16

Bakchich N° 30

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Bakchich N° 30

Citation preview

Page 1: Bakchich N° 30
Page 2: Bakchich N° 30

« Si les événements tels qu’ils sont rap-portés par la presse sont exacts, ils sont inacceptables. » Ainsi trancha coach Nicolas, depuis Saint-Pétersbourg. J’ai cru qu’il sifflait les hors-jeu de ses équi-piers, dont l’un fait raquer aux contri-buables 12 000 euros de cigares (Chris-tian Blanc), l’autre magouille un permis de construire abusif (Alain Joyandet), et deux autres semblent avoir touché du blé de Mme L’Oréal (Éric Woerth et Valérie Pécresse). Eh bien non, notre

tsar parlait des écarts de langage d’un grand dépendeur d’andouilles soi-disant avant-centre (Nicolas Anelka).Si, comme le dit Finkielkraut, tou-jours aussi subtil, l’équipe de France est « la génération caillera », que dire de l’équipe Sarko ? Foin des euphé-mismes à la Domenech : 12 000 euros de cigares sur fonds publics, cela s’ap-pelle du vol, et le coupable, un voleur. Pire, s’il en rembourse 3 500 au titre de « consommation personnelle », c’est soit un cynique de haut vol, soit un blai-reau absolu. Et l’autre, celui qui vole pas sur Air France, son mas provençal et ses hectares à Grimaud, où deux mètres carrés coûtent une année de Smic, c’est un outil de travail, ou juste pour pou-voir aller à Mougins en vélo se taper un pastaga-sauciflard chez Hortefeux?

Reste la mémé aux milliards, qui ne s’est donné que la peine de naître et d’ar-roser l’UMP. Vautrée depuis 88 ans dans ses milliards gagnés par la sueur des autres, elle met un point d’honneur à voler le fisc avec des comptes en Suisse, une île aux Seychelles, la Légion d’hon-neur donnée par le docteur Kouchner et les conseils de Mme Woerth. Et si on nationalisait son magot, qui pèse à peu près ce que ce que rapportera le recul de l’âge de la retraite ? Hélas ! Cigare au bec, plume dans le fion et Rolex au poignet, Blanc, Joyandet, Bettencourt et ses potes de Neuilly n’ont pas la moindre idée de ce qu’est une retraite de 700 euros gagnée à bosser pendant toute une vie. Et ça, c’est vraiment inac-ceptable ✹� JACqUES GAiLLARD

Mot à Mot

Apéro

PHiLiPPE VALEt DEVANt L’ACtiONNAiRE

Q uelle ironie ! Bouté hors de France Inter, Stéphane

Guillon est plébiscité par les Français comme le plus insolent des humoristes politiques (lire pages 10 et 11). Il arrive en tête de notre sondage LH2-Bakchich Hebdo, avec 28 % des voix toutes catégories confondues, devant Anne Roumanoff et Laurent Gerra, qui recueillent chacun 14 % des voix. Une pole position occupée quels que soient l’âge, le sexe, la catégorie socioprofes-sionnelle ou les affinités politi-ques des sondés. Avec quelques nuances toutefois : Guillon est préféré des cadres (37 %) que des ouvriers (24 %), des hommes (32 %) que des femmes (25 %), des sympathisants de gauche (33 %) que de droite (28 %). Sans grande surprise, Laurent Gerra cartonne parmi les personnes âgées (19 %) et plutôt de droite (18 %), quand

Roumanoff fait une percée chez les prolos (17 %) et le peuple de gauche (16 %). Une place dans le trio de tête que l’institut de sondages explique par une forte présence dans les médias. Anne Roumanoff sur France 2 et Lau-rent Gerra sur RTL.

évictionDans le ventre du peloton figurent Nicolas Canteloup (10 %) et Lau-rent Ruquier (8 %). À la traîne, Christophe Alévêque (4 %) et Didier Porte (4 %). Lanterne rouge, Yann Barthès (2 %). À noter que, pour les 18-25 ans, Bar-thès atteint la troisième marche du podium, avec 11 %. Pas de quoi s’en faire puisque, comme le dit le dicton : « Les sondages, c’est comme les monokinis, ça donne une idée, mais ça cache l’essentiel. » L’essen-tiel, c’est l’éviction de Guillon ✹� LOUiS CABANES

l'humour,politesse du desespoir

Les prophètes de la semaineDans un entretien optimiste pour le quotidien 20 Minutes, en novembre 2009, l’avant-centre des Bleus, nicolas Anelka rêvait : « Peut-être que, dans six mois, Domenech sera le boss… et plus personne ne pourra l’insulter ! » il y a quinze jours, c’est Patrice Evra qui rappelait son rôle de capitaine à France Football : « Je veille à la bonne santé morale du groupe. (…) C’est facile car nous avons un groupe sain. » Comme l’a rappelé le champion du monde 1998, Emmanuel Petit, « le football n’est pas une science écrite ». Ni parlée.

Les héros de la semaineOn se serait presque inquiété. En 2008, sur la planète, les personnes avec un patrimoine supérieur à 1 million de dollars (hors résidence principale) n’étaient « plus » que 8,6 millions contre 10,1 l’année précédente. Mais dans l’étude annuelle « World Wealth Report » publiée par Merrill Lynch et Capgemini, on apprend qu’en décembre dernier, le monde abritait à nouveau 10 millions de millionnaires. Autre bonne nouvelle, le rapport « Global Wealth 2010 » indique que la répar-tition des richesses est la même qu’avant la crise : 1 % des foyers de la planète possèdent à nouveau 38 % de la richesse privée mondiale. Ouf, les riches sont de retour !

Le prix Pulitzer de la semaineLa société pétrolière BP n’en finit pas de s’empêtrer dans sa communication. Le week-end dernier, c’est la participation du patron, tony Hayward, à une régate de luxueux voiliers en Angleterre qui a fait scandale. Courageusement, les jour-nalistes du magazine interne au groupe ont réussi à trouver, en Louisiane, des témoignages élogieux d’un entrepreneur local de fruits de mer (« Il n’y aucune raison de haïr BP ») et d’un responsable du tourisme (« BP a toujours été un grand partenaire valorisant »). Vous reprendrez bien un doigt de pétrole ? ✹

LES tROPHÉES

en ce mois de juin, il y a 24 ans, Coluche mourait. Sa fin violente, cruelle, a été à l’origine d’une légende : « Coluche a été assassiné. » Faux, évidemment, mais la disparition du clown est une affaire grave, voire tragique. L’emploi

d’humoriste est un métier dangereux.Quand Stéphane Guillon qualifie Éric Besson de félon pitoyable, Guillon dit la vérité, il doit être exécuté. Et tant pis si le même est devenu, d’après le sondage réalisé par LH2 pour Bakchich Hebdo, « l’humoriste politique le plus insolent » et le plus populaire auprès des Français (lire ci-dessous et notre dossier pages 10 et 11).On trouve toujours quelqu’un pour tirer le cordon de la guillo-tine, un traître de préférence. Philippe Val, directeur de France Inter, nommé à ce poste par Nicolas Sarkozy, en est un. Autrefois amuseur, avec des textes impitoyables parlant de révolution, Val est passé du bon côté de l’assiette, là où la soupe est meilleure. Habile pour le président de la République que de laisser aux mains sales d’un « homme de gauche » la charge de bâillonner Stéphane Guillon et Didier Porte, des hommes libres.Le Président sait que les repentis comme Val sont le meilleur grain qui fait pousser l’ordre. Voulant justifier une forfaiture, on trouve toujours un forgeron pour en tremper l’alibi, ici Alain Finkielk-raut, philosophe de télé, est à l’enclume : « Les humoristes, comme les Guignols, qui méprisent la politique, sont un danger pour la démocratie. » À moins que l’humour soit « la politesse du désespoir » à voir s’ébrouer les Besson, Val et autres Finkielkraut ✹

JACqUES-MARiE BOURGEt

sommAirE

aPéroLEs fAits sAiLLAntsdE L’ActuALité

P.3 Affaire Woerth-Bettencourt. L’ex-ministre du Budget ne pouvait rien ignorer des tambouilles entre le photographe François-Marie Banier et la richissime propriétaire de L’Oréal.P.3 À france inter, ça Val-dingue dans tous les sens. Les producteurs sont mécontents et le disent.P.4 Le tour de passe-passe du gouvernement pour éponger la dette sociale du pays.

fiLouteriesnos EnquêtEsEt nos dossiErs

P.5 Bertrand delanoë et sa politique sociale à Paris. trucs et astuces de M. le maire pour cacher son incurie.P.6-7 Le dossier de la semaine. En Floride, après le désastre écologique de la marée noire, pèse une nouvelle menace : les ultra-conservateurs du tea Party, emmenés par Sarah Palin.P.8 retraites, les parlementaires diront-ils adieu à leurs privilèges ?

BazarEnvironnEmEnt, médiAs, conso, sPort, PiPoLEs…

P.9 Afrique du sud. Visite de Khayelitsha, le plus grand township du pays.P.10-11 Notre sondage exclusif sur les humoristes politiques préférés des Français. Portraits des huit candidats au titre remportéspar Stéphane Guillon.P.12 m6, la chaîne surveille de près ses éléments de langage pour ne pas angoisser les clients.

CuLtureBouquin, cinémA, musiquE, Bédé…

P.14 Tournée, mathieu Amalric tombe la veste et les masques.P.15 raymond domenech, champion toutes catégories de la communication.

a Avec 28 % des voix, Stéphane Guillon arrive en tête de notre sondage réalisé par LH2 au téléphone, les 18 et 19 juin, sur un échantillon de 1 001 personnes.

sondAgE. LEs humoristEs Préférés dEs frAnçAis

28 %

14 % 14 %10 % 8 %

4 % 4 %

guiLLon

gErrAroumAnoff

cAntELouP

ruquiEr

ALévêquE

PortE

BArthès

nE sE

PrononcE PAs

16 %

2 %

2 BAKCHiCH HEBDO N°30 | DU SAMEDi 26 JUiN AU VENDREDi 2 JUiLLEt 2010

Page 3: Bakchich N° 30

«V ous avez combattu avec le général Bigeard ? » « Oui, en Algérie. » Le vieil homme a la voix nouée, il renifle, je sens que je l’incommode, je n’insiste pas. C’est pas la joie d’enterrer

un mythe. Chez les paras, Bigeard, c’était Dieu. Un dieu né en Indochine, où il fit preuve d’un cou-rage peu suspect d’être humain. Dans la triste cathédrale de Toul, lundi 21 juin, la mort d’un de ses héros a ressuscité l’empire colonial. Plein de vieilles choses m’en-tourent, à commencer

par cet antique para aux yeux humides. « Qu’est-

ce qu’il fout là, Giscard ? » Ça, il l’a dit un peu fort, le banc regarde ses pompes. L’émotion est plus forte que lui, je lui file mon mouchoir. À son regard, je comprends qu’il ne m’aimera pas plus pour

autant, j’ai pas eu la chance de connaître les colo-nies. Il a les boules, l’ancien. Sa France est morte et tous ses potes la rejoignent. Pour le commun, Marcel Bigeard, c’est la torture en Algérie, c’est Aussaresses qui l’a balancé. Ici, en Lorraine, c’est un lieu de mémoire à lui tout seul. Tous les politi-ques de la région sont là, au milieu de centaines de paras en uniforme.

placard à médaillesL’évêque tente de réveiller dans son homélie une époque qui n’existe plus, tout comme Bigeard appe-lait au réarmement moral d’un pays qu’il voyait tomber en déliquescence. Adieu ma France, tu n’es plus celle que j’ai connue, nous a-t-il laissé en tes-tament. Drôle de bouquin. Il y dépeint une nation endormie, prête à se faire bouffer toute crue par l’is-lamisme, incapable de se préparer à l’affrontement. Car, à 94 ans, il préparait encore la guerre, en vrai général. Que restera-t-il de lui ? Des cendres épar-pillées dans le ciel de Dien Bien Phu. On est invités à sortir, le placard à médailles me rend mon mouchoir, je le lui laisse. Le cercueil sort, Giscard le regarde, songeur. Une maman à son fils : « Lui aussi, il aura un hommage national, il était Président, avant » ✹

renaud chenu

bettencourt L’ex-ministre du Budget, Éric Woerth, ne peut rien ignorer, malgré ses dénégations, des tambouilles entre le photographe et Liliane Bettencourt, la richissime propriétaire de L’Oréal.

D urant l’hiver 2008, les Allemands fournis-saient à Bercy une liste de cinq cents Français

« touristes fiscaux » au Liech-tenstein. Parmi eux, comme Bak-chich devait le révéler le 15 mars 2008, figuraient David Douillet et François-Marie Banier. Le pre-mier, qui déposa plainte contre notre site, fut condamné à nous verser 3 000 euros (ce qu’il n’a toujours pas fait). Le second se fit plus discret.En effet, le ministère des Finances décida, début 2008, d’éplucher les comptes de deux cents de ces contribuables suspects, dont ceux de François-Marie Banier. L’ensemble de son dossier fut donc transféré de la perception du VIe arrondissement, où réside le photographe, à la Direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF). Sous ce sigle, se cachent les plus fins limiers du fisc, connus pour passer au scalpel les fortunes des particuliers. Un vérificateur, D.C., réceptionna le dossier de Banier. Lequel dossier n’a toujours pas réintégré, deux ans après, les armoires des contrôleurs du VIe arrondissement. Un enterrement fiscal est si vite arrivé.

liechtensteinPassionnante est la lecture, sous cet éclairage, de certains

échanges entre Liliane Betten-court et ses conseillers, publiés par nos excellents confrères de Mediapart. Qu’y apprend-on ? Le 7 avril 2009, Patrice de Maistre, « l’expert » ès évasion, explique à la milliardaire : « Banier vous a fait mettre l’île d’Arros dans une fondation pour lui (...) Banier vous a pris 20 millions pour les mettre dans une nouvelle fonda-tion », apparemment au Liech-tenstein.

panique à l’élyséePlus tard, le 23 octobre 2009, le même Patrice de Maistre expli-quait à la milliardaire : « Il serait bien que vous récupériez officiel-

lement votre île d’Arros. Vous savez que cela appartient au Liechtenstein. » Autant de trac-tations illégalles, passibles du délit de blanchiment, d’après un arrêt de la Cour de cassation de février 2008, que le fisc connaît fatalement, après deux ans d’en-quêtes sous l’autorité d’Éric Woerth. Un peu gênant, alors que l’épouse du ministre a conseillé la milliardaire pour la gestion d’une partie de sa fortune.Tout récemment, Nicolas Sarkozy a convoqué son ministre. Le chef de l’État, paraît-il, est sorti fort inquiet de cet entretien. On le serait à moins ! ✹ nicolas beau

Banier pisté par le fisc depuis deux ans

Bougrab paie l’additionÀ peine nommée à la tête de la haute autorité de lutte contre les discri-minations et pour l’égalité (halde), Jeannette bougrab, qui a fait voter une délibération visant à doubler son salaire, risque de voir, dès la rentrée de septembre, ses attributions noyées dans un plus vaste ensemble – qui réu-nirait toutes les administrations publi-ques en charge de la lutte contre les discriminations. cet organisme pour-rait avoir comme présidente… Fadela amara. la secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville lorgne en effet du côté de ce « nouveau machin ». car, remaniement oblige, elle ne fera probablement pas partie du pro-chain gouvernement. nicolas sarkozy lui reprocherait de n’avoir pas assez pacifié les relations entre lui et la banlieue, désormais terrain de chasse favori de son ennemi dominique de Villepin. Jeannette bougrab, fidèle militante uMP, fera-t-elle les frais de leur haine ?

Al-Rahma défie le CSAen mars 2010, le conseil supérieur de l’audiovisuel a demandé à eutelsat, dont dépend le satellite atlantic bird a4, de mettre un terme à la diffusion de la chaîne égyptienne al-rahma, en raison du contenu antisémite de celle-ci. or, à ce jour, rien n’a été fait. al-rahma a commencé à diffuser en novembre 2007, grâce à un finance-ment de départ provenant d’arabie saoudite. le cheikh Muhammad hassan est le propriétaire de la chaîne, laquelle est dirigée par son frère Mahmoud hassan. al-rahma diffuse des appels à l’extermination des Juifs, décrits comme les descen-dants des singes et des porcs, des serpents et des vipères, et qualifiés de « pires ennemis des musulmans », juste après satan. sympa.

