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Sédation-analgésie en réanimation pédiatrique C. Ardanuy-Mollens, S. Galene-Gromez, T. Blanc et V. Laudenbach Introduction Les enfants admis en réanimation sont exposés à l’inconfort et à la douleur engendrés par la pathologie motivant l’hospitalisation les procédures invasives ou non invasives qui en découlent. Durant ce séjour, il existe une composante émotionnelle intense dans une population (pédiatrique et parentale) psycho- logiquement vulnérable. Celle-ci est liée notamment à une compréhension de l’expression de la douleur par l’enfant difficile pour les parents et pour le per- sonnel soignant. La distinction entre douleur, inconfort et anxiété, en l’absence de verbalisation, se heurte aux mêmes difficultés que chez l’adulte. Les parents des enfants hospitalisés en réanimation sont soumis à un stress important, qui peut être accru par le ressenti de la douleur, l’anxiété ou l’inconfort de leur en- fant. Ce stress peut également concerner les équipes soignantes : une douleur ou un inconfort incontrôlés peuvent entraîner des réactions de frustration et de colère dans le personnel, éventuellement à l’origine de souffrances psycholo- giques voire de conflits professionnels. L’élaboration de recommandations concernant la sédation en réanimation pé- diatrique a été effectuée par la Pediatric Intensive Care Society britannique en 2006 (1). Un chapitre a été dédié à la pédiatrie dans la conférence de consensus sédation-analgésie en réanimation (nouveau-né exclu) commune à la SFAR et à la SRLF, avec la participation de l’Association des anesthésistes réanimateurs pédiatres d’expression française et du Groupement francophone de réanima- tion et urgences pédiatriques (GFRUP), publiée en 2008 (2). La plupart des références sont issues d’analyses rétrospectives et/ou concernant des collectifs faibles. Certaines études incluent à la fois des nouveau-nés, des nourrissons et des enfants alors que d’importantes variations pharmacociné- tiques existent au cours des premiers mois de vie. Nous proposerons au lecteur

Analgésie et sédation en réanimation || Sédation-analgésie en réanimation pédiatrique

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Sédation-analgésie en réanimation pédiatrique

C. Ardanuy-Mollens, S. Galene-Gromez, T. Blanc et V. Laudenbach

IntroductionLes enfants admis en réanimation sont exposés à l’inconfort et à la douleur engendrés par la pathologie motivant l’hospitalisation les procédures invasives ou non invasives qui en découlent. Durant ce séjour, il existe une composante émotionnelle intense dans une population (pédiatrique et parentale) psycho-logiquement vulnérable. Celle-ci est liée notamment à une compréhension de l’expression de la douleur par l’enfant difficile pour les parents et pour le per-sonnel soignant. La distinction entre douleur, inconfort et anxiété, en l’absence de verbalisation, se heurte aux mêmes difficultés que chez l’adulte. Les parents des enfants hospitalisés en réanimation sont soumis à un stress important, qui peut être accru par le ressenti de la douleur, l’anxiété ou l’inconfort de leur en-fant. Ce stress peut également concerner les équipes soignantes : une douleur ou un inconfort incontrôlés peuvent entraîner des réactions de frustration et de colère dans le personnel, éventuellement à l’origine de souffrances psycholo-giques voire de conflits professionnels.L’élaboration de recommandations concernant la sédation en réanimation pé-diatrique a été effectuée par la Pediatric Intensive Care Society britannique en 2006 (1). Un chapitre a été dédié à la pédiatrie dans la conférence de consensus sédation-analgésie en réanimation (nouveau-né exclu) commune à la SFAR et à la SRLF, avec la participation de l’Association des anesthésistes réanimateurs pédiatres d’expression française et du Groupement francophone de réanima-tion et urgences pédiatriques (GFRUP), publiée en 2008 (2).La plupart des références sont issues d’analyses rétrospectives et/ou concernant des collectifs faibles. Certaines études incluent à la fois des nouveau-nés, des nourrissons et des enfants alors que d’importantes variations pharmacociné-tiques existent au cours des premiers mois de vie. Nous proposerons au lecteur

