Berberie Tome II

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    HISTOIRE

    DE

    LAFRIQUE SEPTENTRIONALE(BERBRIE)

    DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULS

    JUSQU LA CONQUTE FRANAISE (1830)

    PAR

    Ernest MERCIER

    TOME SECOND

    PARIS

    ERNEST LEROUX DITEUR

    28, RUE BONAPARTE, 28

    1868

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    HISTOIRE DE LAFRIQUE

    Livre numris en mode texte par :Alain Spenatto.

    1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.

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    PRCIS DE LHISTOIREDE LAFRIQUE SEPTENTRIONALE

    (BERBRIE)

    TROISIME PARTIEPRIODE BERBRE ET ARABE-

    HILALIENNE1045-1515

    CHAPITRE, Ier

    LAFRIQUE. SICILE ET LESPAGNE VERS 1045. - LESARABES HILALIENS.

    Coup dil densemble sur les modi cations survenues dansles populations de la Berbrie. Barka et tripolitaine. Tunisie. Province de Constantine. - Magreb central. Magreb extrme. Grand dsert. - Situation de la Sicile. Situation de lEspagne. Relations commerciales et politiques des puissances chrtiennesde la Mditerrane avec les musulmans dAfrique et dEspagne. Notice sur les tribus de Hilal et de Solm. - Composition etfractions des tribus hilaliennes et solmides. Athbedj, Djochem,Riah, Zorba. Makil, Adi. Solem-ben-Mansour. Troud, Nacera, Azza, Korra.

    COUP DIL DENSEMBLE SUR LES MODIFICATIONSSURVENUES DANS LES POPULATIONS DE LA BERBRIE. Au moment o linvasion arabe hilalienne va se rpandre sur lAfrique et modi er si profondment lethnographie de la Berb-rie, tandis que la fondation de lempire almoravide, qui doit redon-ner un peu de force la race autochtone, se prpare, il convient de jeter un coup dil densemble sur ltat du pays et dexaminer endtail les modi cations qui se sont produites dans les tribus indig-nes. Nous touchons, en effet une poque capitale dans lhistoiredun peuple et, avant de commencer une nouvelle tape, il convientde bien prciser les conditions o nous nous trouvons.

    Depuis prs dun sicle et demi, la Berbrie sest dbarrasse de

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    la domination du khalifat ; les derniers gouverneurs arabes sonttombs sous les coups des Ketama, et cette vieille tribu berbre pris la Prpondrance sur toutes leu autres. Mais bientt, sesmeilleurs lments ayant t absorbs dans les guerres ou entransen gypte, la suite des khalifes fatemides, cest sa sur, la tribudes Sanhadja, qui prend le pouvoir et lexerce dune manire tout fait indpendante.

    Pendant ce temps, le, tribus zentes des Magraoua et Beni-Ifrene connaissent aussi des jours de gloire; elles contrebalancentquelquefois la puissance des Ketama et des Sanhadja et, aprs avoir rgn successivement sur les deux Magreb, nissent par se fondredans les populations du Magreb extrme, o la dynastie arabe desEdrisides na laiss quun souvenir presque effac. En se fraction-nant, elles envoient des essaims Sidjilmassa, Tripoli et en Espa-gne.

    Dautres Zentes, les Ouemannou et Houmne les rempla-cent dans le Magreb central, tandis que les Beni-Badine, autresZentes, se massent sur la lisire des hauts plateaux et se prparent entrer en scne et jouer le grand rle qui leur est rserv.

    En n, lextrmit du dsert, prs du cours du Niger, dautresautochtones, les Sanhadja-au-Litham (voile), vritables sauvages,se groupent autour de missionnaires, et se prparent la conqutedu Magreb.

    On le voit, les anciennes populations berbres que nous avonstrouves occupant le pays, au VIIe sicle, lors de la conqute arabe,ont vu leur puissance dcrotre ; beaucoup dentre elles ont disparuou se sont fondues et partout elles ont d ou vont cder loccupa-tion et le commandement de nouvelles tribus indignes venues presque toutes du Sud. Examinons maintenant en dtail la situationde chaque province.

    BARKA ET TRIPOLITAINE. Il ne sest pas produit degrandes modi cations dans lethnographie de ces provinces. Les Louata et Houaraen occupent toujours la plus grande partie.Cependant, une tribu arabe, celle des Beni-Korra, a dj fait irrup-

    tion sur le territoire de Barka. Toute la rgion qui stend delgypte Tripoli vit dans la plus complte indpendance.Tripoli est au pouvoir des Beni-Khazroun; mais ces

    Magraoua nexercent leur autorit que sur un territoire restreint; ilssont entours dune colonie de Zentes.

    Au sud, le massif du Djebel-Nefoua, avec ses mmes popu-lations, ne reconnat aucun matre. Le kharedjisme y compte denombreux adhrents, de mme que dans lle de Djerba.

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    TUNISIE. Le nord-est de cette province obit aux Ziri-des de Karouan. Le Djerid est, en partie sous lin uence des Beni- Khazrounde Tripoli.

    Les Nefzaoua quelques restes des Ifreneoccupent lintrieur du pays. A ces tribus il faut joindre des Laouta et Houra. Ces ber- bres sont fractionns et appauvris par suite des guerres incessantesquils ont supportes.

    A Karouan, se trouve toujours une colonie arabe, dune cer-taine importance. Des groupes de Ketama et de Sanhadja sont ta- blis aux environs de Tunis, et de Karouan.

    PROVINCE DE CONSTANTINE - Cette vaste rgion obit presque en entier aux Hammadites de la Kala

    Des Nefzaouzsont rpandus dans lest de la province; une deleurs fractions, celle des Oulhaa, est tablie non loin de Bne.

    Des Houara et Louatasont cantonns sur les versants septen-trionaux de lAours, jusque vers Tebessa.

    Les Aoureba et Djeraouaont disparu; les Ifrene se sontfondus dans les autres populations.

    Les Rira, fraction desMagraoua, occupent la rgion situeau midi de lAours avec lesOuargla.LesOuacine(Zentes) se sont avancs vers le nord-ouest; les

    Abd-el-Ouad,une de leurs fractions, commencent descendre delAours.

    Les Ketamaont vu leur primtre se resserrer ; ils occupentcependant encore la vaste rgion comprise entre Constantine, Collo,Bougie et Stif. Une de leurs fractions, celle des Sedouikch, occupeles environs de Constantine et la plaine qui stend de cette ville Stif.

    MAGREB CENTRAL. Les Hammadites de la Kala yexercent encore leur autorit jusque vers le mridien dOran.

    Les Zouaouaet Sanhadjaoccupent tout le Tell compris entreBougie, Tens et les hauts plateaux.

    Un groupe deMagraoua( Beni-bou-Sad , etc.) est tablidans les montagnes des environs de Tens.

    Les Ouemannouet Iloumenese sont tendus sur les deuxrives du Chlif et jusquauprs dOran, en refoulant devant eux les Beni-Falene(Mediouna, Kouma, Marila, etc.), qui se sont grou- ps au nord et louest de Tlemcen.

    Les Houaraet Louata, venus avec les Rostemides, occupentles environs de Tiharet avec les dbris des Lema etMalmala(Beni-Falene). Tous professent, plus ou moins ouvertement, le kharedjisme.

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    4 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    LesOuadjeidjeneet Ouarmert sont toujours dans les mon-tagnes des environs du Hodna; auprs deux les Demmer.

    Les Sindjaset Larouate (Magraoua)occupent les rgionsmridionales des hauts plateaux; les Rached sont tablis sur lamontagne laquelle ils ont donn leur nom, le Djebel-Rached,appel maintenant Djebel-Amour.

    Les Toudjinetouchent le mont ouarsenis ; lesbeni-Merinestendent vers louest dans le Sahara, jusquauprs des sources dela Mouloua. LesMezabsont au midi des Larouate.

    Les Ournid , trs rduits en nombre, ont t repousss jus-

    quauprs de Tlemcen.Les Ifrene, sous le commandement des Beni-Yala, leurs chef,rgnent Tlemcen et dans les environs.

    Les Irnane ont t refouls jusque vers Sidjilmassa.MAGREB EXTRME. Une anarchie complte rgne

    dans le Magreb extrme. Les Magroua, Ifrene et Miknaasydisputent le pouvoir. Lin uence de lEspagne a disparu par suite de la chute de la dynastie omade. A Tanger, commandentles Edrisides-Hammouditeset, Sidjilmassa, rgnent les Beni-ouanoudine-ben-Khazroun, dont lautorit stend sur toute levalle de la Mouloua.

    Sauf ltablissement desMagroua Fs et Sidjilmassa,celui des Beni-Ifrene Sal, et le refoulement desMiknaa, la population du Magreb extrme na pas subi de grandes modi ca-tions.

    LesMasmoudade lAtlas acquirent chaque jour de la puis-sance. Les Hentatales avoisinent, ayant eux-mmes, au sud, dansles provinces du Sous et du Deraa, lesGuezoula et lamta.

    Les Bergouata, chez lequels domine toujours le schisme deYounos, vivent dans lindpendance.

    LE GRAND DSERT. lesSanhadja-au-Litham(voile) etspcialement les fractions de Lemtouna, Messoufa, Guedala et Targa, semblent se prparer un mouvement dexpansion les pous-

    sant vers le nord(1)

    .SITUATION DE LA SICILE. Nous avons vu qua lit

    suite du dpart dAbd-Allah, ls du Ziride El-Mozz, et de lexpul-sion des Byzantins, un dmembrement se produisit dans lempiremusulman de Sicile. ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, passim.

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    Au centre de lle, Castrogiovanni, pays de culture, depuislongtemps converti lislamisme, obissait la noblesse militairearabe; mais un esclave affranchi, du nom dEl-Haouachi, venaitden prendre le commandement.

    La pointe occidentale, pays maritime, obissait un autre plbien nomm Ibn-Menkout.

    Palerme vivait part, de sa vie propre, gouverne par une oli-garchie de personnages importants par leur fortune ou les fonctionsremplies par leurs familles.

    La cte orientale, occupe en grande partie par des vassauxchrtiens, tait sous lautorit de Simsam.

    En n Catane tenait pour laventurier berbre Ibn-Meklati.Avec la chute des Kelbites, le royaume musulman de Sicile, voyantdisparatre lunit de commandement, avait perdu toute force propreet navait pu rsister lattaque combine des Chrtiens que grceaux secours venus dAfrique. Or, El-Mozz allait avoir chez luidautres affaires lui interdisant toute expdition extrieure; aussi la perte de la Sicile tait-elle proche(1).

    SITUATION EN ESPAGNE. Lempire musulman dEspa-gne avait galement achev de se dcomposer. Hicham III ayant tdtrn par une sdition populaire, les Cordouans avaient essay dele remplacer par un autre prince; mais, forcs bientt de renoncer tablir un gouvernement ayant quelques chances de dure, ils seconstiturent en rpublique, administre par un conseil de notableset une sorte de consulat, dont lemploi fut con la famille desBen-Djahouar.

    Cette capitale tait entirement dchue de sa splendeur et,non loin delle, Sville aspirait la remplacer. Vivant, elle aussi,sous un rgime oligarchique, elle obissait de fait la familledes Ben-Abbad, dont un membre, le cadi Abou-lKacem-Moham-med, stait mis la tte dun mouvement populaire qui, en 1023,avait dbarrass la ville de la garnison berbre laisse par Kassem

    le Hammoudite. Par son habilet politique, secondant une ambi-tion sans bornes, Mohammed-ben-Abbad tait arriv il obtenir unegrande autorit, en se posant comme le chef du parti arabe espagnol,oppos au parti berbre. Aprs plusieurs annes de luttes, il nit par triompher de ledriside Yaha qui prit en combattant (octobre 1035).Mais la guerre ne cessa pas pour cela, elle continua entre les Arabes ____________________

    1. Amari,Musulmani di Sicilia, t. II, p. 417 et suiv.

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    alternatives diverses. En 1042, Abou-lKassem-Mohammed cessade vivre et fut remplac par non ls Abbad, surnomm El-Motad-hed Ctait un homme rudit, mais souponneux, violent et cruel.

