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DON CARLOS 28 - ABAO-OLBE La forêt de Fontainebleau. L’hiver. Le palais dans le lointain. À droite, un grand rocher forme une sorte d’abri. Scène Première Des Bûcherons, leur Femmes, leurs Enfants, des Chasseurs, puis Élisabeth de Valois, paraissant à gauche, à cheval, conduite par Thibault, son Page. Valets et Piqueurs. (Des bûcherons, leurs femmes, leurs en-fants. Les uns s’occupent à dépecer des chênes abattus. Les autres traversent le théâtre, portant des fagots, des pièces de bois et des instruments de travail; les femmes et les enfants se chauffent à un foyer allumé sous le grand rocher.) LES BUCHERONS ET LEURS FEMMES L’hiver est long! La vie est dure! Le pain est cher! Quand donc finira ta froidure, Ô sombre hiver! Hélas! Quand finira la guerre? Hélas! Reverrons-nous jamais Et nos fils dans notre chaumière Et des blés mûrs dans nos guérets? Tout meurt au bois, dans la plaine L’eau des fleuves manque aux troupeaux Et l’hiver glace la fontaine, Notre fontaine aux belles eaux! UN BUCHERON Amis, hâtons-nous à l’ouvrage! Que nos femmes, nos fils, nous donnent du courage! Avec la paix, ô travailleurs, Nous reverrons des jours meilleurs! LES BUCHERONS ET LEURS FEMMES ... des jours meilleurs! LES BUCHERONS Entendez-vous? Les trompes sonnent! Entendez -vous? Les cors résonnent! La cour a quitté le palais! Le Roi chasse dans nos forêts! LES CHASSEURS (au loin) Le cerf s’enfuit sous la ramure... Par Saint Hubert! Suivons-le, tant que le jour dure, Au bois désert! LES BUCHERONS Le son du cor de nous s’approche! Il retentit de roche en roche! L’air est plein de leur bruit joyeux! Que le sort des rois est heureux! (Élisabeth de Valois paraissant à gauche, à cheval, conduite par Thibault, son page; valets et piqueurs.) LES BUCHERONS ET LEURS FEMMES C’est la fille du Roi! Vite, approchons-nous d’elle! Elle est aussi bonne que belle! La noble Élisabeth... ÉLISABETH (arrêtant son cheval au milieu des bûcherons) Amis, que voulez-vous? El bosque de Fontainebleau. Invierno. El palacio en la lejanía. A la derecha, una gran roca forma una especie de refugio. Escena Primera Leñadores, sus Mujeres, sus Hijos, Cazadores, luego Isabel de Valois que aparece por la izquierda, a caballo, conducida por Tebaldo, su Paje. Sirvientes y Monteros. (Los leñadores, sus esposas y sus hijos. Algunos están ocupados despedazando robles derribados. Otros cruzan el Escenario portando haces de leña, trozos de madera y herramientas de trabajo; las mujeres y los niños se calientan ante un fuego encendido bajo la gran roca.) LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS ¡El invierno es largo! ¡La vida es dura! ¡El pan es caro! ¡Cuándo terminará tu frialdad, oh sombrío invierno! ¡Ay! ¿Cuándo terminará la guerra? ¡Ay! ¿Volveremos a ver alguna vez a nuestros hijos en nuestra choza y el trigo maduro en nuestros barbechos? ¡Todo muere en el bosque, en la llanura el agua de los ríos falta a los rebaños y el invierno hiela la fuente, nuestra fuente de bellas aguas! UN LEÑADOR ¡Amigos, apresurémonos con la faena! ¡Que nuestras esposas, nuestros hijos, nos den valor! ¡Con la paz, trabajadores, volveremos a ver tiempos mejores! LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS ... tiempos mejores. LOS LEÑADORES ¿Oís? ¡Suenan las trompetas! ¿Oís? ¡Resuenan los cuernos! ¡La corte ha abandonado el palacio! ¡El rey caza en nuestros bosques! LOS CAZADORES (desde lejos) ¡El ciervo huye bajo la enramada... por san Umberto! ¡Sigámosle, en tanto dure el día, al bosque desierto! LOS LEÑADORES ¡El son del cuerno se acerca a nosotros! ¡Resuena de roca en roca! ¡El aire está lleno de su rumor alegre! ¡Cuán dichosa es la suerte de los reyes! (Isabel de Valois aparece por la izquierda a caballo, conducida por Tebaldo, su paje. Sirvientes y monteros.) LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS ¡Es la hija del rey! ¡Deprisa, acerquémonos a ella! ¡Es tan buena como hermosa! La noble Isabel... ISABEL (deteniendo su caballo en medio de los leñadores) Amigos, ¿qué queréis? LES FEMMES (menant à Élisabeth une femme en deuil) Nous ne demandons rien pour nous, Mais secourez dans sa misère Cette veuve dont les deux fils, Sous l’étendard du roi partis, Ah! ne sont pas revenus! ÉLISABETH (à la pauvresse) Ma mère, Je te donne ma chaîne d’or... (aux bûcherons) Et vous tous, espérez! Bientôt la triste guerre Finira. De beaux jours pour nous luiront encor! Vers le roi Henri deux, mon père, Un envoyé d’Espagne est venu... De la paix Bientôt, s’il plaît à Dieu, renaîtront les bienfaits! LES BUCHERONS ET LEURS FEMMES Noble dame, que Dieu vous donne, Dans notre cœur lisant nos vœux, Un jeune époux, une couronne, Avec l’amour d’un peuple heureux! Avec la paix, ô travailleurs, Nous reverrons des jours meilleurs! (Élisabeth sourit, salue les bûcherons et leurs femmes, reprend sa marche avec sa suite et sort à droite, au bruit des fanfares.) LES CHASSEURS (au loin) Le cerf s’enfuit sous la ramure... Par Saint Hubert! Suivons-le, tant que le jour dure, Au bois désert! LES BUCHERONS ET LEURS FEMMES Avec la paix, ô travailleurs, Nous reverrons des jours meilleurs! (Les bûcherons regardent s’éloigner la Princesse, reprennent leurs instruments de travail, se remettent en route et disparaissent au fond. À ce moment, Carlos paraît à gauche, se cachant parmi les arbres.) Scène Deuxième Carlos, seul. CARLOS Fontainebleau!... Forêt immense et solitaire! Quels jardins éclatants de fleurs et de lumière Pour l’heureux Carlos valent ce sol glacé Où son Élisabeth souriante a passé?... Quittant l’Espagne et la cour de mon père, De Philippe bravant la terrible colère, Caché parmi les gens de son ambassadeur; J’ai pu la voir enfin, ma belle fiancée, Celle qui dès longtemps régnait dans ma pensée, Celle qui désormais régnera dans mon cœur!... LAS MUJERES (conduciendo a una mujer de luto a presencia de Isabel) No pedimos nada para nosotros, pero socorred en su miseria a esta viuda cuyos dos hijos, partidos bajo el estandarte del rey, ¡ah, no han regresado! ISABEL (a la pobre mujer) Madre, te doy mi cadena de oro... (a los leñadores) ¡Y todos vosotros, esperad! Pronto esta triste guerra terminará. ¡Buenos tiempos brillarán otra vez! A ver al rey Enrique, mi padre, ha venido un enviado de España... ¡Con la paz pronto, si Dios quiere, renacerán los bienes! LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS ¡Noble dama, que Dios os de, leyendo nuestros deseos en nuestro corazón, un joven esposo, una corona, junto con el amor de un pueblo dichoso! ¡Con la paz, trabajadores, volveremos a ver tiempos mejores! (Isabel sonríe, saluda a los leñadores y sus esposas, retoma el camino con su séquito y sale por la derecha al son de las fanfarrias.) LOS CAZADORES (desde lejos) ¡El ciervo huye bajo la enramada... por san Umberto! ¡Sigámosle, en tanto dure el día, al bosque desierto! LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS ¡Con la paz, trabajadores, volveremos a ver tiempos mejores! (Los leñadores miran cómo se aleja la princesa, recogen sus útiles de trabajo, se ponen en camino y desaparecen por el fondo. En este momento Carlos aparece por la izquierda, escondiéndose entre los árboles.) Escena Segunda Carlos, solo. CARLOS ¡Fontainebleau!... ¡Bosque inmenso y solitario! ¿Qué jardines resplandecientes de flores y de luz para el dichoso Carlos valen este suelo helado por donde su Isabel sonriente ha pasado?... Abandonando España y la corte de mi padre, desafiando la terrible cólera de Felipe, escondido entre la gente de su embajador, he podido verla al fin, mi bella prometida, la que desde hace mucho reinaba en mi pensamiento, ¡la que en adelante reinará en mi corazón!... ACTE PREMIER ACTO PRIMERO

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don carlos

28 - ABAO-OLBE

La forêt de Fontainebleau. L’hiver. Le palais dans le lointain. À droite, un grand rocher forme une sorte d’abri.

Scène PremièreDes Bûcherons, leur Femmes, leurs Enfants, des Chasseurs, puis Élisabeth de Valois, paraissant à gauche, à cheval, conduite par Thibault, son Page. Valets et Piqueurs.

(Des bûcherons, leurs femmes, leurs en-fants. Les uns s’occupent à dépecer des chênes abattus. Les autres traversent le théâtre, portant des fagots, des pièces de bois et des instruments de travail; les femmes et les enfants se chauffent à un foyer allumé sous le grand rocher.)

LES BUCHERONS ET LEURS FEMMESL’hiver est long! La vie est dure!Le pain est cher!Quand donc finira ta froidure,Ô sombre hiver!Hélas! Quand finira la guerre?Hélas! Reverrons-nous jamaisEt nos fils dans notre chaumièreEt des blés mûrs dans nos guérets?Tout meurt au bois, dans la plaineL’eau des fleuves manque aux troupeauxEt l’hiver glace la fontaine,Notre fontaine aux belles eaux!

UN BUCHERONAmis, hâtons-nous à l’ouvrage!Que nos femmes, nos fils, nous donnent du courage!Avec la paix, ô travailleurs,Nous reverrons des jours meilleurs!

LES BUCHERONS ET LEURS FEMMES... des jours meilleurs!

LES BUCHERONSEntendez-vous? Les trompes sonnent!Entendez -vous? Les cors résonnent!La cour a quitté le palais!Le Roi chasse dans nos forêts!

LES CHASSEURS(au loin)Le cerf s’enfuit sous la ramure...Par Saint Hubert!Suivons-le, tant que le jour dure,Au bois désert!

LES BUCHERONSLe son du cor de nous s’approche!Il retentit de roche en roche!L’air est plein de leur bruit joyeux!Que le sort des rois est heureux!

(Élisabeth de Valois paraissant à gauche, à cheval, conduite par Thibault, son page; valets et piqueurs.)

LES BUCHERONS ET LEURS FEMMESC’est la fille du Roi! Vite, approchons-nous d’elle!Elle est aussi bonne que belle!La noble Élisabeth...

ÉLISABETH(arrêtant son cheval au milieu des bûcherons)Amis, que voulez-vous?

El bosque de Fontainebleau. Invierno. El palacio en la lejanía. A la derecha, una gran roca forma una especie de refugio.

Escena PrimeraLeñadores, sus Mujeres, sus Hijos, Cazadores, luego Isabel de Valois que aparece por la izquierda, a caballo, conducida por Tebaldo, su Paje. Sirvientes y Monteros.

(Los leñadores, sus esposas y sus hijos. Algunos están ocupados despedazando robles derribados. Otros cruzan el Escenario portando haces de leña, trozos de madera y herramientas de trabajo; las mujeres y los niños se calientan ante un fuego encendido bajo la gran roca.)

LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS¡El invierno es largo! ¡La vida es dura!¡El pan es caro!¡Cuándo terminará tu frialdad,oh sombrío invierno!¡Ay! ¿Cuándo terminará la guerra?¡Ay! ¿Volveremos a ver alguna veza nuestros hijos en nuestra chozay el trigo maduro en nuestros barbechos?¡Todo muere en el bosque, en la llanurael agua de los ríos falta a los rebañosy el invierno hiela la fuente,nuestra fuente de bellas aguas!

UN LEÑADOR¡Amigos, apresurémonos con la faena!¡Que nuestras esposas, nuestros hijos, nos den valor!¡Con la paz, trabajadores,volveremos a ver tiempos mejores!

LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS... tiempos mejores.

LOS LEÑADORES¿Oís? ¡Suenan las trompetas!¿Oís? ¡Resuenan los cuernos!¡La corte ha abandonado el palacio!¡El rey caza en nuestros bosques!

LOS CAZADORES(desde lejos)¡El ciervo huye bajo la enramada...por san Umberto!¡Sigámosle, en tanto dure el día,al bosque desierto!

LOS LEÑADORES¡El son del cuerno se acerca a nosotros!¡Resuena de roca en roca!¡El aire está lleno de su rumor alegre!¡Cuán dichosa es la suerte de los reyes!

(Isabel de Valois aparece por la izquierda a caballo, conducida por Tebaldo, su paje. Sirvientes y monteros.)

LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS¡Es la hija del rey! ¡Deprisa, acerquémonos a ella!¡Es tan buena como hermosa!La noble Isabel...

ISABEL(deteniendo su caballo en medio de los leñadores)Amigos, ¿qué queréis?

LES FEMMES(menant à Élisabeth une femmeen deuil)Nous ne demandons rien pour nous,Mais secourez dans sa misèreCette veuve dont les deux fils,Sous l’étendard du roi partis,Ah! ne sont pas revenus!

ÉLISABETH(à la pauvresse)Ma mère,Je te donne ma chaîne d’or...(aux bûcherons)Et vous tous, espérez!Bientôt la triste guerreFinira. De beaux jourspour nous luiront encor!Vers le roi Henri deux, mon père,Un envoyé d’Espagne est venu...De la paixBientôt, s’il plaît à Dieu,renaîtront les bienfaits!

LES BUCHERONS ET LEURS FEMMESNoble dame, que Dieu vous donne,Dans notre cœur lisant nos vœux,Un jeune époux, une couronne,Avec l’amour d’un peuple heureux!Avec la paix, ô travailleurs,Nous reverrons des jours meilleurs!

(Élisabeth sourit, salue les bûcherons et leurs femmes, reprend sa marche avec sa suite et sort à droite, au bruit des fanfares.)

LES CHASSEURS(au loin)Le cerf s’enfuit sous la ramure...Par Saint Hubert!Suivons-le, tant que le jour dure,Au bois désert!

LES BUCHERONS ET LEURS FEMMESAvec la paix, ô travailleurs,Nous reverrons des jours meilleurs!

(Les bûcherons regardent s’éloigner la Princesse, reprennent leurs instruments de travail, se remettent en route et disparaissent au fond. À ce moment, Carlos paraît à gauche, se cachant parmi les arbres.)

Scène DeuxièmeCarlos, seul.

CARLOSFontainebleau!...Forêt immense et solitaire!Quels jardins éclatants de fleurset de lumièrePour l’heureux Carlosvalent ce sol glacéOù son Élisabeth souriante a passé?...Quittant l’Espagneet la cour de mon père,De Philippe bravant la terrible colère,Caché parmi les gensde son ambassadeur;J’ai pu la voir enfin, ma belle fiancée,Celle qui dès longtempsrégnait dans ma pensée,Celle qui désormaisrégnera dans mon cœur!...

LAS MUJERES(conduciendo a una mujer de luto a presencia de Isabel)No pedimos nada para nosotros,pero socorred en su miseriaa esta viuda cuyos dos hijos,partidos bajo el estandarte del rey,¡ah, no han regresado!

ISABEL(a la pobre mujer)Madre,te doy mi cadena de oro...(a los leñadores)¡Y todos vosotros, esperad!Pronto esta triste guerraterminará. ¡Buenos tiemposbrillarán otra vez!A ver al rey Enrique, mi padre,ha venido un enviado de España...¡Con la pazpronto, si Dios quiere,renacerán los bienes!

LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS¡Noble dama, que Dios os de,leyendo nuestros deseos en nuestrocorazón, un joven esposo, una corona,junto con el amor de un pueblo dichoso!¡Con la paz, trabajadores,volveremos a ver tiempos mejores!

(Isabel sonríe, saluda a los leñadores y sus esposas, retoma el camino con su séquito y sale por la derecha al son de las fanfarrias.)

LOS CAZADORES(desde lejos)¡El ciervo huye bajo la enramada...por san Umberto!¡Sigámosle, en tanto dure el día,al bosque desierto!

LOS LEÑADORES Y SUS ESPOSAS¡Con la paz, trabajadores,volveremos a ver tiempos mejores!

(Los leñadores miran cómo se aleja la princesa, recogen sus útiles de trabajo, se ponen en camino y desaparecen por el fondo. En este momento Carlos aparece por la izquierda, escondiéndose entre los árboles.)

Escena SegundaCarlos, solo.

CARLOS¡Fontainebleau!...¡Bosque inmenso y solitario!¿Qué jardines resplandecientesde flores y de luzpara el dichoso Carlosvalen este suelo helado pordonde su Isabel sonriente ha pasado?...Abandonando Españay la corte de mi padre,desafiando la terrible cólera de Felipe,escondido entre la gentede su embajador,he podido verla al fin, mi bella prometida,la que desde hace muchoreinaba en mi pensamiento,¡la que en adelantereinará en mi corazón!...

ActE PREMIER Acto PRIMERo

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Je l’ai vue, et dans son sourire,Dans ses yeux pleinsd’un feu charmant,Tout ému,mon cœur a pu lireLe bonheur de vivre en l’aimant.Avenir rempli de tendresse!Bel azur dorant tous nos jours!Dieu sourit à notre jeunesse,Dieu bénit nos chastes amours!...(Il s’élance sur les traces d’Élisabeth, puis, incertain, il s’arrête et écoute. Un appel de cor se fait entendre dans le lointain.)Le bruit du cors’éteint sous l’ombre épaisse,On entend des chasseursexpirer le refrain...(Il écoute.)Tout se tait! La nuit vient...et la première étoileScintille à l’horizon lointain...Comment vers le palaisretrouver mon chemin,Dans ce bois que la brume voile?

THIBAULT(au dehors)Holà! piqueurs!...Holà! pages du Roi!...

CARLOSQuelle voix retentitdans la forêt immense?

(Thibault, paraît à droite avecÉlisabeth.)

THIBAULTHolà! bons paysanset bûcherons!... à moi!

(Le Page et Élisabeth descendent sur le théâtre.)

CARLOS(se retirant à l’écart)Ah! Quelle ombre charmanteici vers moi s’avance?...

Scène TroisièmeThibault, Élisabeth, Carlos.

THIBAULT(avec effroi)Ah! J’ai perdu le sentier effacé...(à Élisabeth)Appuyez-vous sur moi, de grâce!La nuit vient et l’air est glacé...Marchons encor...

ÉLISABETHDieu! Comme je suis lasse!

(Carlos paraît et s’incline.)

THIBAULT(effrayé, à Carlos)Ah! Qui donc êtes-vous?

CARLOS(à Élisabeth)Je suis un étranger...Un Espagnol...

La he visto, y en su sonrisaen sus ojos llenosde un fuego encantador,todo emocionado,mi corazón ha podido leerla felicidad de vivir amándola.¡Porvenir colmado de ternura!¡Bello azur dorando todos nuestros días!¡Dios sonríe a nuestra juventud,Dios bendice nuestros castos amores!...(Se lanza tras los pasos de Isabel,luego dudoso, se detiene y escucha.Un son de cuerno se hace oír en la lejanía.)El sonido del cuernose extingue bajo la sombra densa,se oye expirarla cantinela de los cazadores...(Escucha.)¡Todo se calla! La noche cae...y la primera estrellacentellea en el horizonte lejano...¿Cómo, hacia el palacio,encontrar mi camino,en este bosque que la bruma vela?

TEBALDO(desde dentro)¡Hola! ¡Monteros!...¡Hola! ¡Pajes del rey!...

CARLOS¿Qué voz resonóen el bosque inmenso?

(Tebaldo aparece por la derecha con Isabel)

TEBALDO¡Hola! ¡Buenos campesinosy leñadores!... ¡A mí!

(El Paje e Isabel descienden sobre el Escenario.)

CARLOS(retirándose aparte)¡Ah! ¿Qué sombra encantadoraaquí hacia mí se acerca?

Escena TerceraTebaldo, Isabel, Carlos.

TEBALDO(con pavor)¡Ah! He perdido el sendero, borrado...(a Isabel)¡Apoyaos en mí, por favor!La noche cae y el aire está helado...Sigamos...

ISABEL¡Dios! ¡Qué cansada estoy!

(Carlos aparece y se inclina.)

TEBALDO(asustado, a Carlos)¡Ah! ¿Quién sois?

CARLOS(a Isabel)Soy un extranjero...un español...

ÉLISABETHDe ceux dont l’escorte accompagneLe vieux comte de Lerme,ambassadeur d’Espagne?

CARLOS(avec feu)Oui, noble dame!...Et si quelque danger...!

THIBAULT(au fond du théâtre)Ô bonheur!... Sous la nuit claire,Là-bas j’ai vu Fontainebleau!(à Élisabeth)Pour ramener votre litièreJe vais courir jusqu’au château.

ÉLISABETH(avec autorité)Va, ne crains rien pour moi!Je suis la fiancéeDe l’Infant Carlos... J’ai foiDans l’honneur espagnol...Page, suis ta pensée!...(montrant Carlos)Ce seigneur peut garderla fille de ton Roi!

(Carlos salue, et, la main sur son épée, se place fièrement à la droited’Élisabeth. Thibault s’incline et sortpar le fond.)

Scène QuatrièmeÉlisabeth et Carlos.

(Un silence. Élisabeth lève les yeux sur Carlos; leurs regards se rencontrent, et Carlos, comme par un mouvement involontaire, fléchit le genou devant Élisabeth.)

ÉLISABETH(étonnée)Que faites-vous donc?

CARLOSÀ la guerre,Ayant pour tente le ciel bleu,Ramassant ainsi la fougère,On apprend à faire du feu.Voyez! De ces caillouxa jailli l’étincelle,Et la flamme brille à son tour...Au camp, lorsque la flammeest ainsi, vive et belle,Elle annonce, dit’on,la victoire... ou l’amour!

ÉLISABETHVous venez de Madrid?

CARLOSOui.

ÉLISABETHDès ce soir, peut-être,On signera la paix...

CARLOSOui, sans doute, aujourd’hui,Vous serez fiancée au fils du Roi,mon maître,À l’Infant Carlos!

