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Archéologia Poblado de la Edad de Bronce La Almoloya

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Revista sobre arqueología francesa con extenso artículo sobre el poblado argárico de La Almoloya de Pliego (Murcia).

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Les fouilles conduites au cours de l’été 2014 par une équiped’archéologues de l’université autonome de Barcelone à LaAlmoloya, dans la province de Murcia, ont mis au jour l’un desplus anciens palais européens ainsi qu’une somptueuse tombeprincière. Le site s’avère l’un des principaux centres politiqueset urbains de la société d’El Argar, qui s’est épanouie dansl’ouest du bassin méditerranéen au cours de l’âge du Bronze,entre 2200 et 1550 av. J.-C. VICENTE LULL ET AL.

La AlmoloyaPremier palais de l’âge du Bronze occidental

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Espagne

Vue aérienne de La Almoloya après la saison de fouilles de 2014.

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LA ALMOLOYA

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LA Almoloya fut l’un des berceaux de la société d’El Argar. Le site se trouve

sur un plateau escarpé d’une surface de 3800 m2. Une position stratégique et privilégiée, qui a facilité une occupa-tion de plus de six siècles, entre 2200 et 1550 av. J.-C. Le site était densément recouvert debâtiments en pierre. Deux complexesrésidentiels de 300 m2 divisés en six àdouze pièces chacun ont totalement étémis au jour, et au moins trois autres sontpartiellement fouillés. Les murs étaienten pierre et mortier et recouverts de

couches d’enduit. Certaines parties pré-sentent un décor de stuc aux motifs géo-métriques et naturalistes, une nouveautéqui signe la découverte d’un style artis-tique argarique.

UNE ARCHITECTUREPALATIALE UNIQUEL’un des complexes présente des carac-téristiques architecturales uniques. La principale est un grand hall mesurantenviron 85 m2, bordé de banquettes lelong de ses murs où pouvaient prendreplace au moins 50 personnes. Le banc

ouest est plus haut que les autres ; ilmarque l’accès à une pièce secondairemesurant 13 m2. Le hall principal, appelé Pièce 9, comprendun foyer de deux mètres de diamètre et unpodium en pierre. Le sol, les bancs et lesmurs sont soigneusement recouverts demortier de chaux. Contrairement aux nom-breux objets trou vés dans les autres pièces,seulement quelques plats en terre cuiteont été retrouvés ici.

CI-DESSOUS Tombe 38 de La Almoloya. Les deux squelettes et les objets funéraires.

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DES TOMBES SOUS LE SOLDU HALLIl est donc probable que ce hall était uti-lisé pour célébrer des événements collec-tifs, mais lesquels?Vraisemblablement pas des cérémoniesreligieuses, en raison du manque de sym-boles se rattachant potentiellement auxdivinités et autres entités imaginairessupranaturelles. Le champ politique offredes perspectives plus prometteuses. Lesschémas d’implantation argariques et laconcentration de riches tombes sur lesversants élevés des plateaux où sont éta-blis les centres urbains suggèrent que lepouvoir était distribué de manière iné-gale. La classe sociale dominante a pugouverner par le biais d’une institutionpolitique quelconque. Étonnamment,aucun édifice politique n’avait été claire-ment reconnu en 140 ans de fouilles,jusqu’aux découvertes de La Almoloya.Dix tombes ont été mises au jour sous lesol de la Pièce 9. La plupart ne conte-naient pas d’offrandes, ou seulementquelques poteries et objets en cuivre cor-respondant aux classes sociales inférieureet intermédiaire. Une de ces tombes pré-sentait néanmoins une série d’objetsextraordinaires, d’une grande richesse,pour certains jamais vus auparavant. Cegroupe de tombes illustre la stratificationde la société argarique, soulignant l’im-portance politique de cette pièce.

LE COUPLE DU PYTHOSLa tombe 38 était située sous le niveau dusol à côté du banc principal, dans l’anglesud-ouest de la Pièce 9. Deux corps ont été retrouvés dans unegrande urne funéraire (pythos) mesurant85 × 70 cm.

Un homme âgé de 35 à 40 ans était placéen position fléchie sur son côté gauche.Les altérations des os au niveau des deuxgenoux et du bassin suggèrent qu’il mon-tait fréquemment à cheval, tandis que leremodelage de la partie supérieure dusquelette, notamment l’épaule et le brasdroits, indique un haut niveau d’effortphysique qui correspond assez bien aumaniement d’armes ou d’outils lourdscomme les épées et les haches. Sa tête touchait le côté droit du visaged’une femme âgée de 25 à 27 ans, éten-due au-dessus de l’homme et faisant face à l’ouverture du pythos. L’importantremodelage osseux du côté avant et inté-rieur des côtes droites et gauches indiqueassez clairement que cette femme souf-frait d’une infection pulmonaire. Les deux squelettes partagent des carac-téristiques peu courantes, comme destubercules sur la face linguale des inci-sives, un trait épigénétique, et des dentsavant se chevauchant, ce qui pourraitsuggérer une parentée. La cohérenceanatomique des ossements et la datationau carbone 14 confirment l’hypothèsed’un enterrement unique.

