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This article was downloaded by: [University of West Florida] On: 10 October 2014, At: 01:35 Publisher: Taylor & Francis Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Revue Française de Génie Civil Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/tece18 Analyse probabiliste de la fiabilité des poutres en béton armé corrodées Frédéric Duprat a a Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions , INSA Génie Civil , 135, avenue de Rangueil, F-31077, Toulouse cedex 4 E-mail: Published online: 05 Oct 2011. To cite this article: Frédéric Duprat (2004) Analyse probabiliste de la fiabilité des poutres en béton armé corrodées, Revue Française de Génie Civil, 8:2-3, 261-288 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/12795119.2004.9692606 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http:// www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions

Analyse probabiliste de la fiabilité des poutres en béton armé corrodées

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This article was downloaded by: [University of West Florida]On: 10 October 2014, At: 01:35Publisher: Taylor & FrancisInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: MortimerHouse, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

Revue Française de Génie CivilPublication details, including instructions for authors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/tece18

Analyse probabiliste de la fiabilité des poutres enbéton armé corrodéesFrédéric Duprat aa Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions , INSA Génie Civil , 135, avenuede Rangueil, F-31077, Toulouse cedex 4 E-mail:Published online: 05 Oct 2011.

To cite this article: Frédéric Duprat (2004) Analyse probabiliste de la fiabilité des poutres en béton armé corrodées,Revue Française de Génie Civil, 8:2-3, 261-288

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Page 2: Analyse probabiliste de la fiabilité des poutres en béton armé corrodées

Revue française de génie civil. Volume 8 – n° 2-3/2004, pages 261 à 288

Analyse probabiliste de la fiabilitédes poutres en béton armé corrodées

Frédéric Duprat

Laboratoire Matériaux et Durabilité des ConstructionsINSA Génie Civil135, avenue de RangueilF-31077 Toulouse cedex 4

[email protected]

RÉSUMÉ. Une estimation de la fiabilité des poutres en béton armé dégradées par corrosiondes armatures est proposée sur la base du calcul de l’indice de fiabilité. La corrosion estinitiée par la présence d’ions chlores, provenant de sels de déverglaçage ou d’embrunsmarins. Une large revue bibliographique a permis de spécifier les distributions desparamètres aléatoires liés à l’environnement (taux ou flux de chlorures en surface, coefficientde diffusion, courant de corrosion) et ceux liés à la géométrie de l’élément et auxcaractéristiques mécaniques des matériaux. Une évaluation actualisée de la fiabilité estconsidérée au cours de la vie de l’ouvrage. Les résultats montrent l’incidence sur la fiabilitédu type d’exposition, de la qualité du béton et des choix de dimensionnement selon le BAEL.

ABSTRACT. An assessment of the reliability of reinforced concrete beams with corrodedreinforcement is proposed based on the computation of the reliability index. The corrosion isinduced by chlorides provided from de-icing salts or marine breeze. The statisticaldistributions have been specified from a wide review of previous studies for environmentalparameters (surface chloride concentration or flux, coefficient of diffusion, corrosion currentdensity) and also for geometrical parameters and mechanical properties of materials. Thetime dependant reliability is evaluated taking into account the previous survival period of thestructure. The results show the effect on reliability of exposition conditions, quality ofconcrete and design options according to French design rules.

MOTS-CLÉS : fiabilité, béton armé, corrosion, chlore.

KEYWORDS: reliability, reinforced concrete, corrosion, chloride.Dow

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1. Introduction

Un des facteurs prépondérants dans la détérioration des structures en béton arméau cours du temps est la corrosion des armatures. Celle-ci est liée à la pénétrationdans le béton d’enrobage d’ions chlores ou de gaz carbonique, conduisant à larupture de la barrière de passivation des armatures par abaissement du pH de lasolution interstitielle. Durant la phase d’initiation de la corrosion, ses effets sur lecomportement des ouvrages sont peu sensibles ; le développement et la propagationde la corrosion peuvent en revanche conduire à un abaissement de la capacitéportante de la structure par perte de section d’armatures et simultanément à uneaugmentation de la déformation par perte d’adhérence entre les armatures et le bétond’enrobage. Ces effets sont encore accrus par l’éclatement du béton d’enrobage quepeut occasionner la formation de rouille le long des armatures.

Les ouvrages exposés aux embruns marins et les ouvrages recevant des sels dedéverglaçage subissent les conditions de service les plus défavorables, i.e.l’exposition aux ions chlores.

La prévision du comportement de tels ouvrages dans le temps est délicate, nonseulement du fait de la complexité des phénomènes physico-chimiques mis en jeumais également en raison de leur caractère aléatoire. La qualité de réponse desmodèles prédictifs de la dégradation des ouvrages est ainsi souvent limitée car ilsn’intègrent généralement pas les incertitudes portant sur les caractéristiques desmatériaux, les conditions environnementales et les chargements. Les stratégiesd’inspection et de maintenance, voire de réparation, permettant la maîtrise des coûtspar les maîtres d’ouvrage ne peuvent donc s’appuyer uniquement sur une approchedéterministe utilisant tels quels ces modèles prédictifs ; il convient qu’elles aientégalement recours à l’approche probabiliste, seul moyen rationnel de tenir comptedes incertitudes.

L’étude présentée ici porte sur l’estimation de la fiabilité d’une poutre en bétonarmé soumise à différents types d’exposition aux ions chlores. Le dimensionnementde la poutre est mené conformément aux règles BAEL. La fiabilité, exprimée entermes d’indice de fiabilité, est évaluée pour différents choix de calcul et dedispositions constructives.

2. Pénétration des ions chlores

La fissuration fonctionnelle de flexion des éléments en béton armé favorise dansun premier temps la pénétration directe des ions chlores. Il est cependant reconnuqu’elle n’est pas un paramètre majeur du développement de la corrosion [ARL 97].

L’hypothèse la plus courante est que la pénétration des ions chlores se faitprincipalement par diffusion dans la structure poreuse du béton d’enrobage supposésaturé.

