Adam Jean Michel Le Texte

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    Jean-Michel ADAM

    LE TEXTE ET SES COMPOSANTES

    THORIE D'ENSEMBLE DES PLANS D'ORGANISATION

    Mots-clefs : Analyse de discours, linguistique textuelle, plans d'organisation, prag-matique

    L'nonc, dans sa singularit, en dpit de son in-dividualit et de sa crativit, ne saurait treconsidr comme une combinaison absolumentlibre des formes de langue. (Bakhtine 1984: 287)

    Le prsent essai est une mise au point destine clarifier et ordon-ner certaines propositions de mes trois derniers ouvrages de linguisti-que pragmatique et textuelle. La thorie gnrale expose dansElments de linguistique textuelle (Mardaga 1990) fixe un cadre surlequel je ne reviendrai pas. Je me propose surtout de dvelopper lechapitre consacr aux plans d'organisation en expo-sant une thorie

    plus gnrale des divers modules qui rglent la mise en texte. Cer-

    tains des plans considrs ne sont que brivement prsents dans lamesure o des chapitres de Langue et littrature (Hachette 1991) et deLes textes : types et prototypes (Nathan 1992) leurs sont consacrs(priode, progression et cohsion, segmentation dans le premier, unitd'analyse, htrognit et prototypes squentiels dans le second). Letexte qu'on va lire n'est donc prendre que comme une introductiondestine expliciter le cadre d'une thorie gnrale et mettre de

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    l'ordre dans des savoirs linguistiques souvent trs techniques et diffi-ciles articuler.

    Je crois utile de partir du fait que la comptence linguistique dessujets semble rgle, de faon fort complexe, par un faisceau decontraintes : locales et globales, textuelles et discursives.a. Contraintes discursives (celles des genres) localises dans la

    partie suprieure du schma 1 lies des pratiques discursives

    toujours historiquement et socialement rgles.b. Contraintes textuelles localises dans la partie infrieure duschma 1 lies l'htrognit de la composition dont rendentcompte les plans d'organisation (nots Al, A2, A3, B1 et B2).c. Contraintes locales d'une langue donne, sur les plans phoniqueet (ortho)graphique, lexical, grammatical, smantico-logique.

    Le schma suivant dtaille les modules ou plans complmentairesqu'il me parat utile de distinguer1:

    1Je complte ici le chapitre 2 de la premire partie de mes lments de linguistiquetextuelle qui ne dcrivait que quelques plans d'organisation et ne fournissait pasencore de thorie d'ensemble.

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    DISCOURS

    Interaction sociale

    Genres(et sous-genres) de discours

    Vise illocu-

    toire(cohrence)

    [A1]

    Reprages

    nonciatifs

    [A2]

    Cohsion

    smantique(mondes)

    [A3]

    Connexit

    [B1]

    Squentialit

    E N O N C E S

    [B2]

    CONFIGURATIONPRAGMATIQUE

    [A]

    SUITES DEPROPOSITIONS

    [B]

    TEXTESchma 1

    La distinction de ces plans d'organisation de la textualit rendcompte du caractre profondment htrogne d'un objet irrductible un seul type d'organisation, d'un objet complexe et en mme tempscohrent. Dans la perspective pragmatique et textuelle qui est lamienne, un TEXTE peut tre considr comme une configurationrgle par divers modules ou sous-systmes en constante interac-tion. Les trois premiers correspondent l'organisation qu'on peut dire

    pragmatique du discours [A], les deux derniers permettent de rendrecompte du fait qu'un texte est une suite non alatoire de propositions[B].

    Trois plans ou modules de gestion de l'organisation pragma-tique peuvent tre distingus : la vise illocutoire [Al], les reprages

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    (ancrages et plans) nonciatifs [A2] et la reprsentation construite ou monde du texte (organisation smantique-rfrentielle) [A3].Deux plans d'organisation assurent l'articulation des propositions : lagrammaire de phrase et la grammaire de texte sont responsables de cequ'on peut appeler la connexit textuelle (ou organisation gnrale)[B1], mais il faut ajouter ce module de gestion de toutes les formesde mise en texte un autre module, celui de l'organisation squentielle

    (prototypes de squences) [B2]. Ces cinq plans d'organisation com-plmentaires, qui correspondent des sous-systmes ou modules degestion de toute conduite langagire, peuvent tre dtaills en tenantcompte chaque fois des dimensions locale et globale des faits de lan-gue. Ces cinq plans d'organisation, lis divers systmes de connais-sances des sujets, cooprent et s'enchanent trs troitement lors des

    processus de production et d'interprtation. Si l'on veut se faire uneide adquate de ces processus, il faut, comme le note D. Viehweger(1990 : 49), avoir recours un modle complexe.

