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1 Contes du Sénégal

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  • 1Contes du

    Sngal

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  • 1AGENCE ESPAGNOLE POUR LA COOPRATION INTERNATIONALE AU DVELOPPEMENT (AECID)

    Contes du Sngal

    TEXTES TABLIS ET PRSENTS PAR :

    IBRAHIMA SARR ET ALIOUNE DIENG

  • 2 Agence Espagnole pour la Coopration Internationale au Dveloppement (AECID), Dakar, 2010

    Ralisation :

    Editions Papyrus AfriqueBP : 19472, Dakar - SngalTl./Fax: 00221 33 8373882Email : [email protected]

  • 3PRfACE

    Aurais-tu oubli ta noblesse, qui est de chanter les Anctres les Princes et les Dieux, qui ne sont ni fleurs ni gouttes de rose ?

    Lettre un pote. Lopold Sdar Senghor

    Le Sngal a toujours t conscient de la richesse de sa culture et de la ncessit den faire la pierre angulaire de sa cohsion nationale et de son dveloppement. Et loin de rendre ce projet caduc, la globalisation en fait au contraire un impratif de survie. Il nest donc pas tonnant que la prservation de

    lhritage culturel et la sauvegarde du patrimoine culturel matriel et immatriel sngalais occupent une place si impor-tante dans la politique du ministre de la Culture et des Loisirs.

    La connaissance du patrimoine culturel immatriel peut en

    effet jouer un rle fondamental dans lducation des jeunes gnrations. En se rappropriant les acquis littraires de leur univers o loralit est reine, les enfants et les jeunes dispo-seront doutils efficaces pour la comprhension du monde. Un tel processus va en outre favoriser des relations encore plus

    confiantes entre nos diffrentes communauts.

    Mettant en vidence les repres identitaires et les valeurs

    qui y sont attaches, la construction de rcits alternatifs ouvrira

    notre peuple une voie royale sur la route du progrs et lui

  • 4donnera la force daffronter les dfis du dveloppement. Cela va assurment contribuer la naissance dun modle de citoyen

    responsable et prt tirer parti des enseignements du pass pour difier une socit la fois ouverte tous les souffles du monde moderne et firement enracine dans ses valeurs.

    La judicieuse dcision de lAgence Espagnole de Coopration Internationale au Dveloppement (AECID) de parrainer ce

    recueil de Contes du Sngal est un pas en avant dans cette dmarche. Elle accompagne aussi les efforts du Sngal qui, sous limpulsion du Chef de ltat Matre Abdoulaye WADE, met

    en uvre une importante politique de dveloppement culturel

    visant au renforcement du lien entre culture et dveloppement.

    Dans cette perspective, lapport de nos partenaires internatio-

    naux est le bienvenu. Avec ce recueil de contes, nous avons

    plaisir saluer une contribution de taille.

    Docteur Serigne Mamadou Bousso LEYE

    Ministre de la Culture et des Loisirs

  • 5AVANT-PROPOS

    Selon Umberto Eco le livre est comme la cuillre, le marteau, la roue, les ciseaux, car une fois que nous lavons invent, nous ne pouvons plus faire mieux. Ctait une faon pour le clbre smiologue italien de rappeler que les livres en tant quobjets nous permettent de vaincre le temps. Dans le cas des peuples o la littrature est lie loralit, le passage de lhistoire ra-conte lhistoire crite est un grand dfi.

    Nous avons dcid de le relever parce que, en harmonie avec la Convention pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Imma-triel de lUNESCO de lanne 2003, nous sommes convaincus que ce patrimoine culturel immatriel, transmis de gnration en gnration, est recr en permanence par les communauts et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment diden-tit et de continuit, contribuant ainsi promouvoir le respect de la diversit culturelle et la crativit humaine .

    Le livre que vous tenez entre les mains est un maillon entre le pass et lavenir, une passerelle entre les histoires que les enfants de plusieurs localits du Sngal ont hrites de leurs anctres et leur vcu actuel. Mais il peut aussi tre un point de dpart pour les lecteurs de demain qui pourront ainsi renouer le lien entre les gnrations. Car pour le salut de notre univers, il est essentiel quy soient entendues ces belles histoires qui nous ramnent notre commune origine humaine, ces histoires rap-portes de sicle en sicle par le sage qui, tel Amadou Hampt B peut dclarer firement : Je suis un diplm de la grande universit de la Parole enseigne lombre des baobabs.

    M. Jorge Toledo Albiana Ambassadeur du Royaume dEspagne au Sngal

  • 6

  • 7PRSENTATION

    Le tronc darbre aura beau sjourner dans la rivire, il ne de-viendra pas pour autant un crocodile .

    Proverbe sngalais

    Il nest pas facile de prsenter un ouvrage lors quon a accompagn avec intrt les diffrentes phases de son laboration. Celui-ci est le rsultat dune initiative de lAgence Espagnole pour la Coopration Internationale au Dvelop-pement (AECID) visant recueillir et mettre en valeur le

    patrimoine immatriel du Sngal avec la collaboration active, voire la complicit, des dtenteurs de ce savoir.

    Qui se souvient encore que ces rcits taient presque toujours rapports au clair de lune, avant que la tlvision et la

    radio ne prennent la place de ces espaces doisivet ? Il est donc devenu essentiel de combler ce vide et une telle

    initiative sy emploie en essayant de faire de lcole un lieu

    de loisirs et de culture, ouvert la communaut. Et lac-

    cent mis sur lcole est dautant plus justifi que lducation est larme la plus efficace dans la lutte contre la pauvret.

    Cette publication naurait assurment pas pu tre rali-

    se sans leffort concert de plusieurs organisations de la socit civile sngalaise. Pour redonner une seconde vie aux deux cents quarante deux contes qui sont partie intgrante du patrimoine culturel du pays, elles ont russi mettre

  • 8contribution les coles, les communauts et mme les enfants.

    Les professeurs Ibrahima SARR et Alioune DIENG, de lcole de

    journalisme de lUniversit Cheikh Anta Diop, ont t chargs de prparer cette slection et de veiller lamlioration de la qualit

    des textes. Ils lont fait en respectant loriginalit de chaque conte, lequel en passant de loral lcrit est devenu un prcieux outil

    pdagogique. Le rsultat de ce travail est un corpus de vingt-et-un rcits mettant en lumire et en valeur les traditions du Sngal.

    Nous tenons remercier, au nom de lAECID, toutes les orga-nisations qui ont particip ce projet, avec une mention parti-culire pour ses principaux protagonistes, garons et filles, qui nont pas mnag leur peine pour restituer, travers ces contes et lgendes, la mmoire et lhistoire de plusieurs rgions du Sngal. Nous profitons de loccasion pour magnifier lenthou-siasme dbordant dont ont fait preuve tant de partenaires de ce

    projet appuy par la Coopration espagnole, dans la diffusion et la mise en scne de plusieurs de ces deux cents quarante deux contes.

    Quelle meilleure conclusion que le beau et profond proverbe

    cite en exergue ? Pour que le patrimoine se transmette de gnration en gnration, il est crucial pour la socit snga-laise den faire une ralit vivante. Comme le dit le pote Birago Diop, Larbre ne slve vers le ciel quen plongeant ses racines dans la terre nourricire . Autrement dit, on ne peut accder luniversalit que dans laffirmation pleine et entire de sa singularit.

    Rita SantosCoordinatrice de la Coopration Espagnole au Sngal

  • 9INTRODUCTION

    Dans chaque socit, la production de tout rcit est organise et contrle par des institutions1. Cest le cas notamment de la socit traditionnelle africaine avec ses contes, mythes et

    lgendes qui constituent des moyens fictifs de prenniser les valeurs de la communaut. Chaque conteur devient, linstar

    du griot2, un gardien de la mmoire du groupe, plusieurs fois sculaire. La production de ce genre de discours tait structure par des groupes primaires ou organiques tels que la famille, qui en faisaient des espaces de communication, des vecteurs de

    transmission des normes, savoirs et rfrents idologiques du groupe social.

    Ces rcits transmis autour du feu de bois ou pendant la nuit

    toile, avec un art consomm de la narration, par de vieilles

    personnes considres comme des pasteurs de la sagesse - ou des griots ce qui en faisait des discours autoriss - taient non seulement des crations artistiques, mais aussi ils propo-

    saient des modles de la normalit et de lanormalit en raison

    de leur porte pdagogique ou axiologique, et insistaient sur la puissance des mythes et lgendes qui ont fond les lois et normes de nos socits traditionnelles. Ils contribuaient ainsi

    la socialisation des enfants du groupe.

    1 M. FOUCAULT, LOrdre du discours. - Paris : Gallimard, 1971, 82 p.2 Voir DJ. TAMSIR NIANE, Soundjata ou lpope mandingue, Paris, Prsence Africaine, 1960.

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    En milieu urbain, la rvolution des mentalits va profond-

    ment modifier la donne. Nous pouvons voquer les effets de la modernit sur la famille traditionnelle africaine clate en de

    petites cellules, et la scolarisation qui a permis lexercice de la

    raison. A ces facteurs, Alain Marie ajoute lurbanisation qui favorise le cosmopolitisme et offre des possibilits dmancipa-

    tion indites des sujets communautaires, et le dveloppement de mdiations transnationales comme les religions du Livre et les moyens de communication, qui sadressent des consom-

    mateurs anonymes et ignorent les mdiations culturelles com-munautaires 3. Ainsi, lcole et les mdias ont favoris la mise

    en uvre de logiques plurielles avec la diffusion de valeurs en contradiction avec les modles sociaux ancestraux. Cest dans

    ce contexte quil faut apprhender le rle jou par les mdias.

    Pour ferrer les tlspectateurs et attirer les annonceurs publi-

    citaires, la no-tlvision internationale avec sa dclinaison

    locale propose aujourdhui des missions de divertissement, de superproductions cinmatographiques, dans le contexte dune mondialisation la fois technique et conomique marque

    par une circulation intense des uvres culturelles suivant le

    schma du centre vers la priphrie. Ainsi, cette tlvision du

    divertissement occupe une place de plus en plus importante

    dans la vie quotidienne des enfants sngalais. Nous pouvons dire, juste raison, avec Michel de Certeau que nous sommes dans une socit domine par les fables de nos publicits et

    de nos informations, par leurs citations et par leur interminable

    rcitation4. Nos rcits ne tombent plus du ciel ou de notre

    3 A. MARIE, LAfrique des individus. - Paris : Karthala, 1997, p. 85.4 M. de CERTEAU, Linvention du quotidien. Tome 1: Les arts de faire-Paris : Gallimard, 1990.

  • 11

    patrimoine immatriel mais du rel.

    Tout ce qui est racont par les mdias forme des rcits qui nous imposent une certaine vision du rel. Cela a largement contri-bu brouiller les rfrents culturels des enfants sngalais, qui la no-tlvision - dont les rcits ne sont pas neutres -

    propose de nouveaux modles. La multiplication de ses rcits,

    leurs citations et leur rcitation plongent nos enfants dans une surabondance des messages. Ils risquent dtre emports par le tourbillon mdiatique parce quil leur est difficile de faire la part des choses entre le vrai et le faux, entre lessentiel et lac-

    cessoire. Dautant que notre institution scolaire ne prend pas en

    charge le travail de dcryptage des langages mdiatiques ados-s un usage critique des mdias devant permettre llve de comprendre les institutions mdiatiques, leurs rcits, leurs

    intentions et les conditions de rception des messages.

