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PREFACE"Lorsque vous sentez la souffrance d'un pote, pensez la douleur du prisonnier, car il brle du dsir d'un impossible voyage"

Alberto Savinio Comme un soleil noir, Wuthering Heights brle au cur de l'uvre d'Emily Bront, au risque d'occulter la constellation parse et plus voile des pomes. On sera toujours tent de lire ceux-ci la lumire ou en complment de celui-l, de refuser un statut autonome une posie dont le roman, ne serait-ce que d'un point de vue chronologique, semble l'aboutissement. Dans un sens, il est naturel qu'il en soit ainsi, puisque la posie s'est labore dans le secret alors que le roman, ds sa conception, tait destin au public. Pourtant, par sa force retenue, sa vertu exploratrice et son ampleur imaginative, par la vision directe qu'elle donne de l'activit cratrice de son auteur, cette posie non seulement occupe une place part au sein du romantisme anglais, mais permet d'clairer le roman. Si Wuthering Heights est l'enfant du gnie d'Emily Bront, la posie est bien la mre de ce gnie. La somme potique est relativement mince, mme si certains des quelque 160 pomes qu'elle regroupe sont longs et atteignent parfois plusieurs centaines de vers. Cette brivet ne surprend pas si l'on songe que, morte prs de trente ans en 1848, Emily Bront ne s'est consacre la posie que pendant une dizaine d'annes, de 1836, alors qu'elle tait ge de dix-huit ans, 1846. Mais force est de constater que son activit potique s'est interrompue avant mme sa mort, sans que rien ne permette, tous les papiers susceptibles de nous renseigner ayant t dtruits, de savoir si cet arrt tait dfinitif ou seulement momentan. Pour certains critiques, l'criture de Wuthering Heights, entre 1845 et 1846, a loign son auteur de la posie, ou puis son inspiration. Pour d'autres, la source s'est tarie lorsque Charlotte Bront eut viol le secret de sa sur en dcouvrant ses manuscrits soigneusement cachs et l'eut convaincue, malgr sa colre et ses rticences, de publier une vingtaine de pomes en mme temps que les siens propres et ceux de leur autre sur Anne sous les pseudonymes de Currer, Ellis et Acton Bell. Charlotte fut moins surprise qu'impressionne par le gnie d'Emily dont elle saisit aussitt l'originalit : "Un jour, l'automne de 1845, je tombai par hasard sur un manuscrit de pomes, de la main de ma sur Emily. Bien entendu, je ne fus pas tonne, sachant qu'elle tait capable d'crire des pomes et qu'elle en crivait. Je parcourus le manuscrit et c'est bien plus qu'un sentiment de surprise qui s'empara de moi : j'eus la conviction profonde que ces pomes n'taient pas de banales effusions, qu'ils n'avaient rien de commun avec la posie qu'crivent en gnral les femmes. Je les trouvai denses et concis, vigoureux et authentiques. A mon oreille, ils possdaient en outre une musique toute particulire -sauvage, mlancolique et qui levait l'me." Ces vingt et un pomes sont les seuls qui aient t dits du vivant d'Emily Bront et qu'elle ait trs lgrement modifis en vue de la publication*. A partir de 1846, en tout cas, Emily/Ellis prit le parti d'ignorer sa production potique. "Emily, se plaignait Charlotte l'diteur, ne fait jamais allusion sa posie, sinon avec mpris." Ce n'taient pour elle que des "rbymes", des vers. Certains biographes** sont mme alls jusqu' affirmer que la posie ne satisfaisait plus Emily, et qu'elle projetait d'crire un second roman aprs Wuthering Heights. Cette hypothse est aujourd'hui plus ou moins carte***. Le fait n'en* Ces modifications apparaissent en marge du texte anglais et leur quivalent est donn en franais sous formes de notes. Seul, le long pome Julian M. et A.G. Rochelle tait largement amput dans le recueil. ** Winifred Gerin, Emily Bront, A biography, Oxford University Press, 1971. *** Juga-Stina Embank dans son introduction l'Oxford Edition de Wuthering Heights.

demeure pas moins qu'Emily Bront parat s'tre dtourne de la posie. Les pomes No Coward Sol is mine et Why ask to know the date and clime *, de 1846, ferment comme deux bornes un domaine o elle n'allait s'aventurer qu'une seule autre fois, l'anne mme de sa mort. Encore s'agissait-il d'une tentative avorte pour remanier le second de ces pomes, le premier, intouch, continuant faire figure de testament spirituel. Il est une autre explication possible de ce silence, que l'on n'avance qu'avec prudence en raison de

sa gravit : Emily avait peut-tre tout simplement renonc crire parce qu'elle avait dcid de mourir, ou de se laisser mourir. Du moins, sa conduite pendant sa maladie contracte lors de l'enterrement de son frre, Branwell, conduite qui ressemble si trangement l'attitude presque extatique d'Heathcliff juste avant sa mort, semble autoriser cette interprtation. Le destin d'Emily Bront ne serait pas sans analogie avec celui des potes maudits. Jusqu' prsent, les ditions franaises de pomes d'Emily Bront, y compris les plus rcentes**, ont propos des choix portant sur l'uvre entire, sans tenir compte de la slection tablie par Emily elle-mme. En * Ce pome ne figure pas ici. ** Citons Pomes d'Emily Jane Bront, traduction de Pierre Leyris, Posie/Gallimard, 1963, Le midi de la nuit, Pomes traduits de l'anglais par Jacques Blondel, Ed. Ressouvenances, 1988. fvrier 1844, elle avait en effet pass en revue ses pomes et transcrit dans deux cahiers ceux qu'elle souhaitait prserver, ou estimait les plus aboutis. C'est de ces cahiers qu'ont t extraits les 21 pomes publis en 1846 - et l'on a peru cette occasion l'excellence de son jugement littraire. L'un porte le titre E.J.B. (les initiales de l'auteur) et renferme 31 pomes d'inspiration personnelle. L'autre, intitul Emily Jane Bront. Gondal Poems (comme si le nom entier impliquait une plus grande distance vis--vis du contenu), en rassemble 45, s'inscrivant dans un cycle part. Il y a l deux courants bien distincts, mme si l'minent spcialiste franais Jacques Blondel se refuse penser qu' "Emily Bront ait cherch dlibrment scinder son activit potique en deux parts, l'une relevant du jeu littraire, l'autre de la confession personnelle"*. C'est nanmoins, me semble-t-il, inflchir le propos du pote qui a pris soin de les distinguer, que de ne pas donner lire les pomes relevant de l'un et de l'autre dans la continuit qu'elle a voulu leur confrer, et ce, d'autant plus que leur transcription ne reflte pas toujours l'ordre chronologique. J'ai donc pris ici le parti de ne traduire que les pomes appartenant ces cahiers - le noyau de l'uvre -, et tels qu'ils y apparaissent, en me fondant sur une toute rcente dition anglaise**.Jacques Blondel : Emily Bront, Exprience spirituelle et cration potique, Presses Universitaires de France, 1956, p. 151. ** The Poems of Emily Bront, edited by Barbara Lloyd-Evans, B.T. Batsford Ltd., Londres, 1992.

J'ai tenu faire figurer le cahier personnel (EJ.B^) dans son intgralit, car il offre un panorama saisissant de l'volution psychologique, morale et potique d'Emily Bront et ce titre se prsente comme un recueil en soi. En ce qui concerne le cahier Gondal, dont les pomes sont en gnral beaucoup plus longs, j'ai d en revanche me borner un choix. D'une part, le cadre du prsent livre ne permettait pas de les inclure tous. Par ailleurs, cette restriction me parat se justifier dans la mesure o la posie y est d'une qualit moins homogne et d'un intrt moins constant pour le lecteur d'aujourd'hui. J'ai retenu ceux qui constituent une russite littraire en soi ou tissent des liens avec Wuthering Heights, le cahier Gondal tant comme un vivier o l'imagination romanesque du pote s'est exerce et affermie. 1+ C'est dans ce cahier-l qu'Emily Bront a commenc transcrire ses plus anciens pomes. Neuf d'entre eux, dont l'un remonte mars 1837 (Emily n'avait encore que dix-neuf ans), sont antrieurs aux premiers figurer dans le cahier E.J.B. partir du 5 novembre 1838. C'est dire quel point tait fconde et importante ses yeux cette veine potique directement hrite des "rves veills"* auxquels les quatre enfants Bront s'adonnaient avec dlices depuis leur plus jeune ge. Gondal, rapprocher de Gaul (notre Gaule ?) ou Gaaldine, autre nom cit, dsigne une le, un royaume imaginaire cr par Emily treize ans avec la complicit de sa sur * L'expression est de Jacques Blondel. Anne pour faire pice YAngria invente par leurs ans, Branwell et Charlotte. De la chronique qu'elles entreprirent et qui se poursuivit jusqu' l'ge adulte, en fait jusqu' la mort d'Emily, ne subsistent que ces pomes, souvent sans autre titre que les initiales des personnages mis en scne. Dans cette uvre fragmentaire et mystrieuse mais une grande partie de sa troublante beaut ne tient-elle pas prcisment ces lacunes, comme celle d'un difice romantique ses ruines ?, on a cru discerner un roman en vers*. Il est certain en tout cas que dans le cahier les pomes ne

suivent pas un ordre chronologique mais ont t groups en squences se rapportant tel ou tel personnage ou tel ou tel thme, comme si Emily Bront, oprant une bauche de synthse, s'tait propose de les utiliser ultrieurement dans un autre contexte. Ainsi explore-t-elle les rapports de son hrone A.G.A avec ses amants, prfigurations des deux personnages masculins de Wuthering Heights entre lesquels hsite Catherine Earnshaw : Linton (dont une esquisse apparat dans le pome Ecrit au chteau d'Aspiri) et Heathcliff. De mme, l'atmosphre de Illumine tes salles, avec son contraste d'ombre et de lumire, de lande dsole et de manoir violemment clair, est proche de celle du roman, et l'amour-haine qui anime ce pome semblable un long cri annonce les sentiments (et les tirades clbres) de son hrone. Un assez grand nombre de ces pomes sont centrs autour d'enfants, symbole de l'innocence perdue, de l'harmonie rompue* Fanny E. Ratchford : Gondal's Queen : A Novel in Verse by Emily Bront, Austin, University of Texas Press, 1955.

