligations d’un nouveau genre, qui permettraient d’en alléger le fardeau.

Dans le détail, l’idée serait de remplacer les prêts

accordés par les partenaires européens par des obli­gations indexées sur la croissance, et les obligations détenues par la BCE par des obligations « perpétuel­les ». Ces dernières ne sont jamais remboursées, mais continuent de produire des intérêts indéfini­ment – la BCE pourrait donc les revendre facilementà des investisseurs cherchant des placements de long terme, comme les fonds de pension.

Certains économistes restent néanmoins scepti­ques quant à l’accueil que les partenaires européensd’Athènes réserveront à cette offre. p

→ L IRE LE CAHIER ÉCO PAGE 6

Dans Les Jours d’avant, Karim Moussaoui, cinéaste prometteur de 38 ans, évoque avec délica­tesse les amours avortées de deux adolescents, tandis quela guerre civile déchire l’Algérie, au début des années 1990. Son film domine les sorties de la se­maine, marquées par la comédie Frank, où Michael Fassbender in­carne un rockeur masqué, le film d’horreur It Follows, et Amour fou, qui conte les derniers mois du poète et dramaturge alle­mand Heinrich von Kleist. p

→ L IRE PAGES 14 À 17

EUROPE

LA GRÈCERENONCE

À L’EFFACEMENTDE SA DETTEpar marie charrel

et cécile ducourtieux

« Les Jours d’avant », oul’éclosion d’un talent algérien

CINÉMA

LE REGARD DE PLANTU

SCIENCE & MÉDECINE

DES CHIMPANZÉS ET DES HOMMES SUPPLÉMENT

ARGENT &PLACEMENTS

SUPPLÉMENT

Armer l’Ukraine ? L’Europe veut éviter l’escalade

Un campementde l’armée ukrainienne,

le 30 janvier, au nord-est de Donetsk.MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE »

▶ Face à l’offensive des séparatistes dans l’est du pays, les Américains envisagent de fournir des armes défensives à Kiev▶ Craignant une guerre ouverte avec la Russie, l’Allemagne et la France s’y opposent

INTERNATIONAL

→ LIRE PAGE 2

Juppé-Sarkozy : l’UMP se déchire face au Front national ▶ Alain Juppé s’est frontale­ment opposé à Nicolas Sarkozy, en affirmant qu’il voterait PS s’il était électeur dans le Doubs

▶ La position de M. Juppé accentue la fracture au sein de l’UMP. Il se démarque du « ni­ni », la ligne qui a prévalu jusqu’ici

▶ M. Sarkozy pourrait aller plus loin en préconisant la liberté de vote. Cette consi­gne n’interdirait pas aux électeurs UMP de voter FN

▶ Le front républicain est­il la bonne stratégie pour l’UMP ? Débat entre Jean­Luc Barré et Gérard LonguetFRANCE ET DÉBATS → LIRE P. 6 ET 12

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2 | international MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

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La pression monte pour armer l’UkraineLes appels en faveur d’une aide militaire à Kiev se multiplient afin de contrer les rebelles équipés par Moscou

La poursuite des offensi­ves séparatistes enUkraine avec le soutiende la Russie va­t­elle finir

par remettre en cause une « lignerouge » des Occidentaux : lafourniture d’armes à Kiev ?

A Washington, lundi 2 février, lesujet a été relancé par la publica-tion d’un rapport signé par huit anciens hauts responsables del’administration américaine prô-nant la livraison d’armes « défen-sives » et par la multiplication dedéclarations officieuses assu-rant, à la suite d’un article paru dans le New York Times, que le président Barack Obama exami-nait désormais cette option.

Le rapport publié lundi est cosi-

gné notamment par MicheleFlournoy (ancienne adjointe duPentagone dont le nom avait étéévoqué pour succéder à ChuckHagel), Ivo Daalder (ancien repré-sentant permanent des Etats-Unis à l’OTAN), John Herbst (an-cien ambassadeur à Kiev) etStrobe Talbott (ancien secrétaired’Etat adjoint). Ces dignitaires ju-gent que les Occidentaux ne ces-sent de perdre en crédibilité enn’ajustant pas leur réponse àl’évolution sur le terrain, et qu’il faut renforcer l’armée ukrai-nienne pour « augmenter les risques et les coûts pour la Russie de toute nouvelle offensive majeure ».

Cette aide « défensive » est dé-crite avec précision : livraison deradars pour identifier les piècesd’artillerie qui pilonnent les po-sitions ukrainiennes, de dronespour augmenter les capacités du renseignement, d’équipementsélectroniques pour perturber les missions des drones qui opèrentau profit des séparatistes, demoyens de communication sé-curisés, de véhicules blindés,mais également de missiles antichars et autres véhiculesblindés. La porte-parole du dé-partement d’Etat, Jen Psaki, estrestée extrêmement prudente,réaffirmant que les Etats-Unisn’avaient pas changé de doctrinepour l’instant mais qu’ils n’écar-taient par ailleurs « aucuneoption » pour parvenir à l’objectifd’une « solution par des voies diplomatiques ».

Alors que le secrétaire d’Etataméricain, John Kerry, est at-tendu à Kiev jeudi, le ministre ukrainien des affaires étrangères,Pavlo Klimkin, a lancé un appel,lundi, dans un entretien au Fi-nancial Times, à une aide mili-taire urgente pour contrer la « guerre électronique » quidonne, selon lui, un avantage technologique critique aux sépa-ratistes prorusses. Ils disposent,dit-il, « des armes les plus moder-

nes [et sont] entraînés par les Rus-ses ». « Nous avons gravement be-soin d’équipements de communi-cation et de brouillage, pas seule-ment de matériel considérécomme létal », a-t-il insisté.

« Solution pacifique »

Même si la situation en Ukraine ne cesse de se dégrader, la pers-pective de fournir des armes à Kiev est loin de faire l’unanimité.Notamment en Europe, où les Vingt-Huit ont déjà le plus grandmal à maintenir un front com-mun sur les sanctions. La ques-tion d’une assistance militaire à l’Ukraine, même si elle relève dela souveraineté de chaque Etat, est encore plus controversée.

Cette option a été catégorique-ment rejetée, lundi, par Angela Merkel, attendue à Washington le9 février, et par son homologue hongrois, Viktor Orban, qui ac-cueillait la chancelière allemandeà Budapest. « L’Allemagne ne sou-tiendra pas l’Ukraine avec des ar-mes », a insisté Mme Merkel. « Nous faisons tout notre possible

pour trouver une solution pacifi-que », a-t-elle ajouté.

La France campe sur des posi-tions identiques. Paris livre des fournitures non létales (gilets pa-re-balles, médicaments, etc.) à l’Ukraine mais refuse d’aller au-delà. « Fournir des armes àl’Ukraine serait adopter les mê-mes méthodes que la Russie, nousne voulons pas ajouter la guerre àla guerre », insiste une source di-plomatique française. D’autant,dit-elle, que « les Ukrainiens n’ar-riveront pas à reprendre militaire-ment le Donbass, c’est une straté-gie vouée à l’échec ». Le débat sur

la livraison d’armes à l’Ukraine nefait qu’exacerber les fractureseuropéennes provoquées parcette guerre.

Pour l’instant, seules la Pologneet la Lituanie, où la mémoire del’occupation soviétique demeurevive et aiguise les craintes face auréveil du militarisme russe àleurs frontières, envisagentd’aider davantage Kiev. « Je n’aipas entendu parler d’embargo surles ventes d’armes à l’Ukraine », arelevé le président polonais, Bro-nislaw Komorowski, en recevantson homologue ukrainien, PetroPorochenko, en décembre à Var-sovie. « Si l’Ukraine est intéresséealors, bien sûr, la Pologne est toutà fait disposée à en discuter », a-t-il souligné. Mais la première ministre, Ewa Kopacz, s’est mon-trée plus réservée sur le sujet. Enrevanche, la très combative pré-sidente lituanienne, Dalia Gry-bauskaite, est allée plus loin enassurant, fin novembre 2014,avoir conclu un accord sur lafourniture d’armes à l’Ukraineavec M. Porochenko, sans toute-

Des combattants ukrainiens du bataillon « Donbass », dans la région de Debaltsevo, dans l’est de l’Ukraine, le 30 janvier. MARIA TURCHENKOVA

POUR « LE MONDE »

« Nous avons

gravement

besoin

d’équipements de

communication »

PAVLO KLIMKIN

ministre ukrainien des affaires étrangères

fois en dévoiler la teneur.Le fait que la discussion sur les li-

vraisons d’armes prenne aujourd’hui de l’ampleur est sur-tout le reflet de l’immense frustra-tion ressentie face à la difficulté à peser sur le conflit ukrainien qui s’apparente de plus en plus à unenouvelle Bosnie aux portes d’une Union européenne impuissante.

« Nous sommes aujourd’hui àun tournant, estime un diplo-mate ukrainien. Poutine ne com-prend que la force et si la situationmilitaire ne s’inverse pas sur le ter-rain, il n’y aura pas de désesca-lade. » Pour cela, plaide-t-il, les Occidentaux doivent mainte-nant agir sur trois fronts : « La pression diplomatique, la pres-sion économique, avec les sanc-tions, et la pression militaire, en donnant à Kiev les moyens de sedéfendre face à un agresseur qui avance masqué. » Et de conclure :« Nous ne sommes plus dans unconflit mais dans une guerre avecla Russie. » p

gilles paris (à washington)

et yves-michel riols

la semaine passée, Iouri Birioukov, con-seiller du président ukrainien, Petro Poro-chenko, a fait scandale en brisant un dou-ble tabou : dans un post publié sur Face-book, M. Birioukov, qui est aussi le chefd’une de ces nombreuses organisations ci-toyennes qui se sont constituées pour ve-nir en aide à l’armée, a révélé les difficultésauxquelles celle-ci doit faire face pour rem-plir ses quotas de mobilisation ; et que ces difficultés étaient particulièrement impor-tantes dans les régions occidentales dupays, considérées comme plus patriotes.

Dans la région d’Ivano-Frankivsk, parexemple, 57 % des appelés ne se seraient pasprésentés dans les bureaux militaires après avoir reçu leur ordre de mobilisation. Parmieux, 37 % auraient quitté le territoire ukrai-nien. Les chiffres de Iouri Birioukov ont été contestés, et le conseiller du président a été accusé de semer les graines du défaitisme.

Depuis deux semaines que l’offensive sé-paratiste a repris, l’armée perd, officielle-ment, entre 10 et 15 hommes chaque jour– davantage, estiment des sources militai-res et indépendantes ukrainiennes. Mais surtout, l’armée a mauvaise réputation. Mi-née par 25 années de corruption, l’institu-tion a été longtemps incapable de fournir leminimum à ses hommes, pas même de les approvisionner convenablement en nour-riture. Son matériel est vieux et insuffisant.La formation qu’elle offre aux hommes est sommaire, et la solde peu encourageante : moins de 150 euros – à peine deux fois plus pour ceux qui sont envoyés au front.

Quatrième vague de mobilisation

En 2014, 104 000 personnes ont été mobili-sées, dont 50 000 ont été envoyées sur les théâtres de l’« opération antiterroriste » deKiev dans les régions sous contrôle rebelle.

Le 20 janvier, une quatrième vague de mo-bilisation a été lancée, qui pourra être pro-longée en avril et juin jusqu’à atteindre à nouveau le chiffre de 104 000 pour 2015. Leshommes entre 25 et 60 ans et les femmesentre 25 et 50 ans sont concernés.

Les quotas atteints lors des précédentesvagues de mobilisation montrent effecti-vement que celle-ci est plus efficace à me-sure que l’on avance vers l’est, dans les ré-gions les plus proches de la guerre, maisaussi des régions russophones que la Rus-sie prétend devoir défendre contre unemenace ukrainienne.

Signe de la tension, l’état-major ukrainiena proposé, lundi 2 février, de modifier la lé-gislation pour obliger les citoyens potentiel-lement mobilisables à obtenir une autorisa-tion des bureaux militaires locaux avant de pouvoir quitter le territoire ukrainien. p

benoît vitkine (à donetsk)

Face aux prorusses, des forces ukrainiennes sous équipées

LE CONTEXTE

16 MARS 2014Référendum. Après avoir oc-cupé la Crimée, Moscou organise un référendum qui consacre l’annexion de la péninsule ukrai-nienne à la Russie, un coup de force qui n’a jamais été reconnu par la communauté internatio-nale. Le lendemain, l’Union européenne et les Etats-Unis an-noncent simultanément les pre-mières sanctions contre des offi-ciels russes et ukrainiens.

5 SEPTEMBRECessez-le-feu. L’accord de Minsk (Biélorussie) est un proto-cole en 12 points censé mettre fin aux affrontements en Ukraine. Il prévoyait notamment un cessez-le-feu, le retrait des forces russes, le contrôle de la frontière par les unités ukrai-niennes et un échange des pri-sonniers. Il n’a jamais été appli-qué dans son ensemble, les séparatistes prorusses l’ayant violé à de multiples reprises.

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0123MERCREDI 4 FÉVRIER 2015 international | 3

athènes - correspondance

Alexis Tsipras, le pre­mier ministre grec issude la gauche radicale,vient de recevoir le

soutien inattendu de Barack Obama. Dans un entretien ac­cordé à la chaîne américaine CNN,dimanche 1er février, le président américain a déclaré que l' « on ne peut pas continuer à pressurer des pays qui sont en pleine dépression.A un moment donné, il faut une stratégie de croissance pour pou-voir rembourser ses dettes ».

M. Obama s’est ainsi invité ainside manière fracassante dans le dé-bat entre les anti et les pro-austé-rité qui grandit en Europe depuisl’élection de M. Tsipras le 25 jan-vier. Le président américain a même ajouté que « ce qu [’ils ont] appris de [leur] expérience auxEtats-Unis, c’est que la meilleure façon de réduire les déficits et de restaurer la solidité fiscale, c’est de faire de la croissance ». De quoi ir-riter Bruxelles et surtout Berlin,qui n’entendent pas relâcher la pression sur la Grèce.

Les Etats-Unis sont un parte-naire privilégié de la Grèce depuis plus de cinquante ans. Faut-il voir derrière ces déclarations une al-liance renouvelée entre l’adminis-tration d’Obama et le gouverne-ment de Tsipras ? Le nouveau pre-mier ministre grec n’a en tout cas pas ménagé ses efforts pour ras-surer les Américains. En janvier et novembre 2013, Alexis Tsipras s’est rendu aux Etats-Unis pour rencontrer des représentants du département d’Etat, mais aussides acteurs économiques. Lors d’une réunion organisée par le think-tank Brookings, M. Tsipras avait tenté de rassurer ses interlo-cuteurs sur les intentions de son parti, Syriza, insistant, déjà, sur lessimilarités entre son plan de re-lance et la position du président Obama en faveur de la croissance.

A l’ambassade américained’Athènes, on confirme que les contacts avec des membres hautplacés du gouvernement Tsipras se sont multipliés ces derniersjours. « Notamment pour prépa-rer l’appel passé mardi 27 janvier par le président Obama pour félici-

ter M. Tsipras », souligne un offi-ciel de l’ambassade. « L’ambassa-deur [David D. Pearce] a prévu de rencontrer très rapidement des mi-nistres du gouvernement pour dis-cuter des questions d’économie, mais aussi de sécurité et de lutteantiterroriste », ajoute notre in-terlocuteur.

Le rapprochement tenté avecMoscou apparaît plus contro-versé. Lors de son voyage en Rus-sie, en mai 2014, avant les élec-tions législatives ukrainiennes, Alexis Tsipras s’est opposé à l’idéede sanctions contre la Russie. L’ambassadeur de Russie, Andreï Maslov, fut d’ailleurs le premierofficiel étranger rencontré par M. Tsipras au lendemain de sonélection. Si l’axe orthodoxe estune tradition de la diplomatie grecque, les positions en faveur d’une « Ukraine fédérale » du nouveau ministre des affaires étrangères, Nikos Kotzias, ont suscité une vive émotion. Mais la Grèce s’est finalement ralliée, le 29 janvier, au communiqué com-mun de l’Union européenne (UE)prévoyant l’extension des sanc-tions contre la Russie.

« Politique anti-allemande »

« Le nouveau gouvernement veut pratiquer une politique étrangère d’ouverture, ne pas se limiter au seul partenaire européen et veutsurtout éviter l’isolement de laRussie en Europe », explique SiaAnagnostopoulou, historienne àl’université Panteion d’Athènes et députée de Syriza. Pour Théocha-ris Grigoriadis, chercheur spécia-liste des relations internationales de la Grèce, « la Russie essaie deprofiter de la faiblesse du payspour gagner en influence en Eu-rope, mais les Etats-Unis sont un

allié plus naturel et plus ancien de la Grèce et ne sont pas prêts à lâ-cher leur zone d’influence ».M. Grigoriadis « ne [croit] pas que le gouvernement grec se désolida-risera de la position européenne sur la question des sanctions im-posées à la Russie, car ce serait re-mettre en cause l’unité euro-péenne », mais il observe par con-tre « une politique anti-alle-mande », visant « à rééquilibrer les forces au sein de l’UE ».

Le gouvernement grec compte-t-il sur Moscou et Washington pour l’aider à financer ses échéan-ces de remboursement de dette et desserrer la pression des créan-ciers européens ? « Je ne crois pas qu’il faille attendre des Etats-Unis qu’ils aident financièrement direc-tement la Grèce, comme on peut le lire ces derniers jours dans la presse

grecque », affirme John Brady Kiesling, ancien diplomate améri-cain en Grèce, « car le budget des affaires étrangères dépend du Con-grès, qui est aux mains des républi-cains, très hostiles au démocrate Obama. Ils ne lui accorderont aucune ligne de budget susceptible de renforcer sa position internatio-nale ». Selon M. Kiesling, il faut plutôt « lire la déclaration d’Obama comme un message au Fonds monétaire international et aux créanciers européens pour qu’ils relâchent un peu la pression sur la Grèce, lui accordent plus de temps pour effectuer les réformes exigées ».

Pour Théocharis Grigoriadis,« la Russie non plus n’est pas en mesure d’aider financièrement la Grèce en injectant par exemple desliquidités bancaires ou en prêtant

les 7 milliards d’euros manquants, car elle est elle-même empêtrée dans une crise économique du fait à la fois de la chute du rouble et de la guerre économique lancée con-tre elle par l’Europe ».

Alors qu’Alexis Tsipras a com-mencé une tournée des capitales européennes, le gouvernement grec compte aussi chercher d’autres sources d’investisse-ments. « Multiplier nos interlocu-teurs nous permettra de renforcer les investissements – russes, améri-cains ou chinois – et donc de créer de la richesse et de sortir de cette lo-gique de dépendance à l’emprunt età l’Europe », soutient une source gouvernementale. Mais le scéna-rio est étrangement familier : c’estdéjà ce qu’affirmait le gouverne-ment conservateur sortant. p

adéa guillot

Alexis Tsipras et son vice-premier ministre Yannis

Dragasakis, à Athènes, le 28 janvier. PETROS GIANNNAKOURIS/AP

La Grèce s’est

ralliée au

communiqué

de l’UE prévoyant

l’extension

des sanctions

contre la Russie

LES DATES

2 FÉVRIERAlexis Tsipras fait son 1er voyage officiel à Chypre. Le ministre des finances, Yanis Varoufakis, s’en-tretient à Londres avec le chan-celier de l’Echiquier, George Os-borne.

3 FÉVRIERMM. Tsipras et Varoufakis en visite à Rome.

4 FÉVRIERM. Tsipras doit rencontrer MM. Juncker et Tusk à Bruxelles et François Hollande à Paris.

Alexis Tsipras sur tous les fronts diplomatiquesLe dirigeant grec s’appuie sur Washington et Moscou pour ne pas se limiter aux seuls partenaires européens

En Hongrie, Merkel rappelle Orban à l’ordreLe dirigeant nationaliste hongrois louvoie entre la Russie et l’Union européenne

bruxelles - bureau européen

vienne - correspondante

D eux visites, ce mois-ci àBudapest, braquent lesprojecteurs sur la Hon-

grie, où le nationaliste Viktor Or-ban mène depuis cinq ans une « révolution conservatrice », sou-vent accusée de rogner les libertés démocratiques. La chancelière al-lemande, Angela Merkel, a pré-cédé, lundi 2 février, le président russe, Vladimir Poutine, attendu le17. Ce coup double met surtout en lumière les louvoiements de M. Orban, dépendant des fonds de l’Union européenne, mais aussi dugaz russe et tenté par le modèle autoritaire de M. Poutine. Car en 2014, le dirigeant hongrois a donné à ses pairs de l’UE, comme àses alliés de l’OTAN, des raisons de douter : après avoir signé un ac-cord nucléaire avec Moscou, il a critiqué les sanctions contre la Russie, et vanté les mérites de la « démocratie non libérale », prati-quée en Turquie ou en Chine.

Devant le tollé suscité par sonrapprochement avec la Russie, leHongrois est rentré dans le rang : il a juré que l’Allemagne serait dé-sormais sa « boussole » en politi-

que étrangère, et repris les livrai-sons de gaz à l’Ukraine – interrom-pues sous pression de Moscou. Enfin, il a voté toutes les sanctionsdécidées par l’UE contre la Russie.

C’est après cet infléchissementque la chancelière a accepté de serendre à Budapest – officielle-ment pour remercier les Hon-grois d’avoir aidé l’Allemagne,en 1989, à faire tomber le rideaude fer. Comme le Fidesz au pou-voir à Budapest, la CDU deMme Merkel est membre du Parti populaire européen (PPE), qui fait bloc autour d’Orban face aux atta-ques des sociaux-démocrates, des libéraux et des Verts.

« Sauvez le pays »

Les élus du PPE ont ainsi boycotté, le 23 janvier, la session de la com-mission pour les libertés et la jus-tice consacrée au cas hongrois, qualifiée par l’envoyé de Budapest,Zoltan Kovacs, de « cinquième sai-son d’un mauvais feuilleton télé-visé ». Quant à la Commission européenne et au Conseil euro-péen, ils s’efforcent de calmer le jeu avec la Hongrie, malgré le har-cèlement dont se plaignent plu-sieurs ONG hongroises, détaillé dans un nouveau rapport d’Am-nesty International. « Les mécanis-

mes de défense des droits ont été mis en place, ils seront activés en cas de problème », indique une porte-parole de la Commission.

Angela Merkel était donc seule àpouvoir aborder les sujets épineuxavec son « collègue » hongrois. Elley était encouragée par les oppo-sants, qui ont tenu dimanche des rassemblements dans une dizaine de villes, brandissant des pancar-tes « Frau Merkel, sauvez la Hon-grie ». Elle a aussi rencontré les chefs de la communauté juive, souvent en conflit avec le pouvoir.

Les divergences sont apparuesau grand jour lors de la confé-rence de presse qu’Angela Merkel a tenue avec M. Orban. « Honnête-ment, “non libéral” et “démocra-tie” ne peuvent pas, selon moi, allerensemble, a déclaré la chancelière,après avoir rappelé que « les raci-nes de la démocratie sont toujours,entre autres, dans le libéralisme ».Son hôte a aussitôt répliqué : « Nous ne pensons pas que la dé-mocratie soit nécessairement libé-rale. Ceux qui le prétendent privilé-gient un seul système de pensée, et nous ne pouvons y souscrire. »

« A sa manière polie et mesurée,Mme Merkel a exprimé beaucoupde critiques, et abordé tous les points importants : la démocratie,

les médias, l’immigration, le multi-culturalisme », juge Peter Balazs,qui fut ministre des affaires étran-gères avant le retour au pouvoirde M. Orban, en 2010.

Mme Merkel, qui réprouve dansson pays les manifestations anti-islam, ne peut avoir de sympathiepour les propos xénophobes te-nus par le premier ministre hon-grois après les attentats à Paris : à en croire celui-ci, il faut fermer lesfrontières de l’Union à tous ceux qui ont « des caractéristiques cul-turelles différentes » des Euro-péens. Les conservateurs vont or-ganiser au Parlement de Budapestun débat sur l’immigration – pourattirer les électeurs du Jobbik, le parti d’extrême droite qui a pro-fité, ces derniers mois, de la baissede popularité du gouvernement.

Le Jobbik est la seule force politi-que qui soutienne sans réserve Poutine, l’« homme fort » prêt à en découdre avec l’Ouest déca-dent. Devant la chancelière alle-mande, M. Orban a justifié son in-vitation du dirigeant russe par lanécessité de défendre les intérêtsde son pays, la Hongrie devant bientôt renégocier son contrat avec Gazprom. p

jean-pierre stroobants

et joëlle stolz

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4 | international MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

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En Tunisie, Ennahda revient au gouvernement Le premier ministre, Habib Essid, doit s’allier avec les islamistes, au risque de froisser son électorat

Le parti Ennahda partici-pera au prochain gouver-nement tunisien. Aprèsd’interminables tracta-

tions, le premier ministre, Habib Essid, a présenté, lundi 2 février, sa future équipe où figurent plu-sieurs membres de la formation islamiste. Le nouveau gouverne-ment doit encore être soumis, mercredi, à un vote de confiance devant le Parlement. L’annonceest intervenue après plusieurs se-

maines de cafouillage. Désigné le5 janvier par le parti Nidaa Tou-nès, la formation anti-islamiste vainqueur des législatives d’octo-bre 2014, Habib Essid avait pré-senté, le 23 janvier, un premier casting qui avait fait l’unanimitécontre lui. Le cabinet proposé était composé uniquement de membres de Nidaa Tounès et del’Union patriotique libre (UPL), le parti du richissime homme d’af-faires Slim Riahi, arrivé troisième aux législatives, ainsi que de quel-ques indépendants et figures de lasociété civile. Le petit parti libéral Afek Tounès (huit sièges à l’As-semblée), partenaire politique na-turel de Nidaa Tounès, en était ex-clu. De même que le parti isla-miste Ennahda, arrivé deuxièmeaux législatives avec soixante-neuf députés, qui avait dénoncéun choix non représentatif de lascène politique du pays. Autantd’oppositions qui promettaient à M. Essid un échec lors du vote de confiance à l’Assemblée.

« Nous avons procédé à deschangements, il s’agit d’élargir lacomposition du gouvernement avec l’entrée d’autres partis », a dé-claré le premier ministre tunisienen présentant ses ministres lundi.Le nouveau gouvernement Essid reste dominé par Nidaa Tounès, qui obtient six portefeuilles dont celui des affaires étrangères, con-

fié à l’ex-syndicaliste Taïeb Bac-couche, et celui des finances à un autre membre fondateur du parti,Slim Chaker. Le parti islamiste En-nahda se voit attribuer le minis-tère de l’emploi et de la formationprofessionnelle et trois secréta-riats d’Etat, notamment aux fi-nances. L’UPL et Afek Tounès fontégalement partie de l’équipe.

Trahison

Toutes les désignations jugées problématiques dans la première version n’ont toutefois pas dis-paru. Ainsi, le ministère de la jeu-nesse et des sports revient tou-jours à un membre de l’UPL, alors que le dirigeant du parti, SlimRiahi, possède l’un des plus im-portants clubs de football du pays, laissant craindre des conflitsd’intérêts. Le ministre de l’inté-rieur, Mohamed Najem Gharsalli,

également controversé, reste aussi en place. Il est notamment accusé d’avoir contribué à la ré-pression des magistrats sous le ré-gime de Zine El-Abidine Ben Ali.

Le principal enjeu de ce nouvelexécutif était celui de l’entrée, ou non, des islamistes d’Ennahda. Le parti Nidaa Tounès a en effet été créé en 2012 par l’actuel président Béji Caïd Essebsi avec un seul ob-jectif : battre les islamistes d’Enna-hda arrivés au pouvoir après la ré-volution de 2011. Vainqueur des dernières élections, législatives et présidentielle, la formation a réussi son pari, mais n’a pas ob-tenu de majorité lui permettant degouverner seule. Si une alliance decirconstance avec Ennahda était donc difficilement contournable, elle est un coup dur pour une grande partie de l’électorat, très anti-islamiste, de Nidaa Tounès,

qui y voit une trahison des pro-messes de campagne.

La participation d’Ennahda aunouveau gouvernement reste tou-tefois symbolique : le parti n’ob-tient aucun portefeuille régalien. Mais elle devrait assurer au pre-mier ministre un vote positif du Parlement, l’ensemble des partis représentés dans le nouveau cabi-

net totalisant 179 députés sur les 217 parlementaires que compte l’Assemblée.

La tâche de ce gouvernements’annonce colossale. Si le pays a en grande partie réussi sa transition politique, il doit maintenant s’at-taquer à la relance de son écono-mie, et répondre aux nombreuses revendications sociales à l’origine du soulèvement de janvier 2011. LaTunisie doit faire revenir les inves-tisseurs étrangers, réformer la caisse de compensations, qui sou-tient le pouvoir d’achat des fa-milles mais plombe le budget de l’Etat, faire face à l’explosion de l’économie informelle (estimée à 50 % du PIB) sur fond de chômage endémique et de croissance faible. Autant de chantiers délicats qui risquent de vite mettre à l’épreuve le futur gouvernement. p

charlotte bozonnet

La participation

d’Ennahda reste

symbolique :

le parti islamiste

n’obtient aucun

portefeuille

régalien

La guerre en Syrie menace le statu quo sur le GolanIsraël redoute de nouvelles attaques du Hezbollah dans ce territoire occupé par son armée et ses colons depuis 1967

plateau du golan - envoyé spécial

C hacun savait quoi faire, ence 28 janvier, lorsquel’alerte fut donnée. Le

groupe d’hommes aguerris chargé de la sécurité du kibboutz Maayan Baruch s’est immédiate-ment réuni. La survie est souvent une affaire de discipline. Leurs aînés gardent en mémoire les ten-tatives d’incursion de combat-tants palestiniens dans la com-munauté, il y a des décennies, toujours déjouées.

Cette fois, la menace provient del’autre côté de la frontière liba-naise, au-delà des collines. Des dé-tonations ont déchiré le calme ambiant à quelques encabluresdu kibboutz et de ses maisonnet-tes blanches aux toits ondulés, ali-gnées devant des pelouses rasées avec un soin de barbier. Un com-mando du Hezbollah venait de ti-rer plusieurs missiles antichars contre un convoi de l’armée israé-lienne. Deux soldats sont morts dans cette attaque, la plus grave depuis la guerre entre la milice chiite libanaise et l’Etat hébreu, en 2006.