    Cet tat des lieux nous permet de comprendre toute la per-

    tinence du projet de lAgence Espagnole pour la Coopration Internationale au Dveloppement (AECID) qui, travers des

    subventions accordes des associations de la place, a permis

    des enfants et des jeunes vulnrables du Sngal de mettre en valeur notre patrimoine immatriel. Ce projet a suscit donc chez eux un intrt pour les contes, les mythes et les lgendes ayant servi autrefois asseoir les bases dune ducation. Ce

    patrimoine immatriel a t collect et sauvegard partir du vcu et de la parole des enfants. Cela leur a permis de prendre

    conscience des valeurs de solidarit, de partage, de fraternit et des questions de dmocratie participative et de dveloppe-

    ment durable.

  • 12

    Le travail de collecte des enfants a dbouch sur un inventaire

    de 242 contes en franais et en langues nationales, compte non tenu des mythes, lgendes et devinettes. Cest nous quest revenu le redoutable travail de slection, de tri, de validation et

    de scnarisation des productions des diffrentes associations

    concernes. Les critres de choix tiennent compte de lorigina-lit, des qualits rdactionnelles, de la clart et de ladaptation

    du vocabulaire au niveau des lves, de limportance axiolo-

    gique des textes proposs en rapport avec le milieu sociocultu-rel dans lequel ils circulent, etc.

    Nous avons fait le choix de ne publier que des textes indits.

    Mais la question de lintertextualit ne manquera pas de se

    poser. Certains rcits entretiennent des relations explicites ou

    implicites avec dautres textes. Ils peuvent tre apprhends

    comme des versions diffrentes. Njulmeemem ou les deux surs produit par lassociation AFAAD de Yeumbeul nest pas

    sans rappeler La cuiller sale de Birago Diop. La mise en scne des animaux voque sans aucun doute Lopold Sdar Senghor et Abdoulaye Sadji. Cela dcoule du fait que les enfants ont puis la mme source que ces clbres auteurs : les contes populaires des socits sngalaises. Aprs tout, na-t-on pas trouv des ressemblances entre la production de Birago Diop5, lun des plus grands conteurs sngalais, et celles du baron Roger, de Blaise Cendrars ou de La Fontaine ? 6

    5 Par exemple Les Contes dAmadou Koumba, Paris : Prsence africaine, 1947.6 R. MERCIER, Un conteur dAfrique noire : Birago Diop , Etudes franaises, vol. 4, n 2, 1968, pp. 119-149 ; J. H. ROGER, Fables sngalaises recueillies de lOuolof, et mises en vers franais avec des notes destines faire connatre la Sngambieet les murs des habitants. Paris : Nepveu Didot, Ponthieu, 1828, 288 p ; B. CENDRARS, Anthologie ngre. Folklore des peuplades africaines, dans uvres, Paris : Denol, 1963, T. 1, pp. 209-499.

  • 13

    La plupart des contes prsentent une dimension tiologique et intemporelle dans la mesure o ils tendent la fois expli-

    quer une particularit, comme le montrent les formules ou les

    situations finales qui renvoient, parfois de faon implicite, une vrit gnrale tendant encourager un comportement positif ou rprouver une conduite ngative ; mais aussi, ils parlent aux hommes de toutes les conditions, de toutes les races et

    de tous les temps. Les titres allous ces rcits rsument le

    schma narratif (Le petit lapin qui voulait tre roi, Ldifice du malheur, Le Salut dun enfant gar ou Mbale Picc), mettent en relation ou en opposition les diffrents protagonistes (Les trois taureaux et le lion, Lhyne et la vieille) ou anticipent sur lissue

    du conte (La barque du bonheur, Ldifice du malheur). Il sagit, plus souvent, dune particularit animale dont les fonctions es-

    sentielles sont de rduire les personnages du conte des ar-chtypes, dintroduire le conte dans la sphre du merveilleux

    et du fantastique et de crer une distanciation qui permet de

    mettre lironie au service de la satire des travers des hommes.

    La structure du recueil obit un triptyque qui permet dta-

    blir une typologie des contes proposs. Tout dabord le classe-ment intgre les contes satiriques : cette partie, couvrant les contes allant de Sa Majest lne Le livre et le porc-pic , passe en revue les tares des hommes, parfois travers

    la mdiation animale. Cest ici que le rcit vhicule le mieux la

    fonction didactique du conte car il sagit essentiel de corriger en faisant rire.

    Les contes de mtamorphose figurent au centre du recueil : de Toumani, le lpreux Kanou Moussou et Kon Moussou. Cest

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    grce ces transformations que le merveilleux et le fantas-tique sintgrent dans le texte. Cette dimension du conte a un double aspect : un bon gnie fait subir une preuve un ou plu-sieurs hommes afin de valider le prodige quil leur a octroy (Le bon choix, La barque du bonheur) ; un gnie mal intentionn cherche punir ses protagonistes humains : mais ici, le conte revt une fonction satirique car ce sont les dfauts des hommes

    qui inspirent ses mauvaises actions (Tning, la femme du lion).

    Enfin, la dernire partie du recueil intgre la dimension di-fiante du conte. Sont rangs dans ce lot les contes dapprentis-sage (ou daventures) dans lesquels le hros passe un certain nombre dpreuves lissue desquelles il est rcompens de ses

    efforts. Au passage, il aura acquis une sagesse, une exprience de la vie, et parfois de la richesse, dont il fait profiter sa famille, sa communaut (Diarga et sa martre Diaba, Mbale Picc).

    Ce travail naurait t possible sans la participation des

    associations impliques dans la collecte et la transcription

    des contes. Cest galement le lieu de gratifier la coopration espagnole au Sngal de sincres remerciements pour son importante contribution la revalorisation de notre patrimoine

    culturel.Ibrahima SARR,

    CESTI, UCADAlioune DIENG,

    CESTI, UCAD

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    SA MAJEST LNE

    Sa Majest le lion tait vieux, dcharn et affaibli. Sa crinire autrefois flamboyante et touffue pendait tristement, clairseme et ple comme un vieil habit dchiquet. Son rugissement, qui nagure imposait le silence toute la fort, ne se faisait plus entendre. Il finit par saliter et malgr les soins, il rendit lme. Des funrailles grandioses, la mesure de son rang, furent orga-nises. Aprs le premier choc caus par cette perte, il fallut son-

    ger rapidement assurer sa succession, les affaires du royaume allant de mal en pis depuis des mois. Hlas ! Le lion navait laiss aucun descendant. La lionne tait vieille et puise par

    lassistance constante porte les derniers mois au grand malade.

    Le Conseil des Anciens se runit. Tour tour, le choix se porta sur llphant connu pour sa taille et sa force, le lopard pour sa

    puissance et sa vitesse. Mmes lhippopotame et le crocodile,

    plus souvent prsents dans le fleuve quau centre de la fort, furent consults. Une bataille acharne faisait rage dj entre les diffrents candidats. Les querelles incessantes emmenrent

    mme des animaux sans charisme, comme le serpent, dont la

    sournoiserie remonte lpoque o vivaient Adam et ve, se

    prsenter. Un comble ! Il fallait se dcider rapidement.

    - De grce, faites quelque chose, fulmina la souris, dj morte de peur rien quen imaginant lintronisation du plus satan des reptiles.

  • 16

    Cependant, au plus fort de ces intrigues, les nes du pays se runirent et firent savoir quayant toujours t carts des affaires, bien que travailleurs acharns, porteurs et btes de

    somme, parfois mme soumis au labour, ils taient au centre

    de lconomie du pays. Il tait temps quils gotassent aux joies du pouvoir.

    - Ah ! Vivement quarrive ce grand jour ! lana le plus forcen dentre eux.

    La horde dchane partit avec dtermination en direction

    du Conseil des Anciens et rclama llection dare-dare de lun

    dentre eux. Craignant une guerre civile au cas o ces bour-riques venaient tre dboutes, un des sages prit la parole pour calmer ces esprits chauffs et dtermins faire introni-

    ser un membre de leur communaut.

    - Qu cela ne tienne. Vous tes, vnrables baudets, des travailleurs honntes, infatigables, toujours au service de la communaut. Ici, dans ce temple de la sagesse, les curs gnreux sont les bienvenus.

    Il se tourna vers lassemble des barbes blanches et termina

    en martelant :- Il est temps de mettre fin au dsordre qui commence

    rgner dans le pays. Mieux vaut un pis-aller que le spectacle auquel nous sommes en train dassister.

    Sa Majest lne fut intronise avec faste. Tout ce que le pays comportait de bourriques stait mobilis pour la circonstance.

    On et dit, en les voyant disposes de part et dautre du trne, quun thtre de marionnettes allait souvrir. Le protocole, rigide mais strictement respect sous lre lonine, fut bientt boulevers. Les sujets de Sa Majest virent bientt avec sur-

  • 17

    prise des changements. Les braiements avaient remplac les rugissements ; les pets sonores et les ruades intempestives dconcertaient la cour. Aprs ltonnement des premiers temps,

    ils se dirent quaprs tout, cela ntait quune question de pure

    forme et dhabitude. Peu importait, lessentiel tait que les

    affaires se droulent comme elles se devaient.

    Malheureusement, au bout de quelque temps, les ngoces commencrent aller de mal en pis. Une ruade donne lambassadeur dun pays ami, en plein repas officiel, donna lieu un grave incident diplomatique et au blocus des vivres la frontire. La famine menaait. Dans un premier temps, tout le

    monde sen lava les mains. Llphant se baignait tranquille-ment dans la rivire, le crocodile et lhippopotame se tapis-

    saient au fond du fleuve ; le lopard tait la chasse, le zbre paradait, lautruche avait la tte enfouie dans le sable. Une lan-gue de vipre se fit entendre. Ce fut un toll gnral : mieux valait attendre, il ny a pas de quoi fouetter un chat. Comme

    rien ne sarrangeait, tous les animaux vinrent la charge et le Conseil des Anciens se runit enfin.

    Un soir, le singe fut envoy en mission extraordinaire chez la vieille sorcire qui habitait sur le flanc de la montagne. Il revint tard dans la nuit avec un petit sachet et se rendit mys-

    trieusement chez Madame Lionne. Au bout de quelques mois,

    une porte de lionceaux vint au monde. Le secret ne tarda pas

    se rpandre. La semence sche du vieux lion, jalousement garde par la sorcire, avait t inocule la reine et le miracle avait eu lieu. Sa Majest lne fut dpose en douceur. Depuis lors, il est exempt des durs travaux et coulait une retraite

    heureuse. Le lion junior fut intronis avec les fastes des dynasties dantan.

  • 18

    LLECTION DU PRSIDENT DE WAXATILEEN

    Dans la Rpublique de Waxatileen, les drapeaux sont en berne

    partout dans la capitale Wax-Waxaat comme dans toutes les

    capitales rgionales : Waxtaan, Waxantu, Waxtu, Wax saani. Le vieux prsident Gand fondateur et secrtaire gnral du Parti des Chasseurs Rpublicains, lu quatre fois de suite, est mort

    quatre vingt douze ans. Saliir le grillon, le Vice Prsident, qui assure lintrim, est charg dorganiser llection du nouveau prsident pour un mandat de sept ans.

    Le pays est en effervescence. Les radios, les tlvisions, les

    journaux organisent des dbats, publient des interviews de tous les candidats de Waxatileen ce scrutin.