ISABEL¿De esos cuyo cortejo acompañaal anciano conde de Lerma,embajador de España?

CARLOS(con ardor)¡Sí, noble dama!...¡Y si algún peligro...!

TEBALDO(en el fondo del Escenario)¡Oh felicidad!... ¡Bajo la noche clara,allí abajo he visto Fontainebleau!(a Isabel)Para traer vuestra literacorreré hasta el castillo.

ISABEL(con autoridad)¡Ve, no temas nada por mí!Soy la prometidadel infante Carlos... Tengo feen el honor español...¡Paje, sigue tu parecer!...(indicando a Carlos)¡Este señor puede protegera la hija de tu rey!

(Carlos saluda, y, con la mano en la espada, se sitúa con orgullo a la derecha de Isabel. Tebaldo se inclina y salepor el fondo.)

Escena CuartaIsabel y Carlos.

(Un silencio. Isabel levanta la mirada sobre Carlos; sus miradas se encuentran y Carlos, como en un movimiento involuntario, se arrodilla delante de Isabel.)

ISABEL(asombrada)¿Qué hacéis?

CARLOSEn la guerra,teniendo por tienda el cielo azul,recogiendo así helecho,aprendemos a hacer fuego.¡Mirad! De estas piedrasha saltado la chispay la llama brilla a su vez...En el campamento, cuando la llamaes así, viva y bella,anuncia, dicen,la victoria... ¡o el amor!

ISABEL¿Venís de Madrid?

CARLOSSí.

ISABELA partir de esta noche, quizás,se firme la paz...

CARLOS¡Sí, sin duda, hoy,estaréis prometida al hijo del rey,mi señor,al infante Carlos!

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ÉLISABETHAh! Parlez-moi de lui!De l’inconnu j’ai peur malgré moi-même:Cet hymen, c’est l’exil!L’Infant m’aimera-t-il?...Et dans son cœurvoudra-t-il que je l’aime?

CARLOSCarlos voudra vous servir à genoux;Son cœur est pur, il est digne de vous.

ÉLISABETHJe vais quitter mon père et la France:Dieu le veut, j’obéis.Dans mon nouveau paysJ’irai joyeuse et pleine d’espérance!

CARLOSL’heureux Carlos veut vivreen vous aimant:C’est à vos piedsque j’en fais le serment!

ÉLISABETHTout mon être a frémi!...Ciel! qui donc êtes-vous?

CARLOS(lui donnant un écrin)L’envoyé de celuiqui sera votre époux.

ÉLISABETHCet écrin...

CARLOSIl contient, madame, le portraitDe votre fiancé.

ÉLISABETHL’Infant!... Il se pourrait!...Je n’ose ouvrir!...Ah! J’ai peur de moi-même.(regardant le portrait et reconnaissant Carlos)Ô Dieu puissant!

CARLOS(tombant à ses pieds)Je suis Carlos... Je t’aime!

ÉLISABETH(De quels transportspoignants et douxMon âme est pleine!Ah! C’est Carlos, à mes genouxUn dieu l’amène!Ah! Je tremblais... et de bonheurEncor je tremble...Oui, c’est Carlos! À sa voix sembleS’ouvrir mon cœur...)

CARLOSAh! Je vous aime, et Dieu lui-mêmeÀ vos genoux, Dieu m’a conduit!

ÉLISABETHSi sa main nous guidadans cette étrange nuit,Ah! C’est qu’il veut aussique je vous aime!(On entend le bruit lointain du canon.)Écoutez!

ISABEL¡Ah! ¡Habladme de él!De lo desconocido tengo miedo a mipesar: ¡este matrimonio, es el exilio!¿El infante me amará?...¿Y en su corazónquerrá que yo le ame?

CARLOSCarlos querrá serviros de rodillas,su corazón es puro, es digno de vos.

ISABELVoy a abandonar a mi padre y Francia,Dios lo quiere, obedezco.¡A mi nuevo paísiré alegre y llena de esperanza!

CARLOSEl dichoso Carlos quiere viviramándoos.¡Es a vuestrospies que hago el juramento!

ISABEL¡Todo mi ser se ha estremecido!...¡Cielo! ¿Quién sois?

CARLOS(dándole un joyero)El enviado de aquélque será vuestro esposo.

ISABELEste joyero...

CARLOSContiene, señora, el retratode vuestro prometido.

ISABEL¡El infante!... ¡Si pudiera!...¡No me atrevo a abrirlo!...Ah! Tengo miedo de mí.(mirando el retrato y reconociendo a Carlos)¡Oh Dios poderoso!

CARLOS(cayendo a sus pies)Yo soy Carlos... ¡Te amo!

ISABEL(¡De qué arrebatosdesgarradores y dulcesmi alma está llena!¡Ah! ¡Es Carlos, a mis rodillasun dios le conduce!¡Ah! Temblaba... y de felicidadtodavía tiemblo...¡Sí, es Carlos! A su voz pareceabrirse mi corazón...)

CARLOS¡Ah! ¡Os amo y Dios mismo avuestras rodillas, Dios me ha conducido!

ISABEL¡Si su mano nos guióen esta extraña noche,ah, es que él también quiereque yo os ame!(Óyese el estampido lejano del cañón.)¡Escuchad!

CARLOSLe canon retentit.

ÉLISABETHJour heureux!C’est un signal de fête.

(Les terrasses illuminées de Fontainebleau brillent dans le lointain.)

CARLOS ET ÉLISABETHDieu soit loué! La paix est faite!

ÉLISABETHRegardez! Le palaisétincelle de feux!

CARLOSBois dépouillés,ravins, broussailles,À mes yeux enchantés,vous vous couvrez de fleurs!

ÉLISABETHOh! Dieu!

CARLOS ET ÉLISABETHSous les regards de Dieu,unissons nos deux cœursDans le baiser des fiançailles!

CARLOSAh! Ne tremble pas, reviens à toi,Ma belle fiancée:Ne tremble pas, lève sur moiTa paupière baisée.

ÉLISABETHAh! Je tremble encor, mais non d’effroi.Lisez dans ma pensée:Et ce bonheur nouveau pour moiTient mon âme oppressée.

ÉLISABETH, CARLOSToujours unis par le sermentQui dès longtemps nous lie:Marchons tous deux dans cette vieEn nous aimant!

Scène CinquièmeLes mêmes, Thibault, des Pages.

(Thibault entre avec des pages, portant des flambeaux; les pages s’arrêtent au fond du théâtre, et Thibault s’avance seul vers Élisabeth.)

THIBAULT(s’agenouillant et baisant la robe d’Élisabeth)À celui qui vous vient, Madame,Apporter un message heureuxAccordez la faveurque de vous il réclame,Celle de ne jamais vous quitter!

ÉLISABETH(le relevant)Je le veux!

THIBAULTSalut, ô Reine, épouse de Philippe deux!

CARLOSEl cañón retumbó.

ISABEL¡Día dichoso!Es una señal de fiesta.

(Las terrazas iluminadas de Fontainebleau brillan en la lejanía.)

CARLOS E ISABEL¡Alabado sea Dios! ¡La paz está firmada!

ISABEL¡Mirad! ¡El palacioresplandece con fuegos!

CARLOS¡Bosques despojados,barrancos, maleza,a mis ojos encantados,os cubrís de flores!

ISABEL¡Oh! ¡Dios!

CARLOS, ISABEL¡Bajo la mirada de Dios,unamos nuestros dos corazonesen el beso del compromiso!

CARLOS¡Ah! No tiembles, vuelve en ti,mi bella prometida.¡No tiembles, alza sobre mítus párpados besados!

ISABEL¡Ah! Tiemblo aún, mas no de pavor.Leed en mi mente.Y esta felicidad nueva para mímantiene mi alma angustiada.

ISABEL, CARLOSSiempre unidos por el juramentoque desde hace mucho tiempo nos ata.¡Caminemos los dos por esta vidaamándonos!

Escena QuintaLos mismos, Tebaldo, Pajes.

(Tebaldo entra con pajes que portan antorchas. Los pajes se detienen en el fondo del Escenario y Tebaldo avanza solo hacia Isabel.)

TEBALDO(arrodillándose y besando el vestidode Isabel)A aquél que viene a vos, señora,a traeros un mensaje afortunado,conceded el favorque de vos reclama,¡el de jamás abandonaros!

ISABEL(levantándolo)¡Lo quiero!

TEBALDO¡Saludos, oh Reina, esposa de Felipe II!

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ÉLISABETH(tremblante)Non, non... c’est à l’Infantque je suis destinée!

THIBAULTAu roi Philippe deux Henrivous a donnée!Vous êtes reine!

ÉLISABETHÔ ciel!

CARLOSMuet, glacé d’horreur,Devant l’abîme ouvertje frémis de terreur!

ÉLISABETH(L’heure fatale est sonnée!Non! Contre la destinéeCombattre est vaillant et beau.Oui, plutôt que d’être reineEt de porter cette chaîne,Je veux descendre au tombeau!)

CARLOS(L’heure fatale est sonnée!La cruelle destinéeBrise ce rêve si beau!Et de regrets mon âme est pleine,Nous traînerons notre chaîneJusqu’à la paix du tombeau.)

Scène SixièmeLes mêmes, le Comte de Lerme, ambassadeur d’Espagne, la Comtesse d’Aremberg, Dames d’Élisabeth, Pages, Valets, portant des flambeaux et une litière, Peuple.

LE CHŒURÔ chants de fête et d’allégresse,Frappez sans cesseLes airs joyeux,La paix heureuse est ramenéePar l’hyménée,Du haut des cieux!Salut et joie à la plus belle,Honneur à celleQui va demain,Sur un trône où Dieu l’accompagne,Au Roi d’EspagneDonner sa main!

ÉLISABETHC’en est donc fait!

CARLOSFatales destinées,

ÉLISABETHNos âmes condamnées...

CARLOS ET ÉLISABETHNe connaîtront jamaisLe bonheur ni la paix!

LE CHŒURÔ chants de fête et d’allégresse,Frappez sans cesseLes airs joyeux,La paix heureuse est ramenéePar l’hyménée,Du haut des cieux!

ISABEL(trémula)No, no... ¡Es al infantea quien estoy destinada!

TEBALDO¡Al rey Felipe II Enriqueos ha entregado!¡Sois reina!

ISABEL¡Oh cielo!

CARLOS¡Mudo, helado de horror,ante el abismo abiertome estremezco de terror!

ISABEL(¡La hora fatal ha sonado!¡No! Contra el destinocombatir es valiente y hermoso.¡Sí, antes que ser reinay de llevar esta cadena,quiero descender a la tumba!)

CARLOS(La hora fatal ha sonado!¡El cruel destinorompe este sueño tan hermoso!¡Y de pesares mi alma está llena,arrastraremos nuestra cadenahasta la paz de la tumba!)

Escena SextaLos mismos, el conde de Lerma, embajador de España, la condesa de Aremberg, Damas de Isabel, Pajes,Sirvientes que portan antorchas y una litera, el Pueblo.

CORO¡Oh cantos de júbilo y de alegría,tocad sin cesarlos aires alegres,la paz dichosa es restablecidapor el himeneo,desde lo alto de los cielos!¡Saludos y dicha a la más bella,honor a laque va mañana,sobre un trono al que Dios la acompaña,al rey de Españadar su mano!

ISABEL¡Todo terminó!

CARLOS¡Fatales destinos,

ISABELnuestras almas condenadas...

CARLOS E ISABEL¡No conocerán jamásla felicidad ni la paz!

CORO¡Oh cantos de júbilo y de alegría,tocad sin cesarlos aires alegres,la paz dichosa es restablecidapor el himeneo,desde lo alto de los cielos!

CARLOS ET ÉLISABETHL’heure fatale est sonnée,La cruelle destinéeBrise ce rêve si beau!Et de regrets l’âme pleine,Nous traînerons notre chaîneJusqu’à la paix du tombeau.

CARLOSC’en est donc fait!À d’éternels regrets nos âmes condamnées...

ÉLISABETHHélas! Nos âmes condamnéesNe connaîtront jamaisLe bonheur ni la paix!

LE COMTE DE LERME(à Élisabeth)Le très-glorieux Roi de France,votre père,Au puissant Roi d’Espagneet de l’Inde a promisLa main de sa fille bien chère.Une guerre cruelleest finie à ce prix.Mais Philippe ne veutvous devoir qu’à vous-même,Acceptez-vous la mainde ce roi qui vous aime?

LES FEMMESÔ Princesse, acceptez Philippepour époux!La paix! Nous souffrons tant,ayez pitié de nous!

LE COMTE DE LERMEVotre réponse?

ÉLISABETH(d’une voix mourante)Oui!

LE CHŒURDieu nous entende,Ô vaillant cœur!Et qu’il vous rendeNotre bonheur!

ÉLISABETH ET CARLOS(C’est l’angoisse suprême!)(Je me sens mourir! Ah!)

LE CHŒURÔ chants de fête et d’allégresse,Frappez sans cesseLes airs joyeux,La paix heureuse est ramenéePar l’hyménée,Du haut des cieux!

CARLOS ET ÉLISABETHC’en est fait! Ô douleurs! Ô regrets!Nos âmes condamnéesà d’éternels regretsNe connaîtront jamaisLe bonheur ni la paix!

CARLOS E ISABEL¡La hora fatal ha sonado!¡El cruel destinorompe este sueño tan hermoso!Y de pesares el alma llena,arrastraremos nuestra cadenahasta la paz de la tumba.

CARLOS¡Está hecho, pues!A eternos pesares nuestras almas condenadas...

ISABEL¡Ay! ¡Nuestras almas condenadasno conocerán jamásla felicidad ni la paz!

EL CONDE DE LERMA(a Isabel)El muy glorioso rey de Francia,vuestro padre,al poderoso rey de Españay de las Indias ha prometidola mano de su hija amada.Una guerra cruelha terminado a este precio.Mas Felipe no quieredeberos más que a vos misma.¿Aceptáis la manode este rey que os ama?

MUJERESOh princesa, aceptad a Felipepor esposo!¡La paz! ¡Sufrimos tanto,tened piedad de nosotros!

EL CONDE DE LERMA¿Vuestra respuesta?

ISABEL(con voz desfalleciente)¡Sí!

CORO¡Dios nos escucha,oh valiente corazón!¡Y que él os devuelvanuestra felicidad!

ISABEL Y CARLOS(¡Es la angustia suprema!¡Me siento morir! ¡Ah!)

CORO¡Oh cantos de júbilo y de alegría,tocad sin cesarlos aires alegres,la paz dichosa es restablecidapor el matrimonio,desde lo alto de los cielos!

CARLOS E ISABEL¡Está hecho! ¡Oh dolores! ¡Oh pesares!¡Nuestras almas condenadasa eternos pesaresno conocerán jamásla felicidad ni la paz!

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32 - ABAO-OLBE

LE CHŒURReine d’Espagne, gloire à vous!

(Élisabeth, conduite par le comte de Lerme, monte dans sa litière. Carlos reste désespéré, la tête dans ses mains, sur le rocher où Élisabeth était assise. Le cortège se met en marche.)

CARLOS(seul)Hélas! Hélas!

LE CHŒURGloire à vous!(en s’éloignant toujours)Ô chants de fête et d’allégresse,Frappez sans cesseLes airs joyeux,La paix heureuse est ramenéePar l’hyménée,Du haut des cieux!

CARLOS(désespéré)L’heure fatale est sonnée,La cruelle destinéeBrise mon rêve si beau!Ô destin fatal, ô destin fatal!

FIN DUPREMIER ACTE

CORO¡Reina de España, gloria a vos!

(Isabel, conducida por el conde de Ler-ma, sube a su litera. Carlos permanece desesperado, la cabeza entre las manos, sobre la roca donde Isabel estaba sentada. El cortejo se pone en marcha.)

CARLOS(solo)¡Ay! ¡Ay!

CORO¡Gloria a vos!(alejándose cada vez más)¡Oh cantos de júbilo y de alegría,tocad sin cesarlos aires alegres,la paz dichosa es restablecidapor el himeneo,desde lo alto de los cielos!

CARLOS(desesperado)¡La hora fatal ha sonado!¡El cruel destinorompe mi sueño tan hermoso!¡Oh destino fatal, oh destino fatal!

FIN DELACTO PRIMERO

Premier Tableau

Le cloître du couvent de Saint-Just. À droite, une chapelle éclairée, avec le tombeau de Charles-Quint, qu’on aperçoit à travers des grilles dorées. À gauche, porte conduisant à l’extérieur. Au fond, un jardin avec de grands cyprès. L’aube.

Scène PremièreLe Chœur des Moines, un Moine, puis Carlos.

(Le chœur de Moines psalmodie dans la chapelle. Sur la Scène, un Moine agenouillé prie devant le tombeau.)

LE CHŒUR DES MOINESCharles-Quint, l’auguste Empereur,N’est plus que cendre et que poussière.Et maintenant, son âme altièreEst tremblante aux pieds du Seigneur!

LE MOINEIl voulait régner sur le monde,Oubliant celui dont la mainAux astres montra leur chemin.Son orgueil était grand,sa démence profonde!

LE CHŒUR DES MOINESCharles-Quint, l’auguste Empereur,N’est plus que cendre et que poussière.Que les traits de votre colèreSe détournent de lui, Seigneur!Seigneur, que votre colèreSe détourne de lui.Dieu seul est grand!

LE MOINEDieu seul est grand!Ses traits de flammeFont trembler la terre et les cieux!Ah! Maître miséricordieux,Penché vers le pécheur,accordez à son âmeLa paix et le pardon,qui descendent des cieux.Dieu seul est grand!

(Le jour se lève lentement. Carlos, pâle et défait, paraît errant sous les voûtes du cloître. Il s’arrête pour écouter et se découvre. Une cloche sonne. Les Moines sortent de la chapelle, traversent le cloître et disparaissent.)

Scène DeuxièmeCarlos, et le Moine.

CARLOSAu couvent de Saint-Just,où termina sa vieMon aïeul Charles-Quint,de sa grandeur lassé,Je cherche en vain la paixet l’oubli du passé:De celle qui me fut ravieL’image erre avec moidans ce cloître glacé!...

Cuadro Primero

El claustro del monasterio de Yuste. A la derecha una capilla iluminada, con la tumba de Carlos V que se ve a través de las rejas doradas. A la izquierda, puerta que conduce al exterior. Al fondo, un jardín con grandes cipreses. El alba.

Escena PrimeraEl Coro de Monjes, un Monje, luego Carlos.

(El coro de Monjes salmodia en la capilla. En Escena, un Monje arrodillado reza delante de la tumba.)

CORO DE MONJESCarlos V, el augusto emperador,no es más que cenizas y polvo.¡Y ahora, su alma altivaestá trémula a los pies del Señor!

EL MONJEÉl quería reinar sobre el mundoolvidando a Aquél cuya manoa los astros señaló su camino.¡Su orgullo era grande,su demencia profunda!

CORO DE MONJESCarlos V, el augusto emperador,no es más que cenizas y polvo.¡Que los dardos de tu cólerase aparten de él, Señor!Señor, que tu cólerase aparte de él.¡Sólo Dios es grande!

EL MONJE¡Sólo Dios es grande!¡Sus dardos de fuegohacen temblar la tierra y los cielos!¡Ah! ¡Señor misericordioso,inclinado hacia el pecador,concede a su almala paz y el perdónque descienden de los cielos.¡Sólo Dios es grande!

(El día despunta lentamente. Carlos, pálido y descompuesto, aparece errante bajo las bóvedas del claustro. Se detiene para escuchar y se descubre. Suena una campana. Los Monjes abandonan la capi-lla, cruzan el claustro y desaparecen.)

Escena SegundaCarlos y el Monje.

CARLOSEn el monasterio de Yustedonde terminó su vidami abuelo Carlos V,de su grandeza cansado,busco en vano la pazy el olvido del pasado.¡De aquélla que me fue arrebatadala imagen yerra conmigoen este claustro helado!...

ActE DEUXIÈME Acto SEGUNDo

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LE MOINE(qui s’est levé, s’approche de Carlos)Mon fils, les douleurs de la terreNous suivent encore en ce lieu.La paix que votre cœur espèreNe se trouve qu’auprès de Dieu!

(La cloche sonne. Le Moine se remet en marche.)

CARLOS(s’arrête épouvanté)À cette voix, je frissonne!J’ai cru voir... ô terreur!L’ombre de l’Empereur!Sous le froc cachant sa couronneEt sa cuirasse d’or;Ici, dit-on, il apparaît encor!...

LE MOINE(en s’éloignant toujours)La paix ne se trouvequ’auprès de Dieu.

CARLOSCette voix!... Je frissonne...Ô terreur! Ô terreur!

Scène TroisièmeCarlos et Rodrigue.

RODRIGUE(très ému)Le voilà! C’est l’Infant!

CARLOS(prêt à se jeter dans ses bras)Ô mon Rodrigue!

RODRIGUE(l’arrêtant d’un geste et s’inclinant avec respect)Altesse!Je demande audienceau noble fils du Roi!

CARLOS(froidement)Soyez le bienvenu, marquis de Posa!

(Sur un geste de Carlos, le frère lai s’éloigne.)

CARLOS(se jetant dans les bras de Rodrigue)Toi!Mon Rodrigue! C’est toi qu’entre mes bras je presse!

RODRIGUEAh, cher Prince! mon Carlos!

CARLOSVers moi, dans ma douleur,Dieu te conduit, ange consolateur!

RODRIGUE (1)L’heure a sonné!La voix des Flamands vous appelle!Secourez-les, Carlos!...Soyez leur dieu sauveur!...Mais qu’ai-je vu? Quelle pâleur mortelle!Un éclair douloureuxdans vos yeux étincelle!Vous vous taisez...

EL MONJE(que se ha levantado, se acerca a Carlos)Hijo mío, los dolores de la tierranos siguen incluso a este lugar.¡La paz que tu corazón esperano se encuentra más que junto a Dios!

(Suena la campana. El Monje reemprende su camino.)

CARLOS(se detiene asustado)¡Ante esa voz me estremezco!He creído ver... ¡oh terror!¡La sombra del emperador!Bajo el hábito ocultando su coronay su coraza de oro.¡Aquí, dicen, se aparece todavía!...

EL MONJE(alejándose cada vez más)La paz no se encuentramás que junto a Dios.

CARLOS¡Esa voz!... Me estremezco...¡Oh terror! ¡Oh terror!

