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En ce 1 er novembre, « fête de l’espérance du monde » et de tous les saints, le Christ nous rappelle à travers son sermon sur la montagne, les huit béatitudes, qui sont « les clefs du Royaume des cieux », pour tous ceux qui souhaitent les vivre, dans leurs comportements et dans leur agir chrétien et quotidien. Les principes de ce « bonheur » que le Christ nous promet, il faut bien le dire, vont, dans une lecture au premier degré, à l’encontre de tout ce que la société d’aujourd’hui a mis en place, comme règles de comportement et comme code social : Être « pauvre de cœur », c’est passer aux yeux de la majorité de ceux qui nous entourent pour un naïf ! Être « doux », c’est passer pour un faible ! « Pleurer », c’est faire preuve de peu de courage ! Avoir « faim et soif de justice », c’est appartenir à un autre siècle et être « vieux jeu » ! Avoir le « cœur pur », c’est être « idéaliste » et faillir au réalisme qui nous est imposé pour survivre dans cette jungle qu'est devenue le monde. Être « artisan de paix », c’est bien trop compliqué et si difficile de faire face à la violence sans être violent soi-même ! Être « persécuté pour la justice », c’est trop cher payé pour une valeur qui n’existe plus que par son principe ! Être « insulté, persécuté, calomnié à cause du Christ » est une mission trop lourde à porter et qui correspond si peu à ce que le monde d’aujourd’hui permet décemment de foi et de ferveur ! Pour comprendre, admettre et mettre en pratique dans nos existences les huit principes qu’énonce le Christ comme « clefs du bonheur » sur terre et aux cieux, il faut d’abord convertir nos cœurs et notre regard, pour voir avec une autre lumière, avec une autre lucidité et un plus grand discernement ce dans quoi nous vivons, et ce que nous y faisons… Convertir nos cœurs pour que nos faiblesses deviennent la force de notre foi en Christ, Que nous dépassions les carcans, sociaux pour acquérir notre liberté intérieure de croire et d’aimer, Que nous osions être humbles et vrais, au service de ceux qui sont la véritable expression du Christ en ce monde, les pauvres et les souffrants. Alors notre regard converti par cette foi infaillible, nous fera « regarder toutes choses avec les yeux de Dieu lui-même, et nous apprendra à nous émerveiller… », n’est-ce pas là le début du vrai bonheur ? Fra’ Jean-Louis Mainguy ÉDITORIAL sommaire 1 28 38 48 60 2 30 40 52 62 64 66 68 8 32 42 54 22 36 44 58 ÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOIS MÉDITATION DOMINICALE LA PSALMODIE OU LITURGIE DU CŒUR L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI ENQUÊTE DÉCOUVRIR LA CITÉ DU VATICAN COUP DE COEUR UNE ANNEE AVEC LE PAPE FRANCOIS ENCYCLIQUE LAUDATO SI’ LES ESPACES DE LA PRIÈRE LA LIBÉRTÉ RELIGIEUSE JESUS...LE MONDE OU IL VECUT LA BONTÉ LA VIE INTÉRIEURE DE NOS ENFANTS CONTEMPLER L’APOCALYPSE LES FETES CHRETIENNES MARIE LES PÈRES DE L'EGLISE ANNIVERSAIRE DES SAINTS LE CREDO E Un Cœur-à-Cœur avec Dieu Un bulletin paroissial mensuel NOVEMBRE 2015 29

29 sommaire ÉDITORIAL - Paroisse Saint Antoine De … · Christ nous rappelle à travers son sermon sur la montagne, les huit béatitudes, qui ... et d’oublier qu'ils ont peiné

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En ce 1er novembre, « fête de l’espérance du monde » et de tous les saints, le Christ nous rappelle à travers son sermon sur la montagne, les huit béatitudes, qui sont « les clefs du Royaume des cieux », pour tous ceux qui souhaitent les vivre, dans leurs comportements et dans leur agir chrétien et quotidien.

Les principes de ce « bonheur » que le Christ nous promet, il faut bien le dire, vont, dans une lecture au premier degré, à l’encontre de tout ce que la société d’aujourd’hui a mis en place, comme règles de comportement et comme code social :▪Être « pauvre de cœur », c’est passer aux yeux de la majorité de ceux qui nous entourent pour un naïf !▪Être « doux », c’est passer pour un faible !▪« Pleurer », c’est faire preuve de peu de courage !▪Avoir « faim et soif de justice », c’est appartenir à un autre siècle et être « vieux jeu » !▪Avoir le « cœur pur », c’est être « idéaliste » et faillir au réalisme qui nous est imposé pour survivre dans cette jungle qu'est devenue le monde.▪Être « artisan de paix », c’est bien trop compliqué et si difficile de faire face à la violence sans être violent soi-même !▪Être « persécuté pour la justice », c’est trop cher payé pour une valeur qui n’existe plus que par son principe !▪Être « insulté, persécuté, calomnié à cause du Christ » est une mission trop lourde à porter et qui correspond si peu à ce que le monde d’aujourd’hui permet décemment de foi et de ferveur ! ▪ Pour comprendre, admettre et mettre en pratique dans nos existences les huit

principes qu’énonce le Christ comme « clefs du bonheur » sur terre et aux cieux, il faut d’abord convertir nos cœurs et notre regard, pour voir avec une autre lumière, avec une autre lucidité et un plus grand discernement ce dans quoi nous vivons, et ce que nous y faisons… ▪ Convertir nos cœurs pour que nos faiblesses deviennent la force de notre foi en Christ, ▪ Que nous dépassions les carcans, sociaux pour acquérir notre liberté intérieure de croire et

d’aimer, ▪ Que nous osions être humbles et vrais, au service de ceux qui sont la véritable expression

du Christ en ce monde, les pauvres et les souffrants. ▪ Alors notre regard converti par cette foi infaillible, nous fera « regarder toutes choses

avec les yeux de Dieu lui-même, et nous apprendra à nous émerveiller… », n’est-ce pas là le début du vrai bonheur ?

Fra’ Jean-Louis Mainguy

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ÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOISMÉDITATION DOMINICALELA PSALMODIE OU LITURGIE DU CŒURL’ABÉCÉDAIRE DE LA FOIENQUÊTE DÉCOUVRIR LA CITÉ DU VATICAN COUP DE COEURUNE ANNEE AVEC LE PAPE FRANCOISENCYCLIQUE LAUDATO SI’ LES ESPACES DE LA PRIÈRE LA LIBÉRTÉ RELIGIEUSEJESUS...LE MONDE OU IL VECUTLA BONTÉLA VIE INTÉRIEURE DE NOS ENFANTS CONTEMPLER L’APOCALYPSE LES FETES CHRETIENNESMARIELES PÈRES DE L'EGLISEANNIVERSAIRE DES SAINTSLE CREDO

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Un Cœur-à-Cœur avec DieuUn bulletin paroissial mensuel

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LA JOIE DONNÉE

PAR LE SEIGNEUR

THÈME LITURGIQUE DU MOIS VOCATION ET MISSION DE LA FAMILLE

Lorsque nous regardons la vie des premiers chré tiens, à commencer par le récit des Actes des Apôtres, nous constatons que la louange fait par tie de leur quotidien. Aucune difficulté ne semble faire obstacle à la joie qui les habite de connaître le Christ ressuscité et de vivre pour lui et avec lui qui est présent à leurs côtés jusqu'à la fin des temps.Le mois de novembre nous rappelle cette vérité si facile à oublier au milieu des difficultés qui sont les nôtres et celles du monde qui nous entoure de manière proche ou lointaine. Lorsque nous regardons les saints exultant de joie dans l'éternité, nous pouvons nous dire: « Eux, c'est facile, ils sont arrivés au but, mais nous, ce n'est pas pareil. » N'est-ce pas là une manière de voir les saints comme des images pieuses, et d’oublier qu'ils ont peiné sur le chemin de la vie, exactement comme nous, mais, ouverts à Dieu, ils ont dès ici-bas partagé la joie du ciel en vivant les Béatitudes.Alors qu'au fil du mois, la liturgie nous invite à prendre peu à peu conscience de notre finitude et de la réalité des fins dernières, nous pouvons remettre la louange, jaillie de l'expérience pascale, au cœur de nos vies et redire en reprenant les mots d'une belle hymne: « Chantons avec toute l'Église la joie donnée par le Seigneur, entrons au cœur de son alliance où la vie de Dieu jaillit pour tous. Jésus-Christ, témoin fidèle, ouvre-nous les portes du ciel ! »

Un anniversaire à célébrer! En effet, il y a vingt ans (déjà), la Commission épiscopale de liturgie et de pasto rale sacramentelle (la CELPS) établissait, en collaboration avec le Centre national de pastorale

liturgique de l'époque (le CNPL, devenu depuis le SNPLS), la première liste de chants liturgiques « à promouvoir et à recommander ».

À cette occasion, dans une lettre datée de mai 1995 et adressée à tous les évêques de France, Mgr Michel Moutel, alors président de la CELPS, rappelait deux points très importants: « La constitution conciliaire sur la litur gie indique que "le chant sacré, lié aux paroles, fait par tie nécessaire et intégrante de la liturgie solennelle" (SC, n° 112) »; en conséquence, « cela signifie clairement que le domaine du chant liturgique relève de la vigilance et de la responsabilité des évêques ».

C'est pourquoi, depuis, chaque année, cette liste est communiquée pour diffusion « à tous les évêques de France », « à tous les responsables diocésains de liturgie, de musique liturgique et d'art sacré », « aux responsables d'associations, d'instituts ou de stages de formation et aux rédacteurs en chef de revues œuvrant dans le domaine du chant et de l'animation liturgiques », et « publiée dans la revue Célébrer, avec une invitation à la reproduction dans les bulletins diocésains ».

POURQUOI UNE TELLE LISTE ANNUELLE?La CELPS voulait se donner ainsi comme objectifs :— d'enrichir le répertoire des communautés paroissiales de France avec des chants liturgiques aptes à « porter la prière chrétienne » et à « éduquer une expression juste de la foi », avec des formes musicales « adéquates aux exigences de la célébration »;— d' « aider les paroisses et les communautés chrétiennes à mieux connaître, mieux choisir et mieux utiliser les chants destinés à la célébration »;— de « constituer une sorte de répertoire de base qui serait connu de l'ensemble des catholiques de France »;— enfin, d'« engager une réflexion avec les évêques des autres pays francophones, dans le cadre de la Commission épiscopale francophone pour les traductions et la liturgie (CEFTL), en vue de l'élaboration, d'un manuel commun », ce qui fut fait avec le recueil francophone Chants notés de l'assemblée (CNA), qui contient plusieurs des chants promus jusqu'au moment de sa parution.

Une lettre du Service musical du CNPL (devenu le Département Musique du SNPLS en 2007) précisait aussi alors : « [Avec ces promotions,] il ne s'agit pas de rempla cer intégralement le répertoire actuel des paroisses par ces chants, ni de les utiliser obligatoirement tous [...], ni de rejeter les auteurs dont les œuvres ne figurent pas dans les listes actuelles. Il s'agit de regarder ces chants comme des références et de tendre, dans la composition et l’utilisation d'un répertoire, à une meilleure expression de ta foi. »

SELON QUELS CRITÈRES ?La CELPS s’est dotée d'un comité de lecture, placé

sous son autorité et composé, à l'exclusion de tout auteur ou compositeur, de pasteurs, de théologiens, de poètes et de musiciens, pour examiner l'ensemble des chants dif-fusés dans l'année par les éditeurs du SECLI (Secrétariat des éditeurs de chants pour la liturgie), à partir des cri tères suivants:— une « juste expression de la foi »,

— une « bonne adaptation au moment de la célébration et de l'année liturgique »,— une « réelle qualité littéraire et musicale ».

Aussi, la promotion de ces chants est-elle accompagnée de diverses indications:

— les sources bibliques, « parce qu'on ne chante pas ses émotions mais le mystère révélé : « On pourra ainsi mieux réaliser l'articulation entre les chants et la Parole »;

— des précisions sur l'utilisation liturgique et la mise en œuvre, « parce que la gestion du répertoire des chants fait partie des moyens missionnaires », et que, «pour la mémoire de la foi », il est préférable de « n'utiliser les chants que pour le rite et le temps pour lesquels ils ont été écrits ».

En effet, rappelons que le chant liturgique est une action rituelle, soit qu'il accompagne le rite, soit qu'il soit rite lui-même, autrement dit un chant articulé avec justesse et densité aux rites de la liturgie.

De plus, cette ritualisation est marquée par la triple dimension temporelle du mystère pascal (passé, présent, avenir). Le chant n'est véritablement liturgique que dans la mesure où il honore ces trois dimensions de l'existence humaine et de la foi chrétienne.

UN MÉMORIAL DE L'IDENTITÉ CHRÉTIENNE Parmi les chants de la liturgie, ceux-ci occupent une place

particulière et ont fait l'objet de promotions spé ciales. La première qui leur est consacrée est justement celle de 1995.

Le père Jean-Claude Hugues, alors secrétaire de la CELPS et directeur du CNPL, la présentait ainsi :

« Concernant les chants de l'ordinaire de la messe, les communautés ont à vérifier que les chants utilisés corres pondent bien à l'esprit de la liturgie de l'Église. Les chants de l'ordinaire, par différence avec les autres chants, gardent leur texte identique pour la plupart des chants liturgiques. Ils s'intègrent à un rite (la présentation de l'évangéliaire, le chant de la fraction, etc.) ou ils sont eux-mêmes le rite (le Gloire à Dieu, l'anamnèse, etc.). Il importe de redire ceci : Kyrie, Gloire à Dieu, Saint le Seigneur, anamnèse, Agneau de Dieu ne visent pas d'abord à enseigner, ni émouvoir, ni à procurer du plaisir. Ensemble, ils forment un mémorial qui ravive à chaque fidèle son identité de chrétien. Ils sont indispensables, ces chants qui rap pellent avec exactitude aux baptisés qui ils sont! »

CHANTER EN VÉRITÉ LA LITURGIEPère François-Xavier Ledoux, o.p

U

54 THÈME LITURGIQUE DU MOIS VOCATION ET MISSION DE LA FAMILLEFAIRE CHANTER LA VÉRITÉ

Le but ultime de ces promotions est donc de nous rap peler que les chants « exercent une réelle prédication de la foi, d'autant plus efficace que les mots mis en musique sont répétés par les fidèles au point de faire partie de leur identité ». Il s'agit donc de « veiller à la justesse dogmatique, au sens communautaire, à la qualité littéraire et musicale qui conviennent à ces vecteurs de la foi que sont les chants »

Ajoutons à ces quelques recommandations ce qu'écri vait l'audio-phonologue, musicien et liturgiste, Michel Corsi en attirant notre attention sur le fait de « chanter pour laisser naître l'ivresse de l'Esprit »: « Il s'agit de créer les conditions favorables à un "enchantement" qui ne vient pas de nous ni de notre

De la fête de la Toussaint à celle du Christ Roi, ce mois tout entier est sous le signe des Apocalypses: celle du prophète Daniel, celle de Jean, celle de l'évangéliste Marc. Nous apprendrons à y lire non pas une menace de destruction cosmique mais une promesse d'apothéose.

chant, mais naît de l'écoute que ce dernier favorise en nous. En somme, il ne s'agit pas tant de chanter que d'être chanté. » C'est ainsi seulement que l'acte de chant dans la litur gie nous permet de laisser chanter en nous l'Esprit pour toujours mieux chanter en vérité: « Tenons en éveil la mémoire du Seigneur: gardons au cœur le souvenir de ses merveilles ! »

Musicien et chanteur, maître ès lettres, licencié en théologie sacra mentaire et liturgie, le père François-Xavier Ledoux contribue depuis plusieurs années à la réflexion sur la musique et le chant dans la liturgie, à travers de nombreuses formations, articles, confé rences et émissions de radio.

PETITE CHRONIQUE BIBLIQUEMARIE-NOËLLE THABUT

LA VISION DES DEUX CORTÈGES AU PARADISTOUS LES SAINTS, B

J'ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer (Ap 7,9).

Lorsque saint Jean décrit les visions dont il a été gra tifié, c'est à la manière des prophètes: il ne s'agit pas de prédire l'avenir mais de nourrir la foi et l'espérance des croyants. Ne cherchons donc pas dans la vision des deux cortèges au paradis une description du futur, mais essayons de deviner quels encouragements elle recèle pour les contemporains de Jean. Commençons par contempler la vision. Nous sommes au paradis, donc, au grand moment de la transformation du monde. Le trône de Dieu est installé; près de lui, l'Agneau dans lequel nous reconnaissons Jésus-Christ (selon une image chère à Jean), et autour d'eux toute une cour, formée par des personnages que saint Jean appelle les anciens et les quatre Vivants.

Quatre anges se tiennent prêts à dévaster la terre et la mer. Mais, venant du côté où le soleil se lève, un autre ange apparaît, qui brandit un sceau précieux, celui qui imprime la marque du Dieu vivant. Il arrête l'élan pré maturé des quatre anges dévastateurs car il convient de marquer de son sceau le front des serviteurs de Dieu. Ils seront cent quarante-quatre

mille marqués du sceau, douze mille de chacune des douze tribus d'Israël. Apparaît ensuite le deuxième cortège, une foule immense, indé nombrable, de toutes nations, races, peuples et langues, en vêtements blancs, des palmes à la main.

Qui nous dira ce que représentent ces deux foules? La première interprétation, qui s'impose presque, voit dans la première foule les chrétiens venus du judaïsme et dans la deuxième, les chrétiens venus du paganisme. C'est bien simple. Trop simple, peut-être? La diversité d'origine des chrétiens n'était plus à démontrer à l'heure où saint Jean écrivait l'Apocalypse, vers la toute fin du Ier siècle de notre ère, sous l'empereur Domitien.

Tentons une deuxième interprétation : sous Domitien, les baptisés (qu'ils soient ou non d'origine juive) sont confrontés à la persécution. Pour les encourager à tenir bon dans l'épreuve, saint Jean leur rappelle que le sang des martyrs est toujours semence de conversions. C'est donc grâce à eux, les baptisés du premier cortège, qu'une foule immense entrera dans le salut. N'était-ce pas le meilleur argument?

Elie était poète à ses heures, c'est avec une phrase extraordinairement chantante qu'il a annoncé à la veuve de Sarepta le miracle que Dieu allait accomplir à leur pro fit. La situation était tragique, pourtant, et l'un et l'autre allaient mourir de faim à très brève échéance, sans comp ter le fils de la veuve, si le Seigneur ne s'en mêlait pas. Élie, on le sait, avait dû fuir la colère de la reine Jézabel dont il combattait l'idolâtrie et il se retrouvait seul et sans ressource en pays étranger. C'est Dieu lui-même qui lui avait conseillé de se réfugier à Sarepta où une veuve vien drait à son secours. Mais la veuve était pauvre, hélas. Sur la demande d'Élie: Apporte-moi un morceau de pain, elle dut avouer son indigence: Je le jure par la vie du Seigneur ton

Dieu: je n'ai pas de pain. J'ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d'huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre pré parer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. Mais Élie savait pouvoir faire confiance à son Dieu. Il maintint donc sa demande de pain en ajoutant: Jarre de farine point ne s'épuisera, vase d'huile point ne se videra, jusqu'au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroserla terre. Vous devinez la suite: la jarre de farine point ne s'épuisa, le vase d'huile point ne se vida pendant tout le temps que dura lasécheresse.

LE POÈME D'ÉLIE32E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, B

Jarre de farine point ne s'épuisera (1 R 17, 14).

76 THÈME LITURGIQUE DU MOIS VOCATION ET MISSION DE LA FAMILLE

LE FILS DE L'HOMME CHRIST, ROI DE L'UNIVERS, B

Je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d'homme (Dn 7, 13).

Lorsque Jésus annonçait la venue du Fils de l'homme à ses contemporains, ceux-ci reconnaissaient aussitôt une expression que le prophète Daniel, deux siècles auparavant, avait popularisée. Il décrivait ainsi la vision dont il avait bénéficié : un Vieillard est assis sur un trône, il a les cheveux blancs (qui symbolisent l'éternité) et «son vêtement est blanc comme de la neige », la couleur tradi tionnelle pour représenter les êtres célestes. Il est clair que ce Vieillard est Dieu lui-même. Et voici qu'un Fils d'homme est conduit jusqu'à lui, sur les nuées du ciel. Il s'agit bien d'un homme: l'expression « fils de » est typique de l'hé breu, c'est une manière un peu emphatique de parler; fils d'homme veut dire homme, et, de la même manière, on rencontre parfois dans les psaumes la formule « fils de roi » qui veut dire roi. Cet homme, donc, vient sur les nuées du ciel, ce qui est une image classique des apparitions de Dieu, et

il accède jusqu'au trône de Dieu... Il faut en déduire que ce « Fils d'homme » qui fait bien partie du monde de l'homme est introduit dans le monde de Dieu. Et il reçoit domination, gloire et royauté sur tous peuples, nations et langues. Et cela pour toujours : Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite (Dn 7, 14).

Jésus s'appliquait-il ce titre à lui-même? Apparemment, oui. Mais c'est là que son auditoire ne pouvait plus le suivre. Car, si on pousse la curiosité jusqu'à lire quelques versets supplémentaires du livre de Daniel, il est clair qu'à ses yeux, le Fils de l'homme n'est pas individu solitaire. Il l'appelle le peuple des saints du Très-Haut (Dn 7, 27). Grande nouvelle, nous partagerons un jour la gloire du Christ Roi !

Lorsque l'attente se fait trop longue parce que le royaume de Dieu n'est pas encore établi sur la terre, loin s'en faut, il y a deux attitudes possibles. L'incroyant ricane: « Je vous l'avais bien dit. Ces promesses, c'était du vent. Cela ne viendra jamais. « Le croyant, lui, s'obstine: « C'est Dieu qui l'a promis, donc c'est certain. Gardons patience encore et mettons-nous au travail pour faire avancer les choses. » L'espérance, c'est l'éternel jaillissement de la foi. Nous en avons un exemple étonnant dans le livre de Jérémie. Au VIe siècle avant notre ère, ce prophète aurait eu bien des raisons de se laisser aller au découragement ambiant: à vues humaines, le peuple exilé à Babylone n'avait aucune chance de revenir au pays; le Temple détruit, la Ville sainte saccagée ne seraient jamais redressés; quant à la monarchie, elle était morte à tout jamais, et, avec elle, la promesse jadis faite à David de voir monter sur le trône de Jérusalem le Sauveur du monde. Voilà ce que le bon sens répétait à tous les coins de rue. Oui, mais les vues humaines ne sont pas les vues de Dieu; et l'Esprit saint a soufflé à Jérémie les mots d'une espérance obstinée: Voici

venir des jours... et il annon çait la repousse d'un germe sur l'arbre dynastique de la monarchie. Quelques siècles plus tard, dans des heures tout aussi sombres, l'Esprit saint a soufflé à un lointain fils spirituel de Jérémie l'audace de répéter la même promesse: Voici venir des jours... Cette nouvelle prédication a été ajou tée au livre de Jérémie. Mais comme elle ne figure pas dans la traduction grecque rédigée à partir du IIIe siècle, on en déduit qu'elle n'avait pas été prononcée par le prophète lui-même. Dans les heures sombres que tra versent aujourd'hui les croyants, il faudrait de nouveaux fils spirituels de Jérémie.

Marie-Noëlle Thabut est bibliste dans le diocèse de Versailles. Avec un grand sens pédagogique, elle fait partager sa passion pour la Bible à travers des formations, des conférences et des voyages. Elle collabore régulièrement à Panorama, à Radio Notre-Dame et à MAGNIFICAT.

L'ESPÉRANCE À L'ÉPREUVE DU TEMPS1E DIMANCHE DE L'AVENT, C

En ces jours-là, je ferai germer pour David un germe de justice (Jr 33,15).

Quand on dit « Apocalypse », on pense aussitôt à saint Jean. Mais il y en a bien d'autres. Le livre de Jean appar tient en effet à un genre littéraire qui était florissant au tournant de l'ère chrétienne. D'autres livres attribués à d'autres personnages célèbres portent le même nom (Apocalypse d'Abraham, de Moïse, de Baruc, d'Élie) et des passages écrits en genre apocalyptique figurent dans les écrits bibliques, à commencer par les prophètes (y compris Daniel) et jusqu'aux Évangiles (dont Marc que nous lisons ce dimanche) et même certaines lettres du Nouveau Testament. Tous ces textes affectionnent les visions et images fantasmagoriques, les descriptions de bouleversements cosmiques: En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s'obscurcira et la lune ne don nera plus sa clarté (Mc 13, 24), les récits de combats sans merci

menés par les forces du mal contre les fidèles du Dieu vivant. Mais aucun de ces textes ne cherche à semer la terreur, bien au contraire. Écrits en période de persécution (les forces du mal déchaînées), ils parlent de victoire et invitent à la persévérance dans l'épreuve. Dieu n'abandonne pas les siens et il envoie un visionnaire pour leur » dévoiler (c'est le sens même du mot « Apocalypse ») l'heureuse issue du combat: Ce sera un temps de détresse comme il n'y en a jamais eu. Mais en ce temps-làviendra le salut (Dn 12, 1).

En définitive, c'est une apothéose que tous ces textes viennent annoncer: la glorification de Dieu et de son Fils et

l'entrée de l'humanité en leur présence.

APOCALYPSE OU APOTHÉOSE?33E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, B

Le soleil s'obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté (Mc 13,24).