  • 19

    La Socit civile exclue de la course llection prsidentielle,

    ouvrit les hostilits en dnonant un complot car la loi nauto-

    rise que les partis politiques prsenter des candidats. Aprs

    beaucoup de tractations et de rebondissements, trois candidats

    officiels sont retenus : Tan le vautour du Parti des Volants Libres, ay llphant du Parti des Broutants Travailleurs et Segg le lopard du Parti des Chasseurs Rpublicains.

    La campagne lectorale, ouverte depuis deux jours, bat son plein dans toutes les rgions de Waxatileen et les rumeurs les plus folles font tat de divergences profondes au sein du Parti des Volants Libres (PVL) et de celui des Chasseurs Rpublicains (PCR).

    Dans le Parti des Volants Libres, Tan est accus de navoir pas les pieds sur terre. Ignorant les ralits nationales, se rservant toujours les meilleurs morceaux, il a la critique facile car rien ne saurait chapper son il perant. Arrogant et fier, il semble dj inaccessible ! Dans celui des Chasseurs Rpublicains, Segg est contest vigoureusement. Les uns le voient comme un militant de la dernire heure, un transhumant, les autres

    comme un blanchisseur dargent. Gand Junior, le fils du dfunt prsident, anime cette dissidence. La plupart des barons

    de lappareil politique mis en place par son dfunt pre le sou-

    tient. Ses affids, la meute des jeunes carnassiers ambitieux, appellent la dmission du candidat dsavou. Le PCR est

    au bord de limplosion ! Mme dans le Parti des Broutants Travailleurs o lunit semble russie, ay lElphant nest gure pargn par la tendance des Protecteurs de la fort, comme Golo le singe, qui le taxent de destructeur de la nature. Lexclusion des

  • 20

    candidats de la socit civile, les fortes tendances opposes qui

    fissurent les partis, la contestation du fichier lectoral, jug peu crdible par le PVL et le PBT, menacent lorganisation effective de cette lection la date prvue.

    Cest ainsi que le cours des vnements prit une autre tour-

    nure

    Aprs plusieurs dmentis, Saliir, Prsident de la Rpublique

    de Waxatileen par intrim, convoqua en consultation les trois

    candidats, dans le plus grand secret, au Palais prsidentiel. La discussion fut houleuse, le dialogue difficile : lintransigeance de chaque candidat lemporta sur la volont commune de trou-

    ver un accord. Dans cette atmosphre de barrissements, de feu-

    lements, de croassements, Saliir le grillon haussa le ton pour rtablir lordre. nerv, ay, en se retournant pour situer ce bruit strident, lcrasa sans mme sen rendre compte. Quand

    le drame fut constat, Saliir, dans le coma, est vacu lh-pital. ay est arrt pour tentative dhomicide involontaire. Tan senvola pour surveiller du ciel la suite des vnements. Segg fut dfinitivement dsavou par les siens et le PCR vola en clats : les candidatures staient multiplies comme des champignons.

    Un communiqu officiel sign au nom de Saliir, le Prsident par intrim, renvoya une date ultrieure la tenue de llection

    du prsident de la Rpublique de Waxatileen dans lindiffrence

    totale des populations.

    Depuis cette date, les animaux carnivores, les animaux herbi-

    vores et les oiseaux carnassiers ne vivent plus ensemble.

  • 21

    NJULMEEMEEM ET LES DEUX SOEURS

    Il tait une fois deux copouses. Lune mourut en laissant une

    petite fille. Cette jeune orpheline na pas encore atteint lge de la pubert que sa tante lobligeait faire la vaisselle aprs chaque repas alors que sa propre fille restait oisive. Un jour, cette ignoble martre prit une calebasse de bois, la cogna vio-lemment contre la tte de lorpheline et lui dit :

    - Va laver cette calebasse chez Njulmeemeem !

    Lorpheline prit la calebasse, la posa sur la tte en pleurant

    chaudes larmes et se mit en route. Elle arriva un endroit o

    elle trouva une vieille femme tout rabougrie, qui se faisait ter des poux.

    - Pourquoi sanglotes-tu ma fille ?

    - Ma mre est morte et je vis avec sa copouse. Elle moblige faire la vaisselle aprs chaque repas alors que sa propre fille ne fait rien. Aujourdhui, aprs le repas de midi, elle ma tap sur la tte avec cette petite calebasse et ma ordonn daller la

    laver chez Njulmeemeem . Je ne sais pas o elle se trouve. Cest ce qui me fait pleurer.

    - Ne pleure pas ma fille ! Cest ici. Assieds-toi ! Lorsque tu seras de retour chez toi, que vas-tu raconter ?

    - Je dirai que jai vu une vieille personne qui de petits enfants enlevaient des poux.

    - Trs-bien ! Approche ta petite calebasse de bois !

  • 22

    La fille la lui tendit, la vieille cracha dedans et lui dit :

    - Lave-la !

    La fille lava la petite calebasse de bois et la renversa pour la scher. Sans mot dire. A lheure du coucher, la vieille lui confia :

    - Ma fille, mes enfants sont des animaux. Je vais te remettre une aiguille. Tu te coucheras sous le lit. Ds quils seront de re-tour, ils me diront Oh maman, a sent de la chair humaine et moi, je leur dirai quil ny a aucun tre humain dans la chambre. Ainsi, ils se coucheront. Pique-les doucement avec laiguille chaque fois quils bougeront. Je leur ferai croire quil sagit de punaises .

    - Daccord, rpondit la fille.

    La vieille la mit sous le lit et lui remit une aiguille. Lorsque les enfants arrivrent, ils sexclamrent :

    - Oh maman, a sent de la chair humaine.

    - A part moi, il ny a aucun tre humain parmi nous mes en-

    fants, leur dit la vieille.

    Ils se couchrent. A chaque fois que lun deux bougeait, la fille le piqua lgrement avec laiguille.

    - Eh maman, quest ce qui nous pique, dirent les enfants en

    chur.

    - Ce sont des punaises. Couchez-vous !

    Ils se couchrent. Au premier chant du coq, ils se levrent et

    sen allrent.

    - Lve-toi ma fille ! dit la vieille la fille. Celle-ci se leva et la vieille lui remit un uf en lui disant :

    - Tu vois cet uf, il faudra le casser sur le chemin, la

  • 23

    premire intersection que tu verras. Garde-toi de ne pas te

    retourner. Il en sortira des jeunes gens, filles et garons, bien habills. Toi aussi, tu seras bien habille.

    La fille quitta la vieille. Aprs avoir parcouru une longue dis-tance, elle vit une intersection. Elle cassa luf et continua son

    chemin. Tout dun coup, elle se vit entourer de jeunes gens, garons et filles. Les uns, cheval, lescortaient et les autres battaient le tam-tam. Lorsquils arrivrent chez lorpheline,

    celle-ci constata avec une grande surprise que sa suite tranait avec elle des mulets chargs de richesses de toutes sortes ainsi que de nombreuses ttes de btail. Elle neut pas de mal se

    procurer de la nourriture, qui tait abondamment place dans

    des sacs. Cest ainsi quils se rassasirent tous.

    Un jour, aprs le repas de midi, sa martre se saisit de la mme calebasse, la cogna contre la tte de sa propre fille et lui dit :

    - Va laver cette calebasse chez Njulmeemeem .

    La fille prit la calebasse, la posa sur la tte et pleura chaudes larmes. Elle se mit en route et arriva un endroit o une vieille

    femme se faisait enlever des poux. Elle sclata de rire et dit :

    - Ah ! Je nai jamais vu une vieille aussi crasseuse.

    - Ma fille, que vas-tu raconter lorsque tu seras de retour chez toi ? lui demanda la vieille.

    - Que veux-tu que je dise dautre, sinon que jai vu une vieille femme trs sale, qui se faisait ter des poux, rpondit la fille.

    - Humm ! fit la vieille. Tends-moi la petite calebasse. La fille se raidit et approcha lustensile avec une moue de ddain. La

    vieille cracha dedans et lui dis :

  • 24

    - Lave-la !

    - Oh mon Dieu ! Des crachats ! Je nai jamais vu cela !

    - Lave-la, insista la vieille.

    Elle la nettoya aprs lavoir renverse et en prenant soin de

    ne pas laisser ses mains sy garer.

    Au moment daller au lit, la vieille lui dit :

    - Ma fille, mes enfants sont des animaux. Je vais te remettre une aiguille. Tu te coucheras sous le lit. Ds quils seront de retour, ils me diront : Oh maman ! a sent de la chair hu-maine , et moi, je leur dirai quil ny a aucun autre tre humain dans la chambre. Ainsi, ils se coucheront. Pique-les doucement

    avec laiguille chaque fois quils bougeront. Je leur ferai croire quil sagit de punaises .

    - Daccord vieille folle, rpondit voix basse la jeune fille.

    La centenaire lui remit une aiguille et la fille se coucha sous le lit. Lorsque les enfants arrivrent, ils sexclamrent :

    - Oh maman ! a sent de la chair humaine.

    - Mes enfants, part moi, il ny a aucun tre humain parmi

    nous, leur rtorqua la vieille.

    Ils se couchrent. Au moindre geste que faisaient les ani-maux, la fille leur enfonait profondment laiguille dans la chair.

    - Eh maman ! Il y a quelque chose qui nous pique fort.

    - Ce sont des punaises. Couchez-vous !

    - Non, cest plus fort que la piqre de punaise. On dirait une aiguille.

  • 25

    - Si, ce sont des punaises. Demain, jexposerai la paillasse au soleil pour en chasser ces mchantes bestioles. En attendant,

    couchez-vous les enfants !

    Ils finirent par sendormir. Au premier chant du coq, ils se levrent et sen allrent.

    - Lve-toi ma fille ! dit la vieille la fille. Celle-ci se leva et se voit remettre un uf.

    - Tu vois cet uf, lui dit la vieille, il faudra le casser sur le chemin, la premire intersection que tu verras. Garde-toi bien

    de ne pas te retourner. La fille prit luf et partit. Elle marcha une bonne distance et vit une intersection. Elle cassa luf et

    se retourna. Elle vit des lions, des lopards et des hynes qui

    sempressrent de la dvorer ne laissant que son cur. Une tourterelle sen saisit, senvola jusqu la demeure de la m-gre. La mre prparait le couscous destin la rception de sa fille. La tourterelle arriva au-dessus de la calebasse et laissa choir le cur de la fille dans la farine de mil mouille. La dame le ramassa et comprit quil sagit du cur de sa fille car la tour-terelle ne cessait de chantonner : Voici le cur de la jeune fille, de la jeune fille la jeune fille partie laver la calebasse sale chez Njulmeemeem .

    Elle tomba raide morte, emporte par lampleur de sa

    dception.

  • 26

    LES TROIS PARESSEUX

    Au village des animaux, ctait la priode des vaches maigres. La famine, qui stait installe depuis quelques saisons dj, samplifiait sous leffet de la pauvret. Le dsespoir commen-ait gagner la population. Cest ainsi que le lion, la fois chef du village et de la communaut, dcida de convoquer une assemble pour mettre chacun en face de ses responsabilits.

    Le jour venu, tous les animaux afflurent sur la place du village. La sance se tint un lundi, sous le grand baobab qui servait darbre palabres.

    Mes chers voisins et concitoyens, les temps sont durs, dit le

    lion. Chacun dentre nous doit contribuer la lutte que la com-

    munaut mne contre la pauvret et la famine . Il y eut une

    salve dapplaudissements. Lhyne, que la dite prolonge avait

  • 27

    rendue mconnaissable, semblait la plus excite. Vous savez tous que pour des raisons de bon voisinage, poursuit le lion, la chasse est proscrite dans ce village. Il ne nous reste plus que la terre pour nous nourrir. Par consquent, jexige de chacun quil sinvestisse dans les travaux champtres , martela-t-il.