    Le midi de lEspagne tait aux mains du parti berbre. LesEdrisides-hammoudites rgnaient Malaga et Tanger et avaientcomme vassaux les zirides sanhadjiens de Grenade, les Ben-el-Aftas, berbres arabiss, seigneurs de Badajoz, et les chefs de Car-mona, de Moron et de Ronda, tous indpendants.

    Aprs la mort de Yaha, son frre Edris avait t proclam Malaga, mais ce prince avait abandonn la direction des affaires ses vizirs et, bientt, son autorit stait affaiblie au pro t des Ziri-des de Grenade, Aprs un court rgne, interrompu par sa mort, laguerre civile avait clat. Son cousin Hassan, soutenu par un of -cier slave du nom de Nadja, tait parvenu monter sur le trne ;mais il navait pas tard mourir, empoisonn peut-tre par Nadjalui-mme, qui voulut le remplacer et fut tu son tour par ses pro- pres soldats (1043). Edris, frre de Hassan, fut alors proclam.

    A Grenade, les Zirides taient devenus, malgr leur qualit

    de vassaux des Hammoudites, de vritables souverains indpen-dants. Ils taient entours de sauvages berbres ; aussi, leur cour ne ressemblait-elle en rien celles des princes arabes de lEspagne.Grenade renfermait alors un grand nombre disralites, ce qui luivalait le surnom quelque peu ddaigneux de Ville des Juifs. Unde ces Smites, le savant rabbin Samuel-Halvy tait parvenu, par son habilet et sa supriorit sur les Africains, au poste de premier ministre des Zirides. Durant de longues annes, il exera Grenadeune autorit sans bornes.

    Habbous, ls de Zaoui, tait mort en 1038, en laissant deux ls, Bologguine et Badis, qui, appuys sur un nombre peu prsgal de partisans, se disputrent le pouvoir. Badin, bien que lecadet, nit par triompher et faire reconnatre son autorit par sonfrre. Ctait un homme dune grande nergie, guerrier redoutable,toujours en lutte rentre ses voisins et mme contre son suzerain. Iltait lennemi n, le rival des Beni-Abbad de Sville.

    Dans lest de lEspagne, dominaient les Slaves. A Almria,Zoher, successeur du Slave Kherane, stait pos en adversairedclar des Berbres, mais, en 1038, Badis ayant march contrelui, lavait vaincu et tu. Almria tait alors tomb aux mains delomadc Abd-el-Aziz, seigneur de Valence.

    Le Slave El-Medjahed tait matre des Balares et comman-dait Denia, sur la terre ferme. Ctait un clbre corsaire, dont les

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    vaisseaux sillonnaient lu Mditerrane et portaient le ravage sur le littoral chrtien(1).

    Valence obissait, ainsi que noua lavons vu, lomadeAbd-el-Aziz.

    A Tolde dominait une famille berbre arabise, les Ben-Dhi-en-Noun, que nous allons voir entrer en scne. En n Ibn-Houd,Arabes dorigine, commandaient Saragosse.

    Tels taient les principaux chefs qui se disputaient alors leslambeaux de lempire musulman dEspagne ; nous ne les avons pastous nomms, car, ct de ces princes, gravitaient une foule de

    petits seigneurs visant lindpendance ou en jouissant ; chaqueville avait pour ainsi dire le sien. Ctaient de petites royauts dontquelques-unes navaient pas plus de deux ou trois lieues carres.Les prtentions de ces roitelets ont arrach lauteur Ibn-Bachik la boutade suivante Tous ces prtendants me font leffet dunchat qui se gon e, miaule et se croit un lion(2).

    Les princes chrtiens taient alors trop occups chez eux pour pouvoir tirer parti de celle situation; mais il tait prvoir quaussitt quils seraient dbarrasss des affaires les retenant, ilsenvahiraient le territoire musulman(3).

    RELATIONS COMMERCIALES ET POLITIQUES DESPUISSANCES CHRTIENNES DE LA MDITERRANE AVECLES MUSULMANS DAFRIQUE ET DESPAGNE. La n duXe sicle ayant concid avec laffaiblissement des empires musul-mans dAfrique et dEspagne, leurs ottes cessrent dtre matres-

    ses de la mer, en mme temps que la Sardaigne et la Sicile taienten butte aux expditions heureuses des Chrtiens. Les rpubliquesou principauts italiennes saisirent habilement cette occasion dertablir leur in uence dans la Mditerrane et dassurer la scuritde leurs relations commerciales en Magreb. Gnes, Pise, le Saint-Sige, Venise rent de grands efforts dans ce sens, et nous avonsrelat la n du premier volume les expdition, des Pisans et desGnois dans les les, El-Mehda et Bne. Leurs succs, quel-quefois chrement achets ou expis par de dures reprsailles, netardrent pas les faire respecter par des gens qui ne sinclinentque devant la force. Nous verrons bientt de vritables traits de ____________________

    1. Amari.Musulmans de Sicile, t. III, p. 7 et suiv.2. Cit par El-Karounai, p. 168. 169.3. Dozy,Musulmans dEspagne,t. IV, p. 1 68. Ibn-Khaldoun, t. II, p.

    62, 154. El-Marrakchi, p. 48 et suiv.

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    8 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    commerce et de navigation conclus entre les Musulmans et lesChrtiens.

    El-Bekri, lEdrisi parlent des changes qui se faisaient cettepoque dans les ports de Tunis, de Bougie, de Mellila, de Ceuta,de Tanger, de Sal, etc. Les laines, les peaux, le corail, les fruitssecs, le miel, la cire, les bestiaux, les esclaves, les grains taient les principales marchandises dexportation qui schangeaient contreles toffes, la quincaillerie, les armes dEurope. Les Gnois et lesPisans, successeurs des Amal tains, leurs anciens rivaux, avaient presque partout le monopole de ce tra c.

    Le souverain hammadite En-Nacer, lorsquil fonda Bougie,ainsi que nous le verrons plus loin, chercha attirer dans sa nou-velle capitale des commerants europens, et, il cet effet, entra enrelations avec le Saint-Sige. Nous avons dit quau groupe impor-tant de chrtiens avait contribu former la population de la Kala.Les souverains musulmans, au moins dans lIfrikiya tolraient alorsleur prsence en nombre assez considrable pour que cinq vquesafricains fussent en fonctions au milieu du XIe sicle. Celui de

    Karthage tait en quelque sorte, leur primat, et nous savons, par des lettres du pape Lon IX, quen 1033 un certain Gummi, titu-laire de cette dignit, voulait sarroger le droit de consacrer lesautres vques dAfrique. Ces chrtiens soumettaient leurs dif cul-ts infrieures aux princes musulmans ou il leurs reprsentants, quiagissaient en prsence de ces controverses un peu comme Pilate lgard des Juifs.

    Plus tard nous verrons En-Nacer, consult par Grgoire VII

    sur la nomination du prtre Servand lvch de Bne, rpondreau Saint-Pre par lenvoi de riches prsents et la mise en libert detous les captifs chrtiens, rachets cet effet par lui dans tous sestats. Des patriciens saisirent cette occasion pour entrer en relationsavec le souverain hammadite et lui adressrent, de mme que lePape, les lettres les plus atteuses (1).

    NOTICE SUR LES TRIBUS ARABES DE HILAL ET DESOLEM. Aprs cette rapide revue de ltat des empires musul-mans du Magreb, au milieu du XIe sicle, il convient dentrer dansquelques dtails sur les tribus arabes qui vont faire invasion en Afri-que et avoir une si grande in uence sur lhistoire de la Berbrie.

    Deux grandes tribus arabes, celles des Beni-Hilal et des Beni- ____________________

    1. lie de la Primaudaie, Villes maritimes du Maroc ( Revue africaine,n 92 et suiv. - De Mas-Latrie (Traits de paix, etc.). p. 22 et suiv. (de lintr.)3 et suiv. (de louvr.) - El-Bekri, lEdrisi, passim.

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    LES ARABES HILALIENS (1045) 9

    Selem appartenant la famille des Moder (1), staient tablies verslpoque de lavnement des Abbassides dans les Hedjaz, touchant la province du Nedjd. Durant de longues annes, ils avaient par-couru en nomades ces solitudes, savanant parfois jusquaux limi-tes de lIrak et de la Syrie et descendant dautres fois jusquauxenvirons de Mdine. Leur tat normal tait le brigandage, compl-ment de la vie nomade ; elles ne manquaient, du reste, aucune occa-sion de se lancer dans le dsordre, prtant leur appui tous lesagitateurs et ranonnant les caravanes, sans mme respecter celleque le khalife de Bagdad envoyait chaque anne porter ses prsents

    la Mecque. Les Karmates avaient trouv, dans ces nomades, desadhrents dvous qui staient associs toutes leurs dvastationset les avaient suivis en Syrie.

    Lorsque les armes fatemides passrent en Asie, pour com- battre les dernier. partisans des Ikhehidites, elles en triomphrentfacilement ; mais bientt elles se trouvrent en prsence des Kar-mates, soutenus par les Hilaliens et Sulemides et se virent arracher une une toutes leurs conqutes(2). Il fallut recommencer la cam- pagne, et ce ne fut quau prix de luttes acharnes que les Fatemi-des parvinrent vaincre leurs ennemis. Le khalife El Aziz, voulant prvenir de nouvelles insurrections de ce genre, se dcida alors transporter au loin les turbulents nomades qui lui avaient caus tantdennuis. Par son ordre, le; tribus de Hilal et de Solem furent, versla tin du Xe sicle, transportes en masse dans le Sad, ou Haute-gypte, et cantonnes sur la rive droite du Nil.

    Mais si, par cette mesure, le danger rsultant de leur prsenceen Arabie tait cart, leur concentration sur un espace restreint,au cur de lgypte, ne tarda pas devenir une cause dembarrasnouveaux. Habitus aux vastes solitudes de lArabie, nayant, dureste, aucune ressource pour subsister, ces Arabes rent du brigan-dage un tat permanent, de sorte que le pays devint bientt inha- bitable, tandis queux-mmes souffraient de toutes les privations.Cette situation durait depuis plus de cinquante ans et le gouverne-ment gyptien avait, en vain, essay dy porter remde, lorsque, par suite des vnements que nous allons retracer dans le chapitre sui-vant, le khalife fatemide trouva loccasion de se dbarrasser de ceshtes incommodes en les lanant sur la Berbrie. ____________________

    1. Voir, pour la classi cation des races arabes, le ch. 1 de la IIe partie.2. Voir ci-devant, ch. XI.Conqute de lgypte par Djouher, et El-

    Mozz se prpare quitter lIfrikiya.

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    10 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    COMPOSITION ET FRACTIONS DES TRIBUS ARABESHILALIENNES ET SOLEMIDES. - Les tribus arabes qui pas-srent en Afrique se composaient de trois groupes principaux,savoir:1 Tribus de 1a famille de Hilal-ben-Amer :

    Athbedj,Djochem,Riah,Zorba.

    2 Tribus formes dlments divers se rattachant aux Hilal :Makil,Adi.3 Tribu deSolem-ben-Mansour :

    4 Tribus dorigine indcise, mais allies aux Solem :Troud,Nacera,Azzu,Korra.

    Telles furent les tribus qui immigrrent en Berbrie au XIesicle et achevrent larabisation de cette contre.Il est impossible dvaluer, mme approximativement, lechiffre des personnes qui composrent cette immigration, mais,en tenant compte du peu despace sur lequel les Arabes venaientdtre cantonns et des annes de misre quils avaient traversesen gypte, aprs avoir subi les causes daffaiblissement rsultantde leurs longues guerres en Arabie et en Syrie, on est amen rduire dans des proportions considrables le chiffre dun milliondonn par certains auteurs(1). Dans la situation o se trouvait alorsla Berbrie, un tel nombre aurait tout renvers devant lui, tandisque nous verrons les envahisseurs arrts au sud de la Tunisie etforcs de contourner le Tel, en se rpandant duos les hauts plateaux; de la, ils saisiront toutes les occasions de pntrer, pour ainsi diresubrepticement, dans les valles du nord, et il ne leur faudra pasmoins de trois sicles pour arriver sy tablir en partie.