    1. Plan de la vise illocutoire et de la cohrence [Al]

    Au niveau de ce premier module, et comme le montre Lo Apostel(1980), un texte est une squence d'actes illocutoires qui peut treconsidre elle-mme comme un acte de discours unifi. Le principede cette hirarchie est bien dcrit par D. Viehweger

    Les analyses concrtes montrent que les actes illocutoires quiconstituent un texte forment des hirarchies illocutoires avec un acteillocutif dominant tay par des actes illocutoires subsidiaires ratta-chs l'acte dominant par des relations dont le caractre correspondaux fonctions que ceux-l remplissent vis--vis de celui-ci (1990:49). A la suite de F. Nef, j'ai souvent pris l'exemple d'un discours

    politique giscardien (le discours dit du bon choix pour la France de janvier 1978). Il est facile de rsumer ce discours de Giscard endisant qu'il a demand au pays ( tous les Franais) de voter pour ladroite. Mais cette opration implique que l'auditeur/lecteur identifie,d'une part, la suite des actes illocutoires : promettre, interroger, pr-dire, etc., mais aussi, d'autre part, qu'il drive de cette suite hirarchi-se d'actes un acte global et indirect de type directif : en effet, nulle

    part le Prsident n'ordonne explicitement de voter pour la majorit del'poque. Un acte dominant doit donc tre dgag, acte qui corres-

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    C'est pourquoi je vous parle clairement.

    Je reviendrai plus loin sur cette squence narrative dterminantefonctionnellement ainsi que sur la squence argumentative qui, monsens, livre la cl de l'opration discursive en cours.

    La vise illocutoire globale dfinit tout texte comme ayant un but(explicite ou non) : agir sur les reprsentations, les croyances et/ou les

    comportements d'un destinataire (individuel ou collectif). Le discourslittraire, en dpit de ce qu'on en dit parfois, n'est pas moins soumis ce type de dtermination que les autres genres discursifs. Les diff-rentes prfaces des Fables de La Fontaine, par exemple, prsentent unintressant rajustement de la vise initiale : instruire et/ou plaire.Une double vise peut tre galement postule : instruire sans pourautant renoncer distraire. Ce grand dbat de l'ge classique sur lanarration correspond exemplairement au module Al.

    A cette conduite dialogiquement oriente vers autrui la produc-tion rpond symtriquement le fait que comprendre un texte consistetoujours saisir l'intention qui s'y exprime sous la forme d'un macro-acte de langage explicite ou driver de l'ensemble du texte. C'est cemouvement interprtatif qui permet de dclarer cohrent un textelu. La cohrence n'est pas une proprit linguistique des noncs,mais le produit d'une activit interprtative. L'interprtant prte a

    priori sens et signification aux noncs et ne formule gnralement unjugement d'incohrence qu'en tout dernier ressort. Le jugement decohrence est rendu possible par la dcouverte d'(au moins) une viseillocutoire du texte ou de la squence, vise qui permet d'tablir desliens entre des noncs manquant ventuellement de connexit et/oude cohsion et/ou de progression. Ainsi dans ce petit texte de RobertDesnos :

    (2) LA COLOMBE DE L'ARCHE

    Maudit

    soit le pre de l'pousedu forgeron qui forgea le fer de la cogne

    avec laquelle le bcheron abattit le chnedans lequel on sculpta le lit

    o fut engendr l'arrire-grand-pre

    de l'homme qui conduisit la voituredans laquelle ta mre

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    rencontra ton pre !

    (Corps et biens, Langage cuit )

    La connexit syntaxique de ce pome est correcte, mais la pro-gression est trop forte pour la cohsion smantique et la cohrencen'est pragmatiquement garantie que si lon se rfre une poticitinsparable du mcanisme illocutoire de l'insulte rituelle ( Maudit

    soit... ) longuement analyse par W. Labov (voir Adam 1991a : 108-111).

    Localement, l'orientation argumentative peut tre indique,comme le montre l'analyse illocutoire classique, par des micro-actesde langage (promettre, questionner, ordonner, demander, assener,etc.), mais galement par des connecteurs argumentatifs (car, parceque, mais, donc, etc.) ou/et mme par un lexique axiologiquementmarqu ( masure ou nid pour maison , bambin ou morveux pour enfant , maigre ou mince pour un person-nage, choix d'un lexique globalement euphorique ou dysphoriquedans une description, etc.).

    On voit que ce plan Al est le plan d'organisation o se rejoignentle plus nettement l'analyse textuelle et une analyse discursive atten-tive aux conditions de production/interprtation. On peut probable-ment dire que les actes illocutoires comptent parmi les catgoriesfondamentales des modles dynamiques2du texte (Viehwegcr 1990:47).2. Plan des reprages nonciatifs [A2]

    Un ancrage nonciatif global confre un texte sa tonalit non-ciative d'ensemble tandis qu'alternent d'incessants changements de

    plans nonciatifs. On peut brivement distinguer plusieurs grandstypes de reprages nonciatifs :

    1. Une nonciation (de discours ou actuelle) orale dans laquellele contexte est immdiatement donn dans la situation. Le repre est

    2 D. Viehweger dfinit les modles dynamiques comme des modles intgrantdans l'analyse linguistique le producteur et le rcepteur du texte (avec l'ensemble deleurs connaissances, attitudes et motivations) ainsi quc les processus de produc-tion/comprhension et les conditions o ceux-ci interviennent (1990: 41).