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des éléments de pratique issus de cette littérature, malheureusement peu impor-tante, ainsi que de l’expérience des auteurs.Rapidement, on peut seulement retenir que la perception de la douleur est acquise entre la vingt-quatrième et vingt-neuvième semaine de vie fœtale. Le nouveau-né, même prématuré, dispose en effet d’une maturité anatomique et neurochimique suffisante pour permettre la transmission et la perception des influx nociceptifs. S’y ajoute une inefficacité des systèmes inhibiteurs (le gating des Anglo-Saxons) jusqu’à l’âge de 14 semaines de vie postnatale (voies inhi-bitrices descendantes non fonctionnelles, taux plasmatiques des opioïdes en-dogènes peu élevés, rôle de filtre de la corne médullaire postérieure inefficace). Ainsi, le système nerveux du nouveau-né présente une hypersensibilité à la no-ciception. La survenue précoce d’une douleur intense sur un système nerveux immature serait responsable de modifications structurelles et fonctionnelles des neurones de la corne dorsale pouvant déclencher une hyperalgésie lors des dou-leurs futures (mémoire, neuroplasticité). Il en résulte une mémoire douloureuse implicite, inconsciente, responsable d’anxiété et d’appréhension ultérieures. Le bébé vivra la douleur de façon plus intense et durable avec une forte sensibilisa-tion à une future douleur (3). La mémoire de la douleur explicite et consciente n’est pas présente avant l’âge de 3 ans (4).

Définition et buts de la sédation-analgésie La définition et les buts de cette prise en charge en pédiatrie sont identiques à ceux de la prise en charge de l’adulte. La sédation-analgésie regroupe l’en-semble des moyens, pharmacologiques ou non, mis en œuvre pour assurer le confort et la sécurité des patients dans un milieu source d’agressions physiques et/ou psychologiques. La sédation-analgésie, comme l’état d’anesthésie géné-rale, inclut diverses composantes  : sédation (somnolence), hypnose (perte de l’état conscient), anxiolyse, atténuation des réactions végétatives, amnésie des agressions les plus sévères, myorelaxation lorsque la situation médico-chirurgi-cale le justifie, analgésie à proprement parler. Selon la sévérité de la situation du patient (hémodynamique et hématose instables ou non, phase de stabilisation ou de sevrage, aptitudes relationnelles avec l’entourage soignant et familial, no-tamment), on peut considérer que le but fixé est une sédation-analgésie  « de confort » (soulager en priorité la douleur, améliorer la tolérance à l’environne-ment) ou une sédation-analgésie   «  thérapeutique »  (plus profonde, peu dif-férente de l’anesthésie générale, élément thérapeutique de pathologies graves telles qu’un SDRA ou un traumatisme crânien sévère). La stratégie choisie doit être compatible avec le maintien d’une stabilité hémodynamique et une éva-luation neurologique aussi continue et précise que possible. Elle ne doit pas prolonger les durées de VM, ni augmenter la fréquence des transports intra-hospitaliers et la durée de séjour à l’hôpital. Elle doit autant que possible éviter des explorations radiologiques inutiles. Selon la pathologie ou le stade évolutif,

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on peut chercher l’immobilité (HIC) ou à l’inverse la coopération de l’enfant (sevrage d’une ventilation artificielle).Comme chez l’adulte, la distinction entre douleur, anxiété et inconfort, voire conséquences psychologiques ou psychiatriques, peut être ardue. La prise en charge analgésique est prioritaire de principe non seulement pour des raisons éthiques, mais également dans la population pédiatrique en raison des répercus-sions durables qui peuvent exister en cas de douleur non soulagée : hyperpathie, allodynie, troubles du comportement divers (contact avec l’entourage, alimen-tation, interactions avec l’environnement), syndromes dépressifs. D’autre part, douloureuses ou non, des situations pathologiques engageant le pronostic vital peuvent également être à l’origine de SSPT et de troubles du comportement, chez l’enfant et les parents.

Les moyensLes protocoles d’analgésie-sédation doivent être adaptés à l’âge : la pharmaco-cinétique varie du nourrisson, à l’enfant et à l’adolescent (qui se rapproche plus de l’adulte). Le traitement d’une hypovolémie ou l’emploi de drogues vasopres-sives doit précéder la mise en route d’une sédation.

Les moyens non pharmacologiques

Les aspects relationnels (interaction avec l’enfant, explication des soins, pré-sence parentale) doivent être largement encouragés, même si leur influence réelle est difficilement quantifiable. Des approches comportementales compo-sites destinées à limiter les conséquences psychologiques de l’hospitalisation pour l’enfant et ses parents (supports pédagogiques à l’intention des enfants et des parents, implication des parents dans les soins, entretien avec des psycholo-gues) commencent à être rapportées dans la littérature (5). Leurs résultats po-sitifs, mais impliquant une organisation complexe et des ressources humaines importantes ne peuvent être qu’encouragés. Il est également nécessaire d’in-sister sur la nécessité de privilégier les soins les moins invasifs, de regrouper les soins et les examens afin de laisser le nourrisson bénéficier d’une qualité de sommeil aussi bonne que possible et de limiter les nuisances environne-mentales (bruit, lumière, respect du cycle nycthéméral). Ces derniers éléments nécessitent une prise de conscience collective de l’équipe soignante et doivent être régulièrement remis en mémoire, en particulier à l’intention des nouveaux arrivants, dans des services dans lesquels la rotation des personnels est souvent importante.Le saccharose oral (associé à la succion non nutritive) utilisé lors de douleur aiguë ponctuelle, comme les ponctions veineuses, n’a un effet antalgique que

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durant la période néonatale (moins de 6 semaines) (6). Les doses recomman-dées sont de : – 0,02 à 0,1 g chez le prématuré ; – 0,2 à 0,5 g chez le nouveau-né à terme.