98 LA TOUSSAINT

EVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MATTHIEU 5, 1-12

POUR MÉDITER L'ÉVANGILE

1 NOVEMBRELA TOUSSAINT, FÊTE DE L’ESPÉRANCE DU MONDE

« Les clefs du Royaume des cieux »1 Quand Jésus vit la foule qui le suivait,il gravit la montagne.Il s'assit, et ses disciples s'approchèrent. 2 Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire, il disait : 3 « Heureux les pauvres de cœur :le Royaume des cieux est à eux ! 4 Heureux les doux :ils obtiendront la terre promise ! 5 Heureux ceux qui pleurent :ils seront consolés ! 6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice :ils seront rassasiés ! 7 Heureux les miséricordieux :ils obtiendront miséricorde ! 8 Heureux les cœurs purs :ils verront Dieu ! 9 Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! 10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice :le Royaume des cieux est à eux ! 11 Heureux serez-vous si l'on vous insulte,si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous,à cause de moi. 12 Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse,car votre récompense sera grande dans les cieux ! »

Jésus traverse une période de succès, les foules le suivent. Le moment est venu de délivrer son message. Et Matthieu introduit les paroles de Jésus à la manière des prophètes de l’Ancien Testament : « Ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. » L’expression « ouvrant la bouche » est une manière sémitique de solenniser ce qui va être dit. Douze siècles plus tôt, sur une autre montagne - le Sinaï -, Moïse avait transmis au peuple les commandements de Dieu. Sur la montagne de Galilée, Jésus va plus loin dans la révélation et propose une nouvelle manière d’envisager ces commandements. Il expose le paradoxe de la sagesse de Dieu si contraire à la sagesse humaine.

Chaque phrase commence par le mot « heureux » : ce mot, très fréquent dans l'Ancien Testament, sonne toujours comme un compliment, le plus beau compliment dont nous puissions rêver, en fin de compte. André Chouraqui le traduit « En marche » : sous-entendu, « tu es bien parti, tu es bien proche vers le royaume. » Je pense qu'une des manières de lire ces Béatitudes, c'est de les envisager comme les multiples chemins du Royaume : chacun de nous accueille le Royaume et contribue à sa construction avec ses petits moyens ; Jésus regarde la foule, il pose sur tous ces gens le regard de Dieu. Regardez, dit-il à ses disciples : il y a ici des pauvres... des doux... des affligés... des affamés et assoiffés de justice... des compatissants... des cœurs purs... des artisans de paix... des persécutés. Toutes situations qui ne correspondent guère à l'idée que le monde se fait du bonheur. Mais ceux qui les vivent, dit Jésus, sont les mieux placés pour accueillir et construire le Royaume. L'horizon de l'existence humaine c'est la venue du Royaume de Dieu : tous nos chemins d'humilité y mènent.

LA TOUSSAINT

De cette manière, Jésus nous apprend à poser sur les autres et sur nous-mêmes un autre regard. Il nous fait regarder toutes choses avec les yeux de Dieu lui-même et il nous apprend à nous émerveiller: il nous dit la présence du Royaume là ou nous ne l'attendions pas : la pauvreté du cœur, la douceur, les larmes, la faim et la soif de justice, la persécution... Cette découverte humainement si paradoxale doit nous conduire à une immense action de grâces : notre faiblesse devient la matière première du Règne de Dieu. Car finalement, toutes les Béatitudes sont contenues dans la première : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ». Ce n'est pas là une idéalisation de la pauvreté matérielle : la Bible présente toujours la pauvreté comme un mal à combattre ; mais d'abord, il faut bien dire que ce n'étaient pas les gens socialement influents, importants qui formaient le gros des foules qui suivaient Jésus ! On lui a assez reproché de frayer avec n'importe qui ! D'autre part, le mot « pauvres » dans l'Ancien Testament n'a pas toujours un rapport avec le compte en banque : les « pauvres » au sens biblique (les « anawim ») ce sont ceux qui n'ont pas le cœur fier ou le regard hautain, comme dit un psaume ; on les appelle « les dos courbés »: ce sont les petits, les humbles du pays, dans le langage prophétique. Ils ne sont pas repus, satisfaits, contents d'eux, il leur manque quelque chose. Alors Dieu pourra les combler. Nous retrouvons ici sous la plume de Matthieu un écho de la parabole du Pharisien et du publicain : le Pharisien pourtant extrêmement vertueux ne pouvait plus accueillir le salut de Dieu parce que son cœur était plein de lui-même ; le publicain, notoirement pécheur, se tournait vers Dieu et attendait de lui son salut, il était comblé.

La qualité dont il s'agit ici, c'est « l'esprit de pauvreté », c'est-à-dire la qualité de « celui qui a pour refuge le nom du Seigneur », comme le dit Sophonie, celui qui a besoin de Dieu, celui qui reçoit tout de Dieu comme un cadeau : et tout ce dont il est question dans les autres Béatitudes, être capable de miséricorde, c'est-à-dire de pardon et de compassion, être artisan de paix, être doux, ou non-violent, être affamé et assoiffé de justice, tout cela est cadeau ; et nous ne pouvons mettre véritablement ces talents au service du Royaume que quand nous les recevons dans cet esprit. Au fond, la première Béatitude, c'est celle qui nous permet de recevoir toutes les autres. Heureux, les pauvres : mettez votre confiance en Dieu : Il vous comblera de ses richesses ... ses richesses... « Heureux » ... cela veut dire « bientôt on vous enviera ». J'aurais envie de dire : telle est l'imitation de Jésus-Christ. Il est le pauvre par excellence, le doux et humble de cœur ; au fond, si on y regarde bien, cet évangile dessine un portrait, celui de Jésus lui-même. Nous l'avons vu doux et miséricordieux, compatissant à la misère et pardonnant à ses bourreaux ; pleurant sur la souffrance des uns, sur la dureté de cœur des autres ; affamé et assoiffé de justice et acceptant la persécution ; et surtout, en toutes circonstances, pauvre de cœur, c'est-à-dire attendant tout de son Père et lui rendant grâce de « révéler ces choses aux humbles et aux petits. »

On peut aussi lire ce texte à l'envers comme une description du Royaume : c'est le lieu où règnent l'humilité, la douceur, la joie, la justice, la miséricorde, la pureté, la paix. Mais au fait, si les hommes de l'Ancien Testament étaient si attachés à la Terre Sainte, c'est parce qu'elle avait pour vocation d'être dès ici-bas le reflet du Royaume, un lieu de fraternité, de justice et de paix. Et le Jubilé de l'an 2000 nous a rappelé que toutes nos demeures de la terre sont appelées, elles aussi, à être des reflets du Royaume, des lieux où l'on vit les Béatitudes.

1110 COMMÉMORATION DE TOUS LES FIDÈLES DÉFUNTS

EVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC 15, 33-39 ; 16, 1-6

2 NOVEMBRECOMMÉMORATION DE TOUS LES FIDÈLES DÉFUNTS

« Jésus, poussant un grand cri, expira »33 Quand arriva la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. 34 Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » 35 L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » 36 L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » 37 Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. 38 Le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. 39 Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » 01 Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. 02 De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. 03 Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » 04 Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande. 05 En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. 06 Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ?Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé.

COMMÉMORATION DE TOUS LES FIDÈLES DÉFUNTS

POUR MÉDITER L'ÉVANGILEAprès avoir célébré la solennité de tous les saints, l’Église nous invite aujourd’hui à commémorer tous les fidèles défunts, à tourner notre regard vers les nombreux visages qui nous ont précédés et qui ont conclu leur chemin terrestre. Au cours de l’Audience d’aujourd’hui, je voudrais donc vous proposer quelques pensées simples sur la réalité de la mort qui pour nous, chrétiens, est illuminée par la Résurrection du Christ, et pour renouveler notre foi dans la vie éternelle. Comme je le disais déjà hier au cours de l’Angélus, nous nous rendons ces jours-ci au cimetière pour prier pour les personnes chères qui nous ont quittés, nous allons en quelque sorte leur rendre visite pour leur exprimer, une fois de plus, notre affection, pour les sentir encore proches, en rappelant également, de cette façon, un article du Credo : dans la communion des saints existe un lien étroit entre nous, qui marchons encore sur cette terre, et nos nombreux frères et sœurs qui ont déjà atteint l’éternité.

Depuis toujours, l’homme se préoccupe de ses morts et tente de leur donner une deuxième vie à travers l’attention, le soin, l’affection. D’une certaine façon, on veut conserver leur expérience de vie ; et, paradoxalement, c’est précisément des tombes devant lesquelles se bousculent les souvenirs que nous découvrons la façon dont ils ont vécu, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont craint, ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont détesté. Celles-ci représentent presque un miroir de leur monde. Pourquoi en est-il ainsi ? Car, bien que la mort soit souvent un thème presque interdit dans notre société, et que l’on tente constamment de chasser de notre esprit la seule idée de la mort, celle-ci concerne chacun de nous, elle concerne l’homme de tout temps et de tout lieu. Et devant ce mystère, tous, même inconsciemment, nous cherchons quelque chose qui nous invite à espérer, un signe qui nous apporte un réconfort, qui nous ouvre un horizon, qui offre encore un avenir. Le chemin

de la mort, en réalité, est une voie de l’espérance et parcourir nos cimetières, comme lire les inscriptions sur les tombes, signifie accomplir un chemin marqué par l’espérance d’éternité.

Mais nous nous demandons : pourquoi éprouvons-nous de la crainte face à la mort ? Pourquoi une grande partie de l’humanité ne s’est-elle jamais résignée à croire qu’au-delà de la mort, il n’y pas simplement le néant ? Je dirais qu’il existe de multiples réponses : nous éprouvons une crainte face à la mort car nous avons peur du néant, de ce départ vers quelque chose que nous ne connaissons pas, qui nous est inconnu. Il existe alors en nous un sentiment de rejet parce que nous ne pouvons pas accepter que tout ce qui a été réalisé de beau et de grand au cours d’une existence tout entière soit soudainement effacé, tombe dans l’abîme du néant. Et surtout, nous sentons que l’amour appelle et demande l’éternité et il n’est pas possible d’accepter que cela soit détruit par la mort en un seul moment.De plus, nous éprouvons de la crainte à l’égard de la mort car, lorsque nous nous trouvons vers la fin de notre existence, existe la perception qu’un jugement est exercé sur nos actions, sur la façon dont nous avons mené notre vie, surtout sur les zones d’ombre que nous savons souvent habilement éliminer ou que nous nous efforçons d’effacer de notre conscience. Je dirais que c’est précisément la question du jugement qui est souvent à l’origine de la préoccupation de l’homme de tous les temps pour les défunts, de l’attention pour les personnes qui ont compté pour lui et qui ne sont plus à ses côtés sur le chemin de la vie terrestre. Dans un certain sens, les gestes d’affection et d’amour qui entourent le défunt sont une façon de le protéger dans la conviction qu’ils ne demeurent pas sans effet sur le jugement. C’est ce que nous pouvons constater dans la majorité des cultures qui caractérisent l’histoire de l’homme.

Aujourd’hui, le monde est devenu, tout au moins en apparence, beaucoup plus rationnel, ou mieux, la tendance s’est diffusée de penser que chaque réalité doit être affrontée avec les critères de la science expérimentale, et qu’également à la grande question de la mort on ne doit pas tant répondre avec la foi, mais en partant de connaissances expérimentables, empiriques. On ne se rend cependant pas suffisamment compte que, précisément de cette manière, on a fini par tomber dans des formes de spiritisme, dans la tentative d’avoir un contact quelconque avec le monde au-delà de la mort, presque en imaginant qu’il y existe une réalité qui, à la fin, serait une copie de la réalité présente.

Chers amis, la solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).

Pensons un moment à la scène du Calvaire et écoutons à nouveau les paroles que Jésus, du haut de la Croix, adresse au malfaiteur crucifié à sa droite : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Pensons aux deux disciples sur la route d’Emmaüs, quand, après avoir parcouru un bout de chemin avec Jésus Ressuscité, ils le reconnaissent et partent sans attendre vers Jérusalem pour annoncer la Résurrection du Seigneur (cf. Lc 24, 13-35). Les paroles du Maître reviennent à l’esprit avec une clarté renouvelée : « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l’aurais dit ; je vais vous préparer une place » (Jn 14, 1-2). Dieu s’est vraiment montré, il est devenu accessible, il a tant aimé le monde « qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16), et dans l’acte d’amour suprême de la Croix, en se plongeant dans l’abîme de la mort, il l’a vaincue, il est ressuscité et nous a ouvert à nous aussi les portes de l’éternité. Le Christ nous soutient à travers la nuit de la mort qu’Il a lui-même traversée; il est le Bon Pasteur, à la direction duquel on peut se confier sans aucune crainte, car Il connaît bien la route, même dans l’obscurité.

Chaque dimanche, en récitant le Credo, nous réaffirmons cette vérité. Et en nous rendant dans les cimetières pour prier avec affection et avec amour pour nos défunts, nous sommes invités, encore une fois, à renouveler avec courage et avec force notre foi dans la vie éternelle, ou mieux, à vivre avec cette grande espérance et à la témoigner au monde : derrière le présent il n’y a pas le rien. C’est précisément la foi dans la vie éternelle qui donne au chrétien le courage d’aimer encore plus intensément notre terre et de travailler pour lui construire un avenir, pour lui donner une espérance véritable et sûre.

Benoît XVI, 2 novembre 2011Commémoration de tous les fidèles défunts

1312 MÉDITATION DOMINICALE - I MÉDITATION DOMINICALE - I

avaient des places réservées dans les premiers rangs, mais les mauvaises langues faisaient remarquer que ces places,curieusement, tournaient le dos aux Tables de la Loi et étaient situées face au public !

Jésus manifeste une très grande liberté à leur égard. Dans les versets précédents, il a rendu hommage à l'un d'entre eux Marc nous raconte que « Jésus, voyant qu'il avait fait une remarque judicieuse, lui dit ‘Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu’. » (12, 34). Ici, en revanche, il semble les prendre à partie de façon plus générale. En réalité, ce n'est qu'une réponse au harcèlement dont il a été l'objet de la part de certains d'entre eux, depuis le début de sa viepublique, et qui lui a fait prendre conscience de leur jalousie à son égard.

En effet, Marc a montre amplement, tout au long de l'évangile, la méfiance grandissante des scribes contre Jésus. Il faudrait ici relire (ou relier) tous ces épisodes : la guérison du paralytique de Capharnaüm (2, 6-7); le repas chez ; les accusations d'être un support du démon, ce qui expliquerait son pouvoir : « Les scribes qui Lévi (2.16) étaient descendus de Jérusalem disaient : ‘Il a Béelzéboul en lui' et : ‘C'est par le chef des démons qu'il chasse lesdémons » (3, 23). Ou encore la discussion sur le non-respect des traditions (7, 5).

Leur jalousie s'est peu à peu muée en haine et a fait naître l'idée de le faire mourir. Après qu'il ait chassé les vendeurs du Temple, « Les grands prêtres et les scribes l'apprirent et ils cherchaient comment ils le feraient périr. Car ils le redoutaient, parce que la foule était frappée de son enseignement » (en somme c'est une jalousie de professeurs, 11,18). Apres l’épisode des vendeurs, justement, ils lui demanderont de justifier ses audaces : « Alors que Jésus allait et venait dans le Temple, les grands prêtres, les scribes et les anciens s'approchent de lui. Ils lui disaient : ‘En vertu de quelle autorité fais-tu cela? Ou qui t'a donne autorité pour le faire ? » (11, 27-28). D'ailleurs, au moment de la Passion, Pilate ne s'y trompera pas (Marc note que « Pilate voyait bien que les grands prêtres l'avaient livrépar jalousie », 15. 10).

Jésus est bien conscient de la haine dont il est l'objet, mais ce n’est pas cela qu'il leur reproche. A ses yeux, il y a plus grave : « Ils dévorent les biens des veuves » ; par là, il reproche à certains de profiter de leur fonction. On peut supposer que les scribes, donnant des consultations, les veuves leurs demandaient probablement des conseils juridiques (qui n'étaient pas gratuits, apparemment !). « Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement ; ils seront d'autant plus sévèrement condamnés. » Phrase sévère, mais bien dans le style prophétique : on sait bien que l'endurcissement du cœur vient tout doucement si l'on n'y prend pas garde. Ceux qui sont vises ici « affectent de prier longuement », mais cette prière feinte, affectée, n'est évidemment pas une vraie prière puisqueensuite ils volent les pauvres gens... leur prière ne les rapproche donc pas de Dieu. Traduisons qu'ils s'excluent eux-mêmes du salut.

Et voici qu'une veuve se présente, justement pour faire son offrande. Elle est pauvre, de toute évidence. Marc le dit trois fois (vv. 42, 43: « pauvre veuve » ; v. 44 : « indigence ») : c'était malheureusement le cas général, car elles n'avaient pas droit à l'héritage de leur mari et leur sort dépendait en grande partie de la charité publique. La preuve de leur pauvreté est dans l'insistance toute particulière de la Loi sur le soutien que l'on doit apporter à la veuve et à1'orphelin, ce qu'un scribe ne peut pas ignorer, lui le spécialiste de la Loi.

La veuve s'avance donc pour déposer deux piécettes et c'est elle que Jésus donne en exemple à ses disciples : « Amen, je vous le dis cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre. » L'évangile n'en dit pas plus, mais la réflexion de Jésus à son sujet laisse entendre que sa confiance sera récompensée... Le rapprochement 388) est suggestif : comme la avec la première lecture de ce dimanche (la veuve de Sarepta, voir supra, page veuve de Sarepta avait donné ses dernières provisions au prophète Élie, celle du Temple de Jérusalem donne sesderniers sous. Sa confiance en Dieu va jusque-là. Jusqu'à prendre le maximum de risques, le dépouillement complet.

Ces derniers conseils de Jésus à ses disciples prendront quelques jours après, un relief tout particulier. A leur tour, ils devront choisir leur attitude dans l'Eglise naissante. Le modèle que leur Seigneur leur a assigné, ce n'est pas l'ostentation de certains scribes, leur recherche des honneurs... mais la générosité discrète de la veuve et l'audacede tout risquer.

EVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC 12, 38-44

DIMANCHE 8 NOVEMBRE – 32e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

« Ostentation des scribes et offrande de la venue »Dans son enseignement, Jésus disait :38 « Méfiez-vous des scribes,qui tiennent à sortir en robes solennelleset qui aiment les salutations sur les places publiques,39 les premiers rangs dans les synagogueset les places d'honneur dans les dîners.40 Ils dévorent les biens des veuveset affectent de prier longuement :ils seront d'autant plus sévèrement condamnés. »41 Jésus s'était assis dans le

Temple en face de la salle du trésoret regardait la foule déposer de l'argent dans le tronc.Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes.42 Une pauvre veuve s'avança et déposa deux piécettes.43 Jésus s'adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis :cette pauvre veuve a mis dans le troncplus que tout le monde.44 Car tous, ils ont pris sur leur superflu,mais elle, elle a pris sur son indigence :elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre. »

POUR MÉDITER L'ÉVANGILE « Méfiez-vous... » Dans la bouche de Jésus, voici une parole inattendue ! Nous sommes tout à fait à la fin de l'évangile de Marc. Jésus donne ses derniers conseils à ses disciples. Quelques versets plus haut, il leur a dit : « Ayez foi en Dieu (11, 22)... Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez reçu et cela vous sera accordé. » Un peu plus loin, il leur conseille encore : « Prenez garde que personne ne vous égare... » (13, 5). Ici, c’est quelque chose comme donnez pas votre confiance à n'importe qui ! « Il s'agit des scribes (ou au moins de certains d'entre eux). Cette véhémence de Jésus relevé du style prophétique : combien de fois avons-nous vu les prophètes employer un langage très violent pour stigmatiser certaines attitudes. Pour autant, il ne s'agit pas pour Jésus de faire en bloc leprocès de tous les scribes.

Ceux-ci jouissaient d'une grande considération au temps de Jésus, et elle était généralement justifiée. Qui étaient-ils ? Des laïcs qui avaient étudié la Loi de Moïse dans des écoles spécialisées, des diplômes de la loi (comme on dirait aujourd'hui, des « licenciés en théologie »). Ils avaient le droit de commenter l'Ecriture et de prêcher. Ils siégeaient au Sanhédrin (le tribunal permanent de Jérusalem) qui se réunissait au Temple deux fois par semaine. Les meilleurs d'entre eux étaient nommés « docteurs de la Loi ». Le respect qu'on leur vouait était en réalité celui qu'on ressentait pour la Loi elle-même. Le livre du Siracide consacre une page entière (Si 38, 34 - 39,11) à l’éloge du scribe, « celui qui s'applique à réfléchir sur la loi du Très Haut, qui étudie la sagesse de tous les anciens, et consacre ses loisirs aux prophéties... Il étudie le sens caché des Proverbes, il passe sa vie parmi les énigmes des paraboles » (Si 39, 1...3). Mais cette reconnaissance populaire pouvait bien monter à la tête de certains : dans les synagogues, ils

1514 DÉDICACE DE LA BASILIQUE DU LATRAN DÉDICACE DE LA BASILIQUE DU LATRAN

l'esplanade du Temple des marchands d'animaux. Quand on vient en pèlerinage à Jérusalem, parfois de très loin, on s'attend bien à trouver sur place des bêtes à acheter pour les offrir en sacrifice. Quant aux changeurs de monnaie, on en a besoin aussi : on est sous occupation romaine, et les pièces utilisées en ville sont frappées à l'effigie de l'empereur et, du coup, elles sont interdites au Temple ! Donc, en arrivant au Temple, on change ce qu'il faut demonnaie romaine contre de la monnaie juive. Alors, qu'est-ce qui lui prend donc ?

Comme souvent, Jésus agit d'abord, il explique ensuite. Mais on ne comprend pas bien, ou pas du tout. Pour l'instant, sa vio lence est inattendue, ses paroles encore plus ! En parlant du Temple de Jérusalem, il ose dire « la Maison de mon Père. » Et le reproche qu'il fait aux vendeurs (« Ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic ») laisse entendre qu'il se prend pour un prophète, tel Jérémie : « Cette Maison sur laquelle mon Nom a été proclamé, la prenez-vous donc pour une caverne de bandits ? » (Jr 7,11). Pire, il se prend carrément pour le Messie,car Zacharie avait annoncé : « Il n'y aura plus de marchand dans la Maison du Seigneur le tout-puissant en ce jour- là » (sous-entendu le jour de la venue du Messie - Za 14,10). Devant cette prétention, il convient de remettre ce fauxmessie à sa place : « Quel signe peux-tu nous don ner pour justifier ce que tu fais là ? »

La réponse de Jésus ne peut pas les satisfaire : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Pour l'instant, c'est le qui proquo total : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours, tu le relèverais. » En bonne logique, on ne peut pas leur donner tort : un homme tout seul ne peut évidemment pas entreprendre de pareils travaux ! Il ne peut y arriver ni en trois jours, ni en 46 ans, ni en toute une vie ! Et encore, quand ils comptent 46 ans, les juifs ne parlent pas de la construction du Temple à partir de rien : ils parlent des travaux de restauration entrepris par Hérode. Ce Temple magnifique, désormais, respecté de tous, parce qu'il est le signe manifeste de la présence de Dieu au milieu de son peuple, ce Temple n'attend rien du charpentier de Nazareth. Avec son histoirede trois jours, il est un peu court...

Les disciples, eux, ouvrent grandes leurs oreilles pour essayer de comprendre. Il faut dire qu'ils ont déjà vu Jésus à l'œuvre : ils l'ont rencontré au bord du Jourdain, au moment de son baptême, ils ont entendu le témoignage de Jean-Baptiste à son sujet, et surtout ils étaient aux noces de Cana avec lui et y ont assisté au premier miracle. Voici comment Jean termine son récit : « Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui » (2, 11). Ensuite, ils étaient allés passer quelques jours avec lui à Capharnaümet les voilà à Jérusalem.

C'est donc dans l'ambiance de préparation de la Pâque, alors que, déjà à plusieurs reprises, ils ont pressenti que Jésus était bien le Messie, qu'ils se rendent avec lui au Temple de Jérusalem. Aussitôt, ils reconnaissent dans l'attitude de Jésus un geste pro phétique et une phrase du psaume 69 (68) leur revient spontané ment à la mémoire : « Le zèle de ta maison m'a dévoré ». C'est la plainte de celui qui est persécuté à cause de sa foi : « Dieu d'Israël, c'est à cause de toi que je supporte l'insulte, que le déshonneur couvre mon visage, et que je suis un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère. Oui, le zèle pour ta maison m'a dévoré ; ils t'insultent et leurs insultes retombent sur moi » (Ps 69, 8-10). Le psaume, lui, parle au passé : « Le zèle pour ta maison m'a dévoré », alors que Jean reprend cette phrase au futur : « Le zèle de ta maison me dévorera », manière d'annoncer la persécution qui attend Jésus et qui commence déjà d'ailleurs ! Nous sommes encore au tout début de l'évangile de Jean, mais le procès deJésus est déjà esquissé.

Tout comme les Juifs, les disciples ont entendu la réponse de Jésus : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai », et ils l'ont accueillie le cœur ouvert, même si Jean dit bien qu'ils ne comprendront que plus tard. Pour un Juif, habitué de l'Écriture, trois jours c'était un chiffre dont on parlait souvent : c'était habi tuellement le temps nécessaire pour se préparer à rencontrer Dieu. On lit cela dans le livre de l'Exode, par exemple, or ce livre, ils leconnaissaient sur le bout du doigt, sûrement !