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    alors : JE-TU-ICI-MAINTENANT.2. Une nonciation (de discours ou actuelle) crite dans laquellele contexte doit tre verbalis en vue d'une interaction distance.3. Une nonciation non-actuelle (appele histoire depuis les tra-vaux de Benveniste et qui recouvre aussi bien le rcit historique quele conte merveilleux, la lgende ou le rcit de science-fiction) ; dansce type d'nonciation, le sujet parlant ne s'implique pas, il se met

    distance (on pourrait parler d'une nonciation distancie, dite non-actuelle pour cette raison).4. Une nonciation proverbiale, celle aussi de la maxime et du dic-ton, caractrise par un ON universel et le prsent proprement a-temporel.5. Une nonciation du discours logique, thorique-scientifique danslaquelle la rfrence cesse d'tre situationnelle pour porter sur letexte lui-mme et l'interdiscours (textes et auteurs cits en rfrence).Le NOUS est alors soit une amplification du JE de l'auteur du texteet de la communaut scientifique, soit une faon d'englober l'auteur(du prsent ouvrage par exemple) et son lecteur. Les rfrences spa-tiales (plus haut, ci-dessous, plus loin, etc.) et temporelle (avant,aprs, etc.) ne renvoient qu'au texte qu'on est en train de lire.6. Et enfin la trs particulire nonciation du discours potique qui,dans l'exemple de Desnos cit plus haut, rapproche le pome du m-canisme illocutoire trs particulier de l'insulte rituelle. En effet, danscet extraordinaire rituel langagier, l'insulte ne doit surtout pas tre

    prise pour une insulte personnelle, mais devenir un pur jeu verbal,une joute oratoire dcroche par rapport l'ici-maintenant des co-nonciateurs. Le statut particulier de l'nonciation potique se traduit

    bien dans le phnomne de la diction gnralement totalement neutredes pomes par leurs propres auteurs :

    Alors qu'il n'est pas inconcevable, dans la lecture des romans parexemple, de jouer quelque peu soit, de mettre en situation, de dorerd'une intonation, etc. la parole de tel ou tel personnage, le pome

    lyrique supporte mal les dictions expressives tendant mimer l'effec-tuation nonciative du discours (et ce qui est demand parfois aux en-

    fants cet gard, certes touchant dans sa navet, a sur le fond quelque

    chose de grotesque qui ne rsiste pas l'examen). C'est prcismentqu'aucune interprtation situationnelle ne peut tre ici impose la

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    parole sans du mme coup la dnaturer. En somme il n'y a rien, dans

    cette parole, qu'il faille actualiser. On n'a pas lire le discours du

    pome: on en rcite le texte. (Gollut 1991 : 67)

    Au plan local, les propositions nonces peuvent tre ou non pri-ses en charge par le locuteur. Cette prise en charge des propositionsdoit tre envisage en rapport avec la construction de mondes (es-

    paces smantiques, univers de croyance ou espaces mentaux), cadre, conomique pour l'tude de la polyphonie. Ainsi dans lemme discours du bon choix pour la France que je citais plushaut, lorsque le Prsident de la rpublique de l'poque dclare :

    (3) Je n'ai pas vous dicter votre rponse.

    Il faut entendre aussitt deux propositions : l'une explicite, laproposition ngative qui est prise en charge par le locuteur lui-mme, l'autre implicite, prsuppose par la ngation, laisse entendre: je dois vous dicter votre rponse . Cette dernire proposition ne

    peut pas tre prise en charge par le locuteur-Prsident qui a prt

    serment sur la constitution de la V Rpublique. On verra plus loincomment l'enchanement argumentatif dans lequel (3) est insr

    permet au locuteur de formuler le bon choix pour la France entoute impunit.

    3. Plan de la cohsion smantique [A3]

    La dimension smantique globale est reprsente par ce qu'onappelle la macro-structure smantique ou, plus simplement, lethme global d'un nonc. Le caractre fictionnel ou non du texteest, ce niveau aussi, tout fait essentiel. Le monde reprsent estsoit merveilleux, c'est--dire soumis une logique particulire, soitun monde soumis l'alternative du VRAI et du FAUX dans la logi-que de notre univers de rfrence. En commenant une narration par Il tait une fois... , le narrateur opre une mise distance la foisnonciative [A2] et fictionnelle [A3], il donne au lecteur/auditeurune instruction sur l'ancrage nonciatif non-actuel de ce qui suit etsur le monde singulier, non conforme aux lois qui rgissent notreunivers de rfrence, dans lequel il conviendra d'valuer les faits

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    relats. Un prdicat comme : J'ai rv que... ou un SI hypothti-que employ avec l'imparfait et le conditionnel viennent galementsuspendre les conditions de vrit qui rgissent notre univers de rf-rence. Le slogan publicitaire Les chats achteraient Whiskas est, sur ce point, extrmement intressant : la seule proposition auconditionnel incite l'interprtant reconstruire un monde fictionneldans lequel cette proposition deviendrait possible.

