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L a douleur thoracique est un problème fréquent et difficile. Les éventualités étiologiques sont nom- breuses, mais les affections graves ont souvent une tra- duction clinique évocatrice. Le coeur, la plèvre, le médiastin, la paroi thoracique, le rachis, peuvent être à l’origine d’une douleur thoracique. Le poumon, quant à lui, est un organe insensible, mais son atteinte peut entraîner une douleur par le biais de la compression d’organes de voisinage. Enfin, la souffrance d’organes sous-phréniques peut avoir une traduction clinique tho- racique : c’est dire que le problème est complexe et que les tableaux sont souvent trompeurs. Nous envisagerons donc: - le bilan systématique à effectuer devant toute douleur thoracique ; - la conduite à tenir devant une douleur suraiguë : c’est un problème d’urgence car le pronostic vital est souvent en jeu à court terme ; - la conduite diagnostique devant une douleur chro- nique : problème de consultation. Bilan à effectuer devant toute douleur thoracique Interrogatoire Il porte sur les caractères de la douleur et les antécé- dents. Sa valeur est capitale pour l’orientation diagnos- tique et l’indication des examens paracliniques. 1. Caractères de la douleur Il importe de préciser : • le siège, précordial ou non ; l’étendue, localisée punc- tiforme ou au contraire diffuse rétrosternale ; • le type, superficiel ou profond en recherchant surtout un caractère constrictif ; • les irradiations : vers le dos, les épaules, les poignets, la mâchoire, elles évoquent une pathologie coronaire ; • l’ancienneté, la durée, l’allure évolutive ; • les circonstances d’apparition : spontanée, lors d’un effort, ou au contraire dans certaines positions (procubi- tus) ou lors de certains mouvements (rotation du tronc) ; • les facteurs atténuants : positionnels (genu-pectora- le) orientant sur le péricarde, ou médicamenteux (trini- trine) qui évoquent une angine de poitrine ; • les signes d’accompagnement : – signes fonctionnels : respiratoires (dyspnée, toux, expectoration, hémoptysie), cardio-vasculaires (palpita- tions, lipothymies), digestifs (nausées, vomissements, hoquet, pyrosis), – signes généraux : fièvre, anorexie, amaigrissement ; • l’intensité n’a de valeur que si la douleur est très inten- se : elle oriente alors vers une origine cardiovasculaire. 2. Antécédents On tient bien sûr compte : • du contexte : traumatisme, alitement, chirurgie ou accouchement récent, pathologie générale évolutive (cancer, connectivite) ; • des facteurs de risque : tabagisme, exposition profession- nelle (amiante), maladie athéromateuse, hypertension arté- rielle, hypercholestérolémie, diabète, antécédents familiaux. Douleur thoracique A6 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 Douleur thoracique Orientation diagnostique Pr Michel KREMPF, Dr Jean-Marie MERAULT Service de pneumologie, CHU Purpan, 31059 Toulouse cedex. • La complexité des constituants anatomiques du thorax explique le grand nombre d’affections pouvant être à l’origine d’une douleur thoracique. • Les tableaux suraigus posent un problème d’urgence : il faut très rapidement éliminer les affections cardiovasculaires ou respiratoires qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital immédiat. • Les autres tableaux posent un problème de consultation parfois difficile, car les causes sont multiples et la gravité de la maladie très variable. De plus, une pathologie abdominale peut se traduire par une douleur thoracique. • Habituellement, le bilan clinique et paraclinique bien conduit permet de résoudre le problème. Le cas le plus difficile reste celui des douleurs de type coronaire à bilan cardiaque normal. Points Forts à comprendre 1491

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therapeutique

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La douleur thoracique est un problème fréquent etdifficile. Les éventualités étiologiques sont nom-

breuses, mais les affections graves ont souvent une tra-duction clinique évocatrice. Le cœur, la plèvre, lemédiastin, la paroi thoracique, le rachis, peuvent être àl’origine d’une douleur thoracique. Le poumon, quant àlui, est un organe insensible, mais son atteinte peutentraîner une douleur par le biais de la compressiond’organes de voisinage. Enfin, la souffrance d’organessous-phréniques peut avoir une traduction clinique tho-racique : c’est dire que le problème est complexe et queles tableaux sont souvent trompeurs.Nous envisagerons donc:- le bilan systématique à effectuer devant toute douleurthoracique ;- la conduite à tenir devant une douleur suraiguë : c’estun problème d’urgence car le pronostic vital est souventen jeu à court terme ;- la conduite diagnostique devant une douleur chro-nique : problème de consultation.