Mais tout s'éclairera pour eux quand viendra ce troisième jour de la Résurrection du Christ : « Quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite. » Et c'est à ce moment-là qu'ils comprirent quelle révolution venait de s'opérer : le signe de la Présence de Dieu parmi les hommes est le corps ressuscité du charpentier de Nazareth, « pierre rejetée par lesbâtisseurs, mais devenue la pierre d'angle. »

EVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN 2, 13-22

9 NOVEMBRE – DÉDICACE DE LA BASILIQUE DU LATRAN

« Le Temple dont il parlait, c’était son corps »13 Comme la Pâque juive était proche,Jésus monta à Jérusalem. 14 Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. 15 Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ;il jeta par terre la monnaie des changeurs,renversa leurs comptoirs, 16 et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » 17 Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. 18 Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » 19 Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » 20 Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » 21 Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. 22 Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

POUR MÉDITER L'ÉVANGILE Nous sommes au tout début de l'évangile de Jean, au chapitre 2. Dans le premier chapitre, le « prologue », Jean a dressé comme en une sorte de vitrail tout le mystère de la personne du Christ : un mystère que certains ont accueilli dans un cœur ouvert et ils sont devenus ses disciples, tandis que d'autres se sont fermés à cette révélation inouïe de Dieu dans un corps d'homme et ils sont peu à peu devenus ses ennemis. « Il était dans le monde et le monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu, Il est venu dans son propre bien et les siens ne l'ont pas accueilli. Mais, à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » Cette distinction entre deux groupes est l'un des grands clivages de l'évangile de Jean ; il l'exprime ici en distin guant les disciples, d'un côté, et de l'autre ceux qu'il appelle « les Juifs. » En réalité, juifs, ils le sont tous, mais dans le langage de Jean,cela veut presque toujours dire « opposants. »

Pour ceux-ci, Jésus n'est rien : un Galiléen (et peut-il sortir quelque chose de bon de par là-bas ?) et qui se permet de critiquer les pratiques habituelles du Temple. Soyons francs : ils n'ont pas forcément tort de lui demander de se justifier... Parce que le com portement du charpentier de Nazareth est surprenant : il y a des siècles qu'on trouve sur

1716 MÉDITATION DOMINICALE - II MÉDITATION DOMINICALE - II

révélation divine. C'est pour cela que, dans la Bible, ce style littéraire est appelé « apocalyptique » parce qu'il apporte une « révélation » de la part de Dieu (littéralement le verbe grec « apokaluptein » veut dire « lever un coin du voile », « révéler »).

Cette sorte de langage nous est assez étrangère aujourd'hui, mais au temps de Jésus, c'était transparent pour tout le monde. C'était du langage code : en surface, il est question du soleil, des étoiles, de la lune et tout cela va être bouleversé ; mais en réalité il s'agit de tout autre chose ! Il s'agit de la victoire de Dieu etde ses enfants dans le grand combat qu'ils livrent contre le mal depuis l'origine du monde.

Elle est là la spécificité de la foi judéo-chrétienne. C'est donc un contresens d'employer le mot « Apocalypse » à propos d'événements terrifiants : dans le langage croyant - juif ou chrétien c'est précisément le contraire ! La révélation du mystère de Dieu ne vise jamais à terrifier les hommes, mais au contraire à leur permettred'aborder tous les bouleversements de l'Histoire en soulevant le coin du voile pour garder l'espérance. Chaque fois que les prophètes de l'Ancien Testament veulent annoncer le Grand Jour de Dieu, sa victoire définitive contre toutes les forces du mal, on retrouve ce même langage, ces mêmes images. Par exemple, le prophète Joël : « La terre frémit, le ciel est ébranlé ; le soleil et la lune s'obscurcissent et les étoiles retirent leur clarté, tandis que le Seigneur donne de la voix à la tête de son armée. Ses bataillons sont très nombreux : puissant est l'exécuteur de sa parole. Grand est le jour du Seigneur, redoutable à l’extrême : qui peut le supporter ? » (Jl 2, 10-11). Ou encore : « Je répandrai mon esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, vos jeunes gens auront des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes, en ce temps-là, je répandrai mon Esprit. Je placerai des prodiges dans le ciel et sur la terre, du sang, du feu, des colonnes de fumée. Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang à l'avènement du jour du Seigneur, grandiose et redoutable. Alors, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » (J13, 1-5). Et au chapitre 4 : « Le soleil et la lune s'obscurcissent, les étoiles retirent leur clarté... Le Seigneur rugit de Sion, de Jérusalem il donne de la voix : alors les cieux et la terre sont ébranlés, mais le Seigneur est un abri pour son peuple, un refuge pour les Israélites » (J14, 15-16).

Tous ces textes ont un point commun : ils ne sont pas faits pour inquiéter ; au contraire, puisqu'ils annoncent la victoire du Dieu d'amour. Le chamboulement cosmique qu'ils décrivent complaisamment n’est qu'une image du renversement complet de la situation. Le message, c'est que Dieu aura le dernier mot. Le mal sera définitivement détruit. Par exemple, Isaïe emploie les mêmes images pour annoncer le jugement de Dieu : « Les étoiles du ciel et leurs constellations ne feront plus briller leur lumière. Dès son lever, le soleil sera obscur et la lune ne donnera plus sa clarté. Je punirai le monde pour sa méchanceté, les impies pour leurs crimes » (Is 13, 10) ; c'est le même Isaïe qui, quelques versets plus haut, annonçait le salut des fils de Dieu : « Tu diras ce jour-là : Voici mon Dieu sauveur, j'ai confiance et je ne tremble plus, car ma force et mon chant, c'est le Seigneur ! Il a été pour moi le salut » (12, 1-2). Et nous avons entendu Joël : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauve.., le Seigneur est un abri pour son peuple. » Dans le style apocalyptique - tout à fait conventionnel, donc, l'annonce de la foi, c'est que Dieu est le maître de l'histoire et le jour vient où le mal disparaîtra. Il ne faut pas parler de « fin du monde », mais de« transformation du monde », de « renouvellement du monde ».

Quand on arrive au Nouveau Testament, qui utilise, lui aussi parfois le style apocalyptique - par exemple, dans l’évangile de Marc de ce dimanche le message de la foi reste fondamentalement le même, avec cette précision toutefois que le dernier mot, la victoire définitive de Dieu contre le Mal, c'est pour tout de suite, en Jésus-Christ. II n’est donc pas étonnant qu'à quelques jours de sa dernière Pâque à Jérusalem, Jésus recoure à ce langage, à ces images : le combat entre les forces du mal et le Christ est à son paroxysme et dans ce texte, si nous savons lire entre les lignes, nous avons un message équivalent à la phrase de Jésusdans l’évangile de Jean : « Courage, j’ai vaincu le monde. »

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT MARC 13, 24-32

15 NOVEMBRE- 33e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

« La venue du Fils de l’homme »Jésus parlait à ses disciples de sa venue :24 « En ces temps-là,après une terrible détresse,le soleil s'obscurciraet la lune perdra son éclat.25 Les étoiles tomberont du cielet les puissances célestes seront ébranlées.26 Alors on verra le Fils de l'hommevenir sur les nuéesavec grande puissance et grande gloire.27 Il enverra les angespour rassembler les élusdes quatre coins du monde,de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel.28 Que la comparaison du figuier vous instruise :dès que ses branches deviennent tendreset que sortent les feuilles,vous savez que l'été est proche.29 De même, vous aussi,lorsque vous verrez arriver cela,sachez que le Fils de l'homme est proche,à votre porte.30 Amen, je vous le dis :cette génération ne passera pasavant que tout cela n'arrive.31 Le ciel et la terre passeront,mes paroles ne passeront pas.32 Quant au jour et à l'heure,nul ne les connaît,pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils,mais seulement le Père. »

POUR MÉDITER L'ÉVANGILE Marc ne nous avait guère habitués à ce genre de discours ! Tout d’un coup son style se met à ressembler à toute une littérature très florissante à son époque, mais bien étrangère à nos mentalités actuelles. Il faut se rappeler que les derniers siècles avant l’ère chrétienne ont été le théâtre d’une grande effervescence intellectuelle, pas seulement en Palestine, mais en Egypte, en Grèce, en Mésopotamie. La littérature de divination faisait fortune. Dans toutes les civilisations, dans toutes les religions, les questions sont partout et toujours les mêmes : qui aura le dernier mot ? L'humanité va-t-elle irrémédiablement à sa perte ? Ou alors le Bien triomphera-t-il ? Que sera la fin du monde ?

Peu à peu un style littéraire était né dans tout le Proche-Orient pour aborder ces sujets. Partout on retrouve les mêmes images : des bouleversements cosmiques, éclipses de soleil ou de lune, des personnages célestes, anges ou démons. Ce qui est intéressant pour nous, c'est de voir comment des croyants- juifs puis chrétiens ont emprunté les formes de ce style de leur temps, mais en y coulant leur propre message, la

1918 LE CHRIST, ROI DE L’UNIVERS LE CHRIST, ROI DE L’UNIVERS « dialogue ». Car c'est vraiment le monde à l'envers : tout au long de la Passion, Jean souligne comme à plaisir le renversement de la situation ; ici, c'est le pouvoir romain qui va reconnaître que le véritable roi c'est Jésus-Christ : quand Pilate dit à Jésus « Alors, tu es roi ? », Jésus répond « C'est toi qui dis que je suis roi » (su legeis, en grec) dans le sens de « tu as tout compris, tu ledis toi-même ».

Mais ce royaume n’a rien à voir avec nos royaumes de la terre, défendus par des gardes : « Si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. » Son royaume, c'est celui de la vérité : pas d'autre défense que la vérité. « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix." Dans la deuxième lecture de ce dimanche, tirée de l'Apocalypse, nous avons entendu Jean dire que Jésus est le « témoin fidele ». Il est le « Fils unique plein de grâce et de vérité » que nous annonçait Jean dès le prologue de son évangile.

Pilate qui vit dans le monde gréco-romain, ne peut que poser la question : « Qu'est-ce que la vérité ? » Les juifs, eux, savent depuis le début de leur Alliance avec Dieu, que la vérité c'est Dieu lui-même. Le mot « vérité » au sens biblique veut dire « fidélité solide » de Dieu (en hébreu, il est de la même racine que le mot « amen » qui signifie ferme, stable, fidèle, vrai, nous l'avons vu dans le psaume 92- 93 de cette fête). Précisément parce que la Vérité est une Personne - Dieu lui-même personne ne peut prétendre détenir la vérité ! On appartient à la vérité, elle ne nous appartient pas. Que de querelles inutiles, et même de guerres meurtrières nous aurions pu et pourrions encore éviter si nous n'avions jamais perdu de vue que nous ne possédons pas la vérité ! La seule choseimportante est d'écouter et de se laisser instruire par elle. « Tout homme qui appartient a la verite écoute ma voix », affirme Jésus à Pilate, tout comme il avait dit plus tôt aux juifs : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; et c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu que vous ne m'écoutez pas » (Jn 8, 47). Seul Dieu peut nous dire « Ecoute ». Chaque jour Jésus et ses disciples répétaient la profession de foi juive enseignée par la Torah : « Shema Israël » (« écoute Israël ! ») Ce mot dans la bouche de Jésus, c'est donc une autre manière de se révéler comme Dieu. (Au Baptême et à la Transfiguration, la voix du ciel disant àpropos de Jésus « Ecoutez-le », dit aussi qu'il est Dieu).

Pilate n'aura pas senti toutes ces résonances, mais quand Jean rapporte tout cela aux premiers chrétiens, ceux-ci savent lire entre les lignes. Pilate est resté avec sa question et, visiblement, il a manqué sa chance de découvrir Dieu : il raisonne sur la vérité au lieu de s'abandonner à elle et de croire, tout simplement. Tout l'évangile de Jean décrit le dilemme qui se pose à tout homme « croire ou ne pas croire ». Marthe de Béthanie a fait le bon choix, celui de l'humilité et de la confiance : « Je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, Celui qui devait venir en ce monde. » Pourquoi Marthe, la femme obscure de Palestine, a-t-elle accès à cette vérité, elle ? Et pourquoi pas Pilate ? Pourtant il n'en est pas loin puisque Jésus lui fait remarquer qu'il y est presque : «tu reconnais toi-même que je suis roi» (v. 37). Que manque-t-il donc à Pilate ?

Peut-être d’accepter de ne pas chercher à détenir la vérité, mais d'être pris par elle, de lui appartenir. Apparemment, c'est la seule chose qui nous soit demandée pour participer à la royauté du Christ : « Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux ! »

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN 18, 33B-37

22 NOVEMBRE- LE CHRIST, ROI DE L’UNIVERS

« Appartenir à la vérité »Lorsque Jésus comparut devant Pilate,celui-ci l’interrogea:33 Es-tu le roi des Juifs ?34 Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même,ou bien parce que d'autres te l'ont dit ? »35 Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ?Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi:qu'as-tu donc fait? »36 Jésus déclara: « Ma royauté ne vient pas de ce monde,si ma royauté venait de ce monde,j'aurais des gardes qui se seraient battuspour que je ne sois pas livré aux Juifs.Non ma royauté ne vient pas d'ici. »37 Pilate lui dit: « Alors, tu es roi ? »Jésus répondit: « C'est toi qui dis que je suis roi.Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci:rendre témoignage à la vérité.Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. »

POUR MÉDITER L'ÉVANGILEVoilà un texte bien surprenant pour la fête du Christ Roi ! Dans les évangiles on trouve très peu d’affirmations de la royauté du Christ. Il faut aller chercher dans le récit de la Passion de Jésus la claire affirmation par lui-même de sa royauté. On peut se demander pourquoi Jésus n’a pas dit plus tôt qu’il était roi. Cela aurait peut-être tout changé. Qui sait ?- Chaque fois qu'on a voulu le faire roi, il s'est dérobé. Chaque fois qu'on a voulu lui faire de la publicité, après des miracles particulièrement impressionnants, i1 donnait des consignes très strictes de silence. Même chose après la Transfiguration. Et maintenant, alors qu'il est enchainé, pauvre, condamné, il se reconnaît roi ! C'est-à-dire au moment précis où il n'en a vraiment pas les apparences... au moins à vues humaines.

Cela veut peut-être dire... Non, cela veut sûrement dire qu'il faut que nous révisions nos conceptions de la royauté. Rappelons-nous ce qu'il disait à ses disciples : « Ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n'en sera pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur. Et si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous. Car le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 42-45). Ce que veut nous dire Jean, quand il nous rapporte l'interrogatoire de Jésus par Pilate, c'est que Jésus est le roi de l'humanité au moment même où il donne sa vie pour elle. Ce roi-là n'a pas d'autre ambition que le service. En fait d'interrogatoire d'ailleurs, ce face à face entre le représentant de l'immense Empire romain et un condamné à mort - comme il y en avait des centaines - devient un

2120 1ER DIMANCHE DE L’AVENT 1ER DIMANCHE DE L’AVENT

ils ne parlent pas d'une « fin du monde », mais de la transformation du monde, de l'installation d'un monde nouveau, du « renouvellement » du monde. Quand ils décrivent un chamboulement cosmique, ce n'est qu'une image symbolique du renversement complet de la situation. En un mot, leur message c'est « Dieu aura le dernier mot ». Ce message de victoire, nous l'avions entendu dimanche dernier dans le livre de Daniel. Il annonçait que le Fils de l'homme qui n'est autre que le peuple des Saints du Très-Haut verrait un jour sesennemis vaincus et recevrait la royauté universelle.

Quatrièmement, dans l'attente de ce renouvellement promis par Dieu, ils invitent les croyants à adopter une attitude non pas d'attente passive, mais de vigilance active : le quotidien doit être vécu à la lumière de cetteespérance.

Ces quatre caractéristiques des livres apocalyptiques se retrouvent dans notre évangile d'aujourd'hui. Parole pour temps de détresse, elle décrit des signes effrayants, langage codé pour annoncer que le monde présent passe : « il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles... le fracas de la mer et de la tempête... les puissances des cieux seront ébranlées ». Parole de consolation, elle invite les croyants à tenir bon : « Votre rédemption (traduisez votre libération) approche ». Parole qui « lève le voile », « révèle », la face cachée de l'histoire, elle annonce la venue du Fils de l'homme. Jésus reprend ici cette promesse par deux fois, et visiblement il s'attribue à lui-même ce titre de « Fils de l'homme », manière de dire qu'il prend la tête du peuple des Saints du Très-Haut*, c'est-à-dire des croyants : « Alors on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée avec une grande puissance et une grande gloire. » ... « vous serez jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l'homme. » Enfin, dans l'attente de ce renouvellement promis par Dieu, notre texte invite les croyants à adopter une attitude non pas d'attente passive, mais de vigilance active : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête. »... « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s'alourdisse... restez éveillés et priez en tout temps... » « Relever la tête », c'est bienun geste de défi, comme Jérémie nous y invitait dans la première lecture, le défi des croyants.

Le mot « croyants » n'est pas employé une seule fois ici, mais pourtant il est clair que Luc oppose d'un bout à l'autre deux attitudes : celle des croyants et celle des non-croyants qu'il appelle les nations ou les autres hommes ; « sur terre, les nations seront affolées... les hommes mourront de peur... mais vous, redressez-vous et relevez la tête » sous-entendu car vous, vous êtes prévenus et vous savez le sens dernier de l'histoire humaine:l'heure de votre libération a sonné, le mal va être définitivement vaincu.

Il reste une chose paradoxale dans ces lignes : le Jour de Dieu semble tomber à l'improviste sur le monde et pourtant les croyants sont invités à reconnaître le commencement des événements ; en fait, et cela aussi fait partie du langage codé des Apocalypses, ce jour ne semble venir soudainement que pour ceux qui ne se tiennent pas prêts : rappelons-nous les paroles de Paul aux Thessaloniciens : « le Jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : quelle paix, quelle sécurité !, c'est alors que la ruine fondra sur eux comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper. Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que (de sorte que) ce jour vous surprenne comme un voleur. Tous, en effet, vous êtes filsde la lumière, fils du jour... » (1 Th 5, 2 - 5). Paul, comme Luc, type bien deux attitudes différentes.

Comme dans toutes les autres lectures de ce dimanche, les Chrétiens sont donc invités ici à une attitude de témoignage : le témoignage de la foi auquel nous invitait Jérémie dans une situation apparemment sans issue, à vues humaines ; le témoignage de l'amour dans la lettre aux Thessaloniciens : « Que le Seigneur vous donne à l'égard de tous les hommes un amour de plus en plus intense et débordant » ; le témoignage de l'espérance alors que tout semble s'écrouler dans cet évangile : « Redressez-vous et relevez la tête... Vous serez dignes... de paraître debout devant le Fils de l'homme ». « Les hommes mourront de peur », mais vous, vous serez debout parce que vous savez que « rien, ni la vie, ni la mort... ne peut nous séparer de l'amour de Dieu révélé dans le Christ » (Rm 8, 39). Ce triple témoignage, voilà bien le défi chrétien. Beau programme pour cet Avent quicommence !

EVANGILE DE JÉSUS-CHRIST SELON SAINT LUC 21, 25-28. 34-36

29 NOVEMBRE – 1er DIMANCHE DE L’AVENT

Attendre le Fils de l’hommeJésus parlait à ses disciples de sa venue :25 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles.Sur terre, les nations seront affoléespar le fracas de la mer et de la tempête.26 Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. 27 Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée,avec grande puissance et grande gloire. 28 Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.34 Tenez-vous sur vos gardes,de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. 35 Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre. 36 Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »

POUR MÉDITER L'ÉVANGILE Si on prend ces lignes au pied de la lettre, il y a de quoi frémir ! Mais nous avons déjà rencontré des textes de ce genre : on dit qu'ils sont de style « apocalyptique » et nous savons bien qu'il ne faut pas les prendre au premier degré ! Le malheur, c'est que, aujourd'hui, le mot « apocalypse » a très mauvaise presse ! Pour nous, il est synonyme d'horreur... alors que c'est tout le contraire ! Commençons donc par redonner au mot « apocalyptique » son vrai sens : on se rappelle que « apocaluptô », en grec, signifie « lever le voile », c'est le même mot que «re-velare » (en latin) - révéler en français ! Il faut traduire « texte apocalyptique » par « texte de révélation ».

Le genre apocalyptique a au moins quatre caractéristiques tout-à-fait particulières. Premièrement, ce sont des livres pour temps de détresse, généralement de guerre et d'occupation étrangère doublée de persécution ; c'est particulièrement vrai pour le livre de Daniel et pour l'Apocalypse de Jean : dans ce cas, ils évoquentles persécuteurs sous les traits de monstres affreux ; et c'est pour cela que le mot « apocalypse » a pu devenirsynonyme de personnages et d'événements terrifiants.

Deuxièmement, parce qu'ils sont écrits en temps de détresse, ce sont des livres de consolation : pour conforter les croyants dans leur fidélité et leur donner, face au martyre, des motifs de courage et d'espérance. Et ilsinvitent les croyants justement à tenir bon.

Troisièmement, ils « dévoilent », c'est-à-dire « lèvent le voile », « révèlent », la face cachée de l'histoire. Ils annoncent la victoire finale de Dieu : de ce fait, ils sont toujours tournés vers l'avenir ; malgré les apparences,

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Le psaume trouve entre les lectures de la Messe sa place et sa dignité : « La première lecture est suivie du psaume responsorial ou graduel qui fait partie intégrante de la liturgie de la Parole… Le chantre du psaume, ou psalmiste, dit les versets du psaume à l’ambon, ou à un autre lieu approprié, tandis que toute l’assemblée est assise et écoute ».

Psaume 145 : Hymne au Dieu secourable

« Yahvé aime les justes, mais détourne la voie des impies » (v.8-9)

Débutant et finissant par un alléluia, les psaumes 145-149 constituent un groupe assez homogène, qu’on a parfois appelé petit Hallel, par analogie avec le Hallel égyptien (Ps 112-117) et le grand Hallel (Ps 135). Ils figurent, dans la synagogue, à l’office quotidien du matin, après le psaume 144. Le motif de louange domine l’introduction (v.2). Le psalmiste s’invite lui-même à louer Yahvé. Cette louange revêt, dans l’antienne initiale (v.1), l’allure d’une bénédiction au caractère très personnel.Du personnage qui parle

dans les deux premiers versets, il ne sera plus question par la suite. La louange elle-même tourne court, ne recevant aucune motivation. Les motifs hymniques qui apparaîtront dans le cours du psaume (v. 6-9), célèbrent moins ce que Yahvé a fait, que ce qu’il peut et entend faire. C’est en fait la conclusion (v. 10), plus que l’introduction, qui révèle la véritable orientation de la louange : Israël demeure dans l’espérance d’un règne éternel de Yahvé à Sion. Le corps du poème se comprend mieux, en effet, dans cette perspective. Il débute par une exhortation à faire confiance au Dieu de l’Alliance (v.3-7b), et la justifie par un hymne qui célèbre son œuvre libératrice (v. 7c-9b). Le v. 7 ouvre des perspectives de rédemption. Les perspectives hymniques, dans l’originale, peuvent évoquer un fait passé, tout autant qu’un simple espoir. Comme il n’est pas question ici de todah, on penchera pour la seconde hypothèse, en précisant toutefois qu’il s’agit d’un processus en cours de réalisation. La libération attendue a déjà reçu, en effet, un début d’actualisation ; la communauté d’Israël regroupée à Sion, constituant à elle seule un signe du salut final espéré. Les deux tercets de ce couplet hymnique (v. 7c-9) font comme écho au v. 7. Ils brossent un bref portrait de Yahvé dans son œuvre rédemptrice, et décrivent, eux aussi, ce qu’Il fait ou ce qu’Il peut faire, plutôt que ce qu’Il a fait. Ce discours était bien à sa place, après un appel à la confiance ; il en fournit la justification. Utilisant des formules tirées de Ps 106, 10 ; 144, 14 et surtout d’Is 35, 5 ; 42, 7 ; 49, 9, le premier tercet (v. 7c-8b) décrit la libération d’Exil en son sens le plus large et le plus exhaustif, tel que l’histoire ne l’a pas encore réalisée ; car l’édit de Cyrus n’a pas mis fin à la dispersion, non plus qu’à l’oppression des fidèles de l’Alliance. Le deuxième tercet (v.8c-9b) affirme l’amour de Yahvé pour les « justes », l’intérêt qu’il porte à l’étranger, la veuve et l’orphelin. Il s’agit probablement, ici comme en Ps 93, 6, des membres de la communauté d’Israël. Les étrangers, la veuve et l’orphelin, c’est le peuple de Yahvé qui demeure sans défense au sein d’un monde de violence. Le verset appelle une remarque. Yahvé « aime la justice », on le sait (Ps 11, 7 ; 32, 5 ; 98, 4), c'est-à-dire qu’il en exige l’application ; mais c’est à la nation, et surtout à son roi, qu’en incombait au début l’exercice. Que Yahvé soit, désormais, obligé d’intervenir directement dans le débat, que ce soit lui qui « aime les justes », prouve, qu’à l’époque, les juifs n’accordaient plus grande confiance aux institutions existantes (cf. Ps 81). La louange, entonnée au v. 2, se nourrit ainsi autant de perspectives d’avenir, qu’elle ne s’appuie sur le passé. Le psaume 145, comme l’ensemble de la production psalmique, reste le chant d’un peuple, sauvé en espérance.

LA PSALMODIE...

LA PSALMODIE, OU LITURGIE DU CŒUR - XXI

...OU LITURGIE DU CŒUR-XXIPsaume 23 :

Liturgie d’entrée au sanctuaire« Qui montera sur la montagne de Yahvé ? Et qui se tiendra dans son lieu saint ? » (v.3)

Ce psaume intègre deux morceaux à caractère liturgique, d’âge et de rythme s e n s i b l e m e n t différents (v. 1-6 et v. 7-10). L’ensemble a été amalgamé dans la perspective d’une action cultuelle bien définie : la montée processionnelle du temple (cf. Is 30, 29). Le peuple monte (v.