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2.1. Modèle de diffusion

Le flux d’ions libres FL(x,t) dans la solution interstitielle est défini par lapremière loi de Fick (on ne considère ici qu’une seule direction de propagation) :

x

t)(x,CDt)(x,F L

LL ∂∂

−= [1]

DL : coefficient de diffusion des ions chlores libres (m2/s)

CL(x,t) : concentration en ions chlores libres (kg/m3)

Dans cette expression, le coefficient de diffusion DL ne dépend pas de l’abscissegéométrique, c’est-à-dire de la concentration en chlorures. L’application de la loi deconservation de masse conduit à la seconde loi de Fick :

x

t)(x,F

t

t)(x,C LT

∂∂

−=∂

∂ [2]

La concentration en ions chlores totaux CT(x,t) diffère de la concentration en ionschlores libres du fait des interactions existant entre les ions et les produitsd’hydratation du ciment, en particulier les aluminates tricalciques. Dans cesconditions, la relation [2] devient

x

t)(x,F

t

t)(x,C

t)(x,C

t)(x,C1

t

t)(x,C

t)(x,C

t)(x,C

t

t)(x,C LL

L

IL

L

TT

∂∂

−=∂

∂∂

+=∂

∂∂∂

=∂

∂ [3]

où CI(x,t) est la concentration en ions chlores fixés par les aluminates tricalciques.

La connaissance de l’isotherme d’interaction entre les ions fixés et les ions libresest donc nécessaire pour résoudre l’équation [3]. En considérant que l’isotherme estlinéaire, la concentration en ions chlores peut être estimée par

=

tD2

x Ct)(x,C

a0L erfc [4]

C0 : concentration de surface en ions chlores, supposée constante dans le temps(kg/m3)

x : profondeur de pénétration (m),

t : temps (s),

Da : coefficient de diffusion apparent (m2/s),

erfc() : complément de la fonction d’erreur.

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L’équation [4] est une modélisation simplifiée du transport par diffusion. Enréalité, les interactions ne sont pas linéaires et de nombreux autres paramètresinfluent sur le transport des ions chlores dans le béton, parmi lesquels :

– les interactions des ions chlores avec les autres espèces ioniques présentes dansla solution interstitielle,

– les interactions de ces mêmes espèces avec les hydrates,

– les interactions avec les parois des pores de charge électrostatique non nulle,

– la porosité du béton et la constitution de son squelette granulaire,

– les conditions environnementales extérieures (humidité relative et température).

Des modélisations de la pénétration des ions chlores plus précises que la relation[4] ont été développées, couplant la plupart du temps des méthodes numériques derésolution des équations de transport avec des expressions empiriques desparamètres physiques nécessaires. A titre d’exemples, nous pouvons citer lesmodèles développés par Johannesson [JOH 03], Kong [KON 02], Truc [TRU 00],Garboczi [GAR 98].

Cependant ces modèles, bien que performants, ne sont pas d’une utilisation aiséedans une démarche probabiliste. Ils nécessitent en effet la connaissance de propriétésphysiques, difficilement accessibles sur des ouvrages réels, et dont les donnéesstatistiques sont très peu nombreuses. Par ailleurs, ils s’accompagnent d’une fortecharge numérique pouvant conduire à un couplage délicat avec des calculsprobabilistes.

Dans ces conditions, l’utilisation du modèle de diffusion simplifié (équation [4])paraît justifiée dans la mesure où les paramètres C0 et Da sont issus de mesuressuffisamment nombreuses. Dans cette expression nous remplaçons CL(x,t) parCT(x,t). En effet, les paramètres C0 et Da disponibles dans la littérature ont été le plussouvent établis à partir d’un profil expérimental de concentration en chlorurestotaux (essai de solubilité à l’acide).

2.2. Concentration de surface et coefficient de diffusion

Dans le cas des ouvrages exposés à des sels de déverglaçage, plusieurs étudesstatistiques ont proposé des distributions des paramètres C0 et Da (tableaux 1a et 1b).Citons plus particulièrement les études de Hoffman concernant 321 tabliers de pontssitués dans différents états des Etats-Unis [HOF 94], Wallbank concernant 96 pontsdu Royaume-Uni [WAL 89], Kirkpatrick concernant 10 ponts de l’état de Virginie(Etats-Unis) [KIR 02]. Les résultats obtenus à partir de l’étude expérimentale menéepar Coggins sur 3 poutres d’un pont de l’état du Minnesota (Etats-Unis) sontégalement rapportés [COG 90]. Les caractéristiques des bétons étudiés sont dans laplupart des cas celles du béton ordinaire, avec un rapport E/C variant de 0,45 à 0,7 etune résistance moyenne variant de 20 MPa à 40 MPa. En se basant sur les mesures

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issues d’une étude de Weyers [WEY 94], Enright a proposé des valeurs moyennesde la concentration en surface variant de 2,45 kg/m3 à 5,9 kg/m3, et des valeursmoyennes du coefficient de diffusion variant de 1.10-12 m2/s à 6.10-12 m2/s, avec uncoefficient de variation allant de 0,05 à 0,2 pour les deux paramètres [ENR 98]. Cesvaleurs sont comparables à celles portées dans les tableaux 1a et 1b, hormis lecoefficient de variation qui semble assez faible par rapport aux autres sources.

Les mesures sur site concernant des ouvrages situés en zones côtières (exposés àdes embruns) sont peu nombreuses. Les données portées dans les tableaux 2a et 2bsont issues des études de Uji concernant des piles de pontons situées au Japon[UJI 90], de Cramer concernant 3 ponts situés dans l’état de l’Orégon (Etats-Unis)[CRA 02], de Wood concernant un pont situé à Dundee (Ecosse) [WOO 97]. Ladistance à la mer des ouvrages dont ont été issues ces mesures est inférieure à 250 m.L’altitude des carottes prélevées varie de 2 m à 35 m par rapport au niveau moyensupérieur de la houle. Les valeurs indiquées dans les tableaux 2a et 2b correspondentaux faces directement exposées au vent marin. Dans ces différentes études, lesdistributions des paramètres n’ont pas été précisées.

Origine Plage Moyenne Coeff. de var. Distribution

[HOF 94] 1,2 à 8,2 3,5 0,5 Lognormale

[WAL 89] 0,25 à 15 6,5 0,7 Lognormale

[KIR 02] 0,15 à 5,25 2,51 0,68 Gamma

[COG 90] 0,32 à 6,75 2,01 0,72

Tableau 1a. Concentration en surface (kg/m3) pour des ouvrages soumis à des selsde déverglaçage

Origine Plage Moyenne Coeff. de var. Distribution

[HOF 94] 0,6 à 7,5 2 0,75 Lognormale

[WAL 89] 0,03 à 0,65 0,15 0,7 Lognormale

[KIR 02] 0,16 à 1,64 0,85 0,51 Gamma

[COG 90] 0,2 à 3,87 0,68 0,87

Tableau 1b. Coefficient de diffusion apparent (.10-12 m2/s) pour des ouvragessoumis à des sels de déverglaçage

Origine Plage Moyenne Coeff. de var.