Bilan à effectuerdevant toute douleur thoracique

Interrogatoire

Il porte sur les caractères de la douleur et les antécé-dents. Sa valeur est capitale pour l’orientation diagnos-tique et l’indication des examens paracliniques.

1. Caractères de la douleur

Il importe de préciser :• le siège, précordial ou non ; l’étendue, localisée punc-tiforme ou au contraire diffuse rétrosternale ;• le type, superficiel ou profond en recherchant surtoutun caractère constrictif ;• les irradiations: vers le dos, les épaules, les poignets,la mâchoire, elles évoquent une pathologie coronaire ;• l’ancienneté, la durée, l’allure évolutive ;• les circonstances d’apparition :spontanée, lors d’uneffort, ou au contraire dans certaines positions (procubi-tus) ou lors de certains mouvements (rotation du tronc) ;• les facteurs atténuants : positionnels(genu-pectora-le) orientant sur le péricarde, ou médicamenteux (trini-trine) qui évoquent une angine de poitrine ;• les signes d’accompagnement :– signes fonctionnels : respiratoires (dyspnée, toux,expectoration, hémoptysie), cardio-vasculaires (palpita-tions, lipothymies), digestifs (nausées, vomissements,hoquet, pyrosis),– signes généraux : fièvre, anorexie, amaigrissement ;• l’intensité n’a de valeur que si la douleur est très inten-se : elle oriente alors vers une origine cardiovasculaire.

2. Antécédents

On tient bien sûr compte :• du contexte :traumatisme, alitement, chirurgie ouaccouchement récent, pathologie générale évolutive(cancer, connectivite) ;• des facteurs de risque :tabagisme, exposition profession-nelle (amiante), maladie athéromateuse, hypertension arté-rielle, hypercholestérolémie, diabète, antécédents familiaux.

Douleur thoraciqueA 6

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Douleur thoracique Orientation diagnostique

Pr Michel KREMPF, Dr Jean-Marie MERAULTService de pneumologie, CHU Purpan, 31059 Toulouse cedex.

• La complexité des constituants anatomiquesdu thorax explique le grand nombre d’affectionspouvant être à l’origine d’une douleurthoracique.• Les tableaux suraigus posent un problèmed’urgence : il faut très rapidement éliminerles affections cardiovasculaires ou respiratoiresqui peuvent mettre en jeu le pronostic vitalimmédiat.• Les autres tableaux posent un problèmede consultation parfois difficile, car les causessont multiples et la gravité de la maladie trèsvariable. De plus, une pathologie abdominalepeut se traduire par une douleur thoracique.• Habituellement, le bilan clinique et paracliniquebien conduit permet de résoudre le problème.Le cas le plus difficile reste celui des douleursde type coronaire à bilan cardiaque normal.

Points Forts à comprendre

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On recherchera principalement :• des antécédents thromboemboliques,même peu évo-cateurs comme une phlébite superficielle, des épisodesdyspnéiques ou douloureux paroxystiques atypiques ;• des antécédents coronairesqui peuvent être typiques,mais aussi prendre le masque d’une blockpnée d’effort,d’une brûlure, d’un écrasement de la cage thoracique.

Examen physique

Il doit être complet :• l’inspection portera, en particulier, sur le thorax (ven-tilation paradoxale, circulation collatérale), sur le visage(syndrome de Claude Bernard-Horner), sur les mains(cyanose, hippocratisme digital) ;• la palpationest un temps capital : le réveil d’une dou-leur localisée signe son origine pariétale ; une apophyseépineuse douloureuse oriente vers une cause rhumatolo-gique ou neurologique ; un mollet douloureux peut êtrel’indice d’une maladie thromboembolique ; la mesurede la tension artérielle est systématique aux deux brasainsi que la palpation des pouls périphériques ;• la percussion et l’auscultationpourront apporter deséléments en faveur d’une origine cardiovasculaire ourespiratoire.

