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N· 20. - 2» Série. LIBERTÉ -- SOLIDARITÉ - JUSTICE 2 Juin 1880 ' ORGANE COLLECTIVISTE , REVOLUTIONNAIRE PARAISSANT LE MERCREDI ABONNEMENTS: 1 a,6 t.] 6 mois, 8 t. ]3mois,1n,50 1 mois, 60 cent. BUREAUX : 28, RUE ROYALE A SAINT-CLOUD Bureaux de vente : 21, rue du Croissant PRI X DU NUMERO: 15 centimes Pour toute la France 69 p Sommes-n0us poursuivis? ne le sommes- nous pas'! Ce qui est certain, c'est que le 26 mai der- nier, LA CIVILISATION publiait la note suivante: Le procureur néral vient de demander au. Garde des Sceaux l' autorisation de poursuivre le journal l'Egalité pour son numéro du 23mai : dé- lit d'excitation à Ja haine et au mépris des citoyens les uns contre les autres. Ce qui est certain encore, c'est que cette note, qui a fait le tour de la presse, n'a soulequ'une seule protestation- celle de la JusTICE. Et encore le Moniteur de M M. Clémenceau et Camille Pelletan n'a-t-il réclamé que pour la f orme, et parce qu'étant donné le procès hs- torique qui était intenté à son directeur et à son rédacteur en chef dans notre numéro incri- miné, il n'était pas possible de se taire sans laisser croire que l'on était pour quelque chose dans les poursuites annoncées. Les autres journaua, tous les autres, y com- pris ceux qui brâment le plits haut a près la li- berté absolue de la presse, ont laissé sans mot dire passer le « recommencement des procès de presse. » N ous ne nos plaignons pas d'ailleurs,- nous constatons purement et sim plement. Comme nous constatons que la liberté du crayon, qui figure également en tête des re- vendications radicales, a pu être violée à notre détriment dans les conditions les plus scanda- leuses don _t l'histoire de la Censure f asse men- ion, sans qu'aucune des bouches de bronze du radicalisme se soit émue. Il y a eu samedi huit jours que 'EGALITÉ s'est vu interdire un dessin qui a pu paraître im punément dans l'ILLUSTRATION d'il y a neuf ans, en plein état de siège,c'est-à-dire qu'a près avoir dit-- et pour le mê me cliché - ou1 à un , organe bourgeois, la Censure a dit NON à un organe socialiste, et dans ces huit jours il ne s'est pas trouvé un seul journal pour mention- ner seulement l'odieuse partialité dont nous avons été victime. Recommandé aux braves gens qui de l'arrivée au pouvoir de l'extre me gauche attendent, à déf aut de la liberté et de l'égalité économiques la liberté et l'égalité politiques. ' LA RÉPUBLIQUE PATRONALE Le lendemain des grèves de Bolbec, Lille- bonne, Reims, Roubaix, Armentières, etc., n'est pas moins instructif que les grèves elles- mêmes. Pendant la grève, c'est la police, l'adminis- tration, l'armée qui interviennent au profit des patrons, la première pour empoigner « les me- neurs » et décapiter ainsi la résistance, la seconde, pour « inviter » les ouvriers à repren- dre le travail et au besoin pour expulser ceux d'entre eux qui sont expulsables, la troisième, pour ajouter le plat de ses sabres et la pointe de ses baïonnettes aux excitations capitulatrices de la faim. Après la grève, c'est la justice qui venge les mêmes patrons en condamnant à l'amende et à la prison les exploités coupables d'avoir tenté de limiter, de canaliser l'exploitation dont ils sont victimes. Pour ne citer que les principales, neuf con- damnations ont été pronones pour Reims dont une à dix jours d'emprisonnement, quatre à un mois, deux à trois mois, une à quatre mois et une à treize mois. Roubaix en fournit deux, dont l'une à trois mois et l'autre à treize. Lillebonne en apporte douze, dont deux à six jours, une à quinze, deux à trois mois, une à six, etc., etc. Et pour bien accentuer ces verdicts, pour qu'il ne puisse y avoir le moindre doute sur leur caractère de classe, la magistrature debout qui les provoque les fait précéder de réquisitoires dans le genre de cel uici que le T em ps publie comme « intéressant » : Certains inculpés ont dit aux patrons : « Désor- mais vous nous nourrirez à ne rien fir. » Propos d'égarés ; les patrons pourraient nourrir ainsi quel- ques semaines, quelques mois au plus, les ou- vriers. Mais après, il n'y aurait plus de matres premres, plus de charbons, de machines, de mé- tiers. Tous seraient égaux, mais dans la ruine, la faim et la mire. Que feriez-vous alors. vous ha- biles ouvriers de la main, non du bras? Tous les autres métiers plus rudes vous épuiseraient. Vous voudriez peut-être alors émigrer sur nos beaux transatlantiques. Ce serait en vain. Vous retrouveriez en Arique les patrons, le capital et les salaires indispensables à votre existence. Vous les retrouveriez au Brésil, aux Indes, en Australie, à tous les bouts du monde, car telle est la loi de l'humanité! Le capital et les patrons, ménagez-les avec un soin avare. Ge sont les sources de votre existence. Les salaires qu'ils versent sur vous dans la seule vallée de Lill ebonne et Bolbec se chiffrent annuel- lement par cinq ou six mill ions. Leurs profit s se répandent dans la contrée par des dépenses de toutes sortes. Votre dernière grève vous a fait perdre, sans aucun résultat, plus de 100,000 fr. La charipri- vée et publique sont impuissantes à combler un tel gouffre. rien ne peut ici-bas suppléer eu travanl de l'ouvrier pour suffi r a ses besoins. Voyez ce que vous devenez, en dépit de la charité, quaad, tombés en proie à la maladie, à la vieill esse, au cmage, le travail vous fait défaut. Quelle térité de compromettre cette pluie d'or qui tombe sur vous et la source qui l'alimente- Que mettriez-vous à sa place, si elle était tarie! Ne vous étonnez donc pas si les spectateurs désin- téressés comme nous, si vos amis les plus sincères comme nous gémissent quand ils voient une grève commencer. C'est que nous savons que si la pro- duction fait la fortune d'un pays, toute interrup- tion de travail fait sa misère. Inutile de poursuivre la citation. Nous avons là, résumée en quelques lignes , toute la théorie capitaliste, dont la République actuelle, comme l'Empire et les autres monar- chies d'après ou d'avant 89, n'est que la mise en pratique gouvernementale. Pour M. le procureur de la République Pel- lerin « les patrons sont la source de l'existence de l'ouvrier.» Confondant la terre, les usines, les matres premières, etc., avec la poignée de ceux qui se les sont appropriés exclusivement ou, comme dit Stuart Mill, le capital avec les capitalistes, le magistrat bourgeois conclut de ce que l'on ne saurait produire sans ces instru- ments de travail, qu'on ne saurait produire sans les poasesseurs de ces instruments ou que ce sont eux qui produisent. Une hypothèse cependant: supposons que dans une seule nuit, par suite d'un de ces heu- reux accidents que la Bible met sur le compte d'un « ange du Seigneur», qu'il serait facile de remplacer par le peuple opérant lui-même, supposons, dis-je, que tous les a tionnaires, obligataires, patrons ou fractions de patrons que compte la France de 1880, viennent à dis- paraître avec leurs titres de propriété, est-ce que sous l'action des filateurs, des mineurs, des mécaniciens, etc., les filatures, les mines, dépersonnalisées, produiront un metre de tissu ou une tonne de moins ? La production nationale sera t-elle réduite d'un seul centime? Que conservant, au contraire, la petite France patronale, on supprime,\ par la pensée, laFrance ouvrière, cette classe qui, d'après M. Pellerin, ne vivrait que des patrons et sur les patrons que deviendrait la « pluie d'or » que représen- tent, à l'entendre, ces derniers ? Adieu tissus, adieu houille, adieu blé, vin viande, adieu tout! Ce n'est pas seulement « la ruine, la misère la faim », c'est la mort, la mort sans phrase, et sans échappatoire possible, aussitôt épuisée l'épargne faite sur le produit du travail des tra- vailleurs disparus. Est-ce clair? Et quel front n'a-t-il pas fallu au procureur du Hâvre pour transformer en entretenus des fabricants, les véritables entre- teneurs de ces derniers, et pour oser parler des ouvriers « qui voudraient se faire nourrir à rien faire! »

au 69 pluie tarie! · 2021. 6. 1. · crayon, qui figure également en tête des re vendications radicales, a pu être violée à notre ... ans, en plein état de siège,c'est-à-dire

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Page 1: au 69 pluie tarie! · 2021. 6. 1. · crayon, qui figure également en tête des re vendications radicales, a pu être violée à notre ... ans, en plein état de siège,c'est-à-dire

N· 20. - 2» Série. LIBERTÉ -- SOLIDARITÉ - JUSTICE 2 Juin 1880

' ORGANE COLLECTIVISTE

• ,

REVOLUTIONNAIRE PARAISSANT LE MERCREDI

ABONNEMENTS: 1 a,6 t.] 6 mois, 8 t. ]3mois,1n,50

1 mois, 60 cent.

BUREAUX : 28, RUE ROYALE A SAINT-CLOUD

Bureaux de vente : 21, rue du Croissant

PRIX DU NUMERO: 15 centimes

Pour toute la France

69 p • • Sommes-n0us poursuivis? ne le sommes­

nous pas'! Ce qui est certain, c'est que le 26 mai der­

nier, LA CIVILISATION publiait la note suivante: Le procureur général vient de demander au.

Garde des Sceaux l'autorisation de poursuivre le journal l'Egalité pour son numéro du 23mai : dé­ lit d'excitation à Ja haine et au mépris des citoyens les uns contre les autres.

Ce qui est certain encore, c'est que cette note, qui a fait le tour de la presse, n'a soulevé qu'une seule protestation- celle de la JusTICE.

Et encore le Moniteur de MM. Clémenceau et Camille Pelletan n'a-t-il réclamé que pour la forme, et parce qu'étant donné le procès hs­ torique qui était intenté à son directeur et à son rédacteur en chef dans notre numéro incri­ miné, il n'était pas possible de se taire sans laisser croire que l'on était pour quelque chose dans les poursuites annoncées. Les autres journaua, tous les autres, y com­

pris ceux qui brâment le plits haut après la li­ berté absolue de la presse, ont laissé sans mot dire passer le « recommencement des procès de presse. » Nous ne nos plaignons pas d'ailleurs,­

nous constatons purement et simplement. Comme nous constatons que la liberté du

crayon, qui figure également en tête des re­ vendications radicales, a pu être violée à notre détriment dans les conditions les plus scanda­ leuses don_t l'histoire de la Censure fasse men­ ion, sans qu'aucune des bouches de bronze du radicalisme se soit émue. Il y a eu samedi huit jours que 'EGALITÉ

s'est vu interdire un dessin qui a pu paraître impunément dans l'ILLUSTRATION d'il y a neuf ans, en plein état de siège,c'est-à-dire qu'après avoir dit-- et pour le même cliché - ou1 à un

, organe bourgeois, la Censure a dit NON à un organe socialiste, et dans ces huit jours il ne s'est pas trouvé un seul journal pour mention­ ner seulement l'odieuse partialité dont nous avons été victime. Recommandé aux braves gens qui de l'arrivée

au pouvoir de l'extreme gauche attendent, à défaut de la liberté et de l'égalité économiques la liberté et l'égalité politiques. '

LA RÉPUBLIQUE PATRONALE

Le lendemain des grèves de Bolbec, Lille­ bonne, Reims, Roubaix, Armentières, etc.,

n'est pas moins instructif que les grèves elles­ mêmes. Pendant la grève, c'est la police, l'adminis­

tration, l'armée qui interviennent au profit des patrons, la première pour empoigner « les me­ neurs » et décapiter ainsi la résistance, la seconde, pour « inviter » les ouvriers à repren­ dre le travail et au besoin pour expulser ceux d'entre eux qui sont expulsables, la troisième, pour ajouter le plat de ses sabres et la pointe de ses baïonnettes aux excitations capitulatrices de la faim. Après la grève, c'est la justice qui venge les

mêmes patrons en condamnant à l'amende et à la prison les exploités coupables d'avoir tenté de limiter, de canaliser l'exploitation dont ils sont victimes.

Pour ne citer que les principales, neuf con­ damnations ont été prononcées pour Reims dont une à dix jours d'emprisonnement, quatre à un mois, deux à trois mois, une à quatre mois et une à treize mois. Roubaix en fournit deux, dont l'une à trois

mois et l'autre à treize. Lillebonne en apporte douze, dont deux à

six jours, une à quinze, deux à trois mois, une à six, etc., etc. Et pour bien accentuer ces verdicts, pour qu'il

ne puisse y avoir le moindre doute sur leur caractère de classe, la magistrature debout qui les provoque les fait précéder de réquisitoires dans le genre de cel ui•ci que le Temps publie comme « intéressant » :

Certains inculpés ont dit aux patrons : « Désor­ mais vous nous nourrirez à ne rien fir. » Propos d'égarés ; les patrons pourraient nourrir ainsi quel­ ques semaines, quelques mois au plus, les ou­ vriers. Mais après, il n'y aurait plus de matières premières, plus de charbons, de machines, de mé­ tiers. Tous seraient égaux, mais dans la ruine, la faim et la misère. Que feriez-vous alors. vous ha­ biles ouvriers de la main, non du bras? Tous les autres métiers plus rudes vous épuiseraient.