Escena TerceraCarlos y Rodrigo.

RODRIGO(muy emocionado)¡Aquí está! ¡Es el infante!

CARLOS(dispuesto a arrojarse en sus brazos)¡Oh mi Rodrigo!

RODRIGO(deteniéndole con un gesto e inclinándose con respeto)¡Alteza!¡Solicito audienciaal noble hijo del rey!

CARLOS(fríamente)¡Sed bienvenido, marqués de Posa!

(A un gesto de Carlos, el hermano lego se aleja.)

CARLOS(arrojándose en los brazos de Rodrigo)¡Tú!¡Mi Rodrigo! ¡Eres tú a quien entre mis brazos estrecho!

RODRIGO¡Ah, querido príncipe! ¡Mi Carlos!

CARLOS¡Hacia mí, en mi dolor,Dios te conduce, ángel consolador!

RODRIGO¡La hora ha sonado!¡La voz de los flamencos os llama!¡Socorredlos, Carlos!...¡Sed su dios salvador!...Pero ¿qué he visto? ¡Qué palidez mortal!¡Un rayo dolorosoen vuestros ojos brilla!Os calláis...

vous soupirez... des pleurs!...(avec un emportement de tendresse)Mon Carlos, donne-moima part de tes douleurs!

CARLOSMon compagnon, mon ami, mon frère,Laisse-moi pleurer dans tes bras!Dans le vaste Empire de mon pèreJe n’ai que ce cœur,ne m’en bannis pas!

RODRIGUEAu nom d’une amitié chèreDes jours passés,des jours heureux,Ouvre-moi ton cœur,ô mon cher prince!

CARLOSTu le veux?Eh bien donc, connais ma misère:Frémis du trait fataldont mon cœur est blessé!J’aime d’un amour insenséÉlisabeth...

RODRIGUE(horrifié)Ta mère!Dieu puissant!

CARLOSTu pâlis! ton regard, malgré toi,Fuit le mien...(avec désespoir)Malheureux! Mon Rodrigue, lui-même,Rodrigue avec horreurse détourne de moi!

RODRIGUENon, Carlos, ton Rodrigue t’aime!Par ma foi de chrétien,Tu souffres... À mes yeuxl’univers n’est plus rien!

CARLOSMon compagnon, mon ami, mon frère,Laisse-moi pleurer dans tes bras!Dans le vaste Empire de mon pèreJe n’ai que ce cœur,ne m’en bannis pas!

RODRIGUEMon compagnon, mon ami, mon frère,Comme aux jours passés,je t’ouvre mes bras!Pour le sceptre d’or que porte ton pèreMon cœur, ô Carlos, ne changerait pas!Ton secret par le Rois’est-il laissé surprendre?

CARLOSNon!

RODRIGUEObtiens donc de luide partir pour la Flandre.Par un effort digne de toiBrise ton cœur... et viens apprendre,Parmi des malheureux,ton dur métier de Roi!

suspiráis... ¡lágrimas!...(con un arrebato de ternura)¡Carlos mío, damemi parte de tus dolores!

CARLOS¡Mi compañero, mi amigo, mi hermano,déjame llorar en tus brazos!¡En el vasto imperio de mi padre,no tengo más que este corazón,no me rechaces!

RODRIGOEn nombre de una amistad queridade los tiempos pasados,de los tiempos felices,¡ábreme tu corazón,oh mi querido príncipe!

CARLOS¿Lo quieres?Pues bien, conoce mi miseria:¡Tiembla por el dardo fatalcon el que mi corazón está herido!Amo con un amor insensatoa Isabel...

RODRIGO(horrorizado)¡Tu madre!¡Dios poderoso!

CARLOS¡Palideces! Tu mirada, a tu pesar,evita la mía...(con desesperación)¡Desdichado! ¡Mi Rodrigo, él mismo,Rodrigo con horrorse aparta de mí!

RODRIGO¡No, Carlos, tu Rodrigo te ama!Por mi fe de cristiano,sufres... ¡A mis ojosel universo ya no es nada!

CARLOS¡Mi compañero, mi amigo, mi hermano,déjame llorar en tus brazos!¡En el vasto imperio de mi padre,no tengo más que este corazón,no me rechaces!

RODRIGOMi compañero, mi amigo, mi hermano,como en los tiempos pasados,te abro mis brazos!¡Por el cetro de oro que porta tu padre,mi corazón, oh Carlos, no cambiaría!¿Tu secreto por el reyse ha dejado sorprender?

CARLOS¡No!

RODRIGOConsigue entonces de élpartir a Flandes.¡Mediante un esfuerzo digno de tirompe tu corazón... y ven a aprender,entre los desdichados,tu duro oficio de rey!

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CARLOSJe te suivrai, mon frère!...

(Une cloche sonne, des Moines traversent le théâtre.)

RODRIGUEÉcoute!...Les portes du couventvont s’ouvrir! C’est sans doutePhilippe avec la Reine!

CARLOS(tremblant)Élisabeth!...

RODRIGUECarlos,Près de moi, fortifie une âmequi chancelle!Ta destinée encor peut êtreutile et belle...Demande à Dieu la force d’un héros!

CARLOS ET RODRIGUEDieu, tu semas dans nos âmesUn rayon des mêmes flammes,Le même amour exalté,L’amour de la liberté!Dieu, qui de nos cœurs sincèresAs fait les cœursde deux frères,Accepte notre serment!Nous mourrons en nous aimant!

(Philippe, conduisant Élisabeth, paraît, précédé par les Moines. Rodrigue s’est écarté de Carlos qui s’incline sous le regard soupçonneux de Philippe et cherche à maîtriser son émotion. Élisabeth tressaille en voyant Carlos. Le Roi et la Reine s’avancent ensemble, à droite, vers la chapelle où se trouve le tombeau.)

RODRIGUELes voilà!

CARLOSJe frémis! Je me meurs à sa vue!

RODRIGUECourage!

LE CHŒUR DES MOINES(dans la chapelle)Charles-Quint, l’auguste Empereur,N’est plus que cendre et que poussière.Et maintenant, son âme altièreEst tremblante aux pieds du Seigneur!

CARLOSElle est à lui, grand Dieu! Je l’ai perdu!

RODRIGUEViens, près de moi ton cœursera plus fort!

CARLOS ET RODRIGUE(avec enthousiasme)Soyons unis pour la vie et la mort!Dieu accepte notre sermentDe mourir en nous aimant!Soyons unis pour la vie et la mort!

(Ils sortent.)

CARLOS¡Te seguiré, hermano mío!...

(Suena una campana, unos Monjes cruzan el Escenario.)

RODRIGO¡Escucha!...¡Las puertas del monasteriovan a abrirse! ¡Es sin dudaFelipe con la reina!

CARLOS(temblando)¡Isabel!...

RODRIGO¡Carlos,junto a mí, fortifica un almaque vacila!Tu destino aún puede serútil y bello...¡Pide a Dios la fuerza de un héroe!

CARLOS Y RODRIGO¡Dios, tú sembraste en nuestras almasun rayo de las mismas llamas,el mismo amor exaltado,el amor de la libertad!¡Dios, que de nuestros corazones sinceros has hecho los corazonesde dos hermanos,acepta nuestro juramento!¡Moriremos amándonos!

(Felipe, acompañando a Isabel, aparece precedido por los Monjes. Rodrigo se ha apartado de Carlos, que se inclina bajo la mirada sospechosa de Felipe y trata de dominar su emoción. Isabel se sobresalta al ver a Carlos. El rey y la reina caminan juntos, hacia la derecha, hacia la capilla donde se encuentra la tumba.)

RODRIGO¡Aquí están!

CARLOS¡Me estremezco! ¡Muero ante su vista!

RODRIGO¡Valor!

CORO DE MONJES(en la capilla)Carlos V, el augusto emperador,no es más que ceniza y polvo.¡Y ahora, su alma altivaestá trémula a los pies del Señor!

CARLOS¡Ella es de él, gran Dios! ¡La he perdido!

RODRIGO¡Ven, junto a mí tu corazónserá más fuerte!

CARLOS Y RODRIGO(con entusiasmo)¡Estemos unidos en la vida y la muerte!¡Dios acepta nuestro juramentode morir amándonos!¡Estemos unidos en la vida y la muerte!

(Salen.)

Deuxième Tableau

Un site riant aux portes du couvent de Saint-Just. Une fontaine, des bancs de gazon, massifs d’orangers, de pins et de lentisques. À l’horizon, les montagnes bleues de l’Estremadure. Au fond, la porte du couvent avec un perron de quelques degrés.

Scène PremièreLa Princesse d’Eboli, Thibault, la Comtesse d’Aremberg, Dames de la reine, Pages.

(Les Dames sont assises sur le gazon et autour de la fontaine. Un page accorde sa mandoline.)

LES DAMESSous ces bois au feuillage immense,D’un rempart d’ombre et de silenceEntourant la maison de Dieu,Sous ces pins, dont l’abri nous tente,On peut fuir la chaleur ardenteEt l’éclat de ce ciel en feu!

THIBAULT(entrant avec Eboli)Les fleurs ici couvrent la terre,Les pins ouvrent leurs parasols,Et sous l’ombrage pour vous plaire,Vont s’éveiller les rossignols.

THIBAULT, LES DAMES(prenant place sous les arbres près de la fontaine)Qu’il fait bon, assissous ces arbres,Écouter bruir sur les marbresLa chanson de la source en pleurs!Qu’il fait bon, à l’heure brûlante,Charmer du jour la marche lenteParmi l’ombre et parmi les fleurs!

EBOLIPuisque dans ce couventla Reine des EspagnesPeut seule entrer;voulez-vous, mes compagnes,Chercher en attendantque le ciel ait pâli,Quelque jeu qui nous divertisse?

THIBAULT, LES DAMESNous suivrons toute votre caprice,Charmante Princesse Eboli!

EBOLI(à Thibault)Apportez une mandoline,Et chantons tour à tour.Chantons la chanson sarrasine,Celle du voile indulgent à l’amour!Chantons!

THIBAULT, LES DAMESChantons!

Cuadro Segundo

Un lugar ameno a las puertas del monasterio de Yuste. Una fuente, asientos de césped; macizos de naranjos, de pinos y de lentiscos. En el horizonte, las montañas azuladas de Extremadura. Al fondo, la puerta del monasterio con una escalinata.

Escena PrimeraLa Princesa de Éboli, Tebaldo, la Condesa de Aremberg, Damas de la reina, Pajes.

(Las damas están sentadas en la hierba y en torno a la fuente. Un paje templa su mandolina.)

LAS DAMAS¡Bajo estos bosques de follaje inmenso,con una muralla de sombra y de silenciorodeando la casa de Dios,bajo estos pinos, cuyo abrigo nos tienta,se puede huir del calor ardientey del resplandor de este cielo en llamas!

TEBALDO(entrando con Éboli)Las flores aquí cubren la tierra,los pinos abren sus parasoles,y bajo la sombra, para agradaros,van a despertarse los ruiseñores.

TEBALDO, LAS DAMAS(haciéndose sitio bajo los árboles junto a la fuente)¡Qué agradable es, sentadobajo estos árboles,escuchar murmurar sobre las piedrasla canción de la fuente en lágrimas!¡Qué agradable es, en la hora ardiente,disfrutar del paso lento del díaentre la sombra y entre las flores!

ÉBOLIYa que en ese monasteriosólo la reina de las Españaspuede entrar,¿queréis, compañeras mías,buscar, esperandoa que el cielo haya palidecido,algún juego que nos divierta?

TEBALDO, LAS DAMAS¡Secundaremos todo vuestro capricho,encantadora princesa Éboli!

ÉBOLI(a Tebaldo)Trae una mandolina,y cantemos alternando.¡Cantemos la canción sarracena,aquélla del velo indulgente con el amor!¡Cantemos!

TEBALDO, LAS DAMAS¡Cantemos!

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EBOLI(le page l’accompagneavec la mandoline)Au palais des fées,Des rois grenadins,Devant les nymphéesDe ces beaux jardins,Couverte d’un voileUne femme, un soir,À la belle étoileSeule vint s’asseoir.Achmet, le roi maure,En passant la vit,Et voilée encore,Elle le ravit.«Viens, ma souveraine,Régner à ma cour.»Lui dit-il: «la ReineN’a plus mon amour».

CHŒURÔ jeunes filles, tissez des voilesQuand le ciel brilledes feux du jour!Aux lueurs des étoiles,Les voilesSont chers à l’amour!

EBOLI«J’entrevois à peine,Dans l’obscur jardin,Tes cheveux d’ébène,Ton pied enfantin.Ô fille charmante!Un roi t’aimera:Sois la fleur vivanteDe mon Alhambra.Mais quitte ce voile,Bel astre charmant,Fais comme l’étoileDu bleu firmament!»«J’obéis sans peine:Tiens, regarde-moi.»«Allah! C’est la Reine!»S’écria le roi!

CHŒURÔ jeunes filles, tissez des voilesQuand le ciel brilledes feux du jour.Aux lueurs des étoiles,Les voilesSont chers à l’amour!

Scène DeuxièmeLes mêmes, Élisabeth,sortant du couvent.

LES DAMESLa Reine!

EBOLI(Une triste penséeTient toujours son âme oppressée.)

ÉLISABETH(s’asseyant près de la fontaine)Vous chantiez, libres de souci.(Hélas! Aux jours passés,j’étais joyeuse aussi!)

ÉBOLI(el paje la acompañacon la mandolina)En el palacio de las hadas,de los reyes granadinos,delante de los ninfeosde estos bellos jardines,cubierta con un velo,una mujer, una noche,a la bella estrellasola vino a sentarse.Achmed, el rey moro,al pasar la vio,y aun velada,ella le cautivó.«Ven, mi soberana,a reinar en mi corte.»Le dijo: «la reinano tiene ya mi amor».

CORO¡Oh muchachas, tejed veloscuando el cielo brillacon los fuegos del día!¡A la luz de las estrellas,los velosson queridos para el amor!

ÉBOLI«Entreveo apenas,en el oscuro jardín,tus cabellos de ébano,tu pie infantil.¡Oh muchacha encantadora!Un rey te amará;sé la flor vivientede mi Alhambra.«Mas aparta ese velo,bello astro encantador,haz como la estrelladel azul firmamento!»«Obedezco sin pesar:Bueno, mírame».«¡Alá! ¡Es la reina!»,exclamó el rey.

CORO¡Oh muchachas, tejed veloscuando el cielo brillacon los fuegos del día.¡A la luz de las estrellas,los velosson queridos para el amor!

Escena SegundaDichos, Isabel,saliendo del monasterio.

LAS DAMAS¡La reina!

ÉBOLI(Un triste pensamientoguarda siempre su alma oprimida.)

ISABEL(sentándose junto a la fuente)Cantabais, libres de preocupación.(¡Ay! ¡En tiempos pasados,yo también era feliz!)

Scène TroisièmeLes mêmes, Rodrigue.

(Rodrigue paraît au fond, Thibault s’avance vers lui et lui parle bas un moment, puis il revient vers la Reine.)

THIBAULT(présentant Rodrigue)Le Marquis de Posa, Grand d’Espagne!

RODRIGUE(s’inclinant devant la Reine)Madame,Pour Votre Majesté,par sa mère, à Paris,Ce pli fut en mes mains remis.(Il donne une lettre à la Reine, puis il ajoute très bas en glissant un billet avec la lettre royal:)Lisez: au nom du salutde votre âme!(montrant la lettre aux Dames)Voilà le sceau royal,la couronne et les lis!

(Élisabeth reste immobile, interdite, pendant que Rodrigue rapproche d’Eboli.)

EBOLI(à Rodrigue)Que fait-on à la cour de France,Ce beau pays de l’élégance?

RODRIGUE(à Eboli)On s’occupe fort d’un tournoi,Où, dit-on, paraîtra le Roi.

ÉLISABETH(le billet à la main)(Ah! Je n’ose ouvrir! Il me sembleQue je forfais à l’honneur!Quoi! Je tremble!Mais mon âme est sans tache,et Dieu lit dans mon cœur!)

EBOLI(à Rodrigue)Des Françaises rien ne surpasse,Nous dit-on, l’esprit et la grâce?

RODRIGUE(à Eboli)Vous seule avez, sous d’autres cieux,Leur charme exquis et gracieux!...

EBOLI(à Rodrigue)Est-il vrai, qu’aux fêtes du LouvreLes déesses, chœur éclatant,Semblent quitter le ciel qui s’ouvre?...

RODRIGUE(à Eboli)La plus belle y manque pourtant...

ÉLISABETH(lisant)(«Par le souvenir qui nous lie,Au nom de votre repos,De ma vie,Comme à moi, fiez-vous à cet homme – Carlos.»)

Escena TerceraDichos, Rodrigo.

(Rodrigo aparece en el fondo. Tebaldo se acerca a él, le habla un momento en voz baja, luego vuelve con la reina.)

TEBALDO(presentando a Rodrigo)¡El marqués de Posa, Grande de España!

RODRIGO(inclinándose ante la reina)Señora,para vuestra majestad,por vuestra madre, en París,esta carta en mis manos fue puesta.(Entrega una carta a la reina, luego añade en voz baja deslizando un billete junto con la carta real:)¡Leed, en nombre de la salvaciónde vuestra alma!(mostrando la carta a las damas)¡He aquí el sello real,la corona y las flores de lis!

(Isabel permanece inmóvil, desconcertada, mientras Rodrigo se acerca a Éboli.)

ÉBOLI(a Rodrigo)¿Qué acaece en la corte de Francia,ese hermoso país de la elegancia?

RODRIGO(a Éboli)Se ocupan mucho de un torneo,en el que, dicen, aparecerá el rey.

ISABEL(con el billete en la mano)(¡Ah! ¡No me atrevo a abrirlo! ¡Me pareceque falto al honor!¿Cómo? ¡Tiemblo!¡Pero mi alma está sin máculay Dios lee en mi corazón!)

ÉBOLI(a Rodrigo)¿A los franceses nada superanos dicen, en ingenio y gracia?

RODRIGO(a Éboli)¡Sólo vos tenéis, bajo otros cielos,su encanto exquisito y gracioso!...

ÉBOLI(a Rodrigo)¿Es verdad que en las fiestas del Louvrelas diosas, coro resplandeciente,parecen salir del cielo que se abre?...

RODRIGO(a Éboli)La más bella allí falta, sin embargo...

ISABEL(leyendo)(«Por el recuerdo que nos une,en nombre de vuestro sosiego,de mi vida,como en mí, confiad en este hombre. Carlos.»)

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EBOLI(à Rodrigue)Pour le bal, on porte, je pense,La soie et l’or de préférence...

RODRIGUE(à Eboli)Tout sied bien quand on est doté,Princesse, de votre beauté!

ÉLISABETH(à Rodrigue)Bien!... Merci!... Demandez une grâceà la Reine.

RODRIGUE(vivement)J’accepte... et non pour moi!

ÉLISABETH(Je me soutiens à peine!)

EBOLI(à Rodrigue)Qui plus digne que vouspeut voir ses vœux comblésPar la Reine?

ÉLISABETH(Ah! Je tremble!)

EBOLIExpliquez-vous!

ÉLISABETHParlez!

RODRIGUEL’Infant Carlos, notre espérance,Vit dans le deuil et dans les pleurs,Et nul ne sait quelle souffranceDe son printemps flétrit les fleurs!Ô vous, sa mère, à ce cœur tendreRendez la force et le repos...Daignez le voir, daignez l’entendre!Sauvez l’Infant!... Sauvez Carlos!...

EBOLI(Un jour, j’étais aux côtés de sa mère,J’ai vu l’Infantsous mes regards trembler,Pâlir!... M’aimerait-il?)

ÉLISABETH(Ô destinée amère!Le revoir!... je frémis!)

EBOLI(Que n’ose-t-il parler?)

RODRIGUEAh! L’Infant Carlos, du Roi son père,Trouva toujours le cœur fermé:Et cependant, qui sur la terreSerait plus digne d’être aimé?...Un mot d’amour à ce cœur tendreRendrait la force et le repos...Daignez le voir, daignez l’entendre,Sauvez l’Infant!... Sauvez Carlos!...

ÉLISABETH(avec dignité et résolution, à Thibault, qui s’est approché)Va! Je suis prêteà recevoir mon fils!...

ÉBOLI(a Rodrigo)Para el baile, se lleva, creo,la seda y el oro preferentemente...

RODRIGO(a Éboli)¡Todo sienta bien cuando se está dotada,princesa, de vuestra belleza!

ISABEL(a Rodrigo)¡Bien!... ¡Gracias!... Solicitad una graciaa la reina.

RODRIGO(vivamente)Acepto... ¡pero no para mí!

ISABEL(¡Me sostengo apenas!)

ÉBOLI(a Rodrigo)¿Quién más digno que vospuede ver sus deseos cumplidospor la reina?

ISABEL(¡Ah! ¡Tiemblo!)

ÉBOLI¡Explicaos!

ISABEL¡Hablad!

RODRIGO¡El infante Carlos, nuestra esperanza,vive en el dolor y entre las lágrimas,y nadie sabe qué sufrimientomarchita las flores de su primavera!Oh vos, su madre, a ese corazón tiernodevolved la fuerza y el sosiego...¡Dignaos verle, dignaos escucharle!¡Salvad al Infante!... ¡Salvad a Carlos!...

ÉBOLI(Un día, estaba yo junto a su madre,vi al Infanteestremecerse bajo mis miradas,¡palidecer!... ¿Me amaría?)

ISABEL(¡Oh destino amargo!¡Volver a verle!... ¡Me estremezco!)

ÉBOLI(¿Por qué no se atreve a hablar?)

RODRIGO¡Ah! El Infante Carlos, del rey su padre,halló siempre el corazón cerrado.Y sin embargo, ¿quién, en la tierra,sería más digno de ser amado?...Una palabra de amor para este corazóntierno devolvería la fuerza y el sosiego...¡Dignaos verle, dignaos escucharle,salvad al Infante!... ¡Salvad a Carlos!...

ISABEL(con dignidad y resolución, a Tebaldo, que se ha acercado)¡Ve! ¡Estoy preparadapara recibir a mi hijo!...

EBOLI(inquiète)(Ah! S’il m’aimait!... Et s’il osait m’ouvrirson cœur épris!...)

(Rodrigue prend la main d’Eboli, ils s’éloignent en parlant bas. Les Dames de la Reine et les pages sortent.)

Scène QuatrièmeLes mêmes, Carlos.