    Le discours du chef de la communaut visait surtout les

    animaux rputs pour leur paresse, notamment le singe la fois moqueur et rongeur, le chien qui passait tout son temps japper en compagnie de la chienne, et enfin la chvre qui maraudait dans les jardins du village, la recherche des rares feuilles darbres qui restaient. A la surprise gnrale, les incri-mins acceptrent le principe de travailler comme leurs autres

    concitoyens animaux. Toutefois, ils posrent comme pralable la permission de se concerter.

    Un peu en retrait de lassemble, ils improvisrent une dis-cussion que les autres animaux appelaient par ironie la ru-

    nion des paresseux .

    - Je trouve injuste la proposition de ce tyran, lana le chien, car aller travailler dans les champs reviendrait laisser seule,

    des heures durant, ma douce et tendre compagne ; ce qui est inadmissible.

    - De mmoire de chvre, on na jamais vu un membre de ma race puiser ses maigres forces et dformer ses frles pattes labourer, sarcler, dsherber et je ne sais quoi dautre. mon avis, dit la chvre, le lion est jaloux de ce que la nature nous a gracieusement offert.

  • 28

    - La dynastie simienne, car nous autres singes sommes les matres de la voltige, a toujours regard, de la cime des arbres, nos pauvres concitoyens animaux semer et rcolter une bonne

    partie de notre nourriture. Je ne vois pas pourquoi cela chan-

    gerait, affirma le singe. Toi Chien, tu trouveras toujours un os suoter pour apaiser ta faim. Quant toi, Chvre, mme des

    feuilles mortes peuvent te servir de mets. Moi, je me servirai des lianes des arbres pour aller trouver ma pitance ailleurs.

    Aprs plusieurs jours de conciliabules, le chien, la chvre et le singe dcidrent de rejeter la proposition du lion, la grande dsapprobation de leurs concitoyens et voisins, sous prtexte

    quils ont toujours t paresseux et quen participant aux tra-vaux champtres, ils cesseraient dtre ce quils ont toujours t. Lhabitude tant une seconde nature, cest ainsi que ces

    trois animaux sont rests de fervents partisans du moindre

    effort.

  • 29

    LHYENE, LECUREUIL ET LE LION MALADE

    Un jour sa Majest le lion tombe malade. Tous les animaux de la brousse lui rendirent visite pour lui tmoigner leur compas-sion. Embotant le pas aux autres, lhyne dcida de sacquitter

    de son devoir moral en se rendant chez le roi de la brousse. Sur

    le chemin, il vit lcureuil, qui avait ses aises sur un baobab.

    - Bonjour, quest ce que tu fais l ? Tu ne vas pas voir le lion ? Il est malade, tu sais, lui cria lhyne.

    - Jirai plus tard ; jai sommeil, lui rpondit lcureuil, pares-seux comme une couleuvre.

    Lhyne poursuivit son chemin. Aussitt arrive chez le lion, elle scria :

    - Sire, tout le monde est vos cts ? Seul lcureuil est ab-sent. Il ne souhaite pas votre gurison.

    - Comment ? Lcureuil nest pas l ! Quel affront ! Allez le chercher tout de suite, rugit le lion.

    Quelques minutes plus tard, le pauvre cureuil se prsenta

    devant le lion et fondit en larmes.

    - Sire, je viens de trs loin. Jai trouv un bon gurisseur pour vaincre le mal qui vous ronge, dit-il.

  • 30

    - Et quoi dautre, continua invectiver le lion ? Lcureuil se mit pleurer de plus belle, jurant quil tait de bonne foi et que sa prsence tardive navait dautre cause que de servir les

    intrts de Sa Majest.

    - Votre Grandeur, pour gurir, il faut vous revtir dune peau dhyne frachement tue, la minute mme o vous aurez

    entendu formuler ce sacrifice.

    Aussitt, tous les animaux se jetrent sur lhyne, qui se d-battait en vain. Le lion fit tuer lhyne, prit la peau et la rev-tit. Il gurit quelques jours plus tard, la grande chance de lcureuil et au grand bonheur de la communaut des animaux. Cest ainsi que lhyne, la rapporteuse, finit tristement.

  • 31

    LE TRAGIQUE COMBAT DE DEUX LZARDS

    Il tait une fois deux lzards que la faim attirait au cur dun village dont le nom est aujourdhui effac de la mmoire des hommes par linjure du temps. Ils se pavanaient en zigzaguant entre les souches des arbrisseaux, l o les fruits succulents

    des grands vgtaux, jonchant la terre, attiraient les mouches. Le soleil tait au znith lorsquils se disputaient la carcasse

    dune grosse mouche morte. Une araigne, qui saventurait sur les lieux, dut prendre la fuite, surprise de voir tant dardeur

    dploye pour rcuprer une proie.

    - Cest moi, qui lai vue le premier.

  • 32

    - Cest faux, rtorqua lautre. Tu veux me la piquer.

    Un chien, vex par lindiffrence de ses voisins, tenta une mdiation.

    - Mes amis, dit-il, que lun de vous fasse preuve de bont en

    laissant cette maigre dpouille lautre : des mouches, il nen manque pas dans la zone.

    Le ton monta. Les impolitesses fusrent. Le grondement du tonnerre naurait pas rsonn aussi fort. Constatant lchec de

    sa tentative de conciliation, le chien fit alors appel ses amis : le blier, le buf et le cheval.

    - Eh ! Eh ! Les amis, fates tout pour empcher que cette dis-pute ne dgnre, dit il ces trois compres. Nul ne sait quelles pourraient tre les consquences dun tel conflit. Vite, trouvons une solution ! teignons le feu qui couve !

    cette poque de lanne, la grande place du village tait couverte dune paisse couche dherbes. Lhivernage sen allait grands coups daile. Les trois herbivores, plutt occups se remplir la panse, ne pensaient gure voler au secours de ces prtentieux reptiles.

    - Ne ten fais pas cher ami, entonnrent-ils en chur, lair

    moqueur, un combat entre deux lzards ne soulvera jamais la poussire.

    Sur ces entrefaites, les hostilits se dclenchrent. Les deux

    belligrants, tels des dragons, se retrouvrent au sommet dun arbre avant de transpercer le toit dune case et de tomber

    dans les braises dun feu allum dans la chaumire. Les deux

  • 33

    adversaires prirent dans lincendie qui se dclara. Les flammes se propagrent trs rapidement et ravagrent tout le village.

    Il ne restait plus un arbre debout, pas un arbuste, pas une

    herbe, pas une feuille. Le village ressemblait au cratre dun volcan en furie.

    Parmi les victimes, figurait le chef de la communaut, qui agonisait depuis plusieurs jours. Le cheval, rquisitionn pour une large diffusion de la triste nouvelle aux populations avoisinantes, finit par mourir dpuisement. Sa carcasse fut jete dans une grande fosse situe lore du village. Le blier fut gorg larrive des premiers htes. Le buf subit le mme sort lors des funrailles. Le chien, gagn par la solitude et la tristesse, versa de chaudes larmes en murmurant

    avec amertume ces mots : un conflit, mme isol, peut avoir des consquences imprvisibles .

  • 34

    LDIfICE DU MALHEUR

    Les animaux de la fort staient une fois runis pour construire

    une grande maison quils avaient dcid dappeler Maison du malheur . Le lion tait le chef de chantier qui devait superviser

    les travaux.

    Il chargea le livre et le singe daller puiser de leau pour la construction. Le livre feignit oublier la corde avec laquelle ils devaient puiser. Une fois au puits, le singe sen rappela et le fit remarquer au livre qui formula le mme regret. Cependant, quand le primate voulut rentrer la maison pour amener la

    corde, un dialogue sengagea :

    Le livre : ce nest pas la peine daller jusqu la maison pour prendre la corde. Il nous est possible de puiser de leau en

    prenant comme corde ta longue queue. Et une fois dans le puits, tu te serviras de ta bouche pour puiser de leau.

    Le singe : Vraiment, tu crois avoir la force de me sortir du puits ?

    Le livre : Bien sr que oui.

    Le singe : Daccord ! Cest conclu.

    Ainsi, le singe se fit descendre dans le puits par la queue. Mais, pendant la remonte, arrive un certain niveau, le livre

    se dclara fatigu.

    Le livre : frre singe, je nai plus la force de continuer te tirer. Mes deux bras ne supportent plus cette manuvre.

  • 35

    Le singe : Essaie avec ta bouche !

    Le livre tira un moment laide de sa bouche et se dclara

    encore fatigu.

    Le livre : Je suis je suis trs puis, je ne peux poursuivre.

    Le singe : Tiens bon, frre livre. Tires encore jusque prs de la sortie, et ensuite je sauterai.

    peine eut-il fini ces propos que le livre lcha la queue et le singe tomba dans le puits et y trpassa.

    Le livre retourna au bercail. Et quand on lui demanda ce qui

    tait arriv au singe, il expliqua que celui-ci avait insist pour que lon se servt de sa queue au lieu de venir chercher la corde.

    Et quen tirant cette tige molle, il tait arriv bout de souffle et ne pouvait plus continuer. Alors il lcha prise et le singe mourut dans le puits.

    Ensuite on chargea la perdrix et la gazelle daller chercher du feu pour prparer le repas. La gazelle feignit oublier le plateau devant servir rcuprer le feu. Une fois sur les lieux une discussion sengagea.

    La perdrix : Comment ? On a oubli de prendre un plateau pour rcuprer du feu.

    La gazelle : Oui, cest trs dommage !

    La perdrix : Ne peut-on pas mettre les braises sur ton large dos, sur gazelle ?

    La gazelle : Il ny a pas meilleurs plateaux que tes deux ailes tales.

  • 36

    Ainsi, la perdrix accepta et ouvrit ses deux ailes. Quand la

    gazelle y mit les tisons flamboyants, la perdrix mourut toute crame.

    Une fois de retour au bercail, on lui demanda des nouvelles de la perdrix. La gazelle expliqua quelles avaient oubli dem-porter avec elles un plateau pour y mettre du feu. Et quand elle

    voulut revenir en chercher, la perdrix proposa ses deux ailes.

    Elle len dissuada en vain. Et quand finalement elle y mit des braises, la pauvre mourut entirement rtie.

    On chargea encore lhyne et le livre daller chercher de la paille pour la future maison. Le livre fit semblant davoir oubli la charrette. Puis une fois sur le terrain, ils russirent rcol-

    ter beaucoup de paille quils disposrent en plusieurs bottes.

    Quand ils eurent fini tous ces travaux, lhyne se rappela quils avaient commis la grosse erreur davoir oubli la charrette.

    Lhyne : Quelle sottise que davoir oubli damener la char-rette !

    Le livre : Ce nest pas si grave que a. Avec cette force titanesque que Dieu ta donne, et l je touche du bois, tu peux bien mettre sur ton dos toutes ces bottes, plus moi-mme

    au-dessus, sans jamais ten rendre compte.

    Lhyne : Mon trs cher ami, penses-tu que je pourrais supporter toute cette charge ? A ma place, llphant, lui, ne gmirait point.

    Le livre : Oh que oui ! Sans vouloir te jeter des fleurs, roi des titans, je dfierais quiconque douterait que le beau et vigoureux gaillard que tu es puisse supporter la charge de dix carcasses dlphants.