Examens paracliniques

Dans la mesure des possibilités, on demande toujours :– une radiographie thoracique de face et de profil (RT) ;– un électrocardiogramme (ECG) ;– une gazométrie artérielle ;– une étude des enzymes : transaminases, créatine phos-phokinase (CPK), amylase, lipase.Au terme de ces examens, il existe souvent une forteorientation diagnostique ; d’autres examens paracli-niques pourront être demandés pour confirmer cetteorientation.

Douleur aiguë ou suraiguë

Signes de gravité immédiate

Leur existence commande l’hospitalisation en milieu desoins intensifs ; elle peut imposer des gestes de réani-mation et la réalisation d’examens paracliniques parti-culiers avant toute autre démarche diagnostique.

1. Signes cardiovasculaires

On recherche :– collapsus, état de choc, poussée hypertensive ;– signes d’insuffisance cardiaque gauche : galop, râlescrépitants aux bases pulmonaires, opacités radiolo-giques périhilaires bilatérales, « en ailes de papillon » ;

– signes d’insuffisance cardiaque droite aiguë : tachy-cardie, hépatomégalie douloureuse, reflux hépato-jugu-laire.

2. Signes respiratoires

On recherche :– polypnée sévère ;– encombrement bronchique avec épuisement respira-toire (tachypnée, tirage) ;– hypoxie sévère : cyanose, troubles de la conscience ;– hypercapnie aiguë : sueurs, agitation, hypertensionartérielle.

Cinq diagnostics à évoquer en priorité

Ils sont à rechercher après avoir rapidement éliminé unecause pariétale par la palpation.

1. Infarctus du myocarde

• Le diagnostic est facile quand :– il s’agit d’un coronarien connu ayant présentéquelques heures ou quelques jours auparavant des crisesangineuses plus ou moins prolongées ;– la douleur est intense, rétrosternale, constrictive, éten-due, irradiant largement au cou, à la mâchoire, au bras,indépendante de l’effort, résistant aux dérivés nitrés ;– l’ECG affirme le diagnostic en montrant des troublesde la repolarisation (ischémie-lésion) et parfois desondes Q de nécrose dans le territoire concerné.• Le diagnostic est parfois moins évident quand :– la douleur est moins intense, associée à un hoquet oudes nausées ;– il existe des troubles du rythme cardiaque et quel’ECG ne montre pas d’onde Q.Le dosage de la myoglobinémie et de la troponine san-guine a un intérêt essentiel, surtout la troponine qui s’élè-ve 2 heures après la douleur initiale. La myoglobinémies’élève plus tôt. Enfin, la troponine reste élevée plusieursjours. L’absence d’élévation plusieurs heures après unedouleur élimine l’infarctus. Les CPK plasmatiques et enparticulier leur fraction MB s’élèvent plus tardivement.Il faut toujours rechercher d’éventuelles complications :insuffisance cardiaque gauche ; troubles du rythme oude la conduction ; souffle cardiaque traduisant la ruptured’un pilier ou une perforation septale ; tamponnade.

2. Dissection aortique

C’est une douleur spontanée, brutale, intense à type dedéchirement ; elle est migratrice, d’abord antérieurepuis scapulaire, dorsale, lombaire.Le diagnostic est évoqué sur :– le terrain : hypertension artérielle ou dystrophie dutissu élastique ;– la clinique : perception d’un souffle diastolique d’in-suffisance aortique avec diminution ou abolition des

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pouls périphériques ; il peut exister un frottement péri-cardique, des signes neurologiques en foyer ;– la radiographie thoracique qui montre un élargisse-ment du médiastin supérieur avec, parfois, un aspect endouble contour de l’aorte ;– l’ECG peut être paradoxalement normal devant cetableau clinique d’infarctus, ou montre des anomaliesnon spécifiques de la repolarisation ;– le diagnostic est affirmé par l’échographie transœso-phagienne pour les dissections de l’aorte ascendante, latomodensitométrie thoracique pour les autres segments.

3. Péricardite aiguë

La douleur est précordiale, constrictive et surtoutdurable ;– elle est exagérée par la toux, l’inspiration profonde, ledécubitus dorsal ;– elle est diminuée par la position genu-pectorale ;– elle s’accompagne souvent de fièvre, toux, dyspnée,dysphagie.À l’examen, le frottement péricardique est inconstant.La radiographie thoracique montre typiquement un élar-gissement de l’ombre cardiaque qui prend une forme tri-angulaire, mais elle peut être normale.L’ECG peut montrer un sous-décalage de PQ mais sur-tout des troubles diffus de la repolarisation de type« concordant » (pas d’image en miroir).C’est, en fait, l’échocardiographie qui confirme le dia-gnostic en montrant un espace vide d’écho entre l’épi-carde ventriculaire et le péricarde pariétal.La tamponnade, conséquence d’un épanchement massif,entraîne des signes d’insuffisance cardiaque droite. Ellerelève de la ponction évacuatrice et souvent de la fenes-tration chirurgicale. L’analyse du liquide de ponction etla biopsie permettront souvent le diagnostic étiologique.

