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104 Actualités limites des TCC axées sur la douleur auprès des patients présentant un syndrome fibromyalgique, une dépression et des troubles anxieux. Dans une précédente publication [3], Scheidt a proposé un modèle thérapeutique intégratif déve- loppé à partir des principes de la thérapie interpersonnelle. Cette thérapie s’inscrit dans un paradigme psychanaly- tique, caractérisé par un cadre spécifiquement aménagé aux problématiques douloureuses chroniques : nombre de séances limité, approche cognitive, directive et orientée vers le temps présent. Elle cible tout particulièrement les styles d’attachement précoces dysfonctionnels (tou- jours actifs chez les patients) en lien avec des pertes et événements traumatiques passés. Elle a pour objectif de faire évoluer ces schémas cognitifs et les modes rela- tionnels associés. Une évolution favorable induirait une meilleure résolution des conflits intrapsychiques actuels (s’exprimant par des difficultés relationnelles), une dimi- nution des manifestations psychosomatiques telles que la douleur chronique [4], ainsi qu’une meilleure conscience et expression émotionnelle (alexithymie). Le modèle de Scheidt propose donc d’intégrer ces méthodes et objectifs thérapeutiques à la TCC orientée vers la douleur. Une étude comparative randomisée a donc été réalisée pour évaluer l’efficacité de ce modèle. Elle a concerné 46 femmes souf- frant de FM (depuis en moyenne huit ans) associée à des troubles dépressifs et anxieux. Le premier échantillon (G1, n = 23) a donc suivi une psychothérapie individuelle inter- personnelle au cours de 25 séances d’environ une heure, un contrat thérapeutique avait été établi. Les auteurs précisent qu’ils ont inclus dans cette prise en charge un travail autour de la modification de stratégies de coping (de « faire face ») dysfonctionnelles face à la douleur ainsi que l’apprentissage de comportements d’auto-soins, comme la relaxation. Le second échantillon (G2, n = 23) a bénéfi- cié de quatre consultations d’environ 15 minutes avec un rhumatologue ou neurologue pendant six mois. Au sein de ces consultations, les médecins présentaient aux sujets des conseils concernant l’usage des médicaments et les comportements protecteurs pour la santé. Ils les encou- rageaient à augmenter leur activité physique ainsi qu’à pratiquer le stretching. Après 12 mois de suivi, tous les sujets étaient évalués à l’aide d’auto-questionnaires axés sur les symptômes de la FM, la souffrance psychologique, la qualité de vie liée à la santé, le vécu d’incapacité et le retentisse- ment fonctionnel de la douleur. Pour toutes les variables étudiées, les résultats statistiques ne montrent aucune dif- férence significative entre G1 et G2 après 12 mois de prise en charge. On regrettera des statistiques peu lisibles en termes d’efficacité intra-groupe, les auteurs se conten- tant de mentionner une diminution de 14 % des symptômes fibromyalgiques pour neuf patients de G1 et 11 patients de G2. Aucune donnée n’apparaît quant à la significativité de cette baisse. Les auteurs critiquent leur travail en mettant en avant la petite taille de leur échantillon et l’absence de contrôle d’effet des traitements concomitants (aérobic, antalgiques et antidépresseurs). Malgré des résultats dif- ficilement interprétables et des approches insuffisamment explicitées, cette étude est l’une des rares à utiliser une méthodologie comparative randomisée, un traitement des résultats en intention de traiter et surtout une inclusion de patients avec comorbidité psychiatrique, critère d’exclusion habituel des études sur la TCC. La thérapie étudiée se veut intégrative et sur un mode individuel : cela constitue éga- lement une nouveauté, puisque ce sont habituellement les TCC groupales qui sont évaluées, l’efficacité des thérapies exclusivement psychanalytiques n’étant quant à elle pas démontrée. Au final, la thérapie étudiée n’est manifeste- ment pas plus efficace qu’une approche médicale classique alors qu’elle nécessite d’importants moyens humains. Reste à espérer que cette publication influencera par sa qualité et son originalité les études à venir sur les thérapies psychody- namiques, en quête de preuve d’efficacité. . . Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela- tion avec cet article. Références [1] Glombiewski JA, Sawyer AT, Gutermann J, Koenig K, Rief W, Hofmann SG. Psychological treatments for fibromyalgia: a meta- analysis. Pain 2010;151:280—95. [2] Scheidt CE, Waller E, Endorf K, Schmidt S, König R, Zeeck A, et al. Is brief psychodynamic psychotherapy in primary fibromyalgia syndrome with concurrent depression an effective treatment? A randomized controlled trial. Gen Hosp Psychiatry 2012 http://dx.doi.org/10.1016/j.genhosppsych.2012.10.013 [3] Scheidt CE. Störungsspezifische psychodynamische Kurzzeitpsy- chotherapie somatoformer Schmerzstörungen. Ein Leitfaden für die ambulante Einzelpsychotherapie. Psychotherapeut 2002;47:110—23. [4] Hyphantis T, Guthrie E, Tomenson B, Creed F. Psychodynamic interpersonal therapy and improvement in interpersonal diffi- culties in people with severe irritable bowel syndrome. Pain 2009;145:196—203. Franck Henry 1 Consultation pluridisciplinaire de la douleur, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] 1 Psychologue hospitalier. Rec ¸u le 28 janvier 2013 ; accepté le 8 evrier 2013 Disponible sur Internet le 11 mars 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.02.005 Analgésie aux urgences : le sufentanyl pointe son nez. . . Analgesia in emergency departments: Here comes the sufentanyl. . . Les services d’urgence accueillent de nombreux patients présentant des douleurs aiguës sévères d’origine trauma- tique : la prise en charge de la douleur nécessite de recourir à des opioïdes forts par voie intraveineuse. Or, la mise en place d’une voie veineuse prend du temps et nécessite de bonnes conditions d’installation, alors qu’elle n’est le plus souvent plus utilisée une fois le soulagement obtenu. D’un autre côté, les voies orales et intramusculaires ne peuvent offrir aux patients une analgésie suffisamment rapide. Face