UN MATÉRIEL FUNÉRAIREEXTRAORDINAIREPlus de trente objets ont été trouvés dansla tombe, la plupart réalisés dans desmétaux précieux. L’un des plus impres-sionnants est un diadème en argentadapté au crâne féminin. Sa valeur scien-tifique et patrimoniale est considérableétant donné que seuls quatre autres dia-dèmes de ce genre ont été découverts, ily a 130 ans, sur le site d’El Argar, à 120 kmau sud de La Almoloya. Ces cinq dia-dèmes sont étonnamment similaires, ce

qui pourrait signifier qu’ils ont été forgéspar le même atelier. Les diadèmes étaientdes symboles de pouvoir, réservés seule-ment à quelques femmes de la hautesociété, à la fin de l’époque argarique.Des tubes d’oreille métalliques, objetsrelativement peu communs, ont égale-ment été trouvés dans la tombe. L’undeux, en argent et mesurant 6 cm de dia-mètre, a pu être à l’origine d’une remar-quable modification du lobe d’oreillegauche de la femme. Les deux tubesd’oreille en or, qui ont pu être portés parl’homme, sont beaucoup plus petits etfinement décorés d’une ligne de pointsau repoussé le long des bordures exté-rieures. Les deux corps étaient enterrésavec d’autres ornements personnels :bagues, bracelets /anneaux de bras etplusieurs anneaux en spirale qui étaient àl’origine attachés aux cheveux ou à unfoulard enveloppant la tête, ainsi que descolliers de perles en ambre, os, coquilleet pierre verte.Parmi les autres objets funéraires figurentnotamment une dague en cuivre avecquatre rivets d’argent pour attacher lemanche et un poinçon en cuivre dont lastructure en chêne vert est admirable-ment recouverte de plaques en argents’adaptant à la forme du manche. Onretrouve encore l’argent comme matièrepremière utilisée pour recouvrir les lèvreset la panse d’une petite poterie polienoire placée à l’intérieur d’un bol posé surle squelette féminin. Il est clair qu’il s’agitici d’une indication subtile mais non moinsimportante du raffinement et de la distinc-tion de la tombe. Un troisième et plusgros pot, ainsi que deux restes de bœufs,complètent le lot d’offrandes retrouvées.

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Tombe 38 de La Almoloya.Poinçon en cuivre avec

revêtement en argent recouvrantun manche en bois de 8,5 cm.

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TECHNIQUE ET POLITIQUELe poinçon, le diadème et les tubesd’oreille témoignent de compétences tech-nologiques dans le traitement de l’or et del’argent sans précédents en Occident. Les quatre tubes d’oreille et les rubansd’argent recouvrant la bordure du petit

récipient sont un des premiers exemplesde la technologie anticlastique, suggé-rant une conception très astucieuse etl’emploi de procédés élaborés comme lerecuit, la forge et le polissage. La technique de fabrication du diadème,qui ne porte pas de traces de soudure,

n’a pas encore été déterminée. En outre,la gaine du manche du poinçon est divi-sée en trois parties parfaitement adap-tées les unes aux autres et à la structureintérieure en bois. Il semble par consé-quent clair que ces objets étaient desproductions bien particulières, réaliséesdans des ateliers étroitement associés àla classe sociale dominante. L’un de cesateliers était situé dans le bâtiment cen-tral de Tira del Lienzo (Totana, Murcia), oùun lot de marteaux et d’enclumes arécemment été découvert.Les diadèmes et les tubes d’oreille étaientdes ornements personnels réservés àl’élite dirigeante de l’époque argariquetardive. Leur large distribution géogra-phique, s’étalant des plaines almériennes(El Argar) aux plateaux intérieurs (La Al-moloya), ainsi que leur fabrication par ungroupe limité de spé cialistes, peut êtrel’expression d’un pouvoir unifié régnantsur des entités politiques plus petites. Lesraisons de cette unification politique, quia pu être motivée par des considérationsdynastiques ou de descendance, pourrontêtre clarifiées par les recherches à venir.

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Tombe 38 de La Almoloya. Deux tubesd’oreille associés au squelette masculin(objet de gauche : maximum Ø 2,3 cm,hauteur 1,8 cm; objet de droite maximumØ 2,2 cm, hauteur 1,5 cm, avec anneauspiral en argent mesurant Ø 3,8 cm est inséré dans le tube).

