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Actualités et perspectives thérapeutiques des lymphomes T cutanés

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Page 1: Actualités et perspectives thérapeutiques des lymphomes T cutanés

Actualités et perspectives thérapeutiques des lymphomes T cutanés

D’après la communication du Dr Bruno Sassolas

Service de dermatologie, CHU Brest, 29609 Brest, France

Par Maxime Battistella

Service d’anatomie pathologique, hôpital Saint-Louis, AP-HP, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris, France

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (M. Battistella) ; [email protected] (B. Sassolas).

© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Organe de la Société Française de Dermatologie et de l’Association des Dermatologistes Francophones

Actualités sur les lymphomes

Journées Dermatologiques de Paris

Paris, les 7-11 décembre 2010

66

978

ISSN 0151-9638

tome 138 hors-série 4 mai 2011

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires Céphalon

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2011) 138, 19-22

Contexte : problématique générale du traitement des lymphomes T cutanés

L’année 2010 a vu publier les recommandations du groupe français d’étude des lymphomes cutanés concernant la prise en charge des lymphomes T. Ces recommandations rappellent que pour proposer un traitement adapté, le diagnostic et le stade du lymphome doivent être précisément établis [1].

Du point de vue général, il convient d’éviter deux écueils principaux : la mise en route trop précoce d’un traitement inutilement agressif, dont on sait qu’il ne modi� era pas ou peu l’évolution générale de la maladie, qui est chronique, alors qu’une altération de la qualité de vie du fait de trai-tement est en revanche possible ; et le retard à la prise en charge laissant évoluer la maladie vers un stade où des traitements plus lourds et toxiques seront nécessaires.

La thérapeutique des lymphomes cutanés doit être adaptée au rapport béné� ce/risque de chaque traitement, et au pro� l évolutif de la maladie. L’obtention d’une réponse clinique ou histologique complète n’est pas toujours le but à poursuivre, en raison d’un risque de toxicité non négligeable. Il n’a pas été démontré qu’une réponse complète soit un

facteur pronostique pertinent concernant la survie sans récidive, la progression ou la survie globale, alors que la qualité de vie sera probablement dégradée par le traite-ment. L’évaluation de l’ef� cacité d’un traitement et de son retentissement est donc un enjeu fondamental dans les lymphomes cutanés T. Une échelle d’évaluation reproductible est actuellement en cours de préparation, prenant en compte plusieurs éléments : score mSWAT (extension des lésions), score de réponse de l’atteinte sanguine, réponse globale (cutanée, ganglionnaire et sanguine), délai et durée de réponse au traitement, délai de progression ou d’échec du traitement.

Actualités sur les chimiothérapies des lymphomes cutanés T

La gemcitabine (Gemzar®) est un analogue des pyrimidines utilisé en monothérapie dans le traitement des lymphomes T cutanés à un stade avancé. La gemcitabine a une ef� cacité démontrée et un pro� l de sécurité satisfaisant dans le

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traitement de diverses tumeurs solides et hématopoïétiques. Depuis � n 2009, des études ont été publiées sur son utilisation dans le cadre des lymphomes T cutanés.

Une étude évaluant l’ef� cacité de la gemcitabine chez 39 patients déjà traités (19 MF et 20 lymphomes T péri-phériques SAI) a montré dans le groupe des MF un taux de réponse complète de 16 % et un taux de réponse partielle de 32 % [2]. Chez les patients en réponse complète, la survie sans récidive variait de 15 à 120 mois. On notera que les MF de cette étude étaient tous N0 M0, et représentaient donc une population de patients sélectionnés.

Une étude multicentrique française sur 23 patients ayant un lymphome T cutané réfractaire aux traitements systé-miques a montré une réponse chez 62,5 % chez les patients ayant reçu au moins 3 cycles de chimiothérapie [3]. Les patients consistaient en 14 MF avancés, 6 SS, et 3 autres lymphomes T cutanés. Seuls 5 patients ont reçu 6 cycles de chimiothérapie, parmi lesquels 4 ont eu une réponse persistante. Une toxicité hématopoïétique était enregis-trée dans 15 cas sur 23, dont des neutropénies sévères (grade 3 ou 4) chez 7 patients (30 %). Six infections sévères étaient également enregistrées (26 %). D’autres effets indé-sirables sévères étaient notés : un syndrome hémolytique et urémique, un syndrome de fuite capillaire, une insuf� sance cardiaque sur arythmie, deux dermatoses bulleuses et érosives toxiques, et un syndrome grippal récidivant avec altération de l’état général.