Analgésie aux urgences : le sufentanyl pointe son nez…

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limites des TCC axées sur la douleur auprès des patientsprésentant un syndrome fibromyalgique, une dépression etdes troubles anxieux. Dans une précédente publication [3],

intégrative et sur un mode individuel : cela constitue églement une nouveauté, puisque ce sont habituellement leTCC groupales qui sont évaluées, l’efficacité des thérapieexclusivement psychanalytiques n’étant quant à elle pa

Scheidt a proposé un modèle thérapeutique intégratif déve-

loppé à partir des principes de la thérapie interpersonnelle.Cette thérapie s’inscrit dans un paradigme psychanaly-tique, caractérisé par un cadre spécifiquement aménagéaux problématiques douloureuses chroniques : nombre deséances limité, approche cognitive, directive et orientéevers le temps présent. Elle cible tout particulièrement

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démontrée. Au final, la thérapie étudiée n’est manifeste-ment pas plus efficace qu’une approche médicale classiquealors qu’elle nécessite d’importants moyens humains. Resteà espérer que cette publication influencera par sa qualité etson originalité les études à venir sur les thérapies psychody-namiques, en quête de preuve d’efficacité. . .

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les styles d’attachement précoces dysfonctionnels (toujours actifs chez les patients) en lien avec des perteet événements traumatiques passés. Elle a pour objectde faire évoluer ces schémas cognitifs et les modes reltionnels associés. Une évolution favorable induirait unmeilleure résolution des conflits intrapsychiques actue(s’exprimant par des difficultés relationnelles), une dimnution des manifestations psychosomatiques telles que

