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Arrêts Nos 34.543 à 34.570 Page 11 34.554 Considérant que la première partie adverse estime qu'en adoptant cette disposition, le Conseil régional a modifié implicitement les lois sur le Conseil d'Etat, matière qui est de la compétence du législateur national en vertu de l'article 94 de la Constitution; qu'elle ajoute que l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ne peut trouver à s'appliquer à des matières que la Constitution réserve à la loi; qu'elle en conclut que le décret précité viole les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions; Considérant que la question soulevée par la première partie adverse est de celles dont la Cour d'arbitrage a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier alinéa, de la même disposition, le Conseil d'Etat est tenu de poser à la Cour la question préjudicielle mieux précisée au dispositif du présent arrêt, DECIDE: Article l"·. - Il est sursis à statuer. Article 2. - La question préjudicielle suivante est posée à la Cour d'arbitrage: Les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat et des Régions sont-elles violées par le décret du Conseil régional wallon du 11 septembre 1985 organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement, en ce que son article 21 habilite toute autorité juridictionnelle, en l'occurrence le Conseil d'Etat, à ordonner le sursis à exécution d'une autorisation fondée sur le non-respect du système d'évaluation des incidences des projets sur l'environnement? Article 3. - Les dépens sont réservés. J 34.554 ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Leroy, auditeur. PROESMAN (Mes Detry et Geairain) c/ Commune de Marchin (Me Guiot) et Com- munauté française 1. PROCEDURE- Requête - Désignation de la partie adverse -Autorité étrangère à l'acte attaqué L'autorité qui n'est pas l'auteur de l'acte attaqué doit être mise hors de cause. II. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DES COMMUNES - Entrée en service - Nomination - Autorité compétente III. ACTES DES AUTORITES ADMINISTRATIVES - Validité - Violation de la loi - Circulaires Le seul objet de l'assimilation prévue par la circulaire ministérielle du 8 février 1971, le seul aussi qui relevât de la compétence du bureau des traitements du service des établissements subventionnés de la direction générale de l'enseignement préscolaire et de l'enseignement primaire, était la fixation de la subvention-traitement qui serait payée suivant les dispositions applicables aux agents nommés agréés définitivement. Cette circulaire n'a pu légalement avoir pour effet de modifier la situation administrative d'un enseignant en transformant sa désignation à titre temporaire en nomination à titre définitif. Vu la requête introduite le 25 février 1988 par Patrick Proesman qui demande l'annulation de: «l. la décision de réaffecter Madame Remy Michèle, maîtresse de morale, domiliciée rue Mannehay, 110 à 4155 -Nandrin, pour 15 périodes de titulaire situées dans un reliquat de 18 périodes; »2. la décision de le maintenir en fonction dans le reste de ce reliquat, soit 3 périodes, et de le placer en disponibilité par défaut partiel d'emploi pour 21 périodes; »3. la même décision de le placer en disponibilité par défaut d'emploi pour 3 heures supplémentaires, soit 21 heures au lieu de 18, cette décision prouvant qu'il avait d'abord été placé en disponibilité pour 18 heures; »4. la décision de nommer Madame Remy Michèle à titre temporaire (sans précision de fonction) pour 15 heures/semaine (au lieu de 12)»; RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

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Page 1: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.543 à 34.570 Page 11 N° 34.554

Considérant que la première partie adverse estime qu'en adoptant cette disposition, le Conseil régional a modifié implicitement les lois sur le Conseil d'Etat, matière qui est de la compétence du législateur national en vertu de l'article 94 de la Constitution; qu'elle ajoute que l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ne peut trouver à s'appliquer à des matières que la Constitution réserve à la loi; qu'elle en conclut que le décret précité viole les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions;

Considérant que la question soulevée par la première partie adverse est de celles dont la Cour d'arbitrage a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier alinéa, de la même disposition, le Conseil d'Etat est tenu de poser à la Cour la question préjudicielle mieux précisée au dispositif du présent arrêt,

DECIDE:

Article l"·. - Il est sursis à statuer.

Article 2. - La question préjudicielle suivante est posée à la Cour d'arbitrage:

Les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat et des Régions sont-elles violées par le décret du Conseil régional wallon du 11 septembre 1985 organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement, en ce que son article 21 habilite toute autorité juridictionnelle, en l'occurrence le Conseil d'Etat, à ordonner le sursis à exécution d'une autorisation fondée sur le non-respect du système d'évaluation des incidences des projets sur l'environnement?

Article 3. - Les dépens sont réservés. J N° 34.554

ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Leroy, auditeur.

PROESMAN (Mes Detry et Geairain) c/ Commune de Marchin (Me Guiot) et Com­munauté française

1. PROCEDURE- Requête - Désignation de la partie adverse -Autorité étrangère à l'acte attaqué

L'autorité qui n'est pas l'auteur de l'acte attaqué doit être mise hors de cause.

II. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DES COMMUNES - Entrée en service - Nomination - Autorité compétente

III. ACTES DES AUTORITES ADMINISTRATIVES - Validité - Violation de la loi - Circulaires

Le seul objet de l'assimilation prévue par la circulaire ministérielle du 8 février 1971, le seul aussi qui relevât de la compétence du bureau des traitements du service des établissements subventionnés de la direction générale de l'enseignement préscolaire et de l'enseignement primaire, était la fixation de la subvention-traitement qui serait payée suivant les dispositions applicables aux agents nommés agréés définitivement. Cette circulaire n'a pu légalement avoir pour effet de modifier la situation administrative d'un enseignant en transformant sa désignation à titre temporaire en nomination à titre définitif.

Vu la requête introduite le 25 février 1988 par Patrick Proesman qui demande l'annulation de:

«l. la décision de réaffecter Madame Remy Michèle, maîtresse de morale, domiliciée rue Mannehay, n° 110 à 4155 -Nandrin, pour 15 périodes de titulaire situées dans un reliquat de 18 périodes;

»2. la décision de le maintenir en fonction dans le reste de ce reliquat, soit 3 périodes, et de le placer en disponibilité par défaut partiel d'emploi pour 21 périodes;

»3. la même décision de le placer en disponibilité par défaut d'emploi pour 3 heures supplémentaires, soit 21 heures au lieu de 18, cette décision prouvant qu'il avait d'abord été placé en disponibilité pour 18 heures;

»4. la décision de nommer Madame Remy Michèle à titre temporaire (sans précision de fonction) pour 15 heures/semaine (au lieu de 12)»;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.554

Considérant que les faits de la cause peuvent être résumés comme suit:

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1. Le requérant, porteur du diplôme d'instituteur, a été désigné par la Commune de Marchin en qualité d'instituteur primaire à titre temporaire à partir du 3 septembre 1980, en remplacement du titulaire de l'emploi, absent. Cette désignation semble avoir été renouvelée pour l'année scolaire 1981-1982.

Au cours des années scolaires 1982-1983 et 1983-1984, le requérant a exercé à' temps partiel la fonction de maître spécial en éducation physique, sous le régime du cadre spécial temporaire.

A partir de l'année scolaire 1984-1985, il a à nouveau été désigné en qualité d'instituteur primaire à titre temporaire jusqu'au 31 décembre 1986, par diverses délibérations. Une délibération du 4 décembre 1985 l'a nommé à titre définitif, mais cette délibération a été suspendue par l'autorité de tutelle et retirée par le conseil communal le 5 février 1986.

Par délibération du 28 janvier 1987, le requérant a été nommé à titre définitif à la fonction d'instituteur primaire à partir du 1er janvier 1987.

2. Michèle Remy a exercé des fonctions de maître de morale laïque à Marchin au moins à partir du 1er janvier 197 5.

Rien n'indique que le conseil communal ait désigné Michèle Remy autrement qu'à titre temporaire.

Toutefois, le 15 septembre 1975, le bureau des traitements du ministère de !'Education nationale a fait savoir à la commune que Michèle Remy était assimilée aux membres du personnel nommés définitivement.

3. Au 1er septembre 1976, l'horaire de Michèle Remy a été porté à 15 heures de morale par semaine.

Le 5 octobre 1977, le conseil communal a mis Michèle Remy en disponibilité par défaut d'emploi. Le préambule de cette délibération porte:

«Attendu que, par arrêté ministériel du 17 novembre 1975, cet agent est assimilé aux stagiaires de l'enseignement de l'Etat avec effet au rr janvier 1975».

La commune a été avisée le 14 juin 1978 de ce que le ministre avait agréé cette mise en disponibilité.

4. Michèle Remy est rentrée en service dans l'enseignement communal de Marchin à partir du 1er octobre 1985. Elle a été désignée à titre temporaire en qualité de maîtresse de morale pour 2 heures par semaine et en qualité d'institutrice primaire à temps partiel.

Au début de l'année scolaire 1986-1987, le collège des bourgmestres et échevins a mis fin à sa position de disponibilité pour 2 heures par semaine de morale laïque, tandis que le conseil communal la désignait à titre temporaire en qualité d'institutrice primaire à temps partiel à partir du 1er octobre 1986.

5. Les actes suivants ont été pris au début de l'année scolaire 1987-1988:

- en séance du 4 novembre 1987, le conseil communal a désigné Michèle Remy en qualité d'institutrice primaire à titre temporaire pour 6 heures par semaine à partir du 1er septembre 1987;

- au cours de la même séance du 4 novembre 1987, le conseil communal l'a désignée en qualité d'institutrice primaire à titre temporaire pour 12 heures par semaine à partir du 1er octobre 1987;

- toujours au cours de la même séance, le conseil communal a mis le requérant en disponibilité par défaut d'emploi pour 18 heures par semaine au 1er octobre 1987;

- en séance du 30 décembre 1987, le conseil communal a désigné Michèle Remy en qualité d'institutrice primaire à titre temporaire pour 15 heures par semaine à partir du 1er janvier 1988;

-le même jour, le conseil communal a mis le requérant en disponibilité par défaut d'emploi pour 3 heures supplémentaires au 1er janvier 1988;

Considérant que la Communauté française succède à l'Etat belge qui n'est pas l'auteur de l'acte attaqué; qu'elle doit être mise hors de cause;

Considérant que le requérant prend un moyen, le troisième de la requête, de la violation de l'article 21 de l'arrêté royal du 30 août 1984 portant organisation de l'enseignement maternel et primaire ordinaire sur base d'un capital-périodes, article aux termes de l'alinéa 1er duquel:

«L'application du capital-périodes ne peut avoir pour conséquence que des membres du personnel nommés à titre définitif et agréés, là où l' agréation existe, admis au stage ou y assimilés, ne soient mis en disponibilité par défaut d'emploi aussi longtemps que des membres temporaires du personnel restent en activité dans les écoles d'un même pouvoir organisateur, situées dans une même commune»;

Considérant que la Commune de Marchin répond qu'elle «a dû statuer comme elle (l' )a fait uniquement sur décision de la commission nationale de réaffectation et donc du ministère de l' Education nationale à l'encontre de la solution qui était la plus favorable à l'organisation de l'enseignement communal»; qu'elle fait ainsi référence aux correspondances qui lui avaient été adressées, notamment le 21 décembre 1987, par M. J. Scheuer, directeur général de l'enseignement préscolaire et de l'enseignement primaire;

Considérant qu'il n'est ni contestable ni contesté que le requérant est instituteur primaire à titre définitif depuis la délibération du 28 janvier 1987 du Conseil communal de Marchin; que la direction générale de l'enseignement préscolaire et de l'enseignement primaire et, à sa suite, la Commune de Marchin semblent avoir

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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raisonné comme si Michèle Remy pouvait, elle aussi, se prévaloir d'une nomination à titre définitif en vertu de la décision d'assimilation prise en sa faveur et notifiée à la commune par une lettre du 15 septembre 1975;

Considérant que la lettre du 15 septembre 1975 émane du bureau des traitements et fait application d'une circulaire ministérielle du 8 février 1971, réf. VII/R.DU/m.n./71/05; que cette circulaire n'a pu légalement avoir pour effet de modifier, indépendamment de toute décision du pouvoir organisateur, c'est-à-dire de la Commune de Marchin, la situation administrative de Michèle Remy en transformant en nomination à titre définitif sa désignation à titre temporaire; que le seul objet de cette assimiliation, le seul aussi qui relevât de la compétence du bureau des traitements du service des établissements subventionnés de la direction générale de l'enseignement préscolaire et de l'enseignement primaire, était la fixation de la subvention-traitement de l'intéressée, qui lui serait dorénavant <<payée suivant les dispositions applicables aux agents nommés agréés définitivement»; que Michèle Remy n'ayant jamais bénéficié d'une nomination à titre définitif, le moyen est fondé; que l'examen des autres moyens de la requête serait sans intérêt;

Considérant que, dans les circonstances de la cause, les actes du 4 novembre 1987 ne sont pas dissociables de ceux du 30 décembre 1987; que la Commune de Marchin ne soutient d'ailleurs pas que le requérant aurait eu connaissance des premiers plus de soixante jours avant l'introduction de sa requête,

(Mise hors de cause de la Communauté française - annulation de la délibération du 4 novembre 1987 par laquelle le Conseil communal de Marchin a désigné Michèle Remy en qualité d'institutrice primaire, à titre temporaire, pour 6 heures par semaine à partir du 1er septembre 1987, de la délibération de même date par laquelle le même conseil communal a désigné Michèle Remy en qualité d'institutrice primaire, à titre temporaire, pour 12 heures par semaine à partir du 1er octobre 1987, de la délibération de même date par laquelle le même conseil communal a mis Patrick Proesmans en disponibilité par défaut d'emploi pour 18 heures par semaine au 1er octobre 1987, de la délibération du 30 décembre 1987 par laquelle le même conseil communal a désigné Michèle Remy en qualité d'institutrice primaire, à titre temporaire, pour 15 heures par semaine à partir du 1er janvier 1988, et de la délibération de même date par laquelle le même conseil communal a mis Patrick Proesmans en disponibilité par défaut d'emploi pour 3 heures supplémentaires au 1er janvier 1988 - dépens à charge de la Commune de Marchin).

N°5 34.555 à 34.559

ARRETS du 2 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur.

n° 34.555 - HORION (Me Bouvier) n° 34.556 - GROEVEN (id.) n° 34.557 - LARUELLE (id.) n° 34.558 - DAIGNEUX (Mes Detry et Lambrechts) n° 34.559 - HERENS (Me Bouvier)

c/ Communauté française - Partie intervenante dans (Me Collard)

1. (voir n° 34.099, III, n° 1) (n°s 34.555, 34.557 et 34.558)

II. (voir n° 34.028, 1) (n°s 34.556 et 34.559)

le n° 34.557: Keimeul

J \ :.) f' ':;

III. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Priorités

Il est usuel, pour un enseignant, de faire acte de candidature pour toutes les provinces en accordant sa préférence à l'une puis par ordre décroissant aux autres. Une telle manière de faire n'est en rien contraire à l'article 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 (n° 34.557).

IV. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Nomination - Recours au Conseil d'Etat - Intérêt

Des désignations dont un enseignant a bénéficié de manière intermittente dans des fonctions diverses ne lui font pas perdre intérêt à poursuivre l'annulation de la désignation d'un autre professeur pour une durée indéterminée (n° 34.558).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.555

N° 34.555

Arrêts Nos 34.543 à 34.570

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Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Michèle Horion qui demande l'annulation de la décision ministérielle du 24 août 1988 désignant Maria Pomarico comme institutrice maternelle (charge complète) à l'Athénée royal de Waremme «depuis début septembre 1988»;

Considérant, quant à l'objet du recours, que la décision ministérielle du 24 août 1988 a désigné Maria Pomarico comme institutrice maternelle à l'Athénée royal de Waremme du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988; qu'une décision ministérielle générale du 11 octobre 1988 a prorogé cette désignation parmi d'autres jusqu'au 30 juin 1989; que, dans son dernier mémoire, la requérante, rappelant les termes généraux de sa requête, demande expressément que celle-ci soit interprétée comme visant aussi la décision du 11 octobre 1988 en tant qu'elle proroge la désignation de Maria Pomarico; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande;

Considérant que la requérante pouvait, pour l'année scolaire 1987-1988, se prévaloir de 5 candidatures et de la 49ème place au classement des candidats du premier groupe pour la Province de Liège; que Maria Pomarico ne figurait pas dans ce classement, n'ayant que 10 jours d'ancienneté dans l'enseignement de l'Etat;

·Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat, en ce qu'elle avait priorité sur Maria Pomarièo qui n'était pas classée;

Considérant que la partie adverse admet que la décision attaquée est le fruit d'une erreur administrative;

Considérant que les dispositions invoquées au moyen ne permettaient pas à la partie adverse de préférer Maria Pomarico à la requérante pour la désignation attaquée; que le moyen unique est fondé,

(Annulation de la décision ministérielle du 24 août 1988 désignant Maria Pomarico comme institutrice maternelle (charge complète) à !'Athénée royal de Waremme du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, et de la décision ministérielle du 11 octobre 1988 en tant qu'elle proroge jusqu'au 30 juin 1989 la désignation précitée de Maria Pomarico - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.556 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Martine Groeven qui demande l'annulation de la décision

ministérielle du 24 août 1988 désignant Maria Pomarico «à /'Athénée Royal de Waremme dans l'emploi occupé l'année scolaire dernière par la requérante, manifestement prioritaire»;

Considérant que la décision attaquée a été annulée par l'arrêt n° 34.555 rendu ce jour; que le recours est ainsi devenu sans objet,

(Non lieu de statuer - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.557 ~Vu la requête introduite le 3 novembre 1988 par Bernard Lamelle qui demande l'annulation de la décision

ministérielle de date inconnue désignant Irène Keimeul comme professeur d'histoire à !'Athénée royal d'Angleur à partir du 1er septembre 1988;

Considérant que le requérant, agrégé de l'enseignement secondaire supérieur (histoire), était classé 47e avec 5 candidatures, pour la Province de Liège, dans le classement pour l'année scolaire 1987-1988 des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré supérieur, groupe des agrégés de l'enseignement secondaire supérieur en histoire; que, dans le même classement l'intervenante Irène Keimeul était 52e avec 3 candidatures;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse admet que la décision attaquée est le fruit d'une erreur administrative;

Considérant que l'intervenante conteste à la fois la recevabilité et le fondement du recours en faisant valoir qu'en violation de l'article 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969, Bernard Lamelle aurait postulé «un

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.543 à 34.570 Page 15 N° 34.558

emploi dans toutes les provinces possibles (soit Brabant, Hainaut, Liège+ F.B.A., Luxembourg et Namur)», ne formulant ainsi «aucune préférence provinciale dans l'acte de candidature aux fonctions de professeur d'histoire dans l'enseignement secondaire (du) degré supérieur de l'Etat pour l'année scolaire 1988-1989»;

Considérant que, dans son dernier mémoire, le requérant affirme que, s'il a effectivement fait acte de candidature pour toutes les provinces, c'est en accordant «sa préférence à la Province de Liège, puis par ordre décroissant à celles de Namur, de Luxembourg, de Brabant et de Hainaut»; qu'une telle manière de faire, d'ailleurs usuelle, n'est en rien contraire à l'article 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969;

Considérant que le moyen unique est fondé,

(Annulation de la décision ministérielle de date inconnue qui désigne Irène Keimeul comme professeur d'histoire à !'Athénée royal d'Angleur à partir du 1er septembre 1988 - dépens à charge de la partie adverse et de l'intervenante).

* * *

N° 34.558 Vu la requête introduite le 7 novembre 1988 par Jacqueline Daigneux qui demande l'annulation de la

décision ministérielle de date inconnue désignant Anne-Bérangère Gougnard pour une durée indéterminée comme professeur de «langues anciennes» à l' Athénée royal de Fragnée pour 8 heures et à l' Athénée royal «Air pur» de Seraing pour 12 heures, ainsi que le refus implicite de la désigner à cette double fonction;

Considérant que la requérante, licenciée-agrégée en philologie classique, pouvait, pour l'année scolaire 1987-1988, se prévaloir de neuf candidatures et d'une deuxième place au classement des temporaires pour la Province de Liège; que la partie adverse, dans un mémoire en réponse introduit tardivement le 3 avril 1989, ne conteste pas l'affirmation de la requérante selon laquelle Anne-Bérangère Gougnard ne possédait pas les titres requis et ne comptait aucune ancienneté dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que, dans un mémoire du 19 juin 1989, la requérante précise comme suit l'objet de son recours:

«Elle sollicite l'annulation:

»l. (de) la décision de Monsieur le Ministre de !'Education nationale du 6 septembre 1988 qui désigne à titre temporaire du l''" septembre 1988 au 15 octobre 1988 Madame Anne-Bérangère Gougnard comme professeur de langues anciennes à !'Athénée royal «Air pur» (de) Seraing pour 12 heures au degré secondaire inférieur;

»2. (de) la décision de Monsieur le Ministre de !'Education nationale du 6 septembre 1988 qui désigne à titre temporaire du l''" septembre 1988 au 15 octobre 1988 Madame Anne-Bérangère Gougnard comme professeur de langues anciennes à l' Athénée royal (de) Fragnée pour 4 heures au degré secondaire inférieur;

»3. (des) décisions implicites ou explicites mais non déposées au dossier administratif, qui prolongent au­delà du 15 octobre 1988 les décisions du 6 septembre 1988 jusqu'au 31décembre1988 à !'Athénée royal (de) Seraing (l'emploi étant occupé depuis le Ier janvier 1989 suite à une réaffectation), et jusqu'à ce jour à !'Athénée royal (de) Fragnée;

»4. (des) décisions implicites, liées au décisions sub 1, 2 et 3, qui ont refusé de désigner la requérante aux emplois précités»;

Considérant que la partie adverse soutient que la requête serait irrecevable «l'intérêt de la requérante( .. .) n'ayant pas un caractère de continuité et de permanence tout au long de la procédure», parce qu'elle a bénéficié d'une désignation à deux reprises, les 19 octobre 1988 et 25 novembre 1988;

Considérant que les désignations dont la requérante a bénéficié de manière intermittente dans des fonctions diverses ne lui ont pas fait perdre intérêt à poursuivre l'annulation de la désignation de Anne-Bérangère Gougnard comme professeur de «langues anciennes» pour une durée indéterminée; que le recours est recevable;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse admet que la décision attaquée est le fruit d'une erreur administrative «qu'elle s'est efforcée de réparer au mieux des intérêts des parties à la cause»;

Considérant que les dispositions invoquées au moyen ne permettaient pas à la partie adverse de préférer Anne-Bérangère Gougnard à la requérante pour les désignations attaquées; que le moyen unique est fondé; qu'il doit entraîner l'annulation des décisions indiquées par la requérante sous 1 à 3 dans son mémoire du 19 juin 1989;

Considérant qu'il n'est pas allégué qu'un autre candidat était mieux classé que la requérante; qu'il y a donc lieu de faire droit au deuxième objet de la requête, quatrième du mémoire du 19 juin 1989,

(Annulation de la décision du Ministre de !'Education nationale du 6 septembre 1988 qui désigne Anne­Bérangère Gougnard comme professeur de «langues anciennes» à l' Athénée royal <<Air pur» de Seraing pour 12

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.543 à 34.570

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heures au degré inférieur, du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, de la décision du Ministre de !'Education nationale du 6 septembre.1988 qui désigne Anne-Bérangère Gougnard comme professeur de cours généraux (latin) à !'Athénée royal de Fragnée pour 4 heures au degré inférieur, du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, des décisions ministérielles de date inconnue qui auraient prorogé les désignations précitées, et du refus implicite de désigner Jacqueline Daigneux auxdits emplois - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.559 Cet arrêt est identique au n ° 34.556.

N° 34.560

ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur.

BOSSART (Mes Gillet et Lambrechts) c/ Communauté française

PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Positions - Activité de service - Congés

Le ministre ne peut mettre fin et sans motif à une mission dont il a lui-même fixé la durée. Si aucun texte ne lui impose une motivation en la forme, sa décision n'en doit pas moins,

comme tout acte administratif, reposer sur des motifs légalement admissibles qui doivent au moins apparaître du dossier administratif. En l'espèce, rien n'explique pour quelle raison la mission du requérant a été écourtée alors que celui-ci démontre, par des lettres de ses supérieurs hiérarchiques, qu'ils' en était acquitté à leur entière satisfaction.

Vu la requête introduite le 5 octobre 1988 par Arthur Bossart qui demande l'annulation de la décision ministérielle du 12 juillet 1988 mettant fin au 31 juillet 1988 à sa mission d'inspecteur de musique dans l'enseignement spécial;

Considérant que, par un arrêté royal du 21 mars, Arthur Bossart a été nommé professeur de cours d'éducation musicale à titre définitif à l'Institut technique et agricole de l'Etat à Izel et à Libramont; que, le 29 mai 1974, il a été déclaré lauréat des épreuves d'aptitude à la fonction d'inspecteur de cours spéciaux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur de l'Etat; qu'il a été chargé d'une mission d'inspection des classes secondaires spéciales dans le domaine de l'éducation musicale, une première fois du 15 octobre 1978 au 1er septembre 1981, une deuxième fois du 19 février 1982 au 24 septembre 1984, une troisième fois à partir du 1er septembre 1985; qu'afin d'accomplir cette dernière mission, il a été mis en congé, d'abord au 1er octobre 1986 au 31 août 1988, ensuite du 15 décembre 1987 au 31 mai 1989; que, par la décision attaquée du 12 juillet 1988, notifiée le 5 août 1988, le ministre a mis fin anticipativement à èette mission à partir du 1er août 1988; qu'il a également été mis fin au 31 juillet 1988 au congé pour mission par un arrêté royal du 17 novembre 1988, que le requérant a valablement étendu son recours à ce second acte par son mémoire ampliatif;

Considérant que, par le moyen unique de sa requête, Arthur Bossart soutient que c'est sans motif et donc illégalement qu'il a été mis fin anticipativement à sa mission;

Considérant que, dans sa réponse, la partie adverse invoque l'article 33 de l'arrêté royal du 15 janvier 1974 pris en application de l'article 160 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat; que cet article dispose comme suit:

«Les membres du personnel visés à l'article r· sont en congé pour mission, pour une période de deux ans maximum, aux fins d'accomplir d'une manière régulière et continue une mission leur (sic) confiée par le Ministre de l' Education nationale dans l'intérêt de l'enseignement de l'Etat»;

qu'elle souligne que la durée des congés accordés au personnel enseignant en vertu de cet article est liée aux nécessités de la tâche à accomplir, qu'en vertu du caractère personnalisé de la mission qu'il confie à un agent, le ministre garde, pendant l'accomplissement de celle-ci, une totale liberté pour porter une appréciation tant sur l'intérêt de la tâche confiée que sur la personne par qui elle est assumée et que s'il décide d'y mettre fin, aucun texte légal ou réglementaire ne l'oblige à motiver sa décision;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 7: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.543 à 34.570 Page 17 N° 34.561

Considérant que, par sa décision du 10 décembre 1987, le ministre avait mis Arthur Bossart du 15 décembre 1987 au 31 mai 1989 en congé pour mission dans l'intérêt de l'enseignement de l'Etat, auprès de l'inspection de l'enseignement spécial; qu'il ne pouvait mettre fin anticipativement et sans motif à cette mission dont il avait lui-même fixé la durée; que s'il est vrai qu'aucun texte ne lui imposait une motivation en la forme, sa décision n'en devait pas moins, comme tout acte administratif, reposer sur des motifs légalement admissibles qui doivent au moins apparaître du dossier administratif; que ni la décision du 12 juillet 1988, qui constitue l'unique pièce du dossier administratif, ni même le mémoire en réponse n'expliquent pour quelle raison la mission du requérant a été écourtée alors que celui-ci démontre, par des lettres de ses supérieurs hiérarchiques des 12 janvier 1984 et 24 août 1988, qu'il s'en était acquitté à leur entière satisfaction; que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision ministérielle du 12 juillet 1988 mettant fin au 31juillet1988 à la mission confiée à Arthur Bossart dans l'intérêt de l'enseignement de l'Etat auprès de l'inspection des cours d'éducation musicale dans l'enseignement spécial, et de l'arrêté royal du 17 novembre 1988 mettant fin à la même date à son congé pour mission spéciale - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.561

ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur.

DEROOSE c/ Communauté française

1. PROCEDURE - Requête - Délai - Point de départ - Notification - Généralités II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Notification des actes - Obligation de notifier - En

général

Seule la notification d'une mesure individuelle modifiant la situation administrative du requérant fait courir le délai de recours.

III. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Positions - Activité de service - Congés

1. Le lauréat des épreuves d'aptitude à la fonction d'inspecteur du personnel auxiliaire d'éducation a un intérêt moral et professionnel certain à faire annuler une décision qui met fin à sa mission, alors que, au même moment, le ministre prolonge de six mois celle d'un autre inspecteur qui n'a pas les titres requis.

2. La décision qui met fin à la mission d'inspection d'un lauréat des épreuves d'aptitude à la fonction d'inspecteur doit être annulée lorsque c'est sans motif admissible que le ministre lui a préféré une personne qui n'avait pas tous les titres requis.

Vu la requête introduite le 6 octobre 1988 par Alain Deroose qui demande l'annulation de la décision ministérielle non datée de mettre fin au 31juillet1988 à sa mission d'inspection du personnel auxiliaire d'éducation;

Considérant que, jusqu'au 1er août 1988, quatre personnes ont exercé simultanément la mission d'inspection du personnel auxiliaire d'éducation: le requérant Alain Deroose, depuis le 1er octobre 1985, de même que Paul Dalem, Danier Van Wambeke et Paul Willot; qu'ils étaient lauréats des épreuves d'aptitude à la fonction d'inspecteur du personnel auxiliaire d'éducation des établissements d'enseignement de l'Etat, sauf Paul Willot;

Considérant que l'arrêté royal du 30 novembre 1988, publié au Moniteur belge du 7 avril 1989, a fixé pour la première fois le cadre du personnel du service d'inspection du personnel auxiliaire d'éducation des établissements d'enseignement secondaire de l'Etat, dont la langue de l'enseignement est la langue française ou la langue allemande, en limitant ce cadre à deux unités; que toutefois, dès le 1er août 1988, le Ministre de !'Education nationale avait réduit à deux le nombre des inspecteurs, maintenant en fonction Daniel Van Wambeke et Paul Dalem qu'il a chargés de reprendre les attributions d'Alain Deroose; qu'il avait décidé le 12 juillet 1988 de reconduire plusieurs missions d'inspection jusqu'au 31 décembre 1988, dont celle de Paul Willot; que, le 5 août 1988, le directeur général des personnels, des statuts et de l'organisation administrative a écrit au requérant qu'il était mis fin à sa mission au 1er août 1988; que celui-ci attaque la décision notifiée par cette lettre;

Considérant que Paul Willot, qui était administrateur à l'Institut médico-pédagogique de l'Etat à Andrimont, avait été chargé de sa mission à partir du 8 mars 1982 par un arrêté ministériel du 21 février 1983; qu'il avait fait partie du cabinet du Ministre de !'Education nationale du 26 mars 1986 au 8 mars 1987, date à laquelle il a repris sa mission d'inspection; qu'après le 31 décembre 1988, il a été réintégré dans sa fonction d'administrateur;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.561

Arrêts Nos 34.543 à 34.570

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Considérant que la partie adverse soutient que la requête, inroduite le 6 octobre 1988, est tardive puisque, le 5 août 1988 déjà, le requérant écrivait au ministre une lettre dans laquelle il critiquait la suppression d'un poste d'inspecteur sur trois, soit celui qui était prévu pour l'enseignement spécial;

Considérant que la décision attaquée était une mesure individuelle modifiant la situation administrative du requérant; que seule la notification d'une telle décision fait courir le délai de recours; que la lettre du vendredi 5 août 1988 a été présentée au domicile du requérant le 8 août 1988 de telle sorte que la requête a été envoyée avant l'expiration du délai de 60 jours; qu'au surplus si, dans sa lettre du 5 août 1988, le requérant s'inquiétait du projet du ministre de réduire le cadre de l'inspection, cette lettre ne révèle pas que le requérant aurait eu, à cette date, une connaissance certaine de la décision individuelle que le ministre avait prise à son égard; que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;

Considérant que la partie adverse déduit une deuxième fin de non-recevoir du défaut d'intérêt du requérant à attaquer le prolongation de la mission de Paul Willot, alors que cette mission a pris fin le 31 décembre 1988;

Considérant que le requérant, lauréat des épreuves d'aptitude à la fonction d'inspecteur du personnel auxiliaire d'éducation, a un intérêt moral et professionnel certain à faire annuler une décision qui met fin à sa mission, alors que, au même moment, le ministre prolonge de six mois celle d'un autre inspecteur qui n'a pas les titres requis; que l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée;

Considérant que, par les premier et troisième moyens de sa requête, Alain Deroose soutient que c'est sans motif qu'il a été mis fin prématurément à sa mission alors qu'il n'avait pas démérité et alors que le ministre maintenait dans la même fonction un agent qui n'était pas porteur des titres requis;

Considérant que la seule pièce des dossiers qui ait trait aux motifs de la décision attaquée est la lettre du 29 août 1988 dans laquelle le ministre, répondant à celle que lui avait adressé le requérant le 5 août 1988, s'exprimait en ces termes:

«J'ai bien reçu votre lettre du 5 août 1988. La situation que vous décrivez a retenu toute mon attention.

»Toutefois, j'ai décidé de ne créer qu'un cadre d'inspection du personnel auxiliaire d'éducation, celui pour l'enseignement secondaire de l'Etat (2 unités), et d'abandonner le projet relatif à l'enseignement spécial.

»En conséquence, j'ai mis fin à votre mission de manière à limiter/' encadrement aux 2 unités prévues. Celle de Monsieur Willot prendra fin le 31 décembre 1988»;

Considérant qu'en fixant à deux unités le cadre des inspecteurs, le ministre s'est écarté de !'avis du comité supérieur de concertation du secteur X qui, le 10 septembre 1987, avait marqué son accord sur un cadre de trois unités; que la partie adverse estime qu'en vertu de !'article 50 de !'arrêté royal du 28 septembre 1984 portant exécution de la loi du 19 décembre 197 4 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, le ministre n'était pas tenu de communiquer les raisons pour lesquelles il s'écartait de cet avis, sauf aux membres du comité; qu'elle souligne, d'autre part, que le requérant ne conteste pas la décision de principe du ministre de fixer à deux unités le cadre organique des inspecteurs du personnel auxiliaire d'éducation; qu'elle considère qu'il appartenait au ministre de juger «en dernier ressort des paramètres et des nécessités de fonctionnement d'un service déterminé», précisant que, si Paul Willot a vu sa mission prolongée, c'est afin de «satisfaire aux devoirs spécifiques qu'il accomplissait au cabinet du ministre dans la perspective de la communautarisation»;

Considérant que la partie adverse n'explique pas pour quel motif admissible, tiré du bon fonctionnement de l'inspection, le ministre a maintenu Paul Willot en fonction jusqu'au 31décembre1988, bien que celui-ci ne fût pas porteur du titre requis, alors qu'il avait mis fin à la mission d'Alain Deroose au 31juillet1988 sans que celui-ci eût démérité; que les «devoirs spécifiques qu'il accomplissait au cabinet du ministre» n'ont aucun lien avec le service d'inspection et sont d'ailleurs contredits par un rapport de 10 pages, déposé au dossier administratif, dans lequel Paul Willot relate les nombreuses missions d'inspection qu'il a accomplies du 1er juillet au 31 décembre 1988;

Considérant que, sans qu'il y ait lieu d'examiner si le ministre avait compétence pour ramener dès le 1er août 1988 à deux unités un cadre que le Roi fixera à ce nombre par un arrêté qui n'aura force obligatoire que le 7 avril 1989, il suffit de constater que la partie adverse a en fait maintenu trois personnes en fonction jusqu'au 31 décembre 1988 et qu'elle a sans aucun motif admissible préféré au requérant qui possédait les titres requis Paul Willot qui ne les avait pas tous; que les moyens sont fondés; qu'il est sans intérêt d'examiner les autres moyens,

(Annulation de la décision ministérielle non datée de mettre fin au 31 juillet 1988 à la mission d'inspection du personnel auxiliaire d'éducation d'Alain Deroose - dépens à charge de la partie adverse).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.543 à 34.570 Page 19

N°5 34.562 à 34.564

ARRETS du 2 avril 1990 (VIe Chambre)

DARDENNE, DONNER et PIRE = n° 34.099, 1 et II + n° 34.112, 1.

N° 34.565

ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre)

N° 34.565

MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur.

LONGLE (Mes Gillet et Lambrechts) c/ Communauté française

I. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Sélection - Désignation temporaire à une fonction de sélection (1 et 2)

Il. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Circonstances ayant une influence sur l'intérêt - Décision ultérieure privant d'effet l'annulation de l'acte attaqué (1)

1. La circonstance que la désignation temporaire à une fonction de sélection avait pris fin lors de l'introduction du recours ne rend pas celui-ci irrecevable. Le requérant conserve un intérêt à l'annulation d'une décision qui l'a privé des avantages attachés à cette fonction.

2. (voir n° 33.921).

Vu la requête introduite le 4 novembre 1988 par Nicolas Longle qui demande l'annulation de:

1. la décision ministérielle de date inconnue le déchargeant de ses fonctions de chef d'atelier à !'Etablissement d'enseignement spécial secondaire de l'Etat à Flémalle;

2. la décision ministérielle du 7 septembre 1988 désignant Nadia Cellier comme chef d'atelier faisant fonction au même établissement;

Considérant que Nicolas Longle, professeur de cours techniques et de pratique professionnelle à titre définitif affecté à l'Ecole d'enseignement technique spécial de l'Etat à Grivegnée, a été désigné le 29 mai 1984 comme chef d'atelier faisant fonction à !'Etablissement d'enseignement spécial secondaire de l'Etat à Flémalle en remplacement de Françoise Brau; que, le 8 septembre 1988, il a été averti par une communication téléphonique du directeur de l'école de Grivegnée qu'il devait reprendre ses fonctions dans cet établissement; que, la veille, le ministre avait désigné Nadia Cellier à la fonction de chef d'atelier à Flémalle; que cette décision ministérielle du 7 septembre 1988 constitue l'acte attaqué; que Nadia Cellier est restée en fonction jusqu'au 14 octobre 1988; qu'à partir de cette date elle a exercé la même fonction à !'Etablissement d'enseignement spécial primaire et secondaire de l'Etat à Milmort, où elle avait été désignée par une décision ministérielle du 13 octobre 1988;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la partie adverse dans un mémoire en réponse tardif reçu le 5 mai 1989 alors que le rapport du premier auditeur-rapporteur était déposé, la circonstance que la désignation attaquée avait pris fin lors de l'introduction du recours ne rend pas celui-ci irrecevable; que le requérant conserve un intérêt à l'annulation d'une décision qui l'a privé des avantages attachés à la fonction de chef d'atelier;

Considérant que la partie adverse écrit, das son mémoire en réponse tardif, que, «depuis le 1',. septembre 1988, les deux emplois de chef d'atelier à l'E.E.S.S.E. à Flémalle sont occupés à titre définitif par Messieurs Demeuse et Rahier»; que, pour contester l'intérêt du requérant à son recours, elle écrit encore:

«Il convient, en outre, de rappeler qu'il y a deux emplois de chef d'atelier à l' E.E.S.S.E. à Flémalle et que, si Madame Cellier remplaçait Madame Smeets c'est en raison de l'absence pour cause d'accident de travail de cette dernière, Monsieur Nicolas Longle remplaçait, lui, Madame Denise Smeets chargée, elle, des fonctions de chef de travaux d'atelier à cette même date du 29 mai 1984.

»Ce n'est donc pas en lieu et place du requérant que Madame Cellier a été désignée chef d'atelier f f. à l'E.E.S.S.E. à Flémalle»;

Considérant que l'argument est incompréhensible; que si on peut présumer que c'est par erreur qu'il est écrit que Nicolas Longle a remplacé Denise Smeets depuis le 29 mai 1984 alors qu'à la page précédente la partie adverse écrit qu'il avait remplacé Françoise Brau, rien ne permet de deviner à quel titre Denise Smeets aurait exercé la fonction de chef d'atelier dans un établissement où, selon le même mémoire, les deux postes de chef

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.565

Arrêts Nos 34.543 à 34.570

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d'atelier étaient occupés à titre définitif <<par Messieurs Demeuse et Rahier»; qu'en annexe à son mémoire, la partie adverse a déposé trois documents:

1. la décision ministérielle du 26 juillet 1988 qui déclare sans objet la demande de désignation d'un professeur de pratique professionnelle formulée le 30 juin 1988 par le chef de l'établissement de Grivegnée pour remplacer Nicolas Longle, décision qui est motivée comme suit:

«M. Nicolas Long le n'ayant pas été nommé chef d'atelier reprend ses fonctions de professeur au la septembre 1988»;

2. la décision ministérielle du 7 septembre 1988 désignant Nadia Cellier comme chef d'atelier à Flémalle «pendant la durée de /'absence pour cause d'accident de travail de Madame Smeets Denise»;

3. la décision ministérielle du 13 octobre 1988 désignant Nadia Cellier à Milmort;

Considérant que ces maigres indications ne révèlent pas à quel titre Denise Smeets occupait la fonction de chef d'atelier à Flémalle; qu'elles suffisent en revanche à établir que Nadia Cellier a été désignée dès le début de la rentrée scolaire et que c'est à la même époque que Nicolas Longle a été privé de sa charge; qu'il se déduit de la coïncidence de ces dates qu'il existe un lien entre ces deux décisions qui forment les deux objets de la requête; que Nicolas Longle justifie d'un intérêt à leur annulation;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de ce qu'il a été mis fin arbitrairement et sans motif légal à sa charge temporaire;

Considérant que la désignation temporaire à la fonction de sélection de chef d'atelier n'est explicitement réglée par aucune des dispositions du statut des membres du personnel de l'enseignement de l'Etat; que le ministre tire le pouvoir de procéder à une telle désignation de la responsabilité qui lui incombe d'assurer le fonctionnement régulier du service public de l'enseignement; que celui qu'il a désigné sans limitation de durée reste en fonction sauf s'il a fait la preuve de son inaptitude ou s'il doit céder la place à un enseignant qui postule celle-ci et qui bénéficie d'une primité pour l'occuper, c'est-à-dire qui invoque un droit à la réaffectation, à la mutation ou à la promotion ou qui démontre une aptitude nettement supérieure;

Considérant que la partie adverse soutient que, «depuis le la septembre 1988, les deux emplois de chef d'atelier à /' E.E.S.S.E. à Flémalle sont occupés à titre définitif par Messieurs Demeuse et Rahier» et que «c'est dans un souci de stabilité du service que la décision, qui est à l'origine du retour du requérant dans ses fonctions de professeur de cours techniques et de pratique professionnelle à l'E.E.T.S.E. à Grivegnée, a été prise, et non, comme il le soutient, sans motif légal et de façon arbitraire»;

Considérant que les affirmations de la partie adverse, qui ne sont étayées par aucun document pertinent, n'expliquent pas pourquoi, «dans un souci de stabilité du service», le ministre a mis fin aux fonctions que le requérant exerçait sans avoir démérité pour le remplacer par Nadia Cellier qui d'ailleurs n'est demeurée en fonction que du 7 septembre au 13 octobre 1988; que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision ministérielle de date inconnue déchargeant Nicolas Longle de ses fonctions de chef d'atelier à !'Etablissement d'enseignement spécial secondaire de l'Etat à Flémalle et de la décision ministérielle du 7 septembre 1988 qui désigne Nadia Cellier comme chef d'atelier faisant fonction au même établissement -dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.566

ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Salmon, premier auditeur.

LEENDERS (Me Decortis) c/ Société nationale des chemins de fer belges (Me Gérard), Conseil d'appel de la S.N.C.B. et Directeur général de la S.N.C.B.

1. AGENTS DE LA SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER BELGES - Statut Publication

II. LOIS, DECRETS ET ARRETES - Publication - Forme - Actes de la Société nationale des chemins de fer belges

III. PROCEDURE - Requête - Délai - Point de départ - Publication - Généralités

La publication interne d'un règlement de la S.N.C.B. fait courir les délais de recours au Conseil d'Etat pour l'agent qui ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir été atteint par cette publication.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.543 à 34.570 Page 21 N° 34.566

IV. COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT - Compétence en général - Délimitation légale de compétence

Le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour ordonner un dessaisissement pour cause de suspicion légitime, pour fixer des règles ou pour donner des injonctions à l'administration.

V. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Discipline - Procédure - Proposition de peine VI. NOTION D'ACTE (SUSCEPTIBLE DE RECOURS) - Actes, décisions, mesures - Acte

préparatoire - Agents publics - Discipline

Une proposition de révocation est un acte préparatoire qui, en tant que tel, n'est pas susceptible de recours en annulation.

Vu la requête introduite le 23 décembre 1988 par François Leenders qui demande au Conseil d'Etat:

1° de décréter l'urgence, de dessaisir le conseil d'appel de la S.N.C.B. ainsi que le directeur général de la S.N.C.B. pour cause de suspicion légitime et d'inimitié capitale et, à titre principal, de juger la cause au fond par droit d'évocation ou, à titre subsidiaire, de renvoyer la cause à la chambre de recours des agents de l'Etat instituée par arrêté royal du 2 octobre 1937;

2° d'annuler l'article 73, chapitre IV du règlement disciplinaire de la S.N.C.B.;

3° de condamner la S.N.C.B. aux frais de la procédure;

Considérant que, par son arrêt n° 29.357 du 17 février 1988, le Conseil d'Etat a annulé la décision du 17 octobre 1986 par laquelle le directeur général de la S.N.C.B. avait infligé à François Leenders la peine disciplinaire de la retenue d'un cinquième de son traitement avec, par mesure d'ordre, le déplacement; que, le 12 décembre 1988, le requérant a été réintégré dans ses fonctions antérieures de chargeur principal à la gare d'Erquelinnes, dépendance de La Buissière; que, le 15 décembre 1988, le chef de zone d'Erquelinnes a rédigé une <<proposition de punition» à l'encontre du requérant en invoquant les motifs suivants:

«1. le lundi 19septembre1988: envoi d'une lettre au Roi et au Ministre des Communications dont le contenu est particulièrement grossier vis à vis de l'autorité supérieure;

»2. le mardi 03 novembre 1988: par avoir introduit une action judiciaire contre la S.N.C.B. représentée par son directeur général, notamment par une citation directe devant le tribunal correctionnel à considérer comme téméraire et vexatoire»;

Considérant que, dans sa réplique, le requérant modifie les termes de sa requête et demande au Conseil d'Etat de:

«-constater la rétention du dossier administratif de 1986 par la S.N.C.B.;

»---prendre acte de la question préjudicielle de dénonciation calomnieuse de l'autorité posée le 24 mars 1986;

>>--annuler l'article 73 du règlement disciplinaire de la S.N.C.B. du chef d' anticonstitutionnalité notamment;

>>--annuler la proposition de révocation du 15 décembre 1988 des chefs de: violation des formes substan­tielles, violation de la loi et de la règle de droit, violation des droits de la défense, détournement et excès de pouvoir, violation des règles de la compétence avec usurpation de juridiction et usurpation des fonctions judiciaires;

>>--fixer les règles qui régiront la prescription de l'action disciplinaire ainsi que les délais d'icelle;

>>--subsidiairement, s'il échet: dire la requête en dessaisissement pour cause de suspicion légitime et inimitié capitale recevable et fondée, fixer les règles de recevabilité de pareilles requêtes en dessaisissement en fonction des codes d'instruction criminelle et code judiciaire»;

Considérant que, dans un mémoire ampliatif, le requérant reproduit les termes de sa requête et demande en outre au Conseil d'Etat de «constater la prescription de l'action disciplinaire en ce qui concerne les faits de mars 1986 et en fixer les règles»;

Considérant que, en ce qu'elle demande l'annulation de l'article 73 du règlement disciplinaire de la S.N.C.B., la requête est tardive; qu'en effet, ce règlement a été porté à la connaissance des agents de la S.N.C.B. par l'avis 74 P du 3 octobre 1983; que, notamment en sa qualité d'ancien délégué syndical, le requérant ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir été atteint par cette publication interne;

Considérant que les autres demandes invitent le Conseil d'Etat à ordonner un dessaisissement pour cause de suspicion légitime, à faire des constatations, à fixer des règles ou à donner des injonctions à l'administration; qu'aucune d'elles ne relève de la compétence du Conseil d'Etat;

Considérant que la seule demande d'annulation d'un acte administratif formulée par le requérant concerne la proposition de révocation du 15 décembre 1988; qu'il s'agit d'un acte préparatoire qui, en tant que tel, n'est pas susceptible du recours en annulation;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.566

Considérant que le recours est irrecevable,

(Rejet - dépens à charge du requérant).

N° 34.567 ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre)

Arrêts Nos 34.543 à 34.570

Page 22

WARNY: tardiveté non démontrée + n° 34.099, 1 et II+ n° 34.112, 1.

N° 34.568 ARRET du 2 avril 1990 (VIe Chambre)

MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Dumont, auditeur général adjoint.

FRUTOS RUBENACH et SAPORITO (Me Krywin) c/ Commune de Forest (Mes Gillet et Lambert)

INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Circonstances ayant une influence sur l'intérêt - Décision ultérieure privant d'effet l'annulation de l'acte attaqué

Le recours en annulation de la décision du bourgmestre qui ordonne la fermeture d'un café devient sans intérêt lorsque cette interdiction est levée en cours d'instance et que le requérant laisse sans réponse les lettres qui l'invitent à faire connaître sa position sur le maintien de l'objet de son recours.

Vu la requête introduite le 9 février 1989 par Jean Frutos Rubenach et Francesco Saporito qui demandent l'annulation de l'arrêté du Collège des bourgmestre et échevins de Forest du 14 décembre 1988 qui feÎme, pour un temps indéterminé, de 9 heures du soir à 6 heures du matin, le café «le Don Quichotte» qu'ils exploitent;

Considérant que, par un arrêté du 8 mars 1989, avec effet au 15 mars 1989, la partie adverse a levé l'interdiction contenue dans l'acte attaqué, ce qui, selon elle, rendrait le recours sans objet; que les requérants ont laissé sans réponse les lettres par lesquelles l'auditeur général adjoint rapporteur les invitait à faire connaître leur position à ce sujet; qu'il peut être déduit de leur silence, dans les circonstances de la cause, qu'ils ont perdu intérêt à leur recours,

(Rejet - dépens à charge des requérants).

N°8 34.569 et 34.570

ARRETS du 2 avril 1990 (VIe Chambre)

AGGLOMERATION DE BRUXELLES: désistement.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.581 à 34.595 Page l

N° 34.581 ARRET du 4 avril 1990 (VIe Chambre)

N° 34.581

MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur.

COULEE (Me George) c/ Communauté française

PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Durée

Peuvent bénéficier d'une désignation à titre temporaire, les enseignants qui ont posé leur candidature dans la forme et le délai fixé par l'appel aux candidats et qui figurent dans les classements établis en tenant compte notamment du nombre de candidatures introduites. Une telle procédure, qui implique, dans l'intérêt des candidats, que les candidatures soient réintroduites chaque année, est incompatible avec un système de désignation tacitement reconduit d'année en année.

II. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Priorités

Si, lorsqu'il faut pourvoir à un remplacement en cours d'année, on peut admettre qu'il soit fait appel à un candidat sans emploi plutôt que de déplacer un enseignant en fonction, il n'en va pas de même lorsque la nécessité de remplacer un enseignant se manifeste dès le début de l'année scolaire.

Vu la requête introduite le 26 octobre 1988 par Jocelyne Coulée qui demande l'annulation de:

1. la décision ministérielle du 7 septembre 1988 qui désigne Anne-Marie Breulet comme professeur de sciences au degré inférieur à l' Athénée royal «Air pur» de Seraing, sans limitation de durée;

2. la décision ministérielle de date inconnue qui supprime sa désignation à la même fonction du 1°' septembre 1988 au 30 juin 1989;

Considérant que les faits de la cause sont les suivants:

1. Pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours généraux (sciences-géographie) dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, on trouve notamment, pour la Province de Liège:

Andrée Henrotte

Jocelyne Coulée

Anne-Marie Breulet

3ème avec 14 candidatures

8ème avec 13 candidatures

17ème avec 12 candidatures.

2. Jocelyne Coulée, qui avait exercé la fonction de professeur de sciences à l' Athénée royal «Air pur» de Seraing depuis le 1er septembre 1985, y est à nouveau désignée pour 22 heures, le 11août1988, du 1er septembre au 15 octobre 1988.

3. Le 26 aoflt 1988, elle est désignée au Lycée d'Etat de Grâce-Hollogne pour 12 heures, du 1er septembre au 15 octobre 1988 également. Elle apprend cette désignation le 2 septembre 1988, alors qu'elle a repris ses fonctions à Seraing.

4. Le 9 septembre 1988, elle reçoit deux télégrammes: l'un lui annonce que sa désignation à Grâce-Hollogne est annulée, l'autre qu'elle est désignée à !'Athénée royal de Vottem. Sa charge y est de 19 heures mais elle sera réduite à 11 heures à partir du 24 octobre 1988. La décision ministérielle est datée du 6 septembre 1988.

5. C'est Andrée Henrotte, qui exerçait jusque-là ses fonctions à Grâce-Hollogne, qui, à sa demande, est désignée à Seraing pour 22 heures, du 12 septembre au 15 octobre 1988.

6. Andrée Henrotte ayant obtenu un congé de maternité, Anne-Marie Breulet est désignée à Seraing le 7 septembre 1988.

7. Andrée Henrotte avait toutefois été redésignée à Grâce-Hollogne le 7 septembre 1988. C'est là qu'elle retournera après son congé de grossesse, de telle sorte qu'Anne-Marie Breulet aura occupé la charge complète de professeur de sciences à Seraing jusqu'au 30 juin 1989;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT ~ 1990

Page 14: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

N° 34.581

Arrêts Nos 34.581 à 34.595

Page 2

Considérant que Jocelyne Coulée attaque la décision du 7 septembre 1988 qui a désigné Anne-Marie Breulet à Seraing, de même que la décision du 26 août 1988 qui, en la désignant elle-même à Grâce-Hollogne, a supprimé sa désignation du li août 1988 à Seraing;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation des articles 18 et suivants de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat,

en ce que, ayant été désignée à l' Athénée royal «Air pur» de Seraing depuis le 1er septembre 1985, elle conservait en droit la qualité de temporaire dans cet emploi jusqu'à ce qu'il y fût pourvu par réaffectation, mutation ou admission au stage, même si, comme c'est souvent le cas, sa désignation était limitée au 30 juin de l'année en cours, cette limitation étant contraire au statut;

Considérant que peuvent bénéficier d'une désignation à titre temporaire, les enseignants qui ont posé leur candidature dans la forrn(:) et le délai fixés par l'appel aux candidats et qui figurent dans les classements établis en tenant compte notamment du nombre de candidatures introduites (articles 18, 24 et 25 du statut); qu'une telle procédure, qui implique, das l'intérêt des candidats, que les candidatures soient réintroduites chaque année, est incompatible avec un système de désignation tacitement reconduit d'année en année;

Considérant que le moyen manque en droit;

Considérant que la requérante prend un second moyen de la violation des articles 24 et 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans !'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse répond qu'elle a respecté la priorité déduite du classement en désignant d'abord Andrée Henrotte à Seraing et ensuite Jocelyne Coulée à Grâce-Hollogne puis à Vottem, cette dernière désignation ayant été faite le 10 septembre 1988, alors qu'Anne-Marie Breulet n'avait encore reçu aucune désignation; qu'elle ajoute que celle-ci n'a été désignée à Seraing que le 12 septembre 1988 pour remplacer Andrée Henrotte pendant son congé de maternité, qu'il était conforme à la logique et au bon sens de choisir une candidate non encore désignée plutôt qu'une enseignante qui l'était déjà dans un autre établissement et que toute autre solution eût entraîné dans le corps professoral un bouleversement dont les élèves eussent pâti;

Considérant qu'en désignant Anne-Marie Breulet à Seraing alors qu'elle était moins bien classée, le ministre a méconnu les dispositions invoquées au moyen; que si, lorsqu'il faut pourvoir à un remplacement en cours d'année, on peut admettre qu'il soit fait appel à un candidat sans emploi plutôt que de déplacer un enseignant en fonction, il n'en va pas de même lorsque la nécessité de remplacer un enseignant se manifeste dès le début de l'année scolaire; qu'en désignant Anne-Marie Breulet à Seraing le 7 septembre 1988 - et non le 12, qui est la date à laquelle celle-ci s'est vu notifié la décision - alors que, la veille, il avait désigné Jocelyne Coulée à Vottem, le ministre a d'autant plus méconnu la priorité de celle-ci que la fonction à pourvoir à Seraing était une charge complète de 22 heures tandis qu'à Vottem la requérante n'a obtenu que 19 heures; que le moyen est fondé;

Considérant que, lorsque le ministre a désigné la requérante à Grâce-Hollogne, le 26 août 1988, il a libéré la place à Seraing au profit d'Andrée Henrotte qui était mieux classée que la requérante; que la deuxième fin de la requête ne peut être accueillie,

(Annulation de la décision ministérielle du 7 septembre 1988 qui désigne Anne-Marie Breulet comme professeur de sciences au degré inférieur à l' Athénée royal «Air pur» de Seraing, sans limitation de durée - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.582

ARRET du 4 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Salmon, premier auditeur.

HARMEGNIES (Mes Detry et Geairain) c/ Communauté française (Mes Gérard et Verschueren) et Communauté flamande

, 1 I. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Principes généraux - Absence ou J'~'\, perte de la qualité justifiant l'intérêt

" II. PROCEDURE - Dépens

Le Conseil d'Etat relève d'office que le recours ne présente plus pour le requérant qu'un intérêt théorique insuffisant à en justifier la recevabilité. Lorsque cette irrecevabilité est due à un acte postérieur à l'introduction du recours, les dépens sont mis à charge de la partie adverse.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 15: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.581 à 34.595 Page 3 N° 34.582

Vu la requête introduite le 18 janvier 1988 par Jacques Harrnegnies qui demande l'annulation de:

«1. la décision de date et d'auteur inconnus de réserver l'emploi de contrôleur des travaux au service provincial de Liège (service «électricité») aux seuls contrôleurs adjoints des travaux ayant réussi l'examen de contrôleur des travaux (spécialité électricité) à l'exclusion des autres;

»2. la décision de date et d'auteur inconnus qu'emporte la première décision attaquée d'exclure le requérant de la promotion à l'emploi de contrôleur des travaux au service provincial de Liège (service «électricité»), de ne pas l'informer de la vacance dudit emploi, de ne pas lui donner la possibilité de poser sa candidatre, ni d'être proposé, ni d'introduire une réclamation, ni d'être nommé audit emploi;

»3. /'arrêté ministériel du 13 octobre 1987 par lequel Monsieur Derwa D. a été nommé en qualité de contrôleur des travaux au service provincial de Liège (service «électricité»), en date du 1a août 1987.»;

Considérant que la Communauté flamande n'est à la cause qu'en tant qu'elle a succédé à l'Etat belge, représenté par le Ministre de !'Education nationale (N); qu'en raison de la disposition constitutionnelle du 15 juillet 1988 modifiant l'article 59bis, § 2, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, elle doit être mise hors de cause;

Considérant que les faits de la cause sont les suivants:

1. En exécution d'une décision ministérielle du 20 juin 1987, le directeur général du Fonds des bâtiments scolaires de l'Etat établit, le 19 août 1987, à l'intention des contrôleurs adjoints des travaux lauréats de l'examen d'avancement au grade de contrôleur des travaux, deux appels à la promotion par avancement à ce grade. Le premier concerne deux emplois vacants aux services provinciaux du Hainaut et de Liège dans la spécialité «électricité», le second un emploi vacant au service provincial du Brabant dans la spécialité «chauffage».

2. Le requérant, qui a réussi l'examen dans la spécialité «chauffage», ne reçoit que le second appel et pose sa candidature au seul emploi qui y est offert. Dans un premier temps, le directeur général lui fait savoir que sa candidature, adressée le 2 septembre 1987, est tardive pour avoir été envoyée en dehors du délai de dix jours fixé par l'appel aux candidats.

Pour ce motif, le requérant ne reçoit pas la lettre recommandée du 2 septembre 1987 par laquelle le directeur général fait savoir aux candidats que les propositions aux trois promotions envisagées seront les suivantes:

- au service provincial du Brabant

- au service provincial de Liège

- au service provincial du Hainaut

André Delgrange,

Daniel Derwa,

Claude Hennard.

Il n'a donc pas la possibilité d'adresser, dans les dix jours, la réclamation prévue par l'article 26 de l'arrêté royal du 7 août 1939 organisant le signalement et la carrière des agents de l'Etat.

3. Le 14 septembre 1987, le requérant justifie la régularité de sa candidature: recommandée à la poste de Bruxelles le 20 août 1987, la lettre d'appel aux candidats n'a été présentée à son domicile à Tertre que le 26 août, de telle sorte que sa candidature du 2 septembre a été introduite dans le délai de dix jours.

4. Le 16 septembre 1987, le conseil de direction admet que la candidature du requérant a été introduite dans le délai mais il maintient les propositions faites par le directeur général, pour un motif que celui-ci notifiera le 23 septembre 1987 au requérant dans les termes suivants:

«(. . .) (Le conseil de direction) a cependant constaté que vous vous classiez après M. De/grange également candidat à (l' )emploi puisque vous comptez la même ancienneté de grade que lui, mais que son ancienneté de service est fixée au 1.2 .1966 alors que la vôtre date du 1.12 .1969».

5. Le 13 octobre 1987, le ministre nomme les trois candidats proposés. Les nominations sont notifiées aux candidats par le directeur général le 18 novembre 1987. Le requérant attaque l'arrêté qui a nommé Daniel Derwa à Liège dans le service «électricité» à partir du 1er août 1987.

6. Le 18 décembre 1987 est lancé un nouvel appel aux candidats à la promotion par avancement au grade de contrôleur des travaux. Deux emplois sont vacants, l'un dans la Province de Brabant, l'autre dans la Province de Liège, tous les deux dans la spécialité «chauffage». Le requérant pose sa candidature à l'emploi vacant dans le Brabant. Il est nommé par un arrêté ministériel du 26 janvier 1988 avec effet au 1er novembre 1987;

Considérant que la partie adverse soutient que le requérant, promu lui-même à partir du 1er novembre 1987, ne justifie d'un intérêt à l'annulation de la promotion de Daniel Derwa que pour la période antérieure à cette date;

Considérant que le recours tend à obtenir l'annulation des actes attaqués au motif que tous les contrôleurs adjoints des travaux avaient indifféremment vocation à toutes les promotions au grade de contrôleur des travaux annoncées le 19 août 1987, quelle que soit la spécialité dans laquelle ils avaient réussi l'examen d'avancement; qu'en cas d'annulation, la partie adverse devrait recommencer la procédure sans tenir compte des cloisonnements qu'elle aurait illégalement imposés aux candidats lors de la première procédure; que, dans cette hypothèse, le requérant pourrait se trouver en compétition avec d'autres candidats que ceux qui avaient répondu à l'appel lancé

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 16: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

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N° 34.582

Arrêts Nos 34.581 à 34.595

Page 4

le 19 août 1987; que parmi ses rivaux pourraient se trouver des contrôleurs adjoints des travaux qui, selon le tableau déposé au dossier administratif, sont plus anciens que lui; que le requérant justifie en principe d'un intérêt à son recours en ce que l'annulation qu'il poursuit lui donnerait non la certitude mais une chance d'être nommé;

Considérant cependant qu'en n'attaquant que la nomination de Daniel Derwa, le requérant a limité sa demande d'annulation au seul emploi de contrôleur des travaux qui était vacant à Liège dans la spécialité «électricité»; qu'il est certain, si la procédure est recommencée, qu'il ne sera pas candidat à cet emploi puisqu'entre­temps il a été nommé dans le Brabant à un emploi de la spécialité «chauffage» et que le statut du personnel du Fonds des bâtiments scolaires de l'Etat ne consacre aucun droit à la mutation qui permettrait au requérant d'obtenir son transfert dans l'emploi qui serait libéré par l'annulation de la promotion de Daniel Derwa; qu'il s'ensuit que, ainsi que le souligne la partie adverse, le requérant ne pourrait avoir d'intérêt à son recours qu'en ce qu'il a perdu les trois mois d'ancienneté qui séparent la date à laquelle la nomination de Daniel Derwa a pris cours (le 1er août 1987) de celle à laquelle sa propre nomination a rétroagi (le 1er novembre 1987);

Considérant toutefois que l'annulation des actes attaqués n'aurait pas pour effet de bonifier au requérant les trois mois d'ancienneté perdue ni même de permettre à la partie adverse de les lui accorder; qu'en effet, le requérant a accepté sans réserve la promotion au grade de contrôleur des travaux qui lui a été attribuée à sa demande dans la Province de Brabant; qu'il n'a pas davantage exercé, fût-ce à titre conservatoire, un recours contre la date à laquelle cette nomination a produit ses effets, soit le 1er novembre 1987; que la partie adverse ne pourrait faire rétroagir cette nomination à une date à laquelle l'emploi auquel elle a pourvu n'était pas encore vacant; qu'elle ne pourrait davantage accorder au requérant une ancienneté fictive de trois mois dans l'emploi attribué à Daniel Derwa puisqu'on ignore si Jacques Harmegnies eût postulé en 1987 cet emploi vacant à Liège, qu'à supposer qu'il le fit, il n'est pas sûr qu'il eût obtenu l'emploi et que, si l'emploi redevenait vacant, il ne pourrait certainement pas y être candidat;

Considérant que le recours ne présente plus pour le requérant qu'un intérêt théorique insuffisant à en justifier la recevabilité; que l'exception d'irrecevabilité doit être soulevée d'office;

Considérant que, le recours étant devenu irrecevable en raison de la promotion accordée au requérant, après l'introduction de son recours, la partie adverse doit supporter la charge des dépens,

(Mise hors de cause de la Communauté flamande - rejet de la requête - dépens à charge de la Communauté française).

N° 34.583

ARRET du 4 avril 1990 (VIe Chambre)

MAHIEU = n° 34.099, 1 et II+ n° 34.112, 1.

N° 34.584

ARRET du 4 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Coolen, premier auditeur.

DUJARDIN (Mes Wagner et Villers) c/ Commune de Daverdisse (Me Cambier)

1. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Entrée en service - Comparaison des titres des candidats

II. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DES COMMUNES - Agents temporaires

La désignation temporaire d'un instituteur doit être annulée lorsqu'il se déduit de l'ensemble des éléments du dossier que le conseil communal n'a pas été mis à même de comparer utilement les titres et mérites des candidats et qu'à supposer même qu'il l'ait fait, il ne disposait d'aucun élément qui lui eût permis de préférer raisonnablement au requérant le candidat qu'il a choisi.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 17: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

An·êts Nos 34.581 à 34.595 Page 5

Vu la requête introduite le 28 octobre 1988 par Martine Dujardin qui demande l'annulation:

N° 34.584

1. de la décision du Conseil communal de Daverdisse du 25 août 1988 désignant Michel Vincent comme instituteur à titre temporaire à temps plein à la section de Hautfays de l'école communale, du 1er septembre 1988 au 30 juin 1989;

2. de la décision du même conseil communal du 6 octobre 1988 désignant Jean-Pierre Hallet comme instituteur à titre temporaire à temps partiel à la même école, du 10 octobre 1988 au 30 juin 1989;

Considérant que Martine Dujardin a exercé à titre temporaire des fonctions d'institutrice dans l'enseignement primaire de la commune de Daverdisse; qu'elle a d'abord été désignée les 9 et 10 octobre 1984 comme institutrice chef d'école à l'école de Gembes; qu'elle a ensuite obtenu, du 15 octobre 1984 au 30 septembre 1987, une charge de 13 heures par semaine, soit 9 heures comme institutrice primaire et 4 heures comme maîtresse spéciale de religion, à l'école de Hautfays; qu'elle y a également été chef d'école pendant quatre périodes totalisant 122 jours; que, du 1er octobre 1987 au 30 juin 1988, elle a été désignée comme institutrice à temps plein d'une troisième classe primaire qui venait d'être ouverte à Hautfays;

Considérant que, le 8 juillet 1988, la requérante a posé sa candidature à toute fonction vacante à l'école communale de Hautfays durant l'année scolaire 1988-1989 mais n'y a pas obtenu d'emploi; que, par la première décision attaquée du 25 aoüt 1988, Michel Vincent y a obtenu un emploi à temps plein; que, par la seconde décision attaquée du 6 octobre 1988, Jean-Pierre Hallet s'y est vu attribuer une fonction à temps partiel; qu'ils étaient tous les deux désignés à titre temporaire;

Considérant que, le 8 septembre 1988, le collège des bourgmestre et échevins a écrit à la requérante dans les termes suivants:

«Suite à votre intervention du 25 août dernier auprès de la Fédération luxembourgeoise des instituteurs chrétiens au sujet des nominations d'enseignants à Daverdisse dans les écoles de Hautfays.

»Considérant que votre comportement et vos relations avec le pouvoir organisateur lors de la dernière année scolaire n'ont pas toujours été très appréciés par celui-ci.

»Vu la réunion de concertation qui a eu lieu en mai 1988 avec le pouvoir organisateur, l'inspecteur principal et /'inspecteur cantonal et l'entrevue vous accordée par ces messieurs le même jour à l'école communale de Hautfays, au sujet de votre désignation par le conseil communal en octobre 1987.

»Considérant que vous n'enseignez pas à temps plein depuis deux années dans un emploi définitivement vacant.

»Considérant qu'en mai 1988, vous avez refusé de rédiger votre commande de fournitures classiques pour l'année scolaire 88-89 et que cette commande n'était toujours pas faite au 1a septembre 1988, ce qui nous laissait supposer que vous n'aviez pas l'intention d'assurer la continuité de vos fonction en septembre 1988.

»Nous sommes dans l'obligation de vous demander de bien vouloir considérer la présente comme un blâme à votre égard.