    Notons au passage que le rcit autobiographique (1) est, lui, pro-fr sous une lgislation vriconditionnelle (VRAI vs FAUX) dont jelaisse au lecteur le soin d'valuer la pertinence...

    L'exemple du titre du pome de Desnos ( La colombe de l'arche) est intressant pour l'incompatibilit qu'il manifeste avec la suitedu texte. On ne peut gure cerner ici un thme global confrant unsens la pice qui soit en accord avec le titre. Seule la cohrence del'esthtique surraliste de la surprise peut, en dernire analyse, venirviter un jugement d'absurdit.

    A un niveau intermdiaire entre le global et le local, la dimensionsmantico-rfrentielle est analysable en termes d'isotopie(s) et decohsiondu monde reprsent. Un nonc sur-raliste comme :

    (4) Dans le salon de Madame des Ricochets Le th de lune est servidans des oeufs d'engoulevent.

    (Andr Breton, Monde , Signeascendant)

    ne prsente pas les redondances smantiques ncessaires la for-mulation d'un jugement de cohsion (et, partant, de cohrence). Ildiffre trs nettement d'un nonc isotope comme :

    (5) Dans le salon de Madame des Ricochets, le th de Chine est servidans des tasses de porcelaine.

    Les lexmes lune et oeufs d'engoulevent apparaissentcomme htrognes au contexte isotope du salon et du th qui peuttre de Chine ou de Ceylan, mais assurment pas d'une autre planteet qui peut tre servi dans des tasses, mais pas dans des ufs d'engou-levent.

    Bien sr, cette rupture peut tre attnue par une interprtation at-tentive au fait que la lune est un lieu comme la Chine ou Ceylan, que

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    l'engoulevent est un oiseau passereau nocturne qui entre, de ce fait, enrelation d'isotopie avec la lune, que l'oeuf, en raison de sa forme et desa fragilit, pourrait tre compar une tasse de porcelaine. Sans

    pousser au-del l'interprtation, on voit que le concept d'isotopie serfre toujours la constance d'un parcours de sens qu'un texte exhibequand on le soumet des rgles de cohrence interprtative (U. Eco1985). Ce concept permet de dcrire les phnomnes de poly-isotopie

    si frquents dans les noncs du type de (4) et, par exemple, dans lesparaboles (lisibles sur deux isotopies au moins).

    La notion smantique de cohsion a pour but de rpondre desquestions naves : comment expliquer le fait que, quand on lit et com-

    prend un nonc, on prouve ou non un sentiment d'unit ? Commentrendre compte smantiquement du fait qu'une phrase ne soit pas untas de mots et un texte une simple juxtaposition de phrases ? Distin-gue de la connexit interne aux formants linguistiques d'une expres-sion (des lettres/sons aux composants morpho-syntaxiques) et oprantaussi de phrase en phrase (module B1), distingue galement de lacohrence (module A1 ) et de lapertinence contextuelle, la cohsionsmantique est un fait de co-textualit que la notion d'isotopie permetde thoriser.

    4. Plan de la connexit [B1]

    Du point de vue de la connexit textuelle, que dcrit partiel-lementce qu'on appelle parfois la grammaire de texte , diffrents plansdoivent de nouveau tre considrs qui correspondent la texturemicro-linguistique, objet traditionnel de la stylistique.

    A un tout premier niveau, chaque unit (proposition-phrase) estmorpho-syntaxiquement structure. Ce niveau est celui que dcritclassiquement la linguistique, aussi je souligne seulement que l'auto-

    nomie de la syntaxe est quand mme relative. En effet, d'un point devue syntaxique et smantique, un nonc comme (6) n'est pas inac-ceptable :

    (6) Le chou mange l'engoulevent.

    Dans un monde de science fiction o le chou serait recatgoriscomme une plante carnivore particulirement vorace, les contraintes

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    smantiques habituelles ne s'exerceraient plus de la mme faon surl'agent du verbe. Une smantique des mondes [A3] doit donc accom-

    pagner la syntaxe.La connexit des chanes de propositions (phnomnes locaux

    de liage) doit tre envisages dans le cadre de la tension textuelle :assurer la reprise-rptition (la continuit textuelle) tout en garantis-sant la progression. Les travaux linguistiques dsormais classiques

    dcrivent bien la pronominalisation (LE chat... IL...), la dfinitivisa-tion (UN chat... LE chat...), la rfrentialisation dictique cotextuelle(UN chat... CE chat...), la nominalisation (Un chat entra... L'entre duchat...), la substitution lexicale (Un chat... L'animal...) et la reformula-tion (Ce chat est un flin), les recouvrements prsuppositionnels etautres reprises d'infrences (Lucky Luke a arrt de fumer : il fumaitdonc auparavant)3.