Royal Air ForceVice-présidente de l’internationale socialiste, ségolène royal s’est rendue à new York les 21 et 22 juin pour le congrès de l’organisation. au menu des discussions : « les priorités sur l’éco-nomie mondiale. » Pour mieux pré-parer ses fiches, elle a voyagé au côté de son compagnon, andré hadjez, en business class. À 3 454 euros le billet par personne, aller-retour. entre bons cama-rades, elle a fait profiter de sa virée à son dir’ cab’ de région, alexandre Godin. Qui a dû se contenter de la classe éco, à 1 027 euros le billet. Quand on vous dit que c’est la crise…

Jolie mêlée au « Monde »les trois candidats à la reprise du groupe le Monde (le trio Perdriel-Prisa-orange, le trio Pigasse-niel-bergé et robert Mon-teux, patron du groupe le revenu) ont présenté leurs projets à tour de rôle devant les sociétés de personnel, avant le vote de la puissante société des rédac-teurs du Monde (srM), attendu le ven-dredi 25 juin. le tout avant le conseil de surveillance du lundi 28. il reste peu pro-bable qu’un candidat obtienne les deux tiers des voix des rédacteurs, nécessaires lors du vote de vendredi. et la situation pourrait s’enliser une partie de l’été. Parfois ombrageux, les journalistes du quotidien du soir ne veulent pas de denis olivennes, bras droit de Perdriel, qui passe pour un ami du couple sarko-carla et qui a surtout plombé le Nouvel Observateur. Perdriel pourrait donc tenter de passer en force, en rachetant, avec les espagnols de Prisa, les 17 % de lagardère. sinon, la dernière solution envisagée résiderait dans un regroupement des forces. selon certaines sources, le trio Perdriel-Prisa-orange pourrait alors accueillir Mathieu Pigasse et même Pierre bergé – ce qui permettrait de diversifier le capital, tout en donnant une minorité de blocage aux différentes sociétés de personnel.reste à savoir si Perdriel, après avoir tenté de séduire la belle, ne préfé-rera pas se retirer, après avoir fait ses comptes. car la danseuse, vingt-cinq millions de pertes cette année, coûte fort cher ! ✹

Val perdu…stéphane Guillon (2 millions d’auditeurs) viré de l’antenne, didier Porte itou, des émissions sucrées, et six salariés recalés ! en guerre contre cette gestion autocra-tique, journalistes et producteurs font circuler, depuis plusieurs semaines, des courriers contre la direction. le 31 mai, la société des producteurs se deman-dait, dans une lettre interne : « La  direc-tion  nous  considère-t-elle  comme  des ennemis ? » et enchaînait : « Certains se  sont  vu demander  leur  CV,  alors  qu’ils assurent  des  émissions  régulières  depuis des années (...) Ceux qui, osant se défendre en évoquant leur professionnalisme, ont été dédaigneusement  renvoyés  à  leur  nullité d’une phrase : “mieux vaut avoir un univers que du professionnalisme.” » Menacée de se faire sucrer son émission, Kath-leen evin, la présidente de la société des producteurs, qui défendait bec et ongles Val quand il avait osé comparer Bakchich à Je suis partout, a démis-sionné de son poste de présidente. Mieux vaut tard… la rédaction, de son côté, a voté la semaine dernière une motion contre Philippe Val, à propos de la grille de rentrée. Val pourra toujours se consoler en jouant un air de guitare sous les fenêtres de son amie carla ! ✹ lara Mace

cheF scooP

l’Adieu deS pARAS Au tRouBle BigeARd

Messe

a la belle époque où Val et son ami Font s’en prenaient virilement à François léotard.

du saMedi 26 Juin au Vendredi 2 Juillet 2010 | baKchich hebdo n°30 3

Apéro

Page 4: Bakchich N° 30

Bouthan trainL’info. « L’Expédition RTL : le Bouthan », publicité dans le Monde, 21 juin.Le décryptage. Le quotidien du soir assure la promotion d’une initiative de RTL dont il est partenaire. « Chaque mois, une destination sur un point du globe où se joue notre avenir », explique l’encart. Manque une précision divertis-sante à la publicité pour cette série de reportages : le partenariat avec Total. Pour mémoire, son lancement avait provoqué une fronde des journalistes de RTL. Si le partenariat court toujours, le Monde, lui, aura préféré l’oublier.

InfotainmentL’info. « Contrairement à d’autres, on n’a jamais eu de mise en demeure pour une émission quinze jours après son lan-cement. Je ne crois pas que les jeunes soient attirés par le trash. », Nonce Pao-lini, PDG de TF1, le Parisien, 22 juin.Le décryptage. Le grand manitou de la première chaîne dit vrai. TF1, qui s’ap-prête à diffuser la saison 4 de Secret Story, ne fait pas dans le trash. Et le CSA ne s’y trompe pas. Aucune mise en demeure adressée à Paolini pour atteinte à la dignité humaine ces der-niers mois, comme ce fut le cas récem-ment pour l’émission Dilemme, sur W9. Non, TF1 préfère les mises en demeure pour « manquement à l’honnêteté de l’information ». Comme ce fut le cas à de multiples reprises ces derniers temps : fausse annonce de la mort d’un enfant en direct, fausse image de l’Assemblée pendant l’examen de la loi Hadopi et de la loi Loppsi… Au point que Catherine Nayl, la patronne de l’info, fraîchement décorée de la Légion d’honneur, a été convoquée au CSA pour s’expliquer. De quoi, effectivement, donner la leçon.

« Échos » systèmeL’info. « La charte éthique des Échos », les Échos, 21 juin.Le décryptage. La rédaction de cette charte était une promesse de LVMH au moment du rachat… il y a plus de deux ans et demi. Nicolas Beytout peut s’enorgueillir d’être celui qui a retardé la signature du texte. Ses interventions télévisées, à la saveur éditorialisante, n’ont cessé d’agacer les rédacteurs, qui lui reprochaient de se définir comme un représentant de la rédaction alors qu’il n’est « que » représentant de l’action-naire. Désormais, s’il tient à l’exercice journalistique cathodique, Beytout ne devra plus faire mention de sa fonction aux Échos, mais simplement de son nom. C’est tout bête. C’est Beytout.

Fayard de vivreL’info. « Numéro 1 des ventes. Déjà plus de 100 000 exemplaires », clame la pub des éditions Fayard à propos du nouvel opus de Jacques Attali, Tous ruinés dans dix  ans ? Dette publique :  la  dernière chance, paru le 19 mai.Le décryptage. Selon Edistat, qui éta-blit des statistiques de ventes, celles de l’ouvrage ne s’élèveraient qu’à 57 000 exemplaires, ce qui n’est certes pas si mal. Mais on est loin des 100 000 exemplaires. Fayard se garde bien de préciser s’il s’agit d’exemplaires vendus ou imprimés. Un grand classique…

L'union fait la CorseL’info. « Robert Feliciaggi n’avait  rien d’un voyou », Corse Matin, 23 juin.Le décryptage. Dans un dossier consacré au grand banditisme sur l’île de Beauté, le quotidien revient sur l’itinéraire de Robert Feliciaggi, ancien maire de Pila-Canale, mort assassiné en 2006, et précise qu’il n’a rien d’un voyou. Amusant quand on sait qu’il fut un proche de Jean-Gé Colonna, dernier parrain corse, de Charles Pasqua – ce qui lui valut d’être mis en examen pour financement illégal du RPF – ou encore de Michel Tomi, lequel a géré de nom-breux établissements de jeu en Afrique. Bref, rien d’un voyou ✹

Le tour de passe-passe du gouvernementSous prétexte d’une réforme des re-traites à long terme, le gouvernement renfloue les caisses à court terme et endette lourdement les générations futures. Pour comprendre le jeu de bonneteau auquel le gouvernement se livre, il est nécessaire de se pencher sur ces acronymes : FRR et Cades.

L e Fonds de réserve des retraites (FRR) a été créé par le gouvernement Jospin

en 1999 pour faire face au choc du papy-boom et ainsi pallier le déficit des retraites de 2020. L’argent du FRR provient essentiellement d’une partie des recettes des privatisations et du prélèvement social sur les revenus du patrimoine. La loi interdit d’utiliser ces recettes avant 2020. À ce jour, le FRR possède 34,5 milliards d’euros. Presque la moitié de cette somme est placée en Bourse, sur les marchés d’actions. C’est un fonds de pension public, mais qui sait prendre des risques. Lors de la crise de 2008, ce fonds a perdu en quelques mois plus de 3 milliards d’euros. Le reste de la somme est placé en obligations d’État, le FRR est donc engagé aussi sur la dette grecque, pour presque rien, 200 millions d’euros – une paille… Le FRR se flatte d’avoir une gestion diversi-fiée, donc sûre. Le FRR confie des mandats de gestion à toute la planète financière, d’HSBC à Axa en passant par la Barclays, et même Lehman Brothers, à qui le Fonds avait donné 195 millions d’euros à investir !

diamantLa Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), elle, ressemble à cette bonne vieille vignette automobile. Créée en 1996 par Alain Juppé pour rem-bourser le trou de la Sécu, il était prévu que la Cades meure en 2009, à la fin du remboursement de sa

dette ! Avec elle devait s’éteindre aussi la Cotisation au rembourse-ment de la dette sociale (CRDS), chargée de la financer. Mais tous les gouvernements ont profité de cette caisse pour se défausser de leur dette sociale. À tel point que la Cades, à ce jour, est endettée de plus de 93 milliards d’euros. Pour rembourser, la Cades émet des obligations et paie des intérêts (plus de 28 milliards depuis sa création). Le déficit de la Sécu se

vend ainsi dans le monde entier. Pour vanter ses placements, la Cades s’offre parfois des pubs dans la presse étrangère (voir notre document). On comprend pourquoi elles ne sont pas diffu-sées en France : le trou national comparé à un diamant !Or, le tour de passe-passe auquel

s’est livré le gouvernement, le voici. Lors de sa présentation de la réforme des retraites, Éric Woerth a annoncé que « les actifs du FRR seront transférés à la Cades ». Le temps urge. Début 2011, la Cades doit reprendre 61 milliards de dettes sociales (Assurance maladie et vieillesse cumulées pour l’année 2009-2010). Or, la loi interdit au gouvernement d’en-detter à nouveau la Cades sans lui attribuer de recettes supplémen-

taires. Où trouver les sous ? Augmenter la CSG et/ou la CRDS ? Bien trop impopu-laire ! Woerth est un malin: le transfert des 34 milliards du FRR permettra de financer la dette sociale sans douleur. Enfin, pour le moment.

embRouiLLeSLes annonces d’Éric Woerth, selon lesquelles le FRR « ne serait pas dissous et continue-rait à gérer ses actifs », ne sont destinées qu’à embrouiller les esprits : cet argent sera bel et bien utilisé immédia-tement. Jean-Jacques Jégou, sénateur UMP et président du conseil de surveillance de la Cades, le confirme : « Les fonds du FRR seront utilisés dès 2011. » Pour le député socialiste Gérard Bapt, éga-lement membre du conseil de surveillance de la Cades, la manœuvre est claire : « Tout ce qui est fait en ce moment ne sert qu’à repousser les aug-

mentations de CSG et de CRDS à l’automne 2012. » Car, au final, l’argent du FRR n’épon-gera pas l’océan de dettes que la Cades doit reprendre (Sécu-rité sociale 2011 plus tous les

déficits des retraites jusqu’en 2018). Les 34 milliards du FRR ne garantiront pas non plus à la Cades de conserver l’excellence de sa signature sur les marchés.Le gouvernement dilapide les bijoux de famille et creuse les défi-cits… encore et toujours ! ✹ LESLiE VARENNE

Quand y a pas d’gène…En changeant, le mois dernier, son slogan « La beauté sera votre entrée » en « Les votes seront votre entrée », tres-select.com a calmé les associations anti-discriminations. L’objectif est pourtant resté le même : sélectionner, pour la soirée du 25 juin, les 600 plus belles et beaux inter-nautes. Une soirée interdite aux moches ? « Le critère du physique n’est pas notre but », se défendaient les orga-nisateurs face aux critiques. Dans le dossier de presse, Tres-select.com se fait pourtant le plaisir de rappeler l’an-cien concept : « Très Sélect (…) est vue par certains comme la soirée réservée aux plus beaux. » Pas d’handicapé, aucun grassouillet et peu de binoclards ont d’ailleurs été plébis-cités… Moins hypocrite mais plus obscène, le site de ren-contres beautifulpeople.com, qui interdit « les moches », vient d’annoncer l’ouverture d’une banque de sperme pour les internautes « souhaitant avoir de beaux bébés ». Là où il y a gène (de la bêtise), il y a connerie ✹

BAB’ EL WEB

DETTE SoCiALE

a “Lighten the debt. brighten the future.” “alléger la dette. Éclairer l’avenir.” La Cades, organisme gouvernemental finançant la dette accumulée par le système de santé, incite les anglo-Saxons à investir dans le trou de notre Sécu…comparée à un diamant.

4 BAkCHiCH HEBDo N°30 | DU SAMEDi 26 JUiN AU VENDREDi 2 JUiLLET 2010

Apéro

Page 5: Bakchich N° 30

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°30 5

Filouteries

paris La politique sociale de Bertrand Delanoë se porte bien, merci. Pour « créer » des logements sociaux, la Ville rachète à tour de bras des immeubles, qui, de fait, deviennent « sociaux ». Magique ! Quant aux cantines scolaires, elles mettent en exergue de criantes inégalités.

