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400 Le praticien en anesthésie réanimation © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Sous la direction de Catherine Spielvogel lu pour vous La dose test péridurale revue et corrigée The epidural test dose: a review Guay J. Anesth Analg 2006;102:92-9. La dose test, réalisée lors de l’anesthésie/analgésie péridurale, a pour but de détecter un passage intravasculaire (estimé entre 4,9 % et 7 % des cas chez la parturiente), intra-téchal ou sous-dural, de la solution anesthésique locale ; son intérêt a été souligné dès les pre- mières publications sur le sujet (1). C’est à Bromage que revient la paternité de l’appellation de « test dose » (2) : Moore et Batra pro- poseront plus tard que la dose test soit une combinaison de 45 mg de lidocaïne et de 15 μ g d’adrénaline (3). L’auteur de l’article s’est lui intéressé à ce concept à partir d’une analyse statistique exten- sive de la littérature, concernant trois groupes de population : les patients adultes, les femmes enceintes et les enfants. La démarche scientifique développée par l’auteur s’est intéressée à la sensibilité (S) et à la valeur prédictive positive (VPP) de la détection du passage intravasculaire de la dose test, en analysant la littérature, sous réserve de disposer d’au moins deux études cli- niques randomisées et contrôlées, provenant d’au moins deux centres d’investigation différents. La sensibilité d’un signe pour un diagnostic donné est la probabilité que ce signe soit présent lorsque le diagnostic est affirmé : à plus de 80 %, elle affirme la valeur du test. La valeur prédictive positive d’un signe pour un diagnostic donné est la probabilité que le diagnostic soit vrai si le signe est présent. Les doses test évaluées consistaient en un bolus de fentanyl (100 μ g) ou un bolus de 10 ou 15 μ g d’adrénaline chez l’adulte ou 0,5 μ g/kg chez l’enfant. Trois types de patients étaient concernés : parturientes, sujets adultes et enfants. Pour l’auteur, les différents tests destinés à appréhender un passage intratéchal ou plus exceptionnellement sous-dural ne sont pas suffi- samment fiables. Pour prévenir les conséquences de ces injections erratiques, la règle reste donc de pratiquer des injections en bolus répé- tés en surveillant le niveau sensitif, le bloc moteur et les paramètres hémodynamiques. En cas de nécessité d’un passage rapide en césa- rienne requérant l’administration d’un volume important d’anesthé- sique local en péridural (lidocaïne à 1,5 % adrénalinée à 1/200 000), l’objectivation antérieure d’une analgésie péridurale homogène et d’extension normale au cours du travail peut autoriser l’injection rapide d’une dose anesthésique, dans un environnement adéquat (4). Références 1. Dogliotti AM. A new method of block anesthesia: segmented peridural spinal anesthesia. Am J Surg 1933;20:107-18. 2. Bromage PR. Spinal epidural analgesia. Edinbourgh & London: E&S Li- vingstone LTD, 1954:57-8. 3. Moore DC, Batra MS. The components of an effective test dose prior to epi- dural block. Anesthesiology 1981;55:693-6. 4. Vialle N, Aya G, Mercier FJ. Dose-test et analgésie péridurale obstétricale. JEPU 2006:315-9. Marc Gentili Centre hospitalier, Saint-Grégoire. A-t-on suffisamment d’études pour évaluer l’efficacité de la gabapentine en postopératoire ? The analgesic effects of perioperative gabapentin on postoperative pain: a meta-analysis Hurley RW, Cohen SP, Williams KA, Rowlingson AJ, Wu CL. Reg Anesth Pain Med 2006;31:237-47. Preoperative gabapentin for postoperative analgesia: a meta-analysis Seib RK, Paul JE. Can J Anaesth 2006;53:461-9. La gabapentine est un analogue de l’acide gamma-aminobutyri- que (GABA), utilisé initialement comme anticonvulsivant dans cer- taines formes d’épilepsie rebelle ; elle est prescrite aussi dans les troubles bipolaires, les états anxieux et les douleurs neuropathi- ques chroniques (douleurs post-zostériennes, neuropathie du diabète) (1). L’effet antalgique de la molécule, différent de celui des opioïdes, n’est pas complètement élucidé et le mécanisme d’action implique les récepteurs GABA, NMDA et AMPA, ainsi que certains canaux calciques. Un certain nombre de publications récentes ont attiré l’attention sur l’intérêt sur ce produit dans la Tableau 1 Patients Test diagnostique Dose test Se/VPP (%) Adultes PAS 15 mmHg Adrénaline 10 μ g 100/83-100 ou Δ FC 10 bpm Adrénaline 15 μ g 100/83-100 Parturientes Sédation, torpeur, vertiges Fentanyl 100 μ g 92-100/91-95 Enfants PAS 15 mmHg Adrénaline 0,5 μ g/kg 81-100/100