1-6).Assez généralement assimilé au psaume 14, le premier morceau (v. 1-6) est considéré comme une torah d’entrée. Le problème des conditions d’entrée ne tient cependant pas grand place ici. Il n’est certes pas au cœur du psaume. Il s’agit, en fait, d’un pèlerinage vers la montagne de Yahvé, dont le cadre historique est facile à préciser. Tant par le vocabulaire que par les thèmes exploités, Ps 23, 1-6 rappelle Jr 31, 12 ; Is 2, 2-5 ; Ps 77 et 131, c.-à-d. tout un ensemble de textes que nous croyons pouvoir dater de la réforme de Josias. Le rapprochement entre la création de la terre (v. 1-2) et la construction du temple (v.3), se trouve en Ps 77, 68-69. L’idée possède sans doute des racines anciennes, tant bibliques (Ps 92) qu’extrabibliques (légendes de Baal). Mais, dans la formule « fondé sur les eaux », l’allusion aux vieux mythes du combat originel contre les mers, les fleuves (cf. Ps 73, 15 ; 92, 3), est fort estompée, ce qui constitue un indice d’une date relativement tardive. On ne peut cependant descendre jusqu’à l’Exil, le thème de la création ne sera plus, alors, utilisé pour fonder le droit divin sur la possession du sol, comme c’était encore le cas en Ps 73, 16 ; 88, 12 et 94, 5. Le psaume 14 explicitait, au cours d’un dialogue, les conditions d’entrée. On se contente ici, sans commentaires, d’affirmer la nécessité d’une appartenance sans réserve à Yahvé (pureté du cœur), en excluant tout recours à ces vanités mensongères que sont les faux dieux (Jr 18, 15) ; ce qui d’ailleurs inclut des mains innocentes (cf. Ps 25, 6 ; 72, 13), c.-à-d. la pratique de la justice sociale. Il s’agit moins, toutefois, d’être « l’hôte de Yahvé », que de « monter » (Is 2, 3) vers la « montagne de Yahvé » (Is 2, 3 : 30, 29), de se tenir dans le lieu de sa sainteté (cf. Ps 131, 5), pour en obtenir bénédiction (Ps 131, 15 ; 132, 3 ; Jr 31, 12) et justice (Ps 117, 19 ; 131, 9 ; Jr 31, 23). On y vient en pèlerinage (cf. 5, 6, 15), chercher la face (cf. 26, 8) du Dieu de Jacob, c.-à-d. la protection bienveillante du Dieu de l’amphictyonie d’Israël.

La liturgie de la Fête de la Toussaint n’ayant retenu que la première partie du psaume (v. 1-6), nous omettrons le commentaire de la seconde partie : Yahvé monte (v. 7-10).

« Toute sagesse vient du Seigneur, elle est près de lui à jamais » (Si 1, 1). La Parole de Dieu participe en effet de son immuabilité. « La racine de la Sagesse, à qui fut-elle révélée ? Ses ressources qui les connaît ? » Suite au questionnement de L’Ecclésiastique, dirigeons nos cœurs vers l’amour de cette Sagesse. Si nous aspirons à nous en emparer, c’est parce qu’elle conduit à l’incorruptibilité, et que l’incorruptibilité donne place auprès de Dieu. C’est là que réside notre destinée, et nous n’en voulons pas d’autre. Laissons ces commentaires du père Beaucamp nous aider à rechercher le chemin qui mène à la Sagesse : Elle sauve ceux qui s’en emparent.

La Parole de Dieu, toujours actuelle, nous interpelle encore aujourd’hui et maintenant, dans le hic et nunc de l’Église. En ce temps qui nous mènera lentement vers la Fête du Christ, Roi de l’Univers, point culminant de l’année Liturgique et enclenchement discret de sa nouvelle rotation, laissons-nous saisir par les textes sacrés qui nous sont proposés en Église. Le Concile Vatican II a rappelé l’importance des psaumes dans la prière de cette dernière : « Dans la célébration de la liturgie, la Sainte Écriture a une importance extrême. C’est d’elle que sont tirés les textes qu’on lit et que l’homélie explique, ainsi que les psaumes que l’on chante ».

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Psaume 92 : Le Dieu de majesté

« Ton trône est établi dès l’origine, depuis toujours, tu es » (v. 2)

Le psaume 92 appartient à la série des douze psaumes, récités le matin du sabbat dans la synagogue. Selon une partie de la tradition ancienne (LXX, Talmud), la liturgie du second Temple en réservait la lecture pour la veille du sabbat. De toute la collection fériale (Ps 90-99), et plus particulièrement de la série

des paumes dits du règne, c’est certainement la pièce la plus ancienne. Son vocabulaire reste très proche de celui des poèmes de Baal à Shamra. L’influence de l’ougaritique est surtout sensible dans les trois tercets du centre. L’encadrement (v. 1a, b et 5), en revanche, semble moins archaïque. L’ensemble respire la foi sereine et le calme olympien du premier Isaïe. La proclamation de la royauté divine n’a rien ici d’eschatologique. C’est la reconnaissance d’un fait actuel, en relation avec la présence du temple, dont la sainteté constitue pour le pays un gage de stabilité. La royauté de Yahvé deviendra après l’Exil un objet d’espérance, ouvrant en particulier la perspective attendue d’un jugement final. Le lien, entre la proclamation de la royauté divine et la fondation du temple, s’enracine dans la liturgie antique des fêtes du Nouvel An, où l’on célébrait la victoire du champion des dieux, sur les monstres marins révoltés. La construction du temple de Babylone fut une des premières tâches du dieu Mardouk, après qu’il eut été proclamé roi par l’assemblée des dieux. La légende de Baal en Ougarit, de son côté, tourne tout entière autour de l’édification d’un palais pour le dieu de la végétation, sorti vainqueur de sa lutte contre Môt (mort). Il ne semble toutefois pas que le psaume 92 implique une cérémonie d’investiture royale au bénéfice de Yahvé. L’hypothèse est certes séduisante, mais elle suppose que la scène se déroule aux cieux, comme pour les psaumes 28 et 88, 6-16 ; ce que rien ne suggère ici. L’hymne paraît en effet adressé à Yahvé, en son temple terrestre, par Israël lui-même. Au reste, plus qu’à la royauté même de Yahvé, qui d’ailleurs est un fait supposé acquis, c’est à ses conséquences que le poème s’intéresse : la stabilité de la terre et la sainteté du temple. Le Roi-Yahvé (V. 1)Le psaume commence par une sorte de contemplation du Roi-Yahvé, apparentée à Is 6, 1-5. On y note d’abord que Yahvé est vêtu de « majesté » (cf. Is 2, 10, 19). L’allusion au vêtement est ici plus discrète cependant que dans la vision du prophète. Le manteau (Ps 103, 2) constitue le signe même de l’inviolabilité de la personne royale (cf. 1 S 24, 7), et de tout ce qu’il peut être appelé à couvrir (Is 6, 1). La force a son siège dans les reins, des reins bien sanglés (Jb 38, 3 ; 40, 7). Elle-même, dans le psaume, ceinture les reins (Ps 64, 7) du champion des dieux, vainqueur des monstres marins ; tandis qu’ailleurs elle provoque les acclamations de la cour céleste (Ps 28, 1 ; 88, 11), pour s’être manifestée dans son bras (Is 51, 9). La stabilité (v. 2-4)

Psaume 42 : Prière dans le péril «Fais-moi connaître, Yahvé, tes voies, enseigne-moi tes sentiers. Dirige-moi dans ta vérité, enseigne-moi, c’est toi le Dieu de mon salut, en toi tout le jour j’espère» (v. 4, 5). Ce psaume décrit la démarche d’un pénitent qui attend le pardon divin, avec l’espoir de pouvoir entreprendre une nouvelle marche sous la conduite de Yahvé et qui aspire à marcher sur la route qu’Il lui aura fait connaître. Ainsi se manifestera la miséricorde que ce dernier réserve aux pécheurs, et qui a marqué toute l’expérience religieuse d’un homme soumis au péché. Puisse Yahvé ne pas se départir de son attitude! Puisse-t-il demeurer fidèle à sa tendresse miséricordieuse, s’en souvenir toujours et ne se souvenir que d’elle!... Le patient se trouve invité à faire confiance à Dieu. Il demandait à Yahvé de le remettre sur le chemin; or, Yahvé ne manque jamais de le faire; dans la mesure où, même pécheur, on s’adresse à lui humblement; dans la mesure où l’on se sent prêt à observer, fidèlement, les exigences de son Alliance. Ayant fait l’aveu de sa faute, un aveu libérateur, le pécheur appartient au groupe des craignant-Dieu. La route de Dieu lui est désormais ouverte, et c’est la route du bonheur (cf. Jb 21, 13 ; 36, 11). Sa part d’héritage sur terre est assurée à sa descendance ; mieux : il entrera dans l’intimité de Yahvé (Pr 3, 2), et sera instruit de son Alliance.

Patricia BAROUDY

Bibliographie BEAUCAMP E., Le psautier Ps 1-72, Éd. Gabalda, Paris, 1976. BEAUCAMP E., Le psautier Ps 73-150, Éd. Gabalda, Paris, 1979.

Psaume 15: Yahvé, ma part d’héritage

«Tu m’apprendras le chemin de vie, devant ta face, plénitude de joie, en ta droite, délices éternelles» (v. 11)

On fait souvent du psaume 15, ainsi que du psaume 20, un psaume d’action de grâce. C’est bien à tort ; car on n’y trouve ni la motivation, ni les termes techniques du genre ; le texte ne chante pas une action

de Yahvé, mais la joie de lui appartenir. S’il fallait chercher un genre littéraire où classer le psaume 15, nous parlerions de profession de foi. Nous serions enclins à dater le psaume 15 des derniers temps de la monarchie, plutôt qu’après l’Exil, car on retrouve ici des formules qui s’apparentent au psaume 20. Il semble ici, d’ailleurs, que Juda soit toujours en possession de sa terre, et que l’épreuve de l’Exil n’en ait pas encore remis en cause le principe. Le psaume se présente ainsi comme une profession de foi royale, à l’époque de la réforme deutéronomique. La plupart des commentateurs, cependant. Lisent dans la formule du v. 5 : « Yahvé est ma part et ma coupe », une allusion à la situation des lévites (Nb 18, 20) dont la tribu sans territoire (Dt 10, 9) devait vivre sur les dons du culte. Mais la formule possède une portée plus générale. Le contexte s’oppose, d’ailleurs, à ce que Yahvé tienne ici lieu d’héritage, puisqu’au vers suivant, Yahvé, de cet héritage, assure lui-même la force et l’excellence (v.6). Le psaume comprend deux groupes de quatrains (v. 3b-6 et v. 7-10), dont le premier (v. 3b-6) constitue la profession de foi proprement dite, et le second (v. 7-10) une confession de bonheur. Le tout se trouve encadré d’un vers d’introduction (v. 2-3 a) et d’un tercet de conclusion (v. 11). Confession de bonheur (v. 7-10).La deuxième partie du psaume débute par une « bénédiction » (v.7), où s’exprime le contentement d’avoir été béni par Dieu. Le fidèle se félicite de la puissance agissante de Yahvé à sa droite, sûr qu’il est ainsi d’éviter la chute. A ces formules classiques, le psaume ajoute un trait plus saisissant ; Yahvé est là tout près de lui pour le conseiller (Ps 31, 8 ; 72, 24), l’instruire (Ps 93, 12), le tenir en alerte jusqu’en plein milieu de la nuit. Israël aurait-il pris conscience du danger qu’il y a à suivre aveuglément ses propres impulsions en éloignant Dieu de son regard (Ps 53, 5 ; 85, 14), pour sentir ainsi le besoin d’une paternelle correction de Yahvé (Dt 8, 5), d’un perpétuel rappel à l’ordre ? Est-ce là une allusion discrète à quelque amère expérience du passé, l’apostasie de Manassé par exemple ?Exorcisée l’ombre du péril, le dernier quatrain chante la joie, l’exultation du fidèle dont Dieu fait la gloire (Ps 3, 4). Parfaitement à sa place ici, le mot gloire évoque l’image d’un homme en pleine possession de sa grandeur. L’exultation s’accompagne d’un profond sentiment de sécurité, l’orant se sait désormais à l’abri des attaques du shéol (Os 13, 14) ; il n’entend plus l’appel du gouffre ouvert, à la légendaire voracité (Pr 30, 16 ; Is 5, 14, etc.).Le tristique final (v.11) ne retient de la protection divine que ce qu’elle apporte de positif : la connaissance du chemin de la vie (formule sapientielle : Pr 2, 19 ; 10, 17, etc.), le face à face avec Dieu (Ps 21, 7), la plénitude de la joie et l’éternité des délices qu’on trouve près de lui.

LA PSALMODIE... ...OU LITURGIE DU CŒUR-XXLes trois tercets qui constituent le corps du psaume, tout en rappelant, au moins allusivement, le combat primitif du Dieu-Roi contre les mers, visent moins à décrire l’évènement, qu’à en souligner les résultats ; la terre est désormais « fondée », et sa stabilité ne saurait être remise en cause (Ps 95, 10 ; 103, 5). Si l’œuvre du Dieu-Roi apparaît ainsi indestructible et inviolable, c’est qu’au préalable son trône a été solidement fixé, et que sa royauté transcende le temps. Telle est du moins l’idée qu’impose dans sa logique, la représentation mythique sous-jacente au psaume (Ps 95, 10). Beaucoup d’auteurs toutefois comprennent, à l’inverse, que le trône de Yahvé est ferme, par suite de la solidité du sol fondé sur les eaux ; ceci impliquerait une certaine identification entre trône et terre, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs dans la Bible. Car, assis sur son trône, Yahvé domine de haut les remous de l’histoire, tandis que la terre est le lieu qu’il regarde et surveille. Le psaume veut nous élever à la sereine contemplation de la toute-puissance divine, une toute-puissance assise, et qui de son éternité domine le temps. Sainteté du temple (v. 5)La conclusion paraît viser l’existence d’Israël. Les volontés du Dieu de l’Alliance sont aussi fermes que ses décisions de maître de l’univers. Le mot hébreu que nous traduisons par « exigences », signifie littéralement « engagé-juré », ce que certains commentateurs considèrent comme des « promesses ». Partout ailleurs dans la Bible, cependant (cf. Ps 18, 10), le terme désigne plutôt l’engagement de l’homme vis-à-vis de Dieu, ce qui au demeurant n’exclut nullement les promesses qui le consacrent.La sainteté du temple implique d’ailleurs l’idée d’exigences, en même temps qu’elle garantit la stabilité des institutions. C’est par l’édification de son palais, un peu comme à Ras Shamra, que le Dieu national affirme son autorité royale. Il convient de lire le psaume 92 dans la perspective du message d’Isaïe, un message de foi sereine ; avec en moins, cependant, l’angoissante épreuve à laquelle la soumettra l’invasion assyrienne (Ps 45).

Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché

Au Seigneur, le monde et sa richesse,la terre et tous ses habitants!

C'est lui qui l'a fondée sur les merset la garde inébranlable sur les flots.

Qui peut gravir la montagne du Seigneuret se tenir dans le lieu saint!

L'homme au cœur pur, aux mains innocentes,qui ne livre pas son âme aux idoles.

Il obtient du Seigneur la bénédiction,et de Dieu son Sauveur, la justice,

Voici le peuple de ceux qui le cherchent,qui recherchent la face de Dieu!

Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché

Solennité de la Toussaint - Psaume 23

2726 LA PSALMODIE... ...OU LITURGIE DU CŒUR-XXI

Refrain: Garde-moi, Seigneur mon Dieu, toi, mon seul espoir

Seigneur, mon partage et ma coupe:de toi dépend mon sort.

Je garde le Seigneur devant moi sans relâche;il est à ma droite : je suis inébranlable. Refrain

Mon cœur exulte, mon âme est en fête,ma chair elle-même repose en confiance

tu ne peux m'abandonner à la mortni laisser ton ami voir la corruption. Refrain

Tu m'apprends le chemin de la viedevant ta face, débordement de joie!

à ta droite, éternité de délices.

Refrain: Garde-moi, Seigneur mon Dieu, toi, mon seul espoir

Refrain : Jésus Christ Seigneur, tu règnes dans la gloire

Le Seigneur est roi,

il s'est vêtu de magnificence,

le Seigneur a revêtu sa force. Refrain

Et la terre tient bon inébralable;

dès l'orogine ton trône tient bon,

depuis toujours, tu es. Refrain

Tes volontés sont vraiment immuables:

la sainteté emplit ta maison

Seigneur, pour la suite des temps.

Refrain : Jésus Christ Seigneur, tu règnes dans la gloire

Refrain : Souviens-toi, Seigneur, de ton amour, et viens nous sauver

Seigneur, enseigne-moi tes voies,fais-moi connaître ta route

Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,car tu es le Dieu qui me sauve. Refrain

Il est droit, il est bon, le Seigneur, Lui qui montre aux pécheurs le chemin,

Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin. Refrain

Les voies du Seigneur sont amour et véritépour qui veille à son alliance et à ses lois.

Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craingnentà ceux-là il fait connaître son alliance.

Refrain : Souviens-toi, Seigneur, de ton amour, et viens nous sauver

Refrain: Chantons le Seigneur: il comble les pauvres

le Seigneur garde à jamais sa fidélité,il fait justice aux opprimés,

aux affamés, il donne le pain.Le Seigneur délie les enchaînés,

le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,le Seigneur redresse les accablés,

le Seigneur aime les justes.Le Seigneur protège l'étranger,

il soutient la veuve et l'orphelinil égare les pas du méchant,

D'âge en âge le Seigneur règnera!Ton Dieu O Sion, pour toujours!

Refrain: Chantons le Seigneur: il comble les pauvres

Dimanche XXXII du Temps Ordinaire (Année B) – Psaume 145

Solennité du Christ, Roi de l’univers (Année B) – Psaume 92

Dimanche I de l’Avent (Année C) – Psaume 24

Dimanche XXXIII du Temps Ordinaire (Année B) – Psaume 15

A CHANGER

2928 L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI

JCOMME...

Il est difficile d'écrire une biogra phie de Jésus au sens strict du terme. Des éléments de sa vie res tent obscurs, d'autres, sa naissance virginale et sa Résurrection, relèvent avant tout de la foi. Mais l'on peut, en partant des Évangiles et des connaissances historiques sur son temps, reconstituer le parcours de son existence. Sur son enfance, rap portée par Matthieu et Luc, nous connaissons peu de choses : il vit à Nazareth, en Galilée, et reçoit l'ensei gnement dispensé aux enfants juifs de cette époque. Ainsi, à 12 ans, il étonne les érudits religieux du Temple de Jérusalem par la pertinence de ses commentaires (Lc 2, 47). Jésus est un fidèle du judaïsme qu'il ne reniera jamais. Il apporte une lecture diffé rente de la Loi, la Torah, et prône la résurrection que seuls approuvent les pharisiens, l'un des trois courants juifs d'alors. Il ne proclame pas une autre religion, mais la venue prochaine de la fin des temps qui, selon lui, doit conduire à un accomplissement plus conformé des exigences de Dieu. Jésus transmet son message à l'aide de paraboles: la présence du Règne de Dieu parmi les hommes —

Au Xe siècle, apparaît en France le mot judeu, du latin judaeus. Dès 1220, le féminin juieue, « juive », donne le masculin « juif», puis le terme appliqué à la religion d'Israël, le judaïsme. Ce mot est dérivé du nom hébreu Juda, qui désignait le royaume de Juda, puis la pro vince de l'Empire perse dont la capitale était Jérusalem. Il s'applique aussi à Jésus qui, en effet, est juif par ses origines et sa religion. Il adore Yahvé, pratique la Loi et visite le Temple, même s'il aspire à une réforme. Après avoir été chassé de sa terre par les Romains en 70 de notre ère — il l'avait déjà été par Babylone en 587 avant J.-C. —, le peuple juif est privé du Temple de Jérusalem. Le judaïsme se fonde alors sur l'obéissance aux 613 préceptes de la Torah, la Loi révélée par Dieu au Sinaï. Cette Torah est contenue dans la Bible, au côté des Livres des Prophètes et différents écrits dont les Psaumes. La Torah doit être interprétée à la lumière de la Torah orale, ou Mishnah, rédigée du Ve siècle avant J.-C. au IIe siècle après J.-C., et du Talmud qui en amplifie et précise les commen taires. Au Moyen Âge, le judaïsme se répand dans toute la chrétienté. Mais, chassé entre autres d'Espagne et d'Angle terre, il trouve refuge dans les pays de l'islam, puis en Europe de l'Est. Persécuté dans plu sieurs pays chrétiens, il se développe aux États-Unis. Le peuple juif, après avoir subi la Shoah qui prévoyait son anéantissement, a aujourd'hui retrouvé une nouvelle existence sur la terre de ses ancêtres. Les Églises chrétiennes ont entamé un grand travail d'examen de conscience et de repentance à l'égard de leur participation, souvent active, aux méfaits de l'antisémitisme.

l'Évangile. Il trouve d'autant plus d'oreilles attentives que l'attente d'un Messie qui viendra libérer Israël est très forte; le pays est entre les mains des Romains depuis plus de soixante ans, et le judaïsme, au rituel très contrai gnant, est régi par une classe sacerdotale soucieuse de ses privilèges. Mais le titre de Messie (ou Christ) des juifs ne contente pas Jésus qui désire étendre le Salut au monde. Libre, intime avec son Père, il s'insurge contre ces injustices éloignées de l'amour de Dieu. Dans ses Béatitudes, il accorde aux laissés-pour-compte la première place dans le Royaume et n'hésite pas à les fréquenter. Il pro cède aussi à des miracles : les histo riens peuvent être sceptiques quant à leur réalité, mais le chrétien y trouve l'un des ressorts de sa foi. Après avoir reçu le baptême de Jean-Baptiste, il débute son ministère vers l'âge de 30 ans. Entouré de ses disciples venus d'horizons divers, durant sans doute un peu plus de deux ans, il sillonne la Galilée, se rend à Jérusalem, en Judée, pour les grandes fêtes de l'année comme la Pâque, prêche aux environs, revient à Capharnaüm, au bord du lac de Tibériade, où il habite désormais. Mais l'opposition des autorités le conduit inexorablement vers sa Passion. Quelques semaines après sa mort, ses disciples commen-cent à annoncer qu'il est ressuscité et qu'il est désormais le Sauveur d'Israël et de tous les hommes.

JÉSUS

Tiré de «L’abécédaire du christianisme»

JUDAÏSME

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3 - LA PÉNITENCEUn péché cause du tort. Je dois donc tout faire pour réparer, par exemple restituer des objets volés ou rétablir la réputation de celui qui a été calomnié. «Mais en plus, le péché blesse et affaiblit le pécheur lui-même, ainsi que ses relations avec Dieu et avec le pro chain. L'absolution enlève le péché, mais elle ne remédie pas à tous les désordres causés par nos péchés », explique le Catéchisme du concile de Trente (cité par le Catéchisme de l'Église catholique). Pour me permettre de recouvrer la pleine santé spirituelle, le prêtre me donne une pénitence: prière, offrande, service du prochain.

4 - L’ABSOLUTIONTous mes péchés me sont remis par cette parole sacramentelle qui me réconcilie avec Dieu et l'Église: « Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde: par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l'Esprit saint pour la rémission des péchés. Par le ministère de l'Église, qu'il vous donne le pardon et la paix. Et moi, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés», dit le prêtre, « serviteur du pardon de Dieu», en étendant la main vers moi.

ENQUÊTE

LE SACREMENT DE RÉCONCILIATION- XI

1 - L’EXAMEN DE CONSCIENCEvant tout, il découle de la contrition, puisqu'il me permet de mettre en lumière mon péché pour mieux m'en séparer. «Comme le fils prodigue, je rentre en moi-même pour rencontrer le Christ », explique

le Père Dollié, vicaire Saint-Nicolas-des -Champs (Paris). « Il ne s'agit pas d'abord de se positionner par rapport à une liste prééta blie, au regard des autres, ou même à mon propre regard, mais plutôt de demander à l'Esprit saint de m'éclairer sur ce qui, dans ma vie, depuis ma dernière confession, a le plus blessé le cœur du Christ. »

2 - L’AVEULa confession des péchés, même d'un point de vue simplement humain, me libère et facilite ma réconciliation avec les autres. « Par l'aveu, l'homme regarde en face les péchés dont il s'est rendu coupable; il en assume la responsabilité et par là, il s'ouvre de nouveau à Dieu et à la communion de l'Église afin de rendre possible un nouvel ave-nir » (Catéchisme de l'Église catholique). «Le commencement des œuvres bonnes, c'est la confession des œuvres mauvaises, assure saint Augustin. Tu fais la vérité et tu viens à la Lumière.»

LE SACREMENT DE RÉCONCILIATION

A

Comme il a guéri le paralysé, Jésus lui-même se fait le médecin de nos corps et de nos âmes à travers le sacrement de pénitence et de réconciliation. Chaque étape de la confession nous conduit à nous mettre en marche sur le chemin de vie, en nous rétablissant dans la communion avec le Christ et l’Église.

Sincère, elle est mon premier pas de paralysé vers mon Sauveur. La contrition est «une douleur de l'âme et une détestation du péché commis avec la résolution de ne plus pécher l'avenir », dit le Catéchisme du concile de Trente (cité par le Catéchisme de l'Église catholique). Quand elle provient de l'amour de Dieu aimé plus que tout, la contrition est appelée « parfaite » (contri tion de charité). Une telle contrition remet les fautes vénielles; elle obtient aussi le par don des péchés mortels, si elle comporte la ferme résolution de recourir dès que pos sible à la confession sacramentelle.

Confesser ses péchés, oui, mais sa foi aussi !

«La confession ne saurait se réduire à la seule accusation des péchés. Selon la tradition la plus ancienne de l'Église, cet acte intègre dans une même démarche confession de foi, confession des péchés et action de grâce. Pénitent et ministre confessent ensemble l'amour de Dieu à l’œuvre en ceux qui reviennent à lui.»

Célébrer la pénitence et la réconciliation, nouveau rituel, Chalet-Tardy, 1978.