Qui l’eût cru, les marchands de biens parisiens ne sont plus des agents du mal, des éventreurs prêts à vous couper l’eau,

l’électricité, et à jeter un élevage de rats dans votre cage d’escaliers. En décembre 2000, cette corpora-tion, autrefois honnie, a loupé le coche. Le vote de la loi de solidarité et renouvellement urbain (SRU), rédigée par le cabinet de Lionel Jospin, alors Premier ministre, permettait aux acteurs privés de s’associer au public. L’occa-sion d’un parte-nariat saisie au vol par les pro-moteurs, mais pas par les « réno-vateurs marchands de biens ».L’arrivée des socialistes à la mairie de Paris fut une Berezina pour les marchands de biens : Delanoë a asséché le marché de l’immobilier de la capitale, où 80 % des immeubles mis en vente sont préemptés par la ville. De 2001 à 2005, la mairie a financé 18 622 logements, dont 10 % seu-lement furent du neuf. Résultat, plus de biens, plus de marchands, ou presque. La corporation désire maintenant faire pierre com-mune avec Bertrand Delanoë, qui, d’après ces repentis, pourrait faire mieux et plus pour Paris.Le Parti socialiste a pris l’Hôtel de Ville avec un déficit d’au moins 100 000 logements sociaux – certains parlent du double. Bien possible, dans un domaine où on évite avec constance de tenir des statistiques fiables. Puisqu’il est difficile de construire, en raison de l’opposition des Verts, qui veulent une capitale pota-gère, et de la droite, qui la veut haussmanienne, Delanoë décide deux choses. D’abord, acheter tous les immeubles mis en vente, puis, en matière d’architecture, construire plus haut, du genre 50 étages. Pour l’instant, les tours sont encore dans les cartons, alors que les achats cartonnent. Si ça continue, la Ville possédera Paris.Hélas, la politique d’achat massif du PS parisien, si elle fait monter artificiellement la statistique des logements dits « sociaux », a sur-tout pour conséquences de figer et le marché et le type de population

qui vit à Paris, faite de bourgeois pas bobos et aussi de bobos. Un exemple, un immeuble acheté par la Ville, rue de Washington, près des Champs-Élysées, est devenu « social » du simple fait de son rachat par la collectivité, alors que quelques baronnes vivent toujours dans de beaux apparts de 150 mètres carrés.Les experts qui ont la moins mau-vaise langue ont l’impression que, par le biais du logement, Delanoë veut garder son électorat, chéri et bien captif. Surtout, ne

pas faire entrer trop de Verts dans le fruit, ni favoriser le retour des prolos naguère exclus. Et ce

n’est pas la politique des HLM, où le renouvellement n’existe pas, avec un « surloyer » limité à 50 %, qui va modifier la sociologie de la capitale. Tant pis si la promesse d’un soir d’élection – baisse des loyers et accessibilité au loge-ment pour le plus grand nombre – n’est pas tenue. Même dans le XVIIIe arrondissement, l’un des derniers carrés populaires de Paris, qui ne compte que 17,93 % de logement social, contre les 25 % promis et votés par le PS parisien.Amis Parisiens, ne soyez donc pas effrayés, riches et riches, ou pas pauvres, nous allons pei-nardement continuer de vieillir ensemble. Il faut dire que mettre

des démunis au cœur de la ville n’est pas commode. Ainsi, des smi-cards installés dans un immeuble social de l’avenue Kleber ont vite décampé, incapables de payer les tomates au tarif du coin : 12 euros le kilo. Les marchands de biens de la nouvelle vague proposent, eux, plutôt que d’organiser les ghettos à pauvres, d’établir une « mixité horizontale », comme au XIXe siècle. Dans chaque immeuble vendu et rénové, on consacre un étage au logement social, ce qui ne signifie pas, ras-surez-vous, que des Maliens vont croiser Alain Minc dans l’ascen-seur.Autre proposition des privés : prendre en charge la rénovation des immeubles mis sur le marché. Pourquoi diable ? Parce que, chif-fres en mains, ces privés-là vous font du rénové 50 % moins cher que ce que paye Delanoë pour le même service. Rue de Passy, la Ville a refusé de racheter un immeuble rénové par le privé au tarif de 5 500 euros le mètre carré pour, finalement, le fignoler elle-même à… 11 000 euros ! Pas grave, l’argent fait le bonheur, et Paris sera toujours Paris ! ✹

jacQues-marie BourGet

D ix-huit millions de repas servis, 110 000 gamelles à remplir chaque jour : les cantines scolaires des écoles parisiennes sont un « sujet majeur », déclarait Bertrand Delanoë en 2007, à l’aune

des élections municipales de 2008. Pour autant, nos chères têtes blondes sont loin d’être toutes inscrites au label bio…En avril 2006, un rapport d’audit de l’Inspection générale de la ville de Paris épinglait les cantines des écoles de la capitale. Celles des plus pauvres surtout. Dans le XXe arrondissement, « le risque d’intoxication alimentaire par défaut d’hygiène rigoureuse y est réel », relevait le rap-port. Toujours dans le XXe, « des peintures écaillées ou poussiéreuses » sont constatées dans 68 % des sites visités.

cantines scolairesMais régler le problème signifierait investir, par exemple, dans de nou-velles enceintes réfrigérées. Lesquelles « mettraient en péril l’équilibre fragilisé de la trésorerie des caisses des écoles concernées », notait encore le rapport d’audit. Car, si les caisses des écoles des quartiers chics se portent bien, celles des arrondissements les plus pauvres sont large-ment déficitaires. Essentiellement parce que leur trésorerie dépend pour moitié de l’argent que les parents d’élèves versent pour un ticket

repas. À titre de comparaison, 61,16 % des familles du XXe arrondisse-ment s’acquittent d’un tarif réduit, contre 7,75 % dans le VIe… Or, la mairie de Paris, qui contribue pour l’autre moitié à la trésorerie des caisses des écoles, ne compense pas ces inégalités.Que s’est-il passé après la sortie du rapport ? Le maire de Paris a demandé un audit supplémentaire, spécifiquement sur les « très préoc-cupantes » cantines du XXe arrondissement. D’après le service de presse de la caisse des écoles du XXe – qui dépend de la mairie –, Delanoë leur aurait ensuite versé des « subventions extraordinaires » (dont le mon-tant reste mystérieux). Puis, le 10 mai 2010, Bertrand Delanoë a pondu une délibération, histoire d’harmoniser, dans tout Paname, les tarifs des tickets de cantines. De 15 centimes d’euros pour les plus pauvres à 5 euros pour les plus riches. Ce qui évitera aux arrondissements favorisés de faire payer à leurs smicards plus qu’ils ne le peuvent.Qu’on se rassure, une cuisine centrale, où serait préparée la nourri-ture de l’ensemble des cantines scolaires du XXe et qui serait gérée par la caisse des écoles de l’arrondissement, devrait ouvrir ses portes à l’horizon 2011-2012. Pour sûr, l’égalité entre les enfants est un thème auquel Delanoë est attaché ✹ anaëlle verzaux

pour bien manger, mieux vaut être friqué

Social, les trucs et astuces de delanoë

la mairie de Paris préempte 80 % des logements mis en vente dans la ville.

les mystères de la ville lumière dévoilés par Bakchich :http://minu.me/2kus

www.bakchich.info

Page 6: Bakchich N° 30

La saison tou-ristique en Floride démarre avec le Memorial week-end du 31 mai. À cause du « loop  current », le cou-rant en boucle, susceptible

de rabattre fin mai les nappes de pollution pétrolière du golfe du Mexique vers le détroit de Floride, l’alarme rouge est déclenchée sur toutes les côtes du « Sunshine State ». C’est que l’industrie touristique dégage tout de même 60 mil-liards de dollars de chiffre d’affaires par an en Floride : 7 % du budget de l’État. De quoi s’inquiéter des dérives de la nappe mazoutée vers les plages de sable blond, après les vagues du chômage et de la crise immobilière liées à la grande récession de 2008…Pourtant, il reste encore des visiteurs en Floride, à l’aéroport de Melbourne, où nous prenons tous le même bus Greyhound argenté aux flancs décorés d’un lévrier en pleine course, le fameux logo cher à Jack Kerouac (qui habitait non loin d’ici, chez maman, à Orlando). Mais, en 2010, les voyageurs n’ont plus rien à voir avec les beatniks qui peuplaient le classique Sur la route.

Nous sommes une petite dizaine de passa-gers, propres sur nous, à tendre nos billets. Un vieux touriste polonais heureux d’avoir enfin découvert Disneyland – le « Magic Kingdom » d’Orlando –, des accros du télé-phone portable originaires des îles Caraïbes, une jeune mère haïtienne avec son bébé, un DJ noir taciturne de Fort Lauderdale, un

certain Mike, taxi-

dermiste à la retraite dans le

Panhandle, le nord-ouest conservateur de l’État, puis, plus impro-bables, un ornithologiste sino-américain, Lee, et sa collègue floridienne hispanique, Anita, herpétologiste… Nous savons tout très vite les uns sur les autres, car, comme des cancres, nous nous sommes installés au fond du bus.Il fait moite. Les palmes qui bordent la nationale 1 se balancent mollement dans la brise maritime. Pour Mike, moustaches blanchies d’Astérix le Gaulois, l’air d’être revenu de tout : « Ce qui nous tombe dessus est  tout  de  même  de  la  politique  SOCIA-LISTE. » Il a lancé le mot qui fâche, puis continue de verser l’huile sur le feu : « Our governor has gone too Washington » (littéra-lement : « Notre gouverneur est trop devenu un politicien de Washington »).Face à la colère populaire contre le gou-vernement qui « a  sauvé  Wall  Street  et laissé tomber Main Street », le gouverneur républicain Charlie Crist, 53 ans, en poste dans des fonctions publiques depuis plus de dix ans, a soudain décidé de changer d’affiliation. Il se présente au Sénat en novembre 2010 sous l’étiquette indépen-dant. La raison de son changement de casquette ? Il a eu le malheur de s’afficher aux côtés d’Obama, sur une photo souvent reproduite, arborant un trop large sou-rire. Cela lui avait valu les foudres du Tea Party, ce mouvement populiste partisan du conservatisme fiscal et du moindre État. Au même moment le doublait sur sa droite un candidat plus cynique, plus photogé-nique, Marco Rubio, jeune avocat républi-cain de 39 ans surfant avec habileté sur la nouvelle vague de colère anti-Washington. Charlie Crist peut-il être réélu sans l’aval des redoutables polémistes du Tea Party, de la télé réac Fox News, ou de Rush Lim-

baugh, l’animateur de radio tout-puissant qui fait et défait les politiciens à la droite de la droite ?Mike a jeté sa bombinette l’air placide. « Quand  il  n’y  a  plus  d’argent  dans  les caisses  de  l’État,  il  faut  moins  de  gou-vernement », insiste-t-il. Anita contre- argumente : « Il y a des choses que seul un gouvernement peut faire. Comme de protéger nos côtes des compagnies pétrolières pol-lueuses ou de procéder au nettoyage quand le mal est fait. » Mike secoue doucement la tête de désapprobation. La chasse aux excès de Washington est sans conteste le sport de tous les commentateurs. Le Tea Party est chez lui du côté de Pensacola. Anita, dans mon angle de vision, bout de colère. Sa sensibilité d’écolo, de gaucho, de fille d’immigrée, tout se rebiffe en elle devant ce discours. Lee, l’autre étudiant, n’a même pas enlevé son iPod de ses oreilles.

« Je  suis  enregistré  comme  indépendant, poursuit Mike, mais les gens sont fatigués de ces politiciens qui donnent tout aux ban-ques sans s’occuper une seconde de ce qui arrive aux pauvres pendant ce temps-là. » Cette dernière phrase calme Anita, l’her-pétologiste. Elle ne peut qu’être d’accord. Elle-même vient d’une famille défavorisée qui s’est saignée aux quatre veines pour l’envoyer à la fac. Mais elle laisse son voisin de siège poser la question de bon sens qu’elle appelle : « Pourquoi se tourner vers la droite quand  on  a  de  gros problèmes sociaux ? » Quelques jours plus tard, un éditorial de Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2009, apporte la réponse dans le New York Times. Une récente étude vient de prouver « une étonnante corrélation entre performance  économique  et  extrémisme politique  dans  les  nations  développées ». Aux États-Unis, comme en Europe, les périodes de basse croissance économique tendent à être associées à un vote renou-velé pour la droite et les partis politiques nationalistes.« La droite gère mieux l’argent, c’est ça ? Malgré le surplus de la balance des paiements laissé par le gouvernement de Bill Clinton et les caisses laissées vides par Bush II pour réduire les impôts des riches et mener une guerre injustifiée ? » demande d’un ton très calme Anita, la future spécia-liste des animaux à sang froid. « Non, répond Mike tout aussi calmement,

mais on a besoin de gens plus jeunes, avec des vues plus anti-establishment. Beau-coup de choses doivent être changées. Washington ne représente  plus  le  pays. Pour tout cela, le Tea Party est une bonne chose. » Le Tea Party, cette troupe de faux insurgés se pré-tendant sans affiliation, est en fait un nouvel extrémisme de droite qui a le vent en poupe et a su attirer les feux des projecteurs sur lui et sa fameuse tête de file, Sarah Palin. « Le Tea Party de Sarah Palin, vous voulez dire ? » intervient Lee, qui a enfin ôté ses écouteurs pour se joindre à la discussion improvisée. « C’est en fait simplement une pollution de l’environnement politique américain, intro-duite par mégarde par John McCain… Au même titre que le python de Birmanie ou le dragonhead dans les rivières du pays. »Mike est parti aux toilettes sans prendre la peine de répondre. Il est d’une contrée où l’on ne se laisse pas emporter par ses émo-tions. Dehors, on imagine bien le paysage de canaux et de marais envahi d’espèces colonisatrices venues de l’autre bout du monde. La Floride, avec ses températures subtropicales dans le nord et tropicales dans le sud, est devenue un cas d’école de désastre écologique. On considère que les ouragans successifs ont relâché dans l’environnement de nombreuses espèces d’animaux de vivariums ou de zoos privés, dont certaines se sont développées avec un tel succès qu’elles devraient être considé-rées comme une authentique biopollution. Anita est partie faire une recherche dans les Everglades sur l’espèce de reptiles la

plus célèbre parmi ces envahis-seurs : le python de

Birmanie. La

6 Bakchich heBdo N°30 | du samedi 26 juiN au veNdredi 2 juillet 2010

états-unis La Floride, État américain vivant essentiellement du tourisme, est un révélateur de son pays. Du vote de ses citoyens dépend souvent la couleur du Président, comme avec Bush en 2000. Carnet de voyage au cœur d’un État prompt à céder aux sirènes des ultra-conservateurs du Tea Party.

la floride tentée par

Le Tea Party est de la partie

Discussion politique impromptue

Page 7: Bakchich N° 30

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°30 7

Floride abriterait au fond de ses marécages une population de plusieurs milliers de ces rep-tiles géants, dont tous les médias américains se sont saisis, comme titres de leurs journaux locaux ou de leurs émissions télévisées. Un python de 2,5 mètres a défrayé la chronique il y a peu en s’échappant de sa cage d’un zoo privé, et a étranglé un enfant de 2 ans. Selon le New York Times, cet incident avait mené à une expédition punitive de six semaines, qui avait effectivement décimé la population de pythons locale. Mais le problème a dépassé tout entendement, et la solution n’est pas près d’être trouvée, dans la mesure où les touristes demandent main-tenant à voir… du python !En fait, selon Lee, Sarah Palin devrait être considérée comme le python de Birmanie : une pollution politique relâchée dans l’environnement américain, que le statut de « célébrité » aurait rendue aussi riche que toxique. Mike le taxidermiste ne semble pas ébranlé par ces tergiversations de « grosses têtes », mais il apprécie leurs histoires naturelles.À West Palm Beach, nous changeons d’autobus. À la place de Mike le réac, nous avons « Tina » et une copine qui montent dans le bus. « Tina » est le surnom de la méthamphétamine, le crystal meth, qui ravage les campagnes pauvres du pays, la drogue de choix des « petits Blancs », et qui a la particularité de détruire les gencives de ses consommateurs, après avoir détruit leur milieu familial. Un accro à la métham-phétamine est visiblement monté à bord et va directement s’asseoir à la place libre à côté de moi. Mon voisin de siège ne reste pas tranquille une minute. Il se roule des cigarettes qu’il va fumer compulsivement dans les toilettes et en revient encore plus déchaîné, parlant en rafales dans son télé-phone. Heureusement, il descend à Fort Lauderdale.

Aprés Fort Lauderdale, notre lévrier argenté de bus se lance dans l’écheveau des rocades de Miami. Nous longeons rapidement la zone sans foi ni loi de C-9 (pour canal 9), où les derniers immigrants viennent créer leurs commerces illicites, commentent en chœur le Miami Herald et le New Times du jour (l’équivalent du Village Voice pour New York). On y évoque sur six pages les « labs » souterrains et les abattoirs clandestins où se revendent les chevaux volés aux quatre coins de l’État ! Il fait un soleil tropical et le paysage urbain est devenu très spectaculaire.

Miami est la plus grande surface métropolitaine de Floride

alors que Jacksonville a quasi le double de population : 805 000 h a b i t a n t s p o u r 424 000 Miamiens ! Miami l’hispanique vote démocrate, quand Jacksonville la blanche plutôt

républicain : l’équi-libre démographique

des quatre grandes zones urbaines du pays explique

que la Floride (18,33 mil-lions d’habitants) soit un

« Swing State », autrement dit un champ de bataille élec-toral (« Battle State ») ! En 2000, George W. Bush avait battu

Al Gore grâce à la Floride. À l’époque, Katherine

Harris, secrétaire d’État de Floride (alors gouvernée par Jeb Bush, frère de George),

avait sans vergogne biaisé l’élection. Il

avait fallu recompter manuellement tous les

bulletins de vote de Palm Beach, dont la perforation n’était pas complète.

Harris avait obtenu l’obstruction puis l’arrêt de ce processus fastidieux grâce à l’intervention de la Cour suprême. Cela avait permis d’accorder à Bush les votes floridiens, le consacrant ainsi vainqueur de l’élection présidentielle.