(Carlos paraît, s’approche lentement d’Élisabeth et s’incline sans lever les yeux. Élisabeth, maîtrisant à peine son émotion, ordonne à Carlos d’approcher. La comtesse d’Aremberg, restée la dernière, s’éloigne aussi sur un geste d’Élisabeth.)

CARLOS(avec calme, puis en s’exaltant graduellement)Je viens solliciter de la Reine une grâce.Celle qui dans le cœur du RoiOccupe la première placeSeule peut obtenir cette grâce pour moi!L’air d’Espagne me tue...il me pèse, il m’opprimeComme le lourd penser d’un crime.Obtenez... il le faut,que je parte aujourd’huiPour la Flandre!

ÉLISABETH(émue)Mon fils!

CARLOS(avec véhémence)Pas ce nom-là!... CeluiD’autrefois!(Élisabeth veut s’éloigner, Carlos suppliant l’arrête.)Hélas, je m’égare!Pitié! Je souffre tant!Pitié! Le ciel avareNe m’a donné qu’un jour,et si vite il a fui!

ÉLISABETH(avec une émotion très contenue)Prince, si le Roi veut se rendreÀ ma prière... pour la FlandrePar lui remise en votre main,Vous pourrez partir dès demain!

(Élisabeth fait un geste d’adieu à Carlos et veut s’éloigner.)

CARLOSQuoi! Pas un mot, une plainte,Une larme pour l’exilé!Ah! Que du moins la pitié sainteDans votre regard m’ait parlé!Hélas! Mon âme se déchire...Je me sens mourir... Insensé!J’ai supplié dans mon délireUn marbre insensible et glacé!

ÉBOLI(inquieta)(¡Ah! ¡Si me amara!... ¡Y si se atrevieraa abrirme su corazón enamorado!...)

(Rodrigo toma la mano de Éboli, se alejan hablando en voz baja. Las Damas de la reina y los pajes salen.)

Escena CuartaDichos, Carlos.

(Carlos aparece, se acerca lentamente aIsabel y se inclina sin alzar la mirada. Isabel, conteniendo apenas su emoción, ordena a Carlos que se acerque. La condesa de Aremberg, que se quedó la última, se aleja también a un gesto de Isabel.)

CARLOS (con calma, luego exaltándose gradualmente)Vengo a solicitar de la reina una gracia.¡Sólo aquélla que en el corazón del reyocupa el primer lugarpuede obtener esta gracia para mí!El aire de España me mata...me pesa, me oprime,como la pesada idea de un crimen.Obtened... es preciso,¡que yo parta hoyhacia Flandes!

ISABEL(conmovida)¡Hijo mío!

CARLOS(con vehemencia)¡Ese nombre no!... ¡El deotro tiempo!(Isabel quiere alejarse; Carlos, suplicante, la detiene.)¡Ay, me trastorno!¡Piedad! ¡Sufro tanto!¡Piedad! ¡El cielo avarono me ha dado más que un día,y tan deprisa ha huido!

ISABEL(con una emoción muy contenida)Príncipe, si el rey quiere rendirsea mi súplica... para Flandespor él entregada en vuestra mano,¡podréis partir desde mañana!

(Isabel hace un gesto de despedida a Carlos y va a alejarse.)

CARLOS¡Cómo! ¡Ni una palabra, un lamento,una lágrima para el exiliado!¡Ah! ¡Que al menos la piedad santaen vuestra mirada me haya hablado!¡Ay de mí! Mi alma se desgarra...Me siento morir... ¡Insensato!¡He suplicado en mi delirioa una piedra insensible y helada!

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ÉLISABETH(très émue)Carlos, n’accusez pasmon cœur d’indifférence.Comprenez mieux sa fierté...son silence.Le devoir, saint flambeau,devant mes yeux a lui,Et je marche, guidée par lui,Mettant au Ciel mon espérance!

CARLOS(d’une voix mourante)Ô bien perdu... Trésor sans prix!Ma part de bonheur dans la vie!Parlez, parlez: enivrée et ravie,Mon âme, à votre voix,rêve du paradis!

ÉLISABETHÔ Dieu clément,ce cœur sans prix,Qu’il soit consolé, qu’il oublie!...Adieu, Carlos, dans cette vie,Ah! vivre auprès de vousc’était le paradis!

CARLOS(avec exaltation)Ô prodige! Mon cœur déchirése console!Ma douleur poignante s’envole!Le Ciel a pitié de mes pleurs...À vos pieds, éperdu de tendresse,je meurs!

(Il tombe évanoui sur le gazon.)

ÉLISABETH(se penchant sur Carlos)Dieu puissant! la vie s’est éteinteDans son regard de pleurs voilé!Rendez le calme, ô bonté sainte!À ce noble cœur désolé!Hélas! Sa douleur me déchire,Entre mes bras, pâle et glacé,D’amour, de douleur, il expire,Celui qui fut mon fiancé!

CARLOS(dans le délire)Par quelle douce voix,mon âme est ranimée?Élisabeth... c’est toi, ma bien-aimée,Assise à mes côtés,comme aux jours d’autrefois?Ah! Le printemps vermeila reverdi les bois!...

ÉLISABETHÔ délire! Ô terreur!Il expire! Ô bonté sainte!

CARLOS(revenant à lui)À ma tombe fermée,Au sommeil éternelPourquoi m’arracher, Dieu cruel!

ÉLISABETHCarlos!

ISABEL(muy conmovida)Carlos, no acuséisa mi corazón de indiferencia.Comprended mejor su orgullo...su silencio.¡El deber, santa antorcha,ante mis ojos ha brillado,y camino, guiada por él,poniendo en el Cielo mi esperanza!

CARLOS(con voz moribunda)Oh bien perdido... ¡Tesoro sin precio!¡Mi parte de felicidad en la vida!¡Hablad, hablad, embriagada y cautivada,mi alma, a vuestra voz,sueño del paraíso!

ISABEL¡Oh Dios clemente,este corazón sin precio,que sea consolado, que olvide!...¡Adiós, Carlos, en esta vida,ah, vivir a vuestro ladoera el paraíso!

CARLOS(con exaltación)¡Oh prodigio! Mi corazón destrozadose consuela!¡Mi dolor desgarrador desaparece!El Cielo tiene piedad de mis lágrimas...A vuestros pies, loco de ternura,muero!

(Cae desvanecido sobre la hierba.)

ISABEL(inclinándose sobre Carlos)¡Dios poderoso, la vida se ha apagadoen su mirada de lágrimas velada!¡Devolved la calma, oh bondad santa,a este noble corazón desolado!¡Ay! ¡Su dolor me desgarra,entre mis brazos, pálido y helado,de amor, de dolor, expiraaquél que fue mi prometido!

CARLOS(delirando)¿Por qué dulce vozmi alma es reanimada?Isabel... ¿eres tú, amada mía,sentada a mi lado,como en otros tiempos?¡Ah! ¡La primavera escarlataha reverdecido los bosques!...

ISABEL¡Oh delirio! ¡Oh terror!¡Expira! ¡Oh bondad santa!

CARLOS(volviendo en sí)¡En mi tumba encerrado,del sueño eternopor qué arrancarme, Dios cruel!

ISABEL¡Carlos!

CARLOSQue sous mes pieds se déchire la terre!Que sur mon front éclate le tonnerre,Je t’aime, Élisabeth! Le monde est oublié!

(Il la prend dans ses bras.)

ÉLISABETH(se dégageant avec effroi)Eh bien! donc,frappez votre père!Venez, de son meurtre souillé,Traîner à l’autel votre mère!

CARLOS(s’arrêtant et fuyant épouvanté)Ah! Fils maudit!

ÉLISABETH(tombant à genoux)Sur nous le Seigneur a veillé!Seigneur! Seigneur!

Scène CinquièmeÉlisabeth, Philippe, Thibault, la comtesse d’Aremberg, Rodrigue, le Chœur, les Pages entrant successivement.

THIBAULT(sortant à la hâtedu couvent)Le Roi!

PHILIPPE(à Élisabeth)Pourquoi seule, Madame?La Reine n’a pas mêmeauprès d’elle une femme?Ignorez-vous la règle de ma cour?Quelle était aujourd’huivotre dame d’atour?(La comtesse d’Aremberg, sort en tremblant de la foule et se présente au Roi.)Comtesse, dès demainvous partez pour la France!

(La comtesse d’Aremberg pleure.Tout le monde regarde la Reineavec étonnement.)

LE CHŒURAh! Pour la Reine quelle offense!

ÉLISABETH(à la comtesse d’Aremberg)Ô ma chère compagne,Ne pleure pas, ma sœur...On te chasse d’Espagne,Mais non pas de mon cœur.Près de toi mon enfancePassa ses jours joyeux!Tu vas revoir la France...Ah! porte-lui mes adieux!(donnant une bague à la Comtesse)Reçois ce dernier gageDe toute ma faveur...Cache bien quel outrageMe couvre de rougeur...Ne dis pas ma souffrance,Les larmes de mes yeux...Tu vas revoir la France,Ah! porte-lui mes adieux!...

CARLOS¡Que bajo mis pies se desgarre la tierra!Que sobre mi frente estalle el trueno,¡te amo, Isabel! ¡El mundo está olvidado!

(La toma entre sus brazos.)

ISABEL(apartándose con horror)¡De acuerdo, entonces,golpead a vuestro padre!¡Venid, con su asesinato mancillado,a arrastrar al altar a vuestra madre!

CARLOS(deteniéndose y huyendo aterrorizado)¡Ah! ¡Hijo maldito!

ISABEL(cayendo de rodillas)¡Por nosotros el Señor ha velado!¡Señor! ¡Señor!

Escena QuintaIsabel, Felipe, Tebaldo, la condesa de Aremberg, Rodrigo, el Coro, Pajes, que entran sucesivamente.

TEBALDO(saliendo apresuradamente del monasterio)¡El rey!

FELIPE(a Isabel)¿Por qué sola, señora?¿La reina no tiene a su ladoni siquiera a una mujer?¿Ignoráis la regla de mi corte?¿Quién era hoyvuestra dama de compañía?(La condesa de Aremberg sale temblorosa de entre la multitud y se presenta al rey.)¡Condesa, mañanapartís para Francia!

(La condesa de Aremberg llora.Todos miran a la reinaasombrados.)

CORO¡Ah! ¡Para la reina, qué ofensa!

ISABEL(a la condesa de Aremberg)Oh mi querida compañera,no llores, hermana mía...Te expulsan de España,pero no de mi corazón.¡Contigo mi infanciapasó sus días felices!Vas a volver a ver Francia...¡ah, llévale mi despedida!(entregando una sortija a la Condesa)Recibe esta última prendade todo mi favor...Oculta ese ultrajeque me cubre de rubor...No hables de mi sufrimiento,las lágrimas de mis ojos...Vas a volver a ver Francia,¡ah, llévale mi despedida!...

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LE CHŒUR, RODRIGUEAh! C’est son innocenceQui brille dans ses yeux.

PHILIPPE(Avec quelle assuranceElle atteste les cieux!)

(La Reine se sépare en pleurant de la Comtesse, et elle sort. Le chœur la suit.)

Scène SixièmePhilippe, Rodrigue, puis le Comte de Lerme et quelques Seigneurs.

PHILIPPE(à Rodrigue qui va sortir)Restez!(Rodrigue s’arrête, incline un genou à terre devant le Roi, puis s’approche de lui et se couvre sans aucun signe d’embarras.)Auprès de ma personnePourquoi n’avoir jamaisdemandé d’être admis?J’aime à récompenserceux qui sont mes amis.Vous avez, je le sais,bien servi ma couronne...

RODRIGUEQue pourrais-je envierde la faveur des rois,Sire? Je vis content,protégé par nos lois.

PHILIPPEJ’aime fort la fierté...Je pardonne à l’audace...Quelquefois... Vous avez délaissémes drapeaux,Et les gens comme vous,soldats de noble race,N’ont jamais aimé le repos...

RODRIGUEPour mon pays,d’un noble sang trempée,Mon épée a vingt foisbrillé hors du fourreau.Que l’Espagne commande...et je reprends l’épée.Mais d’autres porterontla hache du bourreau!

PHILIPPEMarquis!

RODRIGUE(avec véhémence)Daignez m’écouter, Sire!Puisque le hasard... puisque DieuA voulu dans ce jourdevant vous me conduire.Je ne joue, en parlant,que ma vie... et c’est peu.Les desseins de la Providence,À nos yeux trop souvent voilés,Ne m’auront pas en vainmis en votre présence:Un jour... vous aurez su la vérité!

PHILIPPE(surpris)Parlez!

CORO, RODRIGO¡Ah! Es su inocenciala que brilla en sus ojos.

FELIPE(¡Con qué seguridadpone por testigo a los cielos!)

(La reina se separa llorando de la condesa y sale. El coro la sigue.)

Escena SextaFelipe, Rodrigo, luego el Conde de Lerma y algunos Señores.

FELIPE(a Rodrigo, que va a salir)¡Quedaos!(Rodrigo se detiene, pone una rodilla en tierra ante el rey, luego se acerca a él y se cubre sin ninguna señal de embarazo.)¿Junto a mi personapor qué no habéis solicitadonunca ser admitido?Me gusta recompensara quienes son mis amigos.Vos, lo sé, habéis servidobien a mi corona...

RODRIGO¿Qué podría deseardel favor de los reyes,Sire? Vivo contento,protegido por nuestras leyes.

FELIPEMe gusta mucho el orgullo...Perdono la audacia...a veces... Habéis abandonadomis banderas,y la gente como vos,soldados de noble raza,jamás han gustado del sosiego...

RODRIGOPor mi país,con una noble sangre templada,mi espada veinte vecesha brillado fuera de su vaina.Que España lo ordene...y retomo la espada.¡Pero otros portaránel hacha del verdugo!

FELIPE¡Marqués!

RODRIGO(con vehemencia)¡Dignaos escuchame, Sire!Ya que el azar... ya que Diosha querido en este díaante vos conducirme.No me juego, al hablar,más que mi vida... y es poco.Los designios de la Providencia,a nuestros ojos muy a menudo velados,no me habrán puesto en vanoante vuestra presencia.Por un día... ¡habréis sabido la verdad!

FELIPE(sorprendido)¡Hablad!

RODRIGUEÔ Roi! J’arrive de Flandre,Ce pays jadis si beau!Ce n’est plus qu’un désert de cendre,Un lieu d’horreur, un tombeau!Là, l’orphelin qui mendieEt pleure par les chemins,Tombe, en fuyant l’incendieSur des ossements humains!Le sang rougit l’eau des fleuves,Ils roulent, de morts chargés...L’air est plein des cris des veuvesSur les époux égorgés!...Ah! La main de Dieu soit bénie,Qui fait entendre par moiLe glas de cette agonieÀ la justice du Roi!

PHILIPPEJ’ai de ce prix sanglantpayé la paix du monde;Ma foudre a terrassél’orgueil des novateursQui vont plongeant le peupleen des rêves menteurs...La mort, entre mes mains,peut devenir féconde!

RODRIGUENon! en vain votre foudre gronde!Quel bras a jamais arrêtéLa marche de l’humanité?...

PHILIPPELe mien!...

RODRIGUEUn souffle ardenta passé sur la terre!Il a fait tressaillirl’Europe tout entière!Dieu vous dicte sa volonté...Donnez à vos enfants, Sire, la Liberté!...

(Il se jette aux genoux du Roi.)

PHILIPPE(Quel langage nouveau!...Jamais, auprès du trône,Personne n’élevala voix si haut... personne!Non, je n’avais jamais écoutéCette inconnueayant pour nom: la vérité!)(relevant Rodrigue)Plus un mot... Levez-vous!votre tête est bien blonde,Pour que vous invoquiezle fantôme imposteurDevant un vieillard,Roi de la moitié du monde...Allez! et gardez-vousde mon inquisiteur!...(Rodrigue s’incline et s’éloigne. Après un peu d’hésitation, Philippe le rappelle vivement d’un geste.)Non... reste, enfant!j’aime ton âme fière,La mienne à toi va s’ouvrir tout entière...Tu m’as vu sur mon trône,et non dans ma maison!Tout y parle de trahison.La Reine... un soupçon me torture!Mon fils...

RODRIGO¡Oh rey! ¡Vengo de Flandes.ese país antaño tan hermoso!¡No es más que un desierto de ceniza,un lugar de horror, una tumba!¡Allí, el huérfano que mendigay llora por los caminos,cae, huyendo del incendiosobre osamentas humanas!La sangre enrojece el agua de los ríos,discurren, cargados de muertos...¡El aire está cargado de los gritos de lasviudas sobre los esposos degollados!...¡Ah! ¡Bendita sea la mano de Dios,que hace oír por míel redoble de esta agoníaa la justicia del rey!

FELIPEA ese precio sangrientohe pagado la paz del mundo.Mi rayo ha abatidoel orgullo de los innovadoresque van sumiendo al puebloen sueños engañosos...¡La muerte, entre mis manos,puede resultar fecunda!

RODRIGO¡No! ¡En vano vuestro rayo ruge!¿Que brazo ha detenido jamásla marcha de la humanidad?...

FELIPE¡El mío!...

RODRIGO¡Un soplo ardienteha pasado sobre la tierra!¡Ha hecho estremecersea Europa entera!Dios os dicta su voluntad...¡Dad a vuestros hijos, Sire, la libertad!...

(Se arroja a las rodillas del rey.)

FELIPE(¡Qué lenguaje nuevo!...¡Jamás, junto al trono,nadie alzó la voztan alto... nadie!¡No, jamás había escuchadoa este desconocidoque tiene por nombre: la verdad!)(alzando a Rodrigo)Ni una palabra... ¡Alzaos!Vuestra cabeza es dorada,para que invoquéisal fantasma impostorante un anciano,rey de la mitad del mundo...¡Idos! ¡Y guardaosde mi inquisidor!... (Rodrigo se inclina y se aleja. Tras un momento de vacilación, Felipe le llama vivamente con un gesto.)No... ¡quédate, niño!Me gusta tu alma orgullosa,la mía a ti va a abrirse por entero...¡Me has visto en mi trono,y no en mi casa!Todo habla allí de traición.La reina... ¡una sospecha me tortura!Mi hijo...

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RODRIGUESon âme est noble et pure!

PHILIPPERien ne vaut sous le ciel le bienqu’il m’a ravi!...

RODRIGUEQu’osez-vous dire?

PHILIPPEAmi, sois notre juge,Ton conseil sera suivi.Sois mon guide, mon refuge...Toi qui seul es un hommeau milieu des humains,Je veux mettre mon cœuren tes loyales mains!...

RODRIGUEQuel rayon du ciel descenduM’œuvre ce cœur impitoyable?Je frémis du trait redoutableSur Carlos déjà suspendu!

PHILIPPEEnfant! à mon cœur éperduRends la paixdès longtemps bannie.Je trouve à cette heure bénieL’homme dès longtemps attendu!

RODRIGUE(Ô Dieu tout-puissant, c’est un rêve!)

PHILIPPE(au comte de Lerme, qui entre avec quelques Seigneurs)Le marquis de Posapeut entrer désormaisAuprès de ma personne,à toute heure, au palais!

LE COMTE DE LERME ET LES SEIGNEURS(C’est un astre nouveau qui près du Roi se lève!)

(Philippe sort avec Rodrigue, au milieu des courtisans, qui s’inclinent.)

FIN DUDEUxIèME ACTE

RODRIGO¡Su alma es noble y pura!

FELIPE¡Nada bajo el cielo vale el bienque él me ha arrebatado!...

RODRIGO¿Qué osáis decir?

FELIPEAmigo, sé nuestro juez,Tu consejo será seguido.Sé mi guía, mi refugio...Tú que sólo eres un hombreen medio de los humanos,quiero poner mi corazónen tus leales manos!...

RODRIGO¿Qué rayo descendido del Cielome abre este corazón despiadado?¡Me estremezco por el dardo temiblesobre Carlos ya suspendido!

FELIPE¡Niño! ¡A mi corazón trastornadodevuelve la pazdesde hace largo tiempo desterrada.¡Encuentro en esta hora benditaal hombre largo tiempo esperado!

RODRIGO(¡Oh Dios todopoderoso, es un sueño!)

FELIPE(al conde de Lerma, que entra con algunos señores)El marqués de Posapuede entrar en adelanteante mi persona,en todo momento, en el palacio!

EL CONDE DE LERMA Y LOS NOBLES(¡Es un astro nuevo que junto al rey se eleva!)

(Felipe sale con Rodrigo, en medio de los cortesanos, que se inclinan.)

FIN DELACTO SEGUNDO

Los jardines de la reina en Valladolid. Preparativos de una fiesta. Al fondo, bajo un arco de piedra, una estatua con una fuente. Noche clara.

Escena PrimeraEl Coro, fuera, Damas y Señores;luego Isabel, Éboli y las Mujeres de la Reina.

(Las damas y los señores pasan, dirigiéndose al baile de la reina.)

EL CORO(desde fuera)¡Cuántas flores y cuántas estrellasen estos jardines tan perfumados!¡Cuántas bellezas con sus velosvienen a ofrecerse a nuestros ojosfascinados! Hasta el regreso de la auroratodo es fiesta en esta hermosa morada.Ojalá largo tiempo aúntarde el regreso de la mañana,¡ah, ojalá largo tiempo aúntarde el regresodel día!¡Mandolinas,alegres tambores,voces divinasde los amores,voces unidasen los aires,armonías,dulces conciertos,voz conmovedorade la noche,que todo canta!El tiempo pasa.

(Isabel y Éboli entran con los últimos compases del coro. Las mujeres de la reina permanecen apartadas.)

ISABELVen, Éboli.La fiesta apenas ha comenzado,y de su bullicio alegreya estoy cansada...¡Era exigirme demasiado!...El rey, a quien mañana coronan,pasa la noche a los pies de la Virgen.¡Yo voy a rezar como el rey!

ÉBOLIToda la corte está ahí... el Infante...

ISABELToma mi mantilla,mi collar, mi máscara negra.Al verte, querida hija,será a mí a quien creerá ver.¡Ve! Me siento en el almala sed de estar con Dios.La fiesta te reclama.¡Adiós!

(Isabel regresa al palacio. Las mujeresde la reina se reparten: dos de ellas siguen a Isabel. Las otras rodeana Éboli.)

CORO¡Cuántas flores y cuántas estrellasen estos jardines tan perfumados!¡Ojalá largo tiempo aúntarde el regresodel día!