Vous voudriez peut-être alors émigrer sur nos beaux transatlantiques. Ce serait en vain. Vous retrouveriez en Amérique les patrons, le capital et les salaires indispensables à votre existence. Vous les retrouveriez au Brésil, aux Indes, en Australie, à tous les bouts du monde, car telle est la loi de l'humanité!

Le capital et les patrons, ménagez-les avec un soin avare. Ge sont les sources de votre existence. Les salaires qu'ils versent sur vous dans la seule vallée de Lillebonne et Bolbec se chiffrent annuel­ lement par cinq ou six millions. Leurs profits se répandent dans la contrée par des dépenses de toutes sortes.

Votre dernière grève vous a fait perdre, sans aucun résultat, plus de 100,000 fr. La charité pri­ vée et publique sont impuissantes à combler un tel gouffre. rien ne peut ici-bas suppléer eu travanl de l'ouvrier pour suffir a ses besoins. Voyez ce que vous devenez, en dépit de la charité, quaad,

tombés en proie à la maladie, à la vieillesse, au chômage, le travail vous fait défaut. Quelle témérité de compromettre cette pluie

d'or qui tombe sur vous et la source qui l'alimente­ Que mettriez-vous à sa place, si elle était tarie! Ne vous étonnez donc pas si les spectateurs désin­ téressés comme nous, si vos amis les plus sincères comme nous gémissent quand ils voient une grève commencer. C'est que nous savons que si la pro­ duction fait la fortune d'un pays, toute interrup­ tion de travail fait sa misère. Inutile de poursuivre la citation. Nous avons là, résumée en quelques lignes,

toute la théorie capitaliste, dont la République actuelle, comme l'Empire et les autres monar­ chies d'après ou d'avant 89, n'est que la mise en pratique gouvernementale. Pour M. le procureur de la République Pel­

lerin « les patrons sont la source de l'existence de l'ouvrier.» Confondant la terre, les usines, les matières premières, etc., avec la poignée de ceux qui se les sont appropriés exclusivement ou, comme dit Stuart Mill, le capital avec les capitalistes, le magistrat bourgeois conclut de ce que l'on ne saurait produire sans ces instru­ ments de travail, qu'on ne saurait produire sans les poasesseurs de ces instruments ou que ce sont eux qui produisent.

Une hypothèse cependant: supposons que dans une seule nuit, par suite d'un de ces heu­ reux accidents que la Bible met sur le compte d'un « ange du Seigneur», qu'il serait facile de remplacer par le peuple opérant lui-même, supposons, dis-je, que tous les a tionnaires, obligataires, patrons ou fractions de patrons que compte la France de 1880, viennent à dis­ paraître avec leurs titres de propriété, est-ce que sous l'action des filateurs, des mineurs, des mécaniciens, etc., les filatures, les mines, dépersonnalisées, produiront un metre de tissu ou une tonne de moins ?

La production nationale sera t-elle réduite d'un seul centime?

Que conservant, au contraire, la petite France patronale, on supprime,\ par la pensée, laFrance ouvrière, cette classe qui, d'après M. Pellerin, ne vivrait que des patrons et sur les patrons que deviendrait la « pluie d'or » que représen­ tent, à l'entendre, ces derniers ?

Adieu tissus, adieu houille, adieu blé, vin viande, adieu tout!

Ce n'est pas seulement « la ruine, la misère la faim », c'est la mort, la mort sans phrase, et sans échappatoire possible, aussitôt épuisée l'épargne faite sur le produit du travail des tra­ vailleurs disparus.

Est-ce clair? Et quel front n'a-t-il pas fallu au procureur du Hâvre pour transformer en entretenus des fabricants, les véritables entre­ teneurs de ces derniers, et pour oser parler des ouvriers « qui voudraient se faire nourrir à rien faire! »

Page 2: au 69 pluie tarie! · 2021. 6. 1. · crayon, qui figure également en tête des re vendications radicales, a pu être violée à notre ... ans, en plein état de siège,c'est-à-dire

2 L'ÉGALITÉ

Ceux qui font plus que « vouloir se faire nour­ rir, ceua: qui se font norrir à rien fare par ceux qui tont tout, ce sont vos clients, M. Pel­ lerin; c'est Je cast,·• dont vous êtes l'organe judi­ ciaire, comme M de Gallifet est son organe militaire et la chambre-sénat de M. Gambetta son organe Jêgislalif; ce sont vos fabricants de Lillebonne, Bolbec etautres lieux qu ne se bor­ nent pas à vivre a crochel de « leurs ouvriers» mais se coalisent en tonte liberté et se servent de voue,et de vos semblables pour empêcher « leurs ouvriers » de vivre. C'est à eux qu'un honnête homme, dans votre

situation,se serait adressé;c'est à eux qu'il aurait dit, parceque c'est la vérité : « les travailleurs, « vos salariés, ménagez-les avec un soin avare. « Ce sont les sources de votre existence. Les « profits qu'ils versent sur vous dans la seule « vallée de Lillebonne et Bolbec se chiffent an­ « nuellement par cinq ou six millions. Votre « dernière tentative pour les affamer vous a fait « perdre plus de quinze c:nt mille francs lien « ne peut ici-bas suppléer au travail de l'homme. Voyez ce que vous deviendriez, si

« ceux que vous exploitez sous prétexte de les « employer, vous laissaient seuls, en tête à « tète, dans vos usines désertes, avec vos ma­ « chines immobilisées. » Ainsi retourné votre réquisitoire eût été con­

forme à la réalité et à la justice, surtout s'il avait été suivi de la condamnation des seuls « fauteurs de désordre» les vingt-cinq ou trente patrons qui sont tombés sur leurs ouvriers à coups de réduction de salaires. Mais vous me direz que ce n'est pas pour cela que voua paie la République patronale d'aujourd'hui.

Et je le recmmais. A l'avenir seulement abstenez-vous de deman­

der aux salariéscequ'ils « mettraient à la place » des capita1istes qui lesépuisent,caril pourrait s'en rencontrer qui vous répondent : nous-mêmes, et-c'est asse:.,:; nous mêmes qui à nos salaires dérisoires ajouterions ainsi les profita énormes empochés par ces capitalistes inutiles. Tandis que si le môme question était posée

aux fabricants : cc que mettriez vous à la place de votre outillage humain ? nous mettons au dèfi un seul d'entre eux de répondre d'une ma­ nière satifaisante. Ac>3"5-2a- Une légende sémitique -- qui a été mise à la

scène et en musique par Monpeou - rapporte que pour convaincre de calomnie deux vieillards, qui prétendaient avoir surpris en « conversation cri­ minelle, » une jeune femme nommée Suzanne, un juge non inamovible, du nom de Daniel, s'avisa de leur demander séparément sous quel arbre . ils avaient constaté le flagrant délit, et qu'ayant ré­ pondu, l'un, sous un platane, et l'autre sous un cèdre, leur réponse contradictoire fit éclater à la fois l'innocence de la jeune femme et leur propre infamie.

Pour confondre les journaux bourgeois qui - à l'exception du Citoyen, - n'ont rien trouvé de mieux que de nier la manifestation du 23 mai pour se venger de ce qu'elle ait eu lieu sans eux et contre eux, nous n'emp1oierons pas une autre méthode. Nous nous bornerons à les mettre en pré­ ence les uns des outres, en lesJaissant ile décerner mutuellement un brevet de mensonge.

La Paia du 2: «La manifestation que cer­ « tins journaux avaient persistéà annoncer comme « devant avoir lieu hier, d l'occasion de l'anniver­ « 8aire communaliste du 23 mai, n'a pas eu lieu.» La Lanterne du 25:- Sur une population de

« plus de deux millions d'âmes, il s'est trouvé « soiaante-dic personnes environ pour prendre « part à la fameuse manifestation ••• o Le Moniteur universel du 24 (page l, colonne 4): - « Une centaine de manifestants, divisés en « plusieurs groupes, et ayant. donné lieu à une • quinzaine d'arrestations, tel est le bilan de la c journée. > Le Téiégraphe du 24 (page i, colonne 1, para­

graphe 23) :-- « Les manifestants, au nombre de

« deva cents environ, sont arrivés vers deux heu­ « res au Père Lachaise. » La Justice du 25 (page 1, colonne 6, paragraphe

6}:- « Le cimetière est presque désert. Bientôt « une colonne composée de deux cent cinquante à « trois cents personnes débouche dans la rue de la « Roquette. » Le Rappel du 2 : - « ne colonne de plusieurs centaines de citoyens s'engage rue dela Roquette.

c se dirigeant sur le Père-Lachaise. » Le Moniteur universel da 24 (page 2, colonne : - « Les chiffres officiels établissent que cin, cnts «« personnes seulement ont pris part au mouve­ « ment. » La Petite République francatse du 25:-- « En

« faisant les choses largement, nous ne croyons « pas que plus de deua mitle personnes se soient « dirigees vers le Père-Lachaise en passant par la « place de la Bastille. » La Justice du 25 (pago l, colonne 6, paragraphe

l]):- « Leur nombre (des personnes qui péné­ « trèrent dans le cimetière) est considérable. On « peut l'évaluer à trois mille au moins. » Le Télégraphe du 24 (page 1, colonne 1, para­

graphe 25): - « Il est venu au cimetièrt. environ « cinq mille personnes. » A cinq mille près, les feuilles bourgeoises sont

donc d'accord entre elles sur le chiffre des mani­ festants, comme elles sont d'accord avec la vérité à 25,000 près (l). Et dire que tous les autres détails de leurs récits

« scrupuleusement exacts » sont de la même exac­ titude !

60

Les mêmes journaux dont ont vient d'apprécier la véracité - mènent grand bruit de la demi-dou­ zaine de belges, suisses, roumains, et allemands arrêtés dans la manifestation (qui n'a pas eu lieu) et depuis expulsés

« La France républicaine ne saurait tolérer une parei1le immixtion dans ses affaires intérieures » esclament les mêmes bourgeois dont le patriotisme s'accommodait fort bien, en 1870, de la présence dans leurs rangs anti-plébiscitaires de l'italien Cernuschi et de ses deux cents mille francs.

D'aucuns ajoutent: qu'ont de commun les morts de la Commune avec les socialistes étrangers?

Mais quand ce ne serait - les plus imprudents des plumitifs - que les balles qui couchaient sur le même pav ensanglanté de Paris Dombrowski et Delescluze et les mitrailleuses du Père-Lachaise qui creusaient la même fosse commune aux derniers fedérés sans distinction de nationalité! Ne serait-ce pas suffisant pour expliquer les quelques s ma­ nifestants » non français mêlés aux« manifestants» français d'il y a dix jours? Il y a cependant autre chose - et vous n'êtes

pas sans le savoir. Vous n'êtes pas sons savoir que de même que pour les révolutionnaires du Tiers­ Etat il n'y avait plus, en 1789, de Provençaux, de Bretons, de Normands, etc, mais seulement des «Français», pour les révolutionnaires du Quatrième Etat il n'y a plus de l?rançais, de Russes, de Belges, etc. mais seulement des hommes, notre programme socialiste visant l'affrancnissement de tous les êtres humains sans plus de distinction de race que de sexe. Quoi d'étonnant, dès lors, que sur 35,000 mani­

festants et sur 30,000 curieux, la police de M. An­ drieux ait pu empoigner un suisse qui portait une couronne, un beJge qui portait un bouquet d'im­ mortelles, un autre belge, un italienet un roumain qui ne portaient rie, et un wurtembergeois - le fameux prussien de Cassel -- agé de l7, ans ot do­ micilié à ParJs depuis plusieurs années qui n'a pu, sans iutervenir, Jaisser le sabre nu d'un argousin s'abattre sur les tètes -- françaises de nos amis Fournière et Etuenne?

Ce serait le contraire qu.i aurait lieu de sur­ prendre. Est-ce que d'ailleurs, si, au lieu d'opérer place de

la Bastille, les agents d'Andrieux-P1étri opéraient place de la Bourse, entre midi et quatre heures, au fond de leur razzia il ne se trouverait pas une plus forte proportion d'étrangers? Est-ce que si la police de Mac-Mahon avait, lors

des obsèques provocatrices du Thiers, été chargée de « sauver l'ordre dans les conditions où l'a « sauvé » la police de M. Grevy. est-ce que P'élé­

(1) Yoir le supplément l'Egalité du 26 mai.

ment international n'aurait pas été aussi largement représenté le soir au Dèpôt?

Qua 1'on prenne la peine de rouvrir les journaux de l'époque et l'on verra si les couronnes ont man­ qué, tressées - et portées par des mains étran­ gères.