Encouragés par tous les gouver-nements depuis l’occupation du plateau du Golan en 1967, près de 20 000 colons juifs vivent dans cette zone stratégique, aux sols fertiles, coincée et disputée entre le Liban, la Syrie et Israël. Ses mon-tagnes sont parsemées de bases, d’antennes et de points d’observa-

tion de l’armée israélienne, aux aguets depuis que la guerre en Sy-rie bouleverse les équilibres régio-naux. « Il y a une inquiétude per-manente quand on vit ici, confirmeOrtal Beeri, 32 ans, revenue au kib-boutz en 2012. Mais on vient de montrer qu’on savait rester calme et garder la situation sous contrôle,en tant que communauté. »

Après l’alerte, personne n’a prisla peine de descendre dans les abris antimissiles, creusés en pro-fondeur. A part les membres du centre de commandement, dont Ortal fait partie. son bébé de neuf mois a joué sous terre, pendant qu’elle veillait, avec d’autres, à la bonne tenue des rondes et à la dif-fusion des informations auprès des 700 habitants du kibboutz.

Pendant trente ans, Phillip Pas-manick, Américain de naissance,a eu la charge des abris et des pro-

cédures de sécurité à Maayan Ba-ruch. Jusqu’à la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël, pen-dant laquelle « 16 roquettes » sonttombées sur la communauté, un calme relatif avait prévalu danstout le Golan. La Syrie continuait de réclamer la restitution du pla-teau et un retour aux frontièresd’avant 1967, mais le statu quo ar-rangeait tout le monde, en atten-dant un hypothétique règlement politique. « On a été en alerte des milliers de fois, parfois pendant des semaines, soupire Phillip Pas-manick. Aujourd’hui, certains sontmême devenus cyniques et ne des-cendent pas dans les abris. »

Pourtant, dans le Golan, les ha-bitants sentent bien que le statuquo s’effrite. Israël craint le déve-loppement d’un nouveau front hostile dans cette zone fronta-lière. Le Hezbollah y aurait déjà

installé des bases de tir, avec lesoutien logistique et financier desIraniens. Les années 2000 et les négociations avec Damas en vued’un retrait du Golan, en échange d’un accord de paix durable, ne semblent plus d’actualité. Pour Is-raël, il s’agit à présent de consoli-der sa présence militaire, voire de frapper de façon préventive, en territoire syrien, si la menace se précise.

Législatives israéliennes

L’attaque meurtrière du Hezbol-lah était une réponse à un raid is-raélien en Syrie le 18 janvier con-tre l’une de ses colonnes, dans la-quelle se trouvaient aussi des ca-dres militaires iraniens. « Nous nevoulons pas la guerre, a expliqué le 30 janvier le chef du mouve-ment chiite libanais, Hassan Nas-rallah. Mais la Résistance est prête militairement à la faire, car nous n’avons pas peur. » Pour l’heure, les deux parties ne cherchent pas

l’escalade, chacune étant aux pri-ses avec une équation particu-lière. Le Hezbollah est très investi en Syrie pour défendre le régime Assad. Israël, de son côté, se pré-pare à des élections législatives anticipées, le 17 mars. Le Likoud, laformation du premier ministre Benyamin Nétanyahou, pariecomme toujours sur la thémati-que sécuritaire. Mais une nou-velle guerre contre le Hezbollah serait une mise impossible à em-porter. Une partie sans vain-queur, avec un coût terrible.

La campagne électorale arrivejusqu’aux flancs du Golan. En ce29 janvier, le centriste Yaïr Lapid,ancien ministre des finances,s’est posté devant les caméras, sur la route conduisant vers levillage de Ghajar, où l’un des mis-siles du Hezbollah est tombé la veille. La route est fermée, les mi-cros ouverts. « Le Hezbollah saitque s’il frappe, Israël frappera plusfort », explique Yaïr Lapid. Il est venu pour « réconforter, aider,étreindre ». Il parle d’« union na-tionale » face à la menace, et re-fuse toute politisation des inci-dents récents. « Il n’y a jamais de bon timing pour combattre le ter-rorisme ou en souffrir. »

Derrière l’ancien ministre, ungroupe de jeunes soldats fouilleles voitures des habitants syriensde Ghajar qui rentrent chez eux. C’est leur village, quel que soit lenom du pays. p

piotr smolar

Pour Nétanyahou,

une nouvelle

guerre contre le

Hezbollah serait

une partie sans

vainqueur, avec

un coût terrible

NIGERIALe président échappe à un attentatLe président nigérian, Goo-dluck Jonathan, candidat à sa propre succession, a réchappé,lundi 2 février, à un attentat-suicide à la sortie d’un mee-ting dans le nord-est du pays, où le groupe islamiste Boko Haram accentue sa menace à l’approche de l’élection prési-dentielle du 14 février. L’atten-tat n’a pas été revendiqué pour l’instant. – (AFP.)

ALLEMAGNEJugement de l’un des derniers nazis d’Auschwitz en avrilOskar Gröning, 93 ans, ancien officier du camp d’extermina-tion nazi d’Auschwitz, va être jugé en Allemagne à partir du 21 avril pour complicité d’as-sassinat de 300 000 person-nes, a annoncé, lundi 2 février, le tribunal de Lunebourg, au sud de Hambourg. – (AFP.)

CUBAFidel Castro réapparaît en photoLe quotidien gouvernemen-tal Granma a publié lundi 2 février les premières photo-graphies de Fidel Castro, 88 ans, depuis le mois d’août. La série montre l’ancien président cubain discutant avec un responsable étudiant. Les rumeurs sur son état de santé se sont intensifiées depuis que son frère et suc-cesseur Raul et Barack Obama ont annoncé à la mi-décembre un processus de normalisation des rela-tions. – (Reuters.)

Démission du chef de la commission d’enquête sur GazaLe professeur canadien William Schabas a renoncé, lundi 2 février, à diriger la commission d’enquête diligentée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour enquêter sur d’éven-tuels crimes de guerre commis durant l’opération israélienne « Bor-dure protectrice », dans la bande de Gaza, à l’été 2014. Israël avait mis en cause l’impartialité de M. Schabas car celui-ci a travaillé comme consultant en 2012 pour l’Organisation de libération de la Palestine. Il avait alors rédigé une note juridique pour laquelle il a été payé 1 300 dollars. M. Schabas a choisi de démissionner pour que la publication du rapport de la commission, en mars, ne soit pas parasitée. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, appelle pour sa part à l’abandon pur et simple du rapport.

Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi (à droite), et le premier ministre, Habib Essid, le 5 janvier, à Tunis. NICOLAS FAUQUE/ABACA

LES DATES

26 OCTOBRE 2014 Elections législatives Nidaa Tounès arrive en tête avec 86 sièges contre 69 pour Ennahda.

23 NOVEMBRE1er tour de l’élection présiden-

tielle Ennahda ne présente pas de candidat.

21 DÉCEMBRE 2d tour de l’élection présiden-

tielle Le chef de Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, 88 ans,l’emporte face au président sortant Moncef Marzouki.

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0123MERCREDI 4 FÉVRIER 2015 planète | 5

sydney - correspondance

La Grande Barrière de co-rail va-t-elle rejoindreTombouctou (Mali), Pal-myre (Syrie), la forêt de

Sumatra (Indonésie) sur la liste dupatrimoine en péril de l’Unesco ? Si l’agence onusienne continue dela décrire comme « l’un des sites maritimes les plus spectaculaires du monde », elle s’inquiète de sa dégradation. Elle décidera en juin si oui ou non le plus grand récifcorallien du monde mérite d’être placé sur cette liste.

La Grande Barrière de corails’étend sur 2 000 km au nord-estde l’Australie ; plus de 1 500 espè-ces de poissons y ont été recen-sées, environ 400 espèces de co-raux, près de 240 espècesd’oiseaux. Mais la Grande Bar-rière, inscrite depuis 1981 au Pa-trimoine mondial de l’humanité,a perdu plus de la moitié de sescoraux en trente ans et la dégra-dation se poursuit à vive allure.Des espèces protégées comme les tortues et les dugongs ont dé-cliné à hauteur de 80 % dans cer-taines zones.

L’Australie avait jusqu’à débutfévrier pour convaincre l’Unesco de ne pas déclasser son joyau. « Nous avons entendu les préoccu-pations de l’Unesco, et nous avons agi avec une vigueur renouvelée », affirme le ministre de l’environ-nement Greg Hunt, dans une let-tre à l’agence onusienne. Une telledécision serait bien sûr domma-geable pour l’image du pays : la plupart des sites en péril se trou-vent dans des pays en développe-ment, voire dans des zones de guerre. Et la Grande Barrière attireplus de deux millions de touristespar an, rapportant environ 6 mil-liards de dollars australiens(4,1 milliards d’euros).

Développement industriel

Les raisons de la dégradation de laGrande Barrière sont multiples.Le réchauffement climatique pro-voque le blanchiment des co-raux ; les cyclones tropicaux, plusnombreux et violents, détruisent le massif corallien. L’agriculture sur la côte rejette en mer des pes-ticides qui provoquent la prolifé-ration d’une étoile de mer tueuse de coraux. Sans oublier le déve-loppement industriel, et notam-ment le port d’Abbot Point, l’un des plus grands ports du monde pour l’exportation de charbon, si-tué au sud du récif.

Dans un rapport adressé àl’Unesco fin janvier, Canberracompile ses actions. Parmi les préoccupations de l’agence onu-sienne, figure le déversement dedéchets de dragage. Ces déchets sont produits par l’élargissementdes chenaux, mouillages et mari-nas, en lien avec le développe-

ment industriel de la côte. Ils ex-posent algues et coraux à des pol-luants. L’Australie s’engage à in-terdire de tels déversements dans le parc marin de la Grande Bar-rière de corail. Le pays explique enoutre avoir renoncé à « cinq im-portants projets de dragage qui auraient déversé leurs boues dansle parc naturel maritime ».

Par ailleurs, tout nouveau déve-loppement de port est exclu dans certaines zones. Un fonds de 40 millions de dollars financera des actions pour améliorer la pro-tection des différentes espèces et la qualité de l’eau. Le rapport vante d’ores et déjà une réductionde la quantité de pesticides et d’azote dans l’eau. Au total, l’in-vestissement gouvernemental « est estimé à 2 milliards de dollarspour la décennie à venir ». « A la lumière de l’importance des ac-

tions engagées […], l’Australie croit fermement que [la Grande Bar-rière de corail] ne mérite pas d’êtreplacée sur la liste du patrimoine enpéril », écrit le ministre de l’envi-ronnement.

Mais pour l’Organisation nongouvernementale WWF, cette re-vendication est « contredite par les rapports des scientifiques ». En août, l’Autorité chargée de la pré-

servation de la Grande Barrière expliquait que « malgré les récen-tes initiatives, l’état général du site s’est aggravé depuis 2009, et de-vrait encore se dégrader ». L’Aus-tralie a fait des progrès, estimeWWF, mais n’a pas encore pris la mesure de la dégradation de ce patrimoine unique. Pour l’ONG, ledéversement de déchets du dra-gage doit être interdit dans l’en-semble de la zone du patrimoinemondial et pas seulement dans le parc marin. Environ 80 % des dé-versements de déchets de dra-gage sont en effet effectués à l’ex-térieur du parc, où se trouvent la majorité des îles et des ports.WWF demande davantage d’in-vestissements pour améliorer laqualité de l’eau.

Le gouvernement australien, di-rigé par le libéral Tony Abbott est souvent montré du doigt pour sa

politique environnementale. Il s’était attiré les foudres des écolo-gistes en qualifiant le changementclimatique de « foutaise absolue », puis en déclarant que le charbon était « bon pour l’humanité ».

En juillet, il a abrogé la taxe car-bone. Puis, lors du G20, qu’il a ac-cueilli en novembre à Brisbane, dans le Queensland, l’Etat où se si-tue la Grande Barrière, Tony Ab-bott a tenté, en vain, d’exclure le changement climatique des dis-cussions. Devant des étudiants,Barack Obama s’est au contraireétendu sur le sujet, s’inquiétantdes « menaces » pesant sur la Grande Barrière : « Je veux revenir,parce que je ne suis pas allé sur laGrande Barrière de corail, et jeveux que mes filles puissent venir, et je veux qu’elles puissent amener leurs filles ou leurs fils. » p

caroline taïx

Le diable de Tasmanie sauvé de l’extinctionPour protéger l’espèce d’un cancer très contagieux, des marsupiaux sont élevés en captivité puis relâchés

sydney - correspondance

R ien ne semble pouvoir ré-sister à sa mâchoire in-croyablement efficace. Le

diable de Tasmanie, marsupial carnivore de la taille d’un petit chien, peut dévorer en un repasprès de la moitié de son poids : animaux morts ou vivants, duwallaby au reptile, poils, peau, os compris. Ce n’est pas pour rien qu’il a inspiré Taz, ce personnage grossier et toujours affamé des studios Warner Bros, qui l’a renducélèbre bien au-delà de son île du sud-est de l’Australie.

Si le marsupial a fait parler de luices dernières années, c’est pour avoir rejoint la sombre liste des espèces menacées. Depuis la findes années 1990, le nombre dediables a chuté de 80 % à 95 % se-lon les zones de la Tasmanie, bien assez pour faire craindre la dispa-rition de l’espèce. Mais ses défen-seurs se montrent désormais op-timistes. « Depuis dix ans, le diablen’a jamais été aussi en sécurité »,s’est récemment félicité le minis-tre de l’environnement de la Tas-manie Matthew Groom. « Nous avons réussi à assurer la survie del’espèce », renchérit le docteur Da-vid Pemberton, responsable du

programme « Sauvons le diable de Tasmanie ».

Les spécialistes estiment qu’il ya aujourd’hui entre 5 000 et 10 000 diables, tous en Tasmanie.Le marsupial, qui doit notam-ment son nom à ses oreilles qui rougissent en cas d’agression, estdécimé par un cancer contagieux apparu en 1996. La maladie setransmet entre individus parmorsure. Des tumeurs qui se dé-veloppent sur sa face et son cou l’empêchent de flairer la nourri-ture et de manger. Le marsupial meurt de faim quelques moisaprès avoir contracté la maladie. Le cancer s’est rapidement pro-pagé dans l’île et continue de pro-gresser. « Le nombre de diables di-minue toujours […] mais ils ne dis-paraîtront pas », assure David

Pemberton.Des diables sont élevés en capti-

vité puis relâchés dans la nature. Les marsupiaux réintroduits dans la vie sauvage se sont adap-tés facilement et se sont repro-duits plus rapidement encorequ’espéré. « Nous sommes chan-ceux avec les diables de Tasmanie car ce sont vraiment des durs, des costauds, avec un instinct de sur-vie très développé », se félicite ledocteur Pemberton.

Patrimoine génétique

« Dans le bush, ils peuvent rivaliseravec bon nombre de prédateurs »,poursuit-il. Les diables sont réin-troduits dans des îles et des pé-ninsules à l’abri de la maladie. De-puis 2012, 28 ont ainsi été relâchésà Maria Island, petite île à l’est de la Tasmanie. Il s’agit d’un parc na-tional, sans voiture, où seule une poignée de touristes peut séjour-ner.

Ces diables avaient été sélec-tionnés parmi des centaines de captifs en fonction de leur patri-moine génétique, leur âge et leur genre. Sur l’îlot, ils se sont repro-duits et sont désormais environ80. S’ils ont été assistés dans leuralimentation les premiers mois, avec notamment des distribu-

tions de carcasses de petits kan-gourous, ils se sont rapidement remis à chasser et ont trouvé leur place dans l’écosystème.

D’autres marsupiaux devraientêtre introduits sur Maria Island.Plusieurs dizaines de diables vontégalement être relâchés en 2015 dans la péninsule de Tasman,dans le sud-est de l’île, où le can-cer n’est pas arrivé. Le défi est detenir cette zone à l’écart de la ma-ladie. L’accès à la presqu’île se fait par un étroit passage, ce qui per-met d’empêcher les diables po-tentiellement atteints de la mala-die d’y pénétrer. Une clôture a été ajoutée à la barrière naturelle. Dans la péninsule de Forestier, où le cancer avait commencé à se

propager, tous les diables ont étéretirés en 2012. D’autres y seront introduits.

Plus de 600 autres diables sontélevés en captivité dans une tren-taine de zoos et parcs en Tasma-nie et ailleurs en Australie, prépa-rés à être relâchés dans la nature.Après la réintroduction de diablescaptifs, « la priorité, c’est désor-mais les animaux sauvages, avectout un travail sur la génétique », explique David Pemberton. Des chercheurs ont repéré que cer-tains diables dans la nature résis-taient à la maladie. La recherche se poursuit également pour trou-ver un vaccin. Mais cela va pren-dre du temps, prévient DavidPemberton. « Et la difficulté sera de vacciner les animaux vivantdans l’immensité du bush. »

Si le diable semble désormais àl’abri de l’extinction, son cri fé-roce est devenu rare sur l’île. Lemarsupial devrait en revanche de-venir d’ici peu l’emblème officielde la Tasmanie. Pour son ministrede l’environnement, une telle re-connaissance permettra d’attirer davantage de financements pour lutter contre la terrible maladie, etaussi de promouvoir la Tasmanie,cette île du bout du monde. p

c. tx

Un plongeur examine une portionde la Grande Barrière heurtée par

un navire chinois, en avril 2010.GBRMPA/AFP

Des espèces

protégées comme

les tortues

et les dugongs

ont décliné

de 80 % dans

certaines zones

La Grande Barrière de corail, merveille en dangerL’Unesco pourrait inscrire le site sur la liste du patrimoine mondial en péril. L’Australie tente de l’en dissuader

Brisbane

Abbot Point

QUEENSLAND

OIRES

E

Détroit de Torres

250 km

Grande Barrière

de corail

LES DATES

1981Inscription de la Grande Barrière de corail au patrimoine mondial de l’humanité.

2012Une étude américaine révèle quele récif a perdu la moitié de ses coraux depuis 1985.

2014L’Unesco demande à l’Australie de lui soumettre avant le 1er fé-vrier 2015 un plan de protection.

2015L’Unesco se prononcera en juin sur l’inscription ou non du récif corallien sur la liste du patrimoine mondial en péril.

POLOGNEChevron arrête le gaz de schisteLa compagnie pétrolière amé-ricaine Chevron a annoncé, lundi 2 février, qu’elle arrêtait la prospection de gaz de schiste en Pologne, estimant ces opérations moins lucrati-ves que d’autres projets. En 2014, les recherches y avaient déjà été abandonnées par Total et ENI. – (AFP.)

« Les diables de

Tasmanie sont

des durs, des

costauds, avec un

instinct de survie

très développé »

DAVID PEMBERTON

responsable de « Sauvons le diable de Tasmanie »

Des tumeurs qui

se développent

sur sa face et son

cou l’empêchent

de flairer

la nourriture

et de manger

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JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Cœur Défense – TourA – 110 esplanade du Général de Gaulle– 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCSNANTERRE 414 108 708), succursalede QBE Insurance (Europe) Limited,Plantation Place dont le siège social est à30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,fait savoir que, la garantie financière dontbénéficiait la :

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6 | france MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

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Alain Juppé veut faire barrage au FNL‘ancien premier ministre a annoncé que, face à l’extrême droite dans le Doubs, il voterait pour le PS

Un fossé sépare désor-mais Alain Juppé etNicolas Sarkozy. Alorsque l’UMP se montre

profondément divisée quant àl’attitude à adopter au secondtour de la législative partielle dansle Doubs, qui opposera un candi-dat du Front national et un duParti socialiste, le maire de Bor-deaux a tranché. Il a décidé de se poser comme celui qui ne tran-sige pas avec l’extrême droite. « Il faut faire barrage au FN », a-t-ilécrit lundi 2 février sur son blog,sans attendre la position officiellede son parti, qui devait être actée mardi soir 3 février lors d’un bu-reau politique sous haute tension.

Dans un violent réquisitoirecontre la formation de Marine Le Pen, le candidat à la primaire àdroite pour la présidentielle de 2017 met en garde les électeurs de son parti contre une « arrivée aux responsabilités nationales » du FN, présenté comme le « principaladversaire politique » de la droite républicaine.

Afficher sa singularité

Réfutant tout engagement dans« un front républicain qui scelle-rait une alliance avec le PS », il in-dique toutefois que s’il était un électeur de la 4e circonscription du Doubs, il ne s’abstiendrait pas. « Je voterais pour le candidat PS » afin de « barrer la route » à la can-didate d’extrême droite, écrit-il.

Avec ses déclarations, l’ancienpremier ministre se démarque dela ligne officielle de l’UMP, le « ni-ni ». Soit la ligne définie par Nicolas Sarkozy aux cantonalesde 2011 puis reprise par Jean-Fran-çois Copé, à la tête du parti de 2012à 2014, qui consiste à ne prendre parti ni pour le FN ni pour le frontrépublicain. La position expri-mée par M. Juppé met au jour les divergences profondes qui l’op-pose à Nicolas Sarkozy. Car à l’in-verse de son principal rival dans

la course à l’Elysée, l’ancien chef de l’Etat ne compte pas appeler lesélecteurs de droite à voter PS pourfaire barrage au FN. Il refuse de choisir entre la gauche et l’ex-trême droite.

Alain Juppé, lui, a décidé d’assu-mer ses convictions. Son objectif :afficher sa singularité et rappelerses fondamentaux, avant la tenuedu bureau politique, auquel lemaire de Bordeaux devait partici-per. En se positionnant claire-ment comme un rempart à la montée de l’extrême droite, il s’af-fiche en héritier de Jacques Chi-rac, qui avait érigé un cordon sani-taire hermétique entre la droiterépublicaine et l’extrême droite.

Pour le cofondateur de l’UMP, leparti gaulliste doit rester ce que fut sa vocation au moment de sacréation, en 2002, au lendemaindu 21 avril : rassembler la droite etle centre, notamment pour con-trer la progression de l’extrême droite. M. Juppé veut en faire unmarqueur dans la course à la pri-maire.

Sur son blog, M. Juppé prometd’ailleurs de combattre de toutes ses forces contre une éventuelle accession du FN au pouvoir. Le maire de Bordeaux souligne qu’il fait de la lutte contre la montée duFN un « combat » personnel, ensoulignant qu’il compte s’engager« à fond » contre un parti qui « dressent les Français les uns con-tre les autres », en prônant la « xé-nophobie et l’islamophobie ».

En adoptant cette position, lemaire de Bordeaux prend un ris-que. Celui de se retrouver minori-taire au sein de son parti, tant au sommet qu’à la base. Depuis di-manche, à part Nathalie Koscius-ko-Morizet ou Dominique Busse-reau proche de Jean-Pierre Raffa-rin, la majorité des dirigeants ont réaffirmé la ligne du « ni-ni ».M. Juppé se retrouve aussi à con-tre-courant de l’opinion domi-nante des sympathisants UMP, dont deux tiers reste fidèle à la stratégie du « ni-ni ». 67 % d’entre eux souhaitent majoritairement que le parti de droite n’appelle à voter ni pour le candidat du FN, nipour celui du PS au second tour dela législative dans le Doubs, selon un sondage IFOP pour Le Figaro etLCI publié lundi 2 février. Seuls 19 % veulent que l’UMP se pro-nonce pour celui du PS, à l’instar d’Alain Juppé.

« Crever cet abcès »

« Alain Juppé sait que sa position comporte une part de risque mais c’est un risque assumé, explique son conseiller Gilles Boyer. Il ne veut pas changer d’avis pour des considérations tactiques et dit ce qu’il pense profondément sans se demander ce qu’il faut dire. » Pour ses partisans, il était temps de cla-rifier la position de l’UMP vis-à-vis du FN, alors que le débat entre partisans du « ni-ni » et ceux du vote républicain risque de renaî-tre à chaque élection partielle. « Il fallait crever cet abcès sur le “ni-ni”car à force de ne pas traiter ce sujet,il nous éclate à la figure à chaque élection », souligne Gilles Boyer. « A un moment, sur des sujetsaussi lourds, il faut réaffirmer sa colonne vertébrale sans se préoc-cuper des enjeux électoraux »,

abonde le député juppéiste, Benoist Apparu.

Edouard Philippe, maire du Ha-vre et député de Seine-Maritime, également proche d’Alain Juppé, est du même avis. Selon lui, la cla-rification stratégique vis-à-vis duFN doit même aller plus loin que celle de savoir pour qui voter quand l’UMP est absente au deuxième tour d’une élection.« Est-ce que la ligne de l’UMP c’estcelle de Nathalie Kosciusko-Mori-zet ou celle de Laurent Wau-quiez ? » a-t-il demandé lundi, en

accusant le second d’« ouvrir desportes » au FN.

De facto, deux lignes bien dis-tinctes s’affrontent désormais au sein du parti entre ceux qui se di-sent prêts à voter pour le PS, afin de faire barrage au FN, et ceux qui rejettent toute forme de front ré-publicain. Ce clivage illustre la fracture interne à droite, qui se fo-calise sur l’attitude à adopter face aux électeurs tentés de voter pourle FN. Les deux favoris pour la pri-maire incarnent à eux seuls cet af-frontement idéologique. Nicolas

Sarkozy rassemble ceux qui con-sidèrent que l’UMP doit attirer desélecteurs votant FN en se rappro-chant des thématiques de l’ex-trême droite, notamment en semontrant très ferme sur les ques-tions régaliennes (sécurité, immi-gration, laïcité). Alain Juppé, lui,reste le représentant de l’aile mo-dérée, plus tournée vers le centre, privilégiant les questions écono-miques et sociales. Avec cette cla-rification, les enjeux de la campa-gne de la primaire sont posés. p

alexandre lemarié

Sophie Montel, lepéniste historiqueallenjoie, audincourt (doubs) –

envoyé spécial

P arfois, il faut savoir luttercontre soi-même. SophieMontel en sait quelque

chose. La candidate du Front na-tional, arrivée en tête de l’élection législative partielle dans la qua-trième circonscription du Doubs dimanche 1er février, doit vaincre sa timidité pour faire campagne. Pour compenser, cette femme de 45 ans est bavarde.

« Je suis très loquace, vous ver-rez », prévient-elle lorsqu’on la rencontre. Si, avec les journalistes,Mme Montel ne se fait pas prierpour parler, avec les électeurs, l’exercice est plus difficile. Résul-tat : malgré son bon score (32,6 %),sa campagne fut discrète, voiresouterraine. Aux réunions publi-ques, Sophie Montel préfère le « boîtage », c’est-à-dire glisser un tract dans les boîtes aux lettres.Plus discret, effectivement.

Comment expliquer son scorede dimanche ? Cette militante en-cartée depuis ses 18 ans, titulaire d’un DEA d’histoire médiévale, se-lon le site du FN, a une explica-tion : « Il y a la dynamique du FN sur le plan national. Et je suis im-plantée dans cette circonscrip-tion. » Aussi, elle montre volon-tiers la maison de son enfance à Audincourt, le collège où elle a étéscolarisée et l’ancien cabinet dedentiste de son père. Une façon

d’attester son ADN géographique.Politiquement, son ADN, c’est le

FN. Issue d’une famille frontiste, elle a toujours été lepéniste. Pourle pire, parfois. Ainsi, le site L’En-tente, qui scrute les « dérapages » des frontistes, a déniché des pro-pos tenus en 1996 par Mme Montellors d’un conseil municipal de Be-sançon. Jean-Marie Le Pen venait de déclarer croire en l’inégalité des races.

Des propos que justifiait alorsMme Montel : « Rien dans les pro-pos de Jean-Marie Le Pen sur l’évi-dente inégalité des races ne tombe sous le coup de la loi. (…) L’observa-tion que les enfants d’origine viet-namienne s’adaptent générale-ment mieux aux études et au tra-vail que ceux de l’immigration afri-caine est le fait de tous les enseignants, même de gauche. Nous affirmons que la civilisation française de notre grand siècle était supérieure dans tous les do-maines de l’épanouissement de l’esprit, des arts et des lettres, à cel-les des Huns et des Bantous… »

Le discours a changé

Aujourd’hui, elle se défend : « Les socialistes au conseil municipal avaient attaqué Jean-Marie Le Pen sur ses propos. En réponse, j’ai lul’argumentaire fourni par la direc-tion du parti. »

Depuis, le discours du FN achangé, et celui de Mme Montel aussi. Elle campe sur la ligne de

Marine Le Pen, plus policée. Se re-vendique « ni de droite ni de gau-che ». Fustige « les héritiers du sys-tème “UMPS” ». Se déclare à la foiscontre le « péril islamiste » et con-tre l’Union européenne. Au seindu FN, Mme Montel fait l’unani-mité. Elle n’est dans aucun clan.

Dans sa circonscription, ses ad-versaires lui reprochent un certainnomadisme électoral. Elle a été, pêle-mêle, élue à Besançon, con-seillère régionale, élue à Montbé-liard, députée européenne et peut-être demain députée à l’Assembléenationale. Charles Demouge, le candidat UMP éliminé dimanche, ne cessait de brocarder une « can-didate du système », qui vit de ses mandats.

Plus grave est la procédure judi-ciaire contre quatre de ses colis-tiers aux municipales de 2014, parmi lesquels son conjoint. Cer-tes, Sophie Montel n’est pas en cause nommément mais cela écorne son image. Les quatre frontistes sont poursuivis pour« abus de faiblesse ».

Le quotidien L’Est républicain,qui a révélé ces poursuites, men-tionne le cas d’une femme de 90 ans déclarée candidate, « qui ne jouirait plus de ses facultés de dis-cernement ». Un élu UMP a si-gnalé ces faits au parquet. En re-tour, le FN a déposé plainte pouratteinte à la sincérité du scrutin etdénonciation calomnieuse. p

abel mestre

Alain Juppé, en meeting à Branges (Saône-et-Loire), le 28 janvier. BRUNO AMSELLEM/SIGNATURES POUR « LE MONDE »

VERBATIM

“Nicolas Sarkozy veut faireun rassemblement. (…) Il y

en a qui mettent un coup de ca-nif dans le contrat mais à partir du moment où on a décidé d’avoir une position collective, chacun pourra exprimer son opi-nion, sa position. (…) Nous ne sommes pas un parti caporalisé, donc chacun garde sa liberté d’expression, mais cela n’engage pas notre formation politique. »

Sébastien Huyghe, porte-parole de l’UMP, député du Nord, sur RFI, mardi 3 février.

