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AUX SOURCES DE LA VIOLENCE, UN DEFAUT DANS LA TRANSMISSION DU MASCULIN ? Réflexion proposée au colloque de la FFPP par Elisabeth GONTIER à partir d’une thèse sur le parricide agi (meurtre du père) dirigée par le Professeur François MARTY, directeur du Laboratoire de Psychologie Clinique et de Psychopathologie Université Paris Descartes

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AUX SOURCES DE LA VIOLENCE,UN DEFAUT DANS LA TRANSMISSION DU

MASCULIN ?

Réflexion proposée au colloque de la FFPP par Elisabeth GONTIER

à partir d’une thèse sur le parricide agi (meurtre du père) dirigée par le

Professeur François MARTY, directeur duLaboratoire de Psychologie Clinique et de Psychopathologie

Université Paris Descartes

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En quoi les pères seraient-ils impliqués aux sources de la

violence des fils ?• Pierre Legendre (1989) met la violence

meurtrière du caporal Lortie en lien avec l’abjection de son père, telle qu’elle se manifeste dans l’inceste et la tyrannie. Cette abjection conduit à l’abandon du principe essentiel de l’office du père, le travail de différenciation humaine qui permet l’advenue du fils comme sujet de la parole et de la loi.

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• Freud (1912) décrit effectivement un père originaire réalisant à son profit l’inceste et le meurtre des jeunes rivaux, le mâle dominant d’un troupeau, dont le pouvoir se caractérise par le trop. Il lui attribue des fils qui répondent à sa violence par la violence.

• Mais l’assassinat mythique de ce père est aussi un acte qui permet aux fils réunis de l’absenter et de réaliser l’identification à ce mort en instaurant l’interdit de toucher, pour tuer ou pour incester :

« Au commencement, était l’acte ».

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Il n’est de père que mort : • acceptant la permutation symbolique des

places par laquelle il quitte sa place d’enfant et la cède à son fils (Pierre Legendre, 1989) ;

• renonçant à une rivalité réelle qui l’opposerait violemment à son fils dans une dimension phallique, et devenant ainsi pour lui le garant symbolique de la Loi (Alain Abelhauser, 1999).

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• L’accès à la fonction paternelle est le fruit d’un renoncement pulsionnel chez le père. Quand il exerce cette fonction, il permet au fils de sortir de la lutte narcissique en « lui ou moi » et d’acquérir, en s’appuyant sur la prime d’amour, l’héritage culturel qui le conduit à son tour au renoncement pulsionnel (Freud, 1915).

• Or les pères des sujets parricides sont décrits comme exerçant le plus souvent un pouvoir arbitraire au nom duquel ils soumettent les fils à la rigueur de leur vouloir illimité.

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« J’ai pas eu quelque chose pour me développer en culture »

dit un sujet parricide en entretien de

recherche, formulant ainsi de quelle manière il s’est trouvé exclu de la transmission dans une famille marquée par la violence des hommes sur plusieurs générations ainsi que par l’absence de chaleur affective.

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Dans l’impossibilité d’assumer l’identification à un père surpuissant, tout autant que d’esquiver cet être dangereux par une soumission potentiellement mortelle, le fils opère un double retournement pulsionnel, de l’admiration passive au meurtre agi.

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Toutefois, un point de vue très répandu en sciences humaines relie

la violence des fils non pas à la surpuissance des pères mais à leur

démission, à leur absence, ainsi qu’à une

dégradation générale de l’autorité faisant de l’enfant le véritable chef de famille et conduisant à la tyrannie de l’infantile (Daniel Marcelli, 2003).

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Ce modèle sera questionné à partir de l’exemple d’un autre sujet

parricide, qui présente son père comme un être effacé

Sa mère lui transmet cependant la connaissance des interdits et il semble se structurer en intégrant un certain rapport à la loi et au symbolique : il rejoint d’abord l’armée, puis, après le meurtre, forme le projet d’entrer dans les ordres, s’identifiant chaque fois à une figure paternelle de rencontre.

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Son adhésion successive à ces deux « foules artificielles » (Freud, 1921) organisées chacune par un chef suprême qui constitue « un substitut paternel » – le commandant en chef ou le Christ – laisse entendre qu’il existerait chez ce sujet une quête du père au-delà de l’acte parricide.

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Dès lors, comment rendre compte de la violence de ce

sujet ? • Ni par la rigueur excessive du père,

ni par la démission éducative. • Ces deux hypothèses avancées

traditionnellement pour expliquer la violence des fils entrent d’ailleurs en contradiction : on y considère que le « trop » comme le « trop peu » aboutissent au même résultat.

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En postulant l’existence d’un défaut dans la transmission du

masculin, il est possible de résoudre la

contradiction au terme de laquelle nous trouvons que la violence des fils est mise en relation tantôt avec une imago paternelle surpuissante, tantôt avec une imago marquée par la faiblesse.

D’ailleurs, de façon caractéristique, les sujets parricides reprochent à leur père de les avoir empêchés d’accéder à une vie amoureuse.

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Et en effet...

• Une imago paternelle surpuissante ne peut s’offrir comme support à la transmission du masculin :

La puissance phallique n’est pas le masculin dans la mesure où elle ignore le féminin, n’intégrant pas la différence des sexes ni la possibilité de la castration. Le fils est confronté au choix impossible entre être aussi puissant que le père ou n’être rien.

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• Mais une imago paternelle empreinte de faiblesse ne peut pas davantage s’offrir comme support à la transmission du masculin:

Le fils est alors confronté à un autre choix impossible, entre être aussi puissant que la mère ou n’être rien. La faiblesse du père laisse le fils appendu à l’objet primaire, ou éventuellement, de façon compensatoire, dans un « collage narcissique homosexuel » avec ce père (François Marty, 1999).

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La violence des fils correspondrait donc à un préjudice de masculin.

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BIBLIOGRAPHIE

ABELHAUSER, Alain, 1999, « Comment j’ai mangé papa » in Villerbu, Loïck, et Viaux, Jean-Luc, (dir.), Expertise psychologique, psychopathologie et méthodologie

FREUD, Sigmund, 1912, Totem et tabouFREUD, Sigmund, 1915, Actuelles sur la guerre et sur la

mortFREUD, Sigmund, 1921, Psychologie du moi et analyse

des foulesLEGENDRE, Pierre, 1989, Le crime du caporal LortieMARCELLI, Daniel, 2003, L’enfant chef de famille.

L’autorité de l’infantile.MARTY, François, 1999, Filiation parricide et psychose à

l’adolescence