Mais il s'agissait de manifester sur le cercueil d'ua bourgeois, en i'honneur du bourgeoisisme mitrailleur, - et la loi de l84 contre les attrou­ pements cessait d'exister pour les étrangers, comme pour les nationaux, même pour les prussiens de Berlin. Les prussiens ensuite qui manifestaient alors

éta:ent :.;eux-1 i mêmes qui, le casque en tête et le fusil a aiguille à la main, nous «v ient suigne et pillé en 1870, pendant qae l'unique manifestant allemand du 23, le citoyen Grün, qui s'imaginaut qu'il I1'était pa:; pms besoin d'être naturalisé pour arrêter un sergent de ville en veine de meurtre que pour arrêter un cheval échappé, appartient à ce part socialiste d'au delà des Vosges qui a toujours protesté contre l'onnexion de l'Alt:ace-Lorraine. Ce qui achève d'explquer comment ce dernier,

pour • s'être immiscé dans nos affaires » a été in­ carcéré et expulsé, pendant que pour une immixtion analogue, les autres ont reçu les félicitations et les remerciements de nos got1vernants.

O patriotisme bourgeois, que tu es grand!

LA LUTTE DE CLASSES

La Commune de Paris fut une des plus écla­ tantes manifestations de la I utte de classes qui déchire la société capitaliste. La guerre Bismar­ ko-Bonapartiste, qui ruina à tout jamais la lé­ gende Napoléonniene, les trahisons et les infa­ mies républicaines du Gouvernement de la Dé­ fense nationale, qui attendent encore leurs ré­ compenses, les machinations machiavéliques de Thiers, qui voulait un prétexte pour saigner le Prolétariat, les craintes rèpublicaines de la classe ouvrière qu'épouvantait cette résurrection de fantômes monarchiques et de prétentions ru­ rales ne furent que les causes occasionnelles du mouvement, l'étincelle électrique qui fait sauter la mine chargée de dynamite. Si la révolution du 18 mars n'a pas eu, comme le soulèvement lyonnais de 1831, le caractère exclusif d'une lutte de classes-et c'est là l'éternel honneur de la :population ouvrière de Lyon, d'avoir la pre­ miere dans notre siècle, arboré le drapeau de la lutte prolétarienne: l'ivre en travaillant ou mourir en combattant,- cependant le mouve­ ment initié par le Comité central aurait, en se développant librement, éliminé les éléments bourgeois qu'il contenait pour ne conserver que les représentants des intérêts de la classe ou­ vrière, la seulo classe révolutionnaire de la France du xIx" siècle ; la seule classe qui se présente sur la soène historique avec nne cone ception nouvelle de la propriété, cette base d­ toute la superstructure religieuse, juridique et politique de la société. La possession des pou­ voirs de l'Etat par les representants du Proléta­ riat, conséquence fatale du mouvement commu­ naliste, fut dès Je début entrevue par Thiers et les députés de Versailles ; la féroce répre15sion, qui fit de Paris un immense abattoir, la peur qui affola et affole encore la Bourgeoisie, en sont les preuves. Le Conseil général de l'Asso­ ciation internationale des 'Travailleurs, le len­ demain de la défai1e de Ja Commune, dans son manifeste sur la Guerre ci'vile, au nom du Pro­ létariat des deux mondes, revendiqua la cause des vaincus La Bourgeoisie de tous les pays ca­ pitalistes, en mêlant ses insultes à celles des mas­ acreurs a hautement reconnu le caractère so­ cial de la lutte parisienne. Les radicaux bour­ geois ne la dépouilleront pas de ce grand carac­ tère historique. L'histoire humaine, n'est que l'histoire de la

lutte des classes. La lutte pour l'existence de Darwin, transporte du règne végétal et du rè­ gne animal dans le règne social, revêt la forme de la lutte de classes. Au siècle dernier, la Bour­ geoisie manllfacturière et financière, qui se constituait lentement et péniblement dès les

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L'ÉGALITÉ 3

xIr et xIv" siècles, renversait brusquement la société aristocratique qui entravait son dé­ veloppement ; au xrx° siècle, le Prolétariat ra­ pidement constitué depuis la fin du siècle der­ nier, s'agite et fait des soubresauts furibonds pour faire éclater la forme capitaliste de la so­ ciété. La Bourgeoisie en développant librement les

forces modernes de production a non seulement transformé les conditions sociales qui prési­ daient à son origine, mais a créé, dans le sein de la société capitaliste, l'armée prolétarienne qui doit violemment mettre fin à l'existence de la Bourgeoisie.

Les grands organismes de production ont sé­ paré toute la société en deux classes nettement distinctes : la classe des parasites propriétaires et la classe des producteurs expropriés. D'un côté les Schneider, les Pouyer-Quertier, les Rothschild, qui dans la production sociale ne jouent plus que le rôle de producteur de guano humain; de l'autre l'armée des producteurs, contenant dans son sein toutes les capacités ad­ ministratives et directrices que réclame la production moderne. L'élimination de la classe parasitaire n'est pas

devenue une nécessité historique de l'heure ac­ tuelle, parce que la Justice, l'Egalité, la Fra­ ternité et autres représentations métaphysiques du mouvement réel dans la tête humaine, l'exi­ gent ; mais parce quel'évolution de l'organisme industriel et de la masse prolétarienne l'impose impérieusement. La production sociale livrée à la direction de

la Bourgeoisie, est la proie de l'anarchie. La direction bourgeoise ne produit plus que le gas­ pillage des moyens de production et des pro­ duits et la misère des masses ouvrières. Dans toutes les industries, périodiquement, des

époques de production désordonnée sont sui­ vies par des chômages durant des trois et quatre mois. Les ouvriers naguère surmenés de tra­ vail, crèvent la faim parce qu'il n'y a plus de travail. Tous les dix ans, depuis 1825,éclatent ces crises industrielles qui détraquent la société toute entière, amènent les banqueroutes par milliers, précipitent les populations ouvrières dans les horreurs de la faim et finissent par un gaspillage épouvantable des moyens de pro­ duction et des produits. Les économistes mettent à l'enrnrs leur pauvre cervelle pour expliquer ces crises industrielles, et ils n'arrivent qu'à dire des bêtises. Ces crises prouvent d'une ma­ nière irréfutable la totale incapacité de la bour­ geoisie à diriger la production sociale moderne. La classe ouvrière est la martyre de l'inca­

pacité bourgeoise: c'est sur elle que pèse le tra­ vail social et c'est encore sur elle que s'abattent toutes les misères. 'Tous les ouvriers (hommes, femmes et enfants) ie la grande industrie sont incarcérés pendant 10 et 14 heures dans des pri­ sons industrielles et le travail le plus prolongé, le plus accablant, le plus avilissant, neleur assure qu'à peine le plus misérable minimum des moyens d'existence; périodiquement l'incapa­ cité bourgeoise les jette dans ces terribles chô­ mages, qui, s'ils leur donnent des loisirs, leur enlèvent aussi leur maigre pitance. Mats cet.te vie misérable et incertaine fait du Prolétariat la classe la pl us révolutionnaire que jamais société ait possédée dans son sein. Et cette misère et cette-incertitude sont des né­

cssités de la production capitaliste, qu'aucun changement politique et qu'aucune reforme sociale ne pourront atténuer d'une manière per­ manente tant que l'appropriation capitaliste des moyensd3productionetdes produits ne sera pas remplacée par l'appropriation collective. Les anciennes formes de production, escla­

vage servage, forme corporative, si elles enfer­ maient l'homme dans un cercle de fer plus ou moins étroit, lui garantissaient au moins direc­ tement ou indirectement jusqu'à un certain point ses moyens d'existence. Maisi'exploitation capitaliste ne peut avoir son plein jeu que, si le producteur torturé par la faim, lui est livré

sans autre espoir au monde que le salaire pour se procurer des moyens d'existence ; pour arri­ ver à ce but, il fallait affranchir le producteur des entraves serviles et corporatives, il fallait décréter la liberté humaine. Voyons à quel degré de misère et d'avilissement l'exploitation capi­ taliste a réduit Je producteur qu'elle venait d'af­ franchir au nom de la justice, <le l'égalité, de la dignité humaine. La page suivante est de Blan­ qui l'académicien et. a été publiée en 1848 : les faits qui y sont constatés sont les mêmes que ceux signalés par le Dr Villermé en 1835, et par dès rapports reçus en réponse à l'enquête ou­ vrière entreprise par la Revue socialiste:

, Cette population de parias (les ouvriers de Lille), semble vouée à des misères inconnues, même à l'état sauvage .... Les maisons forment une suite d'ilots séparés par des ruelles sombres et étroites, aboutissant à de petites cours (cot­ rettes) servant à la fois d'égouts et de dépôts d'immondices où règne une humidité constante en toute saison. Les fenêtres des habitations, les portes des caves (la population lilloise vit sous terre), s'ouvrent sur ces passages infects, au fond desquels une grille repose horizonta­ ment sur des puisards qui servent de latrines publiques nuit et jour. Les habiations de la communauté sont distribuées tout autour de ces foyers pestilentiels. Dans l'enceinte des cou­ retles une population étrange d'enfants étiolés et bossus, contrefaits, d'un aspect pàle et ter­ reux, se presse autour des visiteurs. La plu­ part de ces infortunés sont presque nus, el les mieux partagés sont couverts de haillons ..•. Le plus souvent ils couchent sur la terre nue, sur des débris de paille de colza, sur des fannes de pommes de terre desséchées, sur du sable, sur des débris péniblement. ramassés.

«Le gouffre cù ils végètent est complè­ tement dépourvu de meubles et ce n'est qu'aux plus fortunés qu'il est donné de posséder un poêle flamand, une chaise de bois et quelques ustensiles de ménage. « Je ne suis pas riche, moi, nous disait une vieille en nous montrant une voisine sur l'aire humide de la cave, mais j'ai ma botte de paille, Dieu merci. » A l'heure où nous écrivons. plus de 3,000 per­ sonnes vivent de cette horrible existence dans les caves de la ville de Lille, si justement re­ nommée par l'esprit charitable et chrétien de ses habitants ..Le DGossellet, médecin distin­ gué de Lille, disait que sur 21,000 enfants, il en est mort avant l'âge de cin 1 ans, 20,700 ..... RIEN N'A PU SAUVER LE DÉPARTEMENT DU NORD DU PAUPÉRISME QUI MINE TOUS LES PAYS OU LI TRAVAIL EST ORGANISÉ EN GRAND ATELIER, ni la richesse de son sol et 1a perfection de sa culture, ni la variété de ses industl'ies, ni les progrès merveilleux qu'elles ont fait en tout genre... »

Maintenant, tournons la page. « Apres la vi­ site des caves de la rue. des Etaques, de la cour de Ghâ, de la cour Sauvage, de la place aux Oignons ..... je parcourus la maison centrale de Loos, occupée par 18 ou 19 cents prisonniers des deux sexes. Quel contraste, quel air d'ai­ sance respiraient ces beaux lieux! On se serait cru dans un palais. Propreté exquise dans les couloirs, lits rangés en ordre dans les dortoirs, pourvus de bonnes couvertures, bien aérés, salles de ~·éunion bien éclairées, bien chauffées. Les détenus vêt.us d'uniformes neufs, chaussés d'excellents sabots doublés de bas de laine ... Rien ne mang uait à la cuisine et dans les ma• gasins, tous bien approvisionnés d'alimentc sains et servis avec une exactitude par­ faite (1). » Voilà la belle part de jouissances sociales que

l'exploitation capitaliste garantit aux produc­ teurs libres. Mais en ballottant le producteur du travail accablant, accouplé à la misère, au manque de travail et de moyens d'existence, en brisant la famille ouvrière par l'emploi dann la production sociale <le la femme et de l'enfant,

(A} Blanqui. Des Classes ouvrières en France pen­ dant année 1848.

l'exploitation capitaliste a dissous tous les ins­ tincts conservateurs et réactionnaires qui exis­ tent chez l'ouvrier de la petite industrie. Rien ne peut être plus incertain que la vie de l'ouvrier de la grande industrie, rien ne peut être plus misérable que sa vie; la vie dans la prison bour­ geoise, en comparaison de la vie de l'ouvrier. est devenu un eldorado; aussi, est-il toujours prêt à se lancer, tête perdue, dans toutes les aven­ tures pour si risquées qu'elles soient. Son cou• rage est à toute épreuve; la femme et l'enfant sont animés des mêmes ardeurs révolution· naires. Laissons encore la parole à Blanqui, l'académicien : « Les ouvriers lyonnais ne con­ goivent point qu'un peuple ne puisse pas faire tout ce qu'il lui plaît quand il est le plus fort. Toutes les solutions, selon eux, étaient dans la possession de la force et le droit du fusil était ie seul sacré à leurs yeux Il y a des gamins à Lyon, pour qui l'agitation est un besoin et la discorde un élément naturel. Le. courage qu'ils tiennent disponible au service de tous les mou­ vements qui ressemblent à la guerre, les a en­ tourés d'une auréole dans nos temps révolution­ naires. Là, comme ailleurs, ils avaient été toujours les premiers à marcher au feu, les der­ niers à retourner au travail. C'est la maladie de notre temps. » Las femmes de Paris ont prouvé sur les barricades et devant les feux de peloton qu'elles aussi avaient la a maladie de notre temps. Voilà les éléments de l'armée révolution­

naire moderne. L'habitude du travail en co m­ mnn, l'exploitation capitaliste qu'ils suppor­ tent en commun, l'égalité avilissante que la machine a établie entre les prolétaires, con­ courent à unifier la masse informe du Prolé­ tariat et à la rendre capable de mouvements d'ensemble.