4. Embolie pulmonaire

La douleur est brutale, associée à une polypnée et à uneangoisse.Le diagnostic est évoqué sur un faisceau d’arguments :– le contexte ou les antécédents évocateurs ;– la clinique : tachycardie anormalement élevée parrapport à la fébricule (38˚ C) ; signes de phlébite quiaffirment la maladie thromboembolique ; signes d’insuf-fisance cardiaque droite ; signes d’insuffisance respi-ratoire aiguë.Les examens paracliniques montrent le retentissementfonctionnel de l’embolie :– la radiographie thoracique peut mettre en évidenceune hyperclarté parenchymateuse localisée avec dilata-tion correspondante de l’artère pulmonaire ;– l’ECG peut montrer des signes de coeur pulmonaireaigu avec dextrorotation (S1Q3), déviation axiale droite,bloc de branche droit et inversion de l’onde T dans lesprécordiales droites ;– la gazométrie artérielle peut objectiver un « effetshunt » avec hypoxie-hypocapnie.En fait, la présentation clinique est très polymorphe, les

examens paracliniques habituels ne permettent pas undiagnostic de certitude et sont souvent en défaut.Le diagnostic ne sera finalement affirmé que par l’écho-graphie-doppler veineux des membres inférieurs quiconfirme la maladie thrombo-embolique, la scintigra-phie pulmonaire de perfusion, la tomodensitométrie àbalayage spiralé volumique, qui ont remplacé la phlé-bographie et l’angiopneumographie.Dans les formes graves, l’échocardiographie signe lecaractère massif de l’embolie quand elle montre unedilatation des cavités droites avec septum paradoxal.Dans les formes atypiques, en particulier chez l’insuffi-sant respiratoire, le problème est surtout d’éliminer lediagnostic. Le dosage des D-dimères (techniqueELISA) a une forte valeur prédictive négative s’il estinférieur à 250 unités.

5. Pneumothorax

La douleur est brutale, à type de point de côté en « coupde poignard ». Elle peut s’associer à une toux, une dyspnée, une tachy-cardie, des signes d’insuffisance respiratoire aiguë.L’examen physique retrouve une distension hémithora-cique, un silence ventilatoire, une abolition des vibra-tions vocales, un tympanisme.C’est la radiographie thoracique qui fait le diagnostic enmontrant : une distension thoracique avec hyperclartépériphérique et absence de trame vasculaire ; un pou-mon rétracté au hile et dont on peut suivre les contours ;dans ce tableau un refoulement du médiastin du cotésain est fréquent et le drainage s’impose en urgence.

Autres causes

1. Pathologie coronarienne

• Angor de Prinzmetal :c’est un angor spastique, derepos. L’ECG peut montrer un courant de lésion sous-épicardique ; la coronarographie s’impose et un test auMéthergin peut être nécessaire pour mettre en évidencele spasme.• Angor instable :angor « de novo » d’effort et (ou) derepos ou aggravation d’un angor préexistant.Dans les deux cas, l’hospitalisation en centre de soinsintensifs s’impose.

2. Pathologie respiratoire

• Pneumopathie aiguë :le diagnostic est faciledevant un tableau de pneumopathie franche lobaireaiguë ; la douleur brutale à type de point de côté,survient dans un contexte de frissons et d’hyperther-mie ; l’examen retrouve un syndrome de condensa-tion localisé avec une abolition du murmure vésicu-laire, souffle tubaire entouré par une couronne derâles crépitants ; la radiographie thoracique montre