    A titre d'illustration, on peut dire que dans le pome de Desnos ci-t plus haut, la connexit morpho-syntaxique est correcte, mais la

    progression smantique trop forte et la cohsion-cohrence peinegarantie pragmatiquement par l'insulte rituelle ( Maudit soit... ). De

    plus, on vient de le voir, le rapport smantique entre le titre et lepome tient plus de l'nigme que de la fixation d'un thme du dis-cours : aucun rapport isotopique ne peut tre instaur la premirelecture. Du point de vue du liage, les propositions successives necessent d'introduire des informations nouvelles. Informations certesrelies syntaxiquement entre elles, mais sur le mode d'une trs an-cienne et populaire chane de relatives enchsses l'infini deL'homme qui a sem le grain qui a nourri le coq qui a rveill le bonmonsieur qui a arrt le mchant brigand qui a battu la servante qui atrait la vache qui... etc. La grammaticalit des enchanements syntaxi-ques ne suffit pas confrer une suite du type de (2) une cohsionsuffisante. En une seule phrase typographique et un seul acte d'non-

    ciation, on atteint dix niveaux de dcrochage syntaxique (expansionsprpositionnelles internes au syntagme nominal complment denom classique et enchssements relatifs d'une autre proposition). Si,dans le pome de Desnos, le manque de cohsion-rptition est fla-

    3Pour une analyse de ces notions voir mes Elments de linguistique textuelle (1990page 52-60).

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    grant, c'est que l'appui de chaque nouvelle proposition sur la prc-dente est trop faible, les conditions de reprise nettement insuffisantes.Les transitions font se succder six verbes au pass simple soientsix vnements constituant des noyaux vnementiels sans lamoindre adjonction d'un imparfait, c'est--dire d'un tat. Le rsultatest, en fait, la production d'une suite entirement oriente vers sa fin : (Maudit soit) la voiture dans laquelle ta mre rencontra ton pre .

    Le surgissement des possessifs de deuxime personne (aprs les dfi-nis spcifiques des syntagmes nominaux prcdents) donne accs augenre discursif trs particulier de l'insulte rituelle. Toute cette s-quence tient entre ses premiers et derniers mots et le sentiment decohsion-cohrence de l'ensemble s'explique : cohsion smantiquede l'isotopie [A3[ de l'engendrement qui s'achve avant l'engendre-ment du destinataire (succession vnementielle) et cohrence non-ciative [A2[ et pragmatique [Al] de l'insulte rituelle.

    Par ailleurs, il faut tenir compte de la dimension rythmique desnoncs, des phnomnes de priodes et parenthsages marqusargumentativement ou non. Avec les parenthsages, il s'agit d'tudierdes ensembles de propositions relies et hirarchises par des connec-teurs (Si... alors... mais... donc...) ou des organisateurs textuels(D'abord..., puis..., ensuite..., enfin...; D'une part..., d'autre part...;etc.). J'tudie dans le dtail ailleurs (1990 : 82-83) ce court passage du discours du bon choix pour la France qui suit le rcit (1) et fournitle contexte de (3) :

    (7) Chacune (le ces questions comporte une rponse claire. Je n'ai

    pas vous la dicter CAR nous somme un pays de libert, MAIS je ne

    veux pas non plus que personne, je dis bien personne, ne puisse dire unjour qu'il aura t tromp.

    La conclusion induite par le jeu des parenthsages introduit laproposition dnie dont je parlais plus haut. L'argument qui suit laconjonction CAR ( Nous sommes un pays de libert ) se voit do-min, en quelque sorte par l'argument introduit par MAIS ( Je neveux pas... ). La conclusion dductible de ce dernier argument esttout simplement la ngation de la conclusion qui prcde CAR ( Jen'ai pas vous la dicter ) : Je dois DONC vous dicter votre r-

    ponse. Ces parenthsages prennent sens dans le cadre plus gnral et

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    clair de la structure de la squence argumentative que je vais dtaillerplus loin (page 28).

    Les phnomnes de dmarcations graphiques locales et de mar-quage global du plan de texte (segmentation) sont des aspects de laspatialisation crite de la chane verbale, un premier lieu d'instruction

    pour l'empaquetage et le traitement, des units linguistiques. Je rangedans ce plan particulier d'organisation textuelle non seulement les

    indications de changement de chapitre et de paragraphe, mais lestitres et sous-titres, la mise en vers et strophes en posie, la mise en

    page en gnral, le choix des caractres typographiques, la ponctua-tion. Organisateurs textuels et connecteurs peuvent galement venirsouligner un plan de texte4.

    5. Plan de la squentialit : types ou prototypes ? [B2]

    L'organisation squentielle de la textualit est le plan qui me paratconstituer la hase la plus intressante de typologie linguistique. Encomprhension comme en production, il semble que des schmassquentiels prototypiques soient progressivement labors par lessujets, au cours de leur dveloppement cognitif. Un rcit singulier ouune description donne diffrent l'un de l'autre et galement des au-tres rcits et des autres descriptions. Tous les noncs sont, leurmanire, originaux , mais chaque squence reconnue comme des-criptive, par exemple, partage avec les autres un certain nombre decaractristiques linguistiques d'ensemble, un air de famille qui incitele lecteur interprtant les identifier comme des squences descripti-ves plus ou moins typiques, plus ou moins canoniques. Il en va exac-tement de mme pour une squence narrative, explicative ouargumentative.