  • 37

    Cest ainsi que le livre chargea les bottes de paille sur le dos de lhyne et les y attacha solidement. Ensuite, il sauta

    pour monter dessus. Pendant quil tait mi-chemin entre la

    brousse et la maison, le livre, qui avait des allumettes avec lui,

    mit du feu sur les pailles et descendit sans que lhyne ne ft au courant. Ensuite il scria :

    Le livre : Prends bien garde des pyromanes du roi qui rdent par l. Je suis bien assis ; tu peux continuer.

    Lhyne : Ce que je sens est sans doute de la fume.

    Lhyne se dbattit de toutes ses forces mais ne russit pas

    se dfaire des bottes de paille enflammes. son tour, Elle prit brle.

    Une fois au bercail, on demanda au livre ce qui tait arriv lhyne. Elle expliqua en ces termes :

    Le livre : Nous avions oubli tous les deux damener une charrette avec nous. Finalement, lhyne sest propos de

    prendre tout sur son dos. Je len avait dissuad sans succs. Et

    mi-chemin entre la brousse et la maison, les pyromanes du

    roi, que nous avons rencontrs par surprise, ont mis du feu sur

    la paille et lhyne est morte toute calcine.

    Le lion : Humm ! Nous ne te croyons plus sur cette justifica-tion. Tu es parti avec deux de tes compagnons qui y sont rests. Tu dois sans doute tre impliqu dans leur mort. Remettons donc la construction de cet difice du malheur plus tard, car aujourdhui presque tous les membres de la famille sont morts.

    Cest ainsi quils se dispersrent et chacun rentra chez soi.

  • 38

    Naaga ree ree, naaga maad maad

    Moon fo nogoy laa reeu. Moon a dmiid fambe ko, a gar a lay nogoy le ee: fat I sofir. Moon a cooin fambe ko le a jang fambe le no nogoy le. Sookoy ta ax fambe le boo ta fag ta gar alayin ee, nog, cooaam fambe, mbaa um ja fambe ko le mi. Ta cooin fambe, ta gar a axin boo ta fag ta dakoox o nomtooxiid a layin ee : nog, cooaam fambe, mbaatum ja fambe ko le mi, ta cooin fambe. Nogoy le a loolaa.

    Njogoy a joonin a lyin ee Nog, xar o loolaa ? ta layin ee: moon a rreu. I sofir fambe fo fambe ko. O ngap onquu ta garna, a lay ee cooaam fambe mbaat um ja fambe ko le mi. Njoy a layin ee: koo jangkaa fame le, o warin, hulaam ook ne ten. Sookoy ta jang fambre le a xarin, ahulin ool ne. Moon a gar a layin ee: Nog cooaam fambe mbaat um jang fambe ko le mi. Ta cooin fambe le.

    Ndaa ndetaa boo ndeer njogoy ne a xoos a caf ake, tee: fambe lene a reewa de. Nda ndakoox o ndetaa, o kanul oxe a anda ee njogoy oo, ta lay a moon ee: dama-naam mene kam seedkaa.

    A retaa, a retaa boo ago, ta lyin ee: moon oo, refee fambe dee, njogoy oo.

    A nax a reef maaga a fag.

  • 39

    LHYNE ET LA VIEILLE

    Il tait une fois lhyne et une vieille femme. Lhyne attrapa

    une chvre en pleine brousse et alla voir la vieille et lui proposa

    un change :

    - Vieille dame, je viens vous proposer un march : je te donne cette chvre contre une des tiennes.

    La vieille femme, qui ne voulait point se quereller avec cette

    brute, lui rpondit :

    - Oui, jaccepte.

    Aprs lchange, lhyne mangea sa chvre et revint voir la vieille.

    - Donne-moi une autre chvre ou je reprends la mienne, dit lhyne la vieille.

    Celle-ci lui remit une autre chvre. Lhyne la mangea et revint, cette fois-ci, en profrant des menaces :

    - Donne-moi une autre chvre ou je reprends ou je te tue, dit lhyne la vieille.

    La pauvre femme, face au chantage de lhyne, sexcuta tout en pleurant.

    Un lion, qui passait, demanda la vieille :

    - Ma chre, pourquoi pleurez-vous ?

  • 40

    La vieille lui expliqua le chantage auquel elle a t soumise par lhyne.

    - Tuez une de vos chvres, dpecez-la ; la peau me servira de couverture pour lui rserver une surprise, lui proposa le lion.

    Quand lhyne revint demander sa chvre, la vieille lui remit

    le lion couvert dune peau de chvre.

    La vieille accompagna lhyne jusqu lore de la fort. En cours de route, le lion griffa la patte du matre chanteur qui se mit en colre et dit :

    - Cette chvre est discourtoise. Elle ne sait pas ce qui lattend.

    Un peu plus loin, la vieille lui confia la corde laquelle est attache la chvre en prtextant une incommodit. Quelques

    pas plus loin, eIle se retourna et dit lhyne :

    - H Hyne, ce nest pas une chvre, mais un lion !

    Cest ici que se termine le conte.

  • 41

    LNE ET SON MATRE

    Il tait une fois, un ne et son matre. Chaque jour, ils se rendaient aux champs. laller, le chemin tait paisible pour

    lne, qui ne subit ni brimades, ni reproches de la part de son matre. Lambiance tait plutt bonne dautant plus que ce dernier chantonnait mme en cours de route ; ce qui plaisait vraiment son compagnon, lne.

    Par contre, au retour des champs, lne charg lourdement de sacs remplis de crales et de foin, avait de la peine se

  • 42

    dplacer. Pire, il ne reconnaissait plus son matre. Il se disait

    navement que le matre du matin ntait pas le mme que

    celui du soir, car ce dernier tait particulirement mchant. Il lui

    criait dessus et le rouait de coups pour lobliger avancer plus vite.

    Un jour, revenant des pturages, lne saffaissa brusquement. Le matre, inquiet, pensait que sa bte de somme stait cass

    une patte. Il tenta de la relever et de dgager le chargement. A force defforts, il suait abondamment et haletait comme une

    forge essouffle. Subitement, un pet assourdissant retentit et troublant ainsi le repos des animaux de la fort. Le livre,

    apeur, avait dj regagn son terrier, croyant quun orage rava-geur se prparait. Lne clata de rire ; ce qui nerva le matre.

    - Tes efforts pour me dgager sont insignifiants par rapport ce que jendure chaque jour, lui dit lne. Depuis que nous sommes ensemble, je subis journellement mon lot de brimades. Pourtant, je suis un tre qui sent la fatigue et la douleur.

    - Je ne vais plus te maltraiter, lui jura le matre, trs gn.

    Depuis ce jour, lne et son matre devinrent de fidles compagnons, qui se vourent un respect mutuel.

  • 43

    UN PETIT LAPIN QUI VOULAIT TRE ROI

    Un beau jour, un petit lapin voulut tre roi.

    Par un beau matin qui sentait lherbe humide, il sortit de son

    terrier et courut la clairire des petits lapins. Tout excit. Il criait.

    - Petits lapins, cest dcid, je vais tre roi !

    - Ah ! Ah ! Ah ! Sesclaffrent tous les petits lapins. Mais tu nas pas de couronne, tu ne peux pas tre un roi.

    Loin dtre dcourag, le petit lapin se mit en route et partit la recherche dune couronne de roi.

    Chemin faisant, il rencontra lcureuil qui, perch sur la plus

    grosse branche dun baobab, linterpella. :

    - O cours-tu comme a, petit lapin ?

    - Je suis la recherche dune couronne de roi. Sais-tu o je peux en trouver ?

    Lcureuil rflchit un moment puis, comme sil venait davoir une rvlation, dit :

    - Cherche ici et cherche l. Puis il se retourna et rentra dans

    un trou.

  • 44

    Le petit lapin ramassa quelques brindilles. Il les assembla et

    les mit sur sa tte.

    Sans attendre il retourna vers la clairire des petits lapins

    tout excit. Il cria :

    - Petits lapins, petits lapins ! regardez, je suis le roi !

    - Ah ! ah ! ah ! sesclaffrent tous les petits lapins. Mais pour tre roi, il faut une couronne et un sceptre royal. Mais tu nas ni

    sceptre ni couronne, tu ne peux pas tre roi.

    Loin dtre dcourag, le petit lapin, se remit en route et parti la recherche dun sceptre de roi.

    Chemin faisant, il rencontra le chien qui cherchait des os.

    Lentendant arriver, il releva la truffe et linterpella :

    - O cours-tu comme a petit lapin.

    - Je suis la recherche dun sceptre de roi. Sais-tu o je peux en trouver un, demande le petit lapin ?

    Le chien rflchit un instant puis comme sil venait davoir une rvlation dit :

    - Cherche ici, cherche-l, puis il se retourna et reprit sa re-

    cherche dans le trou.

    Mais il dterra un bel os et le tendit au lapin.

    - Voil petit lapin, cest pour toi, dit-il.

    - Merci mille fois, rpondit le petit lapin.

    Et sans attendre, il retourna vers la clairire des petits lapins

    tout excit. Il criait :

  • 45

    - Petit lapins, regardez, je suis le roi !

    - Ah ! Ah ! Ah ! sesclaffrent tous les petits lapins. Mais pour tre roi, il faut une couronne, un sceptre de roi et des gardes du palais. Mais tu nas pas de gardes de palais.

    Loin dtre dcourag, le petit lapin se remit en route et par-tit la recherche de gardes.

    Chemin faisant il rencontra le cheval, la poule, le chien et

    lcureuil tous le regardrent arriver linterpellent.

    - O cours-tu comme a petit lapin ?

    - Je suis la recherche de gardes du palais. Savez-vous o je peux en trouver, demanda le petit lapin.

    Lcureuil, le chien, la poule et le cheval rpondirent en

    chur :

    - Petit lapin, nous serons les gardes du palais.

    - Merci bien, merci, rpondit le petit lapin et, sans attendre,

    il retourna vers la clairire des petits lapins tout excit. Il criait

    trs fort :

    - Petits lapins regardez ! Je suis le roi !

    sa suite venaient lcureuil, le cheval, le chien et la poule.

    Il avait los dans la patte comme sceptre et sur la tte des

    brindilles en guise de couronne.

    - Ah ! Ah ! Ah ! Sesclaffrent tous les petits. Mais pour tre roi, il faut

    Arrtez maintenant ! cria le petit lapin trs fch.

  • 46

    - Jai trouv une couronne et un sceptre de roi, des gardes du palais et vous ne voulez pas que je sois le roi.

    - Gardes ! Emparez-vous de ces petits prtentieux.

    Alors les gardes les prirent, les enfermrent dans leurs terriers et restrent devant les entres pour les surveiller.

    Le petit lapin roi resta tout seul dans la clairire.

    Ctait bien beau de devenir le roi mais il sennuyait.

    Que pouvait-t il faire prsent ? Il chercha, chercha et finalement trouva une balle dans les fournes.

    Vite ! il courut vers les terriers des petits lapins, tout excit. Il criait :

    - Petits lapins ! Petits lapins ! Cest dcid, je vais tre arbitre de football !

    Gardes du palais, librez-les.

    - Ah ! Ah ! Sesclaffrent tous les petits lapins. Mais pour tre arbitre de football, il faut une quipe et beaucoup de joueurs.

    - Eh bien justement, dit le petit lapin. Vous tes beaucoup de petits lapins .

    - Et nous, nous serons les spectateurs disent lcureuil, le

    chat, la poule et le cheval.