Tombe 38 de La Almoloya.Diadème en argent

retrouvé autour de la têtede la femme (le diamètre

du disque mesure 4,1 cm).

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LA ALMOLOYA

UNE ORGANISATIONÀ L’ORIENTALEQuoi qu’il en soit, il apparaît clair quel’écart économique croissant entre lesclasses sociales pendant la périodeargarique tardive correspond à l’intensi-fication de la centralisation politique.Dans ce contexte, on peut dire que laPièce 9 de La Almoloya était un impor-tant lieu de rassemblement politique.Des représentants ou les dirigeants demoindre échelle venant de différentsterritoires ont pu s’y retrouver en tantqu’organe décisionnel ou simplementpour recevoir des ordres de la part d’unhaut commandement.L’édifice dans lequel se trouve la Pièce 9partage certaines caractéristiques etfonctions avec plusieurs « palais » égéenset moyen-orientaux de l’âge du Bronze. La société argarique s’est implantée selonune hiérarchie séparant l’artisanat spécia-lisé, les classes socio-économiques etl’action militaire. En résumé, peut-êtreque certaines sociétés occidentalesétaient plus proches de civilisations orien-tales de l’âge du Bronze que nous le pensions. La Almoloya recèle encore denombreuses réponses potentielles à cettequestion et offre d’intéressantes perspec-tives pour le travail sur le terrain et lesrecherches à venir sur la première struc-ture politique spécialisée en Occident.

Vicente Lull, Rafael Micó,Cristina Rihuete-Herrada, Roberto Risch,

Département de Préhistoire – université autonome de Barcelone

Photos © ASOME – UABPhotos des objets funéraires par J. A. Soldevilla

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LA SOCIÉTÉ D’EL ARGAR

pouvoir économique et politique de cesélites des plateaux.

LA VASTE DIFFUSION DES US ET COUTUMESAu même moment, on observe clairementles mêmes rituels et normes esthétiquesemployés dans les pratiques funéraires etla production de poterie de Grenade àl’ouest à Alicante à l’est, et d’Almería surla côte à Ciudad Real situé plus dans lesterres sur la Meseta : cela suggère un hautdegré de communication et d’unificationentre les différentes régions dans un terri-toire d’environ 33000 km2, au moins ausein des classes dirigeantes.

DES CLASSES SOCIALESTRÈS MARQUÉESLes différences constatées entres lesobjets funéraires retrouvés dans lestombes (inhumation simple ou doublesous le centre urbain) reflètent l’existenced’au moins trois classes sociales. Elles s’observent dès l’enfance et suggè-rent que la position sociale se transmetd’une génération à l’autre. Cet ordre étaitprotégé à la mort par le fait que seuls leshommes de la classe dominante avaientaccès aux armes (hallebarde et plus tard,après 1800 av. J.-C., longues épées).D’après l’analyse des pratiques funéraires,la classe exploitée n’avait pas accès auxmétaux, et surtout pas aux armes.

CI-DESSUS Environnement géographiquede La Almoloya. Le site se trouve au milieuen bas de l’image. Le versant nord de lachaîne de montagne de la Sierra Espuñas’élève en arrière-plan.

Entre 2200 et 1550 av. J.-C., la sociétéd’El Argar s’est épanouie dans le sud-est de la péninsule Ibérique, laissantderrière elle d’imposants vestigesarchitecturaux et les marques d’unepuissante hiérarchie sociale.

La société d’El Argar, ou argarique, s’im-plantait d’une façon générale sur des sitesde hauteur, d’une surface comprise entre1 et 5 hectares. Y étaient bâtis différentsédifices en pierre, notamment des ateliersspécialisés, des entrepôts, de grandsréservoirs d’eau et d’autres bâtimentsmonumentaux, ainsi que des sépulturestrès particulières, où les défunts étaientordonnés par sexe, âge et classe sociale. En plus de six siècles d’existence, lasociété argarique a créé des centresurbains ou proto-urbains dont la taille et lacomplexité sont allés croissant, contrôlantau sud-est de l’Ibérie des territoires allantde 100 à 1000 km2, habités par des mil-liers de personnes.

UN CONTRÔLE DES RESSOURCESÀ partir de 1750 av. J.-C., le pouvoir établidans les plus grands centres semblecontrôler la production céréalière etmétallurgique, et peut-être même textile. Le nombre d’entrepôts, d’outils pour lebroyage et de métiers à tisser, le systèmede distribution centralisé du cuivre etde l’argent, à destination des régions,et la prédominance de la culture del’orge, quelle que soient les conditionsenvironnementales locales, témoignentde façon frappante de l’échelle du

CI-DESSUS Tombe 38 de La Almoloya.Petite poterie ornée d’un revêtement enargent au niveau du rebord et de la panse.