»Espérant ne plus avoir à intervenir dans de telles conditions auprès du personnel enseignant, nous vous prions d'agréer, Mademoiselle, l'expression de notre considération distinguée.» ;

Considérant que, le 4 novembre 1988, la commune a offert à la requérante un intérim d'un mois; que, selon la requérante, il s'agissait de remplacer pour un horaire complet un instituteur malade à l'école de Gembes; que, selon la commune, sa proposition concernait un mi-temps à l'école de Hautfays; que la requérante s'est également vu proposer, le 17 novembre 1988, un emploi à mi-temps jusqu'à la fin de l'année scolaire à l'école de Hautfays; qu'elle a refusé les deux propositions de la commune, reçues après l'envoi de sa requête au Conseil d'Etat, parce qu'elle avait entre-temps été désignée pour une charge complète à l'école de Beauraing jusqu'à la fin de l'année scolaire;

Considérant que, par le premier moyen de sa requête, Martine Dujardin soutient que le conseil communal n'aurait pas procédé à une comparaison des titres et mérites des candidats en présence; qu'elle précise, dans sa réplique, que le collège aurait arbitrairement écarté sa candidature et qu'il n'aurait permis au conseil communal de porter son choix que sur trois candidats: Michel Vincent, Jean-Pierre Hallet et Anne-Christiane Jacquemin; qu'elle ajoute enfin qu'il était déraisonnable de lui préférer un jeune instituteur de 21 ans qui venait d'être diplômé, alors qu'elle-même enseignait dans l'école depuis quatre ans et avait fait l'objet d'appréciations favorables;

Considérant qu'en annexe à un «mémoire en réponse» du 20 février 1989, qui est en réalité une réponse à la réplique de la requérante, la commune a déposé la liste des dix candidats instituteurs, remise aux membres du conseil communal avant la séance du 25 août 1988; que Martine Dujardin y était cinquième, Jean-Pierre Hallet neuvième, Michel Vincent dixième; qu'elle a également déposé les bulletins de vote sur lesquels figuraient les noms des dix candidats; qu'un premier scrutin a donné six voix à Michel Vincent, deux à Anne-Christiane Jacquemin et une à Jean-Pierre Hallet; qu'à l'issue de ce vote a été prise la première décision attaquée de désigner Michel Vincent; qu'un deuxième tour de scrutin a été organisé avec des bulletins de vote sur lesquels le nom de Michel Vincent avait été barré; que Jean-Pierre Hallet a obtenu sept voix, Anne-Christiane Jacquemin deux; que c'est sur

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 18: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

N° 34.584

Arrêts Nos 34.581 à 34.595

Page 6

la base de ce vote que Jean-Pierre Hallet sera désigné le 6 octobre 1988; qu'enfin un troisième scrutin a été effectué avec des bulletins sur lesquels les noms de Michel Vincent et de Jean-Pierre Hallet avaient été barrés; que Anne­Christiane Jacquemin a obtenu huit voix, Martine Dujardin une; que sur la base de ce résultat Anne-Christiane Jacquemin sera désignée à temps partiel aux écoles de Gembes-Porcheresse et Daverdisse le 6 octobre 1988;

Considérant que, dans son dernier mémoire, la commune rappelle qu'il n'est pas permis ni possible de rechercher les motifs d'une décision collégiale adoptée au scrutin secret ni de trouver dans la décision elle-même la confirmation de son caractère raisonnable; qu'elle ajoute qu'il appartient seulement au Conseil d'Etat, afin de vérifier si l'autorité collégiale est demeurée dans les limites d'un exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire d'examiner, sur la base des pièces du dossier, si la décision a été prise par une assemblée valablement informée sur les titres et mérites des candidats; que, selon la commune, les pièces du dossier administratif révèlent «que le conseil communal avait dûment été éclairé sur les différentes candidatures ainsi que sur les titres et mérites de chacun des candidats (ordre du jour de la séance du conseil communal du 25 août 1988; annexe à la convocation du conseil du 25 août 1988; dossier des candidatures)»;

Considérant que si, par la lecture des documents mis à leur disposition, les conseillers communaux ont connu l'identité des dix candidats et la localité où ils habitaient, en revanche aucun élément ne leur a été fourni quant à leurs titres, à leur ancienneté et à leurs mérites; que la commune ne fournit pas davantage, dans ses écrits de procédure, des éléments qui permettraient de présumer que le conseil communal a fait son choix au terme d'un examen des titres et mérites respectifs des candidats; qu'au contraire, pour justifier son choix de Michel Vincent et de Jean-Pierre Hallet, qui habitaient à Hautfays tandis que Martine Dujardin était domiciliée à Willerzie, elle écrit dans son mémoire en réponse du 23 décembre 1988: «Est-ce bien une faute grave pour un pouvoir organisateur d'un réseau d'enseignement communal que de donner une petite priorité d'emploi à une personne domiciliée dans sa commune?»;

Considérant que, de son côté, la requérante invoque quatre documents dans lesquels ses qualités pédagogiques sont attestées par un chef d'école et trois inspecteurs; que, dans son mémoire du 20 février 1989, la commune répond qu'elle ne met pas en doute la compétence des auteurs de ces quatre attestations, mais qu'il lui semble «très difficile d'établir une comparaison avec le comportement de Monsieur Vincent en[' absence d'un tel document le concernant spécialement»; qu'elle avoue ainsi non seulement qu'une comparaison n'a pas été faite entre Michel Vincent et la requérante mais aussi qu'une telle comparaison était impossible puisque celui-ci n'avait d'autre titre que son diplôme ni d'autre mérite que son domicile;

Considérant sans doute que, dans sa lettre du 8 septembre 1988, la commune invoquait que, durant la dernière année scolaire, le comportement et les relations de la requérante avec le pouvoir organisateur n'avaient «pas toujours été appréciés par celui-ci ... »; que, faute d'être étayé par aucun élément de preuve, ce reproche vague ne peut justifier l'éviction de la requérante; qu'au grief qui lui est également fait d'avoir refusé de commander des fournitures classiques pour l'année scolaire 1988-1989, la requérante répond que les réserves étaient suffisantes et qu'une telle commande était inutile; qu'il ne peut dès lors être tenu compte du «blâme» infligé dans la même lettre par la commune pour des griefs anodins et qui ne mettaient pas en cause les qualités pédagogiques de la requérante, d'autant que la commune lui a ultérieurement proposé des intérims;

Considérant qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le conseil communal n'a pas été mis à même de comparer utilement les titres et mérites des candidats et qu'à supposer même qu'il l'ait fait, il ne disposait d'aucun élément qui lui eût permis de préférer raisonnablement Michel Vincent et Jean-Pierre Hallet à la requérante; que le moyen est fondé;

Considérant que la requérante justifie d'un intérêt à son recours en ce qu'elle a été privée d'une fonction à temps plein à l'école de Hautfays à partir du mois de septembre 1988; qu'elle n'aurait pu occuper à la fois les charges attribuées successivement à Michel Vincent et à Jean-Pierre Hallet; que l'annulation doit être limitée au premier objet de la requête; qu'il n'y a pas lieu d'examiner le deuxième moyen, faute qu'il puisse aboutir à une annulation aux effets plus étendus; que le moyen présenté en troisième ordre apparaît comme subsidiaire par rapport aux deux premiers; que l'intérêt qu'aurait la requérante à obtenir une nomination à titre définitif dans une charge incomplète peut d'ailleurs sembler moindre que son intérêt à obtenir une désignation à titre temporaire dans une charge complète, désignation qui lui permettra d'espérer une nomination définitive dans cette charge;

(Annulation de la décision du Conseil communal de Daverdisse du 25 août 1988 désignant Michel Vincent en qualité d'instituteur à titre temporaire à temps plein à la section de Hautfays de l'école communale, du 1er septembre 1988 au 30 juin 1989 - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.585

ARRET du 4 avril 1990 (VIe Chambre)

N° 34.585 JoJ,.,/

r) Y e(o ti

MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Coolen, premier auditeur.

COMMUNE DE SAMBREVILLE (Me Wéry) c/ Communauté française

1. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DES COMMUNES - Disponibilité - Par mesure d'ordre (1 à 7)

Il. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - 1° Classement selon la qualité du requérant- Personnes publiques - Communes (1et7); - 2° Principes généraux - Caractère légitime (7)

III. ACTES DES AUTORITES ADMINISTRATIVES - Effets de leur annulation (3 et 6) IV. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Droits de la défense - 1° Cas où il faut les observer

· - Mesure d'ordre - Mise en disponibilité (4); - 2° Modalités - Autorité compétente pour procéder à l'audition (5)

1. Le refus du ministre de suivre la proposition de la commune de mettre un enseignant en disponibilité par mesure d'ordre est un acte susceptible de recours que la commune a, en principe, intérêt à faire annuler puisque, faute d'y parvenir, elle pourrait être amenée à réintégrer dans l'enseignement qu'elle organise un enseignant dont l'inaptitude profession­nelle lui a été dénoncée par l'inspection et par la direction de l'établissement où il exerce ses activités.

2. Lorsque le ministre qui a l'enseignement dans ses attributions décide de placer un enseignant en disponibilité, il le fait en vertu d'une compétence propre et non dans l'exercice de la tutelle sur les décisions de l'autorité locale.

3. Par l'effet de l'arrêt du Conseil d'Etat qui annule la décision ministérielle qui met un enseignant communal en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service sur proposition du conseil communal, les choses ont été remises dans l'état où elles étaient avant que ne fût pris l'arrêté annulé. Le ministre restait saisi de la proposition que lui avait faite le conseil communal.

C'est surabondamment que celui-ci formule une nouvelle proposition. 4. L'autorité compétente pour proposer qu'une mesure grave soit prise à l'égard d'un

agent a l'obligation d'entendre préalablement celui-ci afin d'éviter de faire des propositions à la légère et afin de permettre à l'intéressé de présenter le plus rapidement possible des éléments de justification avant que le souvenir de ce qui s'est passé exactement ne commence à s'estomper.

Lorsque le Conseil d'Etat a annulé, pour violation de ce droit, l'arrêté ministériel qui mettait un enseignant communal en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service sur proposition du conseil communal, il appartient à la commune de réentendre cet agent afin qu'il puisse s'expliquer sur les éléments dont, lors de sa première audition, il n'avait pas connaissance.

5. Si le ministre peut remédier lui-même aux insuffisances de l'instruction menée par la commune, il n'est pas tenu de le faire. Il peut, sans excéder ses pouvoirs, refuser de fonder un nouvel arrêté sur une proposition illégale à ses yeux.

6. La proposition faite par le conseil communal au ministre, de mettre un enseignant en disponibilité, est un acte préparatoire qui fait partie de l'opération complexe terminée par !'arrêté ministériel. En l'espèce, cet acte était lui-même entaché de l'illégalité qui avait justifié l'annulation de celui-ci.

7. La commune qui, en s'abstenant de recommencer la procédure de mise en disponi­bilité d'un enseignant communal, s'est méprise sur la portée de l'arrêt du Conseil d'Etat qui a annulé l'arrêté ministériel pris sur la proposition du conseil communal, ne justifie pas d'un intérêt légitime à reprocher au ministre de n'avoir pas réparé une illégalité dont elle est l'auteur.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Vu la requête introduite le 29 mars 1989 par la Commune de Sambreville qui demande l'annulation de la décision du 30 janvier 1989 par laquelle le Ministre de la Communauté française chargé de !'Enseignement et de la Formation, du Sport et du Tourisme et des Relations internationales refuse de placer Auguste Geeraerts, professeur de photographie à l'Académie des Beaux-Arts de Tamines, en disponibilité par mesure d'ordre avec effet au 19 décembre 1983;

Considérant que, le 24 septembre 1984, le Conseil communal de Sambreville a proposé au Ministre de !'Education nationale de placer en disponibilité par mesure d'ordre, à partir du 19 décembre 1983, Auguste Geeraerts, professeur de photographie à l'Académie des Beaux-Arts de Tamines; qu'il se fondait sur des reproches formulés par un inspecteur de l'enseignement artistique et par le chef de l'établissement; que, le 14 mars 1985, le ministre a suivi la suggestion du conseil communal sauf sur deux points: la mise en disponibilité a été ordonnée par retrait d'emploi dans l'intérêt du service et elle a pris cours le 4 juin 1984; que l'arrêté du ministre a été annulé à la requête d'Auguste Geeraerts par l'arrêt n° 28.986 du 9 décembre 1987; qu'après avoir constaté que la mesure grave infligée à un enseignant ne pouvait être prise qu'après que l'autorité lui eut dénoncé les faits, qu'elle lui eut permis de s'en expliquer après consultation du dossier et qu'elle lui eut fait connaître le sort réservé à ses justifü:ations, le Conseil d'Etat justifia l'annulation par la motivation suivante:

«Considérant qu'en/' espèce, il est constant que le requérant a, même sic' est dans le cadre d'une procédure disciplinaire qui n'a pas été poursuivie, eu connaissance des manquements qui lui étaient reprochés et a eu la possibilité de s'en expliquer; que, toutefois, il n'a pas connu le nouveau rapport d'inspection du 28 mai 1984; que ni l'arrêté attaqué ni le dossier administratif ne révèlent que le ministre se serait expliqué au sujet des raisons defait et de droit qu'il a retenues, à l'encontre du requérant, pour prendre sa décision ou en aurait tenu celui-ci informé; que le ministre ne s'explique notamment pas sur l'importance qu'il a attachée au nouveau rapport d'inspection du 28 mai 1984 dont le requérant n'avait pas eu connaissance; qu'il s'est borné à mentionner la proposition qui lui était faite par le conseil communal de prendre une mesure, du reste différente, à l'encontre du requérant; que cette proposition elle-même, contenue dans la délibération du 4 juin (lire 24 septembre) 1984, si elle énonce les griefs portés contre le requérant et fait état de l'audition de ce dernier, assisté de son conseil, ne précise pas davantage les raisons pour lesquelles les explications du requérant n'ont pas été retenues; qu'en s'étant borné à se référer à la proposition du conseil communal formulée dans de telles conditions, le ministre a commis l'excès de pouvoir que dénonce le moyen; qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens»;

Considérant que, le 25 avril 1988, le conseil communal a constaté que les motifs de l'arrêt d'annulation reposaient «sur des arguments qui ne sont nullement imputables à la commune» et que sa propre délibération du 24 septembre 1984 n'avait pas été annulée; qu'il a décidé, par 17 voix contre 11, de proposer à nouveau au ministre de placer Auguste Geeraerts en disponibilité par mesure d'ordre avec effet au 19 décembre 1983; qu'il a adressé au ministre une copie de sa délibération du 25 avril 1988, une première fois le 9 mai 1988, une seconde fois le 16 août 1988; que, le 30 janvier 1989, le ministre a pris dans les termes suivants la décision attaquée:

«Monsieur le Bourgmestre,

»Je vous prie de trouver, en annexe, copie de l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 décembre 1987, qui annule l'arrêté du Ministre de l' Education nationale du 14 mars 1985, plaçant M. Auguste Geeraerts, professeur de photographie à l'Académie des Beaux-Arts de la Commune de Tamines, en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service, à partir du 4 juin 1984.

»Il va de soi que cet arrêt annule la délibération de votre conseil communal du 24 septembre 1984 écartant M. Geeraerts par mesure d'ordre et qu'en ma qualité d'autorité de tutelle je ne pourrai marquer mon accord sur toute délibération qui contredirait l'arrêt du Conseil d'Etat»;

Considérant que la partie adverse déduit une première fin de non-recevoir de la nature de l'acte attaqué qu'elle analyse non comme une décision administrative prise en dernier ressort mais comme une note par laquelle le ministre entendait, d'une part, notifier l'arrêt du Conseil d'Etat à la commune, d'autre part, affirmer son intention de ne pas prendre une décision contraire à cet arrêt;

Considérant que, par l'acte attaqué, le ministre a refusé de prendre à l'égard d' Auguste Geeraerts la mesure de mise en disponibilité que la commune avait proposée par ses lettres des 9 mai et 16 août 1988; que ce refus de suivre la proposition de la commune est un acte susceptible de recours que celle-ci a, en principe, intérêt à faire annuler puisque, faute d'y parvenir, elle pourrait être amenée à réintégrer dans l'enseignement qu'elle organise un enseignant dont l'inaptitude professionnelle lui a été dénoncée à plusieurs reprises par l'inspection et par la direction de l'établissement où il exerçait ses activités; que, sous réserve de la légitimité de l'intérêt de la commune, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;

Considérant que la partie adverse déduit une deuxième exception d'irrecevabilité de ce que l'intérêt qu'aurait la commune à faire annuler la notification de l'arrêt du Conseil d'Etat réalisée par l'acte attaqué ne serait pas légitime puisqu'elle pourrait alors continuer à ignorer cet arrêt et s'abstenir de réintégrer Auguste Geeraerts;

Considérant que l'exception est liée au fond; qu'elle suppose en effet que soit préalablement examinée la portée de l'arrêt n° 28.986; que cette question fait l'objet des deuxième et troisième branches du moyen unique de la requête;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Considérant que la commune prend un moyen, qu'elle présente comme la troisième branche du moyen unique de la requête, de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué,

«en ce que Monsieur le Ministre de l' Enseignement a indiqué prendre la décision de rejet de la délibération du Conseil communal de Sambreville en qualité d'autorité de tutelle,

»alors qu'en vertu de l'article 7 de la loi du 8 août 1980, la tutelle sur les communes est exercée en cette matière soit par le Gouverneur de la Province soit par la Région wallonne, mais en aucune manière par l' Exécutif de la Communauté française»;

qu'il convient d'examiner d'abord ce moyen;

Considérant que, lorsque le ministre qui a l'enseignement artistique dans ses attributions décide de placer un enseignant communal en disponibilité, il le fait en vertu d'une compétence propre et non dans l'exercice de la tutelle sur les décisions des autorités locales; que le moyen manque en droit;

Considérant que, par la première branche du moyen unique de la requête, la commune soutient que la décision attaquée repose sur des motifs manifestement inexacts et «est donc viciée par une erreur de fait,

»en ce que Monsieur le Ministre de !'Enseignement invoque le fait que/' arrêt rendu le 9décembre1987 par le Conseil d'Etat annulait la délibération du Conseil communal de Sambreville portant la date du 24septembre1984,

»alors que l'arrêt dont question ne se prononçait nullement sur la délibération du Conseil communal de Sambreville qui n'était pas soumise à sa censure, mais uniquement sur l'arrêté ministériel du 14 mars 1985»;

Considérant que, par la deuxième branche du moyen, qui se confond en grande partie avec la première, la commune soutient que la décision du ministre est entachée d'erreur manifeste,

«en ce que Monsieur le Ministre de l' Enseignement a estimé que les délibérations du Conseil communal de Sambreville des 24 septembre 1984 et 25 avril 1988 seraient contraires à la teneur de l'arrêt prononcé le 9 décembre 1987 par le Conseil d'Etat,

»alors que l'arrêt en question ne se prononce nullement sur la légalité des délibérations du Conseil communal de Sambreville mais annule/' arrêté ministériel du 14 mars 1985 aux motifs que «ni l'arrêté attaqué ni le dossier administratif ne ré lèvent que le ministre se serait expliqué au sujet des raisons de fait et de droit qu'il a retenues à l'encontre du requérant pour prendre sa décision ou en aurait tenu celui-ci informé»,

»il en résulte donc bien que les motifs de l'annulation sont propres à l'arrêté de Monsieur le Ministre de /'Education nationale et ne peuvent, en aucune manière, être appliqués aux délibérations du Conseil communal de Sambreville, délibérations qui, du reste, n'ont fait l'objet ni de suspension ni d'annulation par les autorités de tutelle ni d'un recours par devant le Conseil d'Etat»;

Considérant, sur les deux branches du moyen réunies, que !'arrêté ministériel du 14 mars 1985 a été annulé par l'arrêt n° 28.986 pour avoir placé Auguste Geeraerts en disponibilité, alors que, d'une part, celui-ci n'avait pas eu connaissance d'un rapport d'inspection défavorable du 28 mai 1984, et que, d'autre part, le ministre n'avait pas exprimé les motifs de sa décision; que, par l'arrêt d'annulation, les choses ont été remises dans l'état où elles étaient avant que ne fût pris !'arrêté annulé; que le ministre restait saisi de la proposition que lui avait faite le conseil communal le 24 septembre 1984; que c'est surabondamment que celui-ci a formulé une nouvelle proposition;

Considérant que l'autorité compétente pour proposer qu'une mesure grave soit prise à l'égard d'un agent a l'obligation d'entendre préalablement celui-ci afin d'éviter de faire des propositions à la légère et afin de permettre à l'intéressé de présenter le plus rapidement possible des éléments de justification avant que le souvenir de ce qui s'est passé exactement ne commence à s'estomper; qu'il appartenait à la commune de réentendre Auguste Geeraerts afin qu'il pût s'expliquer sur les éléments dont, lors de sa première audition, il n'avait pas eu connaissance;

Considérant certes que le ministre aurait pu remédier lui-même aux insuffisances de l'instruction menée par la commune; qu'il n'était cependant pas tenu de le faire et pouvait, sans excéder ses pouvoirs, refuser de fonder un nouvel arrêté sur une proposition demeurée illégale à ses yeux;

Considérant sans doute que, comme le souligne la commune, l'arrêt du Conseil d'Etat n'avait pas expli­citement annulé sa proposition; qu'il s'agissait toutefois d'un acte préparatoire qui faisait partie de l'opération complexe terminée par l'arrêté du 14 mars 1985 et qui était lui-même entaché de l'illégalité qui avait justifié l'annulation de celui-ci;

Considérant que c'est la commune qui, en s'abstenant de recommencer la procédure, s'est méprise sur la portée de l'arrêt d'annulation; qu'elle ne justifie pas d'un intérêt légitime à reprocher au ministre de n'avoir pas réparé une illégalité dont elle était l'auteur;

Considérant que la fin de non-recevoir dont l'examen avait été réservé doit être accueillie,

(Rejet - dépens à charge de la partie requérante).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N°s 34.586 à 34.594

N°s 34.586 à 34.594

ARRETS du 4 avril 1990 (VIe Chambre)

Arrêts Nos 34.581 à 34.595

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MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens et Hanotiau, rapporteur, conseillers, Debra, premier auditeur (n°s 34.586 à 34.588), et Mme Dagnelie, auditeur (n°s 34.589 à 34.594).

n° 34.586 - BILLEN (Me Bouvier) n° 34.587 - NUTTIN (id.) n° 34.588 - DELFOSSE (id.) n° 34.589 - MEEKERS (id.) n° 34.590 - TRESIGNE (id.) n° 34.591 - VELGHE (id.) n° 34.592 - VELGHE (id.) n° 34.593 - DENIS (Mes Charpentier et George) n° 34.594 - BRUSTEN (id.)

c/ Communauté française

1. (voir n° 34.099, III, n° 1) (n°s 34.586 à 34.591, 34.593 et 34.594)

II. (voir n° 34.112, I) (n°s 34.586, 34.588 à 34.591, 34.593 et 34.594)

III. (voir n° 34.558, IV) (n° 34.594)

IV. (voir n° 34.028, I) (n° 34.592)

V. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Recours au Conseil d'Etat - Intérêt

Le requérant qui poursuit l'annulation de plusieurs désignations temporaires n'a intérêt à faire annuler que celle qui lui cause le grief le plus important (n°s 34.593 et 34.594).

c< VI. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Recours au Conseil d'Etat - Objet

Le recours en annulation du refus de désigner le requérant à un emploi pour une année scolaire déterminée n'est pas recevable lorsque le requérant ne vise pas le refus de le désigner à une charge précise (n°s 34.593 et 34.594).

N° 34.586 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Michèle Bilien qui demande l'annulation de la décision de

date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Marie-Paule Fievez en qualité d'institutrice primaire à !'Athénée royal de Visé à partir du 1er septembre 1988;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction d'instituteur primaire, Michèle Bilien occupait, pour la Province de Liège, la 50e place avec 12 candidatures tandis que Marie-Paule Fievez était classée 112e avec 8 candidatures; que celle-ci a obtenu, par la décision attaquée, une désignation à la fonction d'institutrice primaire à !'Athénée royal de Visé à partir du 1er septembre 1988; que Michèle Bilien a été désignée à la même fonction au Lycée d'Etat René Leruth à Grâce­Hollogne; que, selon la partie adverse, cette désignation a pris cours le 1er septembre 1988 alors que, par les attestations jointes à son mémoire en réplique tardif, la requérante prouve qu'elle est entrée en fonction audit lycée le 8 septembre 1988, d'abord avec un horaire complet jusqu'au 30 septembre 1988, ensuite à temps partiel jusqu'au 14 octobre 1988; qu'elle a à nouveau obtenu un horaire complet du 28 novembre 1988 au 21 décembre 1988 et qu'enfin elle eut une charge complète du 11 janvier 1989 au 30 juin 1989 dans l'enseignement primaire spécial à l'E.P.E.S. de l'Etat à Visé;

Considérant que la partie adverse prétend que la requérante n'a pas intérêt à son recours puisqu'elle a été désignée à la fonction d'institutrice primaire dès le 1er septembre 1988 comme le fut aussi Marie-Paule Fievez, que la règle de priorité établie par l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat ne trouve pas à s'appliquer pour l'attribution, au sein d'une même province, d'une charge à l'établissement le plus proche du domicile d'un candidat; qu'elle ajoute que la requérante ne pouvait cumuler deux désignations;

Considérant que, par les attestations des directeurs d'établissements jointes à ses mémoires, la partie requérante prouve que sa première désignation a pris effet le 8 septembre 1988 et qu'elle a obtenu ensuite

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 23: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.581 à 34.595 Page 11 N° 34.588

épisodiquement diverses désignations; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt à attaquer une désignation qui a entraîné pour elle une perte de traitement et d'ancienneté;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 et des articles 2 et 3 de !'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par la décision attaquée, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient à la requérante; que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Marie­Paule Fievez en qualité d'institutrice primaire à !'Athénée royal de Visé à partir du 1er septembre 1988 - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.587 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Laurence Nuttin qui demande l'annulation de la décision du

14 septembre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Fabienne Fontaine comme professeur de cours généraux (12 heures de français au degré inférieur) à l'Institut d'enseignement supérieur de l'Etat à Mouscron à partir du 1er septembre 1988;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, groupe des agrégés de l'enseignement secondaire inférieur en langue maternelle-histoire, Laurence Nuttin occupait, pour la Province de Hainaut, la 154e place avec 6 candidatures tandis que Fabienne Fontaine était classée 172e avec 5 candidatures; que c'est néanmoins celle-ci qui a été désignée, par la décision attaquée, pour exercer les fonctions de professeur de cours généraux (12 heures de français au degré inférieur) à l'Institut d'enseignement supérieur de l'Etat à Mouscron du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988; que, selon la requérante, cette désignation a été prorogée jusqu'au 30 juin 1989; que, dans sa requête, Laurence Nuttin affirme qu'elle a été désignée à la fonction de professeur de français (degré inférieur) à raison de 12 heures par semaine dans le même institut jusqu'au 15 octobre 1988; qu'elle joint d'ailleurs à sa requête une copie de la lettre du 28 septembre 1988 du directeur général Noe! l'informant de cette désignation; que toutefois, dans son dernier mémoire, elle prétend que «durant l'année scolaire 1988-1989, elle n'a reçu aucune désignation dans l'enseignement de l'Etat»;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par la décision attaquée, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient à la requérante et qui aurait dû lui permettre d'obtenir la charge complète de cours à l'Institut d'enseignement supérieur de l'Etat à Mouscron, charge qu'elle occupait durant les années scolaires 1986-1987 et 1987-1988; que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision du 14 septembre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Fabienne Fontaine comme professeur de cours généraux (12 heures de français au degré inférieur) à l'Institut d'enseignement supérieur de l'Etat à Mouscron à partir du 1°' septembre 1988, ainsi que la décision qui a prorogé cette désignation jusqu'au 30 juin 1989 - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.588 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Renaud Delfosse qui demande l'annulation de la décision du

19 août 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Annick Lefevre en qualité de professeur de «sciences-géographie» au Centre permanent d'étude de la nature à Sivry du 1er septembre 1988 au 30 juin 1989;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours généraux (sciences-géographie) dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, Renaud Delfosse occupait, pour la province de Hainaut, la 79e place avec 8 candidatures; qu' Annick Lefevre n'y figurait pas; que c'est néanmoins celle-ci qui a obtenu la désignation attaquée du 19 août 1988; qu'elle démissionnera le 6 janvier 1989 et sera remplacée par Dominique Modolo, classée 13e pour la Province de Hainaut; que Renaud Delfosse a été désigné en qualité de surveillant-éducateur à !'Athénée royal de Gosselies du 12 septembre 1988 au 30 octobre 1988;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.588

Arrêts Nos 34.581 à 34.595

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Considérant que la partie adverse soutient qu'en raison de la démission d'Annick Lefevre et de son remplacement par Dominique Modolo, prioritaire par rapport au requérant, celui-ci a perdu intérêt à son recours;

Considérant que le requérant a intérêt à faire valoir la priorité qu'il prétend avoir sur Annick Lefevre afin d'éviter une perte de rémunération et d'ancienneté; que l'annulation éventuelle de la désignation attaquée aura pour effet de rétablir le seul requérant dans ses droits pour la période du 1er septembre 1988 au 6 janvier 1989; que le recours n'est recevable que dans cette mesure;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse répond que la désignation attaquée est le fruit d'une erreur administrative;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par la décision attaquée, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient au requérant; que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision du 19 août 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Annick Lefevre en qualité de professeur de «sciences-géographie» au Centre permanent d'étude de la nature à Sivry du 1er septembre 1988 au 6 janvier 1989 - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.589 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Maurice Meekers qui demande l'annulation de la décision de

date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Yves Bourdouxhe à la fonction d'éducateur interne au home pour enfants à Tihange à partir du 1er septembre 1988;

Considérant que Maurice Meekers est agrégé de l'enseignement secondaire inférieur, section sciences­géographie; qu'il a posé sa candidature à la fonction de professeur de cours généraux, groupe des agrégés de l'enseignement secondaire inférieur en sciences-géographie, et à celle de surveillant-éducateur d'internat;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de surveillant-éducateur d'internat (hommes), Maurice Meekers occupait, pour la Province de Liège, la 72e place avec 8 candidatures tandis que Yves Bourdouxhe n'y figurait pas; que c'est néanmoins celui-ci qui, par l'acte attaqué, a été désigné à la fonction d'éducateur interne au home pour enfants à Tihange à partir du 1er septembre 1988; que, le 25 octobre 1988, le requérant a été désigné à la fonction de professeur de sciences (5 heures par semaine) à l'Ecole secondaire d'enseignement spécial de l'Etat à Hannut jusqu'au 30 juin 1989;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse confirme «la matérialité des faits»;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par la décision attaquée, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient au requérant; que le moyen est fondé; que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, la désignation dont a bénéficié Maurice Meekers à partir du 25 octobre 1988 ne lui a pas fait perdre son intérêt à attaquer une désignation qui a entraîné pour lui une perte de traitement et d'ancienneté,

(Annulation de la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Yves Bourdouxhe à la fonction d'éducateur interne au home pour enfants à Tihange à partir du 1er septembre 1988 -dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.590 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Colette Tresignie qui demande l'annulation de la décision

de date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Brigitte Coremans à la fonction de professeur de cours généraux (langue maternelle-histoire) avec horaire complet à !'Athénée royal de Binche à partir de la rentrée scolaire 1988;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, groupe des agrégés

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D"ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.581 à 34.595 Page 13 N° 34.591

de l'enseignement secondaire inférieur en langue maternelle-histoire, Colette Tresignie occupait, pour la Province de Hainaut, la 85e place avec 9 candidatures tandis que Brigitte Coremans, était classée 106e avec 8 candidatures; que celle-ci obtient par la désignation attaquée un horaire complet en septembre 1988 alors que la requérante fut chargée de donner 10 heures de cours par semaine; que, le 3 janvier 1989, Colette Tresignie reçut un complément de charge (10 heures) à !'Athénée royal de Gosselies-les-Marlaires et Brigitte Coremans fut remplacée par Françoise Monteignes, classée 62e avec 10 candidatures pour la Province de Hainaut;

Considérant que la partie adverse soutient que la requérante a perdu intérêt à son recours parce que d'une part elle a obtenu un complément de charge de 10 heures à partir du 3 janvier 1989 et d'autre part la désignation attaquée a pris fin à cette même date, Brigitte Coremans étant remplacée par Françoise Monteignes, mieux classée que la requérante; qu'elle en déduit que l'annulation éventuelle de la décision attaquée ne profiterait pas à la requérante mais bien à Françoise Monteignes;

Considérant que la requérante a intérêt à faire valoir la priorité qu'elle prétend avoir sur Brigitte Coremans afin de maintenir, dès le mois de septembre 1988, l'horaire complet qu'elle avait déjà eu l'année scolaire précédente à !'Athénée royal de Binche et d'éviter une perte de rémunération et d'ancienneté; que l'annulation éventuelle de la désignation attaquée aura pour effet de rétablir la seule requérante dans ses droits pour la période du 1er septembre 1988 au 3 janvier 1989; que le recours n'est recevable que dans cette mesure;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de !'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par la décision attaquée, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient à la requérante; que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Brigitte Coremans à la fonction de professeur de cours généraux (langue maternelle-histoire) avec horaire complet à !'Athénée royal de Binche du 1er septembre 1988 au 3 janvier 1989 - rejet de la requête pour le surplus -dépens à charge de la partie adverse).

* * * N° 34.591

Vu la requête introduite le 3 novembre 1988 par Anne Velghe qui demande l'annulation de la décision du 31 août 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale a désigné Sylvie Bertiau à la fonction de professeur de cours généraux (français-histoire) à raison de 22 heures par semaine au Lycée d'Etat Albert Libiez de Colfontaine à partir du 1er septembre 1988;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, groupe des agrégés de l'enseignement secondaire inférieur en langue maternelle-histoire, Anne Velghe occupait, pour la Province de Hainaut, la 82ème place avec 9 candidatures; que Sylvie Bertiau était classée 168ème avec 5 candidatures; que c'est néanmoins celle-ci qui a obtenu la désignation attaquée du 31 août 1988; que, le 27 septembre 1988, la requérante a été désignée à la fonction de professeur de langue maternelle et d'histoire, à raison de 22 heures par semaine, à !'Athénée royal d'Ath; que cette désignation, qui aurait dü prendre fin le 15 octobre 1988, a été prolongée jusqu'au 9 janvier 1989; que la requérante a refusé une désignation à une charge de cours de 17 heures par semaine à l'Institut technique de l'Etat à Renaix pour la période du 12 janvier au 3 février 1989; qu'à partir du 10 avril 1989, elle a été désignée à une charge de cours de 17 heures par semaine à l'Institut technique de l'Etat à Tournai;

Considérant que la partie adverse soutient que la requérante n'a pas d'intérêt au recours, qu'en effet, Anne Velghe a été désignée «pratiquement dès le début de l'année scolaire» pour une charge complète qui aurait été prolongée jusqu'au 30 juin 1989 si le retour inopiné de la titulaire n'avait pas mis fin à cette désignation, que la désignation attaquée a pris fin le 15 octobre 1988 alors que celle de la requérante était d'une durée plus longue et que nonobstant le refus d'un emploi proposé à la requérante, la partie adverse lui a à nouveau attribué une charge de cours;

Considérant que la désignation attaquée a pris cours le 1er septembre 1988 alors que celle de la requérante a commencé le 27 septembre 1988; que cette dernière désignation a pris fin le 9 janvier 1989, non pas pour un fait indépendant de la volonté de la partie adverse, mais en raison de la décision de celle-ci de réaffecter définitivement un professeur; que le refus de la requérante d'assurer un intérim du 12 janvier 1989 au 3 février 1989 ne lui enlève pas son intérêt à obtenir l'annulation d'une désignation antérieure de plus longue durée qui a entraîné pour elle une perte de traitement et une perte d'ancienneté; que !'exception ne peut être retenue;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.591

Arrêts Nos 34.581 à 34.595

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articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par la décision attaquée, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient à la requérante; que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision du 31 août 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale a désigné Sylvie Bertiau à la fonction de professeur de cours généraux (français-histoire) à raison de 22 heures par semaine au Lycée d'Etat Albert Libiez de Colfontaine à partir du 1er septembre 1988 - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.592 Cet arrêt est identique au n° 34.556.

* * *

N° 34.593 Vu la requête introduite le 17 novembre 1988 par Dominique Denis qui demande l'annulation:

1. de la décision du 1er septembre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Renelde Vanderheiden à la fonction d'institutrice primaire à l'Ecole primaire de l'Etat à Tubize-Renard à partir du 1er septembre 1988;

2. de la décision du 12 septembre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Christiane Harveng! à la fonction d'institutrice primaire à !'Athénée royal de Mons à partir du 12 septembre 1988;

3. «(de) l'absence de désignation( .. .) à la fonction d'institutrice primaire pour (/')année scolaire 1988-1989»;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction d'instituteur primaire, Dominique Denis occupait, pour la Province de Brabant, la 64e place avec 9 candidatures tandis que Renelde Vanderheiden était classée 102e avec 7 candidatures et que Christiane Harveng! n'y figurait pas; que, pour la Province de Hainaut, Dominique Denis était classée 136e avec 9 candidatures, Renelde Vanderheiden 205e avec 7 candidatures et Christiane Harveng! 282e avec 5 candidatures; que Renelde Vanderheiden a été désignée comme institutrice primaire à l'Ecole primaire de l'Etat de Tubize-Renard du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988; que Christiane Harvengt a été désignée en la même qualité à !'Athénée royal de Mons du 12 septembre 1988 au 15 octobre 1988; que la requérante affirme, sans être contredite sur ce point, que ces désignations ont été prorogées jusqu'au 30 juin 1989; que Dominique Denis a bénéficié de désignations à l'Athénée royal d'Enghien du 8 novembre 1988 au 6 décembre 1988, à !'Athénée royal de La Louvière du 8 décembre 1988 au 23 décembre 1988 et du 13 janvier 1989 au 10 mai 1989, à l'Athénée royal de Gosselies du 11 mai 1989 au 12 juin 1989 et à !'Athénée royal de Braine-l'Alleud du 13 juin 1989 au 30 juin 1989;

Considérant que la partie adverse conteste l'intérêt de la requérante aux motifs que les désignations attaquées ont pris fin le 15 octobre 1988 et qu'elle a obtenu diverses désignations en cours d'année scolaire;

Considérant que la requérante a été désignée à partir du 8 novembre 1988 alors que Renelde Vanderheiden et Christiane Harvengt l'ont été respectivement le 1er septembre 1988 et le 12 septembre 1988; qu'elle a intérêt à attaquer des désignations qui ont pu lui faire subir une perte de rémunération et d'ancienneté; qu'au surplus, ces désignations ont été prorogées jusqu'au 30 juin 1989; que l'exception ne peut être accueillie;

Considérant que la partie adverse affirme que «la requérante ne pouvait prétendre obtenir qu'une des deux désignations entreprises»;

Considérant que les périodes couvertes par les désignations attaquées étaient largement concomitantes; que la requérante a intérêt à obtenir l'annulation de la désignation qui lui a causé le grief le plus important en la privant du nombre de jours de service le plus élevé, nombre de jours auquel elle prétend avoir droit en raison de sa priorité; qu' ainsi la requérante a seulement intérêt à l'annulation de la désignation qui a eu la plus longue durée, à savoir la désignation de Renelde Vanderheiden; que l'exception est fondée quant au deuxième acte attaqué;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation des articles 24 et 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que, comme l'admet la partie adverse, la requérante bénéficiait, en raison de son meilleur classement, d'une priorité qui a été méconnue par le premier acte attaqué; que le moyen est fondé;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.581 à 34.595 Page 15 N° 34.594

Considérant qu'en ce qu'elle tend à l'annulation de «l'absence de désignation de la requérante à la fonction d'institutrice primaire pour (l')année scolaire 1988-1989», la requête ne vise pas le refus de la désigner à une charge précise; que faute de cette précision, elle n'est pas recevable quant à cet objet,

(Annulation de la décision du 1er septembre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Renelde Vanderheiden à la fonction d'institutrice primaire à !'Ecole primaire de l'Etat à Tubize-Renard à partir du 1er septembre 1988, ainsi que de la décision qui a prorogé cette désignation jusqu'au 30 juin 1989 - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.594 Vu la requête introduite le 23 novembre 1988 par Marie Brusten qui demande l'annulation de:

1. «la désignation temporaire, de date inconnue de la requérante, de Madame Lange apparemment du mois de septembre 1988 au 30 juin 1989 en qualité de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, spécialité mathématique-physique, à !'Athénée royal «Air pur» de Seraing»;

2. «la désignation temporaire, de date inconnue de la requérante, de Monsieur Paul Baert apparemment du mois de septembre 1988 au 30 juin 1989 en qualité de professeur de cours généraux dans !'enseignement secondaire du degré inférieur, spécialité mathématique-physique, à !'Athénée royal «Air pur» de Seraing»;

3. «la désignation temporaire, de date inconnue de la requérante, de Madame Gochel apparemment du mois de septembre 1988 au 30 juin 1989 en qualité de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, spécialité mathématique-physique, à !'Athénée royal de Waremme»;

4. «la désignation temporaire, de date inconnue de la requérante, de Mademoiselle Catherine Bladzac apparemment du mois de septembre 1988 au 30 juin 1989 en qualité de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, spécialité (sciences économiques), à !'Athénée royal de Fragnée»;

5. «corrélativement l'absence de désignation de la requérante à une désignation temporaire conforme à son ancienneté et ses priorités»;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, groupe des agrégés de l'enseignement secondaire inférieur en mathématique-physique, Marie Brusten occupait, pour la Province de Liège, la 29e place avec 11 candidatures, Dominique Gochel la 41e place avec 10 candidatures et Paul Baert la 96e place avec 7 candidatures tandis que Laurence Lange et Catherine Bladzac n'y figurait pas; que la partie adverse fit les désignations suivantes:

1. Laurence Lange

2. Paul Baert

3. Dominique Gochel

4. Catherine Bladzac

5. Marie Brusten

fonction de professeur de mathématique (horaire complet) à !'Athénée royal <<Air pur» de Seraing du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988 (décision du 8 août 1988);

fonction de professeur de mathématique (horaire complet) à !'Athénée royal «Air pur» de Seraing du 19 septembre 1988 au 15 octobre 1988 (décision du 27 septembre 1988);

fonction de professeur de mathématique (horaire complet) à !'Athénée royal de Waremme du 1er septembre 1988 au 30 juin 1989 (décision du 29 août 1988);

fonction de professeur de sciences économiques à l' Athénée royal de Liège 3 (Fragnée) (décision du 14 septembre 1988);

fonction de professeur de mathématique (9 heures par semaine) à !'Athénée royal de Marchin du 15 septembre 1988 au 30 juin 1989 (décision du 14 septembre 1988);

Considérant d'office que la requérante ne pouvait être désignée qu'à l'une des fonctions auxquelles il a été pourvu à titre temporaire pour un horaire complet; qu'ainsi Sün intérêt se limite à obtenir l'annulation de la désignation qui a produit ses effets le plus longtemps, c'est-à-dire celle de Dominique Gochel puisque cette désignation a été faite d'emblée pour toute l'année scolaire 1988-1989;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.594

Arrêts Nos 34.581 à 34.595

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Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation des articles 24 et 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de L'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par la désignation de Dominique Gochel, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient à la requérante; que le moyen est fondé; que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, la désignation dont a bénéficié Marie Brusten à partir du 15 septembre 1988 ne lui a pas fait perdre son intérêt à attaquer une désignation qui a entraîné pour elle une perte de traitement et d'ancienneté;

Considérant qu'en ce qu'elle tend à l'annulation de «l'absence de désignation de la requérante à une désignation temporaire conforme à son ancienneté et ses priorités», la requête ne vise pas le refus de la désigner à une charge précise; que faute de cette précision, elle n'est pas recevable quant à cet objet,

(Annulation de la décision du 29 août 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Dominique Gochel à la fonction de professeur de mathématique (horaire complet) à !'Athénée royal de Waremme, du 1er septembre 1988 au 30 juin 1988 - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.595

ARRET du 4 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur.

VILAIN (Mes Charpentier et Lambrechts) c/ Communauté française

1. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Signalement

L'article 155 du statut du 22 mars 1969 ne prescrit pas à peine de nullité la mention de l'avis de la chambre de recours.

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Notification des actes - Effets de la notification irrégulière

III. PROCEDURE - Dépens

En l'espèce, eu égard à l'erreur commise par la partie adverse dans la notification de la décision attaquée, il y a lieu de mettre les dépens à sa charge.

Vu la requête introduite le 28 novembre 1988 par Nadine Vilain qui demande l'annulation de la décision du 7 septembre .1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale maintient la mention «insuffisant» à son bulletin de signalement;

Considérant que, professeur à !'Athénée royal d'Uccle 2, la requérante jouissait d'un signalement «bon»; que, le 23 janvier 1987, elle reçut la mention «insuffisant» de la part de l'inspecteur R. Mathar; que, n'étant pas d'accord avec cette mention, elle sollicita une comparution devant la chambre de recours par lettre du 18 février 1987; que, le 25 mai 1987, le préfet des études lui attribua le signalement «insuffisant» sur la base d'un rapport spécial de la même date; que, le 2 juin 1987, la requérante marqua son désaccord et, par lettre du 18 juin 1987, saisit la chambre de recours de son dossier; que, le 30 mai 1988, celle-ci estima que «la mention insuffisant» portée au rapport d'inspection «est justifiée», «que la mention «insuffisant» portée au bulletin de signalement n'est pas justifiée» et «que doit être reconduite la notation figurant au bulletin de signalement précédent, soit celui rédigé le 28 mai 1986, tenant compte, cependant, de ce que les considérations reprises au rapport d'inspection du 23 janvier 1987 ne permettent que d'attribuer une note de 5110 au critère «aptitude professionnelle», avec au total la note de 24140 correspondant à la mention «bon>»>; que, le 7 septembre 1988, par l'acte attaqué le ministre décida de maintenir la mention «insuffisant» au rapport d'inspection du 23 janvier 1987 et au bulletin de signalement établi le 25 mai 1987, pour les motifs suivants: «programme non honoré; ne rencontre pas les souhaits exprimés par l'inspecteur; écarts de langage envers son chef d'établissement, son inspecteur et!' enseignement de l'Etat en général»; que cette décision fut notifiée par lettre du 28 septembre 1988, corrigée par une lettre du 12 avril 1989;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 155 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat en ce que, première branche, la lettre de notification du 28 septembre 1988 ne fait pas mention de l'avis motivé de la chambre de recours relatif au signalement puisque la motivation relatée dans cette lettre ne concerne que l'avis

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.581 à 34.595 Page 17 N° 34.595

de la chambre de recours relatif au rapport d'inspection, et que, deuxième branche, le ministre n'a pas motivé sa décision non conforme à l'avis de la chambre de recours quant au signalement;

Considérant que l'article 155, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 22 mars 1969 dispose comme suit:

«La décision est prise ou proposée par le ministre dans le mois qui suit la réception de l'avis. Elle fait mention de l'avis motivé de la chambre de recours ou de /'absence d'avis. Toute décision non conforme à l'avis de la chambre de recours est motivée»;

Considérant, quant à la deuxième branche, que relativement au signalement de la requérante la décision attaquée est motivée; qu'en effet, le ministre retient expressément les «écarts de langage» que relevait le préfet des études dans les fiches individuelles et dans son rappmt spécial; que s'il est vrai que la notification du 28 septembre 1988 ne mentionnait pas ce motif, lequel a seulement été porté à la connaissance de la requérante le 12 avril 1989, la décision elle-même contenait ledit motif qui fournit la raison pour laquelle le ministre s'est écarté de l'avis de la chambre de recours; qu'en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé;

Considérant, quant à la première branche, que l'avis motivé de la chambre de recours n'est pas visé dans la décision; que, toutefois, le ministre écrit: <<.!'ai décidé après examen du dossier de Mme Vilain Nadine ... »; que tant cette précision que la motivation de la décision impliquent que le ministre a vu l'avis de la chambre de recours; qu'enfin l'article 155 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 ne prescrit pas à peine de nullité la mention de l'avis de la chambre de recours; que cette omission en l'espèce n'a pu causer préjudice à la requérantee dès lors qu'il apparaît que le ministre a eu connaissance de l'avis; qu'en sa première branche, le moyen n'est pas fondé;

Considérant que, eu égard à l'erreur commise par la partie adverse dans la notification de la décision attaquée, il y a lieu de mettre les dépens à sa charge,

(Rejet - dépens à charge de la partie adverse).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.602 à 34.638 Page 1 N°s 34.637 et 34.638

N°s 34.602 à 34.636

ARRETS du 5 avril 1990 (VIIe Chambre)

S.A. BELGISCHE ASFALT- EN BETONMAATSCHAPPIJ «B.A.B.» et autres: désistement.

N°s 34.637 et 34.638

ARRETS du 5 avril 1990 (VIIe Chambre) M. Tacq, président de chambre, Mmes Vrints, rapporteur, et Tulkens, conseillers, et M. De Wolf, auditeur.

n° 34.637 - ASSOCIATION PROFESSIONNELLE BELGE DES UROLOGUES et POPELIER

n° 34.638 - KESTEMAN (Me Danckaert) c/ Etat belge représenté par le Ministre des Affaires sociales (Mes Lebbe et Gérard)

1. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Objet

La demande de suspension doit être limitée d'office aux dispositions contre lesquelles est invoqué un moyen pris de la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution (n° 34.637).

II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable (1 à. 7) ----

] . En l'espèce, l'association requérante ne démontre pas que l'exécution immédiate de l'acte attaqué lui cause en tant qu' association un préjudice, encore moins un préjudice grave difficilement réparable (n° 34.637).

2. La circonstance que l'acte attaqué implique un préjudice difficilement réparable n'implique pas que le préjudice soit également grave (n°s 34.637. et 34.638).

3. Sil' urologue peut imputer des prestations qui ne sont pas de sa spécialité, notamment des prestations de radiodiagnostic au titre de prestations dans le cadre de la connexité, au motif qu'elles sont connexes à sa spécialité, le requérant n'indique pas en l'espèce la proportion que ces prestations connexes représentent dans son activité professionnelle et ne précise pas l'importance du montant des honoraires qu'il percevra en moins du fait de la réduction du remboursement de ces prestations (n° 34.637).

4. En l'espèce, le chirurgien requérant, qui critique la réduction du remboursement de prestations de radiodiagnostic qu'il effectue en tant que prestations connexes, c'est-à­dire liées à sa spécialité, ne démontre pas ce que représentent proportionnellement ces prestations connexes dans son activité professionnelle, ni quel montant d'honoraires il perdra en raison de cette réduction, et ne fournit pas davantage d'estimation des honoraires qu'il ne peut porter en co,mpte alors que ces collègues radiologues pourraient le faire lorsque la prescription est effectuée par des auxiliaires qualifiés (n° 34.638).

5. En l'espèce, il n'est nullement démontré que les honoraires seront à ce point réduits que le travail devra être effectué au-dessous du prix de revient (n° 34.638).

6. Les dépenses plus élevées dans le domaine de l'assurance maladie auxquelles l'acte attaqué conduirait ne constituent pas un préjudice atteignant le médecin requérant (n° 34.637).

7. Le fait que l'acte attaqué a une répercussion sur le confort du patient ne démontre pas que la qualité des soins prodigués par le médecin se détériore de manière difficilement réparable (n° 34.638).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N°s 34.637 et 34.638

Arrêts Nos 34.602 à 34.638

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III. ASSURANCE MALADIE-INVALIDITE - Prestations de santé- Rapports avec les prestataires de soins, les services et les établissements - Dispositions particulières relatives à des prestations médicales spécifiques

L'article 34duodecies de la loi du 9 août 1963 semble rendre la réglementation qu'il prévoit obligatoire pour tous les médecins sans distinction, de sorte que la question de savoir si la possibilité de résilier les engagements contractés leur a été utilement offerte n'est pas pertinente (n° 34.638).

N° 34.637 Vu la requête introduite le 18 février 1990 par laquelle l' Association professionnelle belge des Urologues

et Guy Popelier, urologue, demandent l'annulation du paragraphe 7, 5°, 6° et 7°, du paragraphe 8, 4°, et du paragraphe 11, alinéa 3, en ce compris le point A, 2°, b), de l'article 2 de l'arrêté royal du 7 décembre 1989 modifiant l'arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, publié au Moniteur belge du 19 décembre 1989;

Vu l'acte distinct joint à la requête par lequel les parties requérantes demandent la suspension de l'exécution des dispositions précitées;

Considérant qu'il y a lieu, au préalable, de statuer sur la demande de suspension de l'exécution de la décision attaquée;

Considérant que la partie défenderesse objecte ce qui suit:

«Pour que les requérants puissent faire valoir un intérêt, la première partie requérante (. . .) était tenu de démontrer qu'au moins un de ses membres, dont elle peut défendre statutairement les intérêts, ( .. .) a adhéré à l'accord national médico-mutualiste du 20juin1988 (M.B. 30.07.1988) en vigueur, et la deuxième partie requérante devait également faire valoir qu'elle avait adhéré à l'accord national en vigueur».

Considérant que l'article 34duodecies de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, inséré par la loi-programme du 30 décembre 1988, notamment le paragraphe 3, dispose que la réglementation ou les réglementations qui sont prises par le Roi en vertu de l'article 34duodecies, § 1°' - disposition légale qui, comme en témoigne le préambule de l'arrêté attaqué, constitue le fondement légal de celui-ci - «sont opposables au médecin»; que la partie défenderesse ne répond pas à la question posée expressément à l'audience concernant la portée de cette disposition, plus particulièrement, l'incidence de celle-ci, sur l'accord national. médico-mutualiste t<n tant qu'il concerne l'application de la nomenclature; qu'au vu de la requête du moins, la demande en annulation paraît recevable;

Considérant que la demande de suspension doit être limitée d'office aux dispositions contre lesquelles est invoqué un moyen tiré de la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution; qu'il est apparu à l'audience qu'il s'agissait de la disposition du paragraphe 8, 4°, en ce qu'elle porte sur les examens échographiques du système urogénital, cités dans la requête, à savoir: - l'examen échographique des reins (457332/457343 N70)

- l'examen échographique du bassin masculin (457376/457380 N60)

- l'examen échographique du bassin féminin (457391/487402 N60)

- l'examen échographique du scrotum (457413/457424 N45)

- l'éçhographie endoluminale de la vessie et de la prostate (457450/457461 N60),

et de la disposition du paragraphe 11 alinéa 3, en ce compris le point A, 2°, b, dans la mesure où elle concerne un médecin spécialiste en urologie; ·

Considérant qu'aux termes de l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, la suspension de l'exécution ne peut être décidée qu'à la double condition ·que des moyens sérieux fondés sur la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution soient invoqués et que l'exécution immédiate des dispositions attaquées risque de causer un préjudice grave difficilement réparable;

Considérant que la première partie requérante ne démontre pas que l'exécution immédiate des disposi­tions attaquées lui cause en tant qu' association professionnelle uri préjudice, encore moins un préjudice grave difficilement réparable; que la deuxième condition n'est certainement pas remplie en ce qui la concerne;

Considérant que la demande de suspension soutient en premier lieu ce qui suit:

«l'A.R. attaqué prévoit un remboursement réduit des prestations dans le domaine de l'imagerie médicale qui, dans l'hypothèse où l'A.R. ne serait pas suspendu, peut difficilement être récupéré, eu égard au court délai de prescription d'une année s'appliquant à l'action en payement des honoraires (Art. 2272 C.V.)»;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.602 à 34.638 Page 3 N° 34.637

Considérant que la deuxième partie requérante relève uniquement par là que le remboursement réduit implique un préjudice difficilement réparable; qu'il n'est toutefois pas démontré que le préjudice est également grave; que l'urologue, lorsqu'il fournit les prestations qui font l'objet des dispositions dont la suspension est demandée, n'accomplit pas des prestations qui relèvent de sa spécialité, à savoir l'urologie; qu'il s'agit de prestations qui relèvent essentiellement de la spécialité en radiodiagnostic, qu'il peut cependant imputer au titre des prestations dans le cadre de la «connexité», au motif notamment qu'elles sont connexes à sa spécialité; que le deuxième requérant n'indique pas la proportion que ces prestations connexes représentent dans son activité professionnelle; qu'il ne précise pas davantage l'importance du montant des honoraires qu'il percevra en moins du fait que des prestations connexes bien déterminées seront rétribuées à 65 % et d'autres à 85 %;

Considérant qu'il est allégué en deuxième lieu ce qui suit:

«l' A.R. attaqué n'ayant pas respecté le délai de 30 jours prévu entre la publication et l'entrée en vigueur, le médecin se trouvait dans !'impossibilité d'appliquer l'accord national médico-mutualiste du 20 juin 1988 (M.B. 30 juillet 1988) et de renoncer éventuellement à son adhésion, et subit de la sorte une perte financière irréparable»;

Considérant que l'accord national médico-mutualiste du 20 juin 1988, publié au Moniteur belge du 30 juillet 1988, dispose sous l'intitulé «G. Durée de l'accord», au point 4, qu'aucune modification de l'arrêté royal établissant la nomenclature des prestations de santé n'est opposable au médecin jusqu'à la fin de l'année au cours de laquelle il a accepté les termes du présent accord, et qu'en l'absence de manifestation contraire de la volonté du médecin dans les trente jours qui suivent la publication d'une telle modification, celle-ci est toutefois considérée comme incluse dans les termes du présent accord; que l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 7 décembre 1989, aux termes de son article 7, le premier jour du mois suivant celui au cours duquel il aura été publié au Moniteur belge, c'est-à-dire le 1°' janvier 1990, n'a apporté aucune modification au délai de trente jours dont dispose le médecin à compter de la publication de cette modification pour faire connaître sa «manifestation contraire de volonté»; que, quoi qu'il en soit, en l'absence d'une interprétation contraire de la partie défenderesse, l'article 34duodecies précité de la loi du 9 août 1963 semble rendre obligatoire la réglementation actuellement attaquée pour tous les médecins sans distinction, de sorte que la question de savoir si la possibilité de résilier les engagements contractés leur a été utilement offerte n'est pas pertinente;

Considérant que dans le troisième argument, il est invoqué ce qui suit:

«En ce que l'urologue, en raison du remboursement différentiel sera obligé de travailler au-dessous du prix de revient, ce qui le contraindrait à ne plus exécuter ces prestations, à renoncer à ses obligations pour l'appareillage nécessaire et à payer pour cette raison des dommages-intérêts. Que, dans l'hypothèse où l' A.R. n'est pas suspendu, il sera obligé de se procurer son nouveau matériel à un prix de revient plus élevé et à des délais plus longs»;

Considérant qu'il n'est nullement démontré que les honoraires seront à ce point réduits que le travail devra être effectué «au-dessous du prix de revient»; qu'il n'apparaît même pas de quels appareils le deuxième requérant dispose;

Considérant qu'en quatrième lieu, il est allégué ce qui suit:

«Dès lors quel' urologue ne peut plus utiliser les moyens del' imagerie médicale, il sera obligé d'avoir recours à des moyens plus anciens, plus encombrants et plus onéreux, avec la conséquence que le patient s'en trouvera desservi, que les diagnostics risquent de ne pouvoir être établis et que le contrôle du traitement sera insuffisant»;

Considérant que dans l'hypothèse où les dispositions contestées aboutissent à la conséquence décrite ci-dessus, il appartient à l'urologue de renvoyer le patient au radiologue;

Considérant qu'en cinquième lieu, il est allégué ce qui suit:

«Qu'en raison de l'application de l' A.R. attaqué, aucune économie ne sera réalisée, mais le recours au radiologue est encouragé, car si ces prestations impliquent une perte financière pour l'urologue, les mesures prises aboutissent en revanche à des dépenses plus élevées dans le domaine de l'assurance maladie, alors qu'ils' impose d'urgence de faire des économies»;

Considérant que l'on ne saurait supposer que l'urologue renverrait le patient au radiologue sans raison; que, d'une part, les dépenses plus élevées dans le domaine de l'assurance maladie auxquelles les dispositions concernées conduiront, du moins selon la partie requérante, ne constituent pas un préjudice au sens de l'article 17, § 2, des lois coordonnées, notamment un préjudice atteignant la partie requérante;

Considérant qu'il est allégué en sixième lieu ce qui suit:

«Qu'en tout cas, l'application del' A.R. attaqué conduit à une détérioration de la qualité des soins médicaux que l'urologue doit prodiguer au patient et que pour chaque patient cela peut toujours impliquer un préjudice ùTéparable»;

Considérant que l'argument semble porter sur les examens échographiques du système urogénital cités par la partie requérante dont, du moins selon elle, une seule prestation ne pourra plus dorénavant être portée en compte par jour et par patient par le médecin de la même spécialité conformément à la disposition du § 8, 4°, que pareille limitation a incontestablement une répercussion sur le confort du patient; que cela ne démontre pas, pour autant, que la qualité des soins prodigués par l'urologue se détériore de manière difficilement réparable,

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.637

Arrêts Nos 34.602 à 34.638

Page 4

Considérant que la deuxième condition de l'article 17, § 2, des lois coordonnées n'est pas davantage remplie à l'égard de la deuxième partie requérante,

(Rejet de la demande de suspension de l'exécution).

* * *

N° 34.638 Vu la requête introduite le 14 février 1990 par Joseph Kesteman, spécialiste en chirurgie, tendant à

l'annulation de:

«A. l. l'article 2 de l'A.R. du 7 décembre 1989 (Moniteur belge du 1911211989) modifiant l'A.R. du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, qui en son§ 11, remplace à l'article 17 de l'annexe au même A.R. du 141911984, modifié par des arrêtés royaux ultérieurs, le § 6 dans la mesure où il introduit une discrimination entre tous les spécialistes et les chirurgiens en particulier, parmi lesquels le requérant d'une part et les radiologues d'autre part;

»2. l'A.R. du 13 novembre 1989 (Moniteur belge du 2011211989) modifiant l'A.R. du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité dans la mesure où non seulement certaines prestations figurant à l'art. l"", B, 2, b) sont remboursées à 1 OO % aux radiologues même lorsqu'elles sont effectuées par des auxiliaires qualifiés aux conditions posées par l'A.R. du 1311111989, mais en outre aussi en vertu del' art. 7 de l'A.R. du 1311111989 insérant un art. 7bis à l'art. 26 del' annexe à l'A.R. du 14-9-1984, modifié par des arrêtés royaux ultérieurs, qui fait culminer la discrimination en ce qui concerne les médecins spécialistes et plus particulièrement les chirurgiens comme le requérant par l'attribution de suppléments d'urgence pour les prestations de radiologie.

»B. l'art. 2 de l'A.R. du 7 décembre 1989 (Moniteur belge du 1911211989) dans la mesure où, en son § 11 il insère à l'art. 17 del' annexe à l'A.R. du 141911984, modifié par des arrêtés ultérieurs, un§ 6 qui fait apparaître clairement la discrimination entre les différents spécialistes en pathologie externe et a fortiori également à l'égard du requérant».

Vu l'acte distinct joint à la requête par le requérant qui demande la suspension de l'exécution des dispositions précitées;

Considérant qu'il y a lieu de statuer au préalable sur la demande de suspension de l'exécution de la décision attaquée;

Considérant que la partie défenderesse soulève que le requérant, vu son refus du 19 aofit 1988 d'adhérer à l'accord national médico-mutualiste du 20 juin 1988, doit être considéré comme «un médecin non-conventionné»; qu'elle en déduit que le requérant attaque des dispositions qui ne sont pas obligatoires à son égard;

. Considérant que la partie défenderesse ne répond pas à la réplique du requérant selon laquelle, pour les prestations effectuées durant le service de garde ou en cas d'accidents du travail, les dispositions de la nomenclature doivent être appliquées par tous les médecins; que la partie défenderesse ne répond pas davantage à la question posée à l'audience et relative à la portée de l'article 34duodecies de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, inséré par la loi-programme du 30 décembre 1988 et qui dispose que la réglementation ou les réglementations qui sont prises par le Roi en vertu de l'article 34duodecies, § 1er, - disposition légale qui au vu du préambule du premier arrêté royal attaqué lui sert de fondement légal -«sont opposables au médecin»; que la demande en annulation semble recevable, du moins au vu de la requête;

Considérant qu'aux termes de l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, la suspension de l'exécution ne peut être décidée qu'à la double condition que des moyens sérieux fondés sur la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution sont invoqués et que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable;

Considérant, en ce qui concerne la seconde condition, que le requérant allègue ce qui suit:

«-le requérant ne peut néanmoins imputer aux tiers qu'il a soignés, que 65 % de la valeur mentionnée dans la nomenclature

>>-- le requérant ne dispose pas vis-à-vis de tiers de l'avantage de l'article 7bis, instauré par l'article 7 de l'A.R. du 13 novembre 1989

»--- ...

>>-- le requérant ... est dans l'impossibilité de réclamer à ses patients la différence entre les 65 % de la valeur mentionnée dans la nomenclature et les 100 %

»- ... »;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.602 à 34.638 Page 5 N° 34.638

Considérant que le requérant souligne uniquement qu'il sera difficile sinon impossible de réparer le préjudice qu'il invoque; qu'il ne démontre toutefois pas que le préjudice est également grave; qu'à l'audience, la partie défenderesse a fait observer que pour le requérant, le radiodiagnostic ne se compose que de «petites prestations»; que la partie défenderesse entend à juste titre par là que le requérant, qui est spécialiste en chirurgie, n'effectue les prestations qui relèvent du radiodiagnostic et qui font l'objet des dispositions actuellement attaquées, qu'en tant que prestation connexe, c'est-à-dire en tant que prestation liée à sa spécialité, à savoir la chirurgie; que le requérant ne démontre pas ce que représentent proportionnellement ces prestations connexes dans son activité professionnelle; que le requérant ne démontre pas davantage quel est le montant d'honoraires qu'il perdra en raison du fait que certaines prestations connexes seront honorées à 65 % et d'autres à 85 %; qu'il ne fournit pas davantage d'estimation des honoraires qu'il ne peut porter en compte, alors que ses confrères radiologues pourraient le faire lorsque la prescription est effectuée par des auxiliaires qualifiés,

(Rejet de la demande de suspension de l'exécution).

/

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 35: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 1

N°8 34.651 à 34.654

ARRETS du 6 avril 1990 (Président de la vre Chambre) M. Tapie, Président du Conseil d'Etat, et Mme Dagnelie, auditeu~.

n° 34.651 - NELISSEN (Me Denys) () \./ n° 34.652 - MASSON (id.) 1 fD l n° 34.653 - JONGEN (id.) n° 34.654 - BACQ (id.)

c/ Communauté française (Mme Matagne)

N° 34.651

I. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Recevabilité du recours principal

La suspension ne peut être prononcée qu'à la double condition que le Conseil d'Etat soit compétent pour connaître de la requête en annulation et que cette requête soit recevable.

II. COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT - Contentieux de l'annulation - Droits subjectifs -Paiements et remboursements

III. PERSONNEL ENSEIGNANT (EN GENERAL) - Cumuls

En décidant de recouvrer des sommes sur base de l'article 77 de la loi du 24 décembre 1976, le ministre ne se prononce pas sur la situation administrative de l'enseignant et, accessoirement, sur les conséquences pécuniaires de cette situation, mais seulement, sur le droit subjectif de cet enseignant à un traitement, aussi bien pour l'avenir que pour le passé. La contestation soulevée par ce recours a ce droit subjectif pour objet véritable. Dans tous ses aspects, une telle contestation relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

N° 34.651 Vu la requête introduite le 16 février 1990 par Françoise Nelissen qui demande l'annulation de «la décision de

date inconnue sur laquelle se base le Ministre de l' Education nationale pour réclamer par sa lettre du 22 décembre 1989 le remboursement de rémunérations perçues par la requérante pour la période du 1er septembre 1987 au 30 novembre 1989, soit une somme de 545.233 francs»;

Vu, joint à la requête, l'acte distinct par lequel la requérante demande la suspension de l'exécution de l'acte précité;

Considérant qu'il y a lieu d'examiner sans délai la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué;

Considérant qu'en vertu de l'article 17 réintroduit dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, par la loi du 16 juin 1989, la suspension de l'exécution d'un acte ou d'un règlement dont l'annulation est poursuivie peut être ordonnée si le recours invoque la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution, si les moyens invoquant la violation de ces dispositions sont sérieux et si l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable;

Considérant que la suspension ne peut, en outre, être prononcée qu'à la double condition que le Conseil d'Etat soit compétent pour connaître de la requête en annulation et que cette requête soit recevable;

Considérant que, dans sa note d'observations, la partie adverse, invoquant l'article 92 de la Constitution, conclut à l'incompétence du Conseil d'Etat et, par suite, à l'irrecevabilité de la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué;

Considérant qu'à l'audience du 15 mars 1990, le conseil de la requérante, développant les termes de la requête, a plaidé que l'objet véritable du recours en annulation était distinct de celui de l'action en répétition de l'indu que la partie adverse prétend pouvoir intenter; qu'il a fait valoir, d'une part, qu'avant de réclamer le remboursement des rémunérations perçues du chef de charges d'enseignement en académie, le ministre avait nécessairement dû décider que la requérante exerçait une fonction principale faisant apparaître ces charges comme accessoires au sens de l'article 77 de la loi du 24 décembre 1976 relative aux propositions budgétaires 1976-1977, modifié par l'arrêté royal n° 63 du 20 juillet 1982 et, d'autre part, qu'aucune juridiction autre que le Conseil d'Etat n'était compétente pour empêcher, en l'annulant, cette décision du ministre de produire des effets futurs;

Considérant qu'en décidant de recouvrer les sommes réclamées par la lettre du 22 décembre 1989, le ministre ne s'est pas prononcé sur la situation administrative de la requérante et, accessoirement, sur les conséquences pécuniaires de cette situation, mais seulement sur le droit subjectif de la requérante à un traitement, aussi bien

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 36: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

N° 34.651

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

Page 2

pour l'avenir que pour le passé, du chef de ses prestations d'enseignement en académie; que la contestation soulevée par le recours a donc ce droit subjectif pour objet véritable; que, dans tous ses aspects, une telle contestation relève, en vertu de !'article 92 de la Constitution, de la compétence des juridictions de !'ordre judiciaire; que le Conseil d'Etat paraissant ainsi incompétent pour connaître du recours en annulation, la demande de suspension qui y est jointe est manifestement irrecevable,

(Rejet de la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué).

* * * Les arrêts n°' 34.652 à 34.654 sont identiques au n° 34.651.

N°s 34.655 à 34.657

ARRETS du 11 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Quintin, auditeur.

n° 34.655 - HARGELSTEENS (Me Flagothier) n° 34.656 - PRICK (id.) n° 34.657 - VERDEUR (id.)

c/ Ville de Liège (Mes Doyen et Franchimont)

I. AGENTS DES COMMUNES - Agents de police - Cessation des fonctions II. DROITS ET LIBERTES - Egalité devant la loi - Discrimination fondée sur des critères objectifs

- Discrimination fondée sur une distinction de catégories III. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Moyen sérieux

En excluant le personnel des services de sécurité police du bénéfice des mesures de départ volontaire, le collège des bourgmestre et échevins traite également tous les membres d'.une catégorie du personnel communal qui, en raison des missions qui lui sont confiées, peut faire l'objet d'un traitement différent sans quel' article 6 de la Constitution soit violé. Le moyen pris de la violation des articles 6 et 6bis de la Constitution ne peut être jugé sérieux.