En pratique, de 0,1 à 0,2 ml de saccharose à 30-40 % avec une tétine ou au doigt (sucre de canne ou saccharose pharmaceutique préparé en aliquotes jetées toutes les 24 heures, délai d’action de 2 min, pour une durée de 5 à 7 min, il peut être réadministré en notant les prises et les horaires). Il a été démontré que l’adminis-tration de saccharose ne modifie pas les valeurs des glycémies capillaires (7).

Les moyens pharmacologiques

Comme chez l’adulte, il n’existe pas de drogue idéale adaptée à toutes les situa-tions, et différentes associations peuvent être utilisées. Elles sont communes et souvent mieux documentées chez l’adulte, ce qui n’empêche pas qu’elles soient couramment adaptées à la pédiatrie. Elles regroupent le plus souvent hypno-tiques et morphiniques. Les curares, peu usités, ont les mêmes indications que chez l’adulte. Si un nombre substantiel de travaux ont permis de préciser la pharmacocinétique de drogues administrées en bolus unique (permettant ainsi d’identifier une élimination des drogues à fort coefficient d’extraction hépa-tique plus rapide entre 2 et 6 ans que chez le grand enfant et le nourrisson) (8), il n’existe pratiquement pas de donnée en réanimation. En particulier, la demi-vie contextuelle des divers agents n’est pas établie. La détermination de la posologie optimale repose donc sur la titration, seul moyen de composer avec la variabilité de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des drogues chez l’enfant hospitalisé pendant une longue période pour une pathologie complexe. Les doses indiquées sont donc données avec des fourchettes plus ou moins larges selon la drogue.

Hypnotiques

Midazolam (classe des BZD) HypnovelA : hypnotique, anxiolytique, amnésiant, myorelaxant, anticonvulsivant. Les études de pharmacocinétique concernant le midazolam en réanimation pé-diatrique sont rares. Elles n’ont pas pu établir de corrélation entre les concen-trations plasmatiques mesurées et les scores de sédation (échelle Comfort) (9, 10). Parmi les causes possibles de cette absence de corrélation, on peut noter les effectifs de patients faibles, des populations associant nouveau-nés, nourris-sons, enfants d’âge préscolaire ou scolaire et adolescents, la variabilité des délais d’administration, l’existence de différentes drogues sédatives associées et/ou de phénomènes de tolérance. La demi-vie d’élimination mesurée chez des enfants âgés de 2 jours à 17 ans est de 5,5 ± 3,5 heures (10). Elle est prolongée chez le nouveau-né en raison de la faiblesse de sa clairance rénale.

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En pratique clinique, la posologie varie de 15 à 400 �g/kg/h, après un bo-lus de 15 à 200 �g/kg. Cette dernière doit se faire sur quelques minutes afin d'éviter une hypotension. Un bolus de 100 �g/kg suivi d'une dose médiane de 90 �g/ kg/h (50-400) permet d'obtenir un score Comfort < 26 dans une série de 14 enfants (11).Thiopental sodique, Penthotal (dérivé soufré de l’acide barbiturique) NesdonalA : hypnotique, anticonvulsivant.Son indication principale, hors procédure d’intubation, se trouve dans les pa-thologies convulsivantes et entraînant une HIC (traumatiques, infectieuses ou vasculaires) (12). Sa demi-vie d’élimination est plus courte chez l’enfant que chez l’adulte, car la clairance est augmentée  ; elle est en revanche prolongée chez le nouveau-né. La demi-vie contextuelle s’allonge rapidement et le réveil est retardé en cas d’administration continue.Il est faiblement vasodilatateur, cardio-dépresseur et finalement hypotenseur, sauf en cas d’hypovolémie patente. Toutefois, lors d’une administration prolon-gée, l’accumulation de cette drogue peut avoir des répercussions sur l’activité myocardique, et la tolérance hémodynamique doit être précisément évaluée (contrôle d’une hypovolémie, mesure de la pression artérielle sanglante, mesure de la fonction cardiaque, en général échographique). Lors de l’induction d’une anesthésie, la dose d’induction est de 6 à 10 mg/kg lorsque la situation hémody-namique est stable. Une administration continue se fera préférentiellement sur une voie d’abord unique (précipitation avec de nombreux autres médicaments), en général un cathéter veineux central. La posologie peut varier de 1 à 10 mg/kg/h selon la pathologie, l’effet souhaité et la tolérance hémodynamique. Dans le cas d’un état de mal convulsif, le contrôle des crises est un objectif, mais un tracé EEG plat ou l’obtention d’un aspect du type burst suppression sur l’EEG ne sont plus des objectifs retenus par la dernière recommandation formalisée d’experts de la SRLF (13).Kétamine (arylcycloalkylamine) KétalarA : psychodysleptique, analgésique, am-nésiant.Son utilisation en perfusion continue à visée antalgique est rapportée de ma-nière épisodique (14). Elle trouve davantage sa place pour la réalisation d’actes ponctuels (cathétérismes, drainages thoraciques, endoscopies) (15). Ses pro-priétés déterminent ses indications et contre-indications : – sympathomimétique indirect, sa tolérance hémodynamique est en général