Douleur thoracique

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une opac i té systémat isée de type a lvéo la i re .Les pneumopathies atypiques réalisent un tableaumoins évocateur, associant parfois des signes extra-respiratoires, mais la radiographie thoracique permeten règle de faire le diagnostic.• Les pleurésiespeuvent également se traduire par unpoint de côté très brutal et intense, quelle que soit leurnature et leur origine. Le diagnostic repose sur : la cli-nique avec une douleur augmentée par l’inspiration pro-fonde, accompagnée par une toux sèche et quinteuse,une dyspnée parfois sévère, une matité avec abolitiondes vibrations vocales et parfois frottement pleural ; laradiographie thoracique montre une opacité homogène,non systématisée, comblant le sinus costo-diaphragma-tique et dont la limite supérieure dessine la « courbe deDamoiseau » concave en haut et en dedans.Quand la dyspnée est intense, la ponction évacuatricevoire le drainage s’imposent.Le diagnostic étiologique repose sur les antécédents, laponction pleurale et surtout la biopsie de plèvre éven-tuellement guidée par la thoracoscopie.

3. Pathologie abdominale

Beaucoup plus rarement, c’est une pathologie abdomi-nale qui est à l’origine de la douleur :• Rupture de l’œsophagequi s’accompagne d’une dys-pnée, d’un emphysème sous-cutané précordial et sus-sternal.• Pancréatite aiguëqui peut simuler un infarctus dumyocarde, mais le dosage de l’amylasémie et de la lipa-sémie permet de redresser le diagnostic.Citons : l’étranglement d’une hernie hiatale, l’ulcèrejuxtacardial, le syndrome de Mallory-Weiss qui repré-sentent des éventualités rares.

Douleur chronique

Il s’agit de douleurs prolongées, répétées dans le temps.C’est un problème de consultation, peut-être le cas leplus difficile car les causes sont multiples, et la gravitédu pronostic n’est pas toujours parallèle à l’intensité dela douleur ; la hantise reste la douleur coronaire.

Causes cardiovasculaires

1. Angine de poitrine (angor)

Elle est de diagnostic facile si :– la douleur est rétrosternale, brève, constrictive « engriffe », irradiant vers le bras gauche et le territoirecubital ;– survenant à l’effort, en montée, par temps froid, elleimpose l’arrêt de l’effort ;– elle cède rapidement à l’arrêt de l’effort ou aprèsadministration de trinitrine ;

– elle s’accompagne de troubles de la repolarisation àl’ECG qui peut montrer une surélévation du point J.Le diagnostic peut être plus difficile si :– l’angor survient au repos, au primo-décubitus ;– l’ECG est normal entre les crises.C’est l’ECG d’effort et (ou) la coronarographie quiconfirment le diagnostic et précisent les indications thé-rapeutiques.

2. Péricardite chronique constrictive

Elle entraîne une douleur rétrosternale associée à unfrottement péricardique et des signes d’insuffisance car-diaque droite. Le diagnostic est évoqué sur des antécé-dents de péricardite aiguë, de tuberculose, d’irradiationthoracique. Il est confirmé par la radiographie thora-cique qui peut montrer des calcifications péricardiques,l’échocardiographie, enfin le cathétérisme droit (dip pla-teau).

3. Cardiomyopathie hypertrophique,rétrécissement aortique, prolapsus mitral

Ils peuvent se révéler par des douleurs de type angi-neux ; l’échographie cardiaque et (ou) le cathétérismegauche confirment le diagnostic.

Causes pleuro-pulmonaires

1. Causes pleurales

En dehors des pleurésies qui peuvent se traduire par unedouleur chronique, il faut penser au mésothéliome: c’estune tumeur pleurale qui réalise à la radiographie thora-cique une opacité périphérique mamelonnée et peuts’associer à un épanchement pleural liquidien. La notiond’exposition à l’amiante a une forte valeur d’orientationet le diagnostic sera finalement affirmé par l’examencytologique du liquide pleural et surtout la biopsie deplèvre.

2. Causes pulmonaires

En dehors de l’embolie pulmonaire, il faut penser aucancer bronchiquequi peut se révéler par une douleurlorsqu’il existe une compression nerveuse, une pleurésieassociée ou un envahissement pariétal. Le diagnostic estévoqué par l’opacité radiographique chez un sujet taba-gique ; la fibroscopie bronchique s’impose et la biopsiede la tumeur affirme le diagnostic.Les tumeurs apicales peuvent entraîner un syndrome dePancoast Tobias avec névralgie cervico-thoracique etsyndrome de Claude Bernard Horner.Beaucoup plus rarement, des douleurs thoraciques, par-fois d’effort, peuvent révéler une hypertension artériellepulmonaire primitive.Enfin, des douleurs peuvent s’observer dans lessemaines suivant une pneumopathie aiguë : il fautalors penser à la possibilité d’une pleurésie ou d’une

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abcédation. Au moindre doute, une fibroscopie serapratiquée afin d’éliminer une néoplasie associée.