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La place Saint-Pierre est le lieu privilégié où se ras semblent les fidèles ve nus du monde entier. C'est une sorte d'agora moderne pour une Église qui se veut univer selle. Pèlerins ou touristes s'y retrouvent pour voir le pape donner sa bénédiction urbi et orbi ( la ville et au monde ), de la loggia centrale de la basi lique, ou réciter l'Angélus de la fenêtre de son appartement. Son exécution, qui commence en 1656, va durer onze ans. Elle clôt l'immense chantier de la construction de la nouvelle basilique, démarré cent cin quante ans plus tôt. Cette nouvelle basilique restait enchâssée dans le quartier du Borgo. Alexandre VII demanda en 1656 au Bernin d'aménager une place devant le parvis, car les pèlerins se pressaient de plus en plus nombreux sur la « tombe de Pierre ». Le maître du baroque a mis harmonieusement en scène ce lieu, d'une manière à la fois so bre et solennelle. Le décor est planté avec ces 284 colonnes doriques de travertin, disposées sur quatre rangées, qui enser rent comme deux grands bras l'immense espace en ellipse. 96 statues géantes y trônent sur la corniche, comme une couronne symbolisant la communion des saints. 44 autres prolongent ce défilé au-dessus des deux balus trades, sur les « bras » Charlemagne et Constantin. Ces corridors couverts encadrent le parvis qui s'élève lentement jusqu'à la fa çade de la basilique. Au-dessus, campant devant la coupole, les apôtres semblent achever cette chaîne presque vivante. Au pied du parvis, deux statues géantes de Pierre et de Paul veillent. Sur la place, deux fon taines encadrent l'obélisque. Sur le pavé, deux disques marquent le foyer de l'ellipse: les pieds po sés dessus, le visiteur n'aperçoit plus curieusement qu'une seule rangée de colonnes. Avec génie, Bernin a donné du mouvement à la pierre et mis en valeur ce qui se passe au mi lieu de cet immense forum. Il a atténué l'envergure de l'imposante façade qui écrasait trop la coupole. Ni vraiment close ni trop ouverte, la place laissait in génieusement les processions défiler à travers les colonnades. L'architecte voulait initialement fermer l'ensemble par un arc de triomphe. C'est une avenue, la via della Conciliazione, qui a été en définitive percée, au temps de Mussolini, entre la place et le château Saint-Ange. Comme un symbole, elle scelle la réconciliation du Vatican avec la ville.

L’obélisque Quelques obscurités demeurent dans l'histoire de l'obélisque de la place Saint-Pierre. On sait qu'il a été amené d'Alexandrie par Caligula, vers 37 après J.-C., pour être installé sur la spina (axe central) du cirque construit sur cette colline du Vatican et achevé par Néron. Mais provenait-il bien alors d'Héliopolis? Aurait-il été taillé pour les pharaons au XXe siècle avant J.-C.? Aurait-il été brisé durant son transport, au cours d'une tempête, comme le raconte Pline dans ses chroniques? Cet obélisque se trouvait donc à gauche de l'actuelle basilique. Sixte V décida en 1586 de le déplacer pour l'installer au centre de la place. Pour cette entreprise particulièrement délicate, on eut recours à de puissants treuils et leviers et à des centaines d'hommes et de chevaux. Le silence total était requis, pour ne pas effaroucher les bêtes, sous peine de potence. Mais un ouvrier préféra enfreindre l'ordre, voyant que les cordes risquaient de se rompre sous l'action de la chaleur en frottant sur le granit. Il cria: « mouillez les cordes ! »... et fut félicité par le pape. Ce monolithe de granit rouge de plus de 25 m fut taillé en l'honneur du soleil. Arrivé à Rome, il a porté les inscriptions en hommage au divin empereur.On peut lire aujourd'hui dessus: Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat. C'est peut-être l'unique « témoin muet » du martyre de Pierre.

DÉCOUVRIR LA CITÉ DU VATICAN VII

QUELQUES CLÉS POUR

COMPRENDRE L’ÉGLISE DE PIERRE À ROME - VII

DÉCOUVRIR LA CITÉ DU VATICAN VII

La place Saint-Pierre, agora du monde catholique

3534 DÉCOUVRIR LA CITÉ DU VATICAN VII DÉCOUVRIR LA CITÉ DU VATICAN VII

La basilique Saint-Pierre, la plus grande église du mondeQuand on avance dans la nef centrale, on aperçoit sur le sol des inscriptions qui se succèdent jusqu'au transept. Elles indi quent è titre de comparaison la longueur des principales cathédrales dans le monde. Il n'y a pas de doute : la basi lique Saint-Pierre est bien le plus grand sanctuaire chrétien. L'ancienne basilique, érigée en 324 sous Constantin, menaçait ruine, mal gré les multiples restaurations. Les papes hésitaient à se lan cer dans un nouveau chantier titanesque. C'est Jules II qui finit par prendre la décision d'arrêter les rafistolages et de construire un nouvel édifice.

L'histoire de cette construction, menée par une douzaine d'ar chitectes successifs, étalée sous dix-huit pontificats pendant un bon siècle, de 1506 à 1626, relève d'un véritable roman.

La statue de PierreBeaucoup de pèlerins viennent embrasser le pied de la statue de Pierre, accostée à un pilier droit de la nef centrale. La tradition remonterait à 1857, lorsque Pie IX promit une indulgence de cinquante jours pour ce geste de dévotion. Elle est peut-être plus ancienne encore. C'est pourquoi l'œuvre est attribuée par certains à un artiste du XIIIe siècle, Arnolfo di Cambio, tandis que d'autres la datent plus vraisemblablement du Ve siècle. Elle aurait alors été réalisée par la fusion du bronze d'une statue de Jupiter au Capitole.L'apôtre est assis sur une chaise de marbre Renaissance, posée sur un piédestal en jaspe de Sicile et porphyre vert du XVIIIe siècle. Il tient les fameuses clés que le Christ lui aurait données et qui figurent toujours dans les armoiries du Saint-Siège. Le 29 juin, pour la fête de l'apôtre, la statue est revêtue des ornements pontificaux solennels: une cape rouge brodée d'or, l'anneau du pêcheur au doigt, et sur la tête, la tiare, cette triple couronne symbole des pouvoirs temporel, spirituel et divin, que coiffaient les papes aux grandes cérémonies jusqu'à Jean XXIII.

Tiré de la revue Hors-Série « Pèlerin » Pages 46 à 51

La cour pontificale attirait alors les plus grands artistes et les meilleurs d'entre eux fu rent naturellement sollicités. Ce furent de sordides intrigues entre personnalités aux carac tères trempés, d'âpres rivalités entre projets différents, des retards, des changements ou des arrêts sur le chantier...

Le feuilleton de cette construction suscita nombre de p o l é m i q u e s .Au total 500 piliers, 450 statues, 50 autels et de quoi accueillir plus de 20 000 personnes: la ba silique dégage une impression de puissance. Tout semble démesuré, à l'image de ces gigan-tesques pilastres plats adossés aux piliers, ou même des ange lots qui portent les bénitiers l'entrée. Mais tout reste harmo nieux par le sentiment d'équi-libre général qui en ressort.

« COUP DE CŒUR »… « COUP DE CŒUR »… 3736 « COUP DE CŒUR »… « COUP DE CŒUR »…

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UNE ANNÉE AVEC LE

PAPE FRANÇOIS

UNE ANNÉE AVEC... ... LE PAPE FRANÇOIS

12 novembre Notre chair blessée par le péché (chair d'en fants prodigues) est la porte qui nous donne accès à la chair blessée par amour (la chair de Jésus), lequel nous donne accès au Père de toute chair, qui fait pleuvoir sur les justes et les pécheurs et qui couvre de baisers et de caresses le fils qui revient.13 novembre La parole de Dieu est créatrice et toute parole destinée aux hommes ne peut être qu'une parole faite chair. Mais, pour recevoir le don d'une parole faite chair, cette dernière doit être également perçue à partir d'un besoin charnel, partir d'une blessure, d'une simple faiblesse : le Seigneur vient pour les malades, soigne notre chair meurtrie et se transforme en nourriture.14 novembre Quand l'homme se pose des questions (D'où viens-je ? Où vais-je ? Que m'arrive-t-il ?), Dieu ne se contente pas de l'attendre au loin, il « s'approche », il est à son côté. Dieu le Père prend l'homme là où il se trouve, dans ses besoins les plus infimes, pour le conduire vers une autre eau, un autre pain.15 novembre Notre Père ne fait pas que nous attendre, il provoque la recherche, la nostalgie, cette impul sion du retour qui nous incite à chercher. C'est lui-même qui conduit l'homme au-delà de sa propre recherche.16 novembre Prier, c'est donner de l'espace à ce chemine ment, c'est se laisser conduire par Dieu « au-delà» des quiétudes et inquiétudes. Si, jadis, la prière, c'était se mettre en exode de soi-même et supporter l'exil et l'étrangeté, aujourd'hui, nous pouvons dire que c'est un retour, mais « au-delà » de ce cheminement du retour que nous imaginons.17 novembre Il existe une tension entre temps et éternité, entre passé, présent et avenir. C'est la mémoire qui nous met en tension et qui projette dans la situation présente la clef de lecture pour accéder au salut de Dieu ; clef qui, en interprétant le pré sent, se transforme en promesse pour l'avenir.18 novembre Étant donné que la prière est histoire, elle tend à être « prière du peuple ». Dans la prière viennent s'unir le plus singulier et le plus uni versel de soi. Nous sommes des personnes, et chacun de nous abrite un « moi » totalement responsable de ses actes, et un « moi» au sein du peuple. Lorsque notre chair prend acte de sa responsabilité et de son appartenance au peuple, alors elle « prie en commun ».19 novembre La prière communautaire est particulièrement efficace, Jésus ne se lasse pas de le répéter. C'est une prière de la chair exilée, c'est le chemine ment vers la patrie définitive, bien consciente d'appartenir à une chose qui dépasse les limites de la peau : son appartenance au peuple de Dieu.20 novembre Non seulement on prie dans des circon stances décisives, non seulement on prie communautairement, récupérant ainsi la mémoire du peuple de Dieu, mais en plus la prière en elle-même est, à son tour, porteuse de vie commu nautaire, conjointement à l'écoute de la Parole, à la communion fraternelle, au quignon de pain.21 novembre Le pétrissage de la communauté dans l'unité n'a pas de limites, il va toujours plus loin. C'est la raison pour laquelle l'Église est fondamentale ment extensive (extensive aussi vers l'intérieur, vers le cœur des fidèles). On prie pour tout le monde, y compris pour nos ennemis et nos persécuteurs.22 novembre La prière du chrétien est presque toujours per sonnelle, de personne à personne ; on prie le Père, le Fils ou le Saint-Esprit. Plus encore, dans notre prière, nous avons avec chaque Personne divine une relation différente.23 novembre Étant donné la précarité de notre existence chrétienne, nous sommes poussés à exprimer des requêtes, c'est-à-dire contraints d'accepter des demandes d'aide ; intervient alors l'Esprit saint qui vient nous guider dans notre requête, notre adoration, nos actions de grâce, notre contemplation.24 novembre Prier en Esprit, c'est assumer de l'intérieur que la prière est un don du grand don qu'est le Père. [...] Prier en Esprit, c'est penser que Dieu répandra son Esprit sur toute chair. Jésus nous donne des exemples d'intercession : il intercède auprès de Pierre pour que sa foi ne faiblisse pas ; il intercède pour que le Père communique à l'Esprit [...] ; et n'oublions pas que c'est uni quement dans la prière d'intercession que nous pouvons libérer l'homme du démon.25 novembre Pour constater l'authenticité de l'interces sion, il existe cette pierre de touche qu'est la louange: on intercède à travers la louange, qui est comme la garantie de gratuité de notre intercession. C'est l'air que l'on doit respirer au moment d'accéder, détendu et confiant, au Père dans l'Esprit saint et pour le Fils.26 novembre La plus grande louange que nous pouvons adresser au Père est de lui faire l'offrande de la passion de son Fils. Notre chair pécheresse, exilée, exhibe les plaies de la chair du Verbe. De là le fait que la louange prenne la forme d'une bénédiction ; la bénédiction exprime la recon naissance et le remerciement.27 novembre En prononçant la bénédiction, on renonce à la possession exclusive et à se croire le proprié taire des biens qui nous entourent. Le véritable propriétaire est Dieu. La louange naît seulement chez ceux qui savent voir, dans leur propre his toire, la présence de Dieu, créateur de merveilles.28 novembre À la base de toute dignité nous trouvons tou jours la liberté et l'abandon : à première vue, la liberté indique la capacité de décider ; l'abandon évoque plutôt le fait de laisser la décision entre les mains d'autrui. Cependant, la racine pro fonde de la liberté implique l'abandon spontané parce qu'il rencontre ce pour quoi nous avons été créés... c'est la dignité en l'unique Seigneur.29 novembre L’échec de Jésus s'insère dans cette dynamique de l'Ancien Testament : quand tout est perdu, quand il ne reste personne parce que je blesserai le berger et les brebis quitteront le troupeau et se disperseront, alors Dieu intervient avec la force de sa résurrection.30 novembre La résurrection de Jésus-Christ est l'inter vention divine face à l'impossible espérance humaine ; l'intervention qui proclame «Sei gneur » celui qui a accepté le chemin de l'échec pour que se manifeste le pouvoir du Père et qu'il soit glorifié.

1er novembre Plus nous sommes appelés à la grandeur, plus nous constatons l'indigence et les limites de notre chair. Abraham avait été fidèle, il avait commencé à cheminer par obéissance, sans savoir où il allait. Cependant, chargé de pro messes, il ressent la douleur de son indigence, de ses limites, presque contradictoires avec tout ce qui lui avait été promis : je n'ai pas d'enfants.2 novembre Révolte et ensuite la prière en forme de plainte, ou de lamentation, sont des réactions normales lorsque notre chair « sent » les limites, l'indigence.3 novembre Les limites nous entraînent aussi sur le che min de la nuit obscure. Si Job se laisse aller à une certaine résignation, sa prière, parce qu'elle touche les limites et l'indigence de toute chair, surgit des profondeurs de son amertume et de son angoisse.4 novembre Et les mauvaises personnes alors ! Pourquoi peuvent-elles jouir librement d'un bien-être apparent, pourquoi peuvent-elles se moquer de Dieu ? Cette question nous blesse dans nos limites, nous nous sentons maladivement indi gents, pour ne pas dire idiots ou naïfs devant la vie.5 novembre Seule la prière nous donne la force de franchir cette épreuve : Restez éveillés et priez pour ne pas tomber dans la tentation, car l'esprit est prompt, mais la chair est faible. La chair est faible, voilà le sentiment des limites de toute chair, de notre indigence.6 novembre Notre chair meurtrie est la « porte » ouverte à la manifestation divine. Il suffit de la recon naître comme telle et, à travers la prière, « lais ser la place» à la manifestation de la force.7 novembre Quand une personne ne fixe son esprit que sur les événements externes, elle ne prie pas, elle se plaint. Elle cesse d'être au service de l'Évan gile, elle se transforme en victime, se canonise elle-même. Toute limite est alors effacée et cette personne apprend à occulter les limites avec l'encens de sa propre canonisation. La victime n'est plus Christ, c'est moi.8 novembre Il n'est pas de moyen terme dans l'expérience des limites et de l'indigence : on prie ou on blas phème. Et une chair habituée au blasphème, qui ne sait pas demander de l'aide pour ses péchés et ses propres blessures, est une chair incapable de soigner les blessures des autres.9 novembre Le disciple du Christ, fils de l'Église, ne peut jamais penser que croire est un acte privé. [...] Regardant le monde qui nous entoure, en tant que disciples missionnaires, posons-nous cette question : à quel défi nous exposons-nous en franchissant le seuil de la foi ?10 novembre Job est le prototype de l'homme qui a touché les limites de la souffrance [...], c'est pourquoi il veut parler en tête à tête avec Dieu. S'il avait pu voir Jésus sur la croix, il aurait trouvé un interlocuteur à sa mesure : seul Jésus est une réponde à Job, la réponse d'un Père miséricor dieux, blessé de miséricorde.11 novembre Dans les plaies de Jésus, on peut penser que le Père a la « maladie » de la miséricorde : le don de soi sans intromission du Père, qui est le Fils, blessé à jamais, nous donne accès à une dimension de la miséricorde paternelle qui, pour nous, ne peut s'exprimer que comme une « maladie», entendue comme quelque chose à quoi le Père ne peut résister, dont il ne peut se défendre.

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L’ENCYCLIQUE LAUDATO SI’ DU PAPE FRANÇOIS - II

ENCYCLIQUE LAUDATO SI’ - II ENCYCLIQUE LAUDATO SI’ - II

«Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ?» Cette interrogation est au cœur de Laudato Si’, l’encyclique attendue du pape François sur le soin de notre maison commune. Le pape poursuit: « Cette question ne concerne pas seulement l’environnement de manière isolée, parce qu’on ne peut pas poser la question de manière fragmentaire », et cela conduit à s’interroger sur le sens de l’existence et de ses valeurs à la base de la vie sociale. Laudato Si’ est la première encyclique entièrement écrite des mains du pape François. Un texte rédigé après avoir fait appel à des dizaines d’experts et de scientifiques, en collaboration avec le Conseil pontifical Justice et Paix. «Cette encyclique est sans doute la plus universelle jamais écrite par un pape », a déclaré le Père Frederic Louzeau, directeur du pôle de recherche du Collège des Bernardins au cours d’une interview télévisée sur KTO . Dominique Bourg, vice-président de la fondation Nicolas Hulot, déclarera aussi : « Cette encyclique est un très grand texte. Elle est juste, magnifique, pertinente, émouvante et prophétique. » Mise sous le patronage de St François d’Assise, protecteur de la nature et des plus pauvres, elle est un appel à une révolution écologique adressé à tous les hommes de bonne volonté dans un monde qui change profondément et dans lequel nous sommes à la fois victimes et acteurs. Pour trouver des solutions, le pape souhaite que l’on ressente vis-à-vis de la nature un sentiment d’unité et de fraternité, à l’exemple de St François. Il parlera ainsi de « famille, mère, sœur, maison commune ».Elle est « une réflexion joyeuse et dramatique», comme l’écrira François à la fin de l’encyclique. Dramatique car il y a urgence au regard des causes évoquées. Mais joyeuse car si on ne pose pas un regard de joie sur les problèmes, on fait place à la désespérance.

Nous vous proposerons au fil des mois un résumé de l’encyclique, chapitre par chapitre, les chiffres entre parenthèses se référant aux 246 paragraphes dans lesquels le pape François articule sa pensée sur une planète qui se meurt et où l’homme a sa responsabilité.

Chapitre IIL’Évangile de la Création

Pour illustrer les problématiques illustrées dans le chapitre précédent, le pape François relit, dans ce chapitre 3 de Laudato Si', son encyclique sur le soin de notre maison commune, les récits de la Bible. Il offre une vision globale qui vient de la tradition judéo-chrétienne et évoque la « terrible responsabilité » (90) de l’être humain dans son rapport avec la Création, le lien intime entre toutes les créatures et le fait que « l’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité, sous la responsabilité de tous » (95).

Dans la Bible, « le Dieu qui libère et sauve est le même qui a créé l’univers, en lui affection et vigueur se conjuguent » (73). Le récit de la Création est central pour réfléchir sur le rapport entre l’homme et les autres créatures, et sur comment le péché rompt l’équilibre de toute la création dans son ensemble : « Ces récits suggèrent que l’existence humaine repose sur trois relations fondamentales intimement liées : la relation avec Dieu, avec le prochain et avec la terre. Selon la Bible, les trois relations vitales ont été rompues, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de nous. Cette rupture est le péché ». (66)

Pour cela, « s’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens avons mal interprété les Écritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres créatures », explique le pape (67). À l’homme incombe la responsabilité de « cultiver et protéger » le jardin du monde (cf Gen 2,15) (67), en sachant que « la fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous. Mais elles avancent toutes, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu » (83).

Que l’homme ne soit pas le patron de l’univers « ne signifie pas que tous les êtres vivants sont égaux ni ne retire à l’être humain sa valeur particulière, qui le caractérise, cela ne suppose pas non plus une divinisation de la terre qui nous priverait de l’appel à collaborer avec elle et à protéger sa fragilité » (90). Dans cette perspective, « toute cruauté sur une quelconque créature est contraire à la dignité humaine » (92), mais un « sentiment d’union intime avec les autres êtres de la nature ne peut pas être réel si en même temps il n’y a pas dans le cœur de la tendresse, de la compassion et de la préoccupation pour les autres êtres humains » (91). Il faut développer la conscience d’une communion universelle : « Créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers sommes unis par des liens invisibles et formons une sorte de famille universelle, […] qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble » (89).

Le chapitre se conclut sur le cœur de la révélation chrétienne : « Jésus terrestre dans sa relation si concrète et aimable avec le monde est ressuscité et glorieux, présent dans toute la création par sa Seigneurie universelle » (100).

(à suivre)

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RELIÉS À DIEU DANS LA VIE

PRIÈRE, ÉMERVEILLEMENT DU VIEILLARD

UNE PRISE DE CONSCIENCE SÉRIEUSE

QUAND LA PRIÈRE IRRIGUE LA VIE

LES ESPACES DE LA PRIÈRE LES ESPACES DE LA PRIÈRE

LES ESPACES DE LA

PRIÈRE - XIDans l'Orient chrétien, on aime la vieillesse parce qu'on pense qu'elle est faite pour prier. Quand on est vieux, et qu'on sent Dieu proche à travers la paroi de plus en plus ténue de la vie biologique, on devient comme un enfant conscient, remis au Père, allégé par la proximité de la mort, transparent à une autre lumière. Une civilisation où l'on ne prie plus est une civilisation où la vieillesse n'a plus de sens. On marche à reculons vers la mort, on singe la jeunesse, c'est un spectacle déchirant parce qu'une possibilité est offerte, prodigieuse à travers l'ultime dépossession, et qu'elle n'est pas saisie. Nous avons besoin de vieillards qui prient, qui sourient, qui aiment d'un amour désintéressé, qui s'émerveillent; eux seuls peuvent montrer aux jeunes qu'il vaut la peine de vivre et que le néant n'a pas le dernier mot. Tout moine dont l'ascèse a porté fruit est appelé en Orient, quel que soit son âge, un « beau vieillard ». Il est beau de la beauté qui monte du cœur. En lui, les âges de la vie se composent, symphonisent, pourrait-on dire. Et surtout l'originel est retrouvé : blanc d'une blancheur transfigurée, le « beau vieillard » a des yeux d'enfant.

Olivier Clément

J'ai été séduit par Jésus-Christ et j'essaye de Le suivre. Il me « parle » dans l'Évangile et de cette parole je me nourris. Mais il me « parle » aussi à travers la vie, celle que je contemple sur mes propres chemins, celle que vous me confiez. Et je « garde tout cela en mon cœur » et les mots de ma prière ne sont que tentative de répondre à cette double et pressante interpellation du Seigneur.

Si nous nous nourrissons d'Évangile, peu à peu nous acquérons des « réactions d'Évangile » et nous pouvons alors loyalement nous poser la question : « Qu'est-ce que Jésus-Christ me dit, aujourd'hui, à travers tel ou tel morceau de ma vie ou de celle de mes frères ? »

Puissions-nous sans cesse nous re-lier à Lui à travers notre vie, celle de nos frères et la vie du Monde. Alors toute l'Histoire humaine deviendra en Jésus-Christ « PRIÈRE ».

Michel Quoist

Avez-vous conscience de votre condition chrétienne ? Si oui, comment voulez-vous que la prière ne jaillisse pas spontané-ment : Seigneur, oui, Seigneur, merci ! La prière est, à la racine d'elle-même, contemporaine d'une prise de conscience sérieuse de la présence active et divinisante du Père, du Christ ressuscité et de l'Esprit dans ma liberté.

François Varillon

Dans ma prière quotidienne, ce que je demande tous les jours c'est le DISCERNEMENT, une des plus hautes vertus de l'Esprit saint : lire lucidement les événements, savoir saisir l'occasion.Le discernement, c'est chercher dans la personne humaine ce qui est beau et grand, ce qui est lumineux, et trouver le moment pour le lui dire.Je prends, tous les dix jours, quarante-huit heures de prière et de silence absolu. J'ai une soif immense de silence car Dieu habite le silence. Dans la solitude, il te rencontre et il te parle.Mais je dirais que j'ai l'habitude de faire oraison un peu toute la journée. Cette union à Dieu ne me quitte pas dans les moments difficiles comme dans les moments heureux, d'ailleurs. Ce n'est pas seulement dans les difficultés que je prie Dieu, que je Lui dis : je T'aime, j'ai besoin de Toi. Dans le bonheur aussi, lorsqu’il n'y a pas de problèmes, je chante le Seigneur dans l'action de grâces. Je dirais que l'oraison m'habite.De plus en plus je sais que, dans ma vie difficile, complexe avec ses problèmes apparemment insolubles, seul le Dieu de l'im possible peut donner sa lumière, et seul l'Esprit peut envoyer ses dons...Après tant d'années de lutte, la prière la plus forte qui me reste, c'est le Magnificat, je crois. Alors je ne vois plus les croix, les innombrables difficultés, je vois que je suis le serviteur de Dieu et je le bénis d'avoir fait de si grandes choses par mes mains indignes.

Guy Gilbert

4544 LA LIBÉRTÉ RELIGIEUSE LA LIBÉRTÉ RELIGIEUSE

LA LIBERTÉ RELIGIEUSE DANS LES ÉTATS DE CULTURE ISLAMIQUE -I

a revendication d'un particularisme, en matière de droits de l'homme, par les États musulmans, vise essentiellement à limiter la portée universelle de ces droits. La liberté religieuse est l'une des principales

questions fondamentales qui opposent la loi musulmane aux droits de l'homme, dans son état actuel. Cette liberté, telle qu'elle est comprise et appliquée en Occident depuis le XVIIIe siècle, inclut la liberté de croire ou de ne pas croire d'appartenir ou non à une communauté religieuse, et évidemment, de changer de religion. Tel n'est pas le cas dans la majorité des États musulmans, où les citoyens subissent de graves violations relatives à leur liberté de religion. Il s'agit notamment de la question de l'apostasie et du statut de minorités religieuses en Islam.

L'APOSTASIE EN ISLAML'appareil judiciaire de la majorité des États musulmans re fuse, en principe, à toute personne, le droit de quitter l'islam. L'apostat pourrait faire l'objet de la peine capitale, comme c'est le cas en Arabie saoudite et en Iran, ou dans les meilleurs cas de la perte de ses droits civils et politiques, comme dans la majorité des États musulmans. Ainsi, les apostats sont séparés de leurs conjoints, et ils ne peuvent plus conclure de contrats ni contracter de mariage. Ils sont aussi privés des droits de garde de leurs enfants, de pensions alimentaires, d'héritage et de puissance paternelle. L'apostasie touche à la fois les musul mans et les non-musulmans, surtout les convertis.