Cette étude montre donc une relative ef� cacité anti-tumorale de la gemcitabine pour les MF/SS, mais avec une incidence élevée d’effets indésirables. On peut se demander si la fréquence des effets secondaires dans ce cadre n’est pas due au fait que ces patients ont reçu auparavant de nombreux traitements systémiques.

Un schéma de traitement par gemcitabine à faible dose a été proposé par une équipe allemande, ayant obtenu une réponse thérapeutique dans 3 MF tumoraux, à la dose de 250 mg/m2 hebdomadaire, supposée moins toxique que la dose standard (1200 mg/m2) [4].

Au total, la réponse à la gemcitabine (réponse complète ou partielle) varie de 50 à 70 % selon les études, avec un pro� l de toxicité non nul. La durée de réponse moyenne est d’environ 8 mois.

Dans une revue de 2010 sur les chimiothérapies des lym-phomes T cutanés, ont été comparés les taux et durées de réponse moyens avec les différentes mono-chimiothérapies actuellement proposées dans le cadre des MF/SS [5]. Le

tableau 1 résume ces données concernant la gemcitabine, la � udarabine, la cladribine, la pentostatine, la doxorubicine liposomale pégylée et le bortezomib.

Il ressort de cette revue que les monochimiothérapies actuellement utilisées dans les MF/SS ont un bon taux de réponse (gemcitabine, doxorubicine liposomale pegylée), mais que ces réponses sont souvent de courte durée (quelques mois). Ces chimiothérapies sont donc des options valides à proposer aux patients, tout en sachant que le traitement ne sera que « suspensif » la plupart du temps, pour quelques mois. Dans le cadre des projets de recherche clinique de l’EORTC, une étude est actuellement en cours a� n d’évaluer l’ef� cacité du lénalidomide en entretien après monochimio-thérapie par gemcitabine ou doxorubicine liposomale.

Actualités sur les rétinoïdes et autres traitements

Les rétinoïdes sont des modi� cateurs de la réponse bio-logique utilisés depuis longtemps dans le traitement des lymphomes T cutanés. Plus spéci� quement, le bexarotène est une molécule antagoniste du récepteur RXR utilisée depuis plusieurs années dans le traitement des lymphomes T cutanés, induisant l’apoptose des lymphocytes T malins. Les mécanismes moléculaires précis de son action pro-apopto-tique ne sont pas connus.

Plusieurs publications récentes de l’équipe de dermato-logie du CHU de Nantes apportent de nouvelles informations sur l’ef� cacité du bexarotène dans les lymphomes T cutanés. Le premier travail a porté sur l’étude rétrospective des clones T dominants sanguins et cutanés sous traitement par bexarotène 300 mg/m2 [6]. Des réponses cliniques étaient observées chez 45 % des patients étudiés. Parmi les 35 patients, 23 étaient traités pendant plus de 3 mois. Dans 7 cas, une photothérapie était adjointe au traitement par bexarotène. Les clones T dominants observés dans le sang chez 11 patients et dans la peau chez 19 patients n’étaient pas modi� és signi� cativement par le traitement par bexa-rotène, même en cas de réponse clinique. La présence d’un clone sanguin avant le début du bexarotène était prédictive d’une plus faible réponse au traitement et d’une progression de la maladie. L’association à la photothérapie améliorait signi� cativement la réponse au traitement, sans corrélation

Tableau 1. Taux et durée de réponse aux chimiothérapies des lymphomes T cutanés (d’après [5]).