    Alors tout le monde cria :

    - Vive larbitre ! vive les petits lapins footballeurs !

    Et le petit lapin dposa la balle au milieu de la clairire. Et les

    petits lapins retrouvrent enfin la paix dantan.

  • 47

    LE PORC-PIC ET LE LIVRE

    - Leeboon Lippoon !- Amon na fi Da na am !- Bi mu amee yeene ko feke- Yawax u degg- Waxu taay jarul gm- Sa yos sa si rawLe porc-pic et le livre voyageaient ensemble. En cours de

    route, le livre dit son camarade :

    - Compagnon comment tappelles-tu ?

    - Moi, je mappelle sieel le porc-pic et toi ?

    Leuk-le-livre qui ne voulait pas donner son nom lui rpond :

    - Moi, je me nomme tranger.

    Ils continurent leur chemin et arrivs dans un village appel Cour, ils trouvrent des hommes hospitaliers, qui leur servirent manger.

  • 48

    - Le chef du village offre ce bol de riz aux trangers, dit le serviteur en posant la cuvette sur le sol.

    Sieel voulut se servir, mais le livre protesta.

    - Ce riz nest pas pour toi, camarade ! Il est pour ltranger, cest--dire pour moi. Le chef ta certainement oubli.

    Sieel le porc-pic resta le ventre vide. Au milieu de la nuit, ayant trs faim, il se leva, mit les vtements de son camarade et partit dans les champs voisins. Il se gava de patates et de mas.

    Le lendemain matin, les habitants du village, voyant leurs champs abms, furent trs furieux. Ainsi, leurs soupons se portrent sur les trangers. Comme une meute dchane, ils crirent en disant :

    - Ce sont les maudits trangers qui ont saccag nos champs.

    Le livre se rveilla brusquement et demanda ce qui se passait.

    - Ma foi, je ne sais pas, dit le Sieel le porc-pic, qui sveilla son tour.

    - Ces gens ne sont pas contents et cest de vous quil sagit : ils ne parlent que de ltranger.

    Le chef du village fit venir les deux compagnons. Voyant que le livre portait des vtements tout couverts de terre et dherbes, il crut que ctait lui le coupable.

    - Dtes nous, Sieel, combien de coups de bton mrite ton ami ?

    - Pas beaucoup, rpond le porc-pic, deux cents seulement !

    Mais avant la punition, le livre trs rus, demanda au chef de faire boire un vomitif son camarade. Il but le premier et ne rendit que du riz. Puis, ce fut le tour du porc-pic. peine ce dernier a-t-il fini davaler la potion que le sol fut couvert de mor-

  • 49

    ceaux de patates et de mas.

    - Dtes-nous tranger, combien de coups de bton ton ami mrite-t-il ?

    - Pas beaucoup, rpond le livre, quatre cents seulement.

    La punition inflige au coupable, les deux compagnons furent renvoys du village. Le porc-pic avait le corps meurtri. Pour-tant, il partit le premier, en nourrissant un projet de vengeance. Il rencontra des forgerons et leur dit :

    - Mon apprenti arrive. Il porte mes deux soufflets colls sa tte. Je vous les offre.

    Quand le livre arriva hauteur des matres du feu, il fut contraint de sarrter.

    - H apprenti ! Viens ici ! Ton patron nous a donn les deux soufflets sur ta tte.

    - Mais ce sont mes oreilles, protesta en vain le livre.

    Cest ainsi que le pauvre livre eut les oreilles coupes.

    Le porc-pic, qui avait assist la scne, riait de bon cur. Pour se venger, le livre se dpcha de partir le premier. Il ren-contra des enfants qui allaient la chasse. A son tour, il leur dit :

    - Mon forgeron arrive, il porte mes flches sur son dos, je vous les donne.

    Quand le porc-pic arriva, il fut interpel par les petits chasseurs.

    - H ! H ! Viens ici ! Ton patron nous a donn les flches que tu portes sur le dos.

    - Mais ce ne sont pas des flches ! Ce sont mes piquants !

    Malgr ses cris, les enfants lui arrachrent tous ses piquants.

    Cest ainsi que le porc-pic et le livre, qui avait loccasion

    dtre de vrais amis, devinrent dimpitoyables ennemis.

  • 50

    TOUMANY, LE LPREUX

    Toumany tait frapp par la lpre si bien quil perdt ses doigts et ses orteils. Ainsi, il avait du mal trouver une pouse. Toutes les femmes quon lui proposait, ds quelles le voyaient le

    repoussrent sur le champ.

    Cest ainsi que Toumany choisit de quitter le village pour aller sinstaller en pleine brousse. L, il vivait en toute solitude

    quand il reut la visite dune femme. Toumany soccupa bien de cette trangre. Et le soir venu, la femme manifesta son dsir de sen aller. Elle rvla Toumany quelle ntait pas un tre humain, mais un oiseau qui stait mtamorphos en femme.

    Elle lui dit quelle pouvait le gurir. Ainsi, en partant, elle lui laissa de la poudre de racines quil devait diluer dans de leau

    et se laver avec cette dcoction. Ce mdicament aussitt appli-que, Toumany gurit compltement de sa lpre. Il redevint un jeune homme admirable de beaut et dlgance.

    Or, de temps autre, ses parents venaient lui rendre visite dans son asile. Mais cette fois-ci, ils furent agrablement sur-pris de ce prodigieux rtablissement de Toumani. De retour au village, la bonne nouvelle se rpandit comme une trane de poudre. Les curieux, qui pourtant ne staient jamais aventurer cet endroit, venaient par petits groupes vrifier lexactitude de cette prompte et incroyable gurison de celui qui fut ha de tous. Le chef de village aussi fit le dplacement pour aller voir

  • 51

    ce quon lui racontait.

    Suite cet vnement, la famille de Toumani le pressa de prendre une pouse. Les jeunes filles qui le repoussaient ne rvaient dsormais que de lui comme mari. On lui proposa la plus belle fille du village. Ses rivaux, jaloux, lui prdisaient un chec cuisant mais quand les deux se virent, chacun couronna

    la flamme de lautre et ainsi ils se marirent.

    La femme oiseau fit une autre visite chez Toumany et avant de partir, elle lui confia douze ufs garder intacts jusqu son prochain retour. Toumany prit encore une deuxime femme, aussi fconde que la premire.

    Aprs cinq ans, loiseau revint encore en visite et demanda

    Toumany de lui garder encore ses ufs pendant sept autres annes. Mais un beau jour, le fils de la deuxime pouse

  • 52

    demanda disposer des ufs et se mit pleurer. Aussitt la mre de lenfant se plaignit auprs de Toumany pour avoir refus les ufs son enfant. Ainsi lhomme finit par cder et alla en chercher un pour lenfant. Le soir galement, lenfant en rclama et refusa de manger tout autre chose que ces ufs. Son pre lui apporta encore un uf. Chaque jour Toumany tait oblig de donner deux ufs au petit garon. Et au bout de six jours, il ne restait plus dufs dans le nid de loiseau.

    Les oiseaux, surpris et choqus par la lgret de Toumany, se concertrent pour trouver parmi eux quelquun qui portt la mauvaise nouvelle la propritaire des ufs. Le pigeon, la chouette et bien dautres furent limins de cette slection

    pour leur mauvaise voix lgendaire.

    Enfin, le choix porta sur loiseau que la gent aile a jug dtenir la voix la plus lyrique et la plus pathtique qui soit, cest-

    -dire le cygne. Ainsi, la femme oiseau eut la nouvelle que ses ufs ont tous t mangs par lenfant capricieux de Toumany. Elle dcida alors de se rendre sur place pour vrifier cette infor-mation. A son arrive, elle fut bien accueillie et traite par les

    deux pouses de Toumany mais, envahi par la honte, celui-ci nosa se montrer. Mais, lhte refusa tout honneur venant dun homme en cachette.

    Elle sapprtait partir lorsque Toumany sortit enfin de son refuge pour se confondre en excuses et laccompagner jusquau cur de la fort. L, la femme oiseau lui rappela son ingratitude son gard. Elle lui fit remarquer quelle lavait guri et lui avait confi ses douze enfants qutaient ses ufs. Et lui, Toumany,

  • 53

    na rien trouv de mieux faire que de cder aux fantaisies de

    son enfant. Sur ce, loiseau le rendit sa premire prestance.

    Il revint la maison avec sa lpre. La deuxime femme

    dont lenfant avait consomm tous les ufs, scria en voyant

    Toumany revenir la maison, dfigur et presque mconnais-sable. Elle jura de ne plus jamais partager le lit de ce ladre. Elle fit sa valise et partit en emmenant toute sa progniture. Toumany resta seul avec sa premire femme, quil avait fini pourtant par abandonner pour satisfaire les caprices de la se-

    conde, conscient quil faut se garder de ne toucher, pour rien au monde, un dpt qui test confi.

  • 54

    LE COMBAT ENTRE fOD ET LE SERPENT-DIEU

    Il tait une fois, dans un village situ au bord dun fleuve au-jourdhui disparu, vivaient un jeune homme beau et coura-geux, Fod, et une trs belle jeune fille, Sir. Ils saimaient dun amour tendre et sincre. Les habitants de ce village adoraient un serpent-dieu du nom de Namourou. Chaque anne, ils lui

    donnaient en offrande la plus belle fille du village. Et en retour, le serpent dieu leur garantissait une bonne rcolte et un fleuve bien poissonneux.

    Une anne, comme la date du sacrifice sapprochait, les no-tables du village convoqurent toutes les jeunes filles pour pro-cder la slection. Et le malheur voulut que le choix tombt sur la fiance de Fod, Sir. Le jeune homme en tait trs triste. Il passait tout son temps rflchir sans jamais savoir quelle dcision prendre.

    Il se trouvait que Fod avait dans ce village une vieille dame comme confidente pour qui il faisait beaucoup de bonnes actions. Il eut lide de se rendre chez elle pour lui faire part de

    son malheur.

    Fod : Bonjour maman. Comment allez-vous ?

    La vieille dame : a va trs bien. Mais tu mas lair trs afflig, Fod. Que se passe-t-il ?

  • 55

    Fod : Hier, le choix de la fille sacrificielle est tomb sur ma fiance. Or, je naime personne dautre quelle dans ce monde. Je ne laisserai pas le serpent-dieu la dvorer. Je vais le

    combattre de toutes mes forces et de tout mon savoir.

    La vieille dame : Je suis trs triste pour toi. Mais quel grand dfi tu viens de te lancer ! Nanmoins, compte tenu de tout le respect que tu mas donne et de toute laide que tu mas ap-

    porte toutes ces annes, je vais taider, moi aussi, le relever.

    Il faudra tout simplement mapporter un uf, une pierre, une

    pine, un charbon, une brindille et une motte de terre pour que

    je les bnisse. Le serpent que tu veux combattre a sept ttes. Ds que tu le dcapiteras une premire fois, il sortira une autre

    tte. Et tant que tu nauras pas fini les sept, sache quil est toujours ta poursuite. Ces six lments apporter, taideront beaucoup dans le combat. Aprs avoir coup la premire tte,

    il te poursuivra vive allure. Et lorsque tu te sentiras gagn par la fatigue, tu jetteras luf de poule qui deviendra une rivire entre vous deux. L, tu te reposeras pendant quil la traverse.