A-t-on suffisamment d’études pour évaluer l’efficacité de la gabapentine en postopératoire ?

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Page 1: A-t-on suffisamment d’études pour évaluer l’efficacité de la gabapentine en postopératoire ?

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Le praticien en anesthésie réanimation© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Sous la direction de Catherine Spielvogel

lu pour vous

La dose test péridurale revue et corrigée

The epidural test dose: a review

Guay J. Anesth Analg 2006;102:92-9.

La dose test, réalisée lors de l’anesthésie/analgésie péridurale, apour but de détecter un passage intravasculaire (estimé entre 4,9 %et 7 % des cas chez la parturiente), intra-téchal ou sous-dural, de lasolution anesthésique locale ; son intérêt a été souligné dès les pre-mières publications sur le sujet (1). C’est à Bromage que revient lapaternité de l’appellation de « test dose » (2) : Moore et Batra pro-poseront plus tard que la dose test soit une combinaison de 45 mgde lidocaïne et de 15 

μ

g d’adrénaline (3). L’auteur de l’article s’estlui intéressé à ce concept à partir d’une analyse statistique exten-sive de la littérature, concernant trois groupes de population : lespatients adultes, les femmes enceintes et les enfants.

La démarche scientifique développée par l’auteur s’est intéresséeà la sensibilité (S) et à la valeur prédictive positive (VPP) de ladétection du passage intravasculaire de la dose test, en analysantla littérature, sous réserve de disposer d’au moins deux études cli-niques randomisées et contrôlées, provenant d’au moins deuxcentres d’investigation différents. La sensibilité d’un signe pourun diagnostic donné est la probabilité que ce signe soit présentlorsque le diagnostic est affirmé : à plus de 80 %, elle affirme lavaleur du test. La valeur prédictive positive d’un signe pour undiagnostic donné est la probabilité que le diagnostic soit vrai si lesigne est présent. Les doses test évaluées consistaient en un bolusde fentanyl (100 

μ

g) ou un bolus de 10 ou 15 

μ

g d’adrénalinechez l’adulte ou 0,5 

μ

g/kg chez l’enfant. Trois types de patientsétaient concernés : parturientes, sujets adultes et enfants.

Pour l’auteur, les différents tests destinés à appréhender un passageintratéchal ou plus exceptionnellement sous-dural ne sont pas suffi-samment fiables. Pour prévenir les conséquences de ces injections

erratiques, la règle reste donc de pratiquer des injections en bolus répé-

tés en surveillant le niveau sensitif, le bloc moteur et les paramètreshémodynamiques. En cas de nécessité d’un passage rapide en césa

-rienne requérant l’administration d’un volume important d’anesthé-sique

local en péridural (lidocaïne à 1,5 % adrénalinée à 1/200 000)

,l’objectivation antérieure d’une analgésie péridurale homogène etd’extension normale au cours du travail peut autoriser l’injectionrapide d’une dose anesthésique, dans un environnement adéquat (4).