[CRA 02] 1,67 à 17 9,75 0,51

[UJI 90] 0,37 à 8,3 2,16 0,83

[WOO 97] 0,43 à 4,1 1,52 0,63

Tableau 2a. Concentration en surface (kg/m3) pour des ouvrages soumis à des embruns

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Origine Plage Moyenne Coeff. de var.

[CRA 02] 0,41 à 1,71 0,98 0,57

[WOO 97] 1,1 à 6,81 4,75 0,38

Tableau 2b. Coefficient de diffusion apparent (.10-12 m2/s) pour des ouvragessoumis à des embruns

L’hypothèse d’une concentration de surface C0 constante dans le temps estreconnue comme représentative de l’application de sels de déverglaçage sur unouvrage [HOF 94].

Dans le cas d’ouvrages exposés aux embruns, certains auteurs suggèrent deconsidérer une augmentation de cette concentration dans le temps [UJI 90],[OHT 91] alors que d’autres estiment qu’elle peut être considérée comme constante[McG 99].

Le guide Hetek du ministère danois des Transports concernant la pénétration desions chlores dans les ouvrages en béton [FRE 97], à l’appui de nombreuses annéesd’expérimentation, préconise également de tenir compte de l’augmentation dans letemps de la concentration en surface pour les ouvrages soumis aux embruns. Laconcentration établie d’après les abaques proposés augmente considérablement entreune et cent années d’exposition, passant pour un béton ordinaire d’une valeurC1 = 1,1 % de la masse de liant à une valeur C100 = 7,5 %.

En supposant une augmentation de la concentration proportionnelle à la racinecarrée du temps, Uji propose la solution suivante à l’équation [3] [UJI 90] :

π

π=

tD2

x

tD2

x-

t4D

x-

D

tF2t)(x,C

aaa

2

a0T erfcexp [5]

où F0 est le flux de diffusion à la surface du béton (kg/m2.s).

En se basant sur les données issues des études de Uji [UJI 90] et Ohta [OHT 91],Stewart suggère pour le flux F0 de considérer une moyenne de 7,5.10-11 kg/m2.s et uncoefficient de variation de 0,6 [STE 98].

Stewart propose par ailleurs de tenir compte de la réduction du flux avec ladistance au front de mer. D’après McGee [McG 99] cette réduction est également àconsidérer dans le cas où la concentration en surface est supposée constante dans letemps.

Récemment, Castro a réalisé une étude sur des éprouvettes exposées à desembruns en conditions naturelles dans la péninsule du Yucatán (Mexique) [CAS 01].Les éprouvettes constituées de béton ordinaire ont été exposées à des distances de

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50 m, 100 m et 780 m du front de mer. Les concentrations moyennes maximales enchlorures mesurées au bout d’une année d’exposition sur un ensemble de20 éprouvettes pour chaque distance au front de mer considérée, font apparaître unesensible diminution avec celle-ci : 8,3 kg/m3 à 50 m, 2,9 kg/m3 à 100 m et 2 kg/m3 à780 m. Cette même étude a également montré l’augmentation de la concentrationavec le temps.

Les mesures réalisées sur des ouvrages citées précédemment n’ont pas faitapparaître de variation sensible du coefficient de diffusion apparent au cours dutemps. Cependant, l’évolution dans le temps de l’hydratation du ciment etparallèlement des interactions entre les ions chlores et les hydrates, conduitgénéralement à une diminution du coefficient de diffusion. Celle-ci a bien été miseen évidence en laboratoire [THO 03], [MAN 94], en particulier pour des bétons avecaddition minérale (cendre volante et fumée de silice). Dans le cas du béton ordinairesans addition minérale, cette variation ne semble pas significative.

Dans le cas d’une exposition à une solution saline (sels de déverglaçage ou selsindustriels), nous retenons pour notre étude une concentration moyenne de surfacede 3,5 kg/m3 distribuée selon une loi lognormale de coefficient de variation 0,6.

Figure 1. Comparaison des concentrations en ions chlores

Dans le cas d’une exposition à des embruns, nous adoptons l’hypothèse d’uneconcentration en surface variable dans le temps. La valeur moyenne du flux ensurface est prise égale à 3,5.10-10 kg/m2.s. Cette valeur correspond à l’atteinte au

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x (cm)

C (

kg/m

3 )

1 an 5 ans 10 ans 40 ans

C0=cste=12,4 kg/m3 F0=cste=3,5.10-10 kg/m2.s

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bout de 40 ans d’exposition d’une concentration en surface de l’ordre de 12 kg/m3,moyenne obtenue d’après Cramer pour l’ouvrage étudié le plus sévèrement exposé.Pour cet ouvrage, le béton présente un coefficient de diffusion moyen des ionschlores de 1,3.10-12 m2/s. Là encore, une distribution lognormale de coefficient devariation 0,6 est retenue.

Sur la figure 1 sont portées les courbes de concentration en chlore obtenues parles relations [4] et [5] pour différentes durées d’exposition, avec les donnéesdécrivant l’ouvrage étudié par Cramer.

Nous considérons également une diminution du flux en surface avec la distanceau front de mer, selon la proposition de Stewart : 50 % à 200 m, 20 % à 500 m.

Le choix d’une valeur moyenne représentative du coefficient de diffusion desions chlores pour un béton ordinaire ne semble pas immédiat, étant donnée lavariabilité que présentent les données mesurées. Cette variabilité traduit l’influencede nombreux facteurs : quantité de ciment, constitution du squelette granulaire(quantités et volumes relatifs de gravier et de sable), rapport E/C, degréd’hydratation du ciment. Des modèles simplifiés de détermination du coefficient dediffusion, basés sur des relations obtenues par régression non linéaire sur l’ensemblede ces facteurs, ont été proposés par Bentz [BEN 98] et Papadakis [PAP 96]. Pourune composition courante de béton ordinaire, ces modèles donnent respectivementles valeurs de 4,8.10-12 m2/s et 4,3.10-12 m2/s. Ces valeurs sont assez proches desvaleurs moyennes proposées par Hoffman (tableau 1b) et par Wood (tableau 2b) etégalement de la valeur 3,9.10-12 m2/s calculée d’après les abaques du guide Hetek[FRE 97]. Cependant, les données statistiques sur les paramètres impliqués dans lesmodèles font défaut, et il n’apparaît pas rationnel d’utiliser ainsi ces derniers.

Nous proposons donc de considérer trois valeurs moyennes du coefficient dediffusion, traduisant trois qualités de béton et restant en accord avec les donnéesdisponibles : 1.10-12 m2/s pour un béton de bonne qualité, 4.10-12 m2/s pour un bétonde qualité courante et 7.10-12 m2/s pour un béton de qualité médiocre. La distributionest supposée lognormale de coefficient de variation 0,7.