    Et au moment juste de sortir de leau, tu couperas la deuxime tte. Il sortira la troisime tte et se mettra ta poursuite. Tu jetteras ensuite la pierre qui deviendra une colline entre vous. Tu auras le temps de te reposer pendant quil grimpe la colline. Et au moment de finir la colline, tu lui couperas la troisime tte. Aprs une certaine distance, tu jetteras lpine qui deviendra un parterre dpines entre vous qui ralentira considrablement

    sa vitesse. Tu te reposeras pendant quil traverse ce parterre dpines. Et juste avant de le finir, tu couperas la quatrime tte. Puis, tu jetteras la brindille qui deviendra une broussaille

  • 56

    dherbes trs touffues. Et l aussi, tu auras loccasion de te re-

    poser et de couper la cinquime tte. Le charbon suscitera de

    grandes flammes entre vous ; et l galement tu auras le temps de couper la sixime tte. Enfin, tu jetteras la motte de terre qui deviendra de la boue entre vous. Et ce sera l loccasion de

    lachever.

    La veille du jour du sacrifice, Fod apporta les six lments que lui avait indiqus la vieille dame. Elle fit des incantations dessus et les lui remit. Elle donna ensuite beaucoup de bndic-

    tions Fod avant leur sparation.

    Enfin, vint le jour du sacrifice. Ce jour est une fte pour tout le village. La jeune fille sacrificielle est conduite la rivire o elle fut lave trs proprement. Et une fois la maison, elle est par-

    fume et on lui met ses plus beaux habits et atours. Le cadeau

    du serpent-dieu ne doit pas lui tre prsent dans nimporte

    quel tat ; il faut tout faire pour viter que Namourou ne le refuse, car si cela arrivait, une cascade de malheurs sabattrait

    sur le village.

    Au petit soir, aprs avoir prpar la fille comme il fallait, elle fut conduite et enferme dans la chambre rserve au serpent

    dieu. Cette chambre tait perce dun grand trou qui servait de passage au serpent. En principe, le serpent dieu ne se prsente que tard dans la nuit pour son festin.

    Ctait le moment choisi par Fod pour se prsenter au

    rendez-vous. Il faisait le tour de la pice dans laquelle se trou-

    vait sa fiance pour guetter larrive du serpent. Soudain, Sir entendit des pas et scria :

  • 57

    Sir : Qui est l ? Ne sais-tu pas que cette nuit est celle du sacrifice en lhonneur du serpent-dieu ? Il te dvorera ds quil te verra traner ici. Sauve-toi trs vite !

    Mais Fod ne rpondit pas. Il ne voulait pas lui faire savoir

    son identit tout comme son intention.

    Puis, dun seul coup, il entendit un bruit dans les buissons.

    Il se rendit compte que le serpent-dieu ntait plus loin. Alors,

    il sapprocha du trou par lequel il devait entrer. Et au moment

    juste o le serpent allait introduire sa tte, il le dcapita. Et comme lavait si bien dit la vieille dame, le serpent poussa une

    nouvelle tte et se mit chasser Fod vive allure. Quand Fod

    se sentit puis, il jeta luf de poule qui devint une rivire. Il eut le temps de se reposer. Et juste au moment o le serpent allait sortir de leau, il coupa la deuxime tte.

    Le serpent-dieu poussa une nouvelle tte et se mit le pour-

    suivre. Fatigu, une fois encore, il jeta la pierre qui se transforma en une colline. L, aussi, il eut le temps de bien se reposer. Et

    juste au moment o le serpent allait finir la colline, il lui trancha la troisime tte. Il se suscita une nouvelle tte et se lana ses

    trousses. Une certaine distance encore, il jeta lpine qui devint tout un parterre dpines entre eux. La vitesse du serpent-dieu

    fut considrablement ralentie. Fod eut le temps de souffler un peu. Et juste avant que le serpent ne sortt de ce lieu, il lui ta la quatrime tte. Le serpent poussa aussitt une autre tte et se remit sa traque, cette fois-ci, avec plus de rage.

    Aprs une bonne distance, il jeta la brindille qui devint une grande tendue de touffes dherbes entre eux. La distance qui les sparait dsormais tait assez suffisante pour que Fod

  • 58

    rcuprt ses forces. Et juste avant de finir cette tendue, il lui coupa la cinquime tte. Le serpent dieu se dota, trs rapide-

    ment, dune nouvelle tte et se mit sa poursuite. Ils parcouru-

    rent des kilomtres et des kilomtres et Fod sessoufflait. Alors quil tait sur le point de tomber, il jeta le charbon qui suscita de hautes flammes entre eux qui ralentirent considrablement la vitesse de Namourou. Fod eut le temps de bien se reposer. Le

    serpent-dieu russit braver les flammes mais avant den sortit Fod sarrangea couper la sixime tte. Le serpent sortit sa septime et dernire tte. Sans tarder, il se remit la poursuite

    de Fod.

    Les deux protagonistes parcoururent encore des kilomtres et des kilomtres. Quand Fod arriva bout de souffle, il jeta la motte de terre quil avait et une large tendue de boue se mit promptement entre les deux. Et, juste avant de sortir sa tte de la boue, Fod russit la trancher. Le gros serpent se mit siffler, ronronner, mugir, rugir lancer tous les cris quon pouvait imaginer.

    Le lendemain, les anciens, comme dhabitude, se prsent-

    rent sur le site sacrificatoire pour sassurer que le serpent avait bien accept son offrande. Ils furent surpris de trouver la fille saine et sauve. Ils demandrent Sir ce qui stait pass ? Elle rpondit ntre au courant de rien. Tout ce quelle pouvait dire cest quil y avait quelquun qui rdait autour du local une heure tardive de la nuit.

    Ctaient les hommes qui revenaient du cur de la fort

    qui rapportrent la nouvelle de la mort du serpent dieu. Ils

    affirmrent avoir vu son cadavre baignant dans la marre de

  • 59

    son propre sang. Quelques fanfarons malhonntes voulurent sapproprier le mrite davoir vaincu le dangereux serpent. Le flou sur lidentit de son bourreau allait perdurer si Fod navait pas dcid de librer tout le monde en racontant toute lhistoire

    et en indiquant avec prcision lendroit o se trouvait chacune

    des sept ttes.

    Cest ainsi que Fod fut intronis roi. Un mariage en grande pompe fut clbr en lhonneur des deux amoureux et Sir

    devint la plus charmante reine que le monde ait jamais connue.

  • 60

    LE BON CHOIX

    Il tait un fois, dans un village du Nord, situ prs du grand fleuve, trois amis : Doudou, Gora et Madior. Depuis leur tendre enfance, ils jouaient ensemble. Ils avaient mme partag la case de lhomme . Ils taient maintenant devenus de beaux

    jeunes hommes forts et ambitieux.

    Un jour quils revenaient de la pche, ils se reposaient sur la plage quand soudain Gora dit :

    - Mes amis, il est temps pour nous de fonder un foyer mais,

    au pralable, nous devons atteindre nos ambitions. Jai entendu

    que, trs loin dici, dans un village de lEst nomm Warou, vit un personnage mi-homme mi-gnie que lon appelle Kemtaan. La seule difficult est de le trouver. Doudou sexclama :

    - Tu ne pouvais pas le dire plus tt ! Partons vite sa recherche.

    - Oui, tu as raison Doudou ! Pourquoi attendre ? demanda Madior.

    - Partons ds demain, proposa Gora. Nous irons Warou et

    nous dnicherons Kemtaan o quil se trouve.

    Le lendemain, trs tt, les trois amis quittrent le village. Ils marchrent dix jours travers la savane. Leurs provisions pui-ses, ils durent se contenter de gibiers et de fruits sauvages.

  • 61

    Ils marchrent encore dix autres jours sous un soleil ardent, dans une plaine aride et poussireuse. De plus en plus, les

    villages se rarfiaient. Ils arrivrent devant une montagne dont le dcor ntait en rien comparable ce quils ont vu jusqu prsent. Ils mirent encore dix jours pour la franchir et se retrou-ver dans une immense fort dense dont la traverse leur prit

    encore deux fois dix jours. lore de celle-ci, lautre bout, ils dbouchrent sur un troit chantier qui les conduisit vers un

    village de quelques cases.

    reints, assoiffs et affams, ils trouvrent, au milieu de ce

    village quasi dsert, une femme qui pilait le mil et qui portait sur son dos un jeune garon de quelques mois. Ils la salurent mais elle ne rpondit pas. Enerv, Madior lapostropha :

    - Nous cherchons un vieil homme nomm Kemtaan, ma sur ! Nous venons de trs loin. Pouvez-vous nous aider le trouver ?

    La femme dtacha le bb de son dos et le posa par terre.

    - Lorsque ma mre travaille, elle ne veut pas tre drange, rpondit le bb.

    - Quoi ! Un bb qui parle ? rtorqurent en chur les trois amis.

    - Pourquoi tonnez- vous de ce que vous ne savez pas ou de

    ce que vous navez jamais vu ? rpliqua le bb qui poursuivit : si vous voulez voir Kemtaan voil ce quil faut faire : aprs la prire, marchez et sortez du village et si vous savez compter jusqu trois, vous trouverez votre homme !

  • 62

    Les trois amis voulurent lui poser encore des questions mais

    il demeura ferme :

    - Trop de paroles sont inutiles quant lessentiel est dit. Vous avez tous les renseignements, alors partez. Ma mre naime pas tre drange.

    Ils marchrent dans les rues du village en essayant de suivre les indications de bb. Madior rflchit et dit haute voix :

    - Nest-ce pas quil nous demande de marcher et de sortir du

    village aprs la prire ? Eh bien, cela veut dire que nous devons nous diriger vers lEst.

    Les trois amis sortirent du village par le levant et aperurent trois gros baobabs derrire lesquels se dressait une seule case, au seuil de laquelle un vieillard mditait. Aprs les salutations

    dusage le vieillard leur dit :

    - Vous venez certainement de trs loin, vu ltat de vos vtements ?

    - Oui grand pre, nous avons fait un long et pnible voyage rien que pour vous rencontrer, admit Gora.

    - Que dsirez-vous ?

    Press et trs excit par lide de devenir trs riche, Doudou

    parla le premier :

    - Mon dsir est de devenir un homme trs riche et je sais que vous pouvez maider.

    - Moi, je voudrais tre un grand savant dans tous les domaines, dit Gora, lui aussi trs impatient.

    - Respectable vieillard, mon vu est de trouver une bonne

  • 63

    pouse, douce, intelligente, pouvant bien tenir ma maison et bien lever nos enfants. Cest tout ce que je demande, rpond son tour Madior.

    Ses amis le regardrent tonns, le prenant pour un fou. Le vieillard reprit dune voix douce et pose :

    - Je dois mettre en garde chacun dentre vous : si vous ne partagez pas avec le pauvre ou lignorant, qui sa richesse, qui sa connaissance, vous allez tout perdre ! Maintenant, prenez chacun une pice dargent et ne vous en sparez jamais. Le jour o vous la perdrez, vous perdrez en mme temps votre don.

    Retournez chez vous et noubliez jamais mes conseils !

    De retour dans leur village, Doudou devint trs riche. Il avait des champs, des troupeaux et de lor. Il se maria et eut de beaux

    enfants. Sil lui arrivait de distribuer rarement quelques pices

    de monnaie des ncessiteux, il ntait gure un exemple de gnrosit. Gora tait devenu savant et clbre, il donnait mme des conseils aux rois. Il avait pour disciples les rudits de

    la contre. Il se maria avec une belle femme de sang royal aux vertueux incontestes. Madior, lui, ntait ni riche ni pauvre, ni

    ignorant ni savant mais il avait pous une bonne femme qui savait lui prodiguer dexcellents conseils.