    Nous verrons, lors du premier combat srieux livr auxenvahisseurs, Haderane, leffectif des tribus Riah, Zorba, Adi et

    Djochem runies, formant au moins le tiers de limmigration,ne monter qu trois mille combattants ; or il est de rgle, pour ____________________

    1. Notamment M. Carette, daprs Marmol ( Notice sur les Migrations, etc., p. 199). Ce dernier na t, du reste, que le plagiaire de Lon lAfricain.Voir dans louvrage de cet auteur (trad. J. Temporal). Divisions des Arabes, t.I, p. 36 et suiv.

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    LES ARABES HILALIENS (1015) 11

    trouver approximativement le chiffre dune population arabe,de tripler le nombre des combattants quelle met en ligne. Noussavons que ce chiffre de trois mille a d tre rduit dessein a ndaugmenter la gloire des vainqueurs, mais, quon le multiplie par cinq, si lon veut, on narrivera qu 45,000 personnes pour la population runie de ces tribus. Pour toutes ces raisons, il estimpossible dadmettre que linvasion arabe hilalienne ait dpassle chiffre maximum de deux cent mille personnes.

    A leur arrive en Berbrie, les Arabes trouvrent desconditions dexistence bien suprieures celles quils venaient

    de traverser ; aussi leur nombre saccrut-il rapidement, ce qui eut pour rsultat de subdiviser les tribus mres en un grand nombre defractions. Pour faciliter les recherches, nous donnons, ds prsent,le tableau des subdivisions qui se formrent aprs un sjour plus oumoins long dans le pays.

    TRIBUS HILAL-BEN-AMER 1 HATHBEDJ

    Dored (ou Dred.).

    Oulad-Ata.Oulad-Serour.Djar-Allah.Touba.

    Kerfa (ou Garfa).

    Beni-Mohammed.Beni-Merouane (ou Meraouna).

    Hadjelate (Kleb, Chebib, Sabah,Serhane. Nabele.

    Amour.

    Morra.Abd-Allah (Mihia, Oulad-Zekrir, Oulad-Fars, Oulad-Abd-es-Selam).Beni-Korra.

    Dahhak et Aad.

    Mehaa.Oulad-Difel.Beni-Zober.Mortafa.Kharadj.Oulad-Sakher.Rahma.

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    12 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    2 DJOCHEM.

    Acem.Kokaddem.

    DjochemKholt.Sollane (Hareth, Oulad Mota, Klabia).Beni-Djber.

    Mirdas.

    Daouaouda (Meaoud-ben-Soltane, Acer-ben-Solatane).

    Sinber.Amer (Moussa, Mohammed, Djber).Meslem

    Ali. Fader.Dahmane (Menkcha).Amer El-Akhdar (Khadr).Sad Oulad-Youof (Mekhdma, Roout, Bohour).

    4 ZORHA

    Malek.

    Soud (Chebaba , Hassasna, Flitta, Sbh,Modjaher, Djoutha, Oulad-Memoun).Bakhis.Attaf.

    Dalem.

    Yezid.

    Oulad-Lahek.Sad (Beni-Madi, Beni-Mansour, Zorli).Khachna.Beni-Moussa.Moafa.Djouab.Herz.Marba.Hamane.

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    LES ARABES HILALIENS (1045) 13

    Hocine.Djendel.Kharrach (Oulad-Meaoud, Oulad-Feredj,Oulad-Taref).

    Amer (Amour).Yakoub.Hamid (Beni-Obed, Beni-Hidjaz, Meharez).Chafa (Chekara, Metarref).

    Oroua.En-Nadr (Oulad-Khelifa, Hamakaa, Cherifa,Sahari, Dou-Ziane, Oulad-Slimane).Homes (Obd-Allah, Fedar, Yakdane).

    5 MAKIL ET ADI

    Sakil. Thaleba.Dou-Obd-Allah (Heladj, Kharaj).

    Mohammed.

    Beni-Mokhtar (Doui-Hassane, Chebnate,Rokatate).Dou-Mansour (Oulad-bou-l-Hocne,Hocne, Amrne, Monebbate).

    TRIBU DES SOLIM-BEN-MANSOUR

    Debbab.

    Oulad-Ahmed.Beni-Yezid.Sobha.Hamarna.Khardja.Oulad-Ouchah (Mehamid, Djouari, Hariz).Oulad-Sinane. Noual.Slimane.

    Heb.

    Chemmakh.Slem (Ahamed, Amam, Alaouna, Oulad-

    Merzoug).Beni-Lebid.Zirb

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    14 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    Aouf.

    Mirdas.

    Allak.

    Kaoub (Beni-All, Beni-Abou-el-Leill).Dellab (Troud).Hisn. (Beni-Ali, Hakim).Mohelhel.Riah-ben-Yaha et Habih.

    DTAILS DES HISN

    Hisn.

    Beni-Ali.

    Oulad-Mrai.Oulad-Soura.Oulad-Nemi.Bedrna.Oulad-Oum-Ahmed.Hdra.Redjelane.Djomate.Homr.Meana.Ahl-Hocne.Hedji.

    Hakim.

    Oulad-Djaber.Chraba. Nar Djoune.Zad. Noua.Makd.Molb.Ahmed.

    Tribus dune origine indcise, mais allis aux Solm.

    Troud et Adouane. Nacera

    Azza Chemal.MeharebKorra.

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    CHAPITRE IIINVASION ARABE HILALIENNE. LES ALMORAVIDES.

    1045 1062

    El-Mozz rpudie la suzerainet fatemide. El-Mostancer lance lesarabes hilaliens sur la Berbrie. Les Hilaliens envahissent la Berbrieet traitent avec El-Mozz. El-Mozz essaie de repousser les Arabes,il est vaincu Haderane. Pillage de la Tunisie par les Hilaliens. Premier partage entre les arabes. Bologguine, souverain hammadite;ses succs. Progrs des Athbedj et Makil. - Succs des Normands enItalie ; arrive de Roger. Evnements de Sicile. Fondation de lasecte Almoravide par Ibn-Iacine. Conqutes des Almoravides dans leSahara et le Magreb. Luttes des Almoravides contre les Bergouates. Mort dIbn-Iacine. Ioussof ben Tache ne. Expdition du Hamma-dite Bologguine dans le Magreb ; sa mort. Rgne dEn-Nacer. - MortdEl-Mozz ; Temmim lui succde. Evnement dEspagne. Succsde Ferdinand I. conqutes des Normands en Sicile.

    EL-MOZZ RPUDIE LA SUZERAINET FATEMIDE. Le diffrend qui, depuis plusieurs annes, existait entre la cour du Caire et ses vassaux de Karouan tait cause par des raisonstrop srieuses, trop profondes, pour que lirritation rciproque nal-lt pas en augmentant. La rupture tait imminente et dpendaitdune occasion qui ne tarda pas se prsenter.

    En lanne l045, le berbre El-Djerdjera, premier ministredu khalife fatemide El-Mostancer, tant mort, fut remplac par uncertain El-Hacen-ben-Ali, dit El-Yazouri et, peine le nouveauvizir eut-il pris en main la direction des affaires, quun grave dis-sentiment clata entre lui et El-Mozz. Le gouverneur Ziride refusa premptoirement dexcuter ses ordres, sous le prtexte quon nelui avait pas noti sa nomination. Des mots blessants furent chan-gs, la suite desquels El-Yazouri adressa au gouverneur de Ka-rouan une lettre de reproches violents.

    A la rception de cette missive, la colre dEl-Mozz neconnut plus de bornes. Il jura aussitt de rpudier lautorit fatemideet, passant de la menace lexcution, se rendit la grande mosqueet t arracher de ses tendards et des robes dinvestiture les nomsde ses suzerains ; puis, du haut de la chaire, il proclama lautoritdAbou-Djafer-El-Kam, khalife abbasside, et le rtablissement du

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    16 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    rite sonnite ou de Malek, seul orthodoxe. Cette dclaration fut faiteen mme temps dans toutes les mosques de Tunisie.

    Le khalife abbasside accueillit avec la plus grande faveur cette soumission inattendue et sempressa denvoyer au princeZiride une dputation charge de lui remettre des prsents et lediplme le nommant gouverneur de lAfrique. Lambassade arriva Karouan vers 1048 et fut loccasion dune nouvelle crmonie;on dploya en grande pompe les drapeaux noirs du khalifat. El-Mozz se revtit de la livre de cette dynastie, et tout ce qui avaitappartenu aux Fatemides fut brl en public. On alla ensuite dmo-lir lcole appele :Maison des Ismaliens, o senseignaient lesdoctrines de cette secte(1).

    EL-MOSTANCER LANCE LES ARABES HILALIENSSUR LA BERBRIE. Lorsque le khalife El-Mostancer eutacquis la certitude que son reprsentant El-Mozz, avait d niti-vement rpudi son autorit ; lorsquil apprit que la suprmatieabbasside avait t solennellement proclame Karouan, il cher-cha longtemps de quelle manire il pourrait tirer une clatantevengeance de son vassal. La puissance de lempire tait trop affai- blie pour songer agir par les armes. Ce fut le vizir El-Yazouriqui trouva le moyen cherch, en proposant son matre de lancer sur la Berbrie les tribus de Hilal et de Solem, ce qui offraitle double avantage de se dbarrasser dhtes incommodes et decrer de srieux embarras El-Mozz. Sils russissent vain-cre, dit El-Yazouri, ils seront nos reprsentants et gouverneront ennotre nom ; si, au contraire, lentreprise ne russit pas, peu nous

    importe! Dans tous les cas il vaut mieux avoir affaire des Arabesnomades qu une dynastie sanhadjenne. Cet avis fut got par le khalife fatemide qui, tout entier au dsir dassouvir son ressenti-ment, ne prvit pas quelles seraient pour lAfrique les consquen-ces de linvasion hilalienne.

    Dj une tribu arabe, celle des Korra, tait tablie sur lalimite du pays de Barka. Cet exemple et le besoin absolu de sortir du territoire restreint o ils taient parqus, rendaient les Arabes

    trs disposes accueillir lide dun changement. Aussi El-Yazouri,qui ctait port, de sa personne, au milieu deux, nprouva-t-ilaucune dif cult organiser un premier dpart pour le Magrebquelques pices dor, des pelisses dhonneur distribues aux chefset la concession des pays a conqurir dcidrent lexpdition. Jevous fais cadeau du Magreb, leur dit-il, et du royaume dEl-Moz ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. I, p. 29 et suiv., t. II, p. 19 et suiv., 46.

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    INVASION ARABE HILALIENNE (1051) 17

    le Sanhadjien, esclave qui sest soustrait lautorit de sonMatre.

    Mouns-ben-Yaha, chef des Riah, fut dsign comme gou-verneur de Karouan et de Badja. Hassenbecn-Serbane, autre chef des Riah, reut linvestiture de Constantine. Le territoire de Tripoliet de Gabs fut concd la tribu des Zorba(1).

    LES HILALIENS ENVAHISSENT LA BERBRIE ETTRAITENT AVEC EL-MOZZ. Vers lan 1049, une premiretroupe de guerriers arabes envahit le pays de Barka sans rencontrer de rsistance. La renomme apporta la nouvelle des succs auxArabes rests en gypte. Aussitt, tout ce peuple se disposa lmi-gration en masse, et cela, avec une telle ardeur que le khalife putexiger de chaque migrant le paiement dun droit, de sorte quilrentra et au del dans les premires dpenses quil avait faites pour dterminer le mouvement. Une population, dont le chiffre devaitvarier entre 150 et 200,000 personnes(2), se prcipita alors verslOuest. Ces migrants, quittant lgypte sans esprit de retour, entra-naient avec eux leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux.

