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ANRS HC 02 RIBAVIC : Du protocole multicentrique à l’optimisation des pratiques quotidiennes

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Page 1: ANRS HC 02 RIBAVIC : Du protocole multicentrique à l’optimisation des pratiques quotidiennes

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Gastroentérologie Clinique et Biologique (2009) 33, Suppl. 2, S91-S93

ÉDITORIAL

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]

ANRS HC 02 RIBAVIC : Du protocole multicentrique à l’optimisation des pratiques quotidiennesANRS HC 02 RIBAVIC: From multicenter trial to daily practice

S. Pol

Université Paris Descartes ; Unité d’Hépatologie ; Hôpital Cochin, APHP ; INSERM U.567

Introduction

Nous avons fêté le dixième anniversaire de la naissance de ANRS HC 02 RIBAVIC. En effet, en 1999 et alors que l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) n’avait pas encore intégré les hépatites au sein de sa problématique (avant les actions coordonnées 20 puis 20,24 et 28), le comité scientifique de ANRS HC 02 RIBAVIC a sollicité le Docteur Alain Rimalhio, Directeur médical du laboratoire Schering-Plough, pour lui proposer la mise en place d’un pro-tocole. Ce choix était lié au développement de l’interféron pégylé α2b dont on connaissait la supériorité par rapport à l’interféron standard chez les sujets monoinfectés par le virus de l’hépatite C (VHC) [1,2]. Les modestes 7 % d’amélioration en termes de réponse virologique soutenue pouvaient être mis à profit dans une population, certes particulièrement difficile à traiter que sont les malades co-infectés VHC-VIH [3], mais prioritaires du fait de la surmortalité liée à l’hépatopathie d’évolution plus rapide en termes de progression de la fibrose, de survenue d’une décompensation de la cirrhose, d’apparition et d’extension du carcinome hépatocellulaire [4,5].

Rapidement, un accord a été conclu pour mettre en place une étude randomisée contrôlée de bithérapie inter-féron pégylé versus interféron standard en association à la ribavirine chez les patients co-infectés VHC-VIH.

L’ANRS a accepté la promotion de l’essai, et une convention de partenariat a été signée entre l’ANRS et le laboratoire Schering Plough. Cette convention a porté sur la fourniture par le laboratoire Schering Plough de la totalité des médicaments de l’essai, d’une participation au conseil scientifique (membre non votant) et à la possibilité de rachat des données de l’essai en vue d’une soumission aux autorités de santé. Dans le cas de ANRS HC 02 RIBAVIC, le rachat des données par le laboratoire Schering Plough a permis de compléter le dossier d’autorisation de mise sur le marché pour l’extension des indications aux patients co-infectés VHC-VIH de l’interféron pégylé alpha-2b.

Cette expérience nous a beaucoup appris. Il a fallu deux ans pour que l’essai puisse commencer. Les 500 patients à inclure ne l’ont finalement pas été car l’autorisation de mise sur le marché de l’interféron pégylé α2b, obtenue en 2001, dans le cadre de la mono-infection virale C, a débordé l’indication de l’autorisation de mise sur le marché et conduit alors à une prescription massive dans la population co-infectée, limitant les chances d’inclusion dans l’essai. Un peu plus de 400 patients inclus ont permis d’obtenir des informations importantes mais aussi de souligner les limites de la conduite des essais, dans la vraie vie. L’inexpérience pour certains et des utilisations débutantes de la bithérapie pégylée pour la plupart, ont expliqué le nombre élevé de

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suspensions thérapeutiques participant certainement aux résultats en termes de réponse virologique prolongée [6]. Le choix d’une dose initiale de 800 mg de ribavirine, partagé avec l’ensemble des essais pivots dans le domaine de la co-infection (Tableau 1), témoignait aussi d’une certaine frilosité concernant notamment les interactions avec les traitements antirétroviraux.