avec la nature. Les deux enfants du pome A.E et R.C sont en ralit les deux faces d'un mme tre, l'un, le "garon mlancolique", la "ros humaine sans soleil", tant soumis au temps et au destin, tandis que l'autre, la fille "enfant de dlices", incarne le pouvoir visionnaire, l'inspiration potique qui relie un au-del intemporel. Emily Bront souffrait elle-mme d'une semblable division intrieure, ainsi que l'attestent les pomes plus personnels de l'autre cahier, tels que Assez dpense, Philosophe, o "Trois Dieux dans ce menu corps/Nuit et jour se font la guerre". Les personnages de Gondal, violents, insatisfaits et dchirs, sont entrans dans un schma rptitif et quasi fataliste d'enfermement (la prison tant l'image par excellence de la condition humaine), o l'amour et l'idal sont sans cesse trahis et o les victoires alternent avec les dfaites, schma qui traduit la prcarit de la vie, la fuite du temps, le changement inluctable. Ils sont des projections d'tats extrmes, des masques, les exutoires d'un lyrisme puisant la source des ballades et de la posie des romantiques : Byron (notamment Le prisonnier de Chillon, Manfred et Lard), Shelley, Walter Scott. Le temprament mme d'Emily Bront la disposait pouser leurs attitudes de rbellion, d'vasion vers une transcendance et un idal jamais assouvi : par la violence de ses sentiments primitifs, l'impossibilit de supporter la moindre atteinte sa libert, de se soumettre une autorit quelconque, celle des parents ou du matre, ou aux opinions reues, en bref tout ce qui n'manait pas de son moi profond. Les pomes du cahier Gondal regardent la fois vers le pass, par leurs aspirations romantiques, et vers l'intemporel de l'imaginaire. On serait tent de les lire comme de pures fictions, sans leur enracinement dans un paysage qu'ils ont contribu rendre symbolique, voire mythique. Ainsi que dans Wuthering Heights, le monde recr de lande, de lune et de vent est plus qu'une toile de fond devant laquelle s'agitent des personnages sans individualit relle. Il est la part brute, inalinable en chacun d'eux, comme en Heathcliff ou Catherine, et confre une permanence leurs dlires et drives. Autant l'inspiration potique se diffuse et se disperse dans ce cahier en chos multiples, autant, dans le cahier E.J.B., elle fait l'objet d'une concentration de plus en pousse, tout au long d'un effort acharn pour se dfinir et se justifier, jusqu'au credo de l'ultime pome. Le mouvement qui anime cet ensemble est oppos l'autre : il est centripte, entirement dirig vers soi. Tout empreint qu'il puisse tre de rminiscences, de nostalgie et d'lans vers un futur se confondant avec l'ternit, ce cahier projette nanmoins son lecteur dans le dense aujourd'hui (ni vierge, ni vivace, ni beau, mais dull unlovely, morne et sans charme) du pote, partag entre des instants d'extase et de dsenchantement, entre sa foi d'artiste mystique et son doute profond, sa vision sombre et amre de l'humanit. Il retrace, la manire d'un journal intime, les tapes de son cheminement spirituel pendant une dcennie. Trop sincre pour se leurrer, pour cder ces illusions qu'taient peut-tre ses rves et ses visions, et mme ses sources d'inspiration, Emily Bront s'est engage dans une exploration radicale de son moi potique. Chacun des pomes de ce cahier est l'outil de cette recherche. Chacun, l'exception des quatre ou cinq premiers, entrane sur la voie d'un questionnement, d'une dialectique, d'un combat entre des forces antagonistes, qu'elle tente de rconcilier pour atteindre au "repos", un des mots-clefs de sa

posie qui dsigne, tantt la mort, tantt l'harmonie et le retour une unit perdue. Les interrogations se font de plus en plus passionnes, urgentes, les rponses de plus en plus prcises dans les dix ou onze derniers pomes qui, conus partir de la date de transcription dans le cahier (fvrier 1844), s'ordonnent selon une parfaite rigueur chronologique. Ce groupe, dans son impitoyable crescendo, constitue le point culminant de l'uvre potique d'Emily Bront. Mais l'ambivalence y rgne et sans doute ne faut-il pas prendre la lettre les affirmations, toutes romantiques, de transcendance qui abondent vers la fin du cahier. Emily Bront est cartele entre des sentiments contradictoires vis--vis de cela mme qui la conduit ces professions de foi : la nature et l'entit, mystrieuse et indfinissable, qu'elle nomme le "Dieu des visions". Il serait trop long de s'engager ici dans une analyse de son "mysticisme". Qu'il suffise de dire que celui-ci n'est pas communion, mais conscience suraigu de l'absence et de la perte. Emily tient elle-mme son inspiration pour une "chose irrelle" (a phantom thing). Mme si "mille et mille flammes scintillantes" crent une ambiance de thophanie, nimbant le paysage et pntrant jusque dans la bouche du pote, et mme s'il y a mission d'un message, la conclusion du pome laisse entendre qu'il s'agit d'une fiction, ou rverie, non d'une manifestation relle. Quel mystique rcuserait ainsi son extase ? Bien plutt les pomes sont-ils les traces d'un passage, la dploration d'un vide toujours plus vivement ressenti, d'une communion prcisment impossible. A mesure qu'on avance dans le cahier, Emily se dtache de toutes les sources d'inspiration terrestres. La nature n'est plus une mdiatrice, sinon par le truchement de la nuit et des toiles, dans l'exil du jour, loin de la "lumire hostile/ Qui brle, au lieu de rchauffer", elle se fige en mtaphores. Peu peu, la mort apparat comme le seul moyen de rejoindre une ralit inatteignable par la parole potique. Auparavant, cependant, comme dans le rcit du pome Julian M. et A.G. Rochelle, Emily Bront retardera l'chance en crivant Wuthering Heights. La posie du cahier EJ.B est une posie nue, austre, d'un lyrisme sec, sans aucun effet d'ornementation autre qu'une rhtorique emprunte la Bible et, par endroits, quelques prciosits, souvenirs de lecture de prdcesseurs tels que Coleridge. Maintenue dans le carcan d'un vers court, octosyllabique, le ttramtre, elle acquiert une densit de granit. Cette apparente austrit, venant de ce qu'Emily Bront se soucie moins de beaut que de vrit, s'accompagne pourtant d'une musicalit extrme, d'un art de moduler les sons qui lance un dfi certain la traduction. Autant le traducteur peut esprer restituerla matire smantique et sonore des vers longs, de douze ou mme quatorze syllabes, convenant au rcitatif ou la narration, de certains pomes du cahier de Gondal, autant il lui est difficile de raliser la mme opration dans les limites du dcasyllabe. C'est cependant le vers que j'ai choisi en quivalence au ttramtre anglais afin de conserver de celui-ci l'allure directe, la tension, le ton invocatoire. J'ai proscrit l'alexandrin, respectant les intentions d'Emily Bront qui n'a eu que rarement recours l'instrument classique de la prosodie de son pays, le pentamtre iambique. Claire MALROUX

REPRES BIOGRAPHIQUES1818 30 juillet : naissance d'Emily Jane Bront, cinquime enfant de Patrick Bront, futur recteur de Haworth, de souche irlandaise, et de Maria Branwell. Elle vient aprs Maria et Elisabeth, Charlotte (ne en 1816), Patrick Branwell (n en 1817), et avant Anne (ne en 1820). U 1821 Mort de la mre d'Emily. Sa sur, Elizabeth Branwell, s'installe Haworth. 1824 Emily entre en novembre l'cole de Cowan Bridge, qu'elle quitte en juin de l'anne suivante, la suite d'une pidmie. Ses surs Maria et Elizabeth meurent cette date. 1826 De Leeds, Patrick Bront rapporte des jouets l'intention de ses enfants, dont une bote de soldats pour Branwell. Emily baptise le soldat qui lui est attribu Parry, du nom d'un explorateur de l'Arctique. Les Young Men (Jeunes Hommes) sont l'origine d'une intense activit littraire (rcits, pices, chroniques, etc.), qui doit beaucoup Walter Scott et la revue Blackwood. 1831 Dbut de la chronique de l'le de Gondal, l'initiative d'Emily, aprs le dpart de Charlotte pour l'cole de Roe Head.

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1835 En juillet, Emily entre l'cole de Roe Head, o enseigne Charlotte. Incapable de supporter la discipline scolaire, elle retourne Haworth en octobre. Ellen Nussey, une amie de Charlotte, dcrit ainsi Emily cette poque : "Son extrme rserve paraissait impntrable, et pourtant elle tait intensment attirante ; elle inspirait confiance en sa force morale... Un seul de ses regards expressifs laissait un souvenir inoubliable, tant ils trahissaient de profondeur d'me et de sentiment, en mme temps qu 'une gne se rvler\" Elle note galement ses dons musicaux. Emily subit alors l'influence de Byron et des ballades. 1836 Premier pome dat.t*-

1838 Emily enseigne Law Hill, prs de Halifax, de septembre au mois de mars de l'anne suivante. 1842 Charlotte et Emily vont parfaire leur connaissance des langues au Pensionnat Hger, Bruxelles, en vue de crer plus tard leur propre cole. Parties le 8 fvrier, elles sont rappeles Haworth en novembre, leur tante tant dcde. Pendant son sjour Bruxelles, Emily crit plusieurs essais en franais. u 1844 En fvrier, Emily commence transcrire ses pomes dans deux cahiers, le cahier E.J.B. et le cahier de pomes de Gondal. .H~ 1845 Anne de grande activit potique. Paralllement aux pomes spculatifs du cahier E.J.B., Emily crit que "les Gondaliens sont aussi prospres que jamais". En automne, Charlotte dcouvre un des cahiers de pomes d'Emily, sans doute celui qui a trait Gondal. A l'automne, Emily s'engage dans la rdaction de Wuthering Heights, tandis que son frre Branwell tombe dans la dchance. 1846 Charlotte propose un diteur de publier un recueil de ses pomes et de ceux de ses surs sous des pseudonymes masculins. Le livre, Poems by Currer, Ellis et Acton Bell, est publi la fin mai. Au bout d'un an, deux exemplaires seulement sont vendus, bien que la critique ait lou la musicalit des pomes d'Emily et sa puissance d'inspiration. Emily crit ses deux derniers pomes achevs, le n 31 du cahier E.J.B. ainsi que le quarante-quatrime du cahier Gondal. fcr~ 1847 Publication de romans par les trois surs : Jane Eyre, Wuthering Heights et Agnes Grey. 1848 13 mai, Emily reprend le dernier pome du cahier Gondal, sans terminer cette nouvelle version. 24 septembre : mort de Branwell. 19 dcembre : mort d'Emily.

THE "EJ.B."MSLE CAHIER "EJ.B."Loud without the wind was roaring ' lorough the waned autumnal sky, Dre tching wet, the cold min pouring poke ofstormy winters nigh.

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4// too Hke that dreary eue. Sighed, within repining grief Sighed atfirst - but sighed not long Sweet. How 'softly sweet it came ! Wild words ofan ancient song, Undefined, without a name 'It u as spring, for the skylark was singing. ' Tho. The Nor The e words they awakened a spell > unlocked a deepfountain whose springing Absence nor Distance can quell. e gloom ofa cloudy November ' uttered the music ofMay -kindled theperishing ember In t, The: The Info fervour that could not decay Awc ken on ail my dear moorlands

wind in its glory and pride i O ce H mefrom valleys and highlands To i >alk by the hill river's side !

\ve fracas dehors le vent grondait Dans le ciel pli de l'automne, Fro de et drue, la pluie qui tombait flots D arlait d'hivers de tempte proches.

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~*

Bien trop pareils ce morne soir. Des soupirs, d'un chagrin plaintif -Des soupirs d'abord - mais brefs, Doux. Avec quelle douceur exhals ! Des mots sauvages d'une vieille chanson, Indfinie, sans nom 'C'tait le printemps, car l'alouette chantait." Ces mots-l craient une magie -[ls c escellaient une source profonde Qu'. absence ni Distance ne peuvent tarir. Dan 5 la tristesse d'un gris novembre Ils disaient la musique de mai -[ls n nimaient la braise mourante D'ur e ferveur qui ne s'teindrait Evei lez sur toutes mes chres landes Le v :nt dans sa gloire et son orgueil ! O aj pelez-moi des valles et des montagnes, Que je marche au bord du torrent !It swelled with thefirst snowy weather ; The rocks they are icy and hoar And darker waves round the long heather And the fem-leaves are sunny no more v There are no yellow-stars on the mountain The blue-bells hve long died away From the brink ofthe moss bedded fountain, From the side ofthe wintery brae But lovelier than corn-fields ail waving In emerald and scarlet and gold Are the slopes where the north-wind is raving And the glens where I wandered ofold 'It was morning, the bright sun was beaming. ' How sweetly that brought back to me The time when nor labour nor dreaming Broke the sleep ofthe happy andfree

blithely we ros as the dusk heaven Was melting to amber and blue And swift were the wings to ourfeet given While we traversed the meadows ofdew.A

For the moors, for the moors where the short grass Like velvet beneath us should lie ! For the moors, for the moors where each high pass Ros sunny against the clear sky !