    Le Nil franchi, les Arabes se jetrent comme des loups affa-ms sur la province de Barka, dj mise contribution par les pre-miers arrivs. Toutes les villes de cette contre, parmi lesquellesAdjebada et Sort, furent ruines de fond en comble. Continuantleur marche vers lOuest, les envahisseurs pntrrent. en 1051,dans la Tripolitaine. Les Riah, sous la conduite de leur chef Mou-ns-ben-Yaha, ouvraient la marche : Semblables une nue de sauterelles,dit Ibn-Khaldounils dtruisaient tout sur leur pas-

    sage. Les tribus berbres des Houara et Louata, abandonnes elles-mmes et divises par des rivalits sculaires, ne tentrent pasune rsistance inutile : elles souvrirent devant le ot envahisseur qui atteignit bientt le sud de lIfrikiya.

    Cependant le Ziride El-Mozz, qui navait rien fait pour con- jurer le danger avant quil ft imminent, ne se disposa nullement combattre lorsque les Arabes furent sur la limite de sa province.Bien au contraire, il vit dans leur appui un moyen se se venger deson cousin, le Hammadite El-Kad, qui, loin dapprouver sa rup-ture avec les Fatemides et de limiter, avait envoy ces princesun nouvel hommage de vassalit, et reu deux le litre deCherf-ed- Daoula(noblesse de lempire). ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. I, p. 33, 34, t. II, p. 21. El-Karouani, p.143. Amari,Musulmans de Sicile, t. II, p. 507 et suiv.

    2. Voir la discussion de ce chiffre dans le chapitre prcdent.

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    18 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    Ayant donc appel auprs de lui Mouns, chef des Riah, El-Mozz lui prodigua les plus grands honneurs et eut la bassesse designer avec lui un trait par lequel il permettait aux Arabes dentrer dans la Tunisie, la condition quils lui fournissent leurs guerriersdans une campagne quil voulait entreprendre contre les Hammadi-tes. Une princesse, accorde en mariage au chef des envahisseurs,scella laccord. Mouns souscrivit tout et appela vers lui ses com- pagnons rests sur la limite du dsert. Les Riah, suivis bientt desZorba et des Djochem envahirent alors le sud de la Tunisie, quilsmirent feu et sang.

    Les Makil et Athbedj, qui venaient ensuite, dpassrent les prcdents et continuirent leur route vers loccident, en contour-nant par le sud le massif de lAours. Quant aux Solem, formantlarrire-garde, ils stablirent dune faon d nitive, dans la Tri- politaine et la province de Barka. La ville de Tripoli, avec ses envi-rons, restait encore El-Montaar, prince rgnant, de la famille desBeni-Khazroun(1).

    EL-MOZZ ESSAIE DE REPOUSSER LES ARABES. ILEST VAINCU HADERANE. El-Mozz essaya en vain dem- pcher les excs des envahisseurs et dexiger deux lexcution dutrait consenti par leur chef. Voyant en n quil ne pouvait rien obte-nir de ces nomades indisciplins, il se dcida les combattre. Maisil tait trop tard, son fatal calcul se trouva djou, car ses auxi-liaires devenaient ses pires ennemis. Celle invasion, que les Berb-res auraient videmment repousse, sils avaient su sentendre audbut, tait jamais implante chez eux. Un premier corps de San-hadjiens, envoy contre les Arabes, fut entirement dfait par eux.Le prince ziride comprit en n que la gravit des vnements exi-geait des mesures dcisives. Rsolu prendre en personne la direc-tion des oprations, il forma un camp auprs de Karouan et adressaun appel dsespr ses deux adversaires, le Hammadite El-Kad,et le Zente El-Montaar, les conjurant doublier leurs anciens dif-

    frends et de sunir contre lennemi commun. Tous deux rpondi-rent sa requte, le premier en envoyant mille cavaliers, le seconden accourant lui-mme de Tripoli la tte de toutes ses troupes.

    Vers 1053, lorsque toutes les forces Berbres furent concen-tres, El-Mozz en prit le commandement et marcha contre les Arabes, ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. I, p. 34 135, t. II, p. 21, 47 et suiv., t.III, p: 267, 268.

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    INVASION ARABE HILALIENNE (1051) 19

    avec une arme dont leffectif slevait, dit-on, trente mille com- battants.

    Les Arabes de leur ct, comprenant que le moment dcisif tait arriv, staient runis sur le plateau de Haderane, non loin deGabs. Les tribus de Riah, Zorba, Adi et Djochem avaient fournitous leurs contingents et nanmoins, sil faut en croire un de leurs potes(1), ils navaient pas, en ligne, plus de trois mille guerriers.

    Aussitt que les deux armes furent en prsence, El-Mozzdonna le signal du combat. Les Arabes furent, attaqus avecvigueur, mais ils avaient lavantage de la position, ce qui doublaitleur courage. Devant cette rsistance inattendue, le dsordre se metdans les rangs des assaillants et, ce moment, un fait imprvu vientaugmenter la confusion : le contingent de la colonie arabe de Ka-rouan, reconnaissant dans les Hilaliens des compatriotes, passe deleur ct et abandonne les Berbres abhorrs. A cette vue, les Zen-tes de Tripoli lchent pied et les Sanhadja, qui soutiennent tout lef-fort du combat, sont contraints de battre en retraite, aprs avoir vutomber leurs meilleurs guerriers.

    El-Mozz, rest seul, entour de sa garde noire et des gensde sa maison, combattit avec la plus grande valeur et ne se retiradu champ de bataille que lorsque toute rsistance fut absolumentinutile.

    PILLAGE DE LA TUNISIE PAR LES HILALIENS. PRE-MIER PARTAGE ENTRE LES ARABES. Le rsultat de la vic-toire de Haderane fut dcisif pour les Arabes.

    Aprs avoir pill le camp dEl-Mozz, ils rent irruption

    dans la Tunisie septentrionale et portrent la dvastation dans toutle pays ouvert : rien nchappa leur rapacit. Les populations ber- bres durent se retirer dans les montagnes ou chercher un refugederrire les remparts de villes forti es. Aprs avoir ruin les placesdObba et dEl-Orbos, les Arabes vinrent mettre le sige devantKarouan. Lmir des Riah, Mounes, dirigeait lui-mme lattaque,car il tenait prendre possession de cette ville dont le khalife fate-mide lui avait confr le commandement. El-Mozz essaya, pen-dant quelque temps, de dfendre sa capitale; mais ayant reconnutoute rsistance inutile, il se dcida lvacuer. En 1056, il se rfu-gia, grce la protection de Mouns, El-Mehda. Le lendemainde son dpart, son ls El-Mansour, auquel il avait laiss le comman-dement, vacua la ville, suivi des troupe et des principaux habitants. ____________________

    1, Ali-ben-Rizk, qui a clbr la victoire des Arabes en ces termes :trois mille des ntres ont vaincu trente mille dentre eux.

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    20 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    A peine avait-il quitt Karouan que les Arabes sy prci- pitrent et mirent la ville sainte dOkba au pillage. En quelques jours, les palais que les souverains arabes et berbres staient plu embellir, les travaux dutilit publique quils avaient effectus grands frais, furent dtruits par les nomades.

    Vers le mme temps, El-Montaar-ben-Khazroun, souverainde Tripoli, aprs avoir lutt en vain contre les Arabes, souscrivaitavec eux une trve par laquelle il les reconnaissait possesseurs du pays occup par eux et ne rservait pour lui que sa capitale et sesenvirons.

    A la suite de ces succs, un premier partage intervint entre lesArabes : Les Riah et Djochem conservrent lintrieur de la Tuni-sie avec Badja comme centre. Les Zorba eurent, pour leur part,Gabs et la rgion comprise entre cette ville et Tripoli. Les Athbedjse massrent sur les versants de lAours et envahirent le Zab. LesMakil continurent savancer vers louest. Quant aux Solem, ilsconservrent lest de la Tripolitaine et la province de Barka.

    Au pro t de lanarchie des dernires annes, une petite dynas-tie berbre, celle des Beni-er-Rend, stablit Gafa; son fondateur Abd-Allah-ben-er-Rend tendit,avec lappui des Arabes Athbedj,son autorit sur le pays de Kastiliya. Dautres chefs se dclarrentindpendants, ce furent : Gabs, un Sanhadjien appel Ibrahim ; Benzert, un aventurier arabe du nom dEl-Ouerd ; et Tebourba, unKasite nomm Modafa. On voit combien cette anarchie tait favo-rable ltablissement des Arabes; ils offraient leurs bras tous les

    ambitieux et obtenaient en rcompense des territoires(1)

    .En mme temps, les puissances chrtiennes relevaient la tteet sattachaient purger la mer des pirates. Vers 1057, une otteitalienne vint faire une dmonstration devant El-Mehda (2).

    BOLOGGUINE, SOUVERAIN HAMMADITE ; SESSUCCS. PROGRS DES ATHBEDJ ET MAKIL. Cependantlempire hammadite ntait pas encore srieusement entam. LeZab, avec Biskra comme chef-lieu, les villes de Tobna, Mecila,Constantine, Alger et les contres maritimes, jusquau mridiende Tiharet, reconnaissaient lautorit des descendants de Hammad.Dans le Magreb central, les Ouemannou et Houmene, alors pr- pondrants, leur fournirent leur appui.Vers 1054, El-Kad mourut, ____________________

    1. El-Karouani, p.144. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. I, p. 36, 37, t. II, p.21 et suiv., 33, 35, 42, t. III, p. 268.

    2. De Mas-Latrie.Traits de paix, etc., p. 27.

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    INVASION ARABE HILALIENNE (1051) 21

    laissant le pouvoir son ls Mohcen, mais ce prince, dun carac-tre violent et cruel, indisposa contre lui les propres membres desa famille, de sorte que son oncle Youssef se jeta dans la rvolte.Mohcen t alors mourir tous les descendants de Hammad quil put saisir, lexception de son cousin Bologguine, charg par luidtouffer linsurrection. Bientt celui-ci ayant appris que le chef de sa famille en voulait aussi sa vie, se tourna contre lui et, layantatteint, le mit mort aprs un court rgne de neuf mois. Bologuine prit alors en main lautorit et, bien quil signalt son gouverne-ment par de grandes cruauts, il sut donner un vritable lustre lempire hammadite.

    En 1058, Djafer-ben-Abou-Rommane, chef dune anciennefamille locale, dorigine latine sans doute, qui commandait Biskra pour les Hammadites, se mit en tat de rvolte contre Bologguine et t alliance avec les Athbedj; mais bientt une arme sanhadjiennearriva devant cette oasis, sen rendit matre et expdia ceux quistaient compromis Bologguine, qui les t tous prir.

    Malgr les efforts des Hammadites, les Arabes continuaient avancer vers louest. Les Athbedj envahissaient le Zab et lesMakil stendaient dans les hauts plateaux, au dtriment des Zen-tes Ouacine. Ceux-ci rent alors appel leurs cousins les Beni-Yala(B. Ifrene), de Tlemcen, qui commandaient aux Zentes de cettergion. Le chef de cette dynastie, nomm El-Bakhti, envoya contreles Arabes son vizir Abou-Soda avec des contingents de toutesles tribus allies. Ce gnral livra plusieurs batailles aux ArabesAthbedj et Zorba, dans le Zab et le Sahara, mais aprs une srie

    dchecs, ses troupes nirent par tre disperses, et lui-mme pritdans un combat. Cette campagne neut donc dautre rsultat quede consolider ltablissement des Arabes dans les steppes de la pro-vince de Constantine, en dpit des efforts du prince hammadite,second indirectement par les Zentes, et daccentuer le refoule-ment de ceux-ci vers louest(1).

