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Au Brésil, la solidarité cotée en Bourse La « Bourse des valeurs sociales » permet de devenir actionnaire de projets à vocation sociale CARPENTIER Steve Paru le: mardi 23/01/2007 C'est une des idées chères au Bangladais Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006 : créer dans son pays une « Bourse des valeurs sociales ». Le Brésil l'a devancé depuis juin 2003. Une initiative à mettre au profit de la Bourse de Sao Paulo, la Bovespa. La place financière la plus importante et la plus dynamique d'Amérique latine a été la première au monde à adhérer au projet de « Pacte mondial » lancé en 2000 par Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, afin d'intégrer un volet de progrès social dans la croissance économique. La Bourse des valeurs sociales (BVS), reconnue pionnière par l'Unesco, est classique dans son mode de fonctionnement. Mais sa finalité est bien particulière. Dans le schéma habituel, l'investisseur acquiert des actions de diverses entreprises, qu'il garde ou revend selon la valorisation de son portefeuille financier. Dans le cas de la BVS, le boursicoteur achète des actions d'ONG brésiliennes impliquées dans le secteur social, environnemental ou humanitaire. Il passe de la même manière des ordres d'achat, gérés par l'organe tutélaire, la Bovespa. Il acquiert des actions à partir de 3,50 € l'unité et attend qu'elles fructifient. Mais ici, différence de taille, les bénéfices n'ont pas de valeur monétaire mais sociale. « Le bénéfice social a comme résultat une société plus juste et égalitaire, dans laquelle des milliers d'enfants et de jeunes gens peuvent envisager un avenir ouvert à de plus vastes opportunités », note la BVS. Concrètement, il s'agit de mettre en relation des ONG et des investisseurs-donateurs prêts à parier sur leurs projets. Des projets qui sont passés au crible d'un Conseil d'analyse financière formé de représentants de l'Unicef, de l'Unesco, d'éducateurs et de journalistes, qui décident in fine de leur entrée sur la liste des entreprises « cotées » à la BVS. Avalisée, l'ONG peut alors lever les fonds dont elle a besoin pour mener à bien son action. Lorsque 100 % de la somme nécessaire est récoltée, la BVS, qui centralise les transactions, libère l'intégralité des investissements. La mise en place d'un suivi financier fait de plans comptables, de bilans périodiques ou encore de visites aux organismes bénéficiaires permet de suivre l'évolution et l'aboutissement des programmes mis en oeuvre. Une trentaine de « courtiers sociaux », représentants de grandes sociétés de courtage, sont par ailleurs désignés pour présenter à leurs clients un portefeuille varié d'actions sociales. Depuis sa création, la BVS a participé au montage financier d'environ cinquante projets, dont une trentaine ont été menés à leur terme, dans des domaines très variés. À l'exemple du projet « Expedition Vaga Lume » de l'ONG du même nom qui consiste à installer des bibliothèques rurales dans les zones reculées d'Amazonie. Ou du projet « Tisser le futur » de l'association d'appui aux enfants porteurs du HIV, visant à ouvrir des unités de soins pour les jeunes malades. Ou encore du projet « Espace Cernegro » permettant à des communautés afro- brésiliennes pauvres de monter des projets culturels. La valeur des projets peut varier de 18 000 € à 2 millions d'euros. Depuis la création de la BVS, 1,5 million d'euros ont été versés soit par des particuliers, soit par des entreprises. Une somme non négligeable dans un pays à la faible culture philanthropique.

Au Brésil, la solidarité cotée en Bourse

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La valeur des projets peut varier de 18 000 € à 2 millions d'euros. Depuis la création de la BVS, 1,5 million d'euros ont été versés soit par des particuliers, soit par des entreprises. Une somme non négligeable dans un pays à la faible culture philanthropique.

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Au Brésil, la solidarité cotée en BourseLa « Bourse des valeurs sociales » permet de devenir actionnaire de projets à vocation sociale

CARPENTIER Steve

Paru le: mardi 23/01/2007

C'est une des idées chères au Bangladais Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix2006 : créer dans son pays une « Bourse des valeurs sociales ». Le Brésil l'adevancé depuis juin 2003. Une initiative à mettre au profit de la Bourse de SaoPaulo, la Bovespa. La place financière la plus importante et la plus dynamiqued'Amérique latine a été la première au monde à adhérer au projet de « Pacte mondial» lancé en 2000 par Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, afind'intégrer un volet de progrès social dans la croissance économique.

La Bourse des valeurs sociales (BVS), reconnue pionnière par l'Unesco, estclassique dans son mode de fonctionnement. Mais sa finalité est bien particulière.Dans le schéma habituel, l'investisseur acquiert des actions de diverses entreprises,qu'il garde ou revend selon la valorisation de son portefeuille financier. Dans le casde la BVS, le boursicoteur achète des actions d'ONG brésiliennes impliquées dans lesecteur social, environnemental ou humanitaire. Il passe de la même manière desordres d'achat, gérés par l'organe tutélaire, la Bovespa. Il acquiert des actions àpartir de 3,50 € l'unité et attend qu'elles fructifient. Mais ici, différence de taille, lesbénéfices n'ont pas de valeur monétaire mais sociale. « Le bénéfice social a commerésultat une société plus juste et égalitaire, dans laquelle des milliers d'enfants et dejeunes gens peuvent envisager un avenir ouvert à de plus vastes opportunités »,note la BVS. Concrètement, il s'agit de mettre en relation des ONG et desinvestisseurs-donateurs prêts à parier sur leurs projets.

Des projets qui sont passés au crible d'un Conseil d'analyse financière formé dereprésentants de l'Unicef, de l'Unesco, d'éducateurs et de journalistes, qui décidentin fine de leur entrée sur la liste des entreprises « cotées » à la BVS. Avalisée, l'ONGpeut alors lever les fonds dont elle a besoin pour mener à bien son action. Lorsque100 % de la somme nécessaire est récoltée, la BVS, qui centralise les transactions,libère l'intégralité des investissements.

La mise en place d'un suivi financier fait de plans comptables, de bilans périodiquesou encore de visites aux organismes bénéficiaires permet de suivre l'évolution etl'aboutissement des programmes mis en œuvre. Une trentaine de « courtiers sociaux», représentants de grandes sociétés de courtage, sont par ailleurs désignés pourprésenter à leurs clients un portefeuille varié d'actions sociales.

Depuis sa création, la BVS a participé au montage financier d'environ cinquanteprojets, dont une trentaine ont été menés à leur terme, dans des domaines trèsvariés. À l'exemple du projet « Expedition Vaga Lume » de l'ONG du même nom quiconsiste à installer des bibliothèques rurales dans les zones reculées d'Amazonie.Ou du projet « Tisser le futur » de l'association d'appui aux enfants porteurs du HIV,visant à ouvrir des unités de soins pour les jeunes malades. Ou encore du projet «Espace Cernegro » permettant à des communautés afro- brésiliennes pauvres demonter des projets culturels.

La valeur des projets peut varier de 18 000 € à 2 millions d'euros. Depuis la créationde la BVS, 1,5 million d'euros ont été versés soit par des particuliers, soit par desentreprises. Une somme non négligeable dans un pays à la faible culturephilanthropique.