2.3. Concentration critique en ions chlores

Les armatures de béton armé sont naturellement protégées contre la corrosion parun film d’oxyde de fer, tant que le pH et l’alcalinité de la solution interstitiellerestent suffisamment élevés. L’augmentation de la concentration en ions chloresconduit à un abaissement du pH et à la dépassivation des armatures par destructiondu film d’oxyde. On admet que lorsque la concentration dépasse un seuil critique, lemécanisme de corrosion est enclenché, pour autant que l’humidité du béton et ladisponibilité en oxygène au voisinage des armatures soient suffisantes. Laconcentration critique peut être exprimée en termes de concentration massique enchlorures totaux ou en chlorures libres, ou bien en termes de concentration molaire

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en ions chlores libres dans la solution interstitielle rapportée à la concentrationmolaire en ions hydroxyles [Cl-]/[OH-].

Les auteurs s’accordent peu sur la valeur de la concentration critique, et celle-civarie dans de fortes proportions comme l’a montré Alonso [ALS 00] dans une étudesynthétisant les propositions d’une trentaine d’auteurs concernant des bétons etmortiers confectionnés avec du ciment ordinaire. L’influence du type d’exposition,de la composition du béton, de la quantité de C3A, d’éventuelles additions minéraleset de la température expliquent ces différences. Il apparaît clairement que la quantitéde ciment et la réduction du rapport E/C permettent d’accroître la valeur de laconcentration critique [THO 96], [FRE 97]. La façon dont la dépassivation desarmatures est reconnue joue également sur la concentration critique retenue : parinspection visuelle, par mesure de polarisation, de perte de masse, d’impédance.

La concentration critique massique en chlorures totaux varie d’après l’étuded’Alsonso de 0,2 % de la masse de ciment à 3 %. Cette fluctuation est en accordavec celle proposée par Glass (0,17 % à 2,5 %) [GLA 97] résultant également d’unnombre important de données. Le guide Hetek [FRE 97] donne quant à lui unevaleur de 0,55 % pour un béton soumis à des embruns (sans addition minérale etavec un rapport E/C de 0,5). Traduites en concentration massique, les valeurs sesituent approximativement (certaines informations ne figurant pas clairement cheztous les auteurs) dans une fourchette de 0,5 kg/m3 à 10 kg/m3, avec une très forteproportion ne dépassant pas 3 kg/m3. La valeur préconisée par le guide Hetekexprimée ainsi est voisine de 1,9 kg/m3.

Lorsque la concentration critique est estimée par le rapport [Cl-]/[OH-], ledomaine de variation est encore plus étendu, allant de 0,2 à 6 [ALS 00].

Bien que les résultats expérimentaux ne permettent pas de définir trèsprécisément la distribution statistique de la concentration critique, les propositionsindiquées dans le tableau 3 ont été retenues par certains auteurs.

Auteur Référence Moyenne Coef. de var. Distribution

Engelund [ENG 95] 1,38 0,2 Normale

Leira [LEI 00] 3,5 0,6 Lognormale

Stewart [STE 98] 0,9 0,19 Uniforme (0,6 – 1,2)

Enright [ENR 98] 1,0 0,1 Lognormale

Enright [ENR 00] 0,62 0,1 Lognormale

Tableau 3. Distributions statistiques de la concentration critique en ions chlores(en kg/m3)

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La large plage de variation des valeurs observées nous incite à considérer pour laconcentration critique une distribution uniforme, dont la moyenne varie avec laqualité du béton (tableau 4).

Qualité du béton Domaine Moyenne Coef. de var.

Bonne 1,5 à 2,5 2,0 0,14

Courante 1,0 à 2,0 1,5 0,19

Médiocre 0,5 à 1,5 1,0 0,29

Tableau 4. Caractéristique de la distribution de la concentration critique en ionschlores (en kg/m3)

3. Taux de corrosion

Une fois rompue la barrière d’oxydes protégeant les armatures, celles-ci secorrodent à une vitesse principalement liée à l’humidité du béton et à la disponibilitéen oxygène au voisinage des armatures. Le taux de corrosion peut être estimé par lebiais de la mesure du courant de corrosion, dont on déduit une profondeur depénétration de la corrosion dans l’armature. Gonzalez indique que des valeurs decourant de corrosion de 1 à 3 µA/cm2 sont fréquemment mesurées dans le cas d’unecorrosion active [GON 95], et correspondent à une profondeur de pénétration de 11à 33 µm/an. La valeur moyenne obtenue par Gonzalez pour des bétons ordinairesaprès 6 ans d’exposition à de l’eau de mer, avec un enrobage de 2 cm à 5 cm, estvoisine de 80 µm/an, et correspond à un courant de corrosion de l’ordre de7,5 µA/cm2 (les valeurs maximales étant comprises entre 10 et 20 µA/cm2). Enrightindique pour un pont exposé à des sels de déverglaçage une profondeur depénétration variant de 13 µm/an à 127 µm/an pour un béton ordinaire de résistancemoyenne 20,7 MPa [ENR 98]. Enright suggère de considérer une valeur moyenne de76 µm/an et pour un enrobage moyen de 6,9 cm.

En se basant sur les études de Yokozeki [YOK 97], Vu propose une relationempirique d’estimation du courant de corrosion annuel [VU 00] :

( )c

CE1 3,78(1)I

1,64

corr

−−= [6]

où c est l’enrobage des armatures (cm) et Icorr(1) le courant de corrosion (µA/cm2).

La relation [6] donne une valeur de 8,5 µA/cm2 pour les éprouvettes utilisées parGonzalez (E/C = 0,6 et c = 2 cm), et une valeur de 5,7 µA/cm2 dans le cas de l’étudede Enright (E/C = 0,76 et c = 6,9 cm) ; ces valeurs ne sont donc pas en contradictionavec les estimations expérimentales.

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L’intensité du courant de corrosion est généralement plus forte aucommencement de la corrosion, pour diminuer rapidement ensuite, comme l’ontmontré les études de Liu [Liu 98] et Yalçyn [YAL 96].

Nous retenons pour notre étude la relation [6] pondérée par le facteur t-0,3 où t estla durée de corrosion au-delà d’une année (exprimée en années), adapté de l’étude deLiu, et dans laquelle le rapport E/C est fixé à 0,5 pour un béton de bonne qualité,0,57 pour un béton de qualité courante et 0,65 pour un béton de médiocre qualité.