APOSTASIE ET MUSULMANSPlusieurs catégories de musulmans apostats peuvent être dis tinguées. Il y a, tout d'abord, les intellectuels et les écrivains musulmans qui sont considérés comme apostats car leurs œuvres ne plaisent pas au courant islamique. Le professeur égyptien Nasr Abû Zayd a ainsi été considéré comme apostat car ses études étaient qualifiées d'hérétiques. Il a été traduit en justice suite à une requête, appelée husba (1), lancée par un col lectif d'avocats islamiques, en se basant sur la loi égyptienne n°3 de 1996. Abû Zayd a été condamné par l'arrêt de la Cour de cassation du 5 août 1996. Cet arrêt a ordonné la séparation entre le professeur Abû Zayd et sa femme, au motif qu'une musulmane ne peut rester mariée avec un non-musulman.Il y a aussi les musulmans de naissance qui renoncent à l'is lam pour une autre religion comme le christianisme, c'est-à-dire des musulmans qui quittent l'islam après être né et avoir grandi dans une famille musulmane. De même, l'apostasie est l'alibi des fondamentalistes pour commettre leurs crimes et attentats à l'encontre des musulmans. Ils s'en justifient reli gieusement pour combattre ceux qui appartiennent à un autre courant musulman que le leur, ou à ceux qui ne respectent pas les obligations imposées par leur interprétation de la charia. Aujourd'hui, certains groupes islamistes, surtout l'« État isla mique en Irak et au Levant » ou « État islamique », continuent à recourir à cette notion d'apostasie ou même au « takfir » (excommunication) pour mener leur combat contre les autres musulmans, qu'ils considèrent comme apostats, ou contre les non-musulmans, en les accusant d'être des ennemis de Dieu (kouffars).

APOSTASIE ET NON-MUSULMANSDans la majorité des États musulmans, l'interdiction de renier l'islam débouche sur la violation de certains droits fondamentaux des non-musulmans, affectant notamment le principe d'égalité, la liberté religieuse et la liberté d'ex pression. Malgré des différences de pratiques entre États, la conversion à l'islam s'effectue en général de manière très facile, les procédures administratives simplifiées encoura geant la conversion, même lorsqu'il est avéré que le converti ne cherche ainsi qu'à profiter de lois plus favorables. La loi égyptienne n°69 de 1947 dispense par exemple le converti à l'islam de tout frais lors de l'enregistrement de son chan gement de religion. En

revanche, la conversion d'un musul man au christianisme constitue un véritable problème, et d'innombrables obstacles sont dressés pour décourager les conversions dans ce sens, lorsque celles-ci ne sont pas tout simplement interdites, contredisant au principe d'égalité des droits et d'égalité devant la loi. À cela s'ajoutent les fortes res-trictions à l'égard des chrétiens et d'autres non-musulmans en matière de prosélytisme. Le simple fait de diffuser une infor mation sur sa religion peut être sanctionné, alors que chacun devrait avoir le droit de manifester sa religion ou sa conviction. Ce dernier droit est énoncé dans plusieurs instruments inter nationaux des droits de l'homme(2). Enfin, l'interdiction de l'apostasie affecte les non-musulmans

islamisés en vertu des codes du statut personnel(3), et qui désireraient revenir à leur religion d'origine(4). Ainsi, le retour à la religion d'origine pour les non-musulmans convertis à l'islam a fait l'objet de plusieurs affaires juridiques dans le monde musulman. Il faut notam ment citer dans ce cadre l'affaire Samer al-Aidy, chrétien jor danien converti à l'islam, qui a été arrêté et accusé d'apostasie après avoir déclaré son désir de reprendre sa religion d'origine,

le 16 septembre 2004, devant un tribunal « charié » à Amman, en Jordanie(5). Cette décision a fait l'objet d'un recours, le 27 décembre 2004, devant le tribunal d'appel « charié » d'Am man. Celui-ci a approuvé ladite

décision en janvier 2005. Le jugement dispose que tous les actes juridiques d'Al-Aidy sont nuls jusqu'à son retour à l'islam, et qu'en conséquence les auto rités concernées doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher son concubinage avec sa femme(6).

Le Moyen-Orient fait l’objet de bouleversements sans précédent. Son visage, principalement dessiné depuis des décennies par des régimes autoritaires, s’en trouve secoué, affectant au passage la situation des minorités chrétiennes, perçues par certains groupes djihadistes comme alliées de ces régimes, ou mécréantes.L’avenir de ces communautés dépendra du respect du droit à la liberté religieuse, respect qui ne cesse d’être bafoué dans les États de culture islamique en raison de la tradition religieuse, de la mauvaise gouvernance et de la montée du fondamentalisme.

L SAMER AL-AIDY, CHRÉTIEN JORDANIEN CONVERTI À L'ISLAM, A ÉTÉ ARRÊTÉ

ET ACCUSÉ D'APOSTASIE APRÈS AVOIR DÉCLARÉ SON DÉSIR DE REPRENDRE

SA RELIGION D'ORIGINE.

4746 LA LIBÉRTÉ RELIGIEUSE LA LIBÉRTÉ RELIGIEUSELE STATUT DES MINORITÉS RELIGIEUSES EN ISLAMLa loi musulmane distingue deux catégories de non-musulmans. Tout d'abord les Gens du Livre, ensuite une autre caté gorie constituée par ceux qui n'ont pas de « livre révélé » et qui est composée des minorités religieuses interdites et des communautés ou des personnes « sans religion ».LES MINORITÉS RELIGIEUSES TOLÉRÉESLes Gens du Livre se composent surtout des chrétiens et des juifs qui ont pu demeurer en terre d'islam grâce au statut de la dhimma(7). Celle-ci exige l'imposition de certaines obligations aux dhimmis pour que ceux-ci puissent bénéficier d'une tolé rance limitée en terre d'islam. Les Gens du Livre doivent, en vertu du statut dhimma, payer certains impôts, dits le kharaj et la gizya. Néanmoins, il est notable que les mesures restrictives à l'égard des Gens du Livre diffèrent selon la période. Le deu xième calife Umar allait jusqu'à interdire aux non-musulmans de monter à cheval,

de porter une arme, de construire ou de réparer des édifices religieux, de se distinguer par leur coiffure ou de porter des marques spécifiques, etc. En revanche, d'autres époques ont été marquées par une tolérance allant jusqu'à la suppression de certaines restrictions prévues ex pressément dans la loi

musulmane, comme ce fut le cas durant les dernières décennies de la gouvernance de l'Empire ottoman. En effet, les versets coraniques concernant les Gens du Livre sont largement contradictoires, et dans leur usage, tout dépend de leur sélection et de leur interprétation: on y a lu, historiquement, tant un appel à la guerre qu'une invitation au respect de leurs droits. Aujourd'hui, la majorité des dispositions relatives au statut de la dhimma dans les pays musulmans ont été abolies. Cer taines restrictions demeurent toutefois applicables. Ainsi l'autonomie en matière de statut personnel demeure dans les États musulmans multiconfessionnels.

Cette autonomie a laissé à chaque communauté religieuse la possibilité de juger les affaires relatives au droit de la famille selon des lois ins pirées de ses propres coutumes et livres révélés. Cependant, cette autonomie est à l'origine

de l'islamisation de milliers de non-musulmans, surtout chrétiens. Ainsi, la conversion à l'islam constitue une solution pour échapper aux dispositions abusives de la législation confessionnelle chrétienne et pour bénéficier de certains avantages de la loi musulmane. Il s'agit d'une conversion

à l'islam consentie pour obtenir un jugement de divorce(8), la garde d'un enfant, attribuée au parti musulman en cas de conflit(9), ou bien pour épouser une femme musulmane lorsque le mariage mixte est interdit en vertu de la charia islamique. Il s'agit également de l'exonération de pension alimentaire d'un mari chrétien du fait de sa conversion à l'islam. De même, dans le cadre d'un mariage mixte, la femme chrétienne ne peut hériter de son époux musulman car l'héritage entre un musulman et une non-musulmane est interdit(10). Par conséquent, la question de la succession peut être résolue après un changement de religion par l'un des deux conjoints pour hériter de l'autre, comme la femme chrétienne qui devient musulmane. La conversion de l'époux chrétien à l'islam lui permet de conclure un deuxième mariage. L'épouse chrétienne peut, quant à elle, se séparer de son mari avant de conclure un deuxième mariage. Diverses formes d'intolérance religieuse apparaissent également en matière d'égalité entre les musulmans et les personnes appartenant à ces minorités religieuses. Ainsi, le témoignage d'un chrétien n'est pas accepté devant les tribunaux islamiques. De même, les postes-clés sont souvent

interdits: aux non-musulmans(11). Ils subissent certaines restrictions quant à l'exercice de leur liberté de culte. Dans le cas des mariages mixtes entre deux personnes dont l'une adhère à l'islam, le couple ne peut choisir d'autre religion que l'islam pour leurs enfants, etc.

LES MINORITÉS RELIGIEUSES INTERDITES ET LES PERSONNES « SANS RELIGION »La particularité de la majorité des États musulmans reflète non seulement une ignorance de l'identité religieuse des citoyens mais aussi l'imposition d'une religion donnée à tous ses ressortissants. À titre d'exemple, un chrétien du monde arabo-musulman est considéré comme tel suite à sa naissance dans une famille chrétienne. Ainsi, le changement de ses convictions, lorsqu'il devient athée, n'élimine pas la loi religieuse du statut personnel applicable aux chrétiens ni la discrimination à son encontre, puisqu'il reste un chrétien aux yeux de son État parent. De même et comme nous l'avons mentionné, la majorité des États musulmans ne reconnaissent que les religions monothéistes, l'islam, le christianisme et le judaïsme Certaines religions qui ont émergé après l'islam ne sont pas reconnues. Ainsi, tous les citoyens doivent voir figurer sur leurs papiers d'identité une appartenance à l'une de ces trois religions. De ce fait, les « sans-religion » ainsi que les personnes appartenant à une autre religion que les trois susmentionnées subissent de lourdes restrictions de leurs droits en matière de liberté religieuse. Les administrations d'état civil dans certains pays musulmans comme l'Égypte et la Jordanie ne délivrent pas de documents d'identité portant la mention de la reli gion bahaïe : les fidèles bahaïs doivent donc être enregistrés somme appartenant à l'islam ou au christianisme. Par consé quent, leur accès à la plupart des droits de la citoyenneté est imité, voire interdit. Les bahaïs et les Témoins de Jéhovah ne disposent pas, dans la majorité des États musulmans, d'une au tonomie juridico-législative en matière de statut personnel ; ce sont les juridictions et les législations religieuses musulmanes, chrétiennes ou juives, qui leur sont applicables. Tel est aussi le cas en ce qui concerne l'éducation religieuse dans le système éducatif national. Celui-ci n'admet et ne propose qu'une édu cation religieuse monothéiste selon la religion officielle de l'élève. Les communautés interdites rencontrent également des difficultés quant à l'exercice de leur liberté de culte. Leur représentation politique est quasiment nulle. Les restrictions susmentionnées relatives à l'appartenance religieuse, l'éduca-tion religieuse et l'autonomie juridico-législative en matière de statut personnel constituent également une violation de la liberté religieuse des citoyens athées ou « sans religion ». À ces formes de discriminations appliquées par les États mu-sulmans s'ajoutent les attaques commises par les islamistes qui s'accroissent dans le contexte actuel au Moyen-Orient. Ainsi, les chrétiens d'Orient, comme les personnes appar-tenant à d'autres minorités religieuses, ont été victimes de graves crimes, dont des exécutions extrajudiciaires et des enlèvements massifs commis par « l'État islamique ». Il est toutefois important de noter que l’utilisation des minorités par le régime syrien, son autoritarisme ainsi que le silence de la communauté internationale face à ses crimes systématiques commis suite au soulèvement du peuple syrien en 2011 sont parmi les principaux facteurs de la détérioration de la situation en Orient, dont surtout la naissance de « l’État islamique » (12).

Nael Georges,

Notes* Cet article est une version réduite d'une communication lors d'un colloque organisé par le Groupe Sociétés, Religions, Laïcité et le ministère français des Affaires étrangères. La publication de cet article vient après en avoir informé l'éditeur de cet acte du colloque.

(1) La notion de « husba » trouve son fondement dans le devoir de tout musulman d' « ordonner le bien et d'interdire le mal », selon Surat Al-Imrân, verset 110.

(2) Pour plus de détails, voir Gianfranco Rossi, « Le droit à la liberté de diffuser sa religion », in Conscience et Liberté, n°59, 2000, p.123 et suivantes.

(3) Ceux-ci comprennent les questions relatives aux mariage, divorce, testament, succession, etc.

(4) Cf. infra.

(5) Jugement du tribunal « charié » d'Amman, base n°2550/2004, n°70/108/367, 23 novembre 2004.

(6) Cf. l'arrêt du tribunal d'appel « charié » d'Amman n°82/2005 - base n°61641.

(7) Il s'agit d'une convention entre les Gens du Livre et les musulmans suite aux conquêtes de ces derniers.

(8) Face à l'interdiction de divorcer et à l'attribution d'autorisation de remariage, les chrétiens dans certains pays arabes sont poussés à la conversion à l'islam pour contourner cette législation.(9) D'après les légistes musulmans et la majorité de jurisprudence, les enfants doivent suivre la meilleure des religions, à savoir l'islam. Tel était le cas, par exemple, selon le jugement de la Cour de cassation syrienne, arrêt n°301 du 6 avril 1981.

(10) La majorité des codes des statuts personnels des États musulmans mentionnent expressément cette interdiction d'héritage entre un musulman et un non-musulman, en témoigne l'article 264b du code syrien et l'article 281 du code jordanien.

(11) À titre d'exemple, la Constitution de la Syrie proclame dans son article : « la religion du chef d'État doit être l'islam ».

Pour plus d'information, voir Nael Georges, « Le pluralisme religieux en Syrie : quel aveniR ? », in Anna Bozzo et Pierre-Jean Luizard (dir.), Polarisations politiques et confessionnelles, Rome, Roma TrE-press, mars 2015, p.39- 48 (article disponible en ligne sur http://bit.ly/1FIWTio).

LA CONVERSION À L'ISLAM CONSTITUE UNE SOLUTION POUR ÉCHAPPER AUX

DISPOSITIONS ABUSIVES DE LA LÉGISLATION CONFESSIONNELLE CHRÉTIENNE ET POUR

BÉNÉFICIER DE CERTAINS AVANTAGES DE LA LOI MUSULMANE.

spécialiste en droit arabo-musulman.

4948 JÉSUS

J É S U S . . .LE MONDE OÙ IL VÉCUT

LA MER DE GALILÉE« Dieu a créé sept mers, mais celle-ci le ravit spécialement », disaient les rabbins à propos de la mer de Galilée (ou de Tibériade), le point central d'une grande part du ministère de Jésus. Le lac abritait soixante-huit espèces de poissons, qui généraient une activité de pêche intense ; plusieurs des premiers disciples de Jésus étaient pêcheurs. Le lac mesure 20 km de long et jusqu'à 13 de large. De là, le Jourdain coule vers la mer Morte, qui contient 25% de sel.

LE MONDE OÙ IL VÉCUT- I I

LE JOURDAINLe Jourdain (ce qui signifie « Descendeur ») est bordé d'une végétation luxuriante. Avec rarement plus de 13 m de large, c'est une rivière lente qui serpente sur 325 km, deux fois la distance à vol d'oiseau. De sa source au nord à la mer Morte, son altitude baisse de 725 m. Son niveau étant en dessous de celui de la mer, on ne pouvait l'utiliser pour irriguer, comme les Égyptiens, le Nil ou les Perses, le Tigre et l'Euphrate ; Israël était donc totalement dépendant des précipitations. C'était, selon le texte biblique, « un pays de montagnes et de vallées, qui s'abreuve de la pluie du ciel » (Deutéronome 11:11). Les vents dominants de la Méditerranée apportaient l'humidité aux hautes terres

du centre, ce qui en laissait très peu pour les terres plus à l'est. Les pluies venaient trois fois dans l'année: en octobre, janvier et avril. Sans aucune pluie entre la mi-mai et la mi-octobre, les habitants dépendaient des puits et des citernes enterrées.

GÉOGRAPHIE DE TERRE SAINTECinq régions sont identifiables :1. La plaine côtière : des dunes de sable, des forêts et des marais au sud, mais des terres très fertiles au nord. Au-delà du mont Carmel existaient plusieurs ports naturels.

2. La Shephelah, bas pays très fertile de 19 à 24 km de large, coupé transversalement par quatre vallées.3. Le pays montagneux, qui comprend (a) les collines de Judée au sud, avec la capitale Jérusalem et (b) celles de Samarie et de Galilée au nord, séparées par la vallée de Jezréel et la plaine de Meguiddo. Les versants ouest descendent en pente douce vers la mer, tandis qu'à l'est ils tombent abruptement sur la vallée du Jourdain. Leur roche calcaire était une bonne source de cuivre.

Une grande route nord-sud traversait la plaine de Meguiddo, théâtre de nombreux combats de l'Ancien Testament et, à la fin des temps, de celle d'Harmaguedon, selon la Bible. Elle continuait dans les collines fertiles de Galilée, y apportant la prospérité grâce au commerce. C'est là que Jésus passa la plus grande partie de sa vie.

4. La vallée du Jourdain, qui est une partie du grand Rift, de la mer de Galilée à la mer Morte. Cette dernière est le point le plus bas sur terre, plus de 400 m sous le niveau de la mer (le fond est encore 400 m plus bas).

5. La Transjordanie, région montagneuse, s'élève de 580 m à l'est de la Galilée à 2000 m au sud-est de la mer Morte. Elle attirait donc les précipitations et offrait de bons pâturages aux animaux ; au-delà, c'était le désert.

LÀ OÙ LES PROMESSES S’ACCOMPLISSENTLa région où Jésus a vécu était minuscule, moins de 240 km du nord au sud et entre 40 et 95 km d'est en ouest. Mais elle regorgeait d'histoire et de promesses qui remontaient à l'époque du fondateur d'Israël, Abraham (Genèse 12:1-3; 15:12-20; 17:1-8) ; et Jésus déclara qu'à travers lui, ces promesses étaient sur le point d'être accomplies. C'est depuis cette petite région que Jésus se présenta comme le roi promis à Israël et c'est de là qu'il adressa son message d'amour et d'espérance au monde entier

5150 JÉSUS LE MONDE OÙ IL VÉCUT

LES LANGUESOn parlait quatre langues principales en Palestine au temps de Jésus. L'hébreu, l'ancienne langue des Écritures juives, était maintenant réservé aux cérémonies religieuses et l'apanage des érudits et des spécialistes. La plupart des gens ordinaires parlaient l'araméen, devenu langue dominante au Moyen-Orient et décliné en accents variés: c'est pourquoi Pierre, avec son accent du Nord, fut reconnu à un moment inopportun (Matthieu 26:73). Le grec s'était répandu depuis la conquête de la Palestine par Alexandre le Grand en 332. Langue officielle de l'Empire romain oriental, elle était utilisée pour la diplomatie et le commerce et même des pêcheurs comme Pierre la parlaient probablement pour vendre leur poisson. Le latin était moins usité, limité certainement aux conversations privées des Romains.Jésus parlait araméen (Marc 5:41 ; 7:34; 15:34), grec (Marc 7:26 ; Jean 7:35 ; 12:20 21) et au moins assez d'hébreu pour lire la Parole de Dieu (Luc 4:16-20). Quand il fut crucifié, le chef d'accusation était écrit en araméen, en latin et en grec (Jean 19:19-20) pour que tous le comprennent.

LA PALESTINE AUX TEMPS DE JÉSUS

Après la mort d'Hérode le Grand en l'an 4 avant notre ère, son royaume fut partagé entre ses trois fils : mais l'incapable Archélaos fut remplacé par un gouverneur romain, Pilate, de 26 à 36, qui prit la décision de crucifier Jésus (Matthieu 27:11-26).

LE CONTEXTE POLITIQUE

Israël avait obtenu son indépendance après la révolte des Maccabées au IIe siècle av. J.-C., mais il avait été conquis de nouveau peu après, en 63, par Rome cette fois. Cette présence alourdit l'atmosphère. Si certains appréciaient les avantages de la domination romaine (comme la paix, la stabilité), la majorité supportait mal la présence de païens. Certains comme les esséniens se retirèrent dans le désert, pour se consacrer à la prière ; d'autres comme les zélotes saisirent toutes les occasions de s'opposer à Rome ; dans les 70 ans qui suivirent la mort d'Hérode, le pays connut de nombreuses révoltes messianiques.

JÉRUSALEMVoici une maquette de la Jérusalem du Ier siècle de notre ère, vue du sud-ouest. Le Temple dominait la cité et, avec ses 14 hectares, il couvrait environ a un cinquième de sa superficie. Au-dessus s'élevait la forteresse Antonia, qui doit son nom à Marc Antoine et abritait une garnison romaine de 600 soldats. À l'ouest se trouvaient le quartier riche et le palais d'Hérode et en contrebas les habitations modestes groupées le long de ruelles. La population de Jérusalem atteignait à l'époque 30 000 âmes, mais pouvait être multipliée par cinq en période de fête.

UN PEUPLE CHOISI LE JUDAÏSME DU Ier SIÈCLE

Dieu avait fait de nombreuses promesses à son peuple, mais elles semblaient longues à se réaliser et, plusieurs siècles après le retour d'exil, certains se sentaient encore dans une forme d'exil spirituel. Non seulement le renouveau annoncé par les prophètes ne s'était pas réalisé, mais Israël était maintenant soumis à Rome. Certains réagirent en coopérant, d'autres en combattant, d'autres encore en fuyant, mais la plupart continuèrent à vivre comme ils le pouvaient. C'est dans ce contexte mêlé d'espoirs et de craintes que Jésus vint raviver les anciennes promesses de Dieu.

Il est difficile de décrire le judaïsme du Ier siècle, car les divisions sociales, spirituelles et politiques étaient considérables et produisaient des courants et des attentes très variés. Jésus se mit presque tout le monde à dos, en contrariant les espoirs et les intérêts particuliers. C'était pourtant dans l'histoire de ce peuple qu'il puisait ses racines.

LES PRINCIPAUX GROUPES Les pharisiens (« séparés ou « exacts ») constituaient le groupe le plus

large (environ 6000 individus), surtout en Galilée. Ce n'était pas une fonction (beaucoup étaient marchands, membres de la classe moyenne) mais un style de vie, qui exigeait une application rigoureuse de la Parole de Dieu dans tous les domaines. Leur influence était importante et leur vision largement partagée (même si le peuple ne se sentait pas capable de la suivre). Ils étaient souvent considérés comme des hypocrites, soignant uniquement les apparences. Mais l'accent qu'ils mettaient sur la pureté et sur l'obéissance à la loi n'était pas une fin en soi : à leurs yeux, elle était cruciale pour maintenir l'identité d'Israël et rendre possible la libération du peuple. Ils accordaient donc beaucoup d'importance aux marqueurs identitaires, comme la circoncision, la dîme, le sabbat et la pureté rituelle.

Les sadducéens, s'ils étaient moins nombreux, avaient plus d'influence, en tant que figures de l'« establishment » d'alors. Descendants de Sadoq, le Grand Prêtre du roi Salomon, ils contrôlaient le Temple, choisissaient

le Grand Prêtre et dominaient le Sanhédrin (tribunal et Sénat). Plus conservateurs que les pharisiens, ils n'acceptaient que les écrits de Moïse (les cinq premiers livres de la Bible), rejetant toute doctrine ne s'y trouvant pas (comme la résurrection) ainsi que les traditions orales des pharisiens.

Les esséniens suivaient une discipline « plus sévère » (Flavius Josèphe) s'étant séparés 200 ans plus tôt des autorités du Temple qu'ils considéraient comme laxistes. Si certains vivaient en société, la plupart s'étaient regroupés en communautés alternatives, comme celle de Qumran, où ils pratiquaient leurs idéaux dans un style de vie ascétique d'amour fraternel et de stricte observance des lois juives en attendant la fin des temps.

Les zélotes, à l'inverse des esséniens, n'étaient pas prêts à attendre Dieu ; ils voulaient lui prêter main-forte. Fondés par Judas le Galiléen en l'an 6 de notre ère, ces guérilleros s'opposaient à Rome car pour eux Israël n'avait de roi que Dieu lui-même. Préférant les poignards à la prière, ils combattaient pour le royaume de Dieu et menèrent plusieurs révoltes, dont celle qui aboutit à la destruction de Jérusalem en 70.

Un châle de prière juif reconnaissable à ses rayures bleues et ses franges. Dieu avait ordonné aux juifs de porter des franges pour se souvenir qu'ils étaient son peuple (Nombres 15:38-39), mais à l'époque de Jésus, les pharisiens en étaient venus à les porter très longues pour montrer leur piété, ostentation que leur reprocha Jésus (Matthieu 23:5).