Mercredi 4 février à 20h30

Jean-Louis DEBRÉInvité de

Emission politique présentéepar Frédéric HAZIZA

Avec :Françoise FRESSOZ, Frédéric DUMOULIN et Marie-Eve MALOUINES

sur le canal 13 de la TNT, le câble, le satellite, l’ADSL, la téléphonie mobile, sur iPhone

et iPad. En vidéo à la demande sur www.lcpan.fr et sur Free TV Replay.

www.lcpan.fr

Et

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0123MERCREDI 4 FÉVRIER 2015 france | 7

M. Guérini lance sa Force du 13 contre le PSL’ex-baron socialiste veut sauver sa présidence des Bouches-du-Rhône

marseille – correspondance

Dans le sillage de Jean-Noël Guérini, les éti-quettes politiquess’envolent. Ce jeudi

29 janvier, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône inaugure le siège de son nouveau parti, La Force du 13, en plein cœurde Marseille. Le local n’est pas grand. Le héros du soir, candidat àsa succession à la tête du départe-ment, fend la foule en multipliantles accolades.

Claude Piccirillo, maire diversdroite du village de Saint-Victoret,l’embrasse. Bernard Marty, uncommuniste des quartiers nord, l’étreint. Rebia Benarioua et DenisRossi, conseillers généraux PS à nouveau investis, l’empoignent. Lisette Narducci, maire de secteurPRG, alliée municipale de l’UMP,le suit de près. Elle sera sa colis-tière dans le deuxième canton de Marseille. « La Force du 13 est la maison commune de celles et ceuxqui entendent redonner sens à l’es-poir, assure, prophétique, l’ancienpatron des socialistes marseillais. La maison des amis fidèles. »

Une pluie diluvienne inondeMarseille, et M. Guérini, catholi-que fervent, y voit une « eau bé-nite » qui sanctifie sa campagne. A 64 ans, l’homme qui dirige le con-

seil général depuis 1998 n’est pas favori du scrutin. L’union UMP-UDI, qui a fait basculer 12 villes à droite en mars 2014, se voit gagner.

Pour remporter une collectivitéqu’elle n’a jamais gérée, la droitealigne 15 maires et une présidentede communauté de communes. « Aux sénatoriales, M. Guérini n’aparlé qu’aux grands électeurs. Là, ilsera face à toute la population et beaucoup voient à quel point sa démarche est tordue, se convainc Martine Vassal, adjointe au maire de Marseille et chef de file UMP-UDI. Mais c’est un adversaire re-doutable. »

Flou des frontières

En septembre 2014, Jean-Noël Guérini a fait mal à ceux qui le pensaient mort politiquement. Ses multiples mises en examendans le cadre de marchés publics présumés frauduleux et sa démis-sion du PS en avril 2014 n’ont pas pesé. La Force du 13 a raflé trois sé-nateurs, en mordant sur les voixsocialistes comme sur celles de l’UMP. L’enjeu de mars est encore plus vital. La perte du conseil gé-néral et ses 2,6 milliards de bud-get annuel laisserait M. Guérini avec son seul mandat sénatorial. Sans pouvoir.

En attendant le dépôt des listes,le 16 février, Jean-Noël Guérinijoue sur le flou des frontières. Seule certitude, il ne présentera pas des candidats dans tous les cantons. « Je soutiendrai un cer-tain nombre de socialistes, affir-mait-il jeudi, des binômes PS-Force du 13, des gens de la droite modérée. L’objectif est de rassem-bler sur les valeurs. Et non sur des accords minables de partis. »

« Ses valeurs, c’est : “Tu es contremoi ou avec moi” », assène le dé-puté (PS) marseillais Henri Ji-brayel, dont les rapports avec M. Guérini ont tourné à la haine réciproque. « L’infidèle » Jibrayel,

selon la terminologie du présidentdu conseil général, sera d’ailleurs un des rares socialistes à vivre une candidature Force du 13 hostile. « Guérini veut se le payer, quitte à nous favoriser, assure un candidat UMP-UDI. Comme les protégés de Marie-Arlette Carlotti, Nathalie Pi-gamo et Benoît Payan. »

Politiquement, M. Guérini tapesur « l’Etat socialiste » et agite l’épouvantail Front national, qui pourrait faire une forte entrée à l’assemblée départementale. De-puis sa réélection, il fréquente peu le Sénat mais multiplie les dé-placements dans les Bouches-du-Rhône. Là, il dénonce la future métropole Aix-Marseille, qui cris-tallise toujours l’opposition dans les villes et villages, et signe des « contrats d’aménagement et dedéveloppement » à plusieurs di-zaines de millions d’euros. « Je suis un des rares à avoir résisté à cette pression financière, s’en-

flamme Claude Filippi, maire UMP de Ventabren, près d’Aix-en-Provence. Et je n’aime pas voir que des élus trahissent notre famille politique pour l’argent que distri-bue M. Guérini. »

Manœuvres

Dans ces départementales qui,pour la première fois, concernent tous les cantons, Jean-Noël Gué-rini vise ce troisième tour, où les 58 conseillers généraux élirontleur président. Un scrutin à bulle-

tins secrets, réplique miniaturedes sénatoriales. « Nos candidats se sont tous engagés à voter pourmoi », assure Martine Vassal. Encoulisses, l’UMP compte et re-compte ses traîtres potentiels. « J’ai écrit à tous les maires pour leur assurer que je ne toucherai pasun centime à leurs financements »,assure la chef de file de la droite,comme on sort un talisman.

Pendant ce temps, M. Guérinimultiplie les prises de guerre. Il a attiré Lydia Frentzel, une des raresélues EELV au conseil municipal de Marseille, immédiatement suspendue par son parti, mais aussi Haouaria Hadj-Chikh, la co-listière de l’ex-président de l’OM,Pape Diouf. Mme Hadj-Chikh, qui s’aligne dans le 16e canton avec le PS Denis Rossi, voulait, en 2014, « changer la donne ». Elle estaujourd’hui soutenue par un des piliers les plus sulfureux de la po-litique marseillaise. « J’ai rencon-

tré Jean-Noël Guérini, reconnaît-elle, mais il ne m’a pas demandé devoter pour lui. Il m’a juste assuré que si je suis élue, j’aurais lesmoyens d’agir sur nos territoires. »

Au PS des Bouches-du-Rhône,les manœuvres guérinistes n’ontdéclenché aucune réaction offi-cielle. Pourtant, des binômes dé-signés par les militants en décem-bre 2014 ont été modifiés pour laisser place à des candidates liéesau président du conseil général.Et Loïc Gachon, maire PS de Vi-trolles, ira même au vote avec Vé-ronique Bourcet-Giner, Force du 13 revendiquée. Investie dans les quartiers sud de Marseille, Annie Lévy-Mozziconacci vit mal cequ’elle appelle « le silence du PS national » et s’interroge : « Si lepaysage est trop brouillé pour que je sois audible en tant que socia-liste intègre, à quoi cela sert-il queje sois candidate ? » p

gilles rof

Jean-Noël Guérini, le 29 janvier, à Marseille. BORIS HORVAT/AFP

« Les valeurs

de Guérini, c’est :

“Tu es contre moi

ou avec moi...” »

HENRI JIBRAYEL

député (PS,Bouches-du-Rhône)

LE CHIFFRE

3 000 C’est le nombre d’adhérents que la Force du 13 de Jean-Noël Gué-

rini assure avoir convaincus de-

puis sa création en novembre

2014. Un chiffre invérifiable mais

qui veut faire écho aux 4 000 mi-

litants que le PS des Bouches-

du-Rhône déclare désormais.

Demi-sanction pour le PS marseillaisLe rapporteur public demande le rejet des comptes, mais pas l’inéligibilité

marseille – correspondant

S ix des huit chefs de file de laliste PS-EELV aux électionsmunicipales de Marseille

devraient échapper au couperet de l’inéligibilité si le tribunal ad-ministratif se range aux conclu-sions que son rapporteur public a communiquées à la veille de l’audience, fixée mardi 3 février.

Le tribunal a été saisi par la Com-mission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui, fin novembre, a re-jeté six des huit comptes socialis-tes marseillais – un par secteur municipal. Cette décision frappe ladéputée Marie-Arlette Carlotti, ex-ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion du gouvernement Ay-rault, Christophe Masse, Eugène Caselli, Garo Hovsepian, Annie Le-vy-Mozziconacci et l’écologiste Ka-rim Zeribi. Patrick Mennucci et Sa-mia Ghali, maires des 15e et 16e ar-rondissements, ont vu leurs comptes validés. Confiés à un ex-

pert-comptable parisien, manda-taire habituel du PS, les huit comp-tes avaient donné lieu à un double dépôt, l’un avant la date butoir du 30 mai 2014, le second, rectifié et remis en forme, dix jours plus tard.

Une facture d’imprimerie n’avaitpas été ventilée dans les huit comp-tes de campagne, occasionnant desdifférences entre les deux dépôts. Un faible écart avait « sauvé » M. Mennucci et Mme Ghali mais, pour les six autres, la commission avait estimé que, « si des rectifica-tions mineures peuvent être admi-ses après le dépôt d’un compte de campagne, le dépôt (le dernier jour du délai légal) d’un compte inexact puis d’un compte profondément rectifié à l’expiration de ce délai ne répond pas aux obligations du code électoral ». Une confirmation du rejet du compte de campagne sesolderait par le non-rembourse-ment par l’Etat de 47,5 % du plafondlégal des dépenses. Le tribunal de-vrait rendre ses jugements d’ici une quinzaine de jours. p

luc leroux

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8 | france MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

0123

Notaires : le mea culpa d’Emmanuel Macron Devant les députés, le ministre de l’économie retire une des mesures les plus controversées de son projet

Emmanuel Macron estpassé maître dans l’art defaire amende honorable.S’il a des mots blessants à

l’encontre des salariés de l’entre-prise agroalimentaire Gad, il pré-sente ses excuses. Quand il réalise,après réflexion, qu’il se trompe surune mesure dans laquelle il croyait, il l’admet et « plaide cou-pable », même devant les députés. C’est à cet exercice de contrition publique que le ministre de l’éco-nomie s’est livré, lundi 2 février, lors de l’examen à l’Assemblée na-tionale du projet de loi sur « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».

M. Macron a reconnu ses tortssur l’un des volets les plus contro-versés du texte : la réforme de cer-taines professions réglementées (notaires, huissiers, greffiers de tri-bunaux de commerce, commis-saires-priseurs judiciaires, admi-nistrateurs judiciaires et manda-taires judiciaires). Celles-ci ga-

gnent leur vie en effectuant des actes dont le prix, à l’heure ac-tuelle, est le même pour tous, dansn’importe quel point du territoire – sauf exceptions prévues par la loi. Le gouvernement, lui, souhaiteinstiller une dose de concurrence dans ces secteurs d’activité en in-troduisant la flexibilité tarifaire pour certaines opérations (situées au-dessous et au-dessus d’un seuil donné). Le dispositif présenté lundi prévoyait de faire varier les prix autour d’une valeur de réfé-rence, avec une borne minimale etune borne maximale – d’où l’idée de « corridor tarifaire ».

Complexe

Problème : cette disposition, déjà très critiquée par la droite et par lesprofessionnels concernés – les no-taires, en particulier – n’avait pas que des partisans à gauche. Le rap-porteur général du projet de loi, Ri-chard Ferrand (PS, Finistère), et la rapporteure thématique, Cécile Untermaier (PS, Saône-et-Loire), avaient indiqué y être défavora-bles, la trouvant très complexe. Plusieurs députés craignaient éga-lement que des clients soient moins bien armés que d’autres pour parlementer sur les prix. Dans un rapport remis en décem-bre 2014 par Mme Untermaier et parPhilippe Houillon (UMP, Val-d’Oise), il était, de surcroît, fait état du « risque » que le corridor ta-

Le ministre de l’économie a ac-cepté que « son » corridor tarifaire soit remplacé par un autre disposi-tif, défendu dans un amendement de M. Ferrand, Mme Untermaier et d’autres députés de la majorité. Il permet aux professionnels de con-sentir des remises dont le mon-tant « est fixe et compris dans des li-mites définies » par les services de l’Etat. Ce mécanisme ne concerne que des opérations immobilières d’une ampleur intermédiaire ; les « petits » actes (par exemple de la vie courante) conservent un tarif fixe tandis que les transactions im-

mobilières les plus importantes restent rémunérées en fonction d’un pourcentage (sans possibilité de remise). A terme, l’Autorité de laconcurrence jouera un rôle-clé en proposant une grille de prix dont les ministères de l’économie et de la justice pourront s’inspirer pour établir le barème.

« Nous passons d’un corridor la-byrinthique à un corridor rectili-gne », s’est réjoui, sur le mode de laboutade, M. Ferrand. Mais la copie,même remaniée, n’a pas du tout convaincu l’opposition. Julien Aubert (UMP, Vaucluse) l’a jugée

encore plus complexe qu’à « l’état initial » : C’est un « Frankenstein législatif », s’est-il exclamé. Marc Le Fur (UMP, Côtes-d’Armor) a dé-noncé, de son côté, la logique « demarchands de tapis » qui va préva-loir désormais au sein de ces pro-fessions. D’un côté, « il y aura les grandes surfaces du droit qui ferontdes tarifs plus favorables », a-t-il prophétisé ; de l’autre, des études qui ne pourront pas s’aligner et se-ront contraintes de fermer leurs portes, ce qui débouchera sur la formation de déserts juridiques. p

bertrand bissuel

Emmanuel Macron, à l’Assemblée nationale, le 2 février. MARC CHAUMEIL/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

La Cour nationale du droit d’asile se met en grève Les rapporteurs de l’instance rattachée au Conseil d’Etat dénoncent leur cadence de travail

M ardi 3 février, la grandesalle des avocats de laCour nationale du

droit d’asile (CNDA) ne bruisse pas comme d’ordinaire du conseilde dernière minute donné auxdemandeurs d’asile… Une bonnepartie des 285 audiences de de-mande d’asile du jour n’aurontpas lieu.

Pour la deuxième fois de sonhistoire, la CNDA est en grève. Les rapporteurs et autres secrétaires

d’audience de cette juridictionfrançaise de l’ordre administratif, rattachée au Conseil d’Etat, dé-noncent leur cadence de travail.« Nous devons instruire 372 de-mandes d’asile chaque année. Or,c’est trop ! Derrière chaque dossier il y a une vie, un sort qui dépend denotre analyse », résume Adrien M., un des 150 rapporteurs, tenu à l’anonymat. « La pression qui pèsesur nos épaules devient de plus enplus lourde parce que les dossiers

des demandeurs d’asile sont deplus en plus complexes », confie le jeune homme, la trentaine, con-tractuel depuis trois ans, après quelques cours de droit donnés àl’université.

« Je viens de traiter le cas d’unSoudanais, dont la demande de protection a été rejetée par l’Ofpra, l’Office français pour les réfugiés etapatrides, explique-t-il. Ma recher-che géopolitique doit être assezfine pour que je comprenne ce qui s’est précisément passé dans le vil-lage d’où il dit venir. Est-ce que le demandeur a été persécuté ? Je dois aussi mettre au clair les ris-ques qu’il encourt en cas de retour dans son pays, en fonction de l’eth-nie à laquelle il appartient. Vousvoyez les enjeux. La pression sur chaque dossier est énorme. » Si lequota de 372 dossiers est resté sta-ble au fil des ans, la présidente de la CNDA, Martine Denis-Linton,reconnaît que la Cour demande aujourd’hui « un travail de référen-cement géoplitique très précis ».

Réforme du droit d’asile

Si cette dernière ne refuse pas de rediscuter le quota des 372 dos-siers, elle fixe comme préalable que les 23 % d’affaires qui font l’objet d’un renvoi n’apparaissent plus qu’une fois dans le dé-compte. Ce qui signifie qu’il fau-drait descendre en dessous de 310dossiers annuels pour voir la charge de travail s’alléger. La pro-chaine négociation est prévue vendredi 13 février.

La CNDA est au cœur de la ré-forme du droit d’asile engagée parla France sous la pression de

Bruxelles. Un texte adopté à l’As-semblée nationale en décem-bre 2014 vise à réduire de 19 à 9 mois le parcours du dossier d’undemandeur. Pour y parvenir,« l’Ofpra a bénéficié de 55 recrute-ments cette année, quand la CNDAn’en aura que 27 (dont 15 rappor-teurs) sur les trois ans à venir », re-grette Sébastien Brisard, secré-taire général adjoint du Syndicat indépendant des personnels duConseil d’Etat (Sipce, affilié à l’UNSA Justice), un des trois syndi-cats qui, avec la CGT et FO, appel-lent au débrayage. En 2011, la Couravait déjà pu recruter 40 rappor-teurs supplémentaires.

Me Gilles Piquois, président duréseau d’avocats pour le droitd’asile, se réjouit que les rappor-teurs « réagissent enfin sur les con-ditions de production qui leur sontopposées ». Et reconnaît que« l’instruction est d’autant plus dif-ficile qu’elle suppose une analyse critique du traitement des deman-des par l’Ofpra qui sont souventd’une grande mauvaise foi ». Lors de leur examen à l’Ofpra, 83 % desdossiers sont rejetés. La CNDA enrepêche 11 %. p

maryline baumard

rifaire favorise « les grosses études, celles qui auront le plus de clients etqui pourront se permettre de pro-poser le prix plancher alors que d’autres seront amenées à prati-quer systématiquement le prix pla-fond pour se maintenir à flot ».

« Je n’avais pas vu l’effet perversque cette mesure pouvait avoir du côté de la demande, a déclaré, lundi, M. Macron, dans l’Hémicy-cle. Certains usagers auraient été en mesure de pouvoir négocier letarif vers le bas, d’autres non, et ça aurait créé des effets pervers quantà l’égal accès au droit. »

« Je n’avais pas

vu l’effet pervers

que cette mesure

pouvait avoir

du côté

de la demande »

EMMANUEL MACRON

ministre de l’économie

« Nous devons

instruire 372

demandes d’asile

chaque année,

c’est trop ! »

ADRIEN M.

rapporteur de la CNDA

JUSTICEAffaires des pénalités de l’UMP : M. Copé entendu par les jugesL’ancien patron de l’UMP Jean-François Copé était en-tendu, mardi matin 3 février à Paris, par les juges finan-ciers qui enquêtent sur le paiement par son parti des pénalités infligées à Nicolas Sarkozy par le Conseil consti-tutionnel. Ce dernier avait re-jeté les comptes de la campa-gne présidentielle de 2012 de M. Sarkozy, en raison du dé-passement du plafond des dépenses autorisées de 22,5 millions d’euros. – (AFP.).

Sept ex-dirigeants d’EADS renvoyés en correctionnelleSept anciens dirigeants d’EADS, devenu Airbus Group, ont été renvoyés devant le tri-bunal correctionnel lundi 2 février, pour délit d’initiés, dans une nouvelle ordon-nance du juge d’instruction Serge Tournaire. Les sociétés Lagardère et Daimler sont aussi renvoyées. Le procès, dé-but octobre 2014, avait été ajourné après deux journées d’audience, le tribunal correc-tionnel de Paris ayant cons-taté des « imprécisions et irré-gularités » dans l’ordonnance de renvoi. La tenue du procès est suspendue à l’examen de deux questions prioritaires de constitutionnalité. – (AFP.)

POLICEHuit djihadistes présumés interpellésHuit individus soupçonnés d’être impliqués dans une fi-lière djihadiste vers la Syrie ont été interpellés mardi 3 fé-vrier, a annoncé le ministre

de l’intérieur, Bernard Caze-neuve. Les suspects ont été arrêtés dans les régions pari-sienne et lyonnaise et placés en garde à vue.

SYNDICATSM. Mailly dénonce la ligne « libérale-sociale régressive » de l’exécutifLe secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, a ouvert, lundi 2 fé-vrier, à Tours, le 23e congrès du troisième syndicat fran-çais en dénonçant l’« orienta-tion politique économique li-bérale-sociale régressive de l’exécutif ». « Il ne saurait y avoir d’unité nationale sur les questions économiques et so-ciales », a averti M. Mailly de-vant les délégués. Selon le se-crétaire général, « on ne restaure pas le pacte social et républicain en détricotant les droits sociaux ».

FRONT NATIONALDieudonné : Mme Le Pen et les « limites » de la liberté d’expressionLa présidente du FN, Marine Le Pen, bien qu’elle a qualifié d’« ignoble » et de « scanda-leux » le tweet de Dieudonné qui avait écrit « Je suis Charlie Coulibaly », doute de l’oppor-tunité de la réponse judi-ciaire. « Maintenant tout le problème de la liberté d’ex-pression, c’est où on met les li-mites : est-ce qu’on se con-tente d’une condamnation politique parce que Dieu-donné se pique maintenant de faire de la politique, ou est-ce qu’on saisit les tribunaux ? », s’est interrogée Mme Le Pen, lundi 2 février, sur la chaîne d’information israélienne i24news.

LE CONTEXTE

PLAINTEEmmanuel Macron a déclaré, lundi 2 février à l’Assemblée na-tionale, avoir porté plainte après avoir reçu des « menaces de mort ». Sollicité par Le Monde, son entourage n’a pas souhaité faire de commentaire, « une pro-cédure étant en cours ». Il y a quelques jours, plusieurs dépu-tés de la majorité s’étaient plaints du « lobbying agressif » des notaires. Le Conseil supé-rieur du notariat a condamné, le 29 janvier, « les quelques dérapa-ges et interpellations directes et injurieuses (…) envers certains élus (...) signe d’une profession extrêmement inquiète (...). »

Le décryptagede l’éco

du lundi au vendredi à 8h10

avec Vincent Giret,

journaliste auMonde

avec

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0123MERCREDI 4 FÉVRIER 2015 france | 9

A Lille, des SDF prennent leur relogement en mainUn collectif a réussi à trouver un appartement à 156 sans-abri depuis 2011, en démarchant les bailleurs

REPORTAGE

lille - envoyée spéciale

Alors que le nombre desans domicile fixe abondi de près de 50 %depuis 2001 et que les

dispositifs publics « en sont par-fois réduits à devoir gérer la file d’attente », comme le rappelle le vingtième rapport annuel de laFondation Abbé-Pierre, publié mardi 3 février, un collectif de SDF lillois a décidé de prendre les choses en main.

Tout a démarré en mai 2011, sousles arbres du « Parc rouge » à Lille. Gilbert Pinteau, 51 ans aujourd’hui, et deux compagnons d’infortune viennent de se faire mettre à la porte du foyer de l’Ar-mée du salut. Une fois de plus, ils se retrouvent à la rue. Leur tort : avoir revendiqué les droits des ré-sidents, critiqué les conditions d’hébergement… « On a décidé de se passer des structures d’accueil et de chercher nous-mêmes un loge-ment, le collectif SDF Lille était né »,raconte cet ancien forain, rencon-tré dans un sous-sol rempli de meubles et de vêtements, que, pas rancunière, l’Armée du salut lui prête pour son association.

« Par l’intermédiaire d’un ami,j’ai téléphoné à une commerçante connue, à Lille, pour son grand cœur et pour être à la tête d’un pa-trimoine de 140 logements. Elle aaccepté de me louer un studio à condition que je produise une at-testation d’assurance, raconte-t-il. Je n’avais pas d’argent : la “Sainte Touche”, le versement de mon al-location handicapé, tombe le 7 du mois… Elle m’a avancé le montant de la prime et m’a donné la clef. »

A cette époque, Gilbert Pinteaune connaissait pas le Fonds soli-

darité logement (FSL), qui peut subventionner le premier mois de loyer, la caution, donne 70 euros pour l’assurance et offre au bailleur une garantie d’impayéde dix-huit mois. Disposer de son propre logement, cela ne lui était pas arrivé depuis ce jour de 2001 où il a tout perdu : sa femme, son boulot et son logement.

Bouche-à-oreille

Grâce à ce collectif, devenu une as-sociation de 85 membres, 156 SDF lillois ont été relogés. Sa mé-thode : prospecter des logements sur le site Le Bon Coin, appeler les propriétaires, leur demander s’ils acceptent de louer à des sans-abri avec l’accompagnement du collec-tif et l’aide du FSL. « Au début, nous avons essuyé 80 % de refus. Aujourd’hui, nous sommes à 25 % ! Le bouche-à-oreille fonctionne »,se réjouit Gilbert Pinteau, qui se remémore tous ses succès de réin-sertion : Quentin (qui n’a pas communiqué son patronyme), qui travaille désormais chez Toyota, Stéphane, qui a repris desétudes et est devenu responsable d’un centre équestre… « C’est vrai que j’en suis fier », avoue-t-il.

« Le deuxième propriétaire quim’a dit “Banco !”, c’est Kader, un type génial qui n’envisage plus, maintenant, que de louer à ceux envoyés par le collectif, puis une dame à l’accent des pays de l’Est, qui nous a confié d’abord un, puis deux et trois grands appartements, pour des colocations », explique Gilbert Pinteau. « Lorsque je reçois un SDF, je ne lui demande pas de ra-conter son histoire, mais ce qu’il at-tend de nous, ce qu’il veut comme logement, dans quel quartier, la rè-gle étant de ne pas dépasser 400 euros par mois », assure-t-il.

Greg Choquy a été mis à la portede chez lui à 18 ans. Il a enchaîné petits boulots, galère, manche, squat durant douze ans. En juin 2014, il a été relogé en sept jours. « Les trois premiers mois ont été difficiles. Je me sentais enfermé, j’avais toujours envie de sortir, j’achetais de la nourriture comme si je vivais encore dehors… se sou-vient-il. Il faut réapprendre à faire le ménage, la vaisselle, la cuisine, à payer des factures… Le soutien du collectif est important. »

Pendant les premiers mois quisuivent l’emménagement, le compagnonnage est hebdoma-daire : « En fin de mois, on apporteun colis alimentaire car on sait que c’est le moment difficile, expli-que Gilbert Pinteau, et si tout va bien pendant les trois premiersmois, les rendez-vous s’espacent. Au bout de six mois, on fait un vraibilan. Quant à retrouver une acti-vité, on commence par du temps partiel et on voit. »

Aucun incident

Sur les 156 relogés, il n’y a eu aucun incident. « Certaines gros-ses associations étaient sceptiques, ça leur paraissait bizarre qu’on trouve des logements tout de suite… », se souvient M. Pinteau. Le seul soutien est une aide de 20 000 euros de la Fondation Ab-bé-Pierre et quatre éducateurs em-bauchés dans le cadre de la veille saisonnière jusqu’au 31 mars. Toutce que le collectif demande à ceux qu’il a soutenus, c’est d’aider les

suivants. Ainsi, Greg Choquy est, depuis décembre 2014, secrétaire de l’association.

« Cette expérience bouscule lapratique des professionnels del’hébergement d’urgence, recon-naît Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, qui a soutenu l’initiative. Ilnous faut mieux prendre encompte la parole et l’expérience des sans-abri. » C’est d’ailleursl’autre combat de Gilbert Pinteau et de son collectif : faire respecter la loi de 2002 qui prévoit que les résidents d’un centre d’héberge-ment aient voix au chapitre :« On ne nous entend pas assez.Pourquoi, à Lille, où il y a 60 espa-ces d’accueil de jour, un seul pro-pose une machine à laver et un sè-che-linge ? Avec des habits sales, il est impossible de démarcher pour un logement ou du travail », plai-de-t-il. Le collectif SDF Lille fait des émules : il y en aura bientôtun à Marseille. p

isabelle rey-lefebvre

« En fin de mois,

on apporte un

colis alimentaire,

car on sait que

c’est le moment

difficile »

GILBERT PINTEAU

responsable associatif

« Une massificationde la précarité » en 2014

V oilà vingt ans que, fautede statistiques de l’Etat, laFondation Abbé-Pierre

(FAP) dresse l’état des lieux du mal-logement en France. Son der-nier diagnostic, publié mardi 3 fé-vrier, est implacable : le phéno-mène s’enracine et se stabilise à un haut niveau (3,5 millions de personnes mal logées) sous l’effetd’une crise interminable. Plus grave, « les dispositifs imaginésdans les années 1990 sont à bout desouffle et s’empilent, illisibles, ce quialimente le sentiment d’injustice », tranche Christophe Robert, nou-veau délégué général de la FAP.

Le 115, numéro d’urgence pourles sans-abri, a, lors de l’hiver 2013-2014, reçu 355 000 demandes d’hébergement mais ne dispose que de 140 000 places et recourt de plus en plus fréquemment aux nuitées d’hôtel : près de 40 000 en 2014. Le droit au logement op-posable, créé par la loi Boutin en 2007, a reconnu 147 000 per-sonnes prioritaires mais 55 000 restent sans solution. Le nombre de demandeurs d’un logement so-cial atteint 1,8 million, alors que seules 467 000 HLM sont attri-buées chaque année, satisfaisant moins d’un quart des demandes.

« On assiste à une massificationde la précarité, avec une emboliedes dispositifs comme le 115, et des centres d’hébergement compres-sés entre, en amont, une demande qui croit fortement et, en aval, desrelogements de plus en plus aléa-toires », juge Christophe Robert. Seuls 44 % des sortants d’un cen-tre d’hébergement et de réinser-tion sociale ont accédé, l’hiverdernier, à un logement, contre 63 % en 2009. La demande est lar-gement sous-estimée et en partie invisible car beaucoup de person-nes, découragées, renoncent à

solliciter une aide. De 70 000 à 120 000 sans-abri campent à l’an-née, les bidonvilles prolifèrent – 429 recensés en 2014, abritant en-tre 15 000 et 20 000 personnes –, de nouvelles formes de précarité apparaissent, des logements mal chauffés, des propriétaires suren-dettés ou écrasés par les charges…

Année blanche

« 2014 est, pour nous, une année blanche pour les mal-logés : on a vu se réorienter la politique vers les plus aisés, l’assouplissement du dis-positif fiscal Duflot, devenu Pinel, l’abandon de l’encadrement des loyers et de la garantie universelle locative », tempête Patrick Doutreligne, qui présente son der-nier bilan en tant que délégué gé-néral de la FAP, avant son départ en retraite. Le contrat semble rompu entre les associations et François Hollande, qui promet-tait, pendant sa compagne prési-dentielle, en 2012, un plan quin-quennal de lutte contre la pau-vreté.