4. Perte de section des armatures

La profondeur de pénétration de la corrosion est déduite du courant de corrosionen considérant qu’un courant uniforme de 1µA/cm2 conduit à une profondeur depénétration annuelle de 11,6 µm [JON 92]. Après une durée effective de corrosionde T années, la profondeur de pénétration (cm) peut donc s’exprimer par

−+=

+= ∫ −

0,7

1T1 (1)I 11,6.10dtt1 (1)I 11,6.10p(T)

0,7

corr4-

T

1

0,3corr

4- [7]

La relation [7] est valable dans le cas d’une corrosion dite uniforme, provoquée parexemple par la carbonatation du béton. Dans le cas d’une corrosion par piqûresrésultant de l’effet des ions chlores, Gonzalez [GON 95] suggère d’appliquer uncoefficient majorateur R égal au rapport de la profondeur maximale à la profondeurmoyenne. D’après ses résultats expérimentaux, le rapport R varie de 2,7 à 8,9 pour deséprouvettes en béton confectionnées sans addition de sel dans l’eau de gâchage, et de5,9 à 12,6 pour des éprouvettes confectionnées avec addition de sel. Dans les deux cas,les éprouvettes ont été immergées dans l’eau de mer. Des valeurs de R variant de 2,5 à8,5 ont été obtenues par Rodriguez [ROD 97] sur des armatures de poutre en bétonconfectionnées avec addition de sel et subissant une corrosion accélérée.

En l’absence de données statistiques relatives au facteur R, nous adoptons pourcelui-ci une distribution uniforme entre 3 et 9.

Sous l’hypothèse d’une forme d’attaque hémisphérique (figure 2), la sectionrésiduelle est déterminée par [ENR 98] :

>

≤≤−

≤−−

=

0

00

21

021

20

r

Dp(T) si 0

Dp(T)2

D si AA

2

Dp(T) si AA

4

��

(T)A [8]

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( )( )( )p(T) 2a 2�

Da 2�

Dp(T)1 p(T) 2a

D

p(T) a-p(T) �

2

1A

D

p(T)

2

D a-

2

D�

2

1A

2

01

20

0

22

22

0

20

20

11

arcsin

arcsin

==

−=

=

=

Figure 2. Section réduite

5. Elément étudié

L’élément étudié est une poutre isostatique d’un plancher industriel soumise à uncharge de stockage, de valeur caractéristique Qk = 4,5 kN/m2. Une table decompression d’épaisseur hc = 20 cm est associée à la nervure de hauteur hw = 55 cmet de largeur bw = 35 cm (figure 3).

Figure 3. Géométrie de l’élément étudié

Les cadres sont doubles et présentent un espacement s au voisinage de l’appui.Leur position dans le coffrage peut être excentrée d’une quantité ec. Le ferraillage dela poutre a été déterminé conformément aux règles BAEL 91 révisées 99 [BAE 99]pour trois conditions de fissuration (peu préjudiciable, préjudiciable, trèspréjudiciable), pour lesquelles l’enrobage des armatures a été respectivement définiselon trois conditions d’exposition (peu agressive, moyennement agressive, très

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agressive). Les valeurs caractéristiques des résistances sont fc28 = 22 MPa,fc28 = 25 MPa, fc28 = 28 MPa pour un béton respectivement de médiocre, moyenne etbonne qualité, et fe = 500 MPa pour l’acier, définies comme le fractile 5 % desdistributions.

Les résultats du dimensionnement sont donnés dans le tableau 5. L’espacementvertical entre les lits d’armatures de flexion dl est pris égal au plus grand diamètre deces armatures. Il convient de préciser que la résistance du béton n’intervient dans lecalcul de la section des armatures de flexion que sous l’hypothèse d’une fissurationpeu préjudiciable. Il n’est pas nécessaire dans ce cas de modifier la section obtenueen fonction de la qualité du béton, car les écarts entre section théorique et sectionréelle restent inférieurs à 3 %.

Fissuration Armaturesde flexion

Cadres Armaturesde couture

s (mm)cl ou cb

(mm)cu (mm)

Lit inf. Lit sup.

Peupréjudiciable

4HA252HA252HA20

4HA8 1HA10 170 25 15

Préjudiciable2HA322HA25

4HA25 4HA8 1HA10 170 32 30

Trèspréjudiciable

4HA32 4HA32 4HA8 1HA10 110 50 50

Tableau 5. Caractéristiques du dimensionnement

Le calcul des armatures de flexion à l’état limite de service est mené en limitantla contrainte dans les armatures à une valeur fixée par l’article A.4.5.3 à

σ� = ( )( )t28ee f 1,6;110f 0,5;f 32 maxmin

dans cas de la fissuration préjudiciable et à 0,8 fois cette valeur dans le cas de lafissuration très préjudiciable. Cette limitation est préconisée afin de réduire le risqued’apparition de fissures compromettant la tenue des armatures vis-à-vis de lacorrosion, en favorisant le transport des ions chlores.

Comme indiqué précédemment, il ne semble pas toutefois que la fissuration deflexion des éléments en service, y compris dans le cas où les armatures sontcalculées à l’ELU, soit un facteur déterminant dans la dégradation de celles-ci par lacorrosion [ARL 97]. En conséquence nous proposons donc dans le cadre de notreétude d’estimer la fiabilité de la poutre vis-à-vis de l’état limite ultime et non del’état limite de service.

Le moment résistant ultime de la poutre est déterminé en recherchant la courbureψR correspondant au moment de flexion maximal (figure 4). Les efforts dans le

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274 Revue française de génie civil. Volume 8 – n° 2-3/2004

béton sont calculés sur la base de la relation de comportement définie dans l’EC2[EC2 03], qui présente l’avantage d’être analytiquement intégrable sur la zonecomprimée. La liaison de la table avec la nervure est supposée n’être assurée que parles armatures de couture, étant donné le mode de réalisation de l’ouvrage (nervurepréfabriquée et plancher à pré-dalle). La largeur effective de la table prise en comptedans le calcul du moment résistant est donc déterminée à partir de la section desarmatures de couture et de la hauteur de la zone comprimée dans la table, selon uncalcul itératif.

Figure 4. Calcul du moment résistant

La perte d’adhérence acier-béton consécutive à la corrosion des armatures, bienqu’ayant un effet démontré sur le comportement structural en déformation despoutres en béton armé, a un effet limité sur leur résistance ultime. Dans le cas d’unecorrosion par piqûres caractéristique d’une exposition aux ions chlores, la perted’adhérence est surtout concentrée au droit des piqûres, et des zones d’adhérenceefficace existent ailleurs. Dans ces conditions l’hypothèse de parfaite adhérencedans le calcul de la capacité portante des poutres conduit à des résultats en bonneconcordance avec les valeurs expérimentales [ROD 97] et a été adoptée ici.