bonne chez les patients hypovolémiques ou en état de choc (à la réserve près que le système sympathique doit être « recrutable » car elle a un effet inotrope négatif sur cœur isolé ou en cas de bloc adrénergique [rachianes-thésie]) ;

– bronchodilatatrice, elle peut être utilisée pour l’intubation d’un état de mal asthmatique ;

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– augmentant la PIC par vasodilatation entraînant une augmentation du débit sanguin cérébral, elle est classiquement contre-indiquée en cas d’HIC, bien que des publications récentes remettent ce dogme en question (16, 17) ;

– elle entraîne une hypersécrétion salivaire et bronchique, favorisant les laryngos-pasmes, pouvant être limitée par l’administration concomitante d’atropine ;

– elle est responsable d’hallucinations auditives et sensorielles entraînant des états d’agitation, nécessitant l’adjonction d’un hypnotique (BZD ou neuro-leptique, en sachant qu’elle peut abolir l’effet sympathomimétique et pourra donc, selon les indications, être simultanée ou décalée) ;

– elle semble, par son action antagoniste du récepteur NMDA, permettre une limitation de la tolérance aiguë aux morphiniques (18).

La dose d’induction est de 1 à 2 mg/kg, la dose d’entretien est de 1 à 2 mg/kg/h pour un effet sédatif, de 0,15 à 0,3 mg/kg/h pour un effet antalgique avec pré-servation de la conscience.Propofol (dérivé alkyl phénol) DiprivanA : hypnotique.Le propofol peut être utilisé pour des procédures brèves, diagnostiques ou thérapeutiques. L’utilisation prolongée, au-delà de quelques heures, du propo-fol est contre-indiquée chez l’enfant en raison du risque de PRIS (19). Long-temps contestée puis considérée comme spécifique du jeune enfant, cette entité semble pouvoir être également observée chez l’adulte (20). La plupart des cas publiés concernaient des patients recevant des posologies élevées (> 5 mg/kg/h) pendant plus de 48 heures, mais des cas de survenue plus rapide ont également été rapportés. Ces patients ont développé une instabilité hémodynamique avec défaillance myocardique, élévation de la troponine I, acidose métabolique et hyperlactacidémie, hépatomégalie, hyperlipidémie, rhabdomyolyse, myoglobi-nurie, hyperkaliémie et insuffisance rénale aiguë, évoluant vers la bradyaryth-mie et l’asystolie puis le décès. Certains cas ont évolué favorablement, parfois après mise en œuvre d’une hémofiltration veino-veineuse. Le mécanisme sup-posé à l’origine de ce syndrome serait une inhibition du métabolisme oxydatif des acides gras libres au niveau mitochondrial (19). La question de savoir si le PRIS ne survient que chez des patients prédisposés sur le plan génétique ou porteurs de cytopathies mitochondriales infracliniques n’est pas tranchée. L’AMM française du DiprivanA n’autorise pas son emploi pour sédation pro-longée avant l’âge de 15 ans.Pour un emploi ponctuel, la dose d’induction est de 3 à 10 mg/kg selon l’âge (d’au-tant plus faible que l’enfant est âgé et que d’autres agents sont associés) et la dose d’entretien, initialement élevée (de 10 à 18 mg/kg/h pendant les 30 premières mi-nutes d’administration), sera ensuite au mieux inférieure ou égale à 6 mg/kg/h.