Il s'est gonfl des premires neiges ; Les rochers sont blanchis et glacs Plus sombre ondoie autour la longue bruyre Sur les fougres le soleil ne luit plus. Il n'y a pas d'toiles d'or sur la montagne Depuis longtemps la campanule a pri Sur les bords de la source au lit moussu, Sur le flanc hivernal des collines Mais plus beaux que tous les champs de bl Dans leur houle meraude, carlate et or Sont les versants o le vent du nord fait rage Et les ravins o jadis j'errais "C'tait le matin, le soleil clair rayonnait." Quel doux souvenir veillaient ces mots Du temps o ni travail ni rverie Ne brisait le sommeil d'tres heureux et libres Mais gaiement nous nous levions quand le ciel sombre Virait l'ambre et au bleu Et il nous venait aux pieds des ailes lgres Pour traverser les prairies de rose. Vers les landes, vers les landes o l'herbe courte Sous nous s'tendrait comme du velours ! Vers les landes, les landes o chaque haut col Se dcoupait lumineux sur le ciel pur ! For the moors, where the linnet tuas trilling Its song on the old granit stone -Where the lark - the wild sky-lark wasfilling Every breast with delight Hke its own.i"

What language can utter thefeeling That ros when, in exile afar, On the brow ofa lonely hill kneeling I saw the brown heath growing there. It tuas scattered and stunted, and told me That soon even that would be gone It whispered ; 'The grim walls enfold me ; 7 hve bloomed in my last summer's sun ' r~~

But not the loved music whose waking Makes the sol ofthe Swiss die away Has a spell more adored and heart-breaking Than in its half-blighted-bells lay The Spirit that bent 'neath itspower How it longed, how it burned to befree ! Ifl could hve wept in that hour Those tears had been heaven to me Well, well the sad minutes are moving Though loaded with trouble and pain -And sometime the loved and the loving Shall meet on the mountains again JW| I November llth 1838 Vers les landes, o la linotte trillait son chant Sur la vieille pierre de granit O l'alouette - la sauvage allait emplissant Le sein de chacun d'un mme dlice.1*~

Quelle langue peut traduire l'moi Qui m'treignait quand, dans l'exil lointain, Sur une crte isole m'agenouillant J'y voyais crotre la fauve bruyre. Eparse et rabougrie, elle me disait Que bientt mme cela ne serait plus "Les cruels murs m'enserrent, murmurait-elle J'ai fleuri au soleil de mon dernier t" Mais il n'est point dans la musique aime Dont l'veil fait se pmer l'me des Suisses* De charme plus dchirant et plus ador Que dans ses clochettes demi fltries L'Esprit qui ployait sous son empire Comme il dsirait, brlait d'tre libre ! Si j'avais pu pleurer cette heure Ces larmes auraient t paradis te Allons, les moments tristes sont touchants Quoique chargs de tourment et de peine Viendra le jour o aims et amants Se retrouveront sur les collines 11 novembre 1838

2A little while, a little while The noisy crowd are barred away ; And I can sing and I can smile -A little while Fve holyday ! \Where wilt thou go my harassed heart ? Full many a land invites thee now ; And places near, and far apart Hve restfor thee, my weary brow. \ There is a spot mid barren hills Where winter howls and driving rain But ifthe dreary tempest chills There is a light that warms again uThe house is old, the trees are bare And moonless bends the misty dme But what on earth is halfso dear -So longedfor as the hearth ofhome ? The mute bird sitting on the stone, The dank moss drippingfrom the wall, The garden-walk with weeds o'ergrown I love them - how I love them ail ! Shall I go there ? or shall I seek Another clime, another sky. Where tongues familiar music speak In accents dear to memory ? [2]* Pour un instant, pour un instant, La foule bruyante est carte ; Je peux chanter, je peux sourire -Pour un instant j'ai cong ! t O iras-tu, mon cur harass ? Plus d'un pays cette heure t'invite ; Et des lieux proches, ou plus lointains O front las, t'offrent le repos. II est un coin parmi d'pres collines O l'hiver hurle, et la cinglante pluie Mais si la lugubre tempte glace Une lumire est l pour rchauffer La maison est vieille, nus les arbres Et sans lune ploie la vote brumeuse Mais est-il rien sur terre

d'aussi cher Pour l'exil que l'tre du foyer ? e L'oiseau silencieux perch sur la pierre, La mousse humide gouttant sur le mur, L'alle du jardin envahie d'herbes Je les aime tous - oh de quel amour ! Est-ce l que j'irai ? ou chercherai-je D'autres latitudes, un autre ciel O la langue est musique familire Et parle en accents chers au souvenir ? Yes, as I mused, the naked room, The flickering firelight died away Andfrom the midst of cheerless gloom Ipassed to bright, unclouded day. A Utile and a lone green lane That opened on a common wide A distant, dreamy, dim blue chain Of mountains circling every side A heaven so clear, an earth so calm, So sweet, so soft, so hushed an air And, deepening still the dreamlike charm Wild moor-sheep feeding everywhereThat was the scne - I knew it well I knew the path-ways far and near That winding o 'er each bittowy swell Marked out the tracks ofwandering deer Could I hve lingered but an hour It well hadpaid a week oftoil But truth bas banished fancy's power ; I hear my dungeon bars recoilEven as I stood with raptured eye Absorbed in bliss so deep and dear My hour ofrest hadfleeted by And given me back to weary care December 4th 1838 Oui, comme je rvais, la pice nue, Le feu vacillant se sont vanouis Et du fond de la maussade pnombre Je suis passe un jour lumineux, Une petite sente verte et perdue Dbouchant sur un vaste herbage ; Au loin, bleutre, irrelle, une chane De monts dploye alentour Une terre si calme, un ciel si clair, Un air si doux, si tendre, si ouat Et, pour accrotre encor la ferie, Des moutons sauvages broutant partout -k Ce paysage je le connaissais bien Je connaissais tous les sentiers la ronde Qui sinuant sur chacun des reliefs Marquent les pistes des daims vagabonds Si j'avais pu rester l rien qu'une heure Cela m'et paye de jours de labeur Mais le rel a eu raison du rve ; J'entends qu'on tire mes verrous -*r------

Alors que je m'absorbais, l'il ravi, Dans un si profond, si prcieux dlice Mon heure de repos avait fui Me rendant l'puisant souci 4 dcembre 1838

3How still, how happy ! those are words That once would scarce agre together I loved the plashing ofthe surge-The changing heaven the breezy weather . More than smooth seas and cloudless skies And solemn, soothing, softened airs That in theforest woke no sighs Andfrom the green spray shook no tears How still, how happy ! now Ifeel Where silence dwetts is sweeterfar Than laughing mirth's mostjoyous swell Howeverpure ist raptures are Corne sit down on this sunny stone 'Tis wintery light o'er flowerless moorsBut sit-for we are ail alone And clear expand heaven's breathless shores I could think in the withered grass Spring's budding wreaths we might discern The violet's eye might shyly flash And young leaves shoot among thefern [3] Quel calme, quel bonheur ! voil des mots Qui jadis ne seraient gure alls ensemble J'aimais le

tumulte de la houle -Le ciel changeant les jours de vent APlus que les ciels sereins et les mers lisses Et les airs adoucis, solennels, consolants Qui dans la fort n'veillaient pas de soupirs Ni du vert embrun* ne secouaient les larmes Quel calme, quel bonheur ! prsent je sens Qu'un lieu de silence a bien plus de charme Que les accents les plus joyeux de la liesse Aussi purs qu'en fussent les transports -* Viens t'asseoir sur cette pierre au soleil La lumire est d'hiver sur les landes sans fleurs Mais assieds-toi - car nous sommes tout seuls Et clairs se dploient du ciel les rivages sereins-fer-

Je croirais voir avec toi dans l'herbe fltrie Les guirlandes du printemps prs d'clore La violette jeter peut-tre un clair timide Les jeunes feuilles jaillir parmi les fougres It is but thought-full many a night The snow shall clothe those hills afar And storms shall add a drearier blight And winds shall wage a wilder war -t Before the lark may herald in Fresh foliage twined with blossoms fair And summer days again begin Their glory-haloed crown to wearfK

Yet my heart loves December's smile As much as July's golden beam Then let us sit and watch the while The blue ice curdling on the stream December 7th 1838 Simple pense - pendant mainte nuit La neige drapera ces monts lointains Les temptes feront de plus sinistres ruines Les vents livreront une plus pre guerre Avant que l'alouette puisse annoncer Un feuillage neuf tiss de fraches fleurs Et que les jours d't coiffent de nouveau Leur couronne aurole de splendeur Mais mon cur aime le sourire de dcembre Autant que le rayon dor de juillet Alors asseyonsnous et regardons entre-temps La glace bleue cailler sur la rivire 7 dcembre 1838 The blue bell is the sweetest flower That waves in summer air Its blossoms hve the mightiestpower To soothe my spirit's care There is a spell in purple heath Too wildly, sadly dear The violet bas afragrant breath But fragrance will not cheer The trees are bare, the sun is cold And seldom, seldom seen. The heavens hve lost their zone ofgold The earth its robe ofgreensi.----

And ice upon the glancing stream Has cast its sombre shade And distant hills and valleys seem Infrozen mist arrayedThe blue bell cannot charm me now The heath has lost its bloom, The violets in the glen below They yield no sweet perfume But though I mourn the heather-bell 'Tis betterfar away I know howfast my tears would swell To see it smile to day [4] La campanule* est la fleur la plus suave Ondoyant dans l'air de l't Ses clochettes ont le suprme pouvoir D'apaiser le souci de mon me II y a dans la pourpre bruyre un charme Trop violemment, tristement cher La violette a une haleine parfume Mais le parfum ne peut gayer Les arbres sont nus, le soleil est froid Et peu, si peu souvent visible. Les cieux ont perdu leur ceinture d'or La terre sa robe de verdureL~

La glace sur le ruisseau scintillant A jet son ombre grise Au loin collines et valles semblent Drapes d'une brume gele La campanule ne peut plus me ravir La bruyre a perdu sa fracheur, Les violettes au fond du

vallon N'exhalent pas de douce odeur Mais si j'ai regret de la bruyre* II vaut mieux qu'elle soit loin Je sais comme vite afflueraient mes larmes A la voir sourire aujourd'hui And that wildflower that hides so shy Beneath the mossy stone Its balmy scent and dewy eye 'Tis notfor them I moan-A