Les jardins de la Reine, à Valladolid. Préparatifs d’une fête. Au fond, sous une arcade d’architecture, une statue avec une fontaine. Nuit claire.

Scène PremièreLe Chœur, au dehors, Dames et Seigneurs; puis Élisabeth, Eboli et les Femmes de la Reine.

(Les dames et les seigneurs passent, se rendant au Balle de la Reine.)

LE CHŒUR(au dehors)Que de fleurs et que d’étoilesDans ces jardins tout embaumés!Que de beautés avec leurs voilesViennent s’offrir à nos yeux charmés!Jusqu’au retour de l’auroreTout est fête en ce beau séjour.Puisse longtemps encoreTarder du matin le retour,Ah! puisse longtemps encoreTarder le retourDu jour!Mandolines,Gais tambours,Voix divinesDes amours,Voix uniesDans les airs,Harmonies,Doux concerts,Voix touchanteDe la nuit,Que tout chante!Le temps fuit.

(Élisabeth et Eboli entrent sur les dernières mesures du chœur. Les femmes de la Reine restent à l’écart.)

ÉLISABETHViens, Eboli.La fête à peine est commencée,Et de son bruit joyeuxdéjà je suis lassée...C’était trop exiger de moi!...Le Roi, que demain l’on couronne,Passe la nuit aux pieds de la madone:Je vais prier comme le Roi!

EBOLIToute la cour est là... l’Infant...

ÉLISABETHPrends ma mantille,Mon collier, mon masque noir;En te voyant, chère fille,C’est moi que l’on croira voir.Va! Je me sens dans l’âmeLa soif d’être avec Dieu.La fête te réclame.Adieu!

(Élisabeth rentre au palais. Les femmes de la Reine se partagent: deux d’entre elles suivent Élisabeth. Les autres entourent Eboli.)

COROQue de fleurs et que d’étoilesDans ces jardins tout embaumés!Puisse longtemps encoreTarder le retourDu jour!

ActE tRoISIÈME Acto tERcERo

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Scène DeuxièmeEboli, les Femmes de la Reine, puis des Pages.

EBOLIPour une nuit me voilà Reine,Et dans ce jardin enchantéJe suis maîtresse et souveraine.Je suis comme la beautéDe la légende du voile,Qui voit luire à son côtéLe doux reflet d’une étoile!Je vais régner jusqu’au jour!Sous les doux voiles de l’ombre,Je veux enivrer d’amourCarlos, le prince au cœur sombre!

COROMandolines,Gais tambours,Voix divinesDes amours,Voix uniesDans les airs,Harmonies,Doux concerts,Voix touchanteDe la nuit,Que tout chante!Le temps fuit.

(Eboli fait un signe à un page qui passe, lui remet un billet qu’elle a écrit à la hâte, puis elle sort, suivie des femmes de la Reine.)

Deuxième Tableau

Le ballet de la Reine

La Pérégrina

Dans une grotte féerique toute de nacre et de corail, des Perles, merveilles de l’océan, sont cachées à tous les yeux, sous la garde des Vagues jalouses.

Un Pêcheur descend dans cette demeure interdite aux mortels. Ébloui par tant de magnificences, il croit rêver, et les Perles coquettes se plaisent à déployer devant lui toutes les séductions de leur beauté.

Cependant la Reine des Eaux est accourue. Pour punir l’audacieux, elle veut le précipiter dans les abîmes; les prières des Perles ne peuvent désarmer son courroux.

Alors apparaît un Page aux armes et aux couleurs de Philippe II. C’est pour le Roi d’Espagne que le Pêcheur cherche au fond des mers la plus belle des Perles.Au nom redouté de Philippe, la Reine des Eaux s’incline avec respect; elle offre au Pêcheur toutes les richesses de son empire.

Mais nulle Perle n’est digne de Philippe. Il faut fondre en une seule la beauté de toutes. Pour former cette merveille, les Perles dociles se dépouillent de leurs parures. Elles les réunissent dans une conque d’or où sort bientôt éclatante la Pérégrina, le plus beau joyau de la couronne d’Espagne.

Escena SegundaÉboli, las Mujeres de la Reina, luego los Pajes.

ÉBOLIPor una noche heme reina,y en este jardín encantadosoy señora y soberana.¡Soy como la beldadde la leyenda del velo,que ve brillar a su ladoel dulce reflejo de una estrella!¡Voy a reinar hasta el día!Bajo los dulces velos de la sombra,voy a embriagar de amora Carlos, el príncipe de corazón sombrío!

CORO¡Mandolinas,alegres tambores,voces divinasde los amores,voces unidasen los aires,armonías,dulces conciertos,voz conmovedorade la noche,que todo canta!El tiempo pasa.

(Éboli hace un gesto a un paje que pasa, le entrega un billete que ha escrito deprisa y corriendo, luego sale, seguida de las mujeres de la reina.)

Cuadro Segundo

Le ballet de la Reina

La Peregrina

En una gruta mágica de nácar y de coral, las Perlas, maravillas del océano, están ocultas a todas las miradas, bajo la custodia de las Olas celosas.

Un Pescador desciende a esta morada prohibida a los mortales. Asombrado ante tanta magnificencia, cree soñar, y las perlas coquetas se divierten desplegando ante él todos los encantos de su belleza.

Entre tanto, acude la Reina de las Aguas. Para castigar al audaz, quiere arrojarlo a los abismos; las súplicas de las Perlas no consiguen mitigar su ira.

De pronto aparece un Paje con las armas y los colores de Felipe II. Es para el rey de España que el Pescador busca en el fondo del mar la perla más hermosa.Al temido nombre de Felipe, la Reina de las Aguas se inclina reverente; ofrece al Pescador todas las riquezas de su imperio.

Pero ninguna Perla es digna de Felipe. Es necesario reunir en una sola la belleza de todas. Para crear esta maravilla, las Perlas, obedientes, se despojan de sus ornamentos. Los reúnen en una concha de oro, de donde sale enseguida, deslumbrante, la Peregrina, la más hermosa joya de la corona de España.

Cette Perle, qui n’eut de pareille que celle de Cléopâtre, est personnifiée par la Reine. Eboli, sous la mantille et le masque d’Élisabeth, apparaît dans un char étincelant; l’hymne Espagnol retentit, les Perles s’agenouillent, les Dames et les Seigneurs qui assistent à la fête s’inclinent aussi pour rendre hommage à leur souveraine.

Troisième Tableau

Les jardins de la Reine. La nuit.

Scène PremièreCarlos, seul.

CARLOS(le billet d’Eboli à la main)«À minuit, aux jardinsde la Reine,Sous les lauriers,auprès de la fontaine...»Il est minuit!... J’entendsLe bruit clair de la sourceau milieu du silence.Ivre d’amour, pleind’une joie immense,Élisabeth! mon bien, mon bonheur...Je t’attends!

Scène DeuxièmeCarlos, Eboli, masquée.

CARLOS(à Eboli, qu’il prend pour Élisabeth)C’est vous! Ma bien-aimée,Qui marchez parmi ces fleurs.C’est vous!... Mon âme charméeVoit s’envoler ses douleurs.Ô source ardente et sacréeDe mon bonheur le plus doux,De ma tristesse adorée,Mon bien, mon amour, c’est vous!

EBOLI(Un tel amour, c’est le bien suprême!Il est doux d’être aimée ainsi!)

CARLOSOublions l’univers, la vieet le ciel même!Qu’importe le passé?Qu’importe l’avenir?Je t’aime!

EBOLI(ôtant son masque)Puisse l’amour à jamais nous unir!

CARLOS(épouvanté)(Dieu! Ce n’est pas la Reine!)

EBOLIÔ ciel! Quelle penséeVous tient pâle, immobileet la lèvre glacée?Quel spectre se lève entre nous?...Doutez-vous de ce cœur,qui ne bat que pour vous?Hélas! Votre jeunesse ignoreQuel piège affreuxon dresse sur vos pas;J’entends la foudre qui dévoreSur votre front déjà gronder tout bas!

Esta Perla, comparable sólo a la de Cleopatra, es personificada por la Reina. Éboli, bajo la mantilla y la máscara de Isabel, aparece sobre un carro resplandeciente; resuena el himno español, las Perlas se arrodillan, incluso las Damas y los Nobles que asisten a la fiesta se inclinan para rendir homenaje a su soberana.

Cuadro Tercero

Los jardines de la Reina. De noche.

Escena PrimeraCarlos, solo.

CARLOS(con el billete de Éboli en la mano)«A medianoche, en los jardinesde la reina,bajo los laureles,junto la fuente...»¡Es medianoche!... Oigoel murmullo claro de la fuenteen medio del silencio.Ebrio de amor, colmadode una alegría inmensa,Isabel, mi bien, mi dicha...¡Te espero!

Escena SegundaCarlos, Éboli enmascarada.

CARLOS(a Éboli, a quien toma por Isabel)¡Eres tú! Amada mía,quien camina entre estas flores.¡Eres tú!... Mi alma encantadave desaparecer sus dolores.¡Oh fuente ardiente y sagradade mi felicidad más dulce,de mi tristeza adorada,mi bien, mi amor, ¡eres tú!

ÉBOLI(¡Un amor semejante es el bien supremo!¡Es dulce ser amada así!)

CARLOS¡Olvidemos el universo, la viday el Cielo mismo!¿Qué importa el pasado?¿Qué importa el porvenir?¡Te amo!

ÉBOLI(quitándose la máscara)¡Pueda el amor por siempre unirnos!

CARLOS(horrorizado)(¡Dios! ¡No es la reina!)

ÉBOLI¡Oh Cielo! ¿Qué pensamientoos pone pálido, inmóvily los labios helados?¿Qué espectro se alza entre nosotros?...¿Dudáis de este corazónque no late más que por vos?¡Ay! Vuestra juventud ignoraqué horrible asechanzase yergue a vuestro paso.¡Oigo al rayo que devorarugir ya, sobre vuestra frente, muy bajo!

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CARLOSNe croyez pas que j’ignoreLes périls semés sur mes pas.J’entends la foudre qui dévoreSur ma tête gronder tout bas!

EBOLIVotre père... et Posa lui-mêmeSouvent tout bas de vous ont parlé!Je puis vous sauver... Je vous aime!

CARLOSRodrigue! Quel mystèreici m’est dévoilé?

EBOLI(inquiète)Carlos!...

CARLOSAh! Vous avez le cœur d’un ange,Mais le mien pour jamais dort,au bonheur fermé.Nous avons fait tous deuxun rêve étrange,Par cette belle nuit,sous ces bois embaumés!

EBOLIUn rêve! Ô ciel!Ces paroles de flamme,Vous croyez les direà quelqu’autre femme?Quel éclair!... Quel secret!Vois aimez la Reine!

CARLOS(avec terreur)Pitié!...

Scène TroisièmeLes mêmes, Rodrigue.

RODRIGUEQue dit-il? Il est en délire...Ne croyez pas cet insensé!...

EBOLIAu fond de son cœurj’ai su lire!...Et son arrêt est prononcé!

RODRIGUE(d’un air terrible)Qu’a-t-il dit?...

EBOLILaissez-moi!

RODRIGUEQu’a-t-il dit?(Eboli se tait.)Malheureuse,Tremble! Je suis...

EBOLILe favori du Roi!Oui, je le sais, mais je suis, moi,Une ennemie dangereuse!Je sais votre pouvoir...Vous ignorez le mien.

RODRIGUEQue prétendez-vous dire?

CARLOSNo creáis que ignorolos peligros sembrados sobre mis pasos.¡Oigo al rayo que devorarugir sobre mi cabeza muy bajo!

ÉBOLI¡Vuestro padre... y el propio Posaa menudo muy bajo de vos han hablado!Yo puedo salvaros... ¡Os amo!

CARLOS¡Rodrigo! ¿Qué misteriome es aquí desvelado?

ÉBOLI(inquieta)¡Carlos!...

CARLOS¡Ah! Tenéis el corazón de un ángel,mas el mío para siempre duerme,cerrado a la felicidad.Hemos tenido ambosun sueño extraño,en esta hermosa noche,bajo estos bosques perfumados.

ÉBOLI¡Un sueño! ¡Oh cielo!Esas palabras ardientes¿creíais decirlasa alguna otra mujer?¡Qué destello!... ¡Qué secreto!¡Vos amáis a la reina!

CARLOS(aterrado)¡Piedad!...

Escena TerceraDichos, Rodrigo.

RODRIGO¿Qué dice? ¡Delira...no creáis a este insensato!...

ÉBOLI¡En el fondo de su corazónhe sabido leer!...¡Y su sentencia está pronunciada!

RODRIGO(con un aspecto terrible)¿Qué te ha dicho?...

ÉBOLI¡Dejadme!

RODRIGO¿Qué te ha dicho?(Éboli guarda silencio.)¡Desgraciada,tiembla! Soy...

ÉBOLI¡El favorito del rey!¡Sí, lo sé, pero soy yo soy, yo,una enemiga peligrosa!Conozco vuestro poder...Vos ignoráis el mío.

RODRIGO¿Qué pretendéis decir?

ÉBOLI¡Nada!¡Temed todo de mi furia!¡En mis manos tengo su vida!

RODRIGO(a Éboli)¡Hablad y revelad asílo que os ha traído aquí!

ÉBOLI¡Ah! ¡La leona está herida en el corazón!¡Temed a una mujer ofendida!

RODRIGO¡Temed armar al Dios poderoso,ese protector del inocente!

CARLOS¿Qué he hecho? ¡Oh dolor amargo!¡He mancillado el nombre de mi madre!¡Sólo la mirada de Dios todopoderosoreconocerá al inocente!...

ÉBOLI¡Y yo que temblaba ante ella!¡Ella quería, esta santa nueva,conservando el aspectode celestes virtudes,beber hasta el bordede la copa donde se bebenlos placeres de la vida!¡Ah, por mi alma, era una insolente!

RODRIGO(desenvainando su puñal)¡Maldita seas!

CARLOS(deteniéndole)¡Rodrigo!

RODRIGO¡El venenono ha salido aún de sus labios malditos!

CARLOS¡Rodrigo, cálmate!

ÉBOLI¿Vuestra mano vacila?¿Qué tardáis en golpear?... ¡Aquí estoy!

RODRIGO(tirando el puñal)¡No!... ¡Una esperanza me queday Dios me guiará!

ÉBOLI(a Carlos)Maldito seas, hijo adúltero,mi grito vengador va a resonar...Maldito seas, mañana la tierrase entreabrirá para engullirte.

RODRIGO(a Éboli)¡Si habláis, que un Dios severoalce su brazo para castigaros!¡Si hablas, ah, que la tierrase entreabra para engulliros!

EBOLIRien!Redoutez tout de ma furie!Entre mes mains je tiens sa vie!

RODRIGUE(à Eboli)Parlez et dévoilez ainsiCe qui vous a conduite ici!

EBOLIAh! La lionne au cœur est blessée!Craignez une femme offensée!

RODRIGUECraignez d’armer le Dieu puissant,Ce protecteur de l’innocent!

CARLOSQu’ai-je fait? Ô douleur amère!J’ai flétri le nom de ma mère!Le regard du Dieu tout-puissantSeul reconnaîtra l’innocent!...

EBOLIEt moi qui tremblais devant elle!Elle voulait, cette sainte nouvelle,Des célestes vertus,conservant les dehors,S’abreuver à pleins bordsÀ la coupe où l’on boitles plaisirs de la vie!Ah! sur mon âme, elle était hardie!

RODRIGUE(tirant son poignard)Malheur à toi!

CARLOS(l’arrêtant)Rodrigue!

RODRIGUELe poisonN’est pas encor sorti de sa lèvre maudite!

CARLOSRodrigue, calme-toi!

EBOLIVotre main hésite?Que tardez-vous à frapper?... me voilà!

RODRIGUE(jetant son poignard)Non!... Un espoir me resteet Dieu me conduira!

EBOLI(à Carlos)Malheur sur toi, fils adultère,Mon cri vengeur va retentir...Malheur sur toi, demain la terreS’entr’ouvrira pour t’engloutir.

RODRIGUE(à Eboli)Si vous parlez, qu’un Dieu sévèreLève son bras pour vous punir!Si vous parlez, ah! puisse la terreS’entr’ouvrir pour vous engloutir!

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CARLOSElle sait tout! Ô peine amère!Douleur dont je me sens mourir!Elle sait tout! Ah! Que la terreS’entr’ouvre enfin pour m’engloutir!

(Eboli sort furieuse.)

Scène QuatrièmeCarlos et Rodrigue.

RODRIGUECarlos, si vous avezquelque importante lettre...Quelques notes... des plans...il faut me les remettre!

CARLOS(hésitant)À vous?... au favori du Roi?

RODRIGUECarlos, tu doutes de moi?

CARLOSNon! mon appui... mon espérance!Ce cœur qui t’a tant aiméNe te sera jamais fermé.En toi j’ai toujours confiance...Tiens... mes papiers importants, les voici!Ah! Je me livre à toi!

RODRIGUEÔ mon Carlos!Ô mon cher prince, merci!

(Ils se jettent dans les bras l’un de l’autre.)

Quatrième Tableau

Une grande place devant la cathédrale Notre Dame d’Atocha de Valladolid. À droite, l’église à laquelle conduit un grand escalier. À gauche, un palais. Au fond, un autre escalier descend à une place inférieure au milieu de laquelle s’élève un bûcher dont on aperçoit le sommet. Des grands édifices et des collines lointaines ferment l’horizon.

Scène PremièreLe Chœur du Peuple,puis le Chœur des Moines,conduisant les condamnés.

(La foule, que les hallebardiers ont peine à contenir, envahit la place. Les cloches sonnent à toute volée.)

LE PEUPLECe jour heureuxest plein d’allégresse!Honneur au plus puissant des Rois!Le vœu du monde à lui s’adresse.Le monde est courbé sous ses lois!Notre amour partout l’accompagne,Jamais amour plus mérité;Son nom est l’orgueil de l’Espagne,Il vivra dans l’éternité!

CARLOS¡Ella lo sabe todo! ¡Oh pena amarga!¡Dolor del que me siento morir!¡Ella lo sabe todo! ¡Ah, que la tierrase entreabra al fin para engullirme!

(Éboli sale furiosa.)

Escena CuartaCarlos y Rodrigo.

RODRIGOCarlos, si tienesalguna carta importante...algunas notas... planes...¡debes dármelos!

CARLOS(vacilando)¿A ti?... ¿Al favorito del rey?

RODRIGOCarlos, ¿dudas de mí?

CARLOS¡No! ¡Mi apoyo... mi esperanza!Este corazón que tanto te ha amadono te será jamás cerrado.En ti tengo siempre confianza...Toma... mis papeles importantes, ¡aquíestán! ¡Ah! ¡Me entrego a ti!

RODRIGO¡Oh, Carlos mío!¡Oh mi querido príncipe, gracias!

(Se arrojan el uno en los brazos del otro.)

Cuadro Cuarto

Una gran plaza delante de la catedral Nuestra Señora de Atocha de Valladolid. A la derecha, la iglesia a la que conduce una gran escalera. A la izquierda, un palacio. Al fondo, otra escalera que da a una plaza inferior en medio de la cual se alza una hoguera cuya parte superior puede verse. Grandes edificios y colinas lejanas enmarcan el horizonte.

Escena PrimeraEl Coro del Pueblo,luego el Coro de los Monjes,que acompañan a los condenados.

(La muchedumbre, contenida apenas por los alabarderos, invade la plaza. Las campanas repican.)

EL PUEBLO¡Este día afortunadoestá colmado de júbilo!¡Honor al más poderoso de los reyes!El deseo del mundo hacia él se dirige.¡El mundo está inclinado bajo sus leyes!Nuestro amor por todas partes leacompaña, amor jamás más merecido.¡Su nombre es el orgullo de España,vivirá en la eternidad!

CHŒUR DES MOINES(qui traversent le théâtre, conduisantau bûcher les condamnés du Saint-Office)Ce jour est un jour de colère,Un jour de deuil, un jour d’effroi.Malheur! Malheur au téméraireQui du ciel a bravé la loi!Mais le pardon suit l’anathèmeSi le pécheur épouvantéSe repent à l’heure suprêmeSur le seuil de l’éternité!

(Les Moines et les condamnés descendent à la place inférieure où le bûcher est préparé.)

Scène DeuxièmeLes mêmes, Rodrigue, le Comte de Lerme, Élisabeth, Thibault, les Pages, Dames et Seigneurs de la cour,le Héraut royal.

(Marche. Le cortège sort du palais. Tous les corps de l’État, toute la cour, les Députés de toutes les provinces de l’Empire, les Grands d’Espagne, Rodrigue au milieu d’eux; la Reine au milieu de ses femmes. Thibault, portant le manteau d’Élisabeth, les Pages, etc. Le cortège se range devant les marches de l’église.)

LE PEUPLECe jour heureuxest plein d’allégresse!Honneur au plus puissant des Rois!Le vœu du monde à lui s’adresse.Le monde est courbé sous ses lois!Honneur au Roi!Il vivra dans l’éternité!

LE HERAUT ROYAL(devant les portes de l’église, qui restent fermées)Ouvrez-vous, ô portes sacrées!Maison du Seigneur, ouvre-toi!Ô voûtes vénérées,Rendez-nous notre Roi!

LE PEUPLEOuvrez-vous, ô portes sacrées!Maison du Seigneur, ouvre-toi!Ô voûtes vénérées,Rendez-nous notre Roi!

Scène TroisièmeLes mêmes, Philippe, des Moines.

(Les portes de l’église, en s’ouvrant, laissent voir Philippe, couronne en tête, marchant sous un dais, au milieu des Dominicains. Les seigneurs s’inclinent. Le peuple s’agenouille.)

PHILIPPEEn plaçant sur mon front,peuple, cette couronne,J’ai fait serment au Dieu qui me la donneDe le venger par le fer et le feu!

LE PEUPLEGloire à Philippe! Gloire à Dieu!

(Tout le monde s’incline en silence. Philippe descend les marches de l’église et prend la main d’Élisabeth pour continuer sa marche)

CORO DE MONJES(que cruzan la Escena acompañando a la hoguera a los condenados del Santo Oficio)Este día es un día de cólera,un día de duelo, un día de horror.¡Maldito! ¡Maldito el temerarioque ha desafiado la ley del cielo!¡Mas el perdón sigue al anatemasi el pecador aterrorizadose arrepiente en la hora supremaen el umbral de la eternidad!