5352

UNE BONTÉ EN ACTES Cette présence éprouvée fait de Dieu un Dieu fiable. Une présence éprouvée au cours de l'histoire indique le contexte qui voit émerger la notion de bonté-fidélité: celui de l'Alliance de Dieu avec son peuple. Le Dieu qui s'est penché sur la souffrance d'un peuple le libéra de la servitude, conclut avec lui une alliance de vie commune. La bonté de Dieu est donc un acte, qui crée une histoire, un élan attentionné et souverain par lequel Dieu agit envers l'homme. Le contexte d'alliance rend compte d'une acception juridique de la bonté-fidélité de Dieu, au sens d'une solidarité, voire d'une loyauté, inhérente à la conclusion d'un pacte.Cela ne réduit en rien la portée de cette loyauté ; au contraire, cela met en valeur l'absolue fidélité du partenaire divin face aux égarements humains, la réalisation d'une fidélité souverainement consentie à l'égard d'un peuple. La terminologie de l'alliance, par contre, suppose que celle-ci, comme tout contrat, soit respectée mais puisse aussi être trahie. Il y a, dans le cadre de cette alliance, place pour tout un jeu relationnel, le jeu de la vie vraiment vivante, par lequel le peuple d'Israël fait son apprentissage de Dieu, apprend à le connaître, connaître son chemin de vie ; comme dans le cadre de tout apprentissage, il fait l'expérience aussi de l'erreur, se trompant sur son compte, désespérant de lui, récriminant contre lui. L'apprentissage de la confiance est rien moins qu'évident.Si donc Dieu est fidèle, face aux infidélités humaines, il peut aussi se mettre en colère... Dieu est montré comme celui qui ne s'accom mode pas du non-respect de l'Alliance, et les prophètes n'auront de cesse de dénoncer les manquements, les égarements, voire les oublis de Dieu dont les hommes se rendent coupables.

UNE BONTÉ LUCIDENéanmoins, Dieu est bon et fidèle ; c'est ainsi que devant Moïse auquel il ordonne de tailler de nouvelles tables des Dix Paroles, après la destruction des premières, « le Seigneur proclame : Le Seigneur, le Seigneur, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché, mais sans rien laisser passer... » (Exode 34,6-7). On remarquera que cette bonté a peu à voir avec une quelconque

mièvrerie ; elle ne fait pas l'impasse de la lucidité - de la vérité. Cette perception de Dieu, « lent à la colère et plein de bonté », est d'une telle importance qu'elle en vient véritablement à caractériser Dieu dans son agir ; d'une importance centrale au point que la liturgie s'en empare : « Dieu, des orgueilleux m'ont attaqué mais toi, Seigneur, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent àcolère, plein de fidélité et de loyauté, tourne-toi vers moi... » (Psaume 86,14-15; voir aussi Psaume 145, 8).

UNE PATIENCE OPINIÂTRELa lenteur de Dieu à la colère n'est pas anecdotique - elle fait de la bonté-fidélité de Dieu une épreuve de patience, comme s'il lui en fallait beaucoup pour en arriver là.

Le corollaire de la lenteur de la colère de Dieu, provisoire, est la plénitude de sa bonté, éternelle parce que souvera ine .

L'effet remarquable de disproportion, entre le « coup de sang » d'un côté et l'opiniâtreté de l'autre, est typique de la manière dont la Bible rend compte de la relation de Dieu avec son peuple.

UN DIEU BON POUR TOUS

La bonté-fidélité de Dieu, véritablement à toute épreuve, fait l'objet d'une louange sans fin. Le livre des Psaumes regorge de prières qui s'adressent à Dieu avec émerveille-ment. Ainsi le psaume 36, 6.8: « Seigneur, ta loyauté est dans les cieux, ta fidélité (bonté) va jusqu'aux nues [...]

Dieu qu'elle est précieuse ta fidélité. » La bonté de Dieu est un bien sur lequel l'homme, malgré tout, compte : « Toi, Seigneur, tu ne retiendras pas loin de moi ta miséricorde, ta fidélité et ta vérité me

préserveront toujours » (Psaume 40,12). Il compte sur elle de manière inébranlable, car il ne pourrait pas en être autrement du Dieu biblique ; que Dieu ignore l'homme, ce serait une ineptie, un décalage de Dieu lui-même par rapport à lui-même : « Le Seigneur fera tout pour moi. Seigneur, ta fidélité est pour toujours ! N'abandonne pas les œuvres de tes mains...» (Psaume 138,8). La communauté liturgique célèbre et confesse un Dieu qui lui promet la vie, la préservation ; mais cet te bonté n'est pas exclusive.Ce que Dieu manifeste à l'égard d'un peuple particulier est l'image de ce qu'il est à l'égard de toute l'humanité, le monde dont il est le Créateur: « Le Seigneur est bon pour tous, plein de tendresse pour toutes ses œuvres » (Psaume 145,9).

Les Cahiers Croire, pages 12 à 16

LA BONTÉ UNE DIVINE BIENVEILLANCE

UNE DIVINE BIENVEILLANCE -I

Dieu est bon. Tout au long de l’Ancien Testament, les adjectifs se suivent : patient, fidèle, tendre, miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour… Dans la plupart des grands récits bibliques, toutes les facettes de la bonté divine sont ainsi évoquées et aucune ne contredit les autres. Bien sûr, Dieu se fâche, parfois. Sa bonté n’est ni mièvre ni aveugle. Dieu voit le cœur de l’homme et s’en désole. Mais jamais il n’en désespère. La bonté de Dieu est éternelle, elle est un fleuve puissant et débordant. Mais elle est surtout communicative à celui qui s’y abreuve

LA BONTÉ-FIDÉLITÉ DE DIEU EST TENACEBettina Schaller

Maître de conférence à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg

Avec les hommes, Dieu fait preuve d'une bonté têtue. Sa fidélité, sa fiabilité, sont ses principales qualités. Si l'homme se détourne de lui, jamais Dieu ne l'abandonne. S'agissant de la bonté de Dieu, il est moins question d'un attribut ou d'une qualité

intrinsèque de Dieu que d'un mode d'être en relation avec les hommes. Dans la Traduction œcuménique de la Bible (TOB), le terme bonté traduit principalement le terme hébreu hésèd. La signification primitive de la hésed est la force, au sens de la solidité ; elle conduit à la notion de fidélité et de fiabilité. En effet, la fidélité de Dieu, c'est sa présence éprouvée au cours de l'histoire, à laquelle, dans les moments de doute, Dieu peut être lui-même renvoyé.

LA BONTÉ DE DIEU N'A RIEN À VOIR AVEC UNE QUELCONQUE MIÈVRERIE. ELLE NE

FAIT PAS L'IMPASSE DE LA LUCIDITÉ

QUE DIEU IGNORE L’HOMME SERAIT UNE INEPTIE, UN DÉCALAGE DE DIEU PAR

RAPPORT À LUI-MÊME

5554 LA VIE INTÉRIEURE DE NOS ENFANTS – V LA VIE INTÉRIEURE DE NOS ENFANTS – V

L’équilibre du rythme de vie, la présence exigeante des adultes tout comme leur écoute bienveillante permettent à l’enfant d’accéder à son univers intérieur et de le développer. Comme le dit Madeleine Daniélou: « Les êtres de valeur doivent faire leur unité du dedans, et c’est à ce qu’ils ont de plus profond qu’il faut faire appel. » N’ayons pas peur de l’ennui ! Certains parents redoutent que leurs enfants ne sachent pas s’occuper et tournent en rond. Et pourtant, si le temps des vacances ou les pauses du week-end étaient l’occasion de ne rien faire, et de redécouvrir les vertus de l’ennui? C’est le plaidoyer d’Etty Buzyn, psychothérapeute et psychanalyste.

N’AYONS PAS PEUR DE L’ENNUI!

VOUS PLAIDEZ, DANS VOTRE OUVRAGE « PAPA, MAMAN, LAISSEZ-MOI LE TEMPS DE RÊVER! », POUR « LE DROIT DE NE RIEN FAIRE». LES PARENTS, POUR TANT, SUPPORTENT MAL DE VOIR LEUR ENFANT INOCCUPÉ...

Parce qu'ils pensent qu'un enfant inac tif est un enfant qui perd son temps! Or, la capacité à supporter l'ennui reste un signe incontestable de bonne santé mentale. S'ennuyer est en effet une expérience for-matrice nécessaire dans la vie d'un enfant. Ce temps où il cesse d'agir pour se confron-ter à la solitude lui permet de ne plus esqui ver ses émotions mais de pouvoir, au contraire, les laisser se déployer dans son espace intérieur. Il peut aussi progressive ment faire des découvertes sur sa capacité à puiser en lui les ressources nécessaires pour s'inventer des histoires qu'il mettra en scène plus tard dans ses jeux.

L'INACTIVITÉ PEUT DONC ÊTRE CONSTRUCTIVE ?

C'est une façon pour un enfant, tout comme pour un adulte, de s'adonner à la «contemplation» et à une forme d'apaise ment difficile à trouver dans l'activité constante. C'est aussi dans l'inactivité que les choses se décantent, que l'enfant trouve l'inventivité nécessaire pour s'occuper par la suite et se diriger vers ce qui l'inspire. Regardez les scientifiques, c'est souvent dans leur temps d'inactivité qu'ils font leurs découvertes!

IL FAUT DONC PROFITER DES VACANCES POUR NE RIEN FAIRE ?

On propose toute l'année aux enfants des activités de plus en plus sophistiquées, mais ils ne savent plus observer le monde, ils n'ont plus le temps d'éprouver des sen sations sans la médiation d'un écran ou d'une machine. Au moins pendant le temps des vacances, offrons-leur ce temps-là, le temps de rêver, de se sentir à l'abri de l'agi tation, en dehors de l'urgence.

POURTANT, UN ENFANT QUI S'ENNUIE AUJOURD'HUI

EST UN ENFANT DONT LES PARENTS S'OCCUPENT MAL!

Parce que nous sommes dans une société de la tyrannie du «faire» et de l'hyperacti-vité, qui prône l'efficacité et la performance y compris dans les moments de loisirs. Et les parents se sentent effectivement cou pables quand ils ne proposent pas des loi sirs programmés, des activités attrayantes, sophistiquées ou rentables. Il ne faut pas craindre de vivre à contre-courant! Je vais

vous raconter une anecdote. En novembre dernier, lors des vacances de

la Toussaint, j'ai emmené mes deux petits-fils de 12 ans et 14 ans à la montagne dans un chalet: il n'y avait rien de spécial à faire, ce n'était plus l'été, pas encore la saison du ski. Nous nous sommes occupés en récupérant du bois dans la forêt, nous avons demandé au menuisier du village de nous le découper, et nous avons fabri qué des petits objets pour les cadeaux de Noël. Lorsqu'ils ont retrouvé leurs parents, les deux gar çons ont affirmé qu'ils venaient de pas ser les meilleures vacances de leur vie! Pourtant, ils n'avaient rien fait d'extraordinaire, mais nous étions avec eux, nous avons fait des choses ensemble. Vous voyez, c'est simple il n'est pas très compliqué de partager quelque chose avec ses enfants, ne serait-ce qu'une conversa tion, une marche... C'est à la portée de chacun.

«C'est aussi dans

l'inactivité que les choses se décantent, que l'enfant trouve

l'inventivité nécessaire pour s'occuper par la

suite et se diriger vers ce qui l’inspire »

5756

«ÊTRE AVEC», « FAIRE QUELQUE CHOSE» AVEC SES ENFANTS, C'EST PARFOIS PLUS EXIGEANT QUE DE LES INSCRIRE À UN CLUB, UN STAGE, UN CAMP...

Il ne s'agit pas non plus de les faire tourner en rond durant deux mois - leur proposer des activités choisies est profitable. Mais ne négligeons pas ces temps indispen sables pour leur construction inté rieure où nous fai sons des choses avec eux.Donner son temps, c'est donner de l'amour, de l'attention; c'est savoir reconnaître le ressenti de l'enfant et lui accorder la place qui lui revient. Quand un enfant dit: «Je m'ennuie», moi j'entends parfois: «Je m'ennuie de toi», «J'ai besoin de parler», J'ai envie d'être avec toi». Faire des pâtisseries, coudre des vêtements, fabriquer des petits objets avec eux, sont des occa sions de précieuses retrouvailles dans une proximité chaleureuse où s'enracinent des souvenirs de moments fugitifs, mais privilégiés.

IL NE FAUT PAS SE CULPABILISER DE NE PAS RÉPONDRE TOUT DE SUITE À LA PLAINTE «MAMAN, JE M'ENNUIE... »?

Non. N'ayons pas peur d'introduire une part de délai, d'attente et de frustration face à cette demande. Satisfaire trop rapidement un enfant l'empêche d'exploiter et de développer ses facultés.

Françoise Dolto a rappelé combien le manque est essentiel pour se construire. D'abord

parce que le fait d'être comblé n'existe pas, c'est impossible; « Il faut pouvoir supporter le

manque et parfois même le créer. N'ayons pas peur de la frustration! Il est dans

l'ordre des choses que les parents frustrent» - dans des proportions

raisonnables, cela va sans dire - « et que les enfants contestent, c'est-à-dire réagissent! »

En tout cas, il ne faut pas avoir peur d'y confronter l'enfant. Ne pas répondre tout de suite, trop vite, à cette plainte « Je m'ennuie » laisse le temps à l'enfant de trouver lui-même une occupation et favorise son ini tiative et son indépendance de pensée. Ces instants où l'on ne fait rien, ces moments de vacuité

sont nécessaires pour s'aventurer dans l'imaginaire, pour trouver

des idées personnelles, originales, qui ne seront peut-être pas réalisables tout de suite mais qui permettent à l'enfant, ou à l'adolescent, de se projeter dans l'avenir. Sinon, il n'est que

dans l'automatisme de la répétition, dans un sillon qui l'empêche de sortir des

sentiers battus.Bref, dans l'ennui, on peut

imaginer d'autres choses, d'autres solutions, d'autres projets, d'autres réalisations de soi -même.

UN ADOLESCENT QUI TRAÎNE TOUTE LA JOURNÉE, SANS BUT, C'EST TOUT DE MÊME INQUIÉTANT...

Bien sûr, on ne peut pas laisser un enfant traîner durant deux mois

de vacances, ni s'en nuyer tout le temps. Il ne s'agit pas non plus de

justifier la léthargie de certains enfants, surtout adolescents, chez qui cela peut être le signe d'une dépression larvée. Je pense à ces jeunes Japonais qui, soumis à un rythme frénétique et

LA VIE INTÉRIEURE DE NOS ENFANTS – V LA VIE INTÉRIEURE DE NOS ENFANTS – V

Dans un lit, à ne rien

faire« […] J’ai l’impression que les

personnes les plus armées face à la mort ont expérimenté dans leur vie le non-faire, comme être assis

sur un banc à recevoir un rayon de soleil ou à regarder la nature.

Ce sont des personnes qui vivent une dimension contemplative

naturelle ou qui ont des pratiques plus organisées, comme la

méditation. Elles ont vécu des expériences qui ne sont pas de

l'ordre de l'intellect ou de la pensée, et qui mettent en jeu la sensorialité. Je parle bien sûr de

la mort au terme d'une maladie où les personnes se retrouvent dans un lit, à ne rien faire pendant des

heures.

Je les sens calmes et détendues, elles ne s'ennuient pas avec elles-

mêmes.»

Extrait de : Le courage de vivre pour mourir,

Marie de Hennezel citée par Nourit Masson-Sékiné,

Albin Michel / Espaces libres.Famille Chrétienne Hors-Série, pages 23 à 27

« Donner son temps, c’est donner

de l’amour, de l’attention ; c’est

savoir reconnaître le ressenti de

l’enfant »

«Il faut pouvoir supporter le

manque et parfois même le créer.

N'ayons pas peur de la frustration! Il est dans l'ordre des choses que les parents frustrent»

insoutenable, se replient dans leur cocon, refusant toute com-munication avec l'extérieur, reclus dans leur chambre.

Je ne défends pas l'ennui pour l'ennui. Mais je soutiens qu'on en fait trop et qu'après une année très chargée, il n'est pas forcément souhaitable de faire enchaîner à l'enfant un stage multiactivité où vont se succéder dans la même journée la descente d'une rivière en kayak, une exploration en VTT et la visite d'un parc d'attractions. On assiste à une suren-chère destructrice dans cette société qui a fait de la performance son culte, son idole! N'hésitons pas, même si les jeunes récri minent au départ, à leur offrir des moments de retour sur soi, des plages d'inactivité qui ponctuent ces périodes d'activité.

Etty Buzyn est aussi formatrice de professionnels de la petite enfance. Elle a travaillé en crèche, en maternité, en néonatalogie et en pédiatrie, à l'Aide sociale à l'enfance. Elle a trois enfants et plusieurs petits-enfants. Auteur de plusieurs ouvrages, dont: Papa, Maman, laissez-moi le temps de rêver!, Me débrouiller, oui, mais pas tout seul ! L’Autonomie, mode d'emploi (Albin Michel), elle a participé la réalisation du film Osons être parents.Contact: Mouvement mondial des mères, Boîte 55, 14, avenue René Boylesve, 75016 Paris.

w w w . m m m f r a n c e . o r g

5958

Les quatre vents (7,1-8) Madrid BN Vit 14-2 (folio 145)Voici l'univers, jardin de lumière et brasier d'amour, entouré des ténèbres de la mer : la terre, couleur de feu, porte des arbres foison nants, les ondulations des vagues l'entourent. Un large ruban bleu marine, parsemé d'arêtes blanches, squelettes décharnés des poissons, encercle le monde créé. La mer, c'est-à-dire la mort, assiège le paradis, Satan voudrait l'engloutir.Aux quatre angles, des anges, vêtus de robes jaunes, à l'allure un peu nonchalante, rapprochent de leurs visages un ensemble de filaments blancs tel un curieux éventail, qui exprime l'insaisissable souffle des vents dont ils ont reçu la garde. Les vents leur tiendraient-ils lieu d'ailes puisque leurs épaules ne portent rien qui les caracté rise ? Dans l'obscurité du ciel brille un soleil rouge aux rayons blancs et dorés, qui se lève pour se coucher dans la nuit et se relever à l'aurore et donc représente le Christ ressuscité.Venu de l'Orient, comme la lumière du soleil, un ange descend du ciel pour prévenir les gardiens des vents de ne pas ravager la terre avant qu'il ait eu le temps de marquer du sceau divin les serviteurs de Dieu. Subtile expression : le sceau est ici une croix carrée exactement semblable à celle qui accompagne l'agneau sur les autres miniatures. Lors de la sortie d'Égypte, les maisons

CONTEMPLER L’APOCALYPSE CONTEMPLER L’APOCALYPSE

pocalypse … « L’Apocalypse

de saint Jean a traversé et nourri

l’imaginaire de notre civilisation. Faute d’en avoir reçu les

clés d’interprétation, le lecteur projette sur ce texte ses peurs, ses

terreurs, ses désirs et ses pulsions. C’est

évidemment une erreur. Au fil des

mois, nous allons donc nous laisser apprivoiser par ce

texte guidé pas à pas par des illustrations…

Aujourd’hui, plus qu’à toute autre

période, nous sommes tentés d’oublier le

passé et de ne guère donner crédit à

l’avenir, perdus que nous sommes dans

le tourbillonnement anonyme des

individus. «L’Apocalypse nous inscrit dans une très

longue durée, ''du commencement à la fin''. Nos actes

s’inscrivent dans cette durée où ils trouvent

sens.» (Cardinal Jean-Marie Lustiger)

des Hébreux portaient sur le linteau de leur porte une marque faite avec le sang de l'agneau pascal, signe de reconnaissance pour qu'elles soient protégées (Ex 12,22). Le sceau du Seigneur est désormais le signe de croix trempé dans le sang de celui qui s'est fait agneau pour marquer le front des baptisés, ses élus. Dans une disposition qui rappelle celle de la cour de Justinien sur les mosaïques de Ravenne, les représentants des douze tribus d'Israël sont placés les uns à côté des autres, mais pour donner du rythme à cette procession, on joue sur les couleurs des vêtements et leur alternance. Les uns sont habillés de tuniques bicolores, rouge et noire, d'autres tout en jaune forment des taches vives. Aucune monotonie dans les auréoles multicolores, en revanche telle une broderie qui ressort sur les bandes orange et mauve, les petits pieds tout blancs, de profil, symbolisent la pureté des corps ressuscités qui se tiennent debout.La conception de cette miniature illustre la Genèse quand Dieu créa le monde : « Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux...» (Gn 1, 6). Désormais le ciel, demeure des élus, se confond avec cet espace de lumière occupé sur deux rangs dans un fond lumineux face au tohu-bohu terrestre et sombre où la mort règne sur son domaine que symbolisent ici les flots marins qui gardent en empreinte les arêtes des poissons tels des fossiles : ils rappellent aux vivants qu'ils sont encore otages de la mort jusqu'au retour glorieux du Seigneur.

-VII7.1 Après cela, je vis quatre anges, debout aux quatre coins de la terre. Ils retenaient les quatre vents de la terre, afin que nul vent ne souffle sur la terre, sur la mer, ni sur aucun arbre.

7.2 Et je vis un autre ange monter de l'Orient. Il tenait le sceau du Dieu vivant. D'une voix forte il cria aux quatre anges qui avaient reçu pouvoir de nuire à la terre et à la mer :

7.3 Gardez-vous de nuire à la terre, à la mer et aux arbres, avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu.

7.4 Et j'entendis le nombre de ceux qui étaient marqués du sceau : cent quarante-quatre mille marqués du sceau, de toutes les tribus des fils d'Israël.

7.5 De la tribu de Juda, douze mille marqués du sceau, de la tribu de Ruben douze mille, de la tribu de Gad douze mille,

7.6 de la tribu d'Aser douze mille, de la tribu de Nephtali douze mille, de la tribu de Manassé douze mille,

7.7 de la tribu de Siméon douze mille, de la tribu de Lévi douze mille, de la tribu d'Issachar douze mille,

7.8 de la tribu de Zabulon douze mille, de la tribu de Joseph douze mille, de la tribu de Benjamin douze mille marqués du sceau.

7.9 Après cela je vis : C'était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l'agneau, vêtus de robes blanches et des palmes à la main.

7.10 Ils proclamaient à haute voix : Le salut est à notre Dieu qui siège sur le trône et à l'agneau.

7.11 Et tous les anges rassemblés autour du trône, des anciens et des quatre animaux tombèrent devant le trône, face contre terre, et adorèrent Dieu.

7.12 Ils disaient : « Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! »

Commémoration des fidèles défuntsLa Commémoration des défunts est le complément de la fête de la Toussaint : ces deux jours nous rappellent ce dogme consolant appelé par l’Église la Communion des saints. La terre, le purgatoire, le ciel sont la même Église de Jésus-Christ en des états différents ; les fidèles vivants, les défunts dont l’âme a besoin d’être purifiée, les élus déjà parvenus au sein de la gloire sont tous frères ; les uns ont été hier ce que nous sommes, et demain, avec le secours de la grâce, nous serons ce qu’ils sont eux-mêmes. Pleurons nos défunts, revêtons-nous de deuil à la mort de nos parents et de nos amis, gardons leur souvenir ; mais cela ne suffit pas : prions pour eux.

La foi nous enseigne qu’entre la terre et le ciel il y a un lieu intermédiaire appelé purgatoire, lieu de purification, où les âmes des élus dont la pureté n’est pas parfaite expient le reste de leurs fautes. Dieu est si pur, Dieu est si saint, que nul ne peut voir Sa face à découvert ni être admis en Sa présence, s’il n’est exempt de la plus légère souillure.

Ne nous rassurons pas trop vite sur l’entrée au ciel de nos défunts : nous avons tous à craindre pour eux que leur âme ne soit retenue captive dans ce lieu d’expiation. Ces âmes demandent à grands cris notre secours, elles se plaignent de notre abandon. Prions pour elles, offrons à Dieu nos bonnes œuvres, nos souffrances, les indulgences, et surtout le Saint Sacrifice de la Messe, pour leur soulagement et leur prompte délivrance. Puissions-nous souvent être hantés par cette pensée : « Les âmes souffrantes m’implorent ; je puis facilement leur venir en aide ; à l’œuvre, sans retard et sans trêve !» La dévotion envers les âmes du purgatoire aura pour nous-mêmes un résultat salutaire : elle attirera sur notre âme, après notre mort, les miséricordes divines promises aux cœurs miséricordieux.

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Fête de la Toussaint – LES FÊTES CHRÉTIENNES FÊTE DE LA TOUSSAINT COMMÉMORATION DES FIDÈLES DÉFUNTS

Qu’est-ce que la Toussaint?Comme son nom l’indique, la Toussaint est la fête de tous les saints. Chaque 1er novembre, l’Église honore ainsi la foule innombrable de ceux et celles qui ont été de vivants et lumineux témoins du Christ.Si, à l’issue d’une procédure dite de « canonisation », un certain nombre d’entre eux ont été officiellement reconnus et nous sont donnés en modèles, l’Église sait bien que beaucoup d’autres ont également vécu dans la fidélité à l’Évangile et au service de tous. C’est bien pourquoi, en ce jour de la Toussaint, les chrétiens célèbrent tous les saints, connus ou inconnus. Cette fête est donc aussi l’occasion de rappeler que tous les hommes sont appelés à la sainteté, par des chemins différents, parfois surprenants ou inattendus, mais tous accessibles. La sainteté n’est pas une voie réservée à une élite : elle concerne tous ceux et celles qui choisissent de mettre leurs pas dans ceux du Christ. Ainsi ont été béatifiées et canonisées des figures aussi différentes que le Père Maximilien Kolbe, Edith Stein, Padre Pio , Mère Teresa, Jean-Paul II…La vie de ces saints constitue une véritable catéchèse, vivante et proche de nous. Elle nous montre l’actualité de la bonne nouvelle et la présence agissante de l’Esprit saint parmi les hommes. Témoins de l’amour de Dieu, ces hommes et ces femmes nous sont proches aussi par leur cheminement – ils ne sont pas devenus saints du jour au lendemain -, par leurs doutes, leurs questionnements… en un mot : leur humanité. La Toussaint a été longtemps célébrée à proximité des fêtes de Pâques et de la Pentecôte. Ce lien avec ces deux grandes fêtes donne le sens originel de la fête de la Toussaint : goûter déjà à la joie de ceux qui ont mis le Christ au centre de leur vie et vivre dans l’espérance de la Résurrection.