Traitement Taux de réponse (%) Durée de réponse (mois)

Gemcitabine 70 8

Fludarabine 19 7,5

Cladribine 13-38 3-4

Pentostatin 71 NA

Doxorubicine liposomale pegylée 88 13

Bortezomib 67 7-14

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aux clones cutanés ou circulants. Le bexarotène semble donc avoir une action plus suspensive que curative chez ces patients. Il semble intéressant de potentialiser son effet par des traitements agissant aussi sur l’apoptose cellulaire T, comme la photothérapie.

Il a également été démontré par cette équipe que le traitement par bexarotène ne modi� ait pas la quantité et la fonction des lymphocytes T régulateurs circulants (CD4+ CD25highFoxP3+) chez les patients souffrant de MF [7]. De la même façon, le traitement par bexarotène ne semble pas moduler l’expression de marqueurs d’activation ou d’apoptose sur les kératinocytes et les cellules de Langerhans cutanées [8]. Le contrôle du lymphome T cutané par le bexa-rotène ne semble donc pas faire intervenir une modulation biologique des kératinocytes ou des cellules de Langerhans.

Par ailleurs, un nouveau rétinoïde, l’acide 9-cis-réti-noïque, utilisé dans les dermites des mains, a montré une certaine activité chez 2 patients ayant un MF/SS avec atteinte palmo-plantaire kératosique et � ssuraire, permettant une amélioration de cette atteinte invalidante [9].

Les inhibiteurs des histones déacétylases sont en déve-loppement depuis quelques années et étudiés dans le cadre des lymphomes T cutanés. Leur mode d’action est incom-plètement connu. Ils induiraient la transcription de gènes contrôlant le cycle cellulaire, permettraient l’acétylation des protéines cytoplasmiques et induiraient directement une apoptose des cellules tumorales.

La romidepsine est l’un des inhibiteurs des histones déacétylases en développement. Dans une étude de phase 2 sur 96 patients ayant un lymphome T cutané primitif de stade IB à IVA, en deuxième ligne de traitement au moins, le taux de réponse à la romidepsine était de 34 %, avec un délai médian de réponse de 2 mois, et 6 patients étaient en

réponse complète [10]. Le traitement était donné par voie intraveineuse à J1, J8 et J15 sur des cycles de 28 jours. La durée médiane de réponse était de 15 mois. Le traitement permettait l’amélioration du prurit chez 43 % des patients, y compris chez certains n’ayant pas de réponse clinique objective. La tolérance du traitement était globalement bonne, avec des troubles digestifs, une asthénie, et des anomalies ECG non spéci� ques et réversibles, sans effet secondaire majeur. La romidepsine pourrait être une option thérapeutique supplémentaire pour les lymphomes T cutanés dans les années à venir.

L’interféron alpha fait partie de l’arsenal thérapeutique des lymphomes T cutanés depuis longtemps, son rationnel d’utilisation étant la stimulation d’une immunité anti-tumorale (cytotoxicité anti-tumorale). L’interféron gamma, puissante cytokine pro-in� ammatoire de l’axe Th1 (stimula-tion de l’immunité cellulaire), a été testé dans le cadre des lymphomes cutanés [11]. Une étude de phase 2 consistant en l’injection d’interféron gamma recombinant en intra-lésionnel (TG1042) chez 21 patients ayant des lymphomes cutanés (18 lymphomes T et 3 lymphomes B) a été réalisée. Les injections répétées entraînaient une réponse locale dans 53 % des cas, et une diminution des lésions à distance dans 27 % des cas, re� étant une possible activation immunitaire systémique. Le traitement était globalement bien toléré, avec de rares effets secondaires incluant des réactions au point d’injection, des frissons, des lymphopénies et de la � èvre. Une étude longitudinale du sang périphérique montrait une activation immune et l’induction d’anticorps contre des antigènes tumoraux, sans corrélation claire avec la réponse clinique. Les lymphomes B semblaient toutefois avoir une meilleure réponse que les lymphomes T à ce traitement.

Figure 1. Répartition internationale des études cliniques en phase de recrutement sur les lymphomes T cutanés (données clinicaltrials.gov).