Opiacés

Il n’existe pas de publication évaluant l’efficacité comparée de la nalbuphine, de la morphine, du fentanyl ou du sufentanil en réanimation pédiatrique. L’anal-

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gésie continue peut reposer sur la nalbuphine ou la morphine (enfant en venti-lation spontanée ou assistée), le sufentanil ou le fentanyl (enfant en ventilation assistée). Le rémifentanil pourrait avoir un intérêt pour des procédures ponc-tuelles (drainage thoracique) (21). En cas de pathologie douloureuse évolutive, une dose de charge est indispensable à l’institution du traitement. Celle-ci est, au mieux, déterminée par titration, imposant le respect des délais d’action (de 3 à 5 min pour le fentanyl, de 3 à 7 min pour le sufentanil, de 5 à 7 min pour la morphine).Les posologies habituellement utilisées sont : – pour une titration de morphine  : premier bolus 100 μg/kg (max. de 2 à

3 mg) puis 25 μg/kg/5 min (max. 2 mg/5 min) ; – pour une ACP ou par l’infirmière par morphine : après titration, bolus de

20 μg/kg, période réfractaire de 5 à 8 min ; – pour une perfusion continue de morphine, de 10 à 50 μg/kg/h, en prenant

garde au risque d’accumulation et de surdosage, notamment en cas d’imma-turité ou d’insuffisance rénale ;

– pour une perfusion continue de sufentanil  : dose de charge de 0,05 à 0,3 μg/kg, entretien de 0,05 à 0,5 μg/kg/h ;

– pour une perfusion continue de fentanyl : dose de charge de 1 à 3 μg/kg, entretien de 1 à 5 μg/kg/h.

Une posologie plus élevée peut être nécessaire dès lors que l’évaluation de l’en-fant le justifie et en cas de tolérance aux opiacés, à condition que les effets indé-sirables (dépression respiratoire) soient contrôlés. A contrario, on doit prendre garde à ne pas augmenter rapidement la posologie d’une perfusion continue si la douleur ne le justifie pas, au risque d’accélérer la survenue d’une tolérance aiguë. C’est dans ces situations aiguës où la distinction entre douleur, anxiété et inconfort de l’enfant peut se révéler un véritable défi, l’anxiété étant souvent partagée par l’entourage, soignants inclus. La tolérance aux opiacés, en géné-ral observée vers 1-2 semaines, serait plus rapide avec le fentanyl, si le patient recevait un traitement préalable pour douleur chronique ou en cas de séjour prolongé antérieur en réanimation (22). Il n’existe pas de dose plafond, seule la survenue des effets indésirables est un facteur limitant. La rotation des opiacés (avec conversion équianalgésique et en prenant garde au phénomène de tolé-rance croisée incomplète) peut être utile dans une situation de tolérance (22).

Autres analgésiques

Bien que son usage ne soit pas documenté dans cette situation, l’utilisation du paracétamol oral ou injectable est fréquente en réanimation pédiatrique en France. Il n’est efficace que sur les douleurs chroniques, faibles à modérées. En dépit de la certitude de cette efficacité, justifiant pleinement le principe de son utilisation, il faut souligner le risque d’une banalisation de son usage. Considéré (à juste titre) comme extrêmement bien toléré, il est parfois administré de ma-

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nière systématique et « détournée » (par exemple, traitement d’un inconfort par ce médicament alors que la prescription initiale a été faite à visée antipyrétique). Le pire est observé lorsque son administration est faite sur une mauvaise indica-tion et, comme il est fréquent en réanimation pédiatrique en raison des grandes différences de poids des patients (23), à une posologie erronée, parfois dix fois supérieure à la posologie normale. On attirera donc l’attention du personnel soignant sur les avantages, mais aussi sur les risques de cette molécule et sur la nécessité de respecter strictement le cadre de la prescription. On soulignera éga-lement la possibilité d’un traitement antidote, efficace à condition que l’alerte sur la survenue d’une erreur soit donnée rapidement.Bien entendu, la connaissance nécessaire de la fréquence élevée de survenue des erreurs de prescription, de préparation ou d’administration des médicaments en anesthésie et réanimation pédiatrique ne concerne pas que le paracétamol, mais bien tous les médicaments et solutions injectables. L’anticipation, la dé-tection et la correction de ces erreurs sont un objectif quotidien des soignants, dont l’expérience montre qu’il est actuellement loin d’être atteint.La crème EMLAA bénéficie d’une AMM dès la période néonatale. La posologie (nombre de sites de ponction) doit être adaptée à l’âge, afin de prévenir le risque de toxicité systémique. Son emploi doit être encouragé. Dans le but de limiter le nombre de ponctions douloureuses, une attention particulière doit être por-tée à la rationalisation des prélèvements sanguins (indication, regroupement). Si un cathéter artériel ou veineux est en place, la plupart des réanimateurs pé-diatres français vont privilégier son utilisation pour les prélèvements, en dépit du risque infectieux qu’il faut s’attacher à maîtriser.Il n’existe pas d’étude rapportant l’emploi du protoxyde d’azote en réanima-tion pédiatrique. À condition de respecter les contre-indications, son utilisation pour l’analgésie lors de procédures ponctuelles semble possible et intéressante chez des patients sélectionnés (ablation de drain ou de cathéter tunnélisé, par exemple).