    SUCCS DES NORMANDS EN ITALIE. ARRIVE DEROGER. - VNEMENTS DE SICILE. Dtournons un instantles yeux de lAfrique pour les reporter sur lItalie et la Sicile. Nousavons laiss les Normands dans la Pouille expulsant les Byzantinsde leurs conqutes. Leurs succs excitrent encore la jalousie des princes italiens et bientt il se forma contre eux une vaste conspira-tion, qui se termina par le massacre de ceux qui se trouvaient alors ____________________

    1. Ibn-Khaldoun. Berbres, t. I, p. 36 et suiv., t. II, p. 22, 46, 47, t. III, p. 125, 271. 294.

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    22 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    dans la Pouille et de leur chef, Dragon, dont la con ance fut surprise(aot 1051). Les noires Normands se runirent Mel et, ayantgroup toutes leurs forces, tirrent bientt vengeance de cette trahi-son. En 1053, le pape Lon organisa la guerre sainte contre les Nor-mands, et se rendit Worms, pour y entraner lempereur Henri III,mais il ne put russir, et, tant rentr en Italie, se mit en personne la tte de ses adhrents. Les Normand, rent tout leur possible pour viter une lutte sacrilge avec le chef de la religion, mais ils shu-milirent en vain et durent se dcider la guerre. Robert Wiscardaccourut du fond de la Calabre avec ses compagnons et, grce son renfort, les Normands purent mettre en ligne trois mille guer-riers prouvs, avec lesquels ils d rent larme du Saint-Sige (juin1053). Le pape ayant t fait prisonnier fut trait avec honneur,mais, retenu Bnvent jusqu ce quil et sign un trait ; par lequel il reconnut les Normands propritaires de ce quils avaientconduis et de ce quils pourraient conqurir dans la Pouille.

    Ces succs des Normands attirrent en foule leurs compatrio-tes dans lItalie. Robert Wiscard avait t lu comte de Pouille.Son plus jeune frre, Roger, ayant russi chapper la tutelle paternelle, vint le rejoindre. Ctait un jeune homme de vingt-cinqans, dune remarquable beaut, dune taille haute et riche, loquentdans le conseil, prudent dans lexcution, aimable et accessible tous, plein de libralit, mais, ajoute lauteur, trop accessible lalouange. Robert lui donna une troupe dune soixantaine dhommesavec laquelle il lenvoya en Calabre, o le jeune Roger obtint les plus grands succs (1058).

    Pendant que lItalie tait le thtre de ces vnement, lesguerres intestines continuaient paralyser les forces des Musul-mans en Sicile ; ils avaient cess dtre en mesure dintervenir sur la terre ferme et bientt ils allaient avoir se dfendre chez euxcontre les Chrtiens.

    Quelques temps auparavant, un homme de noble race, appelMohammed-ben-Ibrahim-ben-Thimna, stant empar du pouvoir Syracuse, avait ensuite dfait et tu : Ibn-Menkout, cad de Catane,

    poux de Memouna, sur dIbn-Haouachi. Il tait bientt devenumatre de presque toute lle, avait pris le titre dEl-Kader-bIllah,et avait fait prononcer la Khotba en son nom, Palerme. Il avaitpous Memouna, veuve dlbn-Menkout, et, bien quune ruptureft imminente, il entretenait, pour la forme, de bonnes relationsavec Ibn-Haouachi(1). ____________________

    1. Amati,Musulmans de Sicile, t. II, p. 545 et suiv., t. III, p. 42 et

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    LES ALMORAVIDES (1059) 23

    FONDATION DE LA SECTE ALMORAVIDE PAR IBN-YACINE. - Transportons-nous maintenant dans lextrme sud duMagreb cher les farouches Sanhadja au voile, dont les Touaregsactuels sont les descendants. La tribu des Lemtouna, cantonne dansles steppes qui avoisinent le haut Niger (1), exerait la prpondrancesur les autres. Ces nomades sahariens, vivant principalement du bri-gandage et de la guerre sur leurs voisins, les ngres du Soudan,avaient reu, deux sicles auparavant, des missionnaires qui lesavaient catchiss. Ils avaient alors abandonn lidoltrie et acceptlislamisme, mais taient demeurs dans lignorance absolue de leur nouveau culte : ils ntaient, en ralit, musulmans que de nom.

    Vers lan 1049, un cheikh des Lemtouna, nomm Yaha-ben-Ibrahim, fut amen par les circonstances effectuer le plerinagede La Mekke. A son retour, stant arrt Karouan, il fut misen relation avec un savant docteur, Abou-Amrane-el-Fassi, qui y professait les doctrines malekites depuis que ce rite avait repris lafaveur des habitants de lIfrikiya. Il reut de lui une: lettre pour unde ses disciples nomm Ou-Aggag, le Lamti, tabli Sidjilmassa,

    daprs Ibn-Khaldoun, Ne

    s, dans le Sous, selon le kartas. Cedernier lui procura un de ses lves nomm Abd-Allah-ben-Meg-gou, dit Ben-Yacine, originaire des Guezoula. Cet homme, plein delardeur de laptre, accepta la mission dinstruire dans la religionles sauvages porteurs de litham (voile), et partit avec Yaha.

    Parvenu lextrmit du dsert, Ibn-Yacine se mit courageu-sement luvre, mais son rigorisme et les obligations quil impo-sait a ses lves irritrent contre lui lopinion. Avant son arrive,

    chacun pousait autant de femmes quil voulait, Ibn-Yacine rdui-sit ce nombre quatre, selon les prceptes de la Sonna. Ses lvesignoraient la prire et les obligations troites ( fard ) de la religion.Il fallut tout leur apprendre.

    Sur ces entrefaites, le cheikh Yaha, son protecteur, tantmort, laptre se vit en butte aux perscutions des Lemtouna, et dut prendre la fuite pour viter la mort. Il se rfugia sur un lot. du haut- Niger et y fut rejoint par quelques nophytes dvous. Il y fonda uncouvent ( Ribat ), o de nombreux dles ne tardrent pas solliciter leur admission. Ibn-Yacine forma de ses adeptes une confrrie, pro-fessant le rite maleki et soumise aux obligations dun puritanisme ____________________ suiv. E. de la Primaudaie, Arabes et Normands, p. 222 et suiv. Art de vri er les dates. T. III, p. 608 818.

    1. Cc sont ces Sanhadja ou mieuxSanhagaqui ont donn leur nom auSngal.

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    24 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    trs svre ; il fallait, pour tre admis, subir un chtiment destin laver les souillures passes, et, celui qui, ensuite, manquait lac-complissement dun de ses devoirs, encourait des peines corporel-les. Chaque pch, chaque manquement aux prescriptions de lareligion tait puni dun certain nombre de coups de fouet. Ces puri-tains furent appels, en raison de leur sjour dans le Ribat, Merabot(pluriel : El-Merabtine), do nous avons tir le nom de Maraboutet les Espagnols, celui dAlmoravides

    Cette doctrine se rpandit de proche en proche dans les tribusde Lemtouna, Guedala et Messoufa. Ibn-Yacine, se voyant entourdun grand nombre de disciples, engagea les Marabouts faire laguerre, les autorisant percevoir la dme sur ceux qui ne reconna-traient pas leur secte, et le tiers sur toute proprit dont lorigine neserait pas pure. Ctait la meilleure sanction donner la conver-sion de ces pirates de terre. Bientt ils soumirent leurs voisins, lesSanhadja du dsert(1).

    CONQUTES DES ALMORAVIDES DANS LE SAHARAET DANS LE MAGREB. Vers 1053, les Almoravides, grossisdes Lamta, vinrent au nord, faire la couqute du pays de Dera, et,aprs avoir peru leur dme, regagnrent le dsert. Ibn-Yacine avait.cr un bit-el-mal (trsor public), o taient dposs les produits dela dme et de laumne destins acheter des armes, le surplus du butin tait rgulirement partag entre les guerriers. Ces premierssuccs, grossis par la renomme, leur attirrent un grand nombrede partisans. Bientt, trente mille combattants quittrent le Saharaet prirent la roule du nord. Ctait pour la plupart des fantassins

    trs bien disciplins, accompagns de cavaliers monts, soit sur deschameaux de course (mhari), soit sur des chevaux. Les Lemtounaavaient conserv la prpondrance, ils avaient alors pour cheikhYaha-ben-Omar ; mais le commandement rel tait exerc par Ibn-Yacine, qui se rservait le droit de corriger corporellement le cheikh.

    Yaha-ben-Omar tendit ses conqutes sur tout le Sahara. Ilvenait de faire une expdition heureuse dans le Soudan, lorsquilreut une missive des lettrs et des lgistes du Sidjilmassa; implo-rant son appui et celui dIbn-Yacine contre les Beni-Ouanoudinedont la tyrannie ne respectait pas les savants. Bientt lexpditionfut rsolue et les Marabouts marchrent en grand nombre vers leTel. Ils commencrent par enlever au roi de Sidjilmassa quinzecents chameaux qui taient au pturage dans le pays de Dera. Le ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, p. 46, 67 et suiv. El-Karouani, p. 173 et suiv. Kartas, p. 162 et suiv. El-Bekri, trad. de Slane, p. 262 et suiv.

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    une fraction des Beni-Ifrene. En n le Tamesna fut occup par eux.

    LUTTES DES ALMORAVIDES CONTRE LESBERGOUATA. MORT DIBN-YACINE YOUSSEF-BEN-TACHEFINE. Les Almoravides se trouvrent alors en prsencedes Bergouata. Jusqualors, ils navaient combattu que des ngresidoltres ou des musulmans se rattachant la doctrine chiate. Ilsallaient maintenant avoir affaire il des schismatiques, sectateurs dufaux prophte Salah-ben-Tarif, qui leur avait compos un Koran enlangue berbre et avait modi son gr les prescriptions de la reli-

    gion islamique. Un descendant de Salah, nomm Abou-Hafs-Omar,commandait la tribu qui, bien quaffaiblie par les luttes soutenuesdans les dernires annes, tait encore fort puissante.

    Les Sanhadja marabouts se rurent contre les hrtiques.Mais ceux-ci les attendaient en forces et, comme les guerresincessantes quils soutenaient depuis longtemps les avaient rendusredoutables, la lutte fut srieuse, acharne. Aprs plusieurs combatsdont lissue tait reste indcise, Ibn-Yacine, qui se lanait toujoursau plus fort de la mle, fut cribl de blessures dans une rencontre.Rapport mourant au camp, il adressa aux cheikhs des Sanhadjales recommandations les plus prcises pour le maintien de luvrequil avait fonde, et mourut le soir mme (1059). On lenterra aulieu dit Keri a, et une mosque fut construite sur son tombeau(1).

    Grce aux prcautions prises par Ibn-Yacine et la forteorganisation de la secte, son oeuvre ne prit pas avec lui. Abou-

    Beker-ben-Omar, demeur seul chef temporel des Almoravides,les entrana de nouveau contre les hrtiques pour achever de lesdompter et venger leur aptre. Cette fois, les Bergouata furentvaincus ; leur chef prit en combattant et, bientt; ils senfuirentdans tous les sens. Leur puissance fut jamais dfruite et le nomde cette tribu disparut de lhistoire de lAfrique(2). Abou-Beker runit leurs dpouilles Armate o tait reste son pouse Zeneb.Puis, ayant vu son arme se grossir dune foule de Masmouda, ilconquit le pays de Fazaz et les villes du Mekena, puis la placeforte de Louata. Dans toutes ces localits, les Marabouts massa-crrent les Beni-Ifrene, qui les avaient conquises quelques annesauparavant(3). ____________________

    1. Kartas, p. 182-183.2. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. II, p. 131, 132. El-Bekri, passim.3. Kartas, p. 185, 186.

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    LES ALMORAVIDES (1063) 27

    Abou-Beker, tant rentr Armate, reut la nouvelle quunervolte avait clat parmi les Sanhadja, au fond du dsert, lasuite dun meurtre commis par le chef des Messoufa sur un lem-tounien. Il rsolut aussitt de retourner dans ses steppes et choisit, pour commander ses conqutes du Magreb, son cousin Youssof- ben-Tache ne. Nous verrons plus loin combien son choix avait tclair. Ne voulant pas entraner sa suite, pour vivre de la rudeexistence du dsert, sa chre Zeneb, craignant, du reste, le sortqui lui serait fait dans ces contres loignes, sil venait prir,il la rpudia en dcidant, quaprs lexpiration du dlai lgal, ellepouserait Youssof-ben-Tache ne. Il partit ensuite pour le sud,accompagn par son cousin, jusqu Sidjilmassa. Dans cette villeil t of ciellement reconnatre Youssef comme son reprsentant enMagreb ; puis lon se spara ; la moiti de larme partit pour ledsert et lautre moiti rentra dans le Tel (1061)(1).