« Face au lobby des assurancesqui a torpillé la garantie univer-selle des loyers, à celui des proprié-taires et des agents immobiliersqui a sapé la volonté d’encadrer lesloyers, à celui des maires qui refu-sent le logement social, et avec un Etat affaibli, que pèse la voix des mal-logés ? », demande Pa-trick Doutreligne. Sylvia Pinel,ministre du logement, a annoncé mardi, en guise de réponse, unplan pour mettre fin au recours aux nuitées d’hôtel. « L’Etat mobi-lisera 105 millions d’euros, sur trois ans, et proposera des héberge-ments alternatifs et accompagnés, notamment dans le parc privé », annonce-t-elle. Pas sûr que cela suffise à calmer les inquiétudes. p

i. r.-l.

LES CHIFFRES

Parmi les 3,5 millions de personnes mal logées en France, on compte :

141 500personnes sans domicile fixe

19 485en résidence sociale ou foyer

38 000en chambre d’hôtel

85 000en camping et habitat

de fortune

411 000hébergées chez des tiers

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10 | france MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

0123

Procès Carlton : « Le tribunal n’est pas le gardien de l’ordre moral »Au premier jour du procès de quatorze prévenus pour proxénétisme aggravé, le président a fixé un cadre aux trois semaines de débats

lille – envoyée spéciale

Si l’on juge un président à lafaçon qu’il a de prendre lamain au premier jourd’une audience à hauts ris-

ques, alors Bernard Lemaire a réussi l’épreuve d’entrée. En dix minutes, lundi 2 février, le prési-dent du tribunal correctionnel de Lille, qui va juger l’affaire du Carl-ton, a fixé un cadre, un viatique, à ces trois semaines de débats : ladécence, le respect mutuel et le droit.

La décence, c’est ce qui manquele plus à une affaire dans laquelle les pratiques sexuelles des préve-nus, et tout particulièrement duplus célèbre d’entre eux, Domini-que Strauss-Kahn, occupent l’es-sentiel de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal. « La sexualité aété longuement abordée. Les dé-clarations des jeunes femmes en-tendues pendant l’enquête font

état de multiples détails ou d’anec-dotes », a relevé Bernard Lemaire, en soulignant que chacun – juge, enquêteurs de police et préve-nus – y était allé de sa définition de la prostitution, de l’escort ou du libertinage ou de ce que devait être une « sexualité normale ».

Dans ces méandres, le présidentne compte pas s’avancer à sontour. « Le tribunal, a-t-il déclaré, n’est pas le gardien de l’ordre mo-ral, il est celui du droit et de sa bonne application. Il n’entend donc pas revenir sur ces détails, cesanecdotes, mais évoquer les faits pour les évaluer uniquement sous l’angle de la qualification pénalede proxénétisme aggravé » repro-chée aux quatorze prévenus.

Avec la même fermeté cour-toise, il a dressé en quelques phrases l’architecture d’un dos-sier et de ses « cercles ». Au cœur,il a placé René Kojfer, l’ex-chargéde la communication des deux

hôtels, le Carlton et Les Tours, dans lesquels avaient lieu des ren-contres tarifées entre des prosti-tuées et un certain nombre de no-tables de Lille. « Lui, il connaît toutle monde. Il s’est même vanté d’êtreplus connu à Lille que Pierre Mau-roy ! », a relevé le président.

Cercles d’amitié d’abord, no-

tamment celle qui lie René Kojfer à Dominique Alderweireld, dit « Dodo la Saumure », qui se fré-quentent depuis quarante-cinq ans. Qui lie aussi depuis vingt-cinq ans René Kojfer à Da-vid Roquet, l’ex-directeur d’une fi-liale du groupe de BTP Eiffage et organisateur des rencontres avec Dominique Strauss-Kahn.

« Contexte extraordinaire »

Cercles de la franc-maçonnerie en-suite, dont sont membres six des treize personnes poursuivies et à propos de laquelle le président a tenu à citer cette phrase de l’un desprévenus : « La franc-maçonnerie n’est pas une bande organisée. »

A cet instant, Bernard Lemaires’est tourné vers Dominique Strauss-Kahn et l’a appelé à la barre. D’un pas lent, l’ex-directeur du Fonds monétaire internatio-nal (FMI) s’est avancé en rebou-tonnant sa veste.

« Connaissez-vous René Kojfer etDominique Alderweireld ?

— Je les ai vus pour la premièrefois aujourd’hui.

— Etes-vous allé dans les établis-sements de Dominique Alderwei-reld [des clubs et des maisons derendez-vous en Belgique] ?

— Jamais.— Avez-vous fréquenté le Carl-

ton ?— Jamais.— L’Hôtel des Tours ?— Pas plus.— Vous pouvez vous asseoir. »Le président a repris la parole

pour un dernier avertissement. « Ce dossier s’est embrasé dès le

début », a-t-il observé, enrappelant le « contexte extraor-dinaire » dans lequel il avait été

instruit, en 2011, quelques moisaprès la chute, à New York, du di-recteur du FMI, qui était alors aussi

Affaire Pastor : le gendre et le coach face à faceLes deux commanditaires présumés de l’assassinat de la milliardaire ont été confrontés lundi

marseille – correspondant

L es deux principaux sus-pects dans l’assassinat de larichissime héritière moné-

gasque Hélène Pastor ont été con-frontés, lundi 2 février, dans le ca-binet du juge d’instruction mar-seillais Christophe Perruaux.L’audition commune de WojciechJanowski, 65 ans, gendre de la mil-liardaire et influent consul de Po-logne à Monaco, et de son ancien coach sportif, Pascal Dauriac, 46 ans, masseur et professeur de gym à domicile pour la jet-set de la Côte d’Azur, a duré à peine une heure et demie. Lors de ce pre-mier face-à-face, les deux hom-mes n’ont pas bougé d’un iota dans leurs explications. Ils s’accu-sent mutuellement d’avoir joué lepremier rôle dans ce scénario cri-minel au cœur d’une des plus ri-ches familles du Rocher.

Hélène Pastor et son major-dome avaient été mortellement blessés avec un fusil de chasse, le6 mai 2014, devant l’hôpital L’Ar-chet de Nice. Pascal Dauriac avait dès les premières heures de sa garde à vue, en juin, admis êtrel’organisateur de ce « contrat »,son metteur en scène. Par l’inter-médiaire de son beau-frère mar-seillais, il avait recruté les deuxauteurs de ce double assassinatcommis contre la somme de 100 000 euros.

Depuis son incarcération au cen-tre pénitentiaire d’Aix-en-Pro-

vence (Bouches-du-Rhône), Pascal Dauriac a livré au juge les détails de ce projet criminel fomenté, se-lon lui, depuis l’automne 2013 par son employeur, Wojciech Ja-nowski. Il a expliqué un patient « embrigadement », une « mani-pulation » sournoise.

« Il avait sur moi une emprise to-tale, s’est-il confié au juge. Il aréussi à me faire faire ce qu’il vou-lait. Il avait pris une sorte d’ascen-dance sur moi, j’avais l’impression de subir et d’attendre ses ordres. » Pascal Dauriac ira jusqu’à avouer :« Je me suis dit que ce mec, c’était Dieu. » Il se serait laissé « condi-tionner » à l’idée qu’il fallait élimi-ner une belle-mère « décrite par Janowski comme un monstre sans cœur et sans pitié », harcelant sa fille Sylvia.

« Double visage d’un Janus »

Sous cette domination, il avait pris contact avec les hommes de main marseillais dans un bar du Vieux-Port, transmis les ordres, opéré les repérages avec les Mar-seillais, dix jours avant les faits. Etpromis 20 000 euros de plus s’ils arrivaient à voler le sac d’HélènePastor pour laisser croire à un crime crapuleux et 20 000 autres s’ils « liquidaient » le chauffeur,Mohamed Darwich, pour « brouiller les pistes ». Des ca-deaux – billets d’avion pour la Thaïlande, séjours offerts à Lon-dres, rachat de sa voiture tout enlui laissant l’usage – auraient

amadoué le coach auquel l’argent du contrat était remis petit à petit,glissé dans son sac de sport dansla salle de massage. La promesse d’une maison de gardien à Mo-naco lui aurait été faite.

« Tissu de mensonges ! », s’estemporté Wojciech Janowski dans le bureau du juge d’instruction, rapporte un avocat. Après avoir d’abord avoué avoir commandité l’assassinat de sa belle-mère, le 26 juin 2014 en garde à vue, le com-pagnon de Sylvia Pastor depuis vingt-huit ans se présente commela victime d’un Pascal Dauriac dé-crit comme maître chanteur etracketteur. En décembre 2013 puis en février 2014, il lui aurait remisdeux fois 200 000 euros en échange de ce qui lui aurait été présenté comme un contrat deprotection de la famille Pastor.

« J’étais comme obligé, c’étaitteinté de menaces même si les me-naces n’étaient pas là. Lorsque j’ai dit que je refusais de continuer à payer, sa réponse a été : “On

verra.” » Cette informelle protec-tion visait, selon lui, à protéger la fille du couple d’un kidnapping. La compagne de Wojciech Ja-nowski, Sylvia Pastor, ne croit pas à cette hypothèse du chantage.Elle dépeint le coach comme « un pauvre bougre portant les mêmes vêtements et roulant dans sa mo-deste Twingo ». « C’est impossible qu’il ait pu prendre un ascendant psychologique. Wojciech est un homme au caractère très fort quin’a peur de rien », dit-elle au juge.

La relation entre ces deux hom-mes aux versions diamétrale-ment opposées s’impose comme la question centrale de ce dossier. Les avocats de Wojciech Janowski, Mes Erick Campana et Jean-Claude Guidicelli, n’écartent pas l’hypo-thèse que le coach puisse « avoir le double visage d’un Janus ».

L’un des exécutants présumésdu contrat l’a dépeint comme « unbeau voyou ». L’avocat de M. Dau-riac, Me Jean-Robert Nguyen Phung sourit de ce portrait. « Pas-cal Dauriac dit des choses simples, assume tout. Alors le commandi-taire, Janowski, tape sur Dauriac pour tenter de sauver sa peau. Et lesexécutants tapent sur Dauriac pour diminuer leur part de respon-sabilité. » Dans une lettre écrite de-puis sa prison et versée au dossier,le professeur de gym a écrit : « Il nesuffira pas d’un siècle pour que jeregrette et m’excuse d’avoir été em-barqué dans cette histoire. » p

luc leroux

L’HISTOIRE DU JOURQuand Banier a dû se résignerà accepter beaucoup d’argent

F rançois-Marie Banier a un défaut : il ne sait pas dire non.Quand Liliane Bettencourt a voulu le couvrir d’or, il ditavoir refusé « très souvent ». Mais l’héritière de L’Oréal en a

été si fâchée qu’il a dû se résigner à accepter. Il a aussi un culot et un bagout qui lui permettraient de vendre des rayures à un zè-bre : le photographe a passé avec désinvolture la journée du lundi2 février à répondre à côté des questions du président du tribunalde Bordeaux, lors de l’examen des faits pour « abus de faiblesse ».

La manne a commencé avant la faiblesse de Liliane. L’Oréal lui aversé 4,5 millions de francs (686 000 euros) pendant une dizained’années ; le directeur juridique de la multinationale trouvait pourtant sa prestation cosmétique – le photographe en rit : « Ça prouve qu’entre le juridique et l’artistique, il y a un fossé. » Et, de 1997 à 2005, l’aimable Liliane lui a fait devant notaire des dona-tions de 108 millions d’euros. « “J’ai une fortune qui me permet defaire ceci”, me disait Mme Bettencourt. “Je ne touche en rien au patri-moine familial. Mes dividendes, c’est ma marge de liberté.” »

En septembre 2006, la dame a fait une mauvaise chute aux Ba-léares et s’en remet difficilement.C’est la période qu’ont retenue les ju-ges d’instruction pour dater « l’abus defaiblesse » qui amène Banier devant letribunal. Mme Bettencourt lui donneencore 2 millions de francs suisses enoctobre ; le 18 décembre, 11 millionsd’euros. En 2007, rien. « Le Père Noëln’est pas passé ? », grince le président.Entre-temps, Françoise BettencourtMeyers, la fille de Liliane, a porté

plainte. En 2008, la milliardaire offre encore 3 millions en livresprécieux, 1,2 million en 2009, dont un tableau de Munch.

François-Marie Banier avait obtenu par ailleurs dans une cer-taine précipitation une assurance-vie de 262 millions d’euros… Le 14 septembre 2006, l’avenant est signé par Liliane, l’accepta-tion par lui-même, et les lettres envoyées dans deux enveloppesde deux bureaux de poste différents… « Pourquoi ne pas passer devant un notaire ?, demande le président. Ce n’est pas une pairede chaussettes qu’elle vous donne. » « Je l’ai fait parce qu’elle étaitdans une colère terrible, répond le prévenu. Je n’avais absolu-ment pas besoin de toute cette fortune. » p

franck johannès (bordeaux, envoyé spécial)

FRANÇOIS-MARIE BANIER A UN BAGOUT QUI PERMETTRAIT DE VENDRE DES RAYURES À UN ZÈBRE

Wojciech

Janowski

et Pascal Dauriac

s’accusent

mutuellement

d’avoir joué

le premier rôle

de l’autre à s’exprimer librement, même s’il a des intérêts divergents. Je vous demande de respecter ce grand et beau principe de la liberté d’expression. » Un président démi-neur pour un dossier miné, on ne pouvait espérer mieux à l’aube deces trois semaines de procès. p

pascale robert-diard

le potentiel candidat socialiste à l’élection présidentielle.

« Le tribunal voudrait le juger dela manière la plus ordinaire qui soit.La durée des débats doit permettre à chacun d’entre vous de s’exprimerou de ne pas s’exprimer, car c’est aussi un droit. Ce que je souhaite-rais, c’est que chacun veille au droit

Dominique Alderweireld et sa compagne, Béatrice Legrain.

Me Hubert Delarue, avocat de René Kojfer. ILLUSTRATIONS : FRANÇOIS BOUCQDominique Strauss-Kahn.

L’avocat EricDupond-Moretti

face au procureurde la République.

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L’infortunée veuvedu « Vieux »

Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, veuve de l’ex-présidentde la Côte d’Ivoire, sort de son silence pour réclamer sa part d’héritage vingt ans après la mort de son mari

joan tilouine

bossey (haute-savoie) – envoyé spécial

Son élégance a ébloui les plus puis-sants. Lorsqu’elle était aux côtésde feu son mari, Félix Houphouët-Boigny, premier président de laCôte d’Ivoire de 1960 à 1993, cette« princesse baoulé » sortait du lot.

« Partout où j’allais, je transcendais, ditaujourd’hui sans modestie excessive Marie-Thérése Houphouët-Boigny, 84 ans. Et c’est d’ailleurs aussi pour ma beauté qu’il m’a choi-sie. »

Mais qu’il lui semble loin, ce temps des fas-tes et des palais présidentiels, des dîners avec le couple impérial d’Iran, les Kennedy, les de Gaulle, les Chirac ou Senghor… « J’étais aussi la chouchou du pape Jean Paul II », dit-elle en souriant. Loin, très loin de cette pro-priété perchée sur la route vicinale de Bossey (Haute-Savoie), village français à la frontière suisse, où elle vit retranchée depuis des an-nées. Entre la télévision et la broderie, elle s’ennuie. Même la très belle vue sur Genève ne la console pas. C’est là, dans les coffres des banques, que s’est évaporée la fortune dontelle pensait hériter.

Celle qui fut surnommée la « Jackie Ken-nedy noire » a vu son charme immortalisé par Andy Warhol. Au bras du « Vieux », comme était appelé son mari, médecin et planteur devenu député et ministre d’Etatfrançais avant de mener son propre pays à l’indépendance, elle fut l’icône chic et gla-mour du « miracle ivoirien » des années 1960 et 1970. Elle avait à peine 30 ans. Lui, le double.

Un domestique en livrée apporte le cham-pagne. Marie-Thérèse, pétulante et à peine ri-dée malgré son âge, admet avoir abusé des fê-tes et des tapis verts. Le président vieillissant avait d’ailleurs sollicité le sulfureux Paul Bar-ril, ancien officier de la gendarmerie fran-çaise, pour enquêter sur un Napolitain issu dela Mafia qui courtisait la première dame afin de décrocher le permis d’ouvrir un casino à Abidjan. C’était au printemps 1993. Quelques mois plus tard, le 7 décembre, le « Vieux »s’éteignait. La nation ivoirienne perdait son père et Marie-Thérése Houphouët-Boigny sesmillions. « Au lieu de passer votre temps à des funérailles invraisemblables, vous auriez dûvous précipiter ici comme les autres, lui lâche, en mars 1994, un banquier suisse d’UBS. Vo-tre belle-fille a déjà tout pris. »

Dès la mort d’Houphouët-Boigny, avocats etnotaires parisiens, suisses et ivoiriens ont tenté de recenser cet héritage, difficile à esti-mer − en tout cas l’une des plus grosses fortu-nes de la planète. Tout en prenant leur part, ils l’ont partagé entre leurs mandants : Marie,Guillaume, François et Augustin, les quatre enfants de Khadija Racine Sow, la premièrefemme, dont Houphouët-Boigny divorcera pour épouser vingt-deux ans plus tard, en 1952, Marie-Thérèse.

Ces héritiers, Parisiens très discrets qui vi-vent toujours sur la fortune de leur père, onttout fait pour écarter la belle-mère qu’ils ab-horrent. Contactés par Le Monde, ils n’ont passouhaité répondre à nos questions. Un, voire plusieurs testaments pourraient avoir été ré-digés, mais aucun n’est encore apparu. Les en-fants, en accord avec Henri Konan Bedié, le successeur du « Vieux », ont fait valoir l’exis-tence d’un legs verbal.

Il a en revanche rédigé en juillet 1970, à Ge-nève, des legs particuliers concernant cer-tains de ses biens, en faveur de Marie-Thérèseet des quatre enfants du premier mariage.« Le président m’avait remis une enveloppeavec ces trois legs, à ne pas ouvrir avant sa mort, murmure la veuve, dont le visage s’estrefermé. Il y avait deux comptes à Genève et à Zurich, et le contenu d’un coffre chez UBS à Ge-nève. Mais les autres ont tout pris. »

Parmi les artisans du « partage », on re-trouve deux notaires parisiens : Me Paul Chardon, radié en 2003 de l’ordre de la Légiond’honneur alors qu’il en portait le grade de commandeur, décédé depuis, et Me Jean-Mi-chel Normand, qui sera plus tard interrogé sous le « régime de la garde à vue » dans l’af-faire Bettencourt. Aujourd’hui à la retraite, cedernier a également refusé de répondre à nos

questions. Selon des comptes de l’étude Char-don, que Le Monde a pu consulter, plus de 2,5 millions de francs français (380 000 eurosenviron) d’honoraires ont été débités de la succession Houphouët-Boigny entre 1994 et 2004, ainsi qu’un million pour les frais di-vers, dont de nombreux voyages en Suisse.

« Le président m’avait confié qu’il avait réglétoutes les questions de succession avec le no-taire français Jean-Michel Normand, poursuit l’ex-première dame. Quand je me suis présen-tée à son étude parisienne, il s’est excusé de me dire que j’avais perdu la tête ! »

SENTIMENT D’INJUSTICE

A Bossey, les visiteurs se font rares. Parfois, Ca-therine Bokassa, veuve de feu l’empereur cen-trafricain autoproclamé, vient y bavarder en-tre deux rendez-vous médicaux à Genève. Lereste du temps, Marie-Thérèse s’occupe, comme elle dit. « J’ai tricoté des bonnets pour les enfants des domestiques. Il fait froid, ici, pour les Ivoiriens. »

Dans le salon trône une belle commodeLouis XV en marqueterie et écailles rouges,unique meuble qu’elle a pu récupérer de l’hô-tel de Masseran, propriété parisienne de 3000 m2 rachetée en 1978 par Houphouët-Boigny au baron Elie de Rothschild pour 60 millions de francs, réglés en espèces. La présidence ivoirienne mène actuellementdes travaux dans cet hôtel particulierqu’Henri Konan Bedié était parvenu à ex-

traire de la succession pour l’intégrer dans lepatrimoine de l’Etat, sans dédommager la veuve.

En 1994, celle-ci s’isole d’abord quelquesmois dans sa villa de Cocody, une commune huppée du département d’Abidjan, puis s’en-vole pour trois ans vers Nassau, capitale des Bahamas. Le jour, elle gère une boutique d’ar-tisanat africain et s’initie à la pêche. La nuit, elle noie sa mélancolie dans les casinos des Caraïbes. Pendant ce temps, entre Paris, Ge-nève et Abidjan, l’héritage de son mari conti-nue de se vider comme un sablier. Elle revients’installer à Bossey à la fin des années 1990.

Près de quinze ans s’écoulent avant qu’ellese décide à agir, sur les conseils de son avocat,Me Jean-Paul Baduel, et de ses derniers fidèles.Un sentiment d’injustice pousse aussi cettefemme qui dit vivre principalement d’une pension de 1 700 euros versée par l’Assembléenationale (les domestiques de Bossey, eux,sont payés par Abidjan). « Il m’ont volé vingt ans de vie, s’exclame-t-elle. Avec de l’argent,j’aurais pu rendre des Ivoiriens heureux. Et vi-vre mieux. J’en ai assez de dépendre du bonvouloir de la présidence ivoirienne pour ache-ter mes billets d’avion. »

Si bien que, en septembre 2013, elle porteplainte contre X au tribunal de grande ins-tance de Paris pour faux et usage de faux, re-cel d’escroquerie et recel successoral. Dans leviseur, une escouade d’avocats et de notaires français et ivoiriens, ainsi que l’ancien direc-

teur du protocole de son mari. Le dossier est confié à la brigade financière. L’ancienne pre-mière dame dépose aussi plainte contre UBSà Genève.

Si l’enquête en France stagne, elle devraitêtre entendue en février par le parquet de la République de Genève. Ces deux actions sont notamment fondées sur les legs particuliers de 1970, dont elle a une copie. Mais elle conti-nue de croire qu’un testament plus complet existe quelque part. Peut-être au Vatican,comme le bruit en a couru en raison des liensétroits entre le « Vieux » et le Saint-Siège. Dans une missive adressée au pape François en novembre 2014, Marie-Thérèse implore le Vatican de lui en remettre une copie, « pour qu’enfin les volontés de [son] mari soient res-pectées et qu’il soit mis un terme au pillage desavoirs familiaux ».

L’ex-première dame se retrouve embarquéedans une véritable guérilla judiciaire. « Tout est à régler, c’est comme si le président venait de mourir », soupire-t-elle. Elle a remporté quelques manches, notamment en prouvant que le document de séparation de biens entreelle et le « Vieux » était un faux, fabriqué à Abidjan.

SEPT HÉRITIERSDans les documents consultés par Le Monde, un nom revient souvent, celui de Philippe Ri-deau, tantôt exécuteur d’un testament dont l’existence n’est pas avérée, tantôt manda-taire des quatre enfants du premier mariage. C’est lui que la veuve accuse aujourd’hui d’avoir, au profit des quatre héritiers, vidé les comptes UBS et Citibank de Félix Houphouët-Boigny en Suisse et d’avoir vendu chez Sothe-by’s les meubles et les tableaux qui ornaient l’hôtel Masseran, dont trois œuvres de Ber-nard Buffet et une d’Auguste Renoir. Un patri-moine estimé à l’époque à 7,5 millions d’eurospar un commissaire-priseur.

« Je n’ai aucunement touché d’argent danscette succession que j’ai réalisée à titre gra-cieux », affirme d’emblée Philippe Rideau,rencontré à Paris. Cet ancien vice-présidentde la banque américaine JP Morgan, désor-mais à la retraite, a néanmoins eu à répondre à l’été 2014 aux questions de la brigade finan-cière. De 1997 à 2000, il a agi sur mandat des quatre enfants pour recenser les avoirs d’Houphouët-Boigny à l’étranger et nie avoircherché à écarter la veuve. « Il n’y avait plus que 1,2 million de francs sur les deux comptes suisses, à répartir entre sept héritiers », balaie-t-il. Sept pour quatre enfants, une veuve et deux enfants du second mariage adoptés etreconnus par le « Vieux ».

Pourtant, en 1999, des transferts ne sont ef-fectués des comptes suisses que vers ceux desquatre enfants du premier mariage. Et laveuve ? Philippe Rideau rappelle le fameuxlegs verbal qu’il dit avoir été accepté par tous, s’agace de l’offensive de Marie-Thérèse et se prévaut d’une « mission chrétienne » pourrespecter la volonté de l’ancien président :« Les quatre enfants ne souhaitaient pas profi-ter de cet héritage mais tout destiner à la Fon-dation Notre-Dame de la Paix », assure-t-il.

Ces fonds étaient censés permettre la créa-tion d’un hôpital moderne près de la basili-que Notre-Dame de la Paix, à Yamoussoukro, le grand œuvre de Félix Houphouët-Boigny, payé avec sa fortune personnelle. Telle était lavolonté du « Vieux », mais aussi de JeanPaul II. Un projet que devait largement cou-vrir la recette des ventes des meubles et ta-bleaux chez Sotheby’s, à Londres et àNew York, pour près de 21 millions d’euros, et celle des appartements, immeubles et villas dans toute la France, où le « Vieux » aimait àconvier ses interlocuteurs français pour les discussions sensibles.

Il aura fallu vingt-deux ans pour que l’hôpi-tal Saint-Joseph Moscati voie le jour dans lacapitale ivoirienne. Le 14 janvier, le président Alassane Ouattara a inauguré en grandepompe cet établissement qui a coûté 22,8 millions d’euros, financés par le Vatican et le gouvernement ivoirien. Reste à trouver4 millions d’euros pour l’équiper. Quid des fonds du « Vieux » destinés à cette réalisa-tion ? L’avocat de la veuve, Me Jean-Paul Ba-duel, y voit la preuve que les fonds « ont étédétournés ».

Tous les présidents de Côte d’Ivoire depuis1993 ont dû composer avec les mystères de l’héritage du « Vieux ». Mais, depuis qu’elle a décidé de réclamer ce qu’elle estime être sondû, Marie-Thérèse Houphouët-Boigny ne se sent plus la bienvenue dans son pays.

Ce soir, dans sa villa de Bossey, elle ressasseces paroles que lui aurait glissées son mari aucrépuscule de sa vie : « Tu verras, à ma mort, tu seras la femme la plus riche d’Afrique. » Son regard s’accroche à une photographie du cou-ple, lui en smoking, elle en fourrure. « La pe-tite Africaine modeste que j’étais a eu la chanced’avoir une vie de rêve parmi les premières da-mes du monde. C’était un bonus dans monexistence. J’ai aujourd’hui une vie de religieuse.Dieu en a décidé ainsi… »

C’est pourtant la justice des hommes quidécidera si elle terminera sa vie à broder ou à mener grand train. p

Marie-Thérèse Houphouët-Boigny chez elle, à Bossey, lundi 2 février. NICOLAS LIEBER POUR « LE MONDE »

« VOUS AURIEZ DÛ VOUS PRÉCIPITER

ICI COMME LES AUTRES, LUI LÂCHE,

EN MARS 1994, UN BANQUIER SUISSE D’UBS.

VOTRE BELLE-FILLE A DÉJÀ TOUT PRIS »

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12 | débats MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

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¶Jean-Luc Barré est directeur de la collection « Bouquins » et ancien collaborateur de Jacques Chirac

L’opposition doit respecter l’esprit d’unité du 11 janvier

par jean-luc barré

P our les millions de nos concitoyensqui ont défilé le 11 janvier dans toutela France, l’esprit du front républicain

était une évidence. Non un calcul politique,mais une réalité sensible, concrète, immé-diate qui ne se discutait pas. Les seuls à s’êtretenus à l’écart de cet élan collectif, réfugiésdans leurs fiefs, ont été les dirigeants duparti frontiste. La distinction a été on ne peutplus claire, ce jour-là, entre ceux qui se recon-naissaient dans les mêmes valeurs et ceuxqui, par leur absence délibérée, démon-traient qu’ils ne les partageaient pas.

C’est à la lumière de ce qui a rassemblé deshommes et des femmes de convictions di-verses, des représentants de l’oppositioncomme de la majorité, qu’il faut aujourd’huiréfléchir à la signification de ce front républi-cain qui fait de nouveau débat. Beaucoup sesont réjouis de ce grand moment d’unité na-tionale, comme d’un événement exemplaireet fondateur.

Ils y ont vu le signe ou la confirmationqu’aux heures les plus cruciales de notre his-toire collective les clivages peuvent s’atté-nuer, les divergences s’estomper et des rap-prochements s’opérer sur l’essentiel : la pré-servation de notre modèle démocratique, ladéfense des libertés et le respect de la per-sonne humaine.

Face à la montée de l’islamisme radical, in-filtré jusqu’au sein de notre communauténationale, et au défi sanglant qu’il lance àtous les pays ligués pour le combattre, la seule réponse réside dans ce qui nous ras-semble, non dans ce qui nous divise. Elle nesaurait passer par le succès des thèses extré-mistes, sectaires et discriminatoires propa-gées depuis longtemps par le Front national.Or ce sont elles qui ont toutes chances des’imposer si ceux qui les récusent excluentde s’entendre dans les circonstances où ellesrisqueraient précisément de triompher.

FORMULE SUSPECTE

Il est à tout le moins paradoxal que le pre-mier parti à avoir bénéficié, en 2002, d’un telrassemblement républicain face au FN,l’UMP, à travers son candidat, Jacques Chirac,soit aujourd’hui si déterminé à contester sa nécessité et même à rejeter son principe.

C’est probablement sans enthousiasmeque les responsables socialistes de l’époqueet la majorité de leur électorat se sont ralliésau président sortant dont l’engagement con-tre l’extrême droite ne faisait, cependant, aucun doute. Mais ils ont fait ce choix dès

l’annonce des résultats du premier tourparce qu’il en allait de l’intérêt de la nation etde rien d’autre.