C'est sur le terrain économique, par la. grève, que la lutte prolétarienne s'est d'abord affirmée. « Le grand rôle des grèves n'est pas tant de maintenir le salaire que de donner aux travail­ leurs conscience de leurs intérêts de classe. Dans une grève, toutes les belles phrases sur l'union du capital et du travail, sur les intérêts communs des patrons et des ouvriers, sont vio­ lemment déchirées; alors plus de paroles emmiel­ lées; mais des injures, des fusillades et des con­ damnations judiciaires; alors l'antagonisme des intérêts bourgeois et prolétaires, antagonisme qui ne disparaîtra qu'avec la transformation des modes de production capitaliste, s'affirme cyniquement. (1) » Mais les grèves resteront infécondes tant qu'elles resteront limitées à une localité et à une industrie; ce n'est que lorsqu'elles prendront un caractère général et souléveront toute la masse . ouvrière du pays, qu'elles amèneront des résultats positifs. Ce ne sera plus alors pour une élevation de salaire et une réduction des heures de travail que la population ouvrière luttera, mais pour régler par la force de l'Etat les différends économi­ ques entre salariants et salariés. C'est dans l'action politique que la classe ouvri6re trou­ vera le moyen de résoudre les antagonismes sociaux. Et les bourgeois ne Je savent que trop. Jusqu'ici, aucune révolution, la révolution

lyonnaise de 1831 excepté, n'a eu un caractère exclusivement ouvrier Le peuple a toujours jouéle rôlededupe, attrapant les coups de fusil, nettoyant les places pour les hommes de l'op­ position, qui, une fois en place, reprenaient la tradition et les canardaient républicainement. Toute la politique des libéraux a été d'écarter la classe ouvrière de toute action politique; - est-ce qu'aprè;; la proclamation des Droits de l'homme, disaient-ils, il existe des distinctions de classes? est-ce que tous les hommes ne sont pas égaux ? est-ce que les Pelletan, les Simon, les Floquet, les Ollivier, les Gambetta, les Clémenceau, ne sont pas capables de représen­

(1) Revolution française 3 juin 1879 - La grève de mineurs de Durham, P. Lafargue.

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4. L'EGALITE

ter mieux que des ouvriers les intérêts de la Liberté, de la Justice et autres fariboles, en se nippant au pouvoir? Quand, pressé par les circonstances, le clan des libéraux était obligé d'admettre un ouvrier, c'était un corrompu, un traître à sa classe, un Tolain, un Nadaud, un Corbon qu'il choisissait (1) Nous sommes loin de ces temps naïfs. Nous

sommes en République ; nous avons au pou­ voir des lieutenants de M. Gambetta, et nous avons des charges de cavalerie à Roubaix, Ar­ mentières, tout comme du temps du «Perroquet mélancolique », et toute la presse républicaine qui sait si bien dégoiser sur les principes éter­ nels d'être frappée de paralysie linguale. Les intérêts économiques de la classe ouvrière no peuvent être représentés que par la classe ouvrière constituée en parti politique. La cons­ titution du parti socialiste allemand et son action sur la scène politique a été décisive pour les mouvements ouvriers des autres nations. La lutte politique a été reconnue comme le meil-. leur moyen d'organiser la classe ouvrière et de la préparer pour la révolution sociale. Le Prolét:-..riat français est une classe mieux

constituée que ne l'était la Bourgeoisie au siècle dernier (Voir Egalité du 18 mars. - Constitution du Prolétariat). Il a affirmé son existence et sa puissance de lutte sur le terrain économique, par ses grèves qui, en ce moment, embrassent plusieurs départements. Leur nom­ bre et leur étendue ont fait croire aux Bour­ geois qu'elles étaient dirigées et contrôlées par une organisation mystérieuse. Elles ne sont qu'une manifestation spontanée de l'antago­ nisme qui travaille la société française. Le Pro­ létariat s'est affirmé sur le terrain politique par la Commune de Paris, par la Révolution lyonnaise. Toutes les révolutions de ce siècle ont été

faites par le peuple au profit de la Bourgeoisie. La Commune triomphante eût été faite par le peuple et pour le peuple. Et cependant, le len­ demain de la victoire du Comité central, la classe ouvrière était ù chercher quels seraient ses représentants et quelles seraient les mesures révolutionnaires qu'ils devaient prendre. La Révolution sociale que doit accomplir le Prolé­ tariat de notre siècle: l'appropriation nationale des moyens de production. sera aussi grande que celle accomplie au siècle dernier par la Bourgeoisie. Nous ne l'accomplirons pas en restant los bras croisés à attendre l'heure su­ prême de l'action. La période de tranquillité et de liberté relative que nous traversons doit êtro mise à profit par les socialistes révolution­ naires. Il faut que pendant ce temps ils agitent et organisent la classe ouvrière; il faut que cette nécessité de l'expropriation générale des capi­ talistes financiers et industriels s'empare de toutes les têtes de la classe ouvrière; il faut que par la lutte quotidienne, par la lutte munici­ pale, inaugurée si brillamment par le parti ou­ vrier de Marseille, par la lutte législative les socialistes révolutionnaires préparent les hommes qui doivent initier la grande Révolu­ tion de notre siècle laquelle, en abolissantlado­ mination do classe, abolira les antagonismes sociaux.

Nous avons reçu de différents points de la France et de l'étranger de chaudes adresses d'a­ dhésion à la manifestation commémorative du 23 mai et des protestations contre les agissements policiers de la République Grévy-Andrieux.

Notons, entr'autres, les protestations et adresses d?Alais, de Cette de Beziers, de Saint-Etienne, de Grenoble, de Marseille, d'Ailly-sur-Somme, de Liège, etc., couvertes de plusieurs centaines de signatures.

(t) Ou prête à. M. Gambetta l'intention de mettre en avant des candidatures ouvrières. Nous savons d'avanoe de quelle pàto seront pétris les principes de cos candidats

CORRESPONDANCES ÉTRANGÈRES A INGLITER RI

Londres, 28 mai 0. On exagère beaucoup en France l'estime dont

M. Gambetta jouit à l'extérieur. Sa réputation d'homme d'Etat et de fin génois déjà très contestée en Angleterre depuis son ascension à la présidence de la Chambre s'amoindrit de jour en jour. On estime peu ici le rôle effacé qu'il s'est donné pour éviter les responsabilités, et aujourd'hui, on ne voit plus guère en M. Gambetta qu'un pion rageur et désagréable jouant au croquemitaine pour se faire obéir des cinq ou six collégiens plus ou moins terribles qui composent l'assemblée.

On s'est montré surpris que l'Of ficiel de la ré­ pablique Grévy, Gambetta, Andrieux et compagnie n'ait pas eu le bon esprit de garder le silence rela­ tivement à la manifestation du 23 mai. Loin de l'empêcher, ont dit certains journaux anglais, notre gouvernement y aurait envoyé de la police pour la protéger. A Londres, le lundi de la Pentecôte, grand jour

de fête décrété par la Parlement, il y a eu trois grandes manifestations dans Hyde-Park. Les manifestants se sont promenés dans les rues au milieu de foules en fête, ils portaient des bannières de toutes les couleurs. Plus de 100.000 personnes se trouvèrent réunis dans Hyde-Park, les discours les plus violents et les plus contradictoires y furent prononcés; le gouvernement y fut rudement criti­ qué, la religon et Dieu n'y furent pas épargnés ; à peine voyait-on quelques policemen, et cepen­ dant l'ordre ne fut pas troublé un seul instant., A Ham-ill il y eut un grand meeting de labou­

reurs sous la présidence de M. Arch. De rudes vé­ rités furent dites aux grands propriétaires du sol, et Je système de la propriété individuelle fut parti­ culièrement attaqué. La police se garda bien d'in­ tervenir. En Irlande il y eut plusieurs meetings de fer­

miers exaspérés et de travailleurs affamés. Ces der­ niers se rendirent en masse aux maisons de cha­ rité portant des drapeaux sur lesquels étaient écrits : Du pain ou du travail! On ne leur donna ni l'un ni l'autre, il est vrai. mais on leur fît des promesses et la poiice ne les chargea pas.

Nous ne savons pas si ce système parlementaire conduira bientôt le peuple anglais à son affran­ chissement, nous en doutons ; mais ce que nous affirmons c'est que le système Grévy, Gambetta, Andr1eux et compagnie conduit la république à sa perte. Puissent tous les bourgeois disparaître avec! Autre incident qui donne ici une triste op1pion

de la meute Gambettiste qui se dispute les emplois avec la fièvre de gens pressés de vivre, sachant que leurs jours sont comptés. Nous avons vu, il y a à peine une semaine, tout

le bruit fait autour de la nomination de M. Léon Say comme ambassadeur de France en Angleterre. Ce n'était que des cris de joie et félicitations à l'a­ dresse de la République française. Ce choix, disait­ on, était un signe du temps ! Il allait sceller à tout jamais l'alliance de deux grandes puissances si bien faites pour s'entendre! Les gens de bourse, les po­ litiqueurs et les industriels avaient fait du nouvel ambassadeur le messie tant attendu, et l'on chan­ tait ses louanges dans tous les recoins du paradis des docks Sainte-Catherine, devenus enfin la terre promise du commerce du monde. Aujourd'hui tout est fini! M. Léon Say s'est à

peu près perdu dans les brouillards de la Tamise. Heureusement pourluique le voilà président duSé­ nat.Il n'avait pas assez de tempérament pour résister à deux entrevues avec M. Gladstone: la première l'a époumoné, la seconde l'a achevé. Nous disions dans notre dernière correspondance que nous ne savions ce qu'il resterait avant peu de M. Léon Say, mais nous nous ·en doutons. Aujourd'hui nous le savons. Il reste une nouvelle créature de M. Gambetta sur le carreau ..• A bientôt le tour du patron! Le cas de M. Bradlaugh, le député républicain,

socialiste et athée, de Northampton, refusant de prêter le serment ordinaire à Dieu et à la reine, n'a pas encore été résolu. On croit en général que si M. Bradlaugh ne fait pas quelques concessions, il n'entrera pas au parlement. D'autre part on affirme qué les électeurs de Northampton qui connais­ saient les opinions de leur élu sont décidés à ne pas céder au gouvernement. En somme, le cas de M. Bradlaugh est sur le point de devenir une ques­ tion nationale. La religion s'y mêlant, il n'est pas difficile de prédire que 1a lutte sera chaude.

Vendredi dernier un grand banquet auquel as­ sistait plus de 300 personnes a été offert à M. Brad­ laugh. Du reste on n'est occupé en ce moment qu'à banqueter. Les électeurs et leurs élus veulent tous casser la croûte ensemble. Un jour c'est M. Cham­ berlain, le candidat républicain, un autre c'est M. Braudhurst, le candidat ouvrier, qui trinque avec ses électeurs. On prétend que ces aimables ripailles électorales font aller le commerce, et ce­ pendant les ouvriers manquent ici et là de travail et de pain. Les représentants de l'Irlande, les Home-ru­

lers ont ouvert le feu. Après le discours de la reine l'un d'eux a proposé un amendement au sujet du gouvernement de l'Irlande. L'amendement a été repoussé à la majorité, sauf les voix des 47 Home-rulers.

C'en est fait, la guerre parlementaire est déclarée entre les députés de l'Irlande et le parlement. Travail et capital. - Liverpool. Travailleurs,

commentez ce qui suit et dites-vous bien que·les dirigeants et les exploiteurs sont les mêmes dans tous les pays. Les employés des compagnies de chemins de fer de Liverpool ont tenu un grand meeting pour examiner la question des heures de travail. En 1878 les heures de travail ont été elevées de 57 à 60 heures par semaine. Les serfs de ces richissimes compagnies ne veulent plus travailler que 7 heures par semaine. C'est encore 57 fois plus que les actionnaires et autres parasites. Un employé, M. Horner, a fait remarquer que la 1apa­ cité des exploiteurs ne s'arrêtait pas la. La com­ pagnie, a-t-il dit, a diminué les salaires de certains de nous qui l'enrichissons depuis 20, 22 et 24 ans: on nous a réduit de 24 sh. par semaine à 18. Quel­ ques autres employés qui sont ici depuis 30 ans ont été diminués de 26 sh. à 1211! Encore à Liverpool, les matelots et les hommes

du port ayant demandé une augmentation de l0 sh. par mois pour les uns, et de 15 pour les au­ tres et se l'étant vu refuser ont décdé de se mettre en grève. Somersetshire. - Les ouvriers et ouvrièrès des

manufactures de bottes et de souliers, au nom­ bre de 1,200, en grève depuis une quinzaine, ont demandé à leurs patrons de soumettre leur différend à des arbitres nommés de part et d'autre. On attend la réponse de ces majestés capitalistes. Blackburn. - La grève de 30,000 filateurs et

tisserands, y compris des femmes et des enfants, serfs des deux sexes et de tous les âges, touche dit­ on à sa fin. Mais la guerre sociale commence 1

BELGIQUE Verviers, 24 mai 1880.