L’effort tranchant résistant est la somme de l’effort tranchant repris par les cadreset de l’effort tranchant repris par le béton seul déterminé selon le modèle préconisépar le BAEL (article A.5.1.2), pour une inclinaison de bielle supposée égale à 45°.

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Fiabilité des poutres BA corrodées 275

Les facteurs correctifs αM et αV sont appliqués aux résultats de ces modèlesmécaniques, respectivement au moment résistant et à l’effort tranchant résistant,pour tenir compte des inexactitudes et des approximations qu’ils présentent parrapport à la réalité.

Des valeurs du coefficient de variation de αM et αV ont été proposées par certainsauteurs à partir d’études statistiques comparant les résistances ultimesexpérimentales des poutres aux résistances théoriques obtenues par des modèlesmécaniques analogues à ceux que nous avons utilisés. McGregor indique une valeurde 0,11 pour le coefficient de variation de αM dans le cas du modèle ACI pour larésistance en flexion [McG 83], tandis que Nowak propose une valeur de 0,12 dansle cas du modèle AASHTO [NOW 94]. D’après Zararis une valeur de 0,18 pour lecoefficient de variation de αV est représentative de l’utilisation du modèle EC2 pourla résistance au cisaillement [ZAR 03].

On admet l’hypothèse d’une exposition de toutes les parois extérieures à unesolution saline ou à des embruns. De ce fait, toutes les armatures peuvent se corroderau cours du temps.

6. Approche probabiliste

On s’intéresse ici à deux états limites définis par :

EM(t) = MR(t) - MS(t) [9]

EV(t) = VR(t) - VS(t) [10]

correspondant respectivement au dépassement du moment résistant MR en milieu detravée par le moment sollicitant MS et au dépassement de l’effort tranchant résistantVR au voisinage de l’appui par l’effort tranchant sollicitant VS, au cours du temps tâge de l’ouvrage. Les variables d’état EM et EV sont négatives s’il y a défaillance,positives sinon.

6.1. Variables aléatoires

Les variables aléatoires relatives aux incertitudes environnementales(exposition puis corrosion) ont été précédemment étudiées, et sont rappelées dansle tableau 6.

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276 Revue française de génie civil. Volume 8 – n° 2-3/2004

Variables Moyenne Coef. de var. Distribution

Concentration ensurface (kg/m3)

3,5 0,6 Lognormale

Flux en surface(kg/m2.s)

3,5.10-10 0,6 Lognormale

Rapport R 6 avec un domaine de 3 à 9 0,29 Uniforme

Qualité du béton

Pauvre Courante Bonne

Coefficient dediffusion (m2/s)

7.10-12 4.10-12 1.10-12 0,7 Lognormale

Concentrationcritique (kg/m3)

10,5 à 1,5

1,51 à 2

21,5 à 2,5

0,14 à 0,29 Uniforme

Courant decorrosion (µA/cm2) c

t21,1 0,3−

c

t15,1 0,3−

c

t11,8 0,3−

Fonction de c

Tableau 6. Distribution des variables environnementales

Les distributions des propriétés de résistance de l’acier et du béton, et desparamètres géométriques ont été choisies à partir de données et de propositionsantérieures disponibles dans la littérature [MAT 80], [OST 92], [CAS 91]. Cesdistributions sont portées dans le tableau 7. Le coefficient de variation de larésistance du béton diminue lorsque la qualité de celui-ci augmente. L’enrobage desarmatures présente un coefficient de variation pouvant aller jusqu’à 30 % [ENR 98] ;cette valeur ne semble pas aberrante pour l’enrobage latéral cl car l’incertitude sur cedernier résulte à la fois du défaut de centrage ec des cadres et de l’imprécision sur lalargeur bs de ceux-ci (figure 3) :

csw

l e2

bbc +

−=

Dans le cas de notre étude, le mode de fabrication en usine de la poutre permetde réduire ce coefficient de variation à environ 24 % (valeur maximale). Pour lesenrobages supérieur cu et inférieur et cb, les coefficients de variation correspondentaux trois conditions d’exposition envisagées.

La valeur caractéristique de la charge de stockage présente une probabilité dedépassement de 10 % pour la durée de vie prévue de l’ouvrage (50 ans). Sadistribution est une loi de Gumbel.

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Variables Moyenne Coef. de var. Distribution

Limite d’élasticité de l’acier (MPa)x

k

CV 1,561

X

−0,10 Lognormale

Résistance du béton (MPa)x

k

CV 1,561

X

−0,20 ; 0,15 ; 0,10 Lognormale

Largeur de la nervure bw (cm) Xd σx = 0,5 Normale

Hauteur de la nervure hw (cm) Xd σx = 1,0 Normale

Epaisseur de la table hc (cm) Xd 0,05 Normale

Largeur ext. des cadres bs (cm) Xd σx = 0,5 Normale

Centrage des cadres ec (cm) 0 σx = 0,5 Normale

Espacement des cadres s (cm) Xd 0,10 Normale

Enrobages cu ou cb (cm) Xd 0,20 ; 0,15 ; 0,10 Lognormale

Espacement entre les lits dl (cm) Xd 0,15 Lognormale

Incertitude de modèle αM 1 0,10 Normale

Incertitude de modèle αV 1 0,15 Normale

Xd : valeur de dimensionnement - Xk : valeur caractéristiqueCVx : coefficient de variation - σx : écart type

Tableau 7. Distributions des variables mécaniques et géométriques

6.2. Probabilité de défaillance

La variation dans le temps de l’état de dégradation de la poutre imposed’envisager une analyse temporelle de la fiabilité de l’élément. Cette analyse requiertla connaissance du processus stochastique de chargement, étendu à toute la vie del’ouvrage, et en particulier de sa fonction d’autocorrélation dans le temps. Il estcependant possible de simplifier cette analyse, en considérant une succession depériodes discrètes suffisamment longues pour que la corrélation soit négligeabled’une période à l’autre. Dans le cas de charges de stockage, on peut envisager despériodes relativement courtes d’environ 2 ans [MAT 80], [CAL 96]. Pour une telledurée, la moyenne de la charge de stockage vaut 1,44 kN/m2 et son coefficient devariation est égal à 0,56.