Mais alors que les socialistes avaient enquelque sorte donné l’exemple, c’est uneévolution contraire qu’on a vu se manifesterpeu à peu au sein de l’UMP, sous l’autorité deNicolas Sarkozy. Le front républicain est de-venu une formule suspecte. On remettait encause son efficacité, bien que largement prouvée. On la condamnait officiellement,tout en ne manquant jamais, sur le terrain, d’en tirer profit en cas de duel avec le FN.

C’est ainsi qu’au choix net et cohérent de2002 on substitua, en grande partie pour ménager les électeurs frontistes, une for-mule qui se prêtait à toutes les ambiguïtés :celle du « ni-ni ». Formule qui revient à met-tre sur le même plan et à renvoyer dos à dos les héritiers de Jaurès et de Mendès France etceux de Maurras et de Tixier-Vignancour.

TROUVAILLE DE GÉNIEA laisser croire qu’un gouvernement socia-liste, quelles que soient ses erreurs ou ses ca-rences, ne vaudrait guère mieux qu’un éven-tuel pouvoir confié à Marine Le Pen et auxsiens. Et que le résultat, en fin de compte, se-rait le même et probablement pas pire.

Le prétexte mis en avant par la direction del’UMP pour refuser tout accord avec la gau-che en cas de force majeure serait de faire lejeu du Front national. En fine tacticienne,Marine le Pen a su trouver le mot juste, à tra-vers l’« UMPS », pour culpabiliser son rival etainsi le dissuader d’accepter un front répu-blicain qui serait fatal aux intérêts du FN.

Cette trouvaille de génie n’a pas manqué deproduire son effet sur une droite plus que ja-mais déboussolée, en quête de son identité comme de ses repères et ballottée entre desambitions contraires. Ce sigle dont le FN a af-fublé les deux grands partis de gouverne-ment n’a qu’un but : les confondre aux yeuxde l’opinion dans l’idée d’une même failliteet s’imposer comme la seule alternative ca-pable d’y remédier.

Loin, comme elle le croit, de ruiner cettethèse en récusant tout front républicain,l’UMP achèverait de tomber dans le piège quilui est tendu en campant sur une position d’illusoire neutralité et laissant ses électeurslibres de choisir à sa place. Face à la progres-sion du FN, qu’elle ne parvient plus à conte-nir, sa survie consiste pourtant à fairepreuve de responsabilité politique quandl’exige l’intérêt du pays. Faute de quoi, l’UMPse trouvera confrontée au dilemme qui estaujourd’hui le sien dans le Doubs après avoiréchoué dès le premier tour : soit permettreau FN de l’emporter par refus de le contrer, soit laisser au PS tout le bénéfice d’une vic-toire par crainte de s’y associer. Dans lesdeux cas, à son seul détriment.

Le front républicain n’est pas ce compro-mis politicien, cet arrangement partisan auquel le FN s’efforce aujourd’hui de le ré-duire à dessein. C’est un état d’esprit, une prise de conscience, une volonté communede conjurer le même mal et de réaffirmerl’attachement aux mêmes valeurs.

Personne ne doute de ce qui distingue le PSet l’UMP, ni de ce qui les oppose. Mais ces di-vergences, pour évidentes qu’elles soient, nesont pas telles qu’elles empêchent leurs élec-teurs respectifs de se reconnaître dans unemême vision de la société, une même idée del’homme et de la France. Ni de marcher en-semble, côte à côte et sans distinction, uncertain 11 janvier 2015, qui fait désormaispartie de leurs références communes. p

Après les attentats, les dirigeants frontistes se sont tenus à l’écartdu grand rassemblement républicain qui a gagné la France entière. Une bonne raison pour contrer ce parti extrémiste, comme l’a fait le PS en appelant à voter Jacques Chirac lors de la présidentielle de 2002

Le 8 février, le second tour de la législative partielle dans la 4e circonscription du Doubs opposera le PS au FN. A l’UMP, dont le candidat a été battu au premier tour, on se divise sur la stratégie à adopter envers l’extrême droite

Le front républicain est-il nécessaire ?

Le FN ne menace pas les institutions de la République

par gérard longuet

L e concept de front républicain appliquéà la France de 2015 est absurde et en réa-lité provoquant pour la plupart des

Français. Absurde parce que la République n’est en rien menacée par le Front national(FN), dont les spectaculaires intentions devote apparentes se traduisent à ce jour parquatre parlementaires nationaux, plusieurs dizaines de villes déjà en désordre et la certi-tude que leur candidate, présente très vrai-semblablement au second tour de la présiden-tielle de 2017, est pronostiquée comme battuepar tout candidat UMP ou PS l’affrontant.

Il y a une réalité électorale du FN, certes,mais elle est condamnée à l’impuissance. Au-delà, la République est-elle menacée par la force de ce courant d’opinion ? Nous ne som-mes plus, fort heureusement, dans l’Europe des années 1920 et 1930 : les mencheviks nesont plus à la merci des bolcheviks, pas demarche sur Rome, pas de ligues d’anciens combattants sur la place de la Concorde, nimoins de vols de Franco des Canaries à Burgosou Séville… Tout cela est impensable.

Récemment, la France a connu d’immensesmanifestations contre un projet gouverne-mental, le mariage pour tous. Pour autant, la République n’a jamais été menacée par la rue comme elle le fut, sous la IVe République, au printemps 1947 lorsque Ramadier et JulesMoch ont maintenu l’ordre, y compris avec des moyens militaires.

Si la IVe République succomba, ce furent sescaciques, de Guy Mollet à Louis Jacquinot, qui rédigèrent peu ou prou la Constitution sui-vante, la nôtre, depuis il est vrai fortement présidentialisée.

Le « coup d’Etat permanent » est une réfé-rence incompréhensible de la gauched’aujourd’hui, qui accepte du président socia-liste toutes les pratiques du pouvoir qu’en sontemps François Mitterrand n’osait pas mêmeattribuer à son adversaire le général de Gaulle.

LA FRANCE IMMUABLE DES PETITSSeul le terrorisme islamiste viole le pacte répu-blicain en voulant nous priver du droit de choi-sir notre presse, nos éditorialistes et nos dessi-nateurs. Et ces odieux assassinats – que j’es-père exceptionnels après la tragédie de Mon-tauban-Toulouse de 2012 – ont fait défiler, poursoutenir l’Etat de droit et ceux qui le servent,des millions de Français, dont votre serviteur, tous ensemble rassemblés.

Certes Jean-Marie Le Pen aimait et aime en-core l’extrême singularité. Député à 26 ans,battu à 32 ans, il a cultivé un personnage de ré-prouvé, jalonnant son éloquence d’autrefois de provocations qu’il ne ressentait même pas comme telles. Sa fille, elle, a compris, etd’ailleurs pourquoi serait-elle son père, alors que deux ou trois générations les séparent.Madame Le Pen d’aujourd’hui, dans son dis-cours, c’est Mélenchon sans le drapeau rouge et avec La Marseillaise en plus. C’est à gauche qu’elle cherche son électorat.

La droite anti-gaulliste, qui, du MRP à ValéryGiscard d’Estaing en passant par Jean Leca-nuet, flirta avec l’extrême droite, n’existe plus. Le FN est populiste, refuse l’Europe, refuse l’ouverture des frontières, aux biens, aux capi-taux et aux étrangers parce qu’il veut défendrece qu’il croit être la France immuable des pe-tits : petites entreprises, petits agriculteurs, pe-tits projets, petites ambitions, mais aussi et parfois avec raison petites peurs et petites irri-tations de ne plus se sentir seul et donc bien chez soi. Tout cela se discute, mais ce ne sont nides Spartacus, ni des Pasionaria, ni des Primo de Rivera (le fils, pas le père).

Je ne voterais pas FN dans le Doubs si j’y étaisélecteur parce que j’ai une idée de l’intérêt à court, moyen et long terme de la France. Cette idée simple et forte depuis le référendum de septembre 1992 et depuis l’engagement de François Mitterrand, c’est la solidarité de ceuxqui veulent l’Europe forte, disciplinée, volon-taire et, pour ma part, franco-allemande. Alle-mande, pour éclairer le chemin de l’efficacité dans la production. Française, pour éclairer le rôle de l’Europe dans le monde et d’abord autour de nous, vers la Russie, la Méditerranéeet l’Afrique.

Les socialistes, eux, ne parviennent pas à ti-rer les leçons de 1992. Ils veulent la monnaie commune aux conditions de la France d’avant-hier. Je combats toutes leurs grandes décisionséconomiques, le refus du travail d’abord – de laretraite à 60 ans aux 35 heures en passant par la rigidité des lois et statuts, le refus de l’inves-tissement et donc leur refus de l’épargne, c’est l’ISF – le refus du profit qui ne permet plus auxentreprises de tenir leur rang dans le monde.

CHASSE AUX BOUCS ÉMISSAIRESMais ils ont choisi en 1983, puis en 1992 et ré-cemment encore lors de la présidentielle de 2012, l’accord européen voulu par les pays qui supportent l’euro. Ils seront obligés d’y aller. Ils iront suffisamment loin pour décevoir ceux qui croient tout possible et l’euro et les dettes. Ils n’iront pas assez loin pour réussir etpar exemple combler les 10 points de margebrute qui manquent à nos entreprises pour faire face.

Les institutions sont solides. Les socialistestiendront donc jusqu’en 2017. Aussi un siège conservé ou perdu, dimanche 8 février, ne re-mettra pas en cause leur droit et leur devoir degouverner.

Mais le verdict de la prochaine élection pré-sidentielle en 2017 sera clair, si l’on accepte l’Europe ouverte, il faut être ouvert soi-mêmeet renoncer aux rêves d’antan, d’avant l’ouver-ture des frontières, lorsque dévaluations etdettes payaient les factures électorales.

Le FN veut la sortie de l’euro. Ce serait àterme le moyen pour que la gauche revenant après lui fasse librement de la France sinon l’Albanie d’hier, au moins l’Argentined’aujourd’hui, ce pays qui a tout pour réussir depuis toujours mais qui ne parvient pas à se relever de l’épopée démagogique du péro-nisme.

Je combats le FN d’aujourd’hui pour ce qu’ilest : une machine à priver la France de toute chance de succès dans le monded’aujourd’hui, au prix, de surcroît, d’une iné-vitable chasse aux boucs émissaires, et dans lamythologie du FN, ils sont innombrables etseront d’ailleurs rapidement identifiés par eux-mêmes en eux-mêmes.

Pour le bureau politique de l’UMP du mardi3 février, ma demande est claire : le front répu-blicain n’a pas de légitimité parce qu’il n’a pas d’adversaire susceptible de remettre en cause l’Etat de droit. Mais la France, elle, en a deuxbien établis : ceux qui refusent l’Europe, c’estle FN ; et ceux qui l’acceptent mais ne saventpas nous y préparer, le PS. Nous condamnons les premiers parce qu’ils ont tort et en votantpour eux on affaiblirait la France en Europe enl’affichant comme plus irresponsable que les Grecs. Certes, dans le Doubs, le PS conserverason siège. Mais il perdra la majorité pour ne pas avoir su, et je me répète, donner à la France les moyens du succès dans l’Europe qu’elle a pourtant choisie.

Le PS, qui rêve de ce projet principal qu’estl’Europe, n’est pas dans l’immédiat le premier adversaire. p

Combattre le Front national n’exige pas que nos électeurs votent pour le candidat socialiste. Aucun parti ne remet en question notre Etat de droit

¶Gérard Longuet est ancien ministre, sénateur de la Meuse et membredu comité directeur de l’UMP

MARINE LE PEN A SU TROUVER LE MOT JUSTE, À TRAVERS L’« UMPS »,

POUR CULPABILISER SON RIVAL ET AINSI LE

DISSUADER D’ACCEPTER UN FRONT RÉPUBLICAIN QUI SERAIT FATAL AUX

INTÉRÊTS DU FN

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LES INDÉGIVRABLES PAR GORCE

ANALYSE

renaud machartService Culture

Le passage de la scène au grand écran –ou du grand écran à la scène – desgrands succès de la comédie musicaleaméricaine donne des résultats di-

vers et parfois catastrophiques. La musique y est souvent la première victime de coupes, voire d’ajouts d’une main étrangère, qui ont pour résultat de désespérer l’auteur de la par-tition originale, le parolier et le librettiste.

Le compositeur et parolier américain Ste-phen Sondheim (né en 1930), qui est considérécomme « le génie de Broadway » et le dernier des géants de l’âge d’or de la comédie musicale anglo-saxonne, auteur des paroles de West SideStory (1957), a souvent dit – notamment dans Finishing the Hat : Collected Lyrics (1954-1981), with Attendant Comments, Principles, Heresies, Grudges, Whines and Anecdotes, Alfred A. Knopf, 2010 – combien le bouleversement de deux numéros pour les besoins de l’adaptationcinématographique qu’en fit Robert Wise en 1961 le gênait. Leonard Bernstein, l’auteur de la musique de West Side Story, avait déjà malvécu le passage de On the Town (1944) à l’écran (Un jour à New York, de Stanley Donen et Gene Kelly, 1949), et préféré oublier ce qu’était deve-nue sa partition, réduite à trois numéros origi-naux et complétée par des « musiques supplé-mentaires » d’une autre main…

Quand Richard Lester porte à l’écran A FunnyThing Happened on the Way to the Forum (Le Forum en folie, 1966), Sondheim, cette fois auteur de la musique et des paroles, constateque sur les douze numéros de la version scéni-que (1962) de cet hilarant péplum, seuls quatresont retenus… En 1977, Harold Prince, le met-teur en scène de la production originale de A Little Night Music (1973), décide de transposer au cinéma cet ouvrage inspiré à Sondheim parLa Règle du jeu (1939), de Jean Renoir, et adaptéde Sourires d’une nuit d’été (1955), d’Ingmar Bergman. Mais il rate son coup, en dépit d’unedistribution de luxe avec Elizabeth Taylor entête d’affiche. Selon Sondheim, Prince n’a passu se détacher assez de son travail pour la scène. « Le cinéphile que je suis avait pressenti que cela ne pouvait fonctionner sans que [l’ori-ginal] ne soit profondément repensé. J’ai tentéde dissuader Harold […] de faire ce film, mais cefut sans effet », écrit-il dans Finishing the Hat.

En 2007, le cinéaste Tim Burton modifiebeaucoup à l’écran le « thriller musical » qu’est Sweeney Todd (1979). Mais Stephen Sondheim est un pragmatique : il sait que pour fonctionner pleinement, un genre doit valoriser ses propres règles, car ce qui vaut pour la scène ne se traduit pas toujours litté-ralement au cinéma. Ainsi, n’a-t-il pas pro-testé contre le retrait de chansons essentiellesde son œuvre originale – qu’il qualifie d’ailleurs de « film destiné à la scène ». Répon-dant aux questions du London Evening Stan-dard du 29 février 2012, Sondheim a même dé-

claré : « Il est très difficile de transposer une œuvre théâtrale en film. Je n’avais jamais rien vu de convaincant dans le genre avant l’adap-tation de Sweeney. Si cela fonctionne, c’estparce que Tim pense cinématographiquement et cela se voit. »

RARISSIMES CAS D’ADAPTATION FIDÈLEOn peut trouver l’adaptation d’Into the Woodspar Rob Marshall – qui avait en 2002 porté au grand écran Chicago (1975), de John Kander et Fred Ebb − un rien pâlotte et sage : le cinéaste a refait une sorte de Brigadoon (l’adaptationpar Vincente Minnelli en 1954 de la comédiemusicale d’Alan Jay Lerner et Frederick Loewe créée en 1947) sans profiter de la folie visuelle qu’aurait pu apporter le traitement électroni-que des effets spéciaux. Car le propos del’œuvre, qui est une sorte de lecture psycha-nalytique de contes célèbres – Cendrillon, LePetit Chaperon rouge, Jack et le haricot –, y in-vite grandement, notamment par le person-nage psychédélique de la sorcière. Mais, enrespectant l’essentiel du propos de James La-pine (le librettiste a signé lui-même le scéna-rio du film) et la matière du compositeur-pa-rolier, Marshall aura fourni l’un des rarissi-mes cas d’adaptation fidèle à l’original.

Alors que la comédie musicale scénique estbien proportionnée, avec deux parties éga-les séparées par un entracte de vingt minu-tes réglementaire, le film enchaîne l’ensem-ble sans césure. Est-ce pour cela que la ver-sion filmée semble plus longue, plus « com-

pacte » ? Fallait-il couper dans la partition ?L’une des raisons pour lesquelles les coupu-

res sont presque impossibles dans Into the Woods est que les chansons de Sondheim ne sont pas des « pauses » ni des « divertisse-ments » mais participent au développement dramatique (quoique moins que dans d’autres de ses ouvrages, selon l’aveu de leur auteur). Seul le duo des Princes charmants à l’acte II a été supprimé : il narrait les infidéli-tés des deux personnages mais, selon ce qu’adéclaré Stephen Sondheim, celui-ci n’a pas étéretranché par Disney pour des raisons de bienséance – Into the Woods, en dépit de son propos assez amer sur les relations de couple, est destiné au grand public familial – maisparce qu’il ne fallait pas allonger trop la duréedu film. Cependant, la meilleure partition deStephen Sondheim portée à l’écran ne serait-elle pas celle écrite pour An Evening Primrose, une dramatique télévisuelle méconnue dont les bobines originales en couleur étaient trop endommagées pour être restaurées maisdont une version en noir et blanc a été retrou-vée et éditée sur DVD en 2010 (1 DVD The Ar-chive of American Television/eOne) ? Ceconte fantastique, réalisé par Paul Bogart et diffusé par ABC le 16 novembre 1966, quinarre les aventures d’une société parallèle quivit la nuit dans un grand magasin new-yor-kais, est certes un film et une partition mi-neurs. Mais la juste concordance de sesmoyens et de ses buts en fait un petitchef-d’œuvre pensé sui generis. p

EN 2007,LE CINÉASTETIM BURTON

MODIFIE BEAUCOUPÀ L’ÉCRAN

LE « THRILLER MUSICAL » QU’EST « SWEENEY TODD »

(1979)

La délicate adaptation des comédies musicales au grand écran

LETTRE DE LONDRES | philippe bernard

La capitale britannique toujours plus riche et plus peuplée

Nul besoin d’une solide étude socio-urbanistique pour prendre cons-cience de l’enjeu démographiqueà Londres : il suffit de prendre part

à l’assaut matinal d’une rame du tube, à l’heure où les trains lancés toutes les trente secondes ne parviennent pas à absorber l’af-flux de voyageurs en route vers leur labeur. Leflegme des commuters, dont la courtoisiereste intacte dans cette ambiance oppres-sante encore alourdie par les incidents à répé-tition, laisse l’ex-Parisien rêveur.

La galère des transports n’est que la partie laplus facilement perceptible d’un autre phé-nomène : l’explosion de la population de la ca-pitale britannique. Ces jours-ci a dû naître le bébé qui portera à 8,615 millions le nombre deses habitants. L’événement est historique nonseulement parce que ce chiffre correspond aupic enregistré en 1939, juste avant le Blitz et ses destructions, mais aussi parce que la po-pulation de Londres vient de dépasser celle deNew York.

Personne n’avait prévu l’exceptionnel dyna-misme de la capitale ces dernières années. En-tre 1939 et 1981, Londres avait perdu rien de moins que 2 millions d’habitants. En 1977, un livre intitulé La Ville sans cœur décrivait uneville paralysée par la circulation automobile,

apparemment vouée à un déclin inéluctable. La qualité du paysage urbain londonien dé-

clinait, les infrastructures vieillissaient et les habitants étaient invités à s’implanter dans des villes nouvelles périphériques. « Certainesgrandes villes croissent et déclinent, mais peu se remettent d’avoir perdu 2 millions d’habi-tants », commente Barney Stringer, consul-tant en urbanisme pour l’Evening Standard.

Le tableau actuel est saisissant de contras-tes : la ville, perçue à la fois comme « sympa » et financièrement sûre, attire le monde en-tier, depuis les réfugiés afghans jusqu’auxétudiants mexicains en passant par les finan-ciers français et les oligarques russes.

Cent mille nouveaux habitants, souvent im-migrés, s’ajoutent chaque année à une popu-lation où les « Britanniques blancs » sont dé-sormais minoritaires. Le standard du 999, l’équivalent de police secours, répond à denombreux appels, passés dans cent cin-quante langues différentes.

Les gratte-ciel poussent au cœur de la Citycomme des champignons, dans une ville cos-mopolite dont les emplois semblent ouverts àtous. « Notre capitale attire des gens du mondeentier grâce aux possibilités qu’elle offre : trou-ver un travail, s’enraciner, apprécier une vieculturelle de classe mondiale et être accepté,

quelles que soient son identité et son origine », résume David Lammy, l’un des candidats du Labour à la succession du maire, Boris John-son, en 2016.

A ce rythme-là, le cap des 10 millions d’habi-tants devrait être franchi en 2030, et les défisen matière de logement, d’éducation et de transports apparaissent immenses. Ainsi, il faudrait construire 63 000 logements par an alors que seulement 17 000 l’ont été en 2014 etque des immeubles de luxe, acquis par des in-vestisseurs étrangers, restent vides.

MENACE POUR LA COHÉSION DU PAYSA propos des transports, Peter Hendy, le pa-tron de TFL, la RATP de Londres, pronostique des « émeutes » si rien n’est entrepris pour en-rayer leur congestion. Car, à Londres, superri-ches et superpauvres se côtoient. La ville des milliardaires comprend aussi, avec les quar-tiers de Hackney et de Tower Hamlets, deuxdes plus grandes concentrations de pauvreté d’Europe de l’Ouest.

Mais le « problème de Londres », qui a attiréà elle seule 80 % des créations d’emplois pri-vés britanniques entre 2010 et 2012, est aussi perçu comme une menace pour la cohésion du pays tout entier. La capitale britannique, qui n’abrite que 13 % de la population du

Royaume-Uni, rapporte 30 % de son produit intérieur brut, et ses habitants ont une pro-ductivité supérieure de 69 % à celle des autresBritanniques.

Hégémonique, Londres est accusée de cap-ter à son profit les ressources des contribua-bles sans autre retombée que le prestige inter-national d’une capitale financière en pleine expansion. Le fossé se creuse avec le reste de l’Angleterre, où le retour de la croissance n’est guère perceptible.

Même la montée du vote indépendantisteen Ecosse a été attribuée à l’arrogance de l’élitede la City et de Westminster, repliée sur ses privilèges. Tirant argument des nouveaux pouvoirs conférés à Edimbourg, les autres parties du Royaume – Angleterre, Pays de Gal-les – réclament davantage d’autonomie.

Sorte d’Etat dans l’Etat, Londres n’est pas enreste. Sa croissance insolente incite certainsde ses élus à réclamer de nouvelles compéten-ces, au risque d’accroître encore le déséquili-bre avec le reste du pays.

Et il n’est pas certain que le calvaire des usa-gers du métro londonien suscite indéfini-ment la compassion dans les pubs de Liver-pool et les fermes du Yorkshire. p

[email protected]

UN ÉVÉNEMENT HISTORIQUE : AVEC

8,615 MILLIONS D’HABITANTS,

LONDRES VIENT DE DÉPASSER

NEW YORK

Le Parlement endormi

LIVRE DU JOUR

hélène bekmezian

Que veux-tu que l’on fasse ? C’est laVe République… » Cette phrase, glis-sée par un ancien élu à son collè-gue socialiste Laurent Baumel, ré-sume bien le tableau dressé par ce

dernier dans son essai Quand le Parlement s’éveillera : celui d’une Constitution à bout desouffle qui confère une toute-puissance à l’exécutif autant qu’elle restreint drastique-ment les marges de manœuvre de la majorité parlementaire.

Connu pour être l’un des meneurs de la« fronde » socialiste à l’Assemblée, qui rassem-ble plusieurs élus hostiles à la politique écono-mique du gouvernement, le député d’Indre-et-Loire a beaucoup déchanté sur le fonction-nement de la République depuis sa premièreélection au Palais-Bourbon, en 2012. Il en estd’ailleurs certain : cette « fronde » ne prend pas ses racines que dans un désaccord écono-mique mais aussi dans une volonté des parle-mentaires de s’émanciper, de « s’éveiller ».

Après une (longue) première partie d’intro-duction, Laurent Baumel livre un récit sansambages – et pour tout dire consternant – des relations entre le groupe majoritaire et le gou-vernement, telles qu’il les vit. Avec un prési-dent de la République qui « règne littéralementet solitairement sur les affaires de la nation », « la famille politique n’est pas un espace politi-que avec ses débats et ses contradictions. Elle est une armée, parfois remuante, parfois bou-deuse, mais fondamentalement structurée parun principe hiérarchique : la fidélité et l’obéis-sance à celui que le peuple a adoubé à travers l’élection présidentielle », écrit-il.

POUR UNE SUPPRESSION DU « 49-3 » Le résultat en serait une infantilisation desélus de la majorité, qui se plient à des « rites manifestant [leur] soumission volontaire et sa-tisfaite à “leur” gouvernement ».

L’« un des plus pathétiques » exemples ayantlieu quand un élu tente de faire amender untexte avant de « retirer » son amendement, « brusquement convaincu par les argumentsdu ministre ou par sa promesse de réfléchir sé-rieusement au problème ».

Pour Laurent Baumel, qui plaide pour unesuppression du droit de dissolution et du « 49-3 » qui permet au gouvernement de faire passer un texte en force, il faut en finir avec lesjeux de rôle et les mises en scène.

Comme lorsque les ministres viennent à in-tervalles réguliers devant le groupe socialiste « se frapper la poitrine » et jurer que les dépu-tés seront désormais mieux « associés » en amont.

Ou encore quand Matignon fait à peine sem-blant d’écouter sa majorité comme un jour de novembre 2012 où, face aux inquiétudes dedéputés sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, « le directeur de cabinet de Jean-MarcAyrault, Christophe Chantepy, coupa court à ces échanges en signalant que, de toute façon, la décision était déjà prise par le président de laRépublique et que nous n’avions plus, en sorte,qu’à obtempérer ».

Députés, circulez, y’a rien à voir ! p

Quand le Parlement s’éveilleraLaurent BaumelLe bord de l’eau, 2015, 90 p., 10 €

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14 |culture MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

0123

pppp CHEF-D'ŒUVRE pppv À NE PAS MANQUER ppvv À VOIR pvvv POURQUOI PAS vvvv ON PEUT ÉVITER

Les « jours J » de Karim MoussaouiAuteur de l’admirable moyen-métrage « Les Jours d’avant », le cinéaste algérien revient sur son parcours

RENCONTRE

Comparé à Xavier Dolan,jeune réalisateur pré-coce, Karim Moussaoui,38 ans, seulement deux

courts-métrages et Les Jours d’avant, un moyen-métrage primédans de nombreux festivals, pour-rait faire figure de « vieux cinéastedébutant ». Deux heures après l’avoir écouté parler dans un fran­çais parfait, on s’aperçoit qu’il n’enest rien. Que pour s’accomplir en tant que réalisateur, cet homme, né en 1976 à Jijel, une localité si-tuée à 300 kilomètres à l’est d’Al-ger, a simplement dû emprunter une route un peu plus escarpée que celles suivies par nombre de ses confrères occidentaux ou asia­tiques. Que le temps a fait son œuvre… Rapide flash­back.

« J’ai vécu les quatre premièresannées de ma vie à Alger centre.Ensuite, avec mes parents, nous avons déménagé dans une cité dela banlieue sud-est d’Alger. Làmême où j’ai tourné Les Jours d’avant. J’y ai vécu pendant quinzeans, de 1980 à fin 1994. » Un lieu confiné, presque coupé du monde. « Une cité socialiste, comme on disait alors, construite dans les années 1970. Le vestiged’une ancienne bonne volonté d’accorder aux gens le même ni-veau social, le même niveau de vie.Construite autour d’un ancien vil-lage agricole. Il n’y avait ni cinéma ni terrain de jeux, sinon des ter-rains vagues… Les habitants ve-naient d’un peu partout et bénéfi-ciaient d’un relatif confort. »

Même si Les Jours d’avant n’estpas à proprement parler un filmautobiographique, certains des faits qui y sont relatés sont vrais.« Seule m’importait la justesse, montrer la manière dont s’étaient déroulées les choses, comment nous avions vécu les premières vio-lences, comment, au départ, on ne voulait pas y croire. On a toujours du mal à imaginer que le monde dans lequel on évolue va s’écrou-ler. » A cette époque, la mère de Karim Moussaoui est professeure de français, son père ingénieur enchauffage et climatisation. A 18 ans, il part à Alger. Rate son bac.Etudie une année le commercesans trop savoir quoi faire en-suite. Décide de prendre des coursd’anglais. Et loue des VHS, desfilms américains pour la plupart.

Karim Moussaoui attendra2003 pour réaliser son premiercourt-métrage. « Une amiem’avait fait lire Déjeuner du ma-tin, un poème de Jacques Prévert. Avec une caméra numérique, je l’aiadapté. Ça s’appelait Petit déjeu-ner. » Premier festival, « Cannes Junior », à Timimoun. Première

récompense. Entre­temps, avecdes amis, à Alger, il crée un ciné-club, Chrysalide. « Tous les ven-dredis, on organisait une projec-tion de films d’auteurs. Ma culture cinématographique vient de là. Antonioni, Cronenberg, Ford, les auteurs japonais, français… »

Aujourd’hui, Chrysalide atrouvé place dans une vraie salle de cinéma, Mohamed Zinet, prèsdu Monument des Martyrs. Re­

tour à 2003. Moussaoui assiste au tournage de Viva Laldjérie, le film de Nadir Moknèche. Fasciné, il dé­couvre ce qu’est un plateau de tournage, la fabrique d’un film.Encore trois ans de patience.En 2006, il lit Lune froide, unenouvelle de Charles Bukowski. Y décèle des similitudes entre Los Angeles et Alger. Nouvelle adapta­tion, deuxième court­métrage, Cequ’on doit faire. Sélection au Festi­

val de Tanger. Mail du critique et historien du cinéma Jean­Michel Frodon lui demandant l’autorisa­tion de projeter son film dans sonciné­club.