Autres sédatifs

Un neuroleptique (par exemple, la lévomépromazine [NozinanA]) et/ou un agoniste alpha2-adrénergique (clonidine) peuvent également être proposés, no-tamment chez les cérébrolésés pédiatriques, chez qui leurs propriétés thérapeu-tiques sur les « orages » neurovégétatifs pourraient avoir un intérêt (24). Ces molécules pourraient également trouver leur place dans le traitement préventif ou curatif du syndrome de sevrage (voir plus haut).

Curares

Chez les enfants hospitalisés en réanimation, les curares seraient employés au cours de 6 à 16 % des jours de VM (25). Le vécuronium (NorcuronA) est le curare le plus souvent cité (26). Les indications, modalités de surveillance et

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effets indésirables ne diffèrent pas de ceux de l’adulte  : privilégier de plus en plus les benzylisoquinolines (cis-atracurium et atracurium), car ils sont dégradés dans le plasma (voie de Hofmann) sans influence des fonctions hépatiques et rénales et en raison de leur potentiel allergisant moindre par comparaison aux stéroïdes. Pour mémoire, les posologies usuelles sont : – cis-atracurium (NimbexA) : bolus de 150 à 200 μg/kg puis de 60 à 180 μg/kg/h ; – atracurium (TracriumA) : bolus de 300 à 600 μg/kg puis de 300 à 600 μg/kg/h ; – vécuronium (NorcuronA) : bolus de 50 à 100 μg/kg puis de 50 à 100 μg/kg/h.

Évaluation de la sédation et de l’analgésie

Les buts de l’évaluation de la douleur sont d’anticiper le diagnostic de la dou-leur, son traitement et l’efficacité de celui-ci tout en homogénéisant les pra-tiques. Les difficultés rencontrées en pédiatrie sont : – l’absence de verbalisation de la douleur avant 2-3 ans ; – la distinction presque impossible entre douleur et anxiété ; – une réponse comportementale variable en intensité en fonction du type de

douleur, de l’âge et d’un enfant à l’autre.

Les échelles

Aucune échelle de douleur utilisée seule ne peut répondre à toutes les situa-tions rencontrées en réanimation, a fortiori en réanimation pédiatrique. Plus de trente échelles différentes existent, adaptées à différentes situations. Toutes ne sont pas publiées. L’indicateur de douleur le plus fiable est celui exprimé par le patient lui-même. Une échelle d’autoévaluation doit donc être privilégiée (en général, chez les enfants de plus de 5 ans) si l’état de conscience et de compré-hension le permet. Par exemple,  EVS, EVA ou échelle des visages (faces pain scale-revised, FPS-R) (27). Il existe des échelles d’hétéroévaluation comporte-mentales (uni- ou multidimensionnelles) et des échelles composites associant des données comportementales et des paramètres physiologiques (variation de la FC et de la pression artérielle). Les douleurs aiguës (du type postopératoire) peuvent être par exemple évaluées par : – le score d’Amiel-Tison pour les enfants de moins de 1 an (un score > 15

nécessite un antalgique) ; – le score CHEOPS (Children’s Hospital of Eastern Ontario Postoperative Scale)

pour les enfants de 1 à 5 ans (28) ; – le score composite OPS (objective pain-discomfort scale) pour les enfants de

moins de 5 ans (29).

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L’échelle d’hétéroévaluation composite la plus référencée est la Comfort Scale (30). Le Comfort Scale B (behaviour), limitée aux items comportementaux est d’utilisation plus simple et a été retenue par la conférence de consensus 2007 (31) (tableau I). Les enfants de plus de 6 ans (pouvant répondre à des ordres simples) peuvent aussi être évalués par des échelles utilisées chez l’adulte, comme l’échelle de Ramsay.

Les objectifs

Pour une sédation-analgésie de « confort » : – EVA � 30, EVS � 2 ; – Ramsay = 2 en VS, entre 2 et 3 en VM ; – Comfort 23-26, Comfort B 17-22.

Pour une sédation-analgésie « thérapeutique » : – Ramsay 4 à 5 ; – Comfort 17-23, Comfort B 11-17.

Sauf situation particulière (HIC), on considérera la sédation-analgésie comme excessive pour un score de Ramsay à 6, un score Comfort inférieur à 16 ou Comfort-B inférieur à 10. Certains auteurs proposent d’évaluer la profondeur de la sédation par l’analyse du BIS quand les échelles atteignent leur limite d’efficacité et ne peuvent pas détecter une sédation inadaptée : curarisation, coma barbiturique (32, 33). Des études supplémentaires sont nécessaires pour préciser la place de cet outil ainsi que des autres outils électrophysiologiques (PEA, entropie) dans ce contexte.