Le Greyhound galope sur les rampes de béton qui nous mènent vers une autoroute à cinq voies plongeant au-dessus du bras de mer. On voit des îles huppées ou des quartiers urbains au bord de canaux. Des navires de plai-sance complètent les mai-sons envahies de végé-tation tropicale. Cela sent le mythe gla-mour moderne… Dans les caisses du Trésor flori-dien, l’argent des riches ne tombe qu’avec par-

cimonie. Le laisser-faire fiscal attire tous les O.J. Simpson et Tiger Woods du pays… Bienvenue dans le Sunshine State !Des acheteurs internationaux feraient légèrement remonter les cotes immobi-lières. Selon les gazettes et les blogs locaux, ils viendraient en masse faire leur marché, citant des hommes d’affaires italiens qui, à vingt, auraient acheté tout un immeuble à Epic, dans le centre de Miami, chaque appartement se vendant 1,8 million de dol-lars, pourvu de grands espaces, d’une vue sur la mer, de concierges, de spas et d’un room-service digne des grands hôtels…Miami vend du rêve, à l’instar de Saint-Tropez ou de Hollywood. Elle est la capi-tale de toutes les capitales d’Amérique du Sud à ce titre, et les coffres de ses banques s’en portent bien. Elle a su attirer le marché de l’art haut de gamme grâce à son association avec la ville de Bâle lors du rendez-

vous annuel d’Art Basel. À l’image de son quartier Art déco et de Miami Beach, en perpétuelle réinvention, la ville s’asperge de glamour et d’ouverture d’esprit. Mais il suffit d’une seule marée noire pour se retrouver englué. Les oiseaux de Floride le savent bien ✹

patrick érouartillustrations de sarah FouQuet

a Sarah Palin.

Miami, hispanique et démocrate

Capitale de l’Amérique du Sud

le populisme

Page 8: Bakchich N° 30

Jean-François Probst vous stimule ? Dégustez ses chroniques Web :http://minu.me/1vbh

www.bakchich.info

Sarko fermé…De 40 membres, Sarkozy voudrait réduire le gouvernement à 30, lors du prochain remaniement, prévu entre octobre 2010 et début 2011. Cible prio-ritaire : les secrétaires d’État qui ont fait leur temps, comme Jean-Marie Bockel à la Justice, Nora Berra aux Aînés ou Fadela Amara à la Ville. Fin de « l’ouver-ture », donc, et retour à une équipe de campagne resserrée pour 2012.

… et Big BrotherLes visiteurs du soir de l’Élysée ont posé la question à Nicolas Sarkozy : « Pour-quoi ne sanctionnes-tu pas les ministres qui  posent  problème ? » « Ce  qu’ont fait certains me choque énormément, c’est écœurant, c’est lamentable, a-t-il convenu, mais je ne peux pas bouger pendant  le débat  sur  les  retraites.  Je vois tout, je note tout, j’écoute tout, et, le moment venu, il y aura des sanctions. » Dans son collimateur : Rama Yade et sa sortie sur les Bleus, Christian Blanc et ses cigares onéreux, et Alain Joyandet et ses permis de construire abusifs.

Wauquiez visionnaireDans une note sur les classes moyennes remise par Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi, au bureau politique de l’UMP, celui-ci établit le constat que « la  crise  les a beaucoup  fragilisés ». C’est tout ? « Sans compter que certaines mesures comme le bouclier fiscal ont pu susciter  chez  les  classes moyennes  le sentiment d’être oubliées au profit des plus riches. » Quand c’est un cadre de la majorité qui le dit…

Jean-François Copé-collerÉnième provocation envers Sarko. Jean-François Copé, qui ne cache plus ses ambitions présidentielles pour 2017, continue de faire vivre son club, Géné-ration France, en dehors de l’UMP. Au point d’organiser un forum, le 28 juin, à l’Assemblée, sur le thème : « Travailler mieux pour gagner plus ensemble. » Ça ne vous rappelle rien ?

Super AyraultÀ huis clos pour discuter de leur retraite, les députés socialistes ont voté cette fois portes ouvertes, mardi 22 juin, la recon-duction de Jean-Marc Ayrault à la tête du groupe parlementaire. À l’unanimité, et pour une treizième année consécutive ! Sans candidat en face. « Ça s’est fait à la Kim Jong-il, à l’applaudimètre ! » bruisse-t-on dans les couloirs. Il y a deux ans, Arnaud Montebourg avait bien tenté de le détrôner avant d’être lâché par les proches de Laurent Fabius. « Aubry se contente de ce consensus mou. C’est un enthousiasme de  façade », confie une huile de l’Assemblée ✹

confidencesLE CINÉAStE tAtI: UN MoDèLE PoUR SARko

La double cotisation des députés va être supprimée. Certains râlent.

LeS députéS dépitéS

Q uatre députés de la majo-rité et quatre députés de l’opposition se sont réunis pour la première

fois, mercredi, autour du prési-dent de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer. L’objectif : se faire hara-kiri en sabrant dans leurs retraites ! C’est que l’affaire Boutin est passée par là. L’an-cienne ministre a dû renoncer à la somme de 9 500 euros pour une mission. Et Fillon de réclamer des « efforts » de la part des politiques. Au pilori, donc, la double cotisa-tion, qui permet à un élu de tou-cher, à partir de 60 ans, une alloca-tion vieillesse de 1 500 euros après seulement cinq ans de mandat, quand le citoyen lambda a du mal à obtenir le même gain après quarante ans de labeur. Cette allocation des députés passe à 6 000 euros après 22,5 ans de « bons et loyaux » ser-vices rendus à la France dans le confort du Palais-Bourbon…Cette double cotisation devrait être supprimée, et le cumul des émoluments publics avec la retraite parlementaire, plafonné. Jean-Marc Ayrault, anticipant les remontrances des Français, n’a pas hésité, avant la réunion, à aller voir Bernard Accoyer pour l’assurer du soutien du groupe socialiste pour l’alignement des retraites des députés sur celles du

régime général. « Les députés n’ont pas à avoir d’avantages, relève un de ses proches, la vie n’est simple pour  personne,  il  n’y  a  pas  de raison qu’elle le soit plus pour les représentants de la nation. »Il n’empêche. Marylise Lebranchu, députée PS du Finistère et membre du groupe de travail sur les retraites, l’a un peu mauvaise. Elle craint que la suppression de la double cotisation ne ferme la porte de l’Assemblée aux salariés du privé. « Le retour à l’emploi non public  est  souvent  très  difficile, cette  mesure  risque  d’empêcher des vocations. Il faudrait garder 

la  double  coti-sation  le  temps d u   p r e m i e r mandat,  sinon nous  n’aurons plus  que  des fonctionnaires à 

l’Assemblée », argumente-t-elle, tout en remarquant que ceux qui clament haut et fort qu’ils sont pour la suppression de la double cotisation ont déjà tous leurs points ! Quant au cumul salaire de ministre-retraite par-lementaire, l’ancienne ministre de la Justice estime qu’il devrait être suspendu pendant l’exercice d’une fonction gouvernementale, le ministre retrouvant automati-quement son siège de député en quittant le gouvernement. Bref, la réforme se fera, mais avec quel-ques grincements de dents ! ✹� FLoRENCE MURACCIoLE

REtRAItES

Dans une note sur « les retraites des sénateurs de 2008 », le directeur du budget du Sénat, Patrick Baudry, veillait à préserver la cagnotte des sénateurs : 1,29 milliard d’euros. Un magot financé par les élus via une caisse maison qui leur permet de toucher une retraite à taux plein en l’espace de deux à trois mandats. Soit, ajoutée à la cotisation par répar-tition, 4 320,19 euros net. Limiter, par un contrôle de l’État, cet avantageux système de cotisation ? L’« effet » serait « épouvantable » pour les séna-teurs, aux dires du gardien du trésor (voir  notre  document). Une autre note de la même année permet de comprendre ce tel effroi. Si 77 des 343 parlementaires de la Chambre haute touchent plus de 4 000 euros de pen-sion par mois, deux ont droit à plus de

10 000 euros et 86, à une fourchette allant de 6 000 à 10 000 euros. Pour-quoi ? Privilège de l’âge ! Multipliez les mandats et vous augmenterez d’autant vos pensions. Merci qui ? La Caisse de retraites des sénateurs ! Ce pactole arrose aussi le personnel du palais du Luxembourg : 8 607,39 euros pour un « conseiller classe exceptionnelle avec 40 annuités » et 3 609,55 euros pour un « agent de deuxième grade ». Avec leurs 1 670 euros et 1 877 euros respec-tifs, les retraités de la SNCF et de la RAtP peuvent aller se rhabiller. Voilà l’inégalité de traitement entre régimes spéciaux. En attendant, Gérard Lar-cher, président du Sénat, « étudie l’hy-pothèse » de la suppression de cette double cotisation. Et sinon, la nuit du 4 août et l’abolition des privilèges, c’est bientôt, non ? ✹ L. C.

pas touche au trésor des sénateurs !

a en 2008, le directeur du budget du Sénat s’inquiétait d’une éventuelle limitation du système de double cotisation des retraites des sénateurs.

8 BAkChICh hEBDo N°30 | DU SAMEDI 26 JUIN AU VENDREDI 2 JUILLEt 2010

Filouteries

J’ai été jadis abasourdi par le pouvoir du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). J’ai vu que le fonction-nement de ce machin pouvait s’inspirer, s’il le faut, de méthodes mafieuses pour favoriser ses inté-rêts ou ceux de ses amis. Et voilà qu’Evra, le capitaine des Bleus, ne cherche pas à savoir pourquoi le ballon ne va pas au fond des buts, mais qui dans son groupe est « la taupe ». Comme à Palerme.

Un jour, je suis allé déjeuner au siège de la Fédé. Dans les couloirs, ça sentait le maque-reau, on croisait des dirigeants proxénètes, des manageurs proxénètes, et des journalistes du même métal. Affreux, affreux ! Visiblement, depuis quinze ans, le ménage n’a toujours pas été fait à fond.

Prenez ce bon monsieur Valentin, directeur de la Fédé qui pleure et démissionne en direct d’Afrique du Sud : je l’ai connu directeur de cabinet de Jean-Louis Debré, à l’Assemblée. Ce poste prépare-t-il vraiment à la maîtrise de l’aile de pigeon ? Le mal est à la tête du système, chez les tireurs de ficelles. Trop de fric tue le jeu, et il est obscène de voir aujourd’hui le monde des « pros » lancer une OPA sur l’équipe de France ! Ces Bleus-là, De Gaulle les aurait laissés rentrer à pied.

Sarko est comme Franck Ribéry, il court après tous les ballons sans lever la tête. Il a raison parce que ça flingue. Rien de tel que de balancer un pote pour se libérer une meilleure place. En politique, le slogan est : « Sortez  les  sortants. » Alors la photocopieuse fume comme un cigare.

Mais, à l’Élysée, personne ne jette un œil sur la misère qui monte. Que l’option Marine Le Pen devienne un vote de « rup-ture », cette fois contre les riches, Kaiser Sarkoko s’en fout, sûr de pouvoir, le moment venu, déjeuner avec Dominique de Villepin, dîner avec François Bayrou et valser avec Marine. Certes, il a tous les médias en main, mais, en 1995, Balladur ne les avait-il pas ?

Avec le pataquès Bettencourt (lire page 3), je sens monter une odeur d’affaire Stavisky… Pas grave, l’important est que TF1 ait bien filmé les jambes de Carla, posée sur sa chaise, à Lon-dres. L’appel du genou ou l’appel du 18 Juin, c’est kif-kif ✹

Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, de Charles Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité.

L’hUMEUR DE PRoBSt

LE MoNDE ESt DEVENU Foot

Page 9: Bakchich N° 30

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°30 9

Bazar

afrique du sud Non loin de la cité emblématique du Cap s’érige Khayelitsha, le plus grand township du pays arc-en-ciel. Un endroit où la fin de l’apartheid n’a pas vraiment effacé les inégalités héritées de la ségrégation, et où les Blancs ne se rendent que bien accompagnés. Reportage.

Dix heures, un dimanche matin. Le moment d’ho-norer le Seigneur. La house music lan-cinante sature les

baffles. Quatre caisses de bière en guise de chaises. Autant de bou-teilles de Castle, la bière locale – moins appréciée que la Black Label, dont les publicités s’affi-chent partout au-dessus des bara-ques en taule. Un shebeen parmi des centaines d’autres tavernes, plus ou moins clandestines, de Khayelitsha. Ici, ce n’est pas la banlieue du Cap, ni même ses suburbs. Ici, nous nous trouvons dans son township, à 45 minutes de la ville. Khayelitsha a grandi en parallèle, et la fin de l’apar-theid ne l’a pas radicalement transformé… « Beaucoup de personnes qui avaient déménagé vers la péri-phérie du Cap sont revenues au township », s’amuse Steven Otter, 36 printemps, Blanc, et ex- résident des lieux. Une expérience inhabituelle. Les Umulungu, les Blancs, ne fréquentent que peu le township. Ou alors accompa-gnés. L’ancien journaliste ne nous lâche pas du regard et prend garde à où l’on met les pieds. Nous croisons deux bars avant de nous poser. « Sûr pour nous ? » « Je ne peux rien te promettre », éludent les patrons. Rades zappés. Un an passé à Khayelitsha, quel-ques mois dans le plus huppé Little Park, où le gouvernement de l’ANC a fait émerger une classe moyenne noire. Plutôt basse : « Des vigiles, des femmes

de ménage, des surveillants de collèges. » De son expérience, Steven a retiré un livre – Khayelitsha – et un sevrage : « Fini l’alcool, la ciga-rette. Je suis même devenu végé-tarien. » Changement de régime après des mois passés dans les shebeens, à avaler du brandy dès 8 heures du matin. L’ordinaire du township, où le houblon se touche à moins de 10 rands (environ 1 euro) et la musique à moins de 1 rand. Quant à la nourriture, optionnelle, elle vide aussi peu les bourses qu’elle rem-plit la panse. Grillades à foison. Les entrecôtes sont découpées comme des parts de pizza. « Ce n’est pas l’alcool qui me manque,

ni les aspects crades. C’est la chaleur. » Celle d e s d i s c u s -sions autour d’un verre sous les taules des

shacks, ces cabanes scotchées les unes aux autres jusqu’à l’ho-rizon. Devant Table Mountain, la ville propre et européenne, une Marseille australe. Derrière, à perte de vue et jusqu’à l’aéro-port, les plaines Capeflats.Moquette au sol, verres entrecho-qués, clopes qui tournent. Déjà 11 heures, et aucune envie de s’en aller. Malgré les décharges à ciel ouvert – partie intégrante du paysage local –, malgré les routes défoncées ou les eaux usées qui se déversent à même la rue. Ou malgré les toilettes communes, objets d’une guerre entre la municipalité de l’Alliance démo-cratique et l’ANC. La ville a pro-posé des toilettes collectives pour cinq familles. L’ANC a exigé des

WC pour chaque famille. Agacée par la démagogie du gouverne-ment central, l’édile Helène Zille a tranché. À la mairie revient la pose des toilettes, à l’ANC les murs autour. Et Khayelitsha de se consteller de toilettes à l’air libre. Démarche un peu siphonnée qui fait encore sourire nos compa-gnons de shebeen.Autour de Steven, ses ex-cama-rades de bringues. Aussi ravis de le retrouver qu’étonnés de le voir sobre. Minda, agent de gar-diennage, qui gagne 160 rands par mois et en dépense 35 en transports. Owen, électricien au chômage, passé par l’île Maurice, aussi à l’aise en anglais que peut l’être un journaliste français… Plus habitué à l’afrikaans, la langue de l’apartheid, qu’à celle du colonisateur, l’anglais. Plus africaine, malgré tout. Et plus usitée dans ces bidonvilles que dans l’européenne Cape Town. Le soleil tape, les bières se vident et les potes rappliquent, attirés par ces Français de passage, qu’ils plaignent pour leurs Bleus. « Pas grave, Marseille est champion. » Sourires en coin. La Coupe du monde n’occupe qu’une petite part de la discussion. « Nous sommes fiers de l’accueillir, et peut-être que l’argent dépensé par le gouvernement sera à un moment reversé. » Moue dubitative. Au moins, Coca-Cola, sponsor offi-ciel du « Good Game », s’affiche-t-il gaiement. Pas une enseigne qui n’ait son panneau flambant neuf. Agrémenté du logo officiel Fifa World Cup.« La ganja est facile à trouver, vous en voulez ? » Les verres passent. Steven résiste au flot de la tenta-tion. « Il ne faut pas romantiser la misère. Dire qu’ici ils n’ont rien mais qu’ils sont heureux, pour, au final, ne rien faire pour eux. » Le township a sa vie, inconciliable avec l’ambiance aseptisée du Cap. Deux mondes incompatibles en l’état. « Ici, c’est l’Afrique. » Une énergie débordante. Et l’ivresse humaine. This is Africa… ✹ xavier monnier