N° 34.655 Vu la requête introduite le 20 février 1990 par Eudore Haegelsteens qui demande l'annulation de la décision

du 2 janvier 1990 par laquelle le Collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Liège exclut le personnel des services de «sécurité police» du bénéfice des mesures de départ volontaire;

Vu, joint à la requête, l'acte distinct par lequel le requérant demande la suspension de l'exécution de la décision attaquée;

Considérant que, le 18 décembre 1989, le Conseil communal de Liège a fixé un nouveau cadre du personnel communal; que !'article 5 de la !,lélibération prévoyait ce qui suit: ·

«l. L'agent nommé à titre définitif

>>---âgé d'au moins 50 ans au 31 décembre 1990, mais de moins de 55 ans;

>>---et qui comptera au moins 20 ans de services admissibles pour la pension à la date de son 55ème anniversaire;

>>---et qui o~cupe soit un emploi dont le grade est supprimé, soit un emploi dans un grade d'ans lequel son départ n'occasionnerait pas directeinênt ou indirectement un recrutement exterieur;

»peut demander, au plus tard le 31 décembre 1989, avec effet au 1.,. janvier 1990, à être placé directement en disponibilité volontaire préalable à la pension anticipée facultative et donc à bénéficier, à l'âge de 55 ans, de la pension anticipée facultative (règlement du 9 janvier 1989)»;

que, le 19 décembre 1989, Eudore Haegelsteens, inspecteur principal de police, né le 18 juin 1936, a demandé à bénéficier de cette mesure au 1er janvier 1990; qu'il présentait la démission irrévocable de ses fonctions au 30 juin 1991 sous réserve de ses droits à la pension de retraite au 1er juillet 1991; que, le 2 janvier 1990, le collège des bourgmestre et échevins a pris la délibération suivante:

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 37: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 3 N°s 34.658 et 34.659

«CONSTATE que l'effectif du personnel de police est inférieur au cadre, que l'acceptation des diverses mesures volontaires entraînerait des recrutements, et DECIDE den' appliquer aucune de ces mesures au personnel de police»;

que cette décision a été notifiée le 15 janvier 1990 au requérant qui a ensuite reçu l'ordre de réintégrer ses fonctions;

Considérant que, par les deux premiers moyens de la requête en annulation, qui sont pris de la violation des articles 6 et 6bis de la Constitlition, le requérant soutient qu'en excluant sans la moindre motivation le personnel de «sécurité police» du bénéfice des mesures prises par le conseil communal au profit de tout le personnel communal, le collège a créé «une discrimination manifeste et une prof onde inégalité entre les agents communaux de la Ville de Liège» et que «cette différence de traitement ne repose sur aucun motif objectif ou raisonnable»; qu'il prétend justifier comme suit son préjudice grave difficilement réparable:

<<A défaut de suspension, le requérant devra en effet poursuivre son activité professionnelle et sera ainsi privé pendant de nombreux mois de son droit de cesser toute activité depuis le!.,. janvier 1990»;

Considérant que l'article 5 de la délibération du 18 décembre 1989 n'a nullement créé au profit de tous les agents communaux satisfaisant aux conditions qui y sont fixées un droit inconditionnel à la mise en disponibilité préalable à la retraite anticipée; qu'au contraire, le conseil communal avait expressément subordonné ce droit à la condition que l'agent occupe soit un emploi dont le grade est supprimé, soit un emploi dans un grade «dans lequel son départ n'occasionnerait pas directement ou indirectement un recrutement extérieur»;

Considérant que la même délibération a fixé à 898 le nombre total des membres du personnel de police parmi lesquels 33 inspecteurs principaux de lère classe; que la ville précise que, sur ces 898 emplois, 795 sont occupés et qu'environ 27 policiers ont demandé à bénéficier des possibilités de départ volontaire; qu'elle estime qu'en réduisant davantage les effectifs d'un cadre déjà incomplètement occupé, elle se fût immanquablement exposée au risque de devoir procéder à de nouveaux recrutements;

Considérant que le requérant réplique que le grade d'inspecteur principal a été supprimé et qu'à supposer même qu'il corresponde au nouveau grade d'inspecteur principal de lère classe, ce dernier grade était largement pourvu puisque l'effectif en était de 58 unités alors que le cadre en comporte 33;

Considérant que la mesure attaquée a été prise à l'égard de tout le personnel de police; qu'ainsi le collège a traité également tous les membres d'une catégorie du personnel communal qui, en raison de la nature des missions qui lui sont confiées, pouvait faire l'objet d'un traitement différent sans que l'article 6 de la Constitution fût violé;

Considérant que, dans l'état actuel du dossier, le moyen pris de la violation des articles 6 et 6bis de la Constitution ne peut être jugé sérieux;

Considérant que la demande ne satisfait pas à une des conditions imposées par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que celui-ci puisse décider de suspendre la décision attaquée,

(Rejet de la demande de suspension de l'exécution de la décision attaquée).

* * * Les arrêts n°' 34.656 et 34.657 sont identiques au n° 34.655.

N°s 34.658 et 34.659

ARRETS du 11 avril 1990(Vle Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens et Hanotiau, rapporteur, conseillers, et Mme Dagnelie, auditeur.

n° 34.658 - MEAUX (Me Bouvier) n° 34.659 - VAN TRIMPONT (id.)

cf Communauté française

1. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Priorités

1. L'administration ne peut justifier une violation de son obligation de respecter la priorité des candidats par le motif qu'elle n'a pu observer le délai réglementaire pour établir le classement correct et à jour des candidats (n° 34.658).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N°8 34.658 et 34.659

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

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2. Un rapport favorable sur les tâches d'enseignant accomplies par le requérant antérieurement à sa candidature n'est pas prévu par les dispositions qui régissent le classe­ment et l'appel en service des candidats à une désignation temporaire.

Si le chef d'établissement estime qu'il se révèle inapte à l'exercice de la fonction qui lui est confiée, il lui appartient de proposer au ministre son licenciement avec préavis en application de l'article 28 du statut du 22 mars 1969 (n° 34.658).

II. (voir n° 34.099, ill, n° 1) (n°' 34.658 et 34.659)

III et IV. (voir n° 34.398, 1 et II) (n° 34.659)

N° 34.658 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Alain Meaux qui demande l'annulation de:

1. la décision du 1er septembre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Pascal Daine en qualité de professeur de cours spéciaux (éducation musicale - degré inférieur) à raison de 18 heures par semaine à l'Athénée royal Jean d'Avesnes de Mons, du 1er au 30 septembre 1988;

2. la décision du 13 octobre 1988 par laquelle le Ministre de l'Education nationale désigne Pascal Dalne en.la même qualité et au même athénée, à raison de 2 heures 30 par semaine au degré inférieur, du 13 octobre 1988 au 30 juin 1989;

Considérant que les faits de la cause peuvent être résumés comme suit;

1. Le requérant est titulaire du diplôme de premier prix de solfège délivré le 6 juin 1978 par le Conservatoire royal de musique de Bruxelles.

Le 30 septembre 1986, il obtient le diplôme de professeur d'éducation musicale dans les établissements d'enseignement secondaire du degré inférieur, délivré par le jury d'Etat.

2. Pendant l'année scolaire 1987-1988, Alain Meaux exerce les fonctions de professeur de cours spéciaux - éducation musicale - dans l'enseignement secondaire des degrés inférieur et supérieur à l'Athénée royal Jean d'Avesnes de Mons.

3. Le 18 mai 1988, l'inspecteur Bossart rédige un rapport en conclusion duquel il note que l'intéressé ne le satisfait pas.

Le 30 juin 1988, le chef d'établissement fait lui aussi rapport sur la manière de servir d'Alain Meaux et conclut que l'intéressé ne l'a pas satisfait.

Ces deux rapports ont été notifiés au requérant, qui s'est déclaré d'accord avec leurs conclusions.

4. Par pli recommandé à la poste le 20 juin 1988, Alain Meaux pose sa candidature aux fonctions suivantes:

4. maître de cours spéciaux dans l'enseignement primaire,

8. professeur de cours spéciaux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur,

14. professeur de cours spéciaux dans l'enseignement secondaire du degré supérieur,

23. professeur de cours spéciaux dans l'enseignement supérieur,

pour les Provinces de Brabant et de Hainaut.

5. Pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de cours spéciaux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, spécialité: éducation musicale, le requérant était classé 2e pour les Provinces de Brabant et de Hainaut. Pascal Dalne ne figurait pas au classement.

6. Par le premier acte attaqué, Pascal Dalne est désigné à la fonction de professeur de cours spéciaux (éducation musicale - degré inférieur - 18 heures par semaine) à l' Athénée royal Jean d' Avesnes de Mons pour la période du 1er au 30 septembre 1988.

Le 13 octobre 1988, par le deuxième acte attaqué, le ministre désigne à nouveau le même enseignant à la même fonction (2 heures 30 par semaine) pour la période du 13 octobre 1988 au 30 juin 1989;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse répond qu'en raison de son ancienneté, le requérant pouvait prétendre aux désignations attaquées, que, toutefois, l'absence de désignation est due à l'incompétence du requérant, qui a été

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 39: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 5 N° 34.659

constatée par le chef d'établissement et par l'inspecteur, et que le requérant n'était pas mentionné au classement mais seulement au rectificatif établi après le 1er septembre de sorte qu'il n'aurait pas pu être désigné avant cette date;

Considérant qu'a~x termes de l'article 5 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969, le classement des candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat «est arrêté à la date du 1er août de l'année en cause»; que, pour opérer les désignations attaquées la partie adverse s'est basée sur le classement établi pour 1' année scolaire 1987-1988 et sur le rectificatif de ce classement; qu'elle ne peut justifier une violation de son obligation de respecter la priorité des candidats par le motif qu'elle n'a pu observer le délai réglementaire pour établir le classement correct et à jour des candidats;

Considérant qu'un rapport favorable sur les tâches d'enseignement accomplies par le requérant antérieurement à sa candidature n'est .pas prévu par les dispositions qui régissent le classement et l'appel en service des candidats à une désignation temporaire dans l'enseignement de l'Etat; qu'il n'est prévu que pour l'admission d'un candidat au stage dans la fonction pour laquelle il remplit les conditions exigées, notamment celle - prévue à l'article 33 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 - de s'être acquitté de sa tâche pendant au moins 240 jours de manière satisfaisante; que si le chef d'établissement estimait que le requérant se révélait inapte à l'exercice de la fonction qui lui avait été confiée, il lui appartenait de proposer au ministre son licenciement avec préavis de trois mois, en application de 1' article 28 du statut du 22 mars 1969; que cette proposition une fois visée par le requérant et trasmise au ministre, ce dernier aurait pu prendre une décision contre laquelle, après notification, le requérant aurait pu introduire une réclamation écrite auprès du ministre; que celui-ci n'aurait pu décider définitivement qu'après avoir pris l'avis de la chambre de recours, laquelle aurait entendu le requérant;

Considérant que les articles 24 et 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 disposent comme suit:

«Article 24. Pour chacune des fonctions de recrutement à conférer, les candidats qui ont fait régulièrement acte de candidature et qui remplissent les conditions requises sont classés d'après les règles fixées par le Roi».

«Article 25. Les candidats à une désignation à titre temporaire sont appelés en service dans l'ordre de leur classement et compte tenu des préférences qu'ils ont exprimées quant à la province»;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par les décisions attaquées, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient au requérant;

Considérant que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision du 1er septembre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Pascal Dalne en qualité de professeur de cours spéciaux (éducation musicale - degré inférieur) à raison de 18 heures par semaine à !'Athénée royal Jean d' Avesnes de Mons, du 1er au 30 septembre 1988, et de la décision du 13 octobre 1988 par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Pascal Daine en la même qualité et au même athénée, à raison de 2 heures 30 par semaine au degré inférieur, du 13 octobre 1988 au 30 juin 1989 - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.659 Vu la requête introduite le 3 novembre 1988 par Ghislaine Van Trimpont qui demande l'annulation de:

1. la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Marie-Hélène Renard à la fonction de professeur de cours généraux (langues modernes - degré inférieur) pour un horaire complet à !'Athénée royal d'Ath à partir du 20 septembre 1988;

2. la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Agnès Lazar à la fonction de professeur de cours généraux (langues modernes - degré inférieur) pour 6 heures par semaine à l'Ecole de promotion sociale de l'Etat à Flobecq à partir du 1er septembre 1988;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeurs de cours généraux dans l'enseignement secondaire du degré inférieur, groupe des agrégés de l'enseignement secondaire inférieur en langues modernes, Ghislaine Van Trimpont occupait, pour la Province de Hainaut, la 89e place avec 9 candidatures tandis que Marie-Hélène Renard était classée 114e avec 7 candidatures et qu'Agnès Lazar n'y figurait pas; que ce sont néanmoins celles-ci qui ont obtenu les deux désignations attaquées; que la requérante a été désignée pour une charge de cours de 13 heures par semaine à !'Athénée royal d'Ath à partir du 30 septembre 1988; que, le 13 janvier 1989, elle a obtenu un horaire complet alors que la charge de cours de Marie-Hélène Renard a été réduite à 13 heures par semaine;

Considérant que la requérante a bénéficié d'une désignation pour un horaire complet à partir du 13 janvier 1989; qu'elle n'a dès lors intérêt à l'annulation que de la désignation d'Agnès Lazar pour la période du 1er septembre au 20 septembre 1988 et de celle de Marie-Hélène Renard pour la période du 20 septembre 1988 au 13 janvier 1989; que le recours n'est recevable que dans cette mesure;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.659

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

Page 6

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant qu'il ressort du classement précité que, par les décisions attaquées, la partie adverse a méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient à la requérante; que le moyen est fondé; que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, la désignation pour un horaire complet, dont a bénéficié Ghislaine Van Trimpont à partir du 13 janvier 1989 ne lui a pas fait perdre, sauf dans la mesure indiquée ci-avant, son intérêt à attaquer les désignations qui ont entraîné pour elle une perte de traitement et d'ancienneté,

(Annulation de la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de l'Education nationale désigne Agnès Lazar à la fonction de professeur de cours généraux (langues modernes - degré inférieur) pour 6 heures par semaine à l'Ecole de promotion sociale de l'Etat à Flobecq du 1er 1988 au 20 septembre 1988, et de la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de l'Education nationale désigne Marie-Hélène Renard à la fonction de professeur de cours généraux (langues modernes - degré inférieur) pour un horaire complet à l'Athénée royal d' Ath du 20 septembre 1988 au 13 janvier 1989 - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.660 ARRET du 11 avril 1990 (VIe Chambre)

FEUR: désistement.

N° 34.661 ARRET du 11. avril 1990 (VIe Chambre)

MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Bouvier, auditeur.

THIBAUT c/ Régie des postes

NOTION D'ACTE (SUSCEPTIBLE DE RECOURS) - Constatation

La lettre qui se borne à constater une situation acquise et ses conséquences ne modifie pas la situation juridique du destinataire et n'est pas un acte susceptible d'annulation.

Vu la requête introduite le 13 avril 1988 par Armand Thibaut, percepteur principal à Châtelineau, qui demande l'annulation de la décision lui refusant le classement qui lui revenait en application de l'article 64 de l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat, avant sa modification par l'arrêté royal du 13 juillet 1987;

Considérant que les faits de la cause peuvent être résumés comme suit:

1. Le requérant, précédemment percepteur des postes A, est nommé, par promotion, au grade d'inspecteur (rang 10) par un arrêté ministériel du 25 février 1983. Son ancienneté de grade est fixée au 1er mai 1982.

2. MM, Bellens et consorts (en tout quatorze personnes) sont admis au stage dans des emplois d'inspecteur par arrêté ministériel du 24 mars 1982. Leur ancienneté de grade est fixée au 1er mars 1982.

Ces agents sont nommés au grade d'inspecteur par un arrêté ministériel du 6 juillet 1983.

3. Au bénéfice de la dérogation d'ancienneté visée à l'article 60, § le', deuxième alinéa, de l'arrêté royal du 7 août 1939 organisant le signalement et la carrière des agents de l'Etat, huit inspecteurs nommés le 6 juillet 1983, MM. Dubois et consorts, sont promus au grade de percepteur principal (rang 11) par arrêté ministériel du 26 septembre 1984. Leur ancienneté de grade est fixée au 1er septembre 1984. Ces nominations sont portées à la connaissance du personnel le 5 octobre 1984.

4. Le requérant est promu au grade de percepteur principal le 26 septembre 1985. Son ancienneté de grade est fixée au 1er septembre 1985.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 7 N° 34.661

5. Par une lettre adressée le 27 août 1987 au directeur général Herdewyn, le requérant demande «le rétablissement de (son) classement statutaire (. . .) avec prise de rang, pour le rang 11, au 1er septembre 1984 au lieu du r· septembre 1985».

A l'appui de sa demande, il invoque l'arrêt Doyen, n° 26.576 du 28 mai 1986, cité dans le préambule de l'arrêté royal du 13 juillet 1987, modifiant l'arrêté royal du 2 octobre 1937, déjà cité. Ce préambule contient la justification suivante:

«Considérant que, selon une pratique administrative, les services effectifs quel' agent avait prestés en qualité de stagiaire avant sa nomination à titre définitif, étaient pris en considération pour le calcul de son ancienneté de grade et de niveau, alors que, selon les articles 28, 64 et 65 du statut des agents de l'Etat, la période de stage ne peut être prise en compte pour le calcul de cette ancienneté (arrêt du Conseil d'Etat, section d'administration, n° 26576 du 28 mai 1986, en cause Doyen);

»Considérant qu'il est opportun de compter la période de stage parmi les périodes qui sont prises en considération pour déterminer l'ancienneté de grade et de niveau de l'agent; qu'il convient de modifier en conséquence l'article 64 du statut des agents de l'Etat».

6. Le 18 février 1988, le directeur général Herdewyn répond au requérant ce qui suit:

«La situation dénoncée dans votre lettre réf. AT!ab/2600 et qui est apparue à la lecture de l'arrêt n° 26.576 du Conseil d'Etat (en cause Doyen) a fait l'objet d'un examen attentif à l'intervention du service juridique de la Régie des Postes.

»Selon les conclusions, «il ne semble pas être possible de vous donner satisfaction car vous n'avez pas intenté de recours dans les délais prescrits pour être classé avant les agents de recrutement direct pour les nominations au rang 11».

»En conséquence, votre classement actuel par rapport aux fonctionnaires de recrutement direct est maintenu».

Le requérant voit dans cette lettre la décision attaquée;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, le requérant croit devoir définir en ces termes l'objet de son recours:

«Le requérant insiste pour signaler qu'il ne s'agit en aucun cas dans ce recours d'obtenir l'annulation des nominations de MM. Dubois et consorts au 1er septembre 1984.

»De plus, il ne s'agit pas non plus d'une demande en vue d'obtenir une rétroactivité à sa nomination à cette même date.

»Le recours introduit a uniquement pour but de demander le redressement d'une erreur administrative.

»Ce principe ne doit pas être confirmé ou infirmé selon les circonstances car les articles 1382 et 1383 du Code civil sont assez explicites à ce sujet:

»Art. 1382. Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

»Art. 1383. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

»Ils' ensuit, par l'application de ces articles, que la «Culpa Levissima» suffit à engager la responsabilité de l'administration sans que le requérant lésé doive démontrer l'existence d'une faute»;

Considérant que si tel était bien l'objet du recours, celui-ci échapperait à la compétence du Conseil d'Etat pour relever de celle des cours et tribunaux de l'ordre judiciaire; que, toutefois, dans son dernier mémoire, le requérant reprécise cet objet dans les termes suivants:

«Il insiste sur le fait qu'il n'a pas attaqué les nominations de MM. Dubois et consorts en 1984 car à la Régie des Postes, comme d'ailleurs dans la pratique administrative des autres ministères, les services prestés en qualité de stagiaire avant la nomination à titre définitif étaient toujours pris (par erreur) en considération pour le calcul de l'ancienneté de grade et de niveau. Les services administratifs concernés de la Régie, contactés à l'époque, avaient d'ailleurs confirmé cette pratique.

»Il insiste également sur le fait. qu'il ne prétend pas remettre en cause des actes administratifs et qu'il n'entend pas non plus faire rétroagir d'une année sa propre nomination au grade d'inspecteur principal.

»Il s'agit uniquement en l'occurrence d'àbtenir son reclassement fictif avant les agents ex-stagiaires pour préserver ses droits lors d'une promotion future au rang 12.»;

Considérant que le Conseil d'Etat n'a pas non plus compétence pour ordonner le «reclassement fictif» du requérant en vue d'une promotion future; qu'il lui appartient seulement d'examiner, ainsi que la requête l'y invitait, si l'auteur de la lettre du 18 février 1988 n'a pas excédé ses pouvoirs en refusant de faire droit à la demande de «rétablissement de (son) classement statutaire», que le requérant lui avait adressée le 27 août 1987; qu'il convient toutefois de vérifier au préalable et d'office si la lettre du 18 février 1988 relate bien un acte susceptible d'annulation et si, par suite, le recours est recevable;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 42: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

N° 34.661

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

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Considérant qu'il n'est ni contestable ni contesté que, sur la base de l'article 64 de l'arrêté royal du 2 octobre 1937, tel qu'il était en vigueur à l'époque, le requérant a été illégalement dépassé dans le grade de percepteur principal par MM. Dubois et consorts, dont l'ancienneté dans le grade d'inspecteur avait, à tort, été jugée supérieure à la sienne; que si l'article 64 avait été correctement appliqué en son temps, le requérant serait donc, comme il le soutient, plus ancien dans le rang 11 que les fonctionnaires prénommés; que, cependant, ceux-ci ont pris rang en vertu de décisions qui sont aujourd'hui définitives et qui leur ont conféré des droits; que l'auteur de la lettre du 18 février 1988 ne pouvait que constater cette situation acquise et ses conséquences; qu'une telle constatation n'est pas un acte susceptible d'annulation car elle ne modifie en rien la situation juridique de celui qui en est l'objet; que le recours n'est donc pas recevable,

(Rejet de la requête - dépens à charge du requérant).

N° 34.662

ARRET du 11 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Salmon, premier auditeur.

S.P.R.L. VEN (Me Quackels) c/ Office belge du commerce extérieur (Me Bourtem­bourg) et Etat belge représenté par le ministre des Relations extérieures et par le ministre du Commerce extérieur

I. PROCEDURE - Requête - Désignation de la partie adverse - Autorité étrangère à l'acte attaqué

Le ministre des Relations extérieures, dont les attributions ne comprennent pas le contrôle de !'Office belge du commerce extérieur, n'est pas partie adverse au recours en annulation d'un acte de cet office.

II. PROCEDURE - Requête - Délai - Point de départ - Connaissance - Généralités III. OFFICE BELGE DU COMMERCE EXTERIEUR - Règlements

Le délai de recours en annulation d'un règlement pris par le conseil d'administration de !'Office belge du commerce extérieur commence à courir au moment où le requérant en a connaissance.

IV. NOTION D'ACTE (SUSCEPTIBLE DE RECOURS) - Actes, décisions, mesures - Décision confirmative

Le rappel d'une information déjà largement diffusée n'est pas un acte susceptible d'annulation par le Conseil d'Etat.

V. NOTION D'ACTE (SUSCEPTIBLE DE RECOURS) - Information

Une simple information n'est pas susceptible d'annulation.

Vu la requête introduite le 1er juillet 1988 par la société de personnes à responsabilité limitée VEN, représentée par son gérant M. Rodric Norman, qui demande l'annulation de «la décision prise le 12 septembre 1986 par le conseil d'administration de l' Office belge du Commerce extérieur et des décisions individuelles prises à l'encontre de la requérante les 21 avril, 29 avril et 9 juin»;

Considérant que !'Office belge du Commerce extérieur (0.B.C.E.) est un organisme d'intérêt public de la catégorie B; que, selon l'article 2 de la loi du 16 juillet 1948 créant un établissement public dénommé Office belge du Commerce extérieur, le pouvoir de contrôle sur cet office est exercé par le Ministre qui a le Commerce extérieur dans ses attributions; que le Ministre des Relations extérieures doit être mis hors de cause;

Considérant que la décision attaquée en premier lieu a été prise par le conseil d'administration de l'O.B.C.E. en vue de combler un déséquilibre budgétaire sans recourir au Fonds de réserve; qu'elle est relatée en ces termes dans le procès-verbal de la réunion du 12 septembre 1986:

«M. Servotte rappelle que le conseil avait chargé la direction générale d'examiner la possibilité de renoncer à recourir au Fonds de réserve et, compte tenu des compressions déjà envisagées au niveau des dépenses de personnel et de fonctionnement, de combler en tout ou en partie le déséquilibre budgétaire escompté par une majoration de recettes.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 9 N° 34.662

»La majoration proposée est envisagée, d'une part, par l'ouverture de la publication 1CE/BBH à la publicité (40.000 Fla page) et, d'autre part, par l'instauration d'un système de rétribution des services prestés par l'O.B.C.E. (5.000 Flan pour les PME et 10.000 Flan pour les autres entreprises).

»Si l'on part de l'hypothèse raisonnable qu'il y aurait 4.000 souscripteurs, le gain net découlant de ces mesures peut être chiffré à± 17 millions F - le maintien de l'équilibre budgétaire suppose, en conséquence, un recours au Fonds de réserve à raison de ± 4 millions F.

»M. Vandeputte ne s'oppose pas à une contribution financière accrue du secteur privé, mais souhaite, toutefois, qu'il soit clairement expliqué aux entreprises ce que comportent précisément les services fournis par l'O.B.C.E. Il se pose, néanmoins, la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux privatiser les publications pour qu'elles atteignent un rendement maximal.

»Après un échange de points de vue à ce sujet, le conseil marque son accord sur les propositions de la direction générale et fixe le montant de la rétribution annuelle des services prestés par l' O.B.C.E. à 5.000 F.B. pour les PME et à 10.000 pour les autres entreprises, avec instauration, toutefois, d'une période d'essai de douze mois»;

que le Secrétaire d'Etat au Commerce extérieur et le Ministre des Communications et du Commerce extérieur ont marqué leur accord sur cette décision respectivement le 6 novembre 1986 et le 21 novembre 1986;

Considérant que la décision attaquée en deuxième lieu est relatée dans un téléfax daté du 21 avril 1988 et libellé comme suit:

«Messieurs,

»le me réfère à votre fax du 19 avril concernant le salon de l'emballage à Paris.

»Les firmes qui désirent participer dans un stand collec.tif belge organisé par l'O.B.C.E. doivent, en effet, avoir payé la cotisation annuelle pour les services de l'O.B.C.E. Je ne puis que confirmer cette obligation.

»Veuillez agréer, ... »;

Considérant que la requérante voit l'acte attaqué en troisième lieu dans un lettre circulaire du 28 avril 1988 qui se rapporte à l'organisation d'une «mission thématique officielle» en Bulgarie; que cette lettre signale que la participation à cette mission implique «que votre firme ait payé la rétribution telle qu'elle a été instaurée depuis le 1"" janvier 1987»;

Considérant que la requérante voit l'acte attaqué en quatrième lieu dans une lettre du 9 juin 1988 adressé à Monsieur R. Norman, gérant de la S.P.R.L. VEN et libellée comme suit:

«Monsieur,

»Concerne: vos relations avec l'O.B.C.E.

votre lettre du 9 mai 1988, réf: RHN!dm

ma lettre du 29 avril 1988

»le me réfère à votre lettre en rubrique reçue le 23 mai.

»Sous ce pli, je vous transmets un avis aux exportateurs relatif à la rétribution pour les services rendus par l'O.B.C.E. en 1988. .

»La liste des prestations assujetties à rétribution étant limitative, les services qui n'y sont pas énumérés ne sont donc pas soumis à cette redevance. Ces services non soumis à rétribution sont très divers et mal définissables mais pour avoir eu recours à maintes reprises à l'O.B.C.E. vous savez depuis longtemps que ses agents s'efforcent, dans la mesure de leurs moyens, de rencontrer toutes les préoccupations des exportateurs que ce soit par des réponses quotidiennes ou occasionnellement par des démarches qui, extraordinaires par leur enjeu, doivent demeurer exceptionnelles.

»le songe, quant aux premières, aux multiples renseignements communiqués téléphoniquement par les services de l'O.B.C.E. et quant aux secondes notamment à l'assistance que !'Ambassade de Belgique en Inde et l'O.B.C.E. accordèrent par le passé à votre entreprise.

»le vous prie d'agréer, ... »;

Considérant que la partie adverse oppose au recours diverses fins de non-recevoir;

Considérant que la décision prise le 12 septembre 1986 par le conseil d'administration de 1'0.B.C.E. de fixer un nouveau règlement financier de l'office a fait l'objet d'une protestation du gérant de la requérante dans une lettre du 2 janvier 1987; que c'est donc à cette date au plus tard que la requérante a eu connaissance de la décision attaquée en premier lieu; qu'en tant qu'il a cette décision pour objet, le recours est tardif et donc irrecevable;

Considérant que, dans son dernier mémoire, la requérante persiste à soutenir que le téléfax du 21 avril 1988 lui a bien été adressé à elle, «à l'attention de Monsieur Rodric Norman», et non à la S.P.R.L. Rodric Norman; qu'elle reconnaît donc avoir reçu notification de l'acte attaqué en deuxième lieu plus de soixante jours avant l'introduction de sa requête; qu'en tant qu'il a cette décision pour objet, le recours est tardif et par suite non recevable;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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'j (i 1 l.

N° 34.662

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

Page 10

Considérant que l'acte attaqué en troisième lieu a trait à une mission en Bulgarie, du 17 au 21 octobre 1988; qu'il s'agit d'une lettre circulaire qui, si elle porte sur une activité différente de l'objet du téléfax du 21 avril 1988, ainsi que la requérante le fait observer dans son dernier mémoire, ne lui fait grief que dans la mesure où elle rappelle la décision de principe selon laquelle la participation à cette activité est subordonnée, elle aussi, à l'acquittement de «la rétri.bution telle qu'elle a été instaurée depuis le 1ei· janvier 1987»; que ce simple rappel d'une information déjà largement diffusée, notamment auprès de la requérante, n'est pas un acte susceptible d'annulation par le Conseil d'Etat; qu'en son troisième objet, le recours n'est pas recevable;

Considérant que la lettre du 9 juin 1988 ne relate pas davantage une décision nouvelle de l'O.B.C.E.; qu'en réponse à une correspondance par laquelle la requérante demandait «quels sont les services non assujettis à rétribution», elle accompagne un «avis aux exportateurs relatifs à la rétribution pour les services rendus par l'O.B.C.E. en 1988», en précisant que «la liste des prestations assujetties à rétribution étant limitative, les services qui n'y sont pas énumérés ne sont donc pas soumis à cette redevance»; qu'il n'y a là qu'une information de plus et non, par conséquent, un acte susceptible d'annulati9n; qu'en son quatrième objet, le recours n'est pas recevable,

(Mise hors de cause du Ministre des Relatü'ms extérieures - rejet de la requête - dépens à charge de la partie requérante).

N°8 34.663 à 34.667

ARRETS du 11 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Piésident du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur (n°s 34.663, 34.664, 34.666 et 34.667), et Mme Dagnelie, auditeur (n° 34.665).

n° 34.663 - FELLER (Me George) n° 34 .. 664 ----: LALLEMAND (Me Bouvier) n° 34.665 - DETRIER (Mes George et Lambrechts) n° 34.666 - CARETTE (Me George) n° 34.667 - DELALLEAU (Me George)

c/ Communauté française

1. (voir n° 34.028, I) (n°s 34.663, 34.665 et 34.666)

~ II. (voir n~ (n°s 34.663 et 34.664)

III et IV. (voir n 34.296, I et II) (n°s 34.663 èt 34.664)

V. (voir n° 34.593, VI) (n°s 34.663 et 34.667)

VI. (voir n° 34.099, III, n° 1) (n° 34.664)

VII. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Priorités

Le recours en annulation de la décision ministérielle implicite refusant de désigner un enseignant à une fonction déterminée ne peut être accueilli lorsque la désignation faite à cette fonction a été annulée sur le recours d'un autre enseignant mieux classé que le requérant (n° 34.665)

VIII. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Recours au Conseil d'Etat - Intérêt

1. Un enseignant a intérêt à poursuivre l'annulation de la désignation d'un autre enseignant à une fonction qu'il a postulée, même s'il a été désigné pour la même période à une autre fonction qu'il n'avait pas postulée (n° 34.667).

2. Cet arrêtés' étend aux prorogations de la même désignation, à l'occasion desquelles le ministre avait le devoir de vérifier si elles ne méconnaissaient pas à leur tour la priorité dont bénéficiait le requérant (n° 34.667).

N° 34.663 Vu la requête introduite le 4 novembre 1988 par Renée Feller qui demande l'annulation des décisions

ministérielles:

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 11 N° 34.664

- du 31 août 1988 désignant Eliane Willems du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988 à l' Athénée royal de Soumagne comme professeur de langues germaniques;

- du 31 août 1988 désignant Anne Dispas du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988 au Lycée d'Etat de Beyne-Heusay comme professeur de langues germaniques;

- du 20 septembre 1988 désignant Danièle Flechet du 19 septembre 1988 au 15 octobre 1988 au Lycée d'Etat de Blégny comme professeur de langues germaniques (horaire complet) et

corrélativement de la décision implicite de ne pas la désigner malgré la priorité qu'elle pouvait faire valoir;

Considérant que, pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de langues modernes dans l'enseignement secondaire inférieur pour la Province de Liège, Renée Feller était quinzième, tandis que Anne Dispas, Danièle Flechet et Eliane Willems étaient respectivement quarante et unième, soixante-septième et septante-neuvième; que ces dernières furent désignées respectivement à Beyne-Heusay pour quatorze heures du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, à Blégny pour un horaire complet du 19 septembre 1988 au 15 octobre 1988 et à Soumagne pour vingt-deux heures du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988; que la requérante obtiendra une charge de vingt-deux heures à l'Athénée royal de Seraing du 11 au 17 octobre 1988 et ensuite au Lycée d'Etat de Crisnée du 6 décembre 1988 au 30 juin 1989;

Considérant que la désignation d'Eliane Willems à l'Athénée royal de Soumagne a été annulée par l'arrêt n° 34.248 du 28 février 1990; qu'en tant qu'il poursuit l'annulation de cette même désignation, le recours de Renée Feller a perdu son objet;

Considérant, sur la fin de non-recevoir déduite de la tardiveté prétendue de la requête, que la partie adverse, à qui cette preuve incombe, n'établit pas que la requérante aurait eu connaissance plus de soixante jours avant l'introduction de sa requête des désignations attaquées, qui ne devaient être ni publiées ni notifiées à la requérante;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation des articles 24 et 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat, qui accordent au candidat qui est le mieux classé une priorité pour être désigné à une fonction d'enseignant temporaire, et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse s'est abstenue de répondre au moyen;

Considérant que les désignations attaquées ont méconnu la priorité que les dispositions invoquées au moyen accordaient à la requérante, mieux classée que Anne Dispas et Danièle Flechet; que le moyen unique est fondé; que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, les désignations que la requérante a obtenues ultérieurement ne lui ont pas fait perdre son intérêt à l'annulation de décisions qui lui ont fait subir une perte de traitement et d'ancienneté;

Considérant que la requérante ne précise pas la fonction dans laquelle le refus implicite de la désigner devrait être annulé; qu'en son quatrième objet, le recours n'est pas recevable,

(Non lieu de statuer sur la requête en tant qu'elle est dirigée contre la désignation d'Eliane Willèms -annulation de la décision ministérielle du 31 août 1988 qui désigne Anne Dispas comme professeur de langues germaniques au Lycée d'Etat de Beyne-Heusay du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988 pour une charge de quatorze heures, et de la décision ministérielle du 20 septembre 1988 qui désigne Danièle Flechet comme professeur de langues germaniques au Lycée d'Etat de Blégny du 19 septembre 1988 au 15 octobre 1988 pour un horaire complet - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.664 Vu la requête introduite le 17 janvier 1989 par Nicole Lallemand qui demande l'annulation de la décision

ministérielle du 9 septembre 1988 désignant Huguette Felix à la fonction d'éducateur externe à l'Athénée royal de Liège 1 pour la période du 2 septembre 1988· au 15 octobre 1988;

Considérant que la requérante est agrégée de l'enseignement secondaire inférieur, section sciences­géographie; que pour l'année scolaire 1987-1988, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de surveillant-éducateur, elle était classée, pour la Province de Liège, 401e avec 9 candidatures; que, par l'acte attaqué, Huguette Felix a été désignée comme surveillante-éducatrice externe à l' Athénée royal de Liège 1 du 2 septembre 1988 au 15 octobre 1988 bien qu'elle n'eût pas fait acte de candidature à cette fonction;

Considérant, sur la première fin de non-recevoir déduite par la partie adverse de la tardiveté de la requête, que la décision attaquée ne devait être ni publiée ni notifiée à la requérante; que la partie adverse, à qui cette preuve incombe, n'établit pas que la requérante en aurait eu connaissance plus de soixante jours avant l'introduction de la requête; que celle-ci est recevable de ce point de vue;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.664

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

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Considérant, sur la deuxième fin de non-recevoir soulevée par la partie adverse, que la requérante n'a pas perdu intérêt à son recours du fait des désignations dont elle a bénéficié comme professeur à l'I.T.E. de Spa du 17 novembre 1988 au 13 février 1989 et à !'Athénée royal de Fragnée du 16 février 1989 au 24 mars 1989 car ces désignations, notamment en raison des périodes sur lesquelles elles ont porté, ne peuvent entrer en compensation avec le préjudice que lui a causé celle qui lui a échappé; que la deuxième fin de non-recevoir ne peut être retenue;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse s'est abstenue de répondre au moyen;

Considérant qu'en méconnaissant la priorité que son classement conférait à la requérante, la partie adverse a violé les dispositions invoquées au moyen; que celui-ci est fondé,

(Annulation de la décision du 9 septembre 1988 pat laquelle le Ministre de !'Education nationale désigne Huguette Felix à la fonction d'éducateur externe à l'Athénée royal de Liège 1 du 2 septembre 1988 au 15 octobre 1988 - dépens à charge de la partie adverse).

* * *

N° 34.665 Vu la requête introduite le 16 novembre 1988 par Jacqueline Dethier qui demande l'annulation:

1. de la décision ministérielle du 9 septembre 1988 désignant Huguette Felix à la fonction d'éducateur externe à !'Athénée royal de Liège 1 à partir du 2 septembre 1988;

2. de la décision ministérielle implicite refusant de la désigner à cette fonction;

Considérant que la désignation attaquée a été annulée pat l'arrêt n° 34.664 prononcé ce jour; qu'il n'y a plus lieu de statuer sur le premier objet du recours;

Considérant qu'au classement de 1987-1988 des candidats du premier groupe à la fonction de surveillant­éducateur, la requérante était, pour la Province de Liège, huit cent vingt-neuvième avec quatre candidatures, tandis que Nicole Lallemand, à la requête de laquelle l'annulation de la désignation de Huguette Felix a été prononcée, était quatre cent unième avec neuf candidatures; que, bien que Nicole Lallemand n'ait pas demandé l'annulation du refus implicite de la désigner dans la fonction illégalement attribuée à Huguette Felix, la priorité dont elle jouissait par rapport à la requérante empêche de faire droit au deuxième objet de la requête,

(Non lieu de statuer sur la demande d'annulation de la désignation de Huguette Felix à la fonction d'éducateur externe à l'Athénée royal de Liège 1 à partir du 2 septembre 1988 - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

* * * L'arrêt n° 34.666 est identique au n° 34.665.

* * *

N° 34.667 Vu la requête introduite le 2 décembre 1988 pat Françoise Delalleau qui demande l'annulation des décisions

ministérielles: ·

1. du 26 septembre 1988 désignant Patricia Nicolas en qualité de professeur d'histoire (degré inférieur, 23 heures pat semaine) à !'Athénée royal «Air pur» de Seraing, du 19 septembre 1988 au 15 octobre 1988;

2. du 8 août 1988 désignant Jean-Luc Brackmeyn en qualité de professeur de français (degré inférieur, 22 heures par semaine) au Lycée d'Etat d'Ougrée, du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988;

3. du 17 août 1988 désignant Françoise Cornet en qualité de professeur d'histoire (degré inférieur, 22 heures pat semaine) à l'Athénée royal de Liège 2, du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988;

et «corrélativement (de) l'absence de désignation temporaire de la requérante à une fonction de professeur de français ou d'histoire pour la présente année scolaire 1988-1989»;

Considérant que la requérante, agrégée de l'enseignement secondaire du degré inférieur en langue maternelle, option morale, pouvait se prévaloir de la onzième place, avec treize candidatures, au classement des candidats du

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 47: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 13 N° 34.668

premier groupe à une désignation à titre temporaire pour la Province de Liège (année scolaire 1987-1988), tandis qu'au même classement, Patricia Nicolas était vingt-huitième, Jean-Luc Brackmeyn trente-neuvième et Françoise Cornet quarante-septième; que la requérante a obtenu, du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, à l'Etablissement d'enseignement spécial secondaire de l'Etat à Verviers une charge complète non postulée de professeur de morale et ensuite, du 28 novembre 1988 au 30 juin 1989, une charge incomplète de douze heures de morale et de français dans le même établissement; que Patricia Nicolas, Jean-Luc Brackmeyn et Françoise Cornet ont obtenu un horaire complet de français ou d'histoire, respectivement à Seraing, à Ougrée et à Liège 2, la première du 19 septembre 1988 au 15 octobre 1988, les deux autres du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988; que tous trois ont vu leur désignation prorogée jusqu'au 30 juin 1989 par des décisions ministérielles du 12 octobre 1988, dont, en réplique, la requérante demande également l'annulation ;

Considérant que la partie adverse conteste l'intérêt de la requérante à son recours; qu'elle soutient que, pour la période du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, la requérante avait été désignée pour une charge complète, si bien que seules les prorogations des désignations attaquées ont pu lui faire grief; que le ministre relève que le préjudice que subit la requérante est «généré» par l'absence de prorogation de la désignation initiale dont elle était bénéficiaire alors que les prorogations de désignations sont «en fait» des actes administratifs collectifs, déclaratifs de droit, par lesquels il constate qu'après examen du nombre d'élèves inscrits, les désignations à titre temporaire précédemment effectuées restent «objectivement pertinentes, eu· égard au bon fonctionnement du service public d'enseignement»;

Considérant que la requérante a un intérêt manifeste à attaquer les désignations faites pour la période du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988 car, s'il est vrai qu'elle a obtenu un horaire complet pour cette période, c'est dans une charge de morale qu'elle n'avait pas postulée, alors que Patricia Nicolas, Jean-Luc Brackmeyn et Françoise Cornet ont été désignés dans des charges de français ou d'histoire qu'elle avait postulées; que cet intérêt s'étend aux prorogations des mêmes désignations, prorogations à l'occasion desquelles le ministre avait au surplus le devoir de vérifier si elles ne méconnaissaient pas à leur tour la priorité dont bénéficiait la requérante; que la fin de non-recevoir ne peut être retenue;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation des articles 24 et 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat, en ce que les décisions attaquées méconnaissent la priorité dont elle bénéficiait;

Considérant que la partie adverse répond que «lors de la rentrée scolaire, le droit de priorité de la requérante a été respecté» et que «les dispositions réglementaires ont été respectées»;

Considérant que la priorité de la requérante par rapport aux trois enseignants dont elle critique la désignation est certaine et d'ailleurs non contestée; que, pour les raisons exposées à propos de la fin de non-recevoir soulevée par la partie adverse, cette priorité a été méconnue même pour la période du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988; que le moyen unique est fondé; qu'il doit entraîner l'annulation des désignations attaquées et des décisions ministérielles du 12 octobre 1988 en tant qu'elles prorogent ces désignations jusqu'au 30 juin 1989;

Considérant qu'en ce qu'elle tend à l'annulation de «l'absence de désignation temporaire de la requérante à une fonction de professeur de français ou d'histoire pour ... l'année scolaire 1988-1989», la requête ne vise pas le refus de la désigner à une charge précise; que faute de cette précision, elle n'est pas recevable quant à cet objet,

(Annulation de la décision du 26 septembre 1988 par laquelle le Ministre de l'Education nationale désigne Patricia Nicolas en qualité de professeur d'histoire (degré inférieur, 23 heures par semaine) à l'Athénée royal <<Air pur» de Seraing, du 19 septembre 1988 au 15 octobre 1988, de la décision du 8 août 1988 par laquelle le Ministre de l'Education nationale désigne Jean-Luc Brackmeyn en qualité de professeur de français (degré inférieur, 22 heures par semaine) au Lycée d'Etat d'Ougrée, du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, de la décision du 17 août 1988 par laquelle le Ministre de l'Education nationale désigne Françoise Cornet en qualité de professeur d'histoire (degré inférieur, 22 heures par semaine) à l'Athénée royal de Liège 2, du 1er septembre 1988 au 15 octobre 1988, et des décisions du 12 octobre 1988 du Ministre de l'Education nationale en tant qu'elles prorogent jusqu'au 30 juin 1989 les désignations précitées - rejet de la requête pour le surplus - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.668

ARRET du 11 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Mme Dagnelie, auditeur.

DETRAUX (Mes George et Lambrechts) c/ Communauté française

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT ~ 1990

Page 48: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

N° 34.668

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

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PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Sélection - Désignation temporaire à une fonction de sélection

1. La désignation temporaire à une fonction de sélection n'est explicitement réglée par aucune des dispositions du statut des membres du personnel enseignant de l'Etat. Le ministre tire le pouvoir de procéder à une telle désignation de la responsabilité qui lui incombe d'assurer le fonctionnement régulier du service public de l'enseignement.

Celui qu'il a désigné sans limitation de durée reste en fonction sauf s'il a fait la preuve de son inaptitude ou s'il doit céder la place à un enseignant qui postule celle-ci et qui bénéficie d'une priorité pour l'occuper, c'est-à-dire qui invoque un droit à la réaffectation, à la mutation ou à la promotion ou qui démontre une aptitude nettement supérieure.

2. Une ancienneté de service plus grande n'emporte pas la preuve d'une aptitude nettement supérieure d'un enseignant par rapport à un autre.

3. Le fait qu'un autre enseignant remplisse une des conditions requises pour être nommé à la fonction de sélection et que le requérant ne remplisse pas cette condition, ne suffit pas à donner à l'autre enseignant un droit à la promotion ou à prouver une aptitude nettement supérieure à celle du requérant .

... Alors spécialement que le ministre n'a pas fait état de cette circonstance.

Vu la requête introduite le 5 décembre 1988 par Philippe Detraux qui demande l'annulation:

1. de la décision ministérielle du 30 septembre 1988, notifiée le 4 octobre 1988, mettant fin à ses fonctions d'éducateur-économe aux cours de promotion sociale de l'Etat à Soumagne;

2. de la décision ministérielle du 30 septembre 1988, notifiée elle aussi le 4 octobre 1988, désignant Michel Denayer à la fonction d'éducateur-économe aux cours de promotion sociale de l'Etat à Soumagne en remplacement du requérant;

Considérant que Philippe Detraux, surveillant-éducateur aux cours de promotion sociale de l'Etat à Soumagne, était, depuis février 1987, responsable de la comptabilité; que, par une lettre du 6 mai 1988, il a été avisé de sa désignation par le ministre à la fonction d'éducateur-comptable (lire: «éducateur-économe») à raison de cinq heures par semaine, à titre temporaire et <<jusqu'à solution statutaire»; qu'une lettre du 4 octobre 1988 l'a averti que le ministre avait mis «fin à (son) mandat d'éducateur chargé de la comptabilité aux cours de promotion sociale de l'Etat à Soumagne»; que, le 30 septembre 1988, le ministre a désigné Michel Denayer à la même fonction «en remplacement» du requérant;

Considérant, sur la fin de non-recevoir déduite par la partie adverse de la tardiveté prétendue de la requête, que celle-ci a été recommandée à la poste, c'est-à-dire introduite, le 5 décembre 1988, date que la partie adverse désigne elle-même, à juste titre, comme étant le dernier jour du délai, le 4 étant un dimanche; que le 6 décembre 1988, date de la réception de la requête au Conseil d'Etat, est retenu à tort par la partie adverse comme la date d'introduction du recours; que celui-ci est recevable;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de l'absence de motif légal de la décision attaquée;

Considérant que la partie adverse répond que «la motivation de Monsieur le Ministre, qui, par ailleurs, ne doit pas être exprimée explicitement, apparaît clairement de l'examen des états de service comparés de Messieurs Detraux et Denayer, ce dernier, de par ses fonctions, à titre principal, d'éducateur et d'économe à l' Athénée royal à Soumagne, (pouvant) se prévaloir d'une ancienneté au service de l'Etat de loin supérieure à celle du requérant»;

Considérant que la désignation temporaire à la fonction de sélection d'éducateur-économe n'est explicitement réglée par aucune des dispositions du statut des membres du personnel de l'enseignement de l'Etat; que le ministre tire le pouvoir de procéder à une telle désignation de la responsabilité qui lui incombe d'assurer le fonctionnement régulier du service public de l'enseignement; que celui qu'il a désigné sans limitation de durée reste en fonction sauf s'il a fait la preuve de son inaptitude ou s'il doit céder la place à un enseignant qui postule celle-ci et qui bénéficie d'une priorité pour l'occuper, c'est-à-dire qui invoque un droit à la réaffectation, à la mutation ou à la promotion ou qui démontre une aptitude nettement supérieure;

Considérant qu'une ancienneté de service plus grande n'emporte pas la preuve d'une aptitude nettement supérieure d'un enseignant par rapport à un autre; que, certes, à la différence du requérant, Michel Denayer remplissait l'une des conditions requises pour être nommé à la fonction de sélection d'éducateur-économe puisqu'il était nommé à titre définitif dans la fonction de recrutement de surveillant-éducateur; qu'il ne s'ensuit cependant pas, alors surtout que le ministre n'a pas fait état de cette circonstance, que ce seul titre lui aurait donné un droit à la promotion ou aurait prouvé une aptitude nettement supérieure à celle du requérant; que le moyen unique est fondé;

(Annulation de la décision ministérielle du 30 septembre 1988 mettant fin aux fonctions d'éducateur­économe aux cours de promotion sociale de l'Etat à Soumagne de Philippe Detraux, et de la décision ministérielle

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 15 N° 34.669

de même date désignant Michel Denayer à cette fonction à partir du 1er septembre 1988 - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.669 ARRET du 11 avril 1990 (VIe Chambre)

MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Mme Dagnelie, auditeur.

COURTOIS (Me Bouvier) c/ Communauté française

("çv'"·~· (voir n°:iW)

/ II et III. (voir n° 34.398, I et Il)

IV. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mai 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Recours au Conseil d'Etat - Intérêt

L'incapacité de travail ne fait pas perdre à l'enseignant qui en est victime le bénéfice de la désignation temporaire qu'il a obtenue.

La circonstance qu'une enseignante a été en incapacité de travail et ensuite en congé de maternité ne lui fait pas perdre intérêt à son recours.

Vu la requête introduite le 8 décembre 1988 par Carine Courtois qui demande l'annulation de la décision ministérielle du 6 septembre 1988 désignant Marc Gourle à la fonction de professeur de morale à l' Athénée royal de Quiévrain pour l'année scolaire 1988-1989;

Considérant que la requérante est agrégée de l'enseignement secondaire inférieur, section langues modernes; qu'elle a satisfait aux épreuves portant sur le cours à option de morale; qu'au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de morale dans l'enseignement secondaire du degré inférieur pour la Province de Hainaut, elle pouvait se prévaloir de la 184e place avec 6 candidatures tandis que Marc Gourle était classé 185e, également avec 6 candidatures; que Marc Gourle fut néanmoins désigné par l'acte attaqué comme professeur de morale, à raison de 15 heures par semaine au degré inférieur, à l' Athénée royal de Quiévrain pour l'année scolaire 1988-1989; que la requérante obtient les désignations suivantes:

- professeur de cours généraux (néerlandais-anglais, degré inférieur, 21 heures par semaine) du ,14 au 26 novembre 1988 à !'Athénée royal BARA de Tournai; ·

- professeur de cours généraux (néerlandais, degré inférieur, 22 heures par semaine) du 24 novembre 1988 au 23 décembre 1988 à !'Athénée royal d'Ath; ·

Considérant, sur la première fin de non-recevoir déduite par la partie adverse de la tardiveté de la requête, que la décision attaquée ne devait être ni publiée ni notifiée à la requérante; que la partie adverse, à qui cette preuve incombe, n'établit pas que la requérante en aurait eu connaissance plus de soixante jours avant l'introduction de la requête; que celle-ci est recevable de ce point de vue;

Considérant, sur la deuxième fin de non-recevoir soulevée par la partie adverse, que les deux brèves désignations dont la requérante a bénéficié n'ont pu lui faire perdre intérêt à attaquer une désignation portant sur l'année scolaire entière; que la deuxième fin den.on-recevoir ne peut être retenue;

Considérant que la partie adverse fàit encore valoir qu'après sa désignation à Ath du 24 novembre 1988 au 23 décembre 1988, la requérante «n'aurait pu faire l'objet d'une nouvelle désignation à titre temporaire» car elle a subi, depuis le 12 décembre 1988, une incapacité de travail qui l'a rendue indisponible jusqu'au 30 juin 1989;

Considérant que l'incapacité de travail ne fait pas perdre à l'enseignant qui en est victime le bénéfice de la désignation à titre temporaire qu'il a obtenue, que la circonstance que la requérante a été, à partir du 12 décembre 1988, en incapacité de travail et ensuite en congé de maternité, ne lui a pas fait perdre intérêt à son recours; que la troisième fin de non-recevoir ne peut être accueillie;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 25 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 22 juillet 1969 fixant les règles d'après lesquelles sont classés les candidats à une désignation à titre temporaire dans l'enseignement de l'Etat;

Considérant que la partie adverse s'est abstenue de répondre au moyen;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.669

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

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Considérant qu'en méconnaissant la priorité que son classement conférait à la requérante, la partie adverse a violé les dispositions invoquées au moyen; que celui-ci est fondé,

(Annulation de la décision ministérielle du 6 septembre 1988 désignant Marc Gourle à la fonction de professeur de morale à l'Athénée royal de Quiévrain pour l'année scolaire 1988-1989 - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.670

ARRET du 11 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Martens et Hanotiau, conseillers, et Mme Dagnelie, auditeur.

LEMAIRE c/ Régie des postes - Partie intervenante: Stevens

1. AGENTS DE L'ETAT - Carrière - Promotion (réforme du 16 mars 1964) - Conditions de promotion par avancement de grade - Absence d'agents remplissant les conditions statutaires de rang et d'ancienneté

L'article 60 de l'arrêté royal du 7 août 1939 envisage seulement le cas où aucun candidat ne remplit la condition d'ancienneté exigée par les dispositions de la même section, non celui où aucun candidat ne remplit la condition d'ordre linguistique éventuellement requise pour être nommé à l'emploi vacant.

Les lois sur l'emploi des langues en matière administrative imposent d'autant moins d'étendre, par analogie, l'application de l'article 60 à ce dernier cas qu'il résulte de la combinaison des articles 58 et 61, § 4, alinéa 3, de ces lois que l'annulation d'une nomination faite en violation de celles-ci peut être poursuivie pendant cinq ans par la Commission permanente de contrôle linguistique*.

II. LANGUES EN MATIERE ADMINISTRATIVE - Service dont l'activité s'étend à tout le pays -Services centraux - Cadres linguistiques - Nominations et promotions par cadre linguistique

Les cadres linguistiques visent à réaliser dans chaque service une répartition équilibrée par degré de la hiérarchie administrative. Cette répartition équilibrée des emplois doit à tout moment se rapprocher le plus possible de l'équilibre numérique fixé in abstracto, ce qui signifie que l'autorité investie du pouvoir de nomination est tenue de faire d'abord en. sorte que le cadre dont le chiffre d'occupation est descendu le plus bas au-dessous du nombre fixé de droit soit porté au niveau de l'autre cadre et qu'elle n'a le choix entre les candidats de cadres linguistiques différents que lorsque le nombre d'emplois à conférer est égal pour chaque cadre linguistiquet.

Vu la requête introduite Je 28 mars 1989 par Françoise Lemaire qui demande l'annulation:

1. de la décision ministérielle du 12 janvier 1989 réduisant des deux tiers l'ancienneté requise pour être nommé au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment;

2. de la liste 3.2.1.1./5 du 27 janvier 1989 qui publie la vacance d'un emploi correspondant au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment, en ce qu'elle prévoit cette réduction d'ancienneté;

3. du refus implicite de la nommer qu'impliquent les deux premiers actes attaqués;

Vu la requête introduite le 19 juin 1989 par Françoise Lemaire qui demande l'annulation:

1. de l'arrêté ministériel du 10 avril 1989 nommant Dirk Stevens au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment;

2. du refus implicite de la nommer à ce grade;

' Comparer: arrêt Duchesne, n° 25.592, du 30 juillet 1985.

t Voir dans le même sens l'arrêt Coleille, n° 30.163, du 27 mai 1988, et la note.

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Vu la requête introduite le 7 mars 1990 par laquelle Dirk Stevens demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 12 mars 1990 déclarant cette requête non recevable;

Considérant que les causes sont connexes; qu'il y a lieu de les joindre;

Considérant que les faits peuvent être résumés comme suit:

A. 1. La vacance de deux emplois correspondant au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment, à la direction générale 4 est portée à la connaissance du personnel par la liste 3.2.2.2./l du 20 janvier 1988. La requérante postule les emplois offerts.

2. Une proposition de nomination établie en faveur de Ludovicus Nuyts est publiée par la liste 3.2.2.2./19 du 7 mars 1988. La réclamation de la requérante, introduite le 14 mars 1988, est rejetée le 28 du même mois.

3. Par arrêté ministériel du 19 avril 1988, Ludovicus Nuyts est promu au grade de dessinateur en chef (spécialité bâtiment). Par décision ministérielle de la même date, l'intéressé est affecté à la direction générale 4.

4. Cette promotion est publiée par la liste 3.2.2.2./45 du 4 mai 1988.

5. Par pli recommandé à la poste le 1er juillet 1988, Françoise Lemaire poursuit l'annulation de cette nomination et du refus de la nommer au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment. Cette affaire porte le numéro A. 39.069N-1224.

B. 1. Le 21 décembre 1988, la direction du personnel de la régie propose au ministre de réduire des deux tiers l'ancienneté requise pour être nommé à l'emploi correspondant au grade de dessinateur en chef (rang 24). A l'appui de cette demande, elle fait valoir:

- que l'emploi de dessinateur en chef, vacant à la direction générale 4, doit revenir à un agent du rôle néerlandais car, sur les quatre emplois de l'effectif, deux sont occupés par des agents du rôle français et un par un agent du rôle néerlandais;

- que Dirk Stevens, seul candidat du rôle néerlandais, ne compte pas les 9 ans d'ancienneté de niveau requis par le statut.

Le 12 janvier 1989, le ministre marque son accord pour réduire l'ancienneté des deux tiers.

2. Par liste 3.2.1.1./5 du 27 janvier 1989, la vacance d'un emploi correspondant au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment, à la direction générale 4, est portée à la connaissance du personnel. L'avis spécifie en son point 2: «Cet emploi peut être sollicité par avancement de grade par les titulaires du grade de dessinateur principal (rang 22) qui comptent une ancienneté de niveau de trois ans au moins».

3. Le 2 février 1989, la requérante pose sa candidature à l'emploi offert.

4. La liste 3.2.1.1./22 du 1er mars 1989 publie une proposition de promotion établie en faveur de Dirk Stevens. Le 8 mars 1989, Françoise Lemaire introduit une réclamation qui est rejetée par l'administrateur général le 21 du même mois.

5. Par arrêté ministériel du 10 avril 1989, Dirk Stevens est nommé au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment, à l'administration centrale de la Régie des Postes. Il est affecté à la direction générale 4.

Cette promotion est publiée par la liste 3 .2.1.1./39 du 21 avril 1989.

Considérant que, dans un premier moyen, commun aux deux recours, la requérante fait valoir que les actes attaqués violent l'article 46 de l'arrêté royal du 7 août 1939 organisant le signalement et la carrière des agents de l'Etat et constituent une application abusive de l'article 60 du même arrêté, en ce qu'il n'y avait pas lieu de réduire l'ancienneté requise pour êre nommé à un grade de rang 24, alors que la requérante réunissait les conditions statutaires pour y être promue;

Considérant qu'aux termes de l'article 46 de l'arrêté royal du 7 août 1939 organisant le signalement et la carrière des agents de l'Etat, <<peuvent être promus aux grades du rang 24, les agents des rangs 23 ou 22 qui comptent une ancienneté de neuf ans au moins dans le niveau 2»; que le même arrêté dispose comme suit en son article 60:

«§ l"". A défaut de candidats qui remplissent la condition d'ancienneté exigée par la présente section, le ministre peut décider de déroger à cette condition pour accorder la promotion par avancement de grade.

»Cette dérogation consiste à réduire d'un tiers l'ancienneté requise.

»A défaut de candidats susceptibles de bénéficier de cette réduction, l'ancienneté peut être réduite de deux tiers.

»La décision du ministre doit être mentionnée dans la publication de la vacance d'emploi ainsi que dans le préambule de l'arrêté de nomination.

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»§ 2. A défaut de candidats qui remplissent la condition de rang exigée par la présente section ou la condition d'ancienneté réduite conformément au § lei-, la promotion par avancement de grade peut être accordée par dérogation à ces conditions, selon les modalités déterminées, dans chaque cas, par le ministre en accord avec le Ministre qui a la Fonction publique dans ses attribùtions. L'accord de ce dernier doît être mentionné dans la publication de la vacance d'emploi ainsi que dans le préambule de l'arrêté de nomination»;

Considérant qu'en partant du point de vue - critiqué dans le deuxième moyen - que l'emploi vacant de dessinateur en chef, spécialité bâtiment, devait être attribué à un agent du rôle néerlandais, la partie adverse soutient que le ministre n'avait d'autre recours que de faire application de l'article 60, le seul agent du rôle néerlandais susceptible de se porter candidat étant Dirk Stevens qui ne comptait que quatre ans dans le niveau 2 au 1er avril 1988;

Considérant que l'article 60 précité envisage seulement le cas où aucun candidat ne remplit la condition d'ancienneté exigée par les dispositions de la même section, non celui où aucun candidat ne remplit la condition d'ordre linguistique éventuellement· requise pour être. nommé à l'emploi .vacant; que les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, imposent d'autant moins d'étendre, par analogie, l'application de l'article 60 à ce dernier cas qu'il résulte de la combinaison des articles S8 et 61, § 4, troisième alinéa, de ces lois que l'annulation d'une nomination faite en violation"de celles-c!peut être poursuivie pendant cinq ans par la Commission permanente de contrôle linguistique; que le premier moyen est fondé; que l'annulation sur la base de ce seul moyen ne serait toutefois pas de nature à produire des effets aussi complets, notamment du point de vue de l'exécution de l'arrêt, que si elle était également prononcée sur la base du deuxième moyen; qu'il y a donc lieu d'examiner celui-ci;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen, commun aux deux recours, de la violation de l'article 43, §§ 3 et S, des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, en ce que les dispositions de ·ces lois n'imposaient nullement la nomination d'un agent du rôle néerlandais et ne permettaient donc pas de déroger à la priorité statutaire dont elle bénéficiait par rapport à Dirk Stevens;

Considérant que la partie adverse répond en ces termes:

«1. Au moment de la nomination de Monsieur Stevens D.P., la situation du Se degré de la hiérarchie s'établissait comme reprise à la pièce 10.

»2. Conformément à l'avis 17 ·°!,~)~~f /N de la Commission permanente de contrôle linguistique (pièce 11), la répartition équilibrée doit être appliquée non seulement par degré, mais également le plus possible, par grade d'un même degré.

»De plus, dans son arrêt n° lS.961 du 10 juillet 1973, le Conseil d'Etat juge que «l'application loyale de l'article 43, § 3, requiert toutefois sans conteste que la répartition équilibrée des emplois soit poussée aussi loin que possible, non seulement par degré pour tout un service, mais aussi, d'une part, par grade d'un même degré et, d'autre part, pour chaque division de ce service».

»«L'équilibre n'est en effet pas uniquement déterminé par le nombre d'emplois attribués mais aussi par leur importance: si des emplois d'importance différente sont réunis à un même degré, l'équilibre est déterminé et par le nombre et par l'importance des emplois attribués à chacun des groupes linguistiques».

»3. Afin de suivre ces avis et arrêt, et étant donné qu'à défaut de candidats qui réunissent toutes les conditions requises pour être nommés au grade de chef de section (rang,24) il est impossible d'arriver à un meilleur équilibre dans l'ensemble du Se degré de la hiérarchie pour l'ensemble des services centraux d'une part et pour la direction générale 4 d'autre part, l'emploi vacant de dessinateur en chef (rang 24) spécialité bâtiment à cette direction a été réservé à un agent du rôle néerlandais en vue d'établir un équilibre linguistique dans ce grade· à responsabilité»;

Considérant que l'arrêté· attaqué nomme au grade de dessinateur en chef (rang 24); que l'agent promu est affecté à la direction générale 4 (technique) des services centraux de la régie;

Considérant qu'aux termes de l'article i 0' de l'arrêté royal du 4 septembre 198S déterminant, en vue de

l'application de l'article 43 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, les grades des agents de la Régie des Postes qui constituent un même degré de la hiérarchie, les grades répartis dans les rangs 2S et 24 forment le Se degré; qu'en son annexe I «Services centraux», l'arrêté royal du 23 septembre 1987 fixant les cadres linguistiques de la Régie des Postes répartit les 271 emplois du Se degré de la hiérarchie de la façon suivante:

- cadre français 127

- cadre néerlandais 144;

Considérant que le jour où le premier acte attaqué a été pris, c'est-à-dire le 12 janvier 1989, 7S des 127 emplois du cadre français étaient pourvus, contre 9S des 144 emplois du cadre néerlandais, la différence étant de S2 pour le premier et de 49 pour le second;

Considérant que les cadres linguistiques fixés par arrêté royal en vertu de l'article 43, § 3, des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative visent à réaliser dans chaque service une répartition

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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équilibrée par degré de la hiérachie administrative; que cette répartition équilibrée des emplois doit à tout moment se rapprocher le plus possible de l'équilibre numérique fixé in abstracto, ce qui signifie que l'autorité investie du pouvoir de nomination est tenue de faire d'abord en sorte que le cadre dont le chiffre d'occupation est descendu le plus bas au-dessous du nombre fixé de droit soit porté au niveau de l'autre cadre et qu'elle n'a le libre choix entre les candidats de cadres linguistiques différents que lorsque le nombre d'emplois à conférer est égal pour chaque cadre linguistique;

Considérant qu'en présence d'un déficit de 52 unités dans le cadre français, contre 49 dans le cadre néerlandais, le ministre devait nommer un agent francophone; que le moyen est fondé; que l'annulation entraînée par les deux premiers moyens ne serait pas plus étendue dans ses effets si le troisième moyen, propre à la deuxième requête, était retenu; que l'examen de ce troisième moyen est donc dénué d'intérêt,

(Jonction - annulation de la décision ministérielle du 12 janvier 1989 réduisant des deux tiers l'ancienneté requise pour être nommé au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment, de la liste 3.2.1.1./5 du 27 janvier 1989 qui publie la vacance d'un emploi correspondant au grade de dessinateur en chef (rang 24), spécialité bâtiment, en ce qu'elle prévoit cette réduction d'ancienneté, de l'arrêté ministériel du 10 avril 1989 nommant Dirk Stevens au grade de dessinateur en chef, spécialité bâtiment, et du refus implicite de nommer Françoise Lemaire à ce grade - dépens à charge de la partie adverse et du requérant en intervention).

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ARRET du 11 avril 1990 (VIe Chambre)

r=., 'i od ' , l

MM. Martens, président-rapporteur, Andersen et Mme Thomas, conseillers, et M. Falmagne, premier auditeur.

RAYMOND (Me Van Rutten) c/ Etat belge représenté par le ministre de la Justice et par le ministre des Affaires économiq'!es (Mes Regout et Bruyneel)

1. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Circonstances ayant une influence sur l'intérêt - Abrogation ou retrait de l'acte attaqué

Le recours en annulation d'un acte devient sans intérêt lorsque cet acte est retiré en cours d'instance.

II. ARMES ET MUNITIONS - Classement des armes

1. En prenant comme critère de classement dans une des catégories légales des ar­mes dont le classement, à la suite des modifications qu'elles ont subies, est devenu incer­tain, le caractère définitif ou réversible de ces modifications, le Roi a exercé son pouvoir d'appréciation sans excéder les limites de sa compétence.

2. Il ne peut lui être fait grief d'avoir exigé l'apposition d'un poinçon par le banc d'épreuves des armes à feu. Dans une matière où une multitude d'engins peut servir d'armes et où l'existence d'un marché d'armes transformées ou «démilitarisées» rend indispensable un contrôle technique effectué par un organisme compétent, l'apposition d'un poinçon est une garantie d'objectivité que le Roi a pu exiger sans excéder les pouvoirs qu' Il tient de la loi.

3. Il ne peut être reproché au Roi d'avoir excédé sa compétence, limitée à la classifica­tion des armes de type douteux, en précisant, d'une part, que certaines transformations ne suffisent pas à justifier le déclassement d'armes de guerre en armes de sport, et en indiquant, d'autre part, à quelle condition supplémentaire un tel déclassement est subordonné*.