L’estimation de la fiabilité de l’ouvrage passe par le calcul de la probabilité dedéfaillance élémentaire bi-annuelle, qui exprime l’occurrence de deux événementspossibles ( dépassement de la résistance en flexion, dépassement de la résistance encisaillement) sur une période de 2 ans :

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278 Revue française de génie civil. Volume 8 – n° 2-3/2004

[ ] ( ) ( )[ ]iSRiSRiif2(i) VVMM Prob SR Prob P ≤∪≤=≤= [11]

L’indice de fiabilité est déterminé pour chaque événement, on en déduit Pf2(i)

selon une approche dite de premier ordre (FORM) :

( ) ( ) ( )MVVM2VMf2(i) ���P ρβ−β−−β−+β−= ,, [12]

βM : indice de fiabilité en flexion,

βV : indice de fiabilité en cisaillement,

Φ() : fonction de répartition de la loi normale centrée réduite,

Φ2() : fonction de répartition de la loi bi-normale centrée réduite,

ρMV : corrélation entre les deux événements.

A l’issue d’une période T = 2n années, la probabilité de défaillance peut êtreexprimée comme la probabilité d’un système en série de n élémentsstochastiquement indépendants :

( ) ( ) ( )[ ] SR...SRSRProb - 1 (T)P nn2211f >∩∩>∩>=

( ) [ ]TtProbP11n

1if2(i) ≤=−−= ∏

= [13]

L’expression [13] est la fonction de répartition de la variable T représentant la duréede non défaillance (ou durée de vie) de l’ouvrage. On peut déduire de cetteexpression la probabilité bi-annuelle actualisée, c’est-à-dire la probabilité dedéfaillance au bout de 2(n+1) années sachant qu’il n’y a pas eu de défaillancependant les 2n années précédentes :

( )( )[ ] ( ) ( )[ ][ ]nn

nn1n1nnn1n1n

*f SRProb

SRSRProbSRSRProb(T)P

>>∩≤

=>≤= ++++

(T)P1

(T)P2)(TP

f

ff

−−+

= [14]

L’indice de fiabilité utilisé dans notre étude est l’indice d’Hasofer-Lind définicomme la distance la plus courte entre l’origine de l’espace standardisé, constituépar l’ensemble des variables aléatoires impliquées dans l’état limite considéré ettransformées en variables indépendantes gaussiennes centrées réduites, et la surfaced’état limite, frontière entre le domaine de défaillance et le domaine de performance.L’indice de fiabilité est donc établi comme suit :

β = min (|| u�

||) avec g( u�

)=0 [15]

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où u�

est le vecteur des variables centrées réduites impliquées dans l’expression de lafonction d’état limite g( u

), négative dans le domaine de défaillance et positive dansle domaine de performance. La solution du problème d’optimisation sous contrainte[15] est obtenue par une version améliorée de l’algorithme du gradient projeté[COM 93]. On détermine βM et βV en remplaçant g( u

) par EM(t, u�

) et par EV(t, u�

)(expressions [9] et [10]).

7. Résultats

La fiabilité de la poutre a été estimée pour les trois conditions de fissuration etles quatre conditions d’exposition. Dans chaque cas, trois qualités de béton ont ététestées. La durée d’exposition varie de une année à 100 ans. Les résultats sontprésentés sous forme d’indice de fiabilité et non de probabilité de défaillance, larelation entre ces grandeurs selon une approche de premier ordre étant donnée par

( ) ( )f-1

f P1��et ��P −=−= [16]

7.1. Choix du calcul de la probabilité de défaillance

Les figures 5 et 6 montrent la variation de l’indice de fiabilité au cours du tempspour les quatre conditions d’exposition dans le cas où le dimensionnement est menéen fissuration peu préjudiciable, avec un béton de qualité courante.

-1.0

-0.5

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

4.5

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

T (années)

β

Emb. 0 m

Emb. 200 m

Emb. 500 m

Sels

Exposition

Figure 5. Variations de l’indice de fiabilité issu du calcul de Pf non actualisé

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-1.0

-0.5

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

4.5

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

T (années)

β*

Emb. 0 m

Emb. 200 m

Emb. 500 m

Sels

Exposition

Figure 6. Variations de l’indice de fiabilité issu du calcul de Pf* actualisé

L’indice de fiabilité non actualisé (figure 5) atteint des valeurs largementnégatives pour T = 100 ans, correspondant à des probabilités de défaillancesupérieures à 0,5. Si de telles probabilités avaient été atteintes dans la réalité, cela seserait traduit vraisemblablement soit par de nombreux cas de défaillance avérés, soitpar des coûts importants de remplacement d’ouvrages anticipant leur effondrement.En tout état de cause, une telle situation ne serait pas passée inaperçue.

Il semble donc plus réaliste d’évaluer la fiabilité en tenant compte de l’histoire del’ouvrage, c’est-à-dire de sa capacité de résistance démontrée, antérieure à l’instantpour lequel est évaluée la probabilité de défaillance. La figure 6 montre que dans cecas l’indice de fiabilité reste supérieur à l’unité.

7.2. Influence de l’exposition

La figure 6 montre une augmentation importante du risque de défaillance del’ouvrage consécutif à sa dégradation par la corrosion (supérieure à 550 fois pourT = 50 ans, supérieure à 14 800 fois pour T = 100 ans dans le cas d’une exposition àdes sels ou en front de mer). L’amorçage de la corrosion se produit au bout dequelques années d’exposition à des sels, alors qu’il n’intervient qu’après 10 à 20 ansd’exposition à des embruns. Cette différence entre les temps d’amorçage expliqueque la diminution de la fiabilité soit plus rapide dans le cas d’une exposition à des

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sels. Après une cinquantaine d’années d’exposition, le niveau de risque est identiquepour les deux cas d’environnement, la vitesse de corrosion n’évoluant quasimentplus au-delà de cette durée.

Sur la figure 7 est portée la variation de l’indice de fiabilité au cours du tempsdans le cas d’une exposition à des embruns, pour un béton de qualité courante. Deuxconditions de fissuration ont été considérées pour le dimensionnement de la poutre.

Comme on pouvait s’y attendre, l’éloignement au front de mer retarde et atténuel’augmentation du risque de défaillance. Cela est davantage marqué dans le cas où lafissuration est considérée comme très préjudiciable.