Plein Cap sur la misère de Khayelitsha

le township a sa vie, inconciliable avec celle du cap : « Ici, c’est l’Afrique. »

les reportages et le “off” de nos envoyés spéciaux en afrique du sud: http://minu.me/2jvc

www.bakchich.info

I l paraît que les Bleus, longtemps reclus dans leur hôtel de knysna,

ont rendu visite à un bidonville du coin. histoire de toucher de la main – une coutume irlandaise selon certains – la réalité sud-africaine. Peut-être même ont-ils eu à croiser d’éminents repré-sentants de la plus grande communauté rasta du pays bafana, qui a établi son camp de base à knysna, dans cette magni-fique province de l’eastern cape. des légendes urbaines plus belles que la saga sans élan de l’équipe de France de football.car comment croire que ces jeunes godelureaux ont eu l’heur de se pen-cher sur les soucis d’un pays qui a eu

l’insigne honneur d’accueillir leurs exploits (lire également page 15) ?en s’asseyant dans le moindre shebeen du plus petit township, les joueurs français auraient, à coup sûr, élargi leur horizon. une bonne rasade d’al-cool dès 10 heures, une engueulade à

11, une saine explication à 12 et un dégobillage à 13. Puis une belle gueule de bois d’une

demi-journée. la vie, ici, sans faux. ni semblants ni fuyants. et une fierté aussi. de penser que l’important n’est pas la lutte, mais le combat.mal inspirés, les footballeurs Français n’ont posé qu’un pied dans un bidon-ville. les Bleus ont raté bien plus que leur compétition ✹

la mauvaise Foi de monnier

l’imPortant, c’est le comBat

Saga

Page 10: Bakchich N° 30

I l y a vingt-cinq ans, Coluche et Le Luron se mariaient pour « le meilleur et pour le  rire ». Aujourd’hui, être humoriste politique, c’est prendre le risque de se faire plaquer pour pas un rond. Triste

époque. Stéphane Guillon qui se paye Strauss-Kahn et Besson, Didier Porte qui rêve d’ébats avec Sarko. Pour la sainte radio apostolique France Inter, c’en était trop. Excommunication ! Heureusement que les Français sont là, eux qui, dans leur divine bonté, ont placé Guillon en tête des gredins de l’irrévérence, dans un sondage LH2-Bakchich Hebdo. Avec 28 % des voix ! Seuls Philippe Val et Jean-Luc Hess pensent encore que l’insolence donne des insolations.Et le soleil tape fort, puisqu’on retrouve, deuxièmes ex æquo, Laurent Gerra et Anne Roumanoff, avec 14 %. Elle qui s’était permis, en 2008, cet impair à propos du Président : « Avant, en France, on avait la gauche caviar, maintenant on a la droite cassoulet : 

une petite saucisse avec plein de fayots autour. » Un peu plus au bord de l’assiette, c’est Laurent Ruquier, chiffonnier du jeu de mots, et Nicolas Canteloup, l’imitateur d’Europe 1, qui ont obtenu vos votes. Avec respectivement 10 et 8 % des voix. Non loin de là veille Christophe Alévêque, le culotté calotin qui

brûle un cierge chaque année pour Sarko au Fouquet’s. Et, fort heureusement, cette mau-vaise graine se reproduit. Le jeune et décapant Yann Barthès, du Grand Journal de Canal+, fait son entrée dans le saint des saints. Pour appré-

cier ces têtes qui vous contemplent, Bakchich vous livre leurs huit fiches d’identité. Wanted pour quel-ques-uns, vantés par les Français… ✹

dossier réalisé par la rédaction

humour À la question « Selon vous, quel est l’humoriste politique le plus insolent actuellement en France ? » les Français ont placé Stéphane Guillon en tête des huit personnalités proposées. Ça tombe bien, France Inter vient tout juste de le virer. Portrait du lauréat et de ses dauphins.

Seuls Val et hees pensent encore que l’insolence donne des insolations.

Un dossier à suivre toute cette semaine sur Bakchich.info

www.bakchich.info

10 Bakchich heBdo n°30 | dU samedi 26 jUin aU vendredi 2 jUillet 2010

46 ans, né à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).Débuts. Stéphane Guillon a suivi les cours de théâtre de Jean-Laurent Cochet (qui fut notamment le professeur de Jacques Villeret) durant trois ans. Puis il a tourné dans des cabarets, faute de décrocher la lune. Ce furent d’abord « vingt ans d’humiliations parmi les loqueteux du show-biz », résume-t-il. En 2003, il entre à France Inter, dans l’émission le Fou du roi, de Stéphane Bern. En 2004, il fait ses premiers pas à Canal +. Deux ans après, il rejoint, sur la même chaîne, l’émission de Thierry Ardisson, Salut les Terriens. Depuis 2008, il chronique dans la matinale de France Inter animée par Nicolas Demorand. Son contrat n’a pas été reconduit par Philippe Val (patron d’Inter) et Jean-Luc Hees (boss de Radio France), qui sont eux-mêmes fréquemment la cible de l’humoriste. Actu. Stéphane Guillon pourrait être accueilli par Jean- Jacques Bourdin, sur RMC : « Stéphane Guillon, oui, pour-quoi pas ! Il a ses erreurs, ses excès, mais il a aussi sa liberté d’expression, et vous savez à quel point j’y suis attaché ; surtout, il a du talent. Mais je ne sais pas quels sont ses projets », a-t-il confié à Bakchich, le 22 juin.Public. Stéphane Guillon est très populaire. Il remplit toutes ses salles. Régulièrement, le théâtre Dejazet, à Paris, doit refuser du monde.Business. Il gagne très bien sa vie. Canal+ lui verse 9 000 euros par… semaine ! Et France Inter le paie 350 euros par papier. Ses spectacles, qu’il produit lui-même, lui rapporteraient gros.Haut fait. « Au sein de cette émission… excusez-moi, je retire le mot “ sein ”, pour ne pas réveiller la bête », lance-t-il en parlant de Dominique Strauss-Kahn, le président du Fonds monétaire international, qui avait fait scandale en octobre 2008. DSK était alors la cible d’une enquête pour népotisme dans le cadre de relations intimes avec une subordonnée.Citation. Débarqué de France Inter, il a présenté, mer-credi 23 juin, sa dernière chronique. Il a déclaré, tel un prince : « France Inter, une entreprise de gauche, qui licencie comme la pire entreprise de droite. »Tête de Turc. Éric Besson. Le 22 mars 2010, sur France Inter, Guillon présentait le ministre de l’Immigration comme « une taupe, un espion dormant » du Front national chargé d’infiltrer le gouvernement de Nicolas Sarkozy. À « l’œil de fouine et [au] menton fuyant ». Jean-Luc Hees s’en était excusé auprès du ministre.

stéphane guillon

44 ans, née à Paris.Débuts. En 1987, Anne Roumanoff passe des bancs de Sciences-Po, où elle côtoie Laurence Parisot, Arnaud Montebourg et Jean-François Copé, à ceux de La Classe, sur FR3, où ont débuté Palmade, Bigard… L’humoriste, qui « a pris des cours de théâtre de 12 ans à 22 ans », présente son premier spec-tacle au théâtre des Blancs-Manteaux.Public. Elle est plébiscitée par les plus de 50 ans et les retraités. Une conséquence de ses passages dans Vivement dimanche prochain, de 2007 à 2009 ?Depuis l’été 2009, Roumanoff a des chroniques dans les médias de Lagardère : le Journal du dimanche (diffusé à 390 000 exemplaires) et Europe 1, Les Inédits le lundi (1,4 million d’auditeurs) et Samedi Roumanoff (1,056 million).Business. En 2009, ses recettes de DVD et de spectacles atteignent 1,9 million d’euros.

Citation. « En France, on avait la gauche caviar, maintenant on a la droite cas-soulet : une petite saucisse et plein de fayots autour. » (Vivement dimanche pro-chain du 6 janvier 2008)Haut fait. En janvier 2008, son sketch chez Drucker sur la rencontre Carla-Sarkozy (« Ils avaient jamais vu ça à EuroDisney : Blanche Neige qui épouse le nain ») connaît un rapide succès sur le Web (plus de 8 millions de visionnages).Auteur. Bernard Mabille, ancien auteur de Le Luron et habitué des Grosses Têtes, coécrit ses sketches chez Drucker.Tête de turc. Nicolas Sarkozy : « Moi, je lui fais pas confiance pour relancer la croissance, déjà qu’il n’a pas réussi la sienne. » Mais l’humoriste de préciser : « Avec la crise, les gens se sont tellement moqués de lui qu’il devient difficile de trouver un angle original. »Auto-censure ? « Non, jamais ! Mais tout ce qui touche à la religion, c’est très “touchy”, mais je ne désespère pas de trouver l’angle. »

Anne roumanoff

43 ans, né à Mézériat (Ain).Débuts. Dans des cabarets lyonnais puis à Paris avec Laurent Ruquier, dans son émission Rien à cirer, au début des années 90, sur France Inter.Public. Catalogué artiste de « droite », il réunit tous les matins près de 1,75 mil-lion d’auditeurs sur RTL.Business. 2,7 millions d’euros cumulés en 2009 (spectacles et DVD), selon Challenges.Haut fait. Son imitation de Chirac en 1999, quelques minutes avant les vœux présidentiels, eut plus d’échos que les mots du grand Jacquot.Auteurs. Ses sketchs sont coécrits par Jean-Jacques Peroni, membre des Grosses têtes, tendance anar de droite.Citation. « Comparer un journaliste à Marc-Olivier Fogiel, c’est comme comparer Albert Londres à Jean-Marc Morandini. »Bide. La diffusion de Laurent Gerra flingue la télé sur M6, le 7 février dernier : 9 % de parts de marché.Tête de Turc. Les rappeurs . « Je trouve plus intéres-sant de m’attaquer aux intouchables, comme les rap-peurs, que de faire une blague sur Mireille Mathieu ! » Et Canal+. « Canal+, la chaîne des beaufs qui croient qu’ils n’en sont pas. »Dérapages (in)contrôlés. Imitant Le Pen, sur RTL en 2008, en train de parler du Prophète, la rédaction fut menacée de fatwa. Gerra dut présenter ses excuses.

Laurent gerra

Page 11: Bakchich N° 30

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°30 11

43 ans, né à Mérignac (Gironde).

Débuts. Le Club Med de Pompadour, en Corrèze,

l’embauche

en tant que GO et moniteur d’équitation, e

n 1991. En

1995, il est recruté par les Guignols de l

’info pour

imiter la voix de Nagui.

Public. Comme Laurent Gerra, Canteloup fait

davantage

recette auprès d’un public classé « à droite

». Plus de

1,62 million d’auditeurs l’écoutent lors d

e sa Revue

de presque à 8 h 45 sur Europe 1. Sur France 2

, Vivement

dimanche prochain, de Michel Drucker, réunit 3

,5 millions

de téléspectateurs en moyenne. Sa longue tourn

ée Deuxième

couche aurait séduit 500 000 spectateurs. Ret

ransmis en

prime sur France 2, son spectacle diffusé

en direct de Nantes a attiré 4 767 000

téléspectateurs.

Business. En 2009, le chiffre d’affaires de

Canteloup a été estimé à 4,6 millions

d’euros (DVD, spectacles, séminaires), selon

le magazine Challenges.

Haut fait. Très populaire, Canteloup ne se can

tonne pas aux imitations masculines et

brocarde allègrement Ségolène Royal, Roselyn

e Bachelot ou Michèle Alliot-Marie.

Citation. « Il ne faut pas que les gens sach

ent de quel bord je suis. Je pense que

la neutralité est essentielle pour faire rir

e. »

Auteurs. Philippe Caverivière, Stéphane Jo

ly, Jean-Lou Chaffre et Christophe

Duthuron.Dérapages (in)contrôlé

s. À la radio, il est très entouré, et les in

terventions des

animateurs tendent souvent à désamorcer ses sai

llies

les plus acides. Surtout quand il bro-

carde l’interview de Jean-Pierre El

kabbach, qui le précède à l’antenne.

nicolas canteloup 52 ans, né à Compiègne (Oise). Débuts. Huit ans de Culture Pub sur M6, puis des chroniques télé et médias sur France Inter.Public. Apprécié des seniors qui n’ont pas renoncé aux bar-ricades de leur jeunesse, il est aussi aimé des jeunes hir-sutes qui refusent le libéra-lisme. Journaliste depuis 1984, il a fait les belles heures de France Inter avant d’être forcé à quitter la station. Il a pourtant assuré le pic d’audience tous les jours au Fou du Roi, après le journal de midi (2 millions d’auditeurs). Il se produit toute l’année en one man show à travers la France.Business. En bon marxiste, il se plaint de ses faibles revenus, mais ses collègues le disent plein aux as (10 000 euros mensuels en 2007 selon l’intéressé).Haut fait. Viré d’Inter en 1996 après s’en être pris à Johnny H., il l’est à nouveau en juin 2010 pour un « J’enc… Sarkozy » suggéré avec insistance à Dominique de Villepin pendant sa chronique matinale.Tête de Turc. Le « comique » Arthur, qu’il ridiculise pour la nullité de ses spectacles, ce qui lui vaut un procès.

Des limites ? « Tenter de rester digne en dénonçant l’indignité. »

didier porte

47 ans, né au Havre (Seine-Maritime).Débuts. Il anime des émissions sur des radios locales du Havre dès 1983 avant de se pro-duire au Caveau de la République, à Paris, à 24 ans. Un an plus tard, il écrit des chro-

niques pour Jean Amadou sur Europe 1, avant de collaborer avec Jacques Martin à l’émission Ainsi font, font, font… sur Antenne 2.Public. Sur Europe 1, où il officie depuis 1999, On va s’gêner réunit 1,62 million d’auditeurs en semaine ; à la télé, On n’est pas couché est suivi en moyenne par 1,8 million de téléspectateurs.Business. Sa société Ruq Prod accom-pagne de jeunes talents tels que Michael Gregorio, Gaspard Proust ou Jonatan Cerrada…Haut fait. Imposer Steevy en chroni-queur politique.Influences. Il n’a d’yeux que pour Pierre Doris, maître de l’humour noir et comédien, qui a notamment influencé Pierre Desproges et Jean Yanne.Tête de Turc. Jean-Pierre Elkabbach, son ancien boss à Europe 1, qui n’ap-préciait guère On va s’gêner. Pour le dixième anniversaire de l’émission à l’Olympia, il avait remercié tous ses patrons sauf lui.Dérapages (in)contrôlés. Le 6 octobre 2009, dans On va s’gêner, Pierre Béni-chou, un de ses chroniqueurs, avait traité les Polonais d’antisémites. Avant de se faire rappeler à l’ordre par le CSA.

laurent ruquier

46 ans, né au Creusot (Saône-et-

Loire).Débuts. En 1992, il est repéré par

Lau-

rent Ruquier. Rien à cirer, On a tout

essayé, On va s’gêner… Alévêque est,

depuis, de toutes ses émissions télé

et radio.Actu. Depuis qu’il n’a plus de chro

nique

dans les médias, il se consacre exclu-

sivement à la scène.

christophe alévêque

36 ans, né à Chambéry (Savoie).Débuts. Il entre à Canal+ en 2002 pour l’émission + Clair, puis rejoint Le Grand Journal de Michel Denisot en 2004.Public, audience. Suivies par 2,3 mil-lions de personnes en moyenne (10 % de parts de marché), ses interven-tions créent fréquemment le buzz sur Internet.Producteur. KM Productions, Michel Denisot et Renaud Le Van KimHaut fait. Traque les à-côtés des séquences de com bien calibrées des politiques : discours copiés-collés, Sarkozy qui pique un stylo au président roumain… Sarko Ier ne l’aime guère, et même Frédéric Lefebvre a dû reconnaître que « c’est souvent de mauvaise foi, mais bien vu ».Auteurs. Au moins six journalistes et deux auteurs tra-vaillent avec lui, en plus des journalistes complices à Canal+. Dérapages (in)contrôlés. Barthès participe, même à son insu, à la construction de l’image et du « storytelling » des politiques. Au risque,mais pourquoi pas, de les rendre sympathiques ? De l’art d’égratigner tout le monde sans porter l’estocade.

yann barthès

Citation. « L’humour, c’est comme les

essuie-glaces, ça n’arrête pas la pluie,

mais ça permet d’avancer. »

Influences. Coluche, Desproges, Bedos,

Chaplin, Buster Keaton, Laurel et

Hardy…Haut fait. Le 30 décembre 2009, il

pré-

sente le JT de 13 heures sur France 2 :

« Janvier : Barack Obama prend les rênes

d’un pays ruiné, une prison immonde à

faire fermer, des guerres à régler…

Bref, c’est encore un Noir qui se tape

le boulot de merde. »

Bides. Ses éditos vidéos sur Dailymo-

tion n’ont pas résisté à la troisième

année du mandat de Nicolas Sarkozy. Il

est entarté au festival d’Avignon en

2007 par un collectif lui reprochant son

« hygiénisme de la révolte ».