It is the slight and stately stem The blossom 's silvery blue The buds hid like a sapphire gem In sheaths ofemerald hue

r~'Tis thse that breathe upon my heart A calm and softening spell That ifit makes the teardrop start Haspower to soothe as well \r For thse I weep, so long divided Through winter's dreary day In longing weep - but most when guided On withered banks to stray Ifchilly then the light shouldfall Adown the dreary sky And gild the dank and darkened wall With transient brilliancy How do I yearn, how do Ipine For the time offlowers to corne And turn mefrom that fading shine -To mourn thefields ofhomeDecember 18th 1838 Et cette fleur sauvage qui si timide Cache sous la pierre moussue Son arme et son il mouill de rose Je ne gmis point sur elle non plus Mais sur la svelte et majestueuse tige Le bleu argent des ptales Que les boutons celaient tel un saphir Dans un crin d'meraude c Ce sont eux qui versent sur mon cur Un charme calme et lnifiant Qui s'il fait monter aux yeux les larmes A pouvoir d'apaiser tout autant Eux que je pleure, d'eux spare si longtemps Pendant le morne jour d'hiver Pleure avec nostalgie mais surtout quand l'errance Sur des rives fltries me conduit Si glaciale alors la lumire dcline Au bas du morne ciel Et dore le mur suitant et assombri D'un lustre passager Oh que je languis, oh que je soupire Aprs la saison des fleurs Et fuis cette lueur qui s'teint -Pour lamenter les champs du pays 18 dcembre 1838

5Fair sinks the summer evening now In softened glory round my home : The sky upon its holy brow Wears not a cloud that speaks ofgloom The old tower, shrined in golden light, Looks down on the descending sun -So gently evening blends with night You scarce can say that day is done And this is just the joyous hour When we were wont to burst away, To 'scapefrom labour's tyrantpower And cheerfully go out to play Then why is ail so sad and lone ? No merry footstep on the stair No laugh - no heart-awaking tone But voiceless silence everywhere. * l've wandered round our garden-ground And still it seemed at every turn That I should greet approaching feet And words upon the breezes borne

[5]Pur prsent dcline le soir d't Autour de ma maison, en splendeur adoucie Le ciel sur son

front sacr ne porte pas Un seul nuage de mlancolie La vieille tour, enchsse dans la lueur d'or, Contemple d'en haut le soleil qui descend -Si doucement le soir se fond dans la nuit Qu'on peut peine dire le jour fini Et c'est justement l'heure joyeuse O nous avions coutume de nous chapper De secouer la tyrannie du labeur Pour aller avec entrain jouer dehors Alors pourquoi tout est-il si triste et seul ? Nul pas allgre dans l'escalier -Nul rire - nul accent pour donner cur Mais partout un silence sans voix. J'ai tourn sans fin dans notre jardin Et il me semblait qu' chaque tour Des pas allaient venir ma rencontre Et des mots ports par les souffles In vain - they will not corne today And morning's beam will rise as drear Then tell me - are they gonefor aye Our sun blinks through the mist ofcare ?4c-

Ah no, reproving Hope doth say Departedjoys 'tisfond to mourn When every storm that bides their ray Prpares a more divine return August30th, 1839 En vain - ils ne viendront pas aujourd'hui Et le rayon du matin poindra aussi morne Dites : sontils perdus jamais, nos clairs De soleil dans les brumes du souci ? **Mais non, l'Espoir rprobateur assure Qu'il est doux de pleurer les joies enfuies Quand chaque orage voilant leur lumire Prpare un plus divin retour. 30 aot 1839 Shall Earth no more inspire thee, Thou lonely dreamer now ? Since passion may notfire thee Shall Nature cease to bow ? Thy mind is ever moving In rgions dark to thee ; Recall its useless roving -Corne back and dwell with me I know my mountain breezes Enchant and soothe thee still. I know my sunshine pleases Despite thy wayward will. c When day with evening blending Sinksfrom the summer sky, Fve seen thy spirit bending In fond idolatryi

Fve watched thee every hour. I know my mighty sway -I know my magie power To drive thy griefs away [6] La Terre ne t'inspirerait plus O rveuse solitaire ? Si la passion trahit, la Nature Cessera-t-elle d'incliner ? v- Ton esprit toujours s'avance Dans des rgions pour toi obscures Rvoque sa vaine errance -Reviens demeurer avec moi Je sais que mes brises sauvages T'enchantent encore et t'apaisent. Je sais que mon soleil te charme Malgr ta volont rebelle Quand le jour dans le soir se fond Et sombre au ciel de l't, J'ai vu, en une tendre adoration Ton esprit se prosterner Je t'ai guette toute heure. Je sais mon puissant empire Je sais mon magique pouvoir De chasser tes chagrins Few hearts to mortals given On earth so wildly pine Yet none would ask a Heaven More like the Earth than thine. Then let my winds caress thee -Thy comrade let me be. Since nought beside can bless thee Return and dwell with me

7In summer's mellow midnight A cloudless moon shone through Our open parlour window And rosetrees wet with dew -*

/ sat in silent musing -The soft wind waved my hair It told me Heaven was glorious And sleeping Earth was fairI needed not Us breathing To bring such thoughts to me But still it whispered lowly 'How dark the woods will be ! May I6th 1841 Peu de curs parmi les mortels Sur terre languissent aussi fort Mais nul ne dsire autant un Ciel Plus semblable cette Terre. Alors laisse mes vents te caresser -Accepte-moi pour compagne. Puisque rien d'autre ne peut te combler Reviens demeurer avec moi 16 mai 1841

mDans la suave minuit d't Une lune pure brillait travers La fentre ouverte du parloir Et les rosiers mouills de rose Je songeais assise en silence -Le vent caressait mes cheveux Le Ciel, me disait-il, est splendide Et belle la Terre en son sommeil Point n'tait besoin de son haleine Pour m'inspirer de telles penses Mais toujours chuchotant il ajouta : "Comme les bois vont tre noirs ! "The thick leaves in my murmur Are rustling like a dream, And ail their myriad voices Instinct with spirit seem. ' I said, 'Go gentle singer, 'Thy wooing voice is kind 'But do not think its music 'Haspowerto reach my mind'Play with the scented flower, 'The young tree's supple bough -'And leave my human feelings In their own course toflow' The Wanderer would not leave me Its kiss grew warmer still -'O corne, ' it sighed to sweetly TU win thee gainst thy will T 'Hve we not beenfrom childhood friends ? 'Hve I not loved thee long ? As long as thou hast loved night 'Whose silence wakes my song ? And when thy heart is laid at rest 'Beneath the church-yard stone 7 shall hve time enough to mourn And thou to be alone'September llth 1840 "Mon murmure comme en rve Fait bruire les feuillages pais, Et leurs myriades de voix D'me semblent doues." J'ai dit : "Va, aimable chanteur, Ta voix tendre veut sduire Mais ne crois pas qu'elle a pouvoir D'atteindre mon esprit "Joue avec la fleur odorante, Le rameau souple du jeune arbre -Mais laisse mes sentiments humains Suivre leur propre cours." L'Errant ne voulait pas me quitter Son baiser s'est fait plus ardent -"O viens, susurrait-il, Je ferai malgr toi ta conqute "Ne sommes-nous pas des amis d'enfance ? N'y a-t-il pas longtemps que je t'aime ? Aussi longtemps que tu aimes la nuit Dont le silence veille mon chant ? "Et quand ton cur reposera en paix Sous la pierre du cimetire J'aurai tout loisir de me lamenter Et toi d'tre solitaire" 11 septembre 1840

8Riches I hold in light esteem And Love I laugh to scorn And lust ofFame was but a dream That vanished with the morn -t And iflpray- the onlyprayer That moves my lipsfor me Is - 'Leave the heart that now I bear And give me liberty. '

r

Yes, as my swift days near their goal 'Tis ail that I implore -Through life and death, a chainless sol With courage to endure !March lst 1841 [8]* Je fais peu de cas des richesses, L'Amour, je le tiens en mpris Et le dsir de Gloire ne fut qu'un rve Au matin vanoui -

-rSi je prie - la seule prire Qui pour moi remue mes lvres Est - "Laisse le cur que je porte Et donne-moi la libert." Oui, mes jours brefs approchant de leur terme, C'est tout ce que j'implore -A travers* vie et mort, une me sans chanes Et le courage d'endurer ! 1er mars 1841

9Aye there it is ! It wakes tonight Sweet thoughts that will not die Andfeeling's fires flash ail as bright As in the years gone by !And I can tell by thine altered cheek And by thy kindled gaze And by the words thou scarce dost speak, How wildly fancy plays Yes I could swear that glorious wind Has swept the world aside Has dashed its memory from thy mind Like foam-bells from the tide And thou art now a spirit pouring Thy prsence into all-The essence ofthe Tempest's roaring And ofthe Tempest's fail A universal influence From Thine own influence free -Aprinciple oflife intense Lost to mortality -

[9]Oui, le voil ! Il veille ce soir Des penses douces, qui ne mourront pas Et les feux du cur flambent aussi vifs Que dans les annes coules ! --4 Et je devine ta joue altre, A ton regard de braise, Aux paroles qu' peine tu prononces, Comme l'imagination se dchane Oui, je jurerais que ce vent splendide A balay l'univers A chass de ton me son souvenir Comme du flot les bulles d'cume Et maintenant tu es un esprit rpandant Ta prsence en toute chose -L'essence du tumulte de la Tempte Et de son apaisement Une influence universelle Libre de la Tienne propre -Un principe de vie intense Perdue pour le mortel Thus truly when that breast is cold Thy prisoned sol shall rise The dungeon mingle with the mould-The captive with the skies July 6th 1841 10 l'U not weep that thou art going to leave me There's nothing lovely hre, And doubly will the dark world grieve me While thy heart suffers there Fil not weep - because the summer's glory Must always end in gloom Andfollow out the happiest story, It doses with the tomb And I am weary ofthe anguish Increasing winters bear-Fm sick to see the spirit languish Through years ofdead despairSo if a tear when thou art dying Should haply fallfrom me It is but that my sol is sighing To go and rest with thee May 4th 1840 Aussi quand ce sein sera froid, en vrit Ton me prisonnire montera Le cachot se mlera l'humus La captive aux ciels 6 juillet 1841 [10]*

Je ne pleurerai pas de voir que tu me quittes Ici il n'y a rien d'enchanteur, Et doublement m'affligera le sombre monde Tant qu'y souffre ton cur Je ne pleurerai pas - car la splendeur de l't Toujours doit finir en tnbre Et le conte le plus heureux, terme Se clt avec la* tombe -

rEt puis je suis lasse de la dtresse Qu'engendrent les hivers grandissants Ecure* de voir l'esprit se languir Dans le pur dsespoir des ans Si donc une larme l'heure de ta mort Vient par hasard m'chapper C'est seulement que mon me soupire D'aller prs de toi reposer 4 mai 1840 11 If grief for grief can touch thee, If answering woefor woe, Ifany ruth can melt thee Corne to me now ! I cannot be more lonely, More drear I cannot be ! My worn heart throbs so wildly 'Twill break for thee And when the world despises When Heaven repels my prayer Will not mine angel comfort ? Mine idol hear ? Yes by the tears Fve poured, By ail my hours ofpain OI shal surely win thee Beloved, again ! May 18 1840 [11] Si chagrin pour chagrin peut te toucher, Malheur au malheur rpondre, Si quelque piti peut te flchir Viens moi en cet instant ! K Je ne saurais tre plus seule, Plus morne je ne saurais l'tre ! Mon cur us bat si violemment Pour toi il va se rompre Et quand le monde n'est que mpris -Quand le Ciel repousse ma prire Mon ange va-t-il pas consoler ? Mon idole entendre ? Oh ! Par tant de larmes verses, Tant d'heures passes souffrir Je suis sre, mon bien-aim, De te reconqurir ! 18 mai 184012

0 Dream, where art thou now ? Longyears hve past away Since last, from offthine angel brow 1 saw the light decay Alas, alasfor me Thou wert so bright andfair, I could not think thy memory Would yield me nought but care ! The sun-beam and the storm, The summer-eve divine, The silent night ofsolemn calm, Thefull moon's cloudless shine T Were once entwined with thee But now, with weary pain -Lost vision ! fis enough for me -Thou canst not shine again November5th 1838 [12] O Rve, o es-tu prsent ? De longues annes ont pass Depuis que sur ton visage d'ange J'ai vu la lumire s'altrer Hlas, hlas pour moi, Si radieuse tait ta beaut, Je ne savais pas que ton souvenir Ne me livrerait que tourment !