(Los Monjes y los condenados bajan a la plaza inferior donde está pronta la hoguera.)

Escena SegundaDichos, Rodrigo, el Conde de Lerma, Isabel, Tebaldo, Pajes, Damasy Señores de la corte,el Heraldo real.

(Marcha. El cortejo sale del palacio. To-dos los órganos del Estado, toda la corte, los diputados de todas las provincias del imperio, los Grandes de España, Rodrigo en medio de ellos. La reina en medio de sus damas. Tebaldo que porta el manto de Isabel, los pajes, etc. El cortejo se alinea ante los escalones de la iglesia.)

EL PUEBLO¡Este día afortunadoestá colmado de júbilo!¡Honor al más poderoso de los reyes!El deseo del mundo hacia él se dirige.¡El mundo está inclinado bajo sus leyes!¡Honor al rey!¡Vivirá en la eternidad!

EL HERALDO REAL(delante de las puertas de la iglesia, que están cerradas)¡Abríos, oh puertas sagradas!¡Casa del Señor, ábrete!¡Oh bóvedas veneradas,devolvednos a nuestro rey!

EL PUEBLO¡Abríos, oh puertas sagradas!¡Casa del Señor, ábrete!¡Oh bóvedas veneradas,devolvednos a nuestro rey!

Escena TerceraDichos, Felipe, Monjes.

(Las puertas de la iglesia, al abrirse, dejan ver a Felipe con la corona en la cabeza, que avanza bajo palio, en medio de los Dominicos. Los señores se inclinan. El pueblo se arrodilla.)

FELIPE¡Al colocar sobre mi cabeza,pueblo, esta corona,he jurado al Dios que me la entregavengarle mediante el hierro y el fuego!

EL PUEBLO¡Gloria a Felipe! ¡Gloria a Dios!

(Todos se inclinan en silencio. Felipe baja por los escalones de la iglesia y toma la mano de Isabel para proseguir su camino.)

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Scène QuatrièmeLes mêmes, les Députés flamands,Carlos.

(Les Députés flamands, en deuil, les habits déchirés, apparaissent tout à coup, conduits par Carlos, et se jettent aux pieds de Philippe.)

ÉLISABETH(Ô ciel! Carlos!)

RODRIGUE(Qu’ose-t-il entreprendre?)

PHILIPPEQui sont ces genscourbés à mes genoux?

CARLOSDes députés du Brabant, de la Flandre,Que votre fils amène devant vous!

LES DEPUTES FLAMANDSSire, la dernière heureA-t-elle donc sonnépour vos sujets flamands?Tout un peuple qui pleureVous adresse ses criset ses gémissements!Si votre âme attendrieA puisé la clémenceet la paix au saint lieu,Sauvez notre Patrie,Ô Roi puissant, vous qui tenezla puissance de Dieu!

PHILIPPEÀ Dieu vous êtes infidèles,Infidèles à votre Roi.Ces suppliants sont des rebelles.Gardes! Éloignez-les de moi!

LES MOINESLes Flamands sont des infidèles,Ils ont bravé, bravé la loi;Ces suppliants sont des rebelles;Que votre cœur les juge, ô Roi!

ÉLISABETH, CARLOS, RODRIGUE, THIBAULT, PEUPLEÉtendez sur leurs frontsvotre main souveraine,Sire... prenez pitiéd’un peuple infortuné,Qui va, sanglant,traînant sa chaîne,Au désespoir,à la mort condamné!

(Le Roi veut passer; Carlos se place devant lui.)

CARLOSSire, il est temps que je vive!Je suis las de traînerune jeunesse oisiveDans votre cour.Si Dieu veut qu’à mon front un jourLa couronne d’or étincelle,Préparez à l’Espagneun maître digne d’elle!Confiez-moiLe Brabant et la Flandre!

Escena CuartaDichos, los Diputados flamencos,Carlos.

(Los diputados flamencos, de luto, las ropas desgarradas, aparecen de improviso conducidos por Carlos y se arrojan a los pies de Felipe.)

ISABEL(¡Oh cielo! ¡Carlos!)

RODRIGO(¿Qué se propone?)

FELIPE¿Quiénes son esas gentespostradas a mis rodillas?

CARLOS¡Diputados del Brabante, de Flandes,que vuestro hijo conduce ante vos!

LOS DIPUTADOS FLAMENCOS¿Sire, es que la hora extremaha sonadopara vuestros súbditos flamencos?¡Todo un pueblo que lloraos dirige sus gritosy sus gemidos!Si vuestra alma enternecidaha tomado la clemenciay la paz del santo lugar,¡salvad a nuestra patria,oh rey poderoso, vos que tenéisel poder de Dios!

FELIPEA Dios sois infieles,infieles a vuestro rey.Estos suplicantes son rebeldes.¡Guardias! ¡Alejadlos de mí!

LOS MONJESLos flamencos son infieles,han desafiado, desafiado la ley.Estos suplicantes son rebeldes.¡Que vuestro corazón los juzgue, oh rey!

ISABEL, CARLOS, RODRIGO, TEBALDO, EL PUEBLO¡Extended sobre sus cabezasvuestra mano soberana,Sire... tened piedadde un pueblo desafortunado,que va, sangrando,arrastrando su cadena,condenado a la desesperación,a la muerte!

(El rey quiere pasar; Carlos se sitúa delante de él.)

CARLOS¡Sire, es hora de que yo viva!Estoy cansado de arrastraruna juventud ociosaen vuestra corte.Si Dios quiere que en mi cabeza un díala corona de oro resplandezca,¡preparad para Españaa un señor digno de ella!¡Confiadmeel Brabante y Flandes!

FELIPE¡Insensato! ¿A qué osas aspirar?¡Quieres que te dé, a ti,el acero que, tarde o temprano,inmolaría a tu rey!

CARLOS¡Ah! ¡Dios lee en nuestros corazones,Dios nos ha juzgado, Sire!

ISABEL(¡Tiemblo!)

RODRIGO(¡Está perdido!)

CARLOS(desenvainando la espada)¡Por Dios que me escucha,seré tu salvador,noble pueblo flamenco!

ISABEL, TEBALDO, RODRIGO, LOS MONJES, EL PUEBLO¡El acero delante del rey!¡El infante está loco!

FELIPE¡Guardias! ¡Desarmad al Infante!¡Señores, soportes de mi trono,desarmad al Infante!... ¿Qué? ¡Nadie!

CARLOS¡Espero al que se atreva,para vengarme mi mano está pronta!

(Los Grandes de España retroceden ante Carlos.)

FELIPE¡Desarmad al Infante!

RODRIGO(a Carlos)¡Vuestra espada!

ISABEL¡Oh cielo!

CARLOS¡Tú, Rodrigo!

(Carlos entrega su espada a Rodrigo, que se inclina al presentársela al rey.)

EL PUEBLO¡Él! ¡Posa!

ISABEL¡Él!

FELIPE¡Marqués, sois duque!...¡Ahora, a la fiesta!

EL PUEBLO¡Este día es un día de júbilo!¡Honor al más poderoso de los reyes!El deseo del mundo hacia él se dirige.¡El mundo está inclinado bajo sus leyes!Nuestro amor por todas partes leacompaña, amor jamás más merecido.¡Su nombre es el orgullo de España,vivirá en la eternidad!

PHILIPPEInsensé! qu’oses-tu prétendre?Tu veux que je te donne, à toi,Le fer qui, tôt ou tard,immolerait ton Roi!

CARLOSAh! Dieu lit dans nos cœurs,Dieu nous a jugés, Sire!

ÉLISABETH(Je tremble!)

RODRIGUE(Il est perdu!)

CARLOS(tirant l’épée)Par le Dieu qui m’entend,Je serai ton sauveur,noble peuple flamand!

ÉLISABETH, THIBAULT, RODRIGUE, LES MOINES, LE PEUPLELe fer devant le Roi!L’Infant est en délire!

PHILIPPEGardes! Désarmez l’Infant!Seigneurs, soutiens de mon trône,Désarmez l’Infant!... Quoi! Personne!

CARLOSJ’attends celui qui l’osera,À me venger ma main est prête!

(Les Grands d’Espagne reculent devant Carlos.)

PHILIPPEDésarmez l’Infant!

RODRIGUE(à Carlos)Votre épée!

ÉLISABETHÔ ciel!

CARLOSToi, Rodrigue!

(Carlos remet son épée à Rodrigue, qui s’incline en la présentant au Roi.)

LE PEUPLELui! Posa!

ÉLISABETHLui!

PHILIPPEMarquis, vous êtes duc!...Maintenant, à la fête!

LE PEUPLECe jour est un jour d’allégresse!Honneur au plus puissant des Rois!Le vœu du monde à lui s’adresse.Le monde est courbé sous ses lois!Notre amour partout l’accompagne,Jamais amour plus mérité;Son nom est l’orgueil de l’Espagne,Il vivra dans l’éternité!

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LES MOINESC’st un jour de colère!

(Le Roi sort donnant la main à la Reine; toute la cour les suit. Ils vont prendre place à la tribune qui leur est réservée pour l’au-to-da-fé. On aperçoit de loin la lueur des bûchers.)

UNE VOIx D’EN HAUTVolez vers le Seigneur,volez, ô pauvres âmes!Venez goûter la paixprès du trône de Dieu!Le pardon!

LES DEPUTES FLAMANDSDieu souffre ces forfaits!Dieu n’éteint pas ces flammes!Et l’on dresse en son nomces bûchers tout en feu!

LES MOINESUn jour de deuil et d’effroi!

PHILIPPE, LES MOINES, LE PEUPLEGloire à Dieu!

(Les flammes du bûcher s’élèvent.)

FIN DUTROISIèME ACTE

LOS MONJES¡Es un día de cólera!

(El rey sale dando la mano a la reina; toda la corte les sigue. Van a ocupar su lugar en la tribuna que les está reservada para el auto de fe. A lo lejos se divisa el resplandor de las hogueras.)

UNA VOZ DESDE LO ALTO¡Volad hacia el Señor,volad, oh pobres almas!¡Venid a gozar de la pazjunto al trono de Dios!¡El perdón!

LOS DIPUTADOS FLAMENCOS¡Dios sufre estos crímenes!¡Dios no extingue esas llamas!¡Y se yerguen en su nombreesas hogueras ardientes!

LOS MONJES¡Un día de duelo y de horror!

FELIPE, LOS MONJES, EL PUEBLO¡Gloria a Dios!

(Las llamas de la hoguera se elevan.)

FIN DELACTO TERCERO

Premier Tableau

Le cabinet du Roi à Madrid.

Scène PremièrePhilippe, seul.

(Philippe, plongé dans une méditation profonde, est appuyé sur une table couverte de papiers, où des flambeaux achèvent de se consumer. Le jour commence à éclairer les vitraux des fenêtres.)

PHILIPPE(comme en un rêve)Elle ne m’aime pas! non!son cœur m’est fermé,Elle ne m’a jamais aimé!Je la revois encor,regardant en silenceMes cheveux blancs,le jour qu’elle arriva de France.Non, elle ne m’aime pas!...(revenant à lui-même)Où suis-je? Ces flambeauxSont consumés...L’aurore argente ces vitraux,Voici le jour! Hélas! Le sommeil salutaire,Le doux sommeila fui pour jamais ma paupière!Je dormirai dans mon manteau royal,Quand sonnera pour moi l’heure dernière,Je dormirai sous les voûtes de pierreDes caveaux de l’Escurial!Si la royauté nous donnait le pouvoirDe lire au fond de cœursoù Dieu seul peut tout voir!Si le Roi dort, la trahison se trame,On lui ravit sa couronne et sa femme!Je dormirai dans mon manteau royal,Quand sonnera pour moi l’heure dernière,Je dormirai sous les voûtes de pierreDes caveaux de l’Escurial!

(Il retombe dans sa rêverie.)

Scène DeuxièmePhilippe, le comte de Lerme, le Grand Inquisiteur.

LE COMTE DE LERME(entrant)Le Grand Inquisiteur!

(Lerme sort. Le Grand Inquisiteur, aveugle, 90 ans, entre appuyé sur deux Dominicains.)

L’INQUISITEURSuis-je devant le Roi?

PHILIPPEOui, j’ai recours à vous,mon père, éclairez-moi.L’Infant remplit mon cœurd’une tristesse amère,L’Infant est un rebellearmé contre son père...

L’INQUISITEURQu’avez-vous décidé contre lui?

PHILIPPETout... ou rien!

Cuadro Primero

El gabinete del rey en Madrid.

Escena PrimeraFelipe, solo.

(Felipe, sumido en una profunda meditación, está apoyado en una mesa cubierta de papeles, donde los cirios acaban de consumirse. El día comienza a iluminar las vidrieras de lasventanas.)

FELIPE(como en un sueño)¡Ella no me ama! ¡No!¡Su corazón me está cerrado,jamás me ha amado!Vuelvo a verla otra vez,contemplando en silenciomis cabellos blancos,el día que llegó de Francia.¡No, no me ama!...(recobrándose)¿Dónde estoy? Estos ciriosse han consumido...La aurora argenta estas vidrieras,¡He aquí el día! ¡Ay! ¡El sueño saludable,el dulce sueñoha huido para siempre de mis párpados!¡Dormiré en mi manto real,cuando suene para mí la hora extrema,dormiré bajo las bóvedas de piedrade las tumbas del Escorial!¡Si la realeza nos diera el poderde leer en el fondo de los corazones donde sólo Dios todo puede ver!¡Si el rey duerme, la traición se trama,le arrebatan su corona y su mujer!¡Dormiré en mi manto real,cuando suene para mí la hora extrema,dormiré bajo las bóvedas de piedrade las tumbas del Escorial!

(Recae en su ensoñación.)

Escena SegundaFelipe, el Conde de Lerma, el Gran Inquisidor.

EL CONDE DE LERMA(entrando)¡El Gran Inquisidor!

(Lerma sale. El Gran Inquisidor, ciego, de 90 años, entra sostenido por dos dominicos)

EL INQUISIDOR¿Estoy delante del rey?

FELIPESí, he recurrido a vos,padre mío, iluminadme.El Infante colma mi corazónde una tristeza amarga,el Infante es un rebeldearmado contra su padre...

EL INQUISIDOR¿Qué habéis decidido contra él?

FELIPETodo... ¡o nada!

ActE QUAtRIÈME Acto cUARto

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L’INQUISITEURExpliquez-vous!

PHILIPPEQu’il fuie...ou que le glaive...

L’INQUISITEUREh bien?

PHILIPPESi je frappe l’Infant,ta main m’absoudrait-elle?

L’INQUISITEURLa paix du mondevaut le sang d’un fils rebelle.

PHILIPPEPuis-je immoler mon filsau monde, moi chrétien?

L’INQUISITEURDieu, pour nous sauver tous,sacrifia le sien.

PHILIPPEPeux-tu fonder partoutune foi si sévère?

L’INQUISITEURPartout où le chrétiensuit la foi du Calvaire.

PHILIPPELa nature et le sangse tairont-ils en moi?

L’INQUISITEURTout s’incline et se taitlorsque parle la foi!

PHILIPPEC’est bien!

L’INQUISITEURPhilippe deux n’a plusrien à me dire?

(Un silence.)

PHILIPPENon.

L’INQUISITEURC’est donc moi qui vous parlerai, Sire!Dans ce beau pays,pur d’hérétique levain,Un homme ose saper l’édifice divin.Il est l’ami du Roi, son confident intime,Le démon tentateurqui le pousse à l’abîme.Les desseins criminelsdont vous chargez l’InfantNe sont auprès des siensque les jeux d’un enfant;Et moi, l’Inquisiteur, moi,pendant que je lèveSur d’obscurs criminelsla main qui tient le glaive,Pour les puissants du mondeabjurant mon courroux,Je laisse vivre en paixce grand coupable... et vous!

EL INQUISIDOR¡Explicaos!

FELIPEQue huya... o que la espada...

EL INQUISIDOR¿Y bien?

FELIPESi castigo al Infante,¿tu mano me absolvería?

EL INQUISIDORLa paz del mundovale la sangre de un hijo rebelde.

FELIPE¿Puedo inmolar a mi hijoal mundo, yo cristiano?

EL INQUISIDORDios, para salvarnos a todos,sacrificó al suyo.

FELIPE¿Puedes fundar por todas partesuna fe tan severa?

EL INQUISIDOREn todas partes donde el cristianosigue la fe del Calvario.

FELIPE¿La naturaleza y la sangrecallarán en mí?

EL INQUISIDOR¡Todo se inclina y se callacuando habla la fe!

FELIPE¡Está bien!

EL INQUISIDOR¿Felipe II no tienenada más que decirme?

(Un silencio.)

FELIPENo.

EL INQUISIDOR¡Entonces seré yo quien os hable, sire!En este hermoso país,puro de germen herético,un hombre osa socavar el edificio divino.Es amigo del rey, su confidente íntimo,el demonio tentadorque le empuja al abismo.Los designios criminalescon que cargáis al Infanteal lado de los suyosno son más que juegos de niños.Y yo, el Inquisidor, yo,mientras alzosobre oscuros criminalesla mano que sujeta la espada,abjurando de mi cólerapor los poderosos del mundo,dejo vivir en paza este gran culpable... ¡y vos!

FELIPEPara soportar los díasde pruebas en que estamos,he buscado en mi corte,ese vasto desierto de hombres,un hombre, un amigo seguro...¡Lo he encontrado!

EL INQUISIDOR¿Por quéun hombre? ¿Y con qué derechoos llamáis rey, sire, si tenéis iguales?

FELIPE¡Cállate, sacerdote!...

EL INQUISIDOR¡El espíritu de los innovadoresen vos ya penetra!¡Queréis libraros con vuestra débil manodel santo yugo extendidosobre el universo romano!...¡Regresad al deber!...La iglesia, como buena madre,aún puede acogerun arrepentimiento sincero.¡Entregadnos al marqués de Posa!

FELIPE¡No, jamás!

EL INQUISIDOR¡Oh rey, si no estuviese aquí,en este palaciohoy, por el Dios vivo,mañana vos mismoestaríais ante nosotrosen el tribunal supremo!

FELIPE¡Sacerdote! ¡He sufrido muchotu orgullo criminal!

EL INQUISIDOR¿Por qué la evocáis,la sombra de Samuel?Di dos reyesa este poderoso imperio,la obra de toda mi vida,vos queréis destruirla...¿Qué vengo a hacer aquí?¿De mí que queríais?

(Se dispone a salir.)

FELIPEPadre, que la pazvuelva a descender entre nosotros.

EL INQUISIDOR(alejándose)¿La paz?

FELIPE¡Que el pasado sea olvidado!

EL INQUISIDOR(en la puerta, mientras sale)¡Quizás!

FELIPE(solo)¡El orgullo del rey se doblegaante el orgullo del sacerdote!

PHILIPPEPour traverser les joursd’épreuves où nous sommes,J’ai cherché dans ma cour,ce vaste désert d’hommes,Un homme, un ami sûr...Je l’ai trouvé!

L’INQUISITEURPourquoiUn homme? Et de quel droitvous nommez-vous le Roi,Sire, si vous avez des égaux?

PHILIPPETais-toi, prêtre!...

L’INQUISITEURL’esprit de novateurschez vous déjà pénètre!Vous voulez secouer de votre faible mainLe saint joug étendusur l’univers romain!...Rentrez dans le devoir!...L’Église, en bonne mère,Peut encore accueillirun repentir sincère.Livrez-nous le marquis de Posa!

PHILIPPENon, jamais!

L’INQUISITEURÔ Roi, si je n’étais ici,dans ce palaisAujourd’hui: par le Dieu vivant,demain vous-même,Vous seriez devant nousau tribunal suprême!

PHILIPPEPrêtre! J’ai trop souffertton orgueil criminel!

L’INQUISITEURPourquoi l’évoquiez-vous,l’ombre de Samuel?J’avais donné deux roisà ce puissant empire,L’œuvre de tous mes jours,vous voulez la détruire...Que viens-je faire ici?De moi que vouliez-vous?

(Il va pour sortir.)

PHILIPPEMon père, que la paixredescende entre nous.

L’INQUISITEUR(en s’éloignant toujours)La paix?

PHILIPPEQue le passé soit oublié!

L’INQUISITEUR(sur la porte en sortant)Peut-être!

PHILIPPE(seul)L’orgueil du roi fléchitdevant l’orgueil du prêtre!

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Scène TroisièmePhilippe, Élisabeth.

ÉLISABETH(entrant, et se jetant aux pieds du Roi)Justice! Sire! J’ai foiDans la loyauté du Roi!Je suis dans votre courindignement traitéeEt par des ennemis inconnus insultée...Mon coffret... il contient,Sire, tout un trésor,Mes bijoux... des objetsplus précieux encor...On l’a volé!... chez moi!...Justice! je réclameDe Votre Majesté!...

(En voyant l’expression terrible du visage de Philippe, Élisabeth s’arrête épouvantée. Le Roi se lève lentement, prend un coffret sur la table et le présente à la Reine.)

PHILIPPEVotre coffret, Madame,Le voilà!

ÉLISABETHCiel!

PHILIPPEVous plaît-il de l’ouvrir?(Élisabeth refuse du geste.)Je l’ouvrirai donc, moi!

(Brise le coffret.)

ÉLISABETHDieu! viens me secourir!

PHILIPPEUn portrait de l’Infant!...Vous gardez le silence?...Un portrait de l’Infant!

ÉLISABETHOui!

PHILIPPEParmi vos bijoux?

ÉLISABETHOui!

PHILIPPEQuoi! vous l’avouez devant moi?...

ÉLISABETHDevant vous!Ce portrait... Je l’avais en France.Lorsque Dieu vous fit mon époux,À l’Infant j’étais fiancée.Comment chasser de ma penséeLe lien qui fut entre nous?J’ai pour Carlos un cœur de mère.Si Dieu daigne m’entendre, un jourL’Infant trouvera chez son pèrePlus de justice et plus d’amour!

PHILIPPEVous me parlez avec hardiesse!Vous ne m’avez connu...qu’en des jours de faiblesse;Mais la faiblesse un jourpeut devenir fureur.Alors, malheur sur vous, sur tous!

Escena TerceraFelipe, Isabel.

ISABEL(entrando y arrojándose a los pies del rey)¡Justicia! ¡Sire! ¡Tengo feen la lealtad del rey!Soy en vuestra corteindignamente trataday por enemigos desconocidos insultada...Mi joyero... contiene,Sire, todo un tesoro,mis joyas... objetosmás preciados aún...¡Lo han robado!... En mis aposentos!...¡Justicia! ¡Lareclamo de Vuestra Majestad!...