2008. Il découvre Rome plutôtque vous, de Tariq Teguia. « Un film incroyable. Je n’avais jamais vuça en Algérie. » Projection au Chry­salide. « Juste après, je lui dis que j’aimerais bosser avec lui. » Quinzejours plus tard, Teguia lui propose

Amours avortées dans l’Algérie déchirée des années 1990LES JOURS D’AVANT

pppv

U ne fois n’est pas cou­tume, on ouvreaujourd’hui, technique­

ment, sur un court­métrage (47 minutes). Esthétiquement,on vous parle d’un film d’unemagnifique délicatesse, dont la durée devient ipso facto indiffé­rente. Karim Moussaoui, sonauteur, est un cinéaste de 39 ans,qui s’inspire de son adolescence vécue en Algérie à une époquepas si lointaine où terrorisme et contre-terrorisme mettaient lepays à feu et à sang.

Il lui aura fallu attendre la ma-turité pour réaliser, en 2013, LesJours d’avant. Le film revientd’une longue tournée, à juste ti-tre remarquée, dans les festivals internationaux. Certains coups

d’essai se révèlent des coups de maître. C’est ici le cas.

On est en 1994, à Sidi Moussa,cité naturellement enclavée, si-tuée à une vingtaine de kilomètresd’Alger. L’histoire est terriblement banale : un garçon et une fille, fré-quentant le même lycée, semblentdestinés l’un à l’autre puis passent inexorablement à côté l’un de l’autre. Cela nous est arrivé à tous.

Ce qui ne nous est pas arrivé, enrevanche, c’est de vivre une telle situation dans une société qui cloisonne à ce point les rapportsentre les générations, les sexes et les hommes. Encore moins dans une société qui explose de l’inté-rieur, qui se déchire dans les affresde sa propre violence. Cela, en dé-pit de ce qui est venu récemment nous frapper et qui fait puissam-ment écho au film, nous nel’avons pas vécu.

La force et la beauté de ces Joursd’avant sont de montrer, déjà, que cette barbarie naît de cettetension. C’est aussi de capter lemoment où tout bascule et d’enfaire une œuvre extraordinaire-ment sensible, juste, suggestive.Mélancolique et violente. Laconi-que et fulgurante.

Douce et déchirante. L’intelli-gence de la mise en scène est departager le récit entre ce qui estprécisément destiné à ne jamaisse rejoindre : les deux personna-ges principaux, non moins que lasociété à laquelle ils appartien-nent. A cette société meurtrie, àcet amour avorté, répond doncun film divisé.

En deux chapitres, en deuxpoints de vue. Le premier senomme Djaber. Le second Ya-mina. Ce sont les noms des per-sonnages. Le film raconte com-

ment ils vont ne pas se rencon-trer.

Djaber, adolescent méditatif etgracieux, hésite, sous l’influenced’un copain plus débrouillard, às’incruster dans une fête. S’il lesuit en définitive, c’est pour unefille belle, effacée et mystérieusequ’il a croisée au lycée.

Cet empoisonnement de l’âme

Dans l’entre-deux de ce doute et de cette décision, mille détails nous auront permis de ressentirle contexte dans lequel vit le gar-çon. La barre d’immeubles où il réside. Le regard triste et impuis-sant de sa mère. Le silence où sontenfermés les gens. La mort quirôde sous forme d’attentats spo­radiques et inexpliqués. La natureet le paysage environnants, ma­gnifiquement filmés comme des lieux empreints d’une longue fa­

miliarité et qu’il faudra pourtantquitter.

Surtout, ce récit à la premièrepersonne en voix off, au passé,qui ancre d’emblée l’action dansune époque non seulement révo­lue, mais aussi dans une interrup­tion, qu’on pressent tragique, de l’écoulement ordinaire du temps. Ce sentiment de tristesse et d’amertume, cet empoisonne­ment de l’âme, est porté jusqu’au déchirement par la récurrence surla bande­son de « Ah ! mio cor », vibrant lamento d’un cœur trahi extrait d’Alcina de Haendel.

Puis vient le tour de Yamina. Unpère policier dur comme la pierre,une mère malade, dont elle doits’occuper avec sa sœur aînée. Elle aussi a hésité pour la fête, terrori­sée par la menace paternelle, elle aussi y est finalement allée. On nerévélera pas ici ce qui s’y passe en­

tre les deux jeunes gens. Disonsseulement que le récit de Yamina se superpose à celui de Djaber, da-vantage qu’il ne le recoupe. Al’instar de leur histoire, à l’instar de leur vie. A l’instar de leuramour, que la barbarie et l’effroi empêchent de naître. Et voici at-teint, avec l’aide convulsive de l’Histoire contemporaine algé-rienne, le désarroi assassin de La Passante de Baudelaire : « Car j’ignore où tu fuis/Tu ne sais où je vais/Ô toi que j’eusse aimé/Ô toi qui le savais ! »

Ne cherchons pas ailleurs quedans cette cause perdue le lieu, à jamais indéfini, d’où nous parlentles voix du film. p

jacques mandelbaum

Film franco-algérien de Karim Moussaoui, avec Souhila Mallem,Mehdi Ramdani (47 minutes).

Le 2 février, à Paris. NICOLAS LO CALZO POUR « LE MONDE »

d’être son premier assistant sur Inland. « Expérience incroyable, hyperphysique plus que cinémato-graphique. » L’envie, enfin, d’écrire un long-métrage. « A cetteépoque, politiquement, ça n’allait pas très bien en Algérie. On s’apprê-tait à changer la Constitution pour permettre au président de faire un3e mandat. Presque aucun débat, comme une espèce de résignation que je ne comprenais pas. J’avais envie d’écrire là-dessus. »

« Comme Kubrick »

S’ensuit un « bout à bout » de 90 pages intitulé En attendant les hirondelles et, très vite, la nécessitéde confronter son écriture aux cri­tiques, aux regards de profession­nels. « En 2011, j’ai postulé pour unerésidence d’écriture au Maroc, à Ouarzazate. C’est là que j’ai rencon-tré Virginie Legeay. » Assistante,mais aussi actrice de Jean­Claude Brisseau, elle était une des trois in­tervenantes. « Mon scénario l’avaitbeaucoup intéressée. Elle voulait s’impliquer. » Parallèlement, Ka­rim Moussaoui se met à travailler sur un autre projet. Deux adoles-cents, en Algérie. Il fait lire la pre-mière version à Virginie Legeay.Une deuxième version, ensuite. « Je savais que j’avais atteint une forme de limite due au manque d’expérience. J’ai demandé à Virgi-nie de coécrire avec moi. Et c’est comme ça qu’est né Les Jours d’avant. »

Ce film, dit­il, lui a permis « d’ex-périmenter plein de choses, notam-ment en termes d’image, de mou-vement de caméra, de découpage, de focale. Je ne savais pas si j’en aurais une nouvelle fois l’occasion, alors j’y suis allé. » Quelques réfé­rences en tête ? « Antonioni, sûre-ment. Kiarostami, Tarantino… » Equipe de tournage franco­algé­rienne. Courte focale. « Comme Kubrick, un cinéaste qui m’a tou-jours fasciné, hyperclassique et en même temps pas. »

Les Jours d’avant a été très bienaccueilli en Algérie. « C’est éton-nant. Des familles entières vien-nent le voir, alors même qu’à plu-sieurs reprises, on y voit ou on y en-tend des choses qui, moralement, ne sont pas acceptées en Algérie. Cette fille qui va dans une fête sans prévenir son père, ces gros mots que prononcent les jeunes… Sou-vent, les spectateurs me disent : “Il est bien votre film, mais on aurait aimé qu’il n’y ait pas ce genre de mots.” Comme ils voient bien que jene suis pas dans la confrontation,ils sont touchés… Au fond, je crois qu’ils ont tous connu cette frustra-tion de l’être aimé. Vous savez, en Algérie, beaucoup de gens sont trèsromantiques… » p

franck nouchi

A 18 ans, il part

à Alger. Rate son

bac, prend des

cours d’anglais.

et loue des VHS,

des films

américains pour

la plupart

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A Détroit, l’horreurse répand sanspréservatifGrand Prix du Festival du film fantastique de Gerardmer, le long-métrage de David Robert Mitchell séduit par sa beauté plastique

IT FOLLOWS

pppv

Petit matin blafard dansune banlieue pavillon-naire américaine. Unejeune fille sort de chez

elle échevelée, visiblement pani-quée, pieds nus dans un désha-billé de soie. Elle court en zigzags erratiques, regardant derrière elle ; un voisin lui propose del’aide, elle l’ignore, grimpe dans savoiture, démarre en trombe. On laretrouve sur une plage au crépus-cule, accroupie, livide, appelant son père au téléphone pour lui dire qu’elle l’aime, s’excused’avoir été si souvent pénible. Elle va mourir, elle le sait, elle est ter-rorisée.

Qu’est-ce qui la suivait ?Qu’est-ce qui l’a tuée ? Mystère. Le« It », de It Follows, n’est jamais vi-sible que par celui qui est traqué.Existe-t-il ? Est-il un fantasme ? Cette séquence d’ouverture plonge d’emblée le spectateurdans une atmosphère de terreur blanche, d’autant plus anxiogène que la menace n’est pas montrée –elle finira par se dévoiler un peu,mais sans jamais cesser d’être floue, s’incarnant à chacune de ses apparitions dans un corps dif-férent, plus ou moins délabré, re-connaissable à une déambulationlente et mécanique, proche de celle d’un zombie.

Auteur de The Myth of the Ame-rican Sleepover, teen movie re-marqué dans les festivals de ci-néma indépendant américains (sorti en France en DVD chez Metro après avoir été montré à la

Semaine de la critique, au Festival de Cannes en 2010), David Robert Mitchell se frotte au cinéma d’horreur pour la première fois,adoptant pour ce faire une appro-che d’esthète, doublée d’une pers-pective politique.

Très loin de la tendance sensa-tionnaliste, hyperviolente et gore,qui caractérise le genre aujourd’hui, It Follows s’inscrit plutôt dans une tradition de lasuggestion, héritière de Jacques Tourneur.

Un tour perversLe film, c’est la première chose quifrappe, est d’une grande beauté.Ses partis pris – sophistication plastique des cadres, qui font par-fois penser à ceux de M. Night Shyamalan, où les adolescents ap-paraissent isolés, dans de grands décors déserts, légère phospho-rescence des couleurs qui rappellele travail photographique de Gre-gory Crewdson, importance de l’élément liquide, paysages sono-res raffinés… – exaltent l’inquié-tante étrangeté qui en fait lecharme.

Autant de qualités qui n’ont paséchappé aux sélectionneurs de la Semaine de la critique de Cannes, où il fut présenté en mai 2014, niaux jurys du Festival du film fan-tastique de Gérardmer, qui lui ontremis dimanche 1er février le Grand Prix et le Prix de la critique.

Après l’introduction, l’action sedéporte sur d’autres personna-ges, issus de cette même zone pé-riurbaine où la menace se répand comme une sale MST. David Ro-bert Mitchell reprend le motif,

La descente aux enfers de Jay (Maïka Monroe), adolescente de Detroit. DR

classique dans le cinéma d’hor-reur, de la menace de mort quis’abat sur les adolescents ayant euun rapport sexuel, mais il lui donne un tour plus pervers qu’à l’accoutumée : pour se défaire dela malédiction, les victimes doi-vent coucher avec un nouveaupartenaire, qui deviendra la proie à son tour…

Le mal prospère ainsi au fild’une chaîne de séduction et detromperie, créant une solidarité d’égoïsme et de lâcheté entreceux qui le propagent. Ce mode opératoire évoque aussi bien la pratique sexuelle du barebacking(sexe sans protection), que le mé-canisme des subprimes, ces con-trats promettant monts et mer-veilles à des gens de peu, qui en ont entraîné tant dans la misère.

Que le film se passe dans la péri-

phérie de Detroit, fleuron de l’in-dustrie américaine aujourd’huien faillite, où la crise des subpri-mes a eu des conséquences parti-culièrement désastreuses, n’estpas anodin.

Fantomatique pendant toute la

première partie, seulement évo-quée par les bâtiments industrielsdésossés qui se découpent sur la ligne d’horizon, le centre-ville est le terrain de la confrontation fi-nale.

David Robert Mitchell le filmecomme une ville zombie, totale-ment déserte, à l’exception de deux prostituées faméliques qui font le pied de grue à un carrefour,perdues entre trois maisons abandonnées, un terrain vague,une usine désaffectée aux vitresbrisées…

La malédiction qui s’abat sur lesadolescents est autant sexuelle et psychologique que sociale et poli-tique. Ses proies sont toutes is-sues de cette petite bourgeoisie blanche qui a déserté le centre-ville, l’abandonnant aux plus pauvres, aux Noirs, interdisant à

ses enfants d’y mettre les pieds (c’est du moins ce que disent les personnages), comme s’il s’agis-sait d’une zone contaminée. Les adultes sont aux abonnés ab-sents, comme si la société dé-peinte ici, repliée sur son cy-nisme, son individualisme stérile,sa nullité politique, avait renoncé à exercer ses responsabilités.

L’extinction de la malédictionpassera par une remise en ques-tion de ce rapport au monde, une maturation morale des personna-ges qui prend la forme d’une puri-fication, dans laquelle on peut aussi voir un baptême politique. p

isabelle regnier

Film américain de David Robert Mitchell. Avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Daniel Zovatto. (1 h 40.)

Très loin

de la tendance

sensationnaliste,

hyperviolente

et gore,

« It Follows »

s’inscrit dans une

tradition

de la suggestion

Rite vaudou sur rythme klezmerCharles Najman évoque avec drôlerie la tragédie juive en Europe

PITCHIPOÏ

ppvv

C harles Najman a donc osé.La plongée verticale dansle gouffre intérieur ashké-

naze (le judaïsme d’Europe orien-tale), le Vingt Mille Lieues sous les mers de la névrose juive, Les Chants de Maldoror du flux de conscience made in Yiddishland. En un mot comme en cent, l’épo-pée intime du rire au goût de cen-dre. D’où parle l’auteur, comme ondisait autrefois ? Ecrivain et docu-mentariste, 60 ans demain, il a déjà signé deux longs-métrages defiction, La mémoire est-elle soluble dans l’eau ? (1996) et Royal Bonbon(2002), qui synthétisent ses deux principaux centres d’intérêt.

L’identité juive d’un côté, avecles aventures de sa mère, survi-vante d’Auschwitz, en cure ther-male à Evian aux frais du gouver-nement allemand. L’identité haï-tienne de l’autre, avec l’histoire d’un vagabond halluciné qui seprend pour le roi Christophe. Pit-chipoï revient au versant juif, pourmieux le cuisiner à la sauce vau-doue. Voyage intérieur, posses-sion par les morts, transes grotes-ques gouvernent le récit. On est

plus proche de Philip Roth que de Woody Allen. Voici donc JulienSchulmann (Xavier Gallais), auteur et acteur de stand-up. Le jour où il s’apprête à enterrer son père, un juif d’origine polonaise, les dernières volontés du défunt contrecarrent in extremis l’inhu-mation et destinent son fils à por-ter ses cendres sur sa terre natale.

Mental, ricanant, touchant

Fureur de la mère, qui voue la Polo-gne aux enfers. Stupeur du fils, pour lequel un voyage digne d’Ulysse, en un peu plus juif, com-mence. Un voyage entre France et Pologne, mené parmi vivants et fantômes, bourreaux et victimes, réalité et imaginaire. Un voyage mental, ricanant, touchant, his-trionesque, attentatoire aux règlesde l’art. Quelque chose de la veine baroque du cinéma polonais rôde dans ce film.

On y croisera un frère absent,préféré du père, haï et espéré à lafois (Denis Lavant). Un beau-frère sioniste et sinistre possiblementacoquiné avec le Mossad (Laurent Lacotte). Le fumeux leader d’un« mouvement varsoviste » (JackieBerroyer) destiné à rapatrier les Is-raéliens, perdus pour le judaïsme,

en Pologne. Un rabbin incertain et folâtre (Jacky Nercessian). Une nymphomane judéophile qui ex-pie l’antisémitisme familial encollectionnant la semence juive dans une nomenclature de mou-choirs (Sabrina Seyvecou, suprê-ment érotique en soutien-gorgenoir ajouré d’étoiles de David). Unbourreau varsovien travaillant dans une cave suintante un quar-tier de viande à la manière d’un psychopathe échappé d’un film d’Eli Roth (Jean-Louis Coulloc’h).

Tout cela, qui n’est à l’évidenceguère raisonnable, se noue de ma-nière à la fois confuse et inspirée, donnant un film bancal, heureux, émouvant. Heureux en raison de son courage, parce qu’il y a une part évidente de prospection in-time et familiale dans cette his-toire. Emouvant parce qu’il as-sume crânement la fidélité à la part maudite de ce peuple qui a voulu renverser l’humiliation de l’exil en utopie diasporiste, au ris-que d’être vaincu par l’Histoire. p

jacques mandelbaum

Film français de Charles Najman. Avec Xavier Gallais, Laurent Lacotte, Sabrina Seyvecou (1 h 50).

rétrospective

le franc-tireur du cinéma français

shellac présente

partie. 1, de 1972 à 1979

L’Étrangleur

Femmes femmes

Change pas de main

Corps à cœur

au cinéma le 11 février

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16 | culture MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

0123

FRANK

pppv

Qu’est-ce qui se passedans la tête d’un ar-tiste ? Ces temps-ci, laquestion obsède les ci-néastes, qu’ils explo-

rent le processus créatif à l’œuvre chez une figure historique (Mr Turner, de Mike Leigh) ou qu’ilstravaillent sur de la matière vive (Nick Cave examiné par Iain For-syth et Jane Pollard dans 20 000 jours sur Terre).

Lenny Abrahamson, cinéaste ir-landais, plonge dans la tête de Frank, musicien de fiction. Il y a dela place dans la tête de Frank, elle est énorme, en carton, et dissi-mule les traits de l’être qui l’oc-cupe, à la scène comme à la ville. Sur le circuit rock britannique, dans les années 1980, Chris Sievey se produisait sous le nom de FrankSidebottom, le visage dissimulé par une tête inspirée des dessins animés américains des années 1930. Le scénario de Frank a été coécrit par l’un des musiciens qui accompagnaient Sidebottom. Bref, en vrai, ça se peut.

Mais dès les premières séquen-ces, on est sûr d’être en tournéedu côté de la fiction. Le mélanged’humour très noir (spécialité ir-landaise, voir le récent Calvary) et d’hypersensibilité, le rôle déter-minant des réseaux sociaux dans le déploiement d’une intrigue de plus en plus complexe, forme unrécit rêveur et cruel qui joue avec le spectateur, en le forçant – genti-ment mais fermement – à se de-mander ce qu’il fait là, ce qu’il at-tend de ces gens merveilleux quise déguisent et s’ouvrent les tri-pes (métaphoriquement, encoreque…) sous ses yeux.

Naïf et retors

L’histoire de Frank, génie mé-connu du rock (voir du côté de DonVan Vliet, dit Captain Beefheart, oude Syd Barrett pour les références musico-psychiatriques), tombe un jour sur les épaules de Jon Burrou-ghs (Domhnall Gleeson), musicienqui végète dans une petite ville d’Irlande. Jusqu’au jour où l’un de ses confrères, clavier des Sonor-fpbs, traversant un épisode psy-chotique, tente de se noyer sous ses yeux. Ce qui permet à Jon de le remplacer. A la fois naïf et retors (ce que facilite le physique très lisse et la force d’expression de Domhnall Gleeson, qui fut un Weasley à Poudlard chez Harry Potter et surtout Levin dans l’Anna

Karénine de Joe Wright), la nou-velle recrue tente de sortir les So-norfpbs de leur marginalité.

Celle-ci est régie par la supréma-tie de Frank que les autres mem-bres du groupe traitent avec la ré-vérence due aux êtres en contact avec l’au-delà. S’exprimant par phrases cryptées, manifestant des traits associés à l’autisme, Frank est aussi un musicien d’une irré-ductible singularité. Clara (Maggie Gyllenhaal) et la rythmique com-posée de Baraque (François Civil)

et Nana (Carla Azar) s’emploient exclusivement à préserver cette différence, tout comme Don (Scoot McNairy), le manageur du groupe. Jon respecte cette volonté, sur la route comme en studio, où les Sonorfpbs s’enferment pen-dant des mois, quelque part dans la campagne irlandaise. Mais à l’insu de ses camarades, le nou-veau venu tient la chronique de la naissance du nouveau disque sur les réseaux sociaux, donnant au groupe une notoriété qu’il n’avaitjamais connue, jusqu’à les faire in-viter au festival SXSW d’Austin (Texas).

Ce qu’il advient pendant l’enre-gistrement, puis sur les routes américaines, tient de la chronique picaresque. Et l’observation minu-tieuse et ironique des incidents de la vie quotidienne d’un groupe de rock au XXIe siècle (une fois passéel’apogée de cette musique) suffi-rait à faire une excellente comédie.Frank est plus que cela : Lenny

Abrahamson a pris la peine de confier le rôle principal à un acteurde renom et objet de désir, MichaelFassbender.

Il y a bien sûr un gag : la beautédes traits de Fassbender est gâ-chée, délibérément. Mais pas sa présence physique, pas sa manièrede bouger. Avec son énorme tête sphérique, il garde une grâce qui rend compréhensible la dévotion des autres membres du groupe, deClara en premier lieu, magnifique Maggie Gyllenhaal dont on ne comprendra que très tard les vraies motivations. Entre douleur et création, entre intégrité et né-cessité de survivre, la tension va croissant, jusqu’au finale, quelque part au milieu des Etats-Unis, au bout de la route. p

thomas sotinel

Film irlandais de Lenny Abrahamson, Avec Michael Fassbender, Domhnall Gleeson, Maggie Gyllenhaal (1 h 35).

Romain Goupil joue à « je me souviens »Le cinéaste revient, en mêlant images d’archives et scènes de fiction,sur les moments qui ont marqué sa vie

LES JOURS VENUS

pppv

C’ est l’histoire d’un mecqui s’appelle RomainGoupil. Un jour, il dé-

cide de faire un film qui s’appel-lera Les Jours venus. Parce qu’il aime les dates et qu’il adore parlerde lui, ça lui permettra de se sou-venir de quelques journées quiont compté dans sa vie. « Le jourvenu où une lettre administrative interroge votre âge et votre statutet vous pousse à la retraite » ; « Le jour venu où vos enfants regardentvotre passé comme si vous aviezfait Verdun » ; « Le jour venu où votre dernière idée de scénario ne se transforme pas en film »…

Ça commence par un piano quitombe par la fenêtre et se terminepar l’enterrement de Goupil. En-tre-temps, on aura passé un mo-ment à la cité Montmartre des ar-tistes, là même où a vécu le grand-

père de Romain Goupil et où sont nés le petit Romain et son père. On sera allé à Sarajevo, la ville as-siégée où, en 1994, Romain tombaamoureux de Sanda (Jules naîtra deux ans plus tard). En Bretagne,on rencontrera le père de Romain,à propos duquel, à la demande de Godard, Goupil (le fils) tourna Le Père Goupil, un court-métrage dans lequel son père raconte sonexil en Bretagne, sa vie de camera-man, sa vision de la mort…

Amusés ou agacés

Bien d’autres personnages encorepeuplent Les Jours venus, comme autant de manières, pour Goupil, de se raconter. Des femmes sur-tout, sa banquière (formidable Va-leria Bruni Tedeschi), sa produc-trice (Noémie Lvovsky, tendre et attentive), une voisine (Marina Hands, fort séduisante), Sandaévidemment (remarquable utili-sation des documents d’archives),

sans parler de cette créature touten rondeurs, sorte d’apparitionfantasmatique ambulante de cet homme à femmes qui aime lesfemmes. Les connaisseurs de Ro-main Goupil ne seront en rien dé-paysés, heureux de retrouver leréalisateur de Mourir à 30 ans confronté à ce jour où il com-mence toutes ses phrases par « avant ». Les autres découvri-ront, amusés ou agacés, ce per-sonnage attachant, né à Paris en 1951, devenu réalisateur après un passage par l’extrême gauchemilitante. On rit beaucoup devantce film au ton résolument godar-dien. Et puis, quand arrive ce jour « où tout votre temps se décompte,les enfants grandissent, vos pa-rents faiblissent », c’est une émo-tion vraie qui nous étreint.

Reste enfin la scène finale, an-thologique. L’enterrement du ca-marade Romain, lui-même per-ché sur une grue avec sa caméra.

« C’est mon enterrement ! », hur-le-t-il à ceux qui en douteraient. Ily a là ses potes, des politiques(Dany Cohn-Bendit, Henri We-ber), des cinéastes (Arnaud Des-plechin, Mathieu Amalric, Noé-mie Lvovsky, Luc Leclerc du Sa-blon), des journalistes (RémyOurdan, Florence Ben Sadoun),plein de monde venu tout exprès pleurer cette figure de l’après-Mai. Insupportable comme il sait l’être, Goupil leur hurle dessus, cequi lui vaut cette réplique assas-sine d’un de ses copains : « Trots-kiste un jour, tyran toujours ! Ciao mon pote ! » Ultime éclat de rire.L’histoire d’un mec qui a réussi un film un brin nostalgique et chaleureux. p

franck nouchi

Film français de Romain Goupil. Avec Romain Goupil, Valeria Bruni Tedeschi, Noémie Lvovsky, Marina Hands (1 h 30).

Entre douleur

et création,

entre intégrité

et nécessité

de survivre,

la tension

va croissant

Dans la tête du rockeur masquéMême le visage dissimulé, Michael Fassbender garde toute sa grâce

Frank (Michael Fassbender) et sa tête en carton. DR

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ES

F

IL

MS K Lire l’intégralité de la critique sur Lemonde.fr (édition

abonnés)

ppvv À VOIRGus petit oiseau, grand voyageFilm d’animation franco-belge de Christian De Vita (1 h 30)Orphelin, l’oiseau Gus vit dans la crainte du vaste monde jus-qu’à ce que Coccinelle l’oblige à jouer les guides surdoués pour oiseaux migrateurs en partance pour l’Afrique… Ce pre-mier long-métrage des studios d’animation français TeamTO a tout d’un grand, et promet aux jeunes spectateurs un très bon vol. p n. lu.

Les Nouvelles Aventures de Gros-Pois et Petit-PointFilm d’animation suédois de Uzi et Lotta Geffenblad (44 min)Quatre ans après leurs aventures sur grand écran, les facétieux lapins suédois reviennent dans une mini-épopée de six films. Le génie des auteurs ? Avoir imaginé des liens entre les diffé-rentes histoires. Stimulant la mémoire des jeunes spectateurs, ces correspondances discrètes sensibilisent les tout-petits à la narration. Une réussite. p s. ma.

Les Moomins sur la RivieraFilm d’animation français et finlandais de Xavier Picard (1 h 17)Adaptant les « comic strips » de la romancière et dessinatrice finlandaise Tove Jansson, Xavier Picard anime avec tendresse et poésie le monde fantaisiste des Moomins. Délicatement co-lorée et mise en musique, cette jolie réalisation donne envie de découvrir et de redécouvrir le travail de Tove Jansson. p n. lu.

Territoire de la libertéDocumentaire français, suisse, russe d’Alexander Kousnetsov (1 h 07)Ce documentaire magnifique a été tourné au cœur de la taïga sibérienne, dans une communauté libertaire, hédoniste, let-trée, politisée, qui se réunit pour gravir les monts Stoblys, et se retrouver dans des isbas pour refaire le monde p i. r.

Two Years at SeaDocumentaire britannique de Ben Rivers. Avec Jake Williams (1 h 28)Dans une tradition poétique de retour à la nature, critique du mode de vie occidental mais profondément pacifiste, inspirée de la pensée de Thoreau, le plasticien et cinéaste britannique nous invite à passer une heure et demie avec un ermite sans âge, sorte d’Huckleberry Finn moderne. p i. r.

pvvv POURQUOI PASFélix et MeiraFilm canadien de Maxime Giroux (1 h 45)Un gentil bon à rien quadragénaire s’éprend d’une jolie mère de famille de la communauté hassidique de Montréal. Si l’at-mosphère hivernale et les espaces confinés n’empêchent pas une idylle de s’épanouir, ils mettent à l’épreuve la disponibilité du spectateur. p t. s.

Kaddish pour un amiFilm allemand de Leo Khasin (1 h 33)Un vétéran juif de l’Armée rouge et un jeune réfugié palesti-nien se font la guerre dans le Berlin d’aujourd’hui, avant d’ap-prendre à se connaître et de pactiser. Une version réconfor-tante de l’importation du conflit israélo-palestinien en Europe. Le film a été diffusé en 2013 sur Arte ; nul doute que l’actualité est cause de son transport sur grand écran. p j. ma.

KertuFilm estonien d’Ilmar Raag (1 h 37)Dans l’île estonienne de Sareema, Kertu la « simplette » et Villu l’alcoolique s’aiment. Mais leur petit monde est contre eux : sait-on ce que c’est que l’amour, quand on est alcoolique ou simplette ? Si le réalisateur agglomère trop l’adversité autour de la romance, le couple Kertu-Villu, bien interprété, est origi-nal, touchant, gracieux, peut-être même inoubliable. p n. lu.

La Grande Aventure de Maya l’abeilleFilm d’animation allemand d’Alexs Stadermann (1 h 25)Née sous la plume de l’écrivain Waldemar Bonsels en 1912, Maya l’abeille renaît sur grand écran. Alexs Stadermann rend justice à la personnalité affranchie de l’abeille, qui va appren-dre à ses congénères qu’on peut vivre ensemble, dans un esprit de tolérance. Reste que la 3D et des développements superflus ne contribuent guère à porter ce beau message à son point d’incandescence. p s. ma.

Le Prix à payerDocumentaire canadien d’Harold Crooks (1 h 33)Consacré à l’évasion fiscale et à ses conséquences désastreuses sur nos démocraties, ce documentaire empile les témoignages de spécialistes. Bien construit, le film est en revanche convenu sur le plan de la réalisation. p s. ma.