-r

Le rayon de soleil et l'orage, La soire d't divine, La nuit silencieuse au calme solennel, La clart pure de la pleine lune Jadis entrelacs toi Le sont aujourd'hui au lourd chagrin Vision perdue ! il me suffit Tu ne peux plus resplendir 5 novembre 1838

13It is too late to call thee now -I will not nurse that dream again For everyjoy that lit my brow Would bring its after storm ofpain Besides the mist is half withdrawn, The barren mountain-side lies bare And sunshine and awaking morn Paint no more golden visions there Yet ever in my grateful breast Thy darling shade shall (cherished) be For God alone doth know how blest My early years hve been in thee ! April 1840 14 The ivind I hear it sighing With Autumn's saddest sound, Withered leaves as thick are lying As spring-flowers on the ground This dark night has won me To wanderfar away. Oldfeelings gatherfast upon me Like vultures round theirprey -

[131II est trop tard maintenant pour t'appeler -Je ne veux plus bercer nouveau ce rve Car toute joie qui illumina mon front Ferait lever un orage de douleur -C Et puis la brume n'est qu' demi dissipe, Nue s'tend la montagne strile, Et le soleil ni l'aube son rveil N'y peignent plus de visions dores -HT Mais dans mon sein reconnaissant A jamais vivra ton ombre (aime) Car Dieu seul sait combien bnies Furent en toi mes premires annes ! avril 1840 [14] Le vent je l'entends qui soupire L'automne n'a pas plus triste accent, Au sol les feuilles mortes gisent Aussi serres que fleurs du printemps Cette nuit sombre m'a invite A vagabonder au loin. Des sentiments anciens sur moi fondent Comme vautours cernant leur proie Kind tuere they once, and cherished, But cold and cheerless now -I would their lingering shades had perished When their light left my brow

xr'Tis like old ge pretending The softness ofa chld, My altered hardened spirit bending To meet their fancies wild Yet could I with past pleasures, Past woe's oblivion buyThat by the death ofmy dearest treasures My deadliest pains might die O then another daybreak Might haply dawn above -Another summer gild my cheek, My sol, another love October29th 1839 Tendres ils furent jadis, et chris, Mais froids et sans joie prsent -Que leur ombre tenace n'a-t-

elle pri Quand leur lumire a fui mon front ! On dirait la vieillesse qui feint La souplesse de l'enfant, Mon me fausse durcie quand elle se plie A leurs fantaisies sauvages Pourtant je pourrais avec les plaisirs d'hier, Du malheur d'hier obtenir l'oubli -Afin que par la mort de mes plus chers trsors Meurent mes plus mortels soucis Oh alors l'aube d'un nouveau jour Poindrait peut-tre l-haut -Un autre t dorerait ma joue, Mon me, un autre amour 29 octobre 1839

15Love is like the wild ros briar, Friendship, like the holly tree The holly is dark when the ros briar blooms, But which will bloom most constantly ? The wild rosebriar is sweet in spring, Its summer blossoms scent the air Yet wait till winter cornes again And who will call the wild-briar fair Then scorn the silly rose-wreath now And deck thee with the holly's sheen That when December blights thy brow He still may leave thy garland green Undated

[151L'amour est comme l'glantier, L'amiti, comme le houx Le houx est sombre quand l'glantier fleurit, Mais lequel fleurit le plus constamment ? L'glantier au printemps a du charme, L't, ses fleurs embaument l'air Mais attends que revienne l'hiver Qui trouvera beau l'glantier ? Alors ddaigne sa futile guirlande Et pare-toi du luisant du houx Ainsi, quand dcembre fltrira ton front Au moins il laissera verte ta couronne Non dat

16There should be no despair for you While nightly stars are burning -While evening sheds Us silent dew Or sunshine gilds the morning There should be no despair- though tears Mayflow down like a river -Are not the best beloved ofyears Around your heart forever ? They weep - you weep - It must be so-Winds sigh as you are sighing, And winterpours its grief in snow Where autumn 's leaves are lying Yet they revive - andfrom theirfate Yourfate can not beparted Then manjourney onward not elate But never brokenhearted Undated [16]* Pour toi le dsespoir n'a pas lieu d'tre Tant que la nuit les toiles brlent Tant que le soir rpand* sa rose muette Ou* que le soleil dore le matin Le dsespoir n'a pas lieu d'tre - les larmes Dussent-elles couler comme un fleuve -Tes annes les plus chres sont-elles pas Pour toujours autour de ton cur ?"

On pleure - tu pleures - C'est la rgle -Les vents soupirent avec tes soupirs Et l'hiver panche* son chagrin en neige O les feuilles d'automne gisent Pourtant elles* revivent - et de leur destin Ton destin est insparable Alors, homme, avance sinon jubilant* Du moins jamais le cur bris Sans date

17'Well, some may hte and some may scorn 'And some may quiteforget thy ndme But my sad heart

must ever mourn 'Thy ruined hopes, thy blighted fam''Twas thus I thought an hour ago Even weeping o 'er that wretch 's woe -One word turned back my gushing tears And lit my altered eye with sneers "Then bless thefriendly dust' I said-'That hides thy unlamented head. 'Vain as thou wert, and weak as vain 'The slave offalsehood, pride and pain -'My heart has nought akin to thine-'Thy sol ispowerless over mine' But thse were thoughts that vanished too Unwise, unholy, and untrue -Do I despise the timid deer Because his limbs arefleet withfear ? Or would I mock the wolfs death-howl Because hisform is gaunt and foui ? Or hear with joy the leveret's cry Because it cannot bravely die ? [17]* "II se peut qu'on hasse, il se peut qu'on mprise II se peut qu'on oublie jusqu' ton nom Mais mon triste cur jamais doit pleurer Tes espoirs ruins, ta gloire fltrie" Ainsi raisonnais-je voici une heure Lamentant le destin de ce malheureux Un mot a fait refluer le flot de mes larmes Et dans mon il chang allum le sarcasme "Bnis donc plutt la poussire amie -De cacher ta tte dont nul n'a regret. Vain que tu tais, faible autant que vain Esclave de l'orgueil, de la douleur, du mensonge Mon cur n'a rien qui l'apparente au tien -Ton me est sans pouvoir sur la mienne" Mais ces penses leur tour s'effacrent Car insenses, impies, et insincres Ai-je mpris pour le daim craintif Parce que ses membres sont prompts la fuite ? Vais-je me moquer du loup hurlant la mort Parce qu'il est hideux dans sa maigreur ? Ou entendre avec joie crier le levraut Parce qu'il sait mourir avec bravoure ? No - then above bis memory Letpity's heart as tender be Say, Earth, lie lightly on that breast, 'And kind Heaven, grant that spirit rest ! November 14th 1839

18Far, far away is mirth withdrawn ; 'Tis three long hours before the morn And I ivatch lonely, drearily-So corne thou shade commune with me Deserted one ! thy corpse lies cold And mingled with aforeign mould-Year afteryear the grass grows green Above the dust where thou hast been. I will not name thy blighted name Tamished by unforgotten shame Though not because my bosom torn Joins the mad world in ail its scorn Thy phantom face is dark with woe Tears hve left ghastly traces there, Those ceaseless tears ! I wish theirflow Could quench thy wild despair. Non - alors, que sur sa mmoire La piti incline un cur aussi tendre Dis : "O Terre, sur sa poitrine sois lgre, Doux Ciel, donne cette me le repos !" 14 novembre 1839 [18] Loin, trs loin, la gat s'est retire* ; II reste avant l'aube trois longues heures Et je veille, morose, solitaire -Alors viens, ombre, avec moi converser O dsert ! froid gt ton cadavre Et ml un humus tranger -Anne aprs anne l'herbe crot verte Sur la poussire o tu as t. Je ne nommerai pas ton nom fltri Terni par une honte toujours vive Mais ce n'est pas que mon sein dchir D'un monde dment pouse le mpris Noir de malheur est ton visage fantme Les larmes y ont laiss d'affreuses traces, Ces larmes incessantes ! Ah si leur flot Pouvait tarir ton violent dsespoir ! They dluge my heart like the rain On cursed Gommorah's howling plain -Yet when I hear thyfoes dride I must cling closely to thy side -

Our mutualfoes - they will not rest From trampling on thy buried breast Glutting their hatred with the doom They picture thine beyond the tomb But God is not like human kind Man cannot read the Almighty mind Vengeance will never torture thee Nor hunt thy sol eternally. -t*r Then do not in this night of grief This time of overwhelming fear O do not think that God can leave Forget, forsake, refuse to hear ! What hve I dreamt ? He lies asleep With whom my heart would vainly weep He rests and I endure the woe That left his spirit long ago March 1840 Elles inondent mon cur comme la pluie La plaine hurlante de Gomorrhe maudite -Mais quand j'entends tes ennemis railler Je dois rester fidle ton ct -t Nos ennemis communs - quand cesseront-ils De pitiner ta poitrine ensevelie -De repatre leur haine du chtiment Qu'ils s'imaginent tien - outre-tombe Mais Dieu n'est pas comme l'humaine espce L'homme ne peut lire l'esprit Tout-Puissant La vengeance ne te torturera point Ni ternellement ne poursuivra ton me. Alors ne vas pas en cette nuit de peine En cette heure de souveraine angoisse Oh ne vas pas croire que Dieu dserte Oublie, abandonne, refuse d'entendre ! -W-

Mais qu'ai-je rv ? Il gt endormi, Celui avec qui mon cur en vain veut gmir // repose - et moi j'endure la misre Qui depuis longtemps a quitt son tre mars 1840 Isee around me piteous tombstones grey Stretching their shadows far away. Beneath the turf my footsteps tread Lie low and lone the silent dead-Beneath the turf, beneath the mould -Forever dark, forever cold -And my eyes cannot hold the tears That memory hoards front vanished years For Time and Death and Mortalpain Give wounds that will not heal again -Let me remember halfthe woe 've seen and heard andfelt below And Heaven itself sopure and blest Could never give my spirit rest -Sweet land oflight ! thy childrenfair Know nought akin to our despair, Nor hve theyfelt, nor can they tell What tenants haunt each mortal cell What gloomy guests we hold within -Torments and madness, tears and sin ! Well - may they live in ecstasy ? Their long eternity ofjoy ; At least we would not bring them down With us to weep, with us to groan, No - Earth would wish no other sphre To taste her cup ofsufferings drear ; She turnsfrom Heaven a careless eye And only mourns that we must die ! [19] Autour de moi je vois de pauvres tombes grises Etirer leurs ombres dans le lointain. Sous le gazon que mes pas foulent Gisent seuls, blottis, les morts silencieux Sous ce gazon, sous cette glaise A jamais obscurs, froids jamais Et je ne puis retenir les larmes Que des ans enfuis amasse la mmoire Car le Temps, la Mort, l'Humaine douleur Font des blessures qui ne guriront plus Si je songe la moiti du malheur Qu'ici-bas j'ai vu, connu et souffert Jamais le Ciel, si pur et bni soit-il, Ne pourra donner la paix mon me Doux lieu de lumire ! tes clairs enfants Sont trangers notre dsespoir -