    EXPDITION DU HAMMADITE BOLOGGUINE DANSLE MAGREB. SA MORT. RGNE DEN-NACER. La nou-velle des succs des Marabouts dans le Magreb tant parvenue la Kala, suscita la jalousie du Hammadite Bologguine. Ce prince,nergique et cruel, avait affermi son autorit et, depuis lanantis-sement de fait de lempire ziride, par linvasion arabe, tait devenule plus puissant souverain de lAfrique septentrionale. Il jugea lemoment favorable pour tendre ses tats vers loccident. En 1062,il marcha contre le Magreb la tte dune puissante arme et ren-versa tout sur son passage. Peut-tre les Almoravides essayrent-ils de le repousser et furent-ils dfaits. Les auteurs sont muets

    cet gard et nous reprsentent Youssof-ben-Tache

    ne se tenant aveceux sur la limite du dsert, et laissant le champ libre au souverainhammadite.

    Aprs avoir parcouru en vainqueur les contres du Magreb,Bologguine vint mettre le sige devant Fs, o les descendants deZiri-ben-Atiya achevaient duser leurs forces dans des luttes intes-tine. Cette ville tomba bientt en son pouvoir et sa chute termina brillamment la campagne. Bologguine, stant fait remettre des

    otages par les principaux du pays, reprit alors la route de lest, maisIl ne devait plus revoir sa capitale. Parvenu au Tessala, non loinde Tlemcen, il fut assassin par son cousin En-Nacer-ben-Alennas,qui avait venger des cruauts dont sa famille avait t victime dela part du souverain (1063).

    En-Nacer prit alors le commandement et ramena les troupes ____________________

    1. El-Bekri, p. 187. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. II, p. 71, 72.

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    la Kala, o il se t proclamer souverain. Ses frres et ses lsreurent de lui le commandement de places importantes, telles queMiliana, Hamza, Constantine, Negaous, Achir, Alger, tandis quilsappliquait en personne combattre les soulvements qui gron-daient autour du lui(1).

    MORT DEL-MOZZ. TEMIM LUI SUCCDE. - Quelquesmois auparavant El-Mozz terminait sa triste carrire El-Mehdia(aot, 1062). Son ls Temim prit le commandement du mince terri-toire qui restait encore la dynastie ziride et se rduisait quelquesvilles fermes avec leur banlieue. Aussitt, la province de Kasti-

    liya, o rgnaient dj, en princes indpendants, les Bei-er-Rend, sedclara pour lautorit hammadite. La ville de Tunis, devenue trs orissante, en raison de la masse dmigrs quelle avait recueillis,imita cet exemple. Elle envoya En-Nacer une dputation chargede lui offrir sa soumission. Le prince hammdite accueillit avecempressement lhommage des gens de Tunis, et leur donna, pour gouverneur, un sanhadjien nomm Abd-el-Hak-ben-Khoraan, quidevait tre le chef dune nouvelle principaut.

    Rduit la possession dEl-Mehdia et de quelques places dulittoral oriental de la Tunisie, entour de toutes parts par les Arabes,Temim sattacha exciter les haines qui commenaient se pro-duire parmi les Hilaliens, maintenant quil ne restait rien piller.Les Athbedj, jaloux des Riah et des Zorba, taient sur le point denvenir aux mains avec eux ; mais, comme ils se sentaient les moinsforts, ils adressrent En-Nacer une dputation pour rclamer sonappui(2).

    VNEMENTS DESPAGNE. SUCCS DE FERDINANDIer. En Espagne la puissance des Ibn-Abbad de Sville avaitcontinu saccrotre. El-Motaded entreprit une srie de conqu-tes, et le succs couronna ses armes. Aprs avoir vaincu El-Modaf-far de Badajoz, il enleva Niebla Ibn-Yaha. Abd-el-Aziz, seigneur de Huelva et de Salts, vita le mme sort par une prompte soumis-sion. Silves et Santa-Maria furent ensuite conquises (1052).

    Moron, Arcos, Xrs et Ronda taient en la possession desBerbres. El-Motaded attira chez lui leurs cheiks et les t mourir.En mme temps, llment arabe stant soulev contre les Afri-cains, le roi de Sville en pro ta pour se rendre matre des localitsci-dessus dsignes. ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. II, p. 47, 72, t. III, p. 253.2. El-Karouani, p. 145. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. II, p. 22, 29, 33.

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    En apprenant ce nouvel empitement, Badis, seigneur deGrenade, runit tous ses adhrents berbres, et envahit le territoirede Sville, mais il fut dfait par lheureux Motaded. Ce dernier dtrna ensuite ledriside Kassem, roi dAlgsiras, auquel il assi-gna Cordoue comme rsidence (1058). El-Motaded af cha alors la prtention dexercer le commandement sur toute lEspagne musul-mane et prtendit que le dernier khalife lui avait lgu, par tes-tament, ses droits. Son objectif tait Cordoue, et il ne cessaitdenvoyer des expditions sur son territoire a n damener les Cor-douans une rupture.

    Dans le nord, Ferdinand I, roi de Castille et de Lon, dbar-rass des dif cults qui lavaient retenu chez lui, commena, vers1055, ses courses sur le territoire musulman. En 1057, il enlevaViseu et Lamego et El-Modaffer de Badajoz, et les forteresses ausud de Duero, au roi de Saragosse. En n, il envahit le territoiredEl-Mamoun de Tolde. Trop faible pour rsister seul, ce princeacheta, la paix en offrant, au roi chrtien une riche ranon et en sedclarant son vassal, comme les rois de Saragosse et de Badajoz

    lavaient dj fait. Ces succs ntaient que le prlude de victoires plus dcisives encore, facilites et prpares par la dsunion desMusulmans(1).

    CONQUTES DES NORMANDS EN SICILE. - Revenonsen Italie o nous avons laiss Robert Wiscard et son frre Roger guerroyant avec succs et chassant les Grecs de la Calabre. En1060, ils taient matres de toute cette rgion ; aussitt ils jetrent,les yeux sur la Sicile dans le double but daugmenter leur royaume

    et de prserver la terre ferme des attaques des musulmans. Lemoment tait, du reste, on ne peut mieux choisi. Une rupture avaitclat entre Ibn-Thimna et son beau-frre Ali-ben-el-Haouachi(2) ;ils en taient venus aux mains et ce dernier, ayant obtenu la vic-toire, avait enlev Syracuse son comptiteur et tait rest matredune grande partie de lle, sans cependant empcher Ibn-Thimnade tenir la campagne.

    En 1061, Robert, accompagn dune soixantaine de chevaliers,traversa le dtroit dans quelques barques, et aborda heureusementauprs de Messine. Les musulman, tant sortis pour anantir cette poigne daventuriers, furent attirs dans une embuscade et mas- ____________________

    1. Dozy,Musulmans dEspagne, t. IV, p. 57 et suiv. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. II, p. 62. 154.

    2. Ibn-Thimna tant ivre avait fait ouvrir les veines de sa femme Me-mouna, sur dEl-Haouachi.

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    sacrs. Les Normands, chargs de butin, se rembarqurent. Sur cesentrefaites, Ibn-Thimma vint en Calabre et, stant rendu auprs deRoger, alors Reggio, le dcida entreprendre la conqute de laSicile, offrant de lui servir de guide, et lui af rmant quil triomphe-rait dIbn-Haouachi. Roger promit dagir. Robert tant arriv, sur ces entrefaites, approuva les desseins de son frre, et bientt Roger,accompagn dIbn-Thimna, passa, avec 160 chevaliers, en Sicile.

    Aprs avoir obtenu quelques succs, grce son audace et son courage, Roger, qui stait approch de Messine, comptaitse rembarquer avec ses prises, lorsquil apprit que les musulmanstaient sortis de la ville pour lcraser. Il leur tendit une nouvelleembuscade et en t un grand massacre. La consternation futimmense parmi les musulmans, et Messine faillit tomber aux mainsde Roger, qui rentra Reggio avec un riche butin. Ibn-Haouachienvoya aussitt toute sa otte bloquer les abords de cette ville ;malgr le grand nombre de navires ennemis, Roger ne tarda pas passer en Sicile, suivi dune troupe plus forte, compose de guer-riers choisis, pendant que Robert, rest sur le con nent, dtournait

    lattention de la otte. Roger, cette fois, sempara de Messine, oles Normands rent un grand carnage des musulmans. A cette nou-velle, Ibn-Haouachi rappela sa otte Palerme, ce qui permit Robert daller rejoindre Roger. Les deux frres, guids par Ibn-Thimna, marchrent sur Rameta, dont le commandant leur livra lesclefs sans oser combattre, tant les succs des Normands causaientde terreur. Ils envahirent alors le Val-Demone; puis ayant apprisquIbn-Haouachi marchait contre eux, ils vinrent audacieusementlattendre auprs dEnna. Quelques jours aprs, les musulmans parurent au nombre de 15,000 ; bien que les deux chefs normandsne pussent leur opposer qu peine le tiers de cet effectif, ils enga-grent le combat et, grce leur valeur personnelle, remportrentune victoire dcisive. Peu aprs, Robert rentra dans la Pouille, lais-sant son frre Roger, second par Ibn-Thimna, battre le pays, rece-voir les soumissions, et rorganiser les communauts chrtiennes.

    Sur entrefaites, Roger, lui-mme, fut rappel sur la terreferme pour une raison dun tout autre ordre ; sa ance, Judith deGiroie, quil avait abandonne en Normandie, venait darriver et luirclamait lexcution de son serment. Le comte Roger sexcuta de bonne grce, et les noces se rent dans la petite ville de Melito.Peu de temps aprs, Ibn-Thimna, qui avait conserv le comman-dement en Sicile, prit assassin dans une entrevue, o il staitrendu sans d ance (mars 1062). Une raction se produisit alors

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    LES ALMORAVIDES (1062) 31

    en Sicile contre les Chrtiens et il tait urgent que Roger retournadans lle, lorsquune rupture clata entre lui et son frre Robert,au sujet dune partie de la Pouille que ce dernier avait promise aucomte et quil refusait de lui donner. Ils en vinrent aux mains ;Robert assigea mme son frre dans Melito et tait sur le pointde rduire cette place, lorsquune rvolte, clate sur ses derrires,le fora il se porter lui-mme contre les rebelles. Stant, avec satmrit habituelle, lanc au milieu des ennemis, il allait tre mis mort par eux, lorsque Roger, aussi gnreux que brave, vint sonsecours.

    Cette fois, la paix tait faite entre les deux frre et Roger pou-vait passer en Sicile (aot l062)(1). ___________________

    1. Amari,Musulmans de Sicile,t. III, p. 55 et suiv. Elie de la Primau-daie, Arabes et Normands, p. 247 et suiv.

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    CHAPITRE IIIEMPIRE ALMORAVIDE. LES NORMANDS EN SICILE

    Fin 1062-1088.

    Youssof-ben-ache ne, seul chef des Almoravides. Fondationde Maroc par Tache ne ; il conquiert tout le Magreb. Progrs desArabes ; leurs luttes contre les Hammadites. - En-Nacer fonde la ville deBougie : apoge de sa puissance. Les Zorba se xent dans le Zab etle Hodan. Fractionnement des Athbedj et des Makil. vnements

    de Sicile ; succs du comte Roger. Prise de palerme par les Nor-mands. Le comte Roger achve la conqute de la Sicile. Des-cente des Pisans et des Genois El-Mehdia. vnements dEspagne ;affaiblissement de la puissance musulmane. Succs dAlphonse VI ;les musulmans appellent les Almoravides en Espagne. Youssof-ben-Tache ne sempare de Tanger, du Rif, de Tlemcen et de Ceuta. LesAlmoravides passent en Espagne ; victoire de Zellaka.