Références

1. Dogliotti AM. A new method of block anesthesia: segmented peridural spinal anesthesia. Am J Surg 1933;20:107-18.

2. Bromage PR. Spinal epidural analgesia. Edinbourgh & London: E&S Li-vingstone LTD, 1954:57-8.

3. Moore DC, Batra MS. The components of an effective test dose prior to epi-dural block. Anesthesiology 1981;55:693-6.

4. Vialle N, Aya G, Mercier FJ. Dose-test et analgésie péridurale obstétricale. JEPU 2006:315-9.

Marc Gentili

Centre hospitalier, Saint-Grégoire.

A-t-on suffisamment d’études pour évaluer l’efficacité de la gabapentine en postopératoire ?

The analgesic effects of perioperative gabapentin on postoperative pain: a meta-analysis

Hurley RW, Cohen SP, Williams KA, Rowlingson AJ, Wu CL. Reg Anesth Pain Med 2006;31:237-47.

Preoperative gabapentin for postoperative analgesia: a meta-analysis

Seib RK, Paul JE. Can J Anaesth 2006;53:461-9.

La gabapentine est un analogue de l’acide gamma-aminobutyri-que (GABA), utilisé initialement comme anticonvulsivant dans cer-taines formes d’épilepsie rebelle ; elle est prescrite aussi dans lestroubles bipolaires, les états anxieux et les douleurs neuropathi-ques chroniques (douleurs post-zostériennes, neuropathie dudiabète) (1). L’effet antalgique de la molécule, différent de celuides opioïdes, n’est pas complètement élucidé et le mécanismed’action implique les récepteurs GABA, NMDA et AMPA, ainsi quecertains canaux calciques. Un certain nombre de publicationsrécentes ont attiré l’attention sur l’intérêt sur ce produit dans la

Tableau 1Patients Test diagnostique Dose test Se/VPP (%)Adultes PAS ≥ 15 mmHg Adrénaline 10 μg 100/83-100

ou ΔFC ≥ 10 bpm Adrénaline 15 μg 100/83-100

Parturientes Sédation, torpeur, vertiges Fentanyl 100 μg 92-100/91-95

Enfants PAS ≥ 15 mmHg Adrénaline 0,5 μg/kg 81-100/100

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lu pour vous

prise en charge de la douleur aiguë postopératoire (2, 3). Deuxméta-analyses, parues au mois de mai dans la presse internatio-nale font le point de l’ensemble des données publiées jusqu’àprésent sur ce thème. La première (Hurley RW et coll.) a includouze essais cliniques prospectifs randomisés (soit 896 patients)concernant divers types de chirurgie : hystérectomie abdomi-nale, discectomie, cholécystectomie, chirurgie du sein, arthros-copie, rhinoplastie. Les doses de gabapentine administréesvariaient de 400 à 600 mg en prémédication. Dans seulementtrois études, l’administration de gabapentine était poursuivie enpostopératoire, durant 24 heures à 10 jours. Chez les patientsayant reçu de la gabapentine, les scores EVA à 4 heures et24 heures étaient significativement plus faibles, et les différencesmoyennes pondérées entre les scores EVA (0-10) sous gabapen-tine et sous placebo étaient respectivement de – 1,57 [intervallede confiance : – 2,14 à – 0,99] et – 0,74 [– 1,03 à – 0,45] ; laconsommation d’opiacés était significativement réduite sousgabapentine mais on notait un niveau de sédation plus marqué.Les auteurs concluaient à l’intérêt de la gabapentine en pré-médication pour réduire la douleur postopératoire et laconsommation d’opiacés. La seconde méta-analyse (Seib RK etcoll.) n’a porté que sur 8 des études déjà incluses dans la précé-dente et montrait une réduction des scores d’EVA (différencemoyenne pondérée : – 1,19 au repos ; – 1,10 au mouvement) etde la consommation de morphine (– 14,9 mg/24 heures). Cesdonnées sont donc intéressantes et leur publication simultanéemérite elle-même un commentaire : la seconde méta-analyse estmanifestement incomplète puisqu’elle n’inclut pas toutes les étudespubliées sur le sujet. Dans le cas présent, cette omission nechange pas fondamentalement les conclusions mais ce pourraitêtre le cas dans d’autres circonstances. On assiste en effet à unecourse à la publication de méta-analyses qui regroupent unesomme d’essais cliniques de petites tailles publiés en peu detemps et qui prétendent en fournir la synthèse. Or, les conclu-sions définitives sur le sujet doivent tenir compte de deuxécueils : d’une part l’hétérogénéité des protocoles et des dosesadministrées lors de ces études préliminaires ne permet pas tou-jours de faire honnêtement une analyse quantitative des résul-tats ; d’autre part, une analyse trop rapide de résultats publiésen peu de temps sur un sujet considéré comme innovant méses-time le risque de non-publications d’études dont les résultatssont négatifs. Celles-ci ne viennent en effet que dans un secondtemps lorsque, le concept étant établi, sa remise en questions’avère « payante » en termes de publication. Il faut doncaujourd’hui se garder de conclusions hâtives et attendre le résul-tat d’essais randomisés de grande taille sur des populationshomogènes. Par ailleurs l’intérêt de la gabapentine n’est probable-