    Quelque annes passrent, un jour, un homme en haillons vint frapper la porte de Doudou, une heure tardive. Un serviteur ouvrit et demanda au vieil homme :

    - Que voulez-vous ?

    - Je dsire mentretenir avec ton matre Doudou, vnrable

    serviteur.

  • 64

    Quand Doudou fut appel, il demanda lui aussi sur un ton

    mprisant.

    - Qui tes-vous ? Que voulez-vous ? Navez-vous pas vu lheure tardive ?

    - Je suis un pauvre voyageur fatigu qui na pas mang depuis trs longtemps. Voyez comme mon corps est squelet-tique et mes habits dchirs.

    Alors la femme de Doudou dit farouchement son mari :

    - Il est tard. Dis cet homme de partir et, sil le veut, de

    revenir demain manger les restes destins au btail.

    - Vous avez entendu ce que ma femme a dit ? Alors, revenez demain ! dit Doudou en refermant sa porte.

    Lhomme se dirigea alors vers la maison de Gora. Il frappa la porte et Gora lui-mme vint lui ouvrir. Ltranger lui dit :

    - Je te salue, Matre. Je viens de trs loin dans lunique but

    de devenir ton disciple. Je voudrais apprendre les sciences de

    la vie.

    Et, avant que Gora nouvrt la bouche, sa femme intervint :

    - Allez-vous-en ! Revenez un autre jour quand vous vous serez lav, ras et achet des habits propres.

    Elle referma violemment la porte.

    Le vieil homme toujours calme, continua chez Madior. Ds quil frappa sa porte, sa femme laccueillit avec un sourire trs

    aimable et lui dit :

    - Bonjour, cher oncle, entrez donc !

  • 65

    - Pourquoi mappelez-vous cher oncle ?

    - Parce que vous semblez avoir lge de mon pre. Qui que vous tes, soyez le bienvenu. Vous allez dabord vous baigner et ensuite je vous donnerai porter le boubou que je viens de tisser pour mon mari.

    Aprs stre lav et chang, le vieil homme sinstalla dans la chambre qui lui est rserve. Quelques instants plus tard,

    Madior vint le saluer :

    - Bonjour vieil homme, sachez que ma maison est la tienne, mme si je ne suis pas riche.

    Sa femme arriva avec un succulent repas. Elle avait tu et

    prpar dans la nuit, le seul coq qui restait dans le poulailler.

    Ensuite elle lui servit des mangues et de leau fraiche.

    Le lendemain de bonne heure, le voyageur se prparait repartir quand la femme de Madior dit son mari :

    - Nous navons rien sauf la pice de monnaie que tu gardes dans une boite, sous le lit. Donnons-la ce vieil homme car il

    en a plus besoin que nous.

    Madior hsita un peu puis alla chercher la pice dargent quil remit au visiteur. A cet instant prcis, surgirent Gora et Doudou, affols, haletants et tout en sueur :

    - Madior ! Madior ! Nous ne retrouvons plus nos pices dargent.

    - Ne les cherchez plus ! Vous les avez perdues jamais. Les voici, rpliqua schement le vieillard en les montrant.

  • 66

    - Mais qui tes-vous ? Comment les avez-vous eues ? deman-drent-ils, lair mdus.

    - Celle-ci, cest Madior qui vient de me loffrir sur les conseils

    de sa femme. Celles-l, je les reprends. Elles mappartiennent car je suis Kemtaan.

    - Ce nest pas possible car Kemtaan est un vieillard courb par lge et qui vit dans un bled situ trs loin dici. Nous lavons vu. Vous ne lui ressemblez point !

    - Vous avez oubli les conseils du bb que vous avez trouv Warou. Il vous avait prconis de ne pas vous tonner de ce

    que vous ne savez pas ou de ce que vous navez jamais vu. Ce bb qui vous parlait, ctait encore moi.

    Doudou et Gora se regardrent surpris. Dj de la sueur d-goulinait sur leurs visages. Kemtaan poursuivit sur un ton de reproche :

    - Toi Doudou, je tai donn la fortune ; toi Gora, jai offert le savoir et toi Madior une bonne pouse. Doudou et Gora, vous

    mavez chass sur les conseils de vos pouses.

    Ils voulurent justifier leur mauvaise conduite mais le gnie continua en glorifiant cette fois-ci la sagesse de Madior.

    - Madior, qui mavait demand une bonne pouse, ma

    accueilli sur les bonnes recommandations de celle-ci. Son choix

    tait le meilleur et pour cette raison je lui remets toutes les trois pices dargent. Sachez quune bonne pouse vaut mieux que tout lor du monde.

  • 67

    TNING, LA fEMME DU LION

    Il y avait une trs belle jeune fille, appele Tning, qui ne voulait se marier quavec un homme sans cicatrice. cause de cette

    exigence, elle resta longtemps clibataire : tous les hommes qui se prsentaient chouaient cette preuve. En effet, ds quun

    prtendant lui dclarait sa flamme, elle envoyait sa jeune sur Sadio, qui avait le don surnaturel de se transformer en mouche,

    entrer sous les habits du soupirant et inspecter minutieusement

    son corps afin dy dceler une cicatrice.

    Ainsi, un jour, un lion apprit la nouvelle et dcida de se transformer en homme au corps immacul pour se prsenter

    la jeune fille et tenter de gagner son cur. Une fois dans le village, il demanda voir Tning. Accueilli dans la maison, il prsenta lobjet de sa visite ; son corps fut aussitt vrifi mticuleusement par Sadio. Aprs ce test, elle vint dire ses

    remarques sa sur :

    - Sadio : Jai parcouru tout le corps de ce jeune homme sans rencontrer une seule gratignure, plus forte raison une cicatrice. Mais jai senti quil nest pas un tre humain.

    - Tning : Pourquoi dis-tu cela ?

    - Sadio : Il sent le fauve. Cest trs certainement un carnivore qui sest transform en tre humain.

    Mais Tening ne voulait pas entendre cette remarque. Elle

  • 68

    rtorqua que Sadio tait jalouse et quelle aurait prfr quelle restt toute sa vie sans mari. Alors elle dcida de suivre lhomme en faisant table rase des conseils de sa jeune sur.

    Et lorsque Sadio se proposa de laccompagner chez son mari, elle refusa catgoriquement que cette dernire vnt avec eux.

    Aprs le mariage, lhomme dcida de rentrer avec sa femme chez lui. Ainsi, un beau matin, le couple prit le chemin pour

    aller dans leur foyer conjugal. Aprs avoir parcouru une certaine distance, Tning aperut une jolie petite calebasse abandonne au bord de la route. Elle dit :

    - Quelle jolie calebasse ! Elle me servira dustensile une fois la maison.

    En effet, ctait sa jeune sur qui stait transforme en cette calebasse. Celle-ci lui rpondit :

    - Laisse-moi ! Nest-ce pas que tu as refus que je taccompagne chez ton mari.

    - Ah bon, cest toi ? Va-t-en. Ne nous suis point.

    Et en disant cela, elle la jeta. Sur le chemin, elle vit au beau milieu de la route un joli peigne quelle ramassa.

    - Quel joli peigne ! Dit-elle.

    - Nas-tu pas refus ma compagnie ? Lche-moi !

    - Cest encore toi, Sadio ? Jai horreur de te voir. Disparais de ma vue.

    Elle jeta le peigne au loin, dans les hautes herbes. Et le couple continua senfoncer dans la fort. Mais peu aprs, elle

    ramassa une jolie pierre bien police.

  • 69

    - Quelle jolie pierre !

    - Nest-ce pas que tu as refus ma prsence tes cts ?

    - Sadio, que tu es ttue ! Viens. Eh bien, nous tinvitons dsormais venir avec nous.

    Cest ainsi que Tning finit par cder devant lenttement de sa jeune sur Sadio, qui tait trs soucieuse de la scurit de son ane. Dsormais trois compagnons cheminaient ensemble. A un moment donn, lhomme demanda sa femme :

    - Connais-tu lendroit o nous sommes actuellement ?

    - Oui, mon cher mari. Toutes petites dj, nous avions lhabitude de venir jouer jusquici.

    Un laps de temps plus tard, lhomme reprit :

    - Connais-tu cet endroit-ci ?

    - Oui. Nous avions lhabitude de venir chercher du bois jusquici.

    Quelques instants aprs, lhomme reposa la mme question :

    - Connais-tu lendroit o nous sommes ?

    - Non. Franchement, je ne le connais pas.

    Lhomme continua un moment encore avant de sarrter au

    cur de la fort.

    - Nous sommes arrivs. Cest ici que jhabite.

    Tning fut trs due mais elle ne pouvait rien faire. Elle se rsolut sy installer avec sa jeune sur. Le lendemain matin, lhomme allgua aller au travail. Il les abandonna toutes seules au cur de la fort.

  • 70

    Tning croyait trouver sur place les membres de sa belle famille dans un village plus peupl que le sien. Il nen tait rien de tout cela. Et aujourdhui, elle ne regrettait plus la venue de Sadio qui tait la seule personne qui lui tenait compagnie.

    Lhomme passait toute la journe lautre ct de la fort avec ses congnres. Une fois l-bas, il se mtamorphosait en lion et le soir venu, il redevenait homme pour venir passer la

    nuit. Et chaque fois que le repas finissait, ctait Sadio qui portait sa part au mari lendroit o il se trouvait. Sa venue

    tait souvent une surprise si bien quelle le trouvait toujours dans sa forme de lion. Alors feignant ne lavoir pas vu, elle se blottissait derrire une touffe de feuilles pour le hler. Ds

    que le lion lentendait, il se transformait promptement en tre

    humain. Il posait toujours cette autre question avant de recevoir son repas des mains de Sadio :

    - Mas-tu vu, belle-sur ?

    - Non, je ne tavais pas du tout vu, beau-frre.

    - Peux-tu jurer ?

    - Non, il nest pas bon de jurer.

    Aprs ces conversations, il prenait son repas, creusait un petit

    trou et ly versait. Ensuite, il remettait le bol vide sa belle-

    sur.

    Lorsque Sadio, de retour, raconta ce qui stait pass sa

    grande sur, celle-ci lui donna un soufflet pour la dmentir. Elle traita sa jeune sur de jalouse au point de traiter son mari de lion pour quelle demandt le divorce.

  • 71

    Un jour, pour convaincre sa grande sur, Sadio dcida de lamener avec elle. Mais avant de partir, elle lui conseilla

    darranger tous les bagages. Et une fois lendroit o se trouvait le mari, elle attacha sa grande sur un arbre pour quelle ne paniqut et caust leur perte. Toutes ces dispositions prises, elle hla son beau frre.

    - Mas-tu vu, belle-sur ?

    - Non, je ne tavais pas du tout vu, beau-frre.

    - Peux-tu jurer ?

    - Non, il nest pas bon de jurer.

    Tning vit de ses propres yeux son mari se transformer en tre humain et poser des tas de questions avant de recevoir son

    repas des mains de Sadio. Et quand, aprs tous ces protocoles,

    sa jeune sur vint vers elle, elle constata quelle avait rpandu ses fces et son urine sur ses habits.

    Une fois la maison, elles prirent tous leurs effets et fuirent. Tning avait eu un garon avec le lion. Et le lion avait prit le soin dattacher une clochette au cheville de son fils pour pouvoir contrler tous ses dplacements mme tant une longue distance. Mais les sons de cette