Vu la requête introduite le 8 octobre 1984 par Albert Raymond qui demande l'annulation de:

- l'arrêté royal du 20 juin 1984 relatif au classement de certaines armes de guerre ou de défense qui ont subi des modifications;

- larrêté ministériel du 24 juillet 1984 déterminant les opérations à effectuer sur les armes à feu de guerre automatiques et sur les armes de défense;

Vu l'arrêt n° 31.283 du 28 octobre 1988 rouvrant les débats et chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. lauditeur général de poursuivre linstruction;

"'Voir dans le même sens l'arrêt De Winne et Lheureux, n° 31.282, du 28 octobre 1988.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.671

Arrêts Nos 34.651 à 34.760

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Considérant que l'arrêté ministériel du 24 juillet 1984, second acte attaqué, a été rapporté par l'article 2 de l'arrêté ministériel du 3 janvier 1986 fixant les conditions auxquelles les armes à feu de guerre automatiques et les armes de défense sont classées dans la catégorie des armes de chasse ou de sport; que le recours introduit par d'autres personnes intéressées contre cet arrêté, que le requérant lui-même n'a pas attaqué, a été rejeté par l'arrêt n° 31.282 du 28 octobre 1988; que le requérant a perdu intérêt à son recours en ce qu'il est dirigé contre le second acte attaqué;

Considérant que l'article 1er de l'arrêté royal du 20 juin 1984 est ainsi rédigé:

«A la condition que le poinçon ci-après reproduit ... ait été apposé par le banc d'épreuves des armes à feu sur les pièces sujettes à contrôle, les armes suivantes sont classées dans la catégorie des armes de chasse ou de sport:

»1° les armes à feu de guerre à un coup, à répétition ou semi-automatiques, lorsque leur inaptitude au tir de toute munition d'armes de guerre résulte de la suppression des parois de la chambre sur toute la longueur de celle-ci et sur 180 degrés, ou de la disparition des rayures sur toute la longueur du canon;

»2° les armes à feu de guerre automatiques lorsqu'elles ont été rendues définitivement inaptes au tir de toute munition d'armes de guerre, conformément aux dispositions particulières relatives à ce type d'armes;

»3° Les armes de défense lorsqu'elles ont été rendues définitivement inaptes au tir de toute munition d'armes de défense, conformément aux dispositions particulières relatives à ce type d'armes»;

»Le ministre qui a dans ses attributions le contrôle et la surveillance du banc d'épreuves des armes à feu arrête les dispositions particulières visées à l' alinéas l"', 2° et 3°»;

que contre cet article, le requérant prend un premier moyen de l'excès de pouvoir, de la violation de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions,

en ce que, première branche, il maintient la classification d'armes de chasse ou de sport à des choses que les transformations qui seront prescrites par arrêté ministériel ne permettent plus de considérer commer armes au sens commun du mot, puisqu'elles sont rendues inaptes à toute forme de tir quel qu'il soit,

en ce que, deuxième branche, tout en prétendant (article 1°r, l°) réglementer les armes à feu de guerre à un coup, à répétition ou semi-automatiques, de façon à les rendre inaptes au tir de toute munition d'armes de guerre, il fixe des méthodes de transformation rendant ces armes inaptes au tir de toute munition et maintient néanmoins la qualification d'armes à ces objets,

et en ce que, troisième branche, il soumet à l'apposition préalable d'un poinçon spécifique la «déclassificatiom> de certaines armes, excédant ainsi les limites de l'habilitation conférée au Roi par l'article 3, alinéa 5, de la loi du 3 janvier 1933;

Considérant que l'acte attaqué a été pris en exécution de l'article 3, cinquième alinéa, de la loi du 3 janvier 1933; qu'après avoir défini les armes prohibées (premier alinéa), les armes de défense (deuxième alinéa), les armes de guerre (troisième alinéa) et les armes de chasse ou de sport (quatrième alinéa), l'article 3, dans son cinquième alinéa, dispose qu'«Un arrêté royal classera dans une des catégories indiquées ci-dessus les armes dont le type serait douteux»;

Considérant, sur les trois branches réunies, que l'arrêté attaqué concerne des armes dont le classement dans une des catégories légales est, à la suite des modifications qu'elles ont subies, devenu incertain; qu'il maintient dans leurs catégories respectives certaines armes de guerre et certaines armes de défense qui ont été modifiées d'une manière non définitive et en déclasse d'autres qui ont subi des changements précis, déterminés par le ministre et en principe irréversibles; qu'en prenant pour critère le caractère définitif ou réversible de ces modifications, le Roi a exercé Son pouvoir d'appréciation, sans excéder les limites de Sa compétence; qu'il ne peut Lui être reproché ni d'avoir étendu la portée de la loi, ni d'avoir envisagé des opérations éventuelles ou futures sur certaines armes modifiées; qu'il ne peut davantage Lui être fait grief d'avoir exigé l'apposition d'un poinçon par le banc d'épreuves des armes à feu; qu'en effet, dans une matière où une multitude d'engins peut servir d'armes et où l'existence d'un marché d'armes transfo1mées ou «démilitarisées» rend indispensable un contrôle technique effectué par un organisme compétent, l'apposition du poinçon est une garantie d'objectivité que le Roi a pu exiger sans excéder les pouvoirs qu 'Il tient de la loi; que le moyen, dans ses trois branches, ne peut être retenu;

Considérant que le requérant prend un second moyen de l'excès de pouvoir en ce que l'article 2 de l'acte attaqué répute armes de guerre des armes dont la chambre est adaptée aux dimensions d'un calibre de chasse ou de sport alors que, selon l'article 3 de la loi du 3 janvier 1933, l'aptitude à servir à l'armement des troupes est une condition impérative pour qu'une arme soit réputée arme de guerre;

Considérant que l'article 2 de l'arrêté attaqué dispose comme suit:

«Restent rangées dans la catégorie des armes de guerre:

»JO les armes à feU de guerre dont la Chambre est adaptée llUX dimensions d' Un Calibre de Chasse OU de sport mais dont le diamètre du canon reste inchangé;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.651 à 34.760 Page 21 N°s 34.672 à 34.760

»2° les armes à feu de guerre qui ont été rendues inaptes au tir de toute munition d'armes de guerre, sans toutefois qu'elles satisfassent aux conditions fixées par l'article 1''»>;

Considérant que, pour les motifs déjà exposés, il ne peut être reproché au Roi d'avoir excédé Sa compétence, limitée à la classification des armes de type douteux, en précisant, d'une part, que certaines transformations ne suffisent pas à justifier le déclassement d'armes de guerre en armes de sport, et en indiquant, d'autre part, à quelle condition supplémentaire un tel déclassement est subordonné; que le moyen ne peut être retenu,

(Rejet de la requête - dépens à charge du requérant).

N°s 34.672 à 34.760

ARRETS du 17 avril 1990 (VIIe Chambre)

34.672 à 34.688 - DANQUAH et autres: désistement du recours en annulation et de la demande de sursis à exécution.

34.689 à 34.696 - KRISHNADASAN et autres = n° 33.819 + n° 33.898.

34.697 à 34.757 - YUSSIF BABA et autres = n° 33.819.

34.758 et 34.759 - ANNOR et FRIMPONG MANSU OWUSI = n° 34.672.

34.760 - RATAN: biffure après le décès du requérant.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêt No 34.765 Page 1

N° 34.765

ARRET du 17 avril 1990 (VIIe Chambre)

N° 34.765

M. Tacq, président de chambre, Mmes Vrints, rapporteur, et Tulkens, conseillers, et M. Vander Elstraeten, auditeur.

VERMEIREN (Mes Lagae et Janssens) c/ C.P.A.S. Assenede

I. AIDE SOCIALE - 1° Droit à l'aide sociale - Centre compétent pour accorder l'aide; - 2° Contentieux du droit à l'aide sociale - Chambre de recours - Compétence

1. La désignation du centre compétent pour examiner une demande d'aide est réglée par la loi du 2 avril 1965. Toutefois, cette loi n'affecte en aucune manière la compétence des chambres de recours, telle qu'elle ressort del' article 71 de la loi du 8 juillet 1976, pour connaître des recours formés contre les décisions rejetant les demandes d'aide pour cause d'incompétence territoriale.

La chambre de recours méconnaît la portée de l'article 15 de la loi du 2 avril 1965 en se prévalant de cet article pour se déclarer incompétente.

2. Lorsque le centre rejette la demande de secours en arguant de son incompétence, le demandeur est en droit de contester, devant la chambre de recours, la décision de refus. li incombe alors à la chambre de recours, avant d'examiner le bien-fondé de la demande, de statuer sur la compétence du centre concerné au regard de l'article 1er, l°, de la loi du 2 avril 1965. li lui incombe d'examiner si la personne qui sollicite une aide sociale se «trouve», conformément aux termes de cette disposition, sur le territoire de la commune du centre auquel la demande est adressée. Si la chambre de recours rejette la compétence de ce centre, le demandeur doits' adresser au centre effectivement compétent selon la chambre de recours.

II. AIDE SOCIALE - 1° Contentieux de la prise en charge des frais d'aide - a) Députation perma­nente - Compétence (1 et 2); - b) Conseil d'Etat - Compétence en général (1et2); - 2° Recouvrement des frais d'assistance - Avis de l'octroi des secours - Généralités (1)

1. Le centre qui, selon la chambre de recours est censé fournir les secours, peut éventuellement obtenir le remboursement total ou partiel des frais d'aide auprès du centre du domicile de secours ou de la Communauté dans les cas et selon la procédure définis aux articles 4 à 14 de la loi du 2 avril 1965.

2. La compétence que l'article 15 de la loi du 2 avril 1965 attribue à la députation permanente et au Conseil d'Etat concerne uniquement les différends résultant du recouvre­ment, par le centre secourant, desfrais d'assistance qu'il a exposés.

Vu la requête introduite le 9 mai 1986 par Edith Verrneiren tendant à l'annulation de la décision du 24 février 1986, par laquelle la Chambre de recours des centres publics d'aide sociale de la province de Flandre orientale se déclare incompétente pour connaître de son recours;

Considérant que, le 25 novembre 1985, le Centre public d'aide sociale d'Assenede décida de ne pas payer les factures de l'hôpital psychiatrique Caritas à Melle, dans lequel la requérante avait été hospitalisée auparavant, «l'intéressée ayant été colloquée le 12 octobre 1981, à l'époque où elle demeurait à Wachtebeke, Langelede 17, commune qui était, alors, son domicile de secours»; que, par la décision présentement attaquée, la chambre de recours se déclara incompétente pour connaître du recours «à la fois en tant qu'il est dirigé contre le défaut de décision sur la demande de secours et contre la décision ultérieure qui a été prise le 25 novembre 1985»; que cette décision se fonde sur la considération suivante:

«que, bien qu'ils' agisse en l'espèce d'un recours formé contre une décision prise à l'égard de la requérante relativement à une aide individuelle.force est de constater que, par sa décision attaquée en l'espèce, le C.P.A.S. mis en cause a rejeté la demande, s'estimant incompétent pour fournir cette aide sur le fondement de la disposition de la loi visée ci-après du 2.4.1965; que la désignation du C.P.A.S. compétent pour recevoir et examiner une demande d'aide est effectivement une matière régie par la loi du 2.4.1965; que, du reste, l'article 15 de cette loi détermine de manière explicite la façon dont sont tranchées les difficultés et contestations auxquelles l'application de cette loi pourrait donner lieu; que, par ailleurs, eu égard à la nature de l'aide demandée (à savoir le paiement, à l'établissement psychiatrique Caritas de Melle, d'une créance relative à une période d'hospitalisation révolue), il saurait difficilement être posé, en l'occurrence, que la requérante, à défaut de décision de cette Chambre sur le

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.765

Arrêt No 34.765

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fond, se trouverait entre deux chaises ou risquerait de ne plus mener une vie conforme à la dignité humaine; que, pour les motifs susindiqués, la chambre de recours ne s'estime pas compétente pour désigner, dans la contestation de l'espèce, le C.P.A.S. secourant»;

Considérant que l'unique moyen est déduit de la violation de l'article 71 de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale et de l'article 15 de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les commissions d'assistance publique;

Considérant que la requérante fait valoir à bon droit que le recours fut formé contre une décision, prise à son égard, relativement à une aide individuelle - thèse que la décision attaquée admet, du reste, expressément -, en sorte qu'en vertu de l'article 71 de la loi organique, la chambre de recours était compétente pour connaître du recours, que, bien que la désignation du centre public compétent pour examiner une demande d'aide soit réglée par la loi du 2 avril 1965, cette dernière n'affecte en aucune manière la compétence des chambres de recours quant à connaître des recours formés contre les décisions rejetant les demandes d'aide pour cause d'incompétence territoriale, que l'article 15 de cette loi détermine la manière dont sont tranchés les difficultés et contestations relatives à la détermination de la résidence et les différends opposant l'Etat et/ou les commissions (plus précisément relativement au recouvrement et au remboursement des frais d'assistance), qu'en se prévalant de cet article pour se déclarer incompétente, la chambre de recours a méconnu la portée de cet article; qu'en effet, si le Centre public d'aide sociale d 'Assenede rejette la demande de secours, en arguant de son incompétence, le demandeur est en droit de contester, devant la chambre de recours, la décision de refus du C.P.A.S.; qu'avant d'examiner le bien-fondé de la demande, il incombe à la chambre de recours de statuer sur la compétence du C.P.A.S. concerné au regard de l'article 1er, 1°, de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les commissions d'assistance publique; qu'en d'autres termes, il incombe à la chambre de recours d'examiner si la personne qui sollicite une aide sociale, se «trouve», conformément aux termes de cette disposition législative, sur le territoire de la commune du centre public d'aide sociale auquel la demande est faite; que, dans l'hypothèse où, sur le fondement des dispositions législatives prérappelées, la chambre de recours rejetterait la compétence du C.P.A.S. sollicité, le demandeur doit s'adresser au C.P.A.S. effectivement compétent selon cette chambre de recours; que le centre qui, selon la chambre de recours, est censé fournir les secours, peut éventuellement obtenir le remboursement total ou partiel des frais de l'aide sociale auprès du centre du domicile de secours ou de la Communauté, dans les cas et selon la procédure définis aux articles 4 à 14 inclus de la loi du 2 avril 1965; que la compétence que l'article 15 de cette loi attribue à la députation permanente et au Conseil d'Etat, concerne uniquement les différends résultant du recouvrement, par la commission secourante, des frais d'assistance qu'elle a exposés; que c'est à tort que la chambre de recours s'est déclarée incompétente; qu'elle aurait dO se prononcer sur la question de savoir si, sur le fondement de l'article 1er, 1°, de la loi du 2 avril 1965, le Centre public d'aide sociale d'Assenede est le centre public secourant et, cela étant, si ce centre se doit d'accueillir la demande d'aide sociale; que le moyen est fondé;

Statuant par défaut,

(Annulation de la décision du 24 février 1986 par laquelle la Chambre de recours des centres publics d'aide sociale de la Flandre orientale se déclare incompétente pour connaître du recours formé par Edith Vermeiren -transcription - renvoi - dépens à charge de la Communauté flamande).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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r

Arrêts No 34.768 Page 1

N° 34.768

.ARRET du 19 avril 1990 (VIIe Chambre)

N° 34.768

CP

M. Tacq, président de chambre, Mmes Vrints et Tulkens, rapporteur, conseillers, et M. De Wolf, auditeur.

REYNIERS (Me Putzeys) c/ Etat belge représenté par le ministre de la Justice (Me Marissens)

1. (voir n° 33.867) II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Moyen sérieux

Une des conditions cumulatives qui doivent être remplies pour que le Conseil d'Etat puisse suspendre l'exécution d'un acte tient en ce que le recours en annulation doit invoquer des moyens sérieux fondés sur la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution. Il ne peut être tenu compte, pour déterminer si la condition a été remplie, que des moyens invoqués à l'appui du recours en annulation. Ces moyens doivent être invoqués dans le cadre de la procédure d'annulation.

Vu la requête introduite le 26 mars 1990 par François Reyniers, officier commissaire en chef aux délégations judiciaires près le parquet du tribunal de première instance de Bruxelles, tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de la Justice du 23 mars 1990 qui, par mesure d'ordre, le suspend de ses fonctions à partir du 23 mars 1990, pour une durée d'un mois, et dispose également que la suspension provisoire implique la suspension du paiement de vingt pour cent du traitement brut;

Vu l'acte distinct, joint à la requête, par lequel est demandée la suspension de l'exécution de l'arrêté ministériel précité du 23 mars 1990;

Considérant qu'il y a lieu, au préalable, de statuer sur la demande de suspension de l'exécution de la décision attaquée;

Considérant que l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, rétabli dans ces lois par l'article 15 de la loi du 16 juin 1989 portant diverses réformes institutionnelles, s'énonce comme suit:

«§ 1er. A la demande de la partie requérante, la Chambre compétente pour trancher l'affaire au fond, peut ordonner à l'unanimité, par un arrêt motivé, la suspension de l'exécution de l'acte ou du règlement attaqué si le recours invoque la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution.

»§ 2. La suspension de l'exécution ne peut être décidée que si des moyens sérieux fondés sur la violation des articles précités de la Constitution sont invoqués et à condition que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable.

»§ 3 . ... »; que selon cet article de la loi, la suspension de l'exécution de l'acte attaqué ne peut être décidée, notamment, que si des moyens sérieux fondés sur la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution sont invoqués dans le recours en annulation;

Considérant que dans le deuxième moyen de son recours en annulation, le requérant invoque la violation de l'article 6 de la Constitution, ainsi que l'excès et le détournement de pouvoir,

«en ce que la partie adverse a pris uniquement à l'encontre du requérant et de deux autres officiers aux délégations judiciaires, une mesure d'ordre, s'analysant comme une mesure disciplinaire déguisée, sans respecter les conditions légales de fond et de forme,

»en ce que la partie adverse a fait usage de son pouvoir pour calmer la presse et non pour mettre de l'ordre dans le service,

»alors que le principe d'égalité exige que toutes personnes se trouvant dans la même situation soient traitées pareillement par l'autorité,

»et alors que la violation, par un acte individuel, des conditions légales de fond et de forme sur lesquelles un tel acte peut reposer, porte atteinte au principe d'égalité,

»alors que le requérant a le droit, comme chacun, d'être entendu et de connaître les motifs de la mesure prise à son encontre,

»de sorte qu'en faisant porter une mesure d'ordre irrégulière et non motivée uniquement sur le requérant et deux autres personnes, la partie adverse a violé le principe d'égalité garanti par la Constitution et a également détourné, du moins excédé, ses pouvoirs»;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETJIT - 1990

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N° 34.768

Arrêt No 34.768

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Considérant que, comme la partie défenderesse le fait observer à juste titre, le requérant n'invoque pas, en réalité, la violation de l'article 6 de la Constitution mais prend en fait un moyen d'annulation de la violation d'autres dispositions légales ou réglementaires et de principes de bonne administration; qu'il ne suffit pas, toutefois, pour qu'une suspension par le Conseil d'Etat soit justifiée qu'il y ait eu lésion du droit à l'application correcte de la loi, que tout citoyen possède de pareille manière; qu'une inégalité qui ne trouve son fondement que dans l'illégalité de l'acte attaqué, ne saurait suffire; que l'inégalité doit former par elle-même une illégalité qui justifie l'annulation de manière autonome, c'est-à-dire à l'exclusion de toute autre illégalité; que dès lors que le recours en annulation n'invoque pas une telle irrégularité, le moyen fondé sur la violation de l'article 6 de la Constitution ne peut, dans l'état actuel de la procédure, être qualifié de moyen sérieux;

Considérant qu'à l'audience, le requérant fait observer que le dossier administratif déposé par la partie défenderesse ne contient pas d'autres éléments que la lettre d'information du 26 mars 1990 par laquelle le Procureur du Roi confirme au Ministre de la Justice qu'«en ce qui concerne M. Reyniers ... (quatre) dossiers d'instruction ont été ouverts», dont un «à la demande du parquet» et que parallèlement à l'ouverture du dernier dossier, «Une instruction disciplinaire globale» a été engagée; qu'il fait également observer que la partie défenderesse, prétextant, le secret de l'instruction judiciaire et la nécessité de maintenir secrète la procédure disciplinaire pour ne pas fournir davantage d'éléments au Conseil d'Etat, affirme néanmoins qu'il lui appartient (au requérant) de fournir les éléments nécessaires susceptibles d'appuyer sa thèse de l'inégalité de traitement; qu'il allègue en outre que le refus de la partie défenderesse d'apporter sa collaboration pour assurer le juste règlement du procès l'a obligé à aller chercher lui-même des éléments dans ce qui a plus ou moins été «révélé»; qu'il fait valoir à cet égard que la presse a révélé que trois officiers, à savoir lui-même, M. Z ... ., commissaire, et M. P ... ., commissaire principal, ont été suspendus, alors que la procédure disciplinaire globale a été engagée également contre MM. M. ..., commissaire principal, A .... et V ... ., commissaires, lesquels n'ont toutefois pas été suspendus bien qu'ils fassent eux aussi l'objet de poursuites pénales et qu'ils soient impliqués dans la même procédure disciplinaire globale; qu'il a en outre appris que ces trois officiers ont, eux, été entendus par leurs supérieurs, avec le résultat qu'aucune mesure d'ordre n'a été prise à leur encontre; qu'il affirme, enfin, que le dossier administratif ne révèle pas les motifs susceptibles de justifier cette différence de traitement;

Considérant que la partie défenderesse soulève que lorsqu'à l'audience, le requérant dénonce, pour la première fois, la violation du principe d'égalité en visant trois collèges déterminés mais non nommément cités, il invoque, en fait, un moyen d'annulation tout à fait nouveau dont il ne peut être tenu compte; qu'elle soutient que l'«obligation de simultanéité entre la requête en annulation et la requête en suspension», imposée par l'article 17, § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, implique que les moyens invoqués ultérieurement ne peuvent être retenus;

Considérant que l'argumentation développée à l'audience par le requérant qui dénonce, pour la première fois, une inégalité de traitement spécifique, comporte manifestement un nouveau moyen d'annulation;

Considérant qu'en vertu de l'article 17, §§,1er et 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, la suspension de l'exécution de l'acte attaqué n'est possible que si deux conditions fondamentales sont remplies cumulativement; que l'une de ces conditions fondamentales, tient en ce que le recours en annulation doit invoquer des moyens sérieux fondés sur la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution; que, bien que l'on puisse comprendre que, ne sachant sans doute pas que d'autres collègues avaient eux aussi fait l'objet d'instructions pénales et/ou disciplinaires, le requérant aurait difficilement pu dénoncer une inégalité spécifique déjà dans son recours en annulation, il ne peut être tenu compte, pour déterminer si la condition précitée a été remplie - et cela en vertu de la disposition de loi en question - que des moyens invoqués à l'appui du recours en annulation; que ces moyens doivent être invoqués dans le cadre de la procédure d'annulation, soit dans la requête en annulation, soit, pour la première fois, dans un mémoire ampliatif ou dans le mémoire en réplique; qu'aucun moyen d'annulation ne peut être invoqué dans le cadre de la procédure de suspension, ni dans la demande de suspension, ni dans une note ultérieure ou à l'audience; que pour apprécier la demande de suspension, il ne peut être tenu compte d'un moyen qui n'a pas été invoqué dans la requête en annulation, de la même façon qu'un moyen invoqué pour la première fois dans un mémoire ampliatif ou dans le mémoire en réplique ne saurait être rattaché à une demande de suspension; que cette demande ne pourrait d'ailleurs mettre à néant l'exécution de la décision attaquée;

Considérant que l'une des conditions fondamentales imposées par l'article 17 n'étant pas remplie, la demande de suspension doit être rejetée,

(Rejet de la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du Ministre de la Justice du 23 mars 1990).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 1

N°s 34. 772 à 34. 77 5 ARRETS du 19 avril 1990 (VIIe Chambre)

N° 34.776

34.772 à 34.774 - ROELANTS, MATTELIN et VAN CAMP: recours sans objet à la suite du retrait de l'acte attaqué.

34.775 - BOUSSEMAERE et Consorts: désistement.

N° 34.776 ARRET du 18 avril 1990 (VIIe Chambre)

M. Tacq, président de chambre, et Mmes Vririts et Tulkens, rapporteur, conseillers, et M. De Wolf, auditeur.

BLOCH (Me Debeuckelaere) c/ Etat belge représenté par le ministre de la Justice (Me Maes) - Partie intervenante: Gruwez (Me Putzeys)

PROCEDURE - 1° Règles spéciales à la demande de suspension - Généralités; - 2° Emploi des langues - Contentieux de l'annulation; - 3° Réouverture des débats

Dans le cas prévu par l'article 61, 4°, des lois coordonnées du 12 janvier 1973, la chambre unilingue saisie par le recours ne peut connaître ni de la demande en intervention ni de la demande de suspension. Il y a lieu pour elle de rouvrir les débats et de renvoyer l'affaire au rôle général.

Vu la requête introduite Je 19 mars 1990 par Alain Bloch, représenté par son conseil Me W. Debeuckelaere, avocat, tendant à l'annulation de l'arrêté royal du 1er mars 1990 portant nomination d'Anne Gruwez en tant que juge au tribunal de première instance de Bruxelles;

Vu l'acte distinct joint à la requête demandant la suspension de l'exécution de l'arrêté royal du 1er mars 1990 précité;

Vu la requête du 4 avril 1990 par laquelle Anne Gruwez, élisant domicile chez son conseil, Me J. Putzeys, avocat, demande à intervenir dans l'instance en cours;

Considérant que le requérant soulève à tort l'irrecevabilité de la requête en intervention d'Anne Gruwez au motif que l'arrêté royal du 27 octobre 1989 déterminant la procédure devant la section d'administration du Conseil d'Etat, saisie d'une demande de suspension ne prévoit aucun autre incident que ceux mentionnés aux articles 16 et 17, à savoir l'inscription de faux, le désistement de l'instance et la récusation et nullement «la possibilité d'intervention»; que les articles 4 et 11 de l'arrêté royal du 27 octobre 1989 prévoient en effet explicitement l'intervention;

Considérant que, conformément à son statut linguistique, Alain Bloch a employé la langue néerlandaise pour l'introduction du recours en annulation; que, conformément à son statut linguistique, Anne Gruwez a employé la langue française pour l'introduction de sa demande en intervention;

Considérant que l'article 61, 4°, des lois coorqonnées sur le Conseil d'Etat prescrit le renvoi à la chambre bilingue des «affaires visées à l'article 60, lorsque le titulaire dont ils' agit de déterminer la situation juridique y intervient régulièrement et que, de ce fait, l'application dans son chef des critères formulés aux articles 54 à 59 impose l'emploi d'une langue autre que celle dans laquelle l'affaire devrait être traitée par application de l'article 60»; que la Vllème chambre, à laquelle l'affaire a été dévolue, ne peut dès lors connaître de la requête en intervention d'Anne Gruwez ni de la demande de suspension formée par Alain Bloch; qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire à la chambre bilingue,

(Réouverture des débats - renvoi de l'affaire au rôle de la Vème chambre).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N°s 34. 777 et 34. 778

N°s 34. 777 et 34. 778 ARRETS du 20 avril 1990 (IIIe Chambre)

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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MM. Van Aelst, président de chambre, rapporteur, Geus et Mme Thomas, conseillers, et M. Fortpied, premier auditeur.

Société par actions de droit italien ING. A. BELLINI ET C0 (Me Leurquin) n° 34.777 - c/ Régie des bâtiments (Mes Gillet et Lambert) - Partie inter­venante: A.S.B.L. Confédération nationale de la construction (Mes Forges et Goffin) n° 34.778 - c/ Etat belge représenté par le ministre de la Défense nationale (Mme Delcourt)

I. MARCHES DE TRAVAUX, DE FOURNITURES ET DE SERVICES - Règles applicables à tous les modes de passation des marchés - Agréation des entrepreneurs - Agréation spéciale et préalable

A l'article 1er del' arrêté-loi du 3 février 1947, la référence au B introduite par l'ajout C ne peut se comprendre que comme faisant référence au seul B, 1°.

Si l' agréation accordée en application de la réglementation italienne vaut, en vertu du C, celle qui est organisée par la réglementation belge, ce ne peut être que sous la réserve que les conditions requises pour le classement par catégories et classes d'importance fixées en Belgique soient respectées.

Il est raisonnable de ne pas tenir compte des travaux exécutés par un entrepreneur étranger dans le pays où il est établi pour déterminer le montant total des travaux exécutés simultanément tel qu'il est prévu par le B, 1°.

II. MARCHES DE TRAVAUX, DE FOURNITURES ET DE SERVICES - Règles applicables à tous les modes de passation des marchés - Agréation des entrepreneurs - Généralités

En établissant, par son arrêté du ·7 février 1978, les critères à prendre en considération pour l'examen des demandes d' agréation des entrepreneurs et les conditions d'octroi des dérogations éventuelles, le ministre des Travaux publics n'a fait qu'exécuter, sans excéder ses pouvoirs, la mission à lui confiée par l'arrêté-loi du 3 février 1947.

N° 34.777 Vu la requête introduite le 13 mars 1979 par la société par actions de droit italien Ing. A. Bellini et C0

qui demande l'annulation de:

«1. la décision de la Régie des Bâtiments du 28 décembre 1978 d'adjuger à la S.A. R. Maes de Gand, les travaux de construction du Centre de premier accueil à l' Ecole d' Education et de Surveillance de Wauthier-Braine;

»2. la décision de la Régie des Bâtiments du 28 décembre 1978 de ne pas adjuger lesdits travaux à la requérante.»;

Vu la requête introduite le 19 décembre 1979, par laquelle l'association sans but lucratif Confédération nationale de la construction demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 18 janvier 1980 accueillant cette intervention;

Vu l'arrêté n° 22.676 du 19 novembre 1982 rouvrant les débats et chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. l'auditeur général de mesures d'instruction;

Vu l'arrêté n° 26.059 du 15 janvier 1986 par lequel il est sursis à statuer et une question préjudicielle est posée à la Cour de justice des Communautés européennes;

Vu l'arrêt rendu le 9 juillet 1987 par la Cour de justice des Communautés européennes;

Considérant que les faits sont les suivants:

- Le marché litigieux a été mis en adjudication publique suivant cahier spécial des charges n° K 90/78-H-87.

Cinq soumissions ont été recueillies le 30 novembre 1978.

- Après examen des opérations arithmétiques et rectifications éventuelles, le classement des soumission­naires pour la détermination de l'offre la plus basse a été établi comme suit:

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 3

1. S.P.A. Bellini à Bergame (Italie)

2. S.A. Maes à Gand

69.180.502,- F

71.778.506,- F

N° 34.777

- Dans sa lettre du 8 décembre 1978, par laquelle il transmet à la Régie des bâtiments le résultat de l'adjudication des travaux, l'architecte en chef-directeur du service du Brabant écrit:

« ...

»--Le soumissionnaire (Bellini) ... déclare que son entreprise est agréée par le M.T.P. Italien dans la classe 8 (italienne) et catégorie 2 (italienne) .. .

» ...

»-(Il) joint à sa soumission:

»1) .. .,

»2) ... une attestation du Tribunal Civil et Pénal de Bergamo certifiant que le capital social de la Société est de 35 millions de lires et que celle-ci a pour objet l'industrie des constructions du bâtiment en général .. .,

»3) ... une photocopie d'un certificat d' agréation daté du 18 mai 1978 ...

» ...

»L' agréation de cette entreprise étant faite par le M.T.P. italien, il y a lieu de faire examiner par la Commission d' agréation si l' agréation déclarée peut être acceptable.

» ... ».

- Dans une «Note pour Monsieur le Ministre», le directeur général des Bâtiments observe:

« ...

»Agréation

»Le cahier des charges impose la classe 7. Cependant compte tenu du montant de leurs offres, la classe 6 est suffisante pour les soumissionnaires restant en compétition.

» ...

»Examen de la situation de la société italienne Bellini dont l'offre est la plus basse.

»Les documents annexés à l'offre permettant d'établir que cette société est agréée en Italie dans la catégorie 2 correspondant à des travaux de bâtiment et qu'elle dispose de la classe 8 permettant de lui attribuer un marché d'un montant maximum de 4 milliards de lires soit 142 millions de francs au cours moyen actuel du change (3,57 F pour 100 lires). Cela correspond à la classe 7 pour la réglementation belge.

»Il apparaît toutefois que cette société n'aurait pas pu obtenir cette agréation en Belgique pour cause d'insuffisance de «Fonds propres».

»En effet, la classe 6 nécessaire pour le présent marché impose des fonds propres se montant à 15.000.000 F (Art. 1, § 2, de l'A.M. du 7.2.78).

»Or, avec les éléments du dossier et sachant qu'ils' agit d'une société par actions, ses fonds propres seraient au maximum, suivant application du point 3, § 4, de l'art. 1 de l'A.M. du 7.2.78

» ... 2.625.000 F.

»Dans ces conditions, en Belgique, la société Bellini ne pourrait obtenir que la classe 3 correspondant à des marchés d'un montant maximum de 10.000,000 F.

»Autre anomalie dans la situation de la société Bellini: l'insuffisance de ses effectifs actuels. En effet, l'annexe 6 à la soumission qui constitue une attestation montrant que la société Bellini est en règle de versements à l'Institut National de Prévoyance Sociale fait état d'un cadre de 28 membres de personnel alors que le point 2 °) de l'art. 2 de l'A.M. du 7.2.78 impose pour la classe 6 (requise en l'occurrence) un effectif moyen de 50 ouvriers et 2 cadres.

» ... ».

- Le 28 décembre 1978, le ministre approuve la soumission de la société anonyme Maes.

- Le 29 décembre 1978 et le 2 janvier 1979, la société Bellini informe respectivement le Ministre des Travaux publics et le président de la Commission d'agréation qu'elle a porté son capital social effectivement libéré de 35 millions à 900 millions de lires;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'au moment où elle a soumissionné et au moment où le marché a été adjugé, le capital social effectivement libéré de la société Bellini était de 35.000.000 de lires, soit l'équivalent de 1.250.000 francs belges et, avec les réserves légales et extraordinaires de 2.625.000 francs belges; que, selon l'attestation de l'Instituto Nazionale della Previdenza Sociale du 30 août 1978, le personnel pour lequel les

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N° 34.777

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cotisations ont été versées par la société Bellini jusqu'au 31 juillet 1978, s'élevait à 28 membres; que le Conseil d'Etat ne dispose toutefois d'aucun élément en ce qui concerne le personnel pendant les trojs années visées par l'arrêté ministériel du 7 février 1978 établissant les critères à prendre en considération pourl'eiiamen des demandes d' agréation des entrepreneurs et les conditions d'octroi des dérogations éventuelles;

Considérant qu'il n'est pas contesté non plus que, aux termes de la réglementation italienne, la partie requérante était présumée apte à construire «des édifices civils et les ouvrages annexes et accessoires» (catégorie 2 italienne) jusqu'au moment de 4 milliards de lires (classe 8 italienne), soit environ 142.000.000 de francs belges;

Considérant que, de tous les pays de la Communauté économique européenne, seules la Belgique et l'Italie ont dès listes d'entrepreneurs agréés; que la Belgique, où l'agréation des entrepreneurs est réglée par un arrêté-loi du 3 février 1947, a, par un arrêté royal du 11 avril 1974 pris en vertu de la loi du 20 juillet 1973 relative aux mesures d'exécution des traités et actes internationaux en matière de marchés de travaux, de fournitures et de services pass~s par les services publics, entendu conformer sa législation aux dispositions des directives communautaires du 26 juillet 1971, en ajoutant à l'article Ier de l'arrêté-loi du 3 février 1947, le C. qui sera énoncé ci-après;

Considérant que la requérante invoque deux moyens qu'elle énonce comme suit:

<<A. Premier moyen,

»pris de la violation de l'article 12, § r·, de la loi du 14 juillet 1976 relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services,

»de la fausse application de l'article 1''", B, 2°, ]<'' alinéa, et de la violation de l'article 1"" C de l'arrêté-loi du 3 février 1947 organisant l' agréation des entrepreneurs et de l'excès de pouvoir,

»en ce que la partie adverse paraît avoir écarté la soumission de la requérante de l'adjudication en cause et avoir conséquemment adjugé le marché à un autre entrepreneur, plus-disant que la requérante, au motif que la soumission de la requérante, bien que la plus basse, n'aurait pas été régulière à défaut de répondre à l' agréation requise par une inscription sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Belgique,

»alors que les dispositions visées au moyen n'autorisent pas la partie adverse à retenir un tel motif lorsque le soumissionnaire dispose pour les travaux prévus au cahier spécial des charges d'une inscription sur la liste officielle des entrepreneurs agréés dans un autre Etat membre, à savoir la République italienne, qui vaut agréation comme prévu à l'article 1er, B, 2°, 1''" alinéa, de l'arrêté-loi du 3 février 1947,

»de sorte qu'en écartant, par application supposée de l'article 1"·, B, 2°, 1er alinéa, de l'arrêté-loi du 3 février 1947, la soumission de la requérante et en adjugeant au plus'disant la partie adverse a violé la loi et excédé ses pouvoirs.

»B. Deuxième moyen,

»pris de la violation de l'article 3, c, et de l'article 7, du Traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome, le 25 mars 1957, approuvé par la loi du 2 décembre 1957,

»de la violation des articles 25 et 28, 3, de la Directive 711305/C.E.E., du Conseil des Communautés européennes, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, et de l'excès de pouvoir,

»en ce que la partie adverse, à supposer qu'elle ait considéré que l'inscription sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Italie valait inscription sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Belgique, semble avoir cependant remis en cause l'aptitude économique et financière de la requérante, · '

»alors que:

»première branche:

»l'inscription de la requérante sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Italie constitue une présomption d'aptitude économique et financière et les renseignements qui peuvent être déduits de l'inscription sur des listes officielles ne peuvent être mis en cause, singulièrement ceux mentionnés à l'article 25, litt. b etc de la Directive 711305/C.E.E., tels les bilans et chiffres d'affaires del' entreprise;

»deuxième branche:

»à supposer, même que la justification économique et financière del' entreprise requérante eût pu être exigée, la partie adverse devait indiquer dans l'avis d'adjudication lors de l'appel à la concurrence celles des références probantes qu'elle entendait obtenir pour le marché concerné;

»troisième branche:

»cette exigence, vis-à-vis de la seule requérante, dont la capacité économique et financière n'est pas suspectée à partir d'éléments défavorables tirés de son activité antérieure, est discriminatoire en raison de sa nationalité et a pour effet de réintroduih! pour les personnes' morales de droit étranger, les conditions exigées par la loi et les règlements belges pour obtenir l' agréation des entrepreneurs dans les classes et catégories considérées, ce qui contrevient également à la libre circulation des personnes morales à l'intérieur- du Marché Commun,

RECUEIL DES ARRETS DU .CONSEIL D'ETAT - 1990

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»de sorte qu'en écartant la requérante au motif de son incapacité économique et financière présumée, la partie adverse a violé les dispositions_ visées au moyen et a excédé ses pouvoirs.»;

Considérant que la requérante précise ses moyens dans son mémoire en réplique; qu'elle écrit notamment, en ce qui concerne le premier moyen:

« ... Lorsqu'il existe une liste officielle d'entrepreneurs agréés dans un Etat membre de la Communauté européenne, comme c'est le cas en Italie et lorsqu'un entrepreneur établi en Italie y est agréé et est autorisé à exécuter des travaux semblables à ceux mis en adjudication en Belgique, son agréation italienne vaut l' agréation belge requise par l'art. l"', B, de l'arrêté-loi du 3 février 1947.

» ... le seul motif de (l') éviction (de Bellini) ... a été le refus de considérer l' agréation italienne de la requérante comme valant l' agréation requise pour le marché considéré et l'exigence corrélative qu'une entreprise italienne de travaux, même agréée, réponde en outre aux critères de la réglementation belge»;

que, quant au second moyen, qu'elle dit alternatif au premier, en soutenant que la seule production de son certificat d'inscription sur la liste des entrepreneurs agréés par l'Etat italien devait lui valoir de répondre à la condition de l' agréation spéciale et préalable en Belgique, elle écrit:

« ... une Directive européenne impose aux Etats membres des obligations minimales pour atteindre les objectifs fondamentaux des Traités. Or, rien n'empêche les Etats membres d'aller au-delà de ces obligations minimales et d'ouvrir davantage ou plus vite leurs marchés.

» ...

»Un régime spécial et d'ailleurs largement préférentiel pour les entrepreneurs est imposé par l'article 28 de la Directive aux Etats membres qui ont des· listes officielles d'entrepreneurs agréés ... »;

qu'elle énonce, en ce qui concerne les fonds propres:

« ... l'exigence de fonds propres minimaux ne figure pas parmi les critères de sélection qualitative en relation avec la capacité économique et financière d'un entrepreneur tels qu'ils sont limitativement énumérés à l'art. 25 de la Directive.

»Le concept économique de «fonds propres» ne peut, en effet, se confondre avec les éléments économiques d'appréciation tels qu'ils résultent de l'art. 25, litt. a à c.»;

qu'elle souligne également, en ce qui concerne l'effectif minimum de personnel imposé, «l'incompatibilité entre l'article 2, 2°, de l'arrêté ministériel du 7 février 1978 et l'article 26, litt. d, de la Directive européenne»;

Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes, répondant aux questions préjudicielles que lui avait posées le Conseil d'Etat, a dit pour droit:

«l) Les références permettant de déterminer la capacité financière et économique d'un entrepreneur ne sont pas énoncées limitativement par l'article 25 de la directive 711305 du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux.

»2) L'indication du montant total des travaux attribués à une entreprise peut être demandée aux soumis­sionnaires à titre de référence probante au sens de l'article 25 de la directive 711305 et ni cet article ni aucune autre disposition de la directive ne s'oppose à ce qu'un Etat membre puisse fixer le montant des travaux pouvant être effectués simultanément.

»3) Les articles 25, 26 d) et 28 dç .la directive 711305 doivent être inte1prétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à ce qu'un adjudicateur exige d'un entrepreneur agréé dans un autre Etat membre la preuve qu'il dispose du montant minimum de fonds propres et du nombre d'ouvriers et de personnel de cadre requis par la législation nationale, même si cet entrepreneur est agréé dans l'Etat membre d'établissement dans une classe correspondante à celle qui est requise par ladite législation nationale en raison de l'importance des travaux à adjuger.»;

que les moyens ne sont pas fondés en tant qu'ils invoquent la violation de la Directive 71/305;

Considérant que les moyens manquent également en droit, en tant qu'ils invoquent la violation du droit interne; qu'en effet l'arrêté-loi du 3 février 1947 organisant l'agréation des entrepreneurs dispose comme suit en son article 1er, B:

«B. En outre une agréation spéciale et préalable est requise:

»1° Si au moment de la conclusion du marché ou en cours d'exécution le montant total de tous les travaux, tant publics ou d'utilité publique que privés, exécutés simultanément par l'entrepreneur, dépasse un maximum qui sera fixé par arrêté royal;

»2° Si l'importance du travail à adjuger dépasse 14n montant fixé par arrêté royal.»;

«Les règles pour le classement des entrepreneurs agréés dans les diverses catégories de travaux et dans les classes d'importance, sont fixées par arrêté royal.

» ... »;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT '--- 1990

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que le Roi, par Son arrêté du 11 avril 1974, a modifié l'arrêté-loi du 3 février 1947 organisant l'agréation des entrepreneurs; qu'Il a ajouté, pour Se conformer à la disposition de l'article 28 de la Directive, à l'article 1er la disposition suivante:

«C. L'inscription sur la liste officielle des entrepreneurs agréés d'un Etat membre de la Communauté européenne vaut agréation, comme prévue au B, pour les travaux qu'en vert/,l de son inscription, l'entrepreneur est autorisé à exécuter dans le pays où il est établi.»;

Considérant qu'il est exclu que la référence au B prévue par cette disposition soit interprétée comme se rapportant à l'ensemble du B de l'article 1er de l'arrêté-loi; qu'en effet, si l'agréation accordée en application de la réglementation italienne vaut, en vertu de ladite disposition, celle qui est organisée par la réglementation belge, ce ne peut être que sous la réserve que les conditions requises pour le classement par catégories et classes d'importance fixées en Belgique soient respectées; qu'accorder, inconditionnellement, une équivalence entre les agréations des deux pays aboutirait à établir une discrimination au détriment des critères beaucoup plus sévères que ceux qui sont imposés par la réglementation italienne; qu'il en serait de même pour les entrepreneurs des autres Etats membres de la Communauté qui solliciteraient l'agréation en Belgique; qu'il en résulterait une violation du principe de l'égalité entre les soumissionnaires; que par contre, il est raisonnable de ne pas tenir compte des travaux exécutés par un entrepreneur étranger dans le pays où il est établi pour déterminer le montant total des travaux exécutés simultanément tel qu'il est prévu par l'article 1er, B, l°, de l'arrêté-loi du 3 février 1947;

Considérant qu'il s'ensuit qu'à l'article 1er de l'arrêté-loi du 3 février 1947 la référence au B introduite par !'ajout C précité ne peut se comprendre que comme faisant référence au seul B, 1°;

Considérant enfin, sur la prétendue illégalité de l'arrêté ministériel du 7 février 1978, que l'arrêté-loi du 3 février 1947 a donné au Roi le pouvoir d'établir les règles pour le classement des entrepreneurs agréés dans les diverses catégories de travaux et dans les classes d'importance, tandis qu'il réservait au Ministre des Travaux publics la tâche de déterminer pour chaque catégorie de travaux les classes d'entrepreneurs autorisés à les exécuter ainsi que d'organiser la commission d'agréation et d'établir et de publier les listes d'entrepreneurs agréés; que l'arrêté royal du 31 janvier 1978 a fixé les mesures d'application de l'arrêté-loi du 3 février 1947, tandis que l'arrêté ministériel du 7 février 1978 a établi les critères à prendre en considération pour l'examen des demandes d' agréation des entrepreneurs et les conditions d'octroi des dérogations éventuelles; que ce faisant, le ministre n'a fait qu'exécuter la mission que lui confiait !'arrêté-loi, sans excéder les limites de son pouvoir;

Considérant qu'il en découle que la requérante n'avait pas vocation à se voir confier le marché litigieux; qu'elle est dès lors sans qualité à entreprendre la désignation de l'adjudicataire,

(Rejet de la requête - dépens à charge de la requérante et de la partie intervenante).

* * *

N° 34.778 Vu la requête introduite le 9 juillet 1979 par la société par actions de droit italien Ing. A. Bellini et C0

,

qui demande l'annulation de:

«1. la décision de date inconnue prise par le Ministre de la Défense nationale d'adjuger le marché des travaux de construction «clef sur porte» d'un bâtiment composé de garages, d'ateliers et de bureaux ainsi que les accès et aires de manoeuvres en béton pour le bataillon Tk, à Marche-en-Famenne, à une entreprise concurrente de la requérante;

»2. la décision de la même date, prise en conséquence, par le Ministre de la Défense nationale, de ne pas adjuger ledit marché à la requérante.»;

Vu l'arrêt n° 22.677 du 19 novembre 1982 rouvrant les débats et chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. l'auditeur général de mesures d'instruction;

Vu l'arrêt n° 26.060 du 15 janvier 1986 par lequel il est sursis à statuer, une question préjudicielle étant posée à la Cour de justice des Communautés européennes;

Vu l'arrêt rendu le 9 juillet 1987 par la Cour de justice des Communautés européennes;

Considérant que les faits sont les suivants:

- Le marché a été mis en adjudication publique suivant le cahier spécial des charges 8!M/A/034/1978. L'agréation était requise en catégorie D, classe 7.

- Neuf soumissions ont été recueillies le 6 novembre 1978 et classées comme suit après rectifications arithmétiques et des quantités:

RECUEIL DES. ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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1. Bellini

2. Bemat/Wust

3 ....

98.540.593 F

107.003.117 F

N° 34.778

- Le rapport d'adjudication mentionne que Bellini est agréé en catégories 2 et 3, classe 8, et que Bemat/Wust est agréé «DB».

- Ce rapport contient les conclusions suivantes:

«Les entreprises européennes si elles satisfont à la réglementation d' agréation dans leur pays sont admissibles sans dérogation en Belgique, mais elles doivent à la fois répondre aux critères belges et aux critères de leur pays d'origine en matière d' agréation.

»Nous attirons l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité de contrôler les références techniques et financières des entreprises Bellini qui, d'après les éléments en notre possession, nous paraissent excessivement faibles (capital social de +!- 1.000.000 FB alors qu'en Belgique les fonds propres des entreprises D7 doivent être de 30 millions). L'avis de la Commission d' agréation devrait être sollicité.

»Le Bureau d'études propose de retenir l'offre des Entreprises Bellini à condition que la Commission d' agréation émette un avis favorable. Dans le cas contraire, le Bureau d'études propose les Entreprises Bemat/Wust qui ont introduit l'offre totalement coriforme, la moins disante.».

- Le président de la Commission d'agréation des entrepreneurs écrit le 22 mars 1979 au Ministre de la Défense nationale la lettre suivante:

«l. - La commission a récemment émis l'avis suivant en ce qui concerne les entrepreneurs italiens inscrits sw· la liste officielle des entrepreneurs agréés d'Italie: elle estime que le législateur ne peut avoir eu l'intention de favoriser les entreprises italiennes vis-à-vis des belges; il faut en conclure quel' assimilation del' agréation italienne à l' agréation belge s'entend pour autant que les «conditions d'obtention» de ces agréations soient les mêmes; en d'autres mots, un marché public de travaux ne peut être confié par l'autorité compétente belge à un entrepreneur italien que pour autant qu'il soit satisfait par ce dernier aux critères requis pour l'obtention de l' agréation ou de la dérogation correspondantes aux classes, catégories et/ou sous-catégories exigées pour le travail considéré; cet avis a été transmis à Monsieur le Miniùre des Travaux publics qui doit encore prendre position en la matière.

»2. -Bien que la «S.P.A. lng. A. Bellini et C0 »soit inscrite sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Italie sous le n° 672.908, pour la réalisation de constructions de bâtiments jusqu'à 144.000.000 F.B., l'intéressée ne satisfait pas aux critères fixés par la réglementation belge pour l'obtention de l' agréation ou de la dérogation d' agréation en cl. 7, cat. D en raison de l'insuffisance du chiffre d'affaires global en travaux au cours des trois dernières années et de l'insuffisance des effectifs moyens annuels pendant les trois dernières années. (La firme est effectivement limitée à la classe 5 pour ces deux matières).».

- Le ministre approuve, le 2 mai 1979, la soumission Bemat/Wust.

- La société Bellini est avisée, par lettre du 13 juin 1979, que «(sa) soumission concernant l'entreprise précitée n'a pas été retenue».

- Entre-temps, le 29 décembre 1978, la société Bellini avait informé le Ministre de la Défense nationale que «le capital social effectivement libéré de notre société vient d'être porté à 900 millions de lires italiennes».

- Elle av ait produit, le 1er février 1979, une copie du rapport de !'assemblée générale de la société qui s'était tenue le 19 janvier 1979 en vue d'augmenter le capital social de 35 à 900 millions de lires italiennes (= ± 32.000.000 F.B.).

- Elle a également produit, avec son mémoire en réplique, des attestations en italien, avec traductions conformes, du tribunal civil et pénal de Bergame du 1er juillet 1978, selon lesquelles la société Bellini «jouit pleinement de tous ses droits ... », de l'Institut national pour l'assurance contre les accidents du travail et de l'Institut n.ational pour l'assurance contre les maladies, du 29 août 1978, selon lesquelles elle est en règle de cotisations, de l'Institut national de la prévoyance sociale du 30 août 1978, selon laquelle elle est en règle de cotisations <<pour 26 membres du personnel»;

Considérant que la requérante prend un moyen:

« ... de la violation de l'art. 6 de la Constitution et du principe d'égalité entre les soumissionnaires; de la violation de l'art. 12, § l'r, de la loi du 14 juillet 1976 relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services; de la fausse application de l'art. l"', B, 2°, la alinéa, et de la violation de l'art. l"'', C, de l'arrêté-loi du 3 février 1947 organisant l' agréation des entrepreneurs; de. la violation de l'art. 3, C, de l'art. 7 et des art. 59 à 66 du Traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957 et approuvé par la loi belge du 2 décembre 1957; de la violation des art. 16, litt. 1, 25, litt. b, 26, litt. b et d, et 28, 3, de la Directive 711305/CEE du Conseil des Communautés européennes du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de l'erreur dans les motifs et de l'excès de pouvoir,

»en ce que la partie adverse paraît avoir écarté la soumission de la requérante de l'adjudication en cause et avoir conséquemment adjugé le marché à un autre entrepreneur, plus-disant que la requérante, au motif

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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que la soumission de la requérante, bien que la plus basse, n'aurait pas été régulière à défaut de répondre à l' agréation requise par une inscription sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Belgique, ou à défaut d'avoir démontré que outre son agréation officielle en Italie, elle disposait d'une assise financière, économique et technique équivalente aux critères imposés pour l' agréation selon le régime belge,

»alors que:

»première branche:

»l'inscription de la requérante sur la liste officielle des entrepreneurs agréés de la République italienne, Etat membre de la Communauté économique européenne, lui vaut agréation, comme prévu à l'art. 1, B, 2°, de l'arrêté-loi du 3 février 1947, pour les travaux qu'en vertu de son inscription, l'entrepreneur italien est autorisé à exécuter en Italie;

»deuxième branche:

»l'inscription de la requérante sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Italie constitue une présomption d'aptitude économique, financière et technique; que les renseignements qui peuvent être déduits de l'inscription sur des listes officielles ne peuvent être mis en cause, singulièrement ceux mentionnés à l'article 25, litt. b et à l'article 26, litt. b, et d, tels les bilans, la liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, les effectifs moyens annuels del' entreprise et l'importance des cadres pendant les trois dernières années;

»troisième branche:

»à supposer même que la justification de l'assise économique, financière et technique de l'entreprise requérante eût pu être exigée, la partie adverse devait indiquer dans l'avis d'adjudication, lors de l'appel à la concurrence, celles des référencés probantes qu'elle entendait obtenir pour le marché concerné; tant des entreprises belges que des entreprises établies dans les autres Etats membres de la Communauté économique européenne;

»quatrième branche:

»cette exigence, vis-à-vis de la seule requérante, dont la capacité économique, financière et technique est suspectée par principe et non pas à partir d'éléments défavorables tirés de son activité antérieure, est discriminatoire 'en raison de sa nationalité et a pour effet de réintroduire pour les personnes de droit étranger, les conditions exigées par la loi et les règlements belges pour obtenir l' agréation des entrepreneurs dans les classes et catégories considérées, ce qui contrevient également à la libre circulation des personnes à l'intérieur du Marché Commun,

»cinquième branche:

»même s'il fallait suivre la partie adverse concernant son exigence d'une assise financière équivalente à celle exigée selon le régime belge de !' agréation, il y aurait lieu de constater l'erreur de fait dans les motifs des actes attaqués puisque la requérante a apporté la preuve légale, en temps utile, de l'augmentation de son capital social dans des limites compatibles avec celui exigé par le régime réglementaire de droit belge pour la catégorie des travaux en cause,

»de sorte qu'en décidant d'écarter la requérante pour les motifs déterminants susénoncés, la partie adverse a violé les dispositions visées au moyen, a donné à ses décisions des motifs non !également admissibles, ou erronés et a excédé ses pouvoirs.»;

Considérant que la requérante précise, dans son mémoire en réplique:

«... Lorsqu'il existe une liste officielle d'entrepreneurs agréés dans un Etat membre de la Communauté européenne, comme c'est le cas en Italie, et lorsqu'un entrepreneur établi en Italie y est agréé et est autorisé à exécuter des travaux semblables à ceux mis en adjucation en Belgique, son agréation italienne vaut l' agréation belge requise par l'art. l"', B, de !'arrêté-loi du 3 février 1947.

» ...

»L'équivalence porte sur !' agréation et non pas sur la nécessité de répondre aux mêmes critères réglementaires ... le seul motif de !'éviction (de la requérante) ... a été le refus de considérer l' agréation italienne ... comme valant l' agréation requise pour le marché considéré et l'exigence corrélative qu'une entreprise italienne de travaux, même agréée, réponde en outre aux critères de la réglementation belge ...... par application de !'art. 28.3 de la Directive 711305/CEE du Conseil des Communautés européennes du 26 juillet 1971, la partie adverse devait admettre que la production par la requérante du certificat d' agréation en Italie constituait une présomption d'aptitude économique, financière et technique ... la partie adverse a entendu remettre en cause cette aptitude de la requérante en ce qui concerne: les fonds propres de l'entreprise, le chiffi·e d'affaires en travaux au cours des cin·q dernières années, les effectifs moyens annuels de l'entreprise et l'importance des cadres pendant les trois dernières années.»;

que la requérante transforme, dès lors, la deuxième branche de son moyen en:

« ... un moyen pris de la violation des art. 28, 3 et 4; 25, litt. c, et 26, litt. b, et d, de la Directive 711305/CEE du Conseil des Communautés européennes du 26 juillet 1971 et de la fausse application del' art. 1, § 2, del' arrêté ministériel du 7 février 1978.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 68: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

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»première sous-branche:

N° 34.779

»en ce que la pàrtie adverse entend faire de /'exigence d'un montant déterminé de fonds propres un critère de sélection qualitative d'un entrepreneur agréé dans un autre Etat membre,

»alors que /'exigence de fonds propres minimaux ne figure pas parmi les critères de sélection qualitative en relation avec la capacité économique et financière pouvant être exigée d'un entrepreneur, tels qu'ils sont limitativement énumérés à /'art. 25 de la Directive (violation des art. 25 et 28, 4, de la Directive 711305/CEE);

»deuxième sous-branche:

»en ce que la partie adverse entend remettre en cause des renseignements déduits de l'inscription sur la liste officielle des entrepreneurs agréés en Italie, tels le chiffre d'affaires en travaux et les effectifs moyens annuels de l'entreprise et l'importance de ses cadres pendant les trois dernières années,

»alors que de tels renseignements sont déduits de l'inscription de la requérante sur la liste des entrepreneurs agréés en Italie et ne peuvent être mis en ca_use,

»alors que ces renseignements sont la preuve de l'existence d'une présomption d'aptitude économique, financière et technique de /'entreprise (violation des art. 28, 3 et 4; 25, litt. c, et 26, litt. b et d, de la Directive 711305/CEE, du Conseil des C.E.).»;

Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes .. .* (Rejet de la requête - dépens à charge de la requérante).

N° 34.779

ARRET du 20 avril 1990 (ille Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et M. Coolen; premier auditeur.

S.A. PRAYON-RUPEL (Mes Regout et Maussion) c/ Commune d'Engis (Me Cools)

I. COMMUNES - Conseil communal - Publication des règlements et ordonnances

Le certificat de publication, signé par le bourgmestre et contresigné par le secrétaire communal, a force probante jusqu'à inscription de faux.

II. IMPOTS ET TAXES - Fiscalité communale - Tutelle

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 1984, les règlements-taxes ne sont plus soumis à approbation.

III. PROCEDURE - Requête - Délai - Point de départ - Généralités

Le délai de recours en annulation commence à courir à partir de la publication de l'acte et non à dater du jour où a été connue l'illégalité dont il serait entaché.

IV. NOTION D'ACTE (SUSCEPTIBLE DE RECOURS) - Information - Généralités

La lettre par laquelle le collège des bourgmestre et échevins se borne à transmettre à un contribuable la copie d'un règlement-taxe en précisant à quoi il est applicable, ne constitue qu'une information qui ne fait pas grief.

Vu la requête introduite le 26 octobre 1987 par la société anonyme Prayon-Rupel qui demande l'annulation:

«1. (du) le règlement-taxe pris le 2 février 1987 par le conseil communal d' Engis établissant pour les exercices 1987 et 1988, - ou 1986-1987 ( .. ) - une taxe communale sur les dépôts d'immondices exploités par des personnes privées, en tant que ce règlements' appliquerait aux dépôts de gypse (déchets industriels), par décision du collège des bourgmestre et échevins révélée par sa lettre du 25 août 1987 à la requérante;

»2. (de) la décision du collège des bourgmestre et échevins d'Engis, de date indéterminée, révélée par sa lettre du 25 août 1987, d'appliquer le règlement-taxe du 2 février 1987 aux dépôts d'immondices de tous genres, en ce compris les immondices industrielles;

»3. pour autant que de besoin, (de) la lettre du collège des bourgmestre et échevins d' Engis du 22 septembre 1987 confirmant la décision sub 2.»;

*Les six derniers considérants sont identiques aux six derniers considérants du n° 34.777.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - I990

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N° 34.779

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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Considérant que la requérante conteste que le recours soit tardif en ce qui concerne le premier acte attaqué, comme l'a soulevé d'office l'auditeur rapporteur; qu'elle met en doute l'authenticité du certificat de publication déposé au dossier par la partie adverse, affirme que le délai de recours en annulation ne commençait à courir qu'à dater de la publication de l'arrêté attaqué accompagné de l'arrêté d'approbation, et invoque le fait que ce n'est que par le deuxième acte attaqué qu'elle a été éclairée quant au champ d'application du règlement-taxe litigieux et donc du vice dont il est affecté;

Considérant que le certificat de publication, signé par le bourgmestre et contresigné par le secrétaire communal, a force probante jusqu'à inscription de faux; que la requérante ne s'est pas inscrite en faux contre ce document;

Considérant que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 1984 modifiant les dispositions relatives à la tutelle sur les actes des autorités communales les règlements-taxes ne sont plus soumis à approbation;

Considérant que le délai de recours en annulation commence à courir à partir de la publication de l'acte et non à dater du jour où a été connue l'illégalité dont il serait entaché;

Considérant que le recours introduit le 26 octobre 1987 contre un arrêté publié le 3 février 1987 est tardif et, partant, irrecevable;

Considérant que l'auditeur rapporteur a soulevé d'office l'irrecevabilité du recours en tant qu'il est dirigé contre le deuxième et le troisième acte attaqué; que, dans son dernier mémoire, la requérante soutient que par sa décision révélée par une lettre du 25 août 1987, le collège des bourgmestre et échevins a étendu le champ d'application du premier acte attaqué et qu'elle constitue donc un acte faisant grief;

Considérant que par la lettre précitée, le collège des bourgmestre et échevins s'est borné à transmettre à la requérante une copie du premier acte attaqué en indiquant que celui-ci était applicable aux dépôts d'immondices «ménagères, industrielles ou autres»; que l'information ainsi donnée ne fait pas grief; qu'il en va de même pour le troisième acte attaqué qui ne fait que confirmer cette information;

Considérant que le recours est irrecevable à défaut d'intérêt en tant qu'il vise les deuxième et troisième actes attaqués,

(Rejet de la requête - dépens à charge de la requérante).

N° 34.780

ARRET du 20 avril 1990 (IIIe Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et Mme Haubert, auditeur.

A.S.B.L. INTER-ENVIRONNEMENT-WALLONIE (Me Lebrun) c/ Région wallonne (Mes Dayez et Scarcez)

PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - Evaluation des incidences - Règles applicables en Région wallonne - Notice d'évaluation préalable

1. L'article 10, § 4, du décret du 11septembre1985 charge l'autorité compétente pour accorder une autorisation, au sens de l'article l"', 4, d'apprécier librement si un projet risque d'avoir une incidence importante sur l'environnement. Ce pouvoir d'appréciation ne peut être limité par l' Exécutif régional que dans le cas où celui-ci a prévu que certains types de projets requerraient toujours l'établissement d'une étude d'incidences.

C'est en violation de l'article 10, § 4, du décret que l'article 4 de l'arrêté du 10 décembre 1987 interdit à l'autorité de prescrire une telle étude dans le cas qu'il détermine.

2. Il résulte del' article 1er, 1, du décret du 11septèmbre1985 que la notice d'évaluation préalable fait partie intégrante du système d'évaluation des incidences sur l'environnement.

Si !'Exécutif peut, en application de l'article 10, § 4, du même décret, imposer que la procédure d'incidences soit menée jusqu'à son terme pour les projets qu'il détermine, il ne peut dispenser une demande d'autorisation de comporter la notice d'évaluation préalable qu'impose l'article 7 du décret.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - I990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 11 N° 34.780

Vu la requête introduite le 4 avril 1988 par l'association sans but lucratif Inter-Environnement-Wallonie qui demande l'annulation des «articles 4 et 5, § 3, del' arrêté régional wallon du 10.12.1987 portant exécution du décret du 11.9.1985 organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement en région wallonne», arrêté publié au Moniteur belge du 11 mai 1988;

Considérant qu'en un premier moyen, la requérante fait valoir que l'article 4 de l'arrêté attaqué, aux termes duquel l'autorité compétente est tenue de dispenser un projet de l'étude d'incidences s'il n'est pas visé à l'article 2 du même arrêté, viole les articles 9 et 10 du décret du 11 septembre 1985 organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement dans la Région wallonne, dispositions dont il résulte que l'Exécutif régional wallon arrête un système de normes d'évaluation permettant de déterminer les cas où les incidences d'un projet risquent d'être importantes, que l'autorité compétente apprécie les incidences du projet sur l'environnement sur la base notamment de la notice d'évaluation préalable et prescrit l'établissement d'une étude d'incidences sur l'environnement, d'une part pour les projets mentionnés par le décret lui-même ou un arrêté de l'Exécutif et, d'autre part pour ceux dont à son estime les incidences sur l'environnement risquent d'être importantes;

Considérant que la partie adverse répond que l'article 2 de l'arrêté attaqué tient lieu temporairement de normes d'évaluation, visées à l'article 9 du décret du 11 septembre 1985, et détermine les cas dans lesquels une étude d'incidences doit être menée; qu'elle a estimé que les normes d'incidences étaient insuffisantes pour justifier une étude d'incidences dans les cas non visés à l'article 2 de l'arrêté attaqué; que, d'après elle, «il en résulte que l'autorité compétente est tenue d'apprécier sur base des critères repris à l'article 2 les cas dans lesquels il y a lieu de prescrire l'établissement d'une étude d'incidences sur l'environnement (article 10, §§ J<,. et4, du décret) et il en résulte logiquement que si l'autorité compétente estime sur base de la notice d'évaluation préalable que le projet ne rentre pas dans les cas visés par l'article 2 de l'arrêté ministériel du 10 décembre 1987, il y a lieu de dispenser le projet du reste de la procédure d'évaluation»;

Considérant que l'article 10, § 4, du décret du 11 septembre 1985 charge l'autorité compétente pour accorder une autorisation, au sens de l'article 1er, 4, dudit décret, d'apprécier librement si un projet risque d'avoir une incidence importante sur l'environnement; que ce pouvoir d'appréciation ne peut être limité par l 'Exécutif régional wallon que dans les cas où celui-ci a prévu que certains types de projets requerraient toujours l'établissement d'une étude d'incidences; que c'est en violation de l'article 10, § 4, du décret que l'article 4 de l'arrêté attaqué interdit à l'autorité de prescrire une telle étude dans les cas qu'il détermine; que le moyen est fondé;

Considérant qu'en un second moyen, la requérante soutient que l'article 5, § 3, de l'arrêté attaqué prive de·. sa portée l'essentiel du décret, et plus particulièrement son article 7 combiné avec l'article 1er, 4; qu'elle fait valoir que ledit article 7 impose que toute demande d'autorisation comporte une notice d'évaluation préalable alors que l'article 5, § 3, de l'arrêté attaqué limite cette obligation aux seules demandes mentionnées par l'article 2 de cet arrêté; qu'en ce qui concerne ce moyen, la partie adverse se réfère à justice;

Considérant que l'article 2 de l'arrêté attaqué prévoit les cas dans lesquels la mise en oeuvre du système d'évaluation des incidences sur l'environnement est obligatoire; que l'article 1er, 1, du décret du 11 septembre 1985, est rédigé comme suit:

«Pour l'application du présent décret, on entend par:

»l. Système d'évaluation des incidences sur l'environnement: l'ensemble des procédures du présent décret et de ses arrêtés d'application organisant, préalablement à toute autorisation, la prise en considération comme élément de décision, des incidences des projets sur l'environnement.»;

qu'il résulte de ce texte que la notice d'évaluation préalable fait partie intégrante du système d'évaluation des incidences sur l'environnement; que l'Exécutif peut, en application de l'article 10, § 4, du décret du 11 septembre 1985, imposer que la procédure d'incidences soit menée jusqu'à son terme pour les projets qu'il détermine; qu'en revanche il ne peut dispenser une demande d'autorisation de comporter la notice d'évaluation préalable qu'impose l'article 7 du décret; que le moyen est fondé,

(Annulation des articles 4 et 5, § 3, de l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 10 décembre 1987 portant exécution du décret du 11 septembre 1985 organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement en Région wallonne - publication de l'arrêt au Moniteur belge dans les mêmes formes que l'arrêté de l'Exécutif régional wallon partiellement annulé - dépens à charge de la partie adverse).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.781

N° 34.781

ARRET du 20 avril 1990 (IIIe Chambre)

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et Mme Haubert, auditeur.

A.S.B.L. GREENPEA'CE BELGIUM (Me Lebrun) c/ Région wallonne (Mes Gérard et Lambert)

1. EAUX - Protection des eaux .de surface contre la pollution --.,. Règles applicables en Région wallonne

II. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT)-'-- Principes généraux - Généralités

III. LOIS, DECRETS ET ARRETES - Interprétation - Priorité au texte - Sur les travaux préparatoires

L'exposé des motifs ne peut prévaloir sur le texte clair adopté par le Conseil régional wallon manifestant l'intention de celui-ci de confier à la commission instituée par l'article 14, § 3, du décret du 7 octobre 1985 ainsi qu'au Conseil d'Etat la mission de déterminer les caractéristiques de l'intérêt légalement requis dans le chef des tiers pqur contester la décision accordant, refusant ou retirant une autorisation ou modifiant les . conditions d'un déversement autorisé. Il.n'appartient pas à l' Exécutif de préciser ces caractéristiques.

Vu la requête introduite le Il avril 1988 par l'association sans but lucratif Greenpeace Belgium qui demande l'annulation de «l'arrêté de l' Exécutif régional wallon du 12 novembre (1987) fixant la composition et le fonctionnement de la commission de recours contre les décisions relatives au déversement des eaux usées, publié au Moniteur belge du 9 février 1988, plus spécialement du membre de phrase «(justifiant d'un intérêt personnel, direct et actuel à savoir!' organisme d' épuration,·les entreprises voisines, les utilisateurs del' eau, les voisins, etc.)» terminant l'article 8, · § 1"", de cet arrêté»;

.Considérant que le moyen unique de la requête est pris de la violation de l'article 14, § 2, du décret du 7 octobre 1985 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, en ce que cette disposition accorde.un droit de recours contre toute décision accordant, refusant ou retirant une autorisation ou modifiant les conditions d'un déversement autorisé non seulement au demandeur ou au titulaire de l'autorisation mais également aux tiers intéressés, ceux-ci n'étant pas autrement qualifiés, alors que la disposition attaquée restreint la notion de tiers intéressés en la limitant aux personnes <<justifiant d'un intérêt personnel, direct et actuel, à savoir l'organisme d'épuration, les entreprises voisines, les utilisateurs de l'eau, les voisins, etc .... »;

Considérant que les termes contestés sont certes repris de l'exposé des motifs du décret du 7 octobre 1985 (Doc. Conseil régional wallon, 1983-1984, n° 107/1, p. 12) comme l'expose en réponse la partie adverse; que toutefois l'exposé des motifs ne· peut prévaloir sur le texte clll;ir adopté par le Conseil régional wallon manifestant l'intention de celui-ci de confier à la commission instituée par l'article 14, § 3, du décret ainsi qu'au Conseil d'Etat la mission de déterminer les caractéristiques de l'intérêt légalement requis dans le chef des tiers; qu'il n'appartenait pas à la partie adverse de préciser certaines de ces caractéristiques; que le moyen est fondé,

(Annulation du membre de phrase «(justifiànt d'un intérêt personnel, direct et actuel à savoir l'organisme d'épuration, les entreprises voisines, les utilisateurs de l'eau, les voisins, »etc.)» terminant l'article 8, § 1er, de l'arrêté de !'Exécutif régional wallon du 12 novembre 1987 fixant la composition et le fonctionnement de la commission de recours contre les décisions relatives au déversement des eaux usées - publication de l'arrêt au Moniteur belge dans les mêmes formes que l'arrêté de !'Exécutif partiellement annulé - dépens à charge de la partie adverse).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 72: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 13 N° 34.782

N° 34.782

ARRET du 20 avril 1990 (Ille Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et M. Hoeffler, premier auditeur (avis en partie conforme)*.