Le Mirabeau ne paraît plus depuis quinze jours. Nous avons dû cesser sa publication (qui datait déjà de treize ans) momentanement afin de répa­ rer nos finances. Sitôt que nous serons à couvert, nous aviserons à créer un autre organe, avec des éléments nouveaux. Il est de toute nécessité que les ouvriers du bassin de la Vesdre possèdent un organe socialiste. Les grèves du Nord de la France font affluer

les commandes à Verviers et les environs, à cette époque de l'année, où les marchands et les com­ missionnaires en draperie font leurs expéditions, il est de toute impossibilité qu'en s'adressant à Reims et à Roubaix ils puissent être à même de.four­ nir à temps. Espérons que la solidarité des ouvriers belges viendra en aide aux ouvriers français. Si ces derniers en revendiquant leurs droits, nous procurent du travail, il va de soi que nous devons agir pour le triomphe de leur cause qui est la nôtre et leur venir en aide par tous les moyens possibles. Le mouvement pour le suffrage univer­ sel prend chaque jour plus d'extension et est appuyé par la petite presse; la grande presse n'a pas le temps de s'en occuper; la question catho­ lique et lilérale avant tout. Un bon libéral doit a.évorer au moins un curé par jour, quitte à se confesser et communier après. Trois journaux so­ cialistes cofüctivistes sont pour le suffrage uni­ versel par voie de pétitionnement.

Ce sont : le. Voix de l'ouvrier organe de langue française para.issant à Bruxelles, le Volksil et le Werker en langue flamande l'un paraissant à Gand, l'autre à Anvers. Un autre journal qui est à son septième numéro, « les Droits du Peuple » - préconise aussi le suffrage universel, mais n'accepte pas '.e pétitionnement comme moyen de l'obtenir. Il vut créer l'Etat dans l'Etat, c'est-M dire qu'en mêne temps que la Chambre des repré. sentants de la lasse censitaire discuterait les lois

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L'ÉGALITE 5

qui doivent régir le pays, une autre Chambre composée de délégués nommés par le suffrage universel siégerait en même temps et discuterait les intérêts de pays, non pas au profit de la classe bourgeoise, mais au point de vue socialiste. Cette idée qui a déjà été mise à l'ordre du jour, il y a quelques années dans les meetings, défendue par le journal la Liberté, et propagée dans toute la Belgique par ses rédacteurs et les membres de l'Internationale sous. le nom de Représentation du travail, avait rencontré beaucoup de sympa­ thies dans la classe ouvrière. Mais toute pra­ tique que cette idée paraisse, elle ne produisit alors aucun résultat. Le journal les Droits du Peuple se déclare aussi

pour le mandat impératif, mais je crois que ceci est une affaire à traiter entre les electeurs et leurs représentants. Bruxelles, Anvers et Gand sont les villes où le mouvement est le plus intense. Il est probable que d'ici à peu de temps une

entente sera survenue entre les différents groupes socialistes concernant la marche à! suivre, les pro­ pagandistes doiveut faire tout leur possible pour y arriver. ' Il faut à certains moments avoir le courage de

sacrifier ses opinions personnelles pour ne point semer la division dans nos rangs déjà si amoindris par les haines et les rivalités. C'est je crois ce que sauront faire les deux partis en présence. Il y a de l'honnêteté et de la bonne foi dans les deux camps et, à tout prix, il nous faut rester unis de­ vant notre ennemi commun la bourgeoisie. - La voia; de l'ouvrier et les Droits du Peuple sont à présent les deux seuls organes socialistes de langue française en Belgique, ils ont tous deux leur raison d'être, qu'ils se tendent la main, c'est ls désir des vrais socialistes.

Les ouvriers borams, commencent à se grouper avec un ensemble admirable, nous aurons sous peu la Fédération belge des ouvriers mineurs, espérons qu'alors, messieurs les actionnaires ne pourront plus se tailler des dividendes dans leur peau.

En attendant l'apparLtion d'un nouvel organe socialiste il Verviers, le conseil tédéral de la vallée de la Vesdre a résolu de faire un Bulletin mensuel qui servirait de lien entre les groupes constitués. G'est là une bonne idée. ·

P. F.

D A INEDMA R CM Copenhague, 24[5 1880.

A cause de leur position éloignée les pays scau­ dinaves ne prennent pas une part aussi active qu'on pourrait le désirer au mouvement so­ cial. Cependant l'air de la liberté y envoie aussi parfois son souffle vivifiant pour rappeler aux ouvriers qu'ils sont des hommes et non des ma­ chines. Ainsi dans tous les trois pays scandina­ ves les amis du progrès ont eu l'occasion d'obser­ ver pendant la dernière anée un esprit révolu­ tionnaire, qui s'est manifesté par des grèves réité. rées et qui dernièrement, en Norvège, a occasionné des démonstrations sérieuses dans les environs de Kristiania.

Les grévistes norvégiens en question sont des briquetiers, et leur nombre monte à plusieurs cen­ taines. Ils demandent une augmentation de salaire de 20 pour cent. Plusieurs des fabricants étaient portés à leur accorder leur demande, mais un des plus riches patrons, un vampire nommé Schibbye, s'y opposait énergiquement. Les ouvriers irrités avec raison de sa cruauté firent donc le 19 de mai des démonstrations devant sa maison de campagne, située non loin de Kristiania. Les démonstrations ce jour-là, avaient un caractère paisible, mais comme elles ne donnaient pas de résultats, les ou­ vriers les ont répétées les jours suivants sur t.ne plus grande échelle. 400 hommes avec des femres et des enfants se rendirent devant l'habitation de M. Schibbye. Arrivés là ils envoyèrent une dépt.ta­ tion de quatre personnes pour traiter avec le patron. Mais ce bourgeois, aussi lâche qu'infâme, refusait de traiter avecles ouvriers et envoyait chercher le bailli et le sergent de baillage. Cette conduite vile et misérable irrita, comme on le pense, les ouvriers à un tel degré, qu'ils commencèrent à démolir l'ha­ bitation, en y jetant des pierres et de grandes piè­ ces de bois. Le bailli et le sergent durent se retirer, le dernier après avoir été blessé par une pierre. Toute la maison étant cernée par les ouvriers,

le bourgeois voyait déjà s'approcher le momnt où il faudrait céder ou mourir, lorsque heureus3ment pour lui, un de ses laquais-laquais de ceur aussi bien que de profession-eut l'idee de se déguser en ouror pour pouvoir de la sorte se meler a l foule

et s'échapper de là pour chercher des renforts. Sa ruse réussit, mais avant l'arrivée des troupes,on eut le temps de briser u.ne grande quantité d'objets de luxe que le patron devait à la sueur de ses mal­ heureux ouvriers. Des tables, des plantes exotiques et d'autres objets précieux, qui embellissaient son jardin furent mis en pièces par la foule furieuse qui ne fut dispersée, qu'après une résistance hé­ roique,par les troupes qu'on avait envoyé chercher.

Le jour suivant les ouvriers retournèrent à leur champ de bataille,en dépit des soldats,qu'on y avait postés, et quoique sans armes, ils ont réussi à bles­ ser un dizaine de soldats àcoups de pierre. Hon­ neur à ces hommes, champions de,leur classe, quoi­ qu'il soit à craindre que les autorités arrivent à sai­ sir les chefs de «l'émeute», leur conduite vaillante aura jeté dans les cœurs de leurs frères une se­ mence qu les tyrans ne pourront empêcher de ger­ ni par ruse ni par force. Les charpentiers de Copenhague commencèrent

il y a un mois une grève qui jusqu'ici a eu des résultats excellents. Il s'agissait de forcer les pa­ trons à accepter un ancien tarif, que dans les der­ nières mauvaises années ils avaient annullé. Pres que tous les fabricants ont accordé les demandes des ouvriers. Le résultat heureux de la grève est dû en grande partie aux efforts énergiques du ci­ toyen Andersen, nomme d'un grand mérite. Char­ pentier de son métrer, il a pendant out l'hiver usé de son influence et de son talent oratoire pour préparer la grève qui fût définitivement résolue au commencementd'avril.En même Lemps on commen­ çait une souscription pour les grévistes qui réussit si bien, qu'au moment où le travail fut interrompu, il y avaut plusieurs milliers de francs dans la caisse pour les soutenir. Le salaure des charpentiers est, par cette grève augmenté d'environ 33 pour cent. J.L.

HONGRIE Srombathely, ls 25 mai 1880,

Hnfin nous avons pu tenir notre Congrès! Notre intention était de nous réunir coûte que coûte, et si l'assemblée des délégués n'avait pu se tenir publiquement nous l'aurions réunie secrètement. L'autorité n'a pas osé interdire le Congrès socia­

liste, mais elle a rigoureusement prohibé toute dis­ cussion politique. Tisza, le rénégat Tisza, est un jésuite de première

force. 11 n'a pas osé défendre le Congrès, mais il s'est arrangé de façon à ce qu'aucune des questions importantes ne puissent être abordées et résolues. Ce Bismarck au petit pied, ancien tigre radical, transformé en agneau de la cour impérial, a cru, en agissant ainsi, se concilier à la fois la faveur du gouvernement autrichien et la popularité qu'il croit posséder en Hongrie. Il n'a pas réussi, nous allons le voir. Le chef de la police Theisz était chargé de sur­

veiller les débats. L'ordre dujour se trouvait singulièrement écourté.

Le premier article portant « approuriation collec­ tive des terres par l'Etat» n'a pu être discuté. Il en a été de même de l'article concernant « le rachat des chemins de fer et de toutes les voies de èommu­ nication » -- il est à remorquer cependant que cette question n'avait rien de subversif, puisque le gou vernement procède en ce moment même à l'expro­ priation de toutes les compagnie de chemin de fer. Les questions du suffrage universel, de dette publique, des impôts, etc., n'ont pu également étre traitées. Nous n'avons eu donc à nous occuper que de plus

sieurs questions d'ordre secondaire. Ma1s pour ne pas mettre sous le boisseau les questions capitales de principe, il a été décidé, par un vote unanims et sans discussion, que les principes inscrits dans l'ordre du jour sont ceux du Congrès. Le programme collectiviste a donc en somme été adopté par le Congrès des ouvriers socialistes de Hongrie, et il sera porté à la connaissance du public dans un manifeste qui va paraître sous peu de jours. Il est inutile de reproduire ce programme dans

cette courte correspondance. Il suffit de vous dire qu'il est presque identique au programme du Con­ grès de Gotha, et au vôtre, à ce que je crois. J'attribue une grande importance au proje d'or­

ganisation des travailleurs, qui a pu être discu è et adopté. Les deux fractions socialistes qui exis­ taient autrefois ont décidé de s'unir, t de ne plu s faire qu'un seul corps contre l'enn ai com un. Quelques concessions mutuelles ont dd être fautes, et aujourd'hui le parti socialiste est solidement constitué et va se développer vigoureusement. Il serait à souhaiter qu'une pareille union pdt s'ac­

complir dans tous les pays où l'on a levé l'te­ dard de la révolte contre la bourgeoisie; personnel­ lementje suis très heureux et très contentque nous ayons pu arrivera un aussu important resultatdans notre vaillante Hongrie, où comme ailleurs, hélas! régnaient tant de rivalités et de dissensions.

Cent soixante localités avaient envoyé des délé­ gués effectifs au Congrès de Pesth. Trois séances ont été tenues successivement sous la présidence des citoyensCsillag, Csorba et Pollitzer. Un grand accord n'a cessé de régner pendant tous le cours des débats. Presque toute la presse, même la presse la plus· acharnée contre le prolétariat, a rendu hommage au calme, à la dignité et à la solennité avec lesquels ont été tenues ces assises socialistes qu'un journal comparait à un véritable Parlement ouvrier. Seule, l'Ellenor, rédigée par l'abject Cser­ nalonyi, ce « reptile » à la solde de Tisza, tel valet tel maître, a essayé de jeter la déconsidération et le mépris sur notre grund Congrès.

Ge serart le moment de rappeler à ce M. Cserna­ lonyi quelques incidents survenus pendunL son sé­ jour à Paris, tels que certaine giffle administrée par le feu comte Teleski, qui l'accusait d'abus de confiance, expulsion du cercle de l'émigration hou­ groise, etc., et une foule d'autres petites aventures qui ne sont que des pécadilles pour ces dignes souteneurs de la famille-qu'ils savent si bien dés­ honorer- et de la propriété- qu'ils savent si bie s'attribuer.

Mais le mépris public a déjà fait justice de l'odieuse conduite de l'Elténor et de l'infamie no - toire de son rédacteur. Je vous enverrai prochainement le manifeste du

parti. S. P.