douleur chronique [4], ainsi qu’une meilleure consciencet expression émotionnelle (alexithymie). Le modèle dScheidt propose donc d’intégrer ces méthodes et objectithérapeutiques à la TCC orientée vers la douleur. Une étudcomparative randomisée a donc été réalisée pour évaluel’efficacité de ce modèle. Elle a concerné 46 femmes soufrant de FM (depuis en moyenne huit ans) associée à detroubles dépressifs et anxieux. Le premier échantillon (Gn = 23) a donc suivi une psychothérapie individuelle intepersonnelle au cours de 25 séances d’environ une heureoù un contrat thérapeutique avait été établi. Les auteuprécisent qu’ils ont inclus dans cette prise en charge utravail autour de la modification de stratégies de copin(de « faire face ») dysfonctionnelles face à la douleur ainque l’apprentissage de comportements d’auto-soins, commla relaxation. Le second échantillon (G2, n = 23) a bénéficié de quatre consultations d’environ 15 minutes avec urhumatologue ou neurologue pendant six mois. Au sein dces consultations, les médecins présentaient aux sujedes conseils concernant l’usage des médicaments et lecomportements protecteurs pour la santé. Ils les encourageaient à augmenter leur activité physique ainsi qupratiquer le stretching. Après 12 mois de suivi, tous les sujeétaient évalués à l’aide d’auto-questionnaires axés sur lesymptômes de la FM, la souffrance psychologique, la qualitde vie liée à la santé, le vécu d’incapacité et le retentissement fonctionnel de la douleur. Pour toutes les variableétudiées, les résultats statistiques ne montrent aucune diférence significative entre G1 et G2 après 12 mois de prisen charge. On regrettera des statistiques peu lisibles etermes d’efficacité intra-groupe, les auteurs se contentant de mentionner une diminution de 14 % des symptômefibromyalgiques pour neuf patients de G1 et 11 patients dG2. Aucune donnée n’apparaît quant à la significativité dcette baisse. Les auteurs critiquent leur travail en mettanen avant la petite taille de leur échantillon et l’absencde contrôle d’effet des traitements concomitants (aérobi

antalgiques et antidépresseurs). Malgré des résultats dif-ficilement interprétables et des approches insuffisammentexplicitées, cette étude est l’une des rares à utiliser uneméthodologie comparative randomisée, un traitement desrésultats en intention de traiter et surtout une inclusion depatients avec comorbidité psychiatrique, critère d’exclusionhabituel des études sur la TCC. La thérapie étudiée se veut

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en reltion avec cet article.

Références

[1] Glombiewski JA, Sawyer AT, Gutermann J, Koenig K, Rief WHofmann SG. Psychological treatments for fibromyalgia: a metanalysis. Pain 2010;151:280—95.

[2] Scheidt CE, Waller E, Endorf K, Schmidt S, König R, ZeeA, et al. Is brief psychodynamic psychotherapy in primafibromyalgia syndrome with concurrent depression an effectivtreatment? A randomized controlled trial. Gen Hosp Psychiat2012 http://dx.doi.org/10.1016/j.genhosppsych.2012.10.013

[3] Scheidt CE. Störungsspezifische psychodynamische Kurzzeitpschotherapie somatoformer Schmerzstörungen. Ein Leitfadefür die ambulante Einzelpsychotherapie. Psychotherape2002;47:110—23.

[4] Hyphantis T, Guthrie E, Tomenson B, Creed F. Psychodynaminterpersonal therapy and improvement in interpersonal difculties in people with severe irritable bowel syndrome. Pa2009;145:196—203.

Franck HenryConsultation pluridisciplinaire de la douleur, 21

avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, Fran

Adresse e-mail : [email protected] Psychologue hospitalie

Recu le 28 janvier 2013accepté le 8 fevrier 201

Disponible sur Internet le 11 mars 201

http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.02.005

Analgésie aux urgences : le sufentanylpointe son nez. . .

Analgesia in emergency departments: Here comesthe sufentanyl. . .

Les services d’urgence accueillent de nombreux patienprésentant des douleurs aiguës sévères d’origine traum

tique : la prise en charge de la douleur nécessite de recourirà des opioïdes forts par voie intraveineuse. Or, la mise enplace d’une voie veineuse prend du temps et nécessite debonnes conditions d’installation, alors qu’elle n’est le plussouvent plus utilisée une fois le soulagement obtenu. D’unautre côté, les voies orales et intramusculaires ne peuventoffrir aux patients une analgésie suffisamment rapide. Face
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Consultation pluridisciplinaire de la douleur,

vertébroplastie percutanée permet un soulagement rapide

e constat, la voie intranasale semble pouvoir constituere alternative intéressante, comme le prouve le déve-pement du fentanyl transmuqueux à travers le monde.pendant, ces traitements sont actuellement réservés auxuleurs d’origine cancéreuse pour lesquelles un traite-nt de fond opioïde fort est déjà utilisé. Le recours à

opioïde fort intranasal ne pourrait-il pas s’envisagerur des douleurs aiguës sévères non cancéreuses, notam-nt post-traumatiques ? Probablement, mais la littératureentifique reste encore pauvre sur ce sujet. L’étude obser-tionnelle [1] menée par des urgentistes de Salt Lake Citytah, États-Unis) offre donc des perspectives intéressantes.s auteurs ont choisi d’utiliser le sufentanyl, moléculeq à huit fois plus puissante et deux fois plus lipophilee le fentanyl, dont la demi-vie courte (15 à 20 minutes)