Qu’est-ce que la sainteté ?Le texte des Béatitudes, qui est l’Évangile lu au cours de la messe de la Toussaint, nous dit à sa manière que la sainteté est accueil de la Parole de Dieu, fidélité et confiance en Lui, bonté, justice, amour, pardon et paix. « Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés ! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés ! Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu ! Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux! » (Matthieu 5, 1-12a)

(site Eglise Catholique .fr)

6362 MARIE MARIE

UNE CONSÉCRATION POUR VIVRE EN MARIE

Par Joël Guibert Prêtre du diocèse de Nantes détaché pour la prédication de retraites, il a récemment publié l’Art d’être libre, les bienfaits du détachement et Prêtre (éd. De l’Emmanuel)

Pour être mieux saisi par l’Esprit-saint, la consécration mariale nous entraîne dans une «dépendance intérieure» vis-à vis de la Vierge. Une disposition spirituelle à acquérir et à développer dans le quotidien.

MARIE -VIII fin

La consécration à Dieu par la Vierge Marie a été remise au goût du jour par la devise de Jean-Paul II « Totus tuus » («Tout à toi Marie »), empruntée à saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716). Elle consiste, par la récitation solennelle d'un acte de donation (voir ci-contre), à prendre Marie pour mère, à l'image de l'apôtre Jean, et à déployer la vie de notre baptême sous son influence et avec son aide.Cette consécration est faite à Dieu en tant que terme ultime, Marie n'est que le chemin privilégié pour y parvenir. Mais alors, pour quoi passer par Marie pour aller à Dieu ? Parce que Dieu a fait le choix de venir à nous par Marie... Il nous convie à emprunter le même chemin — sa mère — pour revenir à Lui, pour vivre de Lui : « Il faut pour monter et s'unir à Dieu, se servir du même moyen dont il s'est servi pour descendre à nous, pour se faire homme et pour nous communiquer ses grâces; et ce moyen est une vraie dévotion à la Sainte Vierge » (Louis-Marie Grignion de Montfort, Le Secret de Marie). S'il en est ainsi, toute grâce qui nous vient de l'Esprit de Dieu est mariale, baignée dans la maternité divine de Marie, que nous le sachions ou pas, que nous le voulions ou non.La consécration à Dieu par Marie n'est donc pas un « ajout» à la vie chrétienne, concédé à certaines sensibilités, elle est l'essence même de notre vie de baptisé.

Comment vivre la consécration mariale au quo tidien?La consécration n'est jamais derrière nous mais toujours devant, c'est-à-dire qu'elle est à remettre sur l'établi à chaque instant. C'est pour cela qu'on devrait plutôt parler d'une « vie en Marie». Réciter la prière de consécration, même quotidiennement et avec ferveur, serait trop court pour vivre en profondeur une telle démarche. La consécration nous entraîne dans une véritable «dépendance intérieure » vis-à-vis de Marie, ceci afin de mieux nous laisser saisir par l'Esprit saint : « Quand le Saint-Esprit

trouve Marie dans une âme, il y vole, il y entre pleinement, il se com munique à cette âme abondamment et autant qu'elle donne place à son Épouse » (Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion).Si la consécration consiste à vivre de

l'Esprit en Marie, l'enjeu sera de tout vivre en elle, de se laisser conduire par elle, aussi simplement qu'un petit enfant le ferait avec sa maman. Pour cela, il faudra développer à travers les riens du quotidien un réflexe marial que l'on peut décomposer en trois attitudes : renoncer, se recevoir, renouveler. Si le cœur vous en dit, osez cette petite voie mariale ! Cette vie en Marie ne fait pas échapper à la croix, bien sûr, mais elle est source d'une pro fonde liberté intérieure, de paix, de joie, de fécondité apostolique...

Chaque instant sur l’établi, remettons la

consécration

Adoptez les trois bonnes attitudesTrois attitudes fondamentales nous aident à vivre la consécration à Dieu par Marie, selon le bon père de Montfort.

Renoncer« Avant d'entreprendre quelque chose, il faut renoncer à soi-même et à ses meil leures vues », nous dit Louis-Marie Grignion de Montfort (Le Secret de Marie). Dès que se présente un événement, une rencontre, une tâche à exécuter, il faut tout d'abord renoncer à la précipitation, notre mode habituel souvent trop humain de fonctionner, d'analyser, de faire, de répondre...

Se recevoirLe père de Montfort recommande ensuite de s'en remettre à Marie pour recevoir, par elle, tout d'abord les inspi rations de l'Esprit saint. En effet, l'Esprit sait mieux que nous ce qui est bon pour nous, et ilsait se montrer « compétent » en tout domaine, pour peu que nous y croyions et que nous le laissions nous entreprendre. Il s'agit aussi de se recevoir des mains de Marie afin de la laisser agir en nous et par nous. C'est très simple — trop simple dans un premier temps, ce qui en fait d'ailleurs le difficile ! —, cela s'apprend avec patience et persévérance. Cela demande tout de même une obéis sance virile à la volonté de Dieu ainsi qu'une attention amoureuse aux touches discrètes de l'Esprit qui, par Marie, veut nous guider.

RenouvelerCe réflexe spirituel portera difficilement des fruits s'il n'est pratiqué qu'épisodiquement. Il faut qu'il devienne un style de vie, une disponibilité intérieure de tous les instants, sans aucune tension bien sûr.

Je te choisis,aujourd'hui, Ô Marie,en présence de toutela Cour céleste,pour ma Mère et ma Reine.

Je te livre et consacre,en toute soumission et amour,mon corps et mon âme,mes biensintérieurs et extérieurs,et la valeur mêmede mes bonnes act ionspassées , présentes et futures ,te laissant un entier et plein droitde disposer de moiet de tout ce qui m'appartient,sans exception,selon ton bon plaisir,à la plus grande Gloire de Dieudans le temps et l'éternité.

Louis-Marie Grignion de Montfort

6564 LES PÈRES DE L'ÉGLISE LES PÈRES DE L'ÉGLISE

UN ARISTOCRATE FORTUNÉUn évêque de Nole ! Il s’agit d’une petite ville de Campanie, pas très loin de Naples, qui garde le souvenir de deux défaites d’Hannibal (en 216 et 215 av. J.-C.), de la mort de l’empereur Auguste (14 de notre ère) et du martyre du prêtre S. Félix (v. 200-202). Paulin n’est pas originaire de cette région, mais sa famille y avait une propriété. Il est né à Bordeaux, vers 350, dans une riche famille de l’aristocratie sénatoriale, ayant de grandes propriétés en Aquitaine, en Espagne et en Campanie. Elle assura à Paulin une éducation telle qu’il pouvait prétendre aux plus hautes magistratures. Sous la conduite d’un poète renommé, Ausonne, il acquit une solide culture littéraire, fréquenta les meilleurs poètes latins classiques, Virgile, Térence, Horace, et à leur exemple développa ses propres talents avec succès.

EXPÉRIENCE ROMAINE (378-383)Âgé d’une vingtaine d’années, Paulin gagne Rome pour entrer dans l’administration de l’empire et devient gouverneur de Campanie. Dans l’exercice de sa charge, il doit superviser la construction d’une route près du tombeau de saint Félix, à Nole. Le 14 janvier 379, il assiste à la fête du saint : « Jeune Gaulois, venu des rives d’Occident, dit-il au saint, dès que j’eus franchi, en tremblant, le seuil de ton sanctuaire, quand je vis les merveilles qui s’opéraient devant les portes de ton église (…) de toutes les forces de mon âme j’adhérai à la foi divine » ( cité par Ch. Pietri, Saint Paulin de Nole, éd. du soleil levant, Namur, 1964, p.8).

PRÉPARATION AU BAPTÊMERevenu d’Italie, Paulin retrouve son Aquitaine et ses amis, épouse une jeune et riche aristocrate espagnole, Thérésia, plaide quelquefois à Bordeaux et mène une vie mondaine nonchalante et raffinée en compagnie de son maître Ausone. Thérésia est une femme de caractère et une fervente chrétienne ; petit à petit, elle arrive à orienter l’esprit de Paulin vers autre chose que les compositions élégantes et légères qui font le plaisir d’Ausonne et de ses amis. Pendant cette période, Paulin fait la connaissance de l’évêque Martin de Tours dont la prière le guérit d’une maladie des yeux. Durant un séjour en Italie, il fait une deuxième rencontre qui va le marquer profondément, celle de l’évêque de Milan, Ambroise, celui-là même qui fit entrer saint Augustin dans l’Église, à Pâques 387. Autour de cet évêque gravite un groupe de jeunes aristocrates gagnés par l’idéal chrétien vécu dans la prière et l’ascèse. La grâce se sert de leur exemple, de la sainteté rayonnante d’Ambroise et de l’influence de Thérésia pour décider Paulin à recevoir le baptême ; ce sera à Bordeaux v. 389.

PREMIÈRE RETRAITE, EN ESPAGNE, LE SACERDOCEDes drames viennent bouleverser la vie familiale et la tranquillité du jeune couple. Au cœur de cette tourmente il se confie à saint Félix dont il devient un fervent admirateur et témoin reconnaissant. Vers 393, une lettre de saint Ambroise nous apprend que Paulin et Thérésia ont décidé de vendre leurs propriétés au profit des pauvres, imitant ce qu’ont fait Ambroise, Basile et beaucoup d’autres en devenant disciples du Christ. À Noël 394, les fidèles de Barcelone mettent la main sur lui pour l’ordonner prêtre, un peu comme les fidèles de Milan s’étaient comportés en décembre 373 envers Ambroise pour en faire un évêque ! Vox populi, vox Dei ! Mais Paulin pense à une retraite d’ascèse et de prière en Campanie. Il s’en remet à la direction d’un ascète renommé, saint Jérôme, qui, de Bethléem, lui envoie un programme de vie monastique exigeant. Malgré les récriminations des fidèles de Barcelone, Paulin et Thérésia quittent l’Espagne pour gagner Nole où ils s’installent définitivement.

RETRAITE SOUS LE PATRONAGE DE SAINT FÉLIXÀ partir de 396, Paulin et Thérésia ainsi qu’une petite communauté élisent domicile au premier étage d’un établissement construit par Paulin pour les pauvres près du tombeau de saint Félix. Ils y mènent une vie de prière, d’étude de la Parole de Dieu, de jeûne et d’assistance aux pauvres, tout comme au même moment à Marmoutiers autour de saint Martin, à Hippone avec Augustin, à Bethléem avec saint Jérôme. Ces saints et leurs communautés étaient en relation épistolaire et se communiquaient leurs expériences et leurs soucis. Il abandonne tout ce qui rappelle la qualité, le rang de sa famille et sa dignité consulaire, se comporte très humblement, vêtu d’une tunique en poil de chèvre ou d’un vêtement de laine d’agneau, serré à la taille par une corde. Autour du tombeau de saint Félix, la solitude est souvent troublée par les pèlerins attirés par le don de guérison du martyr et la renommée de Paulin.En 410, Nole, à la suite de Rome, est envahie par les Goths d’Alaric et livrée au saccage. Les bâtiments et églises édifiés par Paulin sont pillés, Paulin est fait prisonnier, puis libéré. Cette invasion barbare cause un profond traumatisme dans tout l’empire ; il affecte surtout les gens de l’aristocratie imbus de la grandeur et l’invincibilité de Rome, symbole de la Civilisation. Jérôme et Augustin en sont les témoins dans leurs écrits, notamment Augustin qui médite sur les événements et l’histoire de l’humanité et commence à écrire La Cité de Dieu.

L’ANCIEN GOUVERNEUR DE CAMPANIE DEVIENT L’ÉVÊQUE DE NOLEOn ne dispose d’aucun document concernant l’élévation de Paulin à l’épiscopat, probablement entre 410 et 413. Saint Augustin, commençant à relater les événements de 410, écrit ceci : « Paulin, l’évêque de Nole, qui a volontairement échangé les opulentes richesses contre une totale pauvreté et une sainteté inépuisable, tomba aux mains des barbares. » C’est à la même période que Paulin perd son épouse et compagne de vie à la suite du Christ pauvre.La renommée de sainteté de l’évêque Paulin gagne l’Italie ; on vient le consulter ; saint Augustin sollicite son concours pour lutter contre l’erreur pélagienne. En 419, la sœur de l’empereur Honorius, Galla Placida, l’invite à Ravenne pour régler le problème de la succession de l’évêque de Rome et tient à sa présence. L’absence de Paulin à Ravenne l’oblige à donner un autre rendez-vous à l’épiscopat italien. De toute la correspondance entre Paulin et Augustin il ne reste qu’un petit traité concernant l’inhumation des fidèles près de la tombe d’un saint.

LA MORT DE SAINT PAULINIl est rappelé par Dieu, peu après son ami Augustin, dix ans après son conseiller Jérôme et son ami l’historien Sulpice Sévère à qui on doit une Vie de Saint Martin. Un témoin du nom d’Uranus nous relate les derniers jours de

Paulin. Il reçoit la visite mystérieuse de saint Martin de Tours (+ 397) puis de saint Janvier puis « il rassembla les prêtres et les diacres et leur adressa une instruction sur l’esprit de paix ; plus tard, quand il comprit que la prière du soir était venue, il sembla sortir du sommeil, il étendit les bras et d’une voix lente il chanta : « J’ai préparé pour le Christ la lampe de mon âme et j’ai chanté. » Puis il se fit un grand silence et vers la quatrième heure de la nuit (…) la cellule fut violemment secouée par un tremblement de terre et tous ceux qui se tenaient autour du lit, épouvantés, se jetèrent à genoux pour prier ; l’âme de Paulin venait de rejoindre Dieu » (Ch. Pietri, id. p.15-16).L’HÉRITAGE SPIRITUEL LAISSÉ PAR PAULINIl s’agit surtout d’œuvres écrites en vers, que ce soit des lettres ou des discours et même des sermons. Paulin n’est pas un théologien comparable à ses illustres amis et correspondants, Ambroise, Martin, Jérôme, Augustin. C’est un chrétien cultivé conquis par le Christ qui se livre à l’ascèse, la recherche de la perfection, et transmet son expérience en s’adaptant à son auditoire composé généralement de gens simples touchés par des histoires merveilleuses, comme les miracles attribués à saint Félix. Dans un ensemble de lettres sur la perfection chrétienne, voici ce qu’il dit de son Christ : Le Christ est la lumière de Vérité, le chemin de la vie, la force, l’esprit, la main, la puissance du Père, le soleil de Justice, la source de tous les biens, la fleur de Dieu. Né de Dieu, créateur du monde, il est la vie de notre humanité mortelle, la mort de notre mort ; il est le maître des vertus ; pour nous, il est Dieu ; pour nous il est homme, lui qui s’est dépouillé afin de nous revêtir. Médiateur, il a établi des liens éternels entre Dieu et les hommes. Lorsqu’il lance du haut du ciel un rayon de sa lumière dans nos cœurs, il fait disparaître la pourriture qui ronge notre corps languissant, il nous donne une âme nouvelle ; il épuise la source de nos anciennes voluptés, il leur substitue de chastes plaisirs. Fort de son droit de maître, il revendique tout ce qui nous appartient, notre cœur, notre bouche, tous les instants de notre vie ; il veut que nous ne cessions de penser à lui, que nous le connaissions, que nous croyions en lui, que nous le choisissions, que nous le craignions, que nous l’aimions par-dessus tout (Poème 10 à Ausonne). Dans la recherche de la perfection, la pratique de la charité est indispensable : Prêtons au Seigneur avec les biens que nous avons reçus de lui ; nous ne possédons rien en effet qu’il ne nous ait donné ; sans sa volonté, nous n’existons même pas. Que pourrions-nous considérer comme nôtre ? En recevant la vie, nous avons contracté une immense dette, une dette privilégiée... Rendons au Seigneur ce qu’il nous a donné. Oui, c’est lui qui reçoit ce que nous donnons, dans la personne de chaque pauvre…Aujourd’hui, le Christ reçoit ce que nous lui donnons par l’intermédiaire de ses pauvres ; ce jour-là (du jugement) il nous le rendra généreusement, en leur nom… L’homme est, naturellement, le frère de l’homme. Prends soin du pauvre, autant que de toi-même, si tu veux imiter celui qui imite le Christ ; cherche le bien des autres et non le tien, pour que Dieu prenne généreusement soin de toi. (Lettre 34).

SAINT PAULIN DE NOLE (V. 350 - 22/6/431)

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ÉPISODE DU MANTEAUC'est là qu'a lieu l'acte le plus spectaculaire et connu de saint Martin : en 334, par un soir d’hiver rigoureux, il rencontre un pauvre grelottant de froid, presque nu. Martin n'a déjà plus de solde, l'ayant généreusement distribuée; mais il se rappelle la parole de l'Évangile : J'étais nu, et vous m'avez couvert. « Mon ami, dit-il, je n'ai que mes armes et mes vêtements. » Et, taillant avec

ANNIVERSAIRE DES SAINTS SAINT MARTIN

SAINT MARTINÉ v ê q u e d e T o u r s A p ô t r e d e s G a u l e s ( c . 3 1 6 - 3 9 7 )

son épée son manteau en deux parts, il en donne une au mendiant. La nuit suivante, Jésus-Christ lui apparaît en songe, vêtu de cette moitié de manteau et disant à ses anges : « C'est Martin, encore simple catéchumène, qui m'a ainsi couvert. »

Selon Sulpice Sévère, Martin servira encore deux années dans l'armée romaine, puis, en garnison à Amiens, se fera baptiser à Pâques.

Saint Martin de Tours, souvent appelé Martin le Miséricordieux, l'un des plus grands saints de France, naît en 316 ou 317, en Pannonie, l’actuelle Hongrie. Son père, originaire de Pavie en Italie, est un officier supérieur chargé de l’administration de l’armée romaine. Martin, bien qu'élevé dans le paganisme, en méprise le culte. À cette époque, la Chrétienté se développe beaucoup, et Martin enfant a de nombreux contacts avec des chrétiens et ne se plaît que dans l'assemblée des fidèles, où il se rend souvent malgré l'opposition de sa famille. Vers l’âge de 10 ans, il veut déjà se convertir au christianisme. Le père de Martin, militaire de haut niveau voué au culte de l'empereur, est irrité de voir son fils tourné vers une foi nouvelle. Alors que l'âge légal de l’enrôlement est de 17 ans, il force son fils de 15 ans à entrer dans l’armée romaine. Il est probable que Martin ne s’est laissé convaincre que pour ne pas nuire à la position sociale de ses parents tant sa vocation chrétienne est puissante. Mais il ne dépassera jamais le grade de sous-officier.Bientôt Martin est affecté en Gaule, pays prédestiné qu'il évangélisera un jour. Charité, désintéressement, pureté, bravoure, telle est, en peu de mots, la vie de Martin sous les drapeaux.

Nous sommes en mars 354. C'est l'époque des grandes invasions germaniques, et les Barbares sont aux portes de l'Empire romain. Martin va donc participer à la campagne sur le Rhin, contre les Alamans, en Rhénanie. Ses convictions religieuses lui interdisant de verser le sang, il refuse de se battre, mais, pour prouver qu’il n’est pas un lâche et qu’il croit à la Providence et à la protection divine, il propose de servir de bouclier humain. Il est enchaîné et exposé à l’ennemi mais, pour une raison inexpliquée, les Barbares demandent la paix.

En 356, Martin, qui a 40 ans, quitte l'armée; il se rend à Poitiers pour rejoindre Hilaire, évêque de la ville depuis 350, et se mettre à son service. Tous deux ont le même âge et appartiennent à l’aristocratie. Mais le statut d’ancien homme de guerre de Martin l'empêche de devenir prêtre. Il reçoit alors une formation d’exorciste, cette fonction étant alors considérée comme inférieure et humiliante. À cette époque, la chrétienté est déchirée par divers courants de pensée antagonistes, dont l'arianisme qui nient la Divinité du Christ, contrairement aux trinitaires de l'Église romaine. Or les ariens sont très influents auprès du pouvoir romain décadent. C'est ainsi qu'Hilaire, un trinitaire, est victime de ses ennemis politiques et religieux, tombe en disgrâce et est exilé. Martin est alors averti en songe, qu’il doit rejoindre ses parents afin de les convertir. Il réussit à convertir sa mère mais son père reste étranger à la foi de Martin qui part s’installer à Milan. Chassé par les ariens, il part s’isoler sur l’île de la côte ligure. Il revient en France en 360 pour y retrouver saint Hilaire, libéré.

Sur ses conseils, Martin s’installe comme ermite près de Poitiers. Des disciples étant venus le rejoindre, Martin fonde le monastère de Ligugé, premier monastère d’Occident, et principal lieu de l’activité d’évangélisation de saint Martin pendant dix ans. C'est là qu'il accomplit ses premiers miracles.

ÉVÊQUE DE TOURSEn 371, l’évêque de Tours vient de mourir. Les habitants veulent nommer Martin qui les illumine par l’éclat de sa sainteté et ses miracles, mais celui-ci s’est choisi une autre voie et n’aspire pas à l'épiscopat. Ils l’enlèvent donc et le proclament évêque le 4 juillet 371 sans son consentement; Martin se soumet en pensant qu’il s’agit là sans aucun doute de la volonté divine. Depuis, sa vie n’est plus qu'une suite de prodiges et de travaux apostoliques. Bien qu’évêque, il ne modifie en rien son train de vie. Mais après avoir visité et renouvelé son diocèse, l'homme de Dieu se sent pressé d'étendre au dehors ses courses et ses travaux.

MOINE-ÉVÊQUE Il crée un nouvel ermitage à 3 km au nord-est des murs de la ville : c’est l’origine de Marmoutier avec pour règle la pauvreté, la mortification et la prière.

Les moines doivent se vêtir d’étoffes grossières sur le modèle de saint Jean-Baptiste qui était habillé de poil de chameau.

Ils copient des manuscrits, pêchent dans la Loire; leur vie est très proche de ce que l’on peut lire dans les Évangiles sur la vie des premiers apôtres, jusqu’aux grottes qui abritent dans les coteaux de la Loire des habitations troglodytes où s’isolent des moines ermites.

Le monastère est construit en bois ; Martin vit lui-même dans une cabane de bois dans laquelle il repousse les « apparitions diaboliques et

converse avec les anges et les saints » : c’est une vie faite d’un courage viril et militaire qu’il impose à sa communauté.

MISSIONNAIRE ET APÔTREMarmoutier, centre de formation pour l’évangélisation des campagnes, compte rapidement quatre-vingts moines et devient la principale base de propagation du christianisme en Gaule.

Vêtu d'une pauvre tunique et d'un grossier manteau, assis sur un âne, accompagné de quelques moines, Martin part en pauvre missionnaire pour évangéliser les campagnes, faisant détruire les temples et les idoles, et les remplace par des églises ou des ermitages.. Il parcourt presque toutes les provinces gauloises et fonde les premières églises rurales de la Gaule, tout en sillonnant une partie de l’Europe: Allemagne, Luxembourg, Suisse, Espagne…Ni les montagnes, ni les fleuves, ni les dangers d'aucune sorte ne l'arrêtent. Quand il perçoit une résistance exceptionnelle de la part des païens à ses efforts d'évangélisation, il a recours à son arme favorite, la pénitence. Se revêtant d'une haire à même la peau, il se couvre de cendres, prie et jeûne pendant trois jours. Partout sa marche est victorieuse, et il mérite par excellence le nom de Lumière et d'apôtre des Gaules.

SA MORT Nous sommes en 397. Martin est appelé à Candes pour réconcilier des clercs. Malgré son grand âge, 81 ans, Martin s'y rend. Son intervention est couronnée de succès, mais le lendemain, 8 novembre 397, épuisé par sa vie de soldat du Christ, Martin meurt sur un lit de cendres, comme mouraient les saints hommes. Moine-évêque Missionnaire, apôtre de la Gaule, saint Martin est le premier saint à être vénéré sans avoir subi le martyre. Ses dernières paroles adressées à Dieu: "Seigneur, en voilà assez de batailles que j'ai livrées pour toi. Je voudrais mon congé. Mais si tu veux que je serve encore sous ton étendard, j'oublierai mon grand âge." Immédiatement disputé par les Poitevins et les Tourangeaux, le corps de Martin est subtilisé par ces derniers et rapidement reconduit, par le fleuve, la Loire, jusqu'à Tours où il est enterré le 11 novembre 397.

De tous ses hauts faits, cet épisode du manteau donné au pauvre reste le plus éclatant. Et les membres du commissariat chargé de soutenir les militaires (nourriture, vêtements...) ne pourront trouver meilleur saint protecteur pour accomplir jusqu'au bout leur mission, y compris en faveur du plus humble des soldats, comme s'il s'agissait du Christ. (Diocèse aux Armées françaises)

Le comité de rédaction, Nawal Arcache et Jean-Louis Mainguy, remercie tous les bénévoles qui contribuent à cette parution.La saisie du texte est assurée par Michella Al-Aya et Judy Abou Haidar

La mise en page et le graphisme sont assurés par Jimmy Papas et Jean-Louis Mainguy.

68 LE CREDO

…Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur…

COMPRENDRE LE CREDOAprès avoir fondé la foi chrétienne dans la paternité de Dieu, le Credo suit maintenant le développement de cette paternité : c'est en Jésus d'abord que se répand l'amour inépuisable du Père. Le Credo habituellement utilisé dans la liturgie eucharistique (Credo « de Nicée-Constantinople ») nous dirait ici que Jésus est Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, de la substance même du Père. Et cette plénitude porte en elle la mul tiplication de cette filiation première, qui fera de Jésus l'aîné d'une multitude de frères (Rm 8, 2).

Cette plénitude divine vécue comme Fils par Jésus fait de lui le révélateur du Père. Si bien que lorsqu'il par tagera notre condition humaine, Dieu pourra se dire tout entier « humainement », dans l'histoire de Jésus d'abord, dans l'Église qui la perpétue ensuite.C'est donc en Jésus, en ce qu'il a dit et en ce qu'il a vécu, qu'il nous faut chercher à connaître Dieu, non plus comme cause de tout ce qui est, mais dans l'intimité de son amour pour son Fils et pour ses fils. L'enseignement des apôtres nous donne la substance de cette révélation, liée à l'avènement historique du Christ, et la Tradition de l'Église nous en donne l'intelligence à travers l'expé rience chrétienne au fil des siècles.