ment pas d’être le N + 1 agent capable de diminuer la consomma-tion d’opiacés mais pourrait résider dans sa capacité à empêcherle développement de douleurs chronicisées en postopératoire,mais ceci reste à démontrer.

Références

1. Wiffen PJ, McQuay HJ, Edwards JE, Moore RA. Gabapentin for acute and chronic pain. Cochrane Database Syst Rev 2005;20;CD005452.

2. Fassoulaki A, Triga A, Melemeni A, Sarantopoulos C. Multimodal analgesia with gabapentin and local anesthetics prevents acute and chronic pain af-ter breast surgery for cancer. Anesth Analg 2005;101:1427-32.

3. Menigaux C, Adam F, Guignard B, Sessler DI, Chauvin M. Preoperative ga-bapentin decreases anxiety and improves early functional recovery from knee surgery. Anesth Analg 2005;100:1394-9.

Marc Gentili

Centre hospitalier, Saint-Grégoire.

Profil et impact des pneumopathies après chirurgie thoracique

Postoperative pneumonia after major lung resection

Schussler O, Alaifano M, Stano S, Casetta A, Sepulveda S, Chafik A, Coignard S, Regnard JF. Am J Resp Crit care Med 2006;173:1161-9.

Les pneumopathies postopératoires représentent la principalecomplication après chirurgie thoracique, de par leur fréquence etleur gravité. Elles rendent compte d’une grande partie de la mor-talité après ce type de chirurgie qui est de l’ordre de 5-6 % aprèslobectomie et 10-11 % après pneumonectomie. Cette étude pros-pective s’est proposée de préciser l’épidémiologie des pneumo-pathies sur une cohorte de 136 patients ayant subi une résectionpulmonaire sur une période de 6 mois dans un seul centre (HôtelDieu de Paris). Tous ces patients étaient opérés en exclusion pul-monaire et, immédiatement après insertion de la sonde à doublelumière, un prélèvement endobronchique bilatéral était effectuéet mis en culture. Si la présence d’un germe prédominant au-delàde 10

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 cfu/ml était mise en évidence au moins d’un côté, lepatient était considéré comme colonisé. Presque tous les patientsrecevaient une antibioprophylaxie par céfamandole (1,5 g enperopératoire puis 3 g/24 heures durant 48 heures), puis ilsétaient extubés en fin d’intervention chaque fois que possible.Tous les patients présentant l’un des signes suivants : imagesradiologiques d’infiltrats — fièvre > 38

°

C — élévation du taux deprotéine C ou de leucocytes — aspect purulent de l’expectoration,bénéficiaient d’un prélèvement bronchique protégé. Lorsque laculture retrouvait plus de 10

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 cfu/ml, le patient était considéré