Ils n'ont senti, ni ne peuvent savoir Qui riante chaque cellule mortelle Quels htes tnbreux nous abritons Tourments et folie, larmes et pch ! Soit - qu'ils vivent donc dans l'extase Leur longue ternit de joie ; Du moins nous ne voudrions pas qu'ils descendent Pleurer avec nous, avec nous gmir, Non - ni la Terre qu'aucune autre sphre Gote sa coupe de souffrances amres ; Du Ciel elle dtourne un il indiffrent Dplorant seulement qu'il nous faille mourir ! Ah mother, what shall comfort thee In ail this (mindless) misery ? To cheer our eager eyes a while We see thee smile, howfondly smile ! But who reads not through that tender glow Thy deep, unutterable woe ? Indeed no dazzling land above Can cheat thee ofthy children's loveWe ail in life's departing shine Our last dear longings blend with thine ; And struggle still, and strive to trace With clouded gaze thy darlingface We would not leave our native home For any world beyond the tomb No - rather on thy kindly breast Let us be laid in lasting rest Or waken but to share with thee A mutual immortality Ah mre, qui pourra te consoler Dans toute cette (absurde) misre ? Pour charmer un temps nos yeux avides Tu souris, oh, d'un si tendre sourire ! Mais qui sous ce doux rayonnement ne lit Ta dtresse profonde, indicible ? En vrit nul paradis blouissant Ne peut te ravir l'amour de tes enfants Tous, quand l'clat de la vie se retire Nous mlons aux tiens nos derniers dsirs ; Nous luttons, nous cherchons saisir D'un il brouill ton visage chri Notre sjour natal, nous ne voudrions Le quitter pour aucun monde outre-tombe Non - plutt sur ton sein gnreux Laisse-nous reposer jamais Ou nous veiller mais pour jouir avec toi D'une mutuelle immortalit -

20The evening passes fast away, 'Tis almost time to rest -

What thoughts bas left the vanished day ? What feelings in thy breast ? 'The vanished day ? it leaves a sens 'Of labour hardly done -'Oflittle gained with vast expense -- A sens of grief alone - ' 'Time stands before the door ofDeath Vpbraiding bitterly 'And conscience, with exhaustless breath Tours black reproach on me And though I think that Conscience lies And Time should Fate condemn 'Still, weak Repentance clouds my eyes, And makes me yield to them ' Then art thou glad to seek repose ? -Art glad to leave the sea ? And anchor ail thy weary woes In calm Eternity ? Nothing regrets to see thee go -Not one voice sobs, 'FarewelV And where thy heart has suffered so Canst thou dsire to dwell ? [20]* Le soir passe promptement, C'est presque l'heure du repos -Quelles penses te laisse le jour enfui ? Quelles motions dans ta poitrine ? "Le jour enfui ? il laisse un sentiment De besogne peine accomplie -D'infime gain obtenu grands frais - Un sentiment de pur chagrin -" h" "Le Temps, devant la porte de la Mort Aprement me sermonne Et la conscience, d'un souffle intarissable M'abreuve de noirs reproches "J'ai beau penser* qu'elle ment, que le Temps Devrait condamner le Destin -Le lche* Repentir brouille ma vision Et fait qu' eux je me rends" - Alors tu es heureux de chercher le repos ? - Heureux de quitter la mer ? Et d'ancrer tous tes lourds malheurs Dans la calme Eternit ? Rien ne regrette de te voir partir -Nulle voix ne sanglote : "Adieu" Et peux-tu, o ton cur a tant souffert Avoir dsir de demeurer ? 'Alas ! the countless links are strong 'That bind us to our clay ; 'The loving spirit lingers long 'And would notpass away'And rest is sweet, when laurelled fam Will crown the soldier's crest ; 'But a brave heart with a tarnished name 'Would rather fight, than rest, ' Well thou hast fought for many a year - Hast fought thy whole life through. - Hast humbled Falsehood - trampled Fear. What is there left to do ? "Tis true- this arm has hotly striven, 'Has dared whatfew would dare 'Much hve I done, andfreely given 'Yet little learn to bear' Look on the grave where thou must sleep Thy last and strongestfoe 'Twill be endurance not to weep If that repose be woe The long fight closing in defeat. Defeat serenely borne -Thine eventide may still be sweet Thy night, a glorious morn October23rd- 42- February 6th 1843 "Hlas, puissants sont les mille liens Qui nous unissent l'argile : L'me aimante longuement s'attarde Et rencle s'en aller "Et le repos est doux, si la gloire laure Couronne le cimier du soldat ; Mais un cur vaillant, sa renomme souille, Prfre au repos le combat", Allons tu t'es battu pendant maintes annes - T'es battu tout au long de ta vie. - Tu as pitin la Peur - puni le Mensonge. Que reste-t-il accomplir ? "C'est vrai ce bras a lutt chaudement, Os ce que peu oseraient J'ai agi beaucoup, donn sans

compter, Mais* peu appris endurer" Contemple la tombe o tu dois dormir, Ton ultime et suprme ennemi -L'endurance sera* de ne point gmir Si ce repos s'avre* tourment La longue lutte* s'achevant en dfaite. Accepte d'un front serein -Ton soir* peut encore tre douceur -Ta nuit*, un radieux matin 23 octobre 42-6 fvrier 1843

21 HopeHope was but a timid Friend -She sat without the grated den Watching how myfate would tend, Even as selfish-hearted men She was cruel in herfear. Through the bars, one dreary day, I looked out to see her there And she turned her face away !AT

Like a faise guard, false watch keeping Still in strife, she whispered, peace She woul sing while I was weeping, Ifl listened, she would cease False she was, and unrelenting. When my lastjoys strewed the ground even sorrow saw repenting Those sad relies scattered roundHope - whose whisper would hve given -Balm to ail that frenzied pain -Stretched her wings and soared to heaven -Went - and ne'er returned again ! December 18th 184-

[21] Esprance*Amie craintive que l'Esprance -Assise en dehors des grilles de l'antre Elle guettait le cours de mon destin, Tout comme les humains gostes Elle tait cruelle dans sa peur. Un morne jour, par les barreaux, Je voulus voir si elle tait l Mais elle dtourna son visage ! Tel un faux gelier, montant fausse garde Inerte au combat, elle soufflait : paix Elle chantait tandis que je pleurais Si j'coutais, elle s'arrtait Elle tait fausse, et sans piti. Quand mes dernires joies s'croulrent Mme le malheur vit avec remords Ces tristes reliques parpilles L'Esprance - dont un mot et t baume -Sur la* douleur exacerbe Dploya ses ailes et gagnant le Ciel -S'en alla - pour ne revenir jamais ! 18 dcembre 184-

22MyComforterWell bas thou spoken - andyet not taught A feeling strange or new -Thou hast but roused a latent thought, A cloud-closed beam ofsunshine brought To gleam in open view Deep down - concealed within my sol That light lies hidfrom men Yet glows unquenched - though shadows roll, Its gentle ray can not control, - About the sullen den Was I not vexed, in thse gloomy ways To walk unlit so long ? Around me, wretches uttering praise Or bowling o'er their hopeless days -And each with frenzy's tongueA Brotherhood ofmisery, With smiles as sad as sighs Whose madness daily maddening me, Turning into agony The Bliss before my eyes So stood I in Heaven'sglorious sun And, in the glare ofHell My spirit drank a mingled tone Ofseraph 's song and dmon's groan.

[22] Mon consolateur*Tu as bien parl sans pourtant m'apprendre De sentiment trange ou nouveau -

Tu n'as fait qu'veiller une pense latente, Qu'amener, cern de nues, un rayon A luire ciel ouvert Au trfonds - dissimule en mon me -Sa clart se drobe l'homme Mais brle inpuisable dferlent les ombres Elles n'en vainquent point le doux halo, - Dans l'antre morose Quel tourment ce fut, en ces voies de tnbres D'errer sans flambeau* si longtemps ! Autour de moi, des malheureux chantant louange Ou hurlant contre une vie de dsespoir -Tous dans la langue du dlire Une Confrrie de misre, Aux* sourires comme soupirs Dont la folie m'affolant* chaque jour Transformait* en supplice La Flicit mes yeux visible Ainsi dresse - dans le soleil glorieux du Ciel Et dans le flamboiement de l'Enfer Mon esprit buvait une musique mle De chants d'anges et de cris de dmons. - What thy sol bore thy sol alone Within its selfmay tellLike a soft air above a sea Tossed by the tempest's stir~ A thawwind melting quietly The snowdrift on some wintery lea -No- What sweet thing can match with thee, My thoughtful Comforter ? Andyet a little longer speak Calm this resentful mood And while the savage heart grows meek, For other token do not seek, But let the tear upon my cheek Evince my gratitude February lOth 1844 - Ce que ton* me a subi, ton me seule En son for peut le dire Comme un souffle lger sur une mer Secoue par les assauts de la tempte -Un vent tide qui fond en silence La neige sur la prairie d'hiver - Mais non - Quelle douceur peut t'galer*, Mon attentif Consolateur ? Pourtant parle encore un peu Apaise mon amertume Et tandis que s'humilie le cur sauvage, Ne cherche pas d'autre gage, Mais sur ma joue laisse les larmes Marquer ma gratitude 10 fvrier 1844 How clear she shines ! How quietly I lie beneath her silver light While Heaven and Earth are whispering me, 'Tomorrow wake- but dream tonight' Yes - Fancy corne, myfaery love ! Thse throbbing temples, softly kiss. And bend my lonely couch above And bring me rest, and bring me bliss The world is going. Dark world adieu ! Grim world, go hide thee till the day ; The heart thou canst not ail subdue Must still resist if thou delay. Thy love, I will not will not share Thy hatred only wakes a smile Thy griefs may wound - thy wrongs may tear

But oh thy lies shall ne'er beguileWhile gazing on the stars that glow Above me in that stormless sea I long to Hope that ail the woe Cration knows, is held in thee ! [23]* Qu'elle brille clair ! Avec quelle quitude Je gis sous sa lumire d'argent* Tandis que Ciel et Terre me murmurent : "Demain rveille-toi - mais cette nuit, rve" Oui - viens, Imagination, fe mon amour ! Sur ces tempes qui battent, pose un baiser, Penche-toi sur ma couche solitaire Et donne-moi la paix, et donne-moi l'extase Le monde s'en va. Sombre monde, adieu ! Cruel monde, cache-toi* jusqu'au jour ; Ce cur que tu ne peux entier rduire Si tu tardes, devra lutter encore. Ton amour, je ne veux ne veux y avoir part Ta haine n'veille qu'un sourire Que tes maux blessent que tes torts dchirent Jamais tes mensonges ne leurreront Contemplant les toiles, lumineuses Au-dessus de moi dans cette mer sans houle J'ai l'ardent Espoir que tout le malheur De la Cration est contenu en toi ! And this shall be my dream tonight-I'U think the heaven ofglorious sphres Is rolling on its course oflight In endless bliss, through endless years Fil think, there's not one world above, Far as thse straining eyes can see, Where Wisdom ever laughed at Love -Or Virtue crouched to Infamy Where - writhing neath the strokes o/Fate The mangled wretch isforced to smile, To match his patience gainst his hte, His heart rebellions ail the while. Where Pleasure still will lead to wrong And helpless Reason warn in vain And Truth is weak, and Treachery strong Andjoy the shortest path to pain And Peace the lethargy of grief-And Hope a phantom ofthe Sol -And Life a labour void and brief And Death the despot ofthe whole April 13th 1843 Et voici cette nuit quel sera mon rve -Je croirai que le ciel de sphres radieuses Vogue sur son erre de lumire Dans l'infini des ans, l'infini de l'extase Je croirai qu'il n'est pas l-haut un seul monde, Aussi loin que peuvent scruter ces yeux, O la Sagesse ait jamais ri de l'Amour -Ni la Vertu ramp devant l'Ignominie O - se tordant sous les coups du Destin L'tre broy soit* forc de sourire, D'opposer la patience sa haine, Alors que la rvolte bout en son cur. O le Plaisir ne peut conduire qu'au mal O la Raison vainement met en garde O la Vrit est faible, et forte la Tratrise Et la Joie mne droit* la douleur O la Paix est lthargie du chagrin L'Espoir, un fantme de l'Ame -La Vie, un labeur nul et bref -Et la Mort, le despote omnipotent 13 avril 1843