manifestement un atout. Au total, 40 patients (32 ansge moyen) admis dans le cadre de fractures ou luxa-ns de membres ont bénéficié de 0,5 �g/kg de sufentanylranasal. Les principales constatations furent les sui-ntes :l’intensité douloureuse moyenne était de 9 sur 10 avanttraitement, 4,3 après dix minutes puis 3,3 après 20 et30 minutes ;le traitement a été efficace chez 95 % des patients (n = 38),trois patients (déjà consommateurs d’antalgiques) ont eurecours à une seconde dose. Seuls deux patients n’ontressenti aucun soulagement malgré deux doses ;soixante dix-huit pour cent des patients interrogés ontjugé ce traitement comme « très satisfaisant » ;les effets secondaires sont restés peu fréquents et transi-toires : trois cas de vertiges, un cas de vomissement et uncas d’hypoxie (saturation en oxygène inférieure à 88 %).Aucun épisode d’hypotension artérielle ou de bradypnéen’a été noté.

Ces résultats sont prometteurs et permettent d’envisagerrecours aux opioïdes forts les plus lipophiles, de facon nonasive, dans le cadre de l’urgence. D’autres études sontn sûr nécessaires avant d’en arriver là.

claration d’intérêts

uteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-n avec cet article.

férence

Steenblik J, Goodman M, Davis V, Gee C, Hopkins CL, StephenR, et al. Intranasal sufentanil for the treatment of acute pain ina winter resort clinic. Am J Emerg Med 2012;30:1817—21.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,36000 Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Recu le 28 janvier 2013 ;accepté le 8 fevrier 2013

Disponible sur Internet le 27 mars 2013

p://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.02.002

as de tassement vertébral 105

vertébroplastie percutanée permet unulagement rapide en cas de tassementrtébral

e percutaneous vertebroplasty provides a fast painlief in case of vertebral fracture

cas de fracture vertébrale, la douleur peut être difficile àlager, y compris par des opioïdes forts. La vertébroplas-

percutanée est une méthode peu invasive : elle consiste l’injection, guidée par imagerie, d’un ciment acrylique

sein même de la vertèbre. Entre 2002 et 2008, six centresliens membres de l’équipe européenne de rechercher la vertébroplastie (EVEREST en anglais) ont pu suivre47 patients traités pour 13 437 fractures vertébrales, chezi la douleur était insuffisamment contrôlée par le trai-

ent médicamenteux [1]. Au bout de 48 heures, 88 %s patients obtenaient un soulagement significatif (définir une diminution de l’intensité douloureuse d’au moinsur une échelle numérique de 0 à 10). La majorité destients (73 %) présentaient une fracture d’origine ostéopo-ique : l’intensité douloureuse moyenne à 48 heures était

1,8 sur 10, contre 7,7 sur 10 avant vertébroplastie. Lesultats étaient comparables lorsqu’il s’agissait de méta-ses osseuses fracturaires (14 % des patients : 1,7 contre) ou après un traumatisme (5 % des cas : 1,4 contre 7,4).ns tous les cas, l’évolution était statistiquement trèsnificative (p < 0,001). Après un an de suivi, les inten-és douloureuses étaient comparables à celles obtenues

heures après la vertébroplastie. Parmi les 4547 patients,,5 % ont bénéficié d’au moins un nouveau geste, du faitne nouvelle fracture, surtout en cas d’ostéoporose. Ce

iffre est comparable au risque de la population géné-e présentant une ostéoporose. Les complications dette technique ont concerné un patient sur trois, maistes sont restées mineures, aucun patient n’a présenté de

mplication neurologique. En l’absence de groupe témoin,tte étude ne permet pas de répondre à la question :vertébroplastie est-elle plus efficace que le traitementnventionnel, notamment sur le long terme ? En revanche,e apporte de nets arguments en faveur d’un bon rapportnéfice—risque pour soulager rapidement la douleur aiguëne fracture vertébrale.

claration d’intérêts

uteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-n avec cet article.

férence

Anselmettia GC, Marcia S, Saba L, Muto M, Bonaldi G, Carpeg-giani P, et al. Percutaneous vertebroplasty: multi-centric resultsfrom EVEREST experience in large cohort of patients. Eur JRadiol 2012;81:4083—6.

Florentin Clère

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]