Quand et comment arrêter une sédation-analgésie

La décision de diminuer puis d’arrêter une sédation-analgésie dépend natu-rellement de l’amélioration de la (les) défaillance(s) justifiant la réanimation. Chez l’adulte, la réévaluation quotidienne des posologies permet de raccourcir les durées de sevrage, de ventilation, de séjour et de réduire le nombre des explorations neurologiques (34). Il est permis de penser que cette attitude est recommandable également chez l’enfant. Les modalités d’arrêt de la sédation et de l’analgésie ont pour objectifs d’assurer un réveil calme, confortable, sans rebond douloureux et d’éviter la survenue d’un syndrome de sevrage. Chez l’enfant, l’incidence des syndromes de sevrage aux opiacés et au midazolam est élevée d’autant plus que la dose cumulée et la durée (plus de 5 jours) sont importantes et que leur arrêt est brutal (35). La prévention du syndrome de sevrage repose sur une diminution progressive de la posologie des traitements en cours. L’évaluation des signes de sevrage peut éventuellement se faire à l’aide du score de Finnegan, largement employé (bien

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que non documenté…) chez le nouveau-né de mère toxicomane et, en pra-tique, souvent proposé chez le nourrisson (tableau II). Certains protocoles pro-posent une cotation des signes cliniques avec un schéma de décroissance des thérapeutiques, mais aucun n’est issu d’études prospectives randomisées (36).

Tableau II – Score de sevrage de Finnegan adapté à l’enfant. Un score < 8 indique un sevrage léger, 8-11 un sevrage modéré et > 11 un sevrage sévère.

Signe/symptôme Score

Pleurs excessifs 2

Pleurs incessants 3

Sommeil < 1 h 3

Sommeil < 2 h 2

Sommeil < 3 h 1

ROT* vifs 2

ROT* très vifs (clonus) 3

Tremblements modérés à stimulation 1

Tremblements importants à stimulation 2

Tremblements modérés au repos3

Tremblements importants au reposHypertonie 2

Convulsions 5

Bâillements fréquents 1

Excoriations 1

Sueurs 1

T° > 38,5 °C 1

Tachycardie 1

Encombrement nasal 1

Éternuements 1

Respiration nasale bruyante 2

Tachypnée 1

Tachycardie 1

Succion excessive 1

Difficultés d’alimentation 2

Régurgitations 2

Vomissements en jet 3

Selles diarrhéiques 2

Selles liquides 3

* ROT : réflexe ostéo-tendineux.

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Traitement d’un syndrome de sevrage

Une première attitude couramment proposée est la réintroduction de la ou des drogue(s) précédemment utilisées, à posologie plus faible, afin de reprendre une décroissance progressive. Si l’on considère, au contraire, la possibilité de relayer le traitement précédent par un autre traitement, c’est la méthadone qui fait l’objet du plus grand nombre d’études publiées (37). Cet opiacé de syn-thèse d’action prolongée possède une biodisponibilité excellente et permet un relais par voie orale avec des intervalles de prises espacés (toutes les 12 à 24 h). Toutefois, son emploi dans cette indication en France est rarissime sinon nul.Parmi les autres catégories médicamenteuses, on peut proposer le recours à un neuroleptique ou à un agoniste alpha2-adrénergique. La dexmédétomidine a démontré son efficacité dans cette indication chez l’adulte, mais n’est pas com-mercialisée en France (38).

Peut-on extuber un enfant recevant une sédation-intraveineuse ?

Cette question se pose couramment en pratique clinique chez des enfants ayant développé une tolérance aux hypnotiques et/ou aux opiacés, présentant tous les critères requis pour une extubation, en particulier un état de conscience par-fait malgré l’administration de ces drogues et chez qui on souhaite éviter une interruption brutale de celles-ci tout en ne prolongeant pas «  inutilement » la ventilation artificielle. La réponse à cette question n’existe pas dans la littérature, mais, à titre personnel et à condition que l’environnement humain et matériel le permette (personnel disponible en nombre, matériel nécessaire à la réintubation préparé dans la chambre, antagonistes pharmacologiques disponibles …), les au-teurs proposent une réponse éventuellement affirmative, discutée au cas par cas.

Conduite pratique de la sédation-analgésie (voir algorithme, fig. 1)

Une prise en charge adaptée de la sédation-analgésie s’impose chez tout enfant hospitalisé en réanimation.Une attention particulière doit être portée sur l’environnement (atténuation des nuisances acoustiques, respect des cycles nycthéméraux …), bien que la littérature sur ce point soit limitée.La présence des parents auprès de l’enfant doit être facilitée.L’évaluation de la douleur et de l’inconfort doit être systématique et régulière. Elle doit être adaptée à l’âge et aux conditions de l’enfant.Chez l’enfant conscient en âge de la comprendre (généralement au-delà de 4-5  ans), l’EVA est la méthode d’autoévaluation de référence. Chez l’enfant sédaté ou ne pouvant s’exprimer, la Comfort scale est l’échelle la plus employée.