24On a sunny brae alone I lay One summer afternoon, It was the marriage-time ofMay With heryoung lover, June. From her Mother's heart seemed loath to part That queen of bridai charms ; But her Father smiled on thefairest child He ever held in bis arms The trees did wave theirplumy crests, The glad birds carolled clear And l of ail the wedding guests Was only sullen there There was not one but wished to shun My aspect void ofcheer The very grey rocks looking on Asked, 'what do you do hre ?' And I could utter not reply -In sooth I did not know Why I had brought a clouded eye To greet the gnerai glow, So resting on a heathy bank I took my heart to me And we together sadly sank Into a rverie [24]* Sur un adret* j'tais seule, allonge Par un aprs-midi d't, C'tait le temps du mariage de Mai Avec Juin, son jeune amant.

De sa Mre regret semblait se sparer La reine du rite nuptial ; Mais son Pre souriait la plus belle enfant Qu'il et tenue dans ses bras Les arbres agitaient leurs cimiers emplums, Les oiseaux s'gosillaient Moi seule, de tous les invits de la noce Etais morose en ce lieu Pas une crature qui ne voult fuir Ma physionomie chagrine Mme les rochers gris en spectateurs Demandaient : "Que fais-tu ici ?"* Et je ne pouvais donner de rponse -En vrit je ne savais Pourquoi j'tais venue l'il embu Saluer la ferveur gnrale, M'adossant un talus de bruyre, Contre moi j'ai serr mon cur Et ensemble nous nous sommes abms Dans une triste rverie We thought - 'When winter cornes again Where will thse bright things be ? AU vanished like a vision vain -An ureal mockery ! The birds that now so blithely sing -Through dserts frozen dry, Poor spectres of the perished Spring In famished troops willfly And why should we be glad at ail ? The leafis hardly green Before a token ofthefall Is on Us surface seen - ' Now whether it were really so I never could be sure -But as in fit ofpeevish woe I stretched me on the moor A thousand thousand glancing fires Seemed kindling in the air -A thousand thousand slvery lyres Resoundedfar and near Methought the very breath I breathed Wasfull ofsparks divine And ail my heather couch was wreathed By that celestial shine Nous songions : "Quand reviendra l'hiver O seront ces choses clatantes ? Evanouies comme une vision vaine Une drisoire illusion ! Ces oiseaux qui chantent si joyeux -Par des dserts grills de gel, Pauvres spectres du printemps disparu Fuiront en bandes affames Y a-t-il un seul motif de se rjouir ? La feuille est peine verte Que sur sa* surface on peut lire Le prsage de sa* chute -" Alors, tait-ce une ralit, Je n'ai jamais pu le savoir -Mais comme en un geste dpit Sur la lande je me laissais choir Mille et mille flammes scintillantes* Parurent s'allumer dans l'air -Mille et mille lyres argentines Rsonnrent alentour II me semblait que mon haleine mme S'emplissait d'tincelles divines Tout mon lit de bruyre tait nimb De cette cleste lumire And while the wide Earth echoing rang To their strange minstrelsy The little glittering spirits sang Or seemed to sing to me C 'O mortal, mortal, let them die -'Let Time and Tears destroy 'That we may over-flow the sky 'With universal joy'Let Grief distract the sufferer's breast 'And Night obscure his way 'They hasten him to endless rest And everlasting day 'To Thee the world is like a tomb. A desert's naked shore 'To us in unimagined bloom 'It brightens more and more. And could we lift the veil and give 'One brief glimpse to thine eye 'Thou would'st rejoicefor those that live 'Because they live to die - ' The music ceased - the noon day Dream Like dream of night withdrew But Fancy still will sometimes deem Herfond cration true March 5th 1844 Et comme la vaste Terre en cho vibrait A leur trange srnade, Les menus esprits scintillants chantaient Ou semblaient chanter pour moi "O mortelle, laisse mourir tout cela -Laisse le Temps et les Larmes dtruire Afin que nous&"' *

puissions inonder le ciel D'une universelle joie "Laisse la Douleur garer le cur qui souffre Et la Nuit voiler son chemin Elles le htent vers le repos infini Et le jour ternel "Pour Toi le monde est comme une tombe, Le rivage nu d'un dsert Pour nous - d'un clat inimagin II resplendit toujours plus. "Si levant le voile nous pouvions t'en offrir La vision un bref instant Tu te rjouirais pour les vivants De ce* qu'ils vivent pour mourir -" Le chant se tut - le Rve diurne Tel un rve de nuit se retira Mais l'Imagination parfois veut croire Vfie sa tendre cration 5 mars 1844

25 To ImaginationWhen weary with the long day's care And earthly change front pain to pain And lost and ready to despair Thy kind voice calls me back again -O my true Friend, I am not lone While thou canst speak with such a tone ! -rSo hopeless is the world without The world within I doubly prize Thy world, where guile and hte and doubt And cold suspicion never rise -Where thou and I and Liberty Hve undisputed sovereignty. What matters it that ail around Danger and grief and darkness lie If but within our bosom 's bound We hold a bright unsullied sky Warm with the thousand mingled rays Ofsuns that know no winter days Reason indeed may oft complain For Nature's sad reality And tells the suffering heart how vain Its cherished dreams must always be And Truth may rudely trample down The flowers offancy newly blown

[25] A l'imagination*Lorsque lasse du souci du long jour Et du passage ici-bas de peine en peine Que perdue, au bord du dsespoir, A nouveau ta voix de bont m'appelle -O ma vraie Amie, je ne suis point seule Tant qu'avec de tels accents tu me parles ! Si vide d'espoir est le monde du dehors Que celui du dedans m'est d'un double prix Ton monde toi, o ruse, haine, et doute Et froid soupon jamais ne surgissent -O nous rgnons, toi et moi et la Libert, En souverainet indiscute. C Qu'importe que de tous cts nous guettent Les tnbres, le danger et la douleur* Si, ft-il notre poitrine born, Nous portons un ciel brillant, sans souillure*, Chaud de tous les mille rayons mls De soleils ignorant les jours d'hiver La Raison certes souvent peut se plaindre De la Nature en sa triste ralit Et prvient le cur souffrant combien vains Resteront toujours les rves qu'il berce, La Vrit peut fouler sans vergogne Les fleurs de l'imagination frais closes But thou art ever there to bring The hovering visions back and breathe New glories o 'er the blighted spring And call a lovelier Hfefrom death And whisper with a voice divine Of real worlds as bright as thine I trust not to thy phantom bliss Yet still in evening s quiet hour With neverfailing thankfulness I welcome thee benignant power

Sure Solacer ofhuman cares And brighter hope when hope despairs September 3rd 1844 26 O ! thy bright eyes must answer now, When Reason, with a scornful brow, Is mocking at my overthrow ; O, thy sweet tongue mustplead for me And tell why I hve chosen thee ! Stern Reason is to judgement corne Arrayed in ail herforms ofgloom ; Wilt thou my advocate he dumb ? No radiant angel, speak and say Why I did cast the world away : Mais toi tu es toujours l pour ramener Les flottantes visions* et souffler De neuves splendeurs sur le printemps fltri Susciter hors la mort une vie plus magique Et tout bas voquer d'une voix divine Des mondes rels aussi radieux que le tien Je ne me fie pas ton extase fantme Pourtant l'heure paisible du soir Avec une gratitude jamais en dfaut Je t'accueille, toi, bienfaisant pouvoir Fidle Solace des angoisses humaines Espoir plus vif* o l'espoir dsespre 3 septembre 1844 [26]* Oh ! tes yeux clairs doivent rpondre, Puisque la Raison, le ddain au front, Tourne ma dfaite en drision ; Oh, ta douce langue doit plaider pour moi Et dire pourquoi je t'ai choisi ! La svre Raison sige au tribunal, Dployant son lugubre appareil ; Seras-tu muet, toi, mon avocat ? Non, ange radieux, parle, raconte Pourquoi j'ai rejet le monde : Why I hve persevered to shun The common paths that others run And on strange road joumeyed on, Heedless alike of Wealth and Power -OfGlory's wreath and Pleasure's flower Thse once indeed seemed Beings divine And they perchance heard vows ofmine And saw my offerings on their shrine -But, careless gifts are seldom prized And mine were worthily despised ; So with a ready heart I swore To seek their altar stone no more And gave my spirit to adore Thee, everprsent, phantom thing My slave, my Comrade and my King ! A slave because I raie thee still Incline thee to my changeful will And make thy influence good or ill -A comrade, for by day and night Thou art my intimate Delight My Darling Pain that wounds and sears And wrings a blessing outfrom tears By deadening me to real cares ; And y et a king- though prudence well Hve taught thy subject to rebel Pourquoi avec obstination j'ai fui Les sentiers battus par autrui Et une trange route poursuivi, Sans souci de Richesse et de Pouvoir De fleur de Plaisir, de laurier de Gloire Jadis, oui, ils semblaient des Etres divins Et peut-tre ont-ils entendu mes serments Et sur leur autel aperu mes offrandes -Mais les dons distraits sont peu souvent priss, Les miens* furent dment mpriss ; Alors d'un cur empress j'ai jur De dlaisser leur sanctuaire de pierre Et j'ai vou mon esprit t'adorer, Toi, prsence perptuelle, irrelle, Mon esclave, mon Compagnon et mon Roi ! Esclave car malgr tout je te domine, Selon ma changeante volont t'incline Et rends ton influence bonne ou maligne Compagnon, car de jour et de nuit Tu es mon ultime Dlice Ma trs Chre Douleur qui blesse et calcine Et m'endurcissant aux rels* soucis Arrache aux larmes une grce ; Et cependant roi quoique la prudence A ta sujette ait appris la rbellion And am I wrong, to worship where Faith cannot doubt, nor Hope despair, Since my own sol can grant my prayer ? Speak God of visions, pleadfor me, And tell why I hve chosen thee ! October 14th 1844