    YOUSSOF-BEN-TACHEFINE, SEUL CHEF DES ALMO-RAVIDES. Nous avons laiss les Almoravides dans le Magrebattendant, sur la limite du dsert, que le Hammadite BolloguineSe ft retir. Aussitt aprs son dpart, ils rentrrent dans le Tel,sous la conduite de Youssof-ben-Tache ne qui avait pous la belleZeneb, et recommencrent la guerre de conqute.

    Le jeune chef des Marabouts tait un Saharien de la tribudes Lemtouna. Voici le portrait que le Kartas nous a laiss de cethomme remarquable : Teint brun, taille moyenne, maigre, peude barbe, voix douce, yeux noirs, nez aquilin, mche de Mahometretombant sur le bout de loreille, sourcils joints lun lautre, che-veux crpus. Il tait courageux, rsolu, imposant, actif, gnreux, bienfaisant; il ddaignait les plaisirs du monde; austre, juste etsaint, il fut modeste jusque dans ses vtements, il ne porta jamaisque de la laine lexclusion de toute autre toffe ; il se nourrissait

    dorge, de viande et de lait de chameau, et se tint strictement cettenourriture jusqu sa mort(1).Tel tait lhomme qui devait jouer un si grand rle dans lhis-

    toire de la Berbrie et de lEspagne.La nouvelle des succs dIbn-Tache ne tant parvenue if

    Abou-Beker, dans le Sahara,, ce chef, qui avait rtabli la paix chez les ____________________

    1. Kartas, p. 190,191.

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    EMPIRE ALMORAVIDE (1062) 33

    Sanhadja, revint vers le nord pour reprendre le Commandement,quil avait, selon lui, dlgu simplement son cousin.

    Mais, celui-ci ntait nullement dispos lui abandonner une puissance quil avait su conserver et affermir. Cdant, dit-on, auxconseils de son pouse Zeneb, Youssof reut son ancien Cheikhavec une grande froideur ; tonn de cette attitude, lmir Abou-Beker, voyant en outre un grand nombre de soldats rangs, demanda son cousin ce quil faisait de tout ce monde. Je men sers, rpon-dit Ibn-Tache ne, contre quiconque est mal intentionn mongard.

    Lallusion tait trs claire, et lmir, sans insister, prfrarecevoir de riches cadeaux consistant en chameaux, vtements, pro-visions et ustensiles manquant dans le Sahara et retourner au dsert,laissant le champ libre son cousin (1062). Il passa le reste desa vie occup uniquement combattre les in dles, et mourut en1087, dune blessure cause par une che empoisonne(1).

    FONDATION DE MAROC PAR BEN-TACHEFINE. ILCONQUIERT TOUT LE MAGREB EXTRME. Rest seulmatre du pouvoir, Ibn-Tache ne songea se construire une capi-tale digne de son empire et qui ft en mme temps une solide baseen vue des oprations quil allait entreprendre. Ce fut au pied duversant occidental de lAtlas, sur le cours suprieur de lOuad-Ten-sift, dans une situation admirable, vritable oasis, au commence-ment des montagnes, quil arrta son choix. Non loin, se trouvaitlemplacement dune bourgade nomme Da. Il acheta, dit-on, leterrain ncessaire, un homme des Masmouda, et tint honneur detravailler, comme un simple maon, la construction de sa mtro- pole. On y leva une forteresse destine recevoir ses richesses etses armes. La nouvelle ville fut appele Marrakch (Maroc).

    En mme temps, il organisait une nombreuse arme compo-se, en outre de ses Almoravides, de Guezoula, de Masmouda etmme de Zentes. Ayant ainsi tout dispo, il entra en campagne et

    se dirigea sur Fs, o un descendant de Ziri-ben-Atiya, nommMoennecer, exerait le commandement. Sur son chemin,un grand nombre de tribus, les Zouara, Lema, Louata, Sadina,Sedrata, Marila, Behloula, Medionna et autres, se disposrent lui barrer le passage, mais il les culbuta, dispersa et poursuivit dans tousles sens. Il alla ensuite mettre le sige devant Fs. dont il ne tarda pas ____________________

    1. Kartas, p. 188, 189. Ibu-Khaldoun, Berbres, t. II, p. 172, 173.

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    34 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    semparer (l063). Moannecer put se rfugier dans une tribu voi-sine. Ibn-Tache ne, laissant une garnison Fs, alla enlever les places fortes de la valle de la Mouloua des mains des partisansdes Beni-Ouanoudine, anciens rois de Sidjilmassa. De l, le chef des Almoravides envahit le pays des Romara, qui obissait auxdrisides-hammoudites, reprsents Tanger par le gnral Seg-gout-el-Bergouati. Mais il nosa entreprendre le sige de cette place forte et fut, du reste, rappel dans lintrieur par une gravenouvelle : Moannecer, ou peut-tre son ls Temim, avait pro tde son cloisonnement pour semparer par surprise de Fs et mena-

    cer la garnison almoravide. Mehdi-ben-Youssof, chef de la pro-vince de Mekena, alli dIbn-Tache ne, ayant march contre lesMagraoua, avait t dfait et tu par eux.

    Youssof envoya alors un corps darme contre Fia, lundisquil allait lui-mme rduire la province de Fazzaz(1). Moannecer, bloqu dans sa capitale, ayant essay de se dgager par une sortie, prit dans laction. Les dbris des Magraoua se donnrent alors pour chef un descendant dIbn-Abou-lA a, nomm El-Kacem,qui, ayant adjoint eux ses guerriers, marcha contre les Maraboutset leur in igea une dfaite lOuad-Sa r, prs de Fs. Ainsi le sigede cette ville tait lev; El-Kacem en prit le commandement.

    Pendant ce temps, Youssof-ben-Tache ne pressait en vain la place forte de Kalat-Mehdi, dans la province de Fazaz. Cette for-teresse ayant offert une rsistance inattendue, il y laissa un corps detroupes charg de continuer le blocus et, avec le reste de ses soldats,entreprit dautres conqutes (1064). Fendelaoua, le pays des Beni-Meracen et le territoire de Herga tombrent successivement en son pouvoir.

    En 1068, le chef des Almoravides envahit de nouveau le pays.des Romara (Rift). Peu aprs, il vint mettre le sige devant Fs. El-Kacem tant sorti sa rencontre, la tte des Magraoua et autresZentes et des Miknaa, fut mis en droute, et, quelques jours plustard, Youssof emporta dassaut la ville. Tous les hommes valides

    qui sy trouvaient furent massacrs ; on en tua trois mille, rien quedans deux mosques.Aprs avoir obtenu cette vengeance de la dfaite de lOuad-

    Sa r, Youssof dut soccuper faire dblayer la ville des cadavresqui lencombraient : on les enterra dans dimmenses tranches quelon couvrit de chaux. ____________________

    1. Contre cotre Tedla et Safraoua, deux journes de Fs.

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    EMPIRE ALMORAVIDE (1066) 35

    Le chef des Almoravides sappliqua ensuite effacer lestraces des maux de la guerre. Les annes suivantes furent employes par lui rduire les rgions qui ntaient pas encore soumises et bientt tout le Magreb, lexception de Tanger et de Ceuta, recon-nut son autorit.

    En une dizaine dannes de luttes acharnes, les Almoravi-des avaient conduis cette immense contre stendant du dsert, la Mditerrane et de la Mouloua lOcan, dtruit des tribus puissantes telles que les Bergouata, les Magraoua, les Beni-Ifreneet les Miknaa, et fait disparatre la royaut des Beni-Ouanoudine

    Sirdjilmassa, celle des Beni-Atiya Fs, et un grand nombredautres principauts secondaires. Ils avaient beaucoup dblay enMagreb : nous verrons comment ces places seront prises(1).

    PROGRS DES ARABES. LEURS LUTTES CONTRE LESHAMMADITES. Pendant que le Magreb tait le thtre deces vnements importants, les Arabes, dans lest, continuaient stendre. Presque tout le Zab tait en leur pouvoir, et la tribu desAmer (Athbedj) stait avance jusquau pied du mont Rached,auquel elle devait donner soit nom (Djebel-Amour).Nous avons vu que les autres tribus athbedj, en luttes avec lesRiah et Zorba de la Tunisie, taient venues demander assistanceau souverain hammadite de la Kala. En-Nacer, voyant une occa-sion de sagrandir vers lest, leur promit son appui et vint bientt.avec une arme de Sanhadja et de Zenata, prendre position Orbos(Laribus). Il se disposait attaquer les Arabes prs de Sebiba, lors-que Temim, dle ses habitudes, parvint semer la dsunion danslarme de son cousin. Bientt les Magraoua lchrent pied, et lesSanhadja furent mis en droute avec leurs allis. Le dsastre dEn- Nacer fut complet. Ce prince, qui avait perdu dans laction un de sesfrres et son secrtaire, courut se rfugier Constantine, suivi seu-lement de deux cents hommes, et de l regagna sa capitale (1065).

    Temim pro ta de la dfaite de son cousin pour reprendreSoua et Sfaks, qui staient dclares pour les Hammadites. Lan-

    ne suivante il vint, avec lappui de Zorba, attaquer Ibn-Kho-rassan, qui gouvernait Tunis comme reprsentant dEn-Nacer.Aprs quatre mois de sige, cette ville, sur le point de succomber,nchappa au pillage que par une soumission entire Temim.

    Cette guerre nie, les Arabes hilaliens rent irruption dans ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. I, p. 271, t. II, p. 74, 154, t. III, p. 253,254. Fartas, p. 190 et suiv.

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    36 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    lempire hammadite et donnrent un aliment leur activit enravageant dune manire affreuse le pays ouvert. Mais bientt laguerre clata entre les Arabes eux-mmes. Les Beni-Adi, repous-ss de lIfrikaya par les Athbedj et les Riah, vinrent Tripoli implo-rer secours dEl-Montacer-ben-Khazroun, chef des Magraoua. Ce prince se mit leur tte et, suivi sans doute par une partie desArabes Solem, fondit sur les rgions mridionales du Magreb.Une partie du Zab et la riche province du Hodna, avec les villes deMecila et Tobna, furent livres au pillage. Les Arabes poussrentmme laudace jusqu venir fourrager auprs de la Kala. MaisEn-Nacer tant sorti contre eux la tte de quelques troupes, les t reculer jusqu la limite du Zab. Le souverain hammadite nosacependant engager laction, il prfra entrer en pourparlers aveclennemi et acheter la paix par labandon dune partie des provincesconquises. Il se vengea de cette humiliation en attirant El-Montacer dans un guet-apens et le faisant assassiner par Ali-ben-Sindi, gou-verneur de Biskra. Sa tte fut envoye En-Nacer et son corps misen croix la Kala(1).

    Une paix qui consacrait ltablissement, au cur du pays,de gens aussi remuants que les Arabes, ne pouvait tre de longuedure, dautant plus que la situation gnrale favorisait leurs dsor-dres : les guerres intestines absorbaient les forcer hammadites, car,en outre de la vieille querelle qui divisait toujours Temim et soncousin En-Nacer, celui-ci se trouvait entour de sditions auxquel-les il avait faire face. Les tribus berbres, qui nchappaient auxuns que pour tomber sous les coups des autres, renonaient tout

    espoir de paix et se joignaient aux Arabes pour dvaster, prfrant pro ter du pillage que de le subir.En vain En-Nacer essayait de lutter contre ses ennemis et de

    rprimer, avec la plus grande rigueur, les rvoltes des Berbres oudes Arabes, ceux-ci ne tardrent pas a reparatre dans le Hodna et y recommencer leurs dvastations ; ils taient appuys, cette fois, par les contingents des tribus zentes des Magraoua et Romert.El-Mansour, ls dEn-Nacer, ayant march contre eux, les fora la retraite et les poursuivit jusquau del de loasis de Biskra. Il parcourut ensuite le pays, chtiant les rebelles, et savana jusquOuargla, do il reprit le chemin de la Kala, en ramenant de nom- breux otages de la tribu dAthbedj. A peine tait-il de retour decette campagne, quil se vit contraint de marcher vers louest pour ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. I, p. 45, 46, t. II, p. 49, 50, 86, t. III, p.127, 128.