Papa ou mamanFilm français de Martin Bourboulon (1 h 25)Florence et Vincent, parents aimants de trois enfants, arrivent au bout de leur vie conjugale. La procédure de divorce les transforme pourtant en monstres et en bourreaux d’enfants. Il n’est pas si fréquent que le mauvais esprit gouverne une comé-die française grand public : la tentative est encourageante mais manque hélas de conviction hargneuse. p j. ma.

vvvv ON PEUT ÉVITERLa Nuit au musée : le secret des pharaonsFilm américain de Shawn Levy. Avec Ben Stiller, Robin Williams, Owen Wilson (1 h 37)Les objets inanimés du Muséum d’histoire naturelle de New York prennent vie à la nuit tombée. Le principe de la franchise ne change pas mais, pour se dépayser, Shawn Levy emmène ses personnages à Londres. Avec une désinvolture qui frôle le mépris, il va jusqu’à reconduire, quasiment à l’identique, cer-taines scènes du premier volet. p i. r.

Le Paradis de SandraFilm français de Marianne Roussy-Moreau (1 h 14)La documentariste Marianne Roussy-Moreau dresse le portrait de Sandra Liliana Sanchez, qui s’est battue pour monter à 16 ans une maison d’accueil dans un bidonville de Bogota. Mais la monotonie de l’ensemble n’est pas à la hauteur de l’enthou-siasme que porte cette figure hors du commun. p m. m.

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0123MERCREDI 4 FÉVRIER 2015 culture | 17

La passion de deux désespérésJessica Hausner s’est inspirée des derniers jours de Heinrich von Kleist

AMOUR FOU

ppvv

Jessica Hausner se plaît à défi-nir son sixième long-mé-trage comme une « comédieromantique ». Dans unmonde idéal, les amateurs de

Bridget Jones se laisseraient pren-dre au piège, franchissant les cloi-sons qu’imposent les règles de l’exploitation cinématographique. Ils découvriraient ainsi un fait di-vers célèbre dans les annales de la littérature, situé à l’époque roman-tique, traité avec une ironie froide qui seule permet l’invocation du comique par l’auteur. Quant à sa-voir s’ils goûteraient la tromperie sur la marchandise…

Dans le monde tel qu’il existe,Amour fou confirmera, auprès des consommateurs de cinéma d’auteur, le statut de Jessica Hausner, autrichienne comme Michael Haneke. On veut dire par là qu’elle ne jette pas sur le genre humain un regard plus enamouré que son aîné. Elle ne se fait d’ailleurs pas plus d’illusions sur les grands de ce monde que sur le commun des mortels.

Amour fou est la relation, sem-ble-t-il plutôt scrupuleuse, des der-niers temps de Heinrich von Kleistici-bas (et, si l’on ne sait rien de la

mort de Kleist, autant ne pas lire ces lignes avant d’avoir vu le film). L’auteur de La Marquise d’O et de Michael Kohlhaas s’est donné la mort en 1811 dans un bois des envi-rons de Berlin, quelques secondes après avoir tué d’un coup de pisto-let sa compagne de suicide, Hen-riette Vogel, jeune mère de famille qui avait accepté de signer un pacte avec lui.

Grâce rohmérienne

Dès les premières séquences, ce garçon à l’air perpétuellement déçu par ses semblables et l’exis-tence implore une femme de mou-rir en sa compagnie. Ce n’est pas la première fois, semble-t-il, sûre-ment pas la dernière, puisque l’im-portunée éconduit le plus délicate-ment du monde son létal soupi-rant le contraignant, quelques sé-quences plus tard, à demander la même faveur à Madame Vogel (Birte Schnöink). Celle-ci s’est dé-clarée troublée par la lecture de La Marquise d’O, que Kleist vient de publier.

On s’accrochera à cette branchecinématographique pour ne pas selaisser dériver dans l’univers berli-nois du début du XIXe siècle : le film qu’Eric Rohmer tira du récit de Kleist. On retrouvera chez Jes-sica Hausner quelque chose de la

grâce rohmérienne, de l’usage presque religieux d’une langue disparue. Mais, à la place de l’émer-veillement inépuisable de l’auteur des Contes moraux devant la folie humaine, on trouvera une con-templation impitoyable, à peine atténuée par une sérénité qui con-fine parfois à la placidité.

Ainsi, les interprètes s’interdi-sent tout paroxysme. ChristianFriedel (découvert dans Le Rubanblanc, de Haneke) s’autorise par-fois des airs benêts, et la grâce de Birte Schnöink est contredite parla mesquinerie de sa vie quoti-dienne. Ces personnages vou-draient échapper à leur condition dérisoire, mais la réalisatrice les contient dans des pièces à l’ameu-blement spartiate, aux murs peints de couleurs douces qui soulignent encore leur malheur

existentiel.Que le personnage trébuche sur

une peau de banane ou sur les irré-ductibles contradictions entre ses aspirations et la réalité du monde, sa chute reste une chute – un gag. En cela, Amour fou est une authen-tique comédie romantique. Mais ilfaut reconnaître quelque chose en plus à Jessica Hausner, qui tient à lapatience avec laquelle elle met en scène les efforts de Heinrich et Henriette pour mourir ensemble. Leur résolution finit par produire la beauté à laquelle ils aspirent.

Certes, le dramaturge est dépeintcomme un égotiste qui ne voit dans ses semblables (et particuliè-rement dans les femmes) que les instruments de sa volonté. Certes, on peut voir dans la petite-bour-geoise une désespérée qui préfère en finir plutôt que d’essayer. Mais on discerne aussi l’ébauche d’un sentiment très fort entre ces deux agonisants (selon les médecins, Henriette n’en a plus pour long-temps), une empathie qui finit par se communiquer aux spectateurs incrédules de cette histoire an-cienne. p

thomas sotinel

Film allemand et autrichien de Jessica Hausner. Avec Christian Friedel, Birte Schnöink (1 h 36).

Cendrillon et Marx en voyage intergalactiqueUn « space opera » signé des créateurs de « Matrix », desservi par un scénario simplet

JUPITER. LE DESTIN DE L’UNIVERS

pvvv

C hef des dieux chez les Ro-mains, par ailleurs plusgrosse planète du Système

solaire, Jupiter (Le Destin de l’Uni-vers, en français, moins pompeu-sement, Ascending en anglais) de-vient, à compter du mercredi 4 fé-vrier, le titre du septième long-mé-trage d’Andy et Lana Wachowski, créateurs de la célébrissime trilo-gie Matrix, qui marqua en son temps l’histoire du cinéma de science-fiction. Ce tandem nouvel-lement hybride (car hier encore constitué de deux frères) tente de relever depuis vingt ans à Hol-lywood le pari d’un cinéma égale-ment hybride, obsédé par la muta-tion, qui mêle divertissement de masse (tendance baroque) et pro-fondeur philosophique (en petit

bassin). L’œuvre, ambitieuse et grandiloquente, divise la critique, et ne trouve pas davantage dans le public un allié constant.

Coquetterie ésotérique

On en veut pour preuve l’échec commercial de leurs deux der-niers films (Speedracer en 2008, Cloud Atlas en 2012), qui fait de Ju-piter Ascending, gros bébé de 175 millions de dollars (154,46 mil-lions d’euros) biberonné par la Warner, un enjeu certain pour la poursuite de leur carrière au sein du système hollywoodien. Les si-gnes qui nous parviennent depuis quelques mois n’étaient à cet égard pas très rassurants : sortie retardée depuis juillet 2014, pro-jection surprise au festival de Sun-dance peu concluante, divulgationtardive à la presse. Le résultat ne vaut, en vérité, ni l’opprobre que certains ont prédit ni la révolution

que d’aucuns attendent de toute création wachowskienne.

Jupiter. Le Destin de l’Univers estun space opera qui tient à la fois duconte (type Cendrillon ou Blanche Neige) et de l’épopée (type Guerre des étoiles). Jupiter Jones, une jeune orpheline d’origine russe, femme de ménage chargée du net-toyage de toilettes publiques en Californie, occupe le centre de la saga. Bientôt, en effet, un dé-nommé Caine Wise (Channing Ta-tum), musculeux lycanthrope venu de l’espace pour la ramener àdomicile, lui apprend qu’elle est la réplique génétique de la reine d’Abrasax, l’une des plus puissan-tes dynasties extraterrestres. Or la reine vient de mourir, à quelque 90 000 ans. Surprise, comme on leserait à sa place, Jupiter Jones se dé-couvre donc un héritage que vont lui contester les trois enfants natu-rels de la reine.

S’ensuit un voyage intersidéralqui mêle romance, vulgate marxi-sante (l’enjeu politique de l’héri-tage tient au capital génétique d’une humanité disséminée et sa-crifiée à son insu sur plusieurs pla-nètes par une élite qui l’exploite à son seul profit), coquetterie ésoté-rique (voir la signification gnosti-que du terme Abrasax) et action interstellaire à grand spectacle. Saisi par l’hybridation wachows-kienne, le spectateur pourra se laisser séduire par le film (pour son mélange de trivialité et de fan-tastique, pour l’humour qui af-fleure) sans cesser de lui résister (scénario simplet, caractères uni-voques, effets assommants). p

jacques mandelbaum

Film américain d’Andy et Lana Wachowski. Avec Channing Tatum, Mila Kunis, Sean Bean (2 h 07).

La réalisatrice

ne se fait pas

plus d’illusions

sur les grands

de ce monde que

sur le commun

des mortels

DV

D L’Authentique Procès de Carl-Emmanuel JungVomissant tant la production commerciale que l’œuvre d’auteur institutionnellement soutenu par l’Etat, Marcel Ha-noun, né en 1929 en Tunisie et mort le 22 septembre 2012 à Créteil, était un brûlant séide de Robert Bresson, un être étrange que le mot liberté seul faisait vibrer. Son œuvre est ap-préciée de quelques extravagants cinéphiles, qui connaissent sur le bout des doigts ses soixante-dix films. L’un d’entre eux, L’Authentique Procès de Carl-Emmanuel Jung, réalisé en 1967, est édité aujourd’hui en vidéo.On y voit un père de famille jouer du Bach au clavecin dans un appartement bourgeois, sa femme blonde se refaire une beauté dans la salle de bains, son fils l’embrasser avant de partir à l’école. Puis une voix off nous présente cet homme banal : Carl-Emmanuel Jung, criminel de guerre, prévenu libre, jugé vingt ans après en pays étranger. C’est son procès, fût-il imaginaire, que le film met en scène. Témoins, avocats, traducteurs, ac-cusé : tous filmés sur fond noir, individuellement, dans des pri-ses de parole désynchronisées ou doublées par d’autres voix. La litanie des faits rapportés, minutieuse, renvoie clairement au processus d’extermination des juifs durant la seconde guerre mondiale. Devant la monstruosité que les témoignages lui im-putent, l’homme argue de sa « conscience claire ».Ce film de procès austère et onirique fut soutenu par Jean Eus-tache, qui y fait une saisissante figuration. Dans un livret d’ac-compagnement, Nicole Brenez précise les influences probables de l’auteur, qui vont de la tenue du procès Eichmann en 1961 à Jérusalem à celui de Francfort en 1963, où comparaissent des officiers SS d’Auschwitz. Ces procès, qui marquent le début de la reconnaissance du génocide dans la conscience collective, trou-vent chez le cinéaste un écho paradoxal, puisqu’il choisit déli-bérément de remplacer le mot « juif » par celui d’« étranger », alors même que son film décrit par le menu la procédure d’ex-termination réservée aux seuls juifs et Tziganes. p j. ma.

1 DVD. Ed. Les Auteurs et Re : voir Vidéo, 22 €

Christian Friedel et Birte Schnöink. DR

Taken 3 2 514 416 564 ↓ – 51 % 1 707 258

La Famille Bélier 7 403 529 807 ↑ + 4 % 5 522 535

Imitation Game 1 245 712 265 245 712

Toute première fois 1 185 051 274 185 051

Les Souvenirs 3 133 740 456 ↓ – 17 % 685 141

Into the Woods... 1 101 586 178 101 586

Les Pingouins... 7 56 322 381 ↓ – 8 % 2 250 910

Invincible 4 55 068 310 ↓ – 32 % 594 309

Les Nouveaux Sauvages 3 54 815 242 ↓ – 30 % 312 838

Cops : les forces... 2 50 639 143 ↓ – 21 % 124 737

Nombrede semaines

d’exploitationNombre

d’entrées (1)Nombre

d’écrans

Evolutionpar rapport

à la semaineprécédente

Totaldepuis

la sortie

AP: Avant-premièreSource : Ecran Total

* EstimationPériode du 28 janvier au 1er février inclus

Excellent démarrage d’Imitation Game, le film qui raconte l’histoire fascinante du « père » de l’ordinateur, Alan Turing. Avec plus de 245 000 entrées en cinq jours d’exploitation, il peut espérer dépasser la barre du million de spectateurs. Poursuite, sinon, de la marche triomphale de La Famille Bélier, qui, en 7e semaine, trouve encore le moyen d’améliorer son score de la semaine précédente (+ 4 %, plus de 5 500 000 entrées). Pour le reste, rien de bien saillant…

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18 | télévisions MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

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HORIZONTALEMENT

I. Comptent sur vous pour en savoir plus. II. Aménagée pour faire place. Forme de pouvoir. III. Excellent conducteur. Ouverture de gamme. Donne de belles images en partant de la droite. IV. A mesuré les doses de rayonnements. Montre le bout de la queue. Fils de Poséidon et papa de Si-syphe. V. Empereur romain devenu original. Dans la main du travailleur. VI. Ne supportes pas la charge. Point de départ. Personnel. VII. Fait appel. Ne devrait pas léchir. VIII. Crachant et fumant dans l’île de Ross. Alimente les caisses de l’Etat. IX. Patron en Manche. Enfoncerai dangereuse-ment. X. A mis in aux exploits de Ravaillac.

VERTICALEMENT

1. Aime jouer avec le feu. 2. Très commune. Accord de la France d’en bas. 3. Dans les pompes. Ne voit pas plus loin que le bout de son nez. 4. Homme de cœur. Assure le redoublement. Liaisons rapides. 5. Reprirent pour améliorer. 6. Peut tout dire. Evite de tout prendre au sérieux. 7. Canton de Meurthe-et-Mo-selle. Aluent de la Durance. 8. Poème lyrique. Assure la sécurité chez François. 9. Bloque la situation. Néodyme. Trempé en plein cœur. 10. Triangulaire sur le bâtiment. Au-xiliaire. 11. Fis le détail. Ménage la monture. 12. Donnait un peu de hauteur.

SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 028

HORIZONTALEMENT I. Satisfaction. II. Urinal. Orale. III. Bref. Arno. Ac.

IV. Sanoi. Vulve. V. TNT. Erme (mère). VI. Ag. Mieux. Mis. VII. Néron.

Pécari. VIII. Tu. Utah. Ecot. IX. Isolait. Cône. X. Fertilisants.

VERTICALEMENT 1. Substantif. 2. Arrangeuse. 3. Tient. Or. 4. Info. Moult.

5. SA. Feintai. 6. Flaire. Ail. 7. Muphti. 8. Convexe. 9. Trou. CECA.

10. Ia. Limaçon. 11. Olav. Iront. 12. Nécessités.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

I

II

III

IV

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VI

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VIII

IX

X

GRILLE N° 15 - 029

PAR PHILIPPE DUPUIS

0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).

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Toulouse (Occitane Imprimerie)

Montpellier (« Midi Libre »)

80, bd Auguste-Blanqui,

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Présidente :

Corinne Mrejen

SUDOKUN°15-029

Afriquel'envol

0123hors-série

L’ENVOL DEL’AFRIQUE

Un hors-série du Monde7,90 € en kiosque ou surLemonde.fr/boutique

Téléfilm

La Balade de Luciede Sandrine Ray. Avec Sandrine Bonnaire, Antoine Rodet, Mylène DemongeotFRANCE – 2012 – 90 MIN

Avec son mari, Paul, et ses deux fils, Lucie mène une vie paisible et heureuse jusqu’au jour où Paul est emprisonné pour abus de biens sociaux. Une situation que Lucie va gérer seule, avec courage. Ce tourbillon de la vie trouve pleinement sa force et sa justesse dans l’émoi des acteurs et la sensibilité de leur jeu.FRANCE 2 – 22 H 40

Films

Voyage en Italiede Roberto Rossellini. Avec Ingrid Bergman, George Sanders, Leslie DanielsITALIE – 1954 – NB – VO – 79 MIN

Un couple d’Anglais en voyage en Italie est au bord de la rupture. La description d’une vie conjugale qui se désagrège est restituée avec une extrême simplicité de moyens quifera de ce film un des actes fondateurs du cinéma moderne.CINÉ + CLASSIC – 17 H 10

Une séparation

d’Asghar Farhadi. Avec Leila Hatami,

Peyman Moaadi, Sareh BayatIRAN – 2011 – VM – 117 MIN

Ours d’or à Berlin, ce film peint avec sensibilité deux couples pris dans le carcan de la société iranienne. Asghar Farhadi use des théâtres intimes pour distiller l’idée qu’en Iran le mensonge et la manipulation se pratiquent à tous les niveaux, que les comportements que l’on y impose méritent d’être débattus, contestés.OCS CITY – 20 H 40

Un hôpital éphémère au cœur de l’AmazonieDes « Expéditionnaires de la santé » sont allés soigner les Indiens Xavantes dans le Mato Grosso, au Brésil

FRANCE ÔMERCREDI 4 – 22 H 35

DOCUMENTAIRE

Le corps peint en rouge, ilsdansent en cercle afin dechasser les maladies horsde leur village. Pour se soi-

gner, les Indiens Xavantes utili-sent des méthodes ancestrales à base de plantes et de fumée. Le sor-cier confie même pouvoir guérir lapneumonie. Scepticisme chez le réalisateur Zinedine Boudaoud, ainsi que chez les « Expéditionnai-res de la santé », l’ONG brésilienne,fondée en 2003 par le chirurgien Ricardo Ferreira, qui s’aventure au cœur de l’Amazonie pour venir en aide aux populations isolées et dont ce documentaire suit la 29e expédition, dans l’Etat du MatoGrosso, dans l’ouest du Brésil.

Trois heures d’avion depuis l’aé-roport de Campinas, au nord deSao Paulo, puis six heures d’une route asphaltée qui devient un sentier cahoteux où la poussière se soulève sur le passage des hu-manitaires sont nécessaires pour rallier Sao Pedro et ses trois cent vingt-six habitants. Sous un soleilde plomb, les quarante-deux mé-decins et leurs seize tonnes dematériel rejoignent l’équipe logis-tique déjà sur place. Le village de-vient le centre névralgique detoute la tribu Xavante, soit qua-torze mille individus répartis

dans les neuf réserves qui leursont attribuées. Des bus mais aussi des avions de tourisme sontaffrétés pour acheminer les mala-des les plus éloignés.

Sentiments ambivalentsLe documentaire témoigne sur-tout de la rencontre de deux cultu-res et des sentiments ambivalentsdont font preuve les Xavantes, partagés entre méfiance et espoir démesuré à l’égard des membres

de l’ONG. Ainsi, cette mère qui amène sa fille, aveugle de nais-sance, dans l’attente d’un miracle qui n’arrivera pas. Ou d’autres, plus craintifs, qui rechignent àfaire confiance aux médecins, comme la mère de Geraldo, 8 ans, qui souffre d’abcès dans la boucheet doit impérativement subir une opération. Aussi surprenants que puissent paraître parfois les com-portements des Xavantes, jamais le réalisateur ne laisse s’exprimer

le moindre jugement à leur en-contre. « Leur attitude n’est pas del’indifférence face à la souffrance de leurs enfants, c’est juste une cul-ture que nous devons accepter », explique l’infirmière Dee Teresa Torres.

Dommage, en revanche, que lapremière partie s’appesantisse unpeu trop sur des problèmes super-ficiels rencontrés par les mem-bres de l’ONG, par exemple la dif-ficulté de monter une tente et y

dormir. Ce qui retarde d’autant la seconde partie, plus intense etforte en émotions. Celle notam-ment que provoque cette sé-quence où des dizaines d’Indiens, tout juste opérés de la cataracte, recouvrent la vue.

Un gouffre entre deux culturesLe contraste a cependant le mé-rite de mettre en lumière le gouf-fre qui sépare les deux cultures. Gouffre qui tend d’ailleurs à se ré-duire avec l’intrusion, dans la viedes Indiens, de certains usages ci-tadins. Dans une case de bois et depaille située au cœur de la forêt vierge trône ainsi au milieu du sa-lon une… télévision. De même, lesenfants qui découvrent bonbonset gâteaux venus de la ville, sans pour autant adopter les règles d’hygiène dentaire nécessaires.Les Xavantes, qui rencontrent par ailleurs de plus en plus de difficul-tés à trouver du gibier et du pois-son, se voient contraints de con-sommer des produits auxquelsleurs organismes ne sont pas ha-bitués. La faute à un territoire étri-qué, mais aussi à un barrage, se-lon un chef de famille Xavante.Un problème à peine évoqué qui aurait mérité d’être creusé. p

anne-claire gross

Les Chirurgiens de l’Amazonie, de Zinedine Boudaoud (France, 2014, 55 min).

A Sao Pedro, en dix jours, les médecins ont opéré 198 patients atteints de cataracte. IN FINE FILMS

Visions d’enfer à Coney IslandAvec « Requiem for a Dream », Darren Aronofsky signe un film puissant comme une drogue dure

ARTEMERCREDI – 22 H 40

FILM

A daptation littérale du ro-man d’Hubert Selby Jr,Requiem for a Dream, de

Darren Aronofsky, commence comme dans un rêve. Sara Gold-farb, une vieille dame juive, vitseule à Coney Island. Un coup detéléphone l’avertit qu’elle a été sé-lectionnée pour participer à sonémission télévisée préférée. Elle se met aussitôt en tête de perdredu poids, sans y parvenir. Un mé-

decin lui prescrit des pilules, sim-plement différenciées par leurs couleurs. Parmi elles, des amphé-tamines la rendent rapidementdépendante. Harry, son fils, tra-vaille, avec son ami Tyrone, dansl’import-export. A la grande fiertéde sa mère, qui ne comprend pas que la marchandise dont ils font le commerce est l’héroïne.

Darren Aronofsky dépeint sespersonnages comme formant une famille idéale (la mère, sonfils, sa fiancée, Marion, toxico-mane, éprouvent les uns pour les autres un amour qui rendra leur

chute encore plus pathétique). L’interprétation en finesse d’EllenBurstyn dans le rôle de Sara, de Ja-red Leto et Jennifer Connelly dansceux d’Harry et de Marion, tous deux choisis pour leur visage an-gélique, ne prépare jamais le spec-tateur à anticiper les sévices dont ils seront les victimes.

Le rêve américain

Requiem for a Dream décrit les deux versants du rêve américain : sa face warholienne – ses fameu-ses minutes de célébrité – et sa facemercantile – la possibilité d’ouvrir

un commerce et de prospérer. Même s’il montre les effets dévas-tateurs de l’héroïne, Darren Aro-nofsky s’attache davantage à dé-crire les effets pervers des images.

Sara Goldfarb perd la tête à forcede trop regarder son émission de télévision, au point de voir appa-raître les participants chez elle. Les hallucinations d’Harry, naïveset pastorales, ressemblent à un soap opera. L’héroïne et les am-phétamines sont ici le moyen ul-time et désastreux de donner uneforme visuelle à ses rêves.

Requiem est un film physique.

Sara finit dans un asile, condam-née à des traitements par électro-chocs, Harry et Marion sont muti-lés. Les atrocités subies par les per-sonnages, envisagées de façon trèsgraphique, ne sont pas sans effet sur le spectateur. Requiem for a Dream a la puissance d’une dro-gue. Ce film s’inscrit dans la mé-moire pour ne plus la quitter. p

samuel blumenfeld

Requiem for a Dream, de Darren Aronofsky. Avec Ellen Burstyn, Jared Leto, Jennifer Connelly, (Etats-Unis, 2000, 110 min).

S É L E C T I O ND U M E R C R E D I

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0123MERCREDI 4 FÉVRIER 2015 styles | 19

VOYAGE

tunis

Après avoir refermé unchapitre important deson histoire, en réussis-sant dans un temps re-

cord sa transition démocratique, la Tunisie veut aujourd’hui écrire une nouvelle page de son tou-risme. Exit le balnéaire trop bon marché ? Pas forcément. Djerba, Hammamet, Sousse ou Monastir auront toujours leurs fidèles.

Mais le pays s’est engagé dansune véritable mutation touristi-que, à commencer par Tunis et sesenvirons, dont l’offre, en termes d’hébergement de charme, de boutiques, de bonnes tables ou deculture, n’a rien à envier à bien d’autres destinations.

Pour un week-end ou plus, la ca-pitale tunisienne, souvent méses-timée par les touristes au profitdes plages, est pourtant une ville attachante. Comme Janus, elle a deux visages : d’un côté une vraiecité arabe avec l’une des plus bel-les médinas au monde, classée au Patrimoine de l’humanité, del’autre côté, une ville européenne où se mélangent les styles Art nouveau et arabisant pour offrir une promenade mémorable. Mais, surtout, c’est une ville quibouge, débordant d’énergie et d’initiatives.

Tunis n’offre que l’embarras duchoix, du plus luxueux au plus ex-clusif et confidentiel, du bed and breakfast à la maison d’hôtes. Pourle plus luxueux, le Palais Bayram aouvert à la fin du mois de décem-bre 2014 dans la médina, composé uniquement de suites, dix-sept au total. Le prix moyen d’une nuit commence aux alentours de 200 euros pour deux personnes.

Ce palais du XVIIe siècle, an-cienne résidence du grand mufti du royaume de Tunisie, a été ré-nové dans les règles de l’art : aucun carreau récent n’a été uti-lisé, toutes les boiseries ont été conservées, ainsi qu’une grande partie du mobilier. Un parti prisqui fait de cet hôtel un véritable

musée… Bon à savoir toutefois :on n’y sert pas d’alcool…

Pas moins luxueuse, mais plusconfidentielle et surtout plus ex-centrée, puisque située à Sidi Bou Saïd, il y a aussi La Villa bleue. Splendide demeure qui domine Carthage et le golfe de Tunis. Une douzaine de chambres et suites,un spa et deux piscines mais sur-tout une vue époustouflante. Ladécoration intérieure a été réali-sée dans un style arabo-andalou : céramiques authentiques, mar-bre, colonnes et zelliges. A noterun petit mais superbe restaurant panoramique. Chambre double standard à partir de 129 euros.

Authenticité

Dans un style radicalement diffé-rent, à mi-chemin entre Tunis etBizerte, dans la petite ville blan-che d’El Alia, se trouve Henchir Dheb, « la ferme d’or ». « Les trois chambres de notre maison d’hôtesoffrent tout le confort, mais notrevrai luxe, c’est la verdure, l’air sain, le calme, l’espace », clament en chœur Leila et Jan, le couple qui redonne vie à cette ferme depuis2005. Leila, qui a accueilli pen-dant vingt ans les touristes dans un hôtel à Gammarth, et Jan, ar-tiste peintre, ont restauré la fermeavec des matériaux authentiqueset l’ont décorée avec des meublestunisiens et… flamands.

La décision de se lancer dansl’écotourisme n’a pas été trop diffi-cile à prendre : la ferme était cons-truite sur un hectare de verger, po-tager et jardin. Le plus : une très belle piscine… Compter 70 euros pour une nuit pour deux avec un énorme petit déjeuner maison.

Du vieux café au repaire bran-ché, du restaurant traditionnel aux adresses prônant la healthyfood, tout est possible à Tunis. Sivous recherchez l’authenticité, le voyage dans le temps, n’hésitezpas : poussez la porte discrète d’ElM’Rabet (23 Souk El Trouk), le plusancien café de la médina. Cons-truit au XVIIe siècle, il a, bien sûr, complètement été refait. Désor-mais, il propose thés, cafés et

même, depuis le mois de décem-bre 2014, un restaurant. Il offre aussi des spectacles, concerts et expositions. Si vous aspirez à plusbranché, préférez-lui le Cosmitto Coffee. Ouvert il y a deux ans par une bande de publicitaires, c’estune sorte de Starbucks à la tuni-sienne. N’oubliez surtout pas de choisir et de voter pour votre mug. Rue du Lac Turkana, quar-tier des berges du Lac (cosmitto-coffee.com).

Pour se régaler, il y a bien sûrl’incontournable Dar El Jeld. La restauratrice, Habiba Abdelkefi,65 ans, y officie depuis que sa fa-mille a repris cette maison tradi-tionnelle au cœur de la médina, au 5 de la rue Dar El Jeld, au milieudes années 1980. Excellente cui-sine de tradition, un couscous à tomber… (dareljeld.com). Plus à la mode aussi et, incontestable-ment, plus diététique, le Califor-nia Food. Pour y aller, rejoindre les berges du Lac, l’endroit qui bouge à Tunis. Cet établissement reste ouvert jusqu’à 3 heures dumatin en période de ramadan et propose même, pour l’occasion, des omelettes diététiques… (cali-fornia-food.com).

Et, côté shopping, Tunis bougeaussi. A l’image de la boutique As-hkan, elle aussi située dans ce quartier en pleine mutation. Al’origine de ce concept store, il y a un beau projet : réhabiliter le faitmain tunisien, rendre hommage aux régions, aux artisans, au sa-voir-faire des artisans… A l’arri-vée, une très belle boutique ten-dance luxe néo-ethnique, dirigée

par Latifa Hizem, où l’on trouve aussi bien des tuniques en lin, destee-shirts imprimés, des chaus-sons brodés, des bijoux mais aussi des senteurs, des sels debain et des savons dans une boîte en forme de porte de médina (as-hkanstore.com).

Bel endroit aussi que cet espaceconsacré à la culture, au design et à la mode, Musk and Amber Gal-lery, créé par Lamia Bousnina BenAyed, également dans ce périmè-tre branché. On y trouve de tout, mélange des deux cultures orien-tales et occidentales : que ce soit les livres édités par Assouline, les chaises Tulip de Saarinen éditéespar Knoll, les meubles d’Edra maisaussi des œuvres inspirées de l’ar-tisanat tunisien ou les réalisa-tions de créateurs turcs et libanais(muskandambergallery.com).

Enfin, jusqu’au 14 février, profi-tez de votre séjour pour aller au Musée du Bardo voir l’exposition autour de Paul Klee, August Mackeet Louis Moilliet. Ces trois peintresn’y sont restés que deux semai-nes, il y a juste un siècle, mais cettecourte période a suffi pour que naisse une histoire d’amour entre eux et la Tunisie. Grâce au Goethe Institut, aux ambassades d’Alle-magne et de Suisse à Tunis.