27'Enough of Thought, Philosopher, 'Too long hast thou been dreaming 'Unlightened, in this chamber drear 'While summer's sun is beaming 'Space-sweeping sol, what sad refrain 'Concludes thy

musings once again ? 'O for the time when I shall sleep 'Without identity -'And never care how rain may steep 'Or snow may cover me ! 'No promised Heaven, thse wild Desires 'Could ail or half fufil -'No threatened Hell - with quenchless fires 'Subdue this quenchless will !' Ai-je tort d'adorer, o la Foi ignore Le doute, o l'Espoir ne dsespre, Puisque mon me mme peut exaucer ma prire ? Parle, Dieu des visions, plaide pour moi Et dis pourquoi je t'ai choisi ! 14 octobre 1844 [27]* Assez de Pense, Philosophe, II y a trop longtemps que tu rves Sans lumires, dans ce cabinet morne Alors que rayonne le soleil d't -Quel triste refrain, me d'espace prise Une fois encor clt tes songeries ? "O vienne le temps o je dormirai* Sans identit N'ayant cure que me trempe la pluie Ou que me couvre la neige ! Nul Ciel promis, ne saurait mme demi Combler cessauvages Dsirs -Nul Enfer brandi - de ses feux insatiables Dompter cet insatiable vouloir ! - So said I... and still say the same, Still to my Death will say Three Gods within this littleframe Are warring night and day Heaven could not hold them ail, andyet They ail are held in me And must be mine till Iforget My prsent entityO, for the time, when in my breast Their struggles will be o 'er. Ofor the day when I shall rest And never suffer more ! 1 saw a spirit standing, Man, 'Where thou does stand- an hour ago, And round hisfeet, three rivers ran 'Ofequal depth and equalflow A Golden stream, and one like blood 'And one like Sapphire, seemed to be 'But where they joined their triple flood 'It tumbled in an inky sea 'The Spirit bent his dazzling gaze 'Down on that ocean'sgloomy night 'Then - kindling ail with sudden blaze "The glad deep sparkled wide and bright White as the sunfar, far more fair 'Than Us divided sources were !' Voici ce que je disais... et dis encor - Et jusqu' ma Mort redirai Trois Dieux dans ce menu corps Nuit et jour se font la guerre --vLe Ciel ne les pourrait contenir tous, Tous cependant tiennent en moi Et miens devront tre jusqu' l'oubli De ma prsente entit tr

Oh, vienne le temps o dans mon sein Prendront fin leurs luttes. Oh, vienne le jour o je reposerai Sans jamais plus souffrir ! "J'ai vu un esprit se tenir, Homme, O tu te tiens voici une heure, Autour de ses pieds, trois fleuves coulaient D'gal dbit, d'gale profondeur "Un fleuve d'Or, un comme de sang Et un comme de Saphir, semblait-il Mais leur triple cours son confluent Se jetait dans une mer d'encre "L'Esprit sur* cet ocan tnbreux Abaissa* son regard blouissant Alors - embrasant tout d'un clat soudain L'abme heureux de tous cts fulgura Blanc comme le soleil, oh combien plus clair Que ne l'taient ses sources divises !" - And evenfor that spirit, Seer, I've watched and sought my lifetime long Sought Him in Heaven, Hell, Earth and Air An endless search -and always wrong ! Had I but seen bis glorious eye Once light the clouds that wilder me, I ne'er had raised this coward cry To cease to think and cease to be I ne'er had called oblivion blest Nor stretching eager hands to Death Implored to change for

lifeless rest This sentient sol this living breath O let me die that power and will Their cruel strife may close And vanquished Good victorious III Be lost in one repose February 3d 1845 - Cet esprit-l, Voyant, je l'ai guett Et cherch tout au long de ma vie Pour Lui j'ai fouill Ciel, Enfer, Terre et Air En une qute sans fin - toujours errone ! Et-il une foi? de son il splendide Eclair les nuages qui m'garent, Jamais je n'aurais lanc ce cri lche : Cesser de penser, cesser d'tre Jamais dclar bienheureux l'oubli Ni tendant vers la Mort des mains avides Implor d'changer pour l'inertie* Mon souffle vivant mon me sensible Oh que je meure, afin que pouvoir et vouloir Cessent leur guerre cruelle Et que le Bien vaincu* le Mal vainqueur* En un mme repos s'annulent 3 fvrier 1845

28Ah ! why, because the dazzling sun Restored my earth to joy Hve you departed, everyone, And left a dsert sky ? AU through the night, your glorious eyes Were gazing down in mine And with afull heart's thankful sighs I blessed that watch divine ! I was at peace : and drank your beams As they were life to me And revelled in my changeful dreams Like ptrel on the sea Thought followed thought - star followed star Through boundless rgions on While one sweet influence, near and far, Thrilled through andproved us one. Why did the morning rise to break So great, so pure a spell, And scorch with fire the tranquil cheek Where your cool radiancefell ? [28]* Ah ! parce que l'blouissant soleil A rendu ma* terre la joie Pourquoi avez-vous disparu, une une Et laiss un ciel dsert ?-A

Tout au long de la nuit, vos yeux splendides Sont rests plongs dans les miens Et des soupirs mus d'un cur combl, Je bnissais ce guet divin ! J'tais en paix ; je buvais vos rayons Comme s'ils taient la vie pour moi Et m'enivrais de mes rves changeants __MrIel un ptrel sur la vague Pense aprs pense - toile aprs toile Sillonnaient l'espace infini Tandis qu'une mme force, parse et douce, Vibrait en nous, nous prouvant un. Pourquoi le matin est-il venu* briser Un charme si puissant, si pur, Et son feu mordre la joue paisible O tombait votre frache clart ? Blood red he ros, and arrow-straight Hisfierce beams struck my brow The sol qf Nature sprang elate, But mine sank sad and low ! My lids closed down - yet through their veil I saw him blazing still ; And bathe in gold the misty date And flash upon the hillI turned me to the pillow then To call back Night, and see Your worlds ofsolemn light again Throb with my heart and me ! It would not do the pillow glowed And glowed both roof and floor And birds sang loudly in the wood Andfresh winds shook the door. The curtains waved, the wakened flies Were murmuring round my room Imprisoned there, till I should rise And give them leave to roam O, Stars and Dreams and Gentle Night. O, Night and Stars return ! And hide mefrom this hostileir---

light That does not warm, but burn Rouge sang il a surgi, et dards Ses rayons violents ont frapp mon front L'me de la Nature a bondi d'allgresse La mienne* dans la tristesse a sombr ! J'ai clos mes paupires - mais sous leur voile Je l'ai vu s'embraser encore, Puis baigner d'or le brumeux vallon Puis clater sur la colline Alors je me suis tourne vers l'oreiller Pour rappeler la Nuit, revoir Vos mondes de clart solennelle Battre avec moi, avec mon cur ! C~ Peine perdue - l'oreiller rougeoyait Et rougeoyaient plancher et toit Les oiseaux s'gosillaient dans le bois Des vents neufs secouaient la porte. Les rideaux flottaient, les mouches rveilles Murmuraient autour de ma chambre, Captives jusqu' ce que je me lve Pour leur donner libre champ O Etoiles, Rves et Tendre Nuit, O Nuit, Etoiles, revenez ! Drobez-moi la lumire hostile Qui brle, au lieu de rchauffer That drains the blood ofsuffering men -Drinks tears, instead ofdew-Let me sleep through his blinding reign And only wake with y ou ! April lth 1845

29Death, that struck when I was most confiding In my certain Faith ofjoy to be ; Strike again, Time's withered branch dividing From thefresh root ofEternity ! Leaves, upon Time's branch, were growing brightly Full ofsap andfull ofsilver dew ; Birds, beneath its shelter, gathered nightly ; ' Daily, round itsflowers, the wild beesflew. Sorrow passed and plucked the golden blossom, Guilt stripped off the foliage in its pride ; But, within its parents kindly bosom Flowedforever Life's restoring tideLittle mourned Ifor the parted gladness, For the vacant nest and silent song ; Hope was there and laughed me out of sadness, Whispering, 'Winter will not linger long'. Qui draine le sang des hommes douloureux -Boit des larmes, au lieu de rose -Donnez-moi de dormir en son rgne aveuglant Pour ne m'veiller qu'avec vous ! 14 avril 1845

[291*Mort, qui frappas alors que je me fiais le plus A ma Foi assure en la joie tre ; Frappe encor, branche fltrie du Temps qui bifurque De la racine verte de l'Eternit ! Les feuilles, sur la branche du Temps, poussaient vives Gorges de sve, argentes de rose ; Les oiseaux, sous son couvert, au soir se rassemblaient De jour, autour de ses fleurs, volaient les abeilles. Le chagrin passa, arrachant la fleur dore, La faute dpouilla le feuillage en sa gloire ; Mais dans le sein gnreux des parents Coulait le flot rparateur de la Vie Je ne pleurai gure sur la joie disparue, Le nid dsert et le silence du chant ; L'Espoir tait l, rieur il chassait ma tristesse, Murmurant : "L'hiver ne s'attardera point." And behold, with tenfold increase blessing Spring adorned the beauty-burdened spray ; Wind and rain and fervent beat caressing Lavished glory on Us second May High it ros, no winged grief could sweep it, Sin was scared to distance with Us shine : Love and Us own life hadpower to keep it From ail wrong, from every blight but thine ! Death, the young leaves droop and languish ! Evening's gentle air may still restore -No, the morning sunshine mocks my anguish -Time for me must never blossom more Strike it down - that other boughs mayflourish Where that perished sapling used to be ; Thus, at least, Us mouldering corpse will nourish That from which it sprung, Eternity April lOth 1845

Et voici que le printemps, de sa grce fructifiante Orna le rameau alourdi de beaut ; Le vent et la pluie, la chaleur aux caresses ardentes Le couvrirent de gloire en son* second mai -s L-haut il montait, l'abri de tout chagrin ail, Son clat faisait fuir distance le pch ; L'amour, sa vie mme avaient pouvoir de le garder De tout mal, de tout ravage hormis le tien ! *Mort, les jeunes feuilles schent et dprissent ! Le doux air du soir peut encor gurir -Non, le soleil du matin se moque de ma dtresse -Pour moi jamais plus le Temps n'clora Foudroie-le ! - que d'autres branches fleurissent O se trouvait ce surgeon dtruit ; Que, du moins, son cadavre pourrissant nourrisse Le tronc d'o il a jailli, l'Eternit 10 avril 1845

30How beautiful the Earth is sill To thee, howfull ofHappiness ; How little fraught with real ill Or shadowy phantoms ofdistress : How spring can bring thee glory yet, And summer win thee toforget December's sullen time ! Why dost thou hold the treasurefast Ofyouth's delight, whenyouth ispast And thou art near thy prime ? When those who were thy own compeers Equal infortunes and in years Hve seen their morning melt in tears To dull unlovely day ; Blest, had they died unproved and young Before their hearts were wildly wrung Poor slaves, subdued by passions strong A weak and helplessprey ! 'Because, I hoped while they enjoyed 'And by fulfilment, hope destroyed-'As children hope, with trustful breast 7 waited Bliss and cherished Rest [30]* Comme la Terre est encor belle Pour toi, qu'elle recle de Bonheur ; Comme elle est libre de maux rels Ou de vains* fantmes de douleur ; t--Que le printemps sait t'offrir de splendeur Et l't te faire oublier Les jours moroses de dcembre ! Pourquoi serres-tu si fort le trsor Des joies d'antan, quand la jeunesse est morte Et que la maturit point ? Quand ceux-l mmes qui furent tes pairs* Tes gaux par la fortune* et par l'ge Ont vu leur matin se dissoudre en larmes Dans un morne jour sans charme* ; Ah, que ne sont-ils morts jeunes, innocents*, Avant, pauvres esclaves, de voir leur cur Broy* sous le joug des fortes passions Proie faible et dsarme ! H "C'est que j'esprais, alors qu'il jouissaient, Et par la satit, ruinaient l'esprance -D'un cur naf, comme l'enfant espre, Eprise de Repos, j'attendais l'Extase A thoughtful Spirit taught me soon 'That