(Al ver la terrible expresión del rostro de Felipe, Isabel se detiene asustada.El rey se levanta lentamente, toma un joyero de la mesa y se lo presenta a la reina.)

FELIPE¡Vuestro joyero, señora,aquí está!

ISABEL¡Cielo!

FELIPE¿Me hacéis el favor de abrirlo?(Isabel se niega con un gesto.)¡Entonces lo abriré yo!

(Fuerza el joyero.)

ISABEL(¡Dios, ven a socorrerme!)

FELIPE¡Un retrato del Infante!...¿Guardáis silencio?...¡Un retrato del Infante!

ISABEL¡Sí!

FELIPE¿Entre vuestras joyas?

ISABEL¡Sí!

FELIPE¡Cómo! ¿Lo confesáis ante mí?...

ISABEL¡Ante vos!Ese retrato... Lo tenía en Francia.Cuando Dios os hizo mi esposo,estaba prometida al Infante.¿Cómo apartar de mi menteel vínculo que hubo entre nosotros?Tengo para Carlos un corazón de madre.¡Si Dios se digna escucharme, un díael Infante hallará en su padremás justicia y más amor!

FELIPE¡Me habláis con insolencia!No me habéis conocido...más que en días de debilidad.Mas la debilidad un díapuede convertirse en furor.¡Entonces, ay de vos, ay de todos!

ÉLISABETHQuel crime ai-je commis?

PHILIPPEParjure!Si l’infamie a comblé la mesure,Si vous m’avez trahi...par le Dieu tout puissant,Tremblez! Je verserai le sang!

ÉLISABETHJe vous plains!

PHILIPPEVous! Me plaindre?Une femme adultère!

ÉLISABETH(s’évanouissant)Ah!

PHILIPPE(ouvrant les portes)Secourez la Reine!

Scène QuatrièmeLes mêmes, la princesse d’Eboli entre précipitamment, Rodrigue un peuaprès.

EBOLI(effrayée en voyant la reine évanouie)(Oh Ciel! Que vois-je! Hélas!)

RODRIGUESire!... À vous obéit la moitié de la terre:Êtes-vous donc, dans vos vastes États,Le seul à qui vous ne commandiez pas?

PHILIPPE(Maudit soit le soupçon infâme,Œuvre d’un démon odieux!Non! La fierté de cette femmeN’est pas le crime audacieux!)

RODRIGUE(Il faut agir et voici l’heure.La foudre gronde au sein des cieux.Que pour l’Espagne un homme meureEn lui léguant l’avenir radieux!)

EBOLI(Ô remords! amère tristesse!J’ai commis un crime odieux!J’ai trahi ma noble maîtresse:Mon pardon viendra-t-il des cieux?)

ÉLISABETH(revenant à elle)Où suis-je? Hélas! Ma pauvre mère,Vois les pleurs qui brûlent mes yeux.Je suis sur la terre étrangère!Mon seul espoir est dans les cieux.

(Le Roi sort après un peu d’hésitation. Rodrigue le suit avec un geste résolu. Eboli reste auprès de la Reine.)

Scène CinquièmeÉlisabeth et Eboli.

EBOLI(se jetant aux pieds d’Élisabeth)Pitié! Pardon pour la femme coupable!

ISABEL¿Qué crimen he cometido?

FELIPE¡Perjura!¡Si la infamia ha colmado la medida,si me habéis traicionado,por el Dios todopoderoso,temblad! ¡Derramaré sangre!

ISABEL¡Os compadezco!

FELIPE¡Vos! ¿Compadecerme?¡Una mujer adúltera!

ISABEL(desvaneciéndose)¡Ah!

FELIPE(abriendo las puertas)¡Socorred a la reina!

Escena CuartaDichos, la Princesa de Éboli, que entra precipitadamente, Rodrigo un poco después.

ÉBOLI(asustada al ver a la reina desvanecida)(¡Oh Cielo! ¡Qué veo! ¡Ay!)

RODRIGO¡Sire!... Os obedece la mitad de la tierra.¿Sois, acaso, en vuestros vastosEstados, el único a quien no gobernáis?

FELIPE(¡Maldita sea la sospecha infame,obra de un demonio odioso!¡No! ¡El orgullo de esta mujerno es el crimen insolente!)

RODRIGO(Hay que actuar y he aquí el momento.El rayo ruge en el seno de los cielos.¡Que por España un hombre mueralegándole el porvenir radiante!)

ÉBOLI(¡Oh remordimientos! ¡Amarga tristeza!¡He cometido un crimen odioso!¡He traicionado a mi noble señora!¿Mi perdón llegará de los cielos?)

ISABEL(volviendo en sí)¿Dónde estoy? ¡Ay! Mi pobre madre,mira las lágrimas que abrasan mis ojos.¡Soy extranjera en esta tierra!Mi única esperanza está en los cielos.

(El rey sale tras breve vacilación. Rodrigo le sigue con gesto decidido. Éboli se queda con la reina.)

Escena QuintaIsabel y Éboli.

ÉBOLI(arrojándose a los pies de Isabel)¡Piedad! ¡Perdón para la mujer culpable!

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ÉLISABETHRelevez-vous! Quel crime?...

EBOLIAh! Le remords m’accable!Mon cœur est désolé.Ange du ciel, Reine auguste et sacrée,Sachez à quel démonl’enfer vous a livrée!Votre coffret... c’est moiqui l’ai volé!

ÉLISABETHVous!

EBOLIOui, par moi vous fûtes accusée!

ÉLISABETHPar vous!

EBOLIOui! L’amour, la fureur,ma haine contre vous!Tous les tourments jalouxdéchaînés dans mon cœur.J’aimais l’Infant...l’Infant m’a repoussée!

ÉLISABETHJ’ai tout compris...à mon œil étonnéSe montre la trame effroyable...Mais de ce cœurau remords condamné,Je plains la douleur misérable.

EBOLIL’affreux remords, enferau feu vengeurBrûle mon âme misérable,et rien jamais ne finira l’horreurDe cette torture effroyable.

ÉLISABETH(Ah! Que le ciel pardonneÀ ses amers regrets,Que sa bonté lui donneL’espérance et la paix!)

EBOLIMon cœur brisé frissonneDe douleur, de regrets,Dieu jamais ne pardonneÀ de pareils forfaits.

(Elle tombe à genoux.)

ÉLISABETHVous l’aimiez? Levez-vous...j’ai déjà pardonné!

EBOLIPoint de pardon! encor un aveu terrible.

ÉLISABETHEncor?

EBOLILe crime irrémissibleDont je vous accusais,je l’avais commis, moi...Une séduction... le Roi!

ISABEL¡Levantaos! ¿Qué crimen?...

ÉBOLI¡Ah! ¡El remordimiento me acusa!Mi corazón está desolado.¡Ángel del cielo, reina augusta y sagrada,sabed a qué demonioel infierno os ha entregado!Vuestro joyero... he sido yoquien lo ha robado.

ISABEL¡Vos!

ÉBOLI¡Sí, por mí fuisteis acusada!

ISABEL¡Por vos!

ÉBOLI¡Sí! ¡El amor, el furor,mi odio contra vos!Todos los tormentos celososdesencadenados en mi corazón.Yo amaba al Infante...¡el Infante me ha rechazado!

ISABEL¡He comprendido todo!...¡Ante mis ojos asombradosse muestra la trama espantosa...Mas de este corazóncondenado al remordimiento,lamento el dolor miserable.

ÉBOLI¡El horrible remordimiento, infierno,en el fuego vengadorquema mi alma miserable,y ya nada borrará jamás el horrorde esta tortura espantosa!

ISABEL(¡Ah! ¡Que el cielo la perdonepor sus amargos pesares,que en su bondad le déla esperanza y la paz!)

ÉBOLIMi corazón destrozado se estremecede dolor, de pesar,Dios jamás perdonasemejantes crímenes.

(Cae de rodillas.)

ISABEL¿Le amasteis?... Alzaos...¡ya he perdonado!

ÉBOLI¡No hay perdón! Otra confesión terrible.

ISABEL¿Otra?

ÉBOLIEl crimen irremisible...del que os acusé,lo había cometido yo...Una seducción... ¡el rey!

ISABEL(¡Horror!)

(Se vela y sale en silencio.)

ÉBOLI¡Ella me ha condenado!¡Todo ha terminado,soy abandonada por el cielo!

ISABELPrincesa, devolvedme vuestra cruz.

ÉBOLI(obedeciendo, trémula)¿Puedovolver a ver alguna veza mi noble soberana?

ISABELElegiréis antes de que amanezca,entre un claustro y el exilio.¡Vivid dichosa!

(Sale.)

ÉBOLI¡Ah, no veré más a la reina!

Escena SextaÉboli, sola.

ÉBOLI¡Oh don fatal y detestado,presente del cielo en su cólera!¡Oh tú, que haces a la mujer tanorgullosa, te maldigo, oh belleza mía!¡Caed, caed, lágrimas amargas!¡Mis traiciones y mis crímenes,mis deshonras y mis miserias,no las lavaréis jamás!¡Te maldigo, oh belleza mía!¡Adiós, reina, víctima purade mis desleales y locos amores!¡En un convento y bajo el sayalme sepulto para siempre!¿Y Carlos?... ¡Sí! ¡Mañana, quizás,caerá bajo el acero sagrado!¡Ah! ¡Un día me queda!...¡Ah, me siento renacer!Bendito sea este día... ¡Le salvaré!

(Sale precipitadamente.)

Cuadro Segundo

La prisión de Carlos. Al fondo, rejas de hierro que separan la prisión de un patio que la domina y en el que los guardias van y vienen. Una escalera de piedra desciende a este patio desde los pisos superiores del palacio.

Escena PrimeraCarlos y Rodrigo.

(Carlos está sentado, la cabeza en las manos, absorto en sus pensamientos. Entra Rodrigo y habla en voz baja a unos oficiales. Hace un movimiento que saca a Carlos de su ensoñación.)

ÉLISABETH(Horreur!)

(Elle se voile et sort en silence.)

EBOLIElle m’a condamnée!Tout est fini,je suis du ciel abandonnée!

ÉLISABETHPrincesse, rendez moi votre croix.

EBOLI(obéissant, tremblante)Se peut-ilQue je revoie encorma noble souveraine?

ÉLISABETHVous choisirez avant l’aube prochaine,Entre un cloître et l’exil.Vivez heureuse!

(Elle sort.)

EBOLIAh! je ne verrai plus la Reine!

Scène SixièmeÉboli, seule.

EBOLIÔ don fatal et détesté,Présent du ciel en sa colère!Ô toi qui rends la femme si fière,Je te maudis, ô ma beauté!Tombez, tombez, larmes amères!Mes trahisons et mes forfaits,Mes souillures et mes misères,Vous ne les laverez jamais!Je te maudis, ô ma beauté!Adieu, Reine, victime pureDe mes déloyales et folles amours!Dans un couvent et sous la bure,Je m’ensevelis pour toujours!Et Carlos?... Oui! demain, peut-être,Il tombera sous le fer sacré!Ah! Un jour me reste!...Ah! Je me sens renaître!Béni ce jour... Je le sauverai!

(Elle sort précipitamment.)

Deuxième Tableau

La prison de Carlos. Au fond, des grilles de fer séparant la prison d’une cour qui la domine, et dans laquelle les gardes vont et viennent. Un escalier de pierre descend dans cette cour des étages supérieurs du palais.

Scène PremièreCarlos et Rodrigue.

(Carlos est assis, la tête dans ses mains, perdu dans ses pensées. Rodrigue entre et parle bas à quelques officiers. Il fait un mouvement qui tire Carlos de sa rêverie.)

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RODRIGUEC’est moi, Carlos!

CARLOS(lui donnant la main)Mon Rodrigue! Il est beauÀ toi de me venirtrouver dans ce tombeau!

RODRIGUECarlos!

CARLOSTu l’as compris,ma force est abattue!L’amour d’Élisabethme torture et me tue...Non! Je ne puis plus rienpour les hommes! Mais toi,Donne-leur les jours d’orqu’ils attendaient de moi!

RODRIGUEAh! Connais mieux mon âmeet ma tendresse.Tu vas sortir de ce funèbre lieu.Avec quel doux orgueilsur mon cœur je te presse!Je t’ai sauvé!

CARLOSComment?

RODRIGUEIl faut nous dire adieu!(Carlos reste immobile, regardant Rodrigue avec stupeur.)Oui, Carlos! C’est mon jour suprême,Échangeons l’adieu solennel.Dieu permet encore qu’on s’aimePrès de lui, quand on est au ciel.Dans tes yeux tout baignés de larmes,Pourquoi donc ce muet effroi?Qui plains-tu?La mort a des charmes,Ô mon Carlos, à qui meurt pour toi!

CARLOS(en tremblant)Que parles-tu de mort?...

RODRIGUEÉcoute! Le temps presse...J’ai détourné de toi la foudre vengeresse!Aujourd’hui... le rival du Roi,Le traître agitateur de la Flandre...c’est moi!

CARLOSMalheureux! Qui croira?...

RODRIGUEVingt preuves amassées!Tes papiers chez moi surpris,Preuves de trahisonqu’à dessein j’ai laissées...Ma tête en ce momentsans doute est mise à prix!

(Deux hommes descendent l’escalier de pierre de la prison; l’un d’eux vêtu de l’habit du Saint-Office, l’autre armé d’une arquebuse. Ils s’arrêtent et se montrent Carlos et Rodrigue qui ne les voient pas.)

RODRIGO¡Soy yo, Carlos!

CARLOS(dándole la mano)¡Mi Rodrigo! ¡Es de agradecerteque vengasa verme a esta tumba!

RODRIGO¡Carlos!

CARLOS¡Lo has comprendido,mi fuerza me ha abandonado!El amor de Isabelme tortura y me mata...¡No, ya no puedo hacer nadapor los hombres! ¡Mas tú,dales los tiempos doradosque esperaban de mí!

RODRIGO¡Ah! Conoce mejor mi almay mi ternura.Vas a salir de este fúnebre lugar.¡Con qué dulce orgulloen mi corazón te estrecho!¡Te he salvado!

CARLOS¿Cómo?

RODRIGO¡Hemos de decirnos adiós!(Carlos permanece inmóvil, mirando a Rodrigo con estupor.)¡Sí, Carlos! Es mi día supremo,intercambiemos la despedida solemne.Dios permite aún que nos amemosjunto a él, cuando se está en el cielo.En tus ojos bañados de lágrimas,¿por qué, entonces, ese mudo pavor?¿De qué te lamentas?¡La muerte tiene encantos,oh Carlos mío, para quien muere por ti!

CARLOS(temblando)¿Qué hablas de muerte?...

RODRIGO¡Escucha! El tiempo apremia...¡He desviado de ti el rayo vengador!Hoy... el rival del rey,el traidor agitador de Flandes...¡soy yo!

CARLOS¡Desdichado! ¿Quién lo creerá?...

RODRIGO¡Veinte pruebas acumuladas!Tus papeles sorprendidos en mi casa,pruebas de traiciónque a propósito he dejado...¡Mi cabeza en este momento,sin duda, está puesta a precio!

(Dos hombres descienden por la escalera de piedra de la prisión; uno de ellos vestido con el hábito del Santo Oficio; el otro armado con un arcabuz. Se detienen y se señalan a Carlos y Rodrigo, que no les ven.)

CARLOSJ’irai devant le Roi...

RODRIGUEGarde-toi pour la Flandre!Garde-toi pour notre œuvre,il la faudra défendre...Un nouvel âge d’orrenaîtra sous ta loi,Oui, tu devais régner,et moi mourir pour toi!

(L’homme à l’arquebuse ajuste Rodrigue et tire.)

CARLOSCiel! La mort! Pour qui donc?

RODRIGUE(blessé mortellement)Pour moi!...La vengeance du Roine se fait pas attendre!...

(Il tombe dans les bras de Carlos éperdu.)

CARLOSGrand Dieu!

RODRIGUECarlos, écoute... Ta mèreT’attend à Saint-Just demain;Elle sait tout!... Ah! La terreMe manque... Ô Carlos! ta main...Ah! Je meurs l’âme joyeuse,Car tu vis sauvé par moi...Ah! Je vois l’Espagne heureuse!Adieu! Carlos, ah! souviens-toi!Carlos, souviens-toi!...Tu devais régner,Et moi mourir pour toi!Ah! Je meurs l’âme joyeuse,Car tu vis sauvé par moi...Ah! Je vois l’Espagne heureuse!Adieu! Carlos, ah! souviens-toi!Ah! La terreMe manque... Carlos, ta main...Carlos! Ah! Sauve la Flandre!Adieu! Carlos, ah! Adieu!

(Il meurt. Carlos tombe désespéré sur son corps.)

Scène DeuxièmePhilippe avec sa suite, Grands d’Espagne et le comte de Lerme. Carlos, agenouillé près du cadavre de Rodrigue. Puis, Éboli et le Grand Inquisiteur.

PHILIPPE(à Carlos, après un silence)Mon fils, reprenez votre épée;Ma confiance fut trompée,Mais le traître a subi son sort!(Il tend les bras à Carlos)Venez!

CARLOS(au désespoir sur le cadavre de Rodrigue)Arrière! De ce mortLe sang a rejailli jusqu’à votre visage!Dieu marque votre frontdu sceau de son courroux!

CARLOSIré ante el rey...

RODRIGO¡Guárdate para Flandes!Guárdate para nuestra obra,habrá que defenderla...¡Un nuevo siglo de ororenacerá bajo tu ley,sí, tú debías reinar,y yo morir por ti!

(El hombre del arcabuz apunta a Rodrigo y dispara.)

CARLOS¡Cielo! ¡La muerte! ¿Para quién?

RODRIGO(mortalmente herido)¡Para mí!...¡La venganza del reyno se hace esperar!...

(Cae en los brazos de Carlos trastornado.)

CARLOS¡Gran Dios!

RODRIGOCarlos, escucha... Tu madrete espera en Yuste mañana.¡Ella sabe todo!... ¡Ah! El suelome falla... ¡Oh Carlos! tu mano...¡Ah! Muero con el alma dichosa,pues tú vives salvado por mí...¡Ah! ¡Veo a España feliz!¡Adiós! ¡Carlos, ah, acuérdate!¡Carlos, acuérdate!...¡Tú debías reinar,y yo morir por ti!¡Ah! Muero con el alma dichosa,pues tú vives salvado por mí...¡Ah! ¡Veo a España feliz!¡Adiós! ¡Carlos, ah, acuérdate!¡Ah, el suelome falla... Carlos, tu mano...¡Carlos! ¡Ah! ¡Salva Flandes!¡Adiós! ¡Carlos, ah! ¡Adiós!

(Muere. Carlos cae desesperado sobre su cuerpo.)

Escena SegundaFelipe con su séquito, Grandes de España y el conde de Lerma. Carlos, arrodillado junto al cadáver de Rodrigo. Luego, Éboli y el Gran Inquisidor.

FELIPE(a Carlos, tras un silencio)Hijo mío, recobrad vuestra espada.Mi confianza fue engañada,¡pero el traidor ha sufrido su suerte!(tiende los brazos a Carlos)¡Venid!

CARLOS(desesperadamente sobre el cadáver de Rodrigo)¡Atrás!... ¡La sangre de estemuerto ha salpicado hasta vuestro rostro!¡Dios marca vuestra frentecon el signo de su ira!

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PHILIPPEMon fils!

CARLOSVous n’avez plus de fils! Choisissez-vousParmi ceux des bourreauxun fils à votre image!

PHILIPPE(à sa suite, voulant sortir)Suivez-moi!

CARLOS(l’arrêtant avec violence)Connaisseur profonddu cœur humain,Vous saurez quel sang pura versé votre main!Il m’aimait et nous étions frères...Nos cœurs étaient liéspar d’éternels serments;Méprisant vos bienfaits,méprisant vos colères,C’est pour moi qu’il est mort!

PHILIPPEDieu! Mes pressentiments!

CARLOSÔ Roi de meurtre et d’épouvante!Cherche qui porterata couronne sanglanteQuand ta dernière heure aura lui!(montrant le cadavre de Rodrigue)Mes royaumes sont près de lui!

(Il se jette sur le corps de Rodrigue.)

PHILIPPEQui me rendra ce mort?Ô funèbres abîmes!Celui-là seul... parmi tant de victimes!Un homme, un seul,un héros était né,J’ai brisé cet appuique Dieu m’avait donné!Oui, je l’aimais... Sa noble paroleÀ l’âme révélait un monde nouveau!Cet homme fier...ce cœur de flamme,C’est moi qui l’ai jetédans l’horreur du tombeau!Qui me rendra ce mort?

LES COURTISANSAh! C’est en vainque nous vivons encore.Il nous ravit le cœur du Roique le regret dévore!Espagnols! descendonsdans la nuit du tombeau!

CARLOSÔ mon ami, donne-moi ta grande âme,Fais de moi le hérosde ton monde nouveau!Remplis mon cœur de la divine flamme,Ou fais moi près de toiplace dans le tombeau!

(Le tocsin sonne.)

FELIPE¡Hijo mío!

CARLOS¡Ya no tenéis hijo! ¡Escogedde entre vuestros verdugosa un hijo a vuestra imagen!

FELIPE(a su séquito, queriendo salir)¡Seguidme!

CARLOS(deteniéndole con violencia)¡Conocedor profundodel corazón humano,sabréis qué sangre puraha vertido vuestra mano!Él me amaba, y éramos hermanos...¡Nuestros corazones estaban unidospor juramentos eternos;despreciando vuestros beneficios,despreciando vuestras iras,es por mí que está muerto!

FELIPE¡Dios! ¡Mis presentimientos!

CARLOS¡Oh rey de asesinato y de horror!¡Busca a quien llevarátu corona sangrientacuando tu última hora brille!(señalando el cadáver de Rodrigo)¡Mis reinos está junto a él!...

(Se arroja sobre el cuerpo de Rodrigo.)

FELIPE¿Quién me devolverá esta muerte?¡Oh fúnebres abismos!Éste sólo... ¡entre tantas víctimas!¡Un hombre, uno solo,un héroe había nacido,yo he destruido este apoyoque Dios me había dado!Sí, yo le apreciaba... ¡Su noble palabraal alma revelaba un mundo nuevo!¡Este hombre orgulloso...ese corazón ardiente,soy yo quien le he arrojadoal horror de la tumba!¿Quién me devolverá esta muerte?