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    diviser pour leur livrer passage et sinstallrent leur place dans leHodna et les hauts plateaux du Magreb central, venant aboutir cette plaine.

    Les Athbedj se divisrent en plusieurs groupes, dont lun,Kerfa (ou Garfa) et Latif, occupa les oasis du Zab ; un autre (Dred)les versants infrieurs de lAours ; un autre (Dahhak et Aad) prit possession des montagnes bordant au nord le Hodna ; en n un qua-trime, form particulirement des Amour, stablit sur les plateauxattenant au mont Rached, qui prit son nom (Djebel-Amour).

    Quant aux Makil, assez peu nombreux du reste, ils se mas-

    srent aux environs du mont Rached. Une de leur tribus, celle desThaaleba, t irruption dans le Tell, au sud de Mda.Ainsi les provinces du Zab et du Hodna se trouvrent enti-

    rement aux mains des Arabes, et furent changes en solitudes par ce peuple dvastateur, qui laissait le vide aprs lui(1).

    VNEMENT DE SICILE. SUCCS DU COMTE ROGER. Revenons maintenant en Sicile, o des vnements importantsstaient produits pendant ces dernires annes.

    Dans le mois de septembre 1062, le comte Roger retournaen Sicile avec un Corps de soldats slavons quil avait enrls ;il emmenait aussi une femme, la courageuse comtesse Judith. Ladsunion des Musulmans les avait empchs de pro ter de leurssuccs, aprs la mort dIbn-Thimna. Roger, appel par les habitantsde Trajana, dposa sa femme dans cette ville et recommena sescourses dans lle, tombant limproviste sur les Musulmans etles mettant presque toujours en droute. Sur ces entrefaites, arriv-rent Palerme des secours envoys dAfrique par le prince zirideTemin, sous le commandement de ses deux ls Aoub et Ali.

    Un incident bien imprvu faillit mettre un terme la brillantecarrire de Roger. A la suite dexcs commis par les Normands,les habitants de Trajana appelrent les Musulmans et leur livrrent

    la ville. Le comte parvint cependant se retrancher dans un quar-tier, o il fut bloqu troitement pendant de longs mois et en proie toutes les misres. On dit quil possdait un seul manteau pour lui et sa femme et quils le prenaient alternativement lorsque lundeux avait sortir. Mais Roger ntait pas homme se laisser ainsi mourir de faim : il inquitait sans cesse lennemi par ses ____________________

    1. Ibn-Khaldoun, Berbres, t. I, p. 46, 52 et suivi., 57, 70, 122, 123.

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    LES NORMANDS EN SICILE (1067) 39

    attaques, ou il combattait toujours la tte de ses guerriers. Un jour,dans une sortie, stant laiss emporter par son ardeur habituelle, ilse vit tout coup entour de Musulmans, et, son cheval ayant t perc dun coup de lance, il roula terre. Les ennemis se jetaientsur lui pour le tuer, lorsque, parvenant se dgager par des effortssurhumains, il t, avec sa lourde pe, un tel moulinet autour de luiquil les loigna une distance respectueuse. Prenant alors la sellede son cheval sur sa tte, il rentra dans la villa sans tre inquit.Peu de temps aprs, les Normands foraient leurs adversaires lever le sige.

    Le Ziride Aoub avait pris le commandement et commencavec entrain les hostilits. Roger marcha contre lui et lui in igeadfaite sur dfaite. Cependant, malgr ces succs, la situation des Normands tait assez prcaire en Sicile, car leurs troupes suppor-taient des pertes incessantes. Robert promettait bien de venir ausecours de son frre, mais il tait retenu par ses guerres contre lesByzantins.

    Sur ces entrefaites, une otte, envoye par la rpublique dePise, arriva devant Messine et vint audacieusement enlever, dans le port, les galres musulmanes. Malgr les instances des Normands pour les retenir, les Pisans rentrrent chez eux emportant un riche butin, qui leur servit rebtir le dme de leur cathdrale(1).

    PRISE DE PALERME PAR LES NORMANDS. Roger tait pass sur le continent pour faire de nouvelles leves et tcher de dcider son frre le suivre. Au printemps de lanne 1064(2), les

    deux frres passrent en Sicile avec des renforts et vinrent essayer denlever Palerme. Mais ils ne purent y russit, manquant de otte,et les hostilits continurent sans succs de part ni dautre, grce lhabilet guerrire dAoub. Ibn-Haouachi avait fait son possi- ble pour se rapprocher de ce prince. Mais bientt la rupture clata,et Aoub resta seul matre de la Sicile musulmane. Ce fut alors la population de Palerme qui se souleva contre lui. Dgot de voir si peu de patriotisme parmi ses coreligionnaires dans un tel moment,Aoub rentra en Afrique suivi de tous ses partisans.Robert tait retourn en Italie. Ainsi Roger se trouva seul,au moment o la discorde des Musulmans avait pour consquencele dpart du plus dangereux adversaire des Normands. Il redoubla ____________________

    1. lie de la Primaudaie. Arabes et Normands, p. 268 et suiv. Amari,Musulmans de Sicile, t. III, p. 89 et suiv.

    2. lie de la Primaudaie donne tort la date de 1067.

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    daudace et dactivit et terri a les sectateurs de lIslam par la rapi-dit de ses courses : il semblait quil ft partout la fois. Pendanttrois annes, il ne cessa de combattre de cette faon, crasant par-tout les centres de rsistance et prparant, la conqute d nitive.

    Pendant, ce temps, Robert, sur la terre ferme, avait entreprisle sige de la place forte de Bari, dernier rempart des Byzantins.Le 16 avril 1071, il sen rendit matre avec laide de son frreRoger. Celui-ci retourna en Sicile aprs avoir obtenu la promesseque toutes les troupes disponibles lui seraient envoyes pour ache-ver la conqute. Bientt en effet, Robert arriva dans lle et aida son

    frre semparer de Catane.Pendant ce temps, ou prparait la otte dans les ports de laPouille, et on chargeait, tout le matriel qui avait servi au sige deBari. Dans le mois de juillet, les deux frres vinrent la chercher et mirent la voile avec cinquante-huit navires. Ils rent minedabord de se diriger sur Malte, puis ayant opr une volte-face,ils cinglrent sur Palerme et investirent cette ville par terre et par mer. Le duc (Robert) stablit au couchant et Roger dressa sestentes au midi, sur les bord. du euve Oreto. La otte vint se ranger devant le port(1).

    Les Musulmans, rsolus une dfense dsespre, et con- ants dans la solidit de leur, remparts, rsistrent dabord toutesles attaques. Temim ayant envoy sa otte au secours de Palerme,il se livra, en vue de la ville, une bataille navale qui se termina par la dfaite et la dispersion des navires musulmans.

    Le sige durait depuis quatre mois, sans que de grands pro-grs eussent t raliss, lorsque, par suite de la trahison des mer-cenaires chrtiens qui gardaient la forteresse dEl-Khalea, les Normands sen emparrent et y arborrent leur gonfalon rouge.Dans cette affaire, le duc Robert, accul au fond dune rue troite,avait failli prir et, navait d son salut quau secours apport a point par son frre. Les Musulmans staient rfugis dans la vieilleville (El Kar), et paraissaient dispos rsister jusqu la mort.

    Cependant, comme ils manquaient de vivres, ils se dcidrent accepter une capitulation honorable que leur offrit le duc Robert(10 janvier 1072).

    LE COMTE ROGER ACHVE LA CONQUTE DE LASICILE. Ainsi la capitale de la Sicile rentra, aprs deux cent qua-rante ans, en la possession des Chrtiens. Les princes normands se ____________________

    1. lie de la Primaudaie,Arabes et Normands, p. 284.

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    LES NORMANDS EN SICILE (1085) 41

    partagrent alors leurs conqutes : Robert conserva Palerme et leVal Demone ainsi que Messine. Le reste des possessions chrtien-nes de lle chut Roger qui prit le titre de comte de Sicile ; ilretint tous les soldais qui voulurent bien accepter ses offres, et il futconvenu que ce quil pourrait conqurir encore lui appartiendrait.Ainsi le duc de Pouille restait suzerain, avec le comte de Sicilecomme vassal, et un certain nombre de barons comme feudataires.

    Aprs avoir laiss Palerme un mir pour le reprsenter,Robert rentra charg de butin dons la Pouille ; la plus grande partiede larme le suivit. Le duc trouvant ses feudataires et ses allisdu continent peu disposs reconnatre son autorit, les rduisitalors par les armes et t disparatre quelques petites principauts.La fortune lui tait toujours dle et lon dit que le pape GrgoireVII, aprs avoir lutt contre lui et lavoir excommuni, nit par luidonner le titre de chevalier de Saint-Pierre et lui promettre lempiredOccident. En 1081, Robert passe en Grce et combat lempereur Alexis Comnne avec des chances diverses ; il rentre en Italie et bientt est appel par le pape assig dans le chteau Saint-Ange par lempereur Henri IV, le vaincu de Canossa, matre de presquetous les quartiers de Rome. Le duc livre aux ammes une partie dela ville ternelle, car lempereur na os ly attendre, rend la libertau Saint-Pre et lui offre, Salerne, un refuge ressemblant assez une prison. Peu aprs, tant retourn en Orient, il y obtient degrands succs et meurt dun accs de vre Cphalonie (17 juillet1085). Il laissait deux ls : Bomond et Roger qui se disputrentson hritage. Pendant que Robert essayait de raliser en Orient sesvises ambitieuses, Roger tendait, pas pas, son autorit en Sicile.Malheureusement, son sort tait intimement li celui de son frre,et il arrivait souvent que Robert le requrait de lui fournir lappuide son bras, pour ses guerres de terre ferme. Syracuse et le Val di Nota taient le centre de rsistance des Musulmans et Roger trouva parmi eux quelques adversaires dignes de lui. En 1076, il semparede Trapani, aprs un rude sige. Au mois daot 1078, Taorminasubit le mme sort. Pour rcompenser son frre des services par

    lui rendus lors de la premire expdition de Grce, Robert lui aban-donna le Val Demone.Un Musulman, dont les auteurs arabes ne parlent pas et que

    les chroniques appellent du nom altr de Benavert, avait pris enmain la direction de la rsistance contre les chrtiens dans lle.Ctait un homme vaillant et plein de ressources, et comme lecomte Roger envoyait ses meilleures troupes son frre ou passaitlui-mme sur le continent a n de laider, Benavert en pro tait pour

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    42 HISTOIRE DE LAFRIQUE

    attaquer ses avant-postes ou piller ses allis. En 1085, aprs la mortde Robert, le comte Roger traversa encore le dtroit et semploya faire russir llvation de son neveu Roger, au dtriment de Bo-mond. La moiti de la Calabre lui tait promise, fallait aussi en prendre possession. Benavert poussa alors laudace jusqu faireune descente en Calabre. Il pilla la villa de Nicotra, et, tant rentren Sicile, saccagea, Reggioles glises de saint- Nicolas et de Saint-Georges et enleva tout un couvent de femmes, quil emmena pour renforcer son harem. Roger ne tarda pas tirer une clatante ven-geance de cette insulte. Il vint audacieusement attaquer Syracuse,o Benavert stait rfugi, et se rendit, matre de cette ville aprsavoir tu son dfenseur (mai 1086). Peu aprs, les Normands sem- paraient de Girgenti, o rgnait une colonie dEdrisides hammoudi-tes (1087). En n, en 1091, la chute de Butera fut le dernier pisodede la conqute : toute lle appartint ds lors Roger (1).

    DESCENTE DES PISANS ET DES GNO