On note également l’effet favorable sur la fiabilité d’un calcul des armatures enfissuration très préjudiciable, associé à l’épaisseur d’enrobage préconisée enambiance très agressive. Dans le pire des cas (exposition en front de mer), l’indicede fiabilité reste supérieur pour la durée de vie prévue (T = 50 ans) à la valeur3,8 recommandée à l’état limite ultime dans les codes de dimensionnement aux étatslimites. On observe le contraire dans le cas du dimensionnement en fissuration peupréjudiciable (pour T = 50 ans l’indice de fiabilité n’excède pas 3,5). L’épaisseurd’enrobage permet d’augmenter la durée de protection des armatures vis-à-vis desions chlores, et également de réduire la disponibilité en oxygène nécessaire aufonctionnement du processus de corrosion. Cet effet favorable bien connu se traduitpar une variation plus limitée du risque de défaillance au cours du temps. L’indice defiabilité passe ainsi dans le cas d’une exposition en front de mer d’une valeur de5,4 à une valeur de 3,2 après 100 ans d’exposition, alors que sous l’hypothèse d’unefissuration peu préjudiciable dans le dimensionnement de la poutre, l’indice defiabilité passe d’une valeur de 4,3 à une valeur de 1.

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

4.5

5.0

5.5

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

T (années)

β*

Emb. 0 m

Emb. 200 m

Emb. 500 m

Emb. 0 m

Emb. 200 m

Emb. 500 m

Exposition

Fissuration

Peu préjudiciable

Très préjudiciable

Figure 7. Variations de l’indice de fiabilité actualisé (expositions à des embruns)

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7.3. Influence de la qualité du béton

Sur les figures 8 et 9 sont portées les variations de l’indice de fiabilité pour troisqualités de béton associées à deux conditions de fissuration, et pour deux conditionsd’exposition.

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Figure 8. Variations de l’indice de fiabilité actualisé pour une exposition auxembruns (0 m)

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Qualité du béton

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Très préjudiciable

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Figure 9. Variations de l’indice de fiabilité actualisé pour une exposition aux sels

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L’influence de la qualité du béton est très marquée dans tous les cas. L’indice defiabilité décroît plus fortement dans le temps lorsque la qualité du béton s’affaiblit.On peut considérer que le point au-delà duquel les courbes s’infléchissent indique ladurée de protection vis-à-vis de la dégradation par corrosion. Cette durée est à la foisplus étendue et plus influencée par la qualité du béton dans le cas où la fissurationest supposée très préjudiciable. Les valeurs de la durée de protection approchées àpartir des courbes sont portées dans le tableau 8 pour les différents cas.

Qualité du bétonExposition Fissuration

Bonne Courante Pauvre

Peu préjudiciable 15 ans 10 ans < 5 ansEmbruns(0m) Très préjudiciable 45 ans 30 ans 15 ans

Peu préjudiciable 10 ans < 5 ans < 5 ansSels

Très préjudiciable 40 ans 15 ans < 5 ans

Tableau 8. Temps « probabiliste » de protection

On constate également sur ces courbes, dans le cas où le dimensionnement estmené en fissuration très préjudiciable, que l’indice de fiabilité ne demeure passupérieur à la valeur seuil 3,8 pour toute la durée de vie prévue de l’ouvrage, égale à50 ans. En effet, lorsque le béton est de mauvaise qualité (mais néanmoins conformeaux prescriptions de dimensionnement), l’indice de fiabilité passe en deçà de3,8 pour T ≥ 45 ans dans le cas d’une exposition à des embruns, et pour T ≥ 35 ansdans le cas d’une exposition à de sels.

Il apparaît ainsi que l’application des conditions de dimensionnement les plussévères ne permet pas de garantir un niveau de risque satisfaisant tout au long de lavie de l’ouvrage.

Ces résultats justifient la pratique des règles de l’art, tant en conception qu’enexécution, qui consiste à associer aux conditions précédentes des spécificationsrelatives à la compacité et à la qualité du béton.

Sur la figure 10 est portée la variation de l’indice de fiabilité bi-annuel par étatlimite, pour trois qualité de béton, dans le cas d’une exposition en front de mer etd’un dimensionnement en fissuration peu préjudiciable.

L’influence de la qualité du béton transparaît là encore clairement sur cescourbes. La fiabilité en cisaillement semble moins influencée par l’état dedégradation que la fiabilité en flexion (pente des courbes). Cette différences’explique par la plus grande épaisseur d’enrobage protégeant les armatures d’efforttranchant situées à l’intérieur de la cage d’armatures. Cette forte épaisseur permet deretarder l’effet de la dégradation sur la fiabilité à l’égard du cisaillement. Onremarque toutefois pour un béton de mauvaise qualité que l’effet retardant n’est plus

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sensible au-delà de T = 80 ans, durée d’exposition à partir de laquelle les cadressitués plus profondément commencent à se corroder. La fiabilité en flexion de lapoutre apparaît ainsi plus élevée que sa fiabilité en cisaillement au début del’exposition, l’inverse se produisant au bout d’une durée d’exposition d’autant pluscourte que la qualité du béton s’amenuise (passant d’environ 85 ans pour un bonbéton à 35 ans pour un béton médiocre).

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Etat limite

Qualité du béton

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Figure 10. Variations de l’indice de fiabilité bi-annuel par état limite

8. Conclusion

Le caractère aléatoire des propriétés de transfert et de résistance du béton, desconditions d’environnement, ainsi que celui relatif aux dimensions géométriques deséléments et au chargement, justifient d’avoir recours à une approche probabiliste dela fiabilité des poutres en béton armé corrodées. Celle-ci a été menée dans notreétude pour des éléments soumis à des sels ou à des embruns, à une distance variabledu front de mer. Basée sur le calcul des indices d’Hasofer-Lind en flexion et encisaillement, une estimation actualisée de la fiabilité au cours du temps a étéproposée, tenant compte de l’histoire de la structure.

Les lois de distribution des variables aléatoires retenues, ainsi que leursparamètres statistiques, ont été choisis à partir de nombreux documents etpublications disponibles à ce jour. Le dimensionnement de l’élément étudié a étémené conformément aux règles BAEL pour trois conditions de fissuration associées

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à trois conditions d’ambiance, imposant les sections d’armatures et les épaisseursd’enrobage.

Les résultats obtenus montrent tout d’abord l’intérêt et la nécessité d’uneestimation actualisée de la fiabilité, la non actualisation conduisant à des probabilitésde défaillance excessives. L’influence favorable sur la fiabilité de la qualité dubéton, et de la prise en compte de conditions de fissuration et d’ambiance sévères, aété clairement montrée. Cependant l’augmentation du risque de défaillance del’ouvrage au cours de sa dégradation dans le temps est omniprésente, même si elleest atténuée et retardée par un dimensionnement adéquat, en particulier sousl’hypothèse d’une fissuration très préjudiciable. Ce résultat justifie de manièrequantitative, s’il en est besoin, l’effort actuel produit par les laboratoires derecherche et les organismes de codification et de normalisation relatifs à laconstruction, concernant les spécifications de qualité du béton à respecter en vued’une meilleure durabilité des ouvrages.

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