    Dfinir le texte comme une structure squentielle permet d'aborder

    l'htrognit compositionnelle en termes hirarchiques assez gn-raux. La squence, unit constituante du texte, est constitue de pa-quets de propositions (les macro-propositions), elles-mmesconstitues de n propositions. Cette dfinition est en accord avec un

    principe structural de hase : En mme temps qu'elles s'enchanent,les units lmentaires s'embotent dans des units plus vastes (Ri-

    4Sur ce point voir Adam 1990 pages 68-72.

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    coeur 1986 : 150).Ainsi en va-t-il aussi bien pour l'exemple (1) narratif que

    pour l'exemple (7), manifestation textuelle bien proche du prototypede la squence argumentative. Je dcompose ce dernier en proposi-tions pour en faciliter la description :

    (8) Chacune de ces questions comporte une rponse claire. [a] Je n'ai

    pas vous la dicter [b] car nous somme un pays de libert, [c] mais je neveux pas non plus que personne, je dis bien personne, ne puisse dire un

    jour qu'il aura t tromp.

    Il faut d'abord tenir compte du fait que l'argumentation adopte iciun mouvement rgressif : la conclusion [a] (Conclusion non-C) vientavant la donne-argument [b] introduite par CAR. Soit le schmasuivant de cette squence argumentative prototypique5(je dsigne par[P. arg] les macro-propositions constitutives de la squence argumen-tative prototypique) :

    CONCLUSION non-C[a] P. arg 3

    donc probablement

    CAR DONNEE

    Infrences [b] P. arg1P. arg 2

    MAISRESTRICTIONP. arg 4

    (Conclusion C)

    DONNEE[c]

    GARANT ETAYANT(puisque la dmocratierespecte le libre choixdes citoyens)

    Etayage par le rcitautobiographique

    SUPPORT ETAYANT(tant donn que la constitution de laV Rpublique interdit au Prsidentdintervenir dans le dbat lgislatif)

    Le rle du connecteur argumentatif MAIS est d'introduire ici unedonne-argument en position de restriction (P. arg 4). Cette nouvelledonne vient bloquer le mouvement infrentiel qui mne de la pre-mire donne (P. arg 1) la conclusion prvisible (P. arg 3) et quiamne conclure non pas dans le sens de non-C, mais bien de laConclusion C implicite : J'ai (je dois) vous dicter votre rponse .La dngation initiale (non-C) dcrite plus haut en termes de poly-

    5Pour un expos de cc modle de la squence argumentative prototypique, voir Lestextes : types et prototypes,Nathan 1992.

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    phonie nonciative prend ici tout son sens.Pour prendre l'exemple d'un autre type de squence du mme dis-

    cours, le petit rcit (1) cit plus haut peut tre dcompos en un cer-tain nombre [17] de propositions lmentaires elles-mmesregroupes en paquets de macro-propositions constitutives de la s-quence narrative prototypique :

    [a] Quand j'avais treize ans,[b] j'ai assist en Auvergne la dbcle de l'arme franaise.[c] Pour les garons (le mon ge, avant la guerre, l'anne franaise

    tait une chose impressionnante et puissante.[d] Et nous l'avons vue arriver en miettes.[e] Sur la petite route, prs du village [...] nous interrogions les

    soldats pour essayer de comprendre[f] o j'irai voter en mars comme simple citoyen,[g] : Que s'est-il pass ? [h] La rponse nous venait, toujours la mme :[i] Nous avons t tromps,[j] on nous a tromps. [k] J'entends encore quarante ans d'intervalle cette rponse[l] et je me suis (lit que,[m] si j'exerais un jour des responsabilits,[n] je ne permettrais jamais que[o] les Franais puissent dire :[p] On nous a tromps[q] C'est pourquoi je vous parle clairement.

    Les propositions [a] et [b] constituent une premire macro-proposition narrative : le Rsum-PnO charg d'introduire la s-quence narrative. La Situation initiale-Pn I est dcrite par la proposi-

    tion Ici tandis que [d] introduit la Complication-Pn2 respon-sable dudmarrage du rcit. Les propositions [e], [f] et [g] forment, elles, lamacro-proposition R-action-Pn3 ; les propositions [h], [i] et [j] lamacro-proposition Rsolution-Pn4 qui permet au rcit de s'acheverd'une certaine faon. On peut considrer la proposition [kl commeune proposition valuative charge de prparer la morale de l'his-toire et les propositions [l] [p] comme formant la situation finale-Pn5 d'un rcit qu'une Chute vient clore [q].