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Perspectives

Le site clinicaltrials.gov recensant l’ensemble des études cliniques chez l’homme rapporte 444 études sur les lymphomes cutanés T. Quand on s’intéresse aux études en phase de recrutement le nombre est de 173, dont la majorité aux États-Unis (Fig. 1). Ce nombre est plus important que celui des études en cours dans le psoriasis (161 études). Ceci illustre l’actuel dynamisme de la recherche thérapeutique sur les lymphomes cutanés T.

Les molécules dont nous entendrons parler prochai-nement comprendront sûrement la forodesine, inhibiteur des phosphorylases des purines permettant l’apoptose des lymphocytes T, le pralatrexate, antifolate ciblé proche du méthotrexate, induisant la mort cellulaire, ou un agoniste du toll-like récepteur 9 (CPG 7909) [12].

Con� it d’intérêt

En attente retour auteur + orateur.

Références

[1] Beylot-Barry M, Dereure O, Vergier B, Barete S, Laroche L, Machet L, et al. Prise en charge des lymphomes T cutanés : recommandations du Groupe français d’étude des lymphomes cutanés. Ann Dermatol Venereol 2010;137:611-21.

[2] Zinzani PL, Venturini F, Stefoni V, Fina M, Pellegrini C, Derenzini E, et al. Gemcitabine as single agent in pretreated T-cell lymphoma patients : évaluation of the long-term out-come. Ann Oncol 2010;21:860-3.

[3] Jidar K, Ingen-Housz-Oro S, Beylot-Barry M, Paul C, Chaoui D, Sigal-Grinberg M, et al. Gemcitabine treatment in cutane-ous T-cell lymphoma: a multicentre study of 23 cases. Br J Dermatol 2009;161:660-3.

[4] Buhl T, Bertsch HP, Kaune KM, Mitteldorf C, Schön MP, Kretschmer L. Low-dose gemcitabine ef� cacious in three patients with tumor-stage mycosis fungoides. Clin Lymphoma Myeloma 2009;9:E21-24.

[5] Lansigan F, Foss FM. Current and emerging treatment strategies for cutaneous T-cell lymphoma. Drugs 2010;70:273-86.

[6] Ballanger F, Nguyen JM, Khammari A, Dréno B. Evolution of clinical and molecular responses to bexarotene treatment in cutaneous T-cell lymphoma. Dermatology 2010;220:370-5.

[7] Knol AC, Quéreux G, Brocard A, Ballanger F, Khammari A, Nguyen JM, et al. Absence of modulation of CD4+ CD25 regula-tory T cells in CTCL patients treated with bexarotene. Exp Dermatol 2009;19:e95-102.

[8] Knol AC, Quéreux G, Brocard A, Ballanger F, Khammari A, Nguyen JM, et al. About the cutaneous targets of bexarotene in CTCL patients. Exp Dermatol 2010;19:e299-301.

[9] Molin S, Ruzicka T. Possible bene� t of oral alitretinoin in T-lymphoproliferative diseases: a report of two patients with palmoplantar hyperkeratotic-rhagadiform skin changes and mycosis fungoides or Sezary syndrome. Br J Dermatol 2009;161:1420-2.

[10] Whittacker SJ, Demierre MF, Kim EJ, Rook AH, Lerner A, Duvic M, et al. Final results from a multicenter, international, pivotal study of romidepsin in refractory cutaneous T-cell lymphoma. J Clin Oncol 2010;28:4485-91.

[11] Dummer R, Eichmüller S, Gellrich S, Assaf C, Dreno B, Schiller M, et al. Phase II clinical trial of intratumoral appli-cation of TG1042 (adenovirus-interferon-gamma) in patients with advanced cutaneous T-cell lymphomas and multilesional cutaneous B-cell lymphoma. Mol Ther 2010;18:1244-7.

[12] Kim YH, Girardi M, Duvic M, Kuzel T, Link BK, Plinter-Brown L, et al. Phase I trial of a Toll-like receptor 9 agonist, PF-3512676 (CPG 7909), in patients with treatment-refractory, cutaneous T-cell lymphoma. J Am Acad Dermatol 2010;63:975-83.