SCHOEPP et CLAEYS (Me de Briey) c/ Commune de Rixensart (Me Sépulchre) et Région wallonne (Me Lambert) - Partie intervenante: Laurent (Me de Suray)

1. PROCEDURE - ~equête - Délai- Point de départ - Connaissance - Preuve de la connaissance de l'acte

Le fait que des conclusions mentionnant l'existence de l'acte attaqué ont été commu­niquées par pli ordinaire à l'avocat du requérant ne prouve pas que celui-ci a eu connaissance de l'acte attaqué plus de soixante jours avant l'introduction du recours.

II. PROCEDURE - Requête - Objet - Disparition en cours d'instance - Retrait de l'acte attaqué

Le retrait de l'acte attaqué rend le recours sans objet.

III. BATISSE ET LOTISSEMENT - Permis de lotir.- Modification, retrait et revision

1. Lorsque le collège des bourgmestre et échevins motive le retrait de la modification d'un permis de lotir par la considération qu'il y a lieu de la préciser par une motivation plus complète, une telle motivation indique à suffisance que le retrait d'acte ne signifie nullement que le collège entend revenir sur la position qu'il a adoptée en l'espèce. Dans le cas, le collège reste saisi de la demande de modification en vertu de l'article 51, § 1"'', du code wallon; il peut statuer à nouveau sans que lui soit adressée une nouvelle demande, alors spécialement que celle-ci ne pourrait être qu'identique à la demande initiale.

2. En l'espèce, le requérant qui poursuit l'annulation de la modification d'un permis de lotir motivée par des considérations sociales et économiques étant celles dont l'autorité administrative doit tenir compte en vertu de l'article l"'", alinéa 2, du code wallon, ne démontre pas que les faits retenus pour justifier la modification du permis de lotir seraient inexacts, qu'ils auraient été appréciés de manière manifestement déraisonnable ou que cette appréciation aurait été infléchie par le poids des faits accomplis.

3. Le moyen portant sur le permis initial est sans pertinence à l'appui du recours en annulation du permis modificatif.

IV. BATISSE ET LOTISSEMENT - Procédure administrative d'octroi des permis - Instruction des demandes - Règles spéciales à la Région wallonne - Permis de lotir

Les articles 256 et suivants du code wallon ne s'appliquent, en vertu de l'article 246 du même code, notamment qu'en l'absence de plan particulier d'aménagement.

V. BATISSE ET LOTISSEMENT - Permis de lotir - Existence d'un plan particulier d'aménagement - Généralités

Les permis de lotir restent d'application intégrale tant qu'ils n'ont pas été revisés ou modifiés, et cela même si un plan particulier d'aménagement adopté postérieurement ne comporte pas certaines des prescriptions urbanistiques imposées par les permis de lotir.

Vu la requête introduite le 18 mai 1988 par Michel Schoepp et son épouse Marie Claeys qui demandent l'annulation des modifications du permis de lotir du 27 avril 1982, intervenues respectivement les 24 mars et 22 septembre 1987, et délivrées par l'administration communale de Rixensart à Monsieur et Madame Georges Laurent-Vandemoot pour un bien sis à Genval à l'angle de la rue des Combattants et de la ruelle Val Saint-Pierre;

Vu la requête, introduite le 24 juin 1988, par laquelle Georges Laurent demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 30 juin 1988 accueillant cette intervention;

"' Selon l'avis, «il existe d'autant moins ·de raisons de ne pas consacrer la supériorité du plan particulier, que la police de l'urbanisme, en tant qu'elle limite les droits liés à l'exercice de la propriété immobilière doit, lorsqu'il y a doute, être interprétée dans un sens favorable à la liberté du constructeur».

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT -'- 1990

Page 73: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

N° 34.782

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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Vu la requête introduite le 19 mai 1988 par Michel Schoepp et son épouse Marie Claeys qui demandent l'annulation du permis de bâtir délivré le 23 février 1988 par l'administration communale de Rixensart à Gilbert Laurent pour un bien sis Drève du Val Saint-Pierre 1 à 1320 Genval;

Vu la requête, introduite le 29 septembre 1988, par laquelle Gilbert Laurent demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 14 octobre 1988 accueillant cette intervention;

Considérant qu'il y a lieu de joindre les causes en raison de leur connexité;

Considérant que, pour un bien situé à l'angle de l'avenue des Combattants et de la ruelle du Val Saint-Pierre et contigu au terrain sur lequel est érigée une villa dont les requérants sont propriétaires, un permis de lotir avait été délivré à M. et Mme Georges Laurent le 27 avril 1982 par le collège des bourgmestre et échevins de Rixensart; qu'un permis de bâtir un immeuble à logements multiples dans ce lotissement avait été accordé le 23 août 1983 à Gilbert Laurent; que l'arrêt n° 26.649 du 13 juin 1986 a rejeté le recours dirigé contre le permis de lotir et a annulé le permis de bâtir pour le motif que le permis de lotir n'autorisait pas la construction d'un tel immeuble;

Considérant que, le 24 mars 1987, le collège des bourgmestre et échevins de Rixensart a accordé à M. et Mme Georges Laurent l'autorisation de modifier le permis de lotir; que celle-ci a été retirée le 28 avril 1987; qu'une nouvelle autorisation de modifier le permis de lotir du 27 avril 1982 a été octroyée le 22 septembre 1987; qu'un permis de bâtir délivré le 7 avril 1987 a été annulé et remplacé par le permis de bâtir attaqué, accordé le 23 février 1988 à Gilbert Laurent; '

Quant à la recevabilité des recours:

Considérant qu'en une première exception d'irrecevabilité, la première partie adverse et la partie intervenante soutiennent que les recours sont tardifs; qu'elles font valoir que, dans le cadre d'une procédure devant le tribunal de première instance de Nivelles, des conclusions additionnelles datées du 11 mars 1988 ont été adressées aux requérants par !'avocat de la partie intervenante; que ces conclusions mentionnaient l'existence des actes attaqués;

Considérant que, lesdites conclusions ayant été communiquées par pli ordinaire à !'avocat des requérants, la première partie adverse et la partie intervenante ne prouvent pas que les requérants eux-mêmes ont eu connaissance des actes attaqués plus de soixante jours avant l'introduction des recours; que l'exception ne peut être accueillie;

Considérant qu'en une deuxième exception d'irrecevabilité, la partie intervenante conteste l'intérêt des requérants à demander !.'annulation de la modification du permis de lotir, alors que. le recours qu'ils avaient introduit contre le permis lui-même a été rejeté; '

Considérant que le permis de lotir initial n'autorisait pas la construction d'un immeuble à appartements, ce que tend à permettre le premier acte attaqué; qu'une telle modification est de nature à léser les intérêts des requérants; que l'exception ne peut être accueillie;

Considérant qu'il y a lieu de soulever d'office l'irrecevabilité du recours A. 38.842/III-10.584 en tant qu'il est dirigé contre la modification du permis de lotir intervenue le 24 mars 1987, cet acte ayant été retiré par la première partie adverse Je 28 avril 1987;

Quant au permis de lotir:

Considérant que le premier moyen est pris de la violation de l'article. 54, § 2, du code wallon de l'aménagement du territoire et de ! 'urbanisme; que les requérants estiment que le retrait de la modification du permis de lotir, intervenu le 28 avril 1987, équivaut au rejet de la demande originaire, ce qui, selon eux, entraînait le désaisissement de la première partie adverse;

Considérant que l'acte de retrait du 28 avril 1987 est motivé comme suit:

«Attendu que pour des raisons de bonne administration, il y a lieu de préciser ce permis (modificatif du 24 mars 1987) par une motivation plus complète»;

qu'une telle motivation indique à suffisance que le retrait d'acte ne signifiait nullement que le collège des bourgmestre et échevins entendait revenir sur la position qu'il avait adoptée en l'espèce;

qu'au contraire l'acte du 28 avril 1987 confirme, quant au fond, celui du 24 mars 1987 et ne fait qu'en annoncer une modification purement formelle; que le collège des bourgmestre et échevins, qui restait saisi de la demande de modification en vertu de l'article 51, § 1er, du code wallon, pouvait statuer à nouveau sans que lui soit adressée une nouvelle demande, qui, dans les circonstances de la cause, n'aurait pu qu'être identique à la demande initiale; que le moyen manque en droit;

Considérant que les requérants prennent un deuxième moyen de la violation des articles 54, § 2, 66 et 68 du code wallon; qu'ils soutiennent, en une première branche, que la modification d'un permis de lotir entérinant le fait accompli ne peut être qu'exceptionnelle et justifiée par des raisons sérieuses et graves, et, en une seconde branche,

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 15 N° 34.782

que la motivation du permis modificatif du 24 mars 1987 fait apparaître qu'il n'a été octroyé que pour régulariser la situation existante, la motivation du permis délivré le 22 septembre 1987 étant fallacieuse et de pure opportunité;

Considérant que, dans l'avis qu'il a donné le 28 octobre 1986 sur la demande de modification du permis de lotir, le collège des bourgmestre et échevins s'est exprimé comme suit:

«Considérant que la demande en modification ne modifie en rien l'implantation et le gabarit des deux immeubles autorisés et construits sur les lots 1 et 2 du permis de lotir;

»Considérant que la demande vise à supprimer le caractère unifamilial inséré dans le permis de lotir initial en vue de pouvoir conserver les trois logements construits dans chacun des immeubles;

suit:

»Considérant que la modification souhaitée n'est pas de nature à porter préjudice au voisinage;

»Vu l'accord écrit de chacun des propriétaires d'un lot dans le permis de lotir initial;»;

Considérant que le permis de lotir modificatif délivré le 22 septembre 1987 est, quant à lui, motivé comme

«1° Un immeuble à appartements répond dans la commune de Rixensart à un besoin social évident qui se situe entre le logement résidentiel qui constitue le fondement de l'habitat de la commune et l'habitation sociale qui a été implantée sur le territoire pour satisfaire aux aspirations légitimes d'une certaine couche de la population, des jeunes foyers notamment. En effet, les habitants de la commune ne sont pas exclusivement des gens pouvant acquérir des villas ou même les prendre en location. Il faut donc aussi mettre à la disposition des personnes qui n'ont pas ces moyens financiers et qui désirent acquérir ou prendre en location un appartement qui répond à leurs besoins, un tel appartement.

»Le permis de lotir initial du 27 avril 1982 répond à une conception des choses qui ne prévoit que la construction d'habitations destinées à une seule famille sur chaque lot. Cette vue de l'esprit est largement dépassée aujourd'hui car en effet elle est inapte à rencontrer les besoins généraux actuels.

»Par conséquent, il est évident et caractérisé que la modification du permis de lotir répond à un besoin social, surtout dans les circonstances économiques actuelles et est justifiée pour permettre de satisfaire les aspirations et les besoins légitimes de ceux qui souhaitent vivre dans la commune.

»2° La modification du permis de lotir sollicitée est conforme aux prescriptions urbanistiques du plan particulier d'aménagement des Papeteries approuvé par arrêté de !'Exécutif de la Région wallonne du 19 mars 1984.»;

Considérant que le permis attaqué est motivé par des considérations sociales, et économiques qui sont celles dont l'autorité administrative doit tenir compte, en vertu de l'article le', deuxième alinéa, du code wallon pour organiser l'aménagement du territoire; que les requérants ne démontrent pas que les faits retenus par la première partie adverse pour justifier la modification du permis de lotir litigieux seraient inexacts, qu'ils auraient été appréciés de manière manifestement déraisonnable, ou que cette appréciation aurait été infléchie par le poids des faits accomplis; que le moyen ne peut être retenu;

Considérant que le troisième moyen est pris de la violation des articles 54, 254, 256, 257 et 258 du code wallon; que les requérants exposent que la demande de modification du permis de lotir n'a fait l'objet d'aucune des mesures de publicité prévues aux articles 256 et suivants du code, alors que de telles mesures s'imposent pour les demandes de permis modificatif prévoyant la construction d'immeubles à appartements lorsque les abords comportent essentiellement des habitations individuelles, et ce par application des articles 54 et 254;

Considérant que les articles 256 et suivants du code wallon ne s'appliquent, en vertu de l'article 246 du même code, notamment qu'en l'absence de plan particulier d'aménagement; qu'il existe, en l'espèce, un plan particulier d'aménagement approuvé le 19 mars 1984; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que les requérants prennent un quatrième moyen de la violation des prescriptions du plan particulier d'aménagement, dit «des Papeteries de Genval», approuvé le 19 mars 1984, en ce qui concerne la hauteur maximale des bâtisses, la pente des toitures et la teinte des briques;

Considérant que, comme l'a relevé le fonctionnaire délégué dans son avis donné le 9 février 1987, la demande de modification du permis de lotir ne portait que sur le caractère multifamilial des immeubles; que l'acte attaqué n'ayant pas d'autre objet, les différences relevées par les requérants entre le permis de lotir et le plan particulier d'aménagement ont pour origine le permis de lotir initial et non l'acte attaqué; que le moyen manque de pertinence;

Quant au permis de bâtir:

Considérant qu'en un premier moyen', les requérants invoquent l'illégalité du permis de lotir modificatif pour demander l'annulation par voie de conséquence du permis de bâtir attaqué;

Considérant que le moyen ne peut être retenu dès lors que ledit permis de lotir n'est pas entaché d'excès de pouvoir;

Considérant que les requérants prennent un deuxième moyen de la «violation des articles 64 et suivants du code wallon, aucune transaction préalable n'étant intervenue et l'octroi d'un permis de régularisation n'étant

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.782

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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pas légalement possible»; qu'ils ajoutent que l'immeuble litigieux a été construit en violation du permis de lotir du 27 avril 1982, ce qui, selon eux, exclut tant la transaction prévue à l'article 67, § 3, du code wallon que la délivrance d'un permis de régularisation;

Considérant que le permis de bâtir attaqué se substitue au permis annulé par l'arrêt n° 26.649·précité; que la partie adverse a pu délivrer ce peµnis en se fondant sur les pre~criptions du permis de lotir modificatif, lequel a levé l'interdiction de construire des immeubles à appartements; que le permis attaqué repose sur les mêmes motifs que ceux qu'exprime le permis de lotir modificatif; que le moyen ne peut être retenu;

Considérant que le troisième moyen est pris de la violation des articles 41 et suivants du code wallon, la partie adverse ayant accordé le permis attaqué sans être saisie d'une demande régulière;

Considérant qu'il ressort des développements consacrés par les requérants à ce moyen que celui-ci se confond avec le premier moyen invoqué à l'encontre du premier acte attaqué; que, par ideritité de motifs, il ne peut être retenu;

Considérant que le quatrième moyen est pris de la violation du permis de lotir du 27 avril 1982 et de la composition irrégulière du dossier de demande de permis de bâtir; que les requérants font état de plusieurs prescriptions du permis de lotir que ne respecterait pas le permis attaqué; ,

Considérant que ni la partie adverse ni la partie intervenante ne contestent que, sur certains points et notamment la zone non aedificandi de trois mètres de profondeur qui jouxte la parcelle des requérants, le permis de bâtir attaqué n»est pas conforme au permis de lotir; que la partie adverse fait toutefois valoir que cette zone n'est pas prévue pàr le plan particulier d'aménagement dit «des Papeteries de Genval» et qu'en cas de discordance entre les dispositions de deux plans, il y a lieu d'appliquer le plan supérieur dans la hiérarchie des normes, en l'espèce le plan particulier d'aménagement;

Considérant que la thèse développée par la partie adverse ne serait admissible que si les dispositions d'un permis de lotir plus restrictives que celles d'un plan particulier d'aménagement postérieur à celui-ci étaient implicitement abrogées par lui; que tel n'est pas le cas; qu'en effet, dès lors que l'Exécutif peut procéder, le cas échéant d'office, à la révision d '.un permis de lotir si certaines conditions sont réunies, en vertu de l'article 40 du code wallon, il faut déduire de cette disposition que les permis de lotir restent d'application intégrale tant qu'ils n'ont pas été révisés ou modifiés, et cela même si un plan particulier d'aménagement adopté postérieurement ne comporte pas certaines des prescriptions urbanistiques imposées par les permis de lotir; que le moyen est fondé,

(Jonction - annulation du permis de bâtir délivré le 23 février 1988 par l'administration communale de Rixensart à Gilbert Laurent pour un bien sis Drève du Val Saint-Pierre n° 1, à 1320 Genval - rejet des requêtes pour le surplus - dépens à charge des requérants à concurrence de 4.000 francs, à charge de la commune de Rixensart à concurrence de 8.000 francs et à charge des intervenants à concurrence de 3.000 francs 'chacun).

N° 34.783

ARRET du 20 avril 1990 (Ille Chambre) MM. Van Aelst, ·président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et M. Dumont, auditeur général adjoint.

JOIRIS (Me Bourtembourg) c/Région wallonne (Me Pasteger)

I. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Cessation des fonctions - Démissicin d'office -Contentieux

II. PROCEDURE - Requête - Délai - Point de départ - Notification - Généralités III. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Notification des actes - 1° Obligation de notifier -

Fonction publique - CessatioQ des fonctions; - 2° Preuve L'arrêté qui démet un agent d'office et sans préavis de ses fonctions modifie fondamen­

talement la situation juridique de cet agent. Un tel acte doit être notifié quand bien même aucune norme juridique n'imposerait ce mode de publicité. Seule la notification fait courir le délai de recours en annulation.

Peu Jmporte une publication antérieure par extrait au Moniteur belge. Lorsque l'autorité a communiqué la décision par courrier simple et non par lettre

recommandée à la. poste, elle est, si le requérant conteste avoir reçu ce courrier, dans !'impossibilité d'établir que le recours serait tardif.

IV. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Cessation des fonctions - Démission d'office - Droits d,e la défense

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 17 N° 34.783

V. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Droits de la défense - Cas où il faut les observer -Démission d'office - Généralités

Une mesure de démission d'office, en raison de sa gravité, ne peut être prise sans que l'agent qui en est l'objet ait pu prêalablement s'expliquer sur les motifs qu'il peut faire valoir pour justifier qu'il n'a pas repris son service.

Vu la requête introduite le 24 février 1989 par Michel Joiris qui demande l'annulation de «1' arrêté «de l' Exécutif régional wallon», signé par le Ministre de la Fonction publique régional, du 13septembre1988, démettant le requérant d'office. et sans préavis de ses fonctions de conseiller adjoint à la direction générale de l'économie et de l'emploi, avec effet au 5 janvier 1987»;

Considérant que les circonstances de la cause sont les suivantes:

- Par arrêté de l'Exécutifrégional wallon du 13 janvier 1987, le requérant a obtenu un congé non rémunéré <<pour lui permettre d'accomplir un stage d' fnseignant à la ville de Liège du 16 avril 1986 au 31 décembre 1986 inclus».

- En communiquant cette décision au directeur d'administration compétent, le ministre-président précisait: <<L' Exécutif a d'autre part décidé qu'un tel congé ne lui serait plus accordé et qu'il y aurait donc lieu que l' inté~essé reprenne ses fonctions sans délai faute de quoi il sera démissionnaire d'office».

- Le 21 janvier 1987, l'inspecteur principal-chef de service Delforge a signalé au service du personnel, sous l'intitulé «Absence de service non justifiée», que le requérant n'avait pas repris son activité le 5 janvier 1987.

- Le 3 février 1987, le secrétaire général a rappelé ou communiqué au requérant la teneur des décisions de !'Exécutif du 13 janvier 1987 et lui a demandé de faire connaître ses «intentions actuelles et ce pour le 16février 1987 au plus tard. Passé ce délai, un dossier visant à vous démettre de vos fonctions sera soumis à !'Exécutif régional wallon».

- Le 9 février 1987, le requérant a sollicité du secrétaire général une mise en disponibilité pour convenance personnelle de six mois renouvelable une fois de manière à couvrir la période du 1er janvier au 15 novembre 19&7.

- Le 10 mars 1987, le directeur d'administration du personnel et des affaires générales a fait savoir au requérant qu'une suite favorable ne pouvait pas être réservée à. sa demande de mise en disponibilité, en raison, d'une part, du caractère tardif de celle-d et, d'autre part, de la déCision de !'Exécutif communiquée au requérant le 3 février 1987; il concluait sa lettre en ces termes:

«En conséquence, je vous informe qu'un dossier visant à vous démettre d'office et sans préavis de vos fonctions est soumis à l' Exécutif régional wallon.».

- Le 25 mai 1987, le requérant, selon une photocopie annexée au mémoire en réplique, a adressé au ministre-président une nouvelle demande de mise en disponibilité pour convenance personnelle pour six mois à partir du 30 juin 1987.

,-- Le 5 octobre 1987, le ministre-président a écrit au requérant la lettre suivante:

«Afin de pouvoir régulariser votre situation administrative auprès de mes services, il y .aurait lieu que vous m'informiez au plus tôt, si à l'occasion de la rentrée scolaire, vous avez conservé votre emploi en qualité d'enseignant auprès de la ville de Liège.»;

- L'arrêté attaqué a été pris le 13 septembre 1988.

- Le 22 novembre 1988, le requérant a écrit au ministre-président en rappelant ses lettres des 9 février 1987 et 25 mai 1987 et en ajoutant:

«La décision initiale demeurant en souffrance à ce jour et vu l'arrivée à échéance du terme maximum (4 fois 6 mois) légalement prévu pour une situation statutaire de mise en disponibilité pour convenance personnelle, j'ai l'honneur de vous faire connaître mon intention de reprendre mes fonctions de conseiller-adjoint à la Région wallonne, au sein de la direction générale de l'économie et de l'emploi.

»le vous remercie de bien vouloir m'en donner acte et de me faire connaître les formalités d'usage en vue de ma réintégration.».

A cette lettre, le ministre-président a répondu le 23 novembre 1988 que la matière relevait de la compétence de son «collègue Edgard Hismans, (qu'il) informe par même courrier».

- Le 14 décembre 1988, le requérant a réitéré auprès du ministre Hismans son intention de reprendre son service.

- Le 2 janvier 1989, le requérant s'est présenté à son service, où l'inspecteur général Servais lui a délivré l'attestation suivante:

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.783

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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«le soussigné Servais Emile, inspecteur général adjoint au directeur d'administration, déclare avoir reçu ce 2 janvier 1989 en mon bureau, Monsieur Michel loiris.

»le me suis étonné de la démarche de l'intéressé visant à réintégrer l'administration et lui ai rappelé qu'il avait, par arrêté del' Exécutif régional wallon du 13 septembre 1988, été démissionné».

Le même jour, le requérant a protesté auprès du ministre Hismans, en rappelant les correspondances antérieures, notamment la lettre du 5 octobre 1987 du ministre-président, et en affirmant sa «volonté de réintégrer la Région wallonne».

- Le ministre a répondu le 11 janvier 1989:

«Votre courrier du 22 novembre 1988 m'est bien parvenu et celui-ci a retenu ma meilleure attention.

»le vous rappelle que vous avez été démis de vos fonctions par arrêté de !'Exécutif régional wallon du 13 septembre 1988. Celui-ci a été pris en raison de vos absences injustifiées depuis un certain temps au sein de votre service et vous a d'ailleurs été notifié à domicile. Cette décision a été prise en vertu de l'arrêté royal du 13 octobre 1937 art. 113, § 3, fixant le statut des agents de l'Etat. 1l ne vous est donc pas possible dans ce cas de réintégrer votre service à la Région wallonne.».

- Le requérant a toutefois encore écrit au ministre le 18 janvier 1989 pour lui rappeler sa lettre du 22· novembre 1'988, et affirme ne pas avoir reçu de réponse;

Considérant que la partie adverse soulève, dans son dernier mémoire, une exception d'irrecevabilité; qu'elle affirme que l'acte attaqué a été notifié au requérant le 29 septembre 1988 et publié au Moniteur belge du 18 octobre 1988; qu'elle en déduit que le recours est tardif;

Considérant que l'acte attaqué modifie fondamentalement la situation juridique du requérant; qu'un tel acte doit lui être notifié quand bien même aucune norme juridique n'imposerait ce mode de publicité; que seule la notification fait courir le délai de recours en annulation;

Considérant qu'en l'espèce, la partie adverse a communiqué l'acte attaqué par courrier simple et non par une lettre recommandée à la poste; que, de ce fait, le requérant contestant avoir reçu ce courrier, la partie adverse est dans l'impossibilité d'établir que le recours serait tardif; que l'exception ne peut être accueillie;

Considérant que le requérant prend un moyen, deuxième de la requête, de la violation de l'articlè 87, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de l'article 112, 3°, de l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat, du défaut de motivation, de la méconnaissance des droits de la défense et de l'excès de pouvoir; qu'il fait notamment valoir «qu'en tout état de cause, tenant compte des circonstances de l'espèce, la partie adverse ne pouvait considérer que le requérant ne pouvait justifier de motifs valables qu'après l'avoir clairement interpellé et qu'après lui avoir permis de faire valoir les motifs qui pourraient justifier son absente»; ·

Considérant qu'une mesure de démission d'office, en raison de sa gravité, ne peut être prise sans que l'agent qui en est l'objet ait pu préalablement s'expliquer sur les motifs qu'il peut faire valoir pour justifier qu'il n'a pas repris son service; qu'il est constant que la partie adverse n'a jamais invité le requérant, à partir du moment où elle avait décidé d'entamer la procédure de démission d'office, aux fins qu'il soit entendu pour s'expliquer quant aux raisons de son absence, que le moyen est fondé;

Considérant qu'il est sans intérêt d'examiner l'autre moyen de la requête, faute qu'il puisse conduire à une annulation plus étendue,

(Annulation de l'arrêté de !'Exécutif régional wallon du 13 septembre 1988 démettant d'office et sans préavis Michel Joiris, conseiller adjoint à la direction générale de l'économie et de l'emploi, de ses fonctions à partir du 5 janvier 1987 - publication de l'arrêt par extrait au Moniteur belge dans les mêmes formes que l'arrêté de !'Exécutif régional wallon annulé ~dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.784

ARRET du 20 avril 1990 (IIIe Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Martens et Mme Thomas, rapporteur, conseillers, et M. Dumont, auditeur général adjoint (avis conforme sauf en ce qui concerne les dépens).

PARTSCH cf Région wallonne (Me Soumagne)

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 19 N° 34.784

1. ETABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES ET INCOMMODES - Deuxième instance -Décision - Motivation - Par référence - Référence à des rapports ou à des avis

Pour motiver sa décision quis' appuie sur des avis concluant tous à la confirmation de !'arrêté a quo, !'autorité qui statue sur recours n'est pas obligée de reproduire ces avis.

II. ETABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES ET INCOMMODES - Deuxième instance - Décision - Motivation - Obligation de recontrer les moyens

En !'espèce, l'arrêté attaqué n'est pas motivé par la seule référence aux avis, mais indique deux motifs qui en constituent la synthèse et dont le premier répond à l'un des moyens invoqués par le requérant dans son recours à !'autorité de deuxième instance.

III. ETABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES ET INCOMMODES - Recours au Conseil d'Etat - Moyens - Pertinence

Une infraction à la législation, à la supposer établie, n'entacherait pas par elle-même la régularité de l'autorisation.

IV. ETABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES ET INCOMMODES - Extension ou trans­formation d'un établissement autorisé

L'article 16 du règlement général pour la protection du travail s'applique à une situation différente de celle qui est visée par l'article 14. Le pouvoir d'appréciation attribué à la députation permanente par cet article ne s'exerce pas sur la base de critères· tirés de !'article 16, mais compte tenu du but de !'enquête publique qui est d'éclairer l'autorité sur les incommodités de !'installation en projet.

Lorsqu'il s'agit de !'extension d'un établissement existant, !'autorité en connaît, en principe, les dangers et les inconvénients et il lui appartient d'apprécier si une enquête publique serait susceptible de lui apporter des informations nouvelles. Elle n'excède pas les limites de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'une enquête de commodo et incommodo n'est pas nécessaire, sur la base de l'avis du fonctionnaire technique selon lequel l'extension ou la transformation de !'établissement n'entraîne pas l'application d'une nouvelle rubrique de la liste des établissements classés et n'est pas de nature à aggraver les dangers, !'insalubrité et !'incommodité inhérents à l'exploitation.

V. AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - Effets des plans - Effets dans le temps

La valeur réglementaire et la force obligatoire d'un projet de plan de secteur sont limitées à la période pendant laquelle des mesures de sauvegarde doivent être prises, c'est­à-dire à la période de trois ans qui suit !'entrée en vigueur du projet. Au-delà de cette période, le projet ne subsiste que comme un projet sans valeur réglementaire et sans force obligatoire.

VI. AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - Effets des plan - Force obligatoire et valeur réglementaire - Etudes planologiques

Des études planologiques ne peuvent avoir la force obligatoire d'un projet de plan de secteur.

VII. ETABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES ET INCOMMODES -Deuxième instance - Procédure - Instruction

La commune qui a affiché l'avis informant la population des recours formés contre la décision de première instance n'est pas tenue de transmettre à l'autorité qui doit statuer sur ces recours les réclamations introduites à la suite de cet avis.

Vu la requête, introduite le 28 janvier 1983, par laquelle Gottfried Partsch poursuit l'annulation de l'arrêté ministériel du 27 octobre 1982 confirmant un arrêté de la députation permanente du conseil provincial de Liège du 20 décembre 1979 qui dispense des formalités de l'enquête de commodo et incommodo la requête en extension ou en transformation de l'établissement de la société anonyme Cabot Belgium sis à Ans et autorise cette extension ou transformation;

Vu l'arrêt n° 26.914 du 24 septembre 1986 rouvrant les débats et chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. l'auditeur général de poursuivre l'instruction;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.784

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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Considérant que, par arrêté du 24 août 1970, la députation permanente du conseil provincial de Liège a autorisé la société anonyme Cabot Belgium à établir à Loncin «une usine pour la préparation de matières plastiques, notamment de celles à partir de polyéthylène et de noir de fumée»; que cette installation devait comprendre notamment un dépôt de 5.000 litres de fuel oil léger et de 20.000 litres de fuel oil extra lourd en réservoirs aériens; que plusieurs demandes d'extension ou de transformation ont été introduites et accueillies de 1970 à 1979; qu'un arrêté royal du 24 novembre 1981, notamment, a autorisé une extension de l'établissement; que cet arrêté a fait l'objet d'un recours introduit par le requérant et rejeté par l'arrêt n° 25.273 du 26 avril 1985;

Considérant que, le 2 mai 1979, la société anonyme Cabot Belgium a introduit une demande d'autorisation d'extension ou .de transformation portant sur l'adjonction aux installations déjà autorisées d'un dépôt de 25.000 litres de mazout en un réservoir aérien; que, le 20 décembre 1979, la députation permanente du conseil provincial de Liège a dispensé «la requête (. . .) des formalités de l'enquête de comniodo et incommodo en vertu de l'article 14 du règlement général pour la protection du travail» et a accordé. l'autorisation moyennant le respect de certaines conditions; que le collège des bourgmestre et échevins et le directeur provincial de l'administration de l'urbanisme avaient donné un avis favorable; que le fonctionnaire technique avait estimé que l'extension de l'installation n'entraînait pas l'application d'une nouvelle rubrique de la nomenclature du règlement général pour la protection du travail et n'était pas de nature à aggraver les dangers, l'insalubrité et l'incommodité inhérents à l'exploitation;

Considérant que l'arrêté de la députation permanente du 20 décembre 1979 a fait l'objet de nombreux recours au Roi parmi lesquels un recours introduit par le requérant; que, dans une lettre du 17 octobre 1980 adressée à l'administration de la sécurité du travail, l'administration de l'urbanisme et de i'aménagement du territoire a conclu au rejet des recours pour les motifs suivants:

«... les .travaux envisagés nè 'sont pas de nature à influer le degré actuel de compatibilité de l'exploitation avec le voisinage immédiat. '

»Dê plus, une décision du 8 septembre 1980 de. l' Exécutif wallon vient d'approuver la modification d'affectation de différents terrains dont celui de l'exploitation Cabot. Cette modification a pour effet de classer en zone industrielle lesdits terrains initialement situés en zone d'habitat.»;

Considérant que, dans un rapport du 31 juillet 1981, le directeur général de l'administration de la sécurité du travail a conclu à la confirmation de l'arrêté de, la députation permanente; que, le 27 octobre 1982, le Ministre de la Région wallonne pour !.'Eau, ! 'Environnement et la Vie rurale a confirmé l'arrêté de la députation permanente du 20 décembre 1979; qu'il s'agit de l'acte attaqué visant en son préambule les avis du collège des bourgmestre et échevins d'Ans, de l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire ainsi que de l'administration de la sécurité du travail; que l'aète est motivé ainsi qu'il suit:

«Vu le projet de plan de seèteur de Liège approuvé proyisoirement par arrêté ministér.iel du 10 décembre 1976;

»Considérant que les prescriptions de ce projet de plan de secteur sont devenues caduques et ne peuvent par conséquent être invoquées pour refuser la demande d'autorisation d'extension;

»Considérant que l'établissement est situé dans une zone qui dans les études planologiques en cours est destinée à l'industrie;

»Considérant que l'observation des prescriptions réglementaires et des conditions imposées par l'arrêté d'autorisation est de nature à obvier aux dangers et inconvénients inhérents à l'exploitation du dépôt de mazout; que dès lors il y a lieu de confirmer l'arrêté dont appel,

» ... »;

Considérant qu'en un premier moyen, pris de l'insuffisance des motifs, le requérant soutient que la simple référence aux avis émis en cours d'instruction de la demande, non reproduits dans l'arrêté, ne suffit pas à le motiver;

Considérant que, pour motiver sa décision qui s'appuie sur des avis concluant tous à la confirmation de l'arrêté de la députation permanente, notamment un rapport du directeur général de l'administration de la sécurité du travail analysant les recours, le ministre n'était pas obligé de reproduire ces avis; que l'acte attaqué n'est pas motivé par la seule référence aux avis; qu'il indique deux motifs qui en constituent d'ailleurs la synthèse et dont le premier' répond à l'un des moyens invoqués par le requérant dans son recours au Roi, à savoir que l'établissement est situé dans une zone destinée à l'industrie selon les études planologiques en cours, les prescriptions du projet de plan de secteur étant par ailleurs devenues caduques, et que l'observation des conditions imposées par l'arrêté d'autorisation est de nature à obvier aux dangers et inconvénients inhérents à l'exploitation; que le moyen ne peut être retenu;

Considérant qu'en un deuxième moyen, pris de Pinexactitude des faits sur lesquels repose l'acte attaqué, le requérant soutient que la société anonyme Cabot Belgium a trompé les autorités car elle a demandé l'autorisation d'ajouter un dépôt de mazout de 25.000 litres alors qu'en réalité elle a installé un dépôt de 75.000 litres;

Considérant qu'une infraction à la législation, à la supposer établie, n'entacherait pas par elle-même la régularité de l'autorisation; que le moyen n'est pas pertinent;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de l'article 14, troisième alinéa, du règlement général pour la protection du travail; que tirant argument de l'article 16 de ce règlement, qui dispense

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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l'autorité de la formalité de l'enquête de commodo et incommodo pour l'instruction des demandes relatives à des établissements à ériger à titre temporaire, le requérant soutient que la ratio legis du règlement est de ne dispenser d'enquête que les demandes de caractère mineur;

Considérant que l'article 16 s'applique à une situation différente de celle qui est visée par l'article 14; que le pouvoir d'appréciation attribué à la députation permanente par cet article ne s'exerce pas sur la base de critères tirés de l'article 16, mais compte tenu du but de l'enquête publique qui est d'éclairer l'autorité sur les incommodités de l'installation en projet; que lorsqu'il s'agit de l'extension d'un établissement existant, l'autorité en connaît, en principe, les dangers et les inconvénients et il lui appartient d'apprécier si une enquête publique serait susceptible de lui apporter des informations nouvelles; que la partie adverse n'a pas excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'une enquête de commodo et incommodo n'était pas nécessaire, sur la base de l'avis du fonctionnaire technique selon lequel l'extension ou la transformation de l'établissement n'entraînait pas l'application d'une nouvelle rubrique de la liste des établissements classés et n'était pas de nature à aggraver les dangers, l'insalubrité et l'incommodité inhérents à l'exploitation; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant qu'en un quatrième moyen, le requérant conteste «la prétendue caducité des projets de plans de secteur après trois ans»; qu'il expose que le projet de plan de secteur continue d'exister, mais que les autorités ne peuvent plus se référer à ce projet pour octroyer ou refuser les permis et que «ce n'est pas l'intégralité du projet de plan de secteur qui devient caduque» mais «le refus de l'octroi du permis de bâtir»;

Considérant que la valeur réglementaire et la force obligatoire d'un projet de plan de secteur sont limitées à la période pendant laquelle des mesures de sauvegarde doivent être prises, c'est-à-dire à la période de trois ans qui suit l'entrée en vigueur du projet; qu'au-delà de cette période, le projet ne subsiste que comme un projet sans valeur réglementaire et sans force obligatoire; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant qu'en un cinquième moyen, le requérant soutient que l'acte attaqué s'appuie sur un motif inexact en tant qu'il indique que l'établissement litigieux «est situé dans une zone qui dans les études planologiques en cours est destiné.e .à l'industrie»;

Considérant que la référence que fait l'arrêté attaqué à des études planologiques en cours apparaît comme un motif surabondant, puisque de telles études ne peuvent avoir la force obligatoire d'un projet de plan de secteur; que le moyen ne peut être retenu;

Considérant que, dans le mémoire en réplique, le requérant prend un sixième moyen qu'il expose en ces termes:

«La pièce n° 29 du dossier ( .. .) ne concerne strictement que le recours du requérant contre ['arrêté royal n° 10.641 (affaire Partsch cl Région wallonne -A. 28.423/lll-8170);

»Par conséquent, le requérant prie le Conseil d'Etat d'inviter l'administration citée de présenter un nouvel avis concernant réellement la demande d'autorisation de la S.A. Cabot-Belgium d'adjoindre un réservoir de 25 .000 litres de mazout à ses installations.»;

Considérant que le requérant fait référence à la lettre du 17 octobre 1980 par laquelle l'administration de l'urbanisme a adressé à l'administration de la sécurité du travail l'avis requis par l'article 9bis du règlement général pour la protection du travail; que cette lettre précise:

«Ans (Loncin). Demande de la S.A. Cabot Belgium d'ériger un hall de stockage d'une capacité de 600 tonnes et de remplacer le système d'ensachage semi-automatique actuel par un système entièrement automatique. Plan de secteur de Liège.»;

qu'elle indique deux références mentionnées comme étant celles de l'administration de la sécurité du travail: «STIR.10.461» et «STIR.10.402»;

Considérant que, dans une note explicative du 31 août 1988, la partie adverse expose, pièces à l'appui, «quel' arrêté ministériel autorisant le hall de stockage porte le n° R.10.461 et quel' arrêté ministériel autorisant à adjoindre un dépôt de mazout à une usine autorisée située à Ans porte le n° 10.402», que «la confusion précédente venait du fait que, malheureusement, la lettre du 17octobre1980 ne portait en rubrique que la mention relative à l'érection d'un hall de stockage. Les références figurant sur cette tettre enlèvent cependant tout doute quant au fait qu'elle concernait également l'extension du réservoir aérien»; qu'elle ajoute, à bon escient, que le rapport du 31 juillet 1981 du directeur général de l'administration de la sécurité du travail qui porte la référence ST/R.10.402 et reproduit l'avis du 17 octobre 1980 de l'administration de l'urbanisme «contient plusieurs paragraphes re lat1fs à l'extension de ce réservoir aérien»;

Considérant que le requérant soutient encore que la partie adverse a produit une <ifausse» copie de la lettre du 17 octobre 1980; que le requérant ne s'étant pas inscrit en faux contre cette pièce, l'argument ne peut être retenu;

Considérant qu'il ressort des explications de la partie adverse et des pièces du dossier que l'avis de l'administration centrale de l'urbanisme, prévu par l'article 9bis du règlement général pour la protection du travail, a été régulièrement donné;

Considérant que le moyen n'est pas fondé;

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N° 34.784

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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Considérant qu'en un septième moyen, le requérant soutient que, contrairement à ce que la députation permanente avait décidé, une enquête de commodo et incommodo a eu lieu à la suite des dix-neuf recours qui avaient été introduits contre son arrêté, que cette enquête n'est pas produite, que son résultat n'est pas visé par la décision attaquée et qu'elle aurait été entachée de nombreuses irrégularités;

Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier par la partie adverse ainsi que par le gouverneur de la province de Liège et la commune d'Ans, en dernier lieu le 10 juillet 1989, que l'avis portant à la connaissance du public l'arrêté de la députation permanente du 20 décembre 1979, conformément à l'article 12 du règlement général pour la protection du travail, a été affiché le 18 janvier 1980; que cet avis a donné lieu à plusieurs recours au Roi; que, conformément à l'article 13 du règlement général, un avis relatif à ces recours a été affiché par la commune d'Ans du 15 au 26 février 1980; que, par erreur, la commune a indiqué dans son avis du 15 février 1980 qu'une enquête de commodo et incommodo était ouverte, alors que l'autorité saisie des recours contre l'arrêté de la députation permanente n'avait pas prescrit d'enquête; que la commune ne devait pas transmettre à l'autorité saisie des recours les réclamations introduites à la suite de l'avis erroné du 15 février 1980; que le moyen qui reproche à l'acte attaqué de ne pas avoir pris en compte les résultats de l'enquête de commodo et incommodo ne peut être retenu,

(Rejet de la requête - dépens à charge du requérant).

N° 34.785

ARRET du 20 avril 1990 (Ille Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Martens et Mme Thomas, rapporteur, conseillers, et M. Coolen, premier auditeur.

DESCAMPS cf C.P.A.S. Rixensart (Me Roche)

1. AIDE SOCIALE - Contentieux du droit à l'aide sociale - Décision - Motivation - Généralités

La décision de la chambre de recours n'est pas dûment motivée lorsque cette motivation ne permet pas de déterminer si, pour estimer que les ressources du demandeur sont suffisantes pour lui permettre de mener avec ses enfants une existence conforme à la dignité humaine, la chambre de recours s'est appuyée sur un calcul exact de ces ressources et a eu égard à ses charges.

II. AIDE SOCIALE - Contentieux du droit à l'aide sociale - Recours au Conseil d'Etat - Dépens

III. PROCEDURE - Dépens

La chambre de recours de l'aide sociale agit dans l'exercice d'une mission d'intérêt général. En cas d'annulation de sa décision sur recours du demandeur d'aide, et si le centre public d'aide sociale est étranger à l'erreur commise par la chambre de recours, les dépens sont mis à charge de la Communauté.

Vu la requête introduite le 29 mai 1987 par Cécile Descamps qui demande l'annulation de la décision du 6 février 1987 par laquelle la chambre de recours de langue française de la province de Brabant déclare le recours formé par la requérante recevable mais non fondé;

Considérant que Cécile Descamps est séparée de son mari et a deux enfants à charge; que, le 16 juillet 1986, le comité spécial du service social lui a refusé une aide financière urgente de 12.000 francs et l'aide mensuelle de 5.000 francs qu'elle sollicitait jusqu'en novembre 1986; que, le 6 février 1987, la chambre de recours de langue française de la province de Brabant, statuant sur le recours que C. Descamps avait introduit le 11 août 1986, a déclaré celui-ci non fondé «compte tenu des ressources dont dispose la demanderesse»; que la décision est motivée ainsi qu'il suit:

«Attendu qu'il résulte desdites explications ainsi que des éléments de la cause quel' intéressée a la charge de deux enfants et vit séparée de son mari, qui lui verse, pour elle-même et ses deux enfants, une pension alimentaire mensuelle de 37.000 F; qu'elle perçoit en outre un montant de 3 .000 F par mois à titre d'allocations familiales en faveur de son fils Philippe âgé de 20 ans tandis que sa fille aînée, née en janvier 1961, effectue des études post-universitaires et bénéficie d'une bourse d'études d'un montant approximatif de 35 .000 F pour l'année; qu'au surplus, le remboursement de l'emprunt hypothécaire contracté pour acquérir le logement qu'elle occupe est entièrement pris en charge par son mari; qu'en conséquence, les ressources dont il est fait état paraissent suffisantes

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à la chambre de recours pour permettre à la requérante, sans l'intervention demandée au C.P.A.S., de mener avec ses enfants une vie conforme à la dignité humaine»;

qu'il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que, dans sa requête, C. Descamps expose sa situation et les charges auxquelles elle doit faire face; qu'elle souligne des inexactitudes dans la motivation de la décision attaquée, notamment en ce qui concerne la bourse d'études de 35.000 francs accordée à sa fille;

Considérant que la partie adverse répond qu'il ressort de l'examen du dossier administratif que la décision attaquée est fondée sur des éléments matériels exacts et que la chambre de recours «n'a pas porté d'appréciation manifestement déraisonnable légitimant l'annulation postulée par la partie requérante»;

Considérant que la chambre de recours s'est bornée à déterminer les ressources de la requérante, encore que le dossier administratif ne contienne aucune pièce ayant trait à une bourse d'études de 35.000 francs, et sans faire aucune référence à ses charges, alors que le dossier qui lui était soumis, notamment le rapport social, contenait un relevé des ressources et des charges de C. Descamps;

Considérant que la motivation de l'acte attaqué ne permet pas de déterminer si pour estimer que les ressources de la requérante étaient suffisantes pour lui permettre de mener avec ses enfants une existence conforme à la dignité humaine, la chambre de recours s'est appuyée sur un calcul exact des ressources de C. Descamps et a eu égard à ses charges; que le moyen est fondé;

Considérant que le centre public d'aide sociale de Rixensart est étranger à l'erreur commise par la chambre de recours; que celle-ci ayant agi dans l'exercice d'une mission d'intérêt général, il y a lieu de mettre les dépens à charge de la Communauté française,

(Annulation - transcription - renvoi - dépens à charge de la Communauté française).

J N° 34.786

ARRET du 20 avril 1990 (Ille Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Martens et Mme Thomas, rapporteur, conseillers, et Mme Haubert, auditeur.

Société coopérative SECO (Me Lagasse) c/ Etat belge représenté par le Vice-premier ministre et ministre des Affaires économiques et du Plan et par le ministre de l'Emploi et du Travail (Me Legros)

I. SECURITE SOCIALE - Versements au Fonds en vue de l'utilisation de la modération salariale complémentaire pour l'emploi (1 à 8)

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Obligation de motiver en la forme - 1° Généralités (1 et 3); - 2° Revirement de l'administration (2)

III. EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Notion d'expropriation (7) IV. DROITS ET LIBERTES - Egalité devant la loi - Discrimination dans l'exercice du pouvoir

d'appréciation (8)

1. Aucune disposition légale ou réglementaire n'oblige le Comité ministériel de coor­dination économique et sociale à motiver en la forme la décision qui refuse de reconnaître une entreprise comme entreprise qui connaît des circonstances économiques défavorables au sens de l'article 11, 4°, de l'arrêté royal n° 181 du 30 décembre 1982 et de l'article 54, 2°, de la loi de redressement du 22 janvier 1985.

2. L'article 54, 2°, de la loi du 22 janvier 1985 ne fixe aucun critère dont le Comité mi­nistériel de coordination économique et sociale doit tenir compte pour reconnaître une entre­prise comme connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables. Cette reconnaissance découle du pouvoir d'appréciation du comité.

La reconnaissance d'une entreprise en tant qu' entreprise en difficulté au sens de l'article 4 de l'arrêté royal du 16 janvier 1984 n'implique pas sa reconnaissance en tant qu' entreprise connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables en application de l'article 54, 2°, de la loi du 22 janvier 1985. La décision de refus du Comité ministériel de coordination économique et sociale ne saurait constituer un revirement d'attitude par rapport aux arrêtés qui ont dispensé la requérante d'engager des stagiaires.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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La circonstance quel' arrêté royal n° 230 du 21 décembre 1983 et la loi du 22 janvier 1985 tendent tous deux à combattre le chômage en ménageant la compétitivité des entreprises est irrelevante.

3. Le caractère important de la décision de refus du Comité ministériel de coordination économique et sociale ne suffit pas à justifier l'exigence d'une motivation formelle qui n'est prévue par aucune disposition légale ou réglementaire.

4. En l'espèce, le Comité ministériel de coordination économique et sociale a dûment examiné la situation particulière de la requérante.

5. Il ressort de l'article 54, 2°, de la loi du 22 janvier 1985 que la reconnais­sance comme entreprise connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables relève du pouvoir d'appréciation du Comité ministériel de coordination économique et sociale.

Eu égard au caractère restrictif des termes mêmes de l'article 54, 2°, le Comité a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que, sur le vu des résultats de la société de 1983 à 1986, ceux-ci n'étaient pas à ce point mauvais que l'entreprise se trouvait dans une situation économique exceptionnellement défavorable justifiant qu'elle soit dispensée des versements au Fonds pour l'emploi.

6. Un bureau de contrôle pour la sécurité de la construction, qui relève de la commis­sion paritaire nationale auxiliaire pour employés, n'est fondé ni à se prévaloir du bénéfice du régime de la construction ni à reprocher au Comité ministériel de coordination économique et sociale de ne pas l'avoir assimilé à une entreprise de ce secteur lors de l'examen de sa demande.

7. La loi du 22 janvier 1985 a pour objet d'imposer aux employeurs auxquels elle s'applique des obligations qui sont étrangères à la prévision del' article 11 de la Constitution.

8. Les mesures prévues par la loi du 22 janvier 1985 ont pour objet, en compensation de la modération salariale, d'obliger les entreprises à embaucher des travailleurs en ménageant leur compétivité par l'octroi, à celles qui sont dans une situation difficile, de la dispense d'effectuer au Fonds pour l'emploi les versements dus en l'absence d'embauche.

La discrimination qui serait ainsi apportée entre les entreprises qui sont parvenues à assainir leur situation financière et celles qui n'ont fait aucun effort en ce sens, ne vient pas d'une violation des articles 6 et 6bis de la Constitution par la loi elle-même mais d'une application qui pourrait être faite de la loi sans rapport avec le but qu'elle poursuit.

Vu la requête introduite le 1er avril 1988 par la société coopérative Seco qui demande l'annulation de la décision du Com~té ministériel de coordination économique et sociale refusant de la reconnaître comme «entreprise qui connaît des circonstances économiques exceptionnellement défavorables» au sens de l'article 11, 4°, de l'arrêté royal n° 181 du 30 décembre 1982 et de l'article 54, 2°, de la loi de redressement du 22 janvier 1985, portée à sa connaissance par lettre du 3 février 1988 des Ministres des Affaires économiques et de l'Emploi et du Travail et par laquelle il est également porté à sa connaissance qu'il ne sera pas satisfait à sa «demande de dispense de versement au Fonds pour !'Emploi pour les années 1985 et 1986»; que la requérante demande également l'annulation de «la décision, des ministres précités contenue dans cette lettre du .3 février 1988»;

Considérant qu'en vertu de l'arrêté royal n° 181 du 30 décembre 1982 créant un Fonds en vue de l'utilisation de la modération salariale complémentaire pour l'emploi, modifié par la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985, et en vertu de la loi précitée du 22 janvier 1985, les employeurs qui pour les années 1985 et 1986 n'étaient pas liés par une convention collective visée par la loi ou l'arrêté et prévoyant, notamment, une embauche compensàtoire, ou n'avaient pas rempli les obligations imposées par la convention étaient tenus d'effectuer au Fonds pour l'emploi un versement correspondant à un pourcentage de la masse salariale déclarée à l'Office national de sécurité sociale pour les années 1984 et 1985; que les employeurs dont les entreprises pouvaient être considérées comme étant en difficulté ou comme connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables étaient dispensées de ce versement, en vertu de l'article 11 de l'arrêté royal n° 181 précité et de l'article 54 de la loi du 22 janvier 1985;

Considérant que pour leur application respective l'arrêté royal n° 181, en son article 11, 1 ° et 4 °, et la loi du 22 janvier 1985, en son article 54, 1° et 2°, déterminent en termes identiques ce qu'il faut entendre par «entreprises en difficulté» à savoir celles qui, à leur demande, auront été déclarées en difficulté par les autorités que les dispositions précitées désignent «aux motifs que leurs résultats nets avant impôts, augmentés des amortissements, sont négatifs pour l'année précédente et que leurs résultats des exercices relatifs aux deux

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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années précédentes présentent une perte» et par «entreprises qui connaissent des circonstances économiques exceptionnellement défavorables», à savoir celles qui à leur demande, seront reconnues comme telles par les autorités que les dispositions précitées désignent;

Considérant que la requérante, bureau de contrôle pour la sécurité de la construction, relève de la commission paritaire nationale auxiliaire pour employés; que, le 18 décembre 1986, elle a introduit auprès du Ministre de !'Emploi et du Travail, une demande de dispense de versement au Fonds pour l'emploi pour les années 1985 et 1986 au motif qu'elle s'était vu reconnaître pour ces années la qualité d'«entreprise en difficulté», pour l'application de l'arrêté royal n° 230 du 21 décembre 1983 relatif au stage et à l'insertion professionnelle des jeunes; que par lettres des 13 et 18 février 1987, les Ministres des Affaires économiques et de l'Emploi et du Travail ont informé la requérante de ce que «un examen récent des résultats comptables de (son) entreprise indique que les chiffres à prendre en considération ne répondent pas aux impératifs del' article 11, 1°» de l'arrêté royal n° 181du30 décembre 1982 et de l'article 54, 1°, de la loi de redressement du 22 janvier 1985 et que son entreprise ne pouvait être considérée comme étant en difficulté; que, le 22 avril 1987, la requérante a introduit une nouvelle demande en vue d'être reconnue comme entreprise connaissant des circonstances économiques exceptionnellement «défavorables» conformément à l'article 54, 2°, précité; que, le 3 février 1988, les Ministres des Affaires économiques et de !'Emploi et du Travail ont informé la requérante que le comité ministériel de coordination économique et sociale avait refusé de considérer son entreprise «comme connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables en application de l'article 11, 4°, de l'arrêté royal n° 181 du 30 décembre 1982 et de l'article 54, 2°, de la loi de redressement du 22 janvier 1985 » et qu'en conséquence il n'était pas possible de satisfaire à sa «demande de dispense de versements au Fonds pour l'emploi pour les années 1985 et 1986»; qu'il s'agit des actes attaqués;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation «des articles 25, alinéa 2, 29 et 78 de la Constitution, de l'incompétence, du principe général de la non-opposabilité des actes administratifs non publiés ou notifiés et du principe général de l'interdiction des subdélégations de pouvoir»; qu'en une première branche, elle reproche aux ministres d'avoir <<par la notification de leur seule lettre du 3 février 1988 ... cru pouvoir faire produire les effets d'une décision du comité ministériel de coordination économique et sociale», alors qu'en vertu de l'article 54, 2°, de la loi du 22 janvier 1985 «c'est au comité qu'appartient le pouvoir de reconnaître ou de refuser de reconnaître une entreprise comme «connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables»»; qu'en une seconde branche, la requérante expose qu'à supposer que la décision du comité ministériel existe, la partie adverse ne la lui a pas communiquée «tout en prétendant lui faire sortir ses effets dès la notification de sa lettre du 3 février 1988, alors qu'une décision administrative ne devient opposable aux administrés et ne peut produire d'effets qu'à partir de sa publication ou de sa notification complète et correcte, de sorte que c'est irrégulièrement que les ministres ... (lui) ont adressé la lettre précitée du 3 février 1988 ... »;

Considérant, sur les deux branches du moyen, qu'il apparaît du dossier administratif que la décision attaquée a été prise, conformément à l'article 54, 2°, de la loi du 22 janvier 1985, par le comité ministériel de coordination économique et sociale en sa séance du 18 décembre 1987, que la décision a été notifiée le 3 février 1988 par les deux ministres ayant la matière dans leurs attributions en vertu de l'article 54, 2°, puisque cette disposition les désigne pour proposer les décisions au comité ministériel; que le moyen ne peut être retenu;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen de la violation des articles 25, alinéa 2, 29 et 78 de la «Constitution, de la loi du 2 février 1982 attribuant des pouvoirs spéciaux au Roi, notamment en son article r·, septièmement, de la loi du 22 janvier 1985 de redressement, en particulier de ses articles 46 à 57, et du défaut de motivation formelle de la décision attaquée», en ce que la lettre du 3 février 1988 n'est assortie d'aucune motivation; qu'en une première branche, la requérante soutient qu'une décision de cette importance dont l'enjeu se monte à environ 6.000.000 de francs et qui risquait de lui faire perdre le bénéfice de ses efforts de restructuration devait être motivée en la forme; qu'en une deuxième branche, la requérante expose que pour les années 1985 et 1986 elle avait été reconnue, par des arrêtés ministériels des 2 mai 1985 et 9 juin 1986, comme une «entreprise en difficulté» pour l'application de l'arrêté royal n° 230 du 21décembre1983 et dispensée de l'obligation d'engager des «stagiaires Onem»; qu'elle soutient que la notion d'entreprise en difficulté de l'arrêté royal n° 230 est comparable à celle d'entreprise en difficulté ou connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables de la loi du 22 janvier 1985, qu'en effet, l'arrêté royal n° 230 excepte les «entreprises en difficulté» de l'obligation d'embaucher des jeunes chômeurs pour éviter que la création de charges nouvelles ne menace leur compétitivité, tandis que la loi du 22 janvier 1985 laisse aux entreprises, qu'elle dispense d'effectuer les versements au Fonds pour l'emploi, le produit de la modération salariale afin de leur permettre de rétablir leur compétitivité; que la requérante conclut que la partie adverse l'ayant reconnue comme une «entreprise en difficulté» pour l'application de l'arrêté royal n° 230 du 21 décembre 1983 «ne pouvait prendre de décision contraire, à tout le moins contradictoire en apparence, sans l'assortir d'une motivation particulière»;

Considérant, sur les deux branches du moyen, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'obligeait la partie adverse à motiver sa décision en la forme; que la requérante fait valoir que dans certaines circonstances exceptionnelles l'administration peut être tenue d'énoncer les motifs de sa décision, même si cette obligation n'est pas imposée par la loi; que soutenant que la décision attaquée constitue un revirement d'attitude de la part de l'administration et alléguant l'importance de la mesure prise, la requérante prétend que l'acte attaqué devait être motivé en la forme;

Considérant que l'article 54, 2°, de la loi du 22 janvier 1985 ne fixe aucun critère dont le comité ministériel de coordination économique et sociale doit tenir compte pour reconnaître une entreprise comme connaissant «des

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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circonstances économiques exceptionnellement défavorables»; que cette reconnaissance, dont découle la dispense de cotiser au Fonds pour l'emploi, relève du pouvoir d'appréciation du comité; qu'aux termes de l'article 9, § 1er, de l'arrêté royal n° 230 du 21 décembre 1983, le Ministre de l'Emploi et du Travail peut, après avis du comité subrégional de l'emploi, «dispenser en tout ou en partie» «les entreprises en difficulté» de l'obligation d'engager des stagiaires prévue par l'article 7 de l'arrêté; qu'en son article 4, l'arrêté royal du 16 janvier 1984 (II) a fixé les critères qui permettent au ministre de considérer qu'une entreprise est en difficulté pour l'application de l'article 9 de l'arrêté royal n° 230; qu'il apparaît que la reconnaissance d'une entreprise en tant qu'entreprise en difficulté au sens de l'article 4 de l'arrêté royal du 16 janvier 1984 n'implique pas sa reconnaissance en tant qu'entreprise connaissant des circonstances économiques exceptionnellement défavorables en application de l'article 54, 2° de la loi du 22 janvier 1985; que la décision attaquée ne saurait constituer un revirement d'attitude par rapport aux arrêtés des 2 mai 1985 et 9 juin 1986 qui ont dispensé la requérante d'engager des stagiaires; que la circonstance que l'arrêté royal n° 230 du 21 décembre 1983 et la loi du 22 janvier 1985 tendent tous deux à combattre le chômage en ménageant la compétitivité des entreprises est irrelevante;

Considérant que le caractère important de la décision, allégué par la requérante, ne suffit pas à justifier l'exigence d'une motivation formelle qui n'est prévue par aucune disposition légale ou réglementaire;

Considérant que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Considérant que la requérante prend un troisième moyen de la «Violation des articles 25, alinéa 2, 29 et 78 de la Constitution, et des principes généraux du droit administratif, en particulier du principe de cohérence et du principe del' examen sérieux des circonstances .concrètes des dossiers»; qu'elle expose que «par arrêté ministériel du 2 mai 1985 et par arrêté ministériel du 9 juin 1986, la partie adverse avait préalablement reconnu la société requérante comme étant une «entreprise en difficulté» (et) qu'en outre, les éléments du dossier communiqué par la société requérante à la partie adverse attestaient à suffisance les graves difficultés rencontrées par la société requérante»; qu'elle conclut que la décision attaquée «ne s'explique que par l'absence d'examen sérieux des circonstances concrètes du dossier»; qu'aux termes de la deuxième branche du quatrième moyen pris notamment «du défaut de motifs, en tous cas de l'erreur et de l'insuffisance de motifs», la requérante soutient que «les éléments du dossier attestent incontestablement que la société requérante était, en 1985 et 1986, une «entreprise qui connaît des circonstances économiques exceptionnellement défavorables» (et) qu'aucun motif matériellement exact et légalement susceptible d'être pris en considération ne justifiait la décision attaquée»; qu'elle conclut que «la décision attaquée contient une erreur de qualification et viole la notion légale d' «entreprise qui connaît des circonstances économiques exceptionnellement défavorables» contenue dans l'article 54, 2°, de la loi précitée du 22 janvier 1985 (et) qu'elle contient à tout le moins une erreur manifeste d'appréciation»;

Considérant qu'il ressort du dossier administratif, notamment d'une étude communiquée le 25 août 1987 par l'ingénieur en chef-directeur Lathuy au premier conseiller Van Hecke, que l'administration du ministère des Affaires économiques a examiné la situation particulière de la société requérante; que c'est sur la base de données chiffrées ayant trait, pour les années. 1983 à 1986, aux fonds propres, aux résultats des exercices, au chiffre d'affaires et au cash-flow de l'entreprise ainsi qu'à l'évolution de l'emploi au sein de celle-ci, que le comité ministériel de coordination économique et sociale a pris sa décision; que le troisième moyen ne peut être retenu;

Considérant, sur la deuxième branche du quatrième moyen, que la note du 25 août 1987 sur laquelle s'appuie la décision attaquée constate que le chiffre d'affaires de la société requérante est en diminution, que les exercices se clôturent par des pertes mais que le cash-flow reste positif et conclut que «la lecture des données chiffrées fait apparaître clairement que l'entreprise ne connaît pas de circonstances économiques exceptionnellement défavorables»; qu'il ressort de l'article 54, 2°, de la loi du 22 janvier 1985 que la reconnaissance comme entreprise connaissant «des circonstances économiques exceptionnellement défavorables» relève du pouvoir d'appréciation du comité ministériel de coordination économique et sociale; qu'il n'apparaît pas que celui-ci ait fondé sa décision sur un motif inexact; qu'eu égard au caractère restrictif des termes mêmes de l'article 54, 2°, la partie adverse a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que, sur le vu des résultats de l'activité de la société de 1983 à 1986, ceux-ci n'étaient pas à ce point mauvais que l'entreprise se trouvait dans une situation économique exceptionnellement défavorable justifiant qu'elle soit dispensée des versements au Fonds pour l'emploi; que le quatrième moyen n'est pas fondé en sa deuxième branche;

Considérant qu'aux termes de la première branche du quatrième moyen pris de la violation «des articles 6, 25, alinéa 2, 29 et 78 de la Constitution, du défaut de motifs, en tous cas del' erreur et del' insuffisance de motifs, et de la loi du 22 janvier 1985 de redressement, en particulier de ses articles 46 à 57», la requérante expose que «toutes les entreprises relevant des commissions paritaires du secteur de la construction sont d'office considérées comme connaissant des circonstances exceptionnellement défavorables et ont été dispensées de toute obligation d'embauche compensatoire et de versements au Fonds pour l'emploi (et) que la société requérante appartient incontestablement au même secteur de la construction, même si, socialement, elle relève de la commission paritaire n° 218»; qu'elle conclut qu '«aucun motif ne justifiait de réserver un sort différent à la société requérante par rapport au sort qui est réservé à l'ensemble des entreprises relevant du secteur de la construction»;

Considérant qu'en son article 10, l'arrêté royal n° 213 du 26 septembre 1983 relatif à la durée du travail dans les entreprises ressortissant à la commission paritaire de la construction, dispense des versements au Fonds pour l'emploi, les entreprises qu'il vise en son article 1er, à savoir les «employeurs ressortissant à la commission

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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paritaire de la construction» et les «ouvriers qu'ils occupent»; que la requérante ne ressortit pas à cette commission paritaire mais à la commission paritaire nationale pour employés;

Considérant que l'article 42 de la loi du 22 janvier 1985 dispose que:

«Pour les employeurs appartenant à un secteur connexe à l'industrie de la construction qui ne sont pas liés par une convention collective de travail conclue au sein d'un organe paritaire, et qui n'ont pas conclu de convention collective de travail au sein de leur(s) entreprise(s), telle que visée par l'arrêté royal n° 181, le Roi peut fixer par un arrêté délibéré en Conseil des Ministres, des mesures concernant la réduction du temps de travail et, éventuellement l'embauche compensatoire.

»Le Roi fixe les modalités de dispense du versement au Fonds pour l'emploi.»;

que le Roi n'a pas mis en oeuvre cette disposition dont l'exécution est facultative;

Considérant qu'il apparaît que la société requérante n'est fondée ni à se prévaloir du bénéfice du régime particulier institué en faveur des entreprises relevant du secteur de la construction ni à reprocher à la partie adverse, comme elle le fait dans le dernier mémoire, de ne pas l'avoir assimilée à une entreprise de ce secteur lors de l'examen de sa demande; que le moyen manque en droit en sa première branche;

Considérant que la requérante prend un cinquième moyen de la «violation de la Convention européenne des droits de l'homme et de son Protocole additionnel, notamment en son article 1, de la violation de la Constitution, notamment en ses articles 6, 6bis, 11, 25 et suivants, de la violation des principes généraux du droit et de l'excès de pouvoir»;

Considérant que la requérante soutient que la loi du 22 janvier 1985 «viole les dispositions visées au moyen», qu'en «obligeant les entreprises à recruter des travailleurs supplémentaires dont elles n'ont pas besoin ou, à défaut de recrutement, à augmenter leurs dépenses salariales par un versement obligatoire d'un pourcentage de leurs dépenses salariales à un Fonds pour l'emploi, en les obligeant ainsi à courir le risque de tomber en faillite et, partant, à faire perdre des emplois existants à l'économie nationale, cette loi du 22 janvier 1985 bouleverse l'économie de marché et de libre entreprise qui constitue un des fondements de notre société libérale»;

Considérant que la requérante semble formuler une critique d'opportunité de la loi et n'allègue la méconnaissance par celle-ci d'aucune règle établie par les dispositions dont la violation est invoquée au moyen;

Considérant que la requérante fait valoir que «les entreprises visées par cette loi ne peuvent être privées du bénéfice de leur bonne gestion que moyennant le respect des dispositions visées au moyen, qui disposent que l'on ne peut être privé de sa propriété que moyennant une juste et préalable indemnité»;

Considérant que la requérante invoque la violation de l'article 11 de la Constitution; que la loi du 22 janvier 1985 a pour objet d'imposer aux employeurs auxquels elle s'applique des obligations qui sont étrangères à la prévision de l'article 11 de la Constitution;

Considérant que la requérante prétend enfin que la loi du 22 janvier 1985 «aboutit à pénaliser les entreprises qui, comme celle de la société requérante, étaient en difficulté et qui sont parvenues à assainir leur situation financière par rapport à celles qui n'ont fait aucun effort en ce sens»;

Considérant que les mesures prévues par la loi du 22 janvier 1985 ont pour objet, en compensation de la modération salariale, d'obliger les entreprises à embaucher des travailleurs en ménageant leur compétitivité par l'octroi, à celles qui sont dans une situation difficile, de la dispense d'effectuer au Fonds pour l'emploi les versements dus en l'absence d'embauche; que la requérante ne critique pas, en tant que tel, le système organisé par la loi; que la discrimination qu'elle allègue ne vient pas d'une violation des articles 6 et 6bis de la Constitution par la loi elle-même mais d'une application qui pourrait être faite de la loi sans rapport avec le but qu'elle poursuit; que la critique formulée par la requérante n'implique pas que la loi du 22 janvier 1985 violerait les articles 6 et 6bis de la Constitution; qu'en tant qu'il est pris de la violation de ces dispositions, le moyen manque de pertinence;

Considérant que le moyen ne peut être retenu,

(Rejet - dépens à charge de la requérante).

N° 34.787

ARRET du 20 avril 1990 (IIIe Chambre) J (t6'

MM. Van Aelst, président de chambre, Geus et Mme Thomas, rapporteur, conseillers, et M. Bouvier, auditeur.

BASTIN c/ Etat belge représenté par le Vice-Premier ministre, ministre des Affaires économiques et du Plan (Me Lambert)

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.787

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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AGENTS DE L'ETAT - Carrière - Promotion (réforme du 16 mars 1964) - Appel aux candidats et candidatures

1. La décision du conseil de direction de proposer au ministre l'annulation de la vacance d'un emploi n'est pas une proposition au sens de l'article 26 de l'arrêté royal du 7 août 1939. Elle ne doit pas être notifiée au candidat.