En tout, une trentaine d’œuvresdes trois artistes sont exposées. Mais le musée recèle aussi des tré-sors parmi lesquels l’incroyable mosaïque représentant Virgileentourée de ses deux muses dé-couverte à Sousse et datant du IIIe siècle.

Prenez aussi le temps d’aller à LaMaison de l’image : un nouvel es-pace privé porté par le photogra-phe tunisien Wassim Ghozlani et sa compagne, Olfa Feki. Ils ont mistrois ans pour mener à bien ce pro-jet qui a finalement ouvert au mois de novembre 2014. C’est à lafois un centre de documentation, un espace de formation, une pla-te-forme pour des échanges cultu-rels et une résidence pour les artis-tes. Il y a même un café, l’Anticafé, avec un concept déroutant : on paye au temps et l’on consomme à

volonté (maisonimage.tn). p

françois bostnavaron

Retrouvez l’entretien avec Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du monde, sur Lemonde.fr/m-voyage

Tunis a

deux visages :

d’un côté

une vraie

cité arabe,

de l’autre

une ville

européenne

Le documenté Tunisie, un siècle d’images 1857-1956, de Feriel Ben Mahmoud et Michèle Brun (Place des Victoires, 2012).Histoire de la Tunisie, les grandes dates, de la préhis-toire à la révolution, d’Ha-bib Boularès (Cérès Edi-tions, 2012).Le livre de photos de Vic-tor Sebag Tunisie, 1910-1960, (Cérès Editions, 2011).Pour mieux appréhender les changements interve-nus depuis le « printemps arabe », Karim Ben Smail, éditeur à Tunis, recom-mande aussi deux autres ouvrages : Tunisie-Frag-ments de révolution, un li-vre collectif qui résume les trois années qui ont suivi le 14 janvier 2011 à travers les publications d’El Kas-bah (2014), un blog né sur Facebook au printemps 2011, ainsi que Penser la so-ciété tunisienne aujourd’hui (Cérès Edi-tions, 2013), le résultat d’une enquête sur la Tuni-sie contemporaine au quo-tidien sous la direction de Sihem Najar. Tous ces li-vres sont disponibles sur le site Ceresbookshop.com.

À L I R EA V A N T D E

P A R T I R

150 km

LIBYE

AL

RIE

TUNISIE

Tunis

Sousse

CarthageBizerte

Monastir

Djerba

La Tunisie hors des circuits balnéairesLe pays, apprécié pour ses plages, séduit aussi par sa capitale et ses environs. Nos bonnes adresses

En haut, vue sur le golfede Tunis, à Sidi Bou Saïd.De gauche à droite, à Tunis, La Maison de l’image,le restaurant La Villa bleue et le café traditionnelEl M’Rabet. AUGUSTIN LE GALL POUR « LE MONDE »

www.artsetvie.com

Faire de la culturevotre voyage

IMMATRICULATIONN° : IM075110169

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20 | disparitions & carnet MERCREDI 4 FÉVRIER 2015

0123

Carl DjerassiChimiste américain

Mort à son domicileà San Francisco(Californie) d’uncancer du foie et

des os à l’âge de 91 ans, le chimistenaturalisé américain Carl Dje-rassi restera associé aux premierspas de la contraception hormo-nale par voie orale. Travaillantdans le petit laboratoire pharma-ceutique Syntex à Mexico (Mexi-que), il réussit à synthétiser, le 19 octobre 1951, avec son collègueGeorge Rosenkranz et un jeunechimiste mexicain au rôle déter-minant, Luis Miramontes, la no-réthistérone. Ce progestatif desynthèse possède le grand avan-tage d’être administrable par voieorale. Les noms des trois hom-mes sont inscrits comme déten-teurs du brevet.

Travaillant paradoxalement, audépart, sur une molécule desti-née à favoriser la fécondité, le trioa devancé d’autres équipes qui vont à leur tour mettre au pointdes hormones féminines de syn-thèse. La noréthistérone sera l’undes ingrédients des premières pi-lules anticonceptionnelles, quiseront administrées chez l’ani-mal puis chez des femmes par lespionniers qu’ont été GregoryPincus et John Rock. Après cinqannées d’essais cliniques, la pi-lule anticonceptionnelle arrivesur le marché en 1960, non sansréticences des industriels de lapharmacie qui craignent desréactions hostiles des milieuxconservateurs.

Etudes brillantesRarement une découverte scien-tifique aura eu autant de réper-cussions sociétales que celle de lacontraception orale, découplantsexualité et procréation, permet-tant ainsi aux femmes de maîtri-ser leur fécondité et le momentoù elles choisissent d’avoir un enfant. Carl Djerassi en avait plei-nement conscience. Il aimait à seprésenter comme la « mère » dela pilule et, dans l’un de ses ouvrages This Man’s Pill (Oxford University Press, 2003), il expli-quait s’être de plus en plus inté-ressé, à la suite de ce bouleverse-ment, à l’impact de la science surla société.

Le chemin aura été long depuisson Autriche natale – il naît àVienne le 29 octobre 1923 d’unemère dentiste et médecin – et la Bulgarie, patrie de son père der-matologue, où il vivra plusieurs années dans son enfance. Les pa-rents divorcent alors que Carl Djerassi est âgé de 6 ans. Il vit àVienne avec sa mère et passe lesétés à Sofia (Bulgarie) auprès deson père. En 1938, l’entrée d’Hit-

ler dans la capitale autrichiennepousse cette famille juive à se re-grouper à Sofia. Le jeune Carl et sa mère finissent par émigrer aux Etats-Unis en 1939, où ils seretrouvent réellement sans lesou. Le père de Carl s’établira à son tour aux Etats-Unis en 1949.Sa mère reprend son activité pro-fessionnelle et le jeune Carl sascolarité.

Ses études sont brillantes, etCarl Djerassi obtient son doctorat de chimie en 1945. Il travaille au cours des années 1940 au sein du laboratoire pharmaceutique Ciba,dans le New Jersey. Il y met au point le premier antihistamini-que (médicament antiallergique) commercialisé. Le succès de sestravaux sur les stéroïdes, menés àMexico chez Syntex – dont il de-viendra directeur de la recherche en 1949 – allait ouvrir à Djerassi les portes de la Wayne State Uni-versity, à Detroit (Michigan). Puis,en 1960, il est nommé professeur de chimie à la prestigieuse uni-versité Stanford (Californie),poste qu’il ne quittera qu’en 2002.Il aura enseigné en faculté pen-dant une cinquantaine d’années.

Ses revenus confortablesauront permis à Carl Djerassi nonseulement d’acquérir un vastedomaine face à l’océan Pacifiquesur la péninsule de San Francisco,mais aussi de se livrer à l’une deses grandes passions, la collec-tion d’œuvres d’art, à commen-cer par les dessins de Paul Klee.

S’il peut s’enorgueillir de plusde 1 200 publications scientifi-ques, ce chercheur à la figure de patriarche s’est également lancédans l’écriture : ouvrages de na-ture scientifique, livres de souve-nirs, mais aussi d’un genre qu’ilqualifia de « science-in-fiction ». Il y abordait des thèmes commel’éthique, l’ego des scientifiquesou les obstacles que les cher-cheurs ont à affronter sur le che-min de la reconnaissance. Il avaitégalement à son actif plusieurspièces de théâtre. Carl Djerassi avait reçu les plus hautes distinc-tions scientifique et technologi-que décernées par le présidentdes Etats-Unis. p

paul benkimoun

29 OCTOBRE 1923

Naissance à Vienne1939 Emigre aux Etats-Unis1945 Obtient son doctorat de chimie19 OCTOBRE 1951 Réussit à synthétiser la noréthistérone30 JANVIER 2015 Mortà San Francisco

En octobre 2013. B. ROESSLER/DPA PICTURE-

ALLIANCE/AFP

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AU CARNET DU «MONDE»

Naissances

Marie-ChristinePELTIER-CHARRIER,Jean-Loup CHARRIER

sont heureux d’annoncer la naissancede leurs petits-enfants,

Allison et Patrick,à New York, le 17 décembre 2014,

chezJoanna et Guillaume.

20, rue du Commandant Mouchotte,75014 Paris.

Félix,son arrière-grand-père,

Marie et Yvette,ses arrière-grands-mères,

Brisou et Mamone, Job et Chacha,ses grands-parents,

Guillaume et Julie, Viocky,Gussy et Mélissa, Nanou et FX,

ses oncles et tantes,Eliot, Sarah-Lou, Romane et Marcel,

ses cousins,Caillette,

sa marraine,La Treille,sa source,

Tanguy et Evangéline,ses parents,

ont la joie d’annoncer la naissance de

Ysé, Odette, Marie, FortunéeLE BARS BARBAROUX,

le vendredi 23 janvier 2015.Un grand merci aux équipes de la

maternité AP-HP Lariboisière.

Décès

L’École lacanienne de psychanalysea la profonde tristesse d’annoncer le décèsde son directeur

José ATTAL,survenu le 30 janvier 2015, à Paris.

José Attal avait pour l’ELP le projetd’organiser un congrès en juin 2015 dontle titre aurait été « Lacan 73 ».

Il souhaitait ainsi mettre à l’étudeles bouleversements repérables dansl’enseignement de Lacan à compterde cette date.

Dans la même veine que ce projetde congrès, il avait précédemment publié,chez L’unebévue éditeurLa Non-excommunicationde Jacques Lacan, en 2010 ;La Passe à plus d’un titre, en 2012 ;La préface au Rapport Turquet, en 2014.

Il avait bataillé pendant de nombreusesannées pour que ce rapport Turquet mis ausecret par l’IPA, soit enin publié.

Les membres de son École veulentaussi témoigner de leur immense chagrinà sa famille et à ses proches.

Danièle et Bernard Guillot,Camille Bensoussan,Edith et Emmanuel Levy,

ses illes et leurs époux,Olivier et Romain Guillot,Julie Bensoussan,Noémie et Max Levy,

ses petits-enfantsAinsi que tous les membres

de la famille,ont la douleur d’annoncer le décès de

Mme René ATTIAS,née EZERZER,

survenu le 31 janvier 2015,à l’âge de quatre-vingt-onze ans.

L’inhumation a eu lieu le mardi3 février, à 11 heures, au cimetièredu Montparnasse, Paris 14e.

Cet avis tient lieu de faire-part.10, boulevard Jourdan,75014 Paris.

Cannes. Le Cannet.Les familles Berthoz, Bernstein

et Bruyère,Ses parents,Ses amis,Ses proches,

ont la tristesse de faire part du décès deM. François BERTHOZ,

croix de guerre 1939-1945,survenu le 31 janvier 2015,au Cannet, dans sa centième année.

Ses obsèques seront célébréesle mercredi 4 février, à 15 heures,au cimetière du Montparnasse.

On se réunira à l’entrée principale,3, boulevard Edgar-Quinet, Paris 14e,à partir de 14 h 45.

Cet avis tient lieu de faire-part.80, rue d’Assas,75006 Paris.

Philippe Margolis,son mari,

Anne-Laure Buffet,Lucile-Gaëlle Buffet,

ses illes,Evelyne, Nicole, Sylvie,

ses sœurs,Alexandre, Ambre, Mathilde, Olympe,

ses petits-enfants,Endrè Rygh, Hervé Margolis,

ses beaux-frères,ont la grande douleur de faire part du décèsde

Marie-FranceCHRISTOPHE-TCHAKALOFF,

épouse MARGOLIS,professeur des Universités,

professeur émérite de l’universitéParis I Panthéon-Sorbonne,

chevalier de la Légion d’honneur,oficier de l’ordre national du Mérite,

docteur honoris causade l’Université San Klement Orchid

Soia (Bulgarie),survenu le 30 janvier 2015.

La cérémonie religieuse aura lieule vendredi 6 février, à 14 h 30, en l’églisede Giens, à Hyères (Var).

Marc Moati,son époux,

Maurice et Lise Ingster,ses parents,

Charles,Pierre-Emmanuel et Alicia,Jacques,

ses enfants,Le docteur Olivier Ingster,

son frère,Le docteur Hélène Ingster,

sa belle-sœur,Nathan,Eva,Abigaïl,

son neveu et ses nièces,ont la douleur de faire part du décès,des suites d’une longue maladie,dans sa cinquante-septième année, de

Mme le docteur Isabelle FrancineMOATI,

née INGSTER,maître de conférence

à l’université Paris-Diderot,praticien hospitalier spécialisteen électrophysiologie visuelle,

aux hôpitaux Lariboisière et Neckerenfants-malades.

La cérémonie d’adieu aura lieule mercredi 4 février 2015, à 15 h 30,au cimetière parisien de Bagneux, entréeprincipale, 45, avenue Marx Dormoy(Hauts-de-Seine).

[email protected]

Françoise Busson,sa compagne,

Hélène Fabre,Nicole et Daniel Bourquin,

leurs enfants et petits-enfants,Arlette et Joe Böttger,

ses sœurs et beaux-frères,Odile et Michel Danne,Pierre Plaud et Véronique Hayem,

Anne Plaud,ses cousins, petits-cousins

Et tous ses amisont la tristesse de faire part du décès de

Brigitte FABRE,survenu le 25 janvier 2015,dans sa soixante-douzième année.

La cérémonie, au crématoriumde Rouen, a eu lieu ce mardi 3 février.

Françoise Busson,28, rue Descroizilles,76000 [email protected]

Olivier et Vincent,ses enfants

Ainsi que toute sa famille,ont la profonde tristesse de faire partdu décès de

Michel LUCAS,grand oficier de la Légion d’honneur,

inspecteur général honorairedes affaires sociales,président d’honneur

de l’Association pour la recherchesur le cancer,

survenu le 28 janvier 2015.La cérémonie aura lieu le mercredi

4 février, à 10 h 30, au crématoriumdu cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.

Ajaccio. Perelli. Nantes. Paris.Pierre Marchi,

son époux,Olivier,

son ils,Marianne Gualtieri-Alessandri,

sa tante,Anne Marchi (†)Alain Marchi,Les familles Marchi, Alessandri, Tuesta,

Agostini et Musquin,ont l’immense chagrin d’annoncer le décèsde

ArletteMARCHI-ALESSANDRI,agrégée de Philosophie (53),

professeur des lycéesde Bordeaux, Auxerre,

Sceaux-les-Blagis,des classes préparatoires

à Fénelon (Paris),maître de conférenceà Paris X-Nanterre,

survenu le 13 janvier 2015.Ses obsèques auront lieu le samedi

7 février, à 10 h 15, en la chapelleNotre-Dame du Perpétuel Secours,55, boulevard de Ménilmontant, Paris 11e,suivies de l’inhumation dans le caveaude famille au cimetière du Père-Lachaise,à Paris 20e.

Que toutes celles et tous ceux qui l’ontconnue et aimée, que toutes celles et tousceux qui ont apprécié son enseignement,aient une pensée pour elle.

« Il n’y a qu’à aimer.Aimer tout ce qui est au monde,

tout humain, tout l’humain. »Michel Alexandre (1888-1952).

12, rue Ernest Psichari,75007 Paris.

Mme Point-Van Doren,son épouse,

Johannès,son ils,

Gary et Calvin Point-Joubin,ses petits-ils,

Nadine Joubin,sa belle-ille,

Michèle et Christian,sa sœur et son frère,

Mathieu, Géraldine, Etienne, Agathe,Aurélie, Elise,ses neveux et nièces,

Les familles Huguet, Delaporte, Hubain,Dauvergne

Et ses amis,ont la tristesse de faire part du décès de

Bernard POINT,créateur et ancien directeurde l’Ecole des Beaux-Arts

de Genneviliers,membre fondateur et permanent

du comité de sélectionDrawing Now/salon du dessin

contemporain,survenu le 28 janvier 2015,à son domicile,dans sa soixante-dix-huitième année.

Paris. Rennes.Annick,

son épouse,Ses enfants,Ses petites-illes,Et toute la famille,

ont la douleur de faire part du décès deM. Michel LE QUENTREC,

ingénieur PEF à Météo Franceinspecteur général,membre du CGEDD

à la retraite,survenu le 1er février 2015.

Sa famille, ses amis et ceux qui lesouhaitent, se réuniront, selon sa volonté,au crématorium de Vern-sur-Seiche(Ille-et-Vilaine), pour lui rendre un dernierhommage et lui dire adieu, le jeudi5 février 2015, à 13 h 15.

Ni fleurs ni plaques, plutôt un donpour la recherche contre le cancer.

Alain Siegler,son compagnon,

Michèle Le Mosquet,Jean et Pierre Marécau,

sa sœur et ses frèresEt toute la famille,

ont la douleur de faire part du décès deHélène SIELKA MARÉCAU,

poète et artiste,survenu le 26 janvier 2015,à la suite d’une longue maladie.

La cérémonie religieuse aura lieule jeudi 5 février, à 14 h 30, en l’égliseSaint-Jean-Baptiste de Grenelle, placeEtienne-Pernet, Paris 15e.

Yves Tofin,son époux,

Bruno Tofin, Catherine Drevon,Patrick Tofin,

ses enfants,Margot, Anna, Jeanne,

ses petits-enfants,Jean-Claude Mingant,

son frère,Anne Mingant, Sylvie Volozinskis,

ses nièces,ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Michèle TOFFIN,née MINGANT,

survenu le 24 janvier 2015,dans sa soixante-dix-septième année.

66, rue Pierre Vermeir,92160 Antony.

Marie et Valentine,ses illes,

Sarah et Dunvel, Elie, Hannahet Jonas,ses petits-enfants,

Christophe,son gendre,

Et tous ses nombreux amis,

ont le regret d’annoncer le décès de

Dominique ZUBER,née CAMION,

le samedi 31 janvier 2015, à Paris.

Un culte de consolation aura lieule vendredi 6 février, au Foyer de Grenelle,17, rue de l’Avre, Paris 15e.

L’enterrement suivra au cimetièreparisien de Bagneux, à 12 h 30.

« Il te gardera de ton départà ton arrivée,

dès maintenant et toujours. »Ps. 121.

[email protected]@orange.fr

Remerciements

M. Michel Gouedard,Patricia, Yasmine, Véronique,

profondément touchés des marques desympathie que vous leur avez témoignéeslors du décès de

Catherine Elda GOUEDARD,née CANDUSSO,

vou s exp r imen t l e u r s s i n c è r e sremerciements.

Messe anniversaire

Il y a trois ans,

Claude CELLIERnous quittait

et rejoignait au ciel sa ille,

Anne.

Une messe sera célébrée en leur nomle jeudi 5 février 2015, à 18 h 30, en l’égliseNotre-Dame de Consolation, 23, rue JeanGoujon, Paris 8e.

Que ceux qui les ont connus et aimésne les oublient pas.

Communications diverses

Nuits du Savoirmercredi 4 février 2015,

à 20 heuresSciences :

« La vérité est-elle scientiique ? »AgroParisTech

16, rue Claude Bernard, Paris 5e.Programme complet et réservations :

www.weezevent.com/nuitsdusavoir2015Tél. : 01 42 17 10 70

ou [email protected]

A la mémoire des victimes des attentatsodieux de Paris, et à l’occasion du mois

de deuil des personnes assassinéesparce qu’elles préparaient chabbat,

ensemble, faisons du chabbatdu 6 et 7 février 2015, un grand chabbatde rélexion, étude, partage, solidarité

et recueillement.Allumons tous les bougies vendredi soir,

étudions, écoutons samedi matinla lecture des dix commandements

à la synagogue,prions à la mémoire des disparus.Renseignements : consistoire@

consistoirecentral.frTél. : 01 49 70 88 07.

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0123MERCREDI 4 FÉVRIER 2015 0123 | 21

On doute que FrançoisHollande soit unadepte du spiritisme.On l’imagine mal, à la

nuit tombée, entouré de ses con-seillers les plus proches, faisanttourner les guéridons de l’Elysée pour entretenir l’« esprit du 11 janvier ». Plus qu’aux « forces del’esprit » chères à François Mit-terrand, le président de la Répu-blique croit davantage à la force de l’événement. Surtout quand celui-ci est brutal et dramatique.

Or c’est peu dire que l’équipéemeurtrière des djihadistes de ban-lieue, suivie par la levée en masse des Français et des grands de ce monde dans les rues de la capitale et du pays, a transformé le climat politique. Il y a quelques semainesà peine, le chef de l’Etat était vo-lontiers jugé à l’agonie et jeté aux oubliettes de l’Histoire. Les augu-res supputaient le moment où le premier ministre, Manuel Valls, reprendrait sa liberté pour échap-per au naufrage. La majorité était promise à une série de désastres électoraux. Et l’UMP, reprise en main par Nicolas Sarkozy, se voyait déjà en haut de l’affiche.

Les attentats parisiens, puis lesimmenses marches citoyennes du11 janvier ont bousculé, sinon ba-layé, ces spéculations. De bon ou de mauvais gré, chacun a dû re-connaître que le président a re-marquablement affronté l’épreuve. Il paraissait flotter dans son costume élyséen ; il l’a en-dossé avec autant d’autorité que d’humanité. Il était ballotté par les événements ; il les a dominés. Il était devenu inaudible ; il est à nouveau écouté. On le jugeait inefficace ; il a démontré le con-traire. Au plus fort de la crise, on lui prête ce mot, qui résume tout : « Certains me prenaient pour un charlot, ils me soutiendront en tantque Charlie. »

L’effet de souffle n’a épargné per-sonne. En première ligne avec le président, prisonnier de l’unité nationale autant qu’il en a été l’orateur inspiré, le premier minis-tre est désormais le premier à « faire bloc » derrière le chef de l’Etat. Soudé dans l’adversité, le gouvernement a fait taire ses étatsd’âme. Les frondeurs socialistes ont mis une sourdine sur leurs griefs, et la majorité a, timide-ment, redressé la tête. Quant à l’opposition, elle a été prise à con-tre-pied, qu’il s’agisse de Nicolas Sarkozy, condamné à jouer les uti-lités – ce qui n’est pas son genre –, ou de Marine Le Pen, boudant à l’écart du peuple dont elle se pré-tend la plus fidèle interprète.

Chacun sent bien, pourtant, qu’àtrop invoquer ce fameux « esprit du 11 janvier », l’on risque soit des’illusionner, soit de lasser, ou les deux. Car si le climat s’est ré-chauffé au bénéfice du président et de son camp, le paysage, lui, n’a pas changé. Il reste dominé par le discrédit présidentiel, la faiblesse de la gauche et la poussée de l’ex-trême droite.

Certes, depuis les attentats pari-siens, deux baromètres (Ipsos et IFOP) ont enregistré un rebond d’une vingtaine de points de la po-pularité présidentielle. Mais si l’on fait la synthèse des sept enquêtes réalisées entre le 8 et le 22 janvier par l’ensemble des instituts de

sondage, le résultat est moins spectaculaire : François Hollande ne progresse que d’une douzaine de points et enregistre, en moyenne, 32 % de bonnes opi-nions, contre 66 % de mauvaises. En dépit de l’amélioration de son image, il est donc très loin d’avoir retrouvé la confiance du pays. C’est d’autant plus évident si l’on fait la comparaison avec son pre-mier ministre : dans ces sept en-quêtes, Manuel Valls a progressé, en moyenne, de 13 points en un mois, et il recueille, désormais, une majorité de bonnes opinions (51 %).

ImpuissanceLe contraire serait surprenant. Si lechef de l’Etat a été jugé efficace dans la guerre contre le terro-risme, cela ne saurait effacer, comme par magie, son impuis-sance dans la guerre contre le chô-mage. Rendus publics le 27 janvier,les chiffres pour l’année 2014 ont brutalement rappelé cette réalité : 5,2 millions d’inscrits à Pôle em-ploi, dont 3,5 millions en catégo-rie A (sans aucune activité) et 2,2 millions depuis plus d’un an. Pour l’heure, ni les emplois aidés, ni le pacte de responsabilité, ni la conjoncture internationale plus favorable n’ont réussi à enrayer cette crue inexorable.

L’état de la gauche n’est pas plusbrillant, pour les mêmes raisons. Certes, le candidat socialiste dans la législative partielle du Doubs a réussi, le 1er février, à écarter son concurrent UMP et à se qualifier pour le second tour, où il affron-tera la candidate du FN. Sans atten-dre, certains ont voulu y voir un heureux effet de l’ « esprit du 11 janvier ». Dangereuse illusion, car la moitié des électeurs socialis-tes de juin 2012 ont manqué à l’ap-pel, dimanche, et l’ensemble des gauches n’a guère rassemblé plus du tiers de l’électorat. Sur de telles bases, le PS échappera peut-être àla déroute, mais pas à une sévère défaite lors des élections départe-mentales de mars.

Ce scrutin témoigne, enfin, quele faux pas de sa présidente, le 11 janvier, n’a nullement freiné lapoussée continue du Front natio-nal. Le parti d’extrême droite se nourrissait, déjà, de la désespé-rance ou de la colère devant l’im-puissance des gouvernants, de gauche comme de droite, à sortirle pays de la crise qui le mine. Il y ajoute, désormais, une croisade contre l’islamisme radical qui re-joint et amplifie, sans le moindre scrupule, son combat de toujours contre l’immigration.

L’enjeu de la conférence depresse présidentielle du 5 février est donc décisif. C’est, sans doute,la dernière occasion pour FrançoisHollande de relancer son quin-quennat. Le rappel insistant de l’« esprit du 11 janvier » n’y suffira pas – au contraire – s’il n’y ajoute des remèdes nouveaux, ambi-tieux et crédibles au traumatisme qu’a subi le pays. Parce qu’il a re-trouvé l’oreille des Français, il sera écouté avec d’autant plus d’exi-gence. p

[email protected]

C haque jour qui passe, les milicesukrainiennes prorusses, encadréessur le terrain par l’armée russe, dé-

pècent un peu plus ce malheureux paysqu’est l’Ukraine. Elles accroissent le pseu-do-Etat qu’elles se sont taillé dans l’est dupays. Sauf à se payer de mots, il faut dé-crire cette réalité pour ce qu’elle est : unpays, la Russie, en agresse un autre, l’Ukraine – par la guerre. Ce n’est pas une guerre froide, c’est une guerre chaude, etqui fait essentiellement des morts parmiles civils.

La guerre que mène le Kremlin conduitmécaniquement à poser cette question :faut-il armer l’Ukraine ? Le conflit qu’en-tretient le président russe, Vladimir Pou-tine, place les Occidentaux devant un

choix : fermer les yeux ou aider Kiev à sedéfendre ? Où est le plus grand risquepour l’Europe : l’action ou l’inaction ?

Les Européens sont sollicités au premierchef, au moins autant que les Etats-Unis.Car, in fine, le cœur du débat, la cause pro-fonde du drame en cours, c’est bien le re-fus du Kremlin de laisser l’Ukraine libre deconclure un accord commercial avecl’Union européenne. C’est le « niet » de M.Poutine au choix de Kiev de sortir de lazone d’influence russe et de privilégier sesrelations avec l’UE. C’est la volonté deMoscou de maintenir l’Ukraine dans unevassalité héritée de l’Histoire et de la géo-graphie.

Le Kremlin connaît les positions de dé-part des Occidentaux. D’une part, ils ontdit qu’ils ne feraient pas la guerre pour l’Ukraine. D’autre part, mais c’est lié, ils re-fusent d’ouvrir les portes de l’OTAN à cepays. Ils ont répliqué par des sanctions àl’agression de Moscou. Celles-ci ont eu unimpact certain sur l’économie russe, maispas au point de dissuader M. Poutined’amputer l’Ukraine de sa partie orientaleaprès avoir annexé, l’an passé, l’ensemblede la Crimée.

Le Kremlin viole un cessez-le-feu concluen septembre 2014. Il se refuse à toute né-gociation sérieuse. Ces dernières semai-nes, des centaines de chars, pièces d’artil-lerie autotractées, blindés divers, porte-

missiles, stations radars ont été livrés auxmilices. Inévitablement, le ton monte auxEtats-Unis. Des voix de plus en plus nom-breuses, y compris dans les milieux offi-ciels, se prononcent en faveur d’une livrai-son massive d’armes défensives à Kiev.

Le président Barack Obama hésite, avecraison. Il sait le chemin qui court de l’as-sistance militaire à l’affrontement direct.Les Européens sont divisés – les ex-mem-bres du bloc soviétique étant les plus enpointe pour aider Kiev. Allemands, Britan-niques, Français sont réservés. Ils s’entiennent aux sanctions, qui peuvent êtrealourdies. Ils relèvent que le président ukrainien est lui aussi prudent. Dans unentretien au Monde (21 janvier), Petro Po-rochenko constate que l’Ukraine fait face « à la plus grosse armée du continent » etqu’« il n’y a pas de solution militaire » auconflit.

Kiev réclame des drones de surveillance,des systèmes de commandement et decommunication, mais pas d’armes létales,et M. Porochenko croit dans l’efficacité dessanctions. Au bord du défaut de paiement,l’Ukraine a besoin d’une aide financièremassive pour réussir ses ambitieuses ré-formes. Commençons par accéder à cet ensemble de demandes : sanctions, assis-tance technologique et aide financière.M. Poutine doit savoir que la guerre qu’il mène aura un coût de plus en plus élevé. p

LE PAYSAGE RESTE DOMINÉ PAR

LE DISCRÉDIT PRÉSIDENTIEL, LA FAIBLESSE DE LA GAUCHE

ET LA POUSSÉE DE L’EXTRÊME DROITE

UKRAINE : LE RISQUE D’UNE GUERRE OUVERTE

FRANCE | CHRONIQUE

par gérard courtois

« Esprit du 11 janvier » , es-tu là ?

M. HOLLANDE ENREGISTRE 32 %

DE BONNES OPINIONS,

CONTRE 66 % DE MAUVAISES

Tirage du Monde daté mardi 3 février : 283 648 exemplaires

BULLETIN D’ABONNEMENTA compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9

151EMQA6M

SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE SA - 80, BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI - 75013 PARIS - 433 891 850 RCS Paris - Capital de 94 610 348,70€. Ofre réservée aux nouveauxabonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2015. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposezd’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre siège. Par notre intermédiaire, ces données pourraient êtrescommuniquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre.

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