ITALIE. Milan, 28 mai.

Le premier numéro de la Rivisla internazionale del socialismo vient de paraître avec des articles de Andrea-Costa, Castellazzo, Borde, Gnocchi- Viani, Dragomanow, Malon, etc. L'article de Costa, surtout, appelle l'attent10n par

l'heureuse évolution qu'il accuse dans les cerveaux les plus révolutionnaires de la péninsule.

Vous pourrez en juger par les passages suivants : « Nous voulons, autant que possible, ne pas

tomber dans l'absolu. L'insurrection à tout prix nous parait aussi absurbe que la légalité à tout· prix. Et nous avons pour nous les socialistes allemands eux-mêmes qui, il n'y a que quelques mois encore, ne voulaient pas entendre parler de soulèvement et de révolution et qui, aujourd'hui, instruits par l'expérience, sentent la nécessité de transformer leur organisation pacifique en ·orga­ nisation de guerre,en même temps que, par le moyen des élections politiques, ils combattent le gouvernement sur son propre terrain, et, malgré les lois d'exception, en triomphent par endroit. Les socialistes français en font autant: d'une part ils posent les candidatures soit de Blanqui, soit du forçat Trinquet, d'autres part ils reconnaissent qu'un gouvernement basé sur la force ne peut être renversé que par la force, et loin de croire que le vote puisse tenir lieu du fusil, ils croient que le vote doit être appuyé par le fusil.

« Mais il y en a, nous le reconnaissons, qui ne pensent pas comme nous; il y en a qui pensent que nous devons, avant tout, sinon exclusivement, être conspirateurs à tout moment et nous tenir prêts à engager la lutte d'un jour à l'autre; il y en a, au contraire qui pensent qu'il suffit de hâter la transfor­ mation qui va s'opérantd'elle-même dans la société surs qu'elle conduit inévitablement à une trans formation économique. Et aux uns et aux autres nous disons: s'il y a du vrai dans ce que vous affirmez ( ce qui n'est pas contestaLle), marchons donc d'accord, puisque nous voulons employer, selon l'occurrence, tantôt l'une, tantôt l'autre de ces méthodes, sans nous inféoder exclusivement à l'une ou à l'autre.

« Accumuler les éléments de la tempête, et ne pas vouloir qu'elle éclate, ne nous paraît pas seu­ lement absurde, mais un véritable jeu d'enfant; vouloir à tout instant courir aux armes et s'imagi­ ner qu'il n'y a qu'à marcher pour que le peuple se lève ou au mons seconde le mouvement, l'ecpé­ rience nous la démontré, n'est pas moins absurde. L légalité à tout pria conduit à émasculation sociale, l'insurrection d tout pria ne conduit souvenl qu'a triomphe de ses adversaires, lorsqu'elle se produit réellement; et elle discrédite qui la prêche lorsque les paroles ne sont pas suivies d'actes.... »

« Une chose est la logique, autre chose est la vie... »

Page 6: au 69 pluie tarie! · 2021. 6. 1. · crayon, qui figure également en tête des re vendications radicales, a pu être violée à notre ... ans, en plein état de siège,c'est-à-dire

6 L'ÉGALITE

« Ne croyez-vous pas qu'une agitation populaife qui se proposerait pour objet l'abolit.ion de l'ammt>­ nizione (surveillance de la haute police par voie administrative) de l'internement et de tout régime d'exception, ne croyez-vous pas qu'elle nous serait d'un puissant secours. Ne me dites pas que la Révolution sociale donnera tout à la fois. Certaine­ ment qu'elle le donnera, mais quand? Et com­ ment la hâterons-nous. cette révolution, Ri nous avons les mains liées? La Révolution sociale invo­ quée 11 chaque instant, ne ressemble que trop au paradis, dont nous ne jouirons qu'après la mort ... En attendant.si l'ammonizione et l'internement ne nous prenaient plus à la gorge nos forces redouble­ raient; quantité des nôtres, obligés à ne pas bouger ou à s'exiler, vivraient au milieu de nous et pous­ seraient les choses en avant... nous soutiendrons donc de notre mieux et nous provoquerons au be­ soin l'abolition de l'ammonizione, de l'internement et de tout régime d'exception.

« Mais poursuivons: « Et la pleine liberté de la presse, de réunion et

d'association, est-ce qu'elle ne favoriserait pas le socialisme ?

« Et la fixation d'une journée normale de tra­ vail, l'introduction de certains règlements dans les ateliers, l'abolition du travail des enfants, la recon­ naissance du droit de coalition et de grève, est-ce <rue vous croyez que tout cela ne serait pas bien accueilli par les ouvriers et n'amènerait pas au 0­ cialisme des milliers et des milliers de persones, qui aujourd'hui ne savent même pas ce que c'et ?

« Croyez-vous enfiu que si dans le Parlement même, quelqu'un se dressait, formidable, pour rap­ peler à la pudeur ces dirigeants qui offrent un spec­ tacle tous les jours plus répugnants et les démas­ qvâtà la face du peuple et. plantât d'une main ferme le drapeau rouge de la Révolution dans la fortee resse de nos adversaires, croyez-vous, dis je, que ses paroles n'auraient pas un écho dans le ceurd­ tout opprimé, qu'elles n'ouvriraient pas les yeux à des milliers d'exploités auxquels notre voix n'ar­ rive pas, et qu'elles ne hàteraient pas la décompo­ sition finole de cet organisme déjà à moitié mort qui nous gouverne...

« Et si Je suffrage universel pouvait nous con­ duire ux résultats suivants -- à l'abolition du ser­ ment politique - à introduire les nôtres au Ceur de l'ennemi - à précipiter la décadence des for­ mes politiques qui nous régissent - à ébranler le peuple - à le tirer de la torpeur où il gît. - Oh! pourquoi devrions-nous voir d'un mauvais cil l'in­ troduction du suffrage universel, pourquoi, au be­ soin, ne devrions-nous pas la provoquer? - Ah 1 les députés socialistes ne font pas peur? Pourquoi alors le prince de Bismarck s'est-il allié à ses enne mis politiques acharnés - les prêtres - pour leur fermer le Parlement? »

Cet article-manifeste, qu'il faudrait citer tout entier, est un véritable evènement.

Les porteurs de parts du journal 'EGALITÉ, sont convoqués pour le mercredi 9 courant à 8 heures et demie du soir, salle Hébert, rue du Cardinal-Lemoine, 83 (Place Lacépède).

Ordre du jour : 1 ° Reconstitution du Comité de contrôle ; 2· Communications importantes. N.-B. - On ne sera reçu que sr la présen­

tation de sa ou de ses parts de propriété. ..

MOUVEMENT SOCIAL FR A NUI

Paris.-- L'affaire Barbaret contre notre confrère le Prolétaire, après plusieurs remisesà quinzaine ou à huitaine, a été jugée au fond vendredi dernier.

M Lenoèl-Zevort, avocat du Prolétaire a fait justice des calomnies lancées à la préctdente au­ dience contre le citoyen Paulard. Il lui a suffi pour cela de lire en entier le texte du jugement rendu dans l'affaire de la rue Sedaine, de ce jugement dans lequel il est dit que la société de la rue Sedaine avait un but essentiellement républi­ cain et socialiste. M Lenoél-Zevort a enfin prouvé que les procès-verbaux relatifs à cette affaire avaient élé dénaturés par Me Leven.

M" Lenoél a retracé ensuite les principales phases de la vie politique du chef du bureau des sociétés professionnelles. Il a montré M. Barberet

mêlé à toutes les luttes du parti révolutionnaire et se tirant toujours d'affaire, on ne sait par quels heureux hasards, alors que tant d'autres, et moins compromis, n'en avaient été quittes qu avec la pr1­ son, la déportation ou le bagne. Mais cette immu­ nilé persistante a fini par émouvoir les socialistes militants. Me Lenoél a enfin produit deux lettres photo­

graphiées, l'une de M. Barperet, l'autre de M Jules Ferry. Ces lettres établissent que M. Barberet, alors chef du 79 bataillon « après avoir consulté affirmativement» au 3l octobre les hommes de ce bataillon, n'avait fait qu'un service d'ordre, quand il pouuait faire autre chose. M. Ferry dans sa lettre au colonel du régiment

auquel appartenait le 79e, déclare qu'il interviendra auprès de ses collègues pour annuler l'arrêt de révocation du chef de ce bataillon. Et M. Barberet fut réintégré !.. . A la lecture de ces pièces qu'il croyait sans doute

disparues à tout jamais, M. Barberet faisait une bien piteuse mine. Le jugement a été rendu le lendemain, samedi.

Le Prolétaire a é'é condamné à 300 francs de do­ mages intérêts, à 300 francs d'amende et à l'inser­ tion du jugement dans ses colonnes.

Me Barberct, lui. avait estimé que l'atteinte portée à son honneur exigeait une réparation de ,000 francs. Ce tribunal a jugé que cela ne valait pas si cher. - M. le chef du bureau des sociétés professiounelles est-il content ?.. -Nos amis lesciloye::s Bazin.Fournière,Etienne

Ardouin, Colliot, et. qui arrêtés le 23 mai pa; les agents de M Andrieux-Piétri, n'avaient pu aller aveé les autres m ifestants jusqu'à la fosse commune du Pare-Lachaise, ont voulu après leur liortie du Oépôt, accomplir leur devoir. Dimanche dernier. 30 mai, ces citoyens se sont

rendu-s atr Père-Lachaise et ot appendu au mur de Charonne la couronne de la Chambrée fra­ ternelle de Narbonne.

Bravo à nos amis. -Vendredidernier,28mai,uneréunion-conférence

organisée en commémoration de la semaine san­ glante, aététenue salle Graffard, boulevard de Mé­ nilmontant. Le citoyen Deynaud, qui a le premier pris la

parole, a revendiqué pour chaque membre de l'es­ pèce humaine le droit au bien-être, au développe­ ment complet de toutes ses facultès. Après avoir démontré que les vices de l'organisme social actuel avaient pour causes, la concentration de tous les capitauxetde tous les instruments de travail entre les mains d'une caste, il a indiqué que la seule solution de la question sociale, résidait dans la so­ cialisation de tous ces instruments de travail et de tous ces capitaux. En terminant, il a fait un vigou­ reux réquisitoire contre les radicaux qui ne sd tien­ nent à l'avant-garde des partis politiciens que pour y récolter honneurs et. profits. La citoyenne Lemelle, a raconté dans des ter­

mes très simples et cependant très émouvants, les luttes de la Commune contre le gouvernemi>nt bourgeois de Versailles. Elle a démontré que la Ré­ volul1on du )8 mars 1871, bien loin d'être u mou­ vement purement politique, avat un caractère franchement socialiste et qu'elle était une étape de celte Révolution sociale qui, dans l'avenir, affran­ chira en môme temps que le Prolétariat toute­ l'humanité.

Le citoyen L11busquière a étudié l'influence de la Révolution du 18 mars 17l, sur le mouvement so· cialiste en Europe et en Amérique. Il a engagé,en terminant, les prolétaires à se grouper et à étudier les questions sociales afin d'atteindre le but qui s'impose : l'émancipation des travailleurs par la destruction de l'ordre social actuel et l'organisation d'une société nouvelle basée sur la justice et lé­ galité. Le samedi 29 mai dernier a été tenue u. e autre

conférence organisée par quelques citoyens dt1 6e ar­ rondissement, en souvenir ae la mort d'Eugénie Varlin. La citoyenne Leelle, les citoyens Lemale et

Labusquière, ont successivement pris la parole pour rappeler la vie Ioule de dévodment et d'activité de Varlin et pour engager les prolétaires à suivre l'exeiil• ple de cet ouvrier, qui, après avoir consacré toute sa vie à l'émancipation de la classe ouvrière, est tombé sous les balles de la réactio11 .capitali::;te. -L'abondance desmatières nous oblige à renvoyer

à un prochain numéro l'appel de l'Union fédé­ rative aux sociétés ouvrières socialistes de la. région du centre ainsi que les statuts de cett.& Union. Les sociétés ouvrières socialistes de Paris ont

informés que l'Union fédérative organise, pour le 21 juin, une conférence-concert, au profit de l'or­ ganisation du Congrès régional, avec le concours des citovens: Labusquière, Guesde, Deynaud, ~itoyenne Lemel, ainsi que des sociétés chorales et mstrum en tales. Les personnes qui pourraient placer des lettres

d'entrées, sont priées d'en informer le secrétaire du Comité fédéral, le citoyen Fauché, 13, impasse Men]montant.