ANRS HC 02 RIBAVIC a surtout été l’occasion de mettre en pratique le concept de la prise en charge multidisciplinaire des patients par la constitution d’un conseil scientifique associant infectiologues, internistes, hépatologues, viro-logues, anatomo-pathologistes, méthodologistes et repré-sentants associatifs. Des réunions régulières ont conduit, au-delà de l’analyse du protocole princeps (efficacité et tolérance du traitement antiviral), à développer un certain nombre de thèmes incluant la description des conséquences des interactions médicamenteuses (effets secondaires tels que les mitochondriopathies) ou l’impact des traitements antirétroviraux sur la réponse virologique prolongée [6-11]. Citons, l’établissement de l’importance des cinétiques virales précoces [7], l’impact de la stéatose sur la sévérité de la maladie hépatique [10] ou de l’insulino-résistance sur la réponse thérapeutique ou l’impact histologique du trai-tement antiviral, et notamment de la réponse virologique prolongée [6]. L’institution d’une cohorte ANRS HC 02 RIBAVICavec un suivi de 5 ans a permis, ce qui est unique par rapport

aux autres grands essais de traitements antirétroviraux C chez les co-infectés, d’établir l’intérêt à moyen terme du traitement chez le patient co-infecté [12]. D’autres informations sur les facteurs de risque d’amaigrissement [13], d’augmentation de la gamma glutamyltransférase [14], sur l’impact des inhibiteurs de protéases du VIH [15] ou de l’abacavir [16] ont aussi été rapportés pour la première fois.

En résumé, ANRS HC 02 RIBAVIC a été une expérience humaine enrichissante du fait de cette multidisciplinarité mise au service des patients. Elle nous a appris les limites mais aussi les forces de ce partage transdisciplinaire auto-risant d’apporter une réponse à chaque question qui était posée. Cet essai randomisé incluant plus de 400 patients a conduit à quinze publications couvrant l’ensemble du champ hépato-virologique et infectiologique. Ceci souvent avant les autres essais (mitochondriopathie des interactions Ribavirine-didanosine, impact négatif des inhibiteurs de protéase ou de l’abacavir sur la réponse thérapeutique, cinétiques virales précoces, impact de la stéatose sur la fibrose chez le co-in-fecté, intérêt des tests non invasifs de fibrose biochimiques et suivi à long terme des patients). Cet essai a ainsi participé à l’anticipation des recommandations de la conférence internationale de consensus [17] et aux recommandations d’un groupe d’experts [18] et a permis l’extension des indications aux patients co-infectés VHC-VIH de l’interféron

Tableau 1 Résultats des essais de traitement comparant l’interféron standard à l’interféron pégylé en association à la ribavirine dans la co-infection VIH/VHC.

ACTG [19] APRICOT [20] ANRS HC 02 RIBAVIC [6] Laguno [21]

Nombre de patients sous interféron pégylé

66 289 205 52

Type d’interféron pégylé 2a 2a 2b 2b

Toxicomanie intraveineuse (%) - 62 81 75

Cirrhotiques (%) 11 15 40 (F3-F4) 19

Génotypes 1-4 (%) 77 67 69 63

Taux de l’ALAT normal (%) - 0 15 0

Taux moyen de CD4 (/ml) - 520 525 512

HAART (%) - 84 82 94

Doses d’interféron pégylé (/semaine)

180 µg 180 µg 1,5 µg/kg 100-150 µg*

Doses de ribavirine (mg/j) 600 (4 semaines), puis 800 (4 semaines), puis 1000

800 ou placebo

800 800-1200**

Durées de traitement (semaines) 48 48 48 24 (génotype 2/3, faible charge virale)

48 (génotype 2/3, forte charge virale et génotype 1/4)

*Interféron pégylé α-2b 100-150 mg/semaine (< 75kg ou > 75kg) ** Ribavirine 800-1000-1200 mg/j (< 60 kg ; > 60 kg ou < 75kg ; > 75kg) ALAT : alanine aminotransférase

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pégylé alpha-2b. Nous tenons particulièrement à féliciter le Docteur Firouzé Bani-Sadr et le Docteur Fabrice Carrat pour leur engagement constant dans la méthodologie, le respect des bonnes pratiques et l’analyse des données ces 6 dernières années contribuant ainsi à la réussite de ce projet.

Conflits d’intérêts

Orateur et membre des boards de Roche, Schering-Plough, Gilead, Bristol Myers Squibb, Boehringer-Ingelheim, Tibotec.

Références

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