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On peut également utiliser la Comfort scale B limitée aux items comportemen-taux. Pour les patients curarisés, le BIS pourrait être utile.Un état de choc non contrôlé contre-indique l’administration de sédatifs. Une hypovolémie doit être traitée avant toute administration de BZD ou morphi-niques. Un choc cardiogénique contre-indique le recours à des doses élevées de BZD. En cas d’inconfort important dans un contexte d’hémodynamique instable, l’emploi de drogues vasopressives peut être justifié pour améliorer la tolérance tensionnelle du traitement sédatif.

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Le traitement de la douleur doit être, de principe, prioritaire. Chez les enfants dans le coma, recevant des sédatifs non analgésiques ou curarisés, l’expression comportementale de la douleur est atténuée, faussant ainsi les résultats de l’éva-luation. On tient alors compte des modifications des paramètres physiologiques, mais surtout on donne à l’enfant le « bénéfice du doute » : s’il existe un motif pour lequel cet enfant pourrait avoir mal, on instaure un traitement antalgique.La détermination de la posologie optimale repose sur la titration, seul moyen de composer avec la variabilité de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamie des drogues chez l’enfant.L’analgésie continue repose sur la nalbuphine, la morphine (enfant en ventila-tion spontanée ou assistée), le sufentanil ou le fentanyl (enfant en ventilation assistée). Une « dose de charge » est indispensable à l’institution du traitement. Celle-ci est, au mieux, déterminée par titration, imposant le respect des délais d’action (de 3 à 5 minutes pour le fentanyl, de 3 à 7 minutes pour le sufentanil). Les posologies habituellement utilisées sont : – dose de charge : de 30 à 100 μg/kg (morphine), de 0,1 à 0,2 μg/kg (sufentanil)

ou de 1 à 2 μg/kg (fentanyl), – entretien : de 10 à 50 μg/kg/h (morphine), de 0,1 à 0,5 μg/kg/h (sufentanil)

ou de 1 à 5 μg/kg/h (fentanyl).Une posologie plus élevée peut être nécessaire dès lors que l’évaluation de l’enfant le justifie (tolérance aux opiacés) et que les effets indésirables sont contrôlés.Aucune étude pédiatrique évaluant une interruption quotidienne du traitement n’a été publiée. On peut penser que cette attitude apporterait le même bénéfice que celui observé chez l’adulte.La sédation continue est habituellement assurée par le midazolam. La posologie varie entre 15 et 400 μg/kg/h, après un bolus de 15 à 200 μg/kg. Celle-ci doit être administrée sur quelques minutes afin d’éviter une hypotension. Les prin-cipes de titration et d’évaluation doivent être appliqués.En dehors du contexte postopératoire et donc d’une utilisation limitée à quelques heures, le propofol est contre-indiqué en sédation continue chez l’en-fant de moins de 15 ans.La kétamine peut être utilisée en complément des opiacés et des BZD. La po-sologie pour un effet antalgique sans effet sédatif est de 100 à 300 μg/kg/h. Des posologies sédatives (de 1 à 2 mg/kg/h) sont possibles dans certaines situations (par exemple, asthme aigu grave ventilé).Les curares non dépolarisants peuvent être indiqués dans certaines situations, par exemple lorsqu’une sédation-analgésie bien conduite ne permet pas l’adap-tation à la ventilation artificielle d’un enfant en situation respiratoire grave. On peut proposer : vécuronium (100 μg/kg/h après un bolus de 100 μg/kg), atracurium (de 200 à 500 μg/kg/h après une dose de charge de 500 μg/kg) ou cis-atracurium (de 60 à 180 μg/kg/h après une dose de charge de 150 μg/kg).

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Le degré de curarisation doit être monitoré et l’indication des curares régulière-ment rediscutée. Une attention particulière doit être portée à la prévention des complications trophiques (lésions oculaires, points de compression).La décroissance des opiacés doit être progressive et adaptée à la durée préalable du traitement afin d’éviter un syndrome de sevrage.Le syndrome de sevrage aux opiacés peut justifier la réintroduction des drogues à doses moindres.

ConclusionMême si la sédation-analgésie est un élément majeur de la prise en charge de l’en-fant en réanimation, de nombreux travaux sont encore nécessaires pour affiner les connaissances tant cliniques que pharmacologiques dans ce domaine. Dans l’état actuel de la littérature, la plupart des molécules couramment employées en réani-mation de l’adulte ou en anesthésie-réanimation pédiatrique peuvent être préco-nisées pour la réalisation d’une sédation de l’enfant en réanimation, à l’exception notable du propofol. L’adéquation du degré de sédation et d’analgésie nécessite de se doter d’outils d’évaluation adaptés à l’âge et à la pathologie de l’enfant.

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