Têtes de Turc. Nicolas Sarkozy

(« Zébulon ») et Ségolène « Jeanne

d’Arc » Royal. L’Église, le capitalisme

et les femmes. (« Aller en boîte avec sa

femme, c’est comme aller à la boulangerie

avec une baguette sous le bras. »)

L’autocensure. « Nous sommes dans une

censure sournoise avec un couvre-feu

moral qui me procure beaucoup de soucis. »

« La scène est le dernier espace où l’on

n’a pas à s’excuser. »

Page 12: Bakchich N° 30

12 Bakchich heBdo N°30 | du samedi 26 juiN au veNdredi 2 juillet 2010

Bazar

m6

la petite chaîne qui descend

I l est de bon ton, ces derniers temps, de pointer les audiences en baisse de TF1. Bakchich

n’est d’ailleurs pas le dernier média à le faire. En revanche, plus rares sont ceux qui souli-gnent les difficultés de l’éternelle « petite chaîne qui monte », M6. La faute à l’influence de Nicolas de Tavernost, patron du groupe, et véritable pape du PAF ? Tou-jours est-il que les chiffres ne mentent pas. En mai, la chaîne a connu son plus mauvais score d’audience depuis août 2009, avec une moyenne de 10,2 % de parts de marché. Et les éditions d’information, notam-ment le « révolutionnaire » 19 h 45, peinent à combler leur retard sur la concurrence. Aux grands maux, les petits remèdes.Le 4 juin, les journalistes de la rédaction étaient convoqués par Vincent Régnier, directeur délégué à l’information de M6, « pour  une  présentation  des audiences des JT et une étude socio-logique sur l’évolution des compor-tements des Français ». Et Régnier de préciser, dans sa convocation : « et donc de nos téléspectateurs… » Une courte conférence durant

laquelle les journalistes ont eu le plaisir de recevoir la visite de Bri-gitte Lech, sociologue et ancienne directrice de la prospective d’Euro RSCG. Pour l’occasion, cette der-nière s’est fendu d’un petit speech sur les sujets consacrés à la crise, assurant que les téléspectateurs, études d’opinion à l’appui, en avaient cure. Comprenez,

l’audience en berne, c’est le trop-plein de crise. Il s’agirait désormais pour les journalistes de la chaîne de

causer « récession ». Un mélange des genres divertissant, entre journalisme et communication. Rien ne dit que les journalistes aient suivi ces conseils à la lettre. Toutefois, on peut noter que, entre le 8 et le 14 juin, le 19 h 45 n’a pas consacré un seul sujet à la crise économique (les seuls encore visibles sont sur M6 Replay, le site de rattrapage de la chaîne).Contactées, la rédaction en chef du 19 h 45 et la direction de l’infor-mation n’ont pas souhaité nous répondre. La Société des journa-listes n’a pas fait mieux. Et pour cause. Elle n’existe plus ✹� simoN piel

échos des cabas

h&M habillée pour l’hiver« Bien sûr, moralement et selon nos valeurs, nous estimons être responsables de nos fournisseurs et de leurs sous-traitants. » La marque H&M, qui a des soucis depuis qu’elle s’est installée dans la partie palestinienne de Jérusalem, est très fière d’afficher sur son site un « code de bonne conduite ». Elle décrit par exemple les si bonnes conditions de travail de ses salariés au Bangladesh. Pourtant, ces ingrats ont fait grève pour que leur salaire mensuel passe de… 20 à 60 euros. Parmi les moins bien payés du monde, ces ouvriers fournissent la plupart des grandes usines occidentales de vêtements. H&M vient aussi de se faire épingler pour n’avoir payé, au Bangladesh toujours, que 60 euros d’impôts en 2008. « Immoral, mais légal », d’après l’ONG ActionAid. À force de rouler en code…

le vagin vengeurAnnoncé depuis des années, le préservatif féminin « anti-viol », RapeX, est enfin distribué en Afrique du Sud. Cette arme munie de crochets, qui se place dans le vagin comme un tampon hygiénique, est censée bloquer le bijou de famille des agresseurs masculins. C’est en voyant, dans un hôpital, le pénis d’un homme coincé dans sa braguette que « l’inventrice » a eu l’idée de créer cet objet que l’on ne peut retirer qu’en salle d’opération. Du féminisme chirurgical ! ✹

E lle est, derrière la caméra, ce qu’asia argento est devant : fille de,

bombe sensuelle et icône cinématogra-phique. s.o.F.i.a., cinq lettres qu’aurait pu chanter Gainsbourg avec suavité. réalisatrice sans pareille, elle a brillé en fixant sur la pellicule, en seulement trois films, l’impalpable, l’indicible, la subtile et volatile mélan-colie qui habite les filles dans leur transition de chrysalide en femme. de Virgin Suicides à Marie-Antoinette, elle s’est faite le chantre d’un féminisme aussi pugnace qu’évanescent.aujourd’hui égérie de la mode, sofia pré-

pare son quatrième opus, Somewhere, un tête-à-tête entre un père acteur et sa fille de 11 ans. sujet universel sur lequel elle a à redire. la bande-annonce du film, prévu en France pour janvier 2011, est déjà visible sur le Net.À jamais fille (de Francis), sœur (d’un

réalisateur), nièce (de talia shire) et cousine (de Nicolas cage), éternellement vouée

au clan, la coppola a su s’affranchir d’un lourd héritage avec un naturel désarmant. celle qui reçut le saint chrême sur le plateau du Parrain aurait pu devenir actrice. mais sa piètre pres-

tation, à 18 ans, en remplaçant au pied levé Winona ryder dans le Parrain 3, écourta sa carrière. entourée de mons-tres aux ombres et aux egos démesurés, elle n’eut d’autres choix que de déve-lopper un univers intime pour exister.c’est comme portée par une brise que la femme papillon s’est posée à cannes, en 1992. Quelques pages tournées d’un journal intime dans Virgin Suicides, son premier long-métrage, a mis le festival en émoi. silhouette gracile encadrée par de longs et lisses cheveux noirs, telle une jeune joconde sans voix, ce jour-là, sofia c. avait déployé ses ailes ✹

Quatre Fois soFia coppola

Papillon

les petites FaBles d’aNGeliNa

en mai, M6 a connu son plus mauvais score d’audience depuis un an.

I l n’y a pas que les salariés de France télécom. Non. même si l’acte ultime

qu’est le suicide emporte avec lui une part irréductible de mystère, la mort de jean-luc tournaire me hante. je ne le connaissais pas, mais je sais quelques lueurs sur ses derniers mois. il ne vou-lait tout simplement pas que ses ani-maux – des vaches – soient vaccinés contre la fièvre catarrhale ovine (Fco), cette fameuse « maladie de la langue bleue ». transmise par un moustique, elle n’est pas contagieuse et n’est nulle-ment transmissible à l’homme, au point que le ministère de l’agriculture lui-même, sur son site internet, écrit : « Cette maladie n’affecte pas l’homme et n’inspire donc aucune inquiétude, ni pour la population ni pour le consommateur. »comble de tout, la vaccination ne garantit pas réellement contre la propa-gation du virus. disons qu’il y a doute, doute sérieux. en revanche, l’immunité naturelle des animaux, qu’on peut au reste stimuler, semble souvent plus pro-metteuse. l’organisation mondiale de la santé animale (oie), qui fait autorité, note ainsi dans l’un de ses textes que les bêtes « se trouvant dans les zones où la maladie est endémique sont natu-rellement résistantes ». ce qui n’a pas empêché le gouvernement d’imposer, en 2009, la vaccination à tous les

éleveurs. avec menaces de poursuites contre les récalcitrants.jean-luc tournaire allait prendre sa retraite, après trente ans passés dans un minuscule village des pyrénées. venu de paris avec sa compagne, il y avait élevé sa famille, des vaches, des chevaux, tout en défendant cette agriculture biologique désormais plé-biscitée dans les villes. ses proches le décrivent comme accablé, dans ses der-niers jours, par l’obligation de vacciner des bêtes qu’il savait pouvoir soigner

autrement. il s’est tiré une balle dans la tête. Quelques jours plus tard, Bruno le maire, ministre de

l’agriculture, imposait à nouveau la vac-cination générale en 2010, pour un coût global de 98 millions d’euros. on peut espérer qu’au moins les laboratoires pharmaceutiques seront contents. sûrement : en décembre 2008, michel Barnier, alors ministre de l’agriculture, visite à lyon les installations du groupe mérial, spécialiste de la vaccination contre la Fco. il déclare, notamment : « Je vous aiderai à mettre en place un pôle national pour la santé animale. » ajoutons ce détail : michel Barnier a été vice-président de mérieux alliance, un groupe privé dont dépend mérial, de février 2006 à juin 2007, date à laquelle il entre au gouvernement. je préfère penser à jean-luc ✹

Vaccin

le suicidé et le miNistre

écolo FaçoN NicoliNo

Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino tient un blog sans concessions sur l’environnement, Planète sans visa.

bakchichc’est aussisur internet !

informations, enquêtes et mauvais esprit

bakchich info

Page 13: Bakchich N° 30

Nicolas Sarkozy et quelques autres de nos dirigeants devraient se pré-cipiter sur Edgar Faure, l’optimiste,

un opuscule fort instructif pondu par un brillant diplomate, Yves Marek. Rien de tel qu’un retour aux textes pour éclairer cet homme d’État qui traversa la IVe et la Ve République avec autant de talent et de soif de réformer la société française d’avant-guerre, fracassée par des crises à répéti-tion. Un discours de la méthode à l’usage de nos gouvernants !

grand séducteurDe cet académicien auteur de polars sous le pseudonyme d’Edgar Sanday, brillant agrégé de droit romain, on ne se souvient parfois que de sa verve. Il fallait mieux compter parmi ses amis. À propos d’Antoine Pinay, le père la rigueur du général de Gaulle : « On crut que ses mots à l’emporte-pièce étaient une marotte, c’était un pro-gramme. » De Jean Lecanuet, tom-beur de De Gaulle en 1965, il a pu dire : « M. Lecanuet doit à ma sym-pathie et à ma confiance l’unique poste semi-ministériel auquel il ait jamais accédé… » Quant à ses conquêtes féminines, elles furent légion : « Je ne vous dévisage pas, Madame, dit-il à l’une d’entre elles, je vous envisage. »Nous ne résistons pas à l’envie de raconter une anecdote qui ne figure pas dans cet ouvrage. Arri-vant dans un hôtel parisien où il avait ses habitudes, peu après le décès de son épouse, la critique d’art Lucie Faure, Edgar glissa à la patronne : « Ma compagne

du jour n’est pas très gracieuse, mais, que voulez-vous, il me faut respecter le délai de veuvage. »Avocat le plus jeune de France, procureur à Nuremberg, treize fois membre du gouvernement sous la IVe République, deux fois président du Conseil, moder-nisateur de l’université après Mai 68, président de l’Assemblée, ministre du général de Gaulle, Edgar Faure fut un grand réfor-mateur. Ses modèles ? Turgot, sur lequel il écrivit, Mendès France, qu’il défendit pendant l’Occupa-tion et dont il s’éloigna plus tard, De Gaulle, qu’il fut le seul, au sein du Parti radical, à rallier en 1958. « Deux hommes auraient pu éviter la Révolution française. Turgot, mais il était déjà mort, et moi, mais je n’étais pas encore né. »Nous voici replongés dans les com-bats de ce « surdoué des finances », dont une Lagarde et un Woerth

pourraient s’inspirer. Un coup à droite lorsqu’après la guerre il fait voter l’augmentation des loyers de 10 %, un coup à gauche lorsqu’il augmente la dépense publique, face à un Daladier basculant dans une démagogie anti-fiscale : « Et si vous demandiez le prix de la liberté aux peuples qui l’ont perdue, proclamait Edgar, peut-être vous diraient-ils que le budget de la France n’est pas trop cher ! »

noble orateurEdgar Faure redonna, selon le mot de l’auteur, « une dignité phi-losophique, une noblesse intellec-tuelle » à une politique pragma-tique, en citant Anouilh dans sa déclaration d’investiture, en 1955, comme président du Conseil : « Construire, sans illusions, un monde à notre mesure. » L’homme d’État se mesure à ses résultats, non à ses déclamations. Mais

Edgar, vraiment très faurElIttérature Homme d’État brillant, figure de la IVe et de la Ve République, Edgar Faure a tranché par son réformisme et par sa culture. Toujours à l’affût du bon mot, le ministre de De Gaulle prétendait « construire, sans illusions, un monde à notre mesure ».

Un peu de culture

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich heBdo n°30 13

LA SOUFFRANCE AU SCALPEL«Q uand on est laid, on n’a

jamais 20 ans », disait jean anouilh. « Quand on est gra-

vement malade non plus », aurait pu ajouter l’artiste Élodie durand. Pudeur des maux, elle écrit dans des bulles et dessine au crayon pour évoquer sa Parenthèse dans une Bd aux éditions delcourt. celle d’une tumeur au cerveau à l’âge où l’esprit est tendu comme une bretelle entre soif de soi et premières amours. son album est un long murmure qui nous chuchote du fond de l’œil le drame d’être malade quand on est jeune adulte. un travail d’acupuncture. Planter des aiguilles du bout de sa mine noire sur quelques souvenirs : l’hôpital, ses parents, le docteur à créteil, les tables d’opération, la perte de mémoire, la douleur, la longue guérison. le tout narré par une grande vertu de la retenue et une liberté de forme. sans aucune pleurnicherie ni supplications.le dessin varie de vignettes sans contour au portrait pleine page dans des tons obscurs et semi-obscurs. c’est une mise en page originale et soignée. « Ce projet est né d’un désir très fort de rassembler des souvenirs confus. Je voulais qu’ils deviennent autre chose », aime-t-elle préciser. cette dissection de la souf-france et de son oubli passe chez elle par des forces imagées. là, des médecins qui arpentent son cervelet vérolé comme un fruit blet. l’image au chevet de l’imaginaire. le monde mental mis à nu. Pour se prouver qu’elle vit ✹ louis caBanes

La Parenthèse, par élodie durand, éd. delcourt, 221 pages, 14,95 euros.

Bédé

lorsqu’un grand orateur comme Edgar fait une telle profession de foi, il faut tendre l’oreille ✹ nicolas Beau

Edgar Faure, l’optimiste, par Yves Marek,éd. la documentation française,

103 pages, 10 euros.

N ous nous demandions (dans le numéro 19 de Bakchich) si un nouveau dictionnaire

de la mort avait une quelconque chance de nous en apprendre plus sur le sujet que les travaux d’une vie de Philippe Ariès, d’Edgar Morin ou de Robert Sabatier. Le maître d’œuvre de ce projet, Phi-lippe Di Folco, s’en étonnait : « La mort n’a eu de cesse de fasciner

toutes les civilisations et les études sur le cas sont tou-jours en pleine évolution, puisque l’homme cherchera toujours à vouloir élucider ce mystère qui reste le plus grand… » Et d’ajouter : « Si je ne me cantonnais qu’à de la redite ou à un plan marketing, je vous assure que j’aurais choisi un sujet moins anxiogène. D’ailleurs, la presse ne court pas derrière moi pour en faire la promotion. » Il paraît effectivement raisonnable de penser qu’un dictionnaire sur les pipoles attirerait davantage la presse qu’un dico au sujet mortel…

Or cet ouvrage est magistral. À pourquoi tant de gêne à propos de notre propre fin, Philippe Di Folco a missionné plus de deux cents contributeurs. Des grands auteurs qui ont eu un lien ou une fascination pour la mort (Baudelaire, Nietzsche…) en passant par les courants de pensée qui s’en sont abreuvés (romantisme, existentialisme…) jusqu’aux œuvres artistiques qui en furent influencées (La chaise élec-trique d’Andy Warhol), rien n’a été laissé de côté.Sur un peu plus de mille articles, la Faucheuse est autopsiée par des bistouris économique, sociolo-gique, historique, anthropologique et même biolo-gique. Les jeux vidéo non plus n’échappent pas à l’analyse. Ce Dictionnaire de la mort est grand parce qu’il nous aide également à nous questionner sur nos propres vies : « Or, mourir bien, c’est fuir le risque de vivre mal » (Sénèque, Lettre LXX) ✹ renaud santa maria

Dictionnaire de la mort, sous la direction de Philippe di Folco, éd. larousse, 1 136 pages, 26 euros.

lexique de la mort illustréeBouQuin

sans les libraires et les bouquinistes, les livres seraient morts. l’époque est à l’iPad, dernier moyen d’épate. heureusement, la nostalgie résiste. Pierre drachline aime ce qualificatif, les belles expressions, l’amitié et les indignations définitives. les saillies peuvent être gratuites : « La suprématie d’André Gide sur le boudin blanc n’est pas encore prouvée. » ou plus nuancées : « Le vieux couple que je forme avec mon corps n’a plus aucune nécessité d’être. Une séparation à l’amiable serait l’idéal. »son dernier roman, Borinka, voisine avec les livres de Patrice delbourg et de rené Fallet. sa collection est bien fréquentée, comme le magasin de son narrateur, un bouquiniste qui n’a pas le sens du commerce mais celui du temps qui nous reste ✹

Bertrand rothÉ

Borinka, par Pierre drachline, éd. le cherche Midi, 235 pages, 15 euros.

écrire mordant

Page 14: Bakchich N° 30

T ous ceux qui croient que Bigeard, en Indo et en Algérie, a participé

à des opérations coloniales sont des attardés. L’information à la télé, qui forge les nouveaux vocables et les idées bonnes à croire, nous a appris que la baderne, morte dans son lit bien sûr, avait été mêlée à des guerres de « décolonisation ». Dire qu’Audin est mort (sous la torture) sans avoir entendu la bonne nouvelle. On peut se demander où naissent des idées comme celles-là. Dans les écoles de journalisme ? Alors, il faut les fermer.À propos d’Algérie, cette semaine, nous avons souffert de « bleuïte » (du nom d’une opération d’intox lancée par l’armée contre le FLN). Même le bleu du ciel, on ne peut plus le voir

tant en on a marre du crépuscule des Bleus. J’espère que des sociolo-gues, des historiens des médias ont bien tout noté, le nombre de mots et d’heures consacrés à ce rien sur rien. Les commentateurs faisaient peine. Ils parlaient comme pour gagner un marathon salivaire où celui qui cause

le plus a gagné. Pour les dépar-tager, on devrait les obliger à se réécouter. Les surréalistes

ont déjà inventé une épreuve dans le genre, dans laquelle il s’agit de dire n’importe quoi pendant longtemps. Comme quoi Thierry Roland est un peu breton. Heureusement que les plateaux de radio et de télévision regorgeaient de consultants… Avec tous ces malades, ces blessés qu’il fallait soigner, ça tombait bien.

Le Te Deum médiatique qu’on nous a carillonné pour l’anniversaire de l’appel du 18 Juin a été l’occasion de programmer un fatras d’images et de son sur le « Général ». La chaîne Histoire a diffusé les films de Jean Lacouture, un type insupportable, mais cultivé. Si je n’étais pas convaincu que siège aujourd’hui à l’Élysée un type bien plus balèze, bien plus moderne et courageux que ne le fut le grand Charles, j’aurais éprouvé un regret de son règne, comme quand on écoute Alain Barrière. Heureuse-ment qu’après le héros de Londres De Gaulle, c’est aussi le maintien de la peine de mort, l’ORTF et ses licen-ciés, le gaullisme immobilier et ses escrocs, les syndicats patronaux et sa CFT. Sans quoi, en ne regardant que le petit doigt sur Lacouture du pantalon kaki, on aurait pu avoir des regrets. Comme Régis Debray, qu’on a vu ces jours-ci à l’écran, errant dans la sierra de Lyon, de traboules en tra-boules, à la recherche de Jean Moulin, et dont on pense qu’il va lancer une association pour la résurrection du « Général » ✹

ciné La tournée d’une bande de stripteaseuses américaines et de leur producteur. Un film influencé par Cassavetes, entre grâce et clichés, prix de la mise en scène à Cannes.

P ar une nuit triste, un homme fait son plein dans une station-service. Il est fiévreux, enchaîne

les cigarettes. Derrière la vitre blindée de la caisse, une femme, ni jeune ni vieille. Un dialogue s’ébauche entre les deux soli-tudes. D’abord anodin, l’échange devient piquant, bourré de sous-entendus. La blonde le drague et l’homme répond du tac au tac. Il se passe à cet instant précis un truc merveilleux : la vie qui s’engouffre 24 fois par seconde. ça balance et ça vous laisse sur le carreau, extatique. On a tous connu cela : une rencontre, la pro-messe d’une étreinte, le bonheur, peut-être. Mathieu Amalric fait swinguer sa pellicule, qui res-pire le sexe et la sensualité. C’est beau, c’est fort, on croirait du John Cassavetes… La scène, très courte, s’achève ; le producteur va reprendre la route, la femme, reprendre sa vie. Des éclairs comme celui-là, il y en a quelques-uns, mais pas assez, dans le quatrième film de Mathieu Amalric. Avec cette histoire d e t o u r n é e, entre Le Havre et La Rochelle, d’une bande de stripteaseuses américaines et de leur produc-teur miteux, Joachim Zand, Amal- ric s’offre de beaux numéros de

music-hall, des moments de grâce impressionniste. En filmant ces femmes qui se déshabillent, il se met à nu, avec ce qui est peut-être son film le plus autobiographique. Le personnage allumé de Zand (le nom de la mère d’Amalric), ancien producteur de télé qui se

rêve en homme de spectacles, ressemble beau-coup à Amalric, acteur génial qui rêve d’être reconnu comme

un grand cinéaste. Un vrai cabot qui n’a pu s’empêcher de jouer le rôle principal de son film, éclip-sant même les stripteaseuses, à

l’abattage impressionnant. Pour-tant, Tournée ne tient ni ses pro-messes, ni complètement la route, et fonctionne comme une série de saynètes, souvent drôles, parfois ratées, et toujours dépressives. Un truc boiteux, quoi. Amalric n’évite pas les longueurs, les clichés, et nous barbe avec les sempiternelles affres des saltim-banques, personnalités ultrasen-sibles attirées par la lumière et les gouffres. Et si le grand film d’Amalric était le prochain ? ✹ MARC GODIN

Tournée, de et avec Mathieu Amalric,Miranda colclasure, Linda Maracini…

En salles le 30 juin.

Un peu de culture

14 BAkCHICH HeBDO N°30 | Du SAMeDI 26 JuIN Au veNDReDI 2 JuILLeT 2010

LA ZAPPeTTe De BOuRGeT

Le SyNDROMe De LA BLeuïTe

arkBrendan Perry

Deux décennies après la disparition de Dead Can Dance, son leader à la voix sépulcrale n’a rien perdu de sa superbe. Brendan Perry ressuscite, avec Ark, l’esprit originel du groupe culte de la cold wave britannique en l’expurgeant (ouf !) de son mysticisme médiévo-new-age. Bien que hanté par les synthés ténébreux, les percus en cascade et les folles harmonies des débuts, cet opus solo s’avère étonnamment contemporain.

night workScissor Sisters

Les fesses d’un garçon dans un jean si moulant qu’on en voit la Lune… À l’image de sa pochette, le troisième album des New-yorkais disco-glam Scissor Sisters sent le sexe à plein nez. Ces dignes héritiers queer des Bee Gees, de Supertramp et d’elton John collectionnent, avec Night Work, les pop songs suggestives à coups de beats babyloniens et de mélodies chaudes comme la braise. Ce disque jouissif n’aura plus qu’à atteindre l’orgasme sur Invisible Light. Le tube love de l’été 2010 ?

cyrilSexy Sushi

De mémoire, on aura rarement vu un duo aussi cinglé sur scène. Quand Mitch Silver et Rebeka Warrior n’escaladent pas les projecteurs comme des ouistitis enragés, ils finissent carrément à poil en insultant leurs fans. Originaire de Loire-Atlantique, Sexy Sushi brille dans la techno-punk dadaïste. Son nouvel album, Cyril, dégaine les anti-tubes (Forêt mystique le malin qui grandit en moi ou Meurs, meurs, Jean-Pierre Pernaut) en faisant cracher la boîte à rythmes. Résultat : du grand n’importe quoi, mais à crever de rire.

ElEktro SoukouSSJessy Matador

Non content de nous avoir gâché l’été 2008 avec son tube Décalé Gwada (du zouk bourrin avec une choré toute pourrie), Jessy Matador a fait chuter la France en 12e position à l’eurovision. « Allez Ola Olé/Allez Allez Allez/C’est le son de l’année », hurlait-il le 29 mai dernier. Ceci explique donc cela… Le chanteur d’origine congolaise récidive, avec Elektro Soukouss. Dans cet album foutraque servi par des textes navrants se bouscule le pire du ndombolo, du dancehall, du reggae et du hip-hop. Autant être sourd.

thE iMaginE ProJEctherbie hancock

Pour fêter ses 70 ans, le pianiste virtuose Herbie Hancock sort un disque de reprises avec des superstars planétaires. Le pitch de ce gros coup marketing ? La paix dans le monde. Si, en prélude de The Imagine Project, Seal et Pink massacrent John Lennon (Imagine), Los Lobos s’attaquent à Bob Marley (Exodus), parmi deux titres affligeants signés Juanes ou James Morrisson. Heureusement, Wayne Shorter et Marcus Miller sauveront in extremis la mise de celui qui inventa le jazz moderne avec Miles Davis ✹� ÉLÉONORe COLIN

Musique

Directeur de la publication : Xavier Monnier • Directeur de la rédaction : Nicolas Beau • conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Rédacteurs en chef : Pierre-Georges Grunenwald (édition), Cyril Da (Web) • chro-niqueurs : Alceste, Daniel Carton, Jacques Gaillard, Marc Godin, Doug Ireland, Éric Lau-rent, Patrice Lestrohan, Fabrice Nicolino, Jean-François Probst, Alain Riou • Maquette : Émilie Parrod, victor Buchotte, Marjorie Guigue • Secrétaires de rédaction : Élodie Bui, Marie-Claire vierling • Rédaction : Monsieur B, Sacha Bignon, Émile Borne, Louis Cabanes, Renaud Chenu, Éric de Saint-Léger, Lucie Delaporte, Anthony Lesme, Laurent Macabies, François Nénin, Simon Piel, Bertrand Rothé, Grégory Salomonovitch, Anaëlle ver-zaux • Dessina-teurs : Avoine, Bar, Baroug, Bauer, essi, Giemsi, Goubelle, Ray Clid, khalid, klub, Lacan, Large, Ludo, Magnat, Mor, Morvandiau, Nardo, Noël, Oliv’, Pakman, PieR Gajewski, Revenu, Roy, Soul-cié, Thiriet •Groupe Bakchich, SAS au capital de 56 980 euros • Siège social : 121, rue de Charonne 75011 Paris • Télé-phone : 01.40.09.13.25

CPPAP : 1114 C 90017 • ISSN : 2104-7979 • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France OffsetDirection des ventes : Thierry Maniguet/[email protected]/01.70.39.71.05Publicité : [email protected]

Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs auteurs respectifs.

LA bAkchich tEAM

Rien

en sallesSPlicEde Vincenzo natali

Réalisateur remarqué de Cube, vincenzo Natali signe un film de SF sous l’influence de David Cronenberg. Dans un labo, deux scientifiques surdoués triturent de l’ADN et parviennent à créer une créature hybride, mi-monstre, mi-femme. Le film commence comme un thriller médical, bourré de scènes déviantes (mutilation, inceste, viol…). Mais Natali brade son ambition avec une seconde partie téléphonée, avec gros monstre en plastique et éjaculation d’hémoglobine.

la diSParition d’alicE crEEdde J. Blakeson

une des grosses claques de l’été. Doté du budget ridicule de 120 000 euros, le réalisateur britannique J. Blakeson décide, pour son premier long-métrage, de bricoler une histoire de kidnapping avec un minimum de lieux et de persos. Malgré ou grâce à ces contraintes économiques, il parvient, comme Tarantino à l’époque bénie de Reservoir Dogs, à réinventer le genre, à grand renfort de twists vicelards. La mise en scène est brillante et les trois acteurs, absolument remarquables. On en reparle la prochaine fois.

ShrEk 4, il était unE finde Mike Mitchell

Sorti en 2007, Shrek le troisième donnait quelques signes d’essoufflement. Assagi, l’ogre qui rote et qui pète devenait papa, tandis que les scénaristes, un peu fatigués, parodiaient la légende du roi Arthur. Trois ans plus tard, le géant vert est de retour, en 3D siouplaît, et affronte le lutin Tracassin dans un monde parallèle. Plus fun et mieux construit que le numéro 3, ce Shrek 4 délaisse néanmoins l’esprit potache du premier opus, chef-d’œuvre malpoli et rigolard. Comme si DreamWorks voulait singer Disney… ✹ M. G.

en filmant des femmes qui se déshabillent, Amalric se met à nu.

tournéeAmalric sous influence

Page 15: Bakchich N° 30

Q uels que soient les mystères cachés dans les arcanes de ce qu’il faut bien appeler l’affaire Woerth, il

est une vérité qui saute aux yeux de tout observateur impartial : c’est la grande générosité de Mme Liliane Bet-tencourt. Cette aïeule de caractère, qui a richement doté François-Marie Banier au motif qu’il l’amuse, n’est pas de ces milliardaires qui économisent les épin-gles pour ne pas diminuer leur pelote. Au contraire : l’UMP par-ci, les vendeurs d’îles de l’océan Indien par-là, ils sont nombreux à avoir bénéficié de ses largesses, et tant de solidarité ne pose qu’un problème : Mme Bettencourt est-elle sûre que tout cet argent est bien distribué ? La libéralité n’est point le libéralisme, et, en ces jours de crise où la vie devient si difficile pour d’in-nombrables citoyens, on suggérerait volontiers à l’actionnaire principale de L’Oréal l’organisation d’un authentique Bettencourthon, pour venir en aide à ceux qui en ont vraiment besoin.Premier cas social : la pauvre Christine Boutin, qui vient de renoncer d’elle-même aux émoluments associés à la mission d’enquête sur la « mondiali-

sation », qu’on ne pouvait confier qu’à elle seule. Cette sœur Emmanuelle rambolitaine perd ainsi 9 500 euros par mois. Liliane s’honorerait en venant discrètement, et pour la même somme, au secours de notre fière indigente. Chacun sait, à propos, que l’addiction est une maladie. Or, il faut à Christian Blanc, notre secrétaire d’État à l’Amé-nagement du Grand Paris, au moins deux cigares Partagas n° 4 par jour, à

24 euros pièce. L’État, qui assumait jusqu’ici cette charge, ne le veut plus.

Pis : M. Fillon, l’œil noir des dépenses publiques, exige même de l’ancien PDG d’Air France le remboursement des havanes. Mme Bettencourt ne mégotera pas, et prendra en charge l’innocente passion du puni.« J’aime la fantaisie, je la préfère même à la mauvaise éducation », a dit la dona-trice (le Monde du 20 juin), en expli-quant pourquoi elle met si volontiers la main au Banier. C’est souligner que la mauvaise éducation a tout de même ses charmes. Et une rente à vie pour cet e… d’Anelka, dont le p… de train de vie risque de connaître une f… de p… de désinflation ! ✹

LE BILLEt D’ALAIn rIOU

InstAUrOns LE BEttEnCOUrthOn

Journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou fait aussi du cinéma. Son cinéma.

Nécessiteux

Le pipoLe de la semaine

Devenez actionnaire !En adhérant au Club des amis de Bakchich, qui compte déjà plus de 70 membres.Renseignements : 01 43 72 51 [email protected] 1 ACtIOn = 100€

Monsieur Raymond, roi des comsRaymond Domenech a toujours traité le football comme

un jeu de rôles. Il tint longtemps celui du méchant, dans la position immuable de l’arrière droit. Bien

dans ses crampons, tout dans les pattes – celles sur les joues – il s’est fait une réputation au registre

de l’intimidation. Avec lui, et sous le vol des sif-flets qui le stimulaient, les tibias souffraient.

bRetteuR malinDevenu entraîneur, il voulut gagner en sobriété. Entre-temps, il était monté sur les planches pour ajouter à sa palette de comédien en marge de cette société du

football où les mots sont calibrés. Voilà qui ne manquait ni de ce sel ni de ce poivre qui recouvraient désormais la toison de M. Ray-mond, bien en cour dans la Fédération, au point de se voir confier l’équipe de France en juillet 2004. Après Jacquet, tout à la fois

le mal et le bien-Aimé, psychorigide héros qui se prit pour Monte-Cristo, le militaire

Lemerre, par ailleurs « sacré déconneur, Roger », Jacques Santini, l’homme de peu de mots prompt à jouer les persécutés, était donc arrivé Raymond Domenech, le bretteur tout-terrain et son air malin.Alors, là, les amis, on se redit que les choses du football français allaient changer, son verbe en tout cas, et peut-être qu’un souffle naîtrait. En réalité, il y avait erreur sur le Raymond, c’est un pauvre imitateur de Devos qui venait d’être intronisé : « Quand je n’ai rien à dire, je veux qu’on le sache. » Voilà comment

le Raymond la broussaille d’hier ne fut d’aucune science aujourd’hui, qui se contenta d’ironiser,

de détourner, jusqu’à ne jamais tolérer la moindre envie de connaître le début de sa pensée.

comédien RatéIl se confirma très vite comme un railleur au petit pied avec son fameux : « Vous avez encore 

beaucoup de questions à la con ? » Et se conduisit comme un disciple inconscient de Beckett au fil de ses représentations d’« En attendant le football », puisque ce sujet présent partout ne vint jamais. Voilà comment il se révéla dans la réincarnation des trois frères Marx à la fois. Joueur, il s’était servi de ses moustaches comme du cigare de Groucho, rou-blard et provocateur. Entraîneur, il avait fait du Chico, manipulateur avec les uns, embrouilleur avec les autres. Sélectionneur, il s’inspira des deux premiers pour devenir muet, ou presque, comme Harpo après une ou deux déclarations, d’amour à sa dulcinée, et de haine à la presse spécialisée. Peu à peu, l’inusable cabot s’était fabriqué la mine chafouine du comédien de boulevard goguenard. Marxiste et anar, ici tendance gaucho plutôt que Groucho, l’ancien prolo présenté comme un intello avait tout de même roulé dans le fard ces messieurs du pouvoir jusqu’à mériter, sur la durée, l’oscar du père peinard. De compositions en décomposition, insuffisance et suffisance mêlées, l’aventure d’une équipe devint la chronique d’un désastre annoncé. Après les coups de théâtre et de mépris, le rideau bleu vira au rouge ; divas et starlettes perdirent pied un dimanche après-midi, sur une grève mondialisée. Et c’est ainsi que Domenech lut un communiqué qui n’était autre que la nécro d’un comédien raté, d’un entraîneur abandonné. Sélection, piège à com, merci Raymond ✹�� ChrIstIAn MOntAIGnAC

auteur du Petit traité de la connerie des sportifs et autres concernés, éd. Prolongations.

nom abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc

Prénom abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc

Adresse abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc

abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc

Code postal abbbc Ville abbbbbbbbbbbbbbbbc

E-mail abbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbc

Je m’abonne PouR un an :

France métropolitaine : hebdo 45€ O

dom + union européenne : hebdo 60€ O + exclus (site) +20€ O

Reste du monde : hebdo 100€ O

oFFRe PRomotionnelle Je m’abonne PouR tRois mois :

France métropolitaine : hebdo 10€ O

dom + union européenne : hebdo 25€ O + exclus (site) +20€ O

Reste du monde : hebdo 45€ O

Par chèque bancaire à l’ordre du GrOUPE BAKChICh

Contact : service abonnements • 01 43 72 51 32 • [email protected]

meRci de RetouRneR ce bon comPlété À : Bakchich, service abonnements, 121 rue de Charonne 75011 Paris

abonnez-vous gaiement

- « Heureusement que la guillotine n’existe plus. Sinon, j’en vois ici qui se feraient un malin plaisir de m’envoyer à l’échafaud. » (9 septembre 2008, la veille du match de qua-lification pour la Coupe du monde 2010 serbie-France).

- « Des fois, je me dis que, si je m’avais en face de moi, je me haïrais. » (21 juin 2006, pendant la Coupe du monde).

- « Un match gagné, c’est toujours mieux qu’un match perdu. » (l’Équipe du 27 mars 2008, peu avant l’Euro).

- « Le moment était mal choisi, certes. Mais, ce jour-là, j’ai humanisé le football et œuvré pour l’intérêt féminin pour ce sport. C’est beau, non ? », à propos de sa demande en

mariage à Estelle, le 17 juin 2008, à peine la France était-elle éliminée de l’Euro (l’Express du 24 novembre 2009).

- « Avec les joueurs, nous voulons réussir quelque chose de grand en Afrique du Sud. » (l’Express du 24 novembre 2009).

- « J’ai toujours en travers cette défaite de 2006. Je suis poussé par l’envie d’effacer ce souvenir. La seule solution c’est de gagner en 2010… ou en 2014. » (interview sur sportweek, le 23 janvier 2009).

- « J’espère qu’on est moins bien que quand on sera prêt. » (conférence de presse du 3 juin 2010)✹

Raymond Domenech dans le texte

Je m’abonne PouR un an :

France métropolitaine : hebdo + Web 65€ O

dom + union européenne : hebdo + Web 80€ O

Reste du monde : hebdo + Web 120€ O

oFFRe PRomotionnelle Je m’abonne PouR tRois mois :

France métropolitaine : hebdo + Web 20€ O

dom + union européenne : hebdo + Web 45€ O

Reste du monde : hebdo + Web 65€ O

bakchich

bakchich

DU sAMEDI 26 jUIn AU VEnDrEDI 2 jUILLEt 2010 | BAKChICh hEBDO n°30 15

Un peu de culture

Page 16: Bakchich N° 30

Stéphane richard à la conquête du « Monde »orange Figure exemplaire du régime, le patron de France Télécom se veut « sarkozyste de gauche ». Le peut-être nouvel actionnaire du Monde mérite le détour.

E n un sens, il faudrait le statufier, l’inspec-teur des Finances Stéphane Richard 48 ans, numéro deux, mais vrai patron, de France Télécom, et, selon ce qui se dessinait à

la veille de notre parution, peut-être nouveau co- proprio du Monde. Le statufier au titre de modèle de la néo-tech-nocratie française, que tant de désastres antérieurs (le Crédit lyonnais, Vivendi première manière…) n’ont pas rendue moins vivace. Ni moins pré-sente. Il peut tout diriger, Steph. Dir’ cab’ de la ministre Lagarde (2007-2008), il zyeute en perma-nence les grands fauteuils dispo-nibles : EDF, les Banques popu-laires, etc. Ce sera la maison Orange, alors secouée par une vague de suicides, et dont il a déjà été administrateur.

origines camisardesPlus rare chez ses homologues, auparavant ponte de Véolia, il a fait fortune (« Un petit nombre de dizaines de millions », dit-il) à l’ex-Compagnie générale des eaux en revendant ses parts du secteur immobilier, réorganisé, du groupe (Nexity). « Mon Stéphane », s’émeut l’ami de quinze ans, Sarko, qui l’a marié, et que tant de prospères félicités ne peuvent pas ne pas émouvoir. Surtout quand elles s’allient à une telle capacité « d’ouverture » et d’entregent.Aujourd’hui « sarkozyste de gauche » autoproclamé, Richard dents de lion excipe sans cesse de ses origines « camisardes » : naguère élu de gauche de Bandol (Var), il a aussi conseillé, en 1991-1992, le ministre de l’Industrie, Dominique Strauss-Kahn. Enfin, selon le Point (17 juin), c’est dans la maison de campagne du

député socialiste Tony Dreyfus, un vieil ami, et en présence, critique, de François Hollande, que Steph a imaginé, à voix haute, de s’associer à Perdriel pour la conquête du nouveau Monde. Des intérêts variés rendent parfois moins âpre le grand combat gauche-

droite. Le tout, dans le cas de Stéphane, avec la mine la plus dégagée, entre deux gammes au piano (il maîtrise cela, aussi) et trois formules définitives sur sa nouvelle entreprise, mais l’œil jamais distant de ses intérêts.

téléphone maisonC’est toutefois sans drame appa-rent qu’il a obtenu, voilà quel-ques mois, que le précédent PDG, Didier Lombard, aban-donne plus tôt que prévu ses fonctions « exécutives », à son profit (aujourd’hui Lombard préside seulement le conseil de surveillance). Richard lui suc-cédera pour de vrai dans un an à la tête de la maison Téléphone. Maison dont le cours de Bourse est du reste à la baisse (– 12 % depuis décembre). Pour cause

de suicides en série, qui n’ont cependant pas cessé, Steph s’est d’emblée concentré sur « le social », ter-rain qu’il dit affectionner particulièrement. De toute façon, la vie en société, Stéphane adore. Rarement la moins gratifiante des sociétés ✹� patrice lestrohan

De charisme en Scyllac’est pas gagné pour pierre laurent, fils de l’ex-apparatchik en chef paul (laurent), et nouveau secrétaire national du parti communiste. parti encore amoindri par la sécession, toute récente, de 200 élus et mili-tants, et quelque peu éclipsé, au sein du Front de gauche, par le seul et si présent Mélenchon. Visiblement, cer-tains des camarades – et pas des plus obscurs – de pierrot l’ont accueilli sans l’ombre d’un préjugé. À moins que ce ne soit avec une certaine lucidité. le député-maire de Vénissieux (rhône), andré Gérin, cité par le Journal du dimanche (20 juin) : « Le dirigeant du PC doit avoir une légitimité publique et politique qu’il n’a pas, il doit avoir un charisme qu’il n’a pas. Sa personne est sympathique, mais il va poursuivre l’effacement de la place et du rôle du PC. »notre ami est prévenu : il joue les fédé-rateurs d’espoirs…

Bercy infiniment !c’est le Point (17 juin) qui nous révèle cette petite merveille comptable et citoyenne : « Quatorze contribuables français disposant d’un patrimoine supérieur à 16,20 millions d’euros ont déclaré, pour l’année 2008, des revenus inférieurs à 3 430 euros ! » conséquence (de cette heureuse maî-trise des niches et bénéfices fiscaux) : « Tous ont payé un impôt dérisoire et chacun a, en outre, encaissé un chèque du Trésor d’environ 160 000 euros. » l’information figure dans un rapport spécialement commandé aux services de Bercy et l’article (de l’hebdo) s’inti-tule : « les quatorze contribuables que l’Élysée voudrait mieux connaître. »pas pour les décorer au moins ?

Congela Merkelça n’a pas pu déplaire à sarko, d’ailleurs c’était sans doute un peu fait pour. longuement interviewée par Paris-Match (17 juin), et à l’oc-casion d’une question sur la crise grecque, la ministre de l’Économie, christine lagarde, habille pour quel-ques hivers la meilleure copine, sans doute, de son propre patron : « Disons que la chancelière Angela Merkel (...) a agi d’abord dans l’intérêt à court terme de son pays, puis dans celui de la zone euro. L’Allemagne est un État vieillissant, à la démographie moins vigoureuse que la nôtre. Pour donner confiance à ses habitants et soutenir la consommation, il faut promettre une rigueur budgétaire. »il est dur, pour des gagneurs, de cogérer l’europe avec un partenaire cacochyme…

Concert du colonaumônier militaire « du 2e régiment étranger de parachutistes en mis-sion depuis le début de l’année en Afghanistan », le père Benoît Jullien de pommerol – un nom de roman provincial de Maupassant – s’est lon-guement livré, sur place, au Figaro magazine (19 juin) : « À mon arrivée, j’ai demandé à mon chef de corps, le colonel Rideau, ce que je devais faire. Il m’a répondu que j’avais carte blanche. Je lui ai demandé qui allait évaluer mon travail. Mais c‘est Dieu, Padre, m’a-t-il répondu. » en toute laïcité, apparemment. Dieu a intégré le com-mandement militaire de l’otan ?

Dissidents de loupDans les maigres, mais ardentes, nou-velles troupes du phare néo-gaulliste Galouzeau de Villepin, certains en rajoutent beaucoup dans le grand registre de ce « mouvement » nais-sant : l’anti-sarkozysme, disons, de base. témoin, cet adhérent du prénom de Jean-pierre, « militaire retraité » qu’a rencontré, au jour de la fondation du parti, une consœur du Journal du dimanche (20 juin) : « Sous l’autorité de Dominique de Villepin, il y a une considérable (sic) force d’opposition au pouvoir totalitaire actuel qui se met en place. »c’est bien simple : encore quelques mois de goulag et l’écrivant Domi-nique pourra, à bon droit, se qualifier de « Soljenitsyne français ».

ça Marine !Marine le pen, qui, selon le Parisien (21 juin), « inquiète l’UMP », a bien sûr mis à profit la commémoration de l’appel du 18 Juin pour voir midi à sa porte électorale (le même quotidien, daté, cette fois, du 19) : « Soixante-dix ans après, notre pays connaît une situation comparable à la sinistre débâcle de 1940 : (…) vide moral, État déliquescent. »si l’on veut, mais, pour être plus précis, cette « débâcle », la fameuse « divine surprise » de Maurras, a boosté aussi sec l’extrême droite française, bien plus que tonton, chirac et sarko réunis !

Caucase départla question ne vient pas sponta-nément à l’esprit, mais, repris par Courrier international (17 juin), le magazine moscovite Expert la pose : « Comment faire revenir les touristes en Tchétchénie ? » en tchétchénie, mais également dans d’autres républiques voisines et presque aussi pacifiques du caucase, le Daghestan, par exemple, ou même l’ossétie du nord. stations de ski dans les montagnes ou stations balnéaires au bord de la caspienne, les projets pullulent. les ambitions aussi : « Un million de touristes par an d’ici dix ans », « 23 000 emplois », « neuf fois plus d’hôtels ». conviction d’une auto-rité caucasienne sur la question : « Les exemples de la Sicile, de la Calabre et de la Corse prouvent que le tourisme est le meilleur facteur de paix. »pour l’éradication des mafias locales, on repassera quand même… ✹�p. l.

le clin deuil de France télécom à ses salariés : http://minu.me/2kuu

www.bakchich.info

70 ans après l’appel Du 18 Juin : que reste-t-il Du GaullisMe ?

16 Bakchich heBDo n°30 | Du saMeDi 26 Juin au VenDreDi 2 Juillet 2010

Ben la der

Où trouver Bakchich Hebdo ?Vous avez harcelé votre kiosquier, menacé les relay ? sans succès ?

pour toute réclamation ou information, contactez [email protected]