LOS CORTESANOS¡Ah! En vanoaún vivimos.¡Nos arrebata el corazón del reya quien la pena devora!¡Españoles! ¡Descendamosa la noche de la tumba!

CARLOS¡Oh amigo mío, dame tu gran alma,haz de mí el héroede tu mundo nuevo!¡Colma mi corazón con la llama divina,o hazme sitio juntoa ti en la tumba!

(Suena el toque de alarma.)

Escena TerceraDichos, el Conde de Lerma,luego Isabel.

CORO DE CORTESANOS¡Cielo! ¡El toque de alarma!

EL CONDE DE LERMA(entrando con la espada en la mano)¡Rebelión! ¡Oh Sire!Salvad vuestra vida...¡El pueblo está enloquecido!¡Ha forzado el palacio... triunfante,viene para salvar al Infante!

(Se llevan el cadáver de Rodrigo. Carlos le sigue desesperado.)

ISABEL(entrando, muy agitada)¡Salvad al rey!... ¡Sire! ¡Tiemblopor vuestra majestad!...¡Huyamos, huyamos juntos!

FELIPE(con autoridad, señalando las puertas del fondo, detrás de las cuales el gentío amenazante ya ha llegado)¡Abrid esas puertas!

ISABEL¡Cielo!...

LOS GRANDES DE ESPAÑA¡El pueblo está furioso!

FELIPE¡Abrid esas puertas... lo quiero!

Escena CuartaDichos, Éboli, enmascarada, a la cabeza del pueblo, el Coro del Pueblo.

EL CORO DEL PUEBLO¡La muerte a quien nos detenga!¡Golpeemos sin piedad, sin temor!¡Temblad y agachad la cabezaante el pueblo vengador!

ISABEL¡Grandes de España, salvad al rey!

CORO DE CORTESANOS¡Muerte a los rebeldes! ¡Viva el rey!

(Éboli aparece en la terraza, al fondo, precediendo a Carlos, a quien el pueblo arrastra fuera.)

FELIPE(al pueblo)¡Golpead!... ¿A qué esperáis?¡Aquí estoy! ¡Valor!¡Matad a un anciano,hombres de corazón leal!¡Y sobre mi cuerpo sangriento,marchad para rendir homenaje a mi hijo cubiertocon mi manto real!

EL CORO DEL PUEBLO¡Ah! ¡Esa voz!...

FELIPE¡Golpead! ¡Aquí estoy! ¡Valor!

Scène TroisièmeLes mêmes, le Comte de Lerme,puis Élisabeth.

CHŒUR DES COURTISANSCiel! le tocsin!

LE COMTE DE LERME(entrant l’épée à la main)Rebellion! Ô Sire!Sauvez vos jours...Le peuple est en délire!Il a forcé le palais... triomphant,Il vient pour délivrer l’Infant!

(On emporte le cadavre de Rodrigue. Carlos le suit désespéré.)

ÉLISABETH(entrant, très agitée)Sauvez le Roi!... Sire! je tremblePour votre Majesté!...Fuyons, fuyons ensemble!

PHILIPPE(avec autorité, désignant les portes du fond, derrière lesquelles la foule menaçante est déjà parvenue)Ouvrez ces portes!

ÉLISABETHCiel!...

LES GRANDS D’ESPAGNELe peuple est furieux!

PHILIPPEOuvrez ces portes... je le veux!

Scène QuatrièmeLes mêmes, Eboli, masquée, à la tête du peuple, le Chœur du Peuple.

LE CHŒUR DU PEUPLELa mort à qui nous arrête!Frappons sans pitié, sans peur!Tremblez et courbez la têteDevant le peuple vengeur!

ÉLISABETHGrands d’Espagne, sauvez le Roi!

CHŒUR DES COURTISANSMort aux rebelles! vive le Roi!

(Eboli paraît sur la terrasse, au fond, précédant Carlos, qui le peuple entraîne au dehors.)

PHILIPPE(au Peuple)Frappez!... Que tardez-vous?Me voilà! du courage!Égorgez un vieillard,hommes au cœur loyal!Et sur mon corps sanglant,marchez pour rendre hommageÀ mon fils revêtude mon manteau royal!

LE CHŒUR DU PEUPLEAh! cette voix!…

PHILIPPEFrappez! Me voilà, du courage!

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50 - ABAO-OLBE

LE CHŒUR DU PEUPLECes regards! Dieu lui-mêmea parlé,Sur nos frontsva tomber l’anathème!

EBOLIVoyez si je l’aimais!Courant les carrefoursJ’ai soulevé le peupleet j’ai sauvé ses jours!Le cloître m’attend! Adieu Reine!

ELISABETHGrands Dieux!Ah! Je me soutiens à peine.

Scène CinquièmeLes mêmes, le Grand Inquisiteur, apparaissant au fond, entouré de Dominicains.

L’INQUISITEURÀ genoux!

LE PEUPLE(reculant)Le Grand Inquisiteur!...

L’INQUISITEUR(avec autorité)Ô peuple sacrilège,Prosterne-toi devant celuique Dieu protège!

L’INQUISITEUR, PHILIPPEÀ genoux! à genoux!

LES GRANDS D’ESPAGNE(l’épée à la main)Vive le Roi!

LE PEUPLE(prosterné autour du Roi)Seigneur, pardonnez-nous!

TOUSGrand Dieu! Gloire à toi!

(Le Grand Inquisiteur descend vers Philippe, qui va à sa rencontre au milieu du peuple agenouillé. Eboli se jette aux pieds de la Reine, qui lui tend la main en signe de pardon.)

FIN DUQUATRIèME ACTE

EL CORO DEL PUEBLO¡Esas miradas! ¡El propio Diosha hablado,Sobre nuestras cabezasva a caer el anatema!

ÉBOLI¡Ved si le amaba!Recorriendo las encrucijadashe alzado al puebloy he salvado su vida!¡El claustro me espera! ¡Adiós, reina!

ISABEL¡Grandes dioses!¡Ah! Apenas me sostengo.

Escena QuintaDichos, el Gran Inquisidor, apareciendo al fondo, rodeado de dominicos.

EL INQUISIDOR¡De rodillas!

EL PUEBLO(retrocediendo)¡El Gran Inquisidor!...

EL INQUISIDOR(con autoridad)Oh pueblo sacrílego,prostérnate ante aquéla quien Dios protege!

EL INQUISIDOR, FELIPE¡De rodillas! ¡De rodillas!

LOS GRANDES DE ESPAÑA(espada en mano)¡Viva el rey!

EL PUEBLO(prosternado alrededor del rey)¡Señor, perdónanos!

TODOS¡Gran Dios! ¡Gloria a ti!

(El Gran Inquisidor desciende hacia Felipe, que va a su encuentro en medio del pueblo arrodillado. Éboli se arroja a los pies de la reina, que le tiende la mano en señal de perdón.)

FIN DELACTO CUARTO

Le cloître de Saint-Just. La nuit. Effet de Lune.

Scène PremièreÉlisabeth, seule.

(Élisabeth entre lentement, perdue dans ses pensées. Elle s’approche du tombeau de Charles-Quint et s’agenouille.)

ÉLISABETHToi qui sus le néantdes grandeurs de ce monde,Toi qui goûtes enfinla paix douce et profonde,Si l’on répand encoredes larmes dans le ciel,Porte en pleurant mes pleursaux pieds de l’Éternel!Carlos va venir!... Oui!Qu’il parte, qu’il oublie...J’ai promis à Posa de veiller sur sa vie,Qu’il suive son chemin glorieux et béni!Pour moi, ma tâche est faite,et mon jour est fini!France, noble pays,si cher à mon jeune âge!Fontainebleau! Mon cœurest plein de votre image...C’est là que Dieu reçutnotre éternel serment:Et son éternité n’a duréqu’un moment...Beaux jardins espagnols,à l’heure pâle et sombre,Si Carlos doit encors’arrêter sous votre ombre,Que vos fleurs, vos gazons,vos fontaines, vos bois,Chantent mon souveniravec toutes leurs voix!Adieu, rêve doré...illusions!... chimère!...Tout lien est briséqui m’attache à la terre!Adieu, jeunesse, amour!...Succombant sous l’effort,Mon cœur n’a qu’un seul vœu,c’est la paix dans la mort!Toi qui sus le néantdes grandeurs de ce monde,Toi qui goûtes enfinla paix douce et profonde,Si l’on répand encoredes larmes dans le ciel,Porte en pleurant mes pleursaux pieds de l’Éternel!

Scène DeuxièmeCarlos, Élisabeth.

CARLOS(paraît)C’est elle!

ÉLISABETHUn mot... un seul,le mot qui recommandeÀ Dieu celui qui part;après je vous demandeD’oublier et de vivre!...

CARLOSOui, je veux être fort;Mais quand l’amour se brise,il tue avant la mort.

El monasterio de Yuste. De noche. Claro de luna.

Escena PrimeraIsabel, sola.

(Isabel entra lentamente, absorta en sus pensamientos. Se acerca a la tumba de Carlos V y se arrodilla.)

ISABEL¡Tú que conoces la vacuidadde las grandezas de este mundo,tú que saboreas al finla paz dulce y profunda,si aún se derramanlágrimas en el cielo,lleva llorando mis lágrimasa los pies del Eterno!¡Carlos va a venir!... ¡Sí!Que parta, que olvide...He prometido a Posa velar por su vida,¡que siga él su camino glorioso y bendito!¡Para mí, mi tarea está hecha,y mi vida ha terminado!¡Francia, noble país,tan querido en mi juventud!¡Fontainebleau! Mi corazónestá lleno de tu imagen...Es allí donde Dios recibiónuestro juramento eterno,y su eternidad no durómás que un momento...¡Bellos jardines españoles,en la hora pálida y sombría,si Carlos aún debedetenerse bajo vuestra sombra,que vuestras flores, céspedes,fuentes y bosques,canten mi recuerdocon todas sus voces!¡Adiós, sueño dorado...ilusiones... quimera!...¡Está roto todo lazoque me ata a la tierra!¡Adiós, juventud, amor!...Sucumbiendo bajo el esfuerzo,mi corazón no tiene más que un deseo:¡la paz de la muerte!¡Tú que conoces la vacuidadde las grandezas de este mundo,tú que saboreas al finla paz dulce y profunda,si aún se derramanlágrimas en el cielo,lleva llorando mis lágrimasa los pies del Eterno!

Escena SegundaCarlos, Isabel.

CARLOS(aparece)¡Es ella!

ISABELUna palabra... una sola,la palabra que encomiendaa Dios al que parte;¡después os pidoolvidar y vivir!...

CARLOSSí, quiero ser fuerte.Mas cuando el amor se rompe,mata antes que la muerte.

ActE cINQUIÈME Acto QUINto

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don carlos 51

ÉLISABETHNon! Songez à Rodrigue.Est-ce pour des chimèresQu’il s’est sacrifié?

CARLOSDans ses Flandres si chères,D’abord je veux lui faireélever un tombeau,Comme jamais un roin’en obtint de plus beau.

ÉLISABETHLes fleurs du Paradisréjouiront son ombre!

CARLOSJ’avais fait un beau rêve...il fuit!... et le jour sombreMe montre un incendieilluminant les airs,Un fleuve teint de sang,des villages déserts,Un peuple agonisant,et qui vers moi s’adresseComme à son Dieu sauveur,au jour de sa détresse.À lui j’accours; heureux si,quel que soit mon sort,Vous chantez mon triompheou pleurez sur ma mort!

ÉLISABETHOui, voilà l’héroïsmeavec ses nobles flammes,L’amour digne de nous,l’amour des grandes âmes.Il fait de l’homme un dieu!Va, sans perdre un instant,Va, monte au Calvaire,et sauve un peuple qui t’attend!

CARLOSOui, c’est par votre voixque le peuple m’appelle,Et si je meurs pour lui,que ma mort sera belle!Hier, hier encor,aucun pouvoir humainN’aurait pu séparer ma mainde cette main,Mais aujourd’hui l’honneursur mon amour l’emporte;Ma noble missionm’a fait une âme forte.Voyez, Élisabeth!Je vous tiens dans mes bras,Et ma vertu me reste et je ne fléchis pas!Lorsque tout est fini,quand ma main se retireDe vos mains... vous pleurez?

ÉLISABETHOui, mais je vous admire,Ce sont les pleurs de l’âme,et de nobles sanglots,Que les femmes toujoursaccordent aux héros!

ISABEL¡No! Pensad en Rodrigo.¿Es por quimerasque él se ha sacrificado?

CARLOS¡En su Flandes tan querido,antes quiero hacerleerigir una tumba,como jamás tuvoun rey más hermosa.

ISABEL¡Las flores del paraísoalegrarán su sombra!.

CARLOSYo tenía un bello sueño...¡desaparece! y el día sombríome muestra un incendioque ilumina los aires,un río teñido de sangre,ciudades desiertas,un pueblo agonizantey que a mí se dirigecomo a su Dios salvador,en el día de su desdicha.¡A él acudo, feliz si,sea cual sea mi suerte,vos cantáis mi triunfoo lloráis por mi muerte!

ISABELSí, he aquí el heroísmocon sus nobles llamas,el amor digno de nosotros,el amor de las grandes almas.¡Hace del hombre un dios!¡Ve, sin perder un instante,ve, sube al Calvarioy salva a un pueblo que te espera!

CARLOS¡Sí, es con tu vozque el pueblo me llama,y si muero por él,qué hermosa será mi muerte!¡Ayer, ayer todavía,ningún poder humanohubiera podido separar mi manode esta mano,pero hoy el honorsobre mi amor la lleva.Mi noble misiónme ha hecho un alma fuerte.¡Mira, Isabel!¡Te tengo en mis brazos,y mi virtud permanece y no me doblego!Cuando todo ha terminado,cuando mi mano se retirade tus manos... ¿lloras?

ISABEL¡Sí, pero te admiro,son las lágrimas del alma,y nobles sollozos,que las mujeres siempreconceden a los héroes!

ISABEL, CARLOSHasta la vista en un mundodonde la vida es mejor,donde el porvenir sin finda la primera hora.¡Y allí, encontraremosen la paz del Señor,a esa eterna ausenteque se llama felicidad!

ISABEL¡En el momento solemnenada de indigna debilidad...

ISABEL, CARLOSOlvidemos todos los nombresde profana ternura!Démonos esos nombres amadospara los más castos amores.

CARLOS¡Adiós, madre mía!

ISABEL¡Adiós, hijo mío!

ISABEL, CARLOS¡Y para siempre!

Escena TerceraDichos, Felipe, el Gran Inquisidor, Dominicos, Familiares del SantoOficio.

FELIPE(aferrando el brazo de la reina)Sí, para siempre...¡Es necesario un doble sacrificio!Cumpliré con mi deber.(al Inquisidor)¿Y vos?

EL INQUISIDOR¡El Santo Oficiocumplirá con el suyo!

FELIPE(señalando a Carlos)¡Os entrego a este criminal,oh ministros sagradosde las venganzas del cielo!¡Tomad este hijo ingratoque de mí Dios hizo nacer!Un detestable amor le consume...¡tomad a este traidor!

ISABEL, CARLOS¡Dios le / me juzgará!

CORO DE MONJES Y DE FAMILIARES DEL SANTO OFICIO¡Dios lo ha dicho,que el traidor sea maldecido!

EL INQUISIDOR¡Tomad a este denigradorde la fe católica,a este amigo de Posa,este perjuro herético!

ISABEL, CARLOS¡Dios le / me juzgará!

ÉLISABETH, CARLOSAu revoir dans un mondeoù la vie est meilleure,Où l’avenir sans finsonne la première heure;Et là, nous trouveronsdans la paix du Seigneur,Cet éternel absentqu’on nomme le bonheur!

ÉLISABETHAu moment solennelpoint d’indigne faiblesse...

ÉLISABETH, CARLOSOublions tous les nomsde profane tendresse!Donnons-nous ces noms chersaux plus chastes amours.

CARLOSAdieu, ma mère!

ÉLISABETHAdieu, mon fils!

ÉLISABETH, CARLOSEt pour toujours!

Scène TroisièmeLes mêmes, Philippe, le Grand Inquisiteur, Dominicains, Familiersdu Saint-Office.

PHILIPPE(prenant le bras de la Reine)Oui, pour toujours...il faut un double sacrifice!Je ferai mon devoir.(à l’Inquisiteur)Et vous?

L’INQUISITEURLe Saint-OfficeFera le sien!

PHILIPPE(montrant Carlos)Je vous livre ce criminel,Ô ministres sacrésdes vengeances du ciel!À vous ce fils ingratque de moi Dieu fit naître!Un détestable amour le brûle...à vous ce traître!

ÉLISABETH, CARLOSDieu le / me jugera!

CHŒUR DES MOINES ET DES FAMILIERS DU SAINT-OFFICEDieu l’a dit,Que le traître soit maudit!

L’INQUISITEURÀ vous ce contempteurde la foi catholique,Cet ami de Posa,ce parjure hérétique!

ÉLISABETH, CARLOSDieu le / me jugera!

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52 - ABAO-OLBE

CHŒUR DES MOINES ET DES FAMILIERS DU SAINT-OFFICEDieu l’a dit,L’hérétique soit maudit!

PHILIPPEÀ vous ce corrupteurde mon peuple fidèle,Cet ennemi des rois et de Dieu!...ce rebelle!

ÉLISABETH, CARLOSDieu le / me jugera!

CHŒUR DES MOINES ET DES FAMILIERS DU SAINT-OFFICEDieu l’a dit!Le rebelle soit maudit!

PHILIPPE, LE GRAND INQUISITEUR, LE CHŒURSois maudit!artisan d’une œuvre détestée!Sois maudit, et ta cendreà l’ouragan jetée!Chassé du lieu célesteoù la paix resplendit,Hérétique, rebelle et traître,sois maudit!...

ÉLISABETHDe nos chastes amours ces bourreaux font des crimes...

CARLOS, ÉLISABETHPourvoyeurs de la mortil leur faut deux victimes!

CARLOSMensonge!

ÉLISABETHHorreur!Dieu jugera!

PHILIPPEMon fils n’est plus!

L’INQUISITEUR(aux familiers du Saint-Office, désignant Carlos)Gardes!

CARLOS(au désespoir)Ah! Dieu me vengera,Ce tribunal de sang,sa main le brisera!...

(Carlos, en se défendant, recule vers le tombeau de Charles-Quint. La grille s’ouvre, le moine paraît, attire Carlos dans ses bras et le couvre de son manteau.)

LE MOINE(à Carlos)Mon fils, les douleurs de la terreNous suivent encor dans ce lieu,La paix que votre cœur espèreNe se trouve qu’auprès de Dieu!

L’INQUISITEURLa voix de l’Empereur!

CORO DE MONJES Y DE FAMILIARES DEL SANTO OFICIO¡Dios lo ha dicho,el herético sea maldecido!

FELIPE¡Tomad a este corruptorde mi pueblo fiel,este enemigo de los reyes y de Dios!...¡Este rebelde!

ISABEL, CARLOS¡Dios le / me juzgará!

CORO DE MONJES Y DE FAMILIARES DEL SANTO OFICIO¡Dios lo ha dicho!¡El rebelde sea maldecido!

FELIPE, EL GRAN INQUISIDOR, EL CORO¡Maldito seas!¡Artesano de una obra detestada!¡Maldito seas, y tus cenizasarrojadas al huracán!¡Expulsado del lugar celestedonde la paz resplandece,herético, rebelde y traidor,maldito seas!...

ISABELDe nuestro casto amor estos verdugos hacen un crimen...

CARLOS, ISABEL¡Proveedores de la muerte,les faltan dos víctimas!

CARLOS¡Mentira!

ISABEL¡Horror!¡Dios juzgará!

FELIPE¡Mi hijo ya no existe!

EL INQUISIDOR(a los familiares del Santo Oficio, señalando a Carlos)¡Guardias!

CARLOS(desesperado)¡Ah! ¡Dios me vengará,este tribunal de sangre,su mano lo destrozará!...

(Carlos, defendiéndose, retrocede hacia la tumba de Carlos V. La verja se abre, aparece el monje, atrae a Carlos a sus brazos y le cubre con su manto.)

EL MONJE(a Carlos)¡Hijo mío, los dolores de la tierranos siguen incluso a este lugar,la paz que tu corazón esperano se encuentra más que junto a Dios!

EL INQUISIDOR¡La voz del Emperador!

LE CHŒURC’est Charles-Quint!

PHILIPPE(épouvanté)Mon père!

ELISABETHGrand Dieu!

(Le moine entraîne dans le cloître Carlos éperdu.)

LE CHŒUR DES MOINES(dans la chapelle)Charles-Quint, l’auguste Empereur,N’est plus que cendre et que poussière!

FIN DEL’OPÉRA

(1) Variante en el texto de Rodrigo:

RODRIGUEJ’étais en Flandre,où je suivais l’armée!Je viens intercéder près de l’Infant CarlosPour ce noble paysoù le sang coule à flots!Secouez la Flandre opprimée!Dans le deuil et l’effroitout un peuple à genoux,Un peuple de martyrs lève les bras,Ce peuple lève les bras vers vous!Mais qu’ai-je vu? Quelle pâleur mortelle!Un éclair douloureuxdans vos yeux étincelle!Vous vous taisez...vous soupirez... des pleurs!...(avec un emportement de tendresse)Mon Carlos, donne-moi ma partde tes douleurs!

EL CORO¡Es Carlos V!

FELIPE(asustado)¡Mi padre!

ISABEL¡Gran Dios!

(El monje arrastra al monasterio a Carlos, trastornado.)

EL CORO DE MONJES(en la capilla)¡Carlos V, el augusto emperador,no es más que cenizas y polvo!

FIN DELA óPERA

RODRIGO¡He estado en Flandes,donde seguía al ejército!¡Vengo a interceder ante el infante Carlospor ese noble paísdonde la sangre fluye en ríos!¡Socorred a la oprimida Flandes!¡En el dolor y el espantotodo un pueblo de rodillas,un pueblo de mártires alza los brazos,ese pueblo alza los brazos hacia vos!Pero ¿qué he visto? ¡Qué palidez mortal!¡Un rayo dolorosoen vuestros ojos brilla!Os calláis...suspiráis... ¡lágrimas!...(con un arrebato de ternura)¡Mi Carlos, dame mi partede tus dolores!