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    On le voit, une macro-proposition peut tre actualise, en surface,par une seule ou par plusieurs propositions. Ce principe hirarchiqueest la hase des cinq prototypes de regroupements squentiels que

    j'envisage ailleurs (Adam 1992). La connaissance des schmas prolo-typiques, plus ou moins renforce par la prsence de marques linguis-tiques de surface, vient faciliter les oprations de regroupement del'information en cycles de traitement. Soif une structure hirarchique

    lmentaire qui vaut pour tous les textes (je note ici par /#/ la dlimi-tation des frontires du (para)texte, marques de dbut et de fin d'unecommunication) :

    [# Texte # [Squence(s) [macro-proposition(s) [proposi-tion(s)]]]]

    En d'autres termes, les propositions sont les composantes d'uneunit .suprieure, la macro-proposition, elle-mme unit constituantede la squence, elle-mme unit constituante du texte. Cette dfini-tion de chaque unit comme constituante d'une unit de rang hirar-

    chique suprieur et constitue d'units de rang infrieur est lacondition premire d'une approche unifie de la squentialit tex-tuelle.

    Mon hypothse est la suivante : les types relativement stablesd'noncs et les rgularits compositionnelles observables ne sontque des rgularits squentielles. Les squences lmentaires sem-

    blent se rduire quelques types lmentaires d'articulation des pro-positions. Dans l'tat actuel de la rflexion, il me parat ncessaire den'ajouter aux squences prototypiqucs narrative et argumentativecites plus haut que les squences descriptive, explicative et dialo-gale.

    Je suis tent de parler de squences prototypiques dans la mesureo les noncs que l'on range dans la catgorie du rcit ou de la des-cription, par exemple, ne s'avrent gnralement pas tous reprsenta-tifs au mme titre de la catgorie en question. C'est par rfrence un prototype narratif, descriptif ou autre, qu'une squence peut tredsigne comme plus ou moins narrative, descriptive, etc. Les textesraliss se situent sur un gradient de typicalit allant d'exemples quivrifient l'ensemble de la catgorie dfinie des exemples priphri-

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    ques, qui ne sont que partiellement conformes. Tous les membresd'une catgorie n'ont donc pas le mme statut et les membres les plusreprsentatifs, appels prototypes, jouent un rle privilgi dans lastructure de la catgorie. De la mme faon que le prototype de l'oi-seau gnralement plutt proche du moineau ou du canari

    permet de distinguer une msange, une chouette, une cigogne etmme une autruche et un pingouin d'autres animaux, il semble exis-

    ter un schma prototypique de la squence narrative qui permet dedistinguer cette dernire d'une squence descriptive, argumentativeou autre. Il restera toujours des baleines, des chauves-souris et desornithorynques pour nous embrouiller un peu les ides, des sirnes etdes centaures aussi... C'est le schma ou image mentale du proto-type-objet abstrait, construit partir de proprits typiques de lacatgorie, qui permet la reconnaissance ultrieure de tel ou tel exem-

    ple comme plus ou moins prototypique.Si les noncs raliss diffrent tant les uns des autres, si donc la

    crativit et l'htrognit apparaissent avant les rgularits, c'estparce qu'au niveau textuel la combinaison des squences est gnra-lement complexe. L'homognit est, tout comme le texte lmentaired'une seule squence, un cas relativement exceptionnel. Deux cas defigure doivent toutefois tre envisags :

    Le texte ne comporte qu'une squence. On ne peut parleralors que de quasi homognit dans la mesure o, dans un rcit mi-nimal, par exemple, des propositions descriptives et valuatives vien-nent souvent s'ajouter aux propositions narratives (on le verra auchapitre 2); si une description peut sembler plus souvent pure, il n'est

    pas rare de trouver des propositions valuatives, voire un plan detexte argumentatif charg d'organiser les diffrents moments de lasquence.

    Ou bien le texte comporte un certain nombre (n) de s-

    quences de mme type (toutes narratives, par exemple). Deux nouvel-les possibilits se prsentent alors : ces squences peuvent se suivrelinairement et tre coordonnes entre elles (c'est le cas du contemerveilleux); ces squences peuvent aussi tre insres les unes dansles autres en un point quelconque de la squence principale. Les typo-logies textuelles globales me paraissent trop ambitieuses : elles ne

    peuvent atteindre que ces cas simples de structures squentielles

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    pas l'insertion (plus ou moins marque) d'une squence (plus oumoins) complte, mais au mlange, cette fois, de squences de typesdiffrents. La relation peut alors tre dite de dominante, selon uneformule [sq. dominante > sq. domine] qui donnera lieu, par exem-

    ple, au soulignement des macro-propositions d'une squence narrativepar des connecteurs argumentatifs (parenthsages marqus) : [sq.narrative > sq. Argumentative]. Ainsi dans cette squence du dbut

    de La Princesse sur un pois d'Andersen o le rcit domine manifes-tement, et o l'argumentation souligne simplement le plan de texte (jenote les propositions par des lettres comme pour l'exemple prc-dent):

    (8) [a] Il y avait une fois un prince [b] qui voulait pouser une prin-cesse, [cl mais une princesse vritable. [d] Il fit donc le tour du monde

    pour en trouver une, [e] et, la vrit, les princesses ne manquaient pas;[f] mais il ne pouvait jamais s'assurer si c'taient de vritables princes-

    ses; [g] toujours quelque chose en elles lui paraissait suspect. [h] Enconsquence, il revint bien afflig de n'avoir pas trouv ce qu'il dsirait.