2. L'. obligation de motiver sa décision ne s'impose au conseil de direction que lorsqu'il formule des propositions de promotion, non lorsqu'il propose au ministre d'annuler la vacance d'un emploi.

Vu la requête introduite le 9 mai 1989 par Michel Bastin, conseiller au ministère des Affaires économiques, qui demande «1' annulation et dans l'intervalle la suspension des, effets tant directs qu' indirects» de la décision ministérielle du 20 février 1989 annulant la déclaration de vacance d'un emploi de premier conseiller à l'Institut national de statistique;

Considérant que le requérant est conseiller au ministère des Affaires économiques affecté à la direction générale des études et de la documentation générale; que, le 1•r décembre 1988, une note de service a annoncé la vacance d'un emploi de premier conseiller à l'Institut national de statistique; que seul le requérant a fait acte de candidature; que le conseil de direction, réuni le 31janvier1989 pour examiner les candidatures, s'est rallié à l'avis de son président selon lequel le requérant ne présentait pas les qualités requises pour l'emploi à pourvoir et a suggéré au ministre de reporter la mise en compétition de l'emploi; que, le 20 février 1989, le ministre a décidé d'annuler la déclaration de vacance de l'emploi; qu'il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant expose qu'il n'a reçu «aucune notification du conseil de direction qui a transmis (la) vacance à Monsieur le Ministre après en avoir délibéré» et demande l'annulation de la décision attaquée «Vu les vices substantiels de procédure dont elle est entourée»; qu'il précise dans le mémoire en réplique qu'«/1 est statutairement réglementaire que lorsqu'un emploi vacant est discuté au conseil de direction, le ou les candidats sont toujours avisés du résultat de cette délibération et disposent d'un délai de 10 jours pour faire connaître leurs objections qui sont examinées lors d'un second tour par le conseil de direction et ce n'est qu'alors que le dossier est transmis pour décision à Monsieur le Ministre»; qu'il précise que le moyen est pris de la violation de l'article 26 de l'arrêté royal du 7 août 1939 organisant le signalement et la carrière des agents de l'Etat;

Considérant que l'article 26 de l'arrêté royal du 7 août 1939 dispose notamment ainsi qu'il suit:

«§ 1"". Avant toute nomination par changement de grade et toute promotion par avancement de grade, il est établi une proposition. Celle-ci est faite par le conseil de direction dans les cas où ce collège est chargé de donner un avis motivé en application des articles 23 ou 67. (. . .)

» ...

»§ 2. Les propositions sont notifiées aux agents qui remplissent les conditions requises pour occuper l'emploi à conférer.

»§ 3. L'agent qui s'estime lésé peut, dans les dix jours de la notification, introduire une réclamation devant l'autorité chargée des propositions.

»Il est, à sa demande, entendu par cette autorité.

»(. . .)»;

Considérant qu'en sa séance du 31 janvier 1989, le conseil de direction a décidé non pas de faire une proposition de promotion mais a proposé au ministre d'annuler la déclaration de vacance de l'emploi, suggestion à laquelle le ministre a acquiescé; que la décision du conseil de direction n'est pas une proposition au sens de l'article 26 de l'arrêté royal du 7 août 1939; qu'elle ne devait donc pas être notifiée au requérant; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que, dans le mémoire en réplique, le requérant, après avoir pris connaissance du dossier administratif, reproche au conseil de direction de ne pas avoir motivé suffisamment sa décision;

Considérant que l'obligation de motiver sa décision en la forme ne s'impose au conseil de direction que lorsqu'il formule des propositions de promotion, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce; que le moyen ne peut être retenu,

(Rejet - dépens à charge du requérant).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 29

N° 34.788

ARRET du 20 avril 1990 (Ille Chambre)

C.P.A.S. NIVELLES: réouverture des débats.

N° 34.789 J f<e)Ll ARRET du 24 avril 1990 (VIIe Chambre)

N° 34.789

MM. Tacq, président de chambre, rapporteur, Mmes Vrints et Tulkens, conseillers, et M. Hubregtsen, premier auditeur.

LANDUYT (Me Verbiest) c/ Région flamande (Me Germain)

1. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Audience - Partie adverse non représentée

L'article 13, alinéa 4, de l'arrêté royal du 27 octobre 1989 ne saurait signifier que la suspension doit être ordonnée sans tenir compte de l'article 17, § 1 .,. , 2 et 3, des lois coordonnées du 12 janvier 1973.

La demande de suspension ne saurait être accueillie s'il apparaissait des éléments dont dispose le Conseil d'Etat qu'elle est manifestement irrecevable ou manifestement non fondée ou s'il y avait lieu de constater d'office que la demande est irrecevable.

Cette disposition, si elle se veut pertinente, semble néanmoins autoriser la suspension si les thèses du requérant ne sont pas directement ou immédiatement contredites par les éléments que le requérant ou la partie défenderesse, ou éventuellement la partie intervenante, ont transmis au Conseil d'Etat.

II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Note d'observations de la partie adverse

Une note d'observations déposée seulement la veille del' audience doit être écartée des débats en tant que pièce de procédure et n'a qu'une valeur informative.

III. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Généralités

Aucun élément n'établit en l'espèce que la similitude entre la demande d'autorisation rejetée par la décision attaquée et la demande introduite par un tiers et acceptée n'est pas ou ne peut pas être de nature telle qu'il ne pouvait y être statué d'une manière différente sans violer le principe constitutionnel de l'égalité, ni que le préjudice que l'exécution immédiate de la décision attaquée cause au requérant ne serait pas difficilement réparable, ni grave au sens de l'article 17, § 2, des lois coordonnées du 12janvier1973.

Vu la requête introduite le 9 mars 1990 par Rudy Landuyt tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 1989 par lequel le Ministre communautaire flamand de l'Aménagement du territoire et du logement, statuant sur le recours du fonctionnaire délégué formé contre l'arrêté d'octroi de la députation permanente du conseil provincial de Flandre occidentale du 22 juin 1989, refuse au requérant l'autorisation d'étendre un bâtiment industriel, à savoir un atelier de réparation pour voitures, sis à Loppem, section de Zedelgem et cadastré section D, n° 478/r-2;

Vu l'acte distinct joint à cette requête par lequel Rudy Landuyt demande la suspension de l'exécution de cet arrêté ministériel;

Considérant qu'il y a lieu de statuer au préalable sur la demande de suspension de l'exécution de la décision attaquée;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, celui-ci ne peut ordonner la suspension de l'exécution d'un acte administratif attaqué devant lui qu'à la double condition que la requête comporte, à l'appui du recours en annulation, un moyen sérieux déduit de la violation des articles 6, 6bis et/ou 17 de la Constitution et que les faits exposés dans la demande de suspension établissent que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.789

Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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Considérant que dans sa requête en annulation, le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 6 de la Constitution; qu'à l'appui de ce moyen, le requérant fait valoir que, dans un délai d'à peine dix mois et en se fondant sur le motif que dans l'affaire Jancxsens il s'agissait d'un bâtiment «ayant fait l'objet d'un permis» et dans son cas, uniquement d'un bâtiment «toléré», le Ministre compétent a octroyé à H. Jancxsens et non à lui le permis d'étendre un atelier de réparation pour voitures existant alors que la similitude entre les deux demandes de permis de bâtir était frappante; que le requérant allègue à cet égard que, dans les deux cas, 1. il s'agit d'une extension de moins de 100 % du volume de construction, dans une zone agricole arrêtée par le plan de secteur «Brugge-Oostkust», d'un atelier de réparation pour voitures exploité avec l'autorisation requise, dans un bâtiment qui, il est vrai, à l'origine fut érigé sur la base d'un permis délivré en vue de la construction d'une remise pour véhicules automobiles respectivement et d'une remise pour des machines agricles, 2. aucune objection n'a été formulée contre les deux projets d'extension, 3. la modification d'affectation visée a eu lieu avant l'entrée en vigueur du décret flamand du 28 juin 1984, 4. le permis de bâtir a tout d'abord été refusé par le collège des bourgmestre et échevins compétent et a ensuite été accordé par la députation permanente, et 5. l'argument fondamental du recours introduit auprès du Ministre a été que l'article 79 inséré par le décret précité du 28 juin 1984 dans la loi organique de l'urbanisme ne pouvait être appliqué parce qu'il s'agissait de travaux d'extension d'un bâtiment n'ayant pas fait l'objet d'un permis; que le requérant ajoute que, dans son cas il y avait d'autant plus de raisons de ne pas décider autrement que dans l'affaire Janxcsens que l'affectation originale de son bâtiment avait déjà été modifiée avant la fixation du plan de secteur Brugge-Oostkust et que celle du bâtiment de Jancxsens ne l'avait été qu'ultérieurement;

Considérant qu'en ce qui concerne le préjudice grave difficilement réparable, le requérant allègue que, pendant toute la période que durera la procédure d'annulation, son garage «ne pourra être pourvu d'une extension indispensable, ce qui pourra porter préjudice à sa viabilité même» et que, dans le même temps, il verra dès lors ses revenus diminuer à la suite d'une baisse de la clientèle et d'un manque de place;

Considérant que la partie défenderesse n'était pas représentée à l'audience; qu'aux termes de l'article 13, alinéa 4, de l'arrêté royal du 27 octobre 1989 déterminant la procédure devant la section d'administration du Conseil d'Etat, saisie d'une demande de suspension, la partie défenderesse est, dans ce cas, «censée acquiescer aux conclusions de la demande de suspension de l'exécution»; que le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 27 octobre 1989 ne comporte pas de précisions concernant cette disposition; qu'aux termes de cette disposition, comprise dans son sens usuel, la partie défenderesse est réputée acquiescer aux thèses exposées par le requérant à l'appui de sa demande de suspension en ce qui concerne la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution et le risque d'un préjudice grave difficilement réparable en cas d'exécution immédiate de la décision attaquée; que cette disposition ne saurait signifier que la suspension doit être ordonnée sans tenir compte de l'article 17, § § 1er, 2 et 3 des lois coordonnées; que la demande de suspension formée par le requérant ne saurait être accueillie s'il apparaissait des éléments dont dispose le Conseil d'Etat qu'elle est manifestement irrecevable ou manifestement non fondée ou s'il y avait lieu de constater d'office que la demande est irrecevable; que cette disposition, si elle se veut pertinente, semble néanmoins autoriser la suspension si les thèses du requérant ne sont pas directement ou immédiatement contredites par les éléments que le requérant ou la partie défenderesse, ou éventuellement la partie intervenante, ont transmis au Conseil d'Etat; que la partie défenderesse a déposé le dossier administratif le 21 mars, toutefois sans inventaire; qu'elle n'a déposé sa note d'observations que la veille de l'audience, de sorte que cette note doit être écartée des débats en tant que pièce de procédure et qu'elle n'a qu'une valeur informative; qu'au vu des éléments disponibles, il n'appert pas que la demande de suspension soit manifestement irrecevable ou manifestement non fondée ou qu'il y ait lieu de rejeter d'office cette demande pour irrecevabilité; que la note d'observations de la partie défenderesse ne comporte aucun élément corroboré par des pièces du dossier administratif ou par des pièces par le requérant, établissant que la similitude entre les demandes de permis de bâtir du requérant et de H. Janxcsens n'est pas ou ne peut pas être de nature telle qu'il ne pouvait y être statué d'une manière différente sans violer le principe Constitutionnel de l'égalité, ni que le préjudice, que l'exécution immédiate de la décision attaquée cause au requérant, ne serait pas difficilement réparable, ni grave au sens de l'article 17, § 2, des lois coordonnées; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de suspension,

(Est ordonnée la ~uspension de l'exécution de.l'arrêté du 8 décembre 1989 par lequel le Ministre commu­nautaire flamand de !'Aménagement du tdrritoire et .du logement refuse à Rudy Landuyt l'autorisation d'étendre un atelier de réparation pour voitures, sis Rijselstraat à Loppem, section de Zedelgem, et cadastré section D, n° 478/r-2). ·

N° 34.790 ARRET du 24 avril 1990 (Ine Chambre)

MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et Mme Haubert, auditeur.

LEBRUN (Me Nimal) c/ Région wallonne (Mes Levert et Lambert) - Partie interve­nante: Députation permanente du conseil provincial de Namur (Me Allard)

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D"ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 31

1. EAUX - Cours d'eau non navigables - Police (1 et 2)

N° 34.790

II. AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - Relations entre la législation sur l'aménagement du territoire et les autres législations (1)

1. Les législations relatives à l'aménagement du territoire et à l'urbanisme, d'une part, aux cours d'eau non navigables, d'autre part, sont autonomes, si bien que le respect des prescriptions urbanistiques est étranger au recours en annulation de l'arrêté qui refuse l'autorisation d'effectuer une prise d'eau dans un cours d'eau non navigable.

2. Le droit de riveraineté n'est pas attaché à la personne de son titulaire mais est un attribut de la propriété immobilière et constitue de ce fait un droit réel immobilier. Il ressort des articles 15 et 19, alinéa 1er, du code rural que ce droit peut être cédé à un non-riverain.

Vu la requête introduite le 5 avril 1988 par Elise Lebrun;

Vu la requête introduite le 28 avril 1988, par laquelle la députation permanente du conseil provincial de Namur demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 4 mai 1988 accueillant cette intervention;

Considérant que par une requête introduite le 5 avril 1988, Elise Lebrun demande l'annulation de l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 8 septembre 1987 accueillant le recours formé par Marie-Anne Vanswieten contre la décision de la députation permanente du conseil provincial de Namur du 16 octobre 1986 accordant à la requérante «l'autorisation d'effectuer une prise et remise d'eau sur le cours d'eau 2e cat. n" 6014 «La Behoute» à Ermeton-sur-Biert»;

Considérant que la commune d'Ermeton-sur-Biert est traversée par le ruisseau «La Behoute» le long duquel est bâti un moulin dont les époux Collard-Vanswieten sont propriétaires; que le 11 avril 1957 Blanche Heuze a cédé à Emma Polome la propriété d'une parcelle longeant le ruisseau; que l'acte de vente mentionnait, d'une part, que «les deux berges du ruisseau longeant le bien vendu restent la propriété exclusive de la dame venderesse» et, d'autre part, que «l'acquéreur aura le droit de faire, à ses frais, au ruisseau, une prise d'eau destinée à alimenter un étang à créer, à la condition que les ouvertures de cette prise d'eau soient établies de telle manière qu'elles empêchent le passage du poisson, tant d'un côté que de l'autre: à la sortie de l'étang, l' acquéreuse pourra dans les mêmes conditions établir une décharge au ruisseau»; que, par acte notarié du 3 février 1975, Emma Polome a vendu à la requérante une partie de cette parcelle; que cet acte dispose notamment que:

<<Le vendeur conf ère à l'acquéreur le bénéfice de la captation existante pour alimenter l'étang faisant partie de la parcelle de terrain présentement vendue.

»Le vendeur confère à l'acquéreur une servitude de passage sur une largeur de un mètre longeant le ruisseau pour avoir accès à la captation d'eau existante afin que l'acquéreur puisse en régler le débit à sa meilleure convenance.

»Le vendeurs' interdit tout acte qui empêcherait l'alimentation del' étang faisant partie de la parcelle vendue, les ouvrages existant pour la captation d'eau devant rester tels qu'ils sont.»;

que la parcelle ainsi acquise est séparée de «La Behoute» par la parcelle qui est restée la propriété d'Emma Polome;

Considérant que, le 20 août 1985, la requérante a sollicité l'autorisation d'effectuer une prise et remise d'eau sur «La Behoute» à proximité de la propriété des époux Collard-Vanswieten; que cette demande a été soumise à enquête publique entre le 11 octobre et le 4 novembre 1985; que la députation permanente du conseil provincial de Namur a accordé, le 16 octobre 1986, l'autorisation demandée; que, le 10 novembre 1986, Marie-Anne Vanswieten a introduit auprès de l'Exécutif régional wallon un recours invoquant la violation de l'article 5, § 1°', de l'arrêté royal du 29 novembre 1968 fixant la procédure des enquêtes de commodo et incommodo et des recours prévus par la loi du 28 décembre 1967 relative aux cours d'eau non navigables; que Marie-Anne Vanswieten faisait valoir qu'elle n'avait jamais été personnellement avertie de la demande formulée par Elise Lebrun;

que l'acte attaqué, notifié le 16 février 1988, est motivé comme suit:

«En ce que la cause insérée à l'acte notarié du 1957 accordant un droit de puisage à Madame Polome doit être considérée comme constitutive d'un droit de créance;

»Que ce droit, bien qu'ayant été rendu opposable aux tiers (. .. ) est un droit personnel et non réel;

»Qu'à ce titre, il n'a pu être transmis valablement en 1975 à Madame Lebrun et que donc, celle-ci ne dispose à ce jour d'aucun droit spécifique de puisage;

»Que la revendication de Madame Lebrun est sans fondement.»;

Considérant que la partie adverse conteste que 1' intérêt de la requérante à demander 1' annulation de 1' acte attaqué soit légitime; qu'elle affirme que l'étang qui doit être alimenté par la prise d'eau litigieuse a été aménagé

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794

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sans autorisation, et que l'autorisation sollicitée n'a d'autre but que de perpétuer une situation en contradiction avec les prescriptions légales et réglementaires;

Considérant que la partie adverse fonde son exception d'irrecevabilité sur une affirmation contenue dans les conclusions déposées par Michel Collard, époux de Marie-Anne Vanswieten, devant le juge de paix de Fosses­la-Ville; qu'ainsi qu'en atteste l'acte notarié du 3 février 1975, la création de l'étang est antérieure à l'~cquisition par la requérante de la parcelle où il est situé; que les législations relatives à l'aménagement du territoire et à l'urbanisme d'une part, aux cours d'eau non navigables d'autre part sont autonomes, si bien que le respect des prescriptions urbanistiques est étranger au présent recours; que l'exception ne peut être accueillie;

Considérant que la requérante prend notamment un moyen, troisième de la requête, de l'absence de motivation sérieuse de l'àcte attaqué en ce que celui-ci se fonde exclusivement sur l'affirmation que «le droit de puisage est constitutif d'un droit de créance»;

Considérant que la partie adverse fait valoir que l'article 644 du code civil confère aux seuls riverains d'un cours d'eau le droit de s'en servir pour l'irrigation de sa propriété, et qu'un droit attaché à la qualité de riverain ne peut être . cédé. à ceux qui ne possèdent pas cette qualité, ce qui est le cas de la requérante dont la propriété n'est ni longée ni traversée par le ruisseau;

Considérant que le droit de riveraineté n'est pas attaché à la personne de son titulaire mais est un attribut de la propriété immobilière et constitue de ce fait un droit réel immobilier; que ce droit d'usage des eaux peut être cédé à un non-riverain; qu'en effet, l'article 15 du code rural est rédigé comme suit:

«Tout propriétaire qui voudra se servir, pour l'irrigation de ses propriétés, des eaux naturelles ou artificielles dont il a le droit de disposer, pourra obtenir le passage de ces eaux sur les fonds intermédiaires, à la charge d'une juste et préalable indemnité.»;

que, de même, l'article 19, premier alinéa, de ce code dispose:

«Tout propriétaire vouta.nt se servir, pour l'irrigation de ses propriétés, des eaux dont il a le droit de disposer pourra, moyennant une juste et préalable indemnité, obtenir la faculté d'appuyer, sur la propriété du riverain opposé, les ouvrages· d'art nécessaires à sa prise d'eau.»;

que l'acte attaqué se fonde sur une interprétation inexacte de l'article 644 du code civil; que le moyen est fondé,

(Annulation de l'arrêté du 8 septembre 1987 de !'Exécutif régional wallon réformant l'arrêté de la députation permanente du conseil provindal de Namur du 16 octobre 1986 autorisant à EliSe Lebrun une prise et remise d'eau sur le cours d'eau <<La Behoute» à Ermeton-sur-Biert - dépens à charge de la partie adverse et de l'intervenante).

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ARRET du 24 avril 1990 (IIIe Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et M. Charlier, premier auditeur.

DELHAMENDE et consort c/ Commune de Gesves (Me Joly)

INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Principes généraux - Caractère personnel - Recours populaire

Le seul intérêt né du souci de protéger la pureté des eaux d'une rivière n'est pas en l'espèce distinct de celui que pourrait faire valoir la généralité des habitants de la commune.

Vu la requête introduite le 10 mai 1988 par André Delhamende et la société anonyme General Contractors qui demande l'annulation de la délibération du conseil communal du 18 mars 1988 par laquelleil est décidé d'adopter le projet de travaux d'égouttage et d'amélioration de la rue des Moulins pour un montant de 16.968.220 francs;

Considérant que la partie adverse conteste la recevabilité du recours à défaut d'intérêt dans le chef des requérants; qu'elle précise, en ce qui concerne le premier requérant, que s'il est propriétaire riverain du cours d'eau Samson dans lequel seront déversées les eaux usées collectées par les nouveaux égouts, sa propriété est située en amont du déversement prévu, et, en ce qui concerne la deuxième requérante, qu'il s'agit d'une société commerciale chargée d'importation et d'exportation de marchandises et que cette activité ne peut être affectée par le placement d'égouts sur le territoire de la commune;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Considérant que les requérants, qui n'ont déposé ni mémoire en réplique ni dernier mémoire et n'ont pas comparu à l'audience, font état, dans leur requête, de diverses considérations dont il est possible de déduire qu'ils sont animés par le souci de protéger la pureté des eaux du Samson; qu'un tel intérêt n'est pas distinct de celui que pourrait faire valoir la généralité des habitants de la commune; qu'à défaut pour les requérants de justifier d'un intérêt personnel, le recours n'est pas recevable,

(Rejet - dépens à charge des requérants).

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ARRET du 24 avril 1990 (Ille Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et M. Leroy, auditeur.

MATHIEU (Me Orban de Xivry) c/ Députation permanente du conseil provincial de Liège

AGRICULTURE - Plantations forestières

En l'espèce, le refus d'autorisation d'effectuer une plantation de sapins de Noël est principalement motivé par l'intérêt qu'il y a de conserver à l'agriculture des terres qui, par leur qualité, se prêtent particulièrement à cette affectation, notamment en raison du fait que les ressources économiques de la région dépendent de l'agriculture. Le motif selon lequel ces terres sont exploitées par un agriculteur déterminé n'est que surabondant.

Vu la requête introduite le 8 septembre 1988 par Joseph Mathieu qui demande l'annulation de la décision de la députation permanente du conseil provincial de Liège du 9 juin 1988 lui refusant l'autorisation d'effectuer une plantation de sapins de Noël sur les parcelles cadastrées commune de Lierneux le Division, section H, n° 701 a d'une contenance de 10 ha 47a 70 ca, et n° 700 a d'une contenance de 7 ha 60 a 76 ca, décision qui lui a été notifiée le 11 juillet 1988;

Considérant que le requérant a acquis, le 29 septembre 1987, deux parcelles cadastrées commune de Lierneux, le Division, section H, n°s 700 a et 701 a; que, le 13 octobre 1987, il a sollicité du bourgmestre de Lierneux l'autorisation de planter des sapins de Noël sur la parcelle n° 700 a; que cette autorisation lui a été refusée par le collège des bourgmestre et échevins le 19 octobre 1987; que, le 24 novembre 1987, le requérant a introduit contre cette décision un recours auprès de la députation permanente du conseil provincial de Liège dans lequel, d'une part, il affirmait que la demande soumise au collège des bourgmestre et échevins visait les parcelles n°s 700 a et 701 a et d'autre part, il demandait à la députation permanente de l'autoriser à effectuer sa plantation sur la seule parcelle n° 700 a;

Considérant que le recours en annulation est irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre l'acte attaqué en tant que celui-ci porterait confirmation d'une décision relative à la parcelle n° 701 a;

Considérant que l'acte attaqué est motivé comme suit:

«Attendu qu'il résulte de l'enquête à laquelle il a été procédé que:

»- la parcelle concernée est inscrite en zone agricole au plan de secteur de Stavelot;

»- le relief peu accidenté et le sol de très bonne qualité pour la région se prêtent admirablement à l'affectation de ce bien à l'agriculture;

»- les ressources économiques de la région dépendent de l'agriculture;

»-la ferme de Noirefontaine est une des rares exploitations agricoles importantes; d'un seul tenant et possédant des terres de qualité;

»- non exploités, les plantation de sapins de Noël donnent naissance à un peuplement forestier dans une région où les bonnes terres agricoles sont rares;

»-il s'indique, dès lors, afin de préserver des terres agricoles de qualité, de rejeter le recours introduit;

»Vu l'article 35bis, § 5, du code rural;»;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 35bis, § 5 du code rural, «en ce que la décision entreprise refuse l'autorisation de planter des sapins de Noël en visant l'article 35bis, §

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5, du code rural, alors que cet article ne concerne que les plantations forestières parmi lesquelles ne figurent pas celles de sapins de Noël»;

Considérant que'le requérant n'a pas intérêt à invoquer ce moyen qui, à le supposer fondé, aurait pour conséquence que la députation permanente n'était pas compétente pour statuer et que donc le recours en annulation aurait dû être dirigé contre la décision de la commune de Lierneux et être exercé dans les soixante jours de la notification de celle-ci; que le moyen est irrecevable;

Considérant que le deuxième moyen est pris «d'une erreur manifeste d'appréciation et du détournement de pouvoir»; que le requérant fait valoir que l'acte attaqué repose sur le motif implicite que les parcelles litigieuses sont exploitées par les époux Cornelis; qu'il en déduit que la partie adverse n'a pas tenu compte de «l'intérêt général spécifique en vue de la protection duquel le régime d'autorisation a été instauré» mais a privilégié l'intérêt de particuliers, à savoir les époux Comelis qui exploitaient la ferme de Noirefontaine;

Considérant que l'acte attaqué est principalement motivé par l'intérêt qu'il y a de conserver à l'agriculture des terres qui, par leur qualité, se prêtent particulièrement à cette affectation, notamment en raison du fait que les ressources économiques de la région de Stavelot dépendent de l'agriculture, ce que ne conteste pas le requérant, et répond de surcroît aux préoccupations exprimées par les unions professionnelles agricoles de Belgique, canton de Stavelot, par le service du génie rural du ministère de la Région wallonne; que la critique émise par le requérant ne porte que sur un motif surabondant de l'acte attaqué; que le moyen ne peut être accueilli;

Considérant qu'en un troisième moyen, le requérant reproche à la partie adverse de s'être implicitement référée au règlement adopté par le conseil communal de Lierneux le 18 mai 1984, soumettant à autorisation la plantation de sapins de Noël en dehors de la zone forestière, alors que ce règlement serait illégal;

Considérant que le régime d'autorisation prévu par l'article 4 du règlement précité l'est également par l'article 35bis, § 5, du code rural dont le requérant n'a pas intérêt à contester l'applicabilité; qu'aucun élément du dossier ne permet de supposer que la partie adverse aurait fait application de ce règlement qui n'est pas visé dans le préambule de l'acte attaqué; que le moyen ne peut être retenu,

(Rejet - dépens à charge du requérant).

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ARRET du 24 avril 1990 (lue Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Geus, rapporteur, et Mme Thomas, conseillers, et M. Dumont, auditeur général adjoint.

ORDRE DES ARCHITECTES (Mes Garabedian et Kirkpatrick) c/ Gouverneur de la province de Brabant

1. PROCEDURE - Requête - Exposé des faits et des moyens - Requête contenant des moyens irrecevables - Moyens imprécis

N'est pas recevable, le moyen qui invoque la violation d'une disposition légale sans indiquer en quoi cette disposition a été violée.

II. LOIS, DECRETS ET ARRETES - Interprétation - Interprétation des textes imprécis- Priorité à l'interprétation dans le sens d'un effet valable - Priorité à l'interprétation conforme à la loi

Lorsqu'un acte administratif est imprécis et qu'il en résulte un doute quant à sa portée, il doit être interprété comme étant conforme à la loi.

III. ARCHITECTES - Droits et obligations - Monopole de l'établissement des plans et du contrôle des travaux - Dérogation (1 à 4)

IV. COMPETENCE DES AUTORITES ADMINISTRATIVES - Limitation quant à l'objet - Au­torité statuant sur recours (3)

V. PROCEDURE - Dépens (4)

1. L'article 4, alinéa 2, de la loi du 20 février 1939 n'impose pas que la dérogation qu'il permet soit motivée en la forme.

La validité de l'arrêté du gouverneur doit être appréciée en ayant égard non seulement aux motifs qu'il exprime mais également à ceux qui se dégagent du dossier administratif.

2. En !'espèce, il n'apparaît pas que le gouverneur ait excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'une dérogation unique, accordée en vue de l'adjonction d'une

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véranda à l'habitation personnelle du demandeur, présentait dans le chef de celui-ci un caractère exceptionnel.

Et le gouverneur n'a pas apprécié de manière manifestement déraisonnable les circon­stances de la cause en jugeant que le demandeur avait une formation suffisante pour établir les plans d'une construction relativement simple.

3. Lorsque le gouverneur de la province accorde une dérogation sur la base de l'article 4 de la loi du 20 février 1939, sa compétence est liée par les termes de la proposition que lui fait le collège des bourgmestre et échevins. Il ne lui appartient pas d'autoriser le demandeur à effectuer le contrôle des travaux lorsque le collège n'en a pas fait la proposition.

4. Lorsqu'il statue sur une demande de dérogation introduite sur base del' article 4 de la loi du 20 février 1939, le gouverneur agit dans l'exercice d'une mission d'intérêt général. En cas d'annulation de sa décision, les dépens sont mis à charge de l'Etat.

Vu la requête introduite le 4 juillet 1989 par l' Ordre des architectes qui demande l'annulation de «la décision du 18 avril 1989 par laquelle le gouverneur de la province de Brabant a accordé à M. Lenglois Léon la dérogation prévue par!' article 4, alinéa 2, de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte, et l'a autorisé à dresser des plans et à effectuer le contrôle de la transformation d'une habitation à usage personnel sise à 1340 Ottignies-Louvain-La-Neuve, avenue Abbé Huyberechts, section F - 448 D2»;

Considérant que, par une lettre du 9 mars 1989, Léon Lenglois a demandé «une dérogation à la loi sur la protection de la profession d'architecte»; qu'il a précisé comme suit l'étendue de la dérogation sollicitée:

<<Je voudrais en effet pouvoir signer les plans d'extension de ma maison construite en 1976 (. .. ) Cette extension consiste en la construction, relativement simple, d'une véranda à l'arrière de mon habitation.»;

Considérant que, le 13 mars 1989, le collège des bourgmestre et échevins de la ville d'Ottignies-Louvain­la-Neuve a émis un avis favorable sur la demande de pouvoir établir les plans de construction d'une véranda;

Considérant que le moyen unique de la requête est pris de la violation de l'article 4, deuxième alinéa, de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte «et, pour autant que de besoin, del' article 12 de la même loi et des articles 4, 50 et 53 de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes»; que le requérant expose que la dérogation prévue à l'article 4, deuxième alinéa, de la loi du 20 février 1939 ne peut être accordée par le gouverneur de province que dans des cas exceptionnels, après avoir examiné dans chaque cas si le demandeur maîtrise les connaissances techniques et scientifiques relatives à l'art de construire et à l'architecture; qu'il estime qu'aucun motif de l'acte attaqué ne révèle que la partie adverse aurait procédé à la vérification de l'aptitude du demandeur et examiné si des circonstances exceptionnelles justifiaient l'octroi de la dérogation sollicitée;

Considérant qu'en tant qu'il est pris de la violation de l'article 12 de la loi du 20 février 1939 et des articles 4, 50 et 53 de la loi du 26 juin 1963, le moyen est irrecevable faute d'indiquer en quoi ces dispositions auraient été violées;

Considérant, sur la violation de l'article 4, deuxième alinéa, de la loi du 20 février 1939, que cette disposition n'impose pas que la dérogation qu'elle permet soit motivée en la forme; que la validité de l'acte attaqué doit être

·appréciée en ayant égard non seulement aux motifs qu'il exprime mais également à ceux qui se dégagent du dossier administratif; qu'il n'apparaît pas que la partie adverse ait excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'une dérogation unique, accordée en vue de l'adjonction d'une véranda à l'habitation personnelle du demandeur, présentait dans le chef de celui-ci un caractère exceptionnel; que, de même, elle n'a pas apprécié de manière manifestement déraisonnable les circonstances de la cause en jugeant que le demandeur avait une formation suffisante pour établir les plans d'une construction relativement simple compte tenu de ce que le diplôme produit par Léon Lenglois fait état d'examens portant sur les matières suivantes: connaissance des matériaux, constructions civiles, résistance des matériaux, stabilité des constructions, projets de constructions civiles et de stabilité des constructions, exercices d'application de résistance des matériaux, bureau d'études, et que son mémoire écrit portait sur le génie civil; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, le requérant prend un deuxième moyen de la violation de l'article 4 de la loi du 20 février 1939, en ce que l'acte attaqué autorise Léon Lenglois «à dresser les plans et à effectuer le contrôle de la transformation d'une habitation à usage personnel», alors que, première branche, la dérogation accordée est plus large que celle qui avait été demandée et que, seconde branche, cette dérogation va au-delà de ce que le collège des bourgmestre et échevins avait proposé, à savoir l'autorisation d'établir les plans de la construction d'une véranda; que le requérant ajoute ce qui suit:

«La décision entreprise fait certes référence à la lettre de demande de M. Lenglois, de sorte que l'on peut se demander si l'étendue de la dérogation accordée ne doit pas être déterminée à la lumière de cette demande. Les termes de la décision entreprise laissent cependant place au doute.»;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Considérant que.lorsqu'un acte administratif est imprécis et qu'il en résulte un doute quant à sa portée, il doit être interprété comme étant conforme à la loi; que le moyen ne peut être retenu;

Considérant que, dans son dernier mémoire, le requérant prend un troisième moyen de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué pour accorder une dérogation pour effectuer le contrôle des travaux dès lors que Léon Lenglois n'avait pas formulé cette demande et que le collège des bourgmestre et échevins n'avait pas fait de proposition en ce sens;

Considérant que, lorsque le gouverneur de province accorde une dérogation sur la base de l'article 4 de la loi du 20 février 1939, sa compétence est liée par les termes de la proposition que lui fait le collège des bourgmestre et échevins; qu'en l'espèce èelui-ci n'a pas proposé au gouverneur de permettre à Léon Lenglois de contrôler lui-même l'exécution des travaux; que le moyen est fondé;

Considérant que le gouverneur de la province de Brabant ayant agi dans l'exercice d'une mission d'intérêt général, il y à lieu de mettre partiellement les dépens à charge de l'Etat belge,

(Annulation de la décision du 18 avril 1989 du gouverneur de la province de Brabant en tant qu'elle autorise Léon Lenglois «à effectuer le contrôle de la transformation d'une habitation à usage personnel sise à 1340 Ottignies-Louvain-La-Neuve, avenue Abbé Huyberechts, section F -448 D2» - rejet de la requête pour le surplus - partage des dépens par moitié entre le requérant er l'Etat belge (ministère des Classes moyennes).

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ARRET du 24 avril 1990 (Président de la me Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, et Rousseaux, premier auditeur.

LEROY (M~ Leblanc) cf Région wallonne (Mes Levert et Lambert) et Ville de Genappe

1. BATISSE ET LOTISSEMENT - Recours au Conseil d'Etat - Compétence du Conseil d'Etat -Recours préalable

Le recours .en annulation de la délibération du collège des bourgmestre et échevins qui n'accorde que partiellement un permis de bâtir n'est pas recevable lorsque, sur recours du demandeur du permis, cette décision a été anéantie par une décision de l' Exécutif régional.

II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un: préjudice grave difficilement réparable

La demande de suspension n'est pas recevable lorsque le requérant se borne à faire valoir que l'exécution de l'acte attaqué est de nature à nuire gravement à ses intérêts, mais qu'elle ne contient pas un exposé des faits de nature à établir que l'exécution immédiate de cet acte risque de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Vu la requête introduite le 31mars1990 par Emmanuel Leroy qui demande l'annulation de <<l'article 1.,. del' arrêté(. . .) du 19.1.1990 pris par le Ministre de la Région wallonne, notifié au requérant en date du 02.02.90 et (de) la décisiàn du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Genappe, datée du 17.11.87, relatifs à une demande de permis de bâtir de régularisation pour la transformation et l'extension d'immeubles annexes à une habitation sise à Vieux Genappe, rue du Vieux Manant, cad. section M, n°s 29i, 29h el31k»;

Vu l'acte distinct, joint à la requête, par lequel le requérant demande la suspension de l'exécution .desdites décisions;

Considérant qu'il y a lieu d'examiner sans délai la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant, propriétaire depuis 1962 d'un bien sis à Genappe en zone agricole d'intérêt paysager, a entrepris sans autorisation un certain nombre de travaux d'aménagement; qu'il a.introduit plusieurs demandes de permis de travaux, de transformation ou de régularisation qui ont été rejetées; que, notamment le 17 septembre 1986, il a demandé à «transformer un ensemble d'immeubles annexe(/ à une habitation»; que sur avis conforme du fonctionnaire délégué le collège des bourgmestre et échevins de Genappe a, le 17 novembre 1987, par le deuxième acte attaqué accordé partiellement le permis sollicité; que le requérant a introduit un recours auprès de la députation permanente puis, en l'absence de décision de celle-èi, auprès de l'Exécutif régional wallon; que, le 19 janvier 1990, le Ministre de l'Arnénagement du territoire, de la Recherche, des Technologies nouvelles et des Relations extérieures pour la Région wallonne a accueilli partiellement le recours et a décidé, par le premier acte attaqué:

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.772 à 34.794 Page 37 N° 34.794

«Article 1er: le recours introduit par M. Emmanuel Leroy est rejeté, en ce qu'il tend à régulariser la construction de la sellerie, des box pour chevaux avec logement à l'étage, du hangar à paille et d'un court de tennis, bâtiments repris sous les n°s 1, 2 à 6, et sans n°, au plan daté du 5 septembre 1986, réf. 22 L/86;

»Article 2: ledit recours est accueilli en ce qu'il vise à régulariser les travaux réalisés au corps de logis et à l'annexe transformée et agrandie en salle de détente et en piscine couverte, bâtiments repris sous les n°s 3, 4 et 5 au plan sus-mentionné;

»Article 3: le présent arrêté sera notifié à M. Leroy, à la députation permanente du conseil provincial du Brabant, au fonctionnaire de l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire délégué pour la province de Brabant et au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Genappe.»;

Considérant qu'aux termes des articles 17 et 18 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, le requérant peut solliciter la suspension de l'exécution des actes dont il sollicite l'annulation si le recours invoque la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution, avec des moyens sérieux et si la demande de suspension justifie d'un préjudice grave et difficilement réparable;

Considérant, quant au deuxième acte attaqué, que la décision du 17 novembre 1987 du collège des bourgmestre et échevins de Genappe a été anéantie par la décision prise le 19 janvier 1990, sur recours, par le Ministre de l' Aménagement du territoire, de la Recherche, des Technologies nouvelles et des Relations extérieures pour la Région wallonne; que le recours en annulation et, partant, la demande de suspension sont irrecevables quant à cet objet;

Considérant, quant au premier objet de la requête, que le requérant se borne à faire valoir que «l'exécution (des décisions attaquées) est de nature à nuire gravement à ses intérêts»; qu'aux termes de l'article 6, 3°, de l'arrêté royal du 27 octobre 1989 déterminant la procédure devant la section d'administration du Conseil d'Etat, saisie d'une demande de suspension, la demande de suspension doit contenir un exposé des faits de nature à établir que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable; que le requérant reste en défaut de l'établir; que la demande de suspension n'est donc pas recevable,

(Rejet de la demande de suspension de l'exécution des actes attaqués).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêt No 34.796 Page 1

N° 34.796 ARRET du 24 avril 1990 (IVe Chambre)

N° 34.7%

MM. Baeteman, président de chambre, Bonet et De Brabandere, rapporteur, conseillers, et Van Assche, auditeur général.

COMMUNE DE LANAKEN c/ Communauté flamande

PROCEDURE - Questions préjudicielles

Question préjudicielle à la Cour d'arbitrage sur la licéité de la discrimination faite par une loi en approuvant une convention internationale.

Vu la requête introduite le 16 mai 1984 au nom de la commune de Lanaken et tendant à l'annulation de la décision prise le 13 mars 1984 par le Ministre communautaire flamand des Affaires intérieures de ne pas approuver la délibération du 13 décembre 1983 par laquelle le conseil communal de Lanaken décide de lever une taxe communale à charge des non-résidents fiscaux;

Vu !'arrêt n° 33.905 du 30 janvier 1990 rouvrant les débats, accordant aux parties un délai de quinze jours pour introduire un mémoire et fixant l'affaire à l'audience du 27 mars 1990;

Vu la lettre de la partie requérante;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, ladite Cour statue, à titre préjudiciel, par voie d'arrêt, sur les questions relatives (notamment) à la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l'article 26bis de la Constitution, des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution;

Considérant que les motifs justifiant qu'une question préjudicielle soit soumise à la Cour d'arbitrage ont été exposés dans l'arrêt n° 33.905 du 30 janvier 1990;

Considérant que seule la partie requérante a communiqué par écrit son point de vue selon lequel étant donné que le point XI du protocole, joint à la convention belgo-néerlandaise du 19 octobre 1970, comporte une inégalité manifeste et est dès lors contraire à l'article 6 de la Constitution, il serait souhaitable de soumettre cette question à la Cour d'arbitrage,

(La question suivante est posée à la Cour d'arbitrage:

La loi du 16 août 1971 comporte-t-elle, en violation des articles 6 et 6bis de la Constitution, une discrimination illicite en tant qu'elle approuve le point XI du Protocole joint à la Convention entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et à régler certaines autres questions en matière fiscale, signé à Bruxelles le 19 octobre 1970, et aux termes duquel la disposition de l'article 15, § 3, 1°, ne s'applique pas aux personnes qui possèdent la nationalité néerlandaise et qui ont transféré leur domicile des Pays-Bas en Belgique après le 1er janvier 1970?)

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.806 à 34.814 Page 1

N° 34.806

ARRET du 25 avril 1990 (VIe Chambre)

A.S.B.L. RADIO METROPOLE' désisremenJ

N° 34.807

ARRET du 25 avril 1990 (VIe Chambre)

N° 34.807

MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Rousseaux, premier auditeur.

DE WOLF (Me Van Gehuchten) c/ Université catholique de Louvain (Me Van Lint)

1. ENSEIGNEMENT ET SCIENCES - Enseignement universitaire - Universités libres - Etudiants - Examens (1 et 2)

II. COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT - Contentieux de l'annulation - Actes des autorités administratives (1)

III. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Composition des collèges administratifs - Séances -Quorum de présences (2)

1. Les lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires ont attribué aux universités, quelle que soit la forme juridique qui leur a été donnée, donc même lorsqu'ils' agit d'établissements de droit privé, la compétence exclusive de conférer, dans l'intérêt général, des grades académiques auxquels sont attachés des effets juridiques déterminés, tels que le droit d'exercer certaines professions. Les décisions prises par les organes d'une université en matière de délivrance des diplômes académiques dans le cadre de leurs attributions légales produisent à l'égard des tiers des effets impératifs. Même si le diplôme doit faire ultérieurement l'objet d'une homologation ou d'un entérinement, c'est bien la décision de le délivrer qui est constitutive de droits. Cette décision est soumise au contrôle de légalité du Conseil d'Etat, quelle que soit la forme adoptée par l'université a laquelle le jury appartient*.

2. Il se déduit del' ensemble du règlement général des examens del' Université catholi­que de Louvain que la collégialité des délibérations du jury y est conçue comme une garantie essentielle prévue en faveur de l'étudiant.

Si on peut admettre qu'il n'est pas exigé à peine de nullité que tous les membres du jury soient présents, celui-ci ne peut être considéré comme un organe suffisamment représentatif lorsqu'il ne comprend que quatre des dix professeurs qui ont interrogé l'étudiant, surtout lorsque ce dernier s'est vu attribuer une note de 6 sur 20. Faute d'indications plus précises du règlement, il faut s'en remettre à la règle de droit commun selon laquelle un organe collégial délibère valablement lorsque la moitié plus un de ses membres sont présents.

Vu la requête introduite le 10 novembre 1987 par Evelyne De Wolf qui demande l'annulation de la décision d'ajournement prise à son égard le 11 septembre 1987 par le jury de la deuxième licence en éducation physique de l'Université catholique de Louvain;

Considérant qu'à l'issue de ses études à l'Institut «Le Parnasse», Evelyne De Wolf a suivi les cours de la licence en éducation physique à l'Université catholique de Louvain; ce qu'autorisait une convention passée entre les deux institutions; qu'en 1987, elle a présenté les examens de deuxième licence et a obtenu les notes suivantes:

• Comparer: arrêts Fuss, n° 15.326, Wattier, n° 15.327, et Nejszaten, n° 15.328, du I" juin 1972, Franssens, n° 21.467, du 16 octobre 1981, De Cree n° 26.712, du 24 juin 1986, Farag, n° 29.972, du 4 mai 1988, et Nabavi, n° 33.266, du 20 octobre 1989.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990.

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N° 34.807

Cours théoriques:

- physiologie

- histoire de l'éducation physique

- méthodologie générale

-folklore 1

-folklore 2

-religion

Sports:

- sport ballon

- natation

- athlétisme juin/septembre

- gymnastique

Option athlétisme

Mémoire

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13

13

15

15

15

12

9

9/6

14

14

13

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que le jury l'a ajournée par la décision attaquée du 11 septembre 1987; qu'elle a exercé le 14 septembre 1987 auprès du président du jury le recours prévu par les articles 19 et 20 du règlement général des examens; qu'elle invoquait les éléments suivants:

«En analysant le programme des cours de seconde licence, on voit apparaftre à plusieurs reprises une décomposition du type: théorie, méthodologie, exercices.

»Que ce soit pour le cours de gymnastique, de natation ou de sports collectifs, cette décomposition correspond fidèlement au type d'évaluation appliqué.

»Il est un cours, cependant, pour lequel la rigueur n'est pas comparable etc' est celui qui me pose problème.

»En effet, la décision prise à mon égard repose entièrement sur le résultat obtenu à /'heptathlon. La note obtenue en méthodologie, elle, n'intervient pas.

»Si !'on en croit le programme des cours, théorie, méthodologie et exercices font partie intégrante du cours d'athlétisme.

»Qu'est-il donc advenu de cette cote de méthodologie dans mon cas?

»Selon Monsieur Renard, cette cote ùiten,ient pour !'agrégation. Est-il possible qu'un cours obligatoire intervienne uniquement pour l'agrégation? Qu'en est-il des étudiants qui ne désirent pas passer l'agrégation?

»Dans un second temps, je voudrais vous faire part de mon plus grand étonnement concernant la note du complément athlétisme qui a été oubliée lors de la délibération.

»En effet, en discutant avec les enseignants, y compris Monsieur Renard,/ ai pu constater que personne dans le jury n'avait relevé la présence d'un 14 sur 20 qui allait pourtant en ma faveur. Un oubli qui me coûte fort cher!

»Pour terminer cette requête, je voudrais insister sur un point qui me paraît fondamental.

»Conformément à l'article 13, p. 74 RG, relatif à la composition du jury, je désire faire valoir mes droits.

»En effet, la présence de chacun des enseignants est nécessaire surtout, me semble-t-il, dans une telle situation»;

que son recours était appuyé par uhe lettre écrite au président du jury par P: Vandersmissen, qui avait remplacé un collègue; que, selon lui, l'examen du cours d'athlétisme ne correspondait pas à l'intitulé du cours, l'aspect méthodologique étant exclu alors que le temps consacré à la méthodologie pendant l'année était, de l'aveu même du professeur qui en était chargé, de l'ordre de 50 p.c.; qu'il écrivait: «ceci m'incline à penser que le jury, incomplet, n'a pas délibéré en pleine connaissance de /'ensemble des cotes de cette étudiante»; qu'il critiquait également la décision, adoptée par 6 voix contre 5, de prendre en considération la note de 6 sur 20 obtenue en septembre bien que le professeur Renard, titulaire du cours d'athlétisme, eût déclaré qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce que le vote se fit en retenant la note de 9 sur 20 obtenue en juin par la requérante «grâce à un travail assidu durant l'année, travail qu'il lui était difficile de réaliser seule durant les vacances»; que, le 25 septembre 1987, le jury a rejeté le recours en ces te1mes:

«Le jurys' est réuni le vendredi 25 septembre pour examiner le recours de Melle E. De Wolf appuyé par la demande de M. P. Vandersmissen.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.806 à 34.814 Page 3 N° 34.807

»Le recours s'appuyait sur la manière dont les points de l'examen d'athlétisme avaient été attribués.

»Le jury estime que le recours n'est pas recevable car il n'y a pas d'erreur matérielle ni irrégularité résultant du non-respect d'une règle écrite ou coutumière»;

Considérant, sur le déclinatoire de juridiction soulevé par la partie adverse, que les lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires, coordonnées le 31 décembre 1949, ont attribué aux universités, quelle que soit la forme juridique qui leur a été donnée, donc même quand il s'agit d'établissements de droit privé, la compétence exclusive de conférer, dans l'intérêt général, des grades académiques auxquels sont attachés des effets juridiques déterminés, tels que le droit d'exercer certaines professions; que les décisions prises par les organes d'une université en matière de délivrance des diplômes académiques dans le cadre de leurs attributions légales produisent à l'égard des tiers des effets impératifs; que même si, comme le fait observer la partie adverse, le diplôme doit faire ultérieurement l'objet d'une homologation ou d'un entérinement, c'est bien la décision de le délivrer qui est constitutive de droits; que cette décision est soumise au contrôle de légalité du Conseil d'Etat, quelle que soit la forme adoptée par l'université à laquelle le jury appartient; que le déclinatoire ne peut être accueilli;

Considérant que la partie adverse déduit une fin de non-recevoir de ce que la requérante aurait dû diriger le présent recours non contre la décision prise par le jury le 11 septembre 1987 mais contre celle du 25 septembre 1987 par laquelle il a rejeté le recours qu'elle avait introduit devant lui;

Considérant que la requérante affirme sans être contredite que la décision du 25 septembre 1987 ne lui a jamais été notifiée; qu'elle a pu attaquer la seule décision du 11 septembre 1987, son recours devant s'étendre à celle du 25 septembre 1987;

Considérant que la requérante prend un moyen, le troisième de la requête, de la violation de l'article 13 du règlement général des examens en ce que le jury, tel qu'il a délibéré à son sujet, n'était pas l'autorité instituée par l'université sur pied de cet article puisqu'il ne comprenait pas toutes les personnes qui y sont énumérées;

Considérant que les dispositions du règlement général utiles à l'examen du moyen sont les suivantes:

«Article 13.

»Chaque jury comprend toutes les personnes qui, enseignant effectivement une des matières du programme de l'année d'études ou ayant été associées à cet enseignement, attribuent une note reprise telle quelle à la délibération.

» ... ».

«Article 15.

»Les jurys sont des organes collégiaux. Dans les limites fixées par le présent règlement, ils jouissent de la plus large autonomie».

«Article 28.

»Les délibérations ont pour objet /'appréciation collégiale de l'ensemble des notes obtenues par chaque étudiant, ainsi que /'attribution des crédits».

«Article 30.

»Tous les membres du jury sont tenus de participer aux délibérations».

«Article 33.

»S'il y a matière à vote, le jwy statue à la majorité simple des vor~'C. En tout cas de parité des voix, le résultat le plus favorable à l'étudiant est retenu. Le vote a lieu par appel nominal. Les membres du jury qui ont interrogé /'étudiant ne peuvent pas s'abstenir au vote»;

Considérant que la requérante souligne que le jury se voit attribuer une mission d'une extrême importance et que la collégialité est une garantie essentielle prévue par le règlement en faveur de l'étudiant; qu'elle précise, dans son dernier mémoire, que, selon ses informations, le jury aurait dû comprendre 30 personnes, soit les 27 membres désignés dont la liste figure au dossier administratif, le promoteur, le président et le rapporteur;

Considérant que la partie adverse répond que 13 enseignants ont participé à la délibération, que le jury, étant une autorité collégiale, peut délibérer pour autant qu'un nombre suffisant de ses membres soient présents, que si l'article 30 prévoit que tous les membres du jury doivent participer à ses délibérations, un manquement à cette obligation ne constitue pas automatiquement une cause d'invalidité de la délibération; qu'elle tire argument de l'article 31 selon lequel «le jury remplace les notes non disponibles en temps utile par la moyenne des autres notes obtenues par l'étudiant» ce qui, selon elle, implique que certains examinateurs puissent être absents et démontre que la règle établie par l'article 30 fixe une ligne de conduite plutôt qu'une condition de validité des décisions du jury; qu'elle ajoute que le règlement ne fixe aucun quorum de présence auquel serait subordonnée la validité de la délibération; qu'elle reconnaît qu'on ne saurait cependant admettre qu'un jury délibère dans une composition «squelettique» mais qu'«ilfaut et il suffit, sans se tenir cependant à une limite mathématique, que les membres présents soient suffisamment nombreux pour qu'il existe une véritable collégialité, c'est-à-dire une collégialité permettant, dans des conditions significatives, l'échange des opinions et/' instauration d'un débat

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.807

Arrêts Nos 34.806 à 34.814

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suffisamment large» ce qui, selon elle, était le cas en l'espèce puisque 13 enseignants ont participé à la délibération et qu'ils étaient en possession de toutes les notes de la requérante;

Considérant que, dans son dernier mémoire, la partie adverse estime qu'il faut apprécier le caractère représentatif du jury en fonction du nombre de professeurs présents qui avaient inte1rngé la requérante; qu'elle s'inspire du deuxième alinéa de l'article 33 et du commentaire qui lui fait suite, selon lequel «tous les membres du jury qui ont interrogé l'étudiant doivent prendre part au vote, en votant pour ou contre la proposition mise aux voix; ceux qui ne l'ont pas interrogé peuvent prendre part au vote à la demande du président du jury»; qu'elle précise que la requérante avait dû être interrogée par 10 professeurs dont 4 seulement étaient présents le 11 septembre 1987; qu'elle ajoute cependant que, lorsque, le 25 septembre 1987, le jury a examiné le recours de la requérante, 6 de ces 10 professeurs en faisaient partie; qu'elle en conclut que la décision finale a été prise par la majorité des professeurs dont la présence était requise;

Considérant qu'il se déduit de l'ensemble du règlement général des examens que la collégialité des délibérations du jury y est conçue comme une garantie essentielle prévue en faveur de l'étudiant; que si on peut admettre avec la partie adverse qu'il n'est pas exigé à peine de nullité que tous les membres du jury soient présents, celui-ci ne peut être considéré comme un organe suffisamment représentatif lorsqu'il ne comprend que 4 des 10 professeurs qui ont interrogé l'étudiant, surtout lorsque ce dernier s'est vu attribuer une note de 6 sur 20; qu'en effet, le commentaire de l'article 28 qui souligne le caractère collégial des délibérations fournit la précision suivante: <<Lors d'une délibération, aucun examinateur n'a le droit de «dicter sa loi» au jury par la pratique des «notes d'exclusion». Mais ce principe ne signifie pas que l'échec caractérisé dans une seule matière ne puisse jamais entraîner l'ajournement de l'étudiant. Il signifie que l'appréciation de cet échec, quant au résultat global, relève nécessairement de la compétence du jury dans son ensemble»; que les articles 13, 15, 28, 30 et 33 seraient vidés de leur contenu si la mesure grave que constitue un ajournement pouvait être prise par une minorité de ceux qui ont vérifié les connaissances de l'étudiant; qu'une telle pratique est de nature à fausser la garantie que représente la collégialité, spécialement lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, deux des notes attribuées à un étudiant sont en contradiction avec les résultats qu'il a obtenus dans toutes les autres branches;

Considérant que, faute d'indications plus précises du règlement, il faut s'en remettre à la règle de droit commun selon laquelle un organe collégial délibère valablement lorsque la moitié plus un de ses membres sont présents;

Considérant certes que le recours de la requérante a été examiné par 6 des 10 professeurs qui l'avaient interrogée; qu'il ressort cependant de la motivation de la décision du 25 septembre 1987 que le jury n'a pas délibéré à nouveau mais qu'il a seulement procédé à un examen restreint de la recevabilité du recours, se conformant ainsi au commentaire de l'article 19 du règlement qui contient notamment la précision suivante: «cet article reconnaît expressément à tout étudiant le droit de réagir lorsqu'il s'estime victime d'une irrégularité d'ordre administratif, que celle-ci ait eu lieu lors de l'inscription, de l'examen, de la délibération ou de la communication des résultats. Il s'agit bien d'une irrégularité résultant du non-respect d'une règle écrite ou coutumière et qui a pour effet une injustice manifeste à l'égard de l'étudiant. En aucun cas, la note attribuée par un examinateur ou la décision prise par le jury en délibérant ne constitue une irrégularité justifiant la plainte ou le recours. Par contre, une erreur dans la transmission d'une note ou dans la procédure des délibérations peut fonder une plainte ou un recours»; qu'ainsi, la première fois, c'est un jury insuffisamment représentatif qui a examiné les notes de la requérante et délibéré sur son cas tandis que, la seconde fois, un jury valablement composé a refusé de le faire; qu'il s'ensuit que ni le 11 septembre ni le 25 la requérante n'a bénéficié d'une délibération conforme aux exigences du règlement;

Considérant que le moyen est fondé; qu'il est sans intérêt d'examiner les autres moyens,

(Annulation de la délibération du 11 septembre 1987 par laquelle le jury de la deuxième licence en éducation physique de l'Université catholique de Louvain a ajourné Evelyne De Wolf, et de la délibération du 25 septembre 1987 par laquelle le même jury a rejeté le recours de l'intéressée - dépens à charge de la partie adverse).

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ARRET du 25 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Maitens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Charlier, premier auditeur.

RAUSCH (Mes Detry et Geairain) c/ Commune de Trois-Ponts (Me de Suray)

1. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Règles générales relatives à l'attribution des emplois - Concours et examens - Jury - Fonctionnement - Rectification des résultats

Le jury n'excède pas ses pouvoirs en revoyant ses appréciations aussi longtemps que le procès-verbal de l'examen n'a pas été clôturé.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.806 à 34.814 Page S N° 34.808

II. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Règles générales relatives à l'attribution des emplois - Concours et examens - Jury - Composition

1. La composition du jury, telle qu'elle est fixée par règlement, garantit la qualité et l'impartialité des membres du jury. Elle est prévue dans l'intérêt tant des candidats que de l'administration.

2. La composition irrégulière du jury vicie les opérations de l'examen. Le candidat évincé est recevable à critiquer cette irrégularité même s'il a réussi les

épreuves que le jury était chargé d'examiner. . . . Alors spécialement que le jury a procédé à une correction qui a eu pour effet

l'admissibilité du candidat nommé.

Vu la requête introduite le 25 mars 1988 par Françoise Rausch qui demande l'annulation de la décision du Conseil communal de Trois-Ponts du 10 décembre 1987 nommant Marie-Anne Rosewick en qualité de commis stagiaire;

Considérant que les éléments de la cause sont les suivants:

1. Le 7 novembre 1983, la Commune de Trois-Ponts fait savoir qu'elle procède au recrutement d'un commis féminin ou masculin. L'avis de recrutement impose, notamment, les conditions suivantes:

«5. Réunir les conditions d'aptitudes requises par la production d'un certificat délivré par le service de santé A.A.AA.A. à Liège.

»7. Réussir l'examen écrit sur des matières déterminées: rédaction - arithmétique traditionnelle ou mathématique moderne, au choix du candidat - géographie de la Belgique».

2. La requérante, qui est commis-dactylographe «C.M.T.» à l'administration communale, se présente à l'examen qui se déroule le 14 janvier 1984. Le 17 janvier 1984, elle est informée de sa réussite, tandis que Marie-Anne Rosewick, qui a obtenu 13 sur 40 à l'épreuve de mathématique, est éliminée.

3. Le 18 janvier 1984, un membre du jury, régent en mathématique, écrit au bourgmestre que deux réponses pouvaient être envisagées pour la troisième question de l'épreuve de mathématique et propose que les copies soient revues, certains candidats ayant pu être lésés par sa correction hâtive.

4. Le 21 janvier 1984, le jury procède à la révision des points attribués en mathématique. La candidature de Marie-Anne Rosewick, dont la note passe de 13 à 22, peut désormais être retenue. La note de la requérante passe de 28 à 38.

5. Le 17 février 1984, les candidats qui ont réussi sont convoqués pour un examen d'aptitude physique au centre médico-social A.A.A.A.A. à Liège. Le médecin qui examine la requérante conclut qu'elle a les aptitudes suffisantes pour l'emploi.

6. La requérante est reconvoquée le 16 mars 1984 au même centre médical où, selon elle, le médecin lui reproche de ne pas lui avoir signalé, lors du précédent examen, qu'elle était en incapacité de travail pour maladie. Il remet à la requérante une autre fiche médicale où il écrit que «la fiche d'examen médical rédigée le 17 février 1984 a été rédigée sur (la) base d'informations incomplètes».

7. Alors que la requérante a repris le travail le 19 mars 1984, le bourgmestre, par une lettre du 22 mars 1984, demande au médecin qui l'a examinée si elle possède les aptitudes requises, précisant que les dossiers doivent être soumis au conseil communal pour la nomination.

8. Le 23 mars 1984, le médecin répond:

«Comme le 16 mars 1984 Madame Rausch était toujours en incapacité, je ne pouvais pas prendre de décision. Cependant, j'estime qu'elle est inapte à l'emploi proposé, à savoir: commis à l'administration communale de Trois-Ponts».

9. Le 25 juin 1984, Marie-Anne Rosewick est nommée en qualité de commis en stage pour six mois. Sur 10 votants et 9 bulletins valables, elle a obtenu 5 suffrages contre 4 à une autre candidate, la requérante n'en obtenant aucun.

10. Par l'arrêt n° 28.499 du 22 septembre 1987, à la requête de Françoise Rausch, le Conseil d'Etat annule la nomination de Marie-Anne Rosewick pour le motif suivant:

«Considérant qu'en l'espèce, aucun critère spécial d'aptitude physique n'était prévu pour exercer la fonction de commis; que c'est dès lors en violation du règlement précité que le bourgmestre a soumis tous les candidats à un examen médical préalable, alors que cet examen ne pouvait avoir lieu qu'en cours de stage;

»Considérant que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, la requérante, qui avait réussi l'examen de recrutement, a un intérêt certain à son moyen; qu'en effet, elle a été contrainte de subir l'examen médical alors

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.808

Arrêts Nos 34.806 à 34.814

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qu'elle était en période d'incapacité pour cause de maladie et que cet élément semble avoir déterminé le revirement du médecin qui, dans l'ignorance de cet élément, l'avait une première fois déclarée apte; qu'il ressort, en outre, de la lettre précitée du 22 mars 1984 que c'est en vue de la délibération du conseil communal sur la nomination attaquée que le bourgmestre a interrogé le médecin qui avait examiné la requérante; qu'il se déduit de la réponse fournie par la commune à une question posée par l'auditeur rapporteur que, si les certificats médicaux eux-mêmes n'ont pas été communiqués aux conseillers communaux, la décision d'inaptitude physique leur a été communiquée et a pu jouer un rôle déterminant dans l'éviction de la requérante».

11. Le 27 octobre 1987, le collège des bourgmestre et échevins décide, à l'unanimité de ses trois membres, de maintenir Marie-Anne Rosewick en fonction.

12. Le 3 décembre 1987, le Gouverneur de la Province de Liège écrit au bourgmestre qu'il n'appartient pas «à l'autorité de tutelle de prendre position à propos de la nécessité de recommencer les épreuves de recrutement, dont la procédure a notamment fait l'objet d'un recours introduit au Conseil d'Etat par Mme Françoise Rausch». Il rappelle toutefois que, si le Conseil d'Etat a annulé la nomination de Marie-Anne Rosewick en accueillant le seul moyen pris du contrôle de l'aptitude physique de Françoise Rausch, l'auditeur rapporteur avait déclaré également fondé le moyen tiré de la composition irrégulière du jury.

13. Le 26 novembre 1987, le conseil communal demande aux dix-sept lauréats de l'examen de 1984 s'ils confirment leur candidature. La requérante répond affirmativement le 3 décembre 1987.

14. Le 10 décembre 1987, le conseil communal prend l'acte attaqué qui est motivé comme suit:

«Vu qu'en séance du 10 novembre 1987 il a pris acte de l'arrêt du 22 septembre 1987 par lequel le Conseil d'Etat annule la délibération du 25 juin 1984 nommant Madame Marie-Anne Rosewick en qualité de commis;

»Attendu que l'emploi est donc vacant;

»Considérant que les lauréats de l'examen qui avait précédé la délibération annulée remplissent toujours les conditions requises pour exercer la fonction;

»Vu que tous les lauréats ont été contactés par lettre recommandée du 26novembre1987 a.fin de savoir s'ils confirmaient ou non leur candidature;

»Attendu que seuls sept d'entre eux ont confirmé par écrit et dans le délai requis l'intérêt pour l'emploi devenu vacant;

»Vu qu'en applicaton de l'article 68, 1°, de la loi communale, M. José Roumez, époux d'une candidate, s'est retiré de séance;

»Vu que chacun des neuf conseillers encore présents a reçu un bulletin de vote, a pu librement et en secret exprimer son choix;

»Vu que trois conseillers se retirent de séance, estimant que toute nouvelle désignation peut être invalidée par l'autorité de tutelle ou par le Conseil d'Etat;

»Considérant que le moyen soulevé par la haute juridiction administrative pour annuler la précédente nomination n'existe plus, les six autres conseillers procèdent au vote secret;

»Attendu que le président a procédé au dépouillement et compté six bulletins dans l'urne;

»Vu que Madame Marie-Anne Rosewick obtient six suffrages et que les autres candidats n'en obtiennent aucun; Désigné Madame Marie-Anne Rosewick, née le 15 octobre 1949 à Malmédy et domiciliée à Henri-Moulin 9, en qualité de commis.

»L'intéressée devra effectuer un stage de six mois à l'issue duquel elle pourra être nommée à titre définitif>>.

15. Le 25 janvier 1988, la requérante reçoit une lettre lui annonçant, que sa candidature n'a pas été retenue.

16. Le 27 janvier J 988, le gouverneur écrit au bourgmestre que la décision du 10 décembre 1987 peut sortir ses effets.

17. Le 16 juin 1988, le conseil communal nomme Marie-Anne Rosewick en qualité de commis à titre définitif. Sur les onze conseillers communaux, l'un d'eux, qui est l'époux de Marie-Anne Rosewick, s'est retiré. Le vote des dix autres donne le résultat suivant: 6 voix pour, 1 contre et 3 bulletins blancs.

18. Par son dernier mémoire, la requérante a valablement étendu son recours à la nomination du 16 juin 1988;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation de l'adage <<patere legem quam ipse fecisti», du 6° du chapitre XIV consacré, dans le statut administratif du personnel de la commune, à l'organisation des examens et des concours et' de l'omission d'une formalité substantielle en ce que le procès-verbal de l'examen n'a pas été visé par les membres du collège, alors que la disposition invoquée exige cette fmmalité;

Considérant que le deuxième moyen est pris de la composition irrégulière du jury en ce que le premier échevin Fluzin en faisait partie aux côtés du bourgmestre alors que selon le chapitre XV du statut un échevin ne peut faire partie du jury que si le bourgmestre lui délègue ses fonctions;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Considérant que, par le troisième moyen, Françoise Rausch reproche à la commune d'avoir mis en oeuvre une procédure irrégulière en ce que:

- la requérante a constaté et signalé au secrétaire communal et au bourgmestre deux e1Teurs dans le total de ses points sans qu'aucune rectification n'y fût apportée,

- aucune suite n'a été donnée à sa demande de vérification de la note qu'elle avait obtenue en géographie,

- l'examen de mathématique a fait l'objet d'une seconde notation ce qui a permis à certains candidats, dont Marie-Anne Rosewick, d'obtenir les points requis alors que, selon la première correction, elle avait échoué,

- le procès-verbal de l'examen n'a pas été visé par le collège, ainsi que la requérante le fait valoir par son premier moyen;

Considérant que la partie adverse ne conteste pas la matérialité des faits tels qu'ils sont décrits par la requérante; qu'elle répond au premier moyen que la signature du procès-verbal de l'examen par les membres du collège est prévue par le statut dans l'intérêt exclusif de l'administration, que l'absence de signature n'a causé aucun préjudice à la requérante, qu'elle ne porte pas atteinte à l'ordre public et ne peut par conséquent être considérée comme l'omission d'une formalité substantielle; qu'elle fait valoir, quant au deuxième moyen, que la requérante est sans intérêt à soulever l'irrégularité de la composition du jury, alors qu'elle a obtenu un résultat brillant supérieur à celui de Marie-Anne Rosewick et qu'elle a elle-même bénéficié de la rectification des points de l'épreuve de mathématique; qu'elle oppose le même argument au troisième moyen, ajoutant que le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour prendre une décision à la place du conseil communal, ni pour apprécier la valeur des candidats à la place du jury, ni pour décider d'une nomination qui relève de l'opportunité;

Considérant, sur le troisième moyen, que, sous réserve de la régularité de la composition du jury, la requérante ne peut reprocher à celui-ci d'avoir rectifié les résultats des épreuves de mathématique puisque le collège avait refusé.de signer le procès-verbal de l'examen et que c'est sur la proposition du membre du jury qui avait corrigé les épreuves de mathématique que celui-ci a décidé d'en modifier les résultats; que le moyen manque en droit, le jury n'excédant pas ses pouvoirs en revoyant ses appréciations aussi longtemps que le procès-verbal de l'examen n'a pas été clôturé; qu'il manque en fait en ce qui concerne la note de géographie et le total des points de la requérante, les rectifications qui s'imposaient ayant été faites par le conseil communal lors de sa séance du 25 juin 1984;

Considérant que la requérante ne peut reprocher au collège d'avoir omis de signer le procès-verbal de l'examen; qu'en effet, il ne s'agit pas d'une omission due à une négligence mais d'un refus régulièrement décidé par deux voix contre une et une abstention;

Considérant, sur le deuxième moyen, que le chapitre XV du statut prévoit que le jury se compose, d'une part, d'un président «qui est le bourgmestre à moins qu'il délègue un échevin ou le secrétaire communal», d'autre part, d'assesseurs qui sont: le secrétaire communal ou le fonctionnaire d'un grade supérieur à celui à conférer, qu'il délègue, des professeurs s'il s'agit d'une épreuve de formation générale ou portant sur des matières qu'ils enseignent et des personnes particulièrement qualifiées s'il s'agit d'épreuves techniques ou pratiques ou portant sur des matières administratives; que cette composition garantit la qualité et l'impartialité des membres du jury; qu'elle est prévue dans l'intérêt tant des candidats que de l'administration; qu'elle devait d'autant plus être respectée en l'espèce qu'une des candidates était l'épouse d'un conseiller communal de telle sorte qu'il était spécialement inopportun de placer le bourgmestre et un échevin dans le jury alors que le statut ne prévoit la présence du second qu'à défaut du premier;

Considérant que la composition irrégulière du jury a vicié les opérations de l'examen; que la requérante est recevable à critiquer cette irrégularité bien qu'elle ait réussi les épreuves que le jury était chargé d'examiner; qu'en effet, d'après les premiers résultat, communiqués à Françoise Rausch le 17 janvier 1984, celle-ci avait obtenu les points requis tandis que Marie-Anne Rosewick, qui avait 13 sur 40 en mathématique, était éliminée; que la requérante a intérêt à contester la composition d'un jury qui a procédé ultérieurement à une correction qui lui a attribué en mathématique 38 au lieu de 28 et 22 au lieu de 13 à Marie-Anne Rosewick puisque c'est grâce à cette correction que celle-ci a pu être nommée;

Considérant que le moyen est fondé; qu'il y lieu d'annuler la nomination de Marie-Anne Rosewick en qualité de stagiaire et, par voie de conséquence, sa nomination ultérieure à titre définitif,

(Annulation de la décision du Conseil communal de Trois-Ponts du 10 décembre 1987 nommant Marie­Anne Rosewick en qualité de commis stagiaire, et de la décision du même conseil communal du 16 juin 1988 nommant Marie-Anne Rosewick en qualité de commis à titre définitif - dépens à charge de la partie adverse).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.809

N° 34.809 ARRET du 25 avril 1990 (VIe Chambre)

Arrêts Nos 34.806 à 34.814

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MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Bouvier, auditeur.