On sait que les maçons de Paris ainsi que tous les ouvriers en bâtiment ont demandé la révision des anciens tarifs. La chambre des entreprenr,urs de charpente a ré­

solu de ne pas accorder le salaire de 9 francs de­ mandé par les ouvriers. - Une grève est immi­ nente. Il est probable que d'autres grèves se produiront

prochamement ddns les diverses corporations du bàliment. -Dans le 3 arrondissement, que quelques intri­

gants plus bruyants que sérieux, se plaisent à con­ s1derer comme un fief de l'opportunisme, plusieurs citoyens vennent de prendre la courageuse initia­ trvé de propager, au sein de cette population tra­ vailleuse, l'idée collectiviste révolutionnaire, tout en démontrant le vide, mal déguisé par l'emphase, des déclamations de ces bourgeois, pour qui la po­ litique n'est qu'un mode de spéculation, et qui n'ont d'autre argument pour nous combattre que celui qui consiste à nous qualifier de bon0par­ taste, pardon ! nous oublions les chassepots, les mitrailleuses et les argousins de M. Andrieux. Depuis le mois de mars déjà, un groupe d'études

sociales existait dans le 3, d'un autre côté, d'au­ tres citoyens avaient également senti le besoin de combattre la po!1tique dissolvante de nos bour­ geois satisfaits, et cherchaient à créer un groupe, ignorant l'existence du premier; lorsqu'ils l'appri­ rent, ils organisèrent une réunion des deux groupes, et l'on y décida, qu'ayant un même but, il n'y avait pas lieu d'agir séparement, et que l'on devait se confondre pour défendre et propager le pro­ gramme collectiviste révolutionnaire. Le nombre des adhérents a permis la subdivi­

sion en groupe des Archives et groupe des Enfants rouges. Et nous espérons prochainement pouvoir en

organiser dans les deux autres quartiers. A l'effet d'activer la propagande nous organisons

une conf P-rence qui aura Heu très prochainement. Les adhérents sont prévenus que les réunions

du groupe ont lieu tous les mercredis à 8 heures et demie, salle Orange, place de la République, ll. Toute demande de renseignements doit être

adressée au citoyen. Emmanuel Gély, rue Tu­ renne, 47. Armentières. - Les grèves persistent avec

une intensité plus ou moins grande dans toute la région du Nord. Quelques grévistes trop vite dé­ couragès étant rentrés dans un atelier, les troupes qui occupaient la ville sont retournées à Lille, à l'exception de celles destinées à empêcher la con­ trebande. Les patrons ont fait quelques concessions. Les

amendes infligées aux ouvriers ont été restituées. C'est déjà quelque chose.

Certains journaux sérieux, comme le Temps, affirment sans rire. que les ouvriers n'ont pas re­ pris encore le travail à cause des fêtes qui suivent la Pentecôte et pendant lesquelles ils ont l'habitude de chômer ! Ce que c'est que d'écrire qmtnd on a Je ventre plein et qu'on est pressé par l'heure du théâtre. Un grand nombre d'expulsions ont été faites par

la préfet du Nord. Cette. - Une réunion pour l'organisation dtt

groupe ouvrier socialiste révolutionnaire a eu lieu sous la présidence du citoyen Roche; assesseur, le citoJen Barrie! ; secrétaire, le citoyen Caron. Un citoyen ayant propose l'union des socialistes

et des radicaux, notre collaborateur, le citoyen Fer­ roul, s'est élevé contre cette aliiance. Lalutte, a-t-il dit, doit être entre le capital et le

trava:l. Le capital n'est pas moins représenté par l'extr?me gauche que par la droite extrême. Un fait à l'appui: les délégués de 20,000 grévistes de­ mandint au gouvernement son intervention contre l'exploitation des patrons . se sont entendus ré­ pondre: Nous ne pouvons rien pour vous; ce même gouvemement ~ trouvé des. bataillons pour faire charger les grévstes dans l'intérêt de 50 patrons et, dans lw parlement, personne n'a protesté, pas plus du côtéde Louis Blanc que du côté des hauts barons de l'industrie. Radicaux et conservateurs avérés sont dnc les ennemis naturels du prolétariat En­

Page 7: au 69 pluie tarie! · 2021. 6. 1. · crayon, qui figure également en tête des re vendications radicales, a pu être violée à notre ... ans, en plein état de siège,c'est-à-dire

L'EGALITE 7

ore une fois la lutte est entre le drapeau du travail et les drapeaux du capital, blancs, bleus ou tricolo­ res. Il faut s'umr contre l'ennemi commun· or sont avec lui ceux qui ne le combattent pas, ceux quu pretent la mam aux radicaux. La clôture de la discussion est prononcée à l'una­

nuite mons srx vorx, et, a la presque unanimité, l assemblee reconnaissant l urgence de l'organisa­ t1on du parti socialiste révolutionnaire nomme pour proceder a cette orgamsation une commission dé ... finitive. Dijon. - On nous écrit : Dès le mois de janvier dernier, la corporation

des ouvriers charpentiers avait demandé aux pa .. trons une augmentation de salaire, - dix centi­ mes par heure; ce qui en porlerait le taux à 60 centimes. Les ouvriers ont épuisé tous les moyens de con­ cliaton; mess1eurs les patrons n'ont daigné leur répondre que par les lignes suivantes publiées dans les journaux de la localité:

« Ea réponse à la demande des ouvriers, nous n'acceptons aucune augmentation; ils seront payés selon leurs capacités et suivant leur ardeur au travail. La paye se fera les premiers dimanches de chaque mois et l'on donnera des acomptes toutes les semaines,» Il est à remarquer que, dans la ville Dijon, il

n'y a que les charpentiers et les maçons qui soient payés comme il est dit plus haut: -Tout.es les autres corporations sont payées à la quinzaine ou à la huitaine. Les maîtres charpentiers, grâce aux acomptes

donnés toutes les semaines,connaissent la position de leurs ouvriers, et pour quelques-uns, c'est la un moyen de resserrer la chaîne de leurs salariés, quand vient la saison rigoureuse. Les grévistes sont très calmes. Grâce à une com­

binaison tous les ouvriers travaillent et sont déci-­ dés à une résistance à outrance.

25 ouvriers e1.tvirons continuent à travaillez chez les patrons, bien que la plupart d'entre eux se soient engagés les premiers à soutenir la grève qui a commencé le 26 avril.

Pour la corporation. BRETON.

Saint-Etienne, - La Oo'YY/,mission éxécutive des Congrès ouvriers vient de publier cc le projet de statuts de la fédération ouvrière stéphanoise » De ce projet de statute, nous croyons devoir ex ..

traire les considérants qui sont excellents de toua points:

« Les travailleurs Stéphanois des deux sexes : Considérant que la mission historique du Prolé­

tariat, ou quatrième Etat, est de substituer, cn choses d'économie sociale et dans l'intérêt de l'hu­ manité toute entière, la production sociale - ayant pour base ln socialisation de toutes les forces produdtives quelconques, pour conséquences pre­ mieres l'ordre daus taproduction et la )ustwe dans la répartition des richesses - à la production ca­ pitaliste , ayant pour base la confiscation par quelques oisifs, au détriment de la majorité, de la matière et des instrumeuts de travail' et pour con­ séqueooes l'asservissement du Prolétariat et son maintien dans la misère et l'ignorance;

Considérantque c'est de l'iniquité économique que découlent toutes les autres iniquités sociales avec leur cortège de vlceR, de orime1, de com­ pressions, d'ignorance forcée et de souffrances, que sans justice éc.,nomique, ïl ne peut y avmr ~1. h­ berle, ni paix sociale, ni moralité publique~ m rns­ truction généralisée; ni equité dans les r pports quelconquesde personne à personne, de collectivité à collectivité,ni bien être génétal, l'ordre social pro­ prement dit n'étant que le reflet de l'ordre écono­ mique. Considérant que, depuis l'avènement de la grande

industrie et du machinisme, la production appelle de plus en plus d'immensa ngglamératians de tra­ vailleurs el de capitaux, que le travail ne peut être edcuté que tocialement et que par conséquent toutes las fotces productives : sol, sous-sol, ma­ chines etc.,doiventaussi recevoir un4appropriation sociale. C'esi là une nécessité hü;torique qui s'im­ pose, etc. Nous engageons tous les groupes ouvriers et tous

les socialistes de Saint-Etumne à se rallier a ce projets de statuts et à apporter à la Commission leur plus énergique concours. , . L'indifférence, en ce moment ou les ennem1s

du prolétariat, effrayas par so entré en lgoe, en tant que parti politique distinct, unissent tous leurs effonts contra lui, l'indifférence stJra1t plus que jamais coupable.

Ajoutons que le projet de statuts est signé pa la Comm,ssiou des rPsvtutions formée des délégués des chambres syndicales des Dames-Réunies, des Métallurgistes, des Teinturiers, des Passemen­ tiers, des Maçons, des Cordonniers, des Mineurs, du Cercle du Prolétariat, de l'Union des 'Travail­ leurs. Lille. - Le travail n'a repris qu'en part1e.

Les foudeurs de M. Walker uyanL demandé la réduction d'une heure de travail et se l'étant vu refuser, se la sont octrové eux-mêmes Ils vennent le matin une demi-heure plus tard, ils partent le soir une demi-heure plus tôt. Un boni exenple à suivre. Lyon. - Greve des maçons, grève des menui­

siers. Les ré, !amations des maçons de Lvon sont des

plus modestes: ils demandent 5 centimes de l'heure. Le prix minimum actuel de l'heure est de 0,45,

cela fait donc une augmentation de O, 10 c. Si lou considère que les maçons dont le travail

ne peut s'exécuter que par le beau temps, ne tra­ vaillent guère que 200 journées par an, un eo11vien­ dra, que leurs réclamations sont bien modestes.

M.as tel n'est point l'avis des parons qui n'ont pas répondu aux d1fferentes lettres qui leur ont été envoyées par les ouvriers afin d'arriver à une entente et d'éviter la grève! Qu'on ne dise donc pas que les perturbateurs,

ce sont les ouvriers. Les ouvriers menuisiers, au heu de déclarer une

grève générale, n'ont mis en interdit que quelques ateliers, en commençant par le·s principaux, et ont ainsi plus de chances de réussite Dans la réunion tenue dimanche, 23 mai, à l'Al­

cazar, composée de 500 membres, ont été adoptées, à l'unanimité,les conclusions suivantes: Considé­ rant que le tarif révisé, tel que l'entend la com­ mission patronale, ne nous donnerait qu'une aug­ mentation dérisoire et n'aboutirait nullament à une amélioration de notre situation; considérant, en outre, que toute entente avec la commission patro­ nale aotuelle esl; impossible. Pour ces motifs, l'aHemblée décida : l· Le tarif actuel est abrogé; 2• Un nouveau tarif

augmenté de l500 réparti, sera imprimé et mis en vigueur à dater du 1" juillet 1880· 3° A partir d'au­ jaurd'hui et jusqu'à cette époque, le travail aux piè­ ces sera refusé dans tous les chantiers et rem placé par le travail à l'heure; 4 Au cas où les patrons se refuseraient à signer ces conditions, les ouvriers se feront un devoir de quitter immédiatement les chan­ tiers.

La commission engage tous nos collègues à faire respecter étlergiquemen t cette décision.

Nous prions tous nos collègues des autres villes qui uuraienL l'intantion de se diriger sur Lyon, d'at­ tendre que nos demandes soient acceptées. - Vtts~emblée généra e des actionnaires du jour­

nal le Droit social aura lieu le diwunche 13 juin, nous ferons connaître prochainement l'ordre du jour et le lieu de la réunion. Le siège social est rue Port-du-Temple, 7, au Ir. Marseille. - Une réunion tenue le 19 cou­

rant a décidé a l'unanimité la fondation d'une li­ brairie liOcialisle afin de faciliter oux prolétaires l'étude du socialisme et de propager parmi eux tout ce qui a trait à leur affranchissement. Le secrétaire est le citoyen Paul Bouchard, 3,

rue Tri pperie. Nantes. - La grève· des charpentisrs qui

durait depuis trois semaines s'est. Lerminée par un arrangement qui assure aux ouvriers une augmentation de 0 centimes par jour. Reims. - Il ne semble pas qu'il y ait d'im­

portants changements à constater dans la situation des grévistes. Quelques ateliers s'ouvrent pour se refermer trois ou quetre jours près. Ce n'est qu'une séria de reprises et de cessations de travail. Quelques patrons se sont déclarés en faveur

de ,a réduction immédiate de la 'ournée de travail u onze heures et demie! Ces messieurs vraiment ne sont pe.s difficiles.

Trois escadrons de cuirassiers et de nouvelles troupes campent dans Jes environs. En atlendant que les bajonettes fonctionnent, la machine à condamner a Mjà été mise en mouvement depuis plusieurs jours.. ,

Le tribunal correct1onnal, en effet, a condamne neuf grévistes, dont une femme: huit se répar­ tissent ainsi : un à uix jours d'emprisonnement, quatre à un mois, deux à trois m6h,. un à quatre mois et un à treize mois.

Les dragons fout des patrouilles à l'heure da la sortie des ateliers. Le manège de Marmiesse est

occupé par la gendarmerie et par les officiers des escadrons de dragons campés dans la partie hasse des promenades.Le 70e de ligne est logé en majeure partie dans les salles vides de l'Hotel-de-Ville. Les chasseurs à cheval sont à Cormontreuil,

Le débat roule actuellement sur un maximum de onze lie ures de travail demandé par ]es ouvriers. Les patrons hésitent, et îrouven t que douze heures serait un chiffre acceptable. Si ou condamnait un peu ces messieurs à douze heures de travaux forcés par jour? ... Iuutile de dire que si cela ne dé pendait que de nous ... Roubaix. - La majeure partie des grévistes

a dù rentrer dans les ateliers « sans conditions» - ce que les journaux repubiicains bourgeois ex­ priment par cette rubrique caractérisque : la si­ tu ation s'est beaucoup améliorée.