    Les connecteurs argumentatifs soulignent la suite des cinq macro-propositions narratives en induisant les regroupements proposition-nels suivants : [a+b] MAIS [c] DONC [d+e] MAIS [f + g] ENCONSEQUENCE [h].

    L'extrme htrognit des genres de discours , dj relevepar Bakhtine comme une caractristique du langage humain, est unconstat empirique pralable toute approche typologique des diff-rences. L'htrognit est une donne que le linguiste ne peut pasignorer et il me parat impossible de dvelopper une thorie un peuconsquente du texte sans rendre compte de faon aussi conomiqueet gnrale que possible de ce qui est, aprs tout, l'exprience com-mune des sujets parlants. Je propose donc de travailler sur la hase de

    la dfinition suivante :

    Le texte est une structure hirarchique complexe comprenant n squences elliptiques ou compltes de mme type ou de types diffrents.

    On aura certainement not que j'abandonne ici le terme mme de

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    superstructures textuelles. Diffus largement par T. A. Van Dijk etutilis assez systmatiquement dans mes premiers travaux, cette no-tion a fini par recouvrir des units textuelles trop vagues. T.A. VanDijk parle en effet de superstructure aussi bien propos du rcit etde l'argumentation (1984 et 1981a) que du sonnet (1984). Je suis par-tiellement sa premire dfinition des superstructures, car elle permetd'affiner l'hypothse de Bakhtine sur les relations entre units et le

    tout de l'nonc fini :

    Ce sont des structures globales qui ressemblent un schma. A la

    diffrence des macrostructures, elles ne dterminent pas un conte-

    nu global, mais plutt la forme globale d'un discours [...]. Lesmacro-propositions, au moins celles d'un niveau assez lev, seront

    organises par les catgories schmatiques de la superstructure, parexemple le schma narrant. (1981a : 26-27).

    Je suis galement sa plus rcente conception des super-structurescomme structures textuelles superposes aux structures gramma-ticales (Van Dijk 1984: 2285). Toutefois, la confusion entre simple

    plan de texte (responsable de la segmentation vi-lisible du texte crit)et superstructure introduit des confusions comparables celles d'Hal-liday et Hasan. T.A. Van Dijk considre, en effet, un sonnet commeune superstructure prosodique et un rcit comme une supers-tructure smantique . En proposant de sparer segmentation (c'est--dire tablissement d'un plan de texte) d'un genre potique et squen-tialisation, je suis amen me dbarrasser d'une notion devenue tropvague. Ainsi, pour moi, le sonnet lisabthain comporte un plan detexte de trois quatrains (aux systmes de rimes gnralement diffren-tes dans chaque quatrain) et un distique final, tandis que le plan detexte du sonnet italien classique est constitu de deux quatrains (aumme systme de rimes a + h) et de deux tercets (rimes c + d + e). Un

    sonnet n'est donc qu'une segmentation canonique d'un texte dont lastructure squentielle de hase argumentative souvent aux XVI etXVII sicles, descriptive clans la posie descriptive du XVIII sicleou encore narrative reste examiner de prs si l'on veut justementrendre compte du passage d'une forme primaire un genre litt-raire second par dfinition.

    L'hypothse de l'existence d'un petit nombre de types squentiels

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    les stratgies de comprhension : II est certes possible de se passerde ces stratgies, mais tre capable d'employer des stratgies organi-sationnelles spcifiques peut tre une aide puissante au lecteur (1982: 96).

    Le passage d'une thorie des superstructures une hypothse surla structure squentielle des textes et sur les prototypes de schmassquentiels de hase n'est qu'une tentative d'explication d'un certain

    nombre de faits de textualit. La complexit textuelle est observableet abordable d'un point de vue typologique la seule conditiond'adopter par ailleurs un point de vue modulaire. Les typologiesnonciatives souvent retenues par les linguistes (Benveniste 1966,Weinrich 1973, Simonin-Grumbach 1975) ne sont pertinentes qu'auniveau trs prcis du module A2 et je ne considre la typologie s-quentielle (module B2) que comme un point de vue partiel sur unobjet profondment htrogne. Les modules nonciatif et squentielsont complmentaires et aucun ne constitue, lui seul, une base detypologie susceptible de rendre compte intgralement de tous les as-

    pects linguistiques de la textualit. Cette modularit est probablementresponsable du fait que l'on ne puisse assigner chaque type de s-

    quence une distribution trs stricte de marques morpho-syntaxiques.

    6. Pour conclure

    Le dcoupage des plans d'organisation de la textualit et l'impor-tance que je viens d'accorder aux prototypes squentiels ne doivent

    pas masquer le fait que l'analyse de discours est la finalit profondede ma rflexion linguistique. C'est par la pragmatique textuelle que

    je me propose de retrouver l'analyse de discours. Les notions thori-ques que je dgage doivent permettre de mieux classer les faits lin-guistiques observer lors d'une analyse textuelle un peu

    systmatique. La mise en vidence de l'htrognit composition-nelle des textes ne prend tout son sens que lorsqu'elle entre dans ladynamique d'une analyse d'un discours particulier.

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