LENOIR (Mes Wera et Defoumy) c/ Communauté française

1. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Discipline - Suspension préventive (1 et 2)

II. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Suspension préventive - Procédure (2)

III. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Droits de la défense - 1° Cas où il faut les observer - Mesures d'ordre - Suspension par mesure d'ordre (2); - 2° Effets de l'omission (2)

1. Il se déduit des articles 128, 129 et 134 du statut du 22 mars 1969 que si la réduction de traitement est automatique à l'égard d'un enseignant suspendu qui fait l'objet de poursuites pénales, la décision de le suspendre, en revanche, est discrétionnaire.

2. En raison du caractère suspensif de l'action pénale, prévu par l'article 134 du statut du 22 mars 1969, la décision de suspendre sans limitation de durée avec privation de la moitié de son traitement un enseignant qui fait l'objet d'une instruction pénale est une mesure grave. Etant fondée sur le comportement de l'intéressé, elle doit s'entourer de formes qui garan­tissent l'information de l'autorité et la défense de l'agent. Celui-ci doit pouvoir s'expliquer non seulement sur la réalité ou la gravité des faits qui commandent son éloignement de ses fonctions mais aussi sur les raisons tirées de l'intérêt de l'enseignement qui exigent qu'il soit, pour une durée indéterminée mais dont on peut conjecturer qu'elle sera longue, privé de tout travail et de la moitié de son traitement. Seule la confrontation des arguments pour et contre la mesure envisagée permet à l'autorité d'apprécier en connaissance de cause s'il convient de la prendre et d'exprimer les motifs qui la justifient.

En s'abstenant d'entendre l'enseignant, l'autorité viole les droits de la défense. Le respect de ce principe général de droit s'impose même lorsque le règlement applicable est muet sur ce point. Le moyen pris de la violation de ce principe est d'ordre public et doit être soulevé d'office. ·

Vu la requête introduite le 5 septembre 1988 par Richard Lenoir qui demande l'annulation de l'arrêté ministériel du 31 mai 1988 qni le suspend préventivement de ses fonctions de professeur de cours généraux à l'Athénée royal de Vottem à partir du 22 mars 1988 avec un traitement d'attente égal à la moitié de son traitement d'activité;

Considérant que les faits de la cause sont les suivants:

1. Le 18 février 1988, Richard Lenoir, agrégé de l'enseignement secondaire inférieur (mathématiques­commerce), professeur de cours généraux à l' Athénée royal de Vottem, est placé sous mandat d'arrêt.

Il est inculpé d'avoir participé à la production et à la vente de vidéocassettes pirates. Il sera libéré par la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Liège le 3 mars 1988. L'instruction pénale est toujours en cours.

2. Le 23 février 1988, le préfet des études de l'athénée demande au directeur général de l'enseignement secondaire qu'une mesure de suspension préventive soit prise, «à tout le moins jusqu'au vendredi 1',. avril prochain, afin de préserver la réputation de l'établissement».

3. Le 2 mars 1988, sur la proposition du directeur général, le ministre suspend préventivement Richard Lenoir jusqu'au 30 juin 1988, avec réduction de moitié de son traitement. Par une lettre du 17 mars 1988, reçue le 22, le directeur général des personnels, des statuts et de l'organisation administrative notifie au requérant la décision du ministre. Il précise que la mesure est prise en application de l'article 128 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat et qu'elle prend cours à dater de sa notification.

4. Interrogé le 9 mai 1988 par le conseil du requérant sur la situation administrative de celui-ci, le directeur général de l'enseignement secondaire répond, le 27 mai 1988, que la suspension est une mesure purement administrative ayant pour effet de tenir le requérant écarté de ses fonctions pendant l'enquête judiciaire et ensuite pendant l'enquête administrative. Il rappelle que, selon l'article 134 du statut, la procédure pénale suspend la procédure disciplinaire. Il ajoute que, quel que soit le résultat de l'action pénale, l'autorité administrative reste

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.806 à 34.814 Page 9 N° 34.809

juge de l'application d'une peine disciplinaire après examen du cas. Il demande au conseil du requérant de lui communiquer le résultat de l'action judiciaire.

5. Le 31 mai 1988, le ministre prend l'arrêté attaqué qui porte que le requérant est suspendu préventivement de ses fonctions au 22 mars 1988 et qu' «à partir de cette date, il lui est alloué un traitement d'attente égal à la moitié de son traitement d'activité». Cet arrêté sera remis au requérant par le préfet de l'Athénée royal de Montegnée dans la première semaine du mois de juillet 1988.

6. Le 2 juin 1988, le conseil du requérant fait savoir au directeur général qu'il est vraisemblable que l'instruction durera longtemps, la prévention n'étant susceptible d'être établie qu'à la suite d'une expertise technique. Il s'interroge sur l'opportunité du maintien de la suspension.

7. Le 13 juillet 1988, le directeur général répond que tant qu'il ne lui sera pas possible d'entamer la procédure disciplinaire, Richard Lenoir doit rester suspendu préventivement dans l'intérêt de l'établissement.

8. Le 16 juin 1988, le requérant a été muté à l'Athénée royal de Montegnée. Interrogé par le conseil du requérant, le directeur général lui répond, le 20 juillet 1988, que les décisions administratives antérieures à la mutation restent d'application;

/ Considérant que la partie adverse déduit une fin de non-recevoir de ce que l'arrêté attaqué «ne fait que

formaliser la décision prise par le ministre et notifiée au requérant par lettre recommandée du 17 mars 1988» et qu'il n'a rien ajouté à cette décision, la privation de la moitié du traitement étant prévue par l'article 129 du statut dès qu'un enseignant suspendu fait l'objet de poursuites pénales, de telle sorte qu'il s'agit d'une mesure automatique découlant non d'une décision du ministre mais d'une application directe du statut; qu'elle en déduit, d'une part, que le recours est tardif en ce qu'il attaque en réalité la décision du 2 mars 1988, notifiée le 22, décision que l'acte attaqué n'a fait que confirmer, d'autre part, que le requérant est sans intérêt à l'annulation de l'acte purement confirmatif que constitue l'arrêté attaqué;

Considérant que les articles 128, 129 et 134 du statut disposent comme suit:

«Article 128. Au cours de l'instruction d'une affaire, lorsque l'intérêt du service ou de l'enseignement le requiert, le membre du personnel peut être suspendu préventivement.

»La suspension préventive est une mesure purement administrative. Elle est prononcée par le ministre; elle est notifiée à l'intéressé par recommandé; elle prend cours à la date à laquelle le recommandé lui est présenté par la poste.

»La suspension préventive a pour effet de tenir le membre du personnel intéressé écarté de ses fonctions. Elle ne peut être d'une durée supérieure à un an, sauf lorsque le membre du personnel fait l'objet de poursuites pénales.

»Article 129. Le traitement de tout membre du personnel suspendu préventivement, qui fait l'objet de poursuites pénales ou l'objet de poursuites disciplinaires en raison d'une faute grave, pour laquelle il y a, soit flagrant délit, soit des indices probants, est fixé à la moitié de son traitement d'activité. Cette réduction de traitement ne peut avoir pour effet de ramener le traitement à un montant inférirur au montant des allocations de chômage auxquelles le membre du personnel aurait droit s'il bénéficiait du régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés.

»Article 134. L'action pénale relative aux faits qui font l'objet d'une procédure disciplinaire est suspensive de la procédure et du prononcé disciplinaires. Quel que soit le résultat de l'action pénale, l'autorité administrative reste juge de l'application des peines disciplinaires»;

qu'il se déduit de ces dispositions que, si la réduction de traitement est automatique à l'égard d'un enseignant suspendu qui fait l'objet de poursuites pénales, la décision de le suspendre, en revanche, est discrétionnaire;

Considérant que, par sa décision du 2 mars 1988, le ministre avait suspendu le requérant jusqu'au 30 juin 1988 tandis que, par l'arrêté attaqué, il a repris la même décision mais sans la limiter dans le temps; que, dans la mesure où , sur ce point, la deuxième décision ajoute à la première, le requérant, qui précise qu'il s'était incliné devant celle-ci, a intérêt à attaquer celle-là; que son recours n'est pas tardif puisque, bien que cette formalité soit exigée par l'article 128, 2ème alinéa, du statut, l'arrêté du 31 mai 1988 ne lui a jamais été notifié par la voie recommandée; que la fin de non-recevoir doit être rejetée;

Considérant d'office qu'il n'apparaît pas que le requérant ait été entendu avant le 31 mai 1988;

Considérant qu'en raison du caractère suspensif de l'action pénale, prévu par l'article 134 du statut, la décision de suspendre sans limitation de durée avec privation de la moitié de son traitement un enseignant qui fait l'objet d'une instruction pénale est une mesure grave; qu'étant fondée sur le comportement de l'intéressé, elle doit s'entourer de formes qui garantissent l'information de l'autorité et la défense de l'agent; que celui-ci doit pouvoir s'expliquer non seulement sur la réalité ou la gravité des faits qui commandent son éloignement de ses fonctions mais aussi sur les raisons tirées de l'intérêt de l'enseignement qui exigent qu'il soit, pour une durée indéterminée mais dont on peut conjecturer qu'elle sera longue, privé de tout travail et de la moitié de son traitement; que seule la confrontation des arguments pour et contre la mesure envisagée permet à l'autorité d'apprécier en connaissance de cause s'il convient de la prendre et d'exprimer les motifs qui la justifient;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.809

Arrêts Nos 34.806 à 34.814

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Considérant qu'en s'abstenant d'entendre le requérant, la partie adverse a violé les droits de la défense; que le respect de ce principe général de droit s'impose même lorsque le règlement applicable est muet sur ce point; que le moyen pris de la violation de ce principe est d'ordre public; qu'il doit être soulevé d'office; qu'il est sans intérêt d'examiner les moyens de la requête,

(Annulation de l'anêté ministériel du 31 mai 1988 qui suspend Richard Lenoir préventivement de ses fonctions de professeur de cours généraux à l'Athénée royal de Vottem à partir du 22 mars 1988 avec un traitement d'attente égal à la moitié de son traitement d'activité - dépens à charge de la partie adverse).

N° 34.810

ARRET du 25 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Debra, premier auditeur.

TOFFOLI (Mes Bourtembourg et Lambrechts) c/ Communauté française

1. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Principes généraux - Caractère légitime

Un enseignant ne poursuit aucun intérêt illégitime en cherchant à conserver malgré une mutation l'exercice de fonctions supérieures qui lui valent un supplément mensuel de traitement.

II. (voir n° 33.921)

III. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel sonmis au statut du 22 mars 1969 - 1° Mutations - Nature; - 2° Exercice de fonctions supérieures - Cessation de la désignation - Motifs

La mutation modifie l'affectation mais non la situation juridique de celui qui l'obtient. Il ne se déduit d'aucune disposition du statut que la mutation obtenue dans une

fonction de recrutement mettrait nécessairement fin aux fonctions supérieures qui avaient été antérieurement confiées jusqu'à solution statutaire à l'enseignant muté.

IV. PROCEDURE - Requête - Objet - Extension - A des actes postérieurs à l'acte attaqué

Un recours ne peut être étendu à un acte distinct de l'acte attaqué et par son objet et par la procédure qui y a conduit.

Vu la requête introduite le 12 octobre 1988 par Jean Toffoli qui demande l'annulation de:

1. la décision ministérielle, portée à sa connaissance par une lettre du 5 septembre 1988, de le décharger de ses fonctions d'administrateur d'internat à l'Athénée royal de Waremme à pattir du 31 août 1988;

· 2. la décision, notifiée par la même lettre, de lui faire prendre les fonctions de surveillant-éducateur d'internat à l'I.H.A.E. de Liège à partir du 1er septembre 1988;

3. la décision de date illisible désignant Richard Brachot comme administrateur d'internat à Waremme à partir du 1er septembre 1988 jusqu'à solution statutaire;

Considérant que Jean Toffoli, qui avait été nommé comme surveillant-éducateur d'internat à l'Athénée royal de Rbsrath, a demandé à être muté en cette qualité, son choix s'étant porté sur quatre établissements dont l'I.H.A.E. de Liège; qu'il avait été désigné à partir du 2 avril 1988 pour exercer les fonctions supérieures d'administrateur d'internat à l'Athénée royal de Waremme en remplacement de M. Dawirs jusqu'à solution statutaire; qu'ayant été informé, le 13 juin 1988, de sa mutation à l'I.H.A.E. de Liège, il écrivit le 17 juin 1988 au directeur général des personnels, des statuts et de l'organisation administrative qu'il occuperait son nouvel emploi à l'expiration de sa désignation à Waremme; que, par une lettre nort datée reçue le 5 septembre 1988, le directeur général lui fit savoir que le ministre l'avait déchargé de ses fonctions à l'Athénée royal de Waremme au 31 août 1988 et qu'il devait prendre ses fonctions à l'I.H.A.E. de Liège le 1er septembre 1988; que cette lettre relate les deux premiers ,actes attaqués; que, par la troisièm.e décision attaquée, le ministre a désigné Richard Brachot pour remplacer le requérant à Waremme à partir du 1er septembre 1988 jusqu'à solution statutaire; ·

Considérant que la partie adverse conteste l'intérêt du requérant à son recours dans les termes suivants:

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 108: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

Arrêts Nos 34.806 à 34.814 Page 11 N°s 34.811 et 34.812

«L'examen des faits démontre que le présent recours est uniquement motivé par le désir du requérant de bénéficier simultanément de la sécurité d'emploi (à) lui conférée par sa nomination définitive comme éducateur d'internat à l'I.H.A.E. à Liège et des avantages pécuniaires inhérents à la fonction d'administrateur d'internat à titre temporaire.

»La section d'administration du Conseil d'Etat n'a pas été créée pour permettre au requérant d'obtenir des droits tout en échappant aux obligations corrélatives à ces droits»;

Considérant que la mutation à Liège du requérant qui bénéficiait d'une nomination à titre définitif de surveillant-éducateur depuis 1977 ne lui a accordé aucune stabilité d'emploi qu'il n'avait déjà mais a seulement modifié le lieu de son travail; qu'il ne poursuit aucun intérêt illégitime en cherchant à conserver malgré cette mutation !'exercice de fonctions supérieures qui lui valent un supplément mensuel de traitement; que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;

Considérant que, en un moyen unique, le requérant reproche à la partie adverse, première branche, d'avoir mis fin à sa charge temporaire arbitrairement et sans motif légal;

Considérant que la désignation temporaire à des fonctions de sélection ou de promotion n'est explicitement réglée par aucune des dispositions du statut des membres du personnel de l'enseignement de l'Etat; que le ministre tire le pouvoir de procéder à de telles désignations de la responsabilité qui lui incombe d'assurer le fonctionnement régulier du service public de l'enseignement; que celui qu'il a désigné sans limitation de durée reste en fonction sauf s'il a fait la preuve de son inaptitude ou s'il doit céder la place à un enseignant qui postule celle-ci et qui bénéficie d'une priorité pour l'occuper, c'est-à-dire qui invoque un droit à la réaffectation, à la mutation ou à la promotion ou qui démontre une aptitude nettement supérieure découlant, par exemple, de la possession d'un brevet de direction; ·

Considérant que la partie adverse ne prétend pas que la personne qu'elle a désignée en remplacement du requérant aurait été titulaire du brevet ou que Jean Toffoli aurait démérité; qu'il ne se déduit d'aucune disposition du statut que la mutation obtenue dans une fonction de recrutement mettrait nécessairement fin aux fonctions supérieures qui avaient été antérieurement confiées jusqu'à solution statutaire à l'enseignant muté; que la mutation modifie !'affectation mais non la situation juridique de celui qui l'obtient;

Considérant que le moyen est fondé en sa première branche; qu'il est sans intérêt d'en examiner la deuxième branche que le requérant présente lui-même comme subsidiaire;

Considérant que, dans son dernier mémoire, le requérant dit avoir appris que, depuis le 9 octobre 1988, Christian Gesel a été désigné en remplacement de Richard Brachot; qu'il prétend étendre son recours à cette désignation;

Considérant que la désignation de Christian Gesel constitue un acte distinct des actes attaqués et par son objet et par la procédure qui y a conduit; que le présent recours ne peut être étendu à cet acte,

(Annulation de la décision ministérielle, de date inconnue, qui décharge Jean Toffoli de ses fonctions d'administrateur d'internat à !'Athénée royal de Waremme à partir du 31 août 1988 et qui le désigne à la fonction de surveillant-éducateur d'internat à l'I.H.A.E. de Liège à partir du 1er septembre 1988, et de la décision de date illisible qui désigne Richard Brachot comme administrateur d'internat à Waremme à partir du 1er septembre 1988 jusqu'à solution statutaire - rejet de la demande fo1mulée dans le dernier mémoire - dépens à charge de la partie adverse).

N°s 34.811 et 34.812

ARRETS du 25 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Mme Dagnelie, auditeur.

n° 34.811 - MENIER (Me Bouvier) n° 34.812 -HARDENNE (id.)

c/ Communauté française - Partie intervenante: Deligne (Mes Detry et Geai­rain)

1. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Recours au Conseil d'Etat - Intérêt

1. Un enseignant à qui aucune charge n'a été attribuée au cours d'une année scolaire a intérêt à l'annulation d'une désignation qu'il prétend illégale et qui lui a fait subir une perte de traitement et d'ancienneté (n° 34.811 ).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

Page 109: Arrêts à N° 34 - KU Leuven · a à connaître en vertu de l'article 26, § 1°', de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage; qu'en vertu du paragraphe 2, premier

N°5 34.811 et 34.812

Arrêts Nos 34.806 à 34.814

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2. Un enseignant a intérêt à poursuivre l'annulation d'une désignation dont il a été évincé lorsque, en cas d'annulation, le rétablissement de la légalité consisterait à le faire bénéficier des avantages de la désignation indûment accordée à un autre candidat (n° 34.812).

II. PERSONNEL DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ETAT - Personnel soumis au statut du 22 mars 1969 - Recrutement - Temporaires - Nomination - Généralités

1. L'article 18, 6, du statut interdit de désigner à titre temporaire celui qui n'est pas porteur d'un titre fixé par le Roi en rapport avec la fonction à conférer (n°8 34.811 et 34.812).

2. L'article 20, alinéa 1er, du statut ne permet au ministre de déroger à cette condition que lorsqu'aucun candidat n'y satisfait (n° 34.811).

N° 34.811 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Michel Meunier qui demande l'annulation de la décision

ministérielle de date illisible désignant Roger Deligne comme professeur de pratique professionnelle, mécanique automobile, pour 28 heures par semaine au degré supérieur à l 'Athénée royal de Philippeville à partir du 7 septembre 1988;

Vu la requête introduite le 7 février 1989, par laquelle Roger Deligne demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 13 février 1989 accueillant cette intervention;

Considérant que, pour l'année scolaire 1988-1989, au classement des candidats du premier groupe à la fonction de professeur de pratique professionnelle dans l'enseignement secondaire du degré supérieur, spécialité: mécanique auto, Michel Meunier était premier pour la Province de Namur tandis que Roger Deligne n'était pas classé; que c'est néanmoins celui-ci qui fut désigné comme professeur de pratique professionnelle, mécanique automobile, pour 28 heures par semaine au degré supérieur à l 'Athénée royal de Philippeville du 7 septembre 1988 au 15 octobre 1988, cette désignation ayant été prorogée jusqu'au 30 juin 1989 par une décision générale du 11 octobre 1988;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, le requérant, auquel elle n'a attribué aucune charge au cours de l'année scolaire 1988-1989, a intérêt à l'annulation d'une désignation qu'il prétend illégale et qui lui a fait subir une perte de traitement et d'ancienneté;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de la violation du statut en ce que Roger Deligne ne possédait pas les titres requis pour obtenir la désignation attaquée;

Considérant que la partie adverse n'a pas répondu au fond; que l'intervenant a tout d'abord soutenu que le ministre avait pu· fonder sa désignation sur l'article 20 du statut puisque ni lui ni le requérant n'auraient possédé les titres requis; qu'après avoir pris connaissance du rapport, il a toutefois déposé un mémoire ampliatif dans lequel il s'en remet à la sagesse du Conseil d'Etat;

Considérant que l'article 9 de l'arrêté royal du 22 avril 1969 fixant les titres requis des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal de l'Etat et des internats dépendant de ces établissements dispose:

«Les titres requis pour les fonctions énumérées ci-après que peuvent exercer les membres du personnel directeur et enseignant dans l'enseignement secondaire du degré supérieur sont fixés comme suit: ·

» ...

»14. professeur de pratique professionnelle (autres spécialités):

» ...

»b) le diplôme d'école ou de cours techniques supérieurs du premier degré, complété par une année d'expérience utile et par le certificat d'aptitudes pédagogiques visé à l'article 16 du présent arrêté ... »;

que, selon l'article 12, alinéa 1er, du même arrêté, l'expérience utile visée à l'article 9, 14, doit être constituée par le temps passé dans un métier ou une profession de la spécialité du cours à enseigner;

Considérant que le requérant justifie de la possession des titres suivants:

1. Il est gradué en moteurs et expertise automobile. Ce diplôme lui a été délivré par l'Institut Reine Astrid - Arts et Métiers Saint-Luc, dispensant un enseignement supérieur technique de plein exercice et de type court.

Il remplit donc la condition de diplôme prévue par l'article 9, 14, b, de l'arrêté royal du 22 avril 1969 précité.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.806 à 34.814 Page 13 N° 34.812

2. Il est titulaire du certificat d'aptitudes pédagogiques prévu par l'article 16 du même arrêté.

3. Le ministre a reconnu comme ayant contribué à lui donner une formation en rapport avec la fonction de professeur de cours techniques et de pratique professionnelle, spécialité automobile-garage, les services qu'il a accomplis du 1er février 1973 au 31 mai 1975 en qualité d'employé technique à la S.P.R.L. Garage du stade à Couillet et ceux accomplis du 19 décembre 1975 au 7 juin 1976 en qualité d'employé réceptionniste aux établissements Bullman à Marchienne-au-Pont.

Il a donc plus d'un an de l'expérience utile requise par l'article 9, 14, b, précité;

Considérant qu'en présence d'un candidat possédant les titres requis et qui figurait d'ailleurs dans le classement, le ministre ne pouvait lui préférer un candidat qui n'avait pas le certificat d'aptitudes pédagogiques et qui n'était pas classé; qu'en effet l'article 18, 6, du statut interdit de désigner à titre temporaire celui qui n'est pas porteur d'un titre fixé par le Roi en rapport avec la fonction à conférer et l'article 20, alinéa 1er, ne permet au ministre de déroger à cette condition que lorsqu'aucun candidat n'y satisfait;

Considérant que le moyen est fondé,

(Annulation de la décision, de date illisible, par laquelle le Ministre de l'Education nationale désigne Roger Deligne comme professeur de pratique professionnelle, mécanique automobile, pour 28 heures par semaine au degré supérieur à l' Athénée royal de Philippeville du 7 septembre 1988 au 15 octobre 1988 et la décision du 11 octobre 1988 en tant qu'elle a prorogé cette désignation jusqu'au 30 juin 1989 - dépens à charge de la partie adverse et de la partie intervenante).

* * *

N° 34.812 Vu la requête introduite le 29 octobre 1988 par Fabienne Hardenne qui demande l'annulation de la

décision ministérielle du 3 septembre 1988 désignant Christine Cremer à la fonction de surveillant-éducateur à !'Etablissement d'enseignement spécial secondaire de l'Etat à Amay depuis la rentrée scolaire 1988-1989;

Considérant que Fabienne Hardenne et Christine Cremer ont toutes deux posé leur candidature à une fonction de surveillant-éducateur pour l'année scolaire 1988-1989; que la seconde, désignée par l'acte attaqué du 3 septembre 1988 à la fonction de surveillant-éducateur à l'Etablissement d'enseignement spécial secondaire de l'Etat à Amay depuis la rentrée scolaire 1988-1989, a refusé l'emploi et, par une décision du 19 septembre 1988, a été remplacée par la première qui avait occupé le même emploi l'année précédente;

Considérant que, par une fin de non-recevoir qu'elle présente comme une défense au fond, la partie adverse soutient que la requérante est sans intérêt à son recours, puisque, selon le statut, seuls les jours de services effectifs sont comptés dans le calcul de l'ancienneté d'un enseignant temporaire; qu'elle en conclut que la requérante, qui n'a rendu aucun service du 1er au 30 septembre 1988, ne peut se voir attribuer aucun jour d'ancienneté pour cette période et que «toute attitude contraire constituerait une violation de la lettre et de l'esprit» du statut;

Considérant qu'il est précisément reproché à la partie adverse d'avoir méconnu la lettre et l'esprit du statut en ce qu'elle aurait privé la requérante des jours de services effectifs auxquels elle avait droit; que si le Conseil d'Etat annulait la désignation attaquée et reconnaissait que c'est Fabienne Hardenne et non Christine Cremer qui aurait dû être désignée dès la rentrée scolaire, le rétablissement de la légalité consisterait à faire bénéficier la première des avantages de la désignation indûment accordée à la seconde; que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;

Considérant que la requérante prend un moyen unique de la violation de l'article 18, 6, de l'arrêté royal du 22 mars 1969 qui est relatif au statut des membres du personnel des établissements d'enseignement de l'Etat, en ce que la partie adverse a désigné une candidate qui n'avait pas les titres requis;

Considérant qu'en vertu de l'article 18, 6, du statut, nul ne peut être désigné à titre temporaire s'il n'est porteur d'un titre, fixé par le Roi, en rapport avec la fonction à conférer; que Fabienne Hardenne, agrégée de l'enseignement secondaire inférieur, est titulaire d'un des titres mentionnés à l'article 14, 1, b), de l'arrêté royal du 22 avril 1969 fixant les titres requis des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement de l'Etat; qu'elle affirme, sans être contredite, que Christine Cremer est titulaire d'un diplôme d'éducateur obtenu dans l'enseignement de promotion à horaire réduit, ce qui ne correspond ni aux titres émunérés aux dispositions précitées ni au diplôme d'éducateur visé à l'article 14, 1, h), du même arrêté, qui est celui délivré par «un établissement d'enseignement supérieur pédagogique de type court et de plein exercice»; que sur l'acte de candidature de Christine Cremer, l'administration a d'ailleurs apposé en caractère gras le cachet «PAS TITRES», ce qui n'a pas empêché le ministre de la désigner à la place que, munie des titres requis, la requérante avait occupée l'année précédente;

Considérant qur le moyen est fondé,

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.812

Arrêts Nos 34.806 à 34.814

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(Annulation de la décision ministérielle du 3 septembre 1988 désignant Christine Cremer à la fonction de surveillant-éducateur à !'Etablissement d'enseignement spécial secondaire de l'Etat à Amay du 1er septembre au 19 septembre 1988 ~ dépens à charge de la partie adverse).

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ARRET du 25 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Rousseaux, premier auditeur.

BEYENS c/ Communauté française

I. ENSEIGNEMENT ET SCIENCES - Enseignement universitaire - Diplômes et certificats

L'article 34 des lois coordonnées sur la collation des grades académiques et le pro­gramme des examens universitaires n'habilite pas le ministre à conférer le grade légal aux porteurs d'un diplôme scientifique.

II. NOTION D'ACTE (SUSCEPTIBLE DE RECOURS) - Explications et renseignements - Réponse à une demande de renseignements

Une simple réponse à une demande de renseignements ne contient aucun acte admini­stratif susceptible d'annulation.

Vu la requête introduite le 29 décembre 1988 par Alain Beyens qui demande l'annulation de «la décision du Ministre de !'Education nationale( .. .) du JO novembre 1988»; ·

Considérant que, le 17 mai 1988, Alain Beyens a écrit au Ministre de !'Education nationale dans les tetmes suivants:

«Concerne: légalisation a posteriori des diplômes décernés à titre scientifique.

»Par la présente, je me permets de porter à votre connaissance la situation qui me préoccupe.

»le suis titulaire depuis 1986 d'un diplôme de licencié en droit décerné au grade scientifique.

»A l'époque de mon entrée à l'université je ne possédais pas de titre légal permettant une inscription de plein droit à un premier cycle universitaire.

»Pour accéder à cet enseignement, j'ai passé avec succès les examens d'entrée organisés par la faculté de droit à l' U.L.B.

»Suite à cette admission, j'ai suivi le cycle complet comme tout étudiant (mêmes enseignements, mêmes examens et même délai de 5 ans).

»Etant devenu titulaire d'un titre légal d'admission à l'université, je désire convertir mon titre de licencié au grade légal. A cette fin, j'ai consulté le service compétent au sein du ministère de l' Education nationale qui me prescrit de respecter:

»I. la durée impartie pour les examens de candidat et de licencié;

»2. de repasser et de réussir pour une deuxième fois les mêmes examens;

»3. et par conséquent de payer les mêmes droits d'inscription.

»Suite à cet avis, j'ai consulté l'ensemble de la législation sur /'enseignement supérieur ainsi que les travaux préparatoires. J'ai constaté que l'article 34, alinéa 2, des lois coordonnées de 1949 prévoit expressément la possibilité d'être dispensé de subir deux fois un examen sur les mêmes matières et de respecter la durée des études prescrites pour autant qu'une telle décision émane du gouvernement ( cfr note schématique, ci-annexée).

»Face à cette situation peu heureuse, je me permets de solliciter votre attention afin de vous convaincre du bien-fondé de mon raisonnement et d'obtenir une décision favorable prévoyant une dispense de durée et d'examen.

»(. . .)»;

que, dans la note annexée à cette lettre, le requérant exposait l'interprétation qu'il donnait à l'article 34, alinéa 2, des lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires, coordonnées le 31 décembre 1949; qu'il se fondait sur le texte, l'objectif et les travaux préparatoires de la loi;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.806 à 34.814 Page 15 N° 34.813

Considérant que, par une lettre du 10 novembre 1988 dans laquelle le requérant lit l'acte administratif dont il demande l'annulation, le ministre a répondu ce qui suit:

«Suite à votre lettre du 17 mai 1988, j'ai fait examiner votre situation administrative par le service compétent du département.

»li résulte de cet examen qu'il n'existe aucun moyen officiel de «légaliser» a posteriori un grade académique «scientifique». La seule procédure possible consiste à reprendre à l'université le nombre légal d'inscriptions nécessaires à /'obtention d'un grade légal. Chaque année fera l'objet d'une délibération et au terme du délai légal le grade académique légal sera délivré.

»li faut donc que vous obteniez /'équivalence de votre diplôme de fin d'études secondaires ou de tout autre titre donnant accès aux études universitaires à titre légal. Si vous êtes en possession d'un tel titre, la procédure d'équivalence est bien entendu superflue.

»Une fois cette équivalence obtenue ou le titre légal d'accès produit, vous devez prendre les inscriptions auprès de l'université où vous avez étudié à titre scientifique.

»Comme cette «régularisation» doit normalement aboutir à la délivrance du diplôme légal pouvant donner accès à l'exercice de la profession, il appartient au jury d'examiner, pour chaque cas, si, au vu des résultats obtenus antérieurement, l'intéressé a satisfait aux exigences minimales requises pour la collation du diplôme légal.

»Dans la négative ou en cas de doute, le jury est invité à faire subir réellement de nouvelles épreuves. Le report éventuel de notes ne peut se justifier que sil' intéressé a subi, au titre scientifique, des examens d'une manière très satisfaisante.

»li doit être entendu que l'acquisition préalable du diplôme scientifique ne peut entraîner automatiquement et sans contrôle la délivrance du diplôme légal. Chaque cas doit faire l'objet d'un examen attentif et rigoureux du jury dans la perspective du plein exercice de la profession en Belgique.

»le vous signale, par ailleurs, que, conformément à l'arrêté royal du 20 août 1970 pris en exécution de l'article 34 des lois coordonnées sur la collation des grades académiques, seuls les titulaires d'un grade académique légal peuvent bénéficier de dispenses d'interrogation pour des matières sur lesquelles ils ont déjà été interrogés.

»Vous voudrez bien communiquer la teneur de la présente au Doyen de la Faculté de votre institution en ·insistant sur la stricte application des principes énoncés»;

Considérant que la partie adverse soutient que la lettre du 10 novembre 1988 ne relate pas un acte administratif susceptible de recours; qu'elle fait observer que, par sa lettre du 17 mai 1988, le requérant avait demandé au ministre de prendre une décision qui ne relevait pas de sa compétence et que, pour cette raison, le ministre lui a répondu en lui indiquant la marche à suivre s'il voulait obtenir la légalisation de son diplôme; qu'elle rappelle que ««!'expression d'une opinion destinée à éclairer le requérant sur les droits qu'il peut faire valoir ou plus généralement sur sa situation juridique n'est pas susceptible defaire l'objet d'un recours en annulation» (Falys J. «La recevabilité des recours en annulation», n° 34, p. 41, Bruylant, 1975)»;

Considérant que, se fondant sur les écrits du même auteur, le requérant réplique qu'il importe ««d'éviter de s'en remettre aux apparences et de n'avoir égard qu'à la qualification ou à la forme sous laquelle se présente un acte ou encore à sa portée la plus visible ... » et qu' «en définitive, le critère est au-delà des formes et qualifications, ( qu' )il faut à l'occasion de chaque acte vérifier si, par lui-même, il crée ou modifie soit une règle de droit, soit une situation juridique»»; qu'il fait remarquer qu'il avait sollicité non des renseignements mais une dispense de durée et d'examen, que le ministre lui a répondu par un refus implicite mais certain, que l'article 34, 2e alinéa, donne compétence au gouvernement pour accorder les dispenses et qu'au sein de celui-ci c'est le Ministre de !'Education nationale qui est le plus qualifié pour le faire, qu'il ne pourrait se décharger de sa compétence sur un jury d'examen, c'est-à-dire sur une autorité qui ne lui est pas subordonnée surtout lorsqu'il s'agit du jury d'une université libre, que la position du ministre reviendrait en fait à supprimer, dans le système élaboré par le législateur en 1890, la dispense de durée qui, dans le cadre de l'article 34, est indissociable de la dispense d'examen, et que, si même il fallait admettre que le jury est compétent, il ne le serait, selon la thèse contestable de la partie adverse, que pour les grades légaux, le ministre restant compétent pour les grades scientifiques et qu'enfin le jury n'aurait compétence que pour la dispense d'examen ce qui implique que c'est le ministre qui devrait accorder la dispense de durée;

Considérant que le requérant a interrogé le ministre sur le seul point de savoir si celui-ci pouvait lui attribuer la dispense «de durée et d'examen» prévue par le deuxième alinéa de l'article 34 qui dispose comme suit:

«Article 34. Sous réserve des dispositions prévues aux articles 22 et 33, le gouvernement pourra toujours dispenser des prescriptions de la présente coordination, quant à la durée des études, les porteurs d'un diplôme légal de licencié, d'agrégé, de docteur, de pharmacien ou d'ingénieur.

»Sauf les cas particuliers prévus par la présente coordination et conformément aux règles à déterminer par le gouvernement, les récipiendaires qui ont subi avec succès un examen sur certaines branches ne seront plus interrogés sur ces mêmes branches, au cas où elles feraient partie d'un examen ultérieur, et ils pourront être dispensés de la durée des études prescrites par la présente coordination»;

que le premier alinéa autorise le gouvernement, c'est-à-dire le Roi, à accorder des dispenses portant sur la durée des études aux seuls porteurs de diplômes légaux; que le second vise les étudiants qui changent d'option au

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1 1 )''I.

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cours de leurs études; que ces dispositions n'habilitent en rien le ministre à conférer le grade légal aux porteurs d'un diplôme scientifique;

Considérant que le ministre ne s'est nullement mépris sur sa compétence; qu'il s'est borné à décrire la procédure que le requérant pourrait utiliser et celle que le jury devrait suivre pour la collation du diplôme légal; qu'une telle réponse ne contient aucun.acte administratif susceptible d'annulation; que le recours est irrecevable,

(Rejet - dépens à charge du requérant).

N° 34.814

ARRET du 25 avril 1990 (VIe Chambre) MM. Tapie, Président du Conseil d'Etat, Martens, rapporteur, et Hanotiau, conseillers, et Hoeffler, premier auditeur.

A.S.B.L. ASSOCIATION DES FEMMES AU FOYER (Me Van Bunnen) c/ Etat belge représenté par le ministre des Finances et par le secrétaire d'Etat aux Finances (M. Bolus)

1. IMPOTS ET TAXES - Fiscalité de l'Etat - Impôts sur les revenus - Revenus professionnels - Précompte professionnel (1 à 5)

II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - 1° Moyen sérieux (2); - 2° Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable (3 et 4); - 3° Effets de la suspension (3 et 5)

III. DROITS ET LIBERTES - Egalité devant la loi - Discrimination dans l'exercice du pouvoir d'appréciation (2)

1. Si l'arrêté royal du 18 décembre 1989 a pratiquement pour seul objet l'indexation prévue par le code des impôts sur les revenus, il n'en a pas moins repris comme chiffres de base les montants de l'arrêté royal du 27 février 1989 de telle sorte que si les écarts nés de l'application de cet arrêté aboutissaient à créer une discrimination injustifiée, le même reproche devrait être adressé à celui du 18 décembre 1989.

2. L'égalité en matière fiscale consacrée par l'article 112 de la Constitution n'est pas différente de celle qui procède des articles 6 et 6bis du même texte fondamental.

Les règles constitutionnelles de l'égalité des Belges et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie selon certaines catégories de per­sonnes pour autant que le critère de différenciation soit susceptible de justification objective et raisonnable. L'existence d'une telle justification doits' apprécier par rapport au but et aux effets de la norme considérée. Le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

En prévoyant un précompte excessif dans le but non d'assurer une meilleure perception du nouvel impôt mais de ne pas diminuer brutalement les recettes produites par l'ancien, les ministres des Finances organisent un prélèvement qui, dans la mesure de cet excédent, s'analyse davantage comme un emprunt forcé qui atteint certaines catégories de particuliers, que comme un impôt qui frappe une catégorie de contribuables. Si elle était dépourvue de justification, une telle discrimination se heurterait au principe général d'égalité inscrit aux articles 6 et 6bis de la Constitution plutôt qu'à celui de l'égalité devant l'impôt consacré par l'article 112.

Le souci de faire de la réforme fiscale de 1988 une opération budgétairement neutre et, par conséquent, de veiller à ce que la masse des recettes n'en soit pas affectée, n'explique nullement pourquoi une catégorie de contribuables, pour objectivement différente qu'elle soit des autres, devrait subir seule une retenue supérieure au montant prévisible de l'impôt et, de ce fait, contribuer seule au maintien de l'équilibre budgétaire dans les limites que les auteurs de la réforme se sont fixées. Cette différence de traitement entre les deux catégories de contribuables n'est pas en relation perceptible avec le but poursuivi.

3. Lorsque l'exécution d'un arrêté attaqué pour méconnaissance du principe d'égalité est suspendue, il appartient à l'auteur de l'acte suspendu de prendre les mesures utiles pour

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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que le préjudice dont la gravité a été reconnue ne soit pas maintenu et a fortiori pour qu'il ne soit pas aggravé.

4. Ni le texte de la loi du 16 juin 1989 ni les travaux préparatoires de celle-ci ne permettent de dire que le préjudice grave et difficilement réparable dont le risque doit être constaté pour que la suspension puisse être prononcée ne pourrait être qu'un préjudice matériel.

Dès lors que, pour exécuter l'article 8 de la loi du 7 décembre 1988, le Roi doit intervenir à un rythme tel que le respect des délais prévus par le règlement de procédure ne permet pas au Conseil d'Etat de statuer sur la légalité de ses arrêtés tant qu'ils sont encore en vigueur, le seul moyen de donner un effet utile à l'annulation éventuelle d'un de ces arrêtés est d'en suspendre l'exécution.

L'impossibilité d'annuler utilement des actes annuellement renouvelés et la persistance d'un préjudice né d'une telle situation confèrent à celui-ci un caractère grave et difficilement réparable.

5. L'exécution de l'arrêté attaqué ne peut être suspendue que dans la mesure de l'intérêt du requérant.

IV. IMPOTS ET TAXES - Fiscalité de l'Etat - Impôts sur les revenus - Revenus professionnels - Précompte professionnel

V. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Classement selon la qualité du requérant - Associations sans but lucratif

Au contentieux de l'excès de pouvoir, l'intérêt collectif d'une association ne se limite pas à la défense d'intérêts matériels qu'il s'agisse des siens ou de la somme de ceux de ses membres.

Lorsqu'une association s'est donné pour objet social d'aider chaque femme à choisir librement d' oeuvrer, si elle le désire, dans son foyer et de soutenir socialement et moralement la femme au foyer, un tel objet l'autorise à agir lorsqu'il est porté atteinte aux valeurs en vue desquelles elle s'est constituée.

Une réglementation.fiscale qui frappe plus lourdement les couples qui ne disposent que d'un revenu professionnel substantiel est de nature non seulement à léser les intérêts matériels de cette catégorie de contribuables mais aussi à porter atteinte aux valeurs inspirant le choix qu'ils ont fait dans l'organisation de leur vie familiale.

Vu la requête introduite le 26 février 1990 par l'association sans but lucratif <<Association des femmes au foyer» qui demande l'annulation de «1' arrêté royal du 18 décembre 1989 modifiant, en matière de précompte professionnel, l'arrêté royal du 4 mars 1965 d'exécution du Code des impôts sur les revenus, publié au Moniteur belge du 29 décembre 1989, pp. 21255 à 21316, en toutes ses dispositions, y compris son annexe»;

Vu, joint à la requête, l'acte distinct par lequel la requérante demande la suspension de l'exécution de l'arrêté royal attaqué;

Considérant qu'il y a lieu d'examiner sans délai la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué;

Considérant que l'article 184 du Code des impôts sur les revenus dispose que «le précompte professionnel est déterminé suivant les indications des barèmes établis par le Roi»; que, selon l'article 114 de l'arrêté royal du 4 mars 1965 d'exécution du Code des impôts sur les revenus, «le montant du précompte professionnel dû à la source est déterminé conformément aux indications des barèmes et des règles d'application y relatives, qui figurent à l'annexe Ill»; que cette annexe a subi plusieurs modifications, la dernière qui fut antérieure à la réforme fiscale de 1988 ayant fait l'objet de l'arrêté royal du 10 décembre 1987;

Considérant qu'afin de tenir compte de l'aménagement de l'impôt résultant de la loi de réforme fiscale du 7 décembre 1988, le Roi a arrêté de nouveaux barèmes qui figurent dans l'annexe à l'arrêté royal du 27 février 1989; que ces barèmes concernent le calcul du précompte retenu sur les revenus professionnels, d'une part, du contribuable isolé ou dont le conjoint bénéficie d'un revenu professionnel (barème 1), d'autre part, du contribuable dont le conjoint n'a pas de revenu professionnel (barème Il); qu'il est, selon son article 2, applicable atix revenus payés ou attribués à partir du 1er mars 1989; '

Considérant quel 'association requérante a entrepris en annulation l'arrêté royal du 27 février 1989 (recours A. 40.620/Vl-93 l 6);

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Considérant que, par l'arrêté royal du 18 décembre 1989, qui fait l'objet de la présente demande, le Roi a déterminé les règles permettant de calculer le précompte professionnel à retenir sur les rémunérations payées ou attribuées à partir du 1er janvier 1990; que, dans les deux barèmes annexés à l'arrêté, il est tenu compte de l'indexation des montants prévue par l'article 8 de la loi du 7 décembre 1988;

Considérant que la requérante expose que l'application des deux barèmes entraînera la retenue d'un précompte mensuel supérieur au douzième de l'impôt tout comme l'entraînait déjà, selon elle, l'application du barème II annexé à l'arrêté royal du 27 février 1989;

Considérant que, dans le mémoire en réponse qu'il a déposé dans le recours A. 40.620NI-9316, le Ministre des Finances n'a pas contesté que l'application de l'arrêté royal du 27 février 1989 avait les répercussions dénoncées par la requérante en ce qui concerne l'application du barème II; qu'il a répondu aux arguments de celle-ci que le pouvoir du Roi en matière de fixation des barèmes s'exerce de la manière la plus étendue et qu'Il a pu, lors de leur établissement, non seulement tenir compte du montant de l'impôt qui sera finalement dû mais aussi veiller à ce que 1' allègement fiscal n'ait pas une incidence défavorable sur le solde budgétaire;

Considérant que, dans la note d'observations qu'elle a déposée dans le présent recours, Madame le Secrétaire d'Etat aux Finances n'a pas davantage contesté que, dans certains cas, l'application des nouveaux barèmes entraînera un excédent de recettes par rapport au montant de l'impôt à percevoir; que, dans l'état actuel de son information, le Conseil d'Etat doit considérer comme établi, en se fondant sur les tableaux chiffrés non contredits qui sont annexés à la requête, que, pour les contribuables dont le conjoint ne bénéficie pas de revenu professionel ou seulement d'un revenu professionnel inférieur au quotient conjugal, l'arrêté attaqué entraîne la perception d'un excédent de précompte qui, selon les cas, varie entre 6.000 et 48.000 francs environ par an, tandis que, pour un ménage à deux revenus sans enfant, le précompte est légèrement inférieur à l'impôt qui sera finalement dû;

Considérant que, pour contester l'intérêt de la requérante, les parties adverses font observer que la suspension de l'arrêté royal du 18 décembre 1989, qui opère de plein droit en vertu de l'article 7, alinéa 2, de l'arrêté royal du 27 octobre 1989 déterminant la procédure devant la section d'administration du Conseil d'Etat saisie d'une demande de suspension, aurait pour conséquence de rendre applicable à l'exercice 1991 l'arrêté royal non abrogé du 27 février 1989, que cet arrêté s'applique aux revenus payés ou attribués à partir du 1er mars 1989 sans aucune limitation à son application dans le temps et que le calcul des précomptes effectué selon les barèmes qui y sont annexés serait encore plus défavorable aux personnes dont la requérante prétend défendre les intérêts puisqu'ils ne tiennent compte d'aucune indexation;

Considérant que l'annulation de l'arrêté royal du 27 février 1989 a été poursuivie par la requérante en un temps où la loi ne permettait pas encore au Conseil d'Etat de suspendre dans certaines conditions l'exécution des actes attaqués; que, sans doute, si ce recours était rejeté ou si seulement il était tardé à statuer sur son bien-fondé, la suspension de l'exécution de l'arrêté royal du 18 décembre 1989 aurait pour conséquence le maintien des effets de l'arrêté royal du 27 février 1989 pour une durée indéterminée dans le premier cas et jusqu'à la notification de l'arrêt d'annulation dans le second, puisque l'arrêté royal du 27 février 1989 est, selon son article 2, «applicable aux revenus payés ou attribués à partir du lei- mars 1989»; que, toutefois, il ne peut être présumé ni que le recours contre cet arrêté sera rejeté, ni que l'arrêt sur le recours sera rendu avec un retard tel que le maintien des effets de l'arrêté royal du 27 février 1989 puisse causer aux membres de la requérante un préjudice plus important que celui ·qu'elle invoque à l'appui de sa demande de suspension; que son intérêt à celle-ci est donc certain; que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;

Considérant que l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, qui permet à celui-ci de suspendre l'exécution des actes et règlements des autorités administratives, subordonne cette faculté à la double condition que le requérant fasse valoir un moyen qui, fondé sur la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution, paraisse sérieux et de nature à entraîner !'annulation de 1' acte attaqué et que 1' exécution immédiate de celui-ci risque de causer un préjudice grave et difficilement réparable;

Considérant, quant à la première condition, que la requérante soutient que l'arrêté dont elle 'demande la suspension «contrevient (. . .) au principe de l'égalité des contribuables quant à la charge de l'impôt puisqu'il aboutit à faire payer un précompte professionnel excessif aux seuls contribuables dont le conjoint ne bénéficie pas de revenu professionnel ou seulement d'un revenu professionnel inférieur au quotient conjugal»; qu'elle justifie ses allégations par deux tableaux qui donnent le montant des précomptes excédentaires qui seront perçus;

Considérant que les parties adverses, qui ne contestent pas les chiffres avancés par la requérante, répondent, à titre principal, que l'arrêté attaqué, rapproché de l'arrêté royal du 27 février 1989, a pour seul objet et pour unique effet de répercuter l'indexation de l'impôt sur le précompte professionnel, qu'il le fait de manière égale pour tous les contribuables et qu'il n'a donc pu violer les articles 6 et 6bis de la Constitution;

Considérant que s'il est vrai que l'arrêté attaqué a pour seul objet- à l'exception d'une réduction forfaitaire du précompte de 2.500 francs lorsque le revenu du conjoint ne dépasse pas 5.000 francs net par mois -1 'indexation prévue par la loi, il n'en a pas moins repris comme chiffres de base les montants de l'arrêté royal du 27 février 1989 de telle sorte que si les écarts nés de l'application de cet arrêté aboutissaient à créer une discrimination injustifiée, le même reproche devrait être adressé à celui du 18 décembre 1989; que l'argument des parties adverses manque en droit;

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Considérant qu'à titre subsidiaire, les parties adverses soutiennent que le principe d'égalité consacré par les articles 6 et 112 de la Constitution ne s'oppose pas à ce qu'un impôt frappe une certaine catégorie de contribuables, qu'il n'interdit pas davantage les réductions ou exemptions définies par la loi et que ce qu'il exige c'est que tous les citoyens qui se trouvent dans des situations semblables soient traités de la même manière; qu'il s'ensuit, poursuivent-elles, que l'aménagement de différentes catégories de contribuables, dans le cadre d'une réglementation fiscale, ne contrevient pas au principe d'égalité lorsque ces catégories ont été déterminées de manière objective et abstraite, que l'abstraction de la règle fiscale suffit au respect du principe d'égalité et qu'elle offre également les meilleures garanties contre l'arbitraire; qu'elles ajoutent que chacun des deux barèmes annexés à l'arrêté est applicable à une catégorie homogène de contribuables, le premier concernant les contribuables isolés et ceux dont le conjoint recueille des revenus professionnels, le second les contribuables dont le conjoint ne perçoit pas de revenu professionnel; qu'elles estiment que cette distinction est opérée sur la base d'un critère objectif qui ne laisse place à aucun pouvoir d'appréciation dans le chef de l'employeur redevable du précompte ni de l'administration chargée de contrôler le paiement; qu'elles prétendent qu'«à supposer que le principe d'égalité exige également que la distinction en catégories abstraites, sur la base d'un critère objectif, puisse recevoir une justification pour éliminer tout danger d'arbitraire, quod non( .. .), cela n'impliquerait pas que la distinction ne puisse se justifier que si elle est en rapport avec la matière et les fins de l'imposition» et que «le principe d'égalité n'est pas violé lorsque les classifications sont établies au regard de circonstances d'ordre général»;

Considérant que, par l'application de l'arrêté attaqué, seules certaines catégories de contribuables verront leurs revenus professionnels amputés de retenues excédant sensiblement le montant de l'impôt;

Considérant que l'égalité en matière fiscale consacrée par l'article 112 de la Constitution n'est pas différente de celle qui procède des articles 6 et 6bis du même texte fondamental; que les règles constitutionnelles de l'égalité des Belges et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie selon certaines catégories de personnes pour autant que le critère de différenciation soit susceptible de justification objective et raisonnable; que l'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la norme considérée; que le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé;

Considérant d'ailleurs qu'en prévoyant un précompte excessif dans le but non d'assurer une meilleure perception du nouvel impôt mais de ne pas diminuer brutalement les recettes produites par l'ancien, les parties adverses ont organisé un prélèvement qui, dans la mesure de cet excédent, s'analyse davantage comme un emprunt forcé qui atteint certaines catégories de particuliers, que comme un impôt qui frappe une catégorie de contribuables; que, si elle était dépourvue de justification, une telle discrimination se heurterait au principe général d'égalité inscrit aux articles 6 et 6bis de la Constitution plutôt qu'à celui de l'égalité devant l'impôt consacré par l'article 112;

Considérant que le souci des parties adverses de faire de la réforme fiscale de 1988 une opération budgétairement «neutre» et, par conséquent, de veiller à ce que la masse des recettes n'en soit pas affectée n'explique nullement pourquoi la catégorie de contribuables dont la requérante prétend défendre les intérêts, pour objectivement différente qu'elle soit des autres, devrait subir seule une retenue supérieure au montant prévisible de l'impôt et, de ce fait, contribuer seule au maintien de l'équilibre budgétaire dans les limites que les auteurs de la réforme se sont fixées; qu'en d'autres termes, la différence de traitement entre les deux catégories de contribuables n'est pas en relation perceptible avec le but poursuivi; que, dans l'état actuel de l'information du Conseil d'Etat, le moyen pris de la violation du principe d'égalité paraît donc sérieux; qu'ainsi la première des deux .conditions auxquelles est subordonnée la suspension de l'exécution de l'acte attaqué est remplie;

Considérant, quant à la seconde condition, que, pour justifier la gravité de son préjudice, la requérante souligne que l'application des barèmes fait subir chaque mois, quinzaine ou semaine, à plusieurs dizaines de milliers de familles parmi lesquelles les membres de l'association requérante, un prélèvement excessif qui les prive dans l'immédiat d'une partie relativement importante des rémunérations du chef de famille et que leur préjudice s'accroît à chaque paie; qu'elle ajoute que, si même on peut espérer que les excédents de précompte seront ultérieurement remboursés ou imputés sur l'impôt global, le décompte ne s'effectuera qu'après de nombreux mois et qu'en tout état de cause, le préjudice subi ne sera jamais intégralement réparé puisque la restitution de l'indu ne donnera pas lieu au paiement d'intérêts, toute bonification d'intérêts étant expressément exclue dans ce cas par l'article 309 du Code des impôts sur les revenus; qu'elle fait observer que la réduction forfaitaire de 2.500 francs est nettement insuffisante pour écarter toute retenue mensuelle excédentaire;

Considérant que les parties adverses répondent que la suspension de l'arrêté attaqué serait préjudiciable aux débiteurs du précompte professionnel puisque celui-ci devrait se calculer selon les barèmes non indexés de l'arrêté royal du 27 février 1989;

Considérant que cet argument constitue non une défense au fond mais une fin de non-recevoir à laquelle il a déjà été répondu;

Considérant en outre que, lorsque l'exécution d'un arrêté attaqué pour méconnaissance du principe d'égalité est suspendue, il appartient à l'auteur de l'acte suspendu de prendre les mesures utiles pour que le préjudice dont la gravité a été reconnue ne soit pas maintenu et a fortiori pour qu'il ne soit pas aggravé;

Considérant que les parties adverses font encore valoir que la requérante entend déduire la gravité du préjudice causé par l'arrêté attaqué de l'importance du montant total des intérêts dont l'ensemble des ménages

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concernés seront privés alors que la réalité d'un préjudice ne peut être examinée que dans le chef de la personne lésée prise individuellement et qu'elle ne saurait résulter d'une appréciation collective procédant de la juxtaposition de plusieurs préjudices;

Considérant qu'au contentieux de l'excès de pouvoir, l'intérêt collectif d'une association ne se limite pas à la défense d'intérêts matériels qu'il s'agisse des siens ou de la somme de ceux de ses membres; que l'association requérante s'est donné pour objet social «d'aider chaque femme à choisir librement d' oeuvrer, si elle le désire, dans son foyer et de soutenir socialement et moralement la femme au foyer», ce qui l'autorise à agir lorsqu'il est porté atteinte aux valeurs en vue desquelles elle s'est constituée; qu'une réglementation fiscale qui frappe plus lourdement les couples qui ne disposent que d'un revenu professionnel substantielest de nature non seulement à léser les intérêts matériels de cette catégorie de contribuables mais aussi à porter atteinte aux valeurs inspirant le choix qu'ils ont fait dans l'organisation de leur vie familiale; que l'effet que peut avoir une réglementàtion fiscale discriminatoire sur les choix personnels des contribuables peut d'autant moins être contesté en l'espèce qu'il est au coeur des préoccupations qui ont inspiré la réforme fisèale du 7 décembre 1988; que le législateur a notamment voulu, d'une part, en décumulant les revenus des couples mariés dont les deux conjoints exercent une activité lucrative, cesser de les pénaliser, d'autre part, valoriser la famille par l'instauration d'un quotient conjugal; que, par son objet social, l'association requérante rejoint cette dernière préoccupation;

Considérant que ni le texte de la loi du 16 juin 1989 ni les travaux préparatoires de celle-ci ne permettent de dire que le préjudice grave et difficilement réparable dont le risque doit être constaté pour que la suspension puisse être prononcée ne pourrait être qu'un préjudice matériel; ' '

Considérant que !''article 8, § 1er, de la loi du 7 décembre 1988 dispose que les montants qui concernent «les diverses limites et tranches de revenus, exemptions, réductions, déductions et leurs limites ou limitations (sont) adapt~s annuellement et simultanémen(à l'indice des prix à la consommation du Royaume»; que le Roi a exécuté cette disposition en prenant l'arrêté attaqué du 18 décembre 1989 qui a abrogé celui du 27 février 1989; que le temps nécessaire à l'instruction du recours n'a pas permis d'examiner l'arrêté du 27 février 1989 avant son abrogation par celui du 18 décembre 1989; que, de même, le recours introduit contre celui-ci ne pourra vraisemblablement être examiné qu'après qu'il aura reçu exécution pendant plusieurs mois et à une date proche de l'entrée en vigueur de l'arrêté d'indexation relatif à l'exercice 1992; qu'il apparaît ainsi que, pour exécuter l'article 8 de la loi du 7 décembre 1988, le Roi doit intervenir à un rythme tel que le réspect des délais prévus par je règlement de procédure ne permet pas au Conseil d'Etat de.statuer sur la légalité de Ses arrêtés tant qu'ils sont encore en vigueur; que le seul moyen de donner un effet utile à l'annulation éventuelle d'un de ces arrêtés est d'en suspendre l'exécution; qu'en refusant d'appliquer en l'espèce l'article 17 des lois coordonnées, le Conseil d'Etat mettrait l'arrêté attaqué à l'abri de toute censure efficace des discriminations injustifiées qu'il lui est sérieusement reproché de créer; que l'impossibilité d'annuler utilement des actes annuellement renouvelés et la persistance d'un préjudice né d'une telle situation confèrent à celui-ci un caract.ère grave et difficilement réparable;

Considérant que les parties adverses ont fait valoir en plaidoirie que la retenue des précomptes professionnels représente un montant global de 2 à~ milliards de francs par jour ouvrable et que la suspension de l'exécution de l'arrêté attaqué priverait l'Etat de recettes dont l'importance est hors de proportion avec le préjudice allégué;

Considérant que l'exécution de l'arrêté attaqué ne peut être suspendue que dans la mesure de l'intérêt de la requérante; que la suspension n'interdira l'application des barèmes que dans les limites précisées au dispositif ci-après; qu'une telle suspension ne privera pas l'Etat de la perception des précomptes dont le calcul ne fait pas l'objet des critiques de la requérante; qu'elle ne l'empêchera pas davantage, en attendant que soit rendu un arrêt sur le fond, d'adopter provisoirement de nouveaux barèmes en application desquels les revenus professionnels des ménages qui bénéficient d'un seul revenu ou dont le second revenu est inférieur. au quotient conjugal subiront un prélèvement calculé de manière telle qu'il échappe au grief d'inégalité dont le caractère sérieux est reconnu,

·• (L'exécution de l'arrêté royal du 18 décembre 1989 modifiant, en matière de précompte professionnel, l'arrêté royal du 4 mars 1965 d'exécution du Code des impôts sur les revenus, est suspendue en tant que les barèmes qui y sont annexés aboutissent à prélever, à charge des seuls ménages qui ne bénéficient que d'un revenu professionnel bu dont le. second revenu est inférieur au quotient conjugal, un précompte professionnel supérieur à l'impôt afférent aux revenus professionnels sur lesquels le précompte est retenu - rejet de la demande pour le surplus).

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ARRET du 26 avril 1990 (VIIe Chambre)

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M. Tacq, président de chambre, Mmes Vrints et Tulkens, rapporteur, conseillers, et M. De Wolf, auditeur.

VANCOILLIE (Me de Bruyn) c/ Etat belge représenté par le ministre de la Justice et par le ministre de l'Emploi et du Travail (Mes Maes et Butzler) - Partie intervenante: Vanmaldeghem (Me Blancke)

I. MEMBRES ET PERSONNEL DE L'ORDRE JUDICIAIRE - Nomination - 1° Conditions -Greffiers et commis-greffiers - Greffier en chef du tribunal de première instance, du tribunal du travail ou du tribunal de commerce (1 et 2); - 2° Motivation (3 à 6)

II. LOIS, DECRETS ET ARRETES - Interprétation - Interprétation des textes imprécis - 1° Par les travaux préparatoires - Principe général (1); - 2° En fonction d'une loi antérieure (2)

III. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Promotion - Comparaison des titres des candidats - Influence de l'ancienneté (4)

IV. ACTES DES AUTORITES ADMINISTRATIVES - Validité - Violation de la loi - Motifs (5)

1. Sur la base des travaux préparatoires des lois des 25 juillet 1974 et 23 novembre 1984, il convient d'admettre qu'une délégation dans un cabinet ministériel doit être con­sidérée comme des fonctions dans un département ministériel au sens de/' article 330, alinéa 1er, du code judiciaire.

2. L'arrêté royal du 20 mai 1965 est exclusivement applicable aux membres du per­sonnel des ministères, dont les greffiers de /'ordre judiciaire ne font pas partie.

La notion d'augmentations et avantages, contenue à /'article 330, alinéa 2, du code judiciaire, doit être interprétée au sens le plus large, et implique dès lors le maintien de /'ancienneté attachée à /'exercice de la fonction, même si celle-ci n'est pas effectivement exercée. Les périodes pendant lesquelles un greffier ou un greffier-chef de greffe a accompli une délégation auprès d'un cabinet ministériel doivent être prises en considération pour le calcul de son ancienneté.

3. Lorsque le dossier administratif déposé par la partie adverse ne contient, outre la candidature et le curriculum vitae du requérant et de la partie intervenante, aucune autre pièce que les avis émis au sujet des candidats par les autorités judiciaires, il convient d'admettre que la mise en balance des titres et mérites a eu lieu sur la base de ces avis.

4. L'ancienneté, tout en étant un élément de /'appréciation, n'en constitue pas un élément décisif. L'expérience du fonctionnement des juridictions du travail, bien que constituant un élément non négligeable pour apprécier /'aptitude des candidats à occuper la fonction de greffier en chef, ne doit pas non plus être déterminante.

Défendre la thèse opposée signifierait que le Conseil d'Etat substitue ses propres critères d'appréciation à ceux de /'autorité compétente, ce qu'il n'est pas autorisé à faire.

li n'y a pas de violation du principe du raisonnable lorsque les avis émis au sujet des deux candidats ne justifient pas la conclusion que le requérant ait été un candidat meilleur que celui qui a été nommé.

5. Une nomination doit reposer, comme tout acte administratif, sur des motifs légitimement admissibles, relatifs à /'intérêt du service, et dont /'existence doit se dégager du dossier administratif.

6. Les avis recueillis auprès des différentes autorités judiciaires par /'autorité revêtue du pouvoir de nomination, sans engager pour autant cette autorité, constituent un élément essentiel de la procédure de nomination, dès lors qu'ils doivent permettre à cette autorité de mettre en balance les titres et mérites des candidats. Lorsque cette mise en balance a été effectuée exclusivement sur la base de ces avis, la nomination ne peut trouver sa justification que dans les avis, pour autant qu'elle y soit conforme.

V. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Promotion - Comparaison des titres des can­didats - Obligation générale d'y procéder

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VI. DROITS ET LIBERTES - Egalité devant la loi - Egale admissibilité aux emplois publics -Obligation de comparer les titres des candidats

Il résulte du principe de /'égalité des candidats à une fonction publique que /'autorité revêtue du pouvoir de nomination est tenue de mettre en balance les titres et mérites des candidats. A ce sujet, /'autorité dispose d'une liberté d'appréciation très étendue, qui n'a d'autre limite que le raisonnable.

Vu la requête introduite le 12 octobre 1984, par laquelle Marc Vancoillie demande l'annulation de l'arrêté royal du 6 août 1984, publié au Moniteur belge du 17 août 1984, nommant Hubert Vanmaldeghem greffier en chef du Tribunal du travail à Gand;

Vu la requête en intervention du 27 avril 1987;

Vu 1' ordonnance du l S mai 1987, accueillant l'intervention de Hubert Vanmaldeghem;

Considérant que les éléments de la cause peuvent être résumés comme suit:

1. Le Moniteur belge du 1er février 1984 publie la vacance de la fonction de greffier en chef du Tribunal du travail de Gand. Neuf personnes, dont le requérant et Hubert Vanmaldeghem, introduisent leur candidature.

2. Le requérant a commencé sa carrière en l 9S4 au greffe du Tribunal de première instance de Courtrai, où il fut d'abord occupé en qualité d'aide aux écritures, ensuite comme employé de greffe et en qualité de rédacteur. Par arrêté ministériel du 29 novembre 1962, il fut chargé d'y assumer les fonctions de commis de greffe, fonction à laquelle il fut nommé par arrêté royal du 23 novembre 1963. Par arrêté ministériel du 10 janvier 1969, il fut chargé d'exercer les fonctions de greffier. Par arrêté royal du 17 septembre 1970, il fut nommé greffier au Tribunal du travail de Gand, où il fut promu, par arrêté royal du 7 août 1979, aux fonctions de greffier-chef de service.

3. Hubert Vanmaldeghem a commencé sa carrière en 1961 au greffe d'une Justice de paix. Par arrêté ministériel du 18 mars 1974. il fut chargé de l'exercice des fonctions de commis-greffier à la Justice de paix de Gand, Se canton. Par arrêté royal du 10 janvier 1975, il fut nommé commis-greffier auprès de cette Justice de paix, et par arrêté royal du 8 mars 1977, il fut nommé greffier auprès de la Justice de paix de Gand, 3e canton. Par arrêté royal du 31janvier1983, il fut nommé greffier-chef du greffe de la Justice de paix de Gand, Se canton.

Du 28 mai 1980 au 23 octobre 1980 et du 24 décembre 1981 au 31 août 1984, il assume des fonctions, respectivement au cabinet du Ministre des Réformes institutionnelles et au cabinet du Ministre de la Justice.

4. Les différentes autorités judiciaires émettent leur avis au sujet des candidats.

4.1. Dans l'avis du greffier en chef du Tribunal du travail de Gand, du 9 février 1984, le requérant est qualifié de personne possédant une «connaissance approfondie, tant théorique que pratique, des affaires» faisant preuve de «facultés d'organisation», de «zèle», et «d'une force de travail exceptionnelle et ininterrompue», et ayant l'aptitude pour diriger. Le greffier en chef, qui considère que le requérant comme «le candidat indiqué», émet «un avis très favorable».

Le président du Tribunal du travail de Gand déclare dans son avis du 27 février 1984 attester les qualités du requérant, mises en évidence par le greffier en chef, et il ajoute que ce candidat «possède la plus grande expérience du travail de greffe». Le Président émet, dès lors, un «avis très favorable».

Dans son avis du 13 février 1984, 1' Auditeur du travail près le Tribunal du travail de Gand se rallie «sans réserve» à l'appréciation du greffier en chef, et qualifie le requérant d' «excellent candidat-greffier en chef>>.

Le Premier président de la Cour du travail de Gand émet à son tour un «avis très favorable», le 13 mars 1984. A cet effet, il se fonde à la fois sur les avis des chefs de corps concernés et sur ses «contacts personnels avec le candidat dans une fonction judiciaire exercée par le passé».

Le Procureur général près la Cour d'appel et près la Cour du travail de Gand qualifie le requérant, dans son avis du 12 mars 1984, d'«actif et compétent», disposant d'«une large expérience du travail de greffe», de sorte que «sans aucun doute, (il possède) les qualités requises pour assumer avec compétence et efficacité les fonctions de greffier en chef>>. Il souligne cependant dans son avis que le fils du requérant est fonctionnaire au même greffe, «situation qui pourrait donner lieu à des difficultés et à des distorsions dans /'exercice de /'autorité». Sa conclusion est que «1' intéressé est un très bon candidat pour /'emploi qu'il ambitionne et pour lequel il peut faire valoir des titres incontestables».

4.2. Hubert Vanmaldeghem est défini, dans l'avis du Juge de paix du Se canton de Gand du 10 avril 1984, comme un homme «de conduite irréprochable», faisant preuve «de bon sens, d'un jugement judicieux, du sens des responsabilités et d'exactitude», qui est toujours «poli, aimable et prévenant, spécialement envers les moins nantis», qui «n'intervient jamais de manière autoritaire, ce qui n'empêche pas qu'en cas de nécessité, il puisse agir avec autorité» et qui, au surplus «a le don particulier d'être un bon organisateur et qui pourrait diriger de manière efficace le personnel du greffe».