D'aulres out obtenu un centime ou un centime et demi d'augmentation, selon qu'il s'agit de grands ou de petits métiers. Dautres enfin résistent encore, mais c'est le

petit nombre, et la neutralité gouvernementale continue à se traduire coutre eux par des arresta­ tions ou des expulsions, selon qu'il s'agit d'ou­ vners nationaux ou étrangers.

'Tarare.- La grève des maçons s'est terminée aux condituos suivantes consenlies par le patron3 : la journée de ll heures, à 4» cent. P'heure; ô0 cent. par heure supplé1f1entaire; indemnité de déplace­ ment de 5 cent. par heure, pour les travaux exécu­ tés à deux kilomètres en dehors des rayous de l'octroi.

ETRANGER Ru~sie. - Un nouveau procès monstre vient

d'Nre jngé à Pétersbourg, onze accusés étaient sur la selletle, Le plus âgé le docteur Weimar n'a que 35 ans. Mikhailoff, le plus « compromis » an a 27. Tous étaient prévenus d'avoir fait partie d'une association « criminelle » ayant pour titre « parti socialiste et révolutionnaire russe » , association dont le but évident est de changer par la force la situation politique et économique de la Russie, accusation qui les met sous le coup de l'article 249 du code pénal russe et qui entratne la peine de mort. Les accusés étaient détenus à la citadelle de

Petropavlosk. Le docteur Weimar qui ne s'est pas seulement

fait connaître par sa science médicale mais par l'énergie et le courage dont il a fait preuve sr divers champs de bataille. avait contre lui quatre chefs d'accusation capitaux : il aurait acheté chez un armurier le revolver qu'on a trouvé entre les mains de Solovief, qui, le 2114 avril 18'79, a tiré snr l'empereur. Il aurait ,tonné à Solovief du poi­ son caché dans une petite noisette, Il aurait pro­ curé le cheval et la voitnre qui ont servi à la fuite de l'assassin du général MezezofTf. Il serait en actives et constantes relations avec les principaux chefs de la propagande sociacliste. Les autres accusés, moins chargés par le minis­

tère public, étaient le fils du conseiller Adrien MikhailofT; Mme Olga Nahaason; une artiste pein­ tre de 22 ans, Me Malinoskuja dont la plysiono­ mie est des plus sympathiques, et plusieurs étu­ diants de Ptersbourg et de Moscou.

Tous les prévenus ont été reconnus coupables et con omnes: Mikhailoff et Sabouroff (une pseudonyme) à être

pendus; Troschausky, à 20 ans de travaux forcés dans

les mines; Weimar et Berdnikoff à l5 ans de la même

peine; La prévenue Kolenkine, à 15 ans de travaux

forcés dans une fabriqua, Lswenthal à dix 6ns de détention dans une forteresse, Ia prevenue Nathan­ son à ix années de travaux forcés dans une fabri­ que, la prévenue Vtanevia à quatre années de la même peine et la prévenue Ma]onoskaia a la dép0r­ t ation à Tobolsk ave perte da taus ses droits. La même pipe, moins la privation des droits,

a été prononcée contre Botilanoff.

-- [,a corporatlon des ms@os est convoquée en assemblée générale pour le sameun, â juin, luut beures du soir, Uonlevarri Ornano, 190.

- Le comité de l'union onvrière des portefenillistes marqni­ niers du département de la Seine convoque la corporation à une réunion qui sera tenue le mercredi, jnin, luit lueurs du soir, salle Diderot, 15 rue des Arquebusiers.

Page 8: au 69 pluie tarie! · 2021. 6. 1. · crayon, qui figure également en tête des re vendications radicales, a pu être violée à notre ... ans, en plein état de siège,c'est-à-dire

L'EGALITÉ

GALERIE SOCIALISTE

GRACCHUS BABEUF

Gracchus Babeuf est né à Saint Quentin, en 1762; arpenteur et commissaire à terriers tians le départe­ ment actuel de la Somme, il écrivit dès les premiers temps de la Révolution, contre le régime féodal et 2ontre le fisc. ce qui l'exposa à un mandat d'arr!t dont les vives sollicitations de Marat firent cesser les effets. Appelé au secrétariat d'une administration de district, ses discours et ses écrits lui créèrent des ennemis acharnés qui tentèrent de Je faire conda­ nerpour crime de faux, mais la Convention reconnut solennellement finjustice de cette odieuse accusation. Employé plus tard de la Commune de Paris, il fut tout d'abord sympathique au mouvement de Thermidor, puis, en présence de la fureur réactionnaire des Thermidoriens, il se prononça si énergiquement contre eux qu'ils le firent emprisonner.

Détenu à la maison d'arrêt du Plessis on le transféra bientôt dans celle d'Arras. C'est là qu'il se lia avec Germain, de Nar­ bonne. capitaine des hussards, et de nombreux républicains du Pas-de-C::.Iais auxquels il exposa l'idée d'une grande révolution dans le mode de propriété et auxquels il prêcha l'organisation d'une Vendée plébéienne afin d'obtenir par la force ce qui ne lui semblait pas pouvoir être recouvré autrement.

De retour au Plessis après l'insurrec­ tion de prairial an III, il connut là Debon et presque tous les futurs mem­ bres de la Conjuration des Egaux.

Mis en liberté à la suite de l'insurrec­ tion royaliste de Vendémiaire an IV, dès le commencement du mois suivant il essayait avec Darthé, Buonarotti, Julien de la Drôme , t Focrtenelle de forme un centre de direction. En même temps, dans le Tribun du

Peuple, il attaquait Je gouvernement, dé- montrait la légitimité de la constitution de l793 e signalait la propreté indivi­ duelle comme « la cause principale de tous les maux qui pèsent sur la société Son courage lui valut de nouvelles pour- suites. Un huissier se présenta chez lui, rue du Fana­ bourg-Honoré, no 29. avec un mandat d'amener basé sur les provocations que renfermaient ses écrits ; après une assez longue lutte Babeuf réussit à s'échap­ per, l'hissier le suivît en criant « au voleur », deux fois des forts de la halle le saisirent et deux fois ils le relachèrent au seul nom de l'écrivain qui défenjait les droits populaires. Didier et Darthé lui donnèrent asile dans l'ancien couvent de l'Assomption. De sa cachette il redoubla de zèle et appela sans relâche le peuple à la conquête pleine et entière de ses droits Aussi s'en prit-on à sa femme ; on l'arrêta au com­ mencement de ventôse an IV comme prévenue d'avoir distribué les écrits de son mari, mais en réalité pour tâcher de savoir d'elle sa demeure secrète.

Quant à lui, il continuait à agir : aux premiers jours de germinal an IV il constitua· avec Antonelle, Syl­ vain Marchal et Félix Lepelletier un directoire secret de salut publie chargé de préparer et de diriger l'in­ surrection reconnue nécessaire.Ils s'adjoignirent bien­ tot Darthé et Buonarotti, puis Debon; ils s'assem­ b!aieat dans l appartement occupé par Clérex chez qui Babeuf était alors réfugié. Tous considéraient « l'égalité des travaux et des jouissances comme le seul but digne d'un vrai citoyen et comme le seul motif légitime d'insurrection. »

Le 20 germinal on distribuait et affichait l'Analyse de la doctrine de Babeuf, proscrit par le directoire ea:éwtifpour avoir dit la vérité. (1) Cet écrit de Ba­ beuf eut une énorme influence, le gouvernement s'ef força en vain do la dérober à la connaissance du p­ blic.

C'est, dn reste. Babef qui fut presque le soul rédac­ teur des instructions adoptées par le directoire secret. Au moment où, tout était prêt, un traître, Grisel,

dénonça le complot, et, le matin du 21 floréal an IV, Babeuf fut arrêté avec Buonarotti das une chambre. où ils avaient passé la nuit à concerter les dernières mesures. On fit croire au peuple qu'on emprisonnait des voleurs.

GRACCHUS BABEUF

Deux jours après, le 23 floréal, Babeur adressa aux membres du Directoire exécutif une lettre où, toui en se glorifiant d'être complice de la conspiration dé­ couverte, il les adjurait, avec un grand sentiment de dignité et une haute raison, dans l'intérêt de la dé mocratie, de ne pas pousser plus loin l'affaire. Il ne fut pas écouté, le Directoire tenait à se venger de ses attaques On le transféra à Vendôme avec ses eo-accu­ sés détenus à Paris, durant la nuit du 9 au l0 fruc­ tidor, dans des cages grillées construites exprès; ils a: rivèrent à Vendôme le 13; les débats ne s'ouvrirent devant la Haute cour que le 2 ventose de l'an V. Pendant toute leur durée, Babeuf fut infatigable;

cinq longues séances furent employées à lïnterroger, plusieurs fois le tribunal le força à se taire. Il exposa ses opinions sur la communauté des biens et les justifia par le raisonnement, par le tableau des maux inévitables résultant, pour la société, du ré­ gime de propriété individuelle. « Par la prédication de cette doctrine, dit-il, proclamée depuis longtemps par les sages, j'ai voulu rattacher à la République le peuple de Paris, fatigué de révolutions, découragé pr les malheurs et presque royalisè par les menées des ennemis de la liberté. »

(1) Voir notre numéro du 18 mars : Les Precurseurs : lConjuration des Egaux).

Le '7 prairial an V, à quatre heures et demie du ma­ tin, le tribunal condamna Babeuf et Darthé à la peine de mort; ils se frappèrent tous deux. ainsi que les vain-­ cns de prairial an III, mais la faiblesse de leurs ar­ mes, qui se cassèrent, ne leur permit pas de s'ter la vie. Ils passèrent quelques heures dans des souffrances atroces; le fer était enfoncé près du cur dans la blessure de Babeuf. Leur courage ne se démentit pas un instant; ils marchèrent, le soir, au supplice comma à un triomphe. Des cultivateurs des environs recuil­ lirent pieusement leurs restes et les ensevelirent.

Baheuf n'était point partisan du parta.ge agraire, bien au contraire. La terre n'est à personne, les fruits sont à tout le monde,voilà son principe fonda­

mental. Jamais, pensait-il, la masse du peuple n'est parvenue au degré d'ins­ truction et d'indépendance nécessaires pour l'exercice des droits politiques es­ sentiels a la liberté, à sa conservation et à son bonheur. Partout la multitude rampe sous la verge d'un despote ou sous celle des castes privilégiées. Ia cause de ces désordres se trouve, en der­ nière analyse, dans la propriété indivi­ duelle, par laquelle les plus adroits dé­ pouillent sans cesse la multitude qui, as­ treinte à des travaux longs et pénibles, est privée des jouissances qu'elle voit se multiplier pour quelques-uns. Par la loi de la nature qui fait dépendre la pro­ duction du travail, ce travail est évi-­ demment pour chaque citoyen une con­ dition essentielle du pacte social; et comme chacun,en entrant dans la société, y apporte une mise égale (la totalité de ses forces et de ses moyens', il s'ensuit que les charges, les productions et les avantages doivent être également par­ tagés. La Communauté des biens et des travauac.c'est--dire l'égale répartition des charges et des jouissances, est le seul ordre public propre à bannir à jamais l'oppres­ sion et à garantir à tous les citoyens Je plus grand bonheur possible. Pour l'éta­ blir, il faut s'emparer du pouvoir, décré-- ter et réaliser dictatorialement l'égalité réelle et légale, en employant la force si cela est nécessaire,

Telle était, dans ses grandes lignes, résumée d'après Buonarotti, la doctrine de Gracchus Babeuf, mort pour avoir voulu soustraire le peuple à sa misère.

LE PROLETAIRE du 29 mai (ne 87). Sommanre: ­ Les fusillés du Pre ·Lachaise. P. Dervillers. - Le Pro­ letariat ne peut pas désarmer. J-B. C. - Le triomphe de l'ordre. A • Lavy. Les Plagiaires de l'Empire. A, Lecler. -- L'ordre règne ••• au Père-Lachaise. A. Le Roy. - Protestations. - Le Lendemain de la Commune à l'étranger et en France. -- Réunions et Conférences. ­ Conférencew contradictoires. - Avis et Communications. - Affaire Barb·ret.

LES GRANDES DATES DU SOCIALISME

JUIN 1848 Pare Victor MLA ROUCH

REDACTEUR DE LÉGALITÉ. Un bea volume in-18 elzévier. -- Prix: 2 francs.

Cet, ouvrage est le plus complet qui ait été publié sur l'insurrection prolétarienne de Juin 1848.

PRIME aux abonnés et aux lecteurs de l'ËGA· LITÉ et de la BEVUE SOCIALISTE.

Le gérant : E.-J. FOURNIRR.

Paris. - Imprimerie de l'kgalié, Foamière, imprimeur, 22, re de l'Abbaye