Causes pariétales

La douleur est réveillée par la palpation.Très souvent, il s’agit d’une arthrite chondrocostale quiréalise une douleur localisée latéro-sternale avec pointdouloureux précis à la palpation. Il s’y associe parfoisun gonflement localisé réalisant le syndrome de Tietze.Cette affection parfois très douloureuse guérit par infil-tration de Xylocaïne et de corticoïdes.Plus rarement, il peut s’agir d’une fracture costale post-traumatique ou tumorale confirmée par la radiographiedu gril costal. Une cellulite est toujours possible mais,surtout, le zona, avec sa douleur en hémi-ceinture précé-dant l’éruption, peut simuler une compression radiculaire.La radiographie, la tomodensitométrie, l’imagerie parrésonance magnétique (IRM), révèlent parfois unetumeur vertébrale, une spondylodiscite infectieuse, voireun neurinome.

Causes digestives

Le spasme de l’œsophage peut entraîner une douleurrétrosternale constrictive qui peut en imposer pour unangor. Le diagnostic est évoqué devant une symptoma-tologie de dysphagie aux liquides glacés, calmée par lesantispasmodiques et les inhibiteurs calciques, affirmépar la manométrie œsophagienne. Citons également la hernie hiatale, le reflux gastro-œso-phagien (pyrosis postural, confirmé par la pH-métrie), lecancer de l’œsophage. C’est l’existence des signes asso-ciés (hypersialorrhée, hoquet, dysphagie douloureuse)qui orientent vers l’appareil digestif haut. Enfin, un ulcère de l’estomac, un cancer du pancréas,une colique hépatique, une colite, peuvent également enimposer pour une douleur d’origine thoracique. C’estsouligner l’importance d’un examen clinique complet.Au total, les causes possibles d’une douleur thoraciquesont très nombreuses mais, en pratique, le problèmeessentiel est représenté par les douleurs de type angi-neux à coronarographie normale.Plusieurs voies diagnostiques paraissent intéressantes àexplorer :

– l’hypothèse digestive : certains patients présentent unehyper-irritabilité œsophagienne pouvant être à l’originedu syndrome douloureux (des tests de perfusion d’acidedilué, de manométrie œsophagienne permettront deconfirmer le diagnostic et de rassurer le malade) ;– l’hypothèse cardiaque : chez certains patients, en par-ticulier les femmes âgées, il existerait une anomalie dela microcirculation coronaire à l’origine d’un angormicro-vasculaire ou syndrome X (en pratique, si lacoronarographie, la scintigraphie myocardique, le testau Méthergin sont normaux, on écarte le diagnostic demaladie coronarienne) ;– reste l’hypothèse psychique : on retrouve souventchez ces patients un terrain particulier (anxiété, panique,somatisation), un « cœur hypersensible » (au cathétéris-me, au produit de contraste) mais c’est, bien sûr, un dia-gnostic d’élimination. M

Douleur thoracique

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• Une douleur thoracique qui s’accompagnede signes de gravité met en jeu le pronostic vitalet impose le transfert en milieu de soins intensifspour la réalisation en urgence d’examensparacliniques spécialisés.• Une douleur chronique, une fois éliminéeune origine pariétale, peut traduire une maladiepleuro-pulmonaire ; dans ce cas, clinique et radiographie thoracique permettent de cernerle problème et de demander les examensparacliniques décisifs.• Certains tableaux d’embolie pulmonairepeuvent être très trompeurs : l’échographiedoppler veineux des membres inférieurs est,ici, d’un intérêt capital, quand elle montreune thrombose veineuse.• Il peut s’agir, aussi, d’une pathologieabdominale à traduction thoracique.• Mais le problème essentiel est celui de la maladiecoronaire et de la conduite thérapeutiqueà adopter quand le tableau clinique est atypique.La difficulté est maximale quand le bilancardiaque habituel est normal. En fin de compte,coronarographie, scintigraphie myocardique ettest au Méthergin restent les éléments clésdu diagnostic.

Points Forts à retenir