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Le juge de paix conclut son avis en constatant que Hubert Vanmaldeghem «est une personnalité admini­strative exceptionnelle, éminente, qui (hélas ! ) ne se rencontre pas très souvent».

Dans son avis du IO avril 1984, le Président du Tribunal de première instance de Gand estime n'avoir connaissance d'aucun élément qui contredise l'avis très favorable du juge de paix. Il considère le candidat comme «tout à fait apte à la fonction dirigeante de greffier en chef, même s'il doit éventuellement encore se mettre au courant de la spécificité de la justice du travail».

Le Premier Président de la Cour d'appel de Gand émet, le 13 avril 1984, un «avis favorable», sans le justifier plus amplement.

Dans son avis du 6 avril 1984, le Président du Tribunal du travail de Gand observe, en premier lieu, qu'il doute que Hubert Vanmaldeghem, qui a été détaché pendant plusieurs années auprès d'un cabinet ministériel, satisfasse à la condition de nomination d'avoir exercé pendant dix ans la fonction de greffier ou de commis­greffier. Le Président énumère ensuite les objections que la candidature de Hubert Vanmaldeghem appelle de sa part, à savoir que l'intéressé est le seul candidat que ne soit pas familiarisé avec les justices du travail, et que son arrivée ell tant que personne venant de l'extérieur susciterait le mécontentement du personnel, notamment parce que celui-ci se trouverait frustré dans ses possibilités de promotion, que ! 'intéressé est le plus jeune de tous les candidats et qu'il «vient d'être promu greffier en chef dans une justice de paix et (que), sans avoir exercé cette fonction, il est à nouveau candidat à une promotion».

Le Premier Président de la Cour du travail de Gand, qui émet, le 19 avril 1984, un «avis très favorable», qualifie Hubert Vanmaldeghem de «candidat très compétent .. ., qui réunit en sa personne les capacités intellectuelles et morales pour la fonction sollicitée».

Dans son avis du 3 avril 1984, !'Auditeur du travail près le Tribunal du travail de Gand considère qu'il lui est difficile de formuler un jugement sur le candidat, dès lors que ce dernier n'a jamais effectivement exercé la fonction de greffier à la Justice de paix et que, «puisque (le candidat) est depuis longtemps membre du cabinet du Ministre de la Justice, ce dernier est le mieux placé pour porter une appréciation sur ses qualités et pour vérifier, en son âme et conscience, s'il peut être retenu pour /'emploi qu'il sollicite».

Le 9 avril 1984, le Procureur général près la Cour d'appel et près la Cour du travail de Gand émet un avis défavorable en raison du «manque d'expérience en ce qui concerne les justices du travail, (avec) les matières nombreuses et spécifiques qui leur sont propres et (compte tenu de) /'ampleur des problèmes de gestion inhérents à la fonction». L'avis mentionne en outre que «plusieurs autres candidats possèdent/' expérience professionnelle requise, alliée à des qualités personnelles, pour assumer adéquatement la fonction briguée de greffier en chef du Tribunal du travail de Gand».

5. Le 6 août 1984 intervient l'arrêté royal présentement attaqué, nommant Hubert Vanmaldeghem greffier en chef du Tribunal du travail de Gand.

Considérant qu'en un premier moyen, le requérant invoque la violation de l'article 264 du Code judiciaire, en ce que Hubert Vanmaldeghem fut nommé greffier en chef, alors qu'il ne remplissait pas la condition de nomination d'avoir exercé pendant dix ans au moins les fonctions de greffier ou de commis-greffier; qu'il soutient que non seulement «le promu» a été détaché, de mai à octobre 1980, au cabinet du Ministre de la Justice, mais que fin 1981 «il a repris ses activités au même cabinet» et «que le moins que /'on puisse dire de ce travail est que ce n'est pas un travail de greffier»;

Considérant que les parties défenderesses répondent que, puisque Hubert Vanmaldeghem avait déjà été chargé par arrêté ministériel du 18 mars 1974 de l'exercice des fonctions de commis-greffier, il remplissait de toute manière, à l'époque de l'arrêté attaqué, la condition d'avoir exercé les fonctions pendant dix ans, et que la circonstance que l'intéressé ait été chargé à plusieurs reprises d'exercer ses fonctions dans un cabinet ministériel n'implique aucunement que ces périodes ne puissent pas être prises en considération pour l'application de l'article 264 du Code judiciaire; qu'à l'appui de ce point de vue, elles font valoir en premier lieu qu'aucune disposition légale ne s'oppose à ce que l'article 5 de l'arrêté royal du 20 mai 1965 déterminant la composition et le fonctionnement des cabinets ministériels, aux termes duquel les membres du personnel des ministères appelés à faire partie d'un cabinet ministériel, participent à l'avancement dans leur administration, soit appliqué aux greffiers qui ont été chargés, conformément à l'article 330, alinéa 1er, du Code judiciaire, d'exercer leurs fonctions dans un cabinet ministériel qu'elles signalent ensuite qu'il résulte de la genèse de l'article 330 du Code judiciaire que l'objectif en était de créer la possibilité de déléguer des greffiers méritoires «pour exercer des fonctions supérieures»; qu'elles font remarquer également que, si l'article 330, précité, dispose en son alinéa 2 que les greffiers ainsi délégués continuent à jouir de leur traitement, des augmentations et avantages y afférents, il serait contradictoire et illogique de ne pas prendre en considération la période de la mission concernée comme exercice des fonctions pour l'application de l'article 264; qu'elles soulignent enfin qu'il résulterait de l'acceptation de la thèse du requérant que des fonctionnaires détachés auprès d'un cabinet ministériel precisément en raison de leur mérites particuliers, se trouveraient désavantagés de manière injustifiée;

Considérant que le requérant réplique, d'abord, que l'article 264 du Code judiciaire dispose clairement que les fonctions de greffier ou de commis-greffier sont exercées «dans une cour, un tribunal, une justice de paix ou un tribunal de police», ensuite, que l'arrêté royal du 20 mai 1965 déterminant la composition et le fonctionnement des cabinets ministériels n'est applicable qu'au «personnel des ministères», dont les greffiers de l'ordre judiciaire

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ne font pas partie, troisièmement, que l'article 330 du Code judiciaire, qui ne fait mention que de délégation dans des «départements ministériels» et non pas de délégations dans des «cabinets ministériels» doit, au vu de l'article 327 du même Code «être lu de manière restrictive»;

Considérant que l'article 264 du Code judiciaire dispose ce qui suit:

«Pour pouvoir être nommé greffier en chef du tribunal de première instance, du tribunal du travail ou du tribunal du commerce, le candidat doit:

»1° être âgé de trente ans accomplis, »2° avoir, soit exercé pendant dix ans au moins les fonctions de greffier ou de commis-greffier dans une cour,

un tribunal, une justice de paix ou un tribunal de police, soit, étant docteur en droit, avoir fait pendant un an au moins un stage au greffe d'une cour ou d'un tribunal. Le stage est organisé par le Roi»;

que le requérant ne conteste pas que les fonctions exercées pour accomplir une «délégation» en qualité de commis-greffier peuvent être prises en considération pour le calcul des dix années d'exercice des fonctions, requises par la disposition citée; qu'il convient uniquement de vérifier, dès lors, si les périodes durant lesquelles Hubert Vanmaldeghem n'a pas effectivement exercé ses fonctions de greffier et de greffier-chef du greffe, mais a accompli une délégation dans un cabinet ministériel, pouvaient être prises en considération;

Considérant qu'avant son rempl~cement par l'article unique de la loi du 23 novembre 1984, l'article 330 du Code judiciaire, qui règle les délégations du greffiers, était formulé comme suit ei;i son alinéa l er:

«Le Ministre de la Justice peut sans préjudice de /'application des articles 328 et 329, déléguer à d'autres fonctions égales ou supérieures dans leur greffe ou dans un autre greffe civil ou militaire ou dans des départements ministériels, commissions, organismes ou offices gouvernementaux, des greffiers, commis-greffiers, employés, d'une cour, d'un tribunal ou d'un conseil de guerre».

que l'article 327 du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article unique de la loi du 25 juillet 1974 et complété par l'article unique de la loi du 17 juillet 1978, règle les délégations de magistrats de parquet, notamment «dans des cabinets ministériels, départements ministériels, commissions, organismes ou offices gouvernementaux»; qu'ainsi qu'il apparaîtra par la suite, c'est cependant à tort que le requérant déduit de la comparaison de ces deux dispositions que les cabinets ministériels sont exclus des délégations visées à l'article 330;

Considérant que dans sa version originelle, l'article 327 du Code judiciaire ne faisait mention que de délégations «dans des départements ministériels, commissions, organismes ou offices gouvernementaux»; que le projet de loi modifiant l'article 327, déposé en 1971 par le gouvernement, ne contenait sur ce point aucune modification (Doc. pari. Sénat, 1970-71, n° 275); que lors de la discussion du projet en commission de Justice du Sénat, il est cependant apparu que «le point de savoir si /'expression «dans des départements ministériels» permettait des délégations de magistrats dans des cabinets ministériels fut controversé» (Doc. pari. Sénat, 1972-73, n° 269, p. 2); que cette question ne fut pas plus amplement débattue, le gouvernement ayant entre-temps introduit un nouveau projet, aux termes duquel une délégation ne pouvait désormais plus être confiée que dans ... «un cabinet ministériel» (Doc. pari. Sénat, 1972-73, n° 195); qu'en Commission du Sénat, cette définition fut cependant jugée trop étroite, ce qui porta le Ministre de la Justice à proposer d'insérer à l'alinéa 2 de l'article 327 du Code judiciaire les mots: «des cabinets ministériels» entre le mot «dans» et les mots «des départements ministériels», de manière à trancher la controverse existante sur le point de savoir si les cabinets ministériels font partie des départements ministériels (Doc. Pari. Sénat, 1972-73, n° 269, p. 2); que le projet fut adopté avec cette modification, qui ne fit plus l'objet d'un échange d'idées ultérieur, et aboutit à la loi du 25 juillet 1974;

Considérant qu'au cours de la même période, le gouvernement n'introduisit pas de projet de loi modifiant l'article 330 du Code judiciaire; que cela explique pourquoi les articles 327 et 330 contiennent, à l'heure actuelle, une formulation différente; qu'il ne peut toutefois être déduit des discussions en commission du Sénat que la précision apportée au texte de l'article 327, tel qu'il se présentait à l'époque, puisse avoir un effet restrictif, en ce sens que seuls des magistrats de parquet pourraient être détachés auprès d'un cabinet ministériel, et non des greffiers; que la précision apportée dans les termes de l'article 327 apparaît plutôt avoir une portée générale, ce qui est d'ailleurs confirmé par les travaux préparatoires de la loi du 23 novembre 1984, qui remplace l'article 330 du Code judiciaire par une disposition nouvelle; que bien que cette nouvelle disposition de l'article 330 contienne toujours le libellé originel «fonctions ... dans des départements ministériels, commissions, organismes ou offices gouvernementaux» et que ces termes fussent également employés dans le projet, l'exposé des motifs fait cependant mention de fonctions «dans des cabinets ministériels, commissions, organismes ou offices gouvernementaux» (Doc. pari., Chambre, 1982-1983, n° 473-1, p. l); que, dès lors, le gouvernement partait manifestement de la conception selon laquelle une délégation dans un «cabinet ministériel» fait partie des fonctions dans «un département ministériel»;

Considérant que, sur la base des travaux préparatoires des lois des 25 juillet 1974 et 23 novembre 1984, il convient d'admettre qu'une délégation dans un cabinet ministériel doit être considérée comme des fonctions dans un département ministériel au sens de l'article 330, alinéa le', du Code judiciaire;

Considérant que les effets juridiques d'une délégation notamment dans un cabinet ministériel, sont réglés par l'article 330, alinéa 2, du Code judiciaire, qui, à l'époque de l'arrêté attaqué, était formulé comme suit: «Les greffiers et employés ainsi délégués continuent à jouir de leur traitement, des augmentations et avantages y afférents. Néanmoins, ils bénéficient des traitements et indemnités attachés aux fonctions qu'ils remplissent par délégation

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s'ils sont plus élevés»; que cette disposition soulève la question de savoir si celui qui accomplit une délégation conserve également les titres à la promotion, inhérents à sa fonction;

Considérant que l'arrêté royal du 20 mai 1965 déterminant la composition et le fonctionnement des cabinets ministériels, cité par les par les parties défenderesses, n'est pas pertinent en !'espèce; qu'en effet, ainsi que le requérant le remarque à juste titre, l'arrêté précité est exclusivement applicable «aux membres du personnel des ministères», dont les greffiers de l'ordre judiciaire ne font pas partie ; que par contre, le Conseil peut se rallier aux parties défenderesses en tant qu'elles invoquent la genèse de l'article 330 du Code judiciaire, ainsi qu'il apparaîtra de ce qui suit:

Considérant que le système des délégations fut instauré de manière systématique pour la première fois par l'article 6 de la loi du 3 avril 1953 d'organisation judiciaire; que dans l'exposé des motifs accompagnant le projet y relatif, le gouvernement déclara que les conseils et la compétence juridictionnelle de magistrats et de membres des greffes étaient également appréciés en dehors de leurs propres tribunaux et que, pour ce motif, il devait être possible de faire appel à toutes les capacités; que selon le gouvernement, le régime nouveau garantirait «à la fois les droiM acquis des intéressés et /'utilisation de toutes les capacités» (Doc. pari. Sénat, 1952- 53, n° 79, p. 3); que l'artide 6, précité, fut modifié par l'article 2 de la loi du 10 juin 1955; que lors des travaux préparatoires de cette dernière loi, il fut souligné une fois de plus que notamment des «greffiers méritants» pouvaient être retenus pour des délégations à des fonctions supérieures (Doc. pari. Sénat, 1954- 55, n° 156, p. 8); que le système des délégations fut par la suite, sans trop de discussions, inscrit dans le Code judiciaire;

Considérant qu'il ressort des déclarations citées que la délégation est une technique permettant à des éléments méritants d'accomplir une fonction utile en dehors du domaine spécifique de leur charge; qu'il serait incompatible avec cet objectif que les intéressés se trouvent désavantagés, en ce qui concerne leur rémunération et leurs possibilités ultérieures de faire carrière, par le fait d'accomplir une mission; qu'au contraire, le législateur a voulu que leurs «droits acquis» soient respectés; qu'il résulte de ce qui précède que la notion d'«augmentations et avantages», contenue à l'article 330, alinéa 2, doit être interprétée au sens le plus large, et implique dès lors le maintien de l'ancienneté attachée à l'exercice de la fonction, même si celle-ci n'est pas effectivement exercée;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les périodes pendant lesquelles Hubert Vanmaldeghem a accompli une délégation auprès d'un cabinet ministériel doivent être prises en considération pour le calcul de son ancienneté en qualité de greffier et de greffier-chef du greffe; que le moyen est dénué de fondement;

Considérant qu'en un second moyen, le requérant fait valoir que l'arrêté attaqué «constitue un défi à la raison», en ce que le fait d'avoir ignoré la différence considérable des titres dont peuvent respectivement se prévaloir Hubert Vanmaldeghem et lui-même ne peut être motivé sur une base solide qu'en effet, non seulement Hubert Vanmaldeghem a entamé sa carrière à la Justice beaucoup plus tard, mais qu'au surplus, il «ne (pouvait) invoquer qu'une expérience bien moins grande», qu'«en outre se pose la question de savoir pourquoi le Ministre a cru ne pas devoir tenir compte des avis écrits des chefs de corps respectifs, qui avaient fait connaître verbalement leur appréciation et leur satisfaction», qu' «en droit et en raison il n'est pas admissible que/' autorité fixe son choix sur un candidat qui, manifestement, ne pouvait se prévaloir d'aucun titre spécifique, au détriment du soussigné qui est d'avis que ses coordonnées font apparaître une aptitude plus nette pour /'emploi à conférer» et «qu'en présence d'une telle disproportion, les motifs du critère qui a conduit à la promotion doivent être pertinents, ce qui s'avère ne pas être le cas»; qu'il invoque dès lors la violation du principe du raisonnable et du principe de la motivation;

Considérant que les parties défenderesses et la partie intervenante répliquent qu'en !'absence de conditions de nomination autres que celles prescrites par l'article 264 du Code Judiciaire, le Roi s'est vu attribuer un pouvoir très étendu pour faire son choix entre les candidats qui répondent aux conditions prescrites et que, dès l'instant où les titres et les mérites des candidats ont été valablement comparés, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de critiquer le choix du Roi, même s'il apparaît du dossier que le choix s'est porté sur un candidat qui, de l'avis non obligatoire d'un ou de plusieurs chefs de corps, n'a pas été jugé le meilleur; qu'elles font valoir en premier lieu que, bien que le Président du Tribunal du travail de Gand et le Procureur Général près la Cour d'appel et près la Cour du Travail de Gand aient émis un avis défavorable au sujet de la candidature de la partie intervenante, les objections contenues dans les avis susvisés n'étaient cependant pas de nature à limiter le choix du Roi, d'abord parce qu'il n'est pas contraire au principe de l'égalité devant la loi d'accorder la préférence, pour certains emplois, au recrutement de personnes de l'extérieur plutôt que de promouvoir des fonctionnaires en service, ensuite parce qu'il n'est pas démontré qu'il existait un usage érigé en règle de droit commandant que le candidat le plus âgé devrait être promu greffier en chef, troisièmement, parce qu'une promotion récente ne constitue pas davantage un empêchement valable pour une nouvelle promotion, qui peut, au contraire, témoigner des mérites exceptionnels du candidat; qu'elles font remarquer ensuite que l'avis émis au sujet du requérant par le Procureur général contenait une objection importante d'ordre <ifamilial», qui pouvait compromettre l'intérêt du service; qu'elles déduisent de ce qui précède que les avis émis ne justifient aucunement la conclusion que le requérant aurait été «plus nettement apte» à l'emploi à conférer; qu'elles signalent également que, contrairement au requérant, la partie intervenante est porteur d'un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur ainsi que du brevet de candidat-greffier et candidat-secrétaire et a satisfait au surplus aux examens de maturité pour employés de greffe et de parquet et pour rédacteurs de greffe et du parquet; que la partie intervenante ajoute qu'il n'est pas exclu que dans son choix l'autorité revêtue du pouvoir de nomination se soit laissé guider par des éléments autres que ceux contenus dans les avis des chefs de corps; qu'elle souligne à cet égard qu'elle est titulaire du diplôme de technicien en législation sociale et du travail; que son détachement dans les cabinets de Ministres de la Justice

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successifs «implique nécessairement une appréciation particulièrement favorable», qu'en sa qualité de greffier-chef du greffe elle occupait un rang administratif plus élevé que le requérant et qu'elle était et est encore reconnue comme «expert dans son domaine professionnel», ce qui est prouvé notamment par le fait que, depuis 1970, elle a exercé de nombreuses fonctions dans différentes associations professionnelles du personnel de greffe, qu'elle fut régulièrement désignée comme assesseur de la section néerlandophone du jury pour les examens de maturité pour candidats-employés et candidats-rédacteurs près les greffes des cours et tribunaux, qu'en qualité de représentant du département de la Justice, elle fait partie depuis 1984 du groupe de travail interdépartemental chargé d'examiner les possibilités de réforme de la comptabilité et de simplification des méthodes de travail dans les greffes, et que de nombreux écrits de sa main, consacrés à la fonction de greffier et à la fonction et à l'organisation judiciaires, ont fait l'objet de publications; qu'elle considère que tous ces éléments supplémentaires portent certainement à relativiser les «titres manifestement plus considérables» du requérant ainsi que le «manque d'expérience dans un greffe du travail» dont il lui est fait grief;

Considérant qu'il résulte du principe de l'égalité des candidats à une fonction publique que l'autorité revêtue du pouvoir de nomination est tenue de mettre en balance les titres et mérites des candidats; qu'à cet égard, l'autorité dispose d'une liberté d'appréciation très étendue, qui n'a d'autre limite que le raisonnable;

Considérant que le dossier administratif déposé par les parties défenderesses ne contient, outre la candidature et le curriculum du requérant et de la partie intervenante, aucune autre pièce que les avis émis au sujet des deux candidats par les autorités judiciaires; qu'il convient dès lors d'admettre que la mise en balance des titres et mérites a eu lieu sur la base de ces avis;

Considérant que les avis émis au sujet du requérant étaient tous soit favorable, soit très favorables, alors que tel n'était pas le cas de la partie intervenante, qui fut jugée autant favorablement et très favorablement que défavorablement; que, notamment, dans leur avis le Procureur général prés la Cour d'appel et près la Cour du travail de Gand et le Président du Tribunal du travail de Gand firent valoir contre la candidature de la partie intervenante des objections qui étaient essentiellement relatives au fait que la partie intervenante était le plus jeune de tous les candidats et n'avait aucune expérience du fonctionnement des justices du travail; qu'il convient toutefois de relativiser dans une certaine mesure les objections formulées par les autorités judiciaires précitées; qu'en effet, l'ancienneté, tout en étant un élément de l'appréciation, n'en constitue pas pour autant un élément décisif; que l'expérience du fonctionnement des justices du travail, bien que constituant un élément non négligeable pour apprécier l'aptitude des candidats à occuper la fonction à conférer, ne doit pas non plus être nécessairement déterminante; que défendre la thèse opposée signifierait que le Conseil d'Etat substitue ses propres critères d'appréciation à ceux de l'autorité compétente, ce qu'il n'est pas autorisé à faire; qu'il convient également de prendre en considération que dans l'avis du Juge de paix du Se canton de Gand, la partie intervenante fut qualifiée de personne douée de qualités d'organisation et de direction, et que selon les éléments du dossier administratif, elle occupait un rang administratif supérieur à celui du requérant; que, compte tenu de ce qui précède, les avis émis au sujet des deux candidats ne justifient pas la conclusion que le requérant ait été un candidat manifestement meilleur que la partie intervenante; que dans la mesure où il invoque la violation du principe du raisonnable, le moyen est dénué de fondement;

Considérant qu'une nomination doit reposer, comme tout autre acte administratif, sur des motifs légitimement admissibles, relatifs à l'intérêt du service, et dont l'existence doit se dégager du dossier administratif;

Considérant que les avis recueillis auprès des différentes autorités judiciaires par l'autorité revêtue du pouvoir de nomination, sans engager pour autant cette autorité, constituent un élément essentiel de la procédure de nomination, dès lors qu'ils doivent permettre à l'autorité de mettre en balance les titres et mérites des candidats; que dans la présente cause, cette mise en balance apparaît d'ailleurs avoir été effectuée exclusivement sur la base de ces avis· recueillis; qu'il va dès lors de soi que la nomination attaquée ne peut trouver sa justification que dans les avis émis, pour autant qu'elle y soit conforme;

Considérant qu'il est indéniable que, considérés dans leur ensemble, les avis émis étaient plus favorables au requérant qu'à la partie intervenante; que la circonstance que le Procureur général près la Cour d'appel et près la Cour du travail de Gand ait formulé dans son avis une objection relative au requérant, ne diminue en rien cette constatation; qu'en effet cette objection, à savoir, que le fils du requérant était affecté au même greffe, ce qui pourrait donner lieu à des difficultés dans l'exercice de lautorité, n'a pas retenu le Procureur général d'émettre un avis favorable; que cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant, dès lors que l'objection en question n'avait aucun rapport avec les capacités ou avec l'aptitude du requérant, mais concernait plutôt un problème d'organisation, auquel une solution pouvait être trouvée le cas échéant; que les objections formulées contre la candidature de la partie intervenante par le Procureur général et par le Président du Tribunal du travail de Gand, notamment l'objection aux termes de laquelle cette partie ne possédait aucune expérience du fonctionnement des justices du travail, constituait par contre un élément important, en tant qu'il était relatif à l'aptitude à exercer l'emploi vacant; que si, sans aucun doute, des motifs valables ont pu exister pour passer outre à cette objection, force est de constater néanmoins que le dossier administratif ne les fait pas connaître; que la question demeure dès lors de savoir quels motifs se rapportant à l'intérêt du service ont conduit l'autorité à nommer la partie intervenante;

Considérant que les éléments apportés par la partie intervenante, à savoir, qu'elle a obtenu le diplôme de technicien en législations sociale et du travail, qu'elle a exercé des fonctions importantes au sein de différentes associations professionnelles, qu'elle est reconnue comme «expert dans son domaine professionnel», que plusieurs

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publications ont paru de sa main, etc ... ,ne peuvent justifier la nomination attaquée; qu'il n'apparaît pas, en effet, que dans son appréciation, l'autorité ait pris en considération ces éléments; que dans la mesure où il invoque la violation du principe de la motivation, le moyen est fondé,

(Annulation de l'arrêté royal du 6 août 1984, nommant Hubert Vanmaldeghem greffier en chef du Tribunal du travail de Gand - publication de l'arrêt par extrait au Moniteur belge, dans les mêmes formes que l'arrêté royal annulé - dépens à charge de l'Etat belge et de la partie intervenante).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D"ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.818 à 34.821 Page 1 N°s 34.819 à 34.821

N° 34.818

ARRET du 26 avril 1990 (Président de la VIIe Chambre) MM. Tacq, président de chambre, et Aertgeerts, auditeur.

VAN DAMME (Mes Appelmans et Kestman) c/ Etat belge représenté par le ministre de la Défense nationale (M. Van der Veken) - Partie intervenante: Vander Stockt

I. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Requête n'invoquant pas la violation des articles 6, 6bis et 17 de la Constitution

Le Conseil d'Etat ne peut ordonner la suspension que si, notamment, le recours en annulation invoque la violation des articles 6, 6bis ou 17 de la Constitution.

En vue d'établir si cette condition a été remplie, il ne peut être tenu compte que des moyens invoqués à l'appui du recours en annulation et exposés dans la requête en annulation.

II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Audience

L'article 10, alinéa 2, del' arrêté royal du 27octobre1989 ne prévoit pas la convocation de la partie demandant à intervenir dans la procédure de suspension.

Vu la requête introduite le 21 mars 1990 par René Van Damme tendant à l'annulation de l'arrêté royal du 18 décembre 1989 par lequel Luc Vander Stockt est promu au grade d'ingénieur industriel-chef de service avec effet au 1er septembre 1988;

Vu l'acte distinct joint à la requête précitée par lequel René Van Damme demande la suspension de l'exécution de l'arrêté de promotion attaqué;

Vu la requête en intervention introduite par Luc Vander Stockt le 9 avril 1990;

Considérant qu'il y a lieu de statuer au préalable sur la demande de suspension de l'exécution de la décision attaquée;

Considérant que l'article 10, alinéa 2, de l'arrêté royal du 27 octobre 1989 ne prévoit pas la convocation de la partie demandant à intervenir dans la procédure de suspension;

Considérant qu'aux termes del'article 17, §§ 1°' et 2, rétabli dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat par l'article 15 de la loi du 16 juin 1989 portant diverses réformes institutionnelles, le Conseil d'Etat ne peut ordonner la suspension de l'exécution d'un acte administratif attaqué devant lui que si, notamment, le recours en annulation invoque la violation des articles 6, 6bis, et/ou 17 de la Constitution; qu'en vue d'établir si cette condition a été remplie, il ne peut être tenu compte que des moyens invoqués à l'appui du recours en annulation et exposés dans la requête en annulation; qu'aucun des moyens âposés par le requérant dans sa requête en annulation n'est déduit de la violation des articles précités de la Constitution; que la condition susvisée de l'article 17 n'est manifestement pas remplie; que la demande de suspension est manifestement irrecevable;

Considérant qu'à la suite du rejet de la demande de suspension, la suspension cesse immédiatement ses effets,

(Non lieu de statuer sur la demande d'intervention dans la procédure de suspension formée par Luc Vander Stockt - rejet de la demande de suspension de l'exécution de la promotion au grade d'ingénieur industriel-chef de service accordée à Luc Vander Stockt par l'arrêté royal du 18 décembre 1989).

N°s 34.819 à 34.821

ARRETS du 26 avril 1990 (VIe Chambre) J MM. Tapie, président du Conseil d'Etat, rapporteur, Fincoeur et Martens, conseillers, et Dumont, auditeur général adjoint.

n° 34.819 - ENGLEBERT c/ Bourgmestre de la commune de Tellin et Gouverneur de la province de Luxembourg

n° 34.820 - GREGOIRE (Me Haubursin).c/ Gouverneur de la province de Namur et Bourgmestre de la commune de Sambreville (Me Wery)

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N°8 34.819 à 34.821

Arrêts Nos 34.818 à 34.821

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n° 34.821 - BEROUDIAUX (Me Giet) c/ Ville de Liège (Me Neuprez)

I. AGENTS DES COMMUNES - Discipline - Règles spéciales au corps de police (1 et 2) II. ACTES DES AUTORITES ADMINISTRATIVES - Validité - Violation de la loi - Autorité

de la chose jugée (1)

1. Lorsqu'un arrêt du Conseil d'Etat a rouvert les débats pour le motif selon lequel, faute de disposer d'un recours effectif organisé contre l'arrêt du bourgmestre qui lui inflige une peine de suspension, un bourgmestre est recevable à poursuivre l'annulation de cet arrêté directement devant le Conseil d'Etat et que, pour avoir un effet utile, la requête doit être interprétée en ce sens, à ce motifs' attache, quant à la recevabilité de la requête en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté. du bourgmestre, l'autorité de la chose jugée. Cet arrêt doit être considéré, quant à la recevabilité de la requête, comme une décision juridictionnelle définitive pour l'application de l'article 42, alinéa 2, du décret du Conseil régional wallon du 20 juillet 1989. En renvoyant l'affaire à la députation permanente, le Conseil d'Etat procéderait, dans un cas non prévu par l'article 31 des lois coordonnées du 12 janvier 1973, à la revision de son arrêt de réouverture des débats (n°8 34.819 et 34.820).

2. L'annulation partielle de l'article 180 de la loi communale par l'arrêt de la Cour d'arbitrage n° 73 du 22 décembre 1988 n'a pas eu pour effet de dispenser rétroactivement un agent d'exercer contre une peine de suspension infligée par le conseil communal, avant d'introduire sa requête en annulation, le recours organisé par la loi communale (n° 34.821).

III. GARDE CHAMPETRE - Discipline - Procédure - Proposition ou accord du procureur du Roi

Lorsqu'un garde champêtre, au cours d'une .même tournée, a accompli des missions de police judiciaire et des missions de police administrative, le bourgmestre n'excède pas sa compétence en prenant seul une décision de suspension pour des faits commis dans l'exercice de fonctions administratives (n° 34.819).

IV. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Discipline - Taux de la peine - Principe de proportionnalité

En l'espèce, la violation du principe de proportionnalité ne peut être retenue dès lors que la peine infligée est expressément motivée par les antécédents de l'agent qui avait déjà encouru deux sanctions disciplinaires, dont une pour un motif identique (n° 34.819).

V. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Discipline - Existence et exactitude des faits -Faits non contestés ou avoués par l'agent

L'autorité peut, sans excéder ses pouvoirs,fonder sa décision sur les déclarations faites par l'agent lors de son audition, plutôt que sur des attestations, dont l'une est postérieure de près d'un an au jour des faits (n° 34.819).

VI. AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS - Discipline - Existence et inexactitude des faits - Constatations judiciaires

Il ne ressort d'aucune disposition ni d'aucun principe qu'une poursuite disciplinaire serait nulle parce qu'elle aurait été fondée sur des éléments recueillis à l'occasion d'une information pénale ouverte elle-même pour d'autres faits ultérieurement jugés non établis.

Malgré les dénégations del' agent, l'autorité peut, sans excéder ses pouvoirs, tenir des faits pour établis par les déclarations convergentes recueillies au cours d'une instruction judiciaire dont le dossier lui a été transmis par le procureur du Roi (n° 34.820).

N° 34.819 Vu la requête introduite le 11 septembre 1987 par Paul Englebert, garde champêtre à Tellin, qui demande

l'annulation de la décision du 15 juillet 1987 par laquelle le Gouverneur de la Province de Luxembourg confirme un arrêté du 9 janvier 1987 du Bourgmestre de la Commune de Tellin portant suspension des fonctions du requérant avec privation de traitement pour une période d'un mois;

Vu l'arrêt n° 32.946 du 4 juillet 1989 rouvrant les débats et chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. l'auditeur général de poursuivre l'instruction;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêis Nos 34.818 à 34.821 Page 3 N° 34.819

Considérant que, par son arrêt n° 32.946 du 4 juillet 1989, le Conseil d'Etat, après avoir constaté que, depuis l'annulation partielle de l'article 188, alinéa 3, de la loi communale par l'arrêt de la Cour d'arbitrage n° 73 du 22 décembre 1988, le gouverneur était rétroactivement sans compétence pour prendre l'acte formellement attaqué par la requête, a annulé cet acte, a interprété la requête comme dirigée directement contre la décision du 9 janvier 1987 du Bourgmestre de Tellin qui infligeait au requérant une sanction disciplinaire d'un mois de suspension avec privation de traitement et a rouvert les débats pour permettre qu'il s~it fait rapport sur le litige ainsi défini;

Considérant que le décret du 20 juillet 1989 du Conseil régional wallon organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales de la Région wallonne, publié au Moniteur belge du 8 septembre 1989 et entré en vigueur, selon son article 43, le 1er octobre 1989, contient, en son article 42, alinéa 2, la disposition transitoire suivante: «Les recours introduits sur la base des articles 178, § 1"·, 178, § 2, alinéa 3, 180, alinéa 3, 187, § 4, et 188, alinéa 3, de la loi communale du 30 mars 1836, qui n'ont pas encore fait l'objet d'une décision administrative ou juridictionnelle définitive, sont portés devant la députation permanente du conseil provincial»;

Considérant que la réouverture des débats, décidée par l'arrêt n° 32.946, trouve sa justification dans le motif selon lequel «faute de disposer d'un recours effectif organisé contre l'arrêté du Bourgmestre de Tellin, le requérant est recevable à poursuivre l'annulation de cet arrêté directement devant le Conseil d'Etat et que, pour avoir un effet utile, la requête doit être interprétée en ce sens»; qu'à ce motif s'attache donc, quant à la recevabilité de la requête en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté du bourgmestre, l'autorité de la chose jugée; qu'en jugeant à présent non recevable la requête dirigée contre 1' arrêté du bourgmestre et en renvoyant l'affaire à la députation permanente, le Conseil d'Etat procéderait, dans un cas non prévu par l'article 31 des lois coordonnées le 12 janvier 1973, à la révision de son arrêt n° 32.946; que celui-ci doit être considéré, quant à la recevabilité de la requête, comme une décision juridictionnelle définitive pour l'application de l'article 42, alinéa 2, du décret du 20 juillet 1989;

Considérant, sur le fond, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les moyens exclusivement dirigés contre la décision du gouverneur puisque celle-ci a été annulée pour incompétence de son auteur par l'arrêt n° 32.946;

Considérant que le requérant, garde champêtre à Tellin, a été entendu le 31 décembre 1986 sur des faits d'ivresse en service le 24 décembre 1986; que le procès-verbal de cette audition, dont il a refusé de signer l'original mais dont il avait signé et même corrigé le brouillon, porte ce qui suit:

«Suite aux doléances reçues d'habitants de la Commune de Tellin, j'ai demandé à Monsieur Paul Englebert, garde champêtre, son emploi du temps l'après-midi du 24 décembre 1986.

»Monsieur Englebert déclare qu'il a quitté la commune vers 13 heures 30 pour porter les convocations à certains membres du conseil communal et du C.P.A.S. pour la réception organisée à l'occasion de la mise à la retraite de Monsieur Jean Lisoir, receveur régional.

»Monsieur Englebert s'est tout d'abord rendu à deux reprises à Resteigne. Il a consommé deux bières chez Monsieur Noël Degeye, secrétaire communal retraité.

»Vers 16 heures 15, il s'est présenté à la brigade de gendarmerie de Tellin. A plus ou moins 16 heures 30, il quitte la gendarmerie pour se rendre à Bure chez Monsieur Magnette, échevin, où il dépose la convocation et est interpellé par Monsieur Daras qui lui remet un formulaire pour «renard abattu» . Il quitte Monsieur Daras vers 17 heures 30 (soit 1 heure 15 plus tard).

»A 17 heures 35, il se trouve à Grupont chez Monsieur J. Herin puis chez Madame Wilem pour audition. A 19 heures, il quitte Grupont, va rendre visite à son collègue Monsieur Bodson à Bure plus ou moins 15 minutes puis va porter la convocation à Monsieur A. Liegeois C.P.A.S. -ne sachant où celui-ci habite il se rend chez Monsieur Roland Degeye à qui il remet la convocation de M. Liégeois et consomme deux verres d'alcool.

»Il est rentré à la maison communale à 19 heures 45. La voiture était conduite par Monsieur Degeye car ayant déjà eu un accident, il a éu peur d'en provoquer un autre»;

Considérant que l'arrêté pris par le bourgmestre le 9 janvier 1987 est motivé comme suit:

«Attendu que par son comportement en service le 24 décembre 1986, M. Paul Englebert a gravement compromis la dignité de ses fonctions;

»Vu les peines disciplinaires infligées antérieurement au prénommé»;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de l'incompétence du bourgmestre et implicitement de la violation de l'article 189, alinéa 2, de la loi communale en ce que la mesure prise n'aurait pu l'être que sur la proposition ou de l'accord du procureur du Roi, parce que les faits qui lui étaient reprochés se rapportaient -au moins à titre essentiel - aux fonctions de police judiciaire qu'il remplissait l'après-midi du 24 décembre 1986; qu'en réplique il insiste sur l'indissociabilité de ces faits et des tâches accomplies;

Considérant que la loi communale dispose comme suit en ses articles 167 et 189:

«Article 167

»Les missions de police judiciaire de la police communale consistent à:

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.819

Arrêts Nos 34.818 à 34.821

Page 4

»1° rechercher les crimes, les délits et les contraventions, en donner connaissance aux autorités compétentes, en saisir:, arrêter et mettre à la disposition de l'autorité compétente les auteurs de la manière et dans les formes déterminées par la loi;-

. »2° '~ec;he;·cher et saisir les person~es surprises' e~ flagrant délit, celle.s poursuivies par: la clameur publique et celles. dont l' arrest~rion a été légalemirnt ordonnée et les mettre à la disposition de l'autorité compétente; agir de mêmè pour les objets dont la saisie est ordonnée». '

«Article 189

»Les membres de la police rurale qit{ en vertu de· la présente loi sont revêtus de la qualité d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Rbi' ne peuvent être suspendus ou révoqués, pour des faits commis dans l'exercice des missions de police judiciaire, que sur la proposition ou de l'accord du procureur général près la cour d'appel.

»Les gardes champêtres autres que ceux visés à l'article 181 ne peuvent être révoqués ou suspendus, en ·raison de leurs fonctions judiciaires, que sur la proposition ou de raccord du procureur du Roi».

Considérant que le requérant a reconnu avoir bu deux verres de bière au début de l'après-midi chez M. Noël Degeye, secrétaire communal retraité, chez lequehl s'était rendu pour lui remettre une convocation pour une réception, et ensuite deux verres d'alcool .entre 19 heures et 19 heures 45 chez M. Roland Degeye à qui il remit une convocation identique à l'intention d'une autre personne dont il ne connaissait pas l'adresse; qu'il remplissait en ces occasions des fonctions administratives pour lesquelles il relevait du pouvoir disciplinaire du bourgmestre; que celui-ci, même s'il pouvait présumer que l'intéressé n'était pas complètement à jeûn au cours de ses autres activités de l'après-midi, n'a pas excédé sa compétence en prenant seul la décision attaquée; que le premier moyen manque en fait et én droit;

Considérant que le requérant énonce dans les termes suivants un deuxième moyen:

«Attendu que le Bourgmestre de Tellin a délibérément ignoré les missions de police judiciaire afin de prendre seul (sans l'avis de Monsieur le procureur du Roi de Neufchâteau) la sanction maximale à l'égard du requérant;

»que le requérant soutient qu'il a déjà fait l'objet de pressions de la part du bourgmestre afin de ne plus dresser procès-verbal dans les affaires de chasse, et ce, parce que le requérant avait été amené à diverses reprises à dres~e~ procès-verbal pour délits de chasse au beau-frère du. b(JUrgmestre»;

Considérant que rien n'étaie le mobile que le requérant prête au bourgmestre; que, dans la mesure où le moyen pourrait être compris comme invoquant la violation du principe de proportionnalité, il ne pourrait être retenu, la peine infligée étant expressément motivée par les antécédents du requérant qui avait déjà encouru deux sanctions disciplinaires, dont une suspension de sept jours, celle-ci pour ébriété;

Considérant ql:'e l(! troisième fi!.Oyen vise la dé.cision du gouvern,eut. et non celle du bourgmestre;

Considérant que, dans un quatrième moyen, partiellement· dirigé contre la décision du gouverneur, le requérant critique aussi la motivation de la décision du bourgmestre; qu'il reproche à cette motivation d'être imprécise et au bourgmestre de s'être fié à une dénonciation téléphonique anonyme sans avoir cherché à vérifier son état exact, p~ exemple par une enquête de gendarmerie; qu'il a produit en réplique deux attestations, l'une, non datée: émanant de l'adjudant-chef de gendarmerie en retraite W'.ilem, sek>rdaquelle, à 16 heures, le 24 décembre 1986, il «Se trouvait dans un état normal», l'autre signée le 22 décembre 1987 par le garde champêtre Bodson, d'après laquelle, entre 18 heures 30 et'19 heures, «il n'était pas sous l'influence de la boisson»; ·

1 •

. Considérant que le bourgmestre a pu, sans excéder ses pouvoirs, fonder sa décision sut les déclarations faites par le requérant lors de son audition; que '1es attestations produites, dont.l'une est certain(!ment postérieure de près d'un an au jour des faits, ne sont pas de nature à contredire ces déclarations ni à 'confirmer la raison pour laquelle le requérant s'est jugé incapable de conduire sa voiture sans,risqqer de provoquer un accident; que le moyen ne peut être retenu,

(Rejet - dépens à charge du requérant).

* * * N° 34.820

Vu la requête introduite le 28 octobre 1987 par René Grégoire, inspecteur de police à Sambreville, qui demande l'annulation de l'arrêté du 27 août 1987 par lequel le Gouverneur de la Province de Namur «rejette le recours du requérant à l'encontre de la décision (du) Bourgmestre de Sqmbreville du 28 novembre 1986 (lui) infligeant(. . .) une sanction disciplinaire d'un mois de suspension avèc privation de traitement»;

Vu l'arrêt n° 32.947 du 4 juillet 1989 rouvrant les débats et chargeant le membre de l'auditorat désigné par M. l'auditeur général de poursuivre l'instruction;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.818 à 34.821 Page 5 N° 34.820

Considérant que, par son arrêt n° 32.947 du 4 juillet 1989, le Conseil d'Etat, après avoir constaté que, depuis l'annulation partielle de l'article 180, alinéa 3, de la loi communale par l'arrêt de la Cour d'arbitrage n° 73 du 22 décembre 1988, le gouverneur était rétroactivement sans compétence pour prendre l'acte formellement attaqué par la requête, a annulé cet acte, a interprété la requête comme dirigée directement contre la décision du 28 novembre 1986 du Bourgmestre de Sambreville qui infligeait au requérant une sanction disciplinaire d'un mois de suspension avec privation de traitement et a rouvert les débats pour permettre qu'il soit fait rapport sur le litige ainsi défini;

Considérant que le décret du 20 juillet 1989 du Conseil régional wallon organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales de la Région wallonne, publié au Moniteur belge du 8 septembre 1989 et entré en vigueur, selon son article 43, le 1er octobre 1989, contient, en son article 42, alinéa 2, la disposition transitoire suivante: «Les recours introduits sur la base des articles 178, § 1.,., 178, § 2, alinéa 3, 180, alinéa 3, 187, § 4, et 188, alinéa 3, de la loi communale du 30 mars 1836, qui n'ont «pas encore fait l'objet d'une décision administrative ou juridictionnelle définitive, sont portés devant la députation permanente du conseil provincial»»;

Considérant que la réouverture des débats, décidée par l'arrêt n° 32.947, trouve sa justification dans le motif selon lequel <ifaute de disposer d'un recours effectif organisé contre l'arrêté du Bourgmestre de Sambreville, le requérant est recevable à poursuivre l'annulation de cet arrêté directement devant le Conseil d'Etat et que, pour avoir un effet utile, la requête doit être interprétée en ce sens»; qu'à ce motif s'attache donc, quant à la recevabilité de la requête en tant qu'elle est dirigée contre !'arrêté du bourgmestre, !'autorité de la chose jugée, qu'en jugeant à présent non recevable la requête dirigée contre l'arrêté du bourgmestre et en renvoyant l'affaire à la députation permanente, comme celle~ci, bien qu'elle ne soit pas à la cause, l'y invite, selon une lettre du 9 janvier 1990 du gouverneur, le Conseil d'Etat procéderait, dans un cas non prévu par l'article 31 des lois coordonnées le 12 janvier 1973, à la révision de son arrêt n° 32.947; que celui-ci doit être considéré, quant à la recevabilité de la requête, comme une décision jurdictionnelle définitive pour !'application de !'article 42, alinéa 2, du décret du 20 juillet 1989;

Considérant, sur le fond, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les moyens exclusivement dirigés contre la décision du gouverneur puisque celle-ci a été annulée pour incompétence de son auteur par l'arrêt n° 32.947;.

Considérant que le requérant avait été invité à s'expliquer sur deux ordres de faits: violation du secret professionnel et conduite incompatible avec la fonction de policier; que le bourgmestre, dans la décision attaquée, a abandonné le premier grief à la suite d'une ordonnance de non-lieu rendue le 16 décembre 1985 par la chambre du conseil du Tribunal de première instance de Namur et statuant sur la seule prévention de violation du secret professionnel; que, pour juger établis les reproches relatifs à la conduite du requérant, le bourgmestre s'est fondé sur des pièces d'un dossier répressif transmis par le parquet, pièces qui, selon la décision attaquée, longuement motivée, relatent une attitude et des propos grossiers et vulgaires, des faits répétés d'ivresse et des gestes d'intimidation au moyen d'une arme;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de «lexcès de pouvoir et du non-respect des principes fondamentaux et des formes substantielles par violation du respect des droits de la défense et de régularité de la mesure infligée»; que seules la deuxième et la cinquième branche de ce moyen unique se rapportent à la décision du bourgmestre; que le requérant y fait valoir, d'une part, que le bourgmestre a statué au mépris du principe «non bis in idem» et, d'autre part, que, pour poursuivre l'autorité s'est fondée sur des faits contenus dans un dossier répressif établi à la suite d'accusations mensongères, de sorte que la poursuite doit être déclarée nulle; qu'il ajoute que, de plus, «les manquements dont il fut fait état étaient connus et couverts par l'autorité puisqu'ils sont antérieurs à (sa) nomination au grade d'inspecteur et que son supérieur hiérarchique fait état de ce qu'il avait connaissance de ces faits au moment de leur commission»;

Considérant que, par des lettres du 11 juillet 1986 et du 7 août 1986, le Bourgmestre de Sambreville a con­voqué le requérant à comparaître devant lui pour être entendu sur les reproches de violation du secret professionnel et de conduite incompatible avec la fonction de policier; qu'après qu'il eut été entendu le 10 septembre 1986 et qu'il eut déposé à cette occasion un «acte de défense» dans lequel il faisait notamment état de l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance de non-lieu rendue par la chambre du conseil sur la prévention de violation du secret professionnel, le requérant a été convoqué à nouveau, par lettre du 11 septembre 1986, pour être entendu, cette fois, sur sa seule conduite; que l'autorité ne viole pas le principe «non bis in idem» lorsque, comme en l'espèce, elle recommence, sur des bases restreintes, une poursuites disciplinaire qui n'avait abouti à aucune décision; qu'en sa deuxième branche, le moyen manque en droit;

Considérant qu'il ressort du dossier produit par le Gouverneur de la Province de Namur que la promotion du requérant au grade d'inspecteur de police date de 1979 et est donc antérieure à la plupart des faits qui lui sont reprochés et qui se situent entre 1980 et 1984; qu'il ne ressort d'aucune disposition ni d'aucun principe qu'une poursuite disciplinaire serait nulle parce qu'elle aurait été fondée sur des éléments recueillis à l'occasion d'une information pénale ouverte elle-même pour d'autres faits ultérieurement jugés non établis; que, malgré les dénégations du requérant, le bourgmestre a pu, sans excéder ses pouvoir, tenir pour établis par les déclarations convergentes recueillies au cours de l'instruction judiciaire dont le dossier lui avait été transmis par le Procureur du Roi de Namur les faits que mentionne sa décision; qu'il a pu de même les juger suffisamment graves, de

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.820

Arrêts Nos 34.818 à 34.821

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la part d'un inspecteur de police, pour justifier la sanction appliquée; qu'en sa cinquième branche, le moyen ne peut être rentenu,

(Rejet - dépens à ch~rge du requérant).

* * *

N° 34.821 Vu la requête introduite le 4 janvier 1988 par Jean Beroudiaux, agent de police, qui demande l'annulation

de la décision du 28 septembre 1987 du Conseil communal de la Ville de Liège lui infligeant la peine de six mois de suspension avec privation de traitement à partir du 17 septembre 1986;

Considérant qu'à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, et même à celle à laquelle la requête a été introduite, la loi communale disposait comme suit en son article 180, modifié par la loi du li février 1986:

«Le conseil communal peut suspendre pour six mois au plus ou révoquer les autres membres de la police urbaine qui manquent à leurs de110irs professionnels ou qui compromettent la dignité de leur fonction.

»Le bourgmestre peut pour les mêmes raisons suspendre ces membres de la police pendant un terme n'excédant pas un mois.

»Les intéressés peuvent prendre leur recours contre la décision du conseil communal ou du bourgmestre auprès du gouverneur dans les quinze jours de la notification qui leur en est faite»;

Considérant que, comme l'a confirmé une lettre du 10 juillet 1989 du Gouverneur de la Province de Liège à l'auditeur général adjoint-rapporteur, le requérant n'a pas exercé le recours prévu par l'article 180 précité; que, certes, cette dernière disposition a été partiellement annulée par l'arrêt n° 73 du 22 décembre 1988 de la Cour d'arbitrage; que, toutefois, cette annulation n'a pas eu pour effet de dispenser rétroactivement le requérant d'exercer contre l'acte attaqué, avant d'introduire sa requête en annulation, le recours organisé par la loi communale; que le présent recours n'est pas recevable,

(Rejet - dépens à charge du requérant).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.823 à 34.826 Page 1

N° 34.823

ARRET du 27 avril 1990 (Ve Chambre)

N° 34.823

MM. Stryckmans, président de chambre, rapporteur, De Brabandere et Andersen, conseillers, et Hoeffler, premier auditeur.

SIMON et CNOP c/ Etat belge représenté par le secrétaire d'Etat chargé de la Restructuration du Ministère des Travaux publics (Mes Gillet et Lambert)

1. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Classement selon la qualité du requérant - Agents et fonctionnaires publics - Nomination, promotion et changement de grade -Candidature - Requérant n'ayant pas fait acte de candidat - En cas d'appel aux candidats

Celui qui n'a pas posé sa candidature à un emploi n'a pas intérêt à poursuivre l'annulation de l'acte qui nomme à cet emploi.

II. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Classement selon la qualité du requérant - Agents et fonctionnaires publics - Nomination, promotion et changement de grade - Vocation à l'emploi - Rôle linguistique - Agent attaquant la nomination d'un agent de l'autre rôle

Un agent n'a pas intérêt à poursuivre l'annulation de la promotion d'un agent de l'autre rôle dans le cadre de ce rôle à un emploi vacant dans ce cadre.

III. AGENTS DE L'ETAT - Départements ministériels - Ministère des Travaux publics - Admi­nistration des ponts et chaussées

L'arrêté minis té riel du 18 juin 197 4 ne procède à aucune assimilation abusive des grades d'ingénieur des ponts et chaussées et d'ingénieur. li a été pris conformément à l'article 35 de l'arrêté royal du 7 août 1939. li ne déroge en aucune façon à la condition d'ancienneté de grade prévue par l'article 44 de cet arrêté royal.

li permet à l'ingénieur, s'il est lauréat du concours d'ingénieur des ponts et chaussées, d'être candidat au grade d'ingénieur principal des ponts et chaussées.

Vu la requête introduite le 23 novembre 1981, par laquelle le requérant Georges Simon demande l'annulation des arrêtés royaux du 24 juin 1981 portant nomination de J. Grulois et P. Moonen au grade d'ingénieur principal des ponts et chaussées;

Vu la requête introduite le 30 novembre 1981, par laquelle le requérant Maurice Cnop poursuit l'annulation de l'arrêté royal du 24 juin 1981 portant nomination de J. Grulois au grade d'ingénieur principal des ponts et chaussées;

Vu l'ordonnance du 4 juin 1982 joignant les causes;

Vu la requête du 28 juin 1982, par laquelle Paul Moonen demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 29 septembre 1982 admettant l'intervenant aux débats;

Circonstances de la cause:

Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer de la manière suivante:

1. Le requérant G. Simon est ingénieur des ponts et chaussées au bureau des ponts du Ministère des Travaux publics. Le requérant M. Cnop est ingénieur des ponts et chaussées au service de stabilité de l'administration des bâtiments au même ministère.

2.Par lettre recommandée du 30 septembre 1980, le Secrétaire général du Ministère des Travaux publics annonce la vacance de seize emplois d'ingénieur principal et d'ingénieur principal des ponts et chaussées accessibles par changement ou par avancement de grade, dont deux emplois respectivement à l'administration centrale des bâtiments et à l'administration centrale de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.

3. Le 10 novembre 1980, le conseil de direction se réunit, examine les candidatures et fait des propositions de nomination. Le requérant Simon, qui était candidat à l'emploi d'ingénieur principal au bureau des ponts, est proposé à la quatrième place dans le classement relatif à cet emploi. Le requérant Cnop est classé deuxième dans le classement relatif aux emplois vacants dans l'administration des bâtiments, services extérieurs (F).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETAT - 1990

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N° 34.823

Arrêts Nos 34.823 à 34.826

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4. Les propositions sont notifiées aux candidats, le 19 novembre 1980. Le 15 décembre 1980, le conseil de direction se réunit pour examiner les réclamations et décide de maintenir ses propositions, à l'exception de trois modifications qui ne concernent pas les requérants.

5. Par ses arrêts n°' 20.914, 21.024 à 21.026 et 21.066 à ,21.068, des 29 janvier, 13 et 21 mars 1981, le Conseil d'Etat annule sept arrêtés royaux du 9 février 1978 qui rapportaient sept arrêtés royaux du 6 avril 1977 portant nomination de sept ingénieurs à titre définitif à partir du 1er avril 1977; il en résulte que les intéressés avaient une ancienneté de grade depuis le 1er avril 1980 et que la procédure de nomination aux emplois litigieux d'ingénieur principal et d'ingénieur principal des ponts et chaussées devait être recommencée pour tenir compte de cette nouvelle situation.

6. Le 12 mars 1981, un nouvel appel fut adressé aux intéressés par lettre recommandée.· Ces lettres précisent que les candidats qui avaient déjà introduit leur candidature antérieurement, étaient censés maintenir leur demande, à moins qu'ils ne s'en désistent par lettre recommandée.

Les requérants maintiennent tacitement leur candidature antérieure. Jacques Grulois postule neuf emplois, parmi lesquels les deux emplois vacants à l'administration centrale des bâtiments. Paul Moonen postule sept emplois, parmi lesquels les deux emplois vacants à l'administration centrale de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.

7. Le 31 mars 1981, le conseil de direction examine les candidatures et établit ses propositions de nomination.

--,,

Le requérant Simon est classé quatrième dans le classement pour les deux emplois vacants au bureau des ponts. Le requérant Cnop est classé deuxième pour les deux emplois vacants dans les services extérieurs (F) de l'administration centrale des. bâtiments et sixième pour les deux emplois vacants à l'administration centrale des bâtiments. Quant à Jacques Grulois, il est classé treizième dans le même classement et Paul Moonen, premier dans le classement pour les deux emplois vacants à l'administration centrale de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. ,

8. Le 1er avril 1981, les propositions sont notifiées par lettre recommandée aux candidats. Le 13 avril 1981, le conseil de direction examine les réclamations et fait des propositions définitives qui n'apportent aucune modification au classement de G. Simon, M. Cnop, J. Grulois et P. Moonen.

9. Par deux arrêtés royaux du 24 juin 1981, le Roi promeut, par avancement de gradé', J. Grulois et P. Moonen, au grade d'ingénieur principal des ponts et chaussées. Pour P. Moonen, l'arrêté royal fixe au 1er mars 1981 la prise de rang en vue de l'augmentation de traitement et de la promotion à un rang plus élevé. Ces deux arrêtés royaux, font l'objet des recours introduits par les requérants.

Un arrêté royal du 23 juillet 1981 fixe au 1er juillet 1981 la date à laquelle les arrêtés de nomination du 24 juin 1981 produiront leurs effets.

Le 25 août 1981, le Ministre des Travaux publics affecte J. Grulois à l'administration centrale des bâtiments. P. Moonen est affecté par l'arrêté de nomination, à l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.

Quant à la recevabilité de la requête de G. Simon:

Considérant que la partie adverse soulève une exception d'irrecevabilité déduite du défaut d'intérêt du requérant Simon en ce que, d'une part, le requérant Simon n'a pas été candidat aùx emplois vacants à l'administration des bâtiments et que, dès lors, la promotion de Jacques Grulois ne lui fait pas grief et en ce que, d'autre part, le requérant appartient au rôle linguistique français alors que Paul Moonen est du rôle linguisti­que néerlandais, de sorte que, les promotions ayant lieu par cadre, suivant l'article 43, § 5, des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, la promotion de P. 'Moonen dans le cadre linguistique néerlandais ne lèse pas le requérant Simon;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, le requérant Simon soutient que rien ne prouve que sa pro­motion était impossible à l'administration des bâtiments et qu'il.ressort de documents produits par l'administration que des emplois d'ingénieur principal des ponts et chaussées restaient à pourvoir dans le cadre francophone;

Considérant que le requérant admet implicitement n'avoir pas postulé les emplois vacants à l'administration centrale des bâtiments;' que, dès lors, il ne justifie pas d'un intérêt à poursuivre l'annulation de la nomination de J. Grulois;

Considérant qué, quant à l'intérêt du requérant Simon à demander l'annulation de l'arrêté royal nommant P. Moonen, il ressort du dossier que, dans le degré 3 du cadre linguistique de l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire (rangs 11 et 12), six emplois étaient vacants dont cinq étaient du rôle néerlandais et un du rôle français; que Paul Mocinen a été nommé dans le cadre néerlandais à un emploi d'ingénieur principal qui était vacant dans ce cadre; que sa nomination ne porte pas préjudice au requérant; que, par ailleurs, le requérant n'a pas demandé l'annulation de la nomination faite à l'autre emploi vacant dans l'administration de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire; que le requérant Simon ne justifie pas d'un intérêt légal à demander l'annulation de la nomination de Paul Moonen;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D"ETAT - 1990

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Arrêts Nos 34.823 à 34.826

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Considérant, dès lors, que sa requête est totalement irrecevable;

Quant au fondement de la requête de M. Cnop:

N° 34.824

Considérant que le requérant Cnop prend un moyen de la violation de l'article 44 de l'arrêté royal du 7 août 1939 organisant le signalement et la carrière des agents de l'Etat, en ce que l'arrêté royal attaqué nomme Jacques Grulois avec effet au 1er juillet 1981, alors que l'ancienneté de grade de Jacques Grulois prend cours le 1er septembre 1978 de sorte qu'il ne remplit pas la condition d'ancienneté de trois ans au moins, statutairement requise pour être promu ingénieur principal des ponts ,t;t chaussées;

Considérant que la partie adverse fait valoir dans son mémoire en réponse que J. Grulois étant ingénieur temporaire depuis le 16 septembre 1971, il remplissait les coriditions prévues par l'arrêté royal du 12 mars 1973 portant des mesures temporaires en faveur de certains agents de l'Etat et qu'il a été nommé à titre définitif au grade d'ingénieur à partir du 1er mars 1978; qu'elle en conclut que J. Grulois était, depuis cette date, titulaire d'un grade du rang 10; qu'elle fait valoir, en outre, qu'étant lauréat d'un concours de recrutement d'ingénieurs des ponts et chaussées organisé en 1978, J. Grulois a, par arrêté royal du 14 novembre 1978, été nommé, par changement de grade, au grade équivalent d'ingénieur des ponts et chaussées; qu'elle ajoute que, suivant un arrêté ministériel du 18 juin 1974 portant règlement du personnel du Ministère des Travaux publics, le grade d'ingénieur principal des ponts et chaussées à l'administration des bâtiments est réservé à l'ingénieur des ponts et chaussées et, s'il est lauréat du concours de recrutement d'ingénieur des ponts et chaussées, à l'ingénieur principal, à l'ingénieur et à l'informaticien, tous les intéressés devant, en outre, avoir acquis une expérience professionnelle de deux ans au moins à l'administration des bâtiments;

Considérant qu'à tort le requérant Cnop soutient que l'assimilation des grades d'ingénieur des ponts et chaussées et d'ingénieur est abusive et que le règlement du personnel du Ministère des Travaux publics ne pourrait prévaloir sur les dispositions du statut des agents de l'Etat; qu'en effet, suivant l'article 35 de l'arrêté royal du 7 août 1939 organisant le signalement et la carrière des agents de l'Etat « ... un arrêté ministériel peut fixer pour chacun des grades à conférer par avancement de grade, la liste des grades qui y donnent accès en déterminant éventuellement les conditions complémentaires et particulières de qualification professionnelle ... »; que le règlement précité ne procède à aucune assimilation abusive mais, au contraire, a été pris conformément à l'article 35 de l'arrêté royal précité du 7 août 1939 et ne déroge en aucune façon à la condition d'ancienneté de grade prévue par l'article 44 dudit arrêté royal;

Considéqmt que c'est également à tort que, dans son mémoire en réplique, le requérant distingue entre ancienneté de grade et ancienneté totale de grade; qu'en effet, suivant l'article 62, § 1er, de l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat, «pour l'ancienneté de grade, les services admissibles sont comptés à partir de la date à laquelle l'agent a été nommé aux grades pris en considération par les dispositions qui doivent lui être appliquées ... »; que l'arrêté ministériel du 18 juin 1974 portant règlement du personnel du Ministère des Travaux publics permet à l'ingénieur, s'il est lauréat du concours de recrutement d'ingénieur des ponts et chaussées, d'être candidat au grade d'ingénieur principal des ponts et chaussées; qu'il en résulte que J. Grulois comptait trois années d'ancienneté dans un grade du rang 10 au moment de la promotion, c'est-à-dire ingénieur au 1er mars 1978 et, à partir du 1er septembre 1978, ingénieur des ponts et chaussées, et remplissait ainsi la condition d'ancienneté de grade prévue par l'article 44 de l'arrêté royal précité du 7 août 1939; qu'en outre, il satisfaisait à la condition relative à l'expérience professionnelle; que le moyen n'est pas fondé,

(Rejet - dépens à charge des requérants et de l'intervenant).

N° 34.824

ARRET du 27 avril 1990 (Ve Chambre) MM. Stryckmans, président de chambre, rapporteur, De Brabandere et Andersen, conseillers, et Hoeffler, premier auditeur.

MOORAT et consorts (Mes Detry, Geairain et Legros) c/ Régie des télégraphes et des téléphones (M. Biemaux) - Partie intervenante: De Schrijver (Me Gehlen)

1. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETAT) - Classement selon la qualité i;lu requérant - Agents et fonctionnaires publics - Nomination, promotion et changement de grade -Modification dans la situation administrative de l'agent dont la nomination est attaquée - Promotion

II. PROCEDURE - Requête - Objet - Extension - A des actes postérieurs à l'acte attaqué -Acte fondé sur l'acte attaqué

Un agent ne cesse pas d'avoir intérêt à poursuivre !'annulation d'une promotion dont il a été évincé par le fait que le bénéficiaire de cette promotion en reçoit une nouvelle en

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cours d'instance, dès lors que celle-ci dépend du grade obtenu en vertu de la première. Le recours en annulation de la première doit être étendu à la seconde.

III. PROCEDURE - Désistement IV. PROCEDURE- Réouverture des débats

Vu la requête introduite le 14 avril 1983, pat laquelle Gabriel Moorat demande l'annulation de l'arrêté ministériel du 25 février 1983 faisant l'objet de la circulaire n° 20 du 17 mars 1983 et portant nomination de Omer De Schrijver au grade de directeur, à la circonscription des Téléphones de Bruxelles (TBR);

Vu la requête du 13 septembre 1984, par laquelle Omer De Schrijver demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 27 septembre 1984 admettant l'intervenant aux débats;

Vu la lettre du 5 janvier 1989 adressée par le requérant Gabriel Moorat au Conseil d'Etat;

Vu la requête introduite le 29 avril 1983, par laquelle Jeannine Piqueray demande l'annulation de l'arrêté ministériel du 25 février 1983 faisant l'objet de la circulaire n° 20 du 17 mars 1983 et portant nomination de Omer De Schrijver au grade de directeur à TBR (circonscription des télégraphes et des téléphones de Bruxelles);

Vu la requête du 13 septembre 1984, par laquelle Omer De Schrijver demande à être reçu en qualité de partie intervenante;

Vu l'ordonnance du 27 septembre 1984 admettant l'intervenant aux débats;

Vu la requête introduite le 11 mai 1983, par laquelle Gustave Jacobs demande l'annulation de l'arrêté ministériel du 25 février 1983 faisant l'objet de la circulaire n° 20 du 17 mars 1983 et portant nomination de Omer De Schrijver au grade de directeur à TBR (circonscription des télégraphes et des téléphones de Bruxelles);

Vu la requête du 26 mars 1984, par laquelle Omer De Schrijver demande à être reçu en qualité de partie intervenante; ·'

Vu l'ordonnance du 30 avril 1984 admettant l'intervenant aux débats;

Considérant que les affaires ainsi introduites sont connexes; qu'elles tendent à faire annuler un même arrêté ministériel et que l'unique moyen d'annulation est identique; qu'il y a lieu de joindre les causes;

Considérant que par circulaire du 21 .octobre 1982, la partie adverse informe son personnel de la vacance d'un emploi de directeur à TBR; que la requérante Piqueray, qui exerce des fonctions à l'administration générale de la Régie de Bruxelles, le requérant Jacobs, chef de service à TBR, et le requérant Moorat, chef de division administratif à CF, font acte de candidature à l'emploi vacant; que Omer De Schrijver, dont la nomination n'est pas proposée par le conseil d'administration de la Régie, est nommé au grade de directeur (rang 14), par arrêté ministériel du 25 février 1983, porté à la connaissance des requérants le 17 mars 1983;

Quant au désistement:

Considérant que par lettre du 5 janvier 1989 adressée au Conseil d'Etat, le requérant Moorat fait savoir qu'à la suite de sa nomination au grade de directeur à la Rég~e des télégraphes et des téléphones, le 4 août 1988, il sollicite le désistement;

Considérant que le dossier ne révèle aucun élément justifiant que le décrètement du désistement soit refusé;

Quant à la recevabilité:

Considérant que par lettre du 10 août 1987, la partie adverse a communiqué des pièces, desquelles il résulte que Omer De Schrijver a été nommé en cours d'instance au grade de premier conseiller (rang 15), le 6 juillet 1987, et a été affecté à la même date à la circonscription des télégraphes et téléphones de Bruxelles (TBR);

Considérant que les requérants font valoir qu'ils conservent néanmoins un intérêt à poursuivre leur recours parce que l'annulation neutraliserait les effets de leur dépassement et rétablirait la position concurrentielle qui était la leur au départ en vue d'avantages de carrière ultérieurs; que, selon eux, leur intérêt persiste d'autant plus que la liaison entre l'arrêté attaqué et l'arrêté ultérieur de promotion est telle que l'annulation du premier priverait le second de tout fondement;

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Arrêts Nos 34.823 à 34.826 Page 5 Nos 34.825 et · 34.826

Considérant que les requérants sont restés en défaut d'attaquer l'arrêté nommant la partie intervenante au grade de premier conseiller; que, toutefois, la nouvelle promotion de la partie intervenante dépend nécessairement du grade auquel elle a été promue par l'acte attaqué; qu'en effet, suivant l'article 62 de l'atTêté royal du 8 juillet 1977 fixant le statut du personnel de la Régie des Télégraphes et des Téléphones, la promotion aux grades du rang 15 se fait au choix parmi les agents du rang 14; qu'il y a, dès lors, lieu d'étendre les requêtes à l'arrêté de promotion du 6 juillet 1987; qu'il s'ensuit que les requérants justifient de l'intérêt requis de sorte que leur requête est recevable;

Quant au fond:

Considérant que les requérants prennent un moyen unique de la violation de l'article 21, § 7, des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative; qu'ils exposent que «l'activité de la circonscription des télégraphes et téléphones s'étend à des communes de Bruxelles-Capitale et en même temps à des communes de la région de langue française et à des communes de langue néerlandaise; que cette circonscription est, selon eux, un service régional au sens de /'article 35, § rr, b, des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative»;

Considérant que suivant l'article 35 des lois coordonnées sur l'emploi des langues:

«§ la. Tout service dont l'activité s'étend

»a) soit exclusivement à des communes de Bruxelles-Capitale;

»b) soit à des communes de Bruxelles-Capitale et, en même temps, à des communes d'une des régions de langue française et de langue néerlandaise ou de ces deux régions,

»est soumis au même régime que les services locaux établis dans Bruxelles-Capitale;

»§ 2. Tout service régional dont/' activités' étend à des communes des quatre régions linguistiques du pays, est soumis au régime linguistique prévu au chapitre V pour les services d'exécution dont /'activité s'étend à tout le pays.»;

Considérant que pour déterminer quelle est la disposition de l'article 35 applicable au service TBR, il convient que la partie adverse s'explique sur les activités réelles de ce service; qu'il y a, dès lors, lieu de rouvrir les débats,

(Jonction - le recours des requérants J. Piqueray et G. Jacobs est recevable - désistement du requérant G. Moorat-réouverture des débats -dépens exposés dans l'affaire 30.195N-l 101 sont mis à charge du requérant G. Moorat à concurrence de 4.000 francs et à charge de l'intervenant à concurrence de 3.000 francs - dépens dans les affaires n°' 30.253N-1100 et 30.302N-1093 sont réservés).

N°s 34.825 et 34.826

ARRETS du 27 avril 1990 (Ve Chambre)

MOORAT: désistement.

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