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BASTIEN.C & BASTIEN-TONIAZZO, M. « Apprendre àl’école ». Paris : Armand Colin. 2004

INTRODUCTION

Cet ouvrage est né des amicales et insistantes pressions qu’ont exercées sur nous

enseignants et parents. Nous sommes en effet, depuis maintenant un bon nombre d’années,

sollicités pour intervenir dans des cadres institutionnels très divers, pour faire état de nos

travaux.

Psychologues cognitivistes, nos recherches portent sur la façon dont les êtres humains

acquièrent des connaissances, les conservent et les utilisent dans les situations auxquelles ils

sont confrontés. Dans ce cadre, nous avons voulu voir dans quelle mesure les concepts que

nous élaborions et testions dans notre laboratoire permettaient d’appréhender ce qui se passait

dans des situations effectives d’apprentissage et nous nous sommes donc tout naturellement

intéressés aux apprentissages scolaires. Nous avons entrepris alors une fructueuse

collaboration avec des enseignants sur les problèmes d’apprentissage qu’ils rencontraient.

Les conférences auxquelles ont donné lieu les résultats de nos investigations se sont souvent

prolongées par des travaux de groupe sur des points précis. Et d’une façon générale, si on en

croit les commentaires formulés et les questions posées, nos propos ont suscité l’intérêt. Cela

vient sans doute de ce que nous tentons en fait d’élucider ce que les enseignants observent

quotidiennement. Nous ne leur apprenons rien sur le comportement des enfants : ils les

retrouvent bien dans ce que nous exposons. Mais nous tentons d’expliquer ces comportements

à l’aide de ce que nous savons en psychologie cognitive et que nous avons d’ailleurs parfois

appris en nous intéressant précisément aux situations scolaires. Sachant que nul ne répond

jamais au hasard, comprendre pourquoi un élève a donné telle réponse et non telle autre ouvre

la voie à une meilleure adaptation de l’enseignement au fonctionnement de l’enfant.

Mais nos interventions se terminent le plus souvent par une frustration clairement

exprimée. Nos auditeurs nous demandent à peu près systématiquement, où est publié ce que

nous avons exposé. Malheureusement nulle part si on exclut des publications scientifiques

éparses mais généralement destinées, fonctions obligent, à des lecteurs déjà initiés à la

psychologie cognitive et donc peu accessibles à qui ne l’est pas. Nous nous sommes

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finalement engagés à combler ce vide dès que nous en trouverions le temps. Et nous avons

fini par le trouver, ce temps.

Nous avons donc exposé ici ce que plus d’une quinzaine d’années de recherches et

d’échanges nous ont appris. Notre objectif est de le faire partager à tous ceux qui, à un titre ou

à un autre, sont engagés dans l’activité d’enseignement.

Pour chacun des thèmes que nous abordons, nous nous sommes efforcés de préciser

d’abord ce dont nous parlons, c’est-à-dire de relater les observations ou les résultats de

recherches que nous avons pu conduire dans le domaine, avant de tenter d’expliciter les

interprétations plus théoriques sur lesquelles ils s’appuient ou qu’ils ont contribué à élaborer.

Nous avons voulu argumenter de façon claire et compréhensible en livrant l’essentiel. Aussi

n’avons-nous jamais développé, par exemple, des considérations méthodologiques comme il

conviendrait de le faire dans une publication spécialisée, mais qui, ici, auraient tout à fait

inutilement surchargé le texte. Nous espérons que, sur ce point, les lecteurs nous accorderont

leur confiance : nous avons toujours travaillé « proprement »…

Nous préciserons simplement la démarche générale qui a été la nôtre dans les recherches

que nous évoquons dans l’ouvrage. Contrairement à ce qui se pratique généralement dans le

champ de la pédagogie, nous ne sommes pas partis du contenu des apprentissages (notions,

savoir-faire) pour rendre compte des réponses produites par les élèves. Notre approche

s’apparente davantage à celle de l’analyse des situations de travail développée en ergonomie.

Nous avons analysé les situations concrètes auxquelles sont confrontés les élèves en prenant

le point de vue de l’élève. Nous avons cherché à déterminer, pour chacune de ces situations,

quelles étaient les représentations de la situation que les élèves pouvaient construire, quelles

étaient les connaissances (scolaires et générales) qu’ils étaient susceptibles de mobiliser, quels

étaient les processus (suite des opérations mentales) qui pouvaient être requis par la tâche.

Nous avons donc formulé des hypothèses sur le fonctionnement des élèves capables

d’expliquer les réponses qu’ils produisent dans la situation en question. Ensuite, pour valider

ces hypothèses, nous avons le plus souvent introduit des modifications dans les énoncés, dans

la disposition des éléments à traiter, dans les consignes, etc. et nous avons vérifié que l’effet

produit par ces modifications correspondait bien à ce que nos hypothèses permettaient de

prédire.

L’ouvrage se structure en deux grandes parties. La première concerne l’analyse des

réponses produites par les élèves et les interprétations qui permettent de les comprendre. Le

rôle du contexte de la tâche est d’abord mis en évidence à partir d’exemples précis empruntés

à différents domaines. Un cadre théorique plus général concernant l’organisation des

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connaissances individuelles permet ensuite de généraliser les interprétations précédentes. La

seconde partie est davantage centrée sur les interventions dans le cadre des apprentissages. On

met d’abord en évidence le rôle joué par les connaissances antérieures dans la construction de

nouvelles connaissances puis sur l’importance de l’analogie dans l’acquisition. Enfin sont

présentés des exemples d’aides à l’apprentissage dans le domaine de la lecture et dans celui de

la résolution de problèmes arithmétiques.

En se défendant bien d’être prescriptive, notre conclusion suggère quelques principes que

nous pensons pouvoir dégager de l’ensemble de notre propos.

Il est tout à fait possible que les propositions que nous formulons dans cet ouvrage

déstabilisent certains lecteurs parce qu’ils remettraient en cause ce qui pour eux constituait

jusqu’alors des certitudes. Bien évidemment ce n’est nullement notre but, bien au contraire.

Ce livre ne veut surtout pas se constituer en Bible. Il en existe déjà bien suffisamment dans

le domaine… Nous demandons simplement au lecteur de l’aborder sans a priori et sans se

satisfaire de conceptions qui parfois fleurissent dans le champ des apprentissages scolaires,

conceptions pour lesquelles les affirmations ne se soucient guère d’arguments et pour

lesquelles l’idéologie se confond avec la réalité. Nous n’avons pas voulu que l’enfant qui

apprend soit ce que par principe nous estimons qu’il doit être, nous avons voulu comprendre

ce qu’il est. Et cette quête nous a nous-mêmes conduits à réviser bon nombre de nos

conceptions, mais ce faisant, elle nous a aussi considérablement enrichis. Si nos propos

devaient être contestés, nous souhaitons qu’ils le soient par réfutation des arguments que nous

donnons et non par une pétition de principe.

Notre livre est, rappelons-le, le fruit d’une assez longue expérience partagée avec un

certain nombre d’enseignants. Son ambition est d’abord d’élargir le cercle de ce partage et

d’apporter un certain éclairage sur l’enfant qui apprend. Et si cet éclairage relançait auprès de

certains leur intérêt pour cette fascinante activité qu’